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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2014
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE POUR L’EXAMEN DU PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188)
TOME I
PAR Mme Ericka BAREIGTS, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, Mme Sabine BUIS, M. Denis BAUPIN et M. Philippe PLISSON
Députés
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Voir le numéro : 2188.
La Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est composée de M. François Brottes, président ; MM. Julien Aubert, Jean-Yves Caullet, Bertrand Pancher, Mme Béatrice Santais, vice-présidents ; MM. Patrice Carvalho, Daniel Fasquelle, Joël Giraud, Mme Catherine Troallic, secrétaires ; Mmes Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, MM. Denis Baupin et Philippe Plisson, rapporteurs ; MM. Damien Abad, Bernard Accoyer, Mme Sylviane Alaux, M. Christian Bataille, Mmes Catherine Beaubatie, Chantal Berthelot, MM. Philippe Bies, Yves Blein, Jean-Luc Bleunven, Christophe Borgel, Christophe Bouillon, Jean-Paul Chanteguet, André Chassaigne, Jean-Michel Clément, Gilbert Collard, Jean-Jacques Cottel, Charles de Courson, Pascal Deguilhem, Mmes Françoise Dubois, Cécile Duflot, MM. Nicolas Dupont-Aignan, Yves Fromion, Mme Geneviève Gaillard, MM. Claude de Ganay, Guy Geoffroy, Jean-Pierre Georges, Jean-Jacques Guillet, Michel Heinrich, Antoine Herth, Patrick Hetzel, Guénhaël Huet, Jacques Kossowski, Jacques Krabal, Mme Bernadette Laclais, MM. Jean Launay, Jean-Luc Laurent, Alain Leboeuf, Mme Anne-Yvonne Le Dain, MM. Jean-Yves Le Déaut, Serge Letchimy, Victorin Lurel, Hervé Mariton, Patrice Martin-Lalande, Mme Frédérique Massat, M. Rémi Pauvros, Mmes Josette Pons, Émilienne Poumirol, MM. Patrice Prat, Franck Reynier, Mme Sophie Rohfritsch, MM. Martial Saddier, Michel Sordi, Éric Straumann, Lionel Tardy, Jean-Marie Tetart, Stéphane Travert, Jean-Paul Tuaiva et Mme Clotilde Valter.
SOMMAIRE
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Pages
I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21
II. EXAMEN DES ARTICLES 39
TITRE IER – DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE ET LUTTER CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 39
Intitulé du Titre Ier : Modification de l’intitulé du Titre Ier 39
Avant l’article 1er 39
Article 1er (articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Objectifs de la politique énergétique 44
Après l’article 1er 129
Article 2 : Intégration dans les politiques publiques des objectifs de la politique énergétique 130
Après l’article 2 134
TITRE II – MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS 137
Article 3 A [nouveau] (article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation) : Rapport au Parlement sur la stratégie nationale à l’horizon 2050 139
Article 3 B [nouveau] (article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation) : Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels 141
Avant l’article 3 142
Article 3 (article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme) : Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation 144
Après l’article 3 149
Article 4 (articles L. 123-1-5 et L. 128-1 du code de l’urbanisme) : Institution d’obligations de performances énergétiques et environnementales dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage publique 150
Article 4 bis [nouveau] (article L. 111-10-5 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Carnet de santé numérique du logement 165
Article 4 ter [nouveau] (article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Critère minimal de performance énergétique 166
Après l’article 4 167
Article 5 (articles L. 111-9 et L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation, et article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965) : Dispositions réglementaires applicables en matière de performance énergétique des bâtiments et règles de majorité au sein des copropriétés pour les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique 183
Article 5 bis [nouveau] (article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation) : Rénovation énergétique du secteur tertiaire 213
Article 5 ter [nouveau] (article L. 213-4-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Marchés privés de bâtiment portant sur des travaux et prestations de service réalisés en sous-traitance 214
Article 5 quater [nouveau] (article L. 312-7 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Fonds de garantie pour la rénovation énergétique 216
Article 5 quinquies [nouveau] (article L. 232-2 [nouveau] du code de l’énergie) : Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique 218
Après l’article 5 218
Article 6 (articles L. 511-6, L. 511-33, L. 612-1, L. 612-2 du code monétaire et financier, article L. 333-4 du code de la consommation) : Mise en œuvre du service de tiers-financement 227
Article 6 bis [nouveau] (article L. 314-1 du code de la construction et de l’habitation) : Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire 238
Article 6 ter [nouveau] (article L. 241-9 du code de l’énergie) : Précision de la notion de « coût excessif » 240
Après l’article 6 241
Avant l’article 7 243
Article 7 : Institution de sanctions administratives par voie d’ordonnances 246
Article 7 bis [nouveau] (article L. 337-3-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Mise à disposition des consommateurs des données sur leur consommation 248
Après l’article 7 256
Article 8 (articles L. 221-1, L. 221-6 à L. 221-10, L. 221-12, L. 222-1, L. 222-2, L. 222-7 et L. 222-9 du code de l’énergie) : Amélioration du dispositif des certificats d’économie d’énergie 258
Article 8 bis [nouveau] (article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles) : Harmonisation des dates de fin de trêve locative et énergétique 274
Article 8 ter [nouveau] : Rapport au Parlement sur les colonnes montantes dans les immeubles d’habitation 275
Après l’article 8 276
TITRE III – DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ 279
Chapitre Ier A : Priorité aux modes de transport les moins polluants 279
Article 9 A [nouveau] : Logistique urbaine pour les « derniers kilomètres » 279
Article 9 B [nouveau] : Priorité aux transports en commun moins polluants et au report modal 279
Avant l’article 9 280
Chapitre Ier : Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports 281
Article 9 (articles L. 224-1, L. 224-5, articles L. 224-6, L. 224-7, L. 224-7-1, L. 224-7-2 et L. 224-8 [nouveaux] du code de l’environnement, articles L. 318-1 et L. 318-2 du code de la route) : Obligation renforcée pour l’État et les établissements publics d’acquérir des véhicules hybrides ou électriques, et expérimentation de véhicules innovants à délégation de conduite 281
Article 9 bis [nouveau] : Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures correspondantes 296
Après l’article 9 298
Article 10 (articles L. 111-5-2 et L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation, article L. 123-1-12 du code de l’urbanisme, article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) : Déploiement d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables 301
Après l’article 10 320
Article 11 (articles L. 641-5, L. 641-6 et L. 661-1-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Développement des biocarburants avancés et surveillance de la qualité des carburants 321
Après l’article 11 327
Chapitre II : Réduction des émissions et qualité de l’air dans les transports 328
Avant l’article 12 328
Article 12 : Objectifs contraignants de réduction de l’intensité en gaz à effet de serre pour le secteur de la grande distribution 328
Article 12 bis [nouveau] : Réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant des activités au sol des plateformes aéroportuaires 331
Article 13 (article L. 2213-4-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales, articles L. 222-6, L. 223-1, L. 223-2, L. 228-3 et L. 361-2 du code de l’environnement) : Mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air et prime à la conversion des véhicules 334
Après l’article 13 342
Article 14 (article L. 1231-15 du code des transports et article L. 173-1 du code de la voirie routière) : Modification de la définition du covoiturage et habilitations pour l’instauration de servitudes 343
Article 14 bis [nouveau] (article L. 1213-3-1 du code des transports) : Extension des objectifs du schéma régional de l’intermodalité 349
Article 14 ter [nouveau] (articles L. 1213-3-2-1 [nouveau] et L. 1213-3-3 du code des transports) : Plans de mobilité rurale 350
Article 14 quater [nouveau] : Voies routières réservées aux comportements plus respectueux de l’environnement : demande de rapport au Parlement 351
Après l’article 14 352
Article 15 (articles L. 130-8, L. 318-3 et L. 318-4 du code de la route) : Délit de « défapage » 353
Après l’article 15 354
Article 16 : Habilitation à transposer par voie d’ordonnance la directive 2012/33/UE sur la teneur en soufre des combustibles marins 355
Chapitre III : Mesures de planification relatives à la qualité de l’air 356
Article 17 (article L. 222-9 [nouveau] du code de l’environnement) : Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques 356
Article 18 (articles L. 221-2, L. 222-4, L. 222-5, L. 222-6 et L. 572-2 du code de l’environnement, articles L. 1214-7 et L. 1214-8-1 du code des transports, articles L. 123-1-9 et L. 123-12-1 du code de l’urbanisme, et article L. 301-5-1 du code de la construction et de l’habitation) : Mesures de simplification et d’amélioration de la planification territoriale en matière de qualité de l’air 359
Article 18 bis [nouveau] (article 4 de la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 et article L. 253-8 du code rural) : Interdictions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques 365
Après l’article 18 369
TITRE IV – LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE 371
Avant l’article 19 371
Article 19 (article L. 110-1 du code de l’environnement) : Transition vers un modèle d’économie circulaire et objectifs de la politique en matière de déchets 374
Article 19 bis [nouveau] (article L. 541-10-5 du code de l’environnement) : Interdiction de la mise à disposition de sacs de caisse en matière plastique 384
Article 19 ter [nouveau] (article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014) : Mise en place de schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables 386
Article 19 quater [nouveau] (articles L. 541-21-3 à L. 541-21-5 [nouveaux], article L. 541-10-2 du code de l’environnement et article 59 octies du code des douanes) : Récupération des véhicules hors d’usage. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques. Contrôle des transferts transfrontaliers de déchets 389
Après l’article 19 392
Avant l’article 20 395
Article 20 (article L. 541-1 du code de l’environnement) : Renforcement des principes de proximité et d’autosuffisance en matière de déchets 396
Après l’article 20 398
Article 21 (article L. 541-10 du code de l’environnement) : Mise en place d’incitations financières en faveur d’une gestion de proximité des déchets 399
Article 21 bis [nouveau] (article L. 541-14 du code de l’environnement) : Extension du contenu des plans départementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux 403
Article 21 ter [nouveau] : Interdiction de la production, de la distribution, de la vente, de la mise à disposition et de l’utilisation de sacs constitués de plastique oxo-fragmentable 404
Article 21 quater [nouveau] (article L. 541-10-9 [nouveau] du code de l’environnement) : Reprise des déchets par les distributeurs de matériaux, produits et équipements destinés aux bâtiments et aux travaux publics 405
Après l’article 21 408
Article 22 (articles L. 541-21-2, L. 541-33 et L. 541-39 du code de l’environnement) : Institution d’une obligation de tri des déchets de bois 409
Article 22 bis [nouveau] (article L. 213-1 du code de la consommation) : Lutte contre l’obsolescence programmée des produits 411
Article 22 ter [nouveau] (article L. 222-1 du code de l’environnement) : Recensement de l’ensemble des réseaux de chaleur 412
Article 22 quater [nouveau] (article L. 229-26 du code de l’environnement) : Valorisation du potentiel en énergie de récupération 413
Article 22 quinquies [nouveau] (articles L. 541-13 et L. 541-14 du code de l’environnement) : Optimisation des équipements existants aux plans interrégional et interdépartemental 414
Article 22 sexies [nouveau] (article L. 581-43 du code de l’environnement) : Réduction du délai de mise en conformité des publicités, enseignes et préenseignes 414
Article 22 septies [nouveau] (article L. 2234-22 du code général des collectivités territoriales) : Incitation à la maîtrise de l’éclairage public 415
Article 22 octies [nouveau] : Rapport au Parlement sur le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage 416
Article 22 nonies [nouveau] : Rapport au Parlement identifiant les produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie du producteur 417
Après l’article 22 418
TITRE V – FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES 423
Chapitre Ier : Dispositions communes 423
Article 23 A [nouveau] : Prise en compte de l’énergie de récupération dans les textes relatifs à la construction et à l’urbanisme 423
Avant l’article 23 427
Article 23 (articles L. 311-6, L. 314-4, L. 314-7, L. 314-7-1 [nouveau] L. 314-1, L. 314-18 à L. 314-23 [nouveaux], L. 121-7 du code de l’énergie 1519D et 1519F du code général des impôts) : Complément de rémunération 429
Article 24 (articles L. 311-12 et L. 311-13, articles L. 311-13-1 à L. 311-13-3 [nouveaux], article L. 311-19 du code de l’énergie) : Adaptation des procédures d’appel d’offres pour la production d’électricité renouvelable 471
Article 25 (articles L. 311-14 et L. 311-15 du code de l’énergie) : Renforcement et élargissement des sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables 479
Article 25 bis [nouveau] (article 88 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010) : Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements 483
Après l’article 25 484
Article 26 (article L. 2253-2 du code général des collectivités territoriales) : Participation des communes et de leurs groupements au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables 486
Article 27 (article L. 314-24 [nouveau] du code de l’énergie) : Financement participatif dans les sociétés de projet de production d’énergie renouvelable 487
Article 27 bis [nouveau] (article L. 214-17 du code de l’environnement) : Mise à jour des listes de classements des cours d’eau 491
Article 27 ter [nouveau] (article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947) : Plafond de rémunération du capital investi dans des coopératives de production d’énergie renouvelable 492
Article 27 quater [nouveau] (article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014) : Assouplissement des règles de gestion imposées aux sociétés d’investissement participatif dans les activités de production d’énergie renouvelable 493
Après l’article 27 494
Chapitre II : Concessions hydroélectriques 496
Article 28 (articles L. 521-16-1 à L. 521-16-3 [nouveaux] et L. 532-2 du code de l’énergie) : Méthode du barycentre 496
Article 28 bis [nouveau] (article L. 523-2 du code de l’énergie) : Modification de la répartition de la redevance hydraulique entre les communes et les communautés de communes ou d’agglomération 504
Article 29 (articles L. 521-18 à L. 521-20 [nouveaux] et L. 524-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Sociétés d’économie mixte hydroélectriques 505
Après l’article 29 509
Chapitre III : Mesures techniques complémentaires 511
Article 30 : Habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures techniques 511
Article 30 bis [nouveau] (article L. 164-1-1 [nouveau] du code minier) : Assurance obligatoire pour l’exploitation de sites géothermiques de minime importance 515
Article 30 ter [nouveau] : Demande de rapport au Gouvernement sur le régime des installations d’autoproduction d’électricité 515
Article 30 quater [nouveau] : Demande de rapport au Gouvernement sur l’élaboration d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné 516
Après l’article 30 517
TITRE VI – RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS 521
Article 31 (articles L. 125-17 et L. 125-20, L. 125-16-1 et L. 125-25-1 [nouveaux], et L. 592-31 du code de l’environnement) : Information et transparence en matière nucléaire 521
Article 31 bis [nouveau] (articles L. 593-14, L. 593-15 et L. 593-19 du code de l’environnement) : Régime des autorisations délivrées par l’ASN et consultation du public sur les dispositions consécutives aux examens de sûreté des installations au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement 531
Après l’article 31 535
Article 32 (articles L. 593-24, et L. 593-25 à L. 593-31 [nouveaux] du code de l’environnement) : Démantèlement des installations nucléaires de base 540
Article 33 : Habilitation à renforcer par ordonnance les pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire et à transposer des directives européennes 545
Après l’article 33 554
Article 34 : Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2011/70 Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 556
Article 34 bis [nouveau] (articles L. 597-2, L. 597-5, L. 597-24, L. 597-25, L. 597-27 à L. 597-29, L. 597-32, L. 597-34 et L. 597-45 du code de l’environnement) : Incorporation dans le droit national des prescriptions conventionnelles relatives à la responsabilité nucléaire civile 561
Après l’article 34 563
TITRE VII – SIMPLIFIER ET CLARIFIER LES PROCÉDURES POUR GAGNER EN EFFICACITÉ ET EN COMPÉTITIVITÉ 567
Chapitre Ier : Simplification des procédures 567
Article 35 (articles L. 121-9 du code de l’environnement et L. 323-3 du code de l’énergie) : Suppression du débat public pour la construction de réseaux électriques et gaziers 567
Article 36 (article L. 121-4 du code de l’énergie) : Extension du champ de compétence de RTE au domaine public maritime 570
Après l’article 36 571
Article 37 (articles L. 146-4 et L. 146-6 du code de l’urbanisme) : Extension des dérogations à la loi littoral et aux règles de préservation des espaces remarquables pour permettre la pose de lignes électriques 573
Après l’article 37 577
Article 38 (articles L. 111-86, L. 111-89, L. 111-95, L. 321-5 et L. 322-12 du code de l’énergie) : Toilettage et clarification de diverses dispositions du code de l’énergie 578
Article 38 bis [nouveau] (article L. 514-6 du code de l’environnement) : Inopposabilité des règles d’urbanismes postérieures à l’autorisation d’une installation classée 582
Article 38 ter [nouveau] (ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 et ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014) : Généralisation de l’expérimentation du permis unique pour les éoliennes terrestres et les méthaniseurs 582
Après l’article 38 584
Chapitre II : Régulation des réseaux et des marchés 589
Article 39 (article L. 321-7 du code de l’énergie) : Compétence explicite de la CRE pour la validation des méthodes d’évaluation du coût prévisionnel des ouvrages prévus par les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) 589
Article 40 (articles L. 335-3 et L. 335-5 du code de l’énergie) : Adaptation de règles liées au marché de capacité 592
Article 40 bis [nouveau] (article L. 321-15-2 du code de l’énergie) : Compétence de RTE pour limiter les risques de fraude sur le marché de l’électricité 594
Article 41 (articles L. 337-5 et L. 337-6 du code de l’énergie) : Évolution du mode de calcul des tarifs réglementés vente 595
Article 42 (articles L. 111-56, L. 11-56-1 [nouveau], L. 341-2 et L. 341-3 du code de l’énergie et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) : Calcul du coût du capital pris en compte dans le TURPE en se fondant sur une méthode économique 597
Article 42 bis [nouveau] (article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) : Inventaire des besoins d’investissement sur les réseaux de distribution d’électricité 609
Après l’article 42 610
Article 43 (article L. 351-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Tarification des réseaux différenciée pour les entreprises électro-intensives 611
Article 43 bis [nouveau] (article L. 451-4 du code de l’énergie) : Transposition des dispositions relatives à la tarification différenciée aux entreprises gazo-intensives 615
Après l’article 43 615
Article 44 (article L. 341-4 du code de l’énergie) : Tarification des réseaux différenciée entre les consommateurs pour limiter les pointes locales 616
Article 44 bis [nouveau] (article L. 452-2-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Transposition des dispositions relatives à la tarification différenciée visant à limiter les pointes aux entreprises gazo-intensives 617
Article 45 (article 25 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation) : Accorder aux ELD le bénéfice des tarifs de cession durant la période des offres transitoires succédant à l’extinction des tarifs réglementés de vente 618
Article 45 bis [nouveau] (article L. 121-29, L. 121-31, L. 151-4 et L. 362-4 du code de l’énergie) : Fonds de péréquation des charges de distribution d’électricité 619
Après l’article 45 620
Chapitre III : Habilitations et dispositions diverses 621
Article 46 : Habilitations à prendre par ordonnance diverses mesures 621
Article 47 (articles L. 134-13, L. 134-18, L. 143-6, L. 431-6 et L. 432-10 du code de l’énergie) : Mesures diverses 630
Après l’article 47 631
TITRE VIII – DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE 633
Chapitre Ier : Outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique : programmation, recherche et formation 633
Article 48 (articles L. 222-1-A, L. 222-1-B, L. 222-1-C, L. 222-1-D, L. 222-1-E [nouveaux] et L. 133-2 du code de l’environnement) : Budgets carbone et stratégie bas-carbone 633
Article 49 (articles L. 141-1 à L. 141-3 et L. 141-4 à L. 141-12 [nouveaux] du code de l’énergie) : Programmation pluriannuelle de l’énergie et programmation des capacités énergétiques 646
Article 49 bis [nouveau] (article L. 145-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Création d’un comité d’experts pour la transition énergétique 660
Après l’article 49 661
Article 50 (articles L. 121-6 à L. 121-28-1, L. 121-28-2 du code de l’énergie) : Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité 664
Après l’article 50 671
Article 51 (articles L. 11-72, L. 111-73, L. 111-77, L. 111-80 à L. 111-82, L. 133-6, L. 142-1, L. 142-3, L. 142-4, L. 142-9-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Amélioration de l’accès aux données de production et de consommation d’énergie et registre national des installations de production et de stockage d’électricité 673
Article 52 : Adaptation des politiques de l’emploi aux effets de la transition écologique et énergétique 679
Après l’article 52 682
Article 53 (articles L. 144-1A [nouveau] et L. 144-1 du code de l’énergie) : Recherche et innovation dans le domaine de la politique énergétique 683
Article 54 (articles L. 321-6-1 [nouveau], L. 322-8, L.431-3 et L. 432-8 du code de l’énergie) : Adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’efficacité énergétique 687
Article 54 bis [nouveau] (articles L. 592‑41 à L. 592-44 [nouveaux] du code de l’énergie) : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire 688
Après l’article 54 689
Chapitre II : Le pilotage de la production d’électricité 691
Article 55 (articles L. 311-1, L. 311-5, L. 311-5-1 à L .311-5-7 [nouveaux] du code de l’énergie) : Pilotage du mix énergétique : réforme des autorisations d’exploiter et plan stratégique des exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité 691
Après l’article 55 704
Chapitre III : La transition énergétique dans les territoires 704
Article 56 (articles L. 222-1, L. 229-26 du code de l’environnement, L. 2224-32 et L. 2224-34, L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales et article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011) : Le plan climat air énergie territorial 704
Article 56 bis [nouveau] (articles L. 123-1-2 à L. 123-1-4 du code de l’urbanisme) : Prise en compte de l’énergie dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme 715
Après l’article 56 716
Article 57 (article L. 2224-38 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Réseaux publics de chaleur et de froid 717
Article 58 : Expérimentation sur le développement des services de flexibilité locaux 721
Article 59 : Habilitation relative au déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents et de dispositifs de gestion optimisée de l’énergie 724
Article 60 (articles L. 121-5, L. 121-8, L. 121-13, L. 121-16, L. 121-32, L. 121-35 à L. 121-37, L. 121-40, L. 124-1 à L. 124-4 [nouveaux], L. 337-3 et L. 445-5 du code de l’énergie) : Chèque énergie 728
Après l’article 60 737
Chapitre IV : Dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non interconnectées 737
Article 61 (article L. 141-5 [nouveau] du code de l’énergie) : Programmation pluriannuelle de l’énergie dans les Outre-mer 737
Après l’article 61 743
Article 62 : Habilitation de la Martinique et la Guadeloupe à fixer des règles dans le domaine de l’énergie 746
Article 63 (articles L. 4433-7 et L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales) : Intégration du SRCAE dans le schéma d’aménagement régional 753
Article 63 bis [nouveau] (article L. 4433-1-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Plan régional d’action sur l’économie circulaire 754
Article 63 ter [nouveau] (article L. 4433-4-11 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Octroi d’une compétence au président du Conseil régional de Martinique en matière de mise en cohérence des textes régionaux de programmation sur l’environnement et l’énergie 755
Article 63 quater [nouveau] : Sanction de l’abandon d’épave de véhicule 755
Article 63 quinquies [nouveau] : Rapport sur l’application à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna des dispositions du projet de loi 756
Après l’article 63 758
Article 64 (article L. 121-7 du code de l’énergie) : Couverture des coûts échoués de projets de production d’électricité dans les Outre-mer 758
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME MARIE-NOËLLE BATTISTEL, RAPPORTEURE DES TITRES IER ET V 763
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME SABINE BUIS, RAPPORTEURE DES TITRES II ET IV 767
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M. PHILIPPE PLISSON, RAPPORTEUR DES TITRES III ET VI 771
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME ERICKA BAREIGTS, RAPPORTEURE DES TITRES VII ET VIII (CHAPITRE 4) 775
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M. DENIS BAUPIN, RAPPORTEUR DU TITRE VIII (CHAPITRES 1, 2 ET 3) 777
Le Tome III (comptes rendus des auditions) est publié sous la forme d’un CD-Rom
Les amendements examinés par la commission sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale (1).
La société industrielle apparue au XIXe siècle a transformé les relations de l’humanité avec son environnement. Essentiellement fondée sur l’exploitation des ressources naturelles, sur l’accroissement de la productivité des sols et sur la consommation d’énergie, elle a permis aux peuples d’atteindre des taux de croissance inconnus jusque-là. Mais chacun sait que ce modèle, qui fut le nôtre pendant deux cents ans, ne peut se perpétuer indéfiniment. Il fonctionne en puisant dans un stock de ressources que la nature a mis des millions d’années à constituer et qui ne peuvent aller qu’en s’épuisant. Leur consommation, plus ou moins raisonnée, par les générations passées et présentes obère en partie l’avenir des humains de demain. Ainsi que l’écrivait dès 1882 Dimitri Mendeleïev, père de la classification périodique des éléments, « ce matériel est trop précieux pour être brûlé ; quand nous brûlons du pétrole, nous brûlons de l’argent ».
On peut dater du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992, la prise de conscience de l’humanité sur sa responsabilité dans la protection de son environnement, dans le propre intérêt de sa survie à long terme. La raréfaction des ressources – qu’elles soient faunistiques, floristiques ou minérales – et l’impact de leur consommation sur les écosystèmes – gaz à effet de serre, pollution des sols et des eaux – ont convaincu de l’urgence d’une action volontariste et concertée. Il a cependant fallu attendre encore quelques années pour passer des paroles aux actes. Si la Charte de l’environnement a été constitutionnalisée dès le 1er mars 2005, ce n’est qu’avec les lois relatives à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (2) que la France a commencé à édicter une batterie de mesures opérationnelles répondant aux enjeux auxquels elle se trouvait confrontée.
Pour novatrice qu’elle fût, la démarche du Grenelle de l’environnement est généralement apparue comme insuffisante. La politique en faveur de la transition d’une économie consommatrice et polluante vers une société de la sobriété devait se poursuivre. Élu en 2012, le Président de la République François Hollande a fait de cette action l’une des priorités de son quinquennat.
La Conférence environnementale sur le développement durable des 14 et 15 septembre 2012 a été l’occasion pour le Gouvernement d’établir une « feuille de route » destinée à offrir aux parties prenantes une perspective sur laquelle fonder leurs orientations. Cinq tables rondes ont été organisées déclinant les différentes thématiques de la transition écologique : la transition énergétique, la biodiversité, les risques sanitaires, la fiscalité verte et la gouvernance environnementale. Chacun de ses aspects devait trouver sa traduction dans un projet de loi spécifique (3).
Dans l’ensemble de la transition écologique, le volet relatif à la transition énergétique apparaît particulièrement structurant. Concept créé en Allemagne dans les années 1980 pour préparer une réduction du poids du pétrole et de l’atome, il prône le développement des sources renouvelables et la démocratisation de l’approvisionnement en énergie. Ces lignes de force doivent venir compléter les priorités traditionnelles de la politique énergétique française exprimées à l’article L. 100-1 du code de l’énergie : assurer la sécurité d’approvisionnement, maintenir un prix de l’énergie compétitif, préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre, et garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie. Par ailleurs, en des temps marqués par une croissance en berne, le verdissement de l’économie doit être l’occasion d’une relance susceptible d’engager la France sur le sentier de la sortie de crise.
En novembre 2012, le ministère de l’écologie a lancé un « débat national sur la transition énergétique ». Un portail internet (4) contenant des informations et des « cahiers d’acteurs » a permis à chaque citoyen de contribuer en ligne. Des débats régionaux ont abouti à des recommandations vouées à mieux concevoir le projet de loi. Quatre instances étaient chargées du pilotage du débat :
• un conseil national du débat (CND), comprenant 112 membres répartis en sept collèges (État, employeurs, syndicats, associations de défense de l'environnement, autres associations, élus locaux et parlementaires) ;
• un comité de pilotage garantissant le respect des règles du débat, composé de six personnalités : Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva ; Laurence Tubiana, directrice de la chaire développement durable de Sciences Po Paris ; Jean Jouzel, climatologue et membre du conseil d’administration Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; George Mercadal, ancien vice-président de la Commission nationale du débat public ; Michel Rollier, ancien dirigeant du groupe Michelin ; et Bruno Rebelle, ancien responsable de Greenpeace France ;
• un secrétariat général coordonnant un groupe d'experts, un comité citoyen, un groupe de contact des entreprises de l'énergie et un comité de liaison du débat décentralisé ;
• des groupes de travail produisant chacun un rapport rendu au Conseil national.
Des débats citoyens ont été organisés sur tout le territoire à partir de janvier 2013 à l'initiative de collectivités territoriales, d’associations, d'entreprises ou d'universités. Ils ont permis d’impliquer au mieux les Français dans la transition énergétique.
Une journée citoyenne a été organisée le 25 mai 2013 dans quatorze régions continentales comme ultramarines. Plus d’un millier de citoyens ont été invités à formuler leurs positions sur dix-huit thématiques jugées centrales, après avoir reçu une même information équilibrée sur le sujet.
Les conférences régionales organisées dans chaque région, de février à mai 2013, par la collectivité régionale et la DREAL, ont apporté des contributions sur l’état des lieux énergétique et sur les enjeux d’une transition réussie. Un document de synthèse des débats territoriaux a été remis au Gouvernement par l'Association des régions de France, le 8 juillet 2013.
Les travaux préparatoires à la rédaction du projet de loi ont commencé en décembre 2013, sous l'égide d'une commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE), commission consultative présidée par le ministre de l’écologie et comprenant cinquante membres (5). Le 18 juin 2014, la ministre de l’écologie a présenté le projet de loi au Conseil des ministres. Le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental ont rendu leurs avis le 3 et le 10 juillet. Le texte a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 30 juillet, et mis à la disposition des députés dès le lendemain 1er août.
Eu égard à l’importance fondamentale du projet de loi, à la richesse de son contenu et à la volonté partagée de mener avec célérité le processus législatif, l’Assemblée nationale a privilégié la procédure solennelle de la commission spéciale pour procéder à son premier examen. Constituée le 9 septembre, soit au premier jour de la session extraordinaire, elle a élu à sa présidence M. François Brottes et désigné cinq rapporteurs : Mmes Marie-Noëlle Battistel sur les titres Ier et V, Sabine Buis sur les titres II et IV, et Ericka Bareigts sur le titre VII et le chapitre IV du titre VIII, ainsi que MM. Philippe Plisson sur les titres III et VI, et Denis Baupin sur les chapitres Ier à 3 du titre VIII.
La commission spéciale a procédé durant deux semaines à l’audition des principales parties prenantes suivant un rythme extrêmement élevé. Elle a par la suite examiné les articles du projet de loi au cours de onze séances tenues entre le 24 et le 27 septembre. Le projet de loi qu’elle a adopté, préservant les équilibres tout en apportant d’utiles améliorations, a été mis à la disposition des députés dans la perspective de la séance publique dès le 29 septembre.
Lors de sa réunion du mercredi 24 septembre 2014, la commission a examiné le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188) sur le rapport de Mmes Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, MM. Denis Baupin et Philippe Plisson, rapporteurs.
M. le président François Brottes. Mes chers collègues, d’ici à samedi prochain nous examinerons 2 383 amendements, ce qui constitue un record en commission.
Je suis heureux d’accueillir Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui se trouvait hier encore à New York pour assister au sommet sur le climat convoqué par M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’Organisation des nations unies.
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En participant à la sixième semaine du climat de New York, j’ai constaté la mobilisation mondiale que suscite le sujet que nous abordons ce matin. Le secrétaire général de l’ONU est évidemment très fortement engagé et, dimanche dernier, lors de la marche des peuples pour le climat, plus de 350 000 personnes étaient dans les rues de Manhattan, tandis que d’autres manifestaient, par exemple, à Paris. Les citoyens se mobilisent désormais pour inciter les dirigeants de la planète à prendre leurs responsabilités.
Sur la question du climat, notre pays est aujourd’hui au centre de l’attention mondiale. Avec le Portugal, la France aura, en effet, la responsabilité d’organiser à Paris la Conférence climat de 2015 (COP21). Dès le mois d’octobre prochain, un Conseil européen consacré au paquet climat-énergie sera également suivi de près par de très nombreux pays, qui sauront alors si l’Europe a le courage et la volonté de poser les bases d’une véritable lutte contre le réchauffement climatique.
M. Dominique Ristori, le directeur général de l’énergie de la Commission européenne, a qualifié le projet de loi d’avant-gardiste. Ce texte nous permettra, en effet, de disposer d’une des législations les plus avancées d’Europe en la matière.
Je remercie tous les députés qui ont déposé des amendements. Le Gouvernement sera ouvert aux propositions tout en veillant à la cohérence d’un texte qui doit être efficace et immédiatement applicable. Les entreprises du secteur de la croissance verte attendent que nous leur envoyions des signaux forts pour créer des emplois. Les pays les plus touchés par le réchauffement climatique comptent aussi sur une action immédiate et forte, et il y a urgence à entendre le cri poussé par les représentants de nations insulaires dont la survie est déjà menacée.
Aujourd’hui, le réchauffement climatique déplace plus de populations dans le monde et crée plus de réfugiés que les conflits et les guerres. Il en va donc aussi de la protection de la paix mondiale.
Avec ce texte, nous devons collectivement traiter d’enjeux considérables. Le contexte est positif : hier, à la tribune de l’ONU, tous les chefs d’État du monde ont dit leur volonté d’avancer sur le sujet. Personne ne souhaite prendre la responsabilité d’un échec de la Conférence sur le climat, comme ce fut le cas à Copenhague en 2009.
L’œuvre législative que nous allons accomplir revêt une dimension à la fois européenne et mondiale. Espérons qu’en nous montrant prêts à entrer dans un autre système économique, à adopter d’autres valeurs et à entamer une mutation énergétique forte, nous aiderons d’autres pays à avancer.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Je tiens à saluer le formidable travail préparatoire au terme duquel a été déposé un texte qui donne force de loi à la feuille de route tracée par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de 2013, et qui traduit les engagements de campagne du candidat François Hollande.
Depuis deux ans, une large concertation s’est tenue sur les territoires, qui a associé l’ensemble des acteurs intéressés par la transition énergétique : citoyens, associations, élus, chercheurs et acteurs économiques, tous se sont mobilisés. Un dialogue renforcé avec toutes les parties prenantes, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, du Conseil national de la transition écologique, et des Conférences environnementales annuelles a permis de poursuivre les efforts initiés par le Grenelle de l’environnement. Il s’agit donc d’un texte qui s’inscrit dans la continuité des actions menées par notre pays, et qui marque une rupture annonciatrice d’une croissance verte créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès.
Le titre Ier du projet de loi vise à « définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique de la France et lutter contre le réchauffement climatique ». Il comprend deux articles définissant les objectifs des politiques publiques en matière d’énergie.
L’article 1er procède à la modification de trois des quatre articles du titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie, relatifs aux objectifs de la politique énergétique. La plupart des objectifs assignés à la politique énergétique figurent d’ores et déjà dans le code de l’énergie. Ils sont pour la plupart issus de la loi de programme, du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE. Aujourd’hui, il s’agit de les moderniser de manière à rendre encore plus ambitieuse notre politique énergétique.
Ainsi, est consacré le principe selon lequel la politique énergétique vise « l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois » grâce à « la mobilisation de toutes les filières industrielles et notamment celles de la croissance verte ». Définie comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, la croissance verte associe autant les industries directement liées à l’environnement – assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables – que les secteurs traditionnels tels que les transports, l’agriculture et le bâtiment.
Par ailleurs, l’article 1er consacre les territoires à énergie positive (TEPOS), dont la reconnaissance constitue une étape importante pour la promotion de territoires propres engagés dans une démarche de transition énergétique. Cette disposition est évidemment à rapprocher de l’article 56 du projet de loi, qui vise à impulser une dynamique d’expérimentation de territoires à énergie positive, partagée entre l’État et les collectivités territoriales, l’objectif étant d’engager 200 expérimentations de territoires à énergie positive d’ici à 2017.
Enfin, l’article 1er actualise les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale, en déployant une feuille de route ambitieuse. Deux nouveaux objectifs quantitatifs d’importance viennent compléter ceux déjà formulés : la réduction de la consommation énergétique finale des énergies, et la réduction de la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité. Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets dans le cadre de l’examen du titre VI rapporté par Philippe Plisson. Pour ma part, je suis convaincue que cette stratégie met en œuvre de manière ambitieuse la transition énergétique et écologique. Il est temps de faire évoluer notre modèle énergétique et de faire face aux défis qui sont devant nous, à l’échelle nationale et internationale.
Le titre V consacré aux énergies renouvelables (EnR) était attendu : il est au cœur d’une transition énergétique ambitieuse, audacieuse, qui confirme le rang de la France parmi les nations à la pointe de la lutte contre le changement climatique.
L’ambition et l’audace sont au rendez-vous, et le soutien aux énergies renouvelables est renforcé. L’article 23 reconnaît les producteurs d’énergie verte comme de vrais acteurs de marché, qui ont toute leur place dans notre mix énergétique. Il ne s’agit plus, comme il y a dix ans, d’accompagner des filières encore balbutiantes, car la production d’énergie renouvelable en France est devenue une réalité tangible. Nous serons néanmoins attentifs à ce que le basculement vers une logique de marché ne soit pas trop abrupt, notamment pour les petites exploitations et les filières non matures.
De même, il faut se féliciter de l’introduction de nouvelles sanctions, à l’article 25, pour lutter contre le dévoiement des dispositifs d’aide. Aujourd’hui, beaucoup de producteurs d’énergie renouvelable, de bonne foi, constatent avec amertume la multiplication des fraudes. Celles-ci ternissent leur image et sèment le doute sur les capacités de développement vertueux du secteur. Nous attendons un signal fort du Gouvernement pour mettre en œuvre ces sanctions grâce à des contrôles renforcés.
Enfin, il faut souligner, aux articles 26 et 27, la remarquable avancée que constitue la possibilité de développer, à l’échelle des territoires, des projets d’exploitation d’électricité renouvelable, qui associent habitants, collectivités et porteurs de projet. Le financement participatif dans le domaine du renouvelable constitue peut-être une des mesures les plus prometteuses du projet de loi : il permettra à la fois d’encourager les projets citoyens et d’améliorer l’adhésion des habitants qui en seront désormais un peu les propriétaires.
Afin de bien comprendre les dispositions du projet de loi relative à l’hydroélectricité, il convient de remettre le sujet en perspective. Nous partons de loin : en 2010 était actée la mise en concurrence sans condition du parc hydroélectrique français, mais cette décision n’était pas satisfaisante, comme nous l’avions relevé avec Éric Straumann, dans notre rapport d’information sur l’hydroélectricité. Aujourd’hui, la ligne a bougé, donnant lieu à de nouvelles possibilités. Ainsi, le barycentre est une méthode innovante, qui permet de prendre en compte des périmètres cohérents à partir de concessions dont les dates d’échéance sont désormais étalées dans le temps. Les sociétés d’économie mixte hydroélectrique permettent d’associer pleinement les acteurs locaux à la gestion de l’eau, qui est au centre de nombreux usages.
Nous défendrons des amendements pour améliorer le dispositif. L’un concernera notamment la mise en place de comités de gestion de l’eau lorsque l’État ne demande pas la création d’une société d’économie mixte (SEM) hydroélectrique. Un autre sera relatif à la possibilité de prolonger les concessions sous condition de travaux. De cette façon, la France se dotera d’une véritable « boîte à outils ». En fonction du contexte propre à chaque vallée, nous serons en mesure de trouver des solutions adaptées.
La loi de transition énergétique permettra de préserver le contrôle sur le parc hydroélectrique français et de garantir la mise en valeur d’une énergie renouvelable décisive. J’aime à le rappeler : l’hydroélectricité est la plus compétitive, la plus propre des énergies ; surtout, elle permet de stocker l’électricité.
Mme Sabine Buis, rapporteure pour les titres II et IV. En matière de transition énergétique, les attentes concernant le domaine du bâtiment et l’économie circulaire sont telles que je n’ai malheureusement pas été en mesure de recevoir toutes les personnes qui le souhaitaient. Je les prie de bien vouloir ne pas m’en tenir rigueur. J’ai évidemment pris connaissance des documents écrits qu’elles m’ont transmis
En matière de rénovation des bâtiments et d’économies d’énergie, l’attente des ménages et des entreprises est très forte. Les articles 3 et 4 lèvent les freins que constituent plusieurs règles d’urbanisme et facilitent certains travaux. Ils permettront de libérer un marché jusqu’à présent soumis à de réels blocages. Je présenterai des amendements sur ces sujets.
L’article 5 concerne l’engagement d’améliorer la performance énergétique d’un bâtiment dès lors que des travaux importants de rénovation sont effectués. J’ai déposé des amendements afin de permettre d’engager des travaux à d’autres périodes que celles prévues par l’article.
L’article 6 est relatif au tiers financement des travaux d’efficacité énergétique. Ce dispositif est déjà mis en œuvre localement par de nombreuses collectivités. Il devrait être plus facile d’accès ; je présenterai un amendement en ce sens.
En matière de logement, on ne peut pas passer à côté de la question des caractéristiques du logement décent telles qu’elles sont définies par le décret du 30 janvier 2002. Les ménages en situation de précarité énergétique et les ONG expriment de très fortes attentes en la matière. Je défendrai un amendement visant à réviser le décret.
Dans son titre IV, le projet de loi a le mérite de définir et d’ancrer dans le réel l’économie circulaire qui est au service de la croissance verte. Je proposerai un amendement afin d’aller encore plus loin. L’article 21 indique que les éco-organismes des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) de gestion des déchets pourront avoir recours à des incitations financières. Si un esprit doit être préservé, hérité de celui du Grenelle de l’environnement, c’est bien celui des REP, même si ces filières méritent d’être revisitées.
Nous avons tous de grandes ambitions pour ce projet de loi ; pour être à leur hauteur, il nous appartient de voter des mesures applicables, conformes à la réalité et à l’intérêt de tous.
M. Philippe Plisson, rapporteur pour les titres III et VI. Ce projet de loi a fait l’objet d’une mobilisation générale et d’un travail intense de la part de tous les acteurs impliqués.
Le titre III du texte vise à développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé. Il donne la priorité aux transports les moins polluants, et vise à favoriser de nouveaux comportements utilisant d’autres modes de déplacement : transports en commun, covoiturage, vélo…
Je me félicite de l’état d’esprit qui a prévalu, en particulier lors des auditions et des discussions relatives à la sûreté nucléaire et à l’information des citoyens en ce domaine, au titre VI. Toutes les parties ont montré leur volonté de chercher des solutions consensuelles.
Si nos débats se poursuivent dans le même climat, je suis persuadé que nous écrirons ensemble une grande loi qui marquera un tournant historique dans notre approche du développement et permettra de ne pas jeter les générations futures dans le chaos climatique redouté.
Mme Ericka Bareigts, rapporteure pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. Le titre VII du projet de loi est consacré à la simplification des procédures, afin de gagner en efficacité et en compétitivité, et de maîtriser les coûts.
L’article 35 modifie les règles de participation du public pour les ouvrages linéaires énergétiques. La Commission nationale du débat public aura uniquement la possibilité de désigner un garant chargé d’organiser la concertation du public. Les acteurs concernés ont évoqué leurs inquiétudes au cours des auditions. J’estime néanmoins que cette démarche tend à améliorer l’implication des citoyens puisqu’ils peuvent émettre un avis ciblé sur le tracé des ouvrages dans le cadre d’une consultation. Elle permet également de raccourcir significativement les délais. Dans le cadre de la transition énergétique, accélérer et faciliter le développement de nouvelles lignes électriques me paraît essentiel pour accueillir davantage d’énergies renouvelables sur le réseau.
L’article 37 élargit les dérogations à la loi littoral introduites par la loi du 15 avril 2013, dite loi Brottes. Désormais, toutes les lignes enterrées pourront bénéficier de cette dérogation, concourant ainsi à l’intégration au réseau des énergies renouvelables. En lien avec l’article précédent, cet article sert l’objet de la loi qui vise à accélérer la transition vers un nouveau modèle énergétique. Pour ma part, je suis défavorable à la notion de « nécessité technique impérative » qui conditionne l’obtention de la dérogation. En effet, cette condition peut conduire à priver d’effet l’article 37. À mon sens, le projet de loi prévoit déjà de fortes garanties. Je reviendrai sur ce sujet lors de la discussion des amendements.
L’article 39 confie à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la compétence explicite d’approbation des règles de calcul du coût prévisionnel des ouvrages créés dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. La neutralité de la CRE garantit la qualité de la méthode d’évaluation employée, afin de prévenir d’éventuelles contestations de la part des producteurs d’énergie renouvelable.
L’article 40 apporte plusieurs compléments au dispositif de marché de capacité. Il l’adapte aux petits acteurs qui pourraient être pénalisés par l’obligation de capacité et par le risque de pénalité financière. Il crée la fonction de responsable de périmètre de certification chargé de prendre en charge la responsabilité des écarts entre les capacités certifiées et les capacités effectives. En outre, cet article prévoit une plus grande souplesse en matière de transfert d’obligations de capacité.
L’article 41 traite du mode de calcul des tarifs réglementés de vente. Il rend pleinement applicables les dispositions de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, relatives à l’empilement des postes de coûts pour construire les tarifs réglementés de vente. Plus précisément, il substitue au « coût du complément à la fourniture d’électricité » le « coût du complément au prix de marché ». Cette mesure permet de fixer les tarifs réglementés de vente sur la base du prix de marché, et non sur celle des coûts de production d’EDF. De cette façon, la contestabilité du tarif de vente est pleinement garantie.
L’article 43 s’inscrit dans l’objectif de gain de compétitivité poursuivi par le titre VII. Il donne une base juridique à la CRE pour fixer un tarif de réseau plus favorable aux entreprises électro-intensives, qui perdent en compétitivité notamment face à l’Allemagne, qui a fixé un tarif préférentiel aux entreprises de ce type. Au cours de ce débat, nous renforcerons l’effectivité de cet article, en insérant explicitement l’objectif de compétitivité poursuivi, de façon à donner une base juridique très solide à l’Autorité de régulation.
L’article 44 encourage le développement de l’effacement de consommation. La CRE pourra définir une option du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) qui incite les consommateurs à s’effacer au moment des pointes locales. De même, il donne la possibilité d’accompagner les effacements tarifaires en amplifiant la différence de prix entre les heures ou jours pleins, et les heures ou jours creux.
L’article 47 permet à la CRE de conclure des accords de coopération avec l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie, et non plus seulement avec les différents régulateurs nationaux. Il lui accorde également la possibilité de faire financer les frais d’audits des comptes des entreprises qu’elle contrôle par ces dernières.
Nous débattrons, tout au long de l’examen du titre VII, de la simplification des procédures en cas de contentieux, sujet sur lequel les contributions ont été très nombreuses.
Je suis également rapporteure pour les dispositions du projet de loi relatives aux outre-mer et autres zones non interconnectées (ZNI), prévues par les articles 62 à 64. Ces territoires subissent des contraintes particulières et méritent, à ce titre, de bénéficier de dispositions spécifiques. Le projet de loi prévoit en leur faveur des mesures importantes, comme la mise en place d’une programmation pluriannuelle de l’énergie spécifique pour chaque territoire d’outre-mer. Mais ces articles méritent d’être complétés, afin de véritablement placer les outre-mer à l’avant-garde énergétique. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens, qui reposent sur les préconisations que M. Fasquelle et moi-même avons présentées dans le cadre de notre rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer. Le dispositif de la programmation pluriannuelle de l’énergie devra jouer le rôle de document de référence en matière de politique énergétique. C’est sur cette base consensuelle que pourront se lancer les appels d’offres et s’élaborer les tarifs d’achat adaptés aux territoires concernés.
M. Denis Baupin, rapporteur pour le titre VIII. Le débat national sur la transition énergétique, que d’aucuns ont jugé long, a été utile en ce qu’il nous a permis d’entendre tous les acteurs. À mon sens, un tel projet de loi ne devrait pas être préparé autrement. En tant que rapporteur du titre VIII relatif à la gouvernance, c’est-à-dire au pilotage de la politique énergétique par les pouvoirs publics, il me semble important d’impliquer tout le monde.
L’article 48 créé les « budgets carbone » et permet à la France de se doter d’une stratégie carbone globale. Notre pays enverra ainsi un signal fort avant la COP21 montrant sa volonté de mettre en place, sur son territoire, en coordination avec le reste de l’Europe, une politique de plafonnement et de réduction des émissions de CO2.
L’article 49 instaure une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui complète les programmations actuelles trop sectorisées et concerne toutes les énergies et leur maîtrise. Nous reviendrons sur l’indispensable coordination entre cette PPE et les documents infranationaux, comme les schémas régionaux.
L’article 55 traite du mix électrique. À partir du moment où la loi affirme la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, l’État doit assumer son rôle de pilotage afin de faciliter la diversification – quand une source d’énergie prend une trop grande place, elle risque d’empêcher le développement des autres. Au sein de cette question, la prolongation de la vie des centrales nucléaires se pose également – le rapport de notre commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire remis en juin dernier l’a bien montré –, mais aussi celle des réseaux ou du stockage.
Je proposerai des amendements afin d’aller encore plus loin que le projet de loi en ce qui concerne la transition et la formation professionnelle. Un très fort consensus se dessine sur ce sujet du côté des partenaires sociaux, et les régions ont un rôle essentiel en la matière.
Il est également essentiel d’affirmer dans la loi que l’effort de la recherche en matière d’énergie doit porter prioritairement sur les solutions conduisant à la réussite de la transition énergétique.
Les articles 56 à 60 du projet de loi organisent la transition énergétique dans les territoires. Des outils de planification existent, comme le schéma régional climat air énergie (SRCAE) au niveau régional ou le plan climat air énergie territorial (PCAET) dans les intercommunalités. Si la planification est une bonne chose, encore faut-il que la réalisation suive. Je défendrai des amendements afin que les collectivités qui ont élaboré ces documents puissent aussi donner une impulsion pour leur mise en œuvre. Il ne s’agit évidemment pas de corseter les territoires, mais plutôt de créer une véritable dynamique. Le projet de loi prévoit des expérimentations intéressantes sur les boucles locales ou les réseaux électriques intelligents qui permettront de dynamiser plus encore la transition.
Dernier gros sujet, le chèque énergie est un outil attendu de lutte contre la précarité énergétique. Le dispositif mérite d’être clarifié, notamment quant à son financement, ou encore sur la manière de réussir le passage des tarifs sociaux existants au nouveau chèque énergie sans inquiéter les bénéficiaires. Ce dispositif, parce qu’il peut permettre de prévenir l’augmentation des factures par une politique de réduction de la consommation, a évidemment de l’avenir.
Le présent texte est un bel outil. Nous avons l’occasion de l’améliorer afin qu’il y ait, en matière de transition énergétique, un avant et un après.
M. Christophe Bouillon. Depuis que le texte est connu, le monde est presque séparé en deux, entre ceux qui disent « Enfin ! » et ceux qui disent « Déjà ! ».
« Il était temps ! », disent les acteurs des différentes conférences environnementales, les nombreux participants au débat national sur la transition énergétique ou les milliers d’intervenants aux débats organisés en région, sans oublier les milliers de citoyens qui ont envoyé des contributions. Il était temps que vienne l’heure du Parlement. « Laissons-nous encore un peu de temps », pensent certains autres, sans doute pour poursuivre la réflexion et continuer à alimenter le débat. Mais la vérité, c’est qu’il y a urgence sur les trois plans du climat, de la géopolitique et de l’économie.
En ce qui concerne l’urgence climatique, les rapports se suivent et se ressemblent : tous confirment le changement climatique en cours, dont les conséquences apparaissent de plus en plus visibles, sensibles et dramatiques. Personne ne peut contester que notre planète va mal et que le quotidien de ses habitants en est affecté. La pollution de l’air rend certaines villes invivables.
Vous étiez, Mme la ministre, à New York, avec Laurent Fabius, Yann Arthus-Bertrand, Al Gore et beaucoup d’autres, pour manifester, comme dans de nombreux autres pays, contre le changement climatique. Vous y êtes allée non seulement pour manifester mais pour agir. La prise de conscience n’est plus seulement celle de scientifiques, fussent-ils des milliers à travers le monde, ni celle de décideurs, de plus en plus mobilisés ; elle est celle d’habitants toujours plus nombreux qui veulent agir. Les initiatives citoyennes se multiplient, des plateformes se créent pour changer nos modes de production et de consommation. Ces mouvements ont été pionniers dans le domaine de l’économie circulaire, et je me réjouis que la loi consacre ce concept. Ne rien faire, ce serait accentuer le décalage entre la classe politique et les citoyens. Ce texte de loi répond d’abord à cette urgence.
L’actualité internationale, pesante et parfois dramatique, nous rappelle l’urgence géopolitique. L’Irak, l’Ukraine ou encore la Syrie ne sont pas seulement des lieux où la dignité humaine est meurtrie ; ce sont aussi des lieux de production d’énergie fossile ou de passage obligé pour son transport. L’enjeu est celui de nos approvisionnements et de notre indépendance énergétique ; la grande leçon est qu’il ne faut pas être dépendant d’une seule énergie. Le mix énergétique et la diversification prennent là tout leur sens.
Ce texte n’est ni anti- ni pro-nucléaire. Avec 50 % de production d’électricité issue du nucléaire, la France restera une référence, notamment sur la sûreté. Mais, et c’est un changement radical, avec l’ambition que porte ce texte, elle sera également une championne des énergies renouvelables.
L’urgence économique, c’est la facture énergétique de la France qui pèse trop lourd dans notre balance commerciale et dans les dépenses des Français. La facture énergétique des entreprises est un élément de compétitivité. L’efficacité énergétique, la lutte contre la précarité énergétique par un meilleur isolement des bâtiments, et le développement des énergies renouvelables, pour qu’elles deviennent de moins en moins chères, sont des leviers pour répondre à ces enjeux. Ce sont également de formidables gisements d’emplois.
Le texte répond à toutes ces urgences. Mieux, il porte trois principes qui lui donnent de la force et tirent les enseignements de nos échecs passés : la planification, la participation et l’anticipation.
La planification pour voir loin et voir clair. Il faut en finir avec le complexe de Pénélope qui consiste à détricoter le lendemain le travail du jour. Il faut laisser derrière nous la politique du stop and go, les zigzags. Les acteurs de l’énergie ont besoin de visibilité et de durée.
La participation irrigue ce texte : participation du Parlement, qui deviendra le passage obligé du mix énergétique et de la stratégie bas carbone ; participation des collectivités locales, qui piloteront en direct nombre de politiques publiques et pourront participer financièrement à la production d’énergie ; participation surtout des habitants, qui pourront faire partie du tour de table pour la production d’énergie renouvelable aux côtés des collectivités et des industriels, et qui seront moins seuls pour faire face aux dépenses de la rénovation thermique.
L’anticipation, enfin, c’est celle qui nous permettra d’être au rendez-vous de la COP21, de tenir nos engagements européens et ceux que nous devons prendre vis-à-vis des générations futures.
Là où certains seraient tentés de dire « La transition énergétique, ça suffit ! », nous souhaitons, pour notre part, dire avec force : « La transition énergétique, allons-y ! ».
M. Julien Aubert. Permettez-moi de déplorer les conditions dans lesquelles le Parlement travaille. Nous avons eu une semaine d’auditions à marche forcée, à des heures parfois indues, avec une présence des députés, tous partis confondus, et des rapporteurs eux-mêmes, extrêmement faible. Cela renvoie l’image d’un Parlement marginalisé. Si je suis heureux que la société civile ait eu deux ans pour réfléchir à la transition énergétique, je regrette que les élus de la nation n’aient que deux semaines. Au passage, je signale que la concertation doit s’étendre jusqu’à l’opposition.
Le texte souffre d’imperfections, la principale étant qu’il a trait non pas à la transition énergétique, mais à la transition électrique. Il laisse en effet dans l’ombre une grande partie du sujet des énergies fossiles. Il faudra bien trancher un jour entre la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la sortie du nucléaire. L’exemple allemand montre ce qu’une telle stratégie peut avoir d’incohérent. L’UMP, qui souhaite véritablement lutter contre le réchauffement climatique, considère qu’il n’y a pas lieu de désosser l’industrie nucléaire française.
Ce texte souffre de manques flagrants – rien sur les pétroles et gaz de schiste, rien sur le site Cigéo – et comporte des bombes en puissance susceptibles d’avoir un impact sur la filière nucléaire et ses 400 000 emplois, sur EDF dont l’encadrement de la stratégie d’investissement par l’État ressemble à une renationalisation masquée et risque de détruire une partie de la valeur de cette entreprise. Surtout, il n’y a pas de réflexion sur la gouvernance, alors que l’introduction dans le mix électrique d’une grande proportion d’énergies renouvelables aura des conséquences sur le déploiement du réseau et la gouvernance d’objectifs potentiellement contradictoires.
La principale bombe concerne le financement, totalement absent de la réflexion à ce stade. L’Union française de l’électricité (UFE) a évalué à 200 milliards d’euros le coût du remplacement de vingt centrales nucléaires pour atteindre votre objectif de 50 % à l’horizon 2025. Or le problème c’est de trouver de meilleurs financements, pas de distribuer de l’argent que nous n’avons pas.
En revanche, nous sommes favorables à la co-construction. Les membres de l’opposition de la commission du développement durable ont longtemps plaidé pour une commission spéciale : ce point a été acquis. Nous regrettons toutefois qu’il n’y ait eu aucun contact avec votre cabinet, Mme la ministre, car nous pensons que la co-construction se prépare. Nous présenterons des amendements visant à modifier certains pans de ce texte. Soyez certains que nous ne laisserons pas sacrifier dans le silence 100 000 emplois de la filière nucléaire sur l’autel d’un accord idéologique.
M. Bertrand Pancher. Plus que les discours, ce sont les actes qui nous intéressent. Que dire de ce projet de loi ? Ce n’est certainement pas un texte sur le logement, alors que c’est le premier poste de la transition énergétique. Ce n’est pas non plus une loi sur le transport : la messe a été dite dès l’abandon de la taxe poids lourds, et les moyens font à présent défaut pour un vaste plan dans ce domaine, alors que c’est le deuxième secteur de consommation énergétique. Ce n’est pas plus un texte sur les énergies renouvelables : l’abandon du tarif d’achat confirme notre décrochage en la matière. C’est une loi vaguement orientée sur la production d’électricité, déconnectée de la question fondamentale du carbone. Les nombreux indicateurs n’étant assortis d’aucune sanction, la mise en œuvre ne viendra jamais. Le compte n’y est pas.
Les très nombreuses auditions ont montré la grande frustration de tous les acteurs de l’environnement : il faut être sourd pour ne pas les entendre. Ils dressent le même constat sévère que nous.
Nos conditions de travail sont exécrables. De nombreuses auditions ont été conduites en même temps, ce qui ne nous a pas permis de les suivre toutes. L’avalanche d’amendements rend impossible une quelconque expertise. Nous avons donc pioché, entre tant de propositions, selon l’idée que nous nous faisons de l’intérêt général. La procédure d’urgence ne corrigera ni cette frustration ni les erreurs de ce texte.
Une nouvelle loi n’était, du reste, nullement nécessaire. Il suffisait de poursuivre les actions prévues, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement, en corrigeant ce qui doit l’être et en mobilisant les moyens.
Néanmoins, nous souhaitons nous montrer constructifs et nous défendrons un certain nombre d’amendements. Notre position finale sera fonction de l’accueil qu’ils recevront, mais nous partons avec un regard très négatif sur ce projet.
Mme Cécile Duflot. Le projet de loi a eu un long parcours et suscite une très forte attente. Les grands objectifs que vous avez inscrits dans cette loi, Mme la ministre, en font un tournant dans l’histoire de notre politique énergétique. L’importance de ces grands objectifs, annoncés par le Président de la République lors de la Conférence environnementale, ne doit pas être ignorée.
Il y a tout d’abord l’obligation de réussir face au dérèglement climatique. Après la marche pour le climat, qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes, après la remise du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), l’urgence climatique s’impose à tous. La question n’est pas tant celle de la possibilité d’un accord que celle de la qualité de cet accord : la Conférence de Paris, l’an prochain, doit être une opportunité historique.
C’est ensuite le choix de réduire de 50 % la consommation d’énergie d’ici à 2050, un choix audacieux et courageux qui marque une rupture dans notre modèle de développement. C’est la seule possibilité responsable de nous montrer à la hauteur des enjeux du dérèglement climatique et d’engager une nouvelle révolution industrielle, celle de l’efficacité énergétique. C’est aussi la seule possibilité de résorber le déficit de notre balance commerciale, en grande partie dû à la facture énergétique, et de protéger les Français face aux aléas géopolitiques de notre approvisionnement.
C’est enfin la seule possibilité de fonder un nouveau modèle de développement, basé sur le découplage entre la prospérité de notre société et sa consommation énergétique, choix souligné par le rapport France 2025, Quelle France dans dix ans ?
Ce projet de loi permet également de sortir du tout-nucléaire, avant, nous l’espérons, une sortie du nucléaire. L’histoire énergétique de la France est marquée par son audace et la capacité du pouvoir politique à décider : ce fut le choix du programme électro-nucléaire, que les écologistes désapprouvent, mais nous pensons que la même audace peut nous permettre aujourd’hui de rompre avec ce modèle. Le passage de 75 à 50 % est une opportunité historique de diversification du mix énergétique. C’est un compromis politique, et non le choix des écologistes, car nous souhaitons toujours la sortie du nucléaire.
Le nucléaire, comme l’a montré le rapport de Denis Baupin, est un choix coûteux, notamment parce qu’il requiert des investissements massifs pour rénover le parc. Il risque de nous faire passer à côté de la troisième révolution industrielle s’il stérilise l’innovation et la recherche en empêchant le développement des énergies renouvelables. C’est, en outre, un choix dangereux, comme l’attestent la catastrophe de Fukushima et le rapport subséquent de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le parc nucléaire français et l’absence à ce jour de solution pour les déchets.
C’est un texte ambitieux, donc, mais également perfectible. Si l’esprit de la loi est celui d’une rupture, le texte en est encore éloigné, et il est même décevant, sur plusieurs points. Il risque de passer à côté de son ambition initiale et de ne pas engager toutes les ruptures nécessaires.
Si l’on peut saluer la trajectoire pour 2050, il manque de précision sur le moyen terme : la définition d’objectifs clairs, identifiables par tous les acteurs, d’ici à 2030, fait défaut. De même, on sent bien l’amorce d’une stratégie d’accélération et d’amplification face au dérèglement climatique, mais elle n’est pas encore aboutie. Ainsi, le texte prend de bonnes mesures dans le bâtiment, mais nous ne disposons pas encore du plan stratégique à l’horizon 2050 dont nous avons besoin pour éliminer les aléas. Sur les énergies renouvelables, il faudrait poursuivre l’audace du modèle allemand et nous inclure dans les perspectives européennes les plus volontaristes.
Le texte manque, en outre, de précision sur la sûreté nucléaire, en particulier sur le délai de quarante ans, estimé par tous les experts, notamment l’ASN, comme un seuil qui mérite réflexion : ce seuil devrait figurer dans la loi.
Le texte manque de précision sur la transition vers les mobilités durables, notamment le développement du véhicule électrique, sur la lutte contre la précarité énergétique, au service de laquelle le chèque énergie est un bon outil dont néanmoins le financement et la portée doivent être élargis, sur l’obligation de rénovation et la manière de l’appliquer, ainsi que sur les constructions à énergie positive.
Enfin, le projet manque de moyens. Les financements publics ne sont pas au rendez-vous. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 sera bien sûr déterminant : les objectifs du projet de loi ne pourront être tenus que si les moyens sont présents. C’est pourquoi nous défendrons la possibilité de mobiliser les ressources du livret de développement durable et du livret A sur la transition énergétique, avec l’appui de la Caisse des dépôts.
Nous regrettons, enfin, que ce texte crée des verrous sur les financements innovants, tels que le tiers financement. En confortant le monopole bancaire, l’article 6 de la loi tue la seule possibilité nouvelle de financer la transition énergétique. Nous devons absolument faire évoluer ce point.
Nous saluons la volonté de rupture et de changement que traduit ce texte. À chaque fois que vous avancerez, vous pourrez compter sur notre soutien ; à chaque fois que vous hésiterez, sur notre vigilance. Ce texte est une opportunité unique et historique d’engager une véritable mutation, et nous sommes déterminés à y travailler avec vous.
M. Joël Giraud. Le temps consacré au travail parlementaire est insuffisant ; de nombreux collègues se sont légitimement plaints. Nous aurions aimé travailler en amont avec votre cabinet, madame la ministre, et j’espère à tout le moins que nous pourrons être entendus au cours des débats.
Sur le fond, je partage le point de vue de notre rapporteure sur la précarité énergétique. Il faut retravailler ce point.
En outre, ce texte est particulièrement insuffisant s’agissant de la décentralisation des filières locales. J’ai parfois le sentiment de faire davantage au sein d’une société d’économie mixte locale dont je suis actionnaire qu’au Parlement. Les problématiques de la micro-hydraulique, des réseaux de chaleur, du photovoltaïque local, du rôle de l’agriculture, des fournisseurs coopératifs d’électricité, doivent être traitées plus efficacement, de manière à bâtir une France de l’énergie décentralisée qui remplisse les promesses de la transition énergétique. L’Allemagne a réussi parce qu’elle s’est appuyée sur de telles filières.
Nous avons déposé des amendements sur les procédures abusives dont sont victimes de nombreux hydrauliciens et fabricants d’éoliennes. Il suffit, dans ce pays, de déposer des recours pour obtenir une indemnité transactionnelle, juste avant la fin des autorisations administratives : c’est une forme de racket. Nous demanderons donc de permettre des prolongations d’autorisations administratives dans le cas de lancements de telles procédures.
Le texte est quasiment muet sur la sobriété énergétique des collectivités locales. Les choix de celles-ci ne sont pas récompensés. Il faut que les communes qui tâchent de ne pas ressembler à un sapin de Noël toutes les nuits, à trois heures du matin, pour n’éclairer que quelques noctambules, soient récompensées, non par le biais de primes, mais par une réaffectation de produits liés à la dotation de solidarité rurale (DSR) ou à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Vous pourrez considérer nos amendements en ce sens comme des amendements d’appel en vue de bâtir une véritable politique de sobriété énergétique des collectivités locales.
Notre groupe a également déposé des amendements tendant à améliorer la sûreté nucléaire.
M. le président François Brottes. Peu de textes ont fait l’objet d’autant de travail en commission. La Commission spéciale a conduit dix-neuf auditions, dont sept tables rondes, entendant ainsi plus de cinquante personnes, au cours de quarante-sept heures de réunion. De leur côté, les rapporteurs ont auditionné des centaines de personnalités. Le temps a été court, certes, mais le volume de travail très important.
Mme la ministre. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, conduit en partenariat avec mon cabinet et moi-même. Nous nous sommes efforcés de répondre à toutes leurs questions techniques. Toutes les propositions permettant d’améliorer ce texte seront considérées avec beaucoup d’attention.
Je remercie également les orateurs des groupes. Christophe Bouillon a bien identifié les valeurs auxquelles se rattache ce texte. Je suis heureuse de pouvoir compter sur le soutien du groupe socialiste.
Nos concitoyens, M. Aubert, M. Pancher, ne sont pas demandeurs d’une polémique sur la méthodologie. Il est contradictoire de se plaindre d’un calendrier trop court tout en remarquant que le texte est attendu depuis deux ans. Christophe Bouillon a bien souligné l’urgence économique, sociale et écologique. Le sujet a fait l’objet de nombreux débats dès avant ma nomination. J’ai tâché, depuis mon arrivée en fonction, d’accélérer l’élaboration de ce texte, qui est à la fois ramassé et efficace, accompagné d’une dynamique pour les territoires et d’une dynamique pour les filières économiques. Il vient un moment où il faut passer à l’action, décider, avancer.
Cécile Duflot a relevé les points positifs de ce texte, tout en soulignant l’esprit de vigilance, légitime, des écologistes. Il faudra que ce texte soit, en effet, audacieux pour être à la hauteur des défis. J’ai bien noté qu’elle considérait qu’il s’agit d’un tournant dans la politique énergétique, posant les bases d’un nouveau modèle de développement.
Laissons de côté, M. Giraud, les polémiques sur les délais. En critiquant la méthode de travail, vous vous critiquez vous-mêmes. Vous avez conduit un travail exceptionnel dans les auditions, que j’ai toutes lues. Cessons de mettre en cause la qualité de ce travail et montrons, au contraire, que nous sommes capables, dans un temps maîtrisé, de répondre à l’urgence écologique.
La Commission spéciale en vient à la discussion des articles du projet de loi.
M. le président François Brottes. M. le président de la commission des finances m’a adressé hier une lettre m’indiquant que tout ce qui concerne la contribution au service public de l’électricité (CSPE) relevait désormais de l’article 40, dès lors que, EDF ayant une dette importante de 5 milliards d’euros, l’État avait pris le relais.
Je vais à présent indiquer les amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40.
Mme la ministre. Ces amendements pourront être repris par le Gouvernement, si j’estime qu’ils permettent d’améliorer le texte. C’est le cas de certains d’entre eux.
M. le président François Brottes. Je signale également, outre l’ouverture faite à l’instant par Mme la ministre, que l’on peut passer le cap de l’article 40 lorsqu’on préconise des expérimentations avec une durée limitée encadrée par l’État. Cela donne des marges de manœuvres.
Ont donc été déclarés irrecevables par la commission des finances, les amendements CS1814 de M. Denis Baupin et CS1907 de M. Jacques Krabal, à l’article 4 ; les amendements CS449 de M. Patrick Hetzel, CS923 de M. Julien Aubert, CS340 de M. Jean-Jacques Cottel, CS749 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1404 de M. Philippe Plisson, après l’article 5 ; les amendements CS372 de M. Antoine Herth et CS1485 de Mme Cécile Duflot, après l’article 6 ; les amendements CS1494, CS1493 et CS1495 de M. Denis Baupin, après l’article 8 ; les amendements CS302 et CS303 de M. Michel Heinrich, CS422 et CS424 de M. Razzy Hammadi, CS1500 de M. Denis Baupin, CS135 de M. Jean-Marie Tetart, CS139 de M. Martial Saddier, CS149 de M. Jean-Marie Tetart, CS153 de M. Martial Saddier, CS600 de M. Bernard Accoyer, CS1502 de M. Denis Baupin, CS2112 de M. Julien Aubert, CS618 de M. Michel Lesage, CS842 et CS963 de M. Julien Aubert, CS1280 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1503 de M. Denis Baupin, CS1639 de M. Jacques Krabal et CS1040 de M. Michel Lesage, à l’article 9 ; les amendements CS128 de M. Jean-Marie Tetart et CS174 de M. Martial Saddier, après l’article 9 ; les amendements CS1518 et CS1519 de M. Éric Alauzet, après l’article 11 ; les amendements CS1200 de Mme Michèle Bonneton, CS1281 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1522, CS2115 et CS2116 de M. Denis Baupin, à l’article 13 ; l’amendement CS352 de M. Jean-Jacques Cottel, après l’article 19 ; les amendements CS286 de M. Michel Heinrich et CS1073 de M. Bertrand Pancher, après l’article 21 ; l’amendement CS1847 de M. François-Michel Lambert, après l’article 22 ; les amendements CS1415 de M. Philippe Plisson, CS1543 et CS1553 de M. Denis Baupin, à l’article 23 ; l’amendement CS632 de M. Jean-Jacques Guillet, après l’article 25 ; les amendements CS1204 de Mme Bernadette Laclais, CS1343 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1405 de M. Philippe Plisson, à l’article 26 ; les amendements CS832 de M. Julien Aubert, CS1338 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1556 de M. Denis Baupin, CS617 de M. Michel Lesage, CS1308 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1574 de M. Denis Baupin, après l’article 27 ; l’amendement CS547 de M. Jean-Michel Clément, à l’article 30 ; l’amendement CS1751 de M. Denis Baupin, après l’article 34 ; l’amendement CS1678 de M. Joël Giraud, après l’article 36 ; l’amendement CS1348 de M. Jean-Paul Chanteguet, après l’article 38 ; l’amendement CS752 de M. Yves Blein, après l’article 43 ; l’amendement CS548 de M. Jean-Michel Clément, après l’article 45 ; l’amendement CS408 de M. Patrick Hetzel, avant l’article 46 ; l’amendement CS550 M. Gilles Savary, après l’article 53 ; les amendements CS1137 de M. Bertrand Pancher et CS1250 de M. Jean-Paul Chanteguet, après l’article 54 ; les amendements CS157 de M. Jean-Marie Tetart, CS689 de M. Michel Lesage, CS1389 de M. Philippe Plisson, CS908 de Mme Frédérique Massat, CS1797 et CS1798 de Mme Brigitte Allain, CS1371 de M. Philippe Plisson, CS1125 de M. Bertrand Pancher et CS330 de M. Jean-Jacques Cottel, à l’article 56 ; les amendements CS344 de M. Jean-Jacques Cottel, CS870 de M. Jean-Luc Bleunven, CS1130 de M. Bertrand Pancher et CS1408 de M. Philippe Plisson, à l’article 57 ; les amendements CS1364 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS910 de Mme Frédérique Massat, après l’article 57 ; les amendements CS240 de M. Damien Abad, CS300 de M. Michel Heinrich, CS1808 de Mme Cécile Duflot, CS2020 de M. Joël Giraud, CS341 de M. Jean-Jacques Cottel, CS609 de M. Michel Lesage, CS705 de M. Martial Saddier, CS855 de Mme Frédérique Massat, CS1062 de Mme Barbara Romagnan, CS1234 de M. Charles-Ange Ginésy, CS1701 de M. Joël Giraud, CS1806 de Mme Cécile Duflot, CS1703 et CS1704 de M. Joël Giraud, à l’article 60 ; l’amendement CS1435 de M. Victorin Lurel, après l’article 64.
Ces amendements irrecevables ne représentent que 5 % du volume total d’amendements et plusieurs d’entre eux sont rattrapables.
J’indique encore qu’un petit nombre d’amendements ont été retirés de la liasse, soit parce qu’ils étendaient le champ des ordonnances, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, soit parce qu’ils contenaient des injonctions à l’adresse du Gouvernement, ce qui est autorisé dans l’expression mais interdit dans la loi, à l’exception des demandes de rapport.
Mme la ministre. Le Gouvernement reprendra certains de ces amendements, à la mise en œuvre desquels il travaille d’ores et déjà. C’est le cas pour les amendements concernant la mise en place du Fonds de garantie, les mesures de soutien au financement participatif ou le Fonds de péréquation. Le projet de loi de finances pour 2015 doit, par ailleurs, comporter des dispositions sur le crédit d’impôt de la transition énergétique (CITE), le rendant applicable aux travaux commandés à compter du 1er septembre dernier.
En matière de financement des travaux visant à améliorer la performance énergétique, la Caisse des dépôts a ouvert une ligne de crédit de 5 milliards d’euros destinée aux collectivités territoriales et permettant de leur allouer jusqu’à 5 millions d’euros par opération sans apport initial. Il s’agit de dispositions qui ne relèvent pas de la loi, pas davantage que les mesures concernant le Fonds de transition énergétique.
Ces outils financiers doivent soutenir la triple dynamique qui doit s’enclencher à la fois chez les particuliers, au sein de nos entreprises et dans nos territoires. La France, à l’avant-garde de la recherche et des opérateurs énergétiques, doit conforter et accroître son avance et permettre à ses entreprises de trouver leur place dans la compétition mondiale et d’investir dans ces filières qui vont devenir de plus en plus rentables. Quant aux collectivités, certaines se sont déjà mises en mouvement, comme les outre-mer qui veulent accéder à l’autonomie énergétique ; d’autres s’apprêtent à entamer leur transition énergétique. Les unes et les autres participeront, en marge du sommet de la planète, au sommet consacré aux territoires. D’ici là, ils doivent pouvoir s’appuyer sur cette loi, tout en lui donnant toute sa portée.
Je précise que, comme je m’y étais engagée, les ordonnances prévues par le texte ont été rédigées et que vous pourrez en prendre connaissance avant le débat en séance publique.
TITRE IER
DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE ET LUTTER CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Intitulé du Titre Ier
Modification de l’intitulé du Titre Ier
La Commission examine l’amendement CS2173 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Bien que le premier enjeu demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et donc la lutte contre le réchauffement climatique, l’expression de « changement climatique » me paraît plus pertinente que celle de « réchauffement climatique ».
Mme la ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CS56 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Le terme de transition suppose qu’on veut changer d’énergie, ce qui implique une sortie du nucléaire. En réalité, nous avons plutôt besoin d’une stratégie, terme qui a le mérite d’être plus neutre et moins dogmatique.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le projet de loi que nous examinons est consacré à la transition énergétique. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère qui nécessite une mutation de notre modèle économique. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CS57 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Deux objectifs majeurs doivent sous-tendre la transition énergétique : d’une part, la maximisation de la compétitivité de notre économie, d’autre part, la préservation du modèle énergétique français, garantissant une énergie à faible coût, socialement acceptable. Toute mesure contenue dans la programmation pluriannuelle énergétique devrait donc être évaluée au regard du coût de la tonne de CO2 évitée et du coût pour le consommateur final. Il ne s’agit pas seulement de dépenser des milliards mais de choisir à quoi ces milliards seront le mieux utilisés.
Mme la ministre. Le projet de loi propose déjà un modèle de transition énergétique qui assure l’équilibre entre nos exigences en matière de compétitivité, de lutte contre la précarité énergétique et de solidarité. Avis défavorable.
Mme la rapporteure. La plupart des éléments contenus dans votre amendement sont redondants avec les dispositions des articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-3 du code de l’énergie, ainsi qu’avec celles relatives à la programmation pluriannuelle sur laquelle se fonde notre stratégie bas carbone. Avis défavorable.
M. Martial Saddier. Il n’est pas neutre que le projet de loi ne mentionne pas le coût socialement acceptable de l’énergie comme un des objectifs à atteindre. Outre que plusieurs amendements concernant les véhicules polluants ont été censurés au titre de l’article 40, il manque à ce projet un volet sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments. Il ne suffit pas, en effet, d’éviter que les bâtiments consomment de l’énergie, il faut aussi améliorer l’efficacité énergétique des moyens de chauffage. Il est très important de réaffirmer dans le propos liminaire du texte que le coût de la transition énergétique devra être socialement acceptable pour nos concitoyens, qui ont de plus en plus de difficulté à payer leur facture énergétique.
Mme Sophie Rohfritsch. Ce projet de loi doit proposer autre chose que des mesures purement techniques permettant, d’un strict point de vue quantitatif, de réaliser des économies d’énergie. Il doit mettre en œuvre une transition énergétique qui nous permette de restaurer la compétitivité de nos entreprises.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CS58 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. La transition énergétique doit respecter les principes suivants : la progressivité, certes en contradiction avec l’horizon assez proche auquel a été arrêtée notre sortie du nucléaire ; la flexibilité, d’où découlera notre capacité à nous adapter à un contexte international mouvant ; la réversibilité et la soutenabilité, qui doivent nous garantir des déceptions technologiques à moyen terme ; la stabilité et la sécurité juridique ; un État qui conserve ses marges d’action face à la logique de marché dans le développement des EnR.
Mme la ministre. Le projet de loi tient déjà compte de ces exigences. J’y ajouterai la détermination et, contrairement à ce que vous proposez, l’irréversibilité : ce n’est qu’à cette seule condition que les acteurs économiques s’engageront avec confiance dans la transition énergétique. Avis défavorable.
Mme la rapporteure. Cet amendement est superfétatoire. La progressivité est inhérente au concept même de transition ; la flexibilité va de pair avec notre sécurité d’approvisionnement ; quant à la réversibilité et à la soutenabilité, ce sont les principes mêmes d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Vous souhaitez également que soient garanties la stabilité et la sécurité juridique : c’est tout l’enjeu des stratégies à long terme, comme la stratégie bas carbone ou la PPE. La politique de soutien aux EnR, enfin, est l’un des premiers objectifs de la présente loi. Avis défavorable.
Mme Cécile Duflot. Je mets en garde M. Aubert contre les faux débats. Personne ne peut mettre en doute l’engagement des écologistes en faveur de la sortie du nucléaire, ce qui ne nous empêche pas d’avoir de la question, dans le cadre de cette loi, une approche fondamentalement pragmatique. S’il ne nous appartient pas d’assumer les décisions prises dans les années 60, il nous revient de prendre en compte une réalité qui est tout le contraire de ce que vous prétendez, monsieur Aubert, puisque nous sommes grandement dépendants aujourd’hui d’une unique source de production électrique. Pour assurer notre flexibilité et notre indépendance énergétique, garantir une transition énergétique réversible et soutenable, et offrir aux investisseurs un environnement juridique stable et sécurisé, il faut donc développer les EnR. Les écologistes, en soutenant cette loi, restent fidèles à leurs principes tout en prenant acte du principe de réalité. Ayant constaté notre dépendance énergétique à l’égard du nucléaire, nous souhaitons sa réduction progressive et ordonnée.
M. Julien Aubert. Avant de dépendre du nucléaire, l’économie française dépend surtout du pétrole.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CS59 de M. Julien Aubert.
M. Michel Sordi. La transition énergétique doit pleinement tenir compte du rôle majeur de l’énergie nucléaire française dans la stabilisation du réseau électrique français et européen – notamment par son rôle de « soupape » permettant d’absorber les intermittences du réseau allemand –, dans la stabilisation du prix de l’électricité demeuré relativement peu élevé depuis le lancement du programme nucléaire français, et dans le développement de nouvelles filières, s’agissant notamment de la quatrième génération de réacteurs, de l’enfouissement des déchets radioactifs ou encore du démantèlement des installations définitivement arrêtées.
J’ajoute que la fermeture de la centrale de Fessenheim risque de peser sérieusement sur le budget d’EDF et, partant, sur le budget de l’État : elle devrait donc, au même titre que les amendements que le président nous a énumérés, être considérée comme une mesure irrecevable.
Mme la ministre. Avis défavorable. Cet amendement n’est pas de nature législative. Vous y affirmez un point de vue, tout à fait respectable au demeurant et que je ne conteste pas. Un titre entier de ce projet de loi est consacré à l’énergie nucléaire, qui conserve une part importante dans notre production énergétique, puisqu’elle continuera à fournir 50 % de l’électricité que nous produisons, soit le taux le plus élevé de tous les pays industrialisés.
Mon souci n’est pas d’opposer les énergies les unes aux autres, mais de monter en puissance sur un nouveau mix énergétique.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
M. Michel Heinrich. Cet amendement rappelle le rôle du nucléaire. Une bonne politique énergétique consiste à pouvoir fournir de l’énergie à tous, particuliers et entreprises, à bas coût et tout en respectant l’environnement. La transition énergétique a pour objectif la diminution des énergies carbonées, et il ne faudrait pas que, comme en Allemagne où 45 % de l’électricité est produite à partir de charbon sous prétexte de limiter le nucléaire, on ait recours massivement à ces énergies carbonées. Le nucléaire permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de produire de l’énergie à un coût très compétitif. Je rappelle qu’un particulier allemand paie son électricité deux fois plus cher qu’en France.
M. Bertrand Pancher. Il faut relativiser la portée de cet amendement, dans la mesure où chacun sait que les objectifs de diminution de la part du nucléaire fixés par ce projet de loi sont utopiques. Le rythme de développement de nos énergies renouvelables est inférieur à ce qu’il devrait être, comme le sont nos progrès en matière d’économies d’énergie. N’oublions pas, par ailleurs, les mises en garde de RTE sur les risques que ferait courir à moyen terme à la sécurité de nos approvisionnements une telle diminution de notre énergie nucléaire.
M. Charles de Courson. L’intérêt de cet amendement est qu’il évoque la dimension européenne de la politique énergétique, que le texte ne traite malheureusement pas. La moitié de l’électricité produite par la centrale de Fessenheim est exportée vers la Suisse et vers l’Allemagne, et la centrale de Chooz livre un tiers de sa production à la Belgique qui, après avoir fermé cinq de ses réacteurs nucléaires, connaît une pénurie d’électricité. On ne résoudra donc pas seul les problèmes énergétiques de la France.
M. Denis Baupin. Je ne veux pas entrer dans un grand débat sur le nucléaire, et je renvoie nos collègues au rapport de la commission d’enquête sur ce sujet. Toutefois, pour couper court aux idées reçues qui risquent de revenir régulièrement, je rappelle que nous ne produisons pas d’uranium sur notre territoire. Peut-on vraiment parler d’indépendance énergétique quand 100 % de l’uranium consommé par nos centrales nucléaires proviennent de l’étranger ?
Je le dis en tant qu’écologiste, nous sommes défavorables à la reprise du charbon en Allemagne. C’est la raison pour laquelle les écologistes ne participent pas à la coalition entre la CDU et le SPD. En tout état de cause, en Allemagne, le charbon remplace, non pas le nucléaire, mais le gaz, comme en Grande-Bretagne et en France. Aujourd’hui, du fait de la production de gaz de schiste aux États-Unis, la consommation de charbon y est moindre. Le charbon arrive donc en Europe en plus grande quantité et à bas prix, ce qui contribue à sa reprise. Ce n’est pas une bonne chose, mais cela ne doit pas être mis en relation avec la sortie du nucléaire en Allemagne.
Enfin, le prix de l’électricité de nos voisins allemands est certes plus élevé que chez nous, mais leur consommation est moindre. Ce qui importe, c’est la facture, c’est-à-dire la multiplication de la consommation par le tarif ; en l’occurrence, nos voisins allemands consacrent à peu près la même part de leur revenu à l’énergie que les ménages français. C’est bien la preuve qu’avec une politique tarifaire et une politique de consommation menées de concert, on peut avoir à peu près le même impact sur les ménages.
M. Jean-Luc Laurent. Je voterai cet amendement de principe, qui rappelle opportunément nos atouts énergétiques industriels que sont les coûts à bon marché, et le nécessaire développement de nouvelles filières, en particulier la quatrième génération de réacteurs nucléaires.
Je tiens à dire à Denis Baupin que le choix du charbon par l’Allemagne résulte de la volonté de sortir du nucléaire. Or, pour répondre à la demande, encore faut-il avoir une capacité de production d’énergie ! Comme quoi, la sortie du nucléaire, telle qu’elle est conduite en Allemagne et telle qu’elle pourrait l’être en France si l’on écoutait les écologistes, serait une catastrophe du point de vue de l’industrie, mais aussi des usagers, qu’ils soient entreprises ou particuliers.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CS533 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Je suis surpris que M. Baupin utilise encore l’argument l’uranium, sachant que les éoliennes utilisent des métaux rares importés de Chine.
Il faut sortir de l’ambiguïté : soit nous voulons une loi pragmatique, soit nous en faisons une qui risque d’asphyxier lentement une filière pourtant extrêmement importante pour réussir la transition énergétique. L’adoption de notre amendement précédent aurait permis de faire apparaître des mots clés, comme « Europe », « enfouissement des déchets », « quatrième génération ». Le Parlement doit prendre conscience qu’il y aura des choix à faire dans les années à venir.
Aujourd’hui, avec la mise en concurrence, il existe des tensions dans certaines industries du secteur qui ont des statuts spéciaux. Le service public doit se voir reconnaître une place au cœur de la transition énergétique, au titre d’un modèle social français dont il est la colonne vertébrale. Tel est le sens de l’amendement CS533.
Mme la ministre. Il faut veiller à ce que la loi ne soit pas une suite de pétitions de principe, où chacun se fait plaisir. Le service public a, certes, un rôle majeur à jouer, mais nous devons nous en tenir à un texte opérationnel, avec des normes juridiques claires qui entrent dans le cadre législatif.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.
Article 1er
(articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie)
Objectifs de la politique énergétique
1. État du droit
Le livre Ier du code de l’énergie contient un titre préliminaire consacré aux objectifs de la politique énergétique. Ce titre, composé de quatre articles, a été introduit dans le code de l’énergie à l’occasion de la codification opérée par l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie. Pour l’essentiel, ces articles sont issus de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi « POPE ».
L’article L. 100-1 du code de l’énergie, issu de l’article 1er de la loi POPE, énonce les objectifs de la politique énergétique. Initialement, ces objectifs ne faisaient pas partie du texte déposé devant le Parlement, mais figuraient au sein d’une annexe détaillant les grandes orientations de la politique énergétique française. C’est à l’initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques de l’époque, M. Serge Poignant, que ces objectifs ont été intégrés en tant que tel dans le corpus législatif.
Légèrement modifiés au moment de la rédaction de l’ordonnance précitée, ces objectifs sont au nombre de quatre :
– assurer la sécurité d’approvisionnement ;
– maintenir un prix de l’énergie compétitif ;
– préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre ;
– garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie.
L’article L. 100-2 du code de l’énergie est principalement issu de l’article 2 de la loi POPE, alors que ces dispositions figuraient également initialement dans l’annexe mentionnée ci-dessus. L’article énonce les moyens auxquels l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales, peut recourir en vue d’atteindre les objectifs fixés à l’article L. 100-1.
Ces moyens sont au nombre de quatre :
– maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité ainsi que la sobriété énergétiques ;
– diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables (ENR) dans la consommation d’énergie finale ;
– développer la recherche dans le domaine de l’énergie ;
– assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.
Les deux premiers moyens ont été complétés par l’ordonnance de codification précitée. Ainsi, dans la foulée du Grenelle de l’environnement, l’accent a été mis sur le renforcement de l’efficacité et de la sobriété énergétiques – premier moyen – et sur l’augmentation de la part des ENR dans la consommation d’énergie finale, couplée à la réduction du recours aux énergies fossiles.
L’article L. 100-4 du code de l’énergie concerne les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale. La rédaction actuelle, peu lisible, se limite à des renvois à d’autres textes : les sixième à quinzième alinéas de l’article 2 et aux articles 3 à 13 de la loi POPE et le chapitre IV du titre Ier de la loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (Grenelle 1).
Loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (articles 2 à 13) |
Loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement |
- Assurer 10 % des besoins énergétiques par les ENR en 2010 - Porter à 21 % la part des ENR dans le mix électrique - Accroître de 50 % la chaleur renouvelable d’ici 2010. |
- Réduire le recours aux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre et de porter à au moins 23 % en 2020 la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale, soit un doublement par rapport à 2005 - Augmenter de 20 millions de tonnes équivalent pétrole la production annuelle d’énergies renouvelables d’ici à 2020, en portant celle-ci à 37 millions de tonnes équivalent pétrole |
Contribuer à la fixation d’un objectif de diminution par deux des émissions de GES au niveau mondial d’ici 2050, ce qui requiert une division par 4 ou 5 de ces émissions dans les pays développés |
|
Atteindre un rythme annuel de diminution de l’intensité énergétique finale de 2 % dès 2015 et 2,5 % d’ici 2030 | |
Diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France | |
Incorporer 10 % de biocarburants d’ici le 31 décembre 2015 dans l’essence et le gazole commercialisés à des fins de transport. | |
Atteindre un objectif d’installation de 200 000 chauffe-eau solaires et de 50 000 toits solaires par an en 2010. | |
Atteindre un objectif d’une économie d’importations d’au moins 10 millions de tonnes d’équivalent pétrole en 2010 grâce à l’apport de la biomasse pour la production de chaleur et de carburants |
2. Modifications apportées par le projet de loi
Le projet de loi apporte quelques compléments nécessaires aux articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l’énergie. Les apports du projet de loi sont par ailleurs plus conséquents s’agissant de l’article L. 100-4 du même code.
Concernant l’article L. 100-1 (alinéas 2 à 8), la nouveauté apportée par le projet de loi est l’insertion de « l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois » grâce à « la mobilisation de toutes les filières industrielles et notamment celles de la croissance verte », définie comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement. Les filières de la croissance verte sont autant les industries directement liées à l’environnement – assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables – que les secteurs traditionnels – transport, agriculture et bâtiment.
Ce nouvel objectif rappelle combien la transition énergétique et écologique constitue le moyen de replacer notre pays sur le chemin de la croissance et de la compétitivité, conformément aux conclusions du débat national sur la transition énergétique (DNTE).
Concernant l’article L. 100-2 (alinéas 9 à 16), plusieurs moyens supplémentaires sont ajoutés à ceux d’ores-et-déjà prévus par le code :
– garantir l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, aux personnes les plus démunies (alinéa 11) ;
– diversifier les sources de production d’électricité (alinéa 12) ;
– assurer la transparence et l’information de tous, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie ainsi que sur leur contenu carbone (alinéa 13).
Par ailleurs, outre l’État et les collectivités territoriales, le projet de loi confie la mission de traduction des objectifs de la politique énergétique aux citoyens et aux entreprises (alinéa 9). Même s’il lui semble difficile que les citoyens soient invités à veiller à, par exemple, garantir l’accès à l’énergie aux personnes les plus démunies ou à développer la recherche dans le domaine de l’énergie, votre co-rapporteure reconnaît que la transition énergétique et écologique, comme l’a d’ailleurs montré l’intense mobilisation sur les territoires dès le lancement du débat national, intéresse l’ensemble de la population et repose sur une démarche participative, seule garante de son succès.
Enfin, l’article L. 100-2 définit (alinéa 16) les territoires à énergie positive (TEPOS), comme des territoires qui s’engagent dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale. Pour ce faire, un territoire à énergie positive favorise l’efficacité énergétique et vise le déploiement des énergies renouvelables au sein du mix énergétique territorial. Pour la constitution de tels territoires, le projet de loi invite l’État, les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens à associer leurs efforts. La reconnaissance par la loi des territoires à énergie positive constitue une étape importante pour la promotion des initiatives locales engagées dans une démarche de transition énergétique. Cette disposition est évidemment à rapprocher de l’article 56 du projet de loi, qui vise à impulser une dynamique d’expérimentation de territoires à énergie positive, partagée entre l’État et les collectivités territoriales, l’objectif étant d’engager, d’ici 2017, deux cents expérimentations de territoires à énergie positive.
Concernant l’article L. 100-4 (alinéas 17 à 23), de nombreux objectifs quantitatifs fixés par des textes antérieurs sont repris et actualisés. Deux nouveaux objectifs quantitatifs d’importance sont ajoutés : la réduction de la consommation énergétique finale des énergies et la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité.
Au final, cinq objectifs sont ainsi fixés :
1° réduire les émissions de gaz à effets de serre de 40 % en 2030 par rapport à la référence 1990, et respecter l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 1990 (alinéa 19).
2° réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 (alinéa 20) ;
3° réduire la consommation énergétique finale des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 (alinéa 21) ;
4° porter, en 2030, la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale brute d’énergie. Dans l’étude d’impact, cet objectif d’énergie renouvelable est décomposé en : 40 % de la production d’électricité, à 38 % de la consommation finale de chaleur et à 15 % de la consommation finale de carburants (alinéa 22) ;
5° porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 (alinéa 23).
DÉFINITIONS
Énergie finale : L’énergie finale représente la quantité d’énergie livrée au consommateur (essence à la pompe, électricité au foyer, etc.).
Énergie primaire : L’énergie primaire représente non seulement l’énergie finale livrée au consommateur, mais aussi les pertes d’énergie induites par la transformation de l’énergie (rendement d’une centrale électrique, etc.) et le transport de cette énergie (pertes en ligne d’électricité, etc.). Pour les statistiques d’énergie primaire, la France s’est alignée sur les conventions de calcul de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Émissions directes/ indirectes : Dans le secteur résidentiel-tertiaire par exemple, les émissions directes désignent les émissions produites à l’intérieur du bâtiment ; les émissions indirectes sont celles qui sont produites ailleurs mais qui résultent de consommations du bâtiment, par exemple la production d’électricité.
Émissions totales : C’est l’ensemble des émissions de GES d’un secteur ou d’un pays selon la comptabilisation officielle de la CCNUCC (convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Des inventaires nationaux sont publiés tous les ans.
Unités de mesures :
- millions de tonnes équivalent CO2 (MteqCO2) pour les mesures contribuant à la réduction des gaz à effet de serre (GES) ;
- millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) pour les mesures contribuant à la réduction de la consommation d’énergie (EE : efficacité énergétique).
Paquet énergie-climat : Composé d’un ensemble de textes législatifs adoptés en décembre 2008 sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, il fixe un objectif européen commun, dit 3 x 20, qui consiste, d’ici à 2020, à : diminuer de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990 ; porter la part d’énergie renouvelable dans la consommation énergétique finale à 20 % en 2020 ; améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de l’Union européenne. Dans ce cadre, la France s’est engagée à atteindre 23 % d’énergie renouvelable dans sa consommation d’énergie finale en 2020, à réduire de 14 % entre 2005 et 2020 les émissions de GES des secteurs non soumis à la directive européenne 2003/87/CE, établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES (directive SCEQE), et à améliorer son efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020.
Comme le souligne l’étude d’impact, « les objectifs ainsi fixés aux horizons 2030 et au-delà ne reviennent sur aucune des options correspondant aux engagements européens et internationaux de la France à l’horizon 2020, respectivement dans le cadre du paquet énergie climat et au titre de la seconde période d’engagement du protocole de Kyoto. Au contraire, c’est l’approfondissement des objectifs fixés à l’horizon 2020 en termes de développement des énergies renouvelables (23 % à l’horizon 2020), de réduction des émissions de gaz à effet de serre (notamment la réduction de 14 % par rapport à 2005 des émissions non couvertes par le système communautaire d’échange de quotas d’émissions) et d’efficacité énergétique (diminution significative de la consommation d’énergie), qui est recherché. Y est ajouté un objectif de diversification du mix de production électrique », qui passe notamment par la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique français, conformément à l’engagement n° 41 de M. François Hollande lors de la campagne présidentielle.
À l’heure actuelle, la production d’électricité française est largement dominée par le nucléaire. Cette situation résulte d’un choix effectué dans les années 1970 pour réduire la dépendance énergétique de la France aux pays exportateurs de pétrole et de gaz. Cette production est concentrée sur 19 sites comportant entre 2 et 4 réacteurs.
Le mix électrique français
Source : CRE
Votre co-rapporteure invite le lecteur intéressé à se reporter au rapport, rendu public le 5 juin 2014, de la commission d’enquête parlementaire relative au coût de la filière nucléaire (6), à laquelle votre co-rapporteure a participé, afin d’appréhender de manière globale la place du nucléaire dans le mix électrique français.
Les orientations de la politique énergétique ainsi fixées seront déclinées dans des documents de programmation définis au titre VIII du présent projet de loi : une stratégie bas-carbone, des « budgets » carbone – c’est-à-dire des plafonds d’émission – (article 48) ainsi qu’une programmation pluriannuelle de l’énergie, fixant les priorités d’actions des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie (article 49). Ces documents ont pour objectifs d’assurer la transition énergétique, en prolongeant les efforts entrepris par la France depuis plusieurs années pour réduire nos émissions de GES.
Après deux décennies de croissance, la consommation d’énergie finale est quasiment stable depuis 2000, autour de 160 Mtep par an, traduisant ainsi l’efficacité des politiques publiques en faveur de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Bien que bons – la France figure parmi les meilleurs élèves de l’Europe – ces résultats ne sont pas encore au niveau de l’ambition affichée.
Le présent projet de loi forme donc système, afin de mettre en œuvre de manière ambitieuse la transition énergétique et écologique. L’étude d’impact expose le scénario de référence puis présente les principaux effets du changement de modèle énergétique induit par le projet de loi.
Le scénario de référence se fonde sur les éléments suivants :
– la consommation finale énergétique et les émissions de CO2 repartent à la hausse après 2020, sous l’effet de la croissance économique, malgré l’augmentation du prix des énergies fossiles importées (respectivement + 4 % et + 2 % pour la consommation finale énergétique et les émissions de CO2 sur la période 2020-2030) ;
– la part des énergies renouvelables dans la consommation n’augmente que très légèrement sur la période 2020-2030 pour atteindre 19 % en 2030 ;
– la facture énergétique de la France reste stable.
Comme le souligne l’étude d’impact, ce scénario suppose des efforts d’efficacité énergétique pour contenir la hausse de la consommation d’énergie à l’horizon 2020, alors que le scénario correspondant à la mise en œuvre de la transition énergétique générera des effets positifs sur l’économie, au-delà des bienfaits qu’elle engendrera sur l’environnement et l’amélioration du bien-être social. Ainsi, l’étude d’impact souligne que « les impacts économiques du scénario de transition énergétique, mesurés en écart par rapport au scénario de référence, sont positifs dès 2020 et cet avantage relatif s’accroît à l’horizon 2030. Ainsi le PIB (en volume), dans le scénario de transition énergétique, est respectivement supérieur de 0,8 % et 1,5 % (fourchette de 1,4 % à 1,7 %) en 2020 et 2030 par rapport à son niveau en situation de référence. La transition énergétique serait à l’origine de la création nette de l’ordre de 100 000 emplois à court terme et de l’ordre de 220 000 (jusqu’à 300 000 en 2030). Elle induit donc des effets positifs pérennes sur l’emploi. Grâce aux économies d’énergie dans le bâtiment et les transports, la facture énergétique de la France baisse de 7 % à l’horizon 2030 par rapport à 2012 et la part du revenu des ménages consacré à l’énergie est stable sur la période 2012-2030. »
3. Position de votre co-rapporteure
Même si votre co-rapporteure est consciente des critiques parfois formulées à l’encontre de l’intégration d’objectifs dans la loi, elle considère qu’il est essentiel que le Parlement énonce les grands principes devant guider l’action des acteurs publics. Si la loi est « l’expression de la volonté générale », il est impératif que cette volonté se traduise dans les textes normatifs. C’est pourquoi elle soutient le maintien de ces objectifs au niveau législatif, ainsi que les compléments apportés par le présent projet de loi. Votre co-rapporteure considère ainsi que la définition, par la loi, des territoires à énergie positive, permettra de multiplier les initiatives régionales ambitieuses en faveur de la transition énergétique et écologique. Elle a néanmoins proposé quelques amendements rédactionnels afin de simplifier, clarifier et préciser certaines dispositions.
Les objectifs mentionnés à l’article 1er du projet de loi ne resteront pas lettre morte, et ne peuvent en aucun cas être considérés comme de simples vœux sans lendemain. L’ensemble du projet de loi a vocation à décliner ces principes. Il constitue ainsi un ensemble cohérent en faveur de la transition énergétique et écologique.
Au cours de l’examen du projet de loi en commission, plus d’une trentaine d’amendements ont été adoptés sur l’article 1er. Votre co-rapporteure s’interroge sur la pertinence de certaines nouvelles dispositions, et ne s’interdit pas de proposer de nouvelles modifications en vue de la séance publique. Elle tient à rappeler que l’article 1er fixe les grands objectifs structurants de la politique énergétique nationale, et regrette que la commission ait parfois décidé de diluer ces objectifs, de détailler outre mesure certains points, ou de procéder à des ajouts qu’elle juge superfétatoires.
Outre neuf amendements rédactionnels, de correction, de cohérence ou de précision, votre commission a donc adopté :
– un amendement de votre rapporteure visant à substituer, dans le Titre Ier, l’expression « changement climatique » à celle de « réchauffement climatique ». En effet, bien que le premier enjeu demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) – et donc la lutte contre le réchauffement climatique, les perturbations climatiques ne correspondent pas toutes à un réchauffement climatique. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont créé, en 1988, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui s’intéresse à la question du changement climatique, réchauffement ou refroidissement, et de l’impact de ces évolutions sur notre planète ;
– contre l’avis de votre co-rapporteure et du Gouvernement, quatre amendements identiques émanant des groupes UMP, SRC et RRDP, visant à faire figurer à la première place l’objectif de préservation de la santé et de l’environnement au sein de l’article L. 100-1 du code de l’énergie. Cette modification apparaît totalement inutile à votre rapporteure, dans la mesure où les objectifs assignés à la politique énergétique ne sont pas hiérarchisés ;
– un amendement du groupe écologiste ayant pour objet de préciser que la politique énergétique a pour objectif de favoriser l’émergence d’une économie non seulement sobre en énergie et en ressources, mais aussi en carbone. Votre co-rapporteure n’est pas convaincue par la rédaction proposée. Par ailleurs, elle estime que cette préoccupation était satisfaite par la rédaction de l’alinéa 6 de l’article 1er, aux termes duquel la politique énergétique doit lutter contre l’aggravation de l’effet de serre ;
– un amendement du groupe écologiste précisant que la politique a pour objet de réduire la dépendance aux importations, et ce afin de sécuriser davantage l’approvisionnement national tout en réduisant le déficit de la balance commerciale française ;
– trois amendements identiques émanant des groupes écologiste, SRC et UDI, visant à préciser que la politique énergétique maintient un coût de l’énergie compétitif, alors que la rédaction initiale du texte faisait référence au « prix » de l’énergie. Votre co-rapporteure s’est opposée à ces amendements. En effet, si l’on peut penser que la réduction du coût de l’énergie aura nécessairement un effet sur le prix, elle considère que si l’on se focalise uniquement sur le coût, cela pourrait entraver le développement de nouvelles filières de production d’énergie encore immatures – ainsi certaines énergies renouvelables présentent aujourd’hui un coût encore important au regard d’énergies moins propres. Par ailleurs, à ses yeux, ce qui importe est avant tout le maintien d’un prix compétitif pour le consommateur, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise ;
– un amendement de M. Jean-Paul Chanteguet et un amendement du groupe écologiste précisant que la politique énergétique veille à maîtriser le risque nucléaire et les risques industriels majeurs. Votre co-rapporteure considère que l’adoption de ces deux amendements conduit à une rédaction très lourde de la loi, d’autant qu’ils apparaissent quelque peu redondants. Par ailleurs, elle estime que la maîtrise du risque nucléaire comme la prévention des risques industriels sont inhérentes à la politique énergétique nationale, et que ces ajouts sont superfétatoires ;
– six amendements identiques émanant des groupes SRC, UMP, RRDP et écologiste, visant à préciser que si la politique énergétique garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie, elle doit veiller que cet accès soit garanti sans coût excessif au regard des ressources des ménages. Bien évidemment, votre co-rapporteure partage l’objectif poursuivi par les auteurs de ces amendements, et estime nécessaire que l’État garantisse un prix de l’énergie accessible. Toutefois, elle note que la rédaction initiale du projet de loi impose à la politique énergétique d’assurer l’accès de tous à l’énergie. Or, l’accès à l’énergie ne désigne pas uniquement un accès technique, mais bel et bien la possibilité pour chacun de pouvoir disposer effectivement de ressources énergétiques, c’est-à-dire à un prix accessible. C’est d’ailleurs ce principe qui est au fondement de la péréquation tarifaire, des tarifs sociaux et, demain, du chèque énergie ;
– un amendement de M. Abad et de plusieurs membres du groupe UMP visant à préciser que la politique énergétique nationale contribue à la mise en place d’une politique énergétique européenne ;
– un amendement de plusieurs membres du groupe socialiste visant à préciser que la politique énergétique nationale lutte contre la précarité énergétique. Votre co-rapporteure considère que cette précision complète utilement l’objectif de « cohésion sociale et territoriale » et « d’accès à l’énergie », déjà mentionné à l’article L.100-1 du code de l’énergie ;
– un amendement de Mme Le Dain reconnaissant le rôle des associations dans la mise en œuvre des principes de la politique énergétique, aux côtés de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens ;
– un amendement de précision de plusieurs députés socialistes ;
– un amendement du groupe écologiste précisant que l’État garantit l’accès des personnes les plus démunies non seulement à l’énergie, mais également aux services énergétiques ;
– un amendement de M. Jean-Paul Chanteguet, rectifié au cours des débats, précisant que l’État veille à procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie, dans la perspective d’une division par quatre des GES ;
– un amendement de M. Le Déaut et de Mme Le Dain indiquant que l’État veille à garantir la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie de tous les professionnels impliqués dans les actions d’économie d’énergie, notamment par l’apprentissage ;
– quatre amendements émanant des groupes socialiste, UMP et écologiste, visant à substituer la notion d’énergie primaire à celle d’énergie finale s’agissant de l’objectif de réduction des énergies fossiles. S’agissant des énergies fossiles, votre co-rapporteure considère qu’il s’agit d’une utile précision, intégrant la consommation indirecte des combustibles ;
– un amendement émanant du groupe socialiste visant à ajouter à la liste des objectifs quantitatifs listés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie des dispositions spécifiques aux outre-mer : atteinte de l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer en 2030 ; objectif de 50 % d’ENR d’ici 2020 en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, et de 30 % à Mayotte. Il s’agit de reprendre des dispositions figurant dans la loi du 3 août 2009, dite Grenelle I ;
– un amendement prévoyant de disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilé, à horizon 2050 en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes. Votre co-rapporteure, qui a participé à la rédaction de cet amendement au cours de la séance, ne s’interdit pas néanmoins de proposer des améliorations rédactionnelles en vue de la séance.
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La Commission est saisie des amendements identiques CS294 de M. Michel Heinrich, CS806 de M. Julien Aubert, CS1242 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1994 de M. Joël Giraud.
M. Michel Heinrich. L’objectif de santé publique et d’environnement doit jouer un rôle primordial dans la transition énergétique et diriger tous les autres.
M. Alain Leboeuf. Nous pouvons sans doute tomber d’accord sur un amendement comme celui-ci qui, sans dénaturer le texte, rappelle le rôle primordial de la santé publique et de l’environnement.
M. Jean-Paul Chanteguet. Il nous semble important de remonter dans la liste des objectifs de la politique énergétique la préservation de la santé humaine et de l’environnement.
M. Joël Giraud. Même logique, même raisonnement : il s’agit de prioriser cet objectif.
Mme la ministre. Avis défavorable. La liste des objectifs n’est pas hiérarchisée ; ils ont tous la même importance et le même intérêt. Ne perdons pas de temps avec des considérations hiérarchiques quand il y a, dans ce texte, des sujets majeurs.
Si cela peut vous rassurer, je présenterai prochainement en conseil des ministres un plan global pour la stratégie nationale de santé et, au cours de la Conférence environnementale qui aura lieu au mois de novembre, un thème spécifique « santé et environnement » sera traité à l’Institut Pasteur.
La rédaction de l’article 1er a fait l’objet de nombreuses consultations, et notamment d’un débat approfondi dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Il ne serait pas de bon aloi de changer, au gré des humeurs, l’ordre des objectifs qui sont tous également prioritaires.
M. Bertrand Pancher. La santé humaine, madame la ministre, passe également par un bon sommeil. Ce type d’amendement nous fait bien dormir la nuit ; c’est une belle intention qui ne change absolument rien. Il y a d’ailleurs des tas de déclarations de ce genre dans votre projet de loi. Je ne vois pas pourquoi nous n’adopterions pas cet amendement.
Mme la rapporteure. Certains de ces objectifs figuraient déjà dans cet ordre dans le code de l’énergie. Avis défavorable.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS1395 de M. Jean-Luc Laurent, les amendements identiques CS436 de M. Patrick Hetzel et CS929 de M. Julien Aubert, les amendements CS1438 et CS1439 de M. Denis Baupin, les amendements identiques CS1136 de M. Bertrand Pancher, CS1245 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1440 de Mme Cécile Duflot, les amendements identiques CS437 de M. Patrick Hetzel et CS928 de M. Julien Aubert, l’amendement CS1441de M. Denis Baupin et l’amendement CS1253 de M. Jean-Paul Chanteguet.
M. Jean-Luc Laurent. L’amendement CS1395 propose une autre hiérarchisation des différents objectifs de la politique énergétique et précise certains éléments.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre mérite d’être affirmée d’emblée et ne doit pas être sacrifiée aux enjeux nouveaux qui sont au cœur du projet de loi. Alors que Paris va accueillir la Conférence sur le climat en décembre 2015, la France ne peut pas apparaître en retrait.
Par ailleurs, il est important d’affirmer la nécessité de la souveraineté énergétique sur le territoire national, de préserver la santé humaine, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de maintenir un prix de l’énergie compétitif, qui doit participer au redressement productif et à la compétitivité retrouvée de la France. Voilà pourquoi je propose une rédaction différente des alinéas 3 à 6.
M. Julien Aubert. L’amendement CS929 est défendu.
M. Denis Baupin. L’amendement CS1438 précise que nous voulons soutenir les filières industrielles sobres en énergie et en ressources, mais aussi en carbone.
Pour ce qui est de l’amendement CS1439, il tend à préciser les objectifs de la politique énergétique en y inscrivant la recherche de l’indépendance énergétique, gage de la souveraineté du pays. Aujourd’hui, notre dépendance, et celle de l’Europe en général, aux importations d’énergies fossiles est forte : près de 500 milliards d’euros y sont consacrés chaque année au niveau européen. Ces milliards sont utilisés à des fins géopolitiques par certains – je pense à M. Poutine, au Qatar et à des groupes terroristes qui ont aujourd’hui la maîtrise de territoires où il y a des productions pétrolières. Il s’agit du transfert de fonds le plus important à travers le monde, tout cela parce que l’Europe n’a pas de politique de maîtrise de l’énergie. Il me semble donc qu’avoir une vision de ce que l’on importe ou non est un élément stratégique de politique énergétique.
Enfin, que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques soient fabriqués avec des éléments importés, tout comme l’uranium, m’a-t-on rétorqué, j’en conviens. Seulement, il y a une grosse différence entre l’investissement et le fonctionnement. S’agissant de l’investissement, on importe aussi les cuves de nos réacteurs nucléaires, et ceux-ci fonctionnent sous licence Westinghouse, avec de l’uranium importé. En revanche, nous n’importons ni le soleil ni le vent !
M. Bertrand Pancher. Le développement indispensable de l’efficacité énergétique passe par un changement de paradigme, à savoir la nécessité de raisonner non plus en fonction du prix de l’énergie, mais de son coût global pour le consommateur quel qu’il soit. C’est pourquoi l’amendement CS1136 tend à substituer le mot « coût » au mot « prix ».
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1245, identique, est défendu.
Mme Cécile Duflot. Il en est de même de l’amendement CS1440.
M. Patrick Hetzel. L’amendement CS437 vise à favoriser l’innovation et la recherche dans le domaine de l’énergie des entreprises, et particulièrement des très petites, petites et moyennes entreprises.
Les arguments développés par M. Baupin sur la filière énergétique sont discutables. On ne peut pas avoir une vision simpliste du nucléaire. Pour effectuer actuellement, au sein de l’OPECST, un travail sur les terres rares, je puis vous dire qu’il faut en utiliser jusqu’à une tonne par éolienne. Or ces terres rares sont obtenues par un processus en amont qui pollue énormément, mais l’on n’entend jamais M. Baupin sur ce point.
M. Martial Saddier. Mme la ministre ne sera pas insensible à notre amendement CS928, car nous ne relèverons pas le défi de la transition énergétique sans les très petites, petites et moyennes entreprises, qui sont l’un des objectifs de ce texte.
M. Denis Baupin. À l’alinéa 6, l’impact sur la santé humaine et l’environnement n’est envisagé qu’à travers l’aggravation de l’effet de serre. Les risques industriels majeurs peuvent également, dans le cadre de la production énergétique, être lourds de conséquences. L’amendement CS1441 propose de les ajouter.
M. Jean-Paul Chanteguet. Avec cinquante-huit réacteurs, la France est le pays le plus nucléarisé au monde. Il me paraît nécessaire d’indiquer, dans l’alinéa 6, qui concerne la préservation de la santé humaine et de l’environnement, que la politique énergétique vise aussi à la maîtrise du risque nucléaire.
Mme la ministre. Tous les objectifs sont d’une importance égale. En changeant l’ordre des priorités, on donnerait un signal négatif, au sens où l’on ferait apparaître que certains objectifs seraient plus importants que d’autres. C’est contraire au but recherché. Avis défavorable à l’amendement CS1395 de M. Laurent, de même qu’aux amendements CS436 de M. Hetzel et CS929 de M. Aubert.
Pour ce qui concerne les amendements CS1438 et CS1439 de M. Baupin, j’émets un avis favorable au premier. Quant au second, qui vise à réduire la dépendance aux importations d’énergie, il est satisfait par la référence à l’autonomie énergétique du pays. Cet amendement me semble donc redondant. Cela étant, je m’en remets à la sagesse de la Commission.
Avis favorable aux amendements identiques CS1136 de M. Pancher, CS1245 de M. Chanteguet et CS1440 de Mme Duflot, qui me paraissent judicieux.
S’agissant des amendements identiques CS437 de M. Hetzel et CS928 de M. Aubert relatifs aux petites et moyennes entreprises, pour lesquelles vous connaissez mon attachement, je suggère de les déplacer à l’endroit du texte où nous débattrons des moyens donnés à la recherche. S’il faut faciliter l’accès à l’innovation et à la recherche pour les petites et moyennes entreprises, ces dernières peuvent travailler en sous-traitance pour des grands groupes, et il ne faut pas les opposer les unes aux autres. On entre là dans des mécaniques qui s’éloignent un peu des grands objectifs de la loi définis à l’article 1er.
Les risques industriels majeurs sont déjà intégrés à la question de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Néanmoins, j’émets un avis favorable à l’amendement CS1441 de M. Baupin. En tout cas, je le préfère à l’amendement CS1253 de M. Chanteguet, car il y a des risques industriels majeurs qui vont bien au-delà des risques nucléaires. L’amendement de M. Baupin englobe la totalité des risques industriels majeurs.
Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CS1395 de M. Laurent.
Je donne un avis favorable à l’amendement CS1438 de M. Baupin, mais défavorable au CS1439 du même auteur. Assurer la sécurité de l’approvisionnement implique de renforcer l’indépendance énergétique nationale en réduisant notamment les importations.
Je profite de cet amendement pour répondre de manière globale à tous ceux qui suivront. Le projet de loi apporte des compléments nécessaires, mais peu nombreux, aux articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l’énergie. Ainsi, la plupart des objectifs listés figurent déjà dans le code de l’énergie, dont la sécurité d’approvisionnement. Les amendements me semblent donc satisfaits.
J’ai a priori un avis plutôt défavorable aux amendements identiques CS1136 de M. Pancher, CS1245 de M. Chanteguet et CS1440 de Mme Duflot, car il me semble que si l’on ne se préoccupe que du coût de l’énergie, on peut entraver le développement de nouvelles filières de production d’énergie. Je ne suis pas sûre que ce soit notre objectif premier.
Je suis défavorable aux amendements identiques CS437 de M. Hetzel et CS928 de M. Aubert, dont l’objet est abordé à l’alinéa 14 de l’article 1er ainsi qu’à l’article 53.
Enfin, avis favorable à l’amendement CS1441 de M. Baupin et défavorable à l’amendement CS1253 de M. Chanteguet.
M. Denis Baupin. Je ne vois pas, dans le projet de loi, où figure la mention de la réduction de nos importations d’énergie. Assurer la sécurité d’approvisionnement ne procède pas tout à fait de la même idée : cette sécurité peut être assurée par le biais de pas mal d’importations, ce qui ne contribue pas à la réduction de notre dépendance aux importations.
M. Patrick Hetzel. L’intérêt de l’amendement CS437 était précisément de figurer à cette place de l’article 1er. Néanmoins, je le retire.
Les amendements identiques CS437 et CS928 sont retirés.
La Commission rejette successivement l’amendement CS1395 et les amendements identiques CS436 et CS929.
Puis elle adopte successivement les amendements CS1438 et CS1439, les amendements identiques CS1136, CS1245 et CS1440 ainsi que les amendements CS1441 et CS1253.
La Commission est saisie des amendements identiques CS293 de M. Michel Heinrich, CS620 de Mme Barbara Romagnan, CS807 de M. Julien Aubert, CS1257 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1442 de Mme Cécile Duflot et CS1993 de M. Joël Giraud.
M. Michel Heinrich. Nombre de nos concitoyens sont concernés par la précarité énergétique ou pourraient l’être. L’objectif de cohésion sociale, assuré par la possibilité d’accéder à une énergie à bas coût, compatible avec les revenus de nos concitoyens, doit être affirmé dans la loi.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS807 vise à prendre en compte la nécessité de l’accès à l’énergie pour tous.
M. Daniel Fasquelle. Avec l’amendement CS807, il s’agit de mettre le droit français en conformité avec la directive européenne 2003/54/CE, selon laquelle les prix doivent être « comparables, transparents et raisonnables ».
Madame la ministre, une commission d’enquête sur la tarification de l’électricité a été créée, mais vous avez, dans le même temps, fait des annonces à la suite d’une décision du Conseil d’État. Quelle est votre position en ce qui concerne l’évolution des prix de l’électricité et leur tarification ?
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1257 est défendu.
Mme Cécile Duflot. Il en est de même de l’amendement CS1442.
M. Joël Giraud. La cohésion sociale ne doit pas être qu’incantatoire.
Mme la ministre. Avis favorable.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte les amendements.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS218 et CS244 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. L’amendement CS218 tend à prendre en compte la dimension européenne de la transition énergétique, qui est la grande oubliée du projet de loi. L’idée est de construire une politique commune de l’énergie, considérant que c’est en marchant ensemble et en s’accordant sur une politique commune de transition énergétique que les États membres de l’Union pourront changer véritablement la donne. Ce texte doit être un premier pas dans ce sens.
L’amendement CS244 va un peu plus loin en proposant de fixer comme objectif la mise en place d’une communauté européenne de l’énergie, un peu sur le modèle de l’ancienne Communauté européenne du charbon et de l’acier.
Mme la ministre. Nous sommes bien évidemment engagés dans une dynamique européenne. D’ailleurs, dans le domaine de l’énergie, beaucoup de sujets relèvent de la compétence européenne. Ces amendements ne me paraissent pas très utiles. Sagesse.
Mme la rapporteure. L’article L. 100-1 définit les objectifs de la politique énergétique nationale à laquelle il n’y a pas lieu d’associer la construction d’une Europe de l’énergie, même si cet objectif est souhaitable.
M. Charles de Courson. Il faut inscrire la politique française de l’énergie sinon dans une politique européenne de l’énergie, qui fait actuellement défaut, du moins dans une perspective européenne. En matière d’énergie, l’Europe va au-devant de grandes difficultés, qui pourraient commencer dès cet hiver. Chaque État compte sur les autres, qui ne pourront pas toujours l’approvisionner.
Je préfère le second amendement, dont on pourrait modifier ainsi la rédaction, lors de la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88 : « participe à l’élaboration d’une future politique européenne de l’énergie ».
Mme la rapporteure. Je suis plus favorable à l’amendement CS218 qu’au CS244.
La Commission adopte l’amendement CS218.
Puis elle rejette l’amendement CS244.
Elle examine ensuite l’amendement CS976 de Mme Barbara Romagnan.
M. Christophe Bouillon. Il s’agit d’ajouter un sixième objectif à la politique énergétique de la France : la lutte contre la précarité énergétique.
Mme la ministre. Avis favorable.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement CS1583 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’alinéa 9 doit mentionner explicitement, aux côtés des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens, les associations, dont il faut rappeler la place et le rôle dans notre société.
Mme la ministre. Avis favorable. Reste à savoir s’il n’existe pas un terme plus englobant, qui permettrait d’inclure aussi les organisations non gouvernementales.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle en vient aux amendements identiques CS956 de M. Julien Aubert et CS1604 de M. Joël Giraud.
M. Daniel Fasquelle. Il s’agit de garantir la proportionnalité des aides visant à améliorer la performance énergétique de bâtiments existants aux économies réellement réalisées. On s’assurerait ainsi que l’argent public est bien dépensé.
M. Joël Giraud. On ouvrirait aussi la porte à l’innovation.
Mme la ministre. Avis défavorable. J’invite les auteurs de ces amendements à les retirer, afin de les déplacer, car la performance énergétique des bâtiments est étudiée au titre II du texte. La possibilité de conditionner les aides à la performance énergétique des bâtiments à énergie positive sera ouverte aux régions à titre expérimental.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour la même raison. En outre, on ne peut insérer dans un code un article demandant la remise d’un rapport. Enfin, si l’on veut conditionner les aides publiques à l’efficacité énergétique réelle, mieux vaut solliciter la création d’une mission d’information au sein de l’Assemblée nationale.
Les amendements CS956 et CS1604 sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS780 de M. Julien Aubert et les amendements identiques CS438 de M. Patrick Hetzel et CS927 de M. Julien Aubert.
M. Alain Leboeuf. À l’alinéa 10, l’amendement CS780 propose d’ajouter après « efficacité » les adjectifs « énergétique active et passive ». L’efficacité active a trait à la gestion et au pilotage, l’efficacité passive, à l’isolation.
M. Patrick Hetzel. L’amendement CS438 tend à supprimer la référence à la sobriété énergétique, cheval de bataille des économistes de la décroissance. Je m’étonne de l’écart qui oppose les orientations du Gouvernement en matière énergétique et celles que le Premier ministre a présentées dans son discours de politique générale. La croissance est indispensable si l’on veut aider nombre de nos concitoyens à accéder à l’emploi.
Mme la ministre. L’amendement CS780 entre en contradiction avec les amendements CS438 et CS927. Le premier rappelle que l’efficacité énergétique active et passive est complétée par la sobriété énergétique, que les deux autres proposent de supprimer.
Le Gouvernement, qui entend construire une société de sobriété énergétique, est défavorable aux amendements CS438 et CS927. Pour l’amendement CS780, il s’en remet à la sagesse de la Commission. Attention, toutefois, au mot « passif » qui prend, en matière d’énergie, un sens particulier. Quelqu’un qui isole un bâtiment ou le dote d’équipements plus performants est loin d’être passif, au sens où on l’entend généralement.
M. Charles de Courson. Qu’est-ce que la sobriété ? Consiste-t-elle à ne pas boire du tout ou à consommer peu d’alcool ? D’ailleurs, que signifie boire peu ? Évitons d’introduire dans la loi une notion aussi floue, qui n’a pas de portée normative.
M. le président François Brottes. Je partage votre avis sur ce point.
M. Bertrand Pancher. Les amendements ouvrent aussi le débat entre la croissance et la décroissance, ce qui n’a pas de sens. Sur le plan économique, une société est tenue de se développer.
M. Julien Aubert. Je comprends le concept de performance ou d’efficacité énergétique active ou passive, qui établit un lien avec les smart grids et la gestion moderne de l’énergie. Mais pourquoi invoquer une sorte de jansénisme ou de chasteté énergétique, qui nous renvoie à un modèle social très différent du nôtre ? On dépasse l’enjeu du texte si l’on prétend ne plus consommer d’énergie ou tout recycler, et, si vous voulez ouvrir un débat national, nous devons disposer d’une expertise qui nous fait défaut.
M. Serge Letchimy. Je comprends mal le lien que M. Aubert établit entre sobriété énergétique et décroissance. Être sobre, c’est rechercher l’efficacité technique et réduire la demande en modifiant le comportement de chacun. C’est une adhésion collective à une démarche, ce qui n’a rien à voir avec la décroissance.
M. Christophe Bouillon. La sobriété énergétique répond à un engagement européen, auquel nous adhérons. Nul n’ignore que les ressources ne sont pas infinies.
M. Éric Alauzet. La sobriété est un objectif, qui consiste à consommer moins ; l’efficacité énergétique est un moyen. M. de Courson fait sûrement la différence entre la sobriété et l’abstinence.
La Commission rejette successivement l’amendement CS780 et les amendements CS438 et CS927.
Elle aborde l’amendement CS646 de Mme Barbara Romagnan.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS646 tend à garantir un droit effectif à l’énergie, sur le modèle du droit d’accès au compte bancaire, à l’eau ou au logement.
Mme la ministre. Sagesse.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les dispositifs existants, même imparfaits, assurent à nos concitoyens l’accès à l’énergie. Les lois Brottes et ALUR ont renforcé la protection des plus précaires en encadrant le dispositif des coupures et en allongeant la trêve hivernale.
M. Julien Aubert. Pourquoi affirmer un droit sans le rendre opposable, ce qui en limite la portée ? Mieux vaudrait garantir l’existence d’un service public et protéger celui-ci, malgré l’ouverture à la concurrence.
M. Jean-Paul Chanteguet. On ne peut garantir un droit d’accès à l’énergie qu’en luttant contre la précarité énergétique, comme le fait le texte.
M. le président François Brottes. Le vote de l’amendement appellerait une série de dispositions normatives que ses auteurs ont sûrement anticipées.
La Commission rejette l’amendement CS646.
Elle en vient à l’amendement CS1443 de Mme Cécile Duflot.
Mme Cécile Duflot. Les plus démunis doivent bénéficier non seulement de l’accès à l’énergie mais de tous les moyens qui permettent de l’économiser. On évitera ainsi que certaines personnes ne soient logées dans des passoires énergétiques.
Mme la ministre. Avis favorable, d’autant que le déploiement des compteurs intelligents permet désormais une gestion active de la consommation.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CS972 de M. Yves Daniel.
Mme la ministre. Avis favorable.
Mme la rapporteure. La précision est inutile, puisque le texte définit les objectifs de la politique énergétique nationale.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement C974 de M. Yves Daniel.
M. Christophe Bouillon. Dès lors que le projet de loi reconnaît l’énergie comme bien de première nécessité, il doit favoriser son accès à tous tant sur le territoire national qu’à l’étranger. La pauvreté énergétique étant un frein majeur au développement des pays les plus pauvres, nous proposons de faire de l’accès à l’énergie une priorité de notre politique d’aide au développement.
Mme la ministre. Sagesse.
Mme la rapporteure. L’amendement apporte une précision superfétatoire. L’article 4 et le rapport annexé de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dite loi Canfin, font de l’accès à l’énergie une priorité de notre aide au développement.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS1444 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Les consommateurs et les acteurs économiques sont responsables de leur consommation énergétique. Encore faut-il qu’on leur donne les moyens de la maîtriser, notamment par le biais d’internet et des nouveaux outils, comme les compteurs intelligents.
Mme la ministre. Sagesse. L’amendement me semble satisfait par les dispositions tendant à permettre une gestion active de la consommation d’énergie.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par les alinéas 10 et 13.
L’amendement CS1444 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS2190 de la rapporteure et les amendements identiques CS196 de Mme Sophie Rohfritsch et CS590 de M. Stéphane Travert.
Mme la rapporteure. L’amendement CS2190, qui tend à substituer le mot « électricité » au mot « énergie », est de précision.
Mme Sophie Rohfritsch. Le texte souffre sur ce point, non d’un manque de précision, mais d’un véritable flou : il est presque exclusivement orienté vers l’électricité, ce que l’amendement CS196 propose de corriger.
M. Stéphane Travert. Pour éviter d’opposer les énergies les unes aux autres ou d’exclure certains modes de production d’énergie, l’amendement CS590 propose d’ajouter, après le mot « électricité », les mots « , de gaz et de chaleur ».
Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement CS1290. Dès lors qu’il s’agit de corriger une erreur matérielle, les procès d’intention ne sont pas de mise. Avis défavorable aux amendements CS196 et CS590.
M. Bertrand Pancher. S’agit-il vraiment de corriger une erreur matérielle ? Le texte, ciblé sur l’électricité, parle fort peu du gaz ou d’autres formes de production énergétique.
M. Charles de Courson. L’amendement de la rapporteure, auquel nous sommes favorables, n’est pas de précision. L’objectif premier du texte était d’abaisser à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire et d’augmenter la part du renouvelable, autrement dit de diversifier de manière équilibrée les sources de production d’électricité. Il s’agissait d’un texte « tout électrique », qui ignorait en grande partie le gaz et le pétrole.
M. le président François Brottes. Mme la ministre a plaidé l’erreur. Évitons les faux débats.
M. Charles de Courson. L’amendement est non de la ministre mais de la rapporteure. Et celle-ci a raison de dire qu’il faut mener une politique globale des énergies. Mais il s’agit là d’une modification réelle.
Mme la ministre. Relisez le titre du projet de loi : vous constaterez que celui-ci porte sur la transition énergétique, non sur la transition électrique. Quant au pétrole, il est au cœur du texte, qui vise à remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables ou les économies d’énergie, afin de diminuer la facture énergétique.
La Commission adopte l’amendement CS2190.
En conséquence, les amendements CS196 et CS590 sont sans objet.
La Commission en vient à l’amendement CS916 de Mme Béatrice Santais.
Mme Béatrice Santais. L’amendement vise à inscrire dans le texte de loi les énergies renouvelables produisant de la chaleur.
Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par l’amendement CS2190, que nous venons d’adopter.
Mme la rapporteure. Même position.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS926 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Pour revenir un instant sur les amendements précédents, je rappelle qu’aucun chapitre du projet de loi ne traite des hydrocarbures ni des énergies fossiles. Les énergies vertes et électriques ne remplacent pas le pétrole, mais le nucléaire. Autant dire que la substitution du mot « énergie » à celui d’« électricité » ne relève pas d’une simple précision.
L’amendement CS926 vise à remettre la compétitivité des entreprises au cœur du texte, pour donner à celui-ci une dimension tant écologique qu’économique.
Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait, puisque le mot compétitivité figure à l’article 1er.
Mme la rapporteure. Même position.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient aux amendements identiques CS89 de M. Martial Saddier et CS212 de M. Charles de Courson.
M. Martial Saddier. L’amendement CS89 est défendu.
M. Charles de Courson. Nous avons eu un long débat sur la compétitivité. Je retire l’amendement CS212.
L’amendement CS212 est retiré.
Mme la ministre. L’amendement CS89 est satisfait.
Mme la rapporteure. Même position.
M. Martial Saddier. Je retire l’amendement CS89.
L’amendement CS89 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CS1163 de M. Jean-Yves Le Déaut.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 12 de l’article 1er, afin de préciser que l’État doit veiller à « promouvoir un contexte réglementaire favorable à l’innovation, notamment dans les petites et moyennes entreprises et dans les petites et moyennes industries ; ».
Mme la ministre. Cet amendement sera satisfait, car nous intégrerons la prise en compte des PME dans le volet consacré à l’innovation et à la recherche.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS1252 de M. Jean-Paul Chanteguet.
M. Jean-Paul Chanteguet. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2014, l’Assemblée nationale a inséré une disposition créant une contribution climat-énergie. Le carbone fait partie de l’assiette de la fiscalité sur les énergies fossiles, et le prix de la tonne de carbone a été fixé à 7 euros pour cette année, à 14 euros pour l’année prochaine et à 22 euros en 2016. La commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard sur les priorités stratégiques d’investissement dans le cadre d’un emprunt national, et le rapport remis par M. Jean Pisani-Ferry, intitulé Quelle France dans dix ans ?, ont proposé que le prix de la tonne de carbone atteigne 100 euros en 2030, afin d’atteindre l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous souhaitons que l’alinéa 12 prévoie que l’État veille à « procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie, qui, dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre, doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2 ; ».
Mme la ministre. Je comprends la préoccupation sous-tendue par cet amendement, mais le prix de la tonne de carbone résulte du mix et du pilotage énergétiques ; afficher brutalement une hausse de l’énergie enverrait un signal malheureux aux consommateurs en situation de précarité, qui subissent déjà des augmentations de leur facture énergétique.
Mme la rapporteure. Ce sera aux budgets carbones et à la stratégie bas carbone de définir la trajectoire à suivre pour réduire les émissions de GES. La stratégie bas carbone pourra inciter à moduler la contribution climat énergie. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
M. Bertrand Pancher. MM. Jean-Paul Chanteguet et Arnaud Leroy ouvrent un beau débat en déposant cet amendement : les signaux relatifs au prix du carbone manquent actuellement de clarté et de prévisibilité, comme l’atteste l’instabilité des prix constatée ces dernières années. Les certificats d’économies d’énergie illustrent également les difficultés présentes en ne constituant pas une quelconque valeur pour les entreprises. En outre, nous ne devons pas faire abstraction du débat européen sur le coût des quotas de CO2.
Madame la ministre, on ne peut pas se contenter de brandir l’argument de la dureté de la situation pour occulter cette question. Si nos compatriotes ne changent pas leur mode de consommation, les choses ne s’amélioreront jamais. La réorientation de la fiscalité se révèle stratégique : on ne fera pas de politique de l’environnement sans créer de contraintes et en se contentant d’invoquer une prise de conscience de la part de chacun.
M. Jean-Paul Chanteguet. Je pourrais déposer un autre amendement indiquant la nécessité de l’évolution du prix de la tonne de carbone dans le temps pour permettre un changement de comportement des consommateurs et des entreprises, mais ne précisant pas le niveau de ce prix en 2030.
Mme la ministre. Nous devons inciter les consommateurs et les opérateurs à changer de comportement pour que le prix évolue. Si nous décidions, au contraire, de matraquer les gens et les entreprises en annonçant aujourd’hui une hausse de la tonne de carbone jusqu’à 100 euros en 2030, nous ferions naître un sentiment anxiogène. Les élus des collectivités territoriales sont engagés dans la transition énergétique et modifient leur comportement, y compris dans leur gestion des fonds publics. Le crédit d’impôt incitera nos concitoyens à faire évoluer leur conduite, et la gestion du prix et des coûts des énergies renouvelables pousseront les entreprises à investir dans la transition énergétique. Il s’agit d’un choix démocratique et de responsabilité des acteurs économiques et des citoyens, afin que les gens aient la possibilité et donc la liberté de modifier leur comportement au moment où nous enverrons un signal sur le prix. Le matraquage par les prix et l’écologie punitive rendront difficile l’évolution des comportements que nous souhaitons. La question du prix du carbone en 2030 se posera, bien entendu, mais ce sont le mix et le pilotage énergétiques – dans lesquels le Parlement aura un rôle très important à jouer – qui permettront de fixer le prix adapté aux comportements les plus vertueux.
M. Éric Alauzet. On peut comprendre les réserves et les appréhensions de l’opinion publique à de telles annonces, mais le prix constitue le seul levier efficace pour assurer la transition écologique ; bien entendu, dans un monde parfait où l’argent serait abondant, on pourrait fonder cette politique sur les seules aides, mais ce choix n’est pas soutenable pour les finances publiques : il convient donc de créer des systèmes de bonus- malus.
La société a besoin de stabilité et de signaux clairs. La contribution climat-énergie a été lancée pour trois ans, mais quel message adressons-nous pour la suite ? La proposition de M. Jean-Paul Chanteguet de ne pas afficher un prix pour 2030 doit permettre de lever les réticences tout en conservant l’annonce d’une direction pour les moyen et long termes. Nous devons avoir ce courage-là.
Mme la ministre. L’annonce d’une augmentation de 100 euros du prix de la tonne de carbone induira chez les Français la perception d’une hausse de 100 euros de leur facture. Il y a lieu d’expertiser cet amendement avant la séance publique, afin de pouvoir répondre à votre préoccupation, M. Chanteguet.
M. Julien Aubert. Il s’agit d’un vrai débat, et le groupe UMP soutient l’adoption de cet amendement. En Allemagne, le développement du charbon résulte du dysfonctionnement du marché du carbone. Madame la ministre, la fermeture des centrales nucléaires enverra également un signal sur le prix de l’électricité. Nous sommes d’accord sur les objectifs, et vous avez sans doute raison sur le calendrier, mais ce qui vaut pour le fossile vaut aussi pour l’électrique. Donnons-nous un horizon plus long pour la hausse du prix de la tonne de carbone, mais n’abandonnons pas le symbole politique et remettons d’aplomb le marché carbone en tapant du poing sur la table.
Mme Cécile Duflot. Le secrétaire général de l’ONU et les présidents français et péruvien ont consacré un important développement à la taxation carbone dans leur déclaration hier à New York. Plus personne ne considère qu’une lutte efficace contre le dérèglement climatique puisse faire l’impasse sur un système donnant à la tonne de carbone un prix bien plus élevé qu’il n’est aujourd’hui. Des grandes entreprises, regroupées dans une coalition dirigée par le président-directeur général de Statoil, acceptent cette idée de la contribution carbone, et les États-Unis sont prêts à s’engager dans cette démarche. Nous ne pouvons pas ne pas nous insérer dans cette dynamique mondiale sur la taxation du prix du carbone.
La France souhaitant se montrer exemplaire avant le sommet sur le climat qu’elle organisera l’année prochaine, nous devons emprunter ce chemin menant à la sortie de la civilisation du carbone. Pour ce faire, nous devons élaborer des objectifs ambitieux en matière de taxation du carbone, ce qui nous permettra de travailler efficacement avec les autres pays.
M. Bertrand Pancher. La nécessité de fixer un niveau élevé au prix du carbone ne suscite aucune controverse chez les chercheurs et les experts. Si nous éludons cette exigence, nous ne réussirons pas à changer notre modèle énergétique. Il faut laisser au consommateur la possibilité de s’adapter, dites-vous, mais la vitesse du changement climatique pourrait ne pas le permettre. Nous devrions donc insérer cet objectif de prix du carbone dans le projet de loi – s’il n’y en avait qu’un à retenir, ce serait sans doute celui-ci.
M. Christophe Bouillon. Chacun s’accorde sur le constat et sur l’objectif louable, mais la rédaction de cet amendement n’est pas satisfaisante. Il serait utile de le retravailler d’ici à la séance publique, afin de fixer en toute connaissance de cause un prix au carbone qui soit adapté au signal que nous souhaitons envoyer.
M. Jean-Paul Chanteguet. Je ne suis pas opposé à une modification de la rédaction de l’amendement, mais je maintiens celui-ci, car il faut adresser un signal fort. Il sera toujours possible de le réécrire dans le cadre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale ou en séance. Je tiens enfin à rappeler que c’est notre majorité qui a mis en place la contribution climat-énergie.
M. Éric Alauzet. La politique d’aide en matière de déchets – prévention, réutilisation, tri, déchetteries – permet péniblement de diminuer la quantité de déchets de 2 à 4 % ; la redevance incitative, quant à elle, a induit une baisse de 30 % en un an. Les aides consomment de l’argent public et s’avèrent peu efficaces, alors que la facturation au prix possède un effet puissant.
M. Martial Saddier. Nous sommes un certain nombre de députés à nous être battus pour que les textes adoptés par les commissions soient ceux discutés en séance publique. Servons-nous de ce renforcement des pouvoirs du Parlement, maintenant entré dans les faits, pour adopter cet amendement, quitte à ce que le Gouvernement propose un nouvel amendement en séance publique. Je rejoins mes collègues sur la nécessité d’envoyer un signal dès maintenant sur le prix du carbone et d’adopter cet amendement.
Mme la ministre. Je propose un sous-amendement qui consisterait à laisser la partie « procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre » et à supprimer la partie indiquant que cette contribution « doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2 ; ». Nous conduirons une expertise technique d’ici à la séance publique.
M. Jean-Paul Chanteguet. Je soutiens l’adoption du sous-amendement présenté par Mme la ministre.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1884 de Mme Anne-Yvonne Le Dain, CS2175 de la rapporteure, CS1445 de M. Denis Baupin, CS650 de M. Yves Daniel et CS2176 de la rapporteure.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’alinéa 13 de l’article 1er dispose que l’État veille à « assurer l’information de tous de manière transparente, notamment en matière de coûts et de prix de l’énergie ainsi que leur contenu carbone (…) ». Mon amendement vise à préciser que cette action touche autant le consommable – ce que paient les consommateurs, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises – que les investissements initiaux. Il est important d’insérer la consommation en tant qu’acte dans l’article 1er du projet de loi.
M. le président François Brottes. Les amendements CS2175 et CS2176 de Mme la rapporteure sont rédactionnels.
M. Denis Baupin. La transparence de l’information s’avère importante, car plus les consommateurs connaîtront véritablement les prix et les coûts et plus ils effectueront leurs choix dans le sens de l’intérêt général. Ainsi, en ne parlant que du coût, du prix et du contenu carbone, on néglige les impacts sanitaires, sociaux et environnementaux des énergies – pollution de l’air ou risques industriels notamment.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS650 est défendu.
Mme la ministre. Les amendements CS1884, CS1445 et CS650 sont satisfaits, car le texte prévoit déjà le droit à l’information de tous. Il n’est pas souhaitable d’alourdir la loi, et l’énumération pourrait conduire à des oublis alors que la formule du droit à l’information couvre tous les aspects directs et indirects de l’énergie.
J’émets, en revanche, un avis favorable à l’adoption des amendements CS2175 et CS2176 de Mme la rapporteure, le premier ayant justement pour objet la transparence et l’information de tous.
Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’adoption de l’amendement CS1445, ne serait-ce qu’en raison de sa mauvaise rédaction. Mon avis est le même pour les amendements CS1884 et CS650, déjà satisfaits.
M. Denis Baupin. Je retire mon amendement.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS650 est retiré.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire également mon amendement.
Les amendements CS1884, CS1445 et CS650 sont retirés.
La Commission adopte les amendements CS2175 et CS2176.
La Commission est saisie de l’amendement CS1886 de Mme Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est nécessaire que le consommateur puisse maîtriser sa consommation. Pour ce faire, il convient qu’il la connaisse exactement ce et pas a posteriori en allant chercher l’information sur un compteur difficile d’accès, ce qui est plutôt la norme aujourd’hui. Cela vaut pour le gaz, mais surtout pour l’électricité.
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. L’amendement de Mme Le Dain est satisfait. Ce matin, nous avons évoqué l’accès de tout citoyen à la maîtrise de la consommation active. Pour maîtriser sa consommation de façon active, il faut forcément en avoir l’information.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Même avis.
M. Julien Aubert. Il me semble que l’amendement vise à aller au-delà des informations que fournira le compteur Linky. Mais cet au-delà n’est pas financé… De deux choses l’une : ou bien le compteur Linky donnera tous les éléments nécessaires, auquel cas cet amendement est inutile, ou bien il s’agit d’un service supplémentaire, et il faudra bien le matérialiser. Je suis plutôt défavorable.
M. le président François Brottes. Monsieur Aubert, je me demandais si vous n’étiez pas l’auteur de l’article 40 de la Constitution ! Je vous signale que cet amendement n’aurait pas pu être présenté s’il avait pour but d’entraîner une dépense supplémentaire.
M. Julien Aubert. On reproche parfois au compteur Linky de ne pas fournir suffisamment d’informations. Permettre à l’usager de connaître sa propre consommation pour pouvoir la maîtriser suppose donc des équipements particuliers. S’il faut installer des équipements supplémentaires, cela suppose un coût. Je doute que ce soit ERDF ou le contribuable qui paient.
M. le président François Brottes. Monsieur Aubert, merci de nous avoir donné votre avis. J’essaierai de vous le demander de temps en temps ! (Sourires)
Mme Anne-Yvonne Le Dain. J’ai bien entendu les observations de Mme la ministre. Ce qui est important, c’est d’envoyer un signal en direction du consommateur.
Monsieur Aubert, nulle part je n’ai dit qu’il reviendra à la puissance publique de financer cette affaire. En revanche, la loi peut très bien préciser qu’il appartiendra au fournisseur d’accès de faire en sorte que le consommateur puisse avoir facilement accès à certaines informations. Tout n’est pas argent public, cher collègue.
Je retire l’amendement CS1886.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS1885 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il s’agit de mettre en place des méthodes d’appréciation explicites des externalités positives et négatives de toutes les énergies, fossiles ou renouvelables. Il est important d’inscrire dans la loi qu’il faut se donner les moyens de regarder ce qui vient en plus et en moins en termes de coût financier, de coût carbone pour l’ensemble des énergies, et particulièrement pour ce qui touche au calcul des durées d’amortissement des investissements, dont on ne parle jamais, mais qui varient considérablement selon les technologies.
Mme la ministre. Avis défavorable. Je rappelle que nous sommes sur l’article 1er qui arrête les grands objectifs. Tout ce qui complexifie ces grands objectifs risque de les affaiblir. Nous pourrons rediscuter des moyens techniques dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et lors de l’élaboration des textes réglementaires d’application.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire l’amendement CS1885.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS1164 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Il faudrait définir une politique d’achat public exemplaire en faveur des petites et moyennes entreprises et des petites et moyennes industries, en appréciant les offres sur la base des prix calculés sur le cycle de vie, et en poursuivant une politique d’investissement indispensable au maintien de la performance des services publics impliqués dans la transition énergétique et la croissance verte.
Le marché de la rénovation sera très important dans les prochaines années. Malheureusement, on voit que les grands groupes en bénéficient plus que les PME-PMI. Si l’on veut que les PME-PMI se développent dans nos territoires, – c’est l’équivalent de ce que prévoient les États-Unis avec le Small business act ou ce que l’on a fait au niveau du ministère de la défense –, il serait bon de l’inscrire dans la loi.
Mme la ministre. Même avis que précédemment. Le texte que vous proposez d’introduire à l’article 1er est extrêmement complexe. Je crains même qu’il n’effraie les PME-PMI et affaiblisse les grands objectifs. Mieux vaut examiner cette disposition lorsque nous aborderons les articles relatifs aux investissements, à l’encouragement, à l’innovation, à l’achat de l’énergie.
Le Gouvernement est prêt, et je l’ai prouvé, à une co-construction de ce texte de loi en vue de l’améliorer. Mais il ne faut pas oublier que ce projet est aussi le fruit de consultations extrêmement denses et nos partenaires doivent pouvoir s’y retrouver. Beaucoup de choses ont déjà été introduites dans le texte à la suite de négociations très longues avec le Conseil national de la transition écologique où tous les partenaires sociaux sont représentés, ainsi que les ONG. Ensuite, le projet a été examiné par le Conseil économique, social et environnemental. Là aussi, des heures de travail ont été nécessaires pour trouver un juste équilibre. Puis ce fut au tour du Conseil d’État d’en être saisi. Enfin, votre commission a procédé à des auditions. Le Gouvernement souhaite respecter toute cette procédure de consultations préalables de l’ensemble des forces vives du pays, y compris l’ensemble des filières économiques et industrielles liées à la transition énergétique.
Des amendements ont été débattus au sein du groupe socialiste qui a beaucoup travaillé et des amendements individuels de parlementaires sont venus s’y rajouter à ce dispositif. Par ailleurs, la commission du développement durable a effectué un travail important ainsi que le président de la commission spéciale et les rapporteurs. Il appartient aux parlementaires de la majorité et de l’opposition de prendre leurs responsabilités. Je m’en remets à votre sagesse, mais j’appelle votre attention sur la question de l’équilibre de ce texte. Les opérateurs économiques attendent quelque chose de simple et efficace qui doit déclencher l’investissement économique dans notre pays. Tout ce qui risque de complexifier les choses doit être vraiment calculé à l’aune des possibles effets pervers, dans un texte particulièrement délicat et technique, dont les équilibres sont subtils grâce au travail que nous avons accompli les uns et les autres en partenariat. C’est cet équilibre que je m’attacherai à défendre globalement, laissant les parlementaires prendre leurs responsabilités, sous la houlette du président de la commission spéciale et du président de la commission du développement durable, de vos rapporteurs et des groupes, particulièrement ceux de la majorité.
M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos arguments et je vais m’y rallier en retirant mon amendement. Le travail collectif réalisé par le Parlement montre qu’il y a un certain nombre de freins réglementaires et que l’État ne montre pas l’exemple – mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Si l’on veut une politique exemplaire en matière de croissance, notamment de croissance verte, il faudrait que l’État soit le premier à aller dans ce sens. Je souhaite donc que l’on puisse en rediscuter dans une autre partie du texte. Peut-être vos conseillers pourraient-ils réfléchir sur cette question qui me paraît très importante.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS532 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cet amendement fait partie des conclusions que l’UMP a rendues sur l’autre débat sur la transition énergétique. Nous pensons qu’une loi sur la stratégie énergétique ne peut pas faire l’économie d’un débat sur les hydrocarbures non conventionnels, que l’on soit pour ou contre. Il faut savoir sortir, à un moment donné, d’un débat qui a été gelé. Je souligne qu’il ne s’agit pas d’un sujet opposant la droite et la gauche puisque les avis sont très partagés de part et d’autre de l’hémicycle.
Nous ne proposons pas ici d’autoriser l’exploitation du gaz de schiste et du pétrole de schiste, mais d’appliquer la loi du 13 juillet 2011 et de permettre l’exploration et les expérimentations – sous contrôle public – en matière non de gaz de schiste, mais de pétrole de schiste. Nous faisons une distinction entre ces deux énergies car le pétrole de schiste est localisé en Île-de-France, dans une région où l’on exploite déjà le pétrole et où, à croire les experts, il y aurait des ressources confirmées, ce qui n’est pas tant le cas du gaz de schiste. Nous pensons que ce projet est un bon véhicule pour faire avancer les choses. Nous n’en sommes pas encore à parler des méthodes d’exploitation, mais on ne peut pas avoir un débat serein si l’on ne connaît pas le montant exact de ces ressources. Et si elles devaient un jour être exploitées, il est précisé que les éventuelles recettes perçues par l’État devraient être destinées au développement des énergies vertes. C’est une source comme une autre de financement de la transition énergétique qui coûtera très cher.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Des rapports viennent d’être publiés très récemment aux États-Unis sur le bilan de l’exploitation des gaz de schiste. Ils font état d’effets pervers liés à une bulle spéculative, de dommages graves aux riverains en termes de santé publique et de dégradation de l’environnement. Lorsque les puits de gaz de schiste sont épuisés, ils sont abandonnés de façon sauvage sans que la responsabilité des entreprises soit engagée en matière de réparation de ces graves dégradations portées à l’environnement, avec des riverains laissés à eux-mêmes, des salariés déplacés ou contraints au chômage. Le fait que les États-Unis eux-mêmes soient donc en train de revenir sur ces expériences montre que la France n’a pas à se lancer à l’aveugle dans ce type d’investigations nocives pour la santé publique et destructrices pour l’environnement.
Mme la rapporteure. Défavorable, la question de l’exploration des hydrocarbures ayant été réglée par la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob.
M. Julien Aubert. L’existence d’une loi Jacob n’a pas échappé à l’UMP… Premièrement, mon amendement ne vise pas à autoriser l’exploitation du gaz ou du pétrole de schiste, mais à procéder à une évaluation géologique des éventuelles réserves que possède la France. Je précise que 90 % de ce travail ne nécessite pas de creuser le moindre trou et que la connaissance du sous-sol, outre l’avantage de connaître les réserves, permettrait de disposer d’informations qui pourraient être utiles dans toute une série de domaines et donc de nourrir des filières.
Deuxièmement, la loi Jacob interdit le recours à la fracturation hydraulique, mais met en place un comité de suivi pour piloter les recherches qui ne seraient pas nocives à l’environnement. Si l’interdiction a bel et bien été appliquée, le volet pilotage n’a jamais été mis en œuvre. J’ajoute que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a fait évoluer sa position sur la question en reconnaissant qu’il fallait désormais dépasser ce clivage.
L’environnement ne sera pas massacré parce que nous expertisons nos ressources géologiques. Cela permettra d’avoir un vrai débat public et un vrai débat économique et de savoir exactement de quoi l’on parle. Pour ma part, je ne suis pas nécessairement favorable au gaz de schiste, mais j’estime que ne pas savoir est profondément antiéconomique.
Mme Sophie Rohfritsch. Il est question dans l’agglomération strasbourgeoise d’expérimenter de la géothermie profonde, voire très profonde. Or on ne se pose pas de question sur la faisabilité ou non d’une telle expérimentation. Les permis sont délivrés par le ministère et même directement par la préfecture quand il s’agit de profondeurs moyennes. Les méthodes employées ont déjà provoqué de sérieux dégâts à Lochwiller dans le Bas-Rhin. Et voilà que vous vous opposez à un amendement qui ne vise qu’à autoriser la recherche de nouvelles sources énergétiques par des méthodes très encadrées… Où est la logique ?
M. Denis Baupin. Ce matin, M. Aubert nous a expliqué, au nom du groupe UMP, que l’objectif unique de toute politique énergétique était de réduire les émissions de gaz à effet de serre. En la matière, il y a une nette différence entre la géothermie et les gaz de schiste. Je rejoins la position de Mme la ministre et Mme la rapporteure. Si véritablement l’objectif que vous avez défendu – et dont on voit bien les arrière-pensées – est uniquement de lutter contre le dérèglement climatique, il ne faut surtout pas aller chercher des réserves d’énergies fossiles supplémentaires, sachant que les réserves connues au niveau planétaire sont cinq fois plus élevées que ce qu’il faudrait utiliser si l’on veut limiter le réchauffement de la planète à deux degrés. On n’a donc vraiment pas besoin d’aller chercher des réserves supplémentaires.
M. Christian Bataille. C’est un sujet que je connais fort bien puisque j’ai rédigé un rapport de plusieurs centaines de pages avec le sénateur Jean-Claude Lenoir. Je trouve pour ma part l’argumentation de M. Aubert excellente.
Je rappelle que le point de départ, c’est la loi Copé-Jacob de 2011. L’interdiction de la recherche, notamment sismique, découle d’un décret de Mme Batho : une décision aussi obscurantiste est particulièrement choquante dans le pays de Voltaire. Permettre la recherche ne débouchera pas nécessairement sur une exploitation industrielle. Notre sous-sol n’est pas très connu ; dans bien des endroits, nous avons besoin d’un travail scientifique pour l’explorer. Cet amendement me paraît tout à fait justifié.
Mme Sabine Buis. C’est un sujet que, moi aussi, je connais très bien pour avoir failli être victime de permis qui auraient pu être accordés dans ma circonscription. J’espère que M. Bataille s’est exprimé en son nom et non pas au nom du groupe socialiste, car je ne partage pas du tout son avis.
M. Bertrand Pancher. Ce sujet n’est pas facile à appréhender. La problématique n’est pas la même suivant le type de carburant compte tenu de leurs incidences variables en termes d’émission de gaz à effet de serre. L’idée de redémarrer des recherches peut séduire, à ceci près que toutes les sociétés concernées diront qu’une telle opération n’a de sens que si les investissements sont couverts par des perspectives d’exploitation… Je ne suis pas certain qu’il faille traiter ce sujet au détour d’un amendement. Mais le débat méritait d’être ouvert.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je m’abstiens sur cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine l’amendement CS925 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. L’article 1er met en avant l’importance de la recherche-développement dans le domaine de l’énergie. La transition énergétique n’a de sens que si elle se met au service de l’emploi. On sait que l’emploi est localisé dans les très petites, les petites et moyennes entreprises de ce pays. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Mme la ministre. J’ai répondu tout à l’heure sur le bien-fondé de cette préoccupation et sur le fait que l’article 1er ne peut intégrer des amendements aussi pointus. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen des articles relatifs à l’investissement dans les entreprises. Par ailleurs, il ne faut pas opposer les PME et les grandes entreprises : les PME sous-traitantes doivent pouvoir bénéficier elles aussi des commandes des grands groupes.
Mme la rapporteure. Même avis. L’article 1er concerne les grands objectifs et pas les déclinaisons.
M. Julien Aubert. Je retire l’amendement CS925, même s’il n’est pas aussi pointu que vous le dites, madame la ministre : reconnaissez qu’il n’est pas aussi complexe que ceux que j’ai défendus précédemment.
M. le président François Brottes. Mais il ne relevait pas des grands objectifs. Les articles suivants sont mieux à même de traiter du détail.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS1398 de M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. L’amendement vise à compléter l’alinéa 14 par les mots : « et notamment les recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération ».
La diversification du mix énergétique est un objectif légitime mais il ne doit pas masquer un objectif caché de sortie du nucléaire. La filière nucléaire n’est pas une impasse dont il faut sortir, mais un atout important de notre pays. Pérenniser la filière nucléaire nécessite de préparer son avenir, autrement dit d’investir dans la recherche, et celle-ci doit apparaître au rang des objectifs au titre de l’article 1er.
Mme la ministre. La recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération est en cours. Afficher dans le projet de loi la nécessité d’une recherche déjà en cours se retournerait au final contre la filière nucléaire. Ajoutons que bien d’autres domaines dans le nucléaire nécessitent qu’on y développe la recherche.
Mme la rapporteure. Même avis.
M. Jean-Luc Laurent. Je maintiens mon amendement.
M. Julien Aubert. J’irai dans le sens de cet excellent amendement. On sait bien qu’il y a des recherches, mais il faut établir des hiérarchies. En réalité, ce projet de loi prévoit de baisser la production nucléaire alors que, dans le même temps, notre pays investit dans une nouvelle génération de réacteurs. L’opposition d’aujourd’hui et la majorité de demain vont devoir trancher pour savoir comment cette quatrième génération s’inscrit dans le processus de réduction de la capacité nucléaire. Compte tenu des investissements réalisés et de la nature particulière de la quatrième génération, qui permettra de recycler une grande partie des déchets, ce qui répond à l’un des arguments avancés par les opposants au nucléaire, il est important de montrer que ce projet de loi ne vise pas à éteindre sans le dire la réflexion en matière nucléaire. Ne pas voter cet amendement pourrait être interprété comme une forme de recul, de renoncement… ou d’euthanasie cachée.
M. Denis Baupin. Il ne faut pas limiter la recherche dans le domaine de l’énergie aux seuls réacteurs nucléaires de quatrième génération ! D’autant que le directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire nous a précisé que cette génération pourrait, au mieux, être déployée à la fin de ce siècle. Par ailleurs, lorsqu’il a été auditionné par la commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, le directeur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables a déclaré que les directives de l’Autorité de sûreté nucléaire sur le projet ASTRID – Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – étaient excessives par rapport à ce que le CEA avait prévu de faire. L’OPECST lui-même, qui n’est pourtant pas connu pour être un repaire d’écologistes – si l’on excepte ma collègue sénatrice Corinne Bouchoux et moi-même –, a dû rappeler au CEA qu’il devait se conformer à ces directives ! Nous devrions donc prendre en compte tous les risques liés aux réacteurs au sodium, seule filière de quatrième génération sur laquelle la France envisage de faire des recherches. Et cette filière n’est autre que Superphénix, projet qu’un gouvernement soutenu à l’époque par un certain nombre d’entre vous a décidé d’arrêter ! Nous devrions plutôt faire profil bas.
De toute façon, malgré mon opposition, la recherche sur les réacteurs de quatrième génération est prévue. Il n’est pas nécessaire de mettre à nouveau un coup de projecteur sur ces projets. Ou alors, faisons la liste de l’ensemble des technologies qui seraient utiles non pas dans un siècle, mais dès aujourd’hui ! Si l’on souhaite encourager la recherche, il y a largement de quoi faire en matière de développement des énergies renouvelables, de stockage et de réseaux.
M. le président François Brottes. L’échéance pour le développement des réacteurs de quatrième génération est plutôt trente ou quarante ans que la fin du siècle. Par ailleurs, à l’échelle mondiale, des recherches sont menées sur quatre technologies de quatrième génération, qui permettraient de réduire la quantité de déchets. En France, le projet sur lequel travaille le CEA est financé depuis longtemps. Mais je ne suis pas convaincu de l’intérêt de le mentionner dans le texte.
M. Christophe Bouillon. Il y a trois attitudes possibles s’agissant du nucléaire : avoir peur, se faire peur et faire peur. M. Aubert cumule les trois. L’engagement de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 est tout sauf l’abandon du nucléaire. Les travaux de recherche sont en cours. Il est inutile de chercher à faire peur avec un tel amendement. S’il existe une intention cachée, nous savons d’où elle vient : elle cherche à faire dire à ce texte ce qu’il ne dit pas.
M. Julien Aubert. Ce n’est pas moi qui ai déposé cet amendement…
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CS1165 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Nombre de rapports de l’OPECST sont adoptés à l’unanimité, monsieur Baupin. Tel a notamment été le cas du rapport sur les nouvelles mobilités et du rapport sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment.
M. Denis Baupin. Mais pas de celui qui porte sur le gaz de schiste !
M. Jean-Yves Le Déaut. Non, en effet.
Aujourd’hui, l’énergie est un des grands domaines de recherche dans notre pays, même si les travaux en la matière ne sont probablement pas suffisamment diversifiés. Ainsi, la physique du bâtiment, qui constitue une science en tant que telle et fait partie des priorités de recherche dans la plupart des pays développés, notamment en Allemagne, est, à mon sens, délaissée en France. Or, pour développer la maison passive ou le bâtiment à énergie positive évoqué à l’article 4, il faudra savoir accumuler de l’énergie et la restituer quand on en a besoin. Tel est précisément l’objet de la physique du bâtiment. Au Conseil stratégique de la recherche, où je représente l’Assemblée nationale, je suis intervenu pour qu’elle soit incluse dans notre stratégie de recherche. C’est nécessaire si l’on veut réussir la rénovation des bâtiments dans notre pays. Mon amendement vise donc à ce que l’État veille au développement de la recherche non seulement dans le domaine de l’énergie, mais aussi dans celui de la physique du bâtiment.
Mme la ministre. Même observation que précédemment : l’article 1er vise à fixer les grands objectifs. Pour avoir construit, en tant que maître d’ouvrage régional, des bâtiments passifs et à énergie positive, je sais que la physique du bâtiment est un domaine de recherche important pour la transition énergétique. Mais c’est loin d’être le seul : il y a aussi, entre autres, le choix des matériaux, l’orientation des bâtiments, ainsi que la réaction des matériaux – par exemple des briques réfractaires – en fonction de l’orientation du bâtiment. En focalisant sur un domaine trop précis dans l’article 1er, on risque de réduire le champ de la recherche. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Le Déaut.
En fait, la question sous-jacente que vous posez est celle de la gouvernance du Centre scientifique et technique du bâtiment. Mais il ne revient pas à la loi de fixer les priorités des organismes de recherche : si elle le faisait, certains domaines de recherche risqueraient d’être délaissés, y compris des domaines complémentaires à celui de la physique du bâtiment. En revanche, nous pourrions réfléchir à la manière de mieux représenter le Parlement au sein du CSTB, afin que les priorités fixées par la présente loi dans le domaine du bâtiment soient dûment prises en compte dans les programmes de recherche, en particulier la physique du bâtiment.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
M. Jean-Yves Le Déaut. Afin de tenir compte de vos remarques, madame la ministre, je propose de modifier mon amendement comme suit : remplacer « et de la physique du bâtiment » par « et du bâtiment ».
Mme la ministre. Le bâtiment est en effet un domaine très important, mais si nous le mentionnons à l’article 1er, il faudrait citer également tous les autres aspects de la transition énergétique qui font l’objet du présent projet de loi : les énergies renouvelables, la mobilité propre, etc. L’énergie est le facteur commun à ces différents volets.
M. le président François Brottes. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Le Déaut, et à le retravailler en liaison avec le Gouvernement d’ici à la séance publique.
Mme la ministre. Votre amendement aurait sans doute davantage sa place au titre VIII, dont une partie traite de la recherche, qu’à l’article 1er. Mais il convient dans tous les cas de dresser une liste exhaustive des domaines de recherche, faute de quoi chacun risque de mettre l’accent sur ce qu’il connaît le mieux. Les enjeux de la recherche sont globaux. N’isolons pas tel ou tel secteur et veillons à ce qu’aucun des acteurs économiques qui seront appelés à investir massivement dans la transition énergétique ne se sente marginalisé ou moins bien considéré que d’autres.
M. le président François Brottes. Chaque fois que l’on dresse une liste, il y a des oubliés. Mieux vaut en rester à une formulation générale.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire mon amendement CS1165, mais je souhaiterais, madame la ministre, que nous réfléchissions ensemble, d’ici à la séance publique, à la manière de mettre en exergue les questions relatives au bâtiment à l’article 1er. Ce sont les progrès dans ce domaine qui permettront la transition énergétique, j’en suis persuadé.
Mme la ministre. Il s’agit en effet du secteur où le retour sur investissement sera le plus rapide.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS216 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Notre politique ne doit pas s’appuyer uniquement sur de très grandes entreprises, elle doit viser à former un véritable tissu économique en veillant à constituer une filière de PME dans les différents domaines de la transition énergétique. Nous avons réussi à le faire dans le domaine de l’armement, mais moins bien dans d’autres secteurs.
Mme la ministre. Mêmes avis que précédemment.
Mme la rapporteure. Même avis que Mme la ministre. En outre, de multiples initiatives ont été lancées afin de constituer des filières d’excellence, en particulier les centres techniques industriels, les pôles de compétitivité, les trente-quatre plans de reconquête industrielle et les comités stratégiques de filière, dont la mission est de développer des stratégies de filière robustes.
M. Charles de Courson. Mme la rapporteure est donc tout à fait favorable à l’esprit de mon amendement…
Mme la rapporteure. J’estime qu’il est satisfait, monsieur de Courson.
M. Charles de Courson. Dans ce cas, je le retire.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CS1189 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Ma longue immersion dans le domaine du bâtiment m’a convaincu qu’il convenait aussi de renforcer la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie. C’est un enjeu majeur pour la réussite de la transition énergétique. Mon amendement vise donc à ce que la formation et l’apprentissage – sur lequel le Gouvernement vient de faire une déclaration – apparaissent dans les objectifs fixés à l’article 1er.
Mme la ministre. La formation professionnelle est traitée au titre VIII. Cela dit, il s’agit en effet d’une problématique globale, commune à tous les grands objectifs fixés au titre Ier. L’insuffisance de la formation et de la qualification est, à l’évidence, un des freins à la rénovation énergétique et à la construction de bâtiments à énergie positive. Pour avoir moi aussi lutté pour le développement de l’apprentissage et de la formation, j’en suis pleinement consciente. Néanmoins, il ne faudrait pas que les régions, dont c’est la responsabilité, nous reprochent d’empiéter sur leurs compétences. Peut-être conviendrait-il d’ajouter la mention « en partenariat avec les régions ». Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme la rapporteure. La dimension de la formation professionnelle et de l’adaptation des compétences mérite d’être confortée, mais il me semble que nous pourrions le faire dans le titre VIII, à l’article 52.
M. Serge Letchimy. Je soutiens l’amendement de M. Le Déaut. La formation est un problème majeur, a fortiori dans les régions qui ont besoin de se développer. La transition énergétique est non seulement un problème de technologies, mais aussi de transversalité. À cet égard, la formation est un élément moteur. Si, outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous souhaitons atteindre un objectif de croissance, c’est-à-dire créer de l’activité et de l’emploi, nous avons tout intérêt à donner une dimension importante à la formation. Il s’agit d’inciter les régions en ce sens, d’orienter leur action. En tant que président de région, je suis tout à fait favorable à ce que l’on intègre la formation, dès le départ, dans les grands principes de notre politique.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CS60 de M. Julien Aubert.
M. Michel Heinrich. Cet amendement vise à inscrire formellement dans les objectifs de la loi le recours aux modes flexibles de production d’énergie tels que l’hybridation, la cogénération, la biomasse, la valorisation des déchets et toutes les formes écologiques de production de gaz. Il est en effet ressorti de « l’autre débat sur la transition énergétique » que ces modes de production étaient quasiment absents du projet de loi, ce qui est assez étonnant. La liste assez complète que nous proposons est le fruit d’un long travail de réflexion.
Mme la ministre. Le concept est original, mais n’a guère sa place à l’article 1er. Il devrait plutôt être abordé dans le cadre d’une intervention en séance publique. D’autre part, comme souvent en pareil cas, l’énumération est trop détaillée et, dans le même temps, pas nécessairement complète, ce qui risque de déstabiliser les opérateurs économiques plutôt que de les conforter. Avis défavorable.
Mme la rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 12, qui prévoit que l’État veille à diversifier les sources d’approvisionnement énergétique.
M. Julien Aubert. Cela ne correspond pas exactement à notre proposition. Nous sommes confrontés, d’une part, à un problème de stabilisation du réseau électrique et, d’autre part, à une dépendance à l’égard des énergies fossiles. Pour que la transition énergétique soit flexible, il convient de mettre l’accent sur les technologies qui permettent de sortir du dilemme entre la production d’électricité et les énergies fossiles. Tel est le cas des technologies hybrides, en matière de transport et de chauffage par exemple, ainsi que des énergies vertes non électriques, qui présentent en outre moins d’inconvénients que les énergies renouvelables électriques du point de vue de la stabilisation du réseau et de la gestion de l’intermittence. Parmi les formes de production de gaz, on trouve notamment le biogaz et l’e-gaz – issu de l’électricité –, dont il a beaucoup été question au cours de nos auditions. La liste que nous proposons est volontairement limitée : la priorité doit aller, selon nous, aux technologies très particulières que nous avons énumérées plutôt qu’aux seules énergies éolienne ou photovoltaïque. En mettant l’accent sur les énergies renouvelables électriques, on s’enferme en effet dans le débat « électricité versus énergies fossiles ».
Mme Sophie Rohfritsch. J’insiste sur l’intérêt de la biomasse, absente de ce texte. François-Michel Lambert et moi-même avons déposé un rapport sur ce sujet le 19 juin 2013. La production d’énergie à partir de la biomasse, immédiatement mobilisable, permettrait de remplir très rapidement les objectifs fixés par le texte. Il serait donc très utile de la mentionner spécifiquement dès l’article 1er, ainsi que nous le proposons avec cet amendement.
M. le président François Brottes. S’agissant des énergies renouvelables, rappelons que le projet de loi vise à valoriser non seulement la production d’électricité, mais aussi celle de chaleur.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CS990 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. D’après ce que nous ont expliqué les opérateurs compétents dans le cadre de « l’autre débat sur la transition énergétique », l’équipement des logements collectifs en compteurs-répartiteurs aurait un impact direct et très important sur la maîtrise de la consommation d’énergie. Or cette mesure ne figure pas dans le projet de loi. Certes, l’article 1er n’est peut-être pas l’endroit opportun pour la mentionner, mais l’idée mériterait d’être expertisée – si vous en êtes d’accord, madame la ministre – afin de pouvoir l’inscrire dans le texte.
Mme la ministre. L’objectif n’est pas en cause, mais cette disposition n’est pas de nature législative et n’a pas sa place à l’article 1er. Du reste, il existe un programme de déploiement des compteurs intelligents – nous avons d’ailleurs veillé à ce qu’ils soient réellement « intelligents ». Six entreprises françaises ont été sélectionnées à l’issue d’un appel d’offres et vont pouvoir créer des emplois dans ce domaine.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
M. Julien Aubert. Cette mesure n’a peut-être pas sa place à l’article 1er, mais elle relève bel et bien, selon moi, de la loi. J’ai déjà vu des dispositions législatives beaucoup plus concrètes et précises que celle-là !
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CS991 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Il faut mettre l’accent sur l’accélération de la formation et de la qualification des professionnels chargés de la rénovation énergétique. Tel est en tout cas le point de vue de la plupart des acteurs que nous avons auditionnés. Il ne suffit pas de décider, en amont, d’évolutions dans le domaine énergétique, encore faut-il que les PME et les professionnels puissent prendre en compte les modifications de la réglementation et installer les nouveaux équipements. L’horizon de la loi étant assez rapproché, un grand plan de formation et de qualification est nécessaire.
M. le président François Brottes. Selon moi, votre amendement est satisfait par le CS1189 que nous venons d’adopter.
M. Julien Aubert. J’en conviens.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS992 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Il s’agit de mettre l’accent sur le développement des réseaux de chaleur, notamment en étudiant la possibilité d’un renforcement du Fonds chaleur. Cet objectif est déjà mentionné dans le texte, mais il convient de le faire figurer dans les priorités fixées à l’article 1er.
Mme la ministre. Il va de soi que la transition et la rénovation énergétiques passent par le développement de toute une série de techniques nouvelles, dont les réseaux de chaleur. Il n’est pas opportun de citer tous les modes de production ou de diffusion d’énergie à l’article 1er.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : cela relève de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
M. Julien Aubert. Nous avons un désaccord de fond : selon nous, il n’est pas opportun d’encourager le développement des énergies tous azimuts ; le législateur doit faire des choix. C’est d’ailleurs ce que vous faites s’agissant du nucléaire. Pour notre part, nous estimons que le législateur est dans son rôle lorsqu’il promeut telle énergie verte plutôt que telle autre, chacune de ces énergies présentant des avantages et des inconvénients. Ainsi, nous n’avons déposé aucun amendement tendant à développer les énergies vertes électriques. Il est nécessaire de hiérarchiser.
M. le président François Brottes. L’enjeu actuel est plutôt d’encourager un foisonnement des énergies renouvelables. Si le législateur fixe des priorités figées dans la loi pour ces énergies, il sera nécessaire de recourir de nouveau à la loi pour les modifier, ce qui est source de confusion. C’est d’ailleurs ce que nous avons dû faire pour certaines dispositions trop rigides de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité et des lois Grenelle. En agissant une nouvelle fois de la sorte, nous ne serions guère crédibles et nous empêcherions le Gouvernement d’être réactif, par exemple s’il souhaite favoriser une filière qui a accompli un saut technologique.
Mme la ministre. Vous énumérez, amendement après amendement, tous les modes de production d’énergie. Il peut y avoir un intérêt à dresser une telle liste, mais vos propositions ne sont pas de nature législative et n’ont pas leur place à l’article 1er. Elles auraient davantage leur place dans la discussion générale, lorsque vous présenterez votre vision des différentes énergies, le cœur même de ce projet de loi étant de diversifier le mix énergétique.
M. Julien Aubert. Je n’énumère pas tous les modes de production d’énergie. Je n’ai pas cité certains d’entre eux, en particulier l’éolien et le photovoltaïque, et c’est volontaire. Nous avons fait une analyse des différentes énergies vertes et distingué celles qu’il convient selon nous de développer en priorité.
J’entends bien l’argument du président. Mais ce texte de loi fige la capacité nucléaire de la France, ce qui est autrement plus contraignant que mes propositions : si, dans trois ans, une rupture technologique se produit dans le domaine nucléaire, nous serons obligés d’adopter une nouvelle loi. Pourquoi ce qui vaut pour le nucléaire ne vaudrait-il pas pour les autres énergies ?
M. le président François Brottes. Dans le domaine nucléaire, les sauts technologiques ne surviennent pas tous les trois ans…
La Commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS993 et CS994 de M. Julien Aubert.
Elle en vient aux amendements CS995 et CS996 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. L’amendement CS995 vise à mentionner expressément la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires présentes sur le territoire national. Il est temps d’avoir un grand débat sur la stratégie énergétique de la France : convient-il oui ou non de prolonger la durée de vie des centrales ? Jusqu’à quand ? Quel mix électrique voulons-nous dans trente ans ? Qu’en sera-t-il avec le déploiement des réacteurs de quatrième génération ? Si ce texte est adopté, ces questions concerneront encore 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025, c’est-à-dire une part considérable de nos ressources.
L’amendement CS996 prévoit un plan de soutien à la filière de retraitement des déchets radioactifs. Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, la question des déchets se pose de toute façon à nous. Notre stratégie énergétique doit donc concerner non seulement la production et la consommation d’électricité, mais aussi la gestion des externalités ex post.
Mme la ministre. Ces questions seront abordées ultérieurement dans le cadre de la PPE et du plan stratégique. Elles n’ont pas leur place dans l’article 1er. Avis défavorable.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La Commission rejette successivement les amendements CS995 et CS996.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS764 de M. Julien Aubert, CS1417 de M. Philippe Plisson, CS1446 de Mme Cécile Duflot, CS1246 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1228 de M. Charles-Ange Ginésy, CS2174 de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, CS998 de M. Bertrand Pancher, CS854 de M. Julien Aubert, CS1605 de M. Joël Giraud, CS975 de M. Yves Daniel, CS965 de Mme Béatrice Santais, et CS1166 M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Julien Aubert. L’amendement CS764 propose une définition du concept de territoire à énergie positive (TEPOS) introduit par le projet de loi.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS1417 prévoit que les efforts conjoints de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens portent également sur la rénovation du parc de bâtiments existants, chantier prioritaire pour réduire la consommation d’énergie.
Mme Cécile Duflot. L’amendement CS1446 propose une définition alternative des territoires à énergie positive qui fait intervenir la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que le déploiement des énergies renouvelables locales.
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1246 est défendu.
Mme Sophie Rohfritsch. L’amendement CS1228 propose une définition des territoires à énergie positive, inspirée du travail des collectivités pionnières dans ce domaine.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’amendement CS2174 est rédactionnel.
M. Bertrand Pancher. La notion de territoire à énergie positive est intéressante mais la définition qui en est donnée dans le projet de loi ne correspond pas à celle retenue par les acteurs des territoires et par l’ADEME : « un territoire à énergie positive vise l’objectif de réduire ses besoins d’énergie au maximum, par la sobriété et l’efficacité énergétiques, et de les couvrir par les énergies renouvelables locales. »
Mon amendement CS998 insiste d’une part sur la sobriété énergétique et la lutte contre la précarité et d’autre part sur le recours aux énergies renouvelables locales qui permet de valoriser les productions du territoire ainsi que les territoires eux-mêmes tout en créant de l’emploi.
Cette démarche, qui s’inscrit réellement dans le développement durable, sera validée si les objectifs des territoires à énergie positive sont précisés.
M. Julien Aubert. L’amendement CS854 est défendu.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1605, presque rédactionnel, ajoute dans la définition des territoires à énergie positive une référence à la sobriété énergétique qui figure dans les objectifs du projet de loi.
M. Christophe Bouillon. L’amendement CS975 complète la notion de territoire à énergie positive en leur assignant l’objectif de favoriser les mobilités alternatives, comme le recommande le Conseil national de la transition énergétique.
Mme Béatrice Santais. L’amendement CS965 insère dans le texte les énergies renouvelables produisant de la chaleur.
M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS1166 vise à prendre en compte la notion de gestion active de l’énergie. Les territoires à énergie positive doivent à terme aboutir à la constitution d’un réseau fermé d’utilisateurs dont l’équilibre entre l’offre et la demande lui est propre. Pour y parvenir, il faut à la fois des énergies renouvelables – le texte initial y concourt et les suggestions de mes collègues ne manquent pas – et de la gestion active de l’énergie dans l’utilisation des bâtiments. J’apprécie que Mme la ministre ait souligné son importance.
M. le président François Brottes. Puisque vous êtes un parlementaire chevronné, vous trouverez sans doute d’ici à la séance une formulation plus appropriée que « cela suppose »… Vous nous avez habitués à mieux !
Mme la ministre. Je salue la volonté louable d’améliorer la définition des territoires à énergie positive. Mais le débat prouve qu’à trop vouloir la préciser, on risque d’étouffer la créativité des territoires. Il témoigne également d’une adhésion au concept dont je me félicite car elle n’était pas acquise.
Le projet de loi s’appuie sur la mise en valeur et la généralisation d’initiatives de terrain – les territoires à énergie positive, les territoires « zéro gaspillage, zéro déchet » et le plan de méthanisation s’inspirent des territoires qui se sont déjà engagés dans la transition énergétique. Le modèle démocratique proposé n’est pas celui d’une loi qui impose des normes abstraites : il prend en compte de la créativité des territoires et emprunte aux réalisations éprouvées pour amplifier une dynamique.
C’est pourquoi, sans attendre le vote de la loi, ont été lancés des appels à projets avec des cahiers des charges pour les territoires à énergie positive, pour les quarante territoires « zéro gaspillage, zéro déchet » et pour la méthanisation, qui, tous, rencontrent un écho favorable.
Dès lors que l’on s’inscrit dans une logique contractuelle et que l’on fait confiance aux territoires – sans les chapeauter, les réglementer, les cadrer –, les initiatives se développent plus rapidement.
Tous les points que vous avez évoqués figurent dans le cahier des charges, déjà mis en ligne sur le site du ministère, qui est volontairement très ouvert. En effet, les sujets ne sont pas les mêmes selon que les territoires sont urbains, ruraux, denses, déjà engagés ou non dans la rénovation des bâtiments ou la gestion du mix énergétique. Il faut laisser un espace de respiration et de créativité aux territoires.
À partir des thématiques de la transition énergétique que vous avez mentionnées et qui figurent dans le cahier des charges – le bâtiment, les énergies renouvelables, la mobilité, l’efficacité énergétique, les transports et les déchets – il appartiendra aux territoires d’arrêter leurs priorités. Compte tenu des investissements nécessaires, ils ne peuvent s’impliquer massivement dans tous les aspects.
À l’égard des territoires qui se sont emparés de l’un des thèmes – environ quarante territoires à énergie positive sont aujourd’hui financés par l’ADEME et les régions –, le cahier des charges permettra d’élever le niveau d’exigence et de les inciter à une démarche plus globale. Les territoires qui n’ont pas encore pris le train de la transition énergétique trouveront un cadre suffisamment souple dans lequel toutes les clés leur sont données.
Je déconseille toute tentative de réglementation car elle aurait pour conséquence de décourager les initiatives ou de les formater. La normalisation s’accompagnera inévitablement de contrôles administratifs ; chaque notion donnera lieu à un décret d’application, des arrêtés, etc. L’usine à gaz ainsi créée aura pour effet de ralentir les projets.
Malgré tout, je comprends le sens de ces amendements et je suis sensible à l’adhésion dont ils témoignent à l’égard du concept.
M. le président François Brottes. En résumé, vous êtes favorable à l’amendement rédactionnel de la rapporteure, mais vous invitez les auteurs des autres amendements à les retirer.
M. Bertrand Pancher. Le développement des territoires à énergie positive est une bonne idée.
Vous refusez de trancher les compétences des collectivités territoriales en matière d’environnement et d’énergie – je ne nie pas la complexité du sujet. Dans le même temps, le Gouvernement mène une réflexion sur le regroupement des collectivités dont nous ignorons aujourd’hui quelles en seront les conclusions, particulièrement en zone rurale. Enfin, les appels à projets exigent le soutien de collectivités territoriales de niveau supérieur – régions et départements – dont l’avenir est incertain. Reconnaissez que c’est un pari audacieux que de s’engager dans les territoires à énergie positive dans ces conditions !
Si le territoire à énergie positive est l’alpha et l’oméga de la transition énergétique, il doit être possible de progresser dans cette voie de manière plus modeste. Beaucoup d’élus locaux pourtant très engagés dans la transition énergétique s’interrogent sur la mise en place des territoires à énergie positive. Les plans de financement pourraient être remis en cause par la disparition d’une collectivité ou un changement de majorité. Je vous souhaite bien courage.
M. Julien Aubert. Je vais retirer mon amendement CS764, mais ce retrait ne vaut pas blanc-seing. Le concept, au demeurant positif, met en question la solidarité énergétique entre les territoires. N’oubliez pas que les Français ont l’habitude de payer le même prix pour l’énergie quel que soit le lieu de consommation.
La référence à « l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale » peut laisser croire à une forme d’autarcie énergétique par rapport à l’énergie fournie par les centrales. L’articulation avec la production nucléaire demande à être explicitée car elle peut apparaître comme une révolution dans la gouvernance énergétique.
Tous ces points méritent d’être éclaircis lors du débat en séance publique car ils ne seront pas sans répercussions sur le développement du réseau et la gouvernance.
M. Charles de Courson. Cet alinéa 16 m’a plongé dans des abîmes de perplexité. Madame la ministre, vous reconnaissez que sa rédaction est très floue. Mais il est ce flou que l’on ne sait pas très bien où l’on va !
Certains territoires peuvent naturellement être riches en énergies renouvelables sans que ce soit pour autant le résultat d’une politique ou d’une volonté d’exemplarité.
Deuxième question : qui fait quoi ? Alle zusammen, comme disaient les rockers allemands autrefois ? Il faut une structure porteuse : en matière d’urbanisme, la compétence a été dévolue aux intercommunalités, mais cela ne suffit pas, en tout cas pas chez moi : nous avons quatre communautés de communes, réunies dans un syndicat mixte qui porte le pays, au sein duquel nous réfléchissons à ces questions. Un opérateur est indispensable.
Quant à l’optimisation de l’énergie, elle doit s’apprécier dans le temps : on peut être excédentaire à certaines périodes et déficitaires à d’autres. L’absence de maîtrise du réseau électrique nous contraint à rechercher avec EDF les économies potentielles. Et il n’y a pas que l’électricité : pour le carburant, peut-on mener une politique locale avec les distributeurs pour augmenter le taux d’incorporation de biocarburants ? C’est très difficile.
Je reste très perplexe sur le fond. Une ancienne ministre disait : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup »…
Mme la ministre. S’agissant de la gouvernance, on observe que l’impulsion vient des régions et des pays. Mais la construction des territoires à énergie positive est d’abord le fait des communautés de communes et des communautés d’agglomération. C’est l’échelon opérationnel, actif et performant.
Il faut laisser la liberté d’initiative aux acteurs de terrain. L’objectif du Gouvernement est d’accélérer les dynamiques de ces territoires et de les généraliser. Vos amendements présentent l’inconvénient d’introduire de la rigidité. Je vais vous transmettre le cahier des charges.
N’en doutez pas : l’engagement en faveur de la transition énergétique est réel ; il y a un basculement, une prise de conscience, y compris de la part des entreprises qui veulent s’investir et trouver ainsi des marchés. La dynamique est là.
Le concept des territoires à énergie positive doit être suffisamment global pour entraîner les acteurs, mais aussi suffisamment généreux pour leur épargner des contraintes administratives lourdes.
Dans les territoires qui resteront à l’écart de cette dynamique globale et ambitieuse de transition énergétique, nous incitons l’ADEME à signer des contrats locaux de transition énergétique avec des plus petits territoires, ou sur des projets plus sectoriels, afin de faire profiter ces derniers d’un soutien financier et de les encourager à entrer dans la logique plus globale des TEPOS.
M. le président François Brottes. Chacun a compris la volonté du gouvernement de laisser s’épanouir les initiatives de manière indépendante car le biorythme des territoires n’est pas le même pour tous.
M. Philippe Plisson. Je retire mon amendement CS1417. En réponse à M. de Courson, le territoire pertinent pour une gouvernance efficace, c’est précisément l’objet de la réforme territoriale. Je lui conseille de regrouper ses quatre intercommunalités en une seule pour gérer efficacement ce territoire rural.
Mme Cécile Duflot. Je suis embarrassée : je ne conteste pas la nécessité d’encourager les initiatives mais la rédaction proposée par mon amendement CS1446, identique à celle de l’amendement CS764, reprend la définition utilisée aujourd’hui par l’ADEME dans l’évaluation des projets. Elle ne me semble donc pas de nature à bloquer les initiatives des territoires. Pour les écoquartiers, dont le concept est comparable, l’existence d’un référentiel trop large est apparue potentiellement comme un facteur de risques.
La définition que je propose n’empêche pas les initiatives mais elle est suffisamment précise pour éviter les dérives.
M. le président François Brottes. Il y a une nuance entre ce que dit votre amendement : « assurer son approvisionnement par le déploiement d’énergies renouvelables locales » et ce que dit le projet de loi, à savoir qu’il faut tout mettre en œuvre pour développer ces énergies. Votre formulation, quelque peu absolue, peut induire une déconnexion du réseau. Je vous invite à la prudence quant aux conséquences sur la péréquation et la sécurisation de l’approvisionnement : il ne faudrait pas se déconnecter les uns des autres. Votre rédaction exclusive pourrait poser problème à terme.
Mme Cécile Duflot. Vous savez à quel point l’expression « viser le déploiement » peut signifier tout et son contraire. Je suis prête à retirer mon amendement si la ministre s’engage à retravailler la définition des territoires à énergie positive.
Mme la ministre. C’est précisément le but du cahier des charges des appels à projets.
Les régions sont très attentives au copilotage du dispositif. Elles sont très réticentes à l’égard de critères restrictifs ou incomplets. Il faut leur laisser la liberté, en tant que co-financeurs, de compléter le cahier des charges.
M. le président François Brottes. Madame Duflot, vous connaissez trop bien l’art de faire la loi pour ne pas savoir que votre formulation est exclusive. En revanche, elle ne le serait pas si vous écriviez : « assurer son approvisionnement au maximum… ».
Mme Cécile Duflot. Mon intention est uniquement de trouver une rédaction un peu plus ambitieuse de l’alinéa 16.
Mme la ministre. Je maintiens que c’est une erreur de vouloir définir précisément un territoire à énergie positive. C’est contre-productif. Si la loi est trop rigide, cela risquera de freiner leur développement en décourageant et en verrouillant les initiatives. Je devrais prendre un décret d’application pour savoir ce que chaque mot veut dire, et c’en sera fini des territoires à énergie positive. Les régions, qui sont très demandeuses d’un copilotage, doivent pouvoir ajouter leurs propres objectifs dans le cahier des charges, dans le cadre d’un véritable partenariat avec le ministère de l’écologie.
Je déconseille vivement d’adopter des amendements qui demandent des textes d’application. En revanche, les éléments que vous souhaitez préciser figurent pour la plupart dans le cahier des charges sur lequel je suis prête à retravailler avant la séance.
M. Serge Letchimy. Je partage la position de la ministre. Il faut pouvoir tenir compte des réalités locales et de leur complexité : ainsi, la situation de la Guyane n’a rien à voir avec celle de la Martinique ou de la Guadeloupe. Les enjeux en matière de ressources naturelles sont très différenciés d’un territoire à l’autre. La pire des choses serait de nous enfermer au lieu de choisir une méthode de contractualisation souple. Ce sont les objectifs qui comptent. Il faut éviter d’être trop rigide dans ce contrat de partenariat indispensable entre l’État, les collectivités et surtout la population.
M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous annonce que M. le Président de la République vient de confirmer l’assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel.
(Mmes et MM. les députés ainsi que Mme la ministre se lèvent et observent une minute de silence.)
M. Jean-Paul Chanteguet. Je souhaiterais soulever un problème d’ordre rédactionnel sur lequel nous devons nous pencher avant l’examen du texte en séance publique. En effet, il est fait référence, dans les amendements, aux « énergies renouvelables locales » et, dans le texte du Gouvernement, aux « énergies renouvelables ». Or, ce n’est pas du tout la même chose : dans le premier cas, on fait référence à une décentralisation énergétique alors que, dans le second, on conforte un système relativement centralisé.
M. le président François Brottes. Vous avez raison, c’est un véritable débat.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je vais retirer l’amendement CS1166, mais je souhaiterais que l’on puisse inscrire la gestion active de l’énergie, qui diffère de l’efficacité énergétique, parmi les objectifs. Je déposerai donc un autre amendement en ce sens.
M. Damien Abad. Je maintiens mon amendement CS220.
Les amendements CS764, CS1417, CS1446, CS1246, CS1228 sont retirés.
La commission adopte l’amendement CS2174.
La commission rejette successivement les amendements CS998, CS854 et CS220.
Les amendements CS1605, CS975, CS965 et CS1166 sont retirés.
La commission est saisie de l’amendement CS1447 de Mme Allain.
Mme Cécile Duflot. Il s’agit de préciser que les territoires ruraux disposent d’atouts importants pour atteindre les objectifs de la politique énergétique, notamment en matière de production d’énergies renouvelables.
Mme la ministre. Tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, peuvent être des territoires à énergie positive. Il ne faut surtout pas opposer les uns et aux autres, car on s’aperçoit qu’une telle opposition a bien souvent été source de difficultés en matière de transition énergétique. Plutôt que d’établir une hiérarchie entre le rural et l’urbain, laissons les territoires, dans leur complexité, leurs interactions, leurs réseaux, concevoir la manière dont l’un et l’autre se complètent.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Si je souscris au propos de Mme Duflot sur les territoires ruraux, puisque j’en suis moi-même issue, je pense que la disposition proposée n’aurait pas d’effet normatif et qu’il vaut mieux ne pas distinguer les territoires dans le texte.
Mme Cécile Duflot. Compte tenu de l’attention portée aux territoires ruraux, je retire l’amendement.
L’amendement CS1447 est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CS531 de M. Aubert et CS221 de M. Abad.
M. Julien Aubert. Le Gouvernement affiche de nombreux objectifs et, ce faisant, il charge la barque. Pour notre part, nous estimons que le seul et véritable objectif d’une loi sur la transition énergétique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’ailleurs d’un objectif européen sur lequel nous avons pris des engagements. Pour tout le reste, il convient de parler de trajectoires plutôt que d’objectifs, lesquels sont contraignants. Si le législateur peut souhaiter que l’on s’oriente vers une réduction de 50 % de la consommation d’énergie, par exemple, en faire un objectif complexifierait la gouvernance et le pilotage de la transition énergétique. Il convient donc de fixer un objectif, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d’indiquer des trajectoires, qui sont autant de moyens d’y parvenir.
M. Damien Abad. L’un des défauts de ce texte est l’absence de hiérarchisation des objectifs et des priorités. Selon nous, l’objectif principal doit être la réduction des émissions de CO2. Les autres objectifs que sont, par exemple, le soutien aux énergies propres ou l’amélioration de l’intensité énergétique ne doivent être appréhendés que comme des moyens d’atteindre cet objectif prioritaire.
Mme la ministre. Avis défavorable à ces amendements. Ils affaibliraient en effet le processus, le mot « trajectoire » étant plus faible que le mot « objectif ». Je préfère atteindre des objectifs que de fixer des trajectoires dont on ne connaît pas les objectifs.
M. Julien Aubert. Je retire l’amendement CS531, mais uniquement pour des raisons de forme, car il est mal rédigé.
M. Bertrand Pancher. Certes, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est l’objectif principal, mais il serait dangereux de se concentrer uniquement sur celui-ci car, si l’on ne fixe pas d’objectifs complémentaires qui matérialisent les efforts à réaliser, on ne l’atteindra jamais. Je pense notamment à la diminution de la consommation énergétique et, selon le scénario de sortie du nucléaire qui est retenu, au développement des énergies renouvelables. Je suis donc assez sensible aux arguments de Mme la ministre sur ce point. Toutefois, il ne suffit pas d’afficher les objectifs, encore faut-il se donner les moyens de les atteindre. Et c’est là que le bât blesse.
M. Éric Alauzet. Ces amendements me semblent excessifs ; il faut avoir une vision plus large des choses. Si deux scénarios s’avèrent extrêmement proches, il se peut que les critères secondaires permettent d’arbitrer entre ceux-ci. Je donne un exemple très précis : les pressions exercées pour le développement de la méthanisation sont parfois telles que celle-ci peut être dévastatrice pour la biodiversité. Il est donc bon de fixer une priorité assortie de critères.
M. le président François Brottes. C’est également vrai pour la collecte du bois.
L’amendement CS531 est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS221.
La commission examine l’amendement CS1448 de Mme Duflot.
Mme Cécile Duflot. Il s’agit d’ajouter les mots : « au minimum », afin d’indiquer que ces objectifs peuvent être dépassés. Soyons optimistes !
Mme la ministre. Défavorable. Si nous pouvons faire mieux, nous le constaterons. En tout état de cause, nous sommes actuellement dans un processus de négociation européenne délicat. Tout changement de vocabulaire ou tout renforcement de l’objectif serait contre-productif et soulèverait un certain nombre de questions au niveau européen et chez certains opérateurs, qui estiment que cet objectif est déjà beaucoup trop ambitieux.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Si nous atteignons l’objectif d’une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, nous ne nous arrêterons pas en chemin : il va de soi que nous poursuivrons nos efforts.
M. Bertrand Pancher. Je suis assez sensible à l’amendement de Mme Duflot et de M. Baupin. Chacun sait que, que si nous voulons que l’augmentation de la température moyenne n’excède pas deux degrés, il faut viser le facteur 4 en 2050. Or, selon les experts, pour ce faire, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 50 % d’ici à 2030. Certes, il sera sans doute difficile d’atteindre 40 % en 2030, mais il faut avoir le courage d’afficher ses objectifs. Sinon, on ment à l’opinion publique.
M. Denis Baupin. En effet, la question n’est pas tant de savoir si l’objectif est ambitieux que de savoir s’il est suffisant pour limiter l’augmentation de la température du globe à deux degrés. C’est la préoccupation majeure. L’Union européenne s’était fixée pour objectif de diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020, objectif qui pouvait être porté à 30 % en cas d’accord international. Or, ces 30 % seront presque atteints en 2020. L’objectif de 40 % en 2030 n’est donc pas si ambitieux que cela. Certes, les négociations européennes sont difficiles, car la situation géopolitique et la dépendance au charbon de certains pays, notamment la Pologne, leur rendent les choses plus complexes. Parfois, on définit un objectif en se disant simplement que l’on fera le maximum pour l’atteindre. Mais là, il s’agit d’être au rendez-vous de l’histoire.
M. Julien Aubert. Gardons-nous de faire comme l’URSS avec ses plans quinquennaux qui fixaient des objectifs parfaitement inatteignables. Quand bien même atteindrions-nous une réduction de 100 % des émissions de gaz à effet de serre, la France serait peut-être au rendez-vous de l’histoire, mais le problème continuerait de se poser au niveau mondial puisque la quantité de gaz à effet de serre produit par la Chine en une année dépasse largement celle que nous émettons en un siècle. Au reste, si, comme le suggère Mme Duflot, on se fixait pour objectif une diminution de 40 % « au minimum », on ne définirait plus un objectif mais un seuil. À la limite, je préférerais « maximum » à « minimum » ; au moins ce serait cohérent et pragmatique.
M. Éric Alauzet. Selon moi, l’amendement traduit l’exigence de parvenir au minimum à une réduction de 40 %. Sinon, on risque de se contenter d’une réduction de 35 % ou de 38 %. Or, la réduction de 40 % n’est pas une option !
Mme la ministre. Soit les dispositions du texte ont force de loi, et un pourcentage est un pourcentage, soit nous envisageons nous-mêmes la possibilité que ces objectifs ne puissent pas être atteints, et nous nous fixons une contrainte supplémentaire pour avoir la volonté politique de les atteindre. Mais, dans ce cas, tous les pourcentages qui figurent dans le projet de loi – qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou de la production d’électricité – doivent être précédés des mots « au minimum », et la loi va devenir ridicule. Je suis d’autant plus hostile à cet amendement que, dans les négociations européennes, particulièrement complexes, la France apparaît déjà souvent comme une donneuse de leçons parce qu’elle dispose, avec l’énergie nucléaire, d’une énergie décarbonée et n’a donc pas besoin de faire d’efforts. Nous nous sommes néanmoins imposé cet objectif de 40 %, qui nous obligera à faire des efforts considérables, beaucoup plus importants que si nous disposions d’énergies à forte teneur en carbone – même si, pour ces dernières, un effort considérable sera également nécessaire en matière de substitution.
Ces chiffres figurent dans la feuille de route gouvernementale. Nous pourrions nous faire plaisir en affichant des objectifs plus ambitieux, mais nous avons une responsabilité politique, non seulement dans les négociations européennes qui se dérouleront au mois d’octobre, mais aussi dans le signal que nous allons envoyer aux entreprises, dont il ne faut pas mettre en péril la compétitivité et la performance économique. On ne peut pas modifier les repères au dernier moment. Vous connaissez le poids des mots dans les enjeux globaux sur lesquels il va falloir faire converger les pays européens.
Mme Cécile Duflot. Il ne s’agit pas de se faire plaisir. Si nous fixons des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, c’est parce que nous en avons le devoir. La France n’a pas été exemplaire en la matière et, dans les précédentes négociations climatiques, notamment à Copenhague, elle a été, s’agissant de la fixation des objectifs européens, un frein et non un moteur. Il faut dire la vérité ! Au demeurant, je ne vois pas en quoi le fait de se fixer des objectifs élevés poserait problème dans les négociations européennes dans la mesure où, en ce qui concerne le paquet climat, d’autres pays, notamment le Danemark, incitent l’Europe à se fixer de tels objectifs et à les défendre au plan international.
Vous avez raison, madame la ministre, nous pourrions ajouter « au minimum » avant tous les pourcentages figurant dans le texte ; nous aurions également pu proposer de remplacer 40 % par 50 %. Mais, comme l’a dit Éric Alauzet, si l’on se fixe simplement un objectif de 40 %, on risque de se contenter de 35 % ou de 37 %.
Mme la ministre. Pas du tout !
Mme Cécile Duflot. Notre amendement a simplement pour objet de souligner que l’objectif de 40 % est un compromis, car il faudrait aller au-delà, mais que nous nous engageons de manière très volontariste à l’atteindre.
M. Christophe Bouillon. Entre le Gosplan et le flou, il y a l’ambition de cet engagement, qui nous permettra d’être au rendez-vous de l’histoire et qui fait de nous l’un des pays les plus en avance et les plus exemplaires en ce domaine. Nous souhaitons réussir la conférence de Paris, et cet engagement s’inscrit dans cette perspective. J’imagine mal, si l’objectif de 40 % est atteint, les autorités françaises stopper net l’effort qui aura été consenti pour y parvenir. Reconnaissons à la fois l’ambition défendue par la France et appliquons une forme de pragmatisme dans la définition des moyens d’atteindre notre objectif.
M. Charles de Courson. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre concerne la période 1990-2030. Actuellement, à mi-parcours, nous sommes à 13 % ou 14 %.
Mme la ministre. Nous sommes actuellement à environ 20 %, c’est-à-dire la moitié.
M. Charles de Courson. Quoi qu’il en soit, nous nous sommes calés sur les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés à l’échelle européenne. Ce qui m’importe, c’est la faisabilité. Or, il ne me semble pas très raisonnable de se fixer pour objectif d’atteindre le facteur 4 à l’horizon 2050. Restons-en à 2030 ! Par ailleurs, l’étude d’impact retient une hypothèse de croissance du PIB de 1,8 %. On en est loin ! Mais il est vrai, et c’est triste à dire, que plus la croissance est faible, moins l’objectif est difficile à atteindre. Ces quelques observations méthodologiques montrent que la fixation de tels objectifs ne me paraît pas raisonnable. Vous me direz, il n’y a pas de sanction. On se fait donc plaisir…
M. Bertrand Pancher. On découvre, à la faveur de nos échanges, qu’il sera très difficile d’atteindre nos objectifs et que ceux que nous nous sommes fixés pour 2030 ne sont pas suffisants pour suivre la trajectoire du facteur 4, c’est-à-dire une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Or, si l’on se fixe de tels objectifs, ce n’est pas pour se faire plaisir ou se livrer à une surenchère, mais pour tenir compte des observations des climatologiques, qui nous disent que si nous ne les atteignons pas, l’augmentation de la température dépassera à coup sûr deux degrés. Si l’on se dit que l’on n’y parviendra peut-être pas, la catastrophe est certaine ! Lorsqu’un jour ou l’autre, l’opinion publique se retournera et que l’on nous demandera ce que nous avons fait, nous pourrons au moins répondre que nous l’avions prévenue de la catastrophe qui ne manquerait pas de se produire si nous ne changions pas de mode de vie, si nous n’abandonnions pas le système de consommation ancien, l’obsession du pouvoir d’achat et de la croissance.
On dit que 40 %, c’est déjà pas mal. Mais, à Varsovie, l’an dernier, tous les ministres de l’environnement européens se sont mis d’accord pour que ce soit l’objectif européen. Or, la France – c’est en tout cas la conception que je m’en fais – peut proposer des modèles susceptibles de tirer ses partenaires vers le haut. Veut-on faire autant, voire moins que l’Europe ou veut-on faire davantage ?
Mme la ministre. Nous sommes là pour atteindre ces 40 %.
M. le président François Brottes. Nous examinons un projet de loi et non une proposition de résolution : si nous fixons des objectifs, c’est pour les atteindre. Sinon nous ne les inscririons pas dans la loi.
La commission rejette l’amendement CS1448.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CS2177 de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure.
La commission adopte l’amendement de correction d’une erreur matérielle CS2178 de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure.
La commission est saisie des amendements identiques CS91 de M. Martial Saddier, CS930 de M. Julien Aubert, CS999 de M. Stéphane Demilly et CS1936 de M. Jacques Krabal.
M. Martial Saddier. L’amendement CS91 se justifie par son texte même.
M. Julien Aubert. On mesure, lorsque l’on descend dans le détail des mesures, les efforts qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs. Au demeurant, on sait d’ores et déjà, puisque cela a été reconnu lors du débat national sur la transition énergétique, que le secteur agricole ne pourra pas atteindre le facteur 4. Le débat que nous venons d’avoir a donc une portée non seulement théorique, mais aussi pratique pour l’économie française. Aussi proposons-nous par l’amendement CS930 de sécuriser la trajectoire de l’agriculture, qui obéit à des lois spécifiques.
M. Bertrand Pancher. Il est parfaitement légitime de prendre en compte la capacité respective des divers secteurs à atteindre les objectifs fixés. Dans le secteur agricole, l’ADEME estimait en octobre 2012 qu’il serait impossible de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre sans « combiner des hypothèses extrêmement fortes, pouvant induire des ruptures drastiques, ou générer des émissions indirectes par délocalisation de la production ». D’où l’amendement CS999.
M. Jacques Krabal. Il ne s’agit pas d’opposer les secteurs mais de reconnaître les spécificités comme cela a été fait par le débat national sur la transition énergétique. C’est le but de notre amendement CS1936. Qui peut nier que les gaz à effet de serre sont d’origine naturelle et que la spécificité de l’agriculture doit en conséquence être prise en compte ?
Mme la ministre. Ces amendements sont satisfaits par l’alinéa 22 de l’article 48 qui précise que la nature des émissions de gaz à effet de serre est prise en compte dans la stratégie bas-carbone.
Les amendements CS91, CS930, CS999 et CS1936 sont retirés.
La Commission est saisie de l’amendement CS259 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. Pour préserver l’environnement, il est essentiel de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. En la matière, l’Europe et la France entendent faire preuve d’exemplarité. Au vu de l’ampleur de la tâche, tous les efforts consentis dans le cadre de la politique énergétique nationale doivent être consacrés à la réduction des émissions de CO2. Les autres objectifs ne peuvent constituer que des moyens au service de la poursuite de cet enjeu prioritaire.
Mme la ministre. Avis défavorable. Il n’est pas vraiment cohérent de rendre plus complexes les objectifs de la politique énergétique affichés à l’article 1er. Un certain nombre d’éléments pourront parfaitement être précisés en séance publique.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que l’amendement CS221 précédemment rejeté par la Commission spéciale.
M. Damien Abad. J’en conviens, et je le retire.
L’amendement CS259 est retiré.
La Commission examine l’amendement CS61 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Il s’agit de supprimer l’objectif de réduction de la consommation finale d’énergie prévue à l’alinéa 20. Divers concepts, comme la maîtrise de la consommation d’énergie, ont été introduits dans le texte sans être directement liés à la lutte contre les gaz à effet de serre. Il est pourtant parfaitement possible de réduire massivement la consommation d’énergie d’origine nucléaire sans que cela ait aucun effet sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons par ailleurs constaté que les experts ne s’accordaient pas sur l’évolution de la consommation globale d’énergie.
Mme la ministre. Avis défavorable. La réduction de la consommation d’énergie conditionne la réussite de la transition énergétique. Supprimer l’objectif de réduction de la consommation énergétique finale revient à renoncer à mettre en œuvre le projet de loi.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.
M. le président François Brottes. La réduction de la consommation d’énergie est une condition absolument nécessaire de la transition énergétique, mais pas une condition suffisante.
M. Julien Aubert. Votre conception n’est pas unanimement partagée. Certains experts considèrent que l’énergie constitue aujourd’hui l’un des facteurs de la croissance, au même titre que le capital et le travail. La réduction de la consommation énergétique entraînerait donc une réduction de la croissance ; il faut en tenir compte. Selon nous, il est parfaitement possible de réussir la transition énergétique en « se contentant » de « décarboner » l’économie à moindre coût.
M. Denis Baupin. Monsieur Aubert, vous avez assisté comme moi, la semaine dernière, à l’audition de M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF Suez. Ce dernier, qui à ma connaissance n’est pas membre du « parti de la décroissance », expliquait que « même dans un contexte de croissance nulle et de baisse de la consommation d’électricité et de gaz, le secteur des services de l’efficacité énergétique, lui, continue de croître, à un rythme de 2 à 2,5 % par an ». Autrement dit, son business model a changé. Il est donc possible de conjuguer l’activité économique et l’emploi avec une baisse de la consommation énergétique. Cela n’a rien d’incompatible ; c’est même la voie de la compétitivité pour notre économie !
M. Jean-Paul Chanteguet. Deux des scénarios retenus par le comité d’experts du débat national sur la transition énergétique – le scénario ADEME et le scénario « négawatts » – ont démontré que pour atteindre l’objectif de division par quatre les émissions de gaz à effet de serre, il était indispensable de diviser par deux la consommation d’énergie finale.
M. Charles de Courson. L’alinéa 20 comporte deux objectifs : l’un, que nous devrions supprimer, concerne la réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012, l’autre, que nous devrions conserver, veut porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030. Ce rythme doit aujourd’hui se situer autour de 1 ou 1,5 %. Atteindre 2,5 % en 2030 constituerait donc déjà un effort important.
Comment annoncer sérieusement la réduction de la consommation finale de 50 % d’ici à 2050 ? Cela revient implicitement à anticiper un taux de croissance sur une période extrêmement longue. Bien malin qui peut faire de telles prédictions ! Je souhaite proposer un sous-amendement pour ne supprimer dans l’alinéa 20 que les mots : « De réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 et ».
M. le président François Brottes. Monsieur de Courson, je me vois dans l’obligation de refuser votre sous-amendement : sa rédaction correspond plutôt à un amendement que vous pourrez déposer en séance. Il n’est pas très évident de sous-amender un amendement de suppression.
Mme la ministre. En période de transition énergétique, la question de la mesure de la croissance est posée. Peut-on continuer de considérer que la consommation énergétique doit entrer dans la mesure du taux de croissance ? Aujourd’hui, une économie fortement consommatrice d’énergie, y compris d’énergies carbonées, enregistre une croissance plus forte qu’une économie qui a fait le choix de la sobriété énergétique. Au fur et à mesure que nous réussirons la transition, il nous faudra résoudre ce problème qui n’est pas si théorique que cela.
M. Denis Baupin, rapporteur. La loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a été adoptée alors que la majorité précédente était au pouvoir. Je m’étonne que l’opposition d’aujourd’hui l’ait oubliée. Ce texte dit « loi POPE » fixe déjà des objectifs de rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2 % pour 2015, et 2,5 % pour 2030. Avec ces rythmes, choisis par la majorité d’alors, je remarque que l’on parviendrait, sans prendre en compte le niveau de la croissance, à une baisse de 70 % de la consommation énergétique finale en 2050. Il serait tout de même étonnant que la loi que nous votons aujourd’hui soit en retrait par rapport au droit existant. L’opposition n’avait sans doute pas totalement conscience de ce qu’elle votait en adoptant la loi POPE !
M. Serge Letchimy. Si j’ai bien compris M. Julien Aubert, il serait impossible de réduire le rythme de la consommation d’énergie et d’obtenir une croissance positive. En Martinique, la demande d’énergie croît de 5 % par an alors que notre alimentation en électricité dépend pour 97 % de l’énergie fossile ; pour ne pas passer pour un « décroissant » aux yeux de M. Aubert, faut-il que je favorise la progression de cette demande d’énergie ? Est-ce à dire que je commettrais un péché économique mortel en visant une efficacité énergétique permettant de réduire la consommation ? Ce raisonnement ne me paraît pas très cohérent. La baisse de la consommation constitue l’un des éléments permettant de lutter contre les gaz à effet de serre et de mener la transition énergétique. Sans réduction de la demande, nous entamerions une course-poursuite sans fin.
M. Charles de Courson. La position de M. Denis Baupin rejoint la mienne : il faut conserver la deuxième partie de l’alinéa 20.
La Commission rejette l’amendement CS61.
Elle examine, en discussion commune, l’amendement CS222 de M. Damien Abad, l’amendement CS127 de M. Martial Saddier, l’amendement CS1450 de Mme Cécile Duflot, l’amendement CS1247 de M. Jean-Paul Chanteguet, et l’amendement CS1000 de M. Bertrand Pancher.
M. Damien Abad. Viser une réduction de 50 % de la consommation d’énergie à l’horizon 2050 n’est ni nécessaire ni réaliste. Un tel objectif compromettrait surtout l’ambition de mettre la transition énergétique au service du redressement industriel et de la croissance.
Diviser par deux la consommation à l’horizon de 2050 se traduirait de fait par une contrainte beaucoup plus forte car la croissance économique et la progression démographique tendent mécaniquement à faire croître la demande énergétique. Ce choix pèserait sur l’économie, le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises au-delà des gains espérés sur la facture d’énergie.
Il convient donc d’adopter une politique énergétique fondée sur une trajectoire qui combine des actions sur la demande et sur l’offre et qui renforce les atouts d’un mix énergétique français déjà très peu émetteur en CO2. C’est l’objet de mon amendement CS222.
M. Denis Baupin. L’objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 est lointain. Le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’en sont largement fait l’écho lors de la préparation du projet de loi. Notre amendement CS1450 propose en conséquence de prévoir une étape intermédiaire en fixant un objectif de réduction de 35 % en 2030.
M. Jean-Paul Chanteguet. Des objectifs intermédiaires ont été fixés à l’horizon 2030 pour les énergies fossiles et les énergies renouvelables. Il serait logique de faire de même pour la consommation énergétique finale. Mon amendement CS1247 propose qu’elle soit réduite d’au moins 35 % à cette date par rapport à la référence 2012.
M. Bertrand Pancher. La version initiale du projet de loi proposait peu d’objectifs intermédiaires. Le CESE a heureusement insisté pour qu’ils soient introduits dans le texte.
Une amélioration de l’efficacité énergétique peut être identifiée soit par une diminution de l’intensité énergétique, soit par une réduction en pourcentage de la consommation, soit par un chiffrage en valeur absolue de la consommation visée. À l’instar du Grenelle de l’environnement qui avait adopté cette dernière solution en fixant l’objectif d’une consommation de 131,4 millions de tonnes équivalent pétrole en 2020, nous proposons par notre amendement CS1000 d’inscrire dans l’alinéa 20 l’objectif intermédiaire de 115 millions de tonnes équivalent pétrole en 2030.
Mme la ministre. L’alinéa 20 est le résultat de longues consultations menées auprès du Conseil national de la transition écologique, du CESE, et des partenaires sociaux. Un accord a été trouvé sur une stratégie très ambitieuse pour 2050, mais des questions se posent à propos de la trajectoire qui ne sera pas linéaire : s’il est facile de réduire au départ, cela devient beaucoup plus contraignant par la suite. Imaginer une trajectoire théorique avec des étapes intermédiaires n’aboutirait qu’à réveiller des polémiques et à raviver des débats qui ont déjà eu lieu. Les entreprises et les opérateurs économiques surveillent de près l’évolution du texte car ils ont pris conscience de l’inéluctable. Je suggère de nous en tenir à la feuille de route issue de la Conférence environnementale sans chercher à improviser sur des trajectoires sur lesquelles nous n’avons pas de visibilité. Il est en revanche tout à fait possible de prévoir des rendez-vous réguliers pour vérifier la trajectoire suivie. Dans le cadre des débats relatifs à la stratégie bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, il faudra progressivement durcir les conditions si les trajectoires ne sont manifestement pas de nature à atteindre les objectifs que nous avons fixés. Avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis que Mme la ministre.
La Commission rejette successivement les amendements CS222, CS127 et CS1450.
L’amendement CS1247 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CS1000.
La Commission examine l’amendement CS1449 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Le présent projet reprend ce que la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) prévoyait à l’horizon 2030, mais en omettant malencontreusement la partie prévue à partir de 2015. Cet amendement vise à rappeler cet objectif.
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les objectifs intermédiaires relèvent de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Il faudra discuter de votre proposition au moment où nous évoquerons cet ensemble, afin de nous assurer que l’objectif ambitieux de division par deux de la consommation d’énergie d’ici à 2050 soit bien atteint.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V du projet de loi. Même avis.
M. Denis Baupin. Il ne s’agit pas d’un objectif intermédiaire, mais du rythme de progression. Il est plus facile de prévoir un rythme annuel : nous sommes à 1,5 % par an de baisse annuelle de l’intensité énergétique, alors que la loi POPE prévoyait 2 % à partir de 2015. Au moment d’adopter une loi visant à accélérer le mouvement, ne donnons pas le sentiment que nous sommes en retrait par rapport à la loi précédente.
M. le président François Brottes. Mme la ministre a souligné cet après-midi qu’il valait mieux des rendez-vous par étapes qu’une linéarité improbable telle que vous la demandez là.
M. Christophe Bouillon. Le titre VIII du projet de loi porte sur la PPE : ce rendez-vous régulier permettra de faire le point sur le rythme des efforts déployés pour atteindre les objectifs ambitieux de la loi. Les objectifs que vous évoquez, monsieur le rapporteur, pourront être discutés dans ce cadre.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CS62 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. La loi sur la transition énergétique doit diminuer la consommation des énergies fossiles. Nous proposons donc que la part du fossile dans le mix énergétique français diminue sensiblement, à l’horizon de 2050.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS129 de M. Martial Saddier, CS797 de M. Julien Aubert, CS1248 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1451 de Mme Cécile Duflot, et l’amendement CS1171 de Mme Martine Lignières-Cassou.
M. Martial Saddier. L’amendement CS129 est défendu.
M. Julien Aubert. Il conviendrait, à l’alinéa 21, de parler d’énergie fossile « primaire » plutôt que « finale », afin d’inclure les éventuelles énergies fossiles utilisées dans la production électrique.
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1248 est défendu.
M. Denis Baupin. Il ne faudrait pas, en effet, donner le sentiment que nous voudrions favoriser le charbon pour produire de l’électricité.
Mme Chantal Guittet. L’amendement CS1171 est défendu.
Mme la ministre. L’objectif exprimé en énergie finale est à la fois plus ambitieux et plus compréhensible, l’énergie finale étant celle qui est consommée par les usagers.
Mme la rapporteure. Il est possible de réduire la consommation d’énergie primaire sans réduire celle d’énergie finale, par la substitution du gaz à l’électricité, par exemple. La notion d’énergie finale renvoie en effet à l’énergie effectivement consommée, tandis que l’énergie primaire englobe les pertes liées au transport, à la transformation et à la production. Agir sur l’énergie finale est plus ambitieux. Avis défavorable.
Mme la ministre. Nous avons eu cette discussion au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Les organisations non gouvernementales, qui avaient présenté des amendements similaires, les avaient retirés après que nous leur avions expliqué de quoi il s’agissait. Du fait de l’articulation de la réduction de la consommation finale et de celle de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, il faut que soit privilégiée la diminution des énergies à effet de serre. Les partisans de l’énergie nucléaire défendent l’idée que la consommation peut augmenter : si c’est de l’électricité, ce n’est pas de l’énergie carbonée et tout va bien. Or ce sont la sobriété et la performance énergétiques que nous visons.
M. Martial Saddier. En attendant d’avoir trouvé des énergies alternatives au nucléaire, au charbon, au gaz naturel, ce dernier, dans la gamme des énergies fossiles dont nous souhaitons la disparition, est le plus propre. Que ce soit en termes d’efficacité énergétique, avec les nouvelles chaudières à condensation, ou en termes de pollution de l’air et de particules fines, il est bien supérieur au charbon. Ces amendements visent à empêcher que la France ne connaisse l’ineptie de la situation allemande, où la production de charbon explose en raison du retrait drastique du nucléaire, ce qui est une catastrophe pour l’environnement. De 35 à 45 % des émissions de particules fines sur les zones frontalières de notre pays proviennent des pays limitrophes, et en particulier de leurs centrales à charbon. Ancien président du Conseil national de l’air, j’affirme que le gaz naturel est une alternative efficace et saine, pour l’air et l’environnement, en attendant d’avoir trouvé mieux.
M. Jean-Paul Chanteguet. Il s’agit de réduire la consommation des énergies fossiles. L’argumentation de Mme la ministre laisse entendre que les énergies fossiles utilisées pour produire de l’électricité ne sont pas des énergies consommées, alors que c’est le cas. L’actuelle rédaction du projet de loi favorise l’électricité.
M. Denis Baupin. Nous sommes à l’alinéa 21, qui concerne uniquement les énergies fossiles, et j’ai le sentiment que l’argument de Mme la ministre porte sur l’alinéa 20. La différence entre énergie finale et énergie primaire correspond à la part utilisée pour produire l’électricité. Si nous nous en tenons à la rédaction actuelle, nous réduirons de 30 % l’énergie fossile dans tous les domaines, sauf pour la production d’électricité. La rédaction que nous proposons permettrait de réduire cette consommation dans tous les domaines, y compris dans la production d’électricité.
Mme la ministre. Du débat naît la lumière. J’accepte les amendements identiques.
Mme la rapporteure. Même avis.
L’amendement CS1171 est retiré.
La Commission adopte les amendements CS129, CS797, CS1248 et CS1451.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS130 de M. Martial Saddier, CS853 de M. Julien Aubert et CS1001 de M. Bertrand Pancher, et les amendements CS966 de Mme Sylviane Alaux, CS798 de M. Julien Aubert et CS1222 de M. Éric Alauzet.
M. Martial Saddier. L’amendement CS130 est défendu.
M. Julien Aubert. L’amendement CS853 a été longuement discuté avec l’Association française du gaz (AFG). Le texte ne fait aucune distinction entre des énergies fossiles comme le charbon et le pétrole, que, à l’UMP, nous appelons des « énergies rouges », et le gaz naturel, qui se situe entre les « énergies vertes » et ces « énergies rouges », et que nous appelons pour cette raison une « énergie orange ». Un projet intelligent doit opérer une telle distinction et moduler les objectifs par énergie fossile en fonction des émissions de gaz à effet de serre de chacune.
M. Bertrand Pancher. L’amendement CS1001 n’a plus de guère de pertinence après le précédent vote. Je le retire.
Les amendements CS130, CS853 et CS1001 sont retirés.
M. Jean-Yves Caullet. Non seulement le gaz naturel présente des avantages en termes de particules fines, mais il est en outre substituable par le biogaz.
M. le président François Brottes. C’est partiellement le cas : de l’ordre de 10 à 15 %.
Mme la ministre. Un amendement dans le même sens est prévu à l’article 49, dans le cadre de la PPE.
L’amendement CS966 est retiré.
M. Julien Aubert. L’amendement CS798 est défendu.
M. Éric Alauzet. Le débat que nous avons eu sur l’énergie primaire et finale est un débat quantitatif. Celui que j’ouvre avec cet amendement est qualitatif. Le fioul n’est pas égal au gaz, qui n’est pas égal au charbon. Le gaz rejette 12 à 20 % de carbone en moins que le fioul, par exemple. De telles considérations qualitatives peuvent permettre de développer la substitution du fioul par le gaz dans les flottes de véhicules des collectivités locales ou de l’État. L’arbitrage entre le gaz et le charbon peut également être orienté par cette approche qualitative.
Mme la ministre. Les amendements CS798 et CS1222 sont également satisfaits par un amendement à l’article 49.
Les amendements CS798 et CS1222 sont retirés.
La Commission examine l’amendement CS63 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. C’est en agissant sur les « énergies rouges » qu’on produit le plus grand effet sur la réduction des émissions de carbone. Nous sommes donc favorables à des objectifs drastiques pour ces énergies très carbonées, en laissant les énergies vertes se développer selon une trajectoire raisonnable, sans prévoir d’objectif trop élevé qui pourrait, notamment en termes de production électrique, avoir des conséquences sur l’équilibre du réseau et la gouvernance nationale. Nous proposons donc de porter la part des énergies renouvelables à 20 %.
Mme la ministre. Défavorable. L’objectif de 23 % en 2020 est un engagement européen de la France.
Mme la rapporteure. Même avis. L’amendement supprime en outre l’objectif à l’horizon 2030, ce qui n’est pas acceptable.
M. Bertrand Pancher. J’ai du mal à suivre mes collègues de l’UMP. Réduction des objectifs en termes d’énergies renouvelables, réduction des objectifs de consommation énergétique, sans compensation par de l’énergie fossile : dites clairement qu’il faut une explosion de la production nucléaire ! Ce serait sortir des accords passés avec la société civile dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Autant je ne crois pas que les objectifs de ce texte en termes de réduction du nucléaire seront atteints, autant je ne suis pas mes collègues sur cet amendement. Le Grenelle avait porté à 23 % la part des énergies renouvelables ; nous ne les atteindrons certainement pas, faute d’une volonté forte, mais sacraliser ce renoncement, c’est un pas osé.
M. Julien Aubert. Nous ne souhaitons pas une diminution drastique du nucléaire, et nous pensons en outre qu’une substitution massive d’énergie renouvelable électrique au nucléaire est impraticable, car, d’après l’Union française de l’électricité (UFE), cela représente 35 gigawatts d’éolien, 70 gigawatts de photovoltaïque, et coûterait 200 milliards d’euros. Nous préférerions donc une trajectoire moins raide pour les énergies renouvelables. Ce n’est pas une trahison : la différence entre les deux trajectoires est de trois points seulement.
M. Charles de Courson. Cela n’est possible que par une renégociation au niveau communautaire, puisqu’il s’agit d’un engagement européen. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler qui a négocié cet accord.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CS1454 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Ne sachant pas ce que signifie, à l’alinéa 22, l’expression de « consommation finale brute d’énergie », qui n’existe nulle part ailleurs, nous proposons de la remplacer par celle de « consommation énergétique finale », qui figure déjà dans le corps du texte.
Mme la ministre. La différence entre la « consommation finale brute d’énergie » et la « consommation énergétique finale » est au contraire tout à fait substantielle, et, en supprimant la référence à la « consommation finale brute d’énergie », nous rabaisserions considérablement nos exigences. En effet, la « consommation finale brute d’énergie » inclut la consommation énergétique du secteur énergétique : pour produire de l’énergie une centrale a besoin de consommer de l’énergie. Or nous souhaitons que les pourcentages mentionnés s’appliquent à la consommation globale d’énergie, c’est-à-dire non seulement l’énergie produite, mais également l’énergie consommée par le secteur énergétique. C’est ce que signifie la référence à la « consommation finale brute d’énergie », tandis que la « consommation finale nette » ne renverrait qu’à la production d’énergie.
M. Denis Baupin. Je prends note de la définition donnée par Mme la ministre de cette notion qui n’existe nulle part ailleurs.
Mme la ministre. Ce sont les termes qu’emploie la Commission européenne.
L’amendement est retiré.
L’amendement CS1455 de Mme Michèle Bonneton est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS315 de M. Jean-Jacques Cottel, CS904 de Mme Chantal Guittet, CS1002 de M. Bertrand Pancher, CS1238 de M. Philippe Plisson, et les amendements CS1003 de M. Bertrand Pancher et CS1456 de M. Denis Baupin.
M. Jean-Jacques Cottel. Il s’agit d’inscrire dans la loi les objectifs ambitieux du Gouvernement en matière de part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique.
Mme Chantal Guittet. L’amendement CS904 est défendu.
M. Bertrand Pancher. Avant les élections présidentielles, l’accord passé entre les Verts et le parti socialiste tablait sur une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, ce à quoi personne ne croit. Si l’on veut néanmoins tendre vers cet objectif, il faut accélérer non seulement nos économies d’énergie, mais également notre production d’énergies renouvelables. Nous proposons donc de porter en 2030 la part des EnR à 32 % de la consommation finale brute d’énergie et à 40 % de la production d’électricité totale.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS1238 est défendu.
M. Bertrand Pancher. L’amendement CS1003 est défendu.
M. Denis Baupin. L’amendement CS1456 vise à renforcer l’objectif global que nous nous sommes fixé en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030, en passant la part de ces énergies de 32 % à 40 %.
Mme la ministre. Ces pourcentages ont été stabilisés. Ils sont connus de tous les acteurs de la filière et de tous les opérateurs, et ont été approuvés par les différentes instances, qu’il s’agisse du Conseil de la transition écologique ou du Conseil économique, social et environnemental. Avis défavorable.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La loi a vocation à fixer des objectifs, déclinés ensuite dans la PPE.
M. Jean-Jacques Cottel. Il me paraît important d’inscrire dans la loi un objectif chiffré que Mme la ministre a elle-même annoncé lors d’une conférence de presse en juin dernier.
M. Bertrand Pancher. Si l’objectif arrêté pour 2020 est de 23 % d’énergies renouvelables, vouloir atteindre 32 % en 2030 dessine une trajectoire largement insuffisante pour atteindre 50 % d’énergies renouvelables en 2050, puisque cela signifie, sur la période, un rythme de progression inférieur à 1 % par an. Nous sommes ici très loin du facteur 4.
M. Julien Aubert. Aucun des objectifs dont il est question ici n’est financièrement chiffré. Nous avons déjà 80 millions d’euros d’engagements sur les EnR, dont la part n’excède pas 10 %, et l’UFE estime que quadrupler ce taux et atteindre les objectifs que vous défendez aurait un coût de 200 milliards d’euros, sans compter ce qu’implique en termes de gestion l’augmentation considérable du volume d’énergies renouvelables intermittentes injecté dans le réseau. N’imitons pas les Allemands qui ont multiplié les énergies vertes, mais ont vu malgré tout leur empreinte carbone augmenter.
M. Charles de Courson. L’étude d’impact table sur un taux de croissance de 1,8 %, ce qui n’est pas réaliste. Or si la croissance n’est pas au rendez-vous, les objectifs fixés par la loi deviennent inatteignables. C’est donc une erreur de méthode que d’inscrire des pourcentages dans la loi.
M. Denis Baupin. On confond la politique énergétique globale et la politique électrique. Les pourcentages dont il est question concernent toutes les énergies renouvelables, qu’il s’agisse du carburant, du chauffage ou de l’électricité.
Je pense par ailleurs comme Bernard Pancher que les objectifs fixés par la loi pour 2020 et 2030 dessinent pour cette période une trajectoire moins ambitieuse que celle que nous nous sommes fixée d’ici à 2020. Ralentir l’effort est pourtant contradictoire avec la transition énergétique.
Mme la ministre. Les 32 % renvoient à l’ensemble des énergies renouvelables, dont la part, aujourd’hui, n’est que de 14 %. Cela représente un saut quantitatif très important, et, si l’on peut aller plus vite – en pariant sur la baisse du prix d’installation des EnR –, nous le ferons, dans le cadre de la PPE. Mais il serait contre-productif d’afficher d’emblée dans la loi des objectifs qui ne sont pas crédibles aux yeux des opérateurs économiques et des acteurs de la filière industrielle des énergies renouvelables. Faisons confiance à ceux dont c’est le métier et qui ont tout intérêt, par ailleurs, au développement massif des énergies renouvelables. Donnons-nous rendez-vous dans un an pour un point d’étape qui permette d’évaluer la montée en puissance de nos capacités.
M. Bertrand Pancher. Se fixer un tel rendez-vous après deux ans de débats publics est bien la preuve que nous sommes en pleine impréparation !
Les amendements CS315, CS904 et CS1238 sont retirés.
La Commission rejette successivement les amendements CS1002, CS1003 et CS1456.
Elle examine ensuite l’amendement CS1453 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement ne modifie pas les objectifs de la loi, mais vise à inscrire dans le corps de la loi des chiffres figurant dans l’exposé des motifs, afin de préciser les objectifs poursuivis pour chaque secteur énergétique. Cela permettra de rassurer les différents acteurs industriels. La fixation de ces chiffres ne relève pas de la PPE, laquelle ne fixe pas des objectifs, mais définit des politiques pour les atteindre.
M. le président François Brottes. J’aurais une remarque de forme sur votre amendement : on n’écrit pas dans une loi « afin d’y parvenir ».
Mme la ministre. Cet amendement a le mérite d’exister, car il permet de mieux définir ce que sera la programmation pluriannuelle, sur laquelle nous avons commencé à travailler avec les industriels. Or on ne peut, sans les consulter, inscrire dans la loi des pourcentages figés. Nous avons besoin, pour réussir la transition énergétique, des industriels, des banques, de tous les acteurs des filières d’avenir dans le domaine de l’énergie, qui sont fortement mobilisés autour de ce projet. Il existe une hiérarchie cohérente entre les textes : la loi fixe les objectifs globaux ; la PPE, qui relève d’un décret, en développe les détails et nécessite pour cela la contribution des industriels. Je ne les prendrai pas par surprise en inscrivant dans ce texte des pourcentages sur lesquels ils n’auraient pas été consultés.
Mme la rapporteure. Les sous-objectifs par type d’énergie relèvent de la PPE. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques CS92 de M. Martial Saddier et CS1749 de M. Jacques Krabal.
M. Martial Saddier. Nous insistons sur le fait que le coût de la transition énergétique doit être acceptable par nos concitoyens, qui ont de plus en plus de mal à payer leur facture énergétique. Par ailleurs, elle doit permettre d’améliorer la qualité de l’air, en s’appliquant notamment dans les secteurs les plus polluants : le chauffage domestique et les transports, individuels et collectifs. Cet amendement décline donc les objectifs à atteindre en matière de chauffage domestique et de transports.
M. Jacques Krabal. Je voudrais répondre à la ministre qu’il ne s’agit pas de modifier les objectifs de la loi sans l’accord des industriels, puisque ces objectifs figurent dans l’exposé des motifs. Les inscrire dans le corps du texte renforcerait sa force et sa cohérence.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements CS92 et CS1749.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1607 et CS1606 de M. Joël Giraud, CS1457 de Mme Cécile Duflot et CS852 de M. Julien Aubert.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1607 propose d’inscrire dans la loi un objectif de 15 % d’EnR incorporés à la consommation de gaz à l’horizon 2030, pour fixer une ambition à la hauteur des enjeux industriels du secteur. L’amendement CS1606 est un amendement de repli qui abaisse ce taux à 10 %.
M. Denis Baupin. Il s’agit d’envoyer un signal fort en faveur du développement du biogaz en affichant un objectif de 10 % pour 2030.
M. Julien Aubert. Le biogaz et l’hydrogène sont des filières d’avenir.
M. le président François Brottes. Il faut préciser dans votre amendement qu’il s’agit des énergies « incorporées au réseau de gaz naturel ».
M. Julien Aubert. Je rectifie mon amendement CS852 en ce sens.
Mme la ministre. Cela relève de la PPE. Peut-être même irons-nous plus vite que cet objectif.
Mme la rapporteure. Même avis.
L’amendement CS1607 est retiré.
La Commission rejette successivement les amendements CS1606, CS1457 et CS852 rectifié.
Puis elle est saisie des amendements identiques CS64 de M. Julien Aubert et CS224 de M. Damien Abad.
M. Julien Aubert. Cet amendement vise à supprimer la limitation de la part du nucléaire dans le mix électrique français. Ce qui nous gêne, c’est moins de limiter cette part à 50 % que de vouloir atteindre cet objectif à l’horizon 2025. La plupart des industriels du secteur jugent cette perspective irréaliste. Outre son coût financier, elle signifierait en effet une diminution de la production de 20 gigawatts, soit la fermeture d’une vingtaine de centrales. Le nucléaire est une énergie pivot ; sa part dans notre mix énergétique va inéluctablement baisser avec le développement des EnR, mais l’envisager dans un délai si court relève d’un Gosplan volontariste qui n’est pas acceptable, pas plus que ne l’est la fermeture de la centrale de Fessenheim pour des motifs uniquement politiques.
M. Damien Abad. En limitant la part du nucléaire dans le mix électrique, on commet un triple non-sens : non-sens économique, car cela va mettre à mal la compétitivité des entreprises françaises qui ont aujourd’hui accès à une électricité 35 % moins chère que la moyenne européenne ; non-sens social, car cela va diminuer le pouvoir d’achat des ménages ; non-sens éthique, puisqu’on va ainsi à contre-courant de la lutte contre le dérèglement climatique et de la stratégie bas carbone.
Cet objectif ne peut être que la conséquence de choix politiques. Sous l’impulsion du général de Gaulle, la France avait fait le choix du nucléaire comme ressource de base pour sa production d’électricité et pour assurer son indépendance énergétique. Ce serait un retour en arrière que de limiter la part du nucléaire dans le mix énergétique.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Mme la rapporteure. Même avis.
M. Charles de Courson. L’étude d’impact indique que nous allons rester à 29 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) de production nucléaire stable jusqu’en 2020 et passer de 29 à 20 millions de TEP entre 2020 et 2030, soit une baisse d’un tiers. Par ailleurs, l’éolien doit passer de 1 à 2 millions de TEP entre 2012 et 2020, et de 2 à 8 entre 2020 et 2030. C’est infaisable !
Réduire la part du nucléaire à 50 %, cela correspond à un tiers de fermetures avec une croissance de 1,8. Si la croissance est de l’ordre de 1, il faudra fermer 50 % des centrales. Il ne faut pas fermer Fessenheim, car cela nous ruinerait, la moitié de la production étant livrée à la RWE allemande et à trois entités suisses, qu’il faudrait indemniser, peut-être à hauteur de 1 ou 2 milliards. L’Allemagne et la Suisse ayant financé la moitié de la centrale, nous ne leur vendons pas l’électricité fournie par Fessenheim au prix du marché, mais au prix de revient hors amortissement.
Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment nous allons faire ? Si je me réfère à l’étude d’impact, il faut fermer 30 % des centrales. Mais il faut rajouter Flamanville, pour parvenir à un tiers de fermetures en 2030, ce qui n’est pas cohérent avec l’objectif de réduction des gaz à effet de serre. Et à quel coût ? L’étude d’impact ne l’évoque pas. Dans quelles proportions le prix de l’électricité va-t-il augmenter en France ? 50, 60 % ? Nous allons vers un modèle à l’allemande.
M. Denis Baupin. Certains de nos collègues imaginent que les centrales nucléaires seront toujours là et que l’on n’a pas à se poser la question du coût de leur prolongation ou de leur remplacement, comme si ces installations ne vieillissaient pas. Or l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a plusieurs fois montré que rien n’était acquis concernant la prolongation de la vie des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans. Aujourd’hui, la plus vieille centrale nucléaire du monde a quarante-cinq ans : nous n’avons aucun retour d’expérience sur l’état d’une centrale de cinquante ou soixante ans. On n’a aucune information sur la résistance des cuves, qui ne peuvent pas être changées.
Le coût a été chiffré par la Cour des comptes : pour maintenir en activité des réacteurs jusqu’à quarante ans, il faut sortir 110 milliards – c’est le grand carénage. Il faudra prévoir des coûts supplémentaires si l’on prolonge les réacteurs au-delà de quarante ans. L’ASN a indiqué que, si elle autorisait une telle prolongation, il faudrait que le référentiel de sûreté de ces réacteurs soit à peu près équivalent à celui de l’EPR. Cela entraînera donc des dépenses significatives. Aussi, ne dites pas que maintenir le parc nucléaire tel qu’il est ne coûte rien. Vous évoquez toujours le coût d’une fermeture, mais le maintien du parc va coûter encore plus cher !
La question de l’indemnisation se pose en fonction de la loi et des durées d’autorisation de fonctionnement, soit, au maximum, dix ans.
Nous serons moins vulnérables si nous dépendons à 50 % d’une même technologie, plutôt qu’à 78 %. Les réacteurs de nos centrales sont tous identiques : l’avantage, c’est que les coûts de construction ont pu être diminués ; l’inconvénient, c’est que, si on leur trouve des défauts génériques, on risque d’être obligés d’en fermer plusieurs à la fois. C’est en tout cas l’opinion du président de l’ASN.
M. le président François Brottes. Il dit aussi que cela permet de tout réparer rapidement et que c’est plus efficace en termes de maintenance.
M. Denis Baupin. Les écologistes souhaiteraient aller plus loin que 50 %, mais ce serait moins de vulnérabilité que 78 %, et cela permettrait de diversifier le mix.
M. Bertrand Pancher. Je partage une partie de l’analyse de Denis Baupin, mais pas ses conclusions. Ce projet de loi matérialise l’accord intervenu entre les Verts et le PS au moment de l’élection présidentielle. Mais il est impossible d’atteindre l’objectif fixé pour 2025. On ne peut déjà pas atteindre celui fixé pour 2016 ! La synthèse du bilan prévisionnel de Réseau de transport d’électricité (RTE), qui veille à préserver l’équilibre entre l’offre et la demande, évoque « un déficit de capacité » « en cas de vague de froid décennale dès l’hiver 2015-2016 », et augmentant à l’hiver 2016-2017. « Cette dégradation de la sécurité d’approvisionnement […] intervient en raison notamment de l’arrêt des centrales au fioul et au charbon qui s’ajoute à celui, fin 2016, de deux tranches nucléaires. » L’engagement que vous avez pris n’est pas tenable !
M. Julien Aubert. L’UFE explique que, si l’on veut remplacer 20 gigawatts de nucléaire par 50 % d’éolien et 50 % de photovoltaïque, cela représente 140 térawattheures, soit, le taux de disponibilité de l’éolien et celui du photovoltaïque n’étant pas identiques, 35 gigawatts d’éolien et 70 gigawatts de photovoltaïque. Cela coûterait 190 milliards d’euros, ce qui est bien plus que les 110 milliards que la Cour des comptes estime nécessaires pour le maintien en activité des réacteurs jusqu’à quarante ans.
Sur le plan pratique, il faudrait 20 000 éoliennes et 657 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques. L’UFE estime à 1 000 kilomètres carrés – d’autres estimations font état de 5 000 kilomètres carrés – le total de la superficie des toits orientés vers le sud en France. Avec 1 000 kilomètres carrés, nous occupons déjà 70 % des toits disponibles pour accomplir en dix ans l’objectif fixé par le Gouvernement.
Je suis favorable à la diversification des sources électriques. Le problème, ce n’est pas la réduction de 50 % de la part du nucléaire, c’est le délai que l’on se fixe. Car 2025, c’est demain. En dix ans, il faudrait fermer entre un tiers et la moitié du parc nucléaire ! Or 400 000 personnes vivent de cette filière, directement ou indirectement. Il y a ainsi 200 000 emplois directs. En dix ans, il faudra reconvertir 80 000 ou 90 000 personnes. Si encore l’éolien ou le photovoltaïque pouvaient créer des emplois, ce serait une bonne chose : mais, pour ce qui est de la filière photovoltaïque, ce seront surtout des emplois en Chine !
M. Michel Sordi. La date de 2025 est trop proche. Un haut responsable d’EDF a expliqué, lors d’une audition, que, en paramétrant l’évolution des consommations et en repoussant cette date de dix ou quinze ans, nous atteindrions les 50 % sans fermer de réacteurs sur notre territoire.
La petite sœur de la centrale de Fessenheim, installée aux États-Unis, vient de recevoir une autorisation pour soixante ans d’exploitation. Il ne faut pas faire le marchand de peurs ! Après l’accident de Fukushima, François Fillon avait demandé un audit sur l’ensemble des réacteurs français : les travaux qui avaient alors été jugés nécessaires sont en cours de réalisation. Les travaux, à Fessenheim, sont les plus avancés en la matière sur le territoire national. Sur les trois dernières années, 300 millions d’euros ont été consacrés à des mises aux normes, à des changements de générateurs de vapeur, etc.
Il est ahurissant, en pleine crise économique, de vouloir fermer une centrale nucléaire et de supprimer 2 000 emplois directs et indirects. Que va-t-on dire aux salariés d’une entreprise qui est bénéficiaire ? Cela s’apparente à du licenciement boursier ! On ne sait pas non plus quel sera le coût de l’opération. Que vont demander les Allemands et les Suisses ? L’addition risque d’être élevée pour EDF et pour le budget de l’État. Il conviendrait de repousser d’une dizaine d’années la limite que vous avez fixée. Ainsi, la région ne serait pas affectée, les écoles, les commerces ne fermeraient pas, car rien n’est prévu pour remplacer ces emplois. Ce que vous proposez est une hérésie !
M. Michel Heinrich. En effet, la suppression des emplois n’est pas prise en compte dans l’étude d’impact. En 2012, le rapport Énergies 2050, remis au ministre de l’industrie, démontrait que, pour réduire de 50 % la part du nucléaire, on détruirait entre 200 000 et 300 000 emplois. À Fessenheim, ce seront 3 000 emplois directs et 12 000 emplois indirects qui disparaîtront.
La Commission rejette les amendements CS64 et CS224.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS65 de M. Julien Aubert, CS226, CS227 et CS228 de M. Damien Abad, CS860 de M. Stéphane Travert, CS225 de M. Damien Abad, CS595 de M. Christian Bataille, CS529 et CS530 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Plutôt que de réfléchir sur la capacité nucléaire ou sur le mix énergétique, nous proposons de stabiliser le potentiel nucléaire français. La notion de « potentiel » nucléaire est différente de celle de « capacité ». Le nucléaire est une filière, avec des capacités d’exportation. Notre objectif dans ce domaine est de garantir cette valeur ajoutée française que représente le potentiel nucléaire, en termes d’énergie sociale pour les Français, mais aussi en termes de capacité d’exportation. Si nous perdons de notre technicité et de nos connaissances, les Chinois et les Britanniques ne nous achèteront pas de centrales nucléaires. On n’achète pas un produit dont les vendeurs eux-mêmes ne veulent pas !
L’idée est de parler de « potentiel » nucléaire en y introduisant le programme de renouvellement des centrales existantes et l’allongement de leur durée d’activité. L’État mènera ensuite une réflexion sur la définition du parc optimal. Si nous ne modifions pas le texte, nous sortirons du débat sans savoir exactement quel parc nous aurons dans quelques années. Il faut, de ce point de vue, établir des grands principes d’évolution.
M. Damien Abad. Notre amendement de repli CS226 vise à prendre en compte les performances économiques et techniques des énergies renouvelables.
M. Baupin a dit que le photovoltaïque créerait beaucoup d’emplois en France. M. Aubert lui a répondu que ce serait plutôt en Chine. En Allemagne, l’emploi dans le photovoltaïque a reculé entre 2012 et 2013, passant de 100 000 emplois en 2012 à 60 000 en 2013. Un euro investi dans le nucléaire crée jusqu’à trois fois plus d’emplois que dans les autres filières de production – gaz, éolien ou photovoltaïque. Les emplois qui seront créés dans les EnR ne compenseront pas les pertes d’emplois dans le nucléaire. C’est pourquoi nous vous proposons de lisser, en prenant en compte les performances économiques et techniques des énergies renouvelables.
En France, la facture d’électricité est l’une des moins chères d’Europe. L’amendement de repli CS227 propose de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité, sous réserve que cela n’ait aucun impact sur le prix de l’électricité ni sur les émissions de gaz à effet de serre. Il est urgent de réaliser une étude d’impact sur le sujet. Les Allemands pourraient témoigner que, après les choix qu’ils ont faits en matière de mix énergétique, le prix de l’électricité a considérablement augmenté.
L’amendement CS228, enfin, vise à prendre en compte la sécurité d’approvisionnement, qui est renforcée par l’énergie nucléaire. Vous risquez de mettre en cause l’indépendance énergétique française et la sécurité d’approvisionnement.
M. Stéphane Travert. L’amendement CS860 va dans le même sens. La diversification énergétique est un enjeu majeur, mais l’équilibre du mix énergétique doit se faire en temps et en heure, « à mesure de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables ».
L’EPR de Flamanville sera probablement mis en service fin 2016. Aujourd’hui, nous ne connaissons pas encore les conditions de mise en exploitation de l’éolien offshore en baie de Seine ou sur la côte atlantique, et l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour l’hydrolien n’a pas plus d’un an.
M. Damien Abad. Le nucléaire étant, chacun en est conscient, l’énergie bas carbone la plus compétitive, à quoi bon se précipiter ? Certes, le maintien d’une centrale a un coût, mais la non-rénovation et la non-modernisation en ont un aussi, économique et technologique. Un désengagement hâtif aurait des conséquences en matière d’augmentation des prix de l’électricité et de hausse des émissions de CO2. L’Allemagne a augmenté ses émissions de CO2 de 2,3 % entre 2011 et 2013. Pourquoi ce qui arrive outre-Rhin n’arriverait-il pas en France ? Avec l’amendement de repli CS225, nous proposons de réduire à 50 % la part du nucléaire non pas en 2025, mais en 2030.
M. Jean-Yves Le Déaut. Il y a un an, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’est penché sur cette question dans un rapport sur la transition énergétique. Il est important de se fixer des objectifs, et nous pouvons soutenir ceux qui figurent dans le texte : baisse de la part du nucléaire, des rejets de gaz à effet de serre et de la consommation globale. Cependant, le rythme de réduction doit tenir compte de l’évolution de la part des EnR dans la production globale. Or nous ignorons quel sera, en 2025 ou en 2030, le niveau réel de production des énergies éolienne et photovoltaïque. Il faut donc avoir pour objectif de développer les EnR et, en fonction des évolutions techniques, de fixer ensuite des objectifs globaux que nous ne saurions définir au préalable. C’est ce que l’OPECST a appelé, dans son rapport, une « trajectoire raisonnée ».
M. Julien Aubert. Il importe que le projet ITER soit mentionné dans le texte, car, même si le nucléaire de troisième et de quatrième génération est abandonné, cela ne doit pas affecter la recherche scientifique sur la fusion. Cela permettrait de montrer que la France tiendra ses engagements internationaux.
L’amendement CS530 concerne de même les investissements réalisés dans les réacteurs de quatrième génération. Comme le texte ne dit rien sur l’avenir du parc, nous risquons de nous retrouver, du fait de décisions que nous aurons prises par défaut, dans l’incapacité de basculer dans la quatrième génération, qui présente pourtant beaucoup moins d’inconvénients, notamment au niveau des déchets.
Mme la ministre. Avis défavorable. La stratégie d’obstruction qu’adopte l’opposition ne rend pas service à EDF, qui devra tôt ou tard s’engager dans la transition énergétique. Pourquoi prétendre que le nucléaire restera l’énergie la moins chère et que de nombreux pays étrangers continueront de nous acheter des centrales ? C’est faux. EDF ne persistera à trouver des marchés internationaux qu’en mêlant le nucléaire aux énergies renouvelables dans le mix énergétique.
Le groupe se fragilise quand il refuse d’investir en France dans les énergies renouvelables, alors qu’il le fait à l’étranger, puisqu’il a construit avec son homologue brésilien la centrale photovoltaïque du grand stade de Rio. Il ne continuera à vendre de l’énergie nucléaire que s’il propose aussi de la performance énergétique, des services énergétiques et des énergies renouvelables.
Les ingénieurs français ont été des pionniers en matière de solaire et d’éolien, mais, pour n’avoir investi que dans le nucléaire, nous avons perdu cette avance. N’aurions-nous effectué, depuis les années soixante-dix, que 10 % des investissements dans les énergies renouvelables, que nous serions très bien placés au niveau mondial. Malheureusement, il n’y a pas eu de débat. Les décisions ont été prises de manière unilatérale.
Aujourd’hui, il revient au Parlement d’être visionnaire et d’encourager les opérateurs, les petites entreprises comme les grands énergéticiens, les ouvriers comme les ingénieurs. Je ne blâme pas ceux d’entre eux qui adoptent une posture corporatiste, parce qu’ils ont du mal à imaginer l’avenir, mais notre rôle est justement de les entraîner. Le prix des énergies renouvelables, encore élevé, baissera tôt ou tard. Pour avoir eu la chance d’entendre des chefs d’État et de gouvernement s’exprimer sur le sujet, je sais que la compétition industrielle mondiale est lancée.
La sécurité nucléaire dont nous disposons nous permet de penser la transition énergétique en toute sécurité. Profitons de cette chance. Faute d’avoir investi il y a quinze ans dans la voiture électrique réalisée par Peugeot, nous avons été dépassés par les Chinois. Ne répétons pas cette erreur : notre responsabilité, au-delà des clivages politiques, est de pousser la transition énergétique.
Quand nous avons lancé les appels à projets sur l’éolien offshore, qui représente un marché considérable, EDF n’était pas à l’offensive. Les ingénieurs doivent penser la mutation de leur métier. À l’échelle planétaire, il y aura bientôt 450 centrales à démanteler. Qui peut mieux se positionner sur ce créneau que ceux qui ont construit les centrales ? Si, pour des raisons idéologiques, nous faisons du démantèlement un sujet tabou, nous perdrons aussi ce marché, ce qui, je le répète, ne rendra pas service à la France.
Mme la rapporteure. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements. Que M. Aubert se rassure : la France ne prévoit pas de se retirer d’un programme international dans lequel elle s’est fortement engagée.
M. Denis Baupin. Je regrette que notre groupe ne puisse défendre l’amendement CS1462, dont Mme Duflot est la seule signataire et qui tend à porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 0 % en 2040. Les écologistes n’ont pas changé de point de vue à cet égard. Compte tenu du coût des nouvelles centrales, l’histoire nous donnera probablement raison.
À en croire nos collègues de l’UMP, Mme Merkel serait si mauvaise en économie que nous pourrions lui donner des leçons. Je tiens à rectifier les chiffres qu’ils agitent. L’Allemagne a créé 400 000 emplois dans les énergies renouvelables. En France, il n’y a pas plus de 25 000 salariés qui travaillent dans des centrales nucléaires. Si l’on fermait un tiers d’entre elles, on ne détruirait pas plus de 8 000 emplois.
Ce n’est pas une raison pour le faire brutalement. Avec M. Brottes et M. Sordi, je suis allé rencontrer les ouvriers de Fessenheim, qui défendent légitimement leur outil de travail. En tant qu’élus, nous devons accompagner les restructurations industrielles et territoriales liées à la fermeture des installations nucléaires, mais nous savons que, même si celles-ci durent quarante, cinquante, voire soixante ans, elles devront tôt ou tard être fermées.
Je conviens que l’Europe a perdu, contre les Chinois, la bataille des panneaux photovoltaïques. Reste que ceux-ci ne produisent que 20 % de l’énergie solaire. Le travail d’installation, de réparation ou d’entretien, lui, n’est pas délocalisable. En Allemagne, 60 000 personnes travaillent dans le solaire, contre 10 000 en France, qui, cependant, est plus ensoleillée. Il existe donc un important gisement d’emplois dans ce secteur.
Auditionné par la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, M. Oursel, président du directoire d’Areva, a confirmé que le business model du nucléaire s’érodait. Les activités sont de moins en moins rentables. Faute d’une reprise nucléaire au Japon, le cours de l’uranium a chuté, ce qui est plus grave pour Areva que pour EDF. Nous ne construisons plus de centrales nucléaires à l’étranger. Si le nucléaire fournit toujours 78 % de l’électricité française, il ne représente plus que 10 % de la production d’électricité mondiale, contre 20 % il y a dix ans. Sur le plan industriel, la France a tout intérêt à miser sur la diversification, au lieu de s’enfermer dans un secteur sans avenir.
M. Julien Aubert. Si nous voulions faire de l’obstruction, madame la ministre, nous nous y prendrions autrement ! Nous nous contentons pour l’instant de défendre une autre vision de la transition énergétique et d’appeler votre attention sur les conséquences budgétaires et sociales du projet de loi.
Je m’étonne de la charge que vous venez de mener contre EDF. Cette entreprise cotée en Bourse choisit sa stratégie en se positionnant, en accord avec ses actionnaires, sur certains marchés. Vous regrettez que Peugeot ne soit pas en tête dans le secteur de la voiture électrique. Quel rapport y a-t-il entre ce dossier et celui du nucléaire ou des énergies renouvelables ?
Vous nous accusez d’avoir une vision idéologique. N’est-ce pas plutôt le cas de ceux qui, sans aucun chiffrage, veulent démanteler, au profit d’industries massivement concentrées dans des pays très concurrentiels, le secteur nucléaire, dans lequel nous sommes en tête depuis cinquante ans et qui emploie chez nous des centaines de milliers de personnes ?
Notre désaccord porte moins sur l’objectif – il va de soi qu’EDF doit se diversifier – que sur la méthode. Faut-il clore en quinze jours le débat sur l’énergie et révolutionner en dix ans le modèle énergétique français ? La transition énergétique créera peut-être des centaines de milliers d’emplois, mais combien en détruira-t-elle ? On ne fermera pas vingt centrales nucléaires sans casse sociale ni dommage pour les territoires. La création de 50 000 à 70 000 emplois dans l’éolien ou le photovoltaïque ne permettra pas de reconvertir les 100 000 salariés que l’on aura mis au chômage.
Veut-on parler des coûts cachés ? Actuellement, 80 milliards d’euros d’engagement sur les énergies renouvelables sont financés par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Celle-ci, depuis dix ans, a considérablement augmenté, sa hausse annuelle ayant même atteint 100 %. À quel moment comprendrez-vous que la bulle va exploser et que ces investissements ne sont pas soutenables ?
Vous vous obstinez à répéter que le nucléaire n’est pas une énergie d’avenir. Pendant que nous réduisons la voilure, M. Cameron autorise l’installation de deux EPR au Royaume-Uni, avec l’accord du contribuable britannique et la bénédiction des autorités européennes, et les Chinois construisent des centrales. Si nous continuons ainsi, il sera difficile de vendre les nôtres à l’étranger ; or je doute que, dans dix ans, la France soit une grande exportatrice de photovoltaïque et d’éolien.
M. le président François Brottes. La commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire a montré qu’il y avait peu de coûts cachés dans le nucléaire.
M. Michel Sordi. Contrairement à M. Baupin, je pense qu’il faut poursuivre la Recherche et développement sur les centrales de quatrième génération, et qu’il est bien dommage que, en 1997, Mme Voynet ait interrompu pour des raisons idéologiques les programmes de recherche.
Les réacteurs de quatrième génération permettront d’augmenter nos réserves pendant des générations, alors que les stocks de pétrole disponibles représentent quatre-vingts ans de consommation, et ceux de gaz ou de nucléaire, cent vingt ans. Aujourd’hui, un réacteur nucléaire consomme 1 % de sa charge, le reste constituant les déchets. La quatrième génération consommera 90 % de la charge, ce qui permettra à nos réserves de couvrir 6 000 années de consommation.
Enfin, notre stock stratégique correspond à un mois de consommation de pétrole et deux mois de gaz, contre trois ans d’uranium. Celui-ci nous est fourni par des pays de l’OCDE, principalement le Canada et l’Australie. Autant dire que son approvisionnement est autrement plus sûr que celui du gaz et du pétrole, fragilisé la politique de Poutine et la situation du Moyen-Orient.
M. Charles de Courson. L’histoire de l’énergie est celle d’une perpétuelle transition. Il n’y a donc pas lieu d’être conservateur dans ce domaine. Je regrette que Mme la ministre n’ait pas répondu à certaines questions. Si le texte est voté, de combien le kilowatt augmentera-t-il pour le consommateur ? Existe-t-il une seule raison économique ou technique justifiant qu’on abaisse à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire ? Le Gouvernement a-t-il passé à ce sujet un accord avec les Verts, qu’il pourra dénoncer à tout moment ?
Le vrai problème est la vitesse à laquelle doit s’effectuer la transition. Or vous n’avez mené aucune réflexion sur ce point. En outre, alors que la politique française de l’énergie avait toujours fait l’objet d’un consensus, les Verts ont allumé l’incendie. Les socialistes leur ont cédé, certains à leur corps défendant. Quand nous reviendrons au pouvoir, ce qui ne saurait tarder, nous abrogerons ces mesures. C’en est fini du consensus qui avait toujours prévalu. Beau résultat pour ceux qui aiment notre pays !
M. le président François Brottes. Aucun d’entre nous n’a de leçons à recevoir en ce qui concerne l’amour de la patrie.
Les amendements CS860 et CS595 sont retirés.
La Commission rejette successivement les amendements CS65, CS226, CS227, CS228, CS225, CS529 et CS530.
La Commission examine l’amendement CS66 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Si l’objectif premier du projet de loi est de réduire l’émission de gaz à effet de serre, il faut interdire le charbon en tant qu’énergie primaire, ce que nous proposons de faire dans un délai de cinq ans. Puisque, dans les prochaines années, les pays européens rétabliront un véritable marché du carbone, aidons nos industries à anticiper cette décision et à se détourner d’une énergie condamnée à ne pas être compétitive.
Mme la ministre. Avis défavorable. Il faut réduire de manière drastique le recours au charbon, mais ce rôle revient à la PPE. En outre, gardons-nous d’agir trop vite, compte tenu de la situation des départements d’outre-mer, où des sucreries recourent massivement à cette source d’énergie.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Par ailleurs, l’article 55, alinéa 16, décourage, voire interdit d’augmenter la part du charbon dans le mix énergétique.
M. le président François Brottes. La France a anticipé ces dispositions : en métropole, les centrales de production d’électricité à base de charbon ferment les unes après les autres.
M. Julien Aubert. Dès lors que la loi comporte des objectifs chiffrés afin de réduire le nucléaire – qui menacent 400 000 emplois –, pourquoi renvoyez-vous ceux qui concernent le charbon à la PPE, en invoquant les conséquences sociales qu’ils pourraient avoir ? Cette attitude manque pour le moins de cohérence.
M. le président François Brottes. Le dosage relatif des énergies relève de la PPE.
Mme la ministre. Il faudra accompagner la sortie du charbon, fréquemment utilisé dans des bassins industriels en grande difficulté, pour éviter que le changement de source d’énergie ne contraigne des entreprises à fermer.
M. Julien Aubert. L’impact territorial de la mesure sera particulièrement concentré, mais l’objectif paraît essentiel. Pour le reste, nous pourrions renoncer au charbon dans dix ans plutôt que dans cinq.
Mme Sophie Rohfritsch. Son pays ayant renoncé au nucléaire, le consommateur allemand subit l’augmentation des tarifs de l’électricité, du prix de la production et de la fiscalité ; en outre, les Allemands émettent 9 tonnes de CO2 par habitant, alors que les Français en sont à 6. Ne suivons pas ce mauvais exemple et soyons vertueux en protégeant le consommateur physiquement, socialement et financièrement.
La Commission rejette l’amendement CS66.
Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS785 de M. Julien Aubert.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CS779 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Lorsque la commission spéciale a auditionné les représentants des industries gazo-intensives, ceux-ci ont déploré la division du marché du gaz en France et le prix plus élevé du gaz dans la zone sud du pays à cause d’un retard en termes d’infrastructures – qui devrait être corrigé par le projet Eridan. Il s’avère important d’envoyer un signal fort aux entreprises gazo-intensives en nous fixant pour objectif de bâtir un marché unique du gaz en France à l’horizon 2018. L’État afficherait ainsi sa résolution à résoudre ce problème de compétitivité.
Mme la ministre. Ce marché unique est déjà réalisé, puisqu’une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 7 mai dernier a créé la place de marché unique pour le gaz naturel en France. Inscrire dans la loi un objectif déjà réalisé n’est pas nécessaire. Je suggère donc le retrait de cet amendement.
Mme la rapporteure. Mon avis est identique : l’action conduisant à la réalisation de cet objectif est déjà engagée.
M. Julien Aubert. Si nous souhaitons réaliser cet objectif, il ne peut être superflu d’écrire dans la loi notre détermination à l’atteindre très rapidement. Néanmoins, j’accepte de retirer l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS1460 de Mme Cécile Duflot, les amendements identiques CS295 de M. Michel Heinrich, CS649 de Mme Barbara Romagnan et CS1243 de M. Jean-Paul Chanteguet, et les amendements CS2013 de M. Joël Giraud, CS1459 de Mme Cécile Duflot et CS528 de M. Julien Aubert.
M. Denis Baupin. Cet amendement vise à insérer un objectif supplémentaire dans le texte, évoqué à l’occasion du débat au CNTE et consistant à fixer un horizon de moyen terme – l’année 2050 – pour disposer d’un parc immobilier entièrement rénové selon les normes de basse consommation. Pour atteindre cet objectif, il conviendra de tenir un rythme annuel de rénovation des bâtiments.
Mme la ministre. J’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la rapporteure. Même avis.
M. Michel Heinrich. Ce texte étant une loi de programmation, il apparaît indispensable d’intégrer des objectifs chiffrés et sectoriels. Le rythme de 500 000 logements rénovés par an, à compter de 2017, doit permettre de résorber le stock de passoires thermiques à l’horizon de 2025 ; il pourra ensuite être réévalué, ce programme devant se concentrer impérativement sur les logements occupés par des ménages modestes.
M. Philippe Plisson. Même argumentation. Nous reprenons l’objectif de l’amendement défendu par M. Baupin, en élevant son ambition chiffrée.
M. Jean-Paul Chanteguet. Nos amendements se distinguent tout de même de celui défendu par M. Baupin, car ils y ajoutent une dimension sociale. En effet, nous souhaitons que 66 % des 500 000 logements rénovés par an à partir de 2017 soient occupés par des ménages modestes. Notre but est de lutter contre la précarité énergétique.
M. Joël Giraud. Mon raisonnement est identique à celui de M. Chanteguet, mais je retiens la proportion d’au moins la moitié des logements à rénover habités par des ménages modestes, et non les deux tiers. Il est important de cibler les ménages modestes, car, dans certaines régions, notamment de montagne, le chauffage est allumé dix mois par an, et la précarité énergétique heurte particulièrement les habitants de zones isolées dans lesquelles les offices HLM n’agissent pas pour améliorer la situation.
M. Denis Baupin. L’objectif global de rénovation de l’ensemble du parc immobilier peut en effet trouver une déclinaison annuelle de 500 000 logements. Monsieur Chanteguet, nous avons également la préoccupation des ménages à revenus modestes, et l’amendement CS1459 a pour objet de préciser que cette rénovation doit concerner « en priorité » les logements occupés par ces ménages.
M. Julien Aubert. Notre amendement n’évoque pas le chiffre des 500 000 logements, car nous nous méfions des objectifs ambitieux qui entraînent des coûts élevés, mais il est important de cibler les HLM où les besoins d’économie d’énergie sont les plus forts.
Mme la ministre. Que pense de ces amendements le porte-parole du groupe SRC ?
M. Christophe Bouillon. Tout le monde s’accorde à cibler la rénovation des logements habités par des personnes aux revenus modestes, qui se trouvent les plus en difficulté pour faire face aux dépenses énergétiques qu’entraînent les mauvaises isolations. Je soutiens une précision visant à indiquer cette priorité – qui touchera les HLM –, mais je me demande s’il est bien opportun d’inscrire un chiffre dans la loi. Il est en revanche important d’inscrire dans le texte l’objectif des 500 000 logements par an à partir de 2017.
M. Joël Giraud. Le mot « prioritairement » n’aura pas de portée, alors que, si nous écrivons « au moins la moitié », nous nous montrerons plus précis.
M. Bertrand Pancher. Comment allons-nous atteindre l’objectif de 500 000 logements par an alors que nous n’en sommes actuellement qu’à 230 000 ? Le Président de la République a annoncé ce bel objectif lors de la première conférence environnementale, il y a plus de deux ans. Des mesures d’accompagnement – dont les effets commenceront à se faire sentir en 2015 – ont été mises en place, mais leur utilité reste douteuse, et nous ignorons ce qu’il adviendra du crédit d’impôt après 2015. Avec ces moyens, nous ne réussirons jamais à rénover 500 000 logements par an.
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à l’adoption de ces amendements, et suis seulement favorable au CS1460 défendu par M. Baupin.
Mme Sabine Buis. Certes, nous n’avons pas rénové 500 000 logements par an jusqu’à présent, mais notre travail législatif permettra de lever les freins que nous avons identifiés et d’accorder des moyens adaptés aux objectifs que nous nous fixons. Malgré la difficulté d’atteindre l’objectif des 500 000 logements, il convient de l’inscrire dans la loi.
Il y a lieu d’accorder une priorité aux ménages modestes, sans toutefois indiquer de chiffre dans le texte.
M. Jean-Yves Le Déaut. La rénovation des logements est en panne. Il faut donc entreprendre un effort dans ce domaine, afin de ne pas mettre en danger les objectifs de transition écologique que nous devons atteindre. Il me semble donc opportun d’indiquer que la rénovation doit concerner au moins pour moitié des ménages modestes.
M. Christophe Bouillon. Les ménages modestes ne sont pas assignés à résidence. On peut rénover un logement dont les occupants changent. On peut s’entendre sur l’objectif de 500 000 logements rénovés par an à partir de 2017, on peut viser prioritairement le parc social et les logements habités par des personnes aux revenus modestes, mais la définition d’un taux précis entraînera des difficultés pratiques en raison du hiatus entre le stock de logements et le flux de leurs occupants.
M. Christophe Borgel. Il y a lieu de fixer un objectif politique en matière de rénovation thermique. Celui-ci doit fixer le nombre de logements rénovés
– 500 000 par an – et concerner prioritairement les ménages modestes, sans pour autant préciser de part chiffrée du fait des problèmes évoqués à l’instant par M. Bouillon.
S’agissant de l’objectif annuel, vous proposez, monsieur Aubert, de rénover 66 % de l’ensemble du parc social, ce qui représente un nombre bien supérieur à celui de 500 000 que vous jugez pourtant irréalisable. Votre amendement n’est donc pas en ligne avec vos déclarations.
M. Julien Aubert. Vous avez raison, mon amendement affirme que la rénovation des logements doit concerner 66 % de ceux occupés par des ménages modestes, mais j’ai oublié de préciser que cette proportion devait s’entendre par an.
M. Jean-Paul Chanteguet. Quatre millions des 30 millions de logements sont des passoires énergétiques, et, si nous voulons lutter efficacement contre la précarité énergétique, il faut rénover majoritairement les logements occupés par des ménages modestes. Le taux de 50 % me convient, le terme « prioritairement » s’avérant insuffisant.
M. le président François Brottes. Nous cherchons à réduire la consommation d’énergie, notamment dans le bâtiment et les transports. Atteindre cet objectif général exige de diminuer la consommation partout, dans tous les foyers et dans toutes les entreprises. Il est vrai que ce sont principalement les gens modestes qui vivent dans des passoires énergétiques, et il n’est pas illogique d’agir prioritairement dans ces foyers, mais ne nous empêchons pas de rénover d’autres bâtiments à cause de quotas stricts. Il faut concilier l’augmentation des économies d’énergie et la priorité donnée aux ménages modestes. Ce n’est pas simple, et c’est pourquoi il est important d’écrire soigneusement la loi.
M. Philippe Plisson. Comme les riches habitent rarement des logements indignes, il est nécessaire de définir une priorité pour les ménages modestes. Celle-ci peut se révéler délicate à formuler, mais là résident les gisements d’économies d’énergie et d’argent public. Nous devons faire montre d’un volontarisme énergétique, social et politique.
M. le président François Brottes. Ce sont plutôt les classes moyennes et supérieures qui gaspillent l’énergie, ne serait-ce que parce que les ménages modestes n’en ont pas les moyens. Il ne faut donc pas négliger les logements occupés par les gens plus aisés si l’on veut atteindre notre objectif en matière d’économies d’énergie.
Mme la rapporteure. Je propose que la Commission adopte l’amendement CS1460 ainsi rectifié : « 6° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiments basse consommation” ou assimilé, à horizon 2050 et rénover thermiquement 500 000 logements par an à compter de 2017 et en priorité ceux occupés par des ménages modestes. »
M. Joël Giraud. La proposition de Mme la rapporteure serait parfaite si la fin de la phrase était la suivante : « 500 000 logements par an à compter de 2017 dont au moins la moitié sont occupés par des ménages modestes ». Il ne serait pas scandaleux d’afficher clairement un objectif social !
M. Julien Aubert. Toute la difficulté est d’élaborer une loi qui veut concilier des objectifs environnementaux, de maîtrise d’énergie et sociaux. Le coût de l’énergie se situe sur une pente ascendante – certaines études évoquent un doublement dans les dix ans à venir, et ce texte ne freinera en rien ce mouvement, bien au contraire –, et c’est surtout le pouvoir d’achat des classes modestes qui sera touché. Il est donc utile d’accorder une priorité aux logements occupés par ces personnes, même si les déperditions d’énergie n’y sont pas les plus élevées. L’adverbe « prioritairement » est trop faible, et je préfère que l’on inscrive dans la loi le taux de 66 %, qui permettrait d’alléger en partie la surcharge financière liée à l’évolution du coût de l’énergie.
Mme la ministre. Un titre du projet de loi est consacré au bâtiment. Nous ne discutons ici que de l’article 1er et des grands objectifs qu’il définit. Si nous voulons insérer un objectif chiffré pour la part de logements occupés par des ménages modestes dans le programme de rénovation, nous devons nous demander comment aller au-delà des simples déclarations d’intention. Ce taux s’entendra-t-il nationalement ou par région ? Dans certaines régions, la rénovation du parc social est presque terminée et se situe donc à un niveau supérieur à 66 % : cela voudrait-il dire que, le taux étant dépassé, nous ne pourrions plus rénover de logements occupés par des personnes modestes ?
Je suggère que l’on adopte l’amendement affichant l’objectif global de la rénovation complète des logements à l’horizon de 2050, et que l’on entre dans le détail lorsque nous examinerons les dispositions relatives à la performance énergétique des bâtiments, intégrées au titre Ier du projet de loi.
J’ai récemment rencontré les offices HLM qui ne doivent plus construire que des bâtiments à énergie passive. La plus grande performance énergétique pour les nouveaux logements sociaux n’est pas encore atteinte, et l’argument du coût mis en avant est faux.
M. Julien Aubert. Nous n’avons qu’à supprimer tous les pourcentages de l’article 1er, madame la ministre, y compris celui sur le nucléaire !
M. le président François Brottes. Mme la rapporteure a mis à profit cette courte interruption de nos travaux pour rechercher un équilibre entre la nécessaire priorité accordée à la rénovation thermique des logements des ménages les plus modestes et l’idée que les mesures d’économie d’énergie concernent tout le monde.
Mme la rapporteure. Je propose de retenir l’amendement CS1460, rectifié de la façon suivante :
« Après l’alinéa 23, insérer l’alinéa suivant :
« “6° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilé, à horizon 2050 en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes.” »
Nous traiterons plus précisément d’habitat, et d’objectifs chiffrés de rénovation, au titre II.
M. Michel Heinrich. Cette formulation est un peu ambiguë, mais c’est une avancée. Je m’y rallie.
M. Jean-Paul Chanteguet. L’objectif des 500 000 logements figurera donc plus loin dans le texte.
Mme la rapporteure. C’est ce qui a été convenu.
M. Julien Aubert. Cette moitié de logements occupés par des ménages modestes, est-ce un objectif annuel ou un objectif qui doit être respecté en 2050 ?
Mme la rapporteure. Pour moi, c’est un objectif annuel. Cela devra être précisé en séance publique.
Les amendements CS295, CS649, CS1243, CS2013, CS1459 et CS528 sont retirés.
M. Jean-Luc Laurent. Tous ici, nous sommes des partisans du volontarisme, parfois d’un volontarisme radical et même, pour quelques-uns, de la planification. Mais même la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ne prétendait pas que l’on allait rénover l’ensemble du parc immobilier d’ici à 2050 ! On peut se payer de mots, bien sûr, mais un tel objectif n’est vraiment pas réaliste.
Mme la rapporteure. Si l’on rénove 500 000 logements par an, c’est crédible.
M. le président François Brottes. C’est ambitieux, bien sûr.
La Commission adopte l’amendement CS1460 ainsi rectifié.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS736 de M. Jean-Luc Bleunven et CS783 de M. Julien Aubert, et l’amendement CS1608 de M. Joël Giraud.
M. Jean-Luc Bleunven. Les réseaux de chaleur, qui fonctionnent comme un chauffage mutualisé, présentent beaucoup d’avantages : ils permettent de valoriser les énergies renouvelables, mais aussi de créer des emplois et de développer l’économie circulaire. Nous proposons de les développer fortement.
M. Julien Aubert. L’amendement CS783 est défendu.
M. Joël Giraud. Mon amendement va dans le même sens, mais il est plus modeste : il prévoit un doublement plutôt qu’un quintuplement.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je partage l’idée qu’il serait judicieux de renforcer la place de la chaleur dans le projet de loi. Mais c’est la PPE qui devra décliner et préciser les grands objectifs prévus par le nouvel article L. 100-4.
L’amendement CS736 est retiré.
M. Bertrand Pancher. Le Grenelle de l’environnement fixait déjà des objectifs très ambitieux en matière de chaleur renouvelable. Le Gouvernement nous annonce maintenant un doublement du fonds chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), mais je demeure dubitatif. Ne voyez dans ma question aucune malice, mais quels moyens financiers les auteurs de ces amendements prévoient-ils pour atteindre cet objectif ambitieux ?
M. Julien Aubert. Tout d’abord, nous proposons de cesser de soutenir les énergies vertes électriques ; d’autre part, nous pensons que les recettes que percevrait l’État grâce à l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels pourraient être consacrées intégralement au développement des énergies vertes.
Quoi qu’il en soit, vous aurez remarqué que ce projet de loi ne résout strictement aucun problème de financement.
M. Joël Giraud. Aujourd’hui, 5 % du parc immobilier français est desservi par des réseaux de chaleur, contre 13 % en moyenne en Europe : nous devrions pouvoir progresser, même avec des moyens limités.
La Commission rejette successivement les amendements CS783 et CS1608.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS979 de M. Serge Letchimy et CS1413 de M. Victorin Lurel.
M. Serge Letchimy. Cet amendement vise à réparer un oubli : en effet, l’article 1er ne mentionne pas les zones non interconnectées (ZNI), qui comprennent notamment les départements et régions d’outre-mer, et qui doivent être traitées de façon spécifique. Le Grenelle fixait pour ces régions des objectifs très ambitieux, et il existe aujourd’hui une véritable dynamique : les énergies renouvelables se développent bien plus vite outre-mer que dans l’hexagone. Ainsi, la Guyane utilise beaucoup l’hydraulique, La Réunion dépasse les 30 % d’EnR et, grâce à la géothermie, la Guadeloupe avance énormément. La Martinique est aujourd’hui à 10 %, alors qu’elle était à 2 % il y a quatre ans.
Nous proposons donc de fixer des objectifs pour les ZNI. Au-delà des objectifs chiffrés, nous voulons créer une dynamique territoriale pour changer de modèle économique et atteindre l’autonomie énergétique en 2030. Cela peut paraître ambitieux, mais, à mon sens, il faut changer de braquet.
Mayotte s’étant engagée plus tardivement dans cette voie, nous proposons un objectif de 30 % d’EnR en 2020 pour ce territoire. Les députés mahorais ont été consultés sur ce point.
Mme Ericka Bareigts. L’amendement CS1413 vise à réparer le même oubli que le précédent, mais sa démarche est un peu différente : le mix énergétique ultramarin est aujourd’hui catastrophique, puisque la part des énergies fossiles dans la consommation d’énergie primaire est par exemple de 82 % en Guyane et de 99 % à Mayotte. Il nous semble donc raisonnable de fixer pour l’autonomie énergétique la date de 2040 plutôt que celle de 2030. Nous proposons aussi de fixer un objectif intermédiaire de 30 % en 2020, et de 20 % à Mayotte. C’est donc un amendement également audacieux, mais qui se veut plus réaliste.
Mme la rapporteure. Avis favorable à l’amendement CS979, plus ambitieux.
Mme Ericka Bareigts. Nous souhaitons tous trouver un équilibre entre les objectifs très ambitieux du Grenelle et une réalité difficile.
L’amendement CS1413 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CS979.
Elle examine ensuite l’amendement CS949 de M. Julien Aubert.
M. Alain Leboeuf. Cet amendement vise à préciser que le rapport d’évaluation rendu au Parlement doit examiner les conséquences de la politique énergétique sur la compétitivité de l’économie française.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’article 1er du projet de loi dispose que le développement d’une économie compétitive est l’un des objectifs de la politique énergétique. Le sujet sera donc nécessairement abordé par le rapport, et cette précision est superflue.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CS2179, l’amendement de correction d’une erreur matérielle CS2180 et l’amendement de conséquence CS2181, de la rapporteure.
Elle adopte enfin l’article 1er modifié.
La Commission examine l’amendement CS67 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. L’amendement CS67 porte sur les hydrocarbures non conventionnels. Il est proche de l’amendement CS532 déjà présenté, mais mentionne en outre que les recettes perçues par l’État seraient affectées au développement des usages non carbonés.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, avec la même réponse sur la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle se saisit de l’amendement CS68 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cet amendement vise à demander un rapport sur la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, prévue par cette loi Jacob – qu’il ne faut surtout pas réduire à l’interdiction de la fracturation hydraulique ! Cette loi n’est aujourd’hui appliquée qu’à moitié. Si elle l’était entièrement, nous pourrions peut-être exploiter ces hydrocarbures non conventionnels sans atteinte à l’environnement. Il est faux de dire que l’exploitation de ces hydrocarbures aggraverait notre empreinte carbone. Nous consommons du gaz, et que nous l’importions de Russie ou que nous le produisions nous-mêmes, l’émission de gaz à effet de serre est la même. En revanche, il y a fort à parier que la consommation de gaz produit en France aurait une empreinte carbone inférieure à celle d’un gaz que l’on fait venir de loin. Nous proposons donc de nous comporter de façon plus rationnelle et d’appliquer la loi Jacob.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je vous conseillerai de demander plutôt à Mme la ministre de présenter le bilan d’activité de cette commission d’ici à la séance publique.
M. Denis Baupin. Il vaut certes mieux consommer du gaz produit nationalement que du gaz importé : il faut donc utiliser du biométhane, ce que GRTgaz nous a présenté comme la troisième révolution du gaz, qui n’est donc pas du tout celle du gaz de schiste.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CS527 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la stabilité du cadre réglementaire, administratif et fiscal. C’est une demande de toutes les entreprises.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le principe d’une programmation pluriannuelle est justement de garantir la stabilité du cadre juridique : la précision est superflue.
La Commission rejette l’amendement.
Article 2
Intégration dans les politiques publiques des objectifs de la politique énergétique
1. Modifications apportées par le projet de loi
L’article 2, composé de quatre alinéas, comporte des dispositions très générales, non codifiées, relatives à l’intégration des objectifs de la politique énergétique dans les politiques publiques.
Le premier alinéa impose l’intégration dans les politiques publiques des objectifs d’efficacité énergétique et de gestion économe des ressources, tels que définis par les articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie, renouvelés par l’article 1er du projet de loi.
Le deuxième alinéa pose le principe selon lequel les politiques publiques soutiennent la croissance verte, au travers du développement et du déploiement de processus sobres en émission de gaz à effet de serre, de la maîtrise de la consommation d’énergie et de matières, ainsi que de l’économie circulaire, dans l’ensemble des secteurs de l’économie. Sont particulièrement visés l’industrie, la production d’énergie, l’agriculture, les activités tertiaires et les transports.
Le troisième alinéa indique que les politiques publiques, nationales ou territoriales, intervenant dans les domaines économique, de recherche et d’innovation, d’éducation, de formation initiale et continue, contribuent à l’émergence et au renforcement de la croissance verte, en recourant à l’ensemble des dispositifs réglementaires, financiers et fiscaux, incitatifs et contractuels mis en place par l’État et les collectivités territoriales.
Le quatrième alinéa précise que les politiques publiques concourent au renforcement de la compétitivité de l’économie française et à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages. Pour ce faire, elles privilégient un approvisionnement compétitif en énergie et favorisent l’émergence et le développement de filières à haute valeur ajoutée et créatrices d’emplois, et accompagnent les mutations professionnelles dues à la transition énergétique et écologique.
2. Position de votre co-rapporteure
Votre co-rapporteure est bien consciente des fragilités juridiques des dispositions figurant traditionnellement au sein des titres préliminaires. Les critiques émises de longue date à l’encontre du droit « mou », « flou », voire à « l’état gazeux » selon les expressions communément employées par le Conseil d’État, découlent de l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi(7). Les objectifs assignés à des politiques publiques sont en effet dénués de toute normativité, et souvent critiqués pour leur caractère purement incantatoire. Il en ressortirait un droit « bavard », à même d’estomper la frontière entre ce qui est obligatoire et ce qui ne l’est pas, ce qui est sanctionnable et ce qui ne saurait l’être. Néanmoins, au cours des auditions, il est apparu que les principes énoncés par cet article revêtaient un caractère important pour nombre d’acteurs économiques et de collectifs citoyens. Pour cette raison, votre co-rapporteure soutient le maintien de cet article.
À son initiative néanmoins, quatre amendements de précision rédactionnelle ont été adoptés. Par ailleurs, a été adopté un amendement émanant du groupe écologiste visant à préciser que l’État porte une politique internationale ambitieuse en matière de lutte contre le changement climatique.
*
* *
La Commission se saisit de l’amendement CS2182 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Les politiques publiques doivent respecter l’intégralité des objectifs assignés à la politique énergétique nationale.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS2183 de la rapporteure, CS1464 de Mme Cécile Duflot, CS2185 de la rapporteure et CS508 de M. Julien Aubert.
Mme la rapporteure. L’amendement CS2183 est rédactionnel ; l’amendement CS2185 est de précision.
La Commission adopte l’amendement CS2183.
En conséquence, les amendements CS1464, CS2185 et CS508 tombent.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2184 de la rapporteure.
En conséquence, l’amendement CS1463 de Mme Cécile Duflot n’a plus d’objet.
La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS2186 de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement CS1465 de Mme Cécile Duflot.
M. Denis Baupin. Dans cet article qui évoque les grandes orientations de la politique énergétique, nous souhaitons indiquer que la France soutient les mêmes objectifs au niveau européen et international, et donner ainsi un signal important à un moment où notre pays s’apprête à accueillir la conférence des Nations unies sur les changements climatiques.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CS1465.
La Commission est saisie des amendements identiques CS296 de M. Michel Heinrich, CS804 de M. Julien Aubert, CS1467 de Mme Cécile Duflot et CS2014 de M. Joël Giraud.
M. Michel Heinrich. Il est important de préciser que l’un des objectifs des politiques d’efficacité énergétique doit être de maintenir et même d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages, notamment de ceux qui se trouvent en situation de précarité énergétique.
M. Alain Leboeuf. Vous avez bien mentionné ici la compétitivité de l’économie française que je vous demandais d’ajouter dans un alinéa précédent. Nous voudrions aussi insister sur cette particularité des ménages exposés à la précarité énergétique.
M. Denis Baupin. Nous insistons aussi sur la nécessité de prendre en compte les ménages exposés à la précarité énergétique.
M. Joël Giraud. Mon amendement poursuit le même objectif.
Mme la rapporteure. Je rappelle que nous avons adopté, à l’article 1er, un amendement qui fait de la lutte contre la précarité énergétique un objectif de la politique nationale énergétique. Ces amendements me paraissent satisfaits et je vous invite à les retirer.
Les amendements CS296, CS1467 et CS2014 sont retirés.
La Commission rejette l’amendement CS804.
Puis elle examine l’amendement CS1466 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Il peut sembler superfétatoire d’ajouter une fois de plus dans le texte la notion d’efficacité énergétique, mais nous pensons qu’il est important de le faire à cet endroit où il est question de faire émerger des filières afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et la création d’emplois. Il faut prendre en compte l’efficacité énergétique, y compris en la matière, et cela va mieux en le disant.
Mme la rapporteure. Je pense que cela ne va pas mieux en le disant et que c’est tout à fait redondant avec l’alinéa 10 de l’article 1er : « – maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité ainsi que la sobriété énergétiques ».
M. le président François Brottes. Vous voulez dire que cela ne va pas mieux en le redisant. Prenons garde à ne pas écrire quatre fois la même chose dans trois articles différents.
M. Denis Baupin. Je retire mon amendement dans un esprit de conciliation, mais signale que la compétitivité est aussi mentionnée à d’autres endroits, et deux fois dans ce même paragraphe.
L’amendement CS1466 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS924 de M. Julien Aubert.
M. Alain Leboeuf. Nous souhaitons que l’alinéa 4 mentionne l’attention particulière qui sera portée aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire celles qui sont très créatrices d’emploi sur tout le territoire.
Mme la rapporteure. Tous les acteurs économiques méritent l’attention des politiques publiques. J’émettrai donc un avis défavorable, d’autant que Mme la ministre s’est engagée à les réintroduire à l’article 53 du titre VIII.
La Commission rejette l’amendement CS924.
Elle examine ensuite l’amendement CS750 de M. Yves Blein.
M. Christophe Borgel. L’amendement est défendu.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La rédaction proposée est assez redondante avec celle de dispositions contenues dans l’article 2.
L’amendement CS750 est retiré.
La Commission adopte l’article 2 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CS69 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cet amendement reprend une idée issue de l’autre débat sur la transition énergétique – la création d’un Commissariat à la transition énergétique – et il a nécessité beaucoup de travail de concertation avec les acteurs du milieu.
Cette création vise d’abord à répondre à une critique récurrente des acteurs de terrain qui se plaignent de l’organisation administrative, du manque de coordination entre les différents services concernés.
Deuxième enjeu : nous devons prendre des décisions assez subtiles concernant l’avenir du parc nucléaire, en établissant un plan ambition de développement des énergies renouvelables, tout en imaginant un réseau électrique qui soit le plus efficient possible et en développant des stratégies régionales destinées à rendre les territoires plus autonomes. Le Parlement va adopter des objectifs nationaux et, au plan régional, les collectivités territoriales vont décider de leurs stratégies en matière d’énergies renouvelables. Si nous voulons que tout cela soit correctement articulé et harmonisé, il faut créer une instance rattachée au Premier ministre, qui soit chargée d’avoir une vision stratégique des plans de développement sur vingt ou trente ans, de piloter leur financement et d’expliquer la démarche de transition énergétique sur le terrain, une fois que le Parlement aura adopté la loi.
Voilà pourquoi nous proposons d’expérimenter pendant trois ans ce Commissariat à la transition énergétique qui serait placé directement sous l’autorité du Premier ministre et qui se substituerait à certains services, permettant ainsi une mutualisation des coûts. Dans les départements, les meilleurs maillons sont les sous-préfectures qui sont actuellement menacées alors qu’elles sont au plus près des collectivités territoriales. Un sous-préfet, représentant le Commissariat, serait chargé du suivi de la transition énergétique ; il pourrait coordonner les services et devenir le point d’entrée unique des acteurs de l’énergie qui souhaitent obtenir des autorisations ou seulement se voir simplifier la tâche au jour le jour.
M. le président François Brottes. En matière de proximité, il y a ceux qui ferment les tribunaux de proximité et ceux qui les rouvrent. Quant aux sous-préfectures, on n’en a fermé aucune.
Mme la rapporteure. Votre amendement ne me semble pas très sérieux, monsieur Aubert. Vous voulez réorganiser une grande partie des services de l’État, à titre expérimental, quitte à repartir en sens inverse au bout de trois ans. Par ailleurs, l’organisation de l’administration est une compétence du Gouvernement. Enfin, il existe déjà un Commissariat général au développement durable.
M. Julien Aubert. Vous aurez noté, madame la rapporteure, que ce Commissariat général n’occupe pas du tout les mêmes fonctions que celles énumérées dans notre liste et sur lesquelles nous avons beaucoup réfléchi. Cette proposition n’est pas sérieuse, dites-vous. Je vous rappelle qu’il y avait naguère un Commissariat général au plan qui a fait de très bonnes choses.
M. Jean-Luc Laurent. Vous l’avez supprimé !
M. Julien Aubert. C’était une erreur. Ce genre de structure est utile à qui veut avoir une logique à la fois temporelle et spatiale. Enfin, le Commissariat permettrait de répondre au problème de la gouvernance et de son articulation entre le niveau national et le niveau local. Nous passons notre temps à dire que les collectivités territoriales vont réaliser la transition énergétique, sans chef d’orchestre, ce qui risque d’entraîner un écart terrible entre prévisions et réalisations, et des conséquences que des acteurs comme ERDF et EDF vont ensuite gérer.
M. le président François Brottes. J’aurais pu décider de ne pas débattre de cet amendement, qui est en quelque sorte une injonction au Gouvernement, mais il me semblait normal que vous puissiez exposer votre idée dans ce débat.
M. Julien Aubert. Je vous en remercie, même si ce que je propose s’apparente plutôt à la création d’une autorité administrative indépendante.
La Commission rejette l’amendement CS69.
Puis elle examine l’amendement CS70 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Nous proposons l’élaboration d’un rapport – marronnier du parlementaire cherchant à contourner l’article 40 – sur la création d’un Commissariat à la transition énergétique. Vous avez tort de considérer qu’il s’agit d’un problème mineur, chers collègues. Le problème de la gouvernance de la transition énergétique va se poser : pour réaliser vos nombreux et ambitieux objectifs, vous devez compter sur une grande variété d’organismes qui n’ont pas de chef d’orchestre. À défaut de créer un commissariat, quel qu’en soit le nom, il faudra bien désigner qui sera chargé de mettre de l’ordre. Actuellement, aucun acteur n’est capable d’avoir une vision d’ensemble du système électrique, de la production nucléaire et de la production des EnR, tant au niveau national qu’au niveau local.
Mme la rapporteure. Ce sujet concerne à nouveau l’organisation des services de l’État, qui relève de la compétence du Gouvernement. C’est donc à Mme la ministre qu’il reviendra de vous répondre.
M. Julien Aubert. La recomposition des services de l’État visait surtout à éviter de créer une charge pour les finances publiques.
La Commission rejette l’amendement CS70.
TITRE II
MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS
Le bilan énergétique de la France en 2013, publié par le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie en juillet 2014, indique que la consommation finale d’énergie, corrigée des variations climatiques et tous usages confondus, s’est établie l’année dernière à 165,4 Mtep, après deux années autour de 167 Mtep (– 1 % par rapport à 2012). (8)
Avec 69 Mtep consommées en 2013 (dont 46,9 Mtep dans le résidentiel et 22,1 Mtep dans le tertiaire), le secteur du résidentiel-tertiaire représentait à lui seul 44,8 % de la consommation finale énergétique, devant les transports (31,6 %) et l’industrie (20,6 %). Au cours des quarante dernières années, cette part est restée remarquablement stable, alors que les parts des transports et de l’industrie dans cette consommation finale connaissaient des évolutions marquées et inverses.
Structure sectorielle de la consommation finale énergétique
Données corrigées des variations climatiques, en %
Secteur |
1973 |
1990 |
2002 |
2011 |
2012 |
2013 |
Résidentiel-tertiaire |
42,0 |
41,00 |
42,2 |
44,5 |
44,6 |
44,8 |
dont résidentiel |
– |
– |
28,7 |
29,8 |
30,1 |
30,4 |
dont tertiaire |
– |
– |
13,5 |
14,7 |
14,4 |
14, 3 |
Transports |
19,4 |
29,0 |
31,2 |
31,7 |
31,6 |
31,6 |
Industrie |
35,9 |
27,1 |
23,8 |
20,8 |
20,9 |
20,6 |
dont sidérurgie |
9,4 |
4,7 |
3,8 |
3,2 |
3,1 |
3,2 |
Agriculture |
2,7 |
2,8 |
2,8 |
2,9 |
2,9 |
3,0 |
Total énergétique |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Source : CGEDD
L’objectif ambitieux d’une réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, auquel invite l’article L. 100-4 du code de l’énergie dans sa rédaction issue du III de l’article 1er du présent projet de loi, ne pourra donc être atteint que si les secteurs du logement et du bâtiment sont placés au cœur de l’action des pouvoirs publics.
Une telle préoccupation est d’autant plus légitime que les diagnostics de performance énergétique, obligatoires depuis novembre 2006 pour la vente et juillet 2007 pour la location, renvoient une image préoccupante de la qualité thermique moyenne des logements. (9) Leur analyse montre qu’en 2012, plus de la moitié (53,6 %) du parc des logements en France métropolitaine consomme entre 151 et 330 kWhEP /m²/an d’énergie (étiquette énergétique moyenne D ou E), contre seulement 14 % qui bénéficient d’étiquettes plus performantes (A, B ou C). En matière d’émissions de gaz à effet de serre, un tiers de ces logements sont classés en A, B ou C, et 40 % en D ou E. La date de construction du logement, sa taille, son statut d’occupation et surtout l’énergie de chauffage utilisée et la localisation géographique constituent des variables discriminantes.
Le Grenelle de l’environnement a constitué une étape essentielle dans la prise de conscience de la nécessité de se fixer des objectifs ambitieux et d’agir plus volontairement. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dite « loi Grenelle I », a ainsi fixé comme objectifs à l’État la réduction de la consommation d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 et la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013. Elle a ouvert la voie à un durcissement très significatif de la réglementation thermique applicable aux bâtiments neufs (d’une consommation d’énergie primaire moyenne de 150 kWh/m²/an dans le cadre de la RT 2005 à 50 kWh/m²/an dans le cadre de la RT 2012), à la réalisation d’audits énergétiques obligatoires pour les bâtiments de l’État, à la montée en puissance de programmes de formation comme FEE-Bat ou encore à une amélioration des dispositifs financiers et fiscaux de soutien (prêts à taux privilégié aux bailleurs sociaux, crédit d’impôt en faveur des économies d’énergie, etc.).
Plus récemment, l’engagement de rénover 500 000 logements par an a été pris lors de la conférence environnementale de 2012 et cet engagement peut s’appuyer sur une série d’actions ou de décisions qui attestent de la mobilisation de l’actuelle majorité autour d’une question qui n’est pas seulement économique, environnementale ou technique, mais également sociale (précarité énergétique). On peut mentionner, à ce titre, le Plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) lancé en mars 2013, les mesures visant à simplifier et raccourcir les délais d’obtention des permis de construire ou à simplifier les règles de construction, la mise en place nouvelles incitations fiscales pour relancer la construction de logements (abattement de 30 % de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les plus-values de cession pour les terrains vendus avant le 31 décembre 2015, abattement sur les donations de terrain, TVA à taux réduit pour les logements construits par les ménages modestes dans les quartiers prioritaires) ou encore le renforcement du crédit d’impôt « développement durable ».
Le présent projet de loi marque la volonté d’aller plus loin encore. Son titre II comprend donc un ensemble de dispositions visant à favoriser une meilleure rénovation des bâtiments, afin d’économiser l’énergie tout en créant des emplois nouveaux dans les secteurs du bâtiment et de l’équipement des logements.
Article 3 A [nouveau]
(article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation)
Rapport au Parlement sur la stratégie nationale à l’horizon 2050
Cet article pose le principe selon lequel, tous les cinq ans, un rapport présentant la stratégie nationale à l’horizon 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie dans le parc national de bâtiments publics et privés à usage résidentiel et tertiaire devra être présenté par le Gouvernement au Parlement. Cette stratégie comprend notamment :
– une analyse détaillée du parc national de bâtiments, au regard notamment de leur performance énergétique ;
– une présentation des stratégies de rénovation économiquement pertinentes, en fonction des types de bâtiment et des zones climatiques ;
– un bilan des politiques conduites et un programme d’action visant à stimuler les rénovations lourdes de bâtiment économiquement rentables ;
– un programme d’action visant à guider les particuliers, l’industrie de la construction et les établissements financiers dans leurs décisions d’investissement.
*
* *
La Commission en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CS1955 de la rapporteure, CS1268 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1428 de M. Philippe Bies et CS1469 de Mme Cécile Duflot, tendant à la création d’un article additionnel avant l’article 3.
Les amendements CS1268 et CS1428 sont identiques.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je suggère que le Gouvernement présente, tous les cinq ans, un rapport au Parlement afin de présenter la stratégie nationale à l’horizon 2050 pour la maîtrise de l’énergie dans le domaine du logement.
M. le secrétaire d’État. C’est l’objet des budgets carbone et de la stratégie bas- carbone de définir cette feuille de route. La France met déjà en œuvre des dispositions de la directive européenne de 2012 sur l’efficacité énergétique ; à cette fin un rapport a été transmis à la Commission européenne sur la stratégie de rénovation des bâtiments. L’horizon retenu est 2020.
Par ailleurs, ladite stratégie doit être mise à jour tous les trois ans et rendue publique par la Commission. L’amendement me paraissant satisfait, je suggère son retrait.
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1268 est défendu.
M. Philippe Plisson. L’amendement CS1428 l’est aussi.
Mme Cécile Duflot. Il est nécessaire de définir une stratégie de plus long terme, à l’horizon 2050 et non 2020, afin de permettre aux acteurs de s’organiser. Ce n’est pas un hasard, monsieur le secrétaire d’État, que l’amendement de la rapporteure ait été relayé par d’autres.
M. le secrétaire d’État. La stratégie bas carbone est définie sur quinze ans glissants : la prise en compte des objectifs est donc assurée de façon permanente. Aussi, je maintiens ma demande de retrait des amendements.
M. Denis Baupin. La stratégie doit être claire et visible, ce qui n’a pas été le cas des plans successifs. Nous avons adopté, hier, un amendement important pour inscrire dans la loi l’objectif de rénovation de tous les bâtiments à l’horizon 2050. Un rapport qui précise régulièrement la stratégie, même si ce n’est pas forcément tous les cinq ans, serait donc utile.
Mme Cécile Duflot. Contrairement à celui de la rapporteure, notre amendement n’impose pas la remise d’un rapport tous les cinq ans. Nous pouvons partager les objectifs, mais la question est de savoir les moyens que nous mobilisons pour les atteindre. Sans stratégie de moyen terme sur le développement des compétences des acteurs, sans lisibilité pour les particuliers ni sur l’évolution des transactions immobilières, voire sans une réflexion sur le rôle du diagnostic de performance énergétique (DPE), l’objectif de 500 000 rénovations thermiques, par exemple, ne sera pas atteint. Je regrette, de ce point de vue, d’avoir retiré la mesure relative au bouquet de travaux ouvrant droit au crédit d’impôt. Bref, sans une stratégie de long terme, nous en resterions à un bel affichage non assorti de moyens, en termes financiers et au regard des perspectives d’avenir pour les acteurs.
M. le président François Brottes. Maintenez-vous votre amendement, madame la rapporteure ?
Mme Sabine Buis, rapporteure. Oui, pour les raisons qui viennent d’être évoquées.
La Commission adopte l’amendement CS1955.
En conséquence, les amendements CS1268, CS1428 et CS1469 tombent.
Article 3 B [nouveau]
(article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation)
Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels
Cet article pose le principe selon lequel, d’ici quinze ans, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures équivalent pétrole par mètre carré et par an (classes F et G) devront avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique.
*
* *
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS1956 deuxième rectification de la rapporteure, et CS1006 de M. Bertrand Pancher.
Mme Sabine Buis, rapporteure. À l’horizon 2030, les bâtiments résidentiels et tertiaires doivent avoir fait l’objet d’une rénovation leur permettant de sortir des catégories F et G du DPE.
M. Bertrand Pancher. Les bâtiments neufs représentent seulement 1 % des constructions chaque année, et ils sont déjà réglementés. L’objectif de réduction de moitié de notre consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 passe par une vision ambitieuse et à long terme du parc existant ; c’est d’ailleurs ce que prévoit la directive relative à l’efficacité énergétique.
M. le secrétaire d’État. L’ambition du Gouvernement en matière d’efficacité énergétique dans les bâtiments est inscrite à l’article 1er du projet de loi, avec un objectif de 100 % de bâtiments performants à l’horizon 2050. Ces amendements me semblent donc superfétatoires ; aussi je suggère leur retrait.
M. le président François Brottes. Tout cela suppose de revoir les normes du DPE.
Mme Cécile Duflot. Je soutiens l’amendement de la rapporteure. Nous sommes en effet au cœur du sujet, s’agissant de l’obligation de rénovation et des moyens que nous nous donnons. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : l’objectif d’une division par deux de la consommation d’énergie restera un objectif de papier sans une stratégie concrète, dotée de moyens financiers, politiques et associant les collectivités – même si les transports seront bien entendu déterminants, nous y reviendrons. Je rappelle que 75 % des logements dans lesquels nous vivrons en 2050 sont déjà construits. La rénovation est donc un enjeu décisif – d’ailleurs le problème est plus complexe encore s’agissant des logements des années 50-60 à 80. Dans ce cadre, un DPE plus normé et plus prescriptif me semble en effet essentiel.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CS1006.
La Commission adopte l’amendement CS1956 deuxième rectification.
L’amendement CS1006 est retiré.
La Commission examine l’amendement CS526 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Je propose d’inscrire dans le titre II l’objectif de diminution des émissions de CO2, en d’autres termes de la consommation d’énergie fossile.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Cet amendement restreint les objectifs d’économies d’énergie dans les bâtiments aux seules énergies fossiles. Or le texte vise aussi à diminuer l’empreinte environnementale des bâtiments et à limiter leur consommation pour faire baisser la facture des ménages. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure sur le titre II et le titre IV. Avis défavorable également : le texte porte sur la sobriété énergétique, sans se limiter aux énergies fossiles.
M. Martial Saddier. Nous sommes d’accord avec l’idée de la sobriété énergétique, mais déplorons l’absence de mesures en faveur de l’efficacité énergétique, qui puissent aider nos concitoyens à moderniser leurs appareils de chauffage et permettent d’encadrer leur facture d’énergie.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CS1954 de la rapporteure.
Mme Sabine Buis, rapporteure. La méthode de calcul permettant de justifier du respect des caractéristiques des bâtiments neufs ou existants définies par décret en Conseil d’État et la méthode de calcul visé par le diagnostic de performance énergétique sont différentes dans leur périmètre et leur mode de calcul. Cela entraîne des résultats différents pour un même bâtiment ou un même logement.
M. le secrétaire d’État. Je souscris à cet objectif d’harmonisation, et le ministère y travaille, mais la disposition est de niveau réglementaire. Les méthodes de détermination de la performance énergétique doivent être adaptées aux caractéristiques techniques des bâtiments concernés ; pour les bâtiments existants, il convient notamment de distinguer l’ensemble des techniques constructives, dont les caractéristiques sont beaucoup plus variées que dans le domaine de la construction neuve. Avis défavorable.
M. Martial Saddier. L’amendement témoigne d’un souci de précision. De ce point de vue, pourrait-on avoir des garanties, par voie législative ou réglementaire, quant à la prise en compte des zones géographiques, qui, pour des bâtiments similaires, posent des enjeux spécifiques en matière énergétique ?
M. le secrétaire d’État. Cela est déjà pris en compte dans la réglementation, et le sera encore en l’espèce, bien entendu.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CS181 de M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Il s’agit d’un amendement d’appel. Une fois encore, je regrette l’absence d’un volet dédié à l’efficacité énergétique.
L’exemple de ce qui a été fait, sur une partie du territoire, avec le Conseil national de l’air devrait nous inspirer. L’acte de vente me semble être la meilleure occasion d’afficher les atouts et les contraintes d’un bien immobilier, s’agissant en particulier du chauffage. Une expérimentation est menée actuellement sur les cheminées ouvertes : tout acte notarié doit préciser au vendeur et à l’acheteur si le chauffage au bois est défectueux.
M. le secrétaire d’État. L’amendement présente un risque d’inconstitutionnalité car il limiterait le droit du vendeur à disposer librement de son bien. De surcroît, certains vendeurs peuvent être dans une situation financière rendant difficile la réalisation de tels travaux. Cet amendement aurait également un impact négatif sur le marché immobilier, avec une augmentation des prix de vente et un surcoût lié aux travaux de l’ordre de 30 000 euros, au détriment des ménages qui ont déjà des difficultés à accéder à la propriété.
Le projet de loi, dans son titre II, contient des dispositions visant à améliorer les performances du parc de logements, comme l’accompagnement de travaux d’une certaine ampleur et l’obligation de réaliser une amélioration énergétique, selon le principe des travaux embarqués. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. En marquant que « la rénovation énergétique des logements participe à la politique de l’énergie de la France », l’amendement se borne à rappeler un état de fait, pour ne pas dire une évidence. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Article 3
(article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme)
Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation
Cet article vise à lever certains freins aux travaux d’amélioration de la performance énergétique de l’enveloppe des bâtiments, résultant de dispositions du code de l’urbanisme. Les exigences en termes d’aspect extérieur du bâtiment, d’emprise au sol ou encore d’implantation des constructions figurant dans les documents locaux d’urbanisme de certaines collectivités, ainsi que dans le règlement national d’urbanisme, contrarient parfois la réalisation de l’isolation d’un logement par son propriétaire : afin d’atteindre l’objectif de 500 000 rénovations lourdes par an d’ici 2017, des possibilités de dérogation à ces règles d’urbanisme sont donc instituées.
1. L’état du droit
Modifié en dernier lieu par l’article 158 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme prévoit aujourd’hui que le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre ou à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants de l’immeuble ou de la partie d’immeuble concernés – et ce, nonobstant les règles relatives à l’aspect extérieur des constructions éventuellement prévues par les plans locaux d’urbanisme, les plans d’occupation des sols, les plans d’aménagement de zone et les règlements des lotissements.
Ce principe n’est néanmoins pas applicable dans un secteur sauvegardé, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l’article L. 642-1 du code du patrimoine, dans le périmètre de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques défini par l’article L. 621-30 du même code, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l’environnement, à l’intérieur du cœur d’un parc national délimité en application de l’article L. 331-2 du même code, ni aux travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou adossé à un immeuble classé, ou sur un immeuble protégé en application du 2° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme.
Il n’est pas non plus applicable dans des périmètres délimités, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, motivée par la protection du patrimoine bâti ou non bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines.
2. Les modifications apportées par le projet de loi
L’article 3 du projet de loi vise à instituer, au bénéfice de certains travaux d’isolation et d’efficacité énergétique, un mécanisme dérogatoire analogue à celui déjà applicable aux matériaux renouvelables et aux équipements favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable à des fins domestiques.
Il est ainsi prévu que, nonobstant les règles des plans locaux d’urbanisme, des plans d’occupation des sols, des plans d’aménagement de zone, du règlement national d’urbanisme et des règlements des lotissements relatives à l’aspect extérieur, l’emprise au sol, la hauteur et l’implantation des constructions, le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne pourront s’opposer à la mise en œuvre d’une isolation en saillie des façades et par surélévation des toitures des constructions existantes ou de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire en saillie de ces façades (alinéas 2 et 3).
Toutefois, ce principe ne serait applicable ni dans un secteur sauvegardé, ni aux travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, adossé à un immeuble classé, ou sur un immeuble protégé en application du 2° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme (alinéas 4 et 5).
Il ne serait pas non plus applicable dans des périmètres délimités, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent (alinéa 6).
3. La position de votre co-rapporteure
Votre co-rapporteure soutient la mesure proposée, dans la mesure où l’expérience confirme que les dispositions des documents d’urbanisme sont parfois opposées à la réalisation d’opérations d’isolation par doublage des façades, alors même que de telles opérations peuvent permettre d’obtenir des gains énergétiques substantiels.
Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, une telle mesure est susceptible de concerner, s’agissant des seuls bâtiments à usage d’habitation :
– pour les façades, entre 22 000 et 44 000 logements par an, soit une économie d’énergie comprise entre 150 et 300 MWh d’énergie primaire et un chiffre d’affaires supplémentaire des entreprises compris entre 400 et 800 millions d’euros (prestations supplémentaires de rénovation de façades avec isolation par l’extérieur) ;
– pour les toitures, entre 25 000 et 50 000 logements par an, soit une économie d’énergie comprise entre 60 et 120 MWh d’énergie primaire et un chiffre d’affaires supplémentaire des entreprises compris entre 150 et 300 millions d’euros (prestations supplémentaires de réfection de toiture avec isolation).
Votre co-rapporteure estime néanmoins que la réalisation de telles opérations ne saurait avoir pour prix une dégradation du patrimoine architectural de notre pays, tant en milieu urbain que rural. Il conviendra donc que les organes délibérants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, le cas échéant, puissent établir dès la promulgation de la loi une cartographie des espaces qui, en raison de leur valeur esthétique, architecturale ou patrimoniale, devront impérativement être préservés.
De ce point de vue, elle considère important que l’annonce réalisée dans le cadre de la même étude d’impact, selon laquelle un article réglementaire sera ajouté au code de l’urbanisme prévoyant de limiter pour la majorité des cas la saillie sur les façades à 20 cm par rapport aux règles d’emprise et d’implantation des constructions autorisées, soit pleinement suivie d’effet.
*
* *
La Commission est saisie d’un amendement CS103 de M. Martial Saddier, tendant à la suppression de l’article.
M. Martial Saddier. Je ne vois pas comment cet amendement pourrait laisser insensible la rapporteure. L’article introduit en effet une dérogation au code de l’urbanisme, qui s’imposerait à toutes les autorisations délivrées par le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qu’il s’agisse du permis de construire, des documents d’urbanisme ou des prescriptions des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU). Avouez que c’est un peu fort de café.
L’isolation extérieure des bâtiments, par ailleurs nécessaire, est inscrite dans le texte comme un unique et sacro-saint principe ; or un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) le confirme, les techniques évolueront.
M. le secrétaire d’État. L’article 3 complète l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme ; il tend à lever certains blocages qui, systématiquement rencontrés dans les PLU, empêchent l’isolation des façades extérieures et la mise en place de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire. Il ne s’agit en aucun cas de privilégier une technique particulière, mais de permettre le recours à cette technique quand elle est adaptée, et quand seul le manque de souplesse du règlement du PLU empêche sa mise en œuvre.
Mme Sabine Buis, rapporteure. De nombreux cas exigent en effet une dérogation au code de l’urbanisme. L’appréciation de M. Saddier ne me paraît pas tout à fait objective. Avis défavorable.
M. Julien Aubert. N’avez-vous pas l’impression que l’article gèle l’état actuel des techniques de rénovation ?
M. Martial Saddier. Votre réponse m’étonne, monsieur le secrétaire d’État. Elle laisse en effet entendre que tous les documents d’urbanisme empêchent la rénovation extérieure des bâtiments. Encore une fois, je ne suis pas contre ce type de rénovation, mais de là à en faire une obligation qui s’impose au pouvoir du maire en matière d’urbanisme, il y a un pas que je ne franchirais pas. S’il existe des blocages, il faut ouvrir la possibilité de dérogation, non en faire une obligation légale qui s’appliquera sur l’ensemble du territoire.
M. le président François Brottes. Les blocages sont nombreux, on le sait…
M. Bertrand Pancher. Prenons-y garde car, dans beaucoup de communes, l’urbanisme ne peut faire l’objet de n’importe quelle évolution : songeons au patrimoine classé ou aux règlements locaux soucieux de la qualité architecturale. S’il y a des blocages, nous pourrions les identifier et en débattre. Votre souhait de modifier la réglementation suscite beaucoup d’interrogations.
Mme Cécile Duflot. Je suis résolument opposée à l’amendement de M. Saddier, que je soupçonne de mauvaise foi. L’article, passez-moi l’expression, vise à empêcher l’empêchement ; autrement dit, sans empêchement il n’aura pas d’objet.
Par ailleurs, monsieur Pancher, ses dispositions ne s’appliqueront ni au secteur sauvegardé ni aux bâtiments classés.
Le fait est que certains PLU interdisent explicitement toute isolation extérieure. On ne peut poursuivre les objectifs que nous avons fixés sans permettre aux habitants de rénover leurs logements.
La Commission rejette l’amendement.
Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CS1190 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L’installation de parois végétalisées se développe de plus en plus en plus en milieu urbain. Les progrès réalisés dans cette technique devraient permettre à terme de coupler sa dimension décorative à une fonction d’isolation. Le présent amendement vise à lever les blocages qui, dans les règlements d’urbanisme, subsistent parfois à leur installation.
M. le secrétaire d’État. L’article L.111-6-2 dispose déjà que « le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales etc. ». Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas opportun de consigner dans la loi l’emploi d’une technique particulière.
M. Martial Saddier. Je relève avec plaisir que le Gouvernement et la rapporteure sont d’accord pour ne pas fixer par des dispositions légales une préférence en faveur d’une technique plutôt que d’une autre.
L’amendement CS1190 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements identiques CS1005 de M. Bertrand Pancher et CS1373 de M. Philippe Plisson.
M. Bertrand Pancher. Le projet de loi prévoit que le permis de construire ne peut pas s’opposer à certains travaux visant l’isolation thermique des bâtiments. Il faut cependant veiller à leur bonne intégration architecturale dans l’ensemble. Des prescriptions particulières pourraient à cet effet accompagner le permis de construire.
M. Philippe Plisson. Il convient en effet de pouvoir tracer des limites et éviter les verrues architecturales sous prétexte d’isolation thermique.
M. le secrétaire d’État. En l’état du droit, le permis de construire peut déjà être assorti de conditions, avec avis d’un architecte des Bâtiments de France. Le présent amendement n’ajoute donc rien, à part de la complexité. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Une telle disposition risque d’être source de difficultés, voire de favoriser les nids à contentieux.
M. Bertrand Pancher. Je suis étonné d’entendre des arguments si contradictoires, la rapporteure déplorant le surcroît de contraintes, tandis que le secrétaire d’État soutient quant à lui que l’amendement n’ajouterait rien au droit existant. Cela m’inquiète.
M. le président François Brottes. Naguère, les maires pouvaient contrôler la situation a posteriori à l’occasion de la déclaration d’achèvement des travaux. Mais une majorité précédente a voulu simplifier les procédures…
L’amendement CS1373 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CS1005.
Puis la Commission adopte l’article 3 ainsi modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CS1372 de M. Christophe Bouillon.
M. Christophe Bouillon. Lorsqu’un propriétaire met en location un bien pouvant être considéré comme une passoire thermique, le maire devrait pouvoir le contraindre à engager des travaux de rénovation énergétique de son bien.
M. le secrétaire d’État. Je comprends votre souci de faire bénéficier les locataires du parc de logements privés d’un niveau de confort thermique minimum, mais 30 % du parc locatif est classifié F ou G au regard de la nomenclature thermique. Il s’agit souvent de biens appartenant à des propriétaires aux faibles revenus. L’adoption de l’amendement conduirait donc à retirer du marché du logement beaucoup de biens, réduisant ainsi une offre de location souvent déjà insuffisante.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’objectif ultime de l’amendement fera consensus, personne ne voulant tolérer les marchands de sommeil. Je crains pourtant que sa mise en œuvre soit difficile. J’émets néanmoins un avis favorable.
M. Christophe Bouillon. En entendant le secrétaire d’État, je me demande quels sont les moyens alors mis en œuvre pour réduire le stock de ces logements. Les maires sont souvent confrontés à des problèmes d’isolation thermique ou même d’insalubrité. Que peuvent-ils faire dans un cas pareil ?
M. Martial Saddier. Je voudrais mettre en garde tant la majorité que le Gouvernement contre la tentation de faire de ce projet de loi un texte sur les collectivités territoriales. Alors que le projet de loi propose des mesures qui, ajoutant aux règlements d’urbanisme, entament la compétence des maires en ce domaine, il risque de transférer, dans le même temps, sur ceux-ci de nouvelles charges.
D’autres textes, relatifs aux collectivités territoriales, sont en cours d’examen devant notre assemblée. Ne faudrait-il pas développer une vue plus globale de ces questions, et, surtout, réfléchir au rôle laissé en définitive aux maires en matière d’urbanisme ?
M. le président François Brottes. Ceux qui ont l’expérience des responsabilités municipales savent que les communes doivent trop souvent assumer les frais des travaux, se trouvant en face de propriétaires désinvoltes ou non solvables. À la lumière de cet état de fait, la recevabilité financière de l’amendement apparaît ainsi problématique.
M. le secrétaire d’État. Je partage l’objectif affiché, mais la méthode retenue pourrait faire naître des difficultés. Après l’article 4, le Gouvernement a déposé l’amendement CS2386, qui répond à ces préoccupations, mais en renvoyant à un texte réglementaire le soin des modalités de mise en œuvre.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Dans ces conditions, il semble peut-être préférable de retirer l’amendement.
Mme Cécile Duflot. J’ajoute que le décret « décence » n’inclut aucune disposition sur la performance énergétique des logements. L’article 5 devrait nous fournir l’occasion d’en débattre à nouveau.
L’amendement CS1372 est alors retiré.
Article 4
(articles L. 123-1-5 et L. 128-1 du code de l’urbanisme)
Institution d’obligations de performances énergétiques et environnementales dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction
sous maîtrise d’ouvrage publique
Cet article vise à promouvoir les bâtiments à énergie positive ou à structure en bois, ainsi que l’exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage publique.
1. L’état du droit
— L’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme prévoit que le règlement du plan local d’urbanisme fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols, délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définit, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions.
Ce document peut ainsi, par exemple, préciser l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées, délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme est affecté à des catégories de logements qu’il définit dans le respect d’objectifs de mixité sociale ou encore identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels doit être préservée ou développée la diversité commerciale.
Au titre de la caractérisation architecturale, urbaine et écologique des espaces concernés, le règlement peut également imposer aux constructions, travaux, installations et aménagements, notamment dans les secteurs qu’il ouvre à l’urbanisation, de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées qu’il définit (paragraphe III, 6°).
— L’article L. 128-1 du même code prévoit aujourd’hui que, dans les zones urbaines ou à urbaniser, le règlement peut autoriser un dépassement des règles relatives au gabarit résultant du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu dans la limite de 30 % et dans le respect des autres règles établies par le document, pour les constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d’équipements performants de production d’énergie renouvelable ou de récupération.
2. Les modifications apportées par le projet de loi
— Le paragraphe I (alinéas 1er et 2) de cet article modifie le 6° du III de l’article L. 123-1-5 précité. La formulation proposée, outre divers aménagements à portée essentiellement rédactionnelle, étend la capacité prescriptive du règlement du plan local d’urbanisme, en lui permettant d’imposer aux constructions une production minimale d’énergie renouvelable, dans les secteurs qu’il définit et en fonction des caractéristiques du projet.
— Le paragraphe II (alinéa 3) pose le principe selon lequel toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics et des collectivités locales font preuve « d’exemplarité énergétique » et seront, « chaque fois que possible », à énergie positive.
— Le paragraphe III (alinéa 4) modifie le premier alinéa de l’article L. 128-1 du code de l’urbanisme afin que l’autorisation de dépassement des règles relatives au gabarit résultant du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu puisse bénéficier aux constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique « ou environnementale » élevée.
Il s’agit donc d’étendre les boni de constructibilité prévus par le code de l’urbanisme aux constructions à haute performance environnementale. Cette extension vise en particulier à permettre le développement de bâtiments dont les impacts environnementaux sont réduits, non seulement pour ce qui concerne les ressources énergétiques, mais également le changement climatique, les ressources en eau, les rejets, les déchets, etc.
3. La position de votre co-rapporteure
Votre co-rapporteure soutient globalement l’ensemble de ces dispositions, qui lui paraissent aller dans la bonne direction.
Le paragraphe I, complétant les dispositions qui donnent déjà aux collectivités territoriales, dans le cadre de leur plan local d’urbanisme, la possibilité d’imposer aux constructions, installations et aménagements de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées, permet de renforcer encore les initiatives locales en faveur des bâtiments performants, par exemple dans le cas d’éco-quartiers.
Votre co-rapporteure estime néanmoins que la rédaction du paragraphe II de cet article soulève certaines interrogations, pouvant justifier que certaines améliorations y soient apportées.
Le concept « d’exemplarité énergétique » apparaît ainsi manquer de précision, dans la mesure où les caractéristiques énergétiques de l’ensemble des bâtiments nouveaux, privés ou publics, doivent aujourd’hui s’inscrire dans le cadre de la RT 2012. Alors même que, de l’avis général, l’appropriation complète des nouvelles techniques induites par le respect de cette réglementation n’est pas acquise auprès de tous les professionnels, imposer aux maîtres d’ouvrage publics d’aller encore au-delà risque de soulever des problèmes techniques ou d’induire des surcoûts financiers non négligeables.
Par ailleurs, la référence systématique aux « bâtiments à énergie positive » (BEPos) mérite débat. Comme l’observait malicieusement l’un des participants à une table ronde sur l’efficacité énergétique, organisée par votre co-rapporteure en Ardèche, le 12 septembre dernier, un bâtiment en matériaux de synthèse importés, dont les ouvrants sont en plastique et la toiture couverte de panneaux photovoltaïques de médiocre qualité, obtiendra assez facilement la qualification « BEPos ».
Du fait que le concept de bâtiment à énergie positive ne bénéficie aujourd’hui d’aucune reconnaissance officielle, puisqu’il s’agit simplement d’un label de l’association Effinergie, et que son contenu même fait débat, sans doute conviendrait-il alors de lui préférer un concept plus englobant, qui permettrait de reconnaître une place à la durabilité et à l’impact environnemental du nouveau bâtiment. Pourraient ainsi être mieux pris en compte le type de matériau utilisé (bois et autres matériaux issus de la biomasse), sa durabilité, sa recyclabilité et ses sources d’approvisionnement (valorisation des ressources de proximité), l’originalité des solutions techniques mises en œuvre, la gestion de l’air et de l’eau, la limitation des rejets, l’énergie « grise » (10), etc.
Votre co-rapporteure a néanmoins proposé d’associer le bonus de constructibilité aux bâtiments à énergie positive, afin de promouvoir les actions d’exemplarité énergétique.
Un bâtiment public durable et exemplaire : En 2010, le conseil général de l’Ardèche a décidé de reconstruire le collège de la Montagne ardéchoise à Saint-Cirgues-en-Montagne. Comme, par ailleurs, la commune souhaitait la création d’une école publique sur son territoire, les deux collectivités se sont associées pour créer une « cité scolaire » qui regroupe école maternelle, école élémentaire et collège et a ouvert ses portes à la rentrée 2014. Afin que cet ensemble serve d’exemple pour les constructions à venir, la commune et le département ont décidé que cette cité scolaire labellisable « haute qualité environnementale » serait l’un des premiers établissements scolaires à énergie positive construit en altitude (1 100 m) en France. Le bâtiment est construit principalement en ossature bois (épicéa, provenance régionale) avec, comme isolant principal, des blocs de paille de 36 cm d’épaisseur. Le recours à la botte de paille est en effet une solution intéressante au plan environnemental, car il s’agit d’un matériau permettant la valorisation locale d’une ressource naturelle renouvelable, qui participe à la lutte contre les gaz à effet de serre (matériau stockant le CO2), possédant de très intéressantes propriétés thermiques, dont le bilan en énergie grise est élevé, recyclable, sain (pas de dégagement de composés organiques volatils), perspirant (étanche à l’air mais pas à la vapeur d’eau), possédant de très bonnes propriétés d’affaiblissement acoustique et économique (environ 15 € HT/m²). Seule la zone de la demi-pension est réalisée en béton, pour assurer le coupe-feu nécessaire entre l’établissement et l’internat. Cette partie est isolée par l’intérieur et l’extérieur pour atteindre les performances générales de l’enveloppe. Le bâtiment est couvert par une double toiture en ossature bois et isolation bloc de paille, étanchée par une membrane et un toit en bac acier ventilé (lié à la spécificité du climat montagne). Les fenêtres sont toutes en bois, avec double ou triple vitrage selon les expositions. |
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La Commission examine les amendements identiques CS236 de M. Damien Abad et CS1211 de Mme Marie-Hélène Fabre.
M. Martial Saddier. L’amendement CS236 est défendu.
Mme Marie-Hélène Fabre. La réalisation de bâtiments respectant des performances énergétiques et environnementales renforcées devrait se faire par la volonté du maître d’ouvrage, et non du fait de mesures coercitives. Les dispositions proposées risquent d’aboutir à la multiplication de référentiels locaux, alors qu’ils ont fait l’unanimité contre eux de la part de l’ensemble de la maîtrise d’ouvrage lors des groupes de travail « objectifs 500 000 » mis en place au sein du ministère du logement. L’amendement propose leur suppression.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement veut encourager la créativité, sans poser d’exigence plus élevée, mais en faisant naître un nouveau marché dont la demande stimule les cabinets d’architectes et les urbanistes. Il veut que les pouvoirs publics soient exemplaires. L’objectif est de tirer la construction en France vers le haut. Des prêts de la Caisse des dépôts seront accordés aux collectivités qui s’engagent de manière volontaire dans la transition énergétique. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est normal d’attendre de l’État, dans le domaine énergétique, l’exemplarité qui est posée comme principe par cet article. Je ne peux soutenir la suppression de certains de ses alinéas. Avis défavorable.
Les amendements CS236 et CS1211 sont retirés.
La Commission examine ensuite les amendements identiques CS332 de M. Jean-Jacques Cottel, CS738 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1394 de M. Philippe Plisson.
M. Jean-Jacques Cottel. Des engagements du Grenelle découle la volonté de construire des villes durables, lesquelles impliquent de concevoir la ville à l’échelle des quartiers. Le présent amendement vise à obliger les collectivités compétentes en matière d’urbanisme à intégrer systématiquement une réflexion sur la stratégie énergétique en établissant des objectifs et des normes plus ambitieux sur des zones identifiées.
M. Jean-Luc Bleunven. Défendu !
M. Philippe Plisson, rapporteur. Il s’agit de compléter la loi ALUR pour parvenir à une meilleure performance énergétique des constructions.
M. le secrétaire d’État. Le gouvernement se refuse à imposer des contraintes zone par zone. Cela pourrait se révéler trop contraignant, notamment pour les collectivités de petite taille. Le projet de loi propose une position intermédiaire, en pratiquant l’incitation, mais non la contrainte. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. La mise en œuvre de cet amendement me semble devoir déboucher sur des difficultés pratiques. Avis défavorable.
Les amendements CS332, CS738 et CS1394 sont retirés.
La Commission est saisie des amendements identiques CS2188 de la rapporteure et CS562 de M. Martial Saddier.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Le présent amendement vise à renforcer la cohérence entre les plans locaux d’urbanisme et les schémas régionaux climat air énergie.
M. Martial Saddier. Nous avons en effet multiplié les schémas et outils de planification ces dernières années. Il faut désormais veiller à ce qu’ils soient cohérents les uns avec les autres.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le Gouvernement approuve la mise en cohérence des plans locaux d’urbanisme avec les schémas régionaux climat-air-énergie. Mais, compte tenu de la hiérarchie juridique en la matière, il est préférable d’indiquer que cette cohérence s’apprécie à travers le PCET qui constitue l’échelon intermédiaire.
L’amendement CS2188 est retiré.
M. Martial Saddier. Les collectivités devraient être néanmoins plus étroitement associées à la définition des schémas régionaux.
L’amendement CS562 est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CS1610 de M. Jacques Krabal.
M. Joël Giraud. Comme la parité, l’engagement en faveur des énergies renouvelables recueille l’assentiment général au stade des principes, mais il n’en va pas de même lorsqu’il faut passer à la mise en œuvre. Je crois qu’il faut imposer une production minimale d’énergie renouvelable à toutes les nouvelles constructions. C’est le seul moyen de faire émerger une filière économique.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement veut encourager les acteurs locaux à ajuster ces dispositifs à leurs besoins et contraintes propres. L’adoption de ces amendements restreindrait le champ des possibilités qui leur sont ouvertes, sans apporter de valeur ajoutée. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Tous les territoires ne sont pas identiques. L’amendement ne permettrait pas de prendre en compte les contraintes locales. Dans certains cas, fixer une valeur plancher pourrait même avoir un coût prohibitif, si cette énergie était trop difficile à produire. Avis défavorable.
M. Julien Aubert. Le soutien aux énergies renouvelables ne doit pas engendrer de perte financière. Pour chaque nouveau kilowattheure, il faut prendre en compte le bilan coût-avantages. Car la transition énergétique doit être flexible, souple et adaptable. Au demeurant, l’argument de la filière économique me semble peu pertinent. Alors que tous les Français ont une voiture, notre industrie automobile se porte-t-elle bien ?
M. Joël Giraud. Le décret d’application pourrait fixer la flexibilité nécessaire. Je maintiens l’amendement.
La Commission rejette l’amendement CS1610.
Elle examine ensuite l’amendement CS1167 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Une obligation de production d’énergie renouvelable, sans autre précision, pourrait se traduire par la multiplication des installations photovoltaïques à des fins de spéculation, sans aucun apport du point de vue de l’efficacité énergétique intrinsèque des bâtiments.
Il importe au contraire que les contraintes supplémentaires éventuellement imposées par les plans locaux d’urbanisme encouragent les efforts pour développer des solutions techniques orientées vers la réalisation de bâtiments se rapprochant des constructions passives, c’est-à-dire maximisant le recours aux énergies renouvelables disponibles sur place, et minimisant le besoin d’apport thermique via les équipements de chauffage classiques, alimentés par les réseaux d’électricité ou de gaz.
Il s’agit, par exemple, d’encourager l’installation de puits canadiens, de capteurs solaires thermiques, de récupérateurs de chaleur dans les eaux grises, de réseaux de chaleur alimentés avec des combustibles renouvelables. Tout effort pour utiliser ces techniques permettra en effet d’en accélérer la diffusion par un effet d’apprentissage. Et cela évitera la spéculation.
M. le secrétaire d’État. S’orienter de manière systématique vers des énergies renouvelables produites et consommées sur place irait à l’encontre des objectifs que nous poursuivons, dans la mesure où beaucoup d’énergies renouvelables peuvent également être stockées. De nombreux ballons d’eau chaude peuvent ainsi fonctionner grâce au solaire thermique. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement pourrait avoir un effet pervers et freiner le développement des énergies renouvelables qui ne seraient pas consommables sur place.
M. le président François Brottes. Nous sommes en effet favorables à l’autoconsommation, mais pas à l’exclusion de tout le reste. L’adoption de l’amendement poserait un problème d’équilibre économique, voire d’équilibre du réseau s’il dissuadait le stockage de capacité.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je me perds dans cette casuistique réglementaire, mais j’accepte vos explications.
L’amendement CS1167 est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CS563 de M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. L’article faisant l’objet de l’amendement vise à favoriser l’autoproduction d’énergies au sein des nouvelles constructions. L’amendement tend à prévoir que l’installation de production d’énergies renouvelables sera surdimensionnée au vu de la consommation du logement ou du bâtiment qu’elle alimente.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement s’inquiète des répercussions pratiques sur la gestion des flux par le réseau électrique. Sans doute l’idée est-elle intéressante, mais il n’est peut-être pas indispensable de fixer les choses au niveau législatif. Sagesse.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Le principe est vertueux, même si la mise en pratique peut se révéler difficile. Sagesse.
M. le président François Brottes. Il s’agit d’un vrai problème en tout cas.
L’amendement CS563 est adopté.
La Commission est saisie des amendements identiques CS132 de M. Martial Saddier, CS782 de M. Julien Aubert, CS1007 de M. Bertrand Pancher et CS1609 de M. Joël Giraud.
M. Martial Saddier. Défendu !
M. Julien Aubert. L’amendement va dans le sens de la transition flexible et souple que nous défendons. Il vise en effet à garantir que ne soient pas exclus du champ de l’article 4 les modes de production d’énergies renouvelables collectifs, par exemple un réseau de chaleur alimenté par des énergies renouvelables ou de récupération (biomasse, géothermie, unité de valorisation énergétique) ou une unité de méthanisation alimentant un réseau de gaz dédié. Car l’essentiel est que le bâtiment soit alimenté en énergies renouvelables produites à proximité, dans le secteur ou par exemple dans une commune voisine.
M. Bertrand Pancher. Il me semble à moi aussi que le plan local d’urbanisme pourrait imposer une production minimale d’énergies renouvelables. Notre amendement permet de ne pas exclure des modes de production d’énergies renouvelables collectifs de la définition dans les PLU des bâtiments à énergie positive.
M. Joël Giraud. Nous avons déjà entendu un exposé complet au soutien de ces amendements. J’ajouterais seulement que leur adoption permettrait de faciliter, le cas échéant, l’acheminement de l’énergie renouvelable d’une commune à l’autre.
M. le secrétaire d’État. En favorisant la production d’énergies renouvelables, le Gouvernement ne veut pas se restreindre à l’échelle de la parcelle, mais accepte tout à fait de fixer les règles à l’échelle du quartier, plus adapté notamment pour les réseaux chaleur. Les amendements visent à garantir que les modes de production d’énergies renouvelables collectifs ne soient pas exclus. L’article L.123-1-5 permet d’imposer des prescriptions de production d’énergies renouvelables aux constructions et aménagements et pourrait faire l’objet d’une interprétation à la lettre impliquant obligatoirement que ce soit ces constructions et des aménagements qui produisent directement l’énergie. Or il serait intéressant de permettre le recours à des solutions collectives. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Nous sommes tous favorables à la création d’îlots à énergie positive. La notion de proximité mériterait seulement d’être précisée, s’agissant d’une disposition légale. Avis favorable.
Les amendements CS132, CS782, CS1007 et CS1609 sont successivement adoptés.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l’amendement CS850 de M. Julien Aubert.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2 et CS3 de Mme Sabine Buis, rapporteure, et les amendements identiques CS4 de Mme Sabine Buis, rapporteure, et CS1611 de M. Joël Giraud.
Elle examine ensuite l’amendement CS1470 de Mme Cécile Duflot.
Mme Cécile Duflot. En substituant aux mots du projet de loi le verbe « devront », l’amendement vise à imposer une réelle obligation énergétique aux commandes publiques.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement partage votre volonté, mais il est nécessaire, avant de les généraliser, de vérifier l’opportunité et la faisabilité des projets en termes techniques, économiques et au regard du bilan environnemental. En milieu urbain dense, il est parfois difficile d’obtenir un bilan positif du fait du faible gisement en énergies renouvelables disponibles. Des surcoûts de nature à remettre en cause l’équilibre financier des projets de construction pourraient apparaître. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Il ne serait en effet pas systématiquement possible de respecter cette obligation sans devoir faire supporter parfois un coût prohibitif aux finances publiques. Avis défavorable.
M. Bertrand Pancher. Je suis consterné quand j’examine cet alinéa. Quels en sont la portée et l’intérêt ? Les collectivités fournissent déjà l’effort maximal en termes énergétiques, lorsque c’est possible. Je comprends l’amendement de Cécile Duflot. Nous avons là un exemple de loi bavarde, qui se contente d’afficher des objectifs dans un grand flou artistique.
Mme Cécile Duflot. Le projet de loi prévoit en l’état actuel que « toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics et des collectivités locales font preuve d’exemplarité énergétique et seront, chaque fois que possible, à énergie positive ». Voilà ce qu’on aurait pu écrire dans une loi semi-écolo des années 90 ou 80 ! « Faire preuve d’exemplarité » est beaucoup trop vague. Soit il faut imposer une mise en œuvre obligatoire, soit il vaut mieux ne rien prévoir du tout.
M. Denis Baupin. Nous sommes un peu étonnés de ne pas retrouver dans la loi l’enthousiasme dont Mme la ministre a fait preuve la semaine dernière dans un communiqué. Je veux bien admettre qu’il soit nécessaire d’assortir notre proposition de certaines exceptions, ce qui pourrait être fait au moyen d’un sous-amendement, mais la règle doit être affirmée clairement. Pour ce qui est des contradictions qui pourraient exister entre la notion de bâtiments à énergie positive et d’autres aspects environnementaux, je pense que les architectes maîtrisent parfaitement les moyens techniques, notamment en matière de ventilation, visant à ce qu’un bâtiment à énergie positive ne devienne pas un thermos.
M. Jean-Paul Chanteguet. Mme Duflot disait il y a quelques instants que certains objectifs ne pourraient pas être atteints si nous ne mobilisions pas les moyens nécessaires. Il en est de même dans le cas présent : la loi peut donner des orientations, voire imposer, nous n’en demeurons pas moins confrontés à la problématique du financement, et ce ne sont pas les annonces faites par Mme la ministre sur ce point qui permettront de répondre à nos interrogations. Ne soyons pas schizophrènes, mes chers collègues !
M. Julien Aubert. Je rejoins Mme Duflot quand elle affirme que la simple exigence d’« exemplarité énergétique » n’a pas de sens. Cela dit, aller plus loin en précisant que tous les bâtiments sous maîtrise d’ouvrage publique devront être des bâtiments à énergie positive risque d’entraîner une explosion du montant des devis, ce qui va aggraver les problèmes auxquels sont déjà confrontées nos collectivités désargentées. En fait, on en revient toujours à la même question, consistant à savoir où nous devons placer l’argent public pour qu’il produise un effet maximal sur la réduction des gaz à effet de serre. Non seulement nous ne disposons pas d’étude d’impact sur le coût budgétaire de la mesure proposée, mais nous ne connaissons pas le rapport entre le montant des fonds engagés et leur effet sur les objectifs attendus – ce qui fait qu’il est permis de se demander si ces sommes ne devraient pas être affectées à d’autres mesures qui auraient un effet supérieur en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ne perdons pas de vue le véritable problème, à savoir la recherche de l’efficacité maximale en matière économique et environnementale, qui mériterait sans doute une analyse plus approfondie.
Mme Cécile Duflot. C’est justement pour tenir compte de la problématique des coûts que nous devons faire évoluer les choses. Dès lors que la construction de bâtiments à énergie positive sera généralisée, le coût des matériaux et des processus de fabrication va diminuer – s’ils sont chers pour le moment, c’est parce qu’ils sont expérimentaux, donc rares. L’instauration de la réglementation thermique 2012 a démontré la validité de ce raisonnement.
M. Julien Aubert. C’est valable pour l’EPR, j’imagine ?
Mme Cécile Duflot. Il suffit d’aller faire un tour en Finlande pour se rendre compte du contraire.
M. Julien Aubert. Et en Chine ?
M. le secrétaire d’État. La disposition proposée crée des charges pour l’État et pour les collectivités locales et n’aurait donc pas dû être soumise au débat. Le Gouvernement a néanmoins considéré qu’un tel débat, concernant également la politique du logement, était utile. En l’état actuel, plutôt que d’invoquer l’irrecevabilité de l’amendement CS1470, je suggère qu’il soit retiré en vue d’une nouvelle rédaction auquel le Gouvernement pourrait souscrire.
M. le président François Brottes. Effectivement, cet amendement est rédigé d’une telle manière que j’aurais moi-même dû invoquer son irrecevabilité au titre de l’article 40.
Mme Cécile Duflot. Je ne suis pas d’accord : imposer de nouvelles normes en matière de performance énergétique n’entraîne pas nécessairement une augmentation des charges publiques.
M. le président François Brottes. L’augmentation des charges ne fait pas de doute au regard de la rédaction de l’amendement.
M. Denis Baupin. Considérer d’emblée qu’investir pour l’efficacité énergétique constitue une charge publique est un point de vue très contestable et à tout le moins restrictif. Une fois le bâtiment construit, il en résultera des économies qui contribueront à la diminution des charges publiques : il faut donc y voir un investissement qui n’a aucune raison d’être sanctionné au titre de l’article 40, bien au contraire, et sans doute ne serait-il pas inutile d’ouvrir un débat sur ce point. Cela dit, nous ne sommes pas opposés à une réécriture de l’amendement.
M. le président François Brottes. Je persiste à penser que cet amendement présente un problème de recevabilité, et je demanderai à ce qu’il soit à nouveau vérifié sur ce point. La position du Gouvernement ne consiste pas à vouloir enterrer cet amendement – ce qu’il aurait, à mon sens, la possibilité de faire en invoquant l’article 40 – mais simplement à souligner que son écriture n’est pas aussi normative qu’elle devrait l’être, et à suggérer une nouvelle rédaction avant la séance publique.
M. Julien Aubert. Contrairement à ce que vient de dire M. Baupin, tout investissement n’est pas forcément rentable : il faut systématiquement comparer le surcoût qu’entraîne la construction à hautes performances énergétiques avec les économies que cet investissement doit permettre de réaliser, et c’est seulement quand le bilan résultant de cette comparaison est positif qu’il faut réaliser l’investissement envisagé. Au vu de cette règle, M. le président a raison de dire que l’amendement proposé est irrecevable au titre de l’article 40.
M. le président François Brottes. Il ne s’agit pas d’avoir raison, mais simplement de faire application du droit.
Mme Sabine Buis, rapporteure. En matière d’exemplarité énergétique, nous avons beaucoup débattu, jusqu’à présent, sur le coût de construction d’un bâtiment à énergie positive. Or, la notion d’exemplarité énergétique ne se limite pas à cela : des initiatives peuvent être prises dans d’autres domaines, comme cela a été fait dans ma circonscription.
Mme Cécile Duflot. Si je souscris à ce que vient de dire Mme la rapporteure, il me semble tout de même que nous ne pouvons pas laisser inchangé l’alinéa 3 de l’article 4. Cela étant, nous acceptons la proposition de M. le secrétaire d’État de retravailler la rédaction de l’amendement CS1470 afin de le mettre en accord avec la déclaration faite le 6 septembre dernier par Mme la ministre et de tenir compte de toutes exigences s’imposant à nous en matière d’efficacité énergétique, et retirons donc cet amendement.
M. le secrétaire d’État. Je vous confirme que le Gouvernement est disposé à travailler en vue d’aboutir à une nouvelle rédaction compatible avec les exigences juridiques évoquées.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS1944 de la rapporteure, CS1008 de M. Stéphane Demilly et CS1719 de M. Jacques Krabal, l’amendement CS119 de M. Martial Saddier – qui fait l’objet d’un sous-amendement CS2372 de la rapporteure –, et les amendements identiques CS1009 de M. Stéphane Demilly et CS2047 de M. Jacques Krabal.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1944 vise à compléter l’exigence d’exemplarité énergétique en matière de construction des bâtiments par une exigence d’exemplarité environnementale.
M. Bertrand Pancher. Partant du principe qu’il vaut mieux s’en tenir à des objectifs accessibles, l’amendement CS1008 a simplement pour objectif de compléter le mot « énergétique » par les mots « et environnementale » à l’alinéa 3 de l’article 4.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1719 est identique à celui qu’a présenté Mme la rapporteure.
M. Martial Saddier. L’amendement CS119 est pratiquement identique à celui de Mme la rapporteure, si ce n’est qu’il propose de compléter également l’alinéa 3 de l’article 4 par les mots « et à haute valeur environnementale ».
M. le président François Brottes. On voit que vous avez été député du Mont-Blanc, cher collègue !
Mme Sabine Buis, rapporteure. Le sous-amendement CS2372 vise à remplacer, dans l’amendement CS119 de M. Saddier, les mots « à haute valeur environnementale » par les mots « à haute performance environnementale ».
M. Bertrand Pancher. L’amendement CS1009 est défendu.
M. Joël Giraud. L’amendement CS2047 l’est également.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CS119 sous-amendé par le sous-amendement CS2372.
L’amendement CS1944 est retiré.
La Commission adopte le sous-amendement CS2372 puis l’amendement CS119 ainsi sous-amendé.
En conséquence, les amendements CS1008, CS1719, CS1009 et CS2047 tombent.
La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS1906 de M. Jacques Krabal.
M. Joël Giraud. Cet amendement vise à inciter l’État à l’exemplarité en matière d’utilisation d’énergie renouvelable, en précisant que le chauffage électrique pourra être remplacé par des solutions de chauffage plus sobres à chaque fois que cela sera possible.
M. le secrétaire d’État. Cet amendement, qui ne relève pas du domaine législatif, part du principe que le chauffage électrique présente forcément de mauvaises performances énergétiques, ce qui est faux, car certaines solutions électriques, telles les pompes à chaleur, sont très performantes. Si nous devons fixer des objectifs énergétiques au niveau de la loi, celle-ci ne doit pas avoir pour objet de stigmatiser une énergie sans faire de propositions concrètes, les acteurs concernés devant conserver le choix des moyens afin d’atteindre les objectifs évoqués. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Il n’y a effectivement pas de raison de pointer du doigt telle ou telle solution de chauffage. Avis défavorable.
M. le président François Brottes. Effectivement, dans un bâtiment parfaitement isolé – c’est le cas des bâtiments dits à énergie positive –, un tout petit radiateur électrique, qui augmente légèrement la température du logement avant que ses occupants ne rentrent, est suffisant. Il ne me paraît donc pas justifié de condamner en bloc l’usage du chauffage électrique.
L’amendement CS1906 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS2373 du Gouvernement.
M. le secrétaire d’État. Cet amendement vise à affirmer la possibilité pour les collectivités territoriales de bonifier et de prioriser leurs aides financières en faveur des bâtiments à énergie positive.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Pour encourager le développement des bâtiments à énergie positive, il est important que les aides financières octroyées par les collectivités territoriales puissent prendre en compte cet objectif. Avis favorable.
M. Michel Heinrich. Pourquoi faut-il préciser dans la loi une possibilité déjà offerte aux collectivités territoriales – et à laquelle nombre d’entre elles ont déjà recours ?
M. le président François Brottes. Je pense que c’est une précision utile pour se prémunir d’éventuelles remarques de la part de la Cour des comptes – je parle en connaissance de cause.
M. Bertrand Pancher. Je me demande comment les collectivités territoriales vont pouvoir se plier aux injonctions croissantes de l’État en matière d’aide aux bâtiments à énergie positive, alors qu’une diminution moyenne de 30 % des dotations de l’État est attendue dans les trois ans.
M. Martial Saddier. Sans vouloir polémiquer, je remarque que, si l’article 40 restreint considérablement les possibilités offertes aux parlementaires d’influer sur la politique gouvernementale, le Gouvernement, lui, ne se prive pas d’augmenter la dépense des collectivités territoriales, alors qu’une diminution de 30 % de leurs dotations est annoncée et que ce projet de loi n’est absolument pas financé. Je trouve cela un peu facile pour l’État de faire la leçon aux collectivités territoriales tout en les laissant régler la facture.
M. le président François Brottes. Ce n’est pas exactement ce que dit l’amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CS2371 du Gouvernement.
M. le secrétaire d’État. Cet amendement vise à étendre le bonus de constructibilité aux bâtiments à énergie positive et aux projets atteignant un certain niveau de performance environnementale. Ainsi, au-delà des seuls aspects de performance énergétique, pourront être pris en compte d’autres éléments tels que les émissions de CO2 ou « l’énergie grise » consommée lors de la construction du bâtiment.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable – j’avais d’ailleurs déposé un amendement identique.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CS1957, CS364, CS1255, CS1471, CS983, CS1221 et CS 1890 tombent.
Elle examine ensuite l’amendement CS867 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. L’amendement CS867 vise à prévoir la mise en place d’actions de sensibilisation des utilisateurs à la maîtrise de leurs consommations.
M. le secrétaire d’État. Cet amendement a le mérite de souligner un aspect très important de la performance énergétique du bâtiment. En effet, les modalités d’usage et d’occupation sont primordiales pour atteindre l’objectif de faible consommation, en particulier dans les bâtiments à haute performance énergétique. Avis favorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis également favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie des amendements identiques CS1010 de M. Bertrand Pancher, CS1429 de M. Philippe Bies et CS1887 de M. Jacques Krabal.
M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à tenir compte de la directive 2010/31/UE relative à la performance énergétique des bâtiments, visant à ce qu’à partir de 2020, tout nouveau bâtiment soit à énergie quasi nulle, ce qui exige un dispositif de production d’énergie renouvelable – géothermie, panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques, et caetera. Elle exige qu’il en soit de même pour les nouveaux bâtiments détenus par le secteur public à partir de 2018 – ce qui risque d’être compliqué compte tenu du contexte budgétaire.
M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS1429 précise qu’à partir de 2018, tout nouveau bâtiment devra être doté d’un dispositif de production d’énergie renouvelable ou de raccordement à un réseau urbain si celui-ci comporte une part d’énergie renouvelable.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1187 vise, lui aussi, à mettre en cohérence les dispositions prévues dans le présent projet de loi avec le droit communautaire.
M. le secrétaire d’État. Si le Gouvernement partage la volonté de voir se généraliser le recours aux énergies renouvelables, la rédaction proposée ne lui paraît pas de nature à permettre de mutualiser des systèmes de production d’énergie renouvelable à l’échelle du quartier. De nombreux amendements déposés sur le même sujet montrent pourtant qu’il s’agit d’une alternative réellement pertinente pour de nombreux systèmes d’exploitation d’une énergie renouvelable. Par ailleurs, la précision apportée par ces amendements ne nous paraît pas du tout relever du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Je suggère donc à leurs auteurs de les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Les amendements CS1010, CS1429 et CS1887 sont retirés.
La Commission adopte l’article 4 ainsi modifié.
Article 4 bis [nouveau]
(article L. 111-10-5 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Carnet de santé numérique du logement
Le paragraphe I de cet article complète la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation par un article L. 111-10-5 relatif au « carnet de santé numérique du logement ».
Le principe est ainsi posé, selon lequel « afin d’améliorer la connaissance d’un logement par son propriétaire ou occupant et de favoriser la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique », un tel carnet est appelé à être créé pour tous les immeubles privés à usage d’habitation. Une mise en œuvre échelonnée est néanmoins prévue, puisqu’il sera d’abord obligatoire pour toute construction neuve dont le permis de construire sera déposé à compter du 1er janvier 2017 et ensuite pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation, à compter du 1er janvier 2025.
Ce nouvel instrument aura vocation à mentionner l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement. Le détail des informations appelées à y être incluses – notamment, les différents diagnostics obligatoires prévus à l’article L. 271‑4 du code de la construction et de l’habitation – sera précisé par un décret en Conseil d’État.
Le paragraphe II de cet article prévoit, quant à lui, que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement déposera sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l’extension du carnet de santé numérique aux bâtiments tertiaires, en particulier publics.
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La Commission examine ensuite les amendements quasiment identiques CS1961 troisième rectification de la rapporteure et CS2384 du Gouvernement.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1961, troisième rectification, vise à créer un carnet de santé numérique du logement, qui serait obligatoire pour toute construction neuve à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation à compter du 1er janvier 2025.
M. le secrétaire d’État. Je retire l’amendement CS2384 du Gouvernement au profit de l’amendement de la rapporteure.
M. Martial Saddier. En tant qu’humaniste, je suis gêné par l’appellation « carnet de santé », celle-ci visant la santé de chacun des membres de la famille. Il serait préférable d’en changer.
M. le président François Brottes. Je ferai observer qu’un logement insalubre nuit à la santé de ses occupants.
M. Bertrand Pancher. Je m’interroge sur l’évolution de ce texte.
Le 1er août dernier, il nous a été transmis une version qui n’avait rien à voir avec celle qui avait été présentée en conseil des ministres. Alors que nous l’examinons dans des conditions très difficiles, voilà qu’on nous propose des amendements dont la portée a dû faire l’objet de discussions. Avec qui un tel amendement, dont je ne remets pas en cause le bien-fondé mais qui mériterait presque un texte spécifique, a-t-il été préparé ? Quelles ont été les conditions de sa rédaction ?
M. le secrétaire d’État. Que le Gouvernement et Mme la rapporteure aient proposé deux amendements identiques n’est pas contraire au fonctionnement normal des institutions. Par ailleurs, je ne suis pas opposé à une modification de l’appellation de ce carnet de santé numérique. Le Gouvernement y réfléchira d’ici à la séance publique.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je proposerai un amendement en séance à cette fin. J’ai rédigé cet amendement en concertation avec le Gouvernement. Les nombreuses auditions auxquelles j’ai participé en ma qualité de rapporteure ont également inspiré cette rédaction.
M. le président François Brottes. Les rapporteurs n’ont pas besoin d’attendre les suggestions explicites de tel ou tel pour rédiger un amendement.
L’amendement CS2384 est retiré.
La Commission adopte à l’unanimité l’amendement CS1961 troisième rectification.
Les amendements identiques CS2376 de la rapporteure, CS1335 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1612 de M. Joël Giraud sont retirés.
Article 4 ter [nouveau]
(article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989)
Critère minimal de performance énergétique
L’article 6, alinéa 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prévoit aujourd’hui que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
Cet article nouveau propose de faire évoluer les critères de décence des logements afin d’y intégrer la performance énergétique : trop de locataires occupent en effet des logements pour lesquels la facture énergétique est exorbitante. Par ailleurs et dans un souci d’efficacité, il est proposé une mise en œuvre progressive : le seuil de performance exigé sera ainsi relevé au fur et à mesure des années.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CS2386 du Gouvernement.
M. le secrétaire d’État. L’amendement CS2386 vise à intégrer la performance énergétique dans les critères de décence des logements, et précise que cette intégration se fera de manière progressive.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable à une mesure qui nous paraît constituer une grande avancée.
La Commission adopte l’amendement CS2386.
Elle en vient ensuite à l’amendement CS1162 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS1162, qui visait à insérer un alinéa précisant qu’une insuffisance du système de chauffage ne met en jeu la décence d’un logement que dans le cas où le besoin d’apport thermique n’est pas couvert, me paraît satisfait. Par conséquent, je le retire.
L’amendement CS1162 est retiré.
La Commission est saisie d’un amendement CS525 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Défendu.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CS 1183 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Les amendements situés après l’article 4 sont le fruit du rapport que le président de l’Assemblée nationale avait demandé à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment. Je vais d’abord présenter deux ou trois amendements individuellement, avant de faire une présentation globale de ceux relatifs au Centre scientifique et technique du bâtiment, qui sont la traduction de la position de repli que j’ai adoptée à la suite d’une discussion avec le ministère du logement.
L’amendement CS1183 tire les conséquences de l’absence de coordination entre les certifications nationales et les certifications européennes, qui constitue l’un des freins au développement de l’isolation des bâtiments. Il est proposé que, pour les matériaux innovants utilisés dans le secteur du bâtiment et non encore couverts par une norme publiée au niveau européen, les certifications nationales délivrées par un organisme établi dans l’Espace économique européen et accrédité par un organisme d’accréditation signataire de l’accord européen multilatéral pertinent pris dans le cadre de la coopération européenne pour l’accréditation soient reconnues pour une période de trois ans à compter de la date de leur délivrance. L’objectif poursuivi est de vaincre les blocages freinant le développement des matériaux innovants, notamment la ouate de cellulose.
M. le secrétaire d’État. L’introduction d’une telle clause dans la loi française nous paraît contraire au règlement européen 764/2008 portant sur la reconnaissance mutuelle des règles techniques nationales appliquées à des produits commercialisés légalement dans un autre État membre de l’Union européenne. Ce règlement prévoit déjà la reconnaissance entre États membres de certificats nationaux équivalents, et ne limite pas la validité de cette reconnaissance dans le temps. La loi française ne peut donc ni répéter un règlement européen d’application directe, ni limiter la portée de l’une de ses dispositions. De plus, il ne relève pas du cadre législatif d’encadrer la reconnaissance de dispositifs volontaires de certification de qualité, qu’ils soient établis par un organisme français ou par un organisme étranger.
Les dispositifs de certification volontaire restent régulés par les acteurs du marché en ce qui concerne le cadre de reconnaissance de la qualité intrinsèque du produit. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable, dans la mesure où la disposition proposée entrerait en contradiction avec un règlement européen.
M. Jean-Yves Le Déaut. J’ai bien étudié le règlement 764/2008 et je n’en fais pas du tout la même interprétation que vous, monsieur le secrétaire d’État. En tout état de cause, ce règlement n’est pas appliqué en France et les normes freinent donc le développement de nouveaux produits et la transition énergétique.
Mme Cécile Duflot. Si je partage l’avis de M. Le Déaut sur l’existence de freins au développement des nouveaux matériaux – notamment certains éco-matériaux –, je ne suis pas d’accord avec la solution qu’il propose. Je sais que M. le président n’aime pas trop que l’on demande des rapports, mais il me semble tout de même qu’il serait bon d’engager une réflexion sur l’harmonisation des matériaux de construction : il n’est pas normal que les coûts de construction soient plus élevés en France que chez nos voisins et que, du fait de l’absence de filières de production de matériaux bio-sourcés en France, nous soyons obligés de nous procurer ces matériaux – je pense notamment au bois et au verre recyclé – dans d’autres pays européens.
M. le président François Brottes. Je n’ai jamais dit que je n’aimais pas les rapports, madame Duflot, et il m’arrive d’ailleurs souvent d’en proposer. Je vous rappelle qu’à l’époque où vous étiez ministre, nous avions visité ensemble des bâtiments où il nous avait été expliqué que les normes en vigueur n’étaient plus du tout adaptées aux nouveaux matériaux utilisés, du fait d’une réactivité insuffisante des bureaux de contrôle. Les amendements que nous examinons actuellement sont donc relatifs à un problème bien réel, celui des entraves normatives au développement des nouveaux produits.
M. Michel Heinrich. Nous sommes là confrontés à une vraie difficulté : celles de nos PME qui souhaitent développer des matériaux bio-sourcés ne le peuvent parce que les organismes certificateurs défendent plutôt de grands groupes, de grands lobbies qui, et c’est un scandale, siègent au sein des dits organismes – dès lors juges et parties – et y établissent et y modifient les normes. Ainsi, pour la ouate de cellulose, la norme a changé à trois reprises en une seule année, si bien que ce qui est commercialisable un jour ne l’est plus le lendemain, si bien que pour obtenir une certification il faut produire pendant un an ou deux. L’Allemagne ne rencontre pas du tout les mêmes difficultés et nos entreprises parviennent à vendre outre- Rhin, pas en France !
M. le président François Brottes. L’accord paraît général à la fois sur le sort réservé à ces matériaux – un sort à géométrie variable – et sur l’application du dispositif. Je sais que le Gouvernement travaille sur un texte visant à libérer un certain nombre de leviers de croissance. Quand on mesure la difficulté d’entrer dans le sérail des bureaux d’étude, des bureaux de contrôle où, au nom d’une nécessaire longue expérience, règne une vraie oligarchie, quand on constate que seuls des grands groupes ont la main sur la norme, il faut certainement réduire la voilure réglementaire pour qu’interviennent de nouveaux acteurs. Dans le secteur du bâtiment, les réglementations et les exigences en matière d’assurances sont telles qu’elles empêchent l’initiative et induisent des surcoûts.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement se préoccupe également de la question et entretient des contacts, sur le plan local, avec les PME innovantes. Le travail de simplification en cours, de même que l’élaboration du texte sur la croissance permettront d’ouvrir ce débat parfaitement légitime.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS1201 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement concerne les départements ruraux qui n’ont pas accès au gaz naturel, ainsi que l’effacement des périodes de pointe de consommation d’électricité. Il vise à modifier le deuxième alinéa de l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation. Lors d’une audition par l’OPECST, en février 2014, Alain Lambert a souligné la rupture d’égalité entre les territoires, certains choix techniques entraînant des surcoûts de construction dans des zones déjà en difficulté économique. Je propose ici de régler par la loi la question de l’effacement, lequel doit permettre, pendant les périodes de pointe, après déconnection du réseau, l’usage de chauffages d’appoint.
M. le secrétaire d’État. La réglementation thermique de 2012 (RT2012) est applicable aux bâtiments neufs construits depuis 2013. Elle fixe un plafond de consommation d’énergie primaire de 50 kWh par mètre carré et par an en moyenne. Ce plafond est modulé pour tenir compte du climat, de l’altitude, de certaines énergies et des faibles émissions de gaz à effet de serre. La prochaine réglementation énergétique tiendra également compte de la performance énergétique des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments, afin de répondre aux enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique.
C’est dans le contexte de la préparation de cette future réglementation que doivent être débattues les propositions d’adaptation de la règle évoquée par l’amendement. En effet, le secteur de la construction a aujourd’hui besoin de la stabilité réglementaire nécessaire à la bonne conception des projets et à l’assimilation complète de la réglementation de 2012. Les questions d’effacement de la consommation d’électricité évoquées par l’amendement seront sans aucun doute importantes dans la conception de cette future réglementation.
Je suggère donc à son auteur de retirer l’amendement, faute de quoi, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l’amendement. Je n’en regrette pas moins que, dans le cadre d’un débat sur la transition énergétique, le logement apparaissant comme le secteur dans lequel on peut réaliser le plus d’efforts, on ne tienne pas compte des solutions existantes en matière de réglementation thermique. Je n’ai pas demandé la modification de la réglementation de 2012, considérée par le rapport de l’OPECST comme un progrès. M. le secrétaire d’État vient de le dire : la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre, pour la future réglementation thermique, est une bonne chose. Nous souhaitons seulement qu’on puisse mentionner dès aujourd’hui les zones qui n’ont pas accès au gaz naturel ainsi que les installations qui permettent l’effacement.
Député depuis longtemps, je trouve assez anormal qu’un travail parlementaire tel que le rapport de l’OPECST n’ait été suivi d’aucune discussion approfondie avec le ministère du logement – alors qu’il a été sollicité. Le député n’a pas vocation à s’entendre dire que le problème pour lequel il propose une solution sera réglé dans quelques années ; si j’en crois mes vingt-huit années d’expérience à l’Assemblée, on vous répond ainsi pour en fait ne pas aborder le problème. Nous nous honorerions de reprendre contact avec le ministère pour vraiment traiter de la question.
M. Julien Aubert. Les considérations de M. Le Déaut sont très pertinentes, même si je serais un peu moins laudateur que lui sur la RT2012 car, s’agissant des constructions neuves, on note un effondrement du nombre de primo-accédants dû à la surfacturation des coûts liée à l’application de cette réglementation thermique.
En tant qu’élu d’un territoire rural, je ne peux qu’être sensible à l’argumentation de M. Le Déaut : en effet, le choix de la source d’énergie n’est pas le même lorsqu’on se trouve sur un territoire rural. Or son amendement doit être déconnecté de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, car donner la priorité aux territoires ruraux en souffrance et promouvoir les techniques d’effacement me paraît tout à fait pertinent.
Enfin, au-delà de toute considération partisane, je ne puis que souscrire à la méthode proposée par M. Le Déaut : des parlementaires prennent beaucoup de temps pour mener une réflexion de fond et remettent des rapports d’une qualité – ici celui de l’OPECST – dont on peut regretter qu’il ne soit pas tenu compte au cours du travail législatif. C’est à désespérer ceux qui veulent faire avancer les choses ! Les rapports doivent servir, ceux émanant du Parlement comme ceux de la Cour des comptes.
M. le président François Brottes. Les considérations de M. Le Déaut sont de même nature que les empêchements, que nous évoquions tout à l’heure, dont est victime le secteur du bâtiment. À l’origine de la création du marché de l’effacement, je constate qu’il est complètement torpillé aujourd’hui par ceux qui ne s’intéressent qu’à la capacité de production supplémentaire. Je m’entendrai avec le président de la commission des affaires économiques pour organiser une audition sur le rapport de l’OPECST en présence de la ministre du logement. Nous pourrons ainsi, à la veille de l’examen du texte sur la croissance, prendre en compte tous les aspects abordés qui ne sont ni mineurs ni dérisoires. Le Gouvernement n’a pas pu intégrer dans le présent projet de loi toutes les dispositions entrant comme ici dans le détail, certaines, du reste, étant de nature réglementaire. Il faut en effet, sur ces questions, si j’ose dire, secouer les cocotiers administratifs.
M. le secrétaire d’État. Je rappelle que la ministre s’est engagée à répondre point par point aux recommandations du rapport en question.
L’amendement CS1201 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS365 de M. Antoine Herth, CS1473 de Mme Cécile Duflot et CS1156 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Michel Sordi. L’amendement CS365 est défendu.
Mme Cécile Duflot. Il en est de même pour l’amendement CS1473.
M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS1156 vise à harmoniser la méthode de calcul permettant de justifier le respect des caractéristiques des bâtiments neufs ou existants, et la méthode de calcul visée par le diagnostic de performance énergétique. Ces méthodes, différentes dans leur périmètre, entraînent des résultats différents pour un même bâtiment ou un même logement.
M. le secrétaire d’État. Vous avez raison de souligner que les différentes réglementations doivent être harmonisées le plus possible. Les services du ministère travaillent à l’uniformisation des outils mis à disposition des professionnels. Reste que vos propositions ne relèvent pas, à l’évidence, du domaine législatif. Je vous invite par conséquent à retirer vos amendements respectifs.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons : si nous considérons l’objet de ces amendements tout à fait louable, ils ne relèvent pas du domaine de la loi.
Les amendements CS365 et CS1156 sont retirés.
L’amendement CS1473 est rejeté.
La Commission examine l’amendement CS1198 M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. La définition du bâtiment à énergie positive est proche de celle de la directive 2010/31/CE du 19 mai 2010 sur les bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle. Je propose ici de la reprendre afin que le texte soit plus précis.
M. le secrétaire d’État. Je vous invite à retirer votre amendement. Cette question sera en effet traitée par décret et le Gouvernement s’engage à travailler avec vous sur sa rédaction.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’examen de l’amendement CS871 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Quand, à la demande de M. Chassaigne, le bureau de l’Assemblée a demandé, il y a plus d’un an, au même M. Chassaigne, comme à MM. Heinrich, Bui en Bretagne, Dufau dans les Landes, et à moi-même en Lorraine, de traiter l’affaire dite de la ouate de cellulose, nous avons déploré les errements de l’administration.
La ouate de cellulose, produit isolant fabriqué à partir du bois, est ignifugée grâce au sel de bore. La réglementation européenne REACH a interdit l’emploi du bore, substance qu’aucun pays n’a pourtant retirée car, en tant qu’ignifugeant, les quantités utilisées n’étaient pas susceptibles, estimait-on en Allemagne, en Finlande, d’avoir des effets nocifs. On s’est néanmoins servi de cette interdiction pour, en quelques mois, demander aux exploitants de changer d’ignifugeant. Ils ont utilisé du nitrate d’ammonium dont on s’est rendu compte, au bout de six mois, qu’il dégageait bien plus d’ammoniaque que le bore. On est par conséquent revenu sur cette réglementation. L’Agence de la qualité de la construction – agence privée –, dont le rôle est de déceler, en lien avec les assurances, tout danger sériel causé par certains produits, a déclaré qu’il y avait des dangers d’incendie, non du fait de la ouate de cellulose mais de la présence de spots avoisinants. J’avais alors saisi Mme Duflot sur les certificats d’économie d’énergie. Les exploitants ont eu tellement d’ennuis que certaines sociétés on fait faillite comme NrGaïa à Épinal.
Quand on observe le système d’accréditation technique de ces produits, on s’honorerait d’améliorer la gouvernance. Notre enquête dans le monde du contrôle et de la réglementation énergétique du bâtiment nous a fait découvrir un système similaire à celui qui régissait le domaine nucléaire il y a une vingtaine d’années : mélange des genres entre recherche, évaluation, conseil, expertise et contrôle ; combinaison désordonnée entre une centralisation à outrance des instances décisionnaires et une multiplicité des opérateurs institutionnels travaillant plus en concurrence qu’en coopération ; endogamie des acteurs décisionnels avec les responsables industriels – l’Autorité de la concurrence est d’ailleurs saisie d’un autre dossier que celui de la ouate de cellulose ; distance marquée entre les universités, les écoles d’architecture et les centres techniques chargés des technologies du bâtiment – on ne trouve pas un seul architecte, pas un seul universitaire au sein de ces instances décisionnaires ; aucune place dans le monde de la recherche pour la physique des bâtiments en tant que tels – à l’inverse de ce qui se passe en Allemagne ; pas de réelle stratégie pour traiter des priorités absolues de la rénovation. En somme, le bâtiment est en France une discipline subalterne.
Il faut changer tout cela. Le ministère du logement et en particulier la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) en a pris conscience et des progrès ont été réalisés au cours de ces derniers mois même si, avec le système de gouvernance actuel, ceux qui restent à accomplir seront difficiles. J’avais d’abord proposé de couper en deux les activités du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Selon certains – parmi lesquels Mme Duflot – cela risquait d’ajouter de la confusion à la confusion. Je retire donc les amendements proposant cette séparation.
Et, je viens de l’évoquer avec le secrétaire d’État, je suis prêt à discuter de tous ces amendements relatifs à la gouvernance. Nous pouvons nous mettre d’accord sur les améliorations à apporter en la matière sans tout chambouler. Reste qu’aujourd’hui, quand on saisit l’autorité de la concurrence, quand on constate l’endogamie déjà évoquée, quand on observe ce monde cloisonné et quand on mesure à quel point la rénovation est une priorité, on ne peut que convenir de la nécessité d’un gros effort. Si le Gouvernement en est d’accord, nous sommes prêts à retravailler nos propositions pour proposer des amendements au titre de l’article 88 du règlement.
M. le président François Brottes. Je félicite une fois encore l’OPECST pour la qualité de son expertise.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement partage complètement vos préoccupations, monsieur Le Déaut, et poursuit les mêmes objectifs de modification de la gouvernance que vous. Je prends acte du retrait de vos amendements sur le sujet, le Gouvernement s’engageant à travailler d’ici à l’examen en séance sur un amendement qui permettrait d’atteindre ces fins. Aussi le Gouvernement retire-t-il l’amendement CS2370 rectifié.
Les amendements CS871 et CS989 de M. Jean-Yves Le Déaut sont retirés, l’amendement CS2370 rectifié du Gouvernement est retiré et les amendements en discussion commune CS877 et CS1938 de M. Jean-Yves Le Déaut sont retirés.
La Commission examine les amendements identiques CS163 de M. Jean-Marie Tetart et CS333 de M. Jean-Jacques Cottel.
M. Jean-Marie Tetart. Les plans départementaux de l’habitat doivent prendre en compte les objectifs d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables.
M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS333 est défendu.
M. le secrétaire d’État. Il ne paraît pas indispensable de compléter les PLH dès lors que ce sont les plans « Climat Air Énergie Territoriaux » (PCAET) qui ont vocation à décliner les objectifs d’efficacité énergétique au sens large. Avis défavorable.
L’amendement CS333 est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, l’amendement CS163 est rejeté.
La Commission examine l’amendement CS71 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Nous nous sommes rendu compte que l’un des problèmes majeurs de la rénovation résidait dans la complexité des circuits. Si vous voulez bénéficier d’une incitation fiscale à l’occasion de travaux de rénovation thermique, vous allez avoir affaire à plusieurs acteurs : la PME, compétente mais pas toujours au courant de la réglementation ; le diagnostiqueur, censé vous encourager à réduire votre consommation mais qui est par ailleurs, souvent, celui qui vous vend l’énergie ; l’administration fiscale qui a sa propre logique. Aussi le citoyen se demandera-t-il s’il vaut bien la peine d’engager des frais importants de rénovation thermique.
Pour remédier à cette complexité, notre proposition est radicale : si nous voulons vraiment « décoincer » ce marché, le diagnostic énergétique doit relever de l’État et doit être gratuit. Nous voulons éviter que le diagnostic énergétique soit lié à des intérêts privés et nous assurer que le citoyen n’aura aucune mauvaise surprise fiscale ou liée à l’application de la réglementation.
Il s’agit ensuite pour l’État de pouvoir exercer une action directe sur la rénovation qu’il souhaite engager, autrement dit de pouvoir mener une véritable politique avec la possibilité de demander à ses diagnostiqueurs de réduire ou au contraire d’étendre la voilure.
Pour satisfaire aux obligations de l’article 40 de la Constitution, nous proposons une expérimentation d’une durée de trois ans. Une contractualisation avec un opérateur extérieur est également prévue.
Le directeur départemental de La Poste m’expliquait que la baisse de l’activité liée à la distribution courrier conduisait à la recherche de nouveaux métiers comme le gardiennage, la rénovation thermique… Des réseaux existants peuvent donc être amenés à évoluer.
L’idée est bien que le diagnostic énergétique relève désormais du service public, à l’heure où l’on a plutôt tendance à réduire le périmètre des services publics. Si l’on veut consacrer cette fonction régalienne, aller au cœur du problème, il faut la sanction de la loi.
M. le secrétaire d’État. Je prends acte de la proposition de l’opposition de créer un nouveau service public, mais le principe de celui que vous appelez de vos vœux est déjà inscrit dans la loi Brottes. Nous y reviendrons au titre VIII, dans le cadre du débat que nous aurons sur la gouvernance de la transition énergétique.
C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Si je rejoins l’idée d’un service public, je tiens à souligner qu’il existe déjà. De plus, pourquoi l’amendement en limite-t-il la portée au diagnostic énergétique ? Avis défavorable.
M. Bertrand Pancher. Il existe un vrai débat sur les conditions de la réussite de la transition énergétique, notamment dans le domaine du logement.
On ne réussira pas à passer ce cap en menant des politiques centralisées, notamment parce que les contrôles de l’État voient leurs moyens diminuer. Il faut donc poursuivre la décentralisation et augmenter les compétences des collectivités territoriales en la matière.
Un tel amendement me met mal à l’aise : à mes yeux l’État doit limiter son rôle à engager de grandes stratégies et à cibler les moyens avant de confier l’ensemble des responsabilités en la matière aux collectivités locales, comme c’est le cas en Allemagne ou en Autriche, où ces politiques réussissent.
Je tenais à intervenir dès maintenant, car j’ignore si je pourrai assister aux travaux de la commission lorsque nous débattrons de la gouvernance de la transition énergétique.
M. le président François Brottes. J’ai demandé à la présidence de l’Assemblée nationale de me préciser les possibilités de procuration aux élections sénatoriales pour les députés : ils doivent en faire la demande vendredi avant midi aux préfectures.
M. Jean-Paul Chanteguet. Ce sera trop tard puisqu’il faut faire cette demande par lettre recommandée avec accusé de réception.
M. le président François Brottes. Je vous communique simplement les éléments à ma disposition.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je vous renvoie à mon amendement CS2193 après l’article 5, qui vise à asseoir le service public sur les plateformes territoriales.
M. Julien Aubert. Ce sujet, qui invite à un vrai débat de fond entre deux écoles – celle des Girondins et celle des Jacobins –, pose également la question du mode d’organisation de l’énergie, qui est centralisée en France, où existent de grandes entreprises publiques. Certains pensent qu’il faudrait dynamiter ce monopole au profit d’une organisation décentralisée fondée sur des énergies vertes.
Il convient de rester pragmatique sur la question, tout en sachant qu’il est risqué de basculer d’un modèle à l’autre sans réfléchir à la gouvernance ni à l’articulation. On ne peut pas laisser les collectivités territoriales multiplier les énergies intermittentes sans en référer à EDF qui doit gérer le réseau : dans un monde ouvert aux interconnexions, c’est prendre le risque d’une panne de courant électrique.
Si l’amendement prévoit un service public national du diagnostic énergétique, c’est que l’incitation est d’ordre fiscal et que l’administration fiscale est une administration nationale : le but est d’éviter toute perte de transmission entre le diagnostiqueur et l’administration fiscale. Tant que le citoyen n’aura pas la certitude que les sommes qu’il débourse pour rénover son logement bénéficieront bien de l’incitation fiscale promise, il y regardera à deux fois avant d’engager les dépenses nécessaires. Il ne doit plus craindre de voir son imposition réévaluer sous prétexte qu’il aura mal lu la réglementation. L’instauration d’un système simplifié est nécessaire pour obtenir un effet de masse.
L’objet de l’amendement n’est d’ailleurs pas tant d’instaurer un système centralisé que de reconnaître le caractère national de l’enjeu de ce service public et d’assurer son articulation avec l’administration fiscale. En revanche, le niveau de l’opérateur n’est pas fixé. Le service public du diagnostic énergétique pourra très bien être décliné au plan local.
Le service public proposé dans la loi Brottes n’a pas la même matérialité. Celui que je propose sera directement accessible aux citoyens et assurera un diagnostic gratuit et personnalisé. Trop souvent, les Français n’ont de contact individuel avec l’administration que lorsqu’il s’agit pour celle-ci de les contrôler ou de les réprimander – en cas de contrôle fiscal, l’État sait très bien se rendre au domicile des Français ! En revanche, vous pouvez le demander aux TPE et au PME, lorsqu’il s’agit de demander de l’aide, les Français n’ont plus affaire qu’à des acteurs globaux ! Élaborons des administrations ou des services publics modernes, qui iront au contact des citoyens et sauront les aider.
M. Denis Baupin. Monsieur Aubert, les États fédéraux savent depuis longtemps gérer la complémentarité entre les plans national et local pour éviter les pannes de courant.
M. Julien Aubert. S’il n’y a pas de black-out en Allemagne, c’est que celle-ci importe de l’électricité française.
M. Denis Baupin. Chaque mois, c’est la France qui importe de l’électricité d’Allemagne et non l’inverse. Le pays le plus menacé d’un black-out est la France, comme l’indiquent d’ailleurs les rapports de RTE.
M. le président François Brottes. Ne rouvrons pas les mêmes débats à chaque article du projet de loi !
M. Denis Baupin. Il n’y a aucune contradiction entre décentralisation, péréquation et coordination.
Je partage néanmoins le point de vue de M. Aubert, sinon son amendement, sur la question de l’indépendance et de la crédibilité du diagnostic de performance énergétique des bâtiments. Nos concitoyens sont trop souvent démarchés par des diagnostiqueurs intéressés qui ne leur font pas de propositions pertinentes. S’agissant de l’organisation du service public de l’efficacité énergétique entre les plans national, régional, intercommunal, je tiens d’ores et déjà à indiquer que je déposerai des amendements à l’article 56. La coordination nécessaire entre les différents niveaux ne doit pas brider les initiatives.
M. Jean-Yves Le Déaut. Il ne faut pas faire l’impasse d’une réflexion sur l’organisation d’un service public de l’efficacité énergétique. Le futur Conseil de la construction et de l’efficacité énergétique, sur lequel nous reviendrons au titre de l’article 88 du Règlement, y contribuera.
Des pays fédéraux comme l’Allemagne ont réussi à traiter cette question en créant des conseillers à la rénovation qui sont mis à la disposition des Länder. Au nombre de 7 000, ils sont indépendants et issus de différents secteurs – ils peuvent être architectes, ingénieurs-conseils ou artisans. Ce corps de l’efficacité énergétique pourrait s’appuyer, en France, au plan national sur l’ADEME et, au plan régional, sur les conseillers des Points rénovation info service.
La Commission rejette l’amendement CS71.
Puis elle passe à l’examen des amendements identiques CS104 de M. Martial Saddier et CS173 de M. Jean-Marie Tetart.
M. Martial Saddier. Pour assurer son application efficace, il faudrait réussir à faire comprendre et à faire accepter le texte par nos concitoyens, ce qui est un vrai défi. À cette fin, l’amendement CS104 vise à créer un guichet unique national de la rénovation, relayé département par département. C’est à cette seule condition que les mesures, que nous inscrirons dans la loi, pourront être effectivement appliquées sur le terrain.
M. Jean-Marie Tetart. Je retire l’amendement CE173.
M. le secrétaire d’État. Je demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement. Il sait en effet que le Gouvernement a mis en place en septembre 2013 un guichet unique national de la rénovation énergétique des logements, constitué d’une plateforme téléphonique nationale et d’un site internet orientant les ménages vers un réseau de 450 Points rénovation info service qui, répartis sur tout le territoire, fournissent un premier niveau d’information et de conseil indépendant et gratuit. Les collectivités locales ont également mis en place des plateformes de la rénovation énergétique, qui fournissent un accompagnement complet des ménages tout au long de leur démarche.
Les expérimentations de passeport rénovation énergétique à partir de 2015 s’articuleront aux initiatives des collectivités locales visant à développer et à améliorer le conseil, notamment en l’orientant vers une approche globale.
Enfin, le guichet unique et le réseau des Points rénovation info service ont été définis dans la circulaire de territorialisation du 22 juillet 2013 et ne nécessitent pas de définition législative, laquelle rigidifierait le système.
J’émettrais un avis défavorable à l’amendement s’il n’était pas retiré.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Le mécanisme de guichet proposé par l’amendement existe d’ores et déjà. Par ailleurs, il n’est pas certain que ces dispositions relèvent de la loi. Je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi j’émettrai, moi aussi, un avis défavorable.
M. Martial Saddier. Si j’ai bien précisé qu’un dispositif existait déjà. Mais il ne fonctionne pas parce qu’il est trop centralisé.
Si vous comptez sur le dispositif actuel pour vendre l’usine à gaz qu’est ce texte, vous prenez un double risque d’incompréhension et de blocage et la loi ne sera pas appliquée.
Mon amendement est un amendement d’alerte : il vise à décliner un guichet unique département par département et à engager tous les acteurs autour des préfets de département.
Monsieur le président, vous nous avez informés de la possibilité de voter par procuration aux élections sénatoriales. Alors que nous regrettons tous l’abstention croissante aux élections, il serait pour le moins fâcheux que les grands électeurs de la représentation nationale ne puissent pas, physiquement, participer à un scrutin élisant la deuxième chambre du Parlement.
En serions-nous arrivés là ?
M. le président François Brottes. Je réunis à l’issue de cette séance le bureau et les rapporteurs pour organiser la poursuite de nos travaux.
M. Bertrand Pancher. Les dispositifs d’information mis en place par l’État ne fonctionnent pas : tous les élus locaux, de gauche comme de droite, le savent.
Les moyens étant trop éparpillés, il serait souhaitable de les transférer aux collectivités territoriales en leur donnant mission, via des points d’information ou des sociétés de services en économie d’énergie, de muscler le dispositif, d’autant que nous assistons à une diminution notamment du nombre des agents de l’État sur les territoires.
Je partage les propos de M. Saddier, que j’avais mal interprétés dans un premier temps.
M. le secrétaire d’État. Seul le système d’information est aujourd’hui centralisé. De plus, votre constat d’échec doit être nuancé, voire infirmé puisque le nombre des ménages ayant bénéficié des crédits de l’Agence nationale de l’habitat – ANAH – dans le cadre du programme « Habiter mieux » a été multiplié par trois depuis 2012.
L’amendement CS173 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CS104.
Elle examine ensuite l’amendement CS257 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS257 vise à créer une recette additionnelle, ce qui, il est vrai, n’est pas très populaire en ces temps difficiles.
L’évaluation technique des nouveaux produits de la construction a un intérêt direct pour les compagnies d’assurance, du fait que cette activité permet de réduire à la source les risques mis en jeu par le régime de responsabilité décennale, ce qui profite, de facto, aux compagnies d’assurance, qui exigent des avis techniques pour assurer les bâtiments. Or les compagnies ne participent pas financièrement au processus d’évaluation technique : membres de l’Agence de la qualité de la construction (AQC), un organisme privé, elles se contentent de participer à l’aval technique puisque l’AQC gère les informations relatives aux sinistres constatés en cherchant à identifier les sinistres sériels.
Alors que le CSTB souffre aujourd’hui d’un manque de moyens, cette recette conforterait son rôle, en lui permettant de mieux accompagner les entreprises dans les régions. Je tiens à souligner que les CSTB accompagnent déjà des PME-PMI en Bourgogne, en Alsace, dans les Pays-de-la-Loire ou en Gironde, dans l’évaluation technique. Bien qu’elles y soient opposées, les assurances doivent participer à ce dispositif.
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques a adopté cette disposition à l’unanimité.
M. le secrétaire d’État. Ce débat sur les moyens du CSTB a plus sa place dans l’examen du projet de loi de finances. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement – d’autant que la discussion sur la gouvernance du CSTB a été renvoyée à la séance publique.
Il ne faudrait pas non plus qu’une telle initiative entre en contradiction avec la politique du Gouvernement de relance du logement.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je suis également favorable au retrait de l’amendement.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je le retire.
L’amendement CS257 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements identiques CS1334 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1613 de M. Joël Giraud.
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1334 prévoit la création d’un seuil d’alerte précarité énergétique entraînant, à compter du 1er janvier 2025, une obligation de réaliser des travaux.
Les logements dont la performance énergétique crée des situations de précarité énergétique seront identifiés, notamment via une enquête auprès des personnes sollicitant des aides aux impayés d’énergie.
Les propriétaires de ces logements seront contactés afin d’être sensibilisés aux différentes aides pour réaliser les travaux. Ils devront mettre en place le volet énergétique du carnet de santé du logement dans un délai fixé par voie réglementaire puis réaliser les travaux dans un délai de dix ans, afin de sortir du seuil d’alerte.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1613 prévoit un plan contraignant à long terme visant à mettre fin aux situations de précarité énergétique qui sont liées à la très faible performance énergétique des bâtiments.
M. le secrétaire d’État. Ces amendements ouvrent un débat de fond sur la méthode, puisqu’ils reviennent à demander aux propriétaires concernés, qu’ils soient bailleurs ou occupants, à réaliser des travaux. Or il apparaît difficile pour des questions sociales d’obliger notamment des propriétaires occupants en situation de précarité énergétique de réaliser de tels travaux. Ces publics, qui sont pour la plupart fragiles, ont besoin de mesures d’accompagnement plutôt que de mesures coercitives.
Il vaut mieux continuer à les accompagner avec le programme « Habiter mieux » que les confronter à des obligations qu’ils ne pourraient pas honorer en raison de leur manque de moyens financiers.
Ces amendements risquant d’avoir un effet contraire à l’objectif recherché, je vous demande de bien vouloir les retirer.
Mme Sabine Buis, rapporteure. On ne saurait faire abstraction de la situation financière dans laquelle se trouvent de nombreux ménages. Par ailleurs, c’est l’article 5 qui traite la question des travaux de rénovation. Je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.
M. Jean-Paul Chanteguet. Je retire l’amendement tout en soulignant qu’il ne prenait effet qu’à compter du 1er janvier 2025. Il convient d’adopter dans le reste du texte des dispositions permettant de mieux lutter contre la précarité énergétique.
M. Joël Giraud. Avant de retirer mon amendement, j’aimerais connaître la teneur finale de l’article 5.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Vous avez sous les yeux l’article 5 tel qu’il a été rédigé par le Gouvernement. En revanche, personne ne connaît sa rédaction définitive, les amendements à cet article n’ayant pas encore été examinés. Il n’en reste pas moins que votre amendement entre dans le cadre de cet article.
M. Joël Giraud. Je maintiens l’amendement.
L’amendement CS1334 est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS1613.
La Commission examine ensuite l’amendement CS524 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cet amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur la mise en œuvre d’une incitation à la rénovation énergétique par le biais d’un dégrèvement de la taxe foncière.
Par ailleurs, j’indique à M. Baupin que ses assertions sur les exportations et les importations d’électricité entre la France et l’Allemagne sont totalement fausses. Les chiffres qu’il a cités, issus de RTE, portent sur les contrats échangés au niveau des bourses européennes alors que ce sont les échanges physiques qu’il faut prendre en compte. Or les chiffres donnés à ce sujet par les douanes françaises, accessibles sur le site internet du ministère des finances, font apparaître pour janvier, février et mars 2013 un solde positif en faveur de la France, de l’ordre de 200 à 600 gigawattheures.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le code général des impôts prévoit la possibilité pour les communes et les EPCI d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties, à concurrence de 50 % ou de 100 %, les logements achevés avant le 1er janvier 1989 ayant fait l’objet par le propriétaire de dépenses d’équipements éligibles au crédit d’impôt dédié au développement durable.
Cette disposition est méconnue alors même qu’elle peut faciliter la décision du propriétaire de se lancer dans des travaux de rénovation. Une transposition aux bâtiments non résidentiels pourrait être étudiée. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La commission en vient à l’amendement CS72 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. En matière de diagnostic énergétique, des initiatives existent au plan local, mais elles impliquent des disparités. Pour assurer l’égalité de tous, je suggère, en bon républicain, de mettre en place un service public national qui permettra d’harmoniser les méthodes là où des dispositifs sont déjà place et d’encourager les bonnes pratiques là où ils ne le sont pas encore.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre dans les six mois suivant la promulgation de la loi un rapport au Parlement sur la création d’un tel service public. J’ai l’espoir qu’il aura en outre la vertu de nous engager dans un débat de fond, au-delà des multiples questions techniques, sur ce qu’est un service public et de nous conduire à une forme de consensus.
M. le secrétaire d’État. Comme la commission a rejeté la création du service public du diagnostic énergétique sur la mise en place duquel vous demandez un rapport, la cohérence impose de demander le retrait de l’amendement.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 5
(articles L. 111-9 et L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation,
et article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)
Dispositions réglementaires applicables en matière de performance énergétique des bâtiments et règles de majorité au sein des copropriétés
pour les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique
Cet article vise à faire prendre en compte l’amélioration de la performance énergétique en cas de travaux importants de ravalement, de toiture ou d’aménagement de nouvelles pièces.
1. L’état du droit
— Figurant au sein de la section IV du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, consacrée aux caractéristiques et aux performances énergétiques et environnementales des bâtiments, l’article L. 111-10 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer :
– les caractéristiques énergétiques et environnementales et la performance énergétique et environnementale – notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la maîtrise de l’énergie, de la production d’énergie renouvelable, de la consommation d’eau et de la production de déchets – des bâtiments ou parties de bâtiment existants qui font l’objet de travaux, en fonction des catégories de bâtiments, du type de travaux envisagés ainsi que du rapport entre le coût de ces travaux et la valeur du bâtiment ;
– les catégories de bâtiments ou parties de bâtiments existants qui font l’objet, avant le début des travaux, d’une étude de faisabilité technique et économique évaluant les diverses solutions d’approvisionnement en énergie, ainsi que le contenu et les modalités de réalisation de cette étude ;
– les caractéristiques thermiques que doivent respecter les nouveaux équipements, ouvrages ou installations mis en place dans des bâtiments existants, en fonction des catégories de bâtiments considérées ;
Il prévoit par ailleurs que les mesures visant à améliorer les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments existants ainsi que leur impact sur les loyers, les charges locatives et le coût de la construction sont évalués dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
— En dépit des nombreuses modifications dont elle a fait l’objet au cours des années récentes, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 demeure le texte de référence fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Ses articles 24 et 25 règlent les conditions de vote et de majorité dans lesquelles sont prises les décisions de l’assemblée générale des copropriétaires. Aux termes de l’article 24, relèvent ainsi de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés, par exemple :
– les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement ;
– les modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique, notifié au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic ;
– les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis son établissement.
Inversement, relèvent de la majorité de l’article 25, c’est-à-dire la majorité des voix de tous les copropriétaires, certaines décisions comme l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, la désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical, la modification de la répartition des charges communes ou encore l’installation de compteurs d’énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage.
2. Les modifications apportées par le projet de loi
— Le paragraphe I (alinéas 1er à 10) de cet article réécrit dans sa totalité l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation.
La nouvelle rédaction proposée reprend la plupart des dispositions figurant dans la rédaction actuelle (1°, 2°, 7° et 8°). Elle complète néanmoins cette liste conformément aux objectifs visés par le titre II du projet de loi, c’est-à-dire favoriser une meilleure isolation des bâtiments par des mécanismes plus contraignants. Il revient ainsi au décret en Conseil d’État auquel renvoie l’article L. 111-10 précité de déterminer, en outre :
– les catégories de bâtiments existants qui font l’objet, lors de travaux de ravalement importants, d’une isolation de la façade concernée, excepté lorsque celle-ci n’est pas réalisable techniquement ou juridiquement ou qu’il existe une disproportion manifeste entre ses avantages et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale ;
– les catégories de bâtiments existants qui font l’objet, lors de travaux importants de réfection de toiture, d’une isolation de cette toiture, sous ces mêmes réserves ;
– les catégories de bâtiments résidentiels existants qui font l’objet, lors de travaux d’aménagement de pièces ou de parties de bâtiment annexes en vue de les rendre habitables, de travaux d’amélioration de la performance énergétique de ces pièces ou de ces parties de bâtiment annexes ainsi que la nature des travaux susceptibles d’être entrepris, en fonction de leur coût et de leur impact sur la superficie des pièces.
Devenu obsolète, le renvoi à un rapport du soin d’évaluer l’efficacité des mesures prises, cinq ans après la publication de la loi du 13 juillet 2005 précitée, se trouve supprimé par cohérence.
— Le paragraphe II (alinéas 11 et 12) complète la liste des opérations relevant des conditions de majorité prévues par l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire la majorité simple des voix des copropriétaires présents ou représentés : la nouvelle rédaction proposée prévoit d’y inclure les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique prévues en application des 3° et 4° de l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation, à l’occasion de travaux affectant les parties communes.
3. La position de votre co-rapporteure
La réglementation thermique des bâtiments existants ne fixe aujourd’hui d’exigences que lors de rénovations lourdes ou lorsque les maîtres d’ouvrage entreprennent des travaux de remplacement ou d’installation de matériaux d’isolation ou de systèmes énergétiques portant sur le chauffage, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage ou la ventilation.
L’objet de la modification de l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation étant de profiter d’un premier investissement des maîtres d’ouvrage pour engager en même temps des travaux d’économies d’énergie, votre co-rapporteure ne peut fortement soutenir cette idée « d’embarquer la rénovation énergétique » à l’occasion de travaux significatifs réalisés sur l’enveloppe du bâtiment (façades, toiture). Associer l’amélioration énergétique de celui-ci à l’occasion d’une rénovation crée en effet une opportunité de faire gagner le bâtiment en confort et en valeur, permet des économies d’échelle et évite de multiplier les interventions.
Votre co-rapporteure estime néanmoins important d’encadrer ce principe par la prise en compte de l’ensemble des critères techniques, architecturaux et économiques pertinents pour juger de la faisabilité d’une rénovation énergétique. Le décret en Conseil d’État qui aura à préciser ces critères ne devra en effet pas avoir pour conséquence d’imposer le doublage par l’extérieur des façades de bâtiments anciens ou traditionnels qui, sans présenter de valeur patrimoniale exceptionnelle justifiant leur protection par un classement, sont constitutifs de l’identité architecturale et visuelle de notre pays (fermes, mas, longères, immeubles en pierre meulière, etc.).
Par ailleurs, votre co-rapporteure s’interroge sur l’opportunité d’imposer, de manière uniforme, le même dispositif sur tout le territoire et pour toutes les catégories de bâtiment. L’étude d’impact annexée au projet de loi indique en effet, s’agissant d’une isolation thermique par l’extérieur lors d’un ravalement de façade, que « l’intérêt économique de cette mesure reste variable selon la typologie de logements étudiés, la nature de l’énergie principale de chauffage (plus rentable en électricité qu’en gaz) et la zone climatique. En effet, les travaux d’isolation de la façade pour les bâtiments implantés dans le pourtour méditerranéen apparaissent dans une grande majorité des cas comme non rentables (temps de retour pouvant être supérieurs à 30 ans). On constate [en revanche] des temps de retour particulièrement faibles dans le cas de ravalement de très grands immeubles (7 ans) car les économies d’énergie générées sont substantielles et le surcoût lié à l’isolation est relativement faible par rapport aux coûts fixes (de 30 à 40 % de surcoût). »
Votre co-rapporteure a, par ailleurs, proposé « d’embarquer la rénovation » acoustique des logements situés dans un point noir du bruit, à l’occasion de travaux de rénovation mentionnés à l’article 5.
Elle a également proposé d’amender la rédaction du projet de loi afin que l’obligation d’effectuer des travaux n’entraîne pas la perte pour les ménages, notamment les plus précaires, des dispositifs de soutien existants.
Enfin votre co-rapporteure a souhaité asseoir l’existence juridique de deux outils fortement plébiscités par les ménages :
– d’une part, les plateformes territoriales de la rénovation énergétique, sur lesquelles devra s’appuyer le service public de la performance énergétique de l’habitat, et qui continueront à fournir aux citoyens les informations techniques et financières nécessaires à l’élaboration de leur projet de rénovation ;
– d’autre part, les groupements d’artisans, qui pourront mieux s’organiser afin de proposer une offre groupée, avec la possibilité d’un interlocuteur unique, notamment dans le domaine de la rénovation énergétique des bâtiments et de l’accessibilité.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CS73 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Cet amendement vise à supprimer l’article 5. L’obligation de travaux supplémentaires constitue une contrainte pour les propriétaires qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires. Une incitation fiscale les aurait poussés à faire un calcul économique et financier en cherchant un équilibre entre le coût de la rénovation énergétique et les économies d’énergies qui en découlent. Sans cet équilibre, il n’y aura pas de rénovation énergétique.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Avis défavorable. Le Gouvernement ne saurait accepter la remise en cause de la rénovation énergétique des bâtiments existants.
Mme Sabine Buis, rapporteure pour les titres II et IV. Avis défavorable.
M. Martial Saddier. Nous cherchons tous à éviter de voter des dispositions qui amèneraient les particuliers à supporter des charges considérables. J’exhorte le Gouvernement à bannir toute rédaction qui l’empêcherait de mettre en place des aides pour la rénovation des appareils de chauffage et pour les travaux en faveur de l’efficacité énergétique. Il faut que la loi lui permette de prendre des décrets en ce sens s’il souhaite le faire ultérieurement.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine les amendements identiques CS899 de M. Christophe Bouillon, CS1474 de Mme Cécile Duflot et CS978 de M. Martial Saddier.
M. Christophe Bouillon. Mon amendement introduit des niveaux de performance qu’il est nécessaire d’atteindre lors des travaux de rénovation énergétique. Il est cohérent avec la volonté gouvernementale d’accélérer la rénovation énergétique du parc bâti, tout en n’enfermant pas les propriétaires dans une obligation de rénovation trop contraignante.
M. le secrétaire d’État. La réglementation respectant nécessairement les objectifs de la politique énergétique, ces amendements ne sont pas véritablement nécessaires. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
La Commission adopte ces amendements identiques.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement CS849 de M. Julien Aubert.
Puis elle est saisie des amendements identiques AS93 de M. Martial Saddier et AS1935 de M. Jacques Krabal.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
L’amendement AS1935 est retiré.
La Commission rejette l’amendement AS93.
Elle en vient à l’amendement AS1475 de Mme Cécile Duflot.
Mme Cécile Duflot. L’obligation d’améliorer significativement la performance énergétique doit être étendue à tous les bâtiments existants qui font l’objet de travaux de rénovation, sans qu’il soit besoin de préciser que ces travaux doivent être « importants ». L’importance est une notion imprécise qui n’est pas juridiquement définie ; il serait regrettable de la faire entrer dans la loi.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Dans la réglementation thermique des bâtiments existants issue du Grenelle de l’environnement, il est d’ores et déjà fait référence aux « travaux de rénovation importants ».
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
M. Julien Aubert. L’adoption de l’amendement aurait-elle des conséquences financières pour ceux qui doivent réaliser les travaux ?
M. Jean-Marie Tetart. Cette notion de « travaux de rénovation importants » mérite tout de même d’être précisée. L’alinéa 5 de l’article fait par exemple référence au ravalement. Cela peut-il ne concerner que de simples travaux de peinture. Ne vaudrait-il pas mieux dans ce cas évoquer des « travaux qui touchent à la structure de la façade » ?
M. le secrétaire d’État. Le projet de loi impose l’isolation thermique lorsqu’elle est techniquement réalisable. Le surinvestissement pour le propriétaire est alors relativement faible car il bénéficie d’une mutualisation des travaux. L’adoption de cet amendement lui imposerait en revanche des dépenses sans commune mesure avec l’investissement initial. Nous n’allons pas obliger un propriétaire à isoler toute une façade qu’il a seulement prévu de nettoyer ! Il serait de la même façon disproportionné d’imposer d’isoler totalement une toiture quand un artisan se contente de changer quelques tuiles.
M. Jean-Marie Tetart. Qui jugera de l’« importance » des travaux ?
M. le secrétaire d’État. Des précisions seront évidemment apportées par la voie réglementaire.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS5 de la rapporteure.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1011 de M. Bertrand Pancher et CS1431 de M. Philippe Bies.
M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS1431 vise à intégrer les modalités de contrôles de l’atteinte des objectifs dans la liste des éléments déterminés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article 5.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable sur les deux amendements. Monsieur Pancher, le cadre législatif français, tel que complété par le présent projet de loi, est conforme à la directive européenne du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments. La comparaison entre la réglementation thermique applicable aux bâtiments neufs, et celle valables pour les bâtiments existants est difficile car les exigences ne peuvent être comparables.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis. Les précisions apportées par l’amendement CS1011 sont inutiles : la directive du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments et l’article L. 100-4 du code de l’énergie sont évidemment pris en compte, et l’actualisation régulière du référentiel constitue une obligation.
Les amendements sont retirés.
L’amendement CS1934 de M. Jacques Krabal est également retiré.
Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS94 de M. Martial Saddier.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CS1620 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. L’étude de faisabilité technique et économique doit intégrer, outre les solutions d’approvisionnement, une analyse des systèmes énergétiques du bâtiment.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Cette précision est superflue puisque les rénovations importantes sont soumises à la réglementation thermique dans l’existant.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Pour ma part, je suis plutôt favorable à l’amendement.
M. Joël Giraud. Les arguments de M. le secrétaire d’État me montrent que l’amendement est satisfait. Il est donc retiré.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1974 de la rapporteure.
Elle examine l’amendement CS1924 de M. Philippe Plisson.
M. Philippe Plisson. Il s’agit de permettre aux utilisateurs de connaître et de maîtriser leur consommation d’énergie. S’ils disposent d’informations, ils pourront mettre en œuvre les travaux qu’ils jugeraient nécessaires pour réduire leur consommation.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable.
M. Julien Aubert. L’exposé sommaire indique qu’il s’agit de permettre à chacun de « piloter en connaissance de cause sa consommation ». Est-ce une référence aux smart grids et à la « gestion active » – ce qui serait positif – ou à l’installation d’appareil dans chaque logement – ce qui poserait un problème de coût ?
M. Philippe Plisson. Votre première hypothèse est la bonne !
La Commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS105 de M. Martial Saddier.
L’amendement CS1932 de M. Jacques Krabal est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement identique CS95 de M. Martial Saddier.
Suivant le même avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS183 de M. Martial Saddier.
L’amendement identique CS1256 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l’amendement CS143 de M. Jean-Marie Tetart.
Elle en vient à l’amendement CS778 de M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Lors des auditions, nous avons entendu dénoncer le tropisme du projet de loi en faveur de l’efficacité énergétique passive – isolation, installation d’équipements performants… Nous avons en conséquence souhaité opérer un rééquilibrage en faveur des actions d’efficacité énergétique active : équipements permettant de gérer et de piloter la consommation d’énergie…
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Dans l’esprit du projet de loi, l’isolation de façade ou de toiture effectuée lors de travaux importants ne crée pas un surcoût considérable : les entreprises sont sur place, les échafaudages sont installés… Il en irait bien autrement si l’amendement de M. Aubert était adopté, car il prévoit une rénovation énergétique complète des bâtiments concernés.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
M. Julien Aubert. Les arguments du ministre m’ont convaincu. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CS869 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Cet amendement a pour objet de permettre au pouvoir réglementaire d’associer les travaux d’isolation des façades de certaines catégories de bâtiments existants à des actions visant à préserver la qualité de l’air intérieur, à un redimensionnement de leurs équipements de chauffage ainsi que l’installation d’un système de pilotage de la consommation énergétique.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Les travaux concernant la qualité de l’air intérieur, le système de chauffage, et la gestion active de l’énergie peuvent être réalisés indépendamment de l’intervention initiale. Les catégories de travaux mentionnées dans l’amendement sont déjà couvertes par les règlementations sanitaire ou thermique pour l’existant.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS591 de M. Michel Sordi et les amendements identiques CS140 de M. Jean-Marie Tetart et CS184 de M. Martial Saddier.
M. Michel Sordi. Il faut sécuriser les travaux d’isolation engagés. L’expression proposée à l’alinéa 5, « lorsque celle-ci n’est pas réalisable techniquement ou juridiquement », est trop vague. Elle pourrait donner lieu à des recours car les critères qui rendent impossible la réalisation technique et juridique des travaux d’isolation ne sont pas définis.
Le mécanisme proposé pose le principe de la réalisation d’une étude de faisabilité préalable pour renoncer à une isolation de façade. Elle pourrait être menée par le maître d’œuvre, architecte ou bureau d’étude.
M. Jean-Marie Tetart. Le principe d’une étude a été retenu pour ce qui concerne la mise en accessibilité des commerces pour les personnes à mobilité réduite. Une commission est même chargée de se prononcer sur la sincérité de cette étude.
M. Martial Saddier. Il s’agit de rendre la loi plus précise.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Un décret en Conseil d’État précisera les motifs permettant de déroger à l’obligation d’isolation. Étant donné la diversité des situations à prendre en considération, ces précisions ne peuvent être apportées dans la loi. Dans certains cas, il ne me paraît pas opportun d’imposer des surcoûts inutiles pour financer une étude.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Si nous renvoyions à une étude, de nombreuses questions se poseraient sur son responsable, son contenu, son impartialité et sa qualité.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l’amendement de précision CS6 de la rapporteure.
Elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement CS981 de M. Martial Saddier, des amendements identiques CS2132 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1476 de Mme Cécile Duflot et CS368 de M. Antoine Herth, et des amendements CS182 de M. Martial Saddier et CS948 de M. Julien Aubert.
M. Martial Saddier. Il s’agit de supprimer la dérogation à l’obligation de travaux pour améliorer la performance énergétique fondée sur « l’existence d’une disproportion manifeste entre avantages et inconvénients de nature technique, économique ou architecturale ».
M. Jean-Paul Chanteguet. Mon amendement a le même objet.
M. Julien Aubert. Une dérogation doit être prévue si les travaux ne sont pas pertinents au regard de critères économiques, énergétiques, techniques, environnementaux, juridiques ou architecturaux. N’allons pas trop loin ! La loi doit permettre aux agents économiques de prendre en compte les éléments qui minoreraient l’avantage qu’ils ont à faire des travaux d’isolation.
M. le secrétaire d’État. À défaut d’un retrait de ces amendements, le Gouvernement émettra sur chacun d’eux un avis défavorable. Dans le cadre de notre politique énergétique, il n’est pas possible d’imposer des travaux dont l’efficacité serait très limitée en termes d’économies d’énergies au regard des investissements consentis. Il existe bien une « disproportion manifeste » dès lors, par exemple, qu’il s’agit d’entreprendre des travaux d’isolation sous un climat méditerranéen, ou lorsque la performance initiale d’un bâtiment est déjà élevée.
Mme Sabine Buis. Avis défavorable.
Mme Cécile Duflot. La notion de « disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients » me paraît juridiquement mal fondée. Le Gouvernement est-il certain de sa solidité juridique ? Peut-il nous éclairer sur le sujet ?
M. le secrétaire d’État. La loi fixe des principes que le règlement met en œuvre. Un décret en Conseil d’État apportera les précisions que vous demandez.
M. le président François Brottes. Les dérogations sont nécessaires, mais il faudra éviter toute manœuvre dilatoire. Le décret devra y veiller, et il faudra l’appliquer.
M. Julien Aubert. Vous renvoyez très souvent, monsieur le ministre, au pouvoir réglementaire, mais il me semble important que le législateur décide quels avantages et inconvénients sont à prendre en considération. Que vous déterminiez réglementairement ce que l’on appelle un avantage économique ou un inconvénient patrimonial, c’est une chose, mais êtes-vous sûr qu’il soit pertinent d’invoquer les articles 34 et 37 de la Constitution ? La loi ne doit pas trop encadrer, mais elle doit tout de même orienter.
Mme Cécile Duflot. Je me demande s’il n’y a pas un risque d’incompétence négative à ce que le législateur laisse tant dans le flou la définition du décret.
M. le secrétaire d’État. Le pouvoir réglementaire n’aura pas la liberté d’inventer les critères. La loi dispose que ce sont des critères techniques, des critères patrimoniaux et des critères de coût. Le décret en précisera seulement les proportions.
M. Martial Saddier. Si le logement comporte une vieille chaudière à fioul de quarante ans d’âge, qui est une vraie passoire, peut-on espérer que le Gouvernement et la majorité ne ferment pas la porte à un encouragement, voire une aide, pour que le propriétaire en change ? C’est très important.
M. le secrétaire d’État. Si le Gouvernement décide un jour d’aller dans ce sens, il peut ajouter un tel dispositif dans une loi de finances. Je ne prends aucun engagement, mais ce n’est pas parce que nous ne l’écrivons pas aujourd’hui que cela ne se fera jamais.
La Commission rejette successivement ces amendements.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS233 de M. Damien Abad, CS544 de M. Antoine Herth et CS1614 de M. Jacques Krabal, et l’amendement CS1015 de M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Les alinéas 5 et 6 suspendent l’obligation de réaliser certains travaux s’il existe une disproportion jugée manifeste entre les avantages et les inconvénients de ces travaux. Le terme « manifeste » est particulièrement imprécis, voire subjectif. Dans le cas d’une disproportion avérée, le marché étant sensible à toute augmentation des coûts, ce type d’exigence peut conduire à des blocages et induire l’effet inverse de celui qui est recherché, en incitant les ménages à ne pas réaliser de travaux. Il semble donc préférable de supprimer ce terme.
Je souhaite bon courage à ceux qui appliqueront cet article, dont la logique, au demeurant, est fort simple. L’État n’ayant pas d’argent pour accompagner financièrement la transition énergétique, il impose des obligations de rénovation dans le cadre de travaux dits lourds. C’est facile, mais cela ne réglera pas le problème des propriétaires désargentés, et le contrôle, dans un contexte de moyens déconcentrés de l’État de plus en plus modestes, ne sera pas assuré.
J’ai rencontré un retraité du ministère de l’environnement, qui avait été en charge des installations classées. Il m’a montré la liste des obligations et des effectifs de son service dans la Meuse il y a dix ans, et la même liste aujourd’hui : les obligations ont doublé et les effectifs ont été réduits d’un tiers. Vous avez beau légiférer, nous n’avons plus aucun moyen de contrôle.
M. le président François Brottes. Je rappelle qu’au moment même où la loi Grenelle était en préparation, on prévoyait de ne pas remplacer un fonctionnaire partant en retraite sur deux. Par ailleurs, le terme « manifeste » n’est pas nouveau.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le caractère manifeste de la disproportion est important pour maintenir l’efficacité du dispositif. Un décret en Conseil d’État précisera les motifs pouvant être invoqués pour déroger à l’obligation d’isolation. Compte tenu de la diversité des situations à prendre en considération, cela ne peut être fixé au niveau législatif.
L’amendement CS1614 est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements identiques CS233 et CS544 ainsi que l’amendement CS1015.
L’amendement CS872 de Mme Frédérique Massat est retiré.
La Commission examine les amendements identiques CS96 de M. Martial Saddier et CS1930 de M. Jacques Krabal.
M. Martial Saddier. Il s’agit de préciser que l’alinéa 6 de l’article 5 s’applique aux bâtiments « à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public ».
M. le secrétaire d’État. Défavorable. Le secteur du logement est très énergivore et présente un potentiel important de réduction des consommations d’énergie. Restreindre la réglementation serait un écart vis-à-vis de la directive européenne sur la performance énergétique du bâtiment. L’obligation de travaux dans le tertiaire est un dispositif complémentaire du présent dispositif, car elle vise à fixer des objectifs d’amélioration de la performance énergétique systématiquement et indépendamment de la décision du maître d’ouvrage d’entreprendre les travaux.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Défavorable. Il n’y a aucune raison d’exempter les bâtiments individuels ou collectifs à usage d’habitation de l’obligation d’engager des travaux de rénovation.
L’amendement CS1930 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CS96.
La Commission examine les amendements identiques CS186 de M. Martial Saddier et CS1261 de M. Jean-Paul Chanteguet.
L’amendement CS1261 est retiré.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS186.
La Commission examine les amendements identiques CS144 de M. Jean-Marie Tetart et CS187 de M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Il s’agit d’un amendement de sécurisation juridique.
M. le secrétaire d’État. Défavorable. Il n’est pas nécessaire d’imposer systématiquement une étude, qui pourrait s’avérer source de surcoûts inappropriés.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ces amendements identiques.
La Commission adopte l’amendement de précision CS7 de la rapporteure.
La Commission examine les amendements identiques CS369 de M. Antoine Herth, CS1477 de Mme Cécile Duflot et CS2133 de M. Jean-Paul Chanteguet.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Un des axes importants de la politique énergétique nationale est de concentrer les investissements sur les actions les plus efficaces. Ces amendements auraient pour conséquence d’imposer des travaux dont l’efficacité est très limitée en termes d’économies d’énergie ou au regard des investissements consentis.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Défavorable également. Il convient de maintenir la possibilité de ne pas réaliser les travaux d’isolation si leur coût est prohibitif par rapport aux gains attendus ou si le temps de retour sur investissement se chiffre en dizaines d’années. Ne pas considérer l’équilibre financier de l’opération pourrait conduire à imposer la réalisation de travaux non justifiés.
La Commission rejette ces amendements identiques.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS1017 de M. Bertrand Pancher.
La Commission examine les amendements identiques CS232 de M. Damien Abad, CS541 de M. Antoine Herth et CS1615 de M. Jacques Krabal.
M. Martial Saddier. Il semble que le mot « locaux » soit plus approprié juridiquement que le mot « pièces ».
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. La pièce est rattachée à la notion de logement, alors que le local a un sens plus large et peut avoir une autre destination : un local technique, par exemple.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis. Le terme « pièce » fait référence à un espace ou à un lieu d’habitation. Le terme « local » est, quant à lui, susceptible de couvrir un ensemble d’espaces beaucoup plus large, comme des locaux d’entreposage ou des locaux techniques. Il est donc préférable de conserver la rédaction actuelle.
M. Julien Aubert. À l’alinéa 7, nous lisons : « pour les rendre habitables ». Si j’aménage un garage, je rends habitable un local et non une pièce. Une pièce, selon moi, est déjà habitable.
Mme Cécile Duflot. L’alinéa 7 parle de bâtiments résidentiels. Dès lors, même un garage est une pièce.
Ces amendements identiques sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS231 de M. Damien Abad et CS1922 de M. Philippe Plisson.
M. Philippe Plisson. Il s’agit, comme pour mon précédent amendement, de prévoir la possibilité d’installation de systèmes permettant à l’utilisateur de maîtriser sa consommation d’énergie.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. L’alinéa 8 définit la nature des travaux d’amélioration de la performance énergétique lors de travaux d’aménagement de nouvelles pièces. Cela comprend la gestion active, et le décret d’application comportera donc des obligations sur ce point.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Compte tenu des explications du ministre, je souhaite le retrait des amendements.
L’amendement CS1922 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CS231.
La Commission adopte l’amendement de précision CS8 de la rapporteure.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1381 de M. Philippe Plisson et CS2134 de M. Damien Abad.
M. Philippe Plisson. Il s’agit de nouveau de démocratiser l’enjeu énergétique par le partage de la maîtrise.
M. le secrétaire d’État. L’argumentation est la même qu’à l’alinéa 8. Le décret d’application comprendra des obligations, notamment sur la gestion active.
Mme Sabine Buis, rapporteure. J’invite les auteurs de ces amendements à les retirer.
Les amendements sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS1418 de M. Philippe Plisson et les amendements identiques CS120 de M. Martial Saddier, CS472 de M. Antoine Herth et CS1929 de M. Jacques Krabal.
M. Philippe Plisson. Il s’agit de s’assurer, lors de la rénovation, que soient vérifiées non seulement la performance énergétique par l’isolation mais aussi la performance des équipements, de façon à ne pas avoir, dans des logements hermétiques, des équipements énergivores.
M. Martial Saddier. Il convient d’être exemplaire dans le choix des matériaux.
M. le secrétaire d’État. Je souhaite le retrait de ces amendements, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable. Le terme « thermique » peut être jugé réducteur au regard des technologies d’efficacité énergétique existantes. Par ailleurs, il ne semble pas nécessaire de préciser l’ensemble de l’installation du bâtiment concerné par la réglementation, car cela alourdit la loi ; ces précisions viendront par décret.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
Les amendements sont retirés.
La Commission examine l’amendement CS106 de M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Cet article coûtera très cher à nos concitoyens. L’arbitrage interministériel a été défavorable, puisqu’elles ne sont pas dans ce texte, à des mesures d’incitation à la modernisation des appareils de chauffage ainsi qu’à des mesures financières de modernisation du parc automobile, qui se trouve dans un état catastrophique pour près de 13 millions de nos concitoyens. Il aurait été intéressant d’examiner les moyens de ne pas faire exploser la facture de nos concitoyens qui rénovent leur habitation, de ne pas leur faire supporter la totalité des coûts, et à cette fin d’établir un diagnostic global et hiérarchisé de ce qu’il est important de faire pour l’environnement. L’UMP ne souhaite pas que nos concitoyens soient assassinés fiscalement et financièrement.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Pour les opérations de rénovation énergétique importantes, il est très fréquent qu’un diagnostic soit réalisé par les maîtres d’ouvrage, pour comparer différentes solutions de rénovation avant de procéder aux travaux. Dans le secteur tertiaire, ce type de diagnostic est couramment pratiqué, et les obligations issues du décret en cours de préparation sur les obligations d’économies d’énergie encourageront cette démarche.
En ce qui concerne le secteur résidentiel, je souhaite également encourager cette démarche d’audit et d’accompagnement des ménages par un professionnel qualifié, mais sans ajouter de nouvelles obligations réglementaires pour les ménages. C’est l’objet du passeport rénovation qui sera mis en place dans les prochains mois pour accompagner, de manière incitative, les propriétaires souhaitant réaliser des travaux de performance énergétique.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également. L’amendement crée une dissymétrie de traitement entre différents types de bâtiments. Une démarche plus globale de type « passeport énergétique », dans le cadre duquel un diagnostic global serait réalisé avant le lancement des travaux, paraît préférable.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine l’amendement CS255 de M. Jean-Marie Tetart.
M. Jean-Marie Tetart. L’efficacité énergétique des immeubles collectifs est bien souvent faible. Nous avions discuté, au cours du débat sur la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », la possibilité, pour l’ajout d’un étage à des immeubles collectifs, de dérogations permettant de financer la rénovation énergétique de l’ensemble du bâtiment. La loi l’a permis dans les dents creuses seulement, et il est très rare, autrement, que les copropriétaires aient les moyens de la financer. Nous proposons donc d’écrire : « Les conditions dans lesquelles la construction et la commercialisation d’un étage supplémentaire, en vue d’atteindre l’équilibre financier de l’opération, ou de réaliser des opérations de rénovation plus importantes, est possible à titre dérogatoire, sous réserve de l’accord de la copropriété. »
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Les conditions d’autorisation préalable à la construction d’un étage supplémentaire ne sont pas régies par le code de la construction mais par la législation en matière d’urbanisme et le code civil. Du reste, le Gouvernement, par une ordonnance dite « Surélévation », a déjà pris des dispositions pour faciliter de telles opérations.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également, car l’amendement me paraît satisfait.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS367 de M. Antoine Herth, CS1263 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1478 de M. Denis Baupin.
M. Antoine Herth. Il s’agit de profiter du moment de la transaction immobilière pour exécuter un saut qualitatif de la rénovation thermique. La réglementation a créé une hiérarchie sur le marché, qui a intégré dans ses prix les conditions d’isolation d’un bâtiment. En revanche, il n’y a aucune obligation d’engager des travaux pour la personne qui acquiert à moindre prix un appartement mal isolé.
M. Jean-Paul Chanteguet. Il convient en effet de profiter de chaque transaction pour assurer une mise aux normes.
Mme Michèle Bonneton. Nous proposons qu’une telle mesure devienne obligatoire à partir de 2020, de façon que les propriétaires ne subissent pas un couperet dès la promulgation de la loi.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le principe est intéressant, mais ces amendements se heurtent à la réalité. Une personne âgée dépendante qui doit quitter son logement pour vivre dans un établissement, un travailleur soumis à une mutation professionnelle, un couple qui vend un appartement dans le cadre d’une séparation : pour ces personnes en difficulté, la vente est imposée par les aléas de la vie. Même si nous n’appliquons la mesure qu’en 2020, de telles situations existeront toujours.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Après avoir hésité à déposer un amendement allant dans le même sens, j’émets, compte tenu des difficultés d’application d’un tel dispositif, un avis défavorable.
M. le président François Brottes. Le marché joue déjà son rôle de régulateur, et les biens qui ne sont pas aux normes perdent de fait de leur valeur. Certains propriétaires n’ont pas les moyens financiers de mettre aux normes le bien qu’ils sont pourtant dans l’obligation de vendre, pour des raisons personnelles.
M. Michel Sordi. Lorsque des offices HLM procèdent à des cessions de logement à des particuliers pour se refaire de la trésorerie, on pourrait néanmoins envisager qu’ils soient soumis à une obligation de mise aux normes.
Mme Michèle Bonneton. J’entends les difficultés dont nous ont fait part le secrétaire d’État et la rapporteure, et c’est la raison pour laquelle nous avons indiqué comme horizon de départ de cette obligation 2020.
Il faut par ailleurs être conscient que le nombre de mutations est deux fois plus important que celui des mises sur le marché de logements neufs. La mesure que nous proposons aura donc un effet loin d’être négligeable sur la rénovation du parc.
M. Bertrand Pancher. Nous sommes ici dans un cas de figure identique à celui de l’assainissement des maisons individuelles. Le législateur a finalement imposé aux propriétaires un certain nombre d’obligations en la matière, instaurant une décote sur le prix de vente lorsque celles-ci n’étaient pas respectées. J’ai conscience qu’il s’agit de mesures assez techniques, mais l’expérimentation permettrait de tester des procédures adaptées. Cela pourrait faire l’objet d’un sous-amendement.
M. le président François Brottes. Le secrétaire d’État a évoqué les couples mariés sous le régime de la communauté et qui sont obligés de vendre leur bien immobilier en cas de divorce : telle est la réalité que nous expérimentons dans nos permanences.
M. Denis Baupin. Les mesures que nous proposons peuvent contribuer massivement à la rénovation énergétique des logements. Quant aux situations particulières, qu’on ne peut évidemment négliger, le secrétaire d’État a rappelé qu’un décret en Conseil d’État préciserait un certain nombre d’éléments techniques. Dans ces conditions ne peut-on pas, d’ici la discussion en séance publique, retravailler la rédaction de cet amendement conçu comme un signal adressé à nos concitoyens au sujet de la mise en place d’un dispositif qui ne sera effectif qu’en 2020 ?
M. Antoine Herth. On ne peut empêcher un propriétaire de vendre son bien s’il est dans l’obligation personnelle de le faire. Mais plaçons-nous du point de vue de l’acheteur. Dans mon chef-lieu de circonscription, il peut acquérir pour 250 000 euros un appartement de 65 à 70 mètres carrés de classe B ou C. Une même surface de classe E vaut 100 000 euros de moins. Ce qui importe, c’est que l’acheteur qui réalise cette économie de 100 000 euros ait l’obligation de réinvestir cette somme dans des travaux de rénovation, qu’il réalisera dans un délai et selon des modalités que pourra définir le décret.
M. Serge Letchimy. Je mesure la portée éthique de ces amendements, dont le but est d’inciter le vendeur ou l’acheteur à effectuer des travaux de rénovation, mais il ne faut pas perdre de vue qu’ils risquent de freiner le rythme des mutations immobilières. Des mesures ont déjà été prises pour favoriser la rénovation de l’habitat, notamment le financement des travaux à hauteur de 50 % pour les familles les plus modestes. Il ne faut pas entraver cette dynamique et conserver au marché des transactions toute sa fluidité.
Il faut distinguer par ailleurs le parc immobilier privé et le parc public. Dans ce dernier cas, on peut envisager d’imposer une obligation de mise aux normes, car il est anormal qu’un office public HLM puisse vendre des appartements sans les avoir rénovés.
M. Martial Saddier. Le Conseil national de l’air – dont je rappelle au passage qu’il attend depuis juin de voir ses membres renouvelés – a mis en place, à titre expérimental et sur des périmètres où la pollution de l’air était principalement due au chauffage domestique, l’obligation de procéder, lors de chaque transaction immobilière, à un diagnostic thermique devant notaire. Il ne s’agit d’étrangler ni l’acheteur ni le vendeur, mais que l’un et l’autre s’entendent, en toute connaissance de cause, sur les mises aux normes obligatoires et sur leur coût. Nous aurions été bien inspirés de reprendre dans la loi un tel dispositif pour le mettre en œuvre sur tout ou partie du territoire, en fonction notamment de nos trente-cinq plans de protection de l’atmosphère (PPA). Si le Conseil national de l’air est pour l’heure en sommeil, le juge européen des contentieux, lui, continue de travailler…
M. Julien Aubert. Le surcoût occasionné par les mesures proposées risque de bloquer des transactions sur un marché déjà tendu. Sans doute faudrait-il, dans ces conditions, envisager un dispositif d’exonération ou d’abattement fiscal permettant de le compenser. On peut également imaginer d’introduire un plafond dans le dispositif, en limitant l’obligation à des travaux dont le coût n’excède pas 3 ou 4 % de la valeur du bien. Ne perdons pas de vue que ce sont essentiellement les ménages modestes qui habitent les « passoires thermiques », et qu’ils n’en sortiront pas s’ils ne peuvent pas les vendre.
M. Antoine Herth. Le dispositif n’étant pas encore stabilisé, je retire mon amendement.
L’amendement CS367 est retiré.
M. le secrétaire d’État. Nous ne parlons pas ici d’une obligation de diagnostic mais de rénovation, qui peut d’ailleurs poser une question de constitutionnalité.
En ce qui concerne les HLM, la loi ALUR instaure déjà des obligations spécifiques en cas de vente. Dans le cas du domaine privé nous souhaitons privilégier les mesures incitatives – prêt à taux zéro ou crédit d’impôt –, qui existent déjà mais que l’on peut sans doute renforcer.
La Commission rejette successivement les amendements CS1263 et CS1478.
Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CS896 de M. Christophe Bouillon, qui fait l’objet du sous amendement CS2377 de la rapporteure.
M. Christophe Bouillon. Le cycle de rénovation est un cycle long, et il est rare qu’un bien soit rénové plus de deux fois en trente ou quarante ans. Alors que nous nous sommes fixé l’objectif ambitieux de rénover 500 000 logements par an d’ici 2017, nous souhaitons que la rénovation thermique soit également l’occasion d’engager une rénovation acoustique, les nuisances sonores étant pour nombre de Français un véritable problème.
M. le président François Brottes. Ceux qui sont maires ou l’ont été savent que le bruit est l’un des principaux motifs des conflits de voisinage.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Mon sous-amendement précise l’amendement de M. Bouillon, en insistant sur les bâtiments situés dans des points noirs du bruit.
M. le sous-secrétaire d’État. Il s’agit d’ajouter des obligations concernant les travaux de rénovation acoustique, obligations qui pourraient être à l’origine de coûts de mise en œuvre très importants. L’incitation et la sensibilisation apparaissent donc préférables au Gouvernement. La charge actuelle pesant sur les propriétaires ne constitue pas un contexte favorable pour soumettre les nouveaux équipements, ouvrages ou installations mis en place dans les bâtiments existants à des exigences acoustiques.
De même, les collectivités locales qui seraient concernées par l’amendement tel que rédigé – lequel ne se limite pas aux bâtiments d’habitation – et qui sont soumises par ailleurs à de nombreuses obligations de mise aux normes, notamment en matière d’accessibilité, d’isolation thermique, de sécurité incendie et de sécurité sismique, peuvent difficilement supporter des obligations nouvelles.
La spécificité de l’acoustique nécessite, lors des travaux dans les bâtiments existants, de prendre en compte les conditions d’exposition au bruit effective au cas par cas, afin de ne pas augmenter la perception des bruits intérieurs à un bâtiment, générant alors de nouvelles nuisances. Les objectifs de performance acoustique doivent être adaptés aux caractéristiques du bâtiment et à l’exposition au bruit extérieur. Un traitement acoustique différencié est généralement nécessaire selon la façade du bâtiment et selon les étages. Un objectif trop ambitieux pouvant au bout du compte se révéler néfaste au confort acoustique des occupants, le Gouvernement prend en compte le sous-amendement qui limite ces difficultés et, sous réserve de son adoption, émettra un avis favorable sur l’amendement.
M. le président François Brottes. La réhabilitation ne doit pas aggraver les problèmes acoustiques. Les analyses acoustiques reposent souvent sur des moyennes, ce qui n’a pas de sens lorsque la nuisance sonore provient, par exemple, du passage d’un train. Il est regrettable de ne pouvoir modifier ces règles, car elles ne tiennent pas compte de ce qu’éprouvent les gens dans la réalité.
La Commission adopte le sous-amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement sous-amendé.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS97 de M. Martial Saddier, CS473 de M. Antoine Herth, CS1717 de M. Jacques Krabal, et l’amendement CS895 de M. Christophe Bouillon.
M. Martial Saddier. J’aurais souhaité que l’on accorde plus d’attention à la qualité de l’air intérieur, sans se focaliser uniquement sur l’isolation. Je prédis que, dans dix ans, il nous faudra revenir sur des travaux d’isolation qui n’ont tenu compte ni de l’insonorisation ni de la qualité de l’air intérieur. Il n’est peut-être pas trop tard pour y réfléchir avant la discussion en séance publique.
M. le président François Brottes. D’autant qu’il existe aujourd’hui des capteurs permettant de mesurer la qualité de cet air.
M. Antoine Herth. Il s’agit de favoriser les filières bio-sourcées pour les matériaux d’isolation.
M. Joël Giraud. Les produits bio-sourcés apportent des bénéfices en termes énergétiques mais aussi en matière de qualité de l’air.
M. Christophe Bouillon. Mes arguments sont identiques.
M. le secrétaire d’État. Si le Gouvernement partage vos objectifs, il vous alerte sur le fait que l’imposition d’un taux minimal de bois dans la construction a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel. Il est évident que toute obligation de même nature encourrait la même sanction et nous exposerait au risque d’une question préalable de constitutionnalité. Il faut donc s’en tenir à des recommandations ou à des mesures d’encouragement. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je souhaite pour ma part soutenir ce type d’initiative. Avis favorable.
M. Christophe Bouillon. Sensible au soutien de la rapporteure, je le suis également aux arguments du secrétaire d’État. Je souhaiterais avoir des précisions sur les recommandations auxquelles il songe pour aider la filière. Dans l’attente, je retire mon amendement.
L’amendement CS895 est retiré.
M. le président François Brottes. J’étais personnellement très favorable, à l’origine, à l’idée d’imposer un pourcentage minimum de bois dans la construction. Or cette idée a surtout permis aux maîtres d’œuvre de se donner bonne conscience en se limitant aux minima requis, et elle a par ailleurs favorisé les importations, nos filières n’étant pas prêtes. Par ailleurs, conjuguer rénovation thermique et isolation acoustique exige parfois de recourir à une diversité de matériaux, dont tous ne sont pas bio-sourcés. L’argument constitutionnel, enfin, est imparable.
M. Antoine Herth. Notre amendement propose simplement de fixer un objectif minimal en matière d’utilisation de matériaux bio-sourcés. C’est un horizon, non une obligation.
M. le président François Brottes. On peut considérer qu’il s’agit d’une obligation minimale.
M. Joël Giraud. J’accepte de rectifier mon amendement et de supprimer la référence à un objectif minimal.
M. le secrétaire d’État. Puisque nous sommes contraints par la jurisprudence constitutionnelle, je propose de nous en tenir à l’inscription dans la loi d’objectifs ayant valeur de simples recommandations. Ce travail pourrait être fait d’ici la discussion en séance publique.
Les amendements CS97, CS473 et CS1717 sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement CS1815 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Il s’agit de faire en sorte que le décret prenne en compte, à côté des mesures concernant les travaux effectués sur l’enveloppe des bâtiments, les dispositifs de gestion active de l’efficacité énergétique, qui peuvent compléter utilement les travaux de rénovation.
M. le secrétaire d’État. La gestion active de l’énergie est un moyen parmi d’autres d’améliorer la performance énergétique des bâtiments. Son utilisation est déjà prise en compte et imposée dans certains cas, dans la réglementation thermique des bâtiments existants, en application depuis 2007. Cet amendement n’est pas nécessaire puisque le cadre législatif actuel satisfait déjà son objet au titre de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants. Par ailleurs, la question de la gestion active est déjà satisfaite par l’amendement CS1924 adopté précédemment.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’examen des amendements identiques CS955 de M. Julien Aubert et CS1616 de M. Joël Giraud.
M. Julien Aubert. La rénovation énergétique ne peut être déconnectée d’un bilan coûts-avantages ni d’une évaluation intégrant le coût de la tonne de CO2 évitée. Tout cela doit être consigné dans un document où soient inscrits les engagements pris par le professionnel effectuant les travaux en matière d’économies d’énergie.
Nous craignons en effet que l’ensemble des mesures figurant dans ce texte aboutissent à renchérir le prix de l’énergie pour les consommateurs mais aussi pour les contribuables. Ce document, opposable, permettrait d’évaluer la véritable efficacité économique des travaux engagés et responsabiliserait les professionnels.
M. Joël Giraud. Nous devons tous nous accorder sur la nécessité de recentrer la problématique de la rénovation sur la performance énergétique réelle, plutôt que sur des calculs théoriques déconnectés de la réalité. Le contrat que nous proposons serait non seulement une mesure de protection du consommateur mais aussi des finances publiques, puisqu’il empêcherait que des fonds publics puissent être « détournés » vers des technologies dont l’efficacité n’a pas été prouvée.
M. le secrétaire d’État. La question de la différence entre la performance énergétique calculée et la performance réellement constatée après travaux est extrêmement complexe. L’utilisation du logement peut varier ; il peut, par exemple, être occupé par une famille plus nombreuse, ou dont les membres sont plus souvent présents, ce qui modifie substantiellement la facture d’énergie. Certes, on pourrait prendre en compte tous ces facteurs, mais il faudrait, pour protéger le maître d’œuvre qui s’engagerait ainsi, élaborer des documents d’une très grande complexité, une sorte d’usine à gaz incorporant toutes les situations, familiales, climatiques ou autres, susceptibles de modifier le calcul théorique effectué au départ. Simple et efficace en apparence, l’idée est en réalité très complexe à mettre en œuvre, et risque en outre d’inciter le maître d’œuvre à présenter les choses de façon délibérément incompréhensible par le maître d’ouvrage.
S’agissant du secteur du logement, le Gouvernement est plutôt favorable à une information, mais l’obligation qui résulterait de ce texte est trop forte. Le Gouvernement souhaite plutôt développer le « passeport rénovation », c’est-à-dire un cadre favorisant l’accompagnement des ménages par des professionnels qualifiés, qui réaliseront un audit, conseilleront les travaux à entreprendre et s’assureront de leur bonne réalisation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Si l’on ne peut que partager l’objectif visé, à savoir l’obligation de résultat, ils paraissent en revanche difficilement applicables, ce qui m’incite à émettre un avis défavorable. La question de fond mérite néanmoins d’être posée, et nous trouverons peut-être d’autres dispositifs d’accompagnement, en termes de formation professionnelle par exemple.
M. Julien Aubert. Nous allons mobiliser des milliards d’euros pour inciter les Français à faire de la rénovation énergétique, économiser l’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais, ne sachant pas calculer l’impact réel de chaque mesure, nous pouvons seulement faire des calculs abstraits.
Il faut se demander où et comment l’argent du contribuable sera le mieux dépensé. C’est le cœur du problème. Faut-il vraiment affecter 4 ou 5 milliards d’euros à un secteur où aucun professionnel n’est capable de dire à son client l’économie d’énergie qu’il peut effectivement espérer, dans la mesure où il ne dispose que de moyennes qu’il ne sait pas adapter à chaque cas particulier ? Cette situation nous renvoie d’ailleurs à la problématique du service public du diagnostic énergétique.
Cet aveu d’impuissance me préoccupe beaucoup, car les ressources financières sont limitées. Sans une étude plus rigoureuse de la façon de dépenser l’argent du contribuable, nous jetterons des milliards d’euros à la poubelle. Il y aura certes un effet de maîtrise énergétique, mais personne ne saura dire s’il n’aurait pas été possible de dépenser mieux, ou si l’on n’aurait pas dû dépenser davantage dans d’autres secteurs.
L’adoption de l’amendement aurait le mérite de contraindre le secteur à revoir ses pratiques. Qui dit professionnalisation dit coercition et responsabilisation, car le contrat est la meilleure manière de garantir la bonne compréhension des obligations réciproques qui incombent à chaque partie. N’oublions pas qu’il y a, à l’arrivée, un coût fiscal.
M. le secrétaire d’État. Je note, monsieur Aubert, que vous avez conclu en évoquant une obligation non pas légale, mais contractuelle.
Pour ma part, l’amendement CS1888 de M. Le Déaut, qui viendra en discussion après l’article 5, me paraît être une bonne solution intermédiaire. Je le cite : « Tout contrat de prestation visant à une amélioration de la performance énergétique ou environnementale d’un bâtiment, qu’il s’agisse d’une construction, de l’installation d’un produit ou d’un équipement, ou de travaux d’amélioration plus importants, doit préciser, sous peine de nullité, par une mention explicite, si le prestataire formule ou non une allégation de résultat. »
Avec cette formulation, le prestataire n’est pas obligé de s’engager, mais, s’il s’engage, son engagement sera contractuel. On passe ainsi du champ légal au champ contractuel, si bien que le maître d’ouvrage pourra choisir le maître d’œuvre en sachant quel est son degré d’engagement de cause. Cette solution intermédiaire, que nous pourrons examiner plus tard, me semble être, en l’état de notre discussion, préférable au système rigide proposé par les amendements en discussion.
M. Julien Aubert. Notre amendement repose sur l’idée qu’il ne faut pas raisonner uniquement en termes d’énergie économisée, mais aussi de gain financier espéré et de durée du retour sur investissement. Cette idée figure-t-elle dans l’amendement CS1888, ou l’engagement porte-t-il uniquement sur les économies d’énergie ?
M. le secrétaire d’État. Dès lors qu’il s’agit d’un dispositif contractuel, l’un n’exclut pas l’autre. Je ne sais pas s’il revient au législateur d’inscrire cette précision. Mais pourquoi pas ? En tout cas, l’engagement étant contractuel, il sera opposable. C’est, aux yeux du Gouvernement, la meilleure solution pour tenir compte à la fois des objectifs et des contraintes.
M. Julien Aubert. Je retire mon amendement, quitte à le redéposer, sous une forme légèrement modifiée, en séance.
L’amendement 955 est retiré.
M. le président François Brottes. C’est un usage assez courant dans le monde de l’entreprise ou des collectivités territoriales, cela l’est moins dans celui des particuliers. Il faut que les maîtres d’œuvre apprennent à faire des offres qui permettent aux particuliers d’entrer dans une vraie démarche contractuelle.
Je me souviens avoir porté un projet de piscine dans le cadre d’un contrat concernant la conception, la construction et l’exploitation, avec des obligations en matière de consommation d’eau et d’énergie. Chaque année, nous faisions le point pour savoir si les engagements étaient tenus. S’ils ne l’étaient pas, le maître d’ouvrage devait être dédommagé. Reste à adapter cette démarche à la relation entre particuliers et entreprises, ce qui n’est pas facile.
Quant à l’idée de chiffrer en euros les économies d’énergie annoncées, elle semble difficile à concrétiser, car les règles du jeu peuvent changer, notamment en ce qui concerne la fiscalité de l’énergie, alors que les quantités constituent un élément sur lequel les parties ont plus de prise.
M. Joël Giraud. Si, après l’article 5, un amendement est proposé qui précise les contours de cette information contractuelle, j’accepte de retirer le nôtre.
Une certaine ambiguïté n’en demeure pas moins. Je me souviens, par exemple, de la folie du radon : en Bretagne, dans les Alpes et dans le Massif Central, on obligeait les maires – j’étais déjà maire à l’époque – à installer des ventilations mécaniques contrôlées (VMC) dans les écoles parce qu’il y avait du radon, en nous fourguant des notices qui n’avaient pas valeur contractuelle, alors qu’il suffisait d’ouvrir les fenêtres pour que le radon sorte. Il y a toujours autant de radons aujourd’hui, et tout le monde s’en fiche puisque nous avons payé l’équipement en VMC ! Je ne souhaite pas que l’on en arrive aux mêmes extrémités.
L’amendement CS1616 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1021 de M. Bertrand Pancher et CS1271 de M. Jean-Paul Chanteguet.
M. Jean-Paul Chanteguet. Mon amendement vise à organiser le contrôle de l’atteinte des objectifs qui figurent à l’article 5.
L’étude d’impact indique que, grâce à la mise en œuvre des mesures permettant de mieux isoler les logements à la suite de travaux de façade ou de toiture, près de 300 000 logements supplémentaires feront l’objet d’une rénovation énergétique. Les résultats de cette étude m’étonnent, et je souhaiterais que le secrétaire d’État nous donne quelques explications.
M. le secrétaire d’État. Cela nous renvoie à une discussion que nous avons eue précédemment. Il y a deux niveaux de contrôle possibles.
Le premier vise à s’assurer que les obligations prévues par l’article – par exemple l’obligation d’isoler la toiture en cas de réfection – seront mises en œuvre. Cette possibilité de contrôle est prévue à l’article L. 152-1 du code de la construction et de l’habitation. Les agents assermentés de l’État et des collectivités peuvent vérifier le respect des obligations et mettre en œuvre les sanctions prévues par la loi.
Le deuxième niveau de contrôle concerne la réalisation des performances énergétiques prévues. Une telle garantie est en effet difficile à apporter, car la consommation dépend fortement du comportement des occupants. Il est cependant possible de veiller à la qualité des travaux entrepris. C’est l’objectif de la démarche de qualification des entreprises, dite RGE (Reconnu Garant de l’Environnement), mise en œuvre par le ministère.
Du côté des maîtres d’ouvrage, le « passeport rénovation », qui vise à inciter à l’accompagnement des ménages par un professionnel qualifié au moment de la définition des travaux et pendant leur réalisation, s’inscrit aussi dans cette perspective. Dans les deux cas, il n’apparaît pas opportun d’apporter cette précision à l’article 5.
Quant aux chiffres figurant dans l’étude d’impact, elles résultent des données sur les ravalements, telles qu’elles ressortent notamment de l’enquête effectuée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Mme Sabine Buis, rapporteure. J’émets un avis défavorable, estimant les amendements en grande partie satisfaits.
Les amendements CS1021 et CS1271 sont retirés.
La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CS2194 de la rapporteure, CS1020 de M. Bertrand Pancher, CS1433 de M. Philippe Bies et CS1270 de M. Jean-Paul Chanteguet.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2194 tend à demander que la publication du décret mentionné à l’article intervienne dans l’année suivant la promulgation de la loi.
Les amendements CS1020 et CS1433 sont retirés.
M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1270 propose que le décret soit publié moins de six mois après la promulgation.
M. le président François Brottes. Dans la liasse que j’ai en main, laquelle fait autorité, l’amendement CS2194 mentionne à tort un délai de six mois. C’est donc l’amendement CS2194 rectifié que nous examinons, et qui est ainsi rédigé : « Le décret mentionné est pris dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi. ».
M. le secrétaire d’État. Avis favorable à cet amendement. Un délai de six mois serait trop court, compte tenu des consultations auxquelles il faudra procéder avant de publier le décret.
M. Julien Aubert. À l’heure où nous accélérons la procédure législature, il est piquant qu’un texte mentionne l’obligation de prendre rapidement des décrets d’application. Est-il meilleure preuve de l’ineffectivité de la loi ?
M. le président François Brottes. Nous attendons toujours certains décrets du Grenelle de l’environnement…
M. Bertrand Pancher. Vous avez pourtant eu deux ans et demi pour les prendre !
L’amendement CS1270 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CS2194 rectifié.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CS2196 rectifié de la rapporteure, CS538 rectifié de M. Antoine Herth, CS1022 rectifié de M. Bertrand Pancher, CS1909 rectifié de M. Jacques Krabal, et de l’amendement CS235 rectifié de M. Damien Abad.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2196 rectifié tend à éviter que l’obligation d’effectuer des travaux n’entraîne la perte, pour les ménages précaires, des dispositifs de soutien existants.
M. le secrétaire d’État. Avis favorable.
Les amendements CS538 rectifié, CS1022 rectifié, CS1909 rectifié et CS235 rectifié sont retirés. La Commission adopte l’amendement CS2196 rectifié.
La Commission examine les amendements identiques CS2249 de la rapporteure, CS134 de M. Martial Saddier, CS747 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1617 de M. Joël Giraud.
Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2249 vise à simplifier et à faciliter la prise de décision par l’assemblée générale des copropriétaires. Les actions de performance énergétique peuvent être plus vastes que celles mentionnées dans l’article.
M. le secrétaire d’État. Je suggère le retrait. À défaut, avis défavorable. Le point a été débattu lors de l’examen de la loi ALUR. Il est difficile de distinguer des travaux d’efficacité énergétique d’autres travaux d’amélioration. Ce découpage artificiel conduirait à voter à des majorités différentes les travaux d’un même projet, ce qui serait une source de confusions et de contentieux.
M. Julien Aubert. Quand on simplifie les règles de majorité, on augmente le risque qu’un propriétaire ayant de faibles revenus financiers se voie imposer des travaux collectifs onéreux, ce qui peut le contraindre à vendre son bien. Les procédures de vote bloqué visent à éviter ce type de drame.
Les amendements CS2249, CS134, CS747 et CS1617 sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1939 troisième rectification de la rapporteure, CS710 rectifié de Mme Maud Olivier, CS1479 de Mme Cécile Duflot, CS334 de M. Jean-Jacques Cottel, CS363 de M. Jean-Marie Tetart, les amendements identiques CS803 de M. Julien Aubert et CS898 de M. Christophe Bouillon, et les amendements CS2016 de M. Joël Giraud, CS1024 de M. Bertrand Pancher, CS1192 rectifié et CS1193 rectifié de Mme Audrey Linkenheld.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est essentiel d’intégrer la performance énergétique dans les critères de décence.
Mme Frédérique Massat. Nous souhaitons que le bailleur soit tenu de remettre au locataire un logement respectant un niveau de performance minimal.
Mme Cécile Duflot. Notre idée est la même, quoique nous ayons retenu une rédaction différente. Reste à savoir comment l’amendement s’articule avec les dispositions adoptées hier à l’article 4. Il s’agit d’éviter aux personnes les plus pauvres de se retrouver dans des logements délabrés, ce qui les place dans une situation de précarité énergétique.
M. le secrétaire d’État. Je vous suggère de retirer ces amendements, que satisfait l’amendement CS2386 du Gouvernement, adopté ce matin.
Les amendements CS1939 troisième rectification, CS710 rectifié, CS1479, CS334 et CS363 sont retirés.
M. Julien Aubert. L’amendement CS803, qui tend à harmoniser la loi du 6 juillet 1989 et le code civil, insiste sur l’importance, pour le locataire, de pouvoir satisfaire ses besoins de chauffage et d’eau chaude sans coût excessif. Sans retirer du marché locatif des logements en cours de location, il faut générer de manière progressive des travaux élémentaires d’amélioration énergétiques.
M. Joël Giraud. On doit épargner aux locataires d’habiter dans des passoires thermiques.
M. Bertrand Pancher. Il convient de modifier le premier alinéa de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, afin de susciter progressivement des travaux de rénovation énergétique dans les logements locatifs classés F et G.
M. le secrétaire d’État. Je vous renvoie encore une fois aux dispositions de l’amendement CS2386, et je vous suggère de retirer les amendements. Le projet de loi n’a pas à dresser une liste exhaustive des travaux concernés, rôle dévolu au décret. Par ailleurs, il faut réfléchir à l’impact qu’aurait une décision d’application immédiate et non échelonnée sur le parc locatif.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même position.
Les amendements CS803, CS898, CS2016, CS1024, CS1192 rectifié et CS1193 rectifié sont retirés.
La Commission étudie, en discussion commune, les amendements identiques CS802 de M. Julien Aubert et CS897 de M. Christophe Bouillon, et l’amendement CS2017 de M. Joël Giraud.
M. le secrétaire d’État. Je suggère le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable. Ils sont en effet satisfaits par l’amendement CS2386.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
Les amendements sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement CS1618 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Il convient de ne pas limiter aux seules actions d’isolation de la façade ou de la toiture les règles de vote simplifié prévues à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, et d’étendre celles-ci à la rénovation intérieure des bâtiments insalubres ou malpropres. Il est fréquent que des propriétaires non occupants empêchent toute rénovation. Pour éviter le rejet de l’amendement, qui avait été déposé, dans une rédaction plus simple, sur la loi ALUR, nous précisons que le montant des travaux concerné ne doit pas dépasser la somme payée par chaque occupant au syndic, au titre des honoraires annuels.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. L’amendement, qui est étranger au projet de loi sur la transition énergétique, est déjà satisfait. L’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit déjà que les décisions concernant « les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement définies par les dispositions prises pour l’application de l’article 1er de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat » sont prises à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés.
Mme Sabine Buis, rapporteure. J’invite M. Giraud à retirer son amendement, qui est déjà satisfait.
M. Joël Giraud. L’article que vient de citer le secrétaire d’État ne prévoit pas la possibilité de procéder au nettoyage d’un immeuble qu’on n’a pas entretenu pendant trente ans : il traite de la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, non de la propreté des lieux. La législation doit être modifiée sur ce point. J’accepte de retirer l’amendement, puisqu’il s’agit d’un cavalier, à condition que le Gouvernement s’engage à résoudre le problème.
Mme Cécile Duflot. L’amendement, qui n’a pas grand-chose à voir avec la loi de transition énergétique, pose le problème des copropriétés dans lesquelles des propriétaires non occupants n’ont aucun intérêt à faire des travaux. Quand un immeuble n’a pas été nettoyé depuis trente ans, il devient insalubre. Dans ce cas, la loi ALUR prévoit qu’on puisse réaliser des travaux d’office et soumettre les copropriétaires à une astreinte, tant que les travaux ne sont pas effectués.
M. Joël Giraud. Je retire l’amendement, en attendant d’aller vérifier ce point.
L’amendement CS1618 est retiré.
M. Bertrand Pancher. En tant que syndic bénévole d’une copropriété, j’ai résolu le problème de ce type en invoquant l’article de loi cité par le secrétaire d’État.
La Commission étudie l’amendement CS1986 rectifié du président François Brottes.
Mme Frédérique Massat. L’amendement vise à mettre le projet de loi en cohérence avec le code de la construction et de l’habitation.
M. le secrétaire d’État. Avis favorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.
La Commission adopte l’amendement CS1986 rectifié.
Elle examine l’amendement CS1619 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Dans la rédaction actuelle, seuls les propriétaires habitant leur logement sont incités à effectuer des travaux d’amélioration de la performance énergétique, puisque les propriétaires bailleurs ne bénéficient pas directement des économies d’énergie. Il serait opportun d’instaurer un mécanisme sanctionnant les propriétaires de biens dont la performance énergétique se révèle, à la lumière d’un audit obligatoire, inférieure à un référentiel minimum.
M. le secrétaire d’État. Je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. La mise en place d’un dispositif financier instaurant un système de bonus ou de malus relève de la loi de finances. En outre, le mécanisme freinerait la mise sur le marché de logements destinés à la location.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable, puisque l’amendement demande la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation.
M. Julien Aubert. Je soutiens l’amendement, qui rejoint une proposition de l’UMP. Il serait bon que nous disposions d’une étude permettant de favoriser une fiscalité intelligente.
M. le secrétaire d’État. Il n’y a pas lieu de demander au Gouvernement d’étudier une proposition à laquelle il n’est pas favorable, et qu’il a écartée ce matin.
La Commission rejette l’amendement CS1619.
M. le président François Brottes. En tant que président de la commission des affaires économiques, j’ai fait dresser une liste des rapports que le Parlement a demandés au Gouvernement depuis le début de la législature. Beaucoup se font attendre…
M. Julien Aubert. Je tiens à expliquer pourquoi le groupe UMP ne votera pas l’article 5. Nous aurions souhaité savoir quel sera le coût des mesures adoptées pour les acteurs économiques. L’approche écologique doit s’inscrire dans une logique financière et respecter un modèle social.
M. le président François Brottes. Quand on change de modèle de croissance, il faut accepter certaines incertitudes.
La Commission adopte l’article 5 modifié.
Article 5 bis [nouveau]
(article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation)
Rénovation énergétique du secteur tertiaire
L’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit aujourd’hui que des travaux d’amélioration de la performance énergétique doivent être réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012. Il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la nature et les modalités de cette obligation de travaux, notamment les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter.
Dès lors que ce décret n’a toujours pas été publié, l’obligation faite au secteur ne peut être mise en œuvre et les acteurs économiques, qui attendent une clarification réglementaire avant d’engager les investissements, sont plongés dans l’expectative.
Il est donc proposé d’amender l’article L. 111-10-3 précité afin d’offrir une perspective de long terme au secteur tertiaire : le cadre législatif de l’obligation est ainsi prolongé jusqu’en 2050, par périodes de dix ans, et l’objectif de performance finale se trouve clairement fixé.
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* *
La Commission en vient à l’amendement CS1481 de Mme Cécile Duflot.
Mme Cécile Duflot. Depuis 2010, une obligation de rénovation énergétique a été inscrite dans la loi pour le secteur tertiaire. Or cette disposition n’est toujours pas appliquée puisque le décret en Conseil d’État n’a pas été publié. Les acteurs économiques restent donc dans l’expectative.
Comme le secteur du bâtiment tertiaire est régi par le temps long – les baux sont de trois, six et neuf ans pour les locataires et les bailleurs –, il convient d’ajuster la réglementation pour qu’elle offre de la visibilité aux auteurs des travaux de rénovation. Dans cette optique, le décret doit prévoir une durée applicable suffisamment ample, que nous souhaitons fixer à cinq années.
M. le secrétaire d’État. L’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitat, issu du Grenelle de l’environnement, instaure une obligation d’économies d’énergie de 38 % à l’horizon de 2020 pour les bâtiments du secteur tertiaire. Cette disposition est essentielle pour assurer la contribution des 850 millions de m² du parc immobilier tertiaire aux objectifs d’économies d’énergie que nous nous sommes fixés. Les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie travaillent actuellement sur un projet de décret qui définira les conditions de mise en œuvre de cette contrainte et qui veillera à ce que les entreprises n’aient pas à subir une charge financière élevée. Mme Ségolène Royal lancera une concertation à ce sujet dans les prochaines semaines.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.
Mme la rapporteure. J’émets pour ma part un avis favorable.
Mme Cécile Duflot. Cet amendement permettra de sortir de la situation actuelle. Delphine Batho, lorsqu’elle occupait la place de Mme Royal qui va lancer une concertation, avait annoncé la publication du décret et avait déjà mis en œuvre une concertation ; en outre, le Président de la République avait affirmé lors de la conférence environnementale que le décret serait publié avant la fin de l’année 2013…
M. le secrétaire d’État. Le décret sera publié avant la fin cette année.
La Commission adopte l’amendement.
Article 5 ter [nouveau]
(article L. 213-4-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Marchés privés de bâtiment portant sur des travaux et prestations de service réalisés en sous-traitance
Cet article complète le chapitre III du titre Ier du livre II du code de la construction et de l’habitation par un article L. 213-4-1 visant à préciser le régime juridique de la cotraitance.
Alors que les clients des artisans et des PME du bâtiment attendent de plus en plus fréquemment une offre globale de travaux avec un seul interlocuteur (extension d’un bâtiment, amélioration de la performance énergétique d’une maison individuelle, rénovation de logements en petit collectif, etc.), il convient de limiter le risque juridique encouru par ces professionnels dans le cadre d’un tel groupement.
Le droit de la cotraitance est en effet complexe, largement issu de décisions jurisprudentielles et potentiellement pénalisant pour les intéressés : ceux-ci se trouvent exposés aux risques liés à la solidarité conventionnelle, à la condamnation à une solidarité de fait (si les travaux se révèlent indivisibles dans leur réalisation) ou encore à une requalification en contrat de maîtrise d’œuvre.
Cet article prévoit donc un régime juridique plus protecteur en cas de cotraitance, pour les marchés privés de travaux et de prestations de services d’un montant inférieur à 100 000 euros HT : parmi les mentions obligatoires, devront ainsi obligatoirement figurer l’exclusion de solidarité envers le maître d’ouvrage ou encore la limitation de la mission du mandataire commun à une mission de représentation des cotraitants.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1958 de la rapporteure, CS1482 de Mme Cécile Duflot, CS1623 de M. Jacques Krabal, et les amendements identiques CS234 de M. Damien Abad et CS536 de M. Antoine Herth.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement porte sur les groupements professionnels : les clients des artisans et des petites entreprises du bâtiment attendent de plus en plus fréquemment une offre globale de travaux, portée par un seul interlocuteur. Il peut s’agir, par exemple, d’ouvrages d’extension d’un bâtiment ou d’amélioration de la performance énergétique. Les entreprises artisanales du bâtiment ont aujourd’hui recours à la cotraitance – forme de groupement dépourvue de personnalité morale ; or le droit applicable est complexe et jurisprudentiel, en l’absence de lois définissant le régime juridique de la cotraitance.
Ma proposition s’inscrit dans le prolongement des recommandations élaborées dans le cadre de la démarche de concertation dite « Objectifs 500 000 ».
Mme Cécile Duflot. Mon argumentation est la même que celle de Mme la rapporteure.
M. Joël Giraud. Cet amendement est important, car il prévoit un régime juridique pour les travaux réalisés en cotraitance et n’excédant pas un montant de 100 000 euros hors taxes ; la profession attend ce cadre législatif avec impatience.
M. Antoine Herth. En Alsace, des entreprises artisanales allemandes ont recours depuis de nombreuses années à la cotraitance sans que personne ne s’assure du cadre juridique de leur action, alors que les entreprises françaises s’exposent à des questions dès qu’elles proposent une offre globale aux particuliers.
Mme Cécile Duflot. Il ne s’agit pas uniquement d’une question juridique, car les travaux de rénovation énergétique – notamment ceux visant à garantir l’isolation des logements – sont efficaces lorsque la collaboration des différents corps d’État est assurée.
M. le secrétaire d’État. Ces amendements présentent un intérêt évident pour les entreprises artisanales, car ils leur permettraient d’échapper au risque représenté par la solidarité financière, mais cela créerait un aléa supplémentaire pour le client. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.
M. le président François Brottes. Le prescripteur est-il compris dans le groupement, madame la rapporteure ?
Mme Sabine Buis, rapporteure. Mon amendement n’exclut pas le prescripteur.
Les amendements CS1482, CS1623, CS234 et CS536 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CS1958.
Article 5 quater [nouveau]
(article L. 312-7 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Fonds de garantie pour la rénovation énergétique
À l’initiative du Gouvernement, cet article vise à créer un fonds de garantie pour la rénovation énergétique, dont la mission sera notamment de répondre aux besoins des personnes physiques engageant la rénovation énergétique de leur logement.
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La Commission étudie l’amendement CS2363 du Gouvernement.
M. le secrétaire d’État. L’amendement vise à créer un fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), lequel répondra aux besoins des personnes physiques engageant la rénovation énergétique de leur logement.
Les travaux de la Conférence bancaire et financière pour la transition énergétique et les travaux préparatoires conduits par la Caisse des dépôts et consignations ont montré que les personnes disposant de ressources modestes ou les propriétaires de logement régis par une copropriété peuvent rencontrer des difficultés, faute de trouver un financement auprès des établissements de crédit.
Le fonds garantira les expositions, sous forme de garanties, des entreprises d’assurance ou sociétés de caution concourant à favoriser la construction ou l’amélioration d’habitation.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable.
M. le président François Brottes. La phrase « Le chapitre II du même chapitre est complété par une section IV ainsi rédigée » est redondante avec la suite de l’amendement.
M. le secrétaire d’État. C’est juste. Je rectifie l’amendement en conséquence.
M. Jean-Paul Chanteguet. Nous nous réjouissons de voir réapparaître ce fonds de garantie, qui figurait dans le texte en mai 2014. Le Gouvernement souhaite-t-il toujours le financer grâce à une partie des certificats d’économie d’énergie ?
M. le secrétaire d’État. Oui.
M. Bertrand Pancher. Je suis favorable à l’amendement, mais une étude d’impact a-t-elle été réalisée ? Nous attendons le décret sur la troisième prolongation des certificats d’économie d’énergie, et je doute que ceux-ci permettent de financer le fonds. Quand on présente un amendement aussi lourd de conséquences, il faut l’anticiper par une étude sérieuse.
M. Julien Aubert. À combien s’élèvera le montant du fonds et comment sera-t-il financé ? Pourquoi sa création ne figure-t-elle pas plutôt dans une loi de finances ?
M. le président François Brottes. Le choix du véhicule législatif relève du Gouvernement.
M. le secrétaire d’État. Les certificats d’économies d’énergie ne constitueront pas la seule source d’alimentation du FGRE, et des fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) l’abonderont également ; à l’issue de la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique, la CDC a mis en place un groupe de travail sur le fonctionnement du fonds, qui remettra prochainement un rapport.
Le fonds de garantie permettra aux prêteurs d’intervenir auprès des ménages modestes, alors qu’ils ne les prennent pas suffisamment en compte aujourd’hui.
M. Julien Aubert. La CDC hébergera-t-elle ce fonds ?
M. le secrétaire d’État. Oui.
M. Julien Aubert. Une loi est-elle nécessaire pour cela ?
M. le secrétaire d’État. La CDC n’est qu’un instrument, et rien n’interdit que la loi précise son rôle en la matière afin que l’on ne crée pas un nouveau gestionnaire.
M. Julien Aubert. Vous ignorez le montant de ce fonds ?
M. le secrétaire d’État. En effet. Nous devons attendre les conclusions du groupe installé par la CDC, celui-ci ne se contentant pas d’étudier les modalités de financement, mais évaluant également les besoins.
M. Michel Sordi. S’agira-t-il d’un cautionnement ? D’une garantie ?
M. le secrétaire d’État. D’une garantie.
La Commission adopte l’amendement rectifié.
Article 5 quinquies [nouveau]
(article L. 232-2 [nouveau] du code de l’énergie)
Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique
À l’initiative de votre co-rapporteure, cet article introduit un article L. 232-2 nouveau dans le code de l’énergie, consacré au service public de la performance énergétique de l’habitat.
Le service public a vocation à s’appuyer sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique, mises en œuvre à l’échelle d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ces plateformes ont une mission d’accueil, d’information et de conseil du consommateur : elles doivent ainsi fournir au demander les informations techniques, financières, fiscales et réglementaires pertinentes, nécessaires à l’élaboration de son projet de rénovation.
La plateforme pourra en outre, à titre onéreux, compléter ces missions principales par un accompagnement technique ou financier, voire par la mise en place d’un suivi et d’un contrôle des travaux de rénovation.
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La Commission examine l’amendement CS2193 de la rapporteure.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement tend à conforter le rôle des plateformes territoriales du service public de la performance énergétique de l’habitat.
M. le secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine les amendements identiques CS373 rectifié de M. Antoine Herth, CS1139 de M. Bertrand Pancher et CS1487 de Mme Cécile Duflot.
M. Antoine Herth. Cet amendement prévoit de modifier le code des assurances afin que les travaux de remise en état consécutifs à un sinistre respectent les exigences de la réglementation thermique.
M. le secrétaire d’État. L’adoption de ces amendements modifierait considérablement la règle édictée dans le code des assurances, qui dispose que l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. L’indemnité ne peut couvrir une remise en état d’un bâtiment aux nouvelles normes réglementaire, et seule la valeur d’avant le sinistre peut être garantie.
On peut modifier ce principe, mais l’aléa supplémentaire qui en découlerait pour les compagnies d’assurance se traduirait par une augmentation importante des polices d’assurance. Si, après un sinistre, les assureurs devaient financer des travaux non de remise en état mais de construction respectant les dernières normes en vigueur, l’ensemble des assurés financeraient l’augmentation des dépenses supportées par les assureurs. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à l’adoption de ces amendements.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Ils reposent sur un principe qui peut sembler séduisant, mais les surcoûts induits par la mise à niveau des bâtiments portent le risque d’une répercussion inflationniste sur le montant des primes d’assurance. Je suggère aux auteurs de ces amendements de les retirer et émettrais un avis défavorable à leur adoption s’ils étaient maintenus.
M. Antoine Herth. Mettons-nous à la place de la personne ou de la famille sinistrée : elle percevra une prime d’assurance couvrant l’état initial d’un bâtiment touché par un incendie, mais lorsqu’elle déposera son permis de reconstruire, on l’obligera à respecter les nouvelles normes de construction, et elle devra donc engager une dépense obligatoire. Inclure ce risque dans l’assiette de l’assurance permet de le répartir entre tous les assurés et, donc, de mutualiser le risque environnemental.
J’accepte cependant de retirer mon amendement.
M. Bertrand Pancher. Moi aussi.
Mme Cécile Duflot. Je le retire également.
Les amendements sont retirés.
Puis la Commission étudie les amendements identiques CS537 de M. Antoine Herth, CS985 de M. Martial Saddier et CS1026 de M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. La sécheresse de 2003 fut un événement climatique exceptionnel qui causa 138 000 sinistres dans des habitations de milliers de communes. En provoquant d’importants mouvements de terrain dans des zones argileuses, cet épisode a rendu des logements inhabitables. Entre 1989 et 2007, plus de 444 000 sinistres dus à de tels mouvements de terrain se sont produits.
Cet amendement vise à imposer une étude de sol à la vente du terrain, afin de prévenir la sinistralité du risque de mouvement de terrain faisant suite à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux. Cette étude concernera les seules zones exposées à ce danger, recensées par un arrêté des ministres chargés de la construction et de l’environnement. Elle s’avère particulièrement importante, notamment aux yeux des assureurs, dans cette période de réchauffement climatique.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je souhaite que ces amendements soient retirés.
Les amendements identiques CS537 et CS985 sont retirés.
La Commission rejette l’amendement CS1026.
La Commission étudie, en discussion commune, l’amendement CS1959 de la rapporteure, les amendements identiques CS336 de M. Jean-Jacques Cottel et CS403 de M. Jean-Marie Tetart, et les amendements CS1621 et CS1622 de M. Joël Giraud.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement prescrit l’élaboration d’un calendrier de travaux d’amélioration de la performance énergétique des copropriétés – sauf celles des catégories A à C – au 1er janvier 2018. Ces travaux devront être achevés en dix ans.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1621 est défendu, et le CS1622 lui est semblable, mais il prévoit en outre un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application du dispositif.
M. le secrétaire d’État. La loi ALUR dispose que, à compter du 1er janvier 2017, l’assemblée générale des copropriétaires se prononce sur la question de la réalisation d’un diagnostic global des parties communes ; ensuite, l’assemblée pourra décider la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de travaux. Cette loi a également rendu non facultative la constitution d’un fonds de travaux, abondé par des cotisations équivalentes à 5 % du budget prévisionnel. Cela constitue une avancée notable en faveur de la rénovation énergétique. Le Gouvernement ne souhaite pas créer une obligation d’effectuer des travaux, car certains propriétaires modestes ne pourraient pas faire face à leur coût et risqueraient d’être évincés de leur logement. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de ces amendements.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je ne suis pas convaincue par ces arguments.
M. le secrétaire d’État. On ne peut pas créer de telles contraintes sans en mesurer les conséquences sociales. Dans un immeuble, les copropriétaires ne se trouvent pas tous dans la même situation financière, et le législateur doit anticiper ces difficultés.
Mme Cécile Duflot. La loi ALUR va dans le bon sens en prévoyant la constitution du fonds de travaux ; celui-ci permettra aux copropriétés de disposer d’un budget pour engager les ouvrages sans que leur poids financier soit trop élevé.
L’amendement n’évoque qu’un calendrier de travaux d’amélioration du bilan énergétique, sans définir un quelconque niveau de performance à atteindre. Fixer une durée de cinq ans serait déraisonnable au vu de l’âge moyen des copropriétés en France, mais dans le cadre du diagnostic du fonds et de la possibilité d’établir un plan, la rédaction de l’amendement s’avère souple, et les travaux pourraient être légers et adaptés au budget de chaque copropriété.
M. le secrétaire d’État. J’entends bien cet argument, mais l’amendement n’écarte pas la faculté de décider de grands travaux, qui pourraient être difficiles à assumer financièrement pour certains copropriétaires.
M. le président François Brottes. Cela ne concerne que les parties communes, si bien que des propriétaires au rez-de-chaussée de l’immeuble pourraient, par exemple, imposer des travaux d’aménagement de l’entrée de celui-ci s’ils bénéficient d’une forte capacité de vote dans la copropriété.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Nous ne devons pas faire abstraction des problèmes liés à la copropriété, et la mollesse du texte permet de traiter la question sans fixer d’objectifs trop élevés.
Par ailleurs, j’émets un avis favorable à l’adoption de l’amendement CS1622.
M. le secrétaire d’État. Mon avis sur ces amendements est défavorable.
Les amendements CS336, CS403 et CS1621 sont retirés.
La Commission rejette les amendements CS1959 et CS1622.
La Commission étudie les amendements identiques CS1396 de M. Philippe Plisson et CS1897 de Mme Audrey Linkenheld.
M. Jean-Luc Laurent. L’amendement CS1897 a trait à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, imposée par la réglementation en matière thermique. Cette performance dépend en grande partie de la qualité des travaux réalisés, ainsi que de l’ingénierie de conception. La compétence des professionnels du bâtiment s’accroît progressivement dans ces domaines, mais des non-conformités sont encore constatées. Elles sont liées à la méconnaissance du respect des règles de l’art pour la mise en œuvre de matériaux ou d’équipements, ou encore à des négligences dans la précision et le respect des documents de conception du bâtiment. Les autres causes peuvent être rattachées soit à des manquements de vérification en cours de chantier ou au moment de la réception du bâtiment, soit encore à des fraudes.
Afin d’assurer la qualité de la rénovation énergétique des logements – que l’État et les collectivités soutiendront fortement –, le renforcement des contrôles est nécessaire. Celui-ci s’effectue aujourd’hui par le biais des attestations fournies au moment de l’autorisation d’urbanisme et qui sont vérifiées par l’autorité l’ayant délivrée, ou par des tests d’étanchéité pouvant intervenir à l’issue des travaux.
L’amendement propose que les maîtres d’ouvrage de constructions neuves ou en rénovation qui bénéficient d’aides publiques doivent provisionner le coût d’un contrôle indépendant.
M. le secrétaire d’État. Le contrôle du respect de la réglementation thermique s’effectue déjà par différents moyens, qu’il s’agisse des attestations à fournir en lien avec les études thermiques ou de la justification du niveau de performance de l’étanchéité à l’air par un test avant réception. Les agents de l’État et des collectivités réalisent en outre un contrôle des règles de construction sur un échantillon de bâtiments après leur achèvement.
Le Gouvernement n’estime pas pertinent de rendre obligatoire le contrôle de cette réglementation par un tiers indépendant : la rémunération du nouvel intervenant, en plus de l’architecte et du bureau d’études thermiques, augmenterait par définition le coût des opérations de construction. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également : une telle disposition renchérirait le coût des travaux et, pour peu qu’elle ait un effet dissuasif, irait à l’encontre des objectifs poursuivis.
M. Jean-Luc Laurent. Je maintiens l’amendement, car une incompréhension demeure.
M. le président François Brottes. Le contrôle des travaux finis est peu efficace ; et s’il a lieu tout au long du chantier, il coûte cher.
L’amendement CS1396 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CS1897.
Puis elle se saisit de trois amendements identiques : CS1025 de M. Bertrand Pancher, CS1269 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1434 de M. Philippe Bies.
M. Bertrand Pancher. À travers cet amendement, qui peut apparaître de repli par rapport à d’autres précédemment débattus, je propose de favoriser la rénovation des logements à l’occasion de leur vente. Serait ainsi délivrée, outre le diagnostic de performance énergétique (DPE), une étude de rénovation thermique afin d’inciter les acheteurs à réaliser des travaux qui améliorent la performance énergétique du logement. Cette mesure s’inspire du décret du 3 décembre 2012, relatif au plan de travaux pour les économies d’énergie dans les immeubles collectifs.
M. Jean-Paul Chanteguet. Même argumentation.
M. le secrétaire d’État. Lors de la vente d’un bien, la réalisation d’un DPE, qui inclut des recommandations de travaux et en donne une estimation, est déjà requise. Le DPE joue d’ailleurs pleinement son rôle de sensibilisation, puisque beaucoup d’acheteurs réalisent ces travaux. Imposer une étude dont le coût avoisinerait les 1 000 euros ne paraît pas utile : il est préférable qu’une telle étude soit réalisée pour le compte de celui qui est susceptible d’engager les travaux ; d’où l’idée du passeport de la rénovation thermique, qui comprendra les éléments nécessaires à leur réalisation et sera financé via les certificats d’économies d’énergie (CEE). Enfin, si l’on part du principe que l’acheteur doit disposer, non seulement du diagnostic, mais aussi du chiffrage des travaux, pourquoi l’étude ne porterait-elle pas également sur l’amiante ou l’électricité ? Le coût de l’ingénierie serait alors très élevé. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.
Mme Cécile Duflot. La fiabilité des DPE, monsieur le secrétaire d’État, est sujette à débats. Les arguments de M. Pancher me semblent justes, d’autant que les travaux, dans la grande majorité des cas, sont en effet réalisés au moment de la vente ; dès lors, l’articulation entre le DPE et les recommandations constitue l’élément décisif. Le « passeport rénovation », lui, peut être mobilisé à tout moment. De 500 000 à 700 000 ventes de logements anciens ont lieu chaque année : le moment de la cession est donc celui qu’il faut cibler pour atteindre l’objectif de 500 000 rénovations.
L’inconvénient de l’amendement CS1025 est qu’il ajoute un nouveau diagnostic – avec le coût que cela suppose – à ceux qui, depuis plusieurs années, s’additionnent sans cohérence globale. Reste qu’une réflexion du ministère sur le DPE, afin notamment d’en faire un document prescriptif fourni dès la promesse de vente, s’impose d’ici à l’examen en séance.
M. Bertrand Pancher. Les CEE ne financent rien directement, monsieur le secrétaire d’État : mis en œuvre dans plusieurs pays, notamment l’Italie, et soutenus par la Commission européenne, ils imposent aux fournisseurs d’énergie une réduction minime de leurs livraisons dans le cadre d’une diminution de la consommation. En période de crise, de telles contraintes ne sont évidemment pas du goût des entreprises, au premier rang desquelles EDF et GDF. Le discours du Gouvernement, jusqu’à présent, consistait à dire qu’il revient aux entreprises de s’engager, à travers les CEE, dans des actions vertueuses ; mais les contraintes sont si légères qu’elles ne le font guère. M. Baupin et Mme Duflot le savent bien : parler de financement par les CEE est un leurre.
M. le président François Brottes. Le DPE, dont le coût peut varier de 35 à 500 euros, donne de vraies indications lorsqu’il est de qualité. L’idée d’un devis, elle, me paraît dangereuse, tant la nature des travaux, donc le montant du devis, dépend de choix personnels, par exemple quant aux matériaux utilisés. Comment, dans ces conditions, ce devis pourrait-il être réalisé par le vendeur pour le compte de l’acheteur ? La vraie question est de faire le tri entre les diagnostiqueurs à travers la délivrance des agréments : nous le répétons depuis des années.
M. Bertrand Pancher. Je retire mon amendement, non sans rappeler que mes arguments ne sont pas plus absurdes que ceux d’après lesquels certains dispositifs sont financés par les CEE.
M. Jean-Paul Chanteguet. Les CEE font en effet débat. M. le secrétaire d’État m’a répondu tout à l’heure qu’ils serviraient aussi à financer le fonds de garantie, même si l’on ignore encore à quel niveau. Bref, les CEE doivent financer de multiples dispositifs. Il serait bon que le Gouvernement nous précise ses intentions à ce sujet, d’autant que les sommes disponibles ne sont pas si considérables. Quoi qu’il en soit je retire mon amendement.
Ces amendements identiques sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement CS1027 de M. Bertrand Pancher.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable.
M. Bertrand Pancher. Nous avons toujours milité pour que l’État soit exemplaire en matière de rénovation énergétique de ses bâtiments : non seulement les nouveaux bâtiments sous sa maîtrise d’ouvrage, comme le prévoit le texte, mais aussi le parc existant, qui ne fait l’objet d’aucun objectif ambitieux. Nous souhaitons donc que l’État présente un plan de rénovation énergétique de ses bâtiments à partir d’un état des lieux actualisé. Ce plan inclurait un rythme de travaux, des objectifs et des moyens pour les atteindre. Les efforts de l’État en la matière ayant fait débat, un tel amendement serait de nature à nous rassurer.
M. le président François Brottes. Un rapport sur ce point est envisageable, mais si votre amendement impose un plan assorti de dépenses, il sera irrecevable.
M. Bertrand Pancher. Je le retire donc, pour en revoir la rédaction d’ici à l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS1480 rectifié de Mme Cécile Duflot.
Mme Cécile Duflot. S’agissant précisément des moyens, sur lesquels M. Baupin et moi avons déjà insisté, cet amendement donne aux conseils généraux la possibilité de créer un bonus-malus écologique sur les droits de mutation : ainsi modulée en fonction de critères de performance énergétique, la taxe leur permettrait de soutenir des objectifs de rénovation des logements.
M. le secrétaire d’État. Les travaux d’amélioration énergétique se font plus naturellement lors de la mutation. Afin de favoriser l’achat de biens de bonne qualité en ce domaine, vous proposez de moduler les droits de mutation à titre onéreux. Cette proposition pose une difficulté constitutionnelle, puisqu’elle n’encadre pas les éléments constitutifs de la modulation. D’une part, un système de bonus-malus est difficile à équilibrer ; de l’autre, la taxe visée étant affectée aux collectivités territoriales, l’État aurait à compenser l’éventuelle perte de recettes pour elles, d’autant que se pose le problème de la répartition géographique. Avis défavorable.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement, qui gagnerait à être précisé, risque d’entraîner une inégalité de traitement entre départements. Avis défavorable, donc.
Mme Cécile Duflot. Sans être arc-boutée sur la rédaction de cet amendement, je ne suis pas d’accord avec les interprétations qui en sont faites : il n’est question que d’offrir une latitude aux conseils généraux, ce qui permettrait au passage de fixer des objectifs différenciés selon les territoires. On peut envisager des moyens, quitte à les encadrer, mais il n’est pas nécessaire de prévoir une compensation dès lors que la modulation n’est pas décidée au niveau national.
M. le secrétaire d’État. « La perte des recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement », écrivez-vous…
Mme Cécile Duflot. Ce que vous venez de lire correspond à la première version, non rectifiée, de l’amendement.
M. le secrétaire d’État. Cela ne change rien sur le fond : l’amendement aurait des conséquences financières pour l’État ; il mériterait donc, pour le moins, d’être revu d’ici à l’examen en séance. À ce stade, le Gouvernement a d’ailleurs quelques doutes quant à sa recevabilité financière.
M. le président François Brottes. C’est justement la commission des finances qui a suggéré le retrait du gage… La rédaction, qui fait précéder la cause de l’effet – la création du bonus-malus –, me semble en tout cas poser problème.
M. Jean-Yves Caullet. De deux choses l’une, en effet : si le choix est laissé aux collectivités, elles en assument les conséquences, après avoir fixé elles-mêmes les critères de la modulation ; s’il « est créé » un système a priori, comme l’indique à ce stade l’amendement, les collectivités pourront à bon droit exiger une compensation par l’État. L’intention me paraît bonne, mais il vaudrait mieux revoir la rédaction.
M. Julien Aubert. Nous avions proposé de moduler la taxe foncière pour financer la rénovation énergétique. En tout état de cause, notre débat illustre bien les problèmes que pose, pour la gouvernance, l’articulation entre les niveaux national et local. Soit dit au passage, l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas au niveau plus technique des modes de production.
Outre que l’amendement pourrait freiner les transactions, il me semble illogique de consacrer le rôle pilote des régions tout en réservant cette modulation financière aux conseils généraux – qui se plaignaient d’ailleurs d’être oubliés. Une vision globale de la gouvernance de la transition énergétique s’impose. Désigner plusieurs pilotes est le moyen le plus sûr de n’en avoir aucun : cela nécessite des coordinations qui provoquent un surcroît de complexité administrative et, in fine, une déresponsabilisation des acteurs.
Mme Cécile Duflot. L’amendement de Mme la rapporteure participe de la même logique que le mien. Vos remarques sur le pilotage sont justes, monsieur Aubert, mais c’est le département qui encaisse la taxe foncière et le droit d’enregistrement. Notre amendement est une mesure de décentralisation, qui donne la main aux collectivités : j’accepte cependant de le retirer pour en revoir la rédaction.
M. le secrétaire d’État. La mention du choix laissé aux conseils généraux doit en effet précéder l’énoncé du principe. Il faut aussi veiller à neutraliser toute décision d’un département en ce domaine au regard du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) : c’est là un sujet très sensible, sur lequel il convient peut-être de prendre l’attache de l’Association des départements de France.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CS1946 de la rapporteure.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je le retire également, de même que l’amendement CS1948, afin d’en revoir la rédaction avec Mme Duflot d’ici à l’examen en séance.
Les amendements CS1946 et CS1948 sont retirés.
Article 6
(articles L. 511-6, L. 511-33, L. 612-1, L. 612-2 du code monétaire et financier, article L. 333-4 du code de la consommation)
Mise en œuvre du service de tiers-financement
Cet article a pour objet de clarifier le cadre juridique des mécanismes de tiers-financement portés par les sociétés de tiers-financement instituées par les articles L. 381-1 et L. 381-2 du code de la construction et de l’habitation.
1. L’état du droit
Le mécanisme dit de « tiers-financement » consiste à faire financer la rénovation d’un bâtiment par un tiers, qui réalise les travaux et les prend en charge. Le bénéficiaire des travaux paye ensuite un loyer, qui intègre les économies de fonctionnement que la rénovation a permis de générer.
Le tiers-financement constitue donc un montage financier original, permettant de surmonter les difficultés à trouver un financement bancaire. Il est ainsi particulièrement adapté pour accélérer la réalisation de travaux de rénovation sur les bâtiments anciens afin de réaliser des économies d’énergie.
L’amélioration du bilan énergétique d’un bâtiment est en effet une opération coûteuse, mais qui peut faire baisser considérablement la facture de chauffage. Les économies générées peuvent ensuite être partagées entre le tiers-financeur, qui encaisse un loyer intégrant le coût des travaux, le coût du portage financier et son propre bénéfice, et le bénéficiaire, qui acquitte un loyer d’un montant inférieur à son ancienne facture énergétique. À l’expiration de la période de versement des loyers, la totalité des économies réalisées reviendront au bénéficiaire.
Jusqu’à une date récente, il n’existait pas de statut juridique du tiers-financement pour les travaux de rénovation de logements, bien que le mécanisme ait pu être mis en œuvre avec succès par certaines collectivités territoriales ou dans le cadre d’initiatives privées : en Île-de-France, la région, associée à treize autres collectivités, à la Caisse des dépôts et consignations et aux caisses d’épargne, a ainsi créé la société d’économie mixte Energies Posit’if pour porter une offre de tiers-financement tant auprès des bailleurs sociaux que des copropriétés.
Il faut donc se féliciter qu’une initiative commune de nos collègues députés Audrey Linkenheld et Daniel Goldberg, rapporteurs de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ait récemment permis de donner une base juridique au tiers-financement dans le champ des opérations de rénovation de bâtiment, tant dans le parc public que privé, à travers l’introduction de deux articles dans le code de la construction et de l’habitation :
– l’article L. 381-1 définit le tiers-financement comme « l’intégration d’une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps. Est exclue du service de tiers-financement au sens du présent article la vente ou la revente d’énergies » ;
– l’article L. 381-2 attribue la qualité de « société de tiers-financement » à tout organisme susceptible d’offrir au maître de l’ouvrage un service de tiers-financement tel que défini à l’article L. 381-1 précité.
2. Les modifications apportées par le projet de loi
Cet article complète le chapitre unique du titre VIII du livre III du code de la construction et de l’habitation par un article L. 381-3, relatif à la mise en œuvre du service de tiers-financement.
Il prévoit ainsi que le service de tiers-financement défini à l’article L. 381-1 précité peut être mis en œuvre par les sociétés de tiers-financement selon deux modalités :
– soit directement, s’il s’agit de sociétés agréées au titre de l’article L. 511-10 du code monétaire et financier ;
– soit indirectement, dans le cadre de conventions établies avec des établissements de crédit ou des sociétés de financement agréées au titre de l’article L. 511-10 précité. Il appartiendra notamment à ces conventions de fixer les modalités de rémunération de la société de tiers-financement par l’établissement de crédit.
3. La position de votre co-rapporteure
Votre co-rapporteure estime que, dans la situation économique difficile que connaît aujourd’hui la grande majorité des ménages et face au manque d’engagement du secteur bancaire au titre du financement de la rénovation énergétique, le développement du tiers-financement constitue l’une des solutions les plus prometteuses.
L’existence de mécanismes pérennes, transparents et peu onéreux permettant l’avance de fonds au maître d’ouvrage et leur remboursement grâce aux économies d’énergie réalisées, lui apparaît de nature à faciliter la prise de décision et l’engagement des opérations de travaux.
Votre co-rapporteure estime néanmoins que soumettre les sociétés de tiers-financement aux règles prudentielles applicables au secteur bancaire peut contraindre leur développement. Au regard de la préoccupation légitime tenant à la garantie de la solvabilité de ces établissements, une solution pourrait consister à limiter l’activité d’avance de fonds par rapport aux autres activités comme le conseil, l’assistance technique à la maîtrise d’ouvrage ou encore le suivi et le contrôle des travaux réalisés.
Dans cette optique, votre co-rapporteure a proposé d’amender le texte du projet de loi, afin de permettre aux collectivités locales de poursuivre la mise en place d’opérateurs de tiers-financement, tout en les faisant bénéficier d’une dérogation au monopole bancaire. Cette solution leur permettra de continuer à avancer financièrement le coût des travaux aux citoyens demandeurs, tout en les conseillant.
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M. le président François Brottes. L’amendement CS2191 rectifié de la rapporteure proposant une nouvelle rédaction de l’article, son adoption ferait tomber tous ceux qui s’y rattachent, le mien y compris... J’ouvre donc un débat général sur l’ensemble des amendements.
La Commission procède en conséquence à l’examen de l’ensemble des amendements à l’article 6 : CS2191 rectifié de la rapporteure, CS729 de M. Philippe Bies, CS371 de M. Antoine Herth, CS1483 de Mme Michèle Bonneton, CS629 de M. Jean-Jacques Guillet, CS1403 de M. Philippe Plisson, CS1028 de M. Bertrand Pancher, CS1624 de M. Joël Giraud et CS1991 du président François Brottes.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je propose une deuxième rectification de mon amendement, consistant à substituer, au début du troisième alinéa, « 8 » à « 7 ».
Sur le fond, il s’agit d’ouvrir le tiers-financement aux collectivités territoriales : ayant déjà fait leurs preuves en la matière, elles avaient toutefois besoin d’un cadre juridique sécurisé.
M. Jean-Paul Chanteguet. Cet amendement est important : pourriez-vous nous le présenter de façon plus précise ?
Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est en effet très attendu par de nombreuses collectivités, qui jusqu’à présent pratiquaient le tiers-financement dans un cadre relativement incertain, notamment au regard du monopole bancaire.
Le tiers-financement consiste à faire financer une rénovation de bâtiment par un tiers. Suite à la réalisation des travaux, le client rembourse à ce tiers l’avance et les intérêts associés dont il a bénéficié. Dès la fin du contrat, les économies d’énergie sont au bénéfice du client.
Plusieurs collectivités locales, en particulier des régions, ont mis en place des opérateurs dédiés sous forme d’entreprises publiques locales (EPL), afin de traiter certains segments du parc immobilier. Sur le modèle du guichet unique, ces organismes ont développé une offre globale, intégrée et composée de trois services complémentaires permettant d’accompagner, voire de réaliser et de financer les travaux de rénovation énergétique en copropriété avec un seul interlocuteur.
Si l’offre construite par les organismes est articulée autour de ces trois services complémentaires, leur volonté est de proposer un service à la carte, adapté à la diversité des situations rencontrées en copropriété et par les copropriétaires. Ainsi, un propriétaire pourra solliciter un accompagnement tout au long des travaux de rénovation sans avoir recours à l’offre de financement. La motivation première des collectivités, il faut y insister, n’est pas le financement mais la participation à ces opérations.
L’amendement permet aux EPL de tiers-financement de ne pas être soumises aux conditions d’agrément des établissements de crédit et des sociétés de financement. Il renvoie à un décret le régime prudentiel applicable à ces sociétés, régime qui pourra donc être simplifié et allégé compte tenu de leur objet limité. Les sociétés de tiers-financement n’en seront pas moins soumises à la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) dans leur activité de crédit.
L’amendement précise également le dispositif applicable aux prêts collectifs. Enfin, il élargit l’accès au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) aux organismes de caution dans le seul cas des prêts collectifs.
C’est là, me semble-t-il, un bon compromis, de nature à satisfaire les collectivités, les ménages et les milieux bancaires.
M. Michel Sordi. L’amendement CS371 tend à exonérer les sociétés de tiers-financement du monopole bancaire, afin de leur permettre une expérimentation sans avoir à conclure un partenariat avec une banque commerciale : elles pourraient ainsi proposer ce système sans surenchérir le coût de l’emprunt. Néanmoins, au bénéfice des explications précédentes, je le retire.
Les amendements CS729 et CS371 sont retirés.
Mme Cécile Duflot. Le tiers-financement n’est apparu qu’en raison de l’absence du secteur bancaire dans le financement de la transition énergétique. D’autres pays européens l’ont mis en œuvre. Il faut le dire : l’article 6, loin de le favoriser, le tuera en consacrant les règles de contrôle prudentiel des banques. C’est donc avec la plus grande énergie que je défendrai, dans l’hémicycle, un amendement de suppression de cet article, dont il est scandaleux de prétendre qu’il favorisera le tiers-financement.
Votre amendement, madame la rapporteure, peut sembler intéressant, mais le diable se niche dans les détails : en l’occurrence, dans ce décret en Conseil d’État qui « précise les conditions dans lesquelles [les sociétés de tiers-financement] sont autorisées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à exercer des activités de crédit […] ». Autant dire que c’est l’Autorité de contrôle prudentiel qui décidera ; or nul n’ignore qu’elle est opposée au tiers-financement.
L’opposition des banques est au demeurant assez mystérieuse ; mais je l’ai éprouvée, dans le cadre de mes anciennes fonctions ministérielles, en tentant de confier à deux personnalités qualifiées une mission d’étude sur les monnaies locales, que l’on a alors accusées, sans crainte du ridicule, de mettre en péril l’euro. Cette volonté de stériliser toute initiative en dehors du secteur bancaire est très préjudiciable.
Loin de vous faire un procès, madame la rapporteure, je salue vos efforts. Reste que votre amendement, tel qu’il est rédigé, porterait un coup fatal au tiers-financement : mieux vaut en rester à l’article 124 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « ALUR ».
Je suis habituée à ces habiletés de technicien, qui consistent à dissimuler l’essentiel au détour d’une phrase brève, dans un amendement dont le texte occupe une page entière ; mais la méthode me semble pour le moins baroque, et en tout cas bien peu respectueuse des parlementaires. Soit il existe une volonté politique de créer le tiers-financement, moyennant bien entendu qu’on l’encadre ; soit on y renonce. Mais gardons-nous de toute hypocrisie.
M. Martial Saddier. Je défendrai l’amendement de M. Guillet, mais il me semble que le secrétaire d’État et la rapporteure doivent d’abord répondre à Cécile Duflot, car les divergences de vues au sein de la majorité laissent l’humble membre de l’opposition que je suis dans le plus grand désarroi...
L’amendement CS1403 est retiré.
M. Bertrand Pancher. Grâce à mon expérience locale, je sais comment fonctionne une société d’économie mixte, en l’occurrence une société de services en efficacité énergétique. Il importe pour elle de pouvoir négocier avec les établissements de crédit les meilleurs tarifs. Or, ce ne sera pas possible si l’on adopte cette seconde version de l’article 6. Cécile Duflot a mis les pieds dans le plat en incriminant le lobby bancaire. Nous sommes souvent accusés, à tort, d’être le relais de lobbies, mais nous avons maintenant à nous prononcer sur des dispositions scandaleuses, qui vont tuer ces sociétés de services. Elles ne seront plus, en effet, que des relais d’information, alors qu’elles ont pour principal intérêt de libérer de tout souci les particuliers en négociant elles-mêmes les prêts auprès des banques. Ces dernières ont refusé pendant des années de distribuer des éco-prêts à taux zéro. Leur tentative de lobbying est malvenue, et il faut faire toute la transparence sur les conditions de rédaction de cette nouvelle mouture de l’article 6.
M. Joël Giraud. Mon amendement porte sur un problème souvent peu pris en compte, à savoir l’éclairage public, qui constitue tout de même la deuxième source des investissements des collectivités locales. Selon les choix opérés, celles-ci peuvent diminuer d’un quart, ou même davantage, la facture électrique et la pollution lumineuse qui lui sont liées. L’éclairage public vertueux constitue donc un enjeu important. Par ailleurs, je partage, comme actionnaire d’une société d’économie mixte locale, les inquiétudes de nos collègues Cécile Duflot et Bertrand Pancher. Je ne veux pas assister à la mort d’une économie décentralisée de l’énergie.
M. le président François Brottes. Je crains que cet amendement ne soit quelque peu à côté du sujet principal…
M. Jean-Luc Laurent. Plutôt que de renvoyer à un décret en Conseil d’État, comme le prévoit la nouvelle mouture de l’article 6 proposée par la rapporteure, l’amendement CS1390 que je défendrai après l’article 6 tend à créer une exception de rang législatif au profit des sociétés de tiers-financement, qui seraient autorisées par la loi à emprunter auprès des établissements de crédit.
L’article 124 de la loi ALUR donne déjà une base juridique au tiers-financement et aux organismes habilités à le pratiquer. De nombreuses initiatives locales, en Île-de-France, en Rhône-Alpes, en Picardie ou en Poitou-Charentes, ont vu le jour, mais elles se heurtent au monopole des établissements de crédit. Pour dynamiser cette politique publique essentielle, l’amendement propose donc de créer une exception en faveur des sociétés de tiers-financement, qui leur permette de développer directement cette activité. Cette exception s’ajouterait à d’autres qui existent déjà en faveur du 1 % logement, des sociétés d’aménagement régional ou de l’assainissement collectif.
Tel qu’il est rédigé, l’article 6 constitue un frein au développement des sociétés d’économie d’énergie. L’habitat représente environ 40 % des sources de progrès potentiel vers la transition énergétique. Le renvoi à un décret en Conseil d’État ne peut que nous faire perdre dix-huit ou vingt-quatre mois, avant que l’on constate que le cadre normatif n’est pas efficace en ce domaine. L’amendement de la rapporteure améliore certes le dispositif, mais insuffisamment.
Je partage les inquiétudes de Cécile Duflot, tout en me voulant plus constructif. La réalité est que les banques ne jouent pas le jeu et préfèrent prêter directement, sans avoir affaire à des tiers. En outre, le dispositif conventionnel envisagé ne pourra qu’entraîner des surcoûts, car il faudra bien rémunérer les intermédiaires. Voilà deux bonnes raisons d’adopter cet amendement, qui n’est du reste pas exclusif de celui de la rapporteure.
En tout état de cause, il faut se donner les moyens d’atteindre nos objectifs, sans quoi nous en resterons au stade de la palabre.
M. le président François Brottes. Si nous révisons le code monétaire et financier, il ne faut pas que ce soit un marché de dupes…
Certains particuliers ont besoin d’un financement à 100 % de leurs opérations de rénovation thermique, le cas échéant par un prêt viager hypothécaire, tel que le propose mon amendement. Pour le bailleur de fonds, le retour sur investissement s’en trouve reporté à la mutation du bien. L’échéance est incertaine, mais la valeur du bien s’en trouve augmentée, de sorte que l’investisseur se remboursera – principal et intérêts – au moment du décès de l’emprunteur ou lors de l’aliénation ou du démembrement de la propriété. Cela offre une possibilité supplémentaire dans le panel de solutions ouvert à qui veut mener une opération de rénovation thermique. Du reste, l’amendement était conçu pour s’insérer dans un article 6 que notre délibération pourrait éventuellement faire disparaître.
M. le secrétaire d’État. Je ne reviendrai pas sur le tableau qui est brossé de cette nouvelle mouture de l’article 6. Mais, quelques critiques radicales ayant fusé, exigeant de savoir quelle grande organisation occulte a ourdi ce « mauvais coup », je dois une réponse à la Commission. Le texte est le fruit d’une négociation entre le gouvernement et l’Association des régions de France (ARF). Qui sont, en effet, les opérateurs actuels du tiers-financement ? Les régions Île-de-France, Rhône-Alpes et Picardie, principalement. Or, non seulement elles se heurtent au problème du contrôle bancaire de leur activité de prêt, mais elles sont également confrontées, à l’instar des entreprises de l’économie sociale et solidaire, à leurs propres inquiétudes sur ces opérations par nature incertaines.
Aussi les élus de ces régions, ne pouvant rester inertes, se sont-ils rapprochés du ministère des finances. Mme Cécile Duflot a cru pouvoir dénoncer une vilenie, mais le recours à un décret en Conseil d’État n’est rien de moins que la procédure normale pour encadrer des prêts sans faire courir de risques excessifs à ceux qui les consentent. Je refuse tout faux procès, et le Gouvernement communiquera d’ailleurs, d’ici l’examen en séance publique, le projet de décret envisagé, pour que vous puissiez vérifier qu’il ne vide pas le dispositif de son contenu. Vous verrez que ce décret ressemble à tous les autres pris dans le même domaine.
D’autres estiment que la labellisation « opération de crédit » devrait supporter en l’espèce une exception. Le Gouvernement considère, pour sa part, qu’il faut faire attention. À l’heure actuelle, seules les collectivités publiques se lancent dans ces opérations, à cause de la défaillance des acteurs privés. Mais il faut qu’elles puissent le faire dans le cadre de règles qui les garantissent contre des opérations hasardeuses. Le système actuel doit pouvoir connaître des améliorations, telles que celles qui sont résultées du dialogue entre l’association des régions de France et le secteur bancaire. Avis favorable, donc, à l’amendement de la rapporteure.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir, par vos explications, apaisé le débat. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, car les banques ne sont pas au rendez-vous. Cela rend nécessaire le recours à d’autres structures de financement, et les élus ont pris les choses en main. De quel « lobbying » parle-t-on ? La seule considération qui me guide, c’est l’intérêt collectif.
Comme conseillère régionale, je me rends compte des attentes sur le terrain. Je n’ai donc pas rédigé cette nouvelle mouture de l’article 6 seule dans mon coin, mais en associant au contraire toutes les parties prenantes. Les élus, notamment ceux de l’ARF, se retrouvent dans cet amendement. Si des difficultés peuvent se dissimuler derrière un projet de décret, l’assurance du ministre de nous en communiquer le projet avant la séance publique est de nature à couper court à tout procès d’intention. Pour ma part, j’avais déjà toute confiance dans le recours à cet instrument, mon souci principal étant de faire avancer plus vite les choses. Si j’avais été sous l’influence du lobby bancaire, j’aurais plutôt laissé l’article en l’état.
M. Martial Saddier. Je ne mets en doute ni la qualité de votre travail ni votre bonne foi, madame la rapporteure. Nous prenons acte, par ailleurs, de la volonté du ministre de transmettre le projet de décret par avance aux parlementaires, mais vous comprendrez que les commissaires du groupe UMP s’abstiennent, à titre conservatoire, sur cette nouvelle mouture de l’article 6.
M. Denis Baupin. En aucune façon, madame la rapporteure, je ne mets en cause votre bonne foi : je mets au contraire à votre crédit d’avoir recherché un compromis dans une situation compliquée. Lorsque le Président de la République a annoncé qu’une conférence bancaire et financière aurait lieu pour traiter de la transition énergétique, cela a fait naître chez moi des espoirs dont le moins que je puisse dire est qu’ils sont déçus, car nous n’assistons pas à la mobilisation attendue. D’ailleurs, lorsque nous en viendrons à l’examen du titre VIII, je ferai des propositions destinées à réorienter la finance privée.
Le monde bancaire aimerait que nous croyions que tout va bien et qu’il suffit de le laisser agir. Mais la réalité, c’est que l’économie est au service de la finance et non l’inverse, car les établissements de crédit fixent leurs propres règles.
Lorsque j’ai rencontré des responsables de l’ARF, je n’ai pas entendu le même message que la rapporteure. Je soutiendrais donc volontiers l’amendement de notre collègue Jean-Luc Laurent. Étant donné le niveau actuel du tiers-financement, il ne faut pas créer d’obstacles ou de contraintes supplémentaires. L’ACP, ne l’oublions pas, avait initialement donné son accord à la création de l’exception législative proposée, dont l’instauration serait loin de faire s’effondrer le système financier. Je pense que ce serait la meilleure solution et suis d’avis, pour le reste, d’attendre le projet de décret avant de me prononcer en séance publique sur une nouvelle mouture de l’article 6. Ce serait l’intérêt de tout le monde que de pérenniser ce qui fonctionne tout en sécurisant les élus.
M. Christophe Bouillon. Nous donnons crédit à Mme la rapporteure de son important travail préparatoire, fait d’auditions, d’échanges et de rencontres. Il a permis de faire émerger un constat partagé par de nombreux élus qui sont en faveur d’un dispositif efficace et pragmatique. Soucieux de l’intérêt général, nous voulons obtenir, par le tiers-financement, la rénovation d’un nombre considérable de logements dans notre pays.
Mme Bernadette Laclais. Cosignataire de l’amendement de la rapporteure, je considère que celui-ci répond à la demande qui s’exprime dans de nombreux territoires. Notre débat d’aujourd’hui a au moins permis une avancée majeure, puisque le Gouvernement nous présentera le projet de décret avant la séance publique. Cela me semble de nature à apaiser les inquiétudes, même si j’avais déjà, pour ma part, toute confiance dans la démarche.
M. Bertrand Pancher. À aucun moment, je n’ai imputé de mauvaises intentions à qui que ce soit. Mais un député ne peut expertiser 2 300 ou 2 400 amendements en quelques jours seulement en se reposant sur ses propres forces. Aussi est-ce l’association AMORCE, regroupant collectivités, associations et entreprises pour la gestion des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur, qui m’a alerté sur cet amendement, où elle décèle la trace de fortes interventions du milieu bancaire.
M. le président François Brottes. Comme président de la Commission spéciale, je puis vous assurer, monsieur Pancher, que les rapporteurs ont tout expertisé et qu’il n’est pas un seul amendement signé par eux qui soit le copier-coller d’un texte émanant d’où que ce soit. Ils ont mené un travail d’expertise et d’analyse en liaison avec les personnes qu’ils ont entendues. Le Parlement est à même de former son propre jugement.
M. Bertrand Pancher. Je conteste tout à fait votre affirmation sur les moyens mis à la disposition des parlementaires. Nous aurons d’autres occasions d’en reparler.
M. le président François Brottes. Je parle, il est vrai, des assemblées et de leurs commissions, pas forcément de leurs membres pris individuellement.
Mme Cécile Duflot. J’ai voulu soulever un problème grave, et non porter une attaque personnelle contre quiconque. Les contraintes qui pèsent sur le ministre lui ont imposé ce compromis issu d’un arbitrage interministériel, sans quoi la version initiale existerait toujours. La question centrale est celle de la place laissée à l’expérimentation.
J’ai pris contact avec la vice-présidente de la région Île-de-France en charge de l’environnement, qui pilote le dossier pour cette collectivité par ailleurs actionnaire de la plus grosse société d’économie d’énergie. Elle conteste formellement l’accord de l’ARF sur l’amendement en débat.
Il s’agit au demeurant d’une enveloppe limitée, de 150 millions d’euros, qui ne fait courir aucun risque d’effondrement au système bancaire. Inversement, nous risquons de tuer dans l’œuf un dispositif qui pourrait apporter des solutions, même si je ne mésestime pas les contraintes. Il faut reconnaître que le régime actuel ne fonctionne pas, et je suis assez encline à rejoindre notre collègue Jean-Luc Laurent, dont l’amendement paraît toutefois incompatible avec celui de la rapporteure, puisqu’il faudra choisir entre le décret en Conseil d’État et l’expérimentation par la loi. Alors que nous nous apprêtions à inventer un dispositif, analogue à celui du 1 % logement, qui permette de stimuler fortement l’efficacité énergétique, le point de compromis auquel le Gouvernement est arrivé empêchera l’émergence du tiers-financement. Il suffira en effet que le décret édicte des règles prudentielles très strictes pour étouffer dans l’œuf son développement.
La précédente majorité avait alloué, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), 500 millions d’euros à la transition énergétique. Or, 50 millions seulement ont été dépensés, en raison de règles absurdes qui imposaient des montants élevés de travaux à des ménages très modestes. Des causes analogues risquent fort de produire les mêmes effets, et la France aggravera encore son retard. Là où les collectivités attendent un feu vert, elles verront s’allumer un orange clignotant.
M. le secrétaire d’État. Puisque certains ont cru bon de mettre en doute ce que j’ai dit au nom du Gouvernement sur le fait que nous avions travaillé en concertation avec l’Association des régions de France, je produirai l’ensemble des éléments de nature à le prouver, à commencer par celui que j’ai sous les yeux, c’est-à-dire la confirmation, sous la forme d’un courriel qui m’a été adressé par un responsable de l’ARF, de l’accord de cette association sur la solution trouvée, assortie de quelques propositions de modification. Si j’accepte le débat de fond, j’admets difficilement que l’on mette ma parole en doute, et je montrerai que je n’ai pas menti.
M. Julien Aubert. Je trouve un peu surprenant qu’au terme de 37 heures d’auditions, nous n’ayons pas trouvé le moyen d’entendre les acteurs bancaires. Par ailleurs, je veux bien que M. le secrétaire d’État se prévale d’avoir reçu des courriels de l’ARF, mais cela ne me paraît pas une méthode de travail satisfaisante que celle consistant à régler ces questions sur un coin de table : il s’agit tout de même de s’exonérer du monopole bancaire, donc des règles prudentielles d’une grande exigence auxquelles ce secteur est soumis.
Mme Duflot insiste sur le fait que nous parlons de petites sommes : admettons, mais de grandes ambitions sont en jeu, puisque l’objectif global que nous poursuivons consiste à effectuer la transition énergétique, ce qui nécessitera des opérations de grande ampleur, mobilisant plusieurs milliards d’euros. Comment pouvons-nous nous prononcer sur une telle question sans avoir entendu les acteurs concernés au premier chef, et en nous satisfaisant de la promesse du Gouvernement de nous communiquer le décret avant la séance publique ?
J’ajoute qu’il est étonnant de voir surgir tardivement un débat de cette nature, alors que nous manquons déjà de temps pour étudier les amendements comme nous le souhaiterions.
M. le président François Brottes. Je rappelle que nous avons tout de même auditionné le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, qui intervient dans le financement du logement.
M. Jean-Luc Laurent. Pour en revenir au fond, je voudrais souligner qu’il convient de relativiser l’importance des risques évoqués, notamment celle du risque systémique. Et puisque la loi crée régulièrement des exceptions, rien ne s’oppose à ce qu’elle en crée une dans le domaine qui nous intéresse.
Par ailleurs, Mme la rapporteure a parfaitement fait son travail en proposant, après avoir entendu tous les points de vue, une solution prévoyant l’intervention d’un décret en Conseil d’État. Si M. le secrétaire d’État a levé quelques interrogations, notamment en matière de délais, en s’engageant à nous présenter un projet de décret avant la séance publique, cela ne fournit pas toutes les garanties que nous attendons. On pourrait concevoir que les exceptions soient prévues par la loi, tandis qu’un décret viendrait préciser les modalités d’application, de contrôle et d’encadrement. Il me semble que le dispositif que j’avais proposé permettait d’aller plus vite. Cela dit, je vais retirer mon amendement CS1390 déposé après l’article 6, en me réservant le droit de le redéposer lors du débat en séance publique, en fonction de l’éclairage que le Gouvernement et Mme la rapporteure pourront nous apporter.
M. le président François Brottes. J’en profite pour retirer également le mien.
L’amendement CS1991 est retiré.
M. Christophe Borgel. Je pense que nous pouvons nous accorder sur le fait que les réponses apportées par M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteure sont de nature à lever les inquiétudes que nous pouvions avoir – à moins de considérer qu’ils déclarent n’importe quoi devant notre Commission spéciale, ce que je ne peux imaginer – quant à leur volonté de faire avancer les choses sur la question des sociétés de tiers-financement.
La deuxième question est celle du décret venant fixer les conditions du dispositif, notamment celles dans lesquelles l’autorité prudentielle permettra qu’il se mette en place. Le fait qu’un décret soit pris allongera-t-il les délais par rapport à ceux qui se seraient appliqués dans le cadre d’un système d’exceptions ? Honnêtement, la proposition de M. le secrétaire d’État de nous soumettre le projet de décret doit nous permettre de vérifier si le système peut fonctionner ou s’il est condamné à rester lettre morte – et si nous détections un risque de blocage du système de tiers-financement que nous appelons tous de nos vœux, il serait toujours temps de déposer un amendement afin de corriger les choses.
Dans ces conditions, j’estime que nous avons tout intérêt à soutenir l’amendement de la rapporteure – en nous réservant la possibilité de déposer un autre amendement d’ici la discussion en séance publique si nous estimions finalement ne pas être satisfaits par le décret.
M. le secrétaire d’État. Il est ici question de déroger aux règles trouvant habituellement vocation à s’appliquer au secteur bancaire. De fait, ce texte est un texte dérogatoire. Dès lors, je pose une question – à laquelle je ne prétends pas avoir la réponse, même si j’en ai une petite idée –, à savoir : l’ensemble des dérogations déjà présentes dans la loi ne sont-elles pas en réalité, elles aussi, systématiquement validées par le même décret – celui-là même dont Cécile Duflot déclare se méfier ? Je pense que nous aurions intérêt à répondre à cette question avant le débat en séance publique.
Mme Cécile Duflot. Je voudrais poser une simple question : à quelle date le décret nous sera-t-il soumis ? Si je ne me trompe pas, la date limite de dépôt des amendements pour la séance est le mercredi 1er octobre au matin, ce qui implique que le décret nous soit communiqué avant.
M. le président François Brottes. Pour tout vous dire, tout dépendra de l’heure à laquelle nous terminerons nos propres travaux, mes chers collègues…
M. le secrétaire d’État. Je me suis engagé à ce que le décret vous soit communiqué avant la séance publique, mais je ne peux être plus précis, dans la mesure où le texte demeure soumis à des arbitrages.
M. le président François Brottes. Je rappelle par ailleurs que le dépôt d’un amendement par le Gouvernement sur un article rouvre, pour l’ensemble des parlementaires, le délai de dépôt des amendements sur l’article en question.
Mme Cécile Duflot. Mais transmettre un projet de décret n’est pas déposer un amendement, monsieur le président !
M. le président François Brottes. Certes.
La Commission adopte l’amendement CS2191, deuxième rectification.
En conséquence, les amendements CS1483, CS629, CS1028 et CS1624 tombent.
La Commission adopte l’article 6 modifié.
Article 6 bis [nouveau]
(article L. 314-1 du code de la construction et de l’habitation)
Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire
Le prêt viager hypothécaire est un contrat, créé par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, par lequel un établissement de crédit consent à une personne physique un prêt garanti par une hypothèque constituée sur un immeuble à usage exclusif d’habitation. Il s’agit d’un instrument parfaitement adapté au financement d’opérations de rénovation qui valorisent le bien immobilier.
Cet article propose d’étendre le dispositif à une variante où l’emprunteur rembourserait régulièrement les intérêts, l’hypothèque à financer ne portant plus que sur le capital : cet aménagement devrait permettre, sans augmenter véritablement le risque pour le prêteur, qui pourra toujours se rembourser au moment de la mutation du bien, d’élargir la clientèle potentielle à des personnes plus jeunes, et en plus grand nombre.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1216 et CS1925 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Caullet. L’amendement CS1216 propose que les prêts viagers hypothécaires puissent prévoir un remboursement régulier des intérêts, celui du capital intervenant au moment de la mutation. Il s’agit d’éviter que la capitalisation des intérêts n’aboutisse, au terme du contrat, à des sommes considérables lorsque ce sont des personnes jeunes qui ont financé leurs travaux par ce moyen. Afin d’éviter toute dérive, l’amendement CS1925 précise que le prêt viager hypothécaire assorti de telles modalités de remboursement n’est possible que pour des travaux d’amélioration de la performance énergétique du bien immobilier hypothéqué.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. L’amendement CS1216 nous paraît de nature à favoriser la distribution des prêts viagers hypothécaires, le Gouvernement y est donc favorable.
Il se montre plus réservé sur l’amendement CS1925. Le prêt viager hypothécaire défini à l’article L. 314-1 du code de la consommation peut déjà, dans sa forme actuelle, servir au financement de la rénovation énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. L’article L. 314-2 du même code précise uniquement qu’il ne peut être destiné à financer les besoins d’une activité professionnelle. Or l’amendement favoriserait les travaux de rénovation thermique au détriment d’autres travaux comme ceux relatifs à l’accessibilité et à l’adaptation au vieillissement des logements, qui sont essentiels pour les personnes en situation de perte d’autonomie. Le Gouvernement est donc défavorable à ce second amendement.
L’amendement CS1925 est retiré.
Mme Sabine Buis, rapporteure sur les titres II et IV du projet de loi. Avis favorable sur l’amendement CS1216.
La Commission adopte l’amendement.
Article 6 ter [nouveau]
(article L. 241-9 du code de l’énergie)
Précision de la notion de « coût excessif »
Cet article vise à préciser la notion de « coût excessif » inscrit à l’article L. 241-9 du code de l’énergie, afin de limiter les cas de non installation du comptage de chaleur dans les immeubles chauffés collectivement.
Une telle précision s’inscrit d’ailleurs en cohérence avec les exigences de la directive européenne 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique, qui impose la comptabilisation individuelle de chauffage à tous.
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Puis elle examine les amendements identiques CS207 de M. Charles de Courson, CS414 de M. Patrick Hetzel, CS786 de M. Julien Aubert et CS1627 de M. Joël Giraud.
M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, vous avez tué le suspense en indiquant à l’avance votre préférence pour l’amendement CS1627. Celui-ci permettra certes de débloquer la machine, mais il n’est pas sous-tendu par une volonté politique. Ainsi, pour répondre à la critique du Conseil constitutionnel relative au trop court délai pour la mise en place du comptage individualisé, nous avons proposé de porter l’échéance au 1er janvier 2018, ce qui laisserait trois ans supplémentaires ; vous avez refusé. À un moment donné, il faut bien fixer une date pour rendre une loi effective !
Alors que le texte prévoit des objectifs très ambitieux, voire irréalisables dans de nombreux domaines, je ne comprends pas pourquoi cette précision-là serait refusée.
M. Joël Giraud. L’amendement CS1627 permet de tracer une trajectoire en précisant que seule la nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage peut être opposée à la mise en place de compteurs individuels.
M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à l’amendement CS1627 et demande le retrait des trois autres.
Mme la rapporteure. Même avis.
La Commission adopte les amendements.
Puis la Commission examine l’amendement CS194 de M. Charles de Courson.
M. le secrétaire d’État. Je donnerai, sur cet amendement, une explication qui vaudra pour les suivants traitant du même sujet. Le Gouvernement émettra un avis favorable à l’amendement CS1627 du groupe RRDP, qui sera appelé avant l’article 7, parce qu’il précise la notion de coût excessif pour l’installation de compteurs individuels. L’obligation d’individualiser les frais de chauffage et d’eau chaude lorsque c’est techniquement possible et économiquement rentable est déjà définie à l’article L. 241-9 du code de l’énergie ainsi que dans les textes d’application, conformément aux exigences de la directive européenne sur l’efficacité énergétique.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement CS194 ; à défaut, il émet un avis défavorable.
L’amendement CS194 est retiré.
Elle en vient à l’amendement CS730 de M. Philippe Bies.
M. Philippe Plisson. Le seuil d’éligibilité des baux emphytéotiques administratifs aux attributions du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est de 10 millions d’euros. Nous proposons de le relever à 15 millions d’euros pour permettre la réalisation de travaux de réhabilitation lourde sur les bâtiments publics.
M. le secrétaire d’État. Cette question, certes légitime, relève néanmoins de la discussion du projet de loi de finances. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CS1492 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement vise à remédier à une anomalie. Plus de 90 % des ressources du livret de développement durable (LDD) sont utilisées pour tout à fait autre chose que le développement durable. Nous proposons que ces sommes soient affectées à la Banque publique d’investissement (BPI) pour financer le développement durable, donc la transition énergétique.
M. le secrétaire d’État. L’amendement CS2363 du Gouvernement, que vous avez précédemment adopté et portant création d’un fonds de garantie pour la rénovation énergétique, introduit un moyen qui nous paraît plus pertinent de parvenir à la fin que vous souhaitez. Aussi, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. L’adoption de cet amendement ferait de BPI France un acteur de la politique du logement et un établissement de financement des particuliers, en contradiction avec la mission que lui a confiée le Parlement lors de sa création. Aux termes de l’article 1 A de l’ordonnance du 29 juin 2005, BPI France est en effet un groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l’État et par les régions. En vue de soutenir la croissance durable, l’emploi et la compétitivité de l’économie, elle favorise l’innovation et l’amorçage de développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres.
M. le président François Brottes. Une partie de cet argent sert vraiment l’économie locale, à travers la délivrance aux PME de prêts à faibles taux d’intérêt. Il faut se garder du risque de siphonner la capacité financière des banques locales.
M. Denis Baupin. Il s’agit évidemment d’un amendement d’appel qui avait été déposé avant que l’on ne décide de localiser le fonds de garantie pour la rénovation énergétique à la CDC. On pourrait très bien décider d’attribuer les ressources en question à ce fonds, ce qui ferait tomber une bonne partie de l’argumentation de la rapporteure.
Je serais d’ailleurs étonné, monsieur le secrétaire d’État, que l’argent qui abondera le fonds de garantie pour la rénovation énergétique corresponde aux sommes collectées sur le livret A et le LDD : il y aura au moins un facteur dix entre les deux. Nos concitoyens, lorsqu’ils versent de l’argent sur un LDD, s’attendent à ce qu’il soit vraiment consacré au développement durable. Le problème, c’est que ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui.
Je retire l’amendement, mais nous reviendrons sur la question en séance publique.
L’amendement CS1492 est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques CS1390 de M. Jean-Luc Laurent et CS1484 de Mme Cécile Duflot.
L’amendement CS1390 est retiré.
M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement CS1484. Les objectifs en paraissent satisfaits par l’amendement CS2191 rectifié de la rapporteure, qui propose un juste équilibre entre la prévention du risque bancaire et l’ambition de massifier l’accompagnement des ménages pour la rénovation de leur logement.
Mme Sabine Buis, rapporteure. Je propose également le retrait.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CS1215 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Caullet. Le présent amendement prévoit la remise d’un rapport analysant les conditions dans lesquelles la mise en place d’un fonds de garantie pourrait permettre d’élargir la distribution des prêts viagers hypothécaires.
M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le Fond