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N° 2303

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252),

TOME VI

FAMILLE

Par Mme Marie-Françoise CLERGEAU,

Députée.

___

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1 et 2, 5, 7 à 9, 11 à 28, 65 et 66 figurent dans le rapport de M. Gérard Bapt, sur les recettes et l’équilibre général (n° 2303, tome I).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 3 et 4, 6, 10, 29 à 55 figurent dans le rapport de M. Olivier Véran, sur l’assurance maladie (n° 2303, tome II).

Les débats en commission après l’article 53 figurent dans le rapport de Mme Martine Pinville, sur le secteur médico-social (n° 2303, tome III).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 56 et 57, 63 et 64 figurent dans le rapport de M. Michel Issindou, sur l’assurance vieillesse (n° 2303, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 58 à 60 figurent dans le rapport de M. Denis Jacquat, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 2303, tome V).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 61 et 62 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 2303, tome VI).

Le tableau comparatif figure dans le fascicule n° 2303, tome VII.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA BRANCHE FAMILLE DOIT PARTICIPER AU REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX 9

1. Poursuivre l’effort de réduction du déficit de la CNAF 9

2. La compensation des effets du pacte de responsabilité et de solidarité 11

3. L’évolution du solde de la branche famille 14

II. LES ÉCONOMIES DOIVENT PROVENIR D’UNE RÉFORME DE FOND 16

1. Le plan d’économies annoncé 16

2. Mieux répartir l’effort demandé aux familles 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS À LA BRANCHE FAMILLE 27

QUATRIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2015 27

TITRE IV : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE 27

Article 61 (art. L. 531-2 du code de la sécurité sociale) : Différenciation du montant de la prime à la naissance ou à l’adoption selon le rang de l’enfant 27

Après l’article 61 45

Article 62 : Objectif de dépenses de la branche famille pour l’année 2015 47

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

INTRODUCTION

Depuis la dernière loi de financement, la dégradation des perspectives de croissance économique a fortement fragilisé le redressement des comptes de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) pourtant engagé avec détermination par le Gouvernement depuis 2012.

Des recettes supplémentaires, d’une ampleur inédite, ont en effet été attribués à la CNAF à deux reprises: au titre des deux lois financières de 2012, 660 millions d’euros en 2013 et 830 millions d’euros en 2014 ; au titre du panier de recettes fiscales affecté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 : un milliard d’euros supplémentaires en 2014, renouvelé en 2015.

Ces apports de recettes ont tous eu un caractère pérenne, par contraste avec les effets délétères sur les comptes de la branche famille de la loi de financement pour 2011 : pour la CNAF, une compensation faussée, au moyen d’un panier de recettes non pérennes, de la part de contribution sociale généralisée (CSG) attribuée à la caisse d’amortissement de la dette sociale.

Il n’est donc pas possible de nier l’importance de la politique familiale aux yeux du Gouvernement et de sa majorité au Parlement.

Mais attribuer à nouveau à la CNAF, en 2015, des recettes supplémentaires est incompatible avec le pacte de responsabilité et de solidarité, qui doit améliorer les perspectives de croissance de l’économie française, les seules garantes, à terme, de la viabilité de notre système de protection sociale.

Or construire une politique familiale sur du déficit, c’est bâtir sur du sable et faire fi de la solidarité intergénérationnelle : c’est aider des familles à élever des enfants, puis demander à ces même enfants, devenus adultes, de rembourser ces prestations, avec intérêts.

C’est menacer, à terme, l’existence même d’une grande politique d’aide aux familles. Et comment dissocier une politique familiale de l’objectif général de redressement économique alors que les projets de naissance sont fragilisés quand la situation du marché de travail, et donc l’emploi des femmes, paraissent incertains ?

Dans un contexte de croissance modérée des recettes de la CNAF, la diminution du déficit ne peut provenir que d’une hausse plus modérée encore des dépenses.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a présenté un plan d’économies qui vise à stabiliser, en 2015, les dépenses de la branche famille par rapport à 2014. L’effort demandé à la branche famille est donc très important, mais il est proportionné à sa part dans les comptes sociaux.

Votre rapporteure estime que cette démarche est pleinement justifiée : dans la sphère de la sécurité sociale, tous les secteurs sont sollicités et la branche famille doit participer à l’effort commun.

Dès la présentation de ce plan d’économies par le Gouvernement devant la commission des affaires sociales, votre rapporteure s’est fixé une ligne directrice : l’effort demandé doit tenir compte de la situation réelle des familles ; il doit aussi faire sens et ses effets doivent être clairement lisibles dans le temps.

Votre rapporteure a considéré qu’un plan d’économie constitué d’une série de mesures qui, prises chacune isolément peuvent trouver une justification, mais dont la somme ne ferait pas apparaître une ligne d’ensemble, présente un risque trop important de perte de lisibilité de notre politique familiale.

Les familles pourraient perdre confiance dans la pérennité des aides qui leur sont apportées.

En effet, les choix individuels en matière de famille ne dépendent pas de mesures adoptées, chaque année, au fil des lois de financement : ils s’inscrivent sur une durée d’au moins vingt ans.

Le redressement des comptes de la branche devrait donc aussi contribuer au maintien du « pouvoir d’achat » de ces aides au fil des ans, en évitant toute sous-indexation des prestations, voire en définissant, à terme, pour les prestations et les services dont les coûts croissent avec les salaires et non avec les prix, des revalorisations plus dynamiques.

Les choix individuels dépendent aussi, pour les mères, des possibilités concrètes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, qui constitue le premier trait distinctif de la France par rapport aux pays européens qui enregistrent des taux de natalités beaucoup plus faibles.

Les dispositifs qui répondent à cet objectif ne doivent donc pas être fragilisés, et la réforme, nécessaire, du congé parental, est dictée par l’objectif d’égalité entre les parents et de diminution du risque, important dans les familles aux revenus les plus faibles, d’éloigner durablement les mères de l’emploi.

Votre rapporteure a donc souhaité engager un dialogue approfondi avec ses collègues de la majorité et avec le Gouvernement afin de répartir l’effort demandé à la CNAF selon les capacités financières des familles.

Seule une réforme de structure est alors apparue susceptible de réaliser les économies demandées, sur la durée, sans porter atteinte aux principes qui fondent notre politique familiale mais au contraire en y renforçant la part de la justice sociale.

Votre rapporteure propose donc une modulation des montants des allocations familiales, en fonction des ressources des familles.

Les allocations familiales continueront d’être versées à toutes les familles mais c’est aux familles dont les revenus sont les plus élevés qu’il sera demandé de contribuer le plus au redressement des comptes. Toutes les catégories de familles continueront de bénéficier de prestations ou de services financées par la CNAF.

Votre rapporteure émet donc le vœu que l’enjeu de la pérennité de notre politique familiale rappelle chacun à ses responsabilités : l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi de financement doit permettre de débattre, dans la sérénité, des conditions du redressement des comptes de la branche, en évitant toute caricature et toute posture politicienne. Les incantations n’ont en effet jamais permis de bâtir une politique d’aide aux familles.

I. LA BRANCHE FAMILLE DOIT PARTICIPER AU REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX

1. Poursuivre l’effort de réduction du déficit de la CNAF

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a fixé un objectif de solde de la branche famille en redressement de 500 millions d’euros par rapport à l’année précédente : un déficit de 2,3 milliards d’euros contre 2,8 milliards d’euros alors attendus pour l’année 2013.

Mais l’atonie de la croissance économique a fragilisé les recettes qui proviennent à plus de 62 % des cotisations patronales assises sur la masse salariale. Le déficit finalement enregistré pour 2013 a été porté à 3,2 milliards d’euros et le solde pour 2014 serait légèrement en progression, avec un déficit de 2,9 milliards, mais en retrait de 600 millions d’euros par rapport à l’objectif fixé par la loi de financement pour 2014.

De plus, selon le rapport présenté en septembre dernier à la commission des comptes de la sécurité sociale, en 2015, hors mesures nouvelles, les charges nettes de la branche famille croîtraient plus fortement que les recettes, induisant une dégradation supplémentaire du déficit qui atteindrait 3,2 milliards d’euros, ainsi que le montre le tableau suivant.

RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE DE LA BRANCHE FAMILLE DEPUIS 2010
(EN MILLIARDS D’EUROS)
ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

 

2010

2011

2012

2013

2014
prévision

2015 tendance

Recettes

50,2

52,3

54,1

54,9

56,2

57,05

Augmentation en %

+ 3,9 %

+ 3,4 %

+ 1,5 %

+ 2,3 %

+ 1,5 %

Dépenses

52,9

54,8

56,6

58,2

59,1

60,2

Augmentation en %

+ 3,5 %

+ 3,1 %

+ 2,7 %

+ 1,6 %

+ 1,9 %

Solde

– 2,7

– 2,5

– 2,5

– 3,2

– 2,9

– 3,17

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

La dégradation tendancielle des comptes de la CNAF en 2015

Hors mesures nouvelles, les recettes de la CNAF croîtraient de 1,5 %. Au regard de l’évolution tendancielle des montants versés au titre des prestations servies par la CNAF, hors mesures nouvelles, les charges nettes de la CNAF croîtraient de 1,9 %.

La progression des charges est pourtant atténuée, à l’instar de 2014, par le fait que la revalorisation des prestations sera contenue par la faiblesse de l’inflation qui s’élèverait à 0,9 % en 2015. Compte tenu de l’écart entre la nouvelle prévision d’inflation pour l’année 2014, qui est de 0,5 %, et celle retenue en mars 2014 par la Commission économique de la nation, qui était de 1,1 %, un correctif de – 0,6 point devra minorer la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) au 1er avril 2015. La revalorisation de la BMAF serait donc de 0,3 % à cette date, soit 0,4 % en moyenne annuelle.

Cette faible prévision d’inflation contiendrait ainsi la progression des prestations légales qui augmenteraient de 0,9 %. Cette hausse globale traduit une évolution différente des prestations d’entretien en faveur du la famille et des prestations d’accueil du jeune enfant.

Les montants versés pour les prestations d’entretien en faveur de la famille atteindraient 18,5 milliards d’euros, dont 13,2 milliards pour les allocations familiales, 1,9 milliards pour l’allocation de rentrée scolaire, 1,8 milliards pour le complément familial, 1,5 milliards pour l’allocation de soutien familiale.

Si les montants versés au titre des allocations familiales n’augmentent que de 0,7 %, les dépenses au titre du complément familial et de l’allocation de soutien familial augmenteront respectivement de 5,3 % et 6,5 % en raison de l’application des mesures prises dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale : une augmentation de 50%, sur cinq ans, du montant du complément familial et de 25 %, sur cinq ans, du montant de l’allocation de soutien familial. Dès 2014, une première revalorisation a déjà été appliquée.

Les charges au titre des prestations d’accueil du jeune enfant seraient en retrait de 0,6 % pour atteindre un montant total de 13 milliards d’euros. C’est l’effet des mesures d’aménagement de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) amorcées en 2014 : gel de l’allocation de base jusqu’à ce que son montant soit identique à celui du complément familial et versement à taux partiel de l’allocation de base de la PAJE pour les familles dont les ressources sont supérieures à un nouveau plafond. Les montants versés au titre du socle de la PAJE ont ainsi diminué de 1,4 % en 2014 et continueraient de diminuer de 3,6 % en 2015.

Mais les prestations extralégales de la CNAF, dont les financements sont rassemblés dans le fonds national d’action sociale (FNAS) progresseraient à un rythme soutenu en 2015, en hausse de 9,3 %, contribuant encore pour plus d’un tiers à la croissance des dépenses. C’est l’effet de l’application, sur le budget réellement exécuté en 2013, de la hausse de 7,5 % par an définie, en juin 2013, pour chaque année jusqu’en 2017, par la convention d’objectifs et de gestion (COG) liant la CNAF à l’État. En 2017, le montant du FNAS atteindra en effet 6,4 milliards d’euros, en hausse de 1,7 milliards par rapport à 2012. Si une sous-exécution importante des dépenses a été enregistrée entre 2011 et 2013, notamment du fait de retards dans les projets d’investissements en places de crèches cofinancés par la CNAF et les collectivités territoriales, les objectifs de création de places pourront être atteints en 2015.

Enfin, les charges de transfert aux autres branches de la sécurité sociale croissent de 2,1 % en 2015, après une stabilité en 2014, notamment au titre de l’assurance vieillesse des parents aux foyers (AVPF) sous le double effet de la hausse du taux de cotisations et de la hausse du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) plus importante qu’en 2014.

ÉVOLUTION DES CHARGES ET DES RECETTES DE LA CNAF, HORS MESURES NOUVELLES

2. La compensation des effets du pacte de responsabilité et de solidarité

En 2015, la progression des produits nets de la branche, en hausse de 1,5 %, serait donc insuffisante pour réduire le déficit, qui retrouverait quasiment son niveau de 2013.

La structure des produits nets est profondément modifiée en 2015 par la mise en place du pacte de responsabilité mais cela n’altère pas la dynamique tendancielle de ces recettes.

Hors cet effet, la progression dynamique de certaines taxes, telles que la taxe sur les contrats d’assurance automobile (+ 2,1 %), la taxe sur les salaires (+ 2,3 %) et la taxe sur les primes d’assurance automobile (+ 3 %), serait insuffisante pour enrayer la baisse du préciput et du rendement de la taxe sur les véhicules de société, qui constituent le legs de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

ÉVOLUTION ANNUELLE DES RECETTES DE LA BRANCHE FAMILLE

En milliards d’euros

2013

2014

2015 (prévision)

Cotisations effectives

35,4

35,1

– 0,6 %

32,1

– 7,7 %

Cotisations prises en charge par l’État

0,6

0,5

– 4,1 %

0,6

+ 11,2 %

CSG

9,8

10,8

+ 8,8 %

10,9

+ 0,2 %

Autres contributions sociales

1,7

1,8

– 0,8 %

1,5

– 11,6 %

Impôts et taxes

6,7

7,7

+ 15,4 %

6,5

– 16,7 %

Transferts

0,3

0,4

+ 1,3 %

0,4

+ 2,0 %

Autres produits

0,5

0,5

 

0,5

 

Total

55,2

56,9

2,0 %

52,4

– 6,8 %

Les effets du pacte de responsabilité et de solidarité sur le solde de la CNAF

Le 1° de l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale rend les employeurs redevables de cotisations au titre des allocations familiales, dont le montant est proportionnel à la rémunération versée : le taux des cotisations « famille » était de 5,25 % au 1er janvier 2014, à la suite de la diminution de 0,15 point de ces mêmes cotisations décidée en application de la réforme des retraites de 2014 pour compenser la hausse à due concurrence des cotisations patronales vieillesse.

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 a prévu une diminution linéaire de 1,8 point du taux de cotisations d’allocations familiales pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 SMIC.

À compter du 1er janvier 2015, le taux des cotisations patronales « famille » au titre des salariés rémunérés entre 1 et 1,6 SMIC sera donc de 3,45 % ; il continuera à s’établir à 5,25 % pour les rémunérations supérieures à ce seuil.

Cela diminue les recettes au titre des cotisations sociales à hauteur de 3 milliards d’euros en 2015, de 3,1 milliards d’euros en 2016 et de 3,4 milliards d’euros en 2017. En 2015, s’y ajoutent 0,55 milliard d’euros au titre de l’élargissement des allègements généraux.

En outre, une nouvelle étape devrait être franchie à compter de 2016, avec l’extension de cette réduction linéaire de cotisations d’allocations familiales de 1,8 point jusqu’à 3,5 SMIC.

La neutralité financière pour la branche famille

En vertu du principe de compensation intégrale prévu à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les nouvelles pertes de recettes occasionnées par les mesures prises dans le cadre de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 sont intégralement compensées à la sécurité sociale par le projet de loi de financement pour 2015.

Le principe de la compensation à la sécurité sociale des pertes de recettes liées aux exonérations de cotisations sociales a été posé par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui a inséré un nouvel article L. 131-7 dans le code de la sécurité sociale. Ce principe a ensuite été renforcé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, qui a étendu cette obligation de compensation à l’ensemble des cotisations mais aussi aux contributions de sécurité sociale, que la mesure prenne la forme d’une exonération totale ou partielle ou d’une réduction totale ou partielle de l’assiette de ces cotisations ou contributions. En outre, la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a confié à la loi de financement le monopole des dérogations au principe général de compensation (article L.O. 111-3).

Cette compensation ne prendra pas la forme de l’attribution d’une recette nouvelle mais du transfert, dans le budget de l’État, d’une charge assumée jusqu’à présent par la CNAF : le versement au Fonds national d’aides au logement (FNAL) de la fraction d’aide personnalisée au logement (APL) destinée aux familles.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 351-7 du code de la construction et de l’habitation prévoit que les recettes du Fonds national d’aide au logement sont constituées en c) «  des contributions des régimes de prestations familiales » et que « la contribution annuelle de chaque régime de prestations familiales est égale au montant des prestations qui auraient été versées par eux au titre de l’allocation de logement familiale et de la prime de déménagement ».

L’article 28 du projet de loi de finances abroge cette disposition : les ressources du FNAL provenant jusqu’à présent d’une contribution de la CNAF sont mises à la charge du budget de l’État, pour un montant total de 4,751 milliards d’euros.

Il en résulte une modification du périmètre des dépenses qui est structurellement favorable à la branche dans la mesure où la charge du financement du FNAL croissait plus vite que l’ensemble des charges de la branche, comme l’indique le tableau ci-dessous.

PROGRESSION DES CHARGES AU TITRE DU FNAL AU REGARD DE LA PROGRESSION DE L’ENSEMBLE DES CHARGES DE LA CNAF

 

2012

2013

2014

Augmentation des charges nettes de la CNAF

+ 3,1 %

+ 2,4 %

+ 2,2 %

Augmentation au titre du FNAL

+ 3,7 %

+ 5%

+ 2,7 %

Mais le montant de la minoration des charges de la CNAF est supérieur aux effets de perte de recettes du pacte de responsabilité. Il convient donc d’ajuster également à la baisse d’autres recettes de la CNAF à hauteur de de 1,1 milliards d’euros.

Une part de la taxe sur les salaires, dont la CNAF est affectataire, est donc transférée au fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce qui lui permettra d’être, in fine, le bénéficiaire des gains de la fiscalisation des majorations de pension.

LES TRANSFERTS DE RECETTES AU TITRE DE LA TAXE SUR LES SALAIRES

 

CNAV

CNAF

FSV

Taux actuel

53,5 %

27,5 %

19 %

Nouveau taux

53,5 %

18 %

28,5 %

Montants transférés (en millions d’euros)

0

– 1 312

1 312

Montants perçus en 2015

7 389

2 486

3 936

Il en résulte, au total, une baisse des recettes au titre des cotisations sociales de 7,7 % et une baisse des recettes au titre des impôts et taxes affectés à la CNAF de 16,7 %.

La compensation des effets du pacte de stabilité est donc réalisée à l’euro près, conformément à l’engagement du Gouvernement. Si la structure des recettes de la branche est modifiée, les perspectives de croissance des recettes sont inchangées : elles seront même améliorées à mesure que le financement de la sécurité sociale toute entière commencera à bénéficier des effets du pacte de stabilité sur la croissance et l’emploi, donc sur les recettes assises sur la masse salariale, qui constituent toujours la majorité des recettes de la branche.

3. L’évolution du solde de la branche famille

Le tableau suivant reconstitue l’évolution des recettes et des dépenses de la branche famille dans le nouveau périmètre, donc hors financement du FNAL.

L’ÉVOLUTION DU SOLDE DE LA BRANCHE FAMILLE DANS LE NOUVEAU PÉRIMÈTRE

En milliards d’euros

2012

2013

2014

2015

Recettes enregistrées ou objectif de recettes

49,9

50,5

51,7

52,4

Dépenses enregistrées ou objectif de dépenses

52,4

53,7

54,6

54,6

Solde ou objectif de solde

– 2,5

– 3,2

– 2,9

– 2,3

Source : calculs à partir des rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale et de l’annexe B au PLFSS 2014.

Après une hausse des recettes de 1,2 milliards entre 2013 et 2014, l’objectif de croissance des recettes est en retrait, puisque le projet de loi de financement n’affecte pas de ressources nouvelles au-delà de la stricte compensation de la baisse des cotisations patronales famille. L’objectif de recettes croît néanmoins de près de 700 millions d’euros.

Dès lors, le redressement du solde d’environ 600 millions d’euros ne peut provenir que de mesures du côté des dépenses : tel est en effet l’objet du plan d’économies annoncé par le Gouvernement. Il vise à une stabilité des dépenses de la branche famille, à périmètre constant, entre 2014 et 2015.

Les perspectives pluriannuelles détaillées dans l’annexe B au projet de loi de financement se fondent sur l’infléchissement du rythme moyen d’évolution des dépenses qui aurait été de 2 % par an en l’absence des mesures prévues en loi de financement et qui est ramené à 1,3 % par an.

LES NOUVELLES PERSPECTIVES PLURIANNUELLES

En milliards d’euros

2015

2016

2017

2018

Objectif de recettes

52,4

53,7

55,3

57,1

Objectif de dépenses

54,6

55,1

56,2

57,8

Objectif de solde

– 2,3

– 1,4

– 0,9

– 0,7

Source : annexe B du projet de loi de financement.

Ces perspectives pluriannuelles se fondant sur des hypothèses de croissance économique prudentes, le rythme de croissance des recettes serait également modéré : le redressement du solde sur les quatre prochaines années serait donc significatif, mais les comptes de la branche famille ne seraient pas encore à l’équilibre en 2018.

II. LES ÉCONOMIES DOIVENT PROVENIR D’UNE RÉFORME DE FOND

Afin de ramener le déficit de la CNAF à 2,3 milliards d’euros en 2015, le Gouvernement a donc défini un ensemble de mesures d’économies, dont une seule nécessite de modifier une disposition législative. Mais la fixation de l’objectif de dépenses de la branche famille de 54,6 milliards en 2015 par l’article 62 du projet de loi de financement tient nécessairement compte de l’ensemble des mesures de ce plan.

1. Le plan d’économies annoncé

Le tableau suivant détaille la contribution des différentes mesures annoncées en 2015 et 2017, hors effets, en 2017, des économie occasionnées par la non application de la revalorisation de la BMAF sur les montants de prestations non dépensés en raison de ces mêmes mesures.

ÉCONOMIES OCCASIONNÉES PAR CHACUNE DES MESURES ANNONCÉES

Montant d’économies occasionnées, en millions d’euros

2015

2017

Division par trois de la prime à la naissance après la première naissance

250

250

Répartition du congé parental long à égalité entre les parents

70

290

Date de versement de l’allocation de base de la PAJE

60

60

4e tranche du Complément de mode de garde (CMG)

25

85

Majoration des allocations familiales à 16 ans

180

640

Économies totales pour la CNAF

585

1 325

Ces mesures ont pour point commun de ne pas modifier la situation des allocataires déjà bénéficiaires des prestations : seuls les nouveaux attributaires seraient concernés.

Ainsi, trois des mesures annoncées voient leurs effets échelonnés dans le temps et ne jouent à plein qu’à compter de 2017 : majoration des allocations familiales à partir de l’âge de 16 ans mais avec maintien de la majoration entre 14 et 16 ans pour ceux qui la perçoivent déjà ; diminution du montant du complément de mode de garde de la PAJE pour les allocataires aux revenus supérieur à un nouveau plafond, pris en compte uniquement lors d’une nouvelle attribution ; enfin, modification des conditions de partage entre les parents pour bénéficier de la pleine indemnisation du congé parental pendant trois ans, mais, à nouveau, pour les seuls nouveaux parents bénéficiaires.

Deux mesures sont de plein effet dès 2015 car elles ne concernent que des primo-attributions : la division par trois du montant de la prime à la naissance ou à l’adoption lorsque la prime est versée pour les enfants des rangs deux et suivants ; l’alignement de la date de versement de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, sur celui de la majorité des prestations. L’allocation de base est aujourd’hui versée à compter du jour de la naissance de l’enfant et le serait désormais au début du mois suivant la naissance de l’enfant ce qui occasionnerait, en moyenne, l’économie d’un demi mois de prestation.

La modulation du montant de la prime à la naissance ou à l’adoption en fonction du rang de l’enfant

La modulation du montant de la prime à la naissance ou à l’adoption en fonction du rang de l’enfant est la seule mesure du plan d’économie nécessitant de modifier une disposition législative : l’article 61 du projet de loi de financement vise ainsi à introduire le principe de cette différenciation à l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale.

La division par trois du montant de la prime à partir du deuxième enfant représenterait 250 millions d’euros d’économie dès 2015, soit plus de 43 % du montant total d’économies attendues l’an prochain, et un même montant, croissant avec la BMAF, les années suivantes.

Votre rapporteure estime que moduler le montant d’une prestation en fonction du rang de l’enfant n’est pas illégitime en soi. C’est déjà le cas pour plusieurs prestations familiales : les allocations familiales ne sont pas versées au premier enfant et leur montant par enfant est croissant pour chaque enfant supplémentaire jusqu’au cinquième ; de même le complément familial n’est pas versé pour les deux premiers enfants.

Mais la prime à la naissance a pour objet de compenser les coûts occasionnés par l’accueil du nouveau-né et il paraît très difficile d’établir que ces coûts diminuent en fonction du rang de naissance. Une modulation du montant de la prime peut certes être justifiée par le fait que l’arrivée du premier enfant constitue un coût qui ne se renouvelle pas à l’identique lors des suivantes, soit parce que certains équipements peuvent être réutilisés, soit, surtout, en raison de l’attribution de prestations familiales nouvelles, non perçues au titre de la première naissance.

Mais, les études consacrées au coût de l’enfant sur les budgets des familles ne fournissent pas de réponse décisive à la question du lien entre le rang de l’enfant et le niveau des coûts supplémentaires supportés par les personnes qui en ont la charge (1). On constate parfois une diminution des charges directement occasionnées par l’accueil du nouveau-né entre les première et deuxième naissances, mais pas de la même façon selon la situation familiale et en fonction de l’espacement des naissances. Et les coûts sont probablement croissants entre les deuxième et troisième naissances.

Le maintien d’un même montant paraît donc plus équitable à votre rapporteure. En outre, la prime à la naissance est versée sous condition de ressources : 15 % des familles concernées disposent de revenus supérieurs au plafond. Le niveau de revenu moyen des familles diminuant à mesure qu’augmente le nombre d’enfants à charge, diminuer les montants de la prime à la naissance pour les enfants des rangs deux et suivants toucherait donc en premier lieu les familles aux revenus modestes ayant plusieurs enfants.

Le partage de la prestation partagée d’éducation de l’enfant : une réforme de fond mais une économie incertaine

Votre rapporteure souhaite souligner que l’approfondissement de la réforme du congé parental, engagé par l’article 8 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes répond bien à une orientation de fond.

La loi du 4 août 2014 a réformé le complément de libre choix d’activité (CLCA) de la PAJE dans le but d’associer les pères aux tâches d’accueil et d’éducation de l’enfant. Il s’agit également de lutter contre les effets d’un congé parental trop long qui est facteur d’exclusion durable des femmes du monde du travail, de limitation de leurs évolutions de carrières et de leurs niveaux de salaire : concernant trop souvent des femmes aux niveaux de qualification professionnelle faibles, ce dispositif constitue une trappe à pauvreté.

La nouvelle « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PreparE), définie à l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale continue d’être « versée pendant une durée, fixée par décret, en fonction du rang de l’enfant » mais désormais la loi prévoit que « lorsque les deux membres du couple ont tous deux droit à la prestation, assument conjointement la charge de l’enfant au titre duquel la prestation partagée d’éducation de l’enfant est versée et que chacun d’entre eux fait valoir, simultanément ou successivement, son droit à la prestation, la durée totale de versement peut être prolongée jusqu’à ce que l’enfant atteigne un âge limite en fonction de son rang». Le législateur a renvoyé au décret le soin de préciser « l’âge limite de l’enfant, le montant de la prestation et les conditions dans lesquelles la durée de la prestation peut être prolongée ».

Lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, un partage du congé de trois ans en une période de trente mois pour le premier parent (la mère dans 98 % des cas) et de six mois pour le second parent a été largement évoqué mais l’objectif d’approfondir ce mouvement a été également affiché.

Le Gouvernement présente donc, dans le cadre des mesures d’économies, un partage égalitaire réservant dix-huit mois de versement de la prestation à chacun des parents. L’effet de diminution des montants versés au titre de la prestation proviendrait donc entièrement d’une sous-utilisation de ce droit par les pères.

Mais le choix de conditionner le versement pour une durée de trois ans au partage de cette durée à égalité entre chaque parent constitue, avant tout, une mesure structurelle : et c’est précisément celle qui s’analyse le moins comme une mesure d’économies, parce que ses effets sur les comptes de la CNAF à court et moyen termes sont incertains.

L’étude d’impact jointe au projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes présente ainsi un scénario dans lequel seuls 10 % des pères prendrait la part des 36 mois réservée au deuxième enfant.

Il y est fait état, en cas de partage de dix-huit mois pour chaque parent, d’une économie globale de 490 millions d’euros. Le partage de seulement six mois occasionne, lui, une économie estimée entre 170 et 250 millions.

Les estimations, retracées dans le tableau ci-après, sont différentes selon qu’elles proviennent de la direction générale du trésor ou de la direction de la sécurité sociale en raison de différences dans la façon d’évaluer les effets de report sur d’autres prestations : complément de mode de garde pour le recours à un assistant maternel, ou recours aux places de crèche, occasionnant des dépenses supplémentaires au titre de la prestation de service unique (PSU) attribuée par les CAF pour financer le budget de fonctionnement des structures.

L’impact direct au regard des montants de prestations familiales est incertain : il pourrait représenter un solde positif, de 210 millions d’euros selon l’estimation de la direction de la sécurité sociale en cas de partage égalitaire, mais pouvant également occasionner un coût.

 

Six mois réservés au deuxième parent

 

Dix-huit mois réservés au deuxième parent

Évaluation

DG Trésor

DSS

 

DG Trésor

DSS

Prestations familiales

CLCA

270

310

 

900

840

CMG

– 250

-180

 

– 860

– 460

PSU

– 50

-70

 

– 170

-170

Impact direct

– 30

60

 

– 130

210

 

 

 

 

 

 

 

Branche Famille

Autres prestations

60

 

180

Cotisations

60

50

 

180

140

AVPF

80

 

260

Impact branche Famille

170

250

 

490


Cet impact direct doit cependant être mis en regard l’effet indirect sur les comptes de la CNAF par le retour accéléré à l’emploi, qui augmente les recettes au titre des cotisations et diminue les charges au titre de l’AVPF, ou sur les montants dus au titre des autres prestations versées, telles l’allocation de logement familiale.

Aussi, votre rapporteure considère que le partage de la PreparE doit bien être renforcé mais que l’incertitude entourant les économies occasionnées doit dicter la prudence : au fil de ses travaux, et dans le cadre des échanges engagés avec les députés de la majorité et le Gouvernement, il est ainsi apparu qu’un partage de vingt-quatre mois pour le premier parent et de douze mois pour le second parent constituerait une étape plus réaliste.

Elle permet en outre de faire coïncider la fin du congé pris par le premier parent avec les deux ans de l’enfant, cet âge ouvrant droit à une préscolarisation à l’école maternelle : ce serait donc cohérent avec le recours à cette solution d’accueil supplémentaire, et avec l’effort fourni par le Gouvernement, depuis 2012, pour la développer, après la perte de 50 000 places de préscolarisation pendant de la précédente législature. Dès 2013, 6 100 places supplémentaires ont ainsi été ouvertes.

Selon les informations fournies à votre rapporteure, l’économie occasionnée par un partage réservant douze mois au second parent serait alors de 30 millions d’euros en 2015, de 100 millions d’euros en 2016 et de 170 millions d’euros en 2017.

La diminution des montants du complément de mode de garde pour les plus hauts revenus 

Il est également envisagé de définir un nouveau plafond de ressources pour le complément de libre choix de mode de garde (CMG), au-delà duquel le montant versé au titre du recours à un assistant maternel ou à la garde à domicile sera diminué par rapport au montant versé pour la tranche supérieure actuelle (174 euros).

Le plafond de ressources actuellement le plus élevé est de 46 888 euros par an, soit 3 900 euros par mois. Le plafond supplémentaire serait de 5 100 euros pour un couple avec deux enfants ce qui touche les deux derniers déciles de revenus des bénéficiaires du complément de mode de garde (CMG). Le montant de l’aide serait réduit à 85 euros, mais la prise en charge des cotisations sociales serait maintenue dans ses contours actuels. Puisque cette prise en charge représente plus de la moitié des dépenses pour la CNAF au titre du CMG, la diminution par deux de l’aide à l’emploi direct aboutirait au final à diminuer de moins d’un quart les montants de la prestation attribués à ces familles.

L’effet reste cependant substantiel et l’objectif d’économie ou d’amélioration de la progressivité du barème, dont la dernière tranche actuelle discrimine en effet peu entre les hauts et très hauts revenus, doit être mis en regard des effets de la prestation : elle améliore la solvabilité du recours à la garde individuelle par des parents de jeunes enfants en activité ; elle répond donc à un objectif central de la politique familiale qui est de permettre aux mères de mener des carrières professionnelles tout en ayant des enfants.

L’instauration d’une tranche supplémentaire du CMG pourrait donc fragiliser la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle pour des jeunes mères très diplômées engagées dans des carrières professionnelles leur procurant des revenus plus importants. Pour les couples biactifs, on ne distingue en outre pas la part du revenu provenant du père ou de la mère : cela peut présenter le risque de contraindre certaines mères, travaillant à temps partiel, à diminuer leur activité. Enfin, votre rapporteure estime que la baisse des montants du CMG adresserait un mauvais signal au regard du renchérissement des coûts des solutions d’accueil individuel, en particulier dans les zones urbaines.

En outre, l’avis du Haut conseil de la famille (HCF) sur « l’opportunité et les contours d’un éventuel reprofilage des aides à l’accueil des jeunes enfants », rendu le 10 avril 2014, a relevé les importantes disparités de participation, de taux d’effort et de coûts pour la collectivité des différents modes de garde.

Le HCF souligne que le reste à charge dépend, en établissement d’accueil du jeune enfant, des revenus des parents, du nombre d’enfants à charge et du nombre d’heures facturées. En revanche le caractère forfaitaire du CMG conduit à faire supporter la totalité du reste à charge occasionné par les variations du coût de l’accueil (salaire, indemnités d’entretien, frais de repas), supporté entièrement par le parent employeur.

Ainsi la principale proposition de l’avis précité consiste à harmoniser les restes à charge des familles en réformant le CMG pour qu’il intègre le même barème de participation familiales que la PSU : il s’agirait d’une « aide unique », sur la base d’un tarif horaire, en appliquant au CMG « assistant maternel emploi direct » le barème de la PSU.

Une modification de la progressivité du barème du CMG ne saurait donc intervenir que dans un plan d’ensemble, examinant également les effets du reste à charge en établissement et les éventuels effets de report sur les crèches, donc sur les coûts assumés non seulement par le branche famille mais également par les collectivités territoriales.

Le report de la majoration des allocations familiales de 14 à 16 ans

Enfin, le plan d’économie repose fortement sur le report à 16 ans de la majoration des allocations familiale définie à l’article L. 521-3 du code de la sécurité sociale. Elle occasionnerait 160 million d’euros d’économie en 2015 et 640 millions d’euros en année pleine, dès 2017, résultant de l’absence de versement de la majoration de 165 euros pendant deux années.

Or l’âge actuel de 14 ans résulte de la fusion, en 2008 de deux majorations qui intervenaient à 11 ans puis à 16 ans. Il s’agissait alors également d’une mesure d’économie. Un nouveau report de l’âge de la majoration aurait donc pour conséquence qu’entre 11 et 16 ans, les montants d’allocations familiales attribués cesseraient de prendre en compte le surcroît des dépenses pour les familles dont les enfants sont adolescents. Enfin, pour une majorité de familles, la majoration interviendrait postérieurement à l’entrée au lycée, qui occasionne manifestement des frais supplémentaires.

2. Mieux répartir l’effort demandé aux familles

Suite au dialogue approfondi et constructif engagé avec le Gouvernement et avec les parlementaires de la majorité, votre rapporteure est parvenue à la conviction que seule une mesure structurelle, allant au-delà des ajustements paramétriques, serait en mesure de donner un sens à l’effort d’économie demandé à la CNAF et donc à l’ensemble des familles.

Une telle réforme doit ainsi permettre de ne pas maintenir les mesures dont les justifications sont les moins nettes : modulation de la prime à la naissance en fonction du rang de l’enfant, report de l’âge de majoration des allocations familiales, durcissement du barème du complément de mode de garde.

LES MONTANTS DE PRESTATIONS FAMILIALES EN 2015 HORS EFFETS DES MESURES D’ÉCONOMIES

La mesure d’économie devrait donc s’élever à environ 800 millions d’euros en année pleine. L’examen des montants qui seront versés en 2015, hors mesures nouvelles, au titre des différentes prestations familiales, détaillés dans la dernière colonne du tableau ci-dessus, montre que seules les allocations familiales, représentant 13,235 milliards d’euros, constituent le levier d’une économie significative.

C’est au demeurant une des orientations principales du rapport sur les aides aux familles établi par M. Bertrand Fragonard, président du Haut conseil de la Famille, et présenté le 9 avril 2013.

Par ailleurs, votre rapporteure a acquis, depuis de nombreuses années, la conviction que le principe actuel de versement d’un montant uniforme pour toutes les familles, quel que soit le niveau de revenu, n’est plus adapté à la diversité des situations.

Les allocations familiales représentent une part importante du revenu disponible des familles les plus modestes. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) (2) les prestations familiales participent pour 26 % à la réduction des inégalités de niveau de vie. Si les prestations familiales sans condition de ressources ont un pouvoir redistributif a priori limité par l’absence de ciblage, elles participent pourtant, en raison de leur importance financière, pour près de 16 % à la réduction des inégalités de niveau de vie, dont 11 % pour les seules allocations familiales. Leur efficacité en matière de redistribution est renforcée par le fait que les ménages qui ont des enfants sont plus nombreux dans les quintiles inférieurs de la distribution des revenus.

Mais les familles les plus aisées perçoivent les mêmes montants d’allocations familiales que les familles modestes alors même qu’elles bénéficient de déductions fiscales et du quotient familial, dispositifs sans effets sur le revenu des familles modestes.

Les suppléments de revenus au titre des différentes catégories d’aides aux familles ne se distribuent en effet pas de façon linéaire entre les revenus : ils épousent la forme d’une « courbe en U », comme l’indique le graphique ci-après.

COURBE DES SUPPLÉMENTS DE REVENUS POUR UNE FAMILLE BIACTIVE DE 3 ENFANTS DE PLUS DE 14 ANS, AVEC 1 À 7 SMICS DE REVENUS MENSUELS (DONNÉES DE 2007)

Au-dessus de cinq puis de six SMIC, les suppléments de revenus procurés par la politique familiale augmentent nettement en raison des effets du quotient familial.

Les lois de finances pour 2013 et 2014 ont certes diminué le plafond de l’avantage procuré par ce mode d’établissement de l’impôt sur le revenu : cela en a atténué les effets mais pas au point d’annuler la « courbe en U ».

Votre rapporteure relève en outre que la distribution des aides à la garde des jeunes enfants est inégale en fonction des revenus des parents : la moitié des financements consacrés au complément de mode de garde de la PAJE sont versés à des familles dont les revenus se situent dans les deux déciles de revenus les plus élevés.

En conséquence, votre rapporteure considère qu’instaurer une modulation des allocations familiales est pleinement justifié au regard de la nécessité de financer le redressement des comptes de la CNAF. C’est la seule façon de répartir l’effort demandé à tous les ménages en fonction des moyens de chacun.

Chaque famille avec au moins deux enfants à charge continuerait à ouvrir droit aux allocations familiales : le principe d’universalité des allocations familiales n’est pas remis en cause.

Mais le montant de l’allocation serait modulé en fonction des revenus.

Au-dessus d’un premier plafond de ressources, les montants versés seraient diminués par deux et ils seraient à nouveau divisés par deux au-dessus d’un second plafond de ressources.

Plusieurs simulations figurent dans le rapport de M. Bertrand Fragonard, déjà mentionné. Pour un montant d’économie de 800 millions d’euros en année pleine, le premier plafond serait atteint, pour un couple avec deux enfants, au-dessus de 6 000 euros et le second plafond au-dessus de 8 000 euros par mois.

Ainsi, pour une famille avec deux enfants, à 6 000 euros de revenus, la baisse représentera 64 euros par mois, soit 1 % du revenu.

Pour une famille avec trois enfants gagnant 10 000 euros par mois, la baisse représentera 221 euros par mois, soit 2,2 % de son revenu. C’est une diminution réelle mais elle concerne des foyers dont les revenus représentent l’équivalent de 9 SMIC nets qui perçoivent aujourd’hui les mêmes allocations familiales que des familles percevant un SMIC.

EFFETS DE LA MODULATION DES ALLOCATIONS FAMILIALES
EN FONCTION DES REVENUS

   

Nombre d’enfants

   

2

3

4

Revenus nets de la famille

 

Avant

Après

en % du revenu

Avant

Après

en % du revenu

Avant

Après

en % du revenu

5 000

129

129

0 %

295

295

0 %

461

461

0

6 000

129

65

1,1 %

295

295

0 %

461

461

0

7 000

129

65

0,9 %

295

148

2,1 %

461

461

0

8 000

129

33

1,2 %

295

148

1,8 %

461

230

2,8 %

9 000

129

33

1 %

295

74

2,4 %

461

230

2,5 %

10 000

129

33

0,9 %

295

74

2,2 %

461

115

3,4 %


L’impact global de la mesure toucherait environ 12 % des familles allocataires, soit environ 600 000 familles.

450 000 familles, 9 % de l’ensemble des allocataires, seraient concernées par une division par deux des montants versés ; 3 % des familles, environ 150 000 familles, par une division par quatre.

Une phase d’adaptation des services et des systèmes d’information de la CNAF étant nécessaire, la mesure pourrait entrer en vigueur à mi- année en 2015 : elle procurerait donc une économie de 400 millions d’euros la première année et de 800 millions d’euros en année peine.

Ce serait une diminution de 6 % des dépenses au titre des allocations familiales, qui représentent, pour mémoire, plus de 13 milliards d’euros en 2014, pour plus de 5 millions de familles bénéficiaires.

*

*    *

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est enserré dans des délais stricts fixés par l’article 47-1 de la Constitution : en première lecture, l’Assemblée nationale dispose de vingt jours pour se prononcer après le dépôt du projet.

Comme de coutume, il s’est écoulé une semaine entre la présentation du projet de loi de financement par le Gouvernement devant la commission des affaires sociales et l’examen des articles de ce texte par la commission.

Aussi, votre rapporteure n’a pu finaliser sa proposition avant l’examen du texte  par la commission des affaires sociales en application de l’article 86 du règlement de l’Assemblée nationale : sa proposition prend donc la forme d’un amendement déposé en vue de l’examen en séance publique.

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*    *

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS À LA BRANCHE FAMILLE

La commission a procédé à l’examen des articles relatifs à la branche famille au cours de sa deuxième séance du mercredi 15 octobre 2014.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2015

TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE

Article 61
(art. L. 531-2 du code de la sécurité sociale)

Différenciation du montant de la prime à la naissance ou à l’adoption selon le rang de l’enfant

L’article 61 vise à modifier le principe d’attribution d’un montant identique pour chaque enfant à naître, ou identique pour chaque enfant adopté, actuellement applicable à la prime à la naissance ou à l’adoption.

Il s’agit d’introduire à l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale, le principe d’une différenciation du montant de la prime à la naissance ou à l’adoption selon le rang de l’enfant accueilli dans le foyer.

1.  La prime à la naissance : une composante de la prestation d’accueil du jeune enfant, accordée sous condition de ressources

La prime à la naissance ou à l’adoption a été instituée comme une composante de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) par l’article 60 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Elle a alors remplacé une partie de l’allocation pour jeune enfant (APJE) dite « courte » qui, depuis 1985, était versée, sous condition de ressources, dès le premier enfant, chaque mois, à partir du quatrième mois de grossesse jusqu’au troisième mois de l’enfant. Cette allocation s’opposait alors à l’APJE dite « longue » versée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant, qui est devenue le complément de libre choix d’activité de la PAJE, puis la Prestation partagée d’éducation de l’enfant. L’essentiel de l’APJE courte a donc été transformé en une prime versée en une seule fois.

Cette prime à la naissance, ou à l’adoption, est versée, pour chaque enfant à naître, avant la naissance de l’enfant, ou pour chaque enfant adopté ou accueilli en vue d’adoption à compter de l’arrivée de l’enfant au foyer.

La date de versement de cette prime est fixée par décret : il s’agit du septième mois de la grossesse pour chaque enfant à naître. La grossesse doit être déclarée conjointement à la caisse d’allocations familiales et à la caisse primaire d’assurance maladie dans les quatorze premières semaines.

Pour la prime à l’adoption, il s’agit de la date d’arrivée au foyer de l’enfant de moins de vingt ans, adopté ou accueilli en vue d’adoption. L’enfant, doit en outre avoir été confié à la famille adoptante par le service d’aide sociale à l’enfance, un organisme autorisé pour l’adoption ou une autorité étrangère compétente.

Une prestation sous condition de ressources

L’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale prévoit que « la prime à la naissance ou à l’adoption est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond. »

Le plafond de ressources varie selon le nombre d’enfants nés ou à naître. Il est majoré lorsque la charge du ou des enfants est assumée soit par un couple dont chaque membre dispose d’un revenu professionnel minimal, soit par une personne seule. Le montant du plafond et celui de la majoration sont fixés par décret et varient conformément à l’évolution des prix à la consommation hors tabac.

PLAFONDS DE RESSOURCES DE LA PRIME À LA NAISSANCE OU À L’ADOPTION

Nombre d’enfants à charge

Couples avec un seul revenu

Parent isolé ou couple
avec deux revenus

1 enfant

35 480 euros

45 077 euros

2 enfants

41 878 euros

51 475 euros

3 enfants

48 276 euros

57 873 euros

Par enfant en plus

6 398 euros

6 398 euros

Remarque : plafonds applicables pour un enfant né ou adopté à compter du 1er avril 2014.

Il résulte des niveaux actuels des plafonds de ressources que plus de huit familles sur dix peuvent percevoir la prime à la naissance de la PAJE. Le taux d’exclusion est ainsi le plus faible de toutes les prestations familiales pour lesquelles le législateur a institué un plafond d’exclusion en fonction des ressources.

Article R. 531-1 du code de la sécurité sociale

Pour l’attribution de la prime à la naissance ou à l’adoption prévue à l’article L. 531-2 et de l’allocation de base mentionnée à l’article L. 531-3, le montant des ressources du ménage ou de la personne, apprécié dans les conditions prévues à l’article R. 532-1, ne doit pas dépasser un plafond annuel.

Ce plafond est majoré de 22 % par enfant à charge.

Il est également majoré lorsque les deux membres du couple ont retiré chacun de leur activité professionnelle pendant l’année de référence un revenu au moins égal à 13,6 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de la même année. Sont pris en compte les revenus d’origine professionnelle compris dans les ressources définies à l’article R. 532-3. Le plafond de ressources de la personne assumant seule la charge des enfants est majoré d’un montant identique.

Le plafond de ressources et la majoration prévus aux premier et troisième alinéas sont revalorisés au 1er janvier de chaque année conformément à l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac de l’année civile de référence, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Pour l’ouverture des droits à la prime à la naissance ou à l’adoption, la situation de la famille est appréciée le premier jour du mois civil suivant le cinquième mois de la grossesse. Pour les enfants adoptés ou confiés en vue d’adoption, cette condition est appréciée le premier jour du mois de l’arrivée de l’enfant au foyer des adoptants.

Un montant identique pour chaque enfant du foyer

Le montant de la prime à la naissance s’élève, au 1er avril 2014, à 923,08 euros, ce qui correspondant à 279,75 % de la base mensuelle des allocations familiales. Pour les enfants adoptés ou accueillis en vue d’adoption, le montant est doublé, donc porté à 1 846,15 euros. Ces montants sont nets du prélèvement de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

En décembre 2013, 53 564 primes ont été versées, chiffre stable depuis plusieurs années. Le montant total de bénéficiaires dépasse donc 600 000 chaque année, soit près de 80 % des ménages accueillant un nouveau-né.

Au total, ces ceux prestations représentent une dépense de 655,5 millions d’euros en 2013. La part de la prime à l’adoption ne dépasse pas 4 millions d’euros.

Article D. 531-2 du code de la sécurité sociale

I. - Le taux de la prime à la naissance de la prestation d’accueil du jeune enfant, mentionnée à l’article L. 531-2, est égal à 229,75 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales fixée en application de l’article L. 551-1.

Le taux de la prime à l’adoption de la prestation d’accueil du jeune enfant, mentionnée à l’article L. 531-2, est égal à 459,5 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales fixée en application de l’article L. 551-1.

II. - La prime à la naissance est versée avant la fin du dernier jour du mois civil suivant le sixième mois de la grossesse.

Lorsque la prime est attribuée au titre d’un enfant adopté ou confié en vue d’adoption, elle est versée au plus tard le deuxième mois qui suit l’arrivée des enfants au foyer des adoptants.

2.  La modulation du montant de la prime en fonction du rang de l’enfant

Le présent article, dans son alinéa unique, modifie la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que le montant de la prime à la naissance ou à l’adoption « varie selon le rang de l’enfant ».

La caractéristique de nombreuses prestations familiales

La faculté de moduler le montant des prestations en fonction du rang de l’enfant régit également d’autres prestations familiales. Elle constitue même une des caractéristiques du système français d’aide aux familles, qui offre des montants d’aides d’autant plus élevés que la taille de la famille est importante. C’est un des traits de l’inspiration nataliste des premières politiques familiales.

Le versement des allocations familiales, prestations universelles, est réservé aux familles ayant au moins deux enfants : or ces prestations représentent une dépense de 13,1 milliards d’euros pour la CNAF en 2014, montant légèrement supérieur à celui de la totalité de la PAJE et qui représente 40 % des dépenses de la branche au titre des prestations familiales.

De même, le complément familial, soit plus de 1,7 milliards d’euros en 2014, est réservé, sous condition de ressources, aux familles comportant au moins trois enfants.

Le cumul des allocations familiales et du complément familial constitue un système très progressif avec la taille de la famille. 76 % des familles ayant au moins trois enfants de plus de trois ans en bénéficient.

LA PROGRESSIVITÉ DES ALLOCATIONS FAMILIALES ET DU COMPLÉMENT FAMILIAL AVEC LE NOMBRE D’ENFANTS

 

Allocations familiales

Complément familial

(non majoré)

Total

Montant moyen par enfant

1 enfant

0

0

0

0

2 enfants

129,35

0

127,05

63,5

3 enfants

295,05

168,35

463,4

154,5

4 enfants

460,77

168,35

629,12

157

Enfant supplémentaire

165,72

168,35

   

Majoration pour âge

64,67

     

La fixation par décret de l’écart en fonction du rang de l’enfant

La finalité de la mesure proposée est inverse : elle vise à concentrer les financements accordés au titre de la prime à la naissance ou à l’adoption sur la première naissance et à diminuer les montants attribués aux enfants des rangs suivants.

À l’exposé des motifs de l’article 61, il est ainsi indiqué que « si l’arrivée d’un premier enfant est particulièrement coûteuse pour un ménage, les dépenses réalisées pour ce premier enfant, notamment en matériel de puériculture, bénéficient aux enfants suivants. »

La mesure proposée a donc pour objet de fixer, par décret, un niveau de prime moins élevé après la première naissance en divisant celle-ci par trois.

LES MONTANTS DE PRIME ENVISAGÉS SELON LE RANG DE L’ENFANT

 

Enfant 1

Enfant 2

Enfant 3

Enfant 4

Prime à la naissance

923 euros

304 euros

304 euros

304 euros

Prime à l’adoption

1 846 euros

609 euros

609 euros

609 euros

En 2014, les montants versés pour les enfants de rang un s’élèvent à 280 millions d’euros, soit 42,7 % de l’ensemble. La dépense est donc déjà concentrée sur le premier enfant : certaines familles n’ont en effet qu’un seul enfant et les naissances des rangs deux et suivants interviennent souvent plus tard, alors que l’avancée en âge a pu accroître les revenus et donc ne plus rendre éligible à cette prestation sous conditions de ressources.

Sur les 655 millions d’euros versés au titre de cette prestation, plus de 375 millions sont versés pour un enfant des rangs deux et suivants, soit 57,3 % du total. Les effets de la division par trois du montant de la prime seraient donc concentrés sur cette seule part de la dépense, ce qui accroîtrait la concentration des effets de la prime sur les enfants de rang un, comme l’indique le tableau ci-dessous.

EFFETS DE LA DIVISION PAR TROIS AUX RANGS 2 ET PLUS

 

Montants versés actuellement, en millions d’euros

Part dans l’ensemble

Montants versés après réforme, en millions d’euros

Part dans l’ensemble

Rang 1

280

43 %

280

69 %

Rangs 2 et plus

375

57 %

125

31 %

Total

655

100 %

405

100 %

En cas de division par trois des montants versés à la naissance ou à l’adoption d’enfants des rangs deux et plus, on constate une baisse de 250 millions d’euros des montants versés, soit 38 % du montant total versé.

3.  Une contribution significative au plan d’économies envisagé

L’effet de cette mesure d’économie n’est pas retardé par une montée en charge : la prestation est, par définition, versée exclusivement à de nouveaux attributaires. Il en va au demeurant de même pour le versement, le premier jour du mois suivant la naissance de l’enfant, de l’allocation de base de PAJE aujourd’hui versée dès la naissance de l’enfant et au prorata de la durée restant à courir jusqu’à la fin du mois et qui figure également dans le plan d’économies.

CONTRIBUTION DE CHAQUE MESURE À L’OBJECTIF TOTAL D’ÉCONOMIE EN 2015

Montant d’économies en 2015, en millions d’euros

Part du total

Division par trois de la prime de naissance versée après le premier enfant

250

43,1 %

Majoration des allocations familiales à 16 ans

180

31 %

Quatrième tranche du complément de mode de garde

20

3,5 %

Versement de l’allocation de base de la PAJE le 1er jour du mois suivant la naissance

60

10,4 %

Modification du partage de la PreparE à partir de deux enfants

70

12 %

TOTAL
(prestations légales, hors fonds national d’action sociale)

580

100 %

Les autres mesures économies produiront leur plein effet au terme de trois années, dans la mesure où elles ne seront pas appliquées aux allocataires percevant déjà les prestations et ne concerneront que le flux des nouveaux allocataires.

La contribution de la modulation du montant de la prime à la naissance en fonction du rang de l’enfant au montant du plan d’économies est donc moindre au terme de sa montée en charge, en 2017.

CONTRIBUTION DE CHAQUE MESURE À L’OBJECTIF TOTAL D’ÉCONOMIE EN 2017

Montant d’économies en 2017, en millions d’euros

Part du total

Division par trois de la prime de naissance versée après le premier enfant

250

18,9 %

Majoration des allocations familiales à 16 ans

640

48,3 %

Quatrième tranche du complément de mode de garde

85

6,4 %

Versement de l’allocation de base de la PAJE le 1er jour du mois suivant la naissance

60

4,5 %

Modification du partage de la PreparE à partir de deux enfants

290

21,9 %

TOTAL
(prestations légales, hors fonds national d’action sociale)

1 325

100 %

Au total, sur trois années, le montant de l’économie s’élèverait à 750 millions d’euros.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques AS16 de M. Gilles Lurton, AS26 de M. Francis Vercamer, AS106 de Mme Jacqueline Fraysse, AS111 de Mme Véronique Massonneau et AS 234 de Mme Dominique Orliac.

M. Gilles Lurton. Nous avons été très surpris de voir un de nos amendements, déposé avant l’article 61, déclaré irrecevable alors qu’il visait à revenir sur la réforme du congé parental que vous nous proposez et qui, à nos yeux, remet en cause la possibilité pour une femme de concilier vie professionnelle et vie familiale. Nous souhaitions proposer une réforme positive du congé parental en laissant aux familles le libre choix d’organiser leur vie comme elles l’entendent. Notre amendement donnait la possibilité aux parents de se rendre disponibles en fonction des moments clés de la vie de leurs enfants. Comment allons-nous pouvoir en discuter en séance publique ?

L’article 61, que notre amendement AS16 vise à supprimer, propose d’inscrire le principe d’un montant différencié de la prime à la naissance et à l’adoption en fonction du rang de l’enfant dans le foyer. Ainsi, pour la première naissance ou adoption, le montant actuel de la prime de naissance et de la prime d’adoption seront conservés tels quels, mais réduits à compter du deuxième enfant, au motif que si l’arrivée du premier enfant est particulièrement coûteuse pour un ménage, les dépenses réalisées pour ce premier enfant bénéficient aux enfants suivants.

Nous sommes catégoriquement opposés à une telle mesure qui choque profondément de nombreuses familles. Tout le monde sait fort bien que l’arrivée d’un deuxième enfant, puis d’un troisième, a un coût pour les jeunes ménages, qui doivent souvent trouver un logement plus grand et faire face à de nombreux autres frais, quel que soit le rang de l’enfant. Ajoutons que la division par trois de la prime de naissance ou d’adoption, mesure qui s’accompagne d’un report du mois de versement de l’allocation de base, ne va pas toucher les familles les plus riches, puisque ces prestations sont soumises à conditions de ressources, mais bien les plus modestes pour lesquelles cet apport est indispensable pour faire face aux dépenses consécutives à l’arrivée du deuxième enfant.

À travers l’article 61, c’est toute notre politique familiale que vous remettez en cause, une politique qui pourtant a fait ses preuves au niveau du maintien du taux de fécondité et que de nombreux pays nous envient.

Une fois de plus, ce sont les familles qui vont trinquer. Nous avons calculé qu’avec l’ensemble des mesures prises depuis deux ans et demi, plus de 4 milliards d’euros au total ont été pris sur le budget des familles, alors que le bon sens commanderait plutôt de sanctuariser une politique dont l’efficacité est unanimement reconnue. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer l’article 61.

M. Francis Vercamer. Mes arguments en faveur de la suppression du présent article sont différents. Les responsables politiques affectionnent parfois les formules percutantes. Ainsi, parmi les engagements pris par le président de la République, le seizième prévoyait qu’il maintiendrait toutes les ressources affectées à la politique familiale…

La mesure proposée est en fait incohérente, injuste, inefficace et infondée. Elle est incohérente, car il est difficile de comprendre comment l’allocation de rentrée scolaire peut augmenter tandis que le quotient familial devrait baisser. Elle est injuste, parce qu’elle porte préjudice à la compétitivité de notre pays, qui compte parmi ses atouts d’avoir une politique familiale qui permet un taux de professionnalisation de 81,2 %, très élevé, chez les femmes. Enfin, elle est incohérente, car la branche famille ne serait pas en déficit si elle n’était pas régulièrement ponctionnée. Or elle vient encore de transférer 9,5 milliards d’euros à la branche retraites pour financer la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant eu trois enfants et pour financer les cotisations de retraite des mères modestes qui ont arrêté de travailler pour élever leurs enfants.

L’argument budgétaire est mensonger. Notre politique familiale fonctionne. Le gouvernement choisit une fois de plus la facilité et repousse les réformes courageuses. Car ce n’est pas la politique familiale qu’il faut réformer, mais le régime des retraites.

Eu égard à la dégradation des comptes publics et sociaux, le groupe UDI ne s’interdit pas a priori toute réflexion sur la politique familiale, mais ce ne peut qu’être une réforme globale, non une variable d’ajustement budgétaire. En attendant, à défaut de décision courageuse, le Gouvernement fait les poches des familles. Je propose donc la suppression de cet article.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce dossier est essentiel pour notre pays. Nous aurons l’occasion – je l’espère ! – d’en parler en séance publique, en présence du Gouvernement. Je me limiterai donc à dire que cette modulation constitue une mesure d’économie inacceptable. Alors que 700 millions d’euros doivent être confisqués aux familles et à leurs enfants, cet article a pour seul but d’en apporter 250 millions.

J’y insiste, les familles modestes seront touchées, car la prime à la naissance est de toute façon déjà soumise à des conditions de ressources. Pour la percevoir, une famille ne doit pas toucher plus de 3 900 euros par mois. Mais une famille où les deux parents travaillent pour un salaire inférieur à 2 000 euros par mois chacun ne peut être considérée comme une famille aisée ! Il s’agit donc bel et bien d’une pénalité pour les familles modestes. Voilà pourquoi nous proposons sa suppression.

M. Jean-Louis Roumegas. C’est d’ailleurs la seule mesure concernant la politique familiale que nous examinons, parce qu’elle est de rang législatif. Mais d’autres mesures, prises au niveau réglementaire, vont également pénaliser les familles. Cinq groupes politiques y sont opposés, trois de la majorité et deux de l’opposition. Cela devrait conduire à se poser des questions. Le contexte était déjà le même lors du débat sur les petites retraites.

La mesure proposée est parfaitement contraire aux engagements pris par la majorité en 2012, qui prévoyaient même une revalorisation. Je souligne que la prime de naissance est déjà soumise à des conditions de ressources ; autrement dit, on rabote les ressources des plus modestes. Au même moment, tous les Français savent que, par le biais du pacte de responsabilité , on multiplie les cadeaux aux supermarchés, qui n’ont pas de problèmes de compétitivité et qui se caractérisent par des salaires précaires et des conditions de travail inacceptables, ou encore au secteur bancaire, qui ne relève pas du secteur concurrentiel et n’a certes pas besoin d’allégement de charges. Le Gouvernement prétend que ces allégements sont compensés. Mais par des ressources qui auraient fort bien pu servir à maintenir les prestations familiales ! Je vous souhaite bien du courage pour aller vendre cette soupe à l’opinion publique : ces mesures inacceptables, qui ne vous rapporteront que de petites économies, causeront d’énormes dégâts politiques. Assumez-les si vous voulez, mais ne comptez pas sur nous !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je souhaite la bienvenue à notre collègue Stéphane Claireaux, élu de Saint-Pierre-et-Miquelon, venu remplacer Annick Girardin, nommée secrétaire d’État.

M. Stéphane Claireaux. Le groupe RRDP trouve également que toucher à des allocations familiales en période de crise économique n’est pas pertinent. Nous demandons la suppression de cet article.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Nombre de prestations familiales sont déjà modulées en fonction du rang de l’enfant : les allocations familiales ne sont pas versées pour le premier enfant, tandis que leur montant augmente ensuite plus vite selon le rang de l’enfant ; le complément familial n’est pas versé pour les deux premiers enfants. Les effets d’une baisse de la prime à la naissance après le premier enfant sont donc atténués par le versement des allocations familiales. La question du coût de l’enfant selon son rang est donc complexe.

Permettez-moi seulement de rectifier les affirmations de notre collègue Francis Vercamer : les recettes de la caisse nationale d’allocations familiales sont bel et bien maintenues. Les dépenses de la branche famille ne baissent pas non plus.

Mme Fraysse, le plafond de ressources pour le versement de la prime de naissance est fixé à 51 745 euros pour un couple où les deux parents travaillent et ont deux enfants. Cette règle n’exclut du bénéfice de la prime de naissance que 15 % des ménages.

Chers collègues, je partage certaines de vos réactions. Un débat s’est engagé sur la branche famille. Je suis toujours en discussion avec le Gouvernement pour affiner les propositions, dans le souci que la situation de chacun puisse être prise en compte. Outre la piste diffusée hier dans la presse, une modulation des allocations familiales pourrait être également envisagée quand les revenus d’un ménage dépassent 6 000 euros par mois pour deux enfants.

Je souhaiterais le retrait de ces amendements de suppression. Il favoriserait une nouvelle discussion dans l’hémicycle, au cours de laquelle je pourrais présenter un amendement sur cet article.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je souligne que notre rapporteure Marie-Françoise Clergeau travaille jour et nuit sur le sujet depuis quinze jours. Je ne voudrais pas qu’on l’accuse de ne pas se soucier de la politique familiale.

M. Jean-Pierre Barbier. Ne voyez rien de personnel, madame la rapporteure, dans mon propos. Je mesure au contraire combien votre tâche est difficile. Je rejoins les observations de nos collègues Vercamer, Lurton et Roumegas sur ce mauvais coup porté à la famille.

Dans Les Échos d’hier, des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été annoncés. Je m’étonne de ne pas en voir passer aujourd’hui… J’y ai également appris que les députés socialistes négocieraient pour que le congé parental, que le Gouvernement veut réduire, soit ramené à vingt-quatre mois pour la mère et douze mois pour le père à compter du deuxième enfant. De même, les députés s’emploieraient à ce que la prime de naissance ne soit plus divisée que par deux, et non par trois comme le veut le Gouvernement, tout en acceptant un abaissement du plafond de ressources pour la prime d’accueil jeunes enfants. Une fiscalisation des allocations familiales est également évoquée.

Il est difficile de travailler dans ces conditions. Le travail en commission doit être respecté et ne peut porter sur des mesures qui seront bientôt bouleversées.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le règlement de cette assemblée permet d’examiner en réunion au titre de l’article 88, avant la séance publique, les amendements n’ayant pu être déposés qu’après la réunion de commission consacrée au projet de loi en discussion. Ne faites donc pas comme si cette porte ouverte n’existait pas. Et je vous rappelle que lorsque nous avons examiné le projet de loi sur la recherche embryonnaire, votre groupe n’avait défendu que deux amendements de suppression au moment de la réunion de commission, et que, dans l’hémicycle, il en a déposé trois cents ! Nous vous avons expliqué que Mme Clergeau, avec d’autres, est en train de négocier avec le Gouvernement, et que de ce travail pourront sortir des amendements. Et mes sources ne viennent pas des Échos, mais de pourparlers en cours entre le Parlement et le Gouvernement !

M. Jean-Pierre Barbier. Je sais que l’on peut déposer des amendements d’ici à la séance, mais reconnaissez que nous travaillons dans des conditions qui laissent à désirer. Sur la politique familiale, comme sur le reste, on ne sait pas où l’on va.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pour commencer, nous n’abordons que la question de la prime de naissance, car il s’agit d’une disposition de rang législatif. Il y a d’autres mesures, mais qui relèvent du domaine réglementaire.

Ensuite, ce serait la première fois, comme le dit la présidente, qu’il n’y aurait pas possibilité d’examiner de nouveaux amendements en réunion au titre de l’article 88. Enfin, je vous ai présenté de manière très claire la situation. Des discussions sont en cours avec le gouvernement, afin de parvenir à des mesures qui soient équilibrées pour l’ensemble des familles et garantissent aussi une plus grande justice sociale.

J’ai fait part à la presse, en effet, de possibilités d’évolution, en les qualifiant d’hypothèses de travail. Les pourparlers en cours fournissent l’occasion d’améliorer les mesures envisagées. Il est dommage, je le concède, que je ne possède pas tous les éléments lors de notre réunion de commission, mais nous aurons l’occasion d’en débattre au titre de l’article 88 ou dans l’hémicycle, puisque j’aurai des propositions à vous faire dans les jours, voire les heures qui viennent.

M. Jean-Pierre Barbier. Ou dans le cadre d’un renvoi en commission…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le renvoi en commission ne sera donc pas nécessaire : l’examen d’un PLFSS en séance publique n’est pas soumis aux contraintes du temps programmé et s’achève souvent le samedi matin…

Mme Martine Pinville. Seule la disposition proposée dans cet article est de nature législative, mais la ministre Marisol Touraine nous a elle-même invités à nourrir le débat sur les mesures d’économie demandées. Je me réjouis que ce débat soit ouvert et soit même devenu un débat citoyen. Certains propos me semblent un peu durs à entendre. Quel est l’objectif ? C’est de trouver des solutions qui permettent de protéger et de soutenir les familles modestes, en particulier les familles monoparentales, qui connaissent le plus de difficultés. Voilà pourquoi, parmi les hypothèses de travail en discussion, il y a, entre autres, une hypothèse de modulation.

Nous devrons prendre position dans l’hémicycle et j’y serai particulièrement vigilante sur l’attitude de chacun.

M. Denis Jacquat. Je ne mets aucunement en doute l’engagement de la rapporteure en faveur de la famille. Mais, si la précédente majorité avait, par erreur, proposé un article de ce type, quelle n’aurait été sa réaction ? Sans aucun doute une franche opposition. Et si notre collègue passe aujourd’hui des jours et des nuits à travailler sur le projet de loi, c’est bien parce que le texte ne passe pas, à l’intérieur même de la majorité.

La ministre nous demande de débattre, mais en réalité, nous ne débattons sur rien, car la plupart des mesures envisagées sont d’ordre réglementaire. Cela signifie surtout qu’on ne se sent pas à l’aise, que quelque chose ne va pas. Jusqu’à présent, le principe était toujours resté celui de l’universalité de la politique familiale : aujourd’hui, on assiste à une remise en cause totale. Cet après-midi même, lors des questions d’actualité, notre collègue Patrice Verchère a demandé au Gouvernement si cette remise en cause ne pourrait même aller jusqu’à toucher au domaine de la santé, où le remboursement des soins ne serait plus garanti qu’en fonction des ressources.

Les associations familiales ont cru le président de la République lorsqu’il a pris cet engagement n° 16 rappelé par notre collègue Arnaud Richard. Aussi les annonces présentes ne peuvent-elles que surprendre, car elles ne correspondent pas à l’esprit de la politique familiale telle qu’on la conçoit dans notre pays. Le groupe UMP reste donc particulièrement circonspect. Ces mesures sont habilement présentées sur le plan financier, comme des économies. Mais ce sont en réalité des mesures anti-famille.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je récuse ce parallélisme entre la politique familiale et la politique de santé. Un enfant ne saurait être considéré comme un aléa de la vie, alors qu’on peut n’avoir toute sa vie que des rhumes faciles à soigner, ou déclarer au contraire un cancer à trente ans. Le principe de conditions de ressources ne pourra donc jamais s’appliquer dans le domaine de la santé. Ce serait au demeurant contraire aux principes de solidarité formulés par le Conseil national de la résistance. Votre interrogation n’est donc pas recevable.

Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr que si !

M. Denis Jacquat. Je crains sincèrement que le taux de remboursement ne puisse un jour varier en fonction des revenus.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce n’est pas du tout la même chose. Un cadre supérieur touche exactement la même allocation que tout un chacun, quand bien même il cotise beaucoup plus. Je suis étonnée qu’un si fin connaisseur de ce domaine puisse poser de telles questions.

M. Arnaud Richard. Nous avons reçu cette semaine une délégation de députés portugais, qui soulignait comme une force de la France son grand nombre d’enfants. Au Portugal en revanche, la natalité s’est effondrée à un niveau alarmant : c’est devenu une des plus faibles du monde. À l’inverse, notre politique familiale fonctionne. Je vous invite, madame la rapporteure, à vous montrer forte en face du gouvernement. L’adoption de ces amendements vous mettrait dans une meilleure position de négociation.

Pas moins de cinq groupes politiques sur sept qui vous demandent la suppression de cet article. Il en va en outre du reniement d’un engagement pris. Vous-même n’êtes pas à l’aise avec la mesure proposée.

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne mets certainement pas en cause la rapporteure. Je vous vois plutôt contrainte, madame Clergeau, de faire le sale boulot…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pas du tout.

M. Jean-Louis Roumegas. D’autres mesures seraient en discussion, sur la table, dit-on. Mais sur quelle table ? En réalité, tout cela reste dans les limbes socialistes ; mais pour l’instant, sur la table des parlementaires, il n’y a rien, sinon des promesses. J’en ai parlé ce matin avec la ministre des affaires sociale : même si vos pistes étaient retenues, elles sont d’ores et déjà jugées insuffisantes par le Gouvernement. Les mesures qu’il a décidées resteraient, au moins pour partie afin d’atteindre l’objectif fixé en termes d’économies. Sur la méthode enfin, notre collègue Jean-Pierre Barbier a raison de dire que le Parlement n’est pas associé à la décision. Sous couvert de réforme de la politique familiale, il s’agit seulement d’habiller des économies.

Si l’on veut réformer la politique familiale ou sociale, nous sommes prêts à un débat global. Mais la présente discussion est biaisée, puisqu’elle prend pour point de départ une économie nécessaire de 700 millions d’euros. Telle est la feuille de route.

Pour l’heure, telle qu’elle est présentée, nous ne saurons cautionner une mesure aussi injuste, ni même participer à une réflexion globale dans un tel contexte. Peut-être un travail est-il en train de se faire entre le groupe majoritaire et le Gouvernement ; mais pour l’instant, cela ne concerne que vous, et votre conscience.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’observe tout de même que les membres du Gouvernement ne manquent pas de vous recevoir : on vous voit en boucle sur toutes les chaînes de télévision ressortir tantôt de l’Élysée, tantôt de Matignon… Et le président du groupe UDI lui-même a été reçu par M. Macron !

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la rapporteure, vous avez acquis de précieuses compétences en matière de politique familiale, depuis des années. Mais je rejoins notre collègue Denis Jacquat lorsqu’il suggère que vous auriez vivement protesté, et avec raison, si une mesure de ce genre avait été présentée lorsque vous étiez dans l’opposition.

Sur le fond, les allocations familiales n’ont pas de vocation redistributive, contrairement à l’impôt sur le revenu. Au demeurant, le Gouvernement avait pris l’engagement de n’y pas toucher. Une vraie politique de gauche en faveur de la justice sociale consisterait à remettre à plat, à revoir le barème de l’impôt sur le revenu. Mais le Gouvernement refuse jusqu’à présent de traduire ces promesses en actes.

Quant à la présente mesure, elle a pour seul objectif de faire des économies. Vous vous efforcez d’arrondir les angles, pour qu’elle fasse moins mal à ceux qui souffrent le plus. Mais, en réalité, vous remettez en cause l’universalité des allocations, qui n’ont, je le répète, pas de vocation redistributive, même si elles peuvent effectivement atténuer les inégalités sociales.

Aussi n’est-il pas illogique – cela n’a rien d’une illusion ni d’une illumination – d’imaginer que l’universalité des prestations puisse être remise en cause dans d’autres domaines également, tel que le domaine de la santé. Les remboursements aux patients auraient alors lieu en fonction des ressources. Du reste, le mouvement n’est-il pas d’ores et déjà plus ou moins enclenché avec les mutuelles complémentaires ? Les plus riches peuvent s’offrir les complémentaires les plus chères, celles qui couvrent tout. Et ceux qui ne le peuvent pas ? C’est bien pour cette raison que la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) a été mise en place. Cela n’a donc rien d’une illusion. Même si la famille et la santé ne sont pas la même chose, cet article n’en ouvre pas moins la voie à une autre philosophie et à un autre modèle social que celui que nous connaissons. On peut évidemment en débattre mais, pour ma part je m’y opposerai résolument. Par conséquent, il n’est pas question de retirer mon amendement de suppression.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est votre droit, madame Fraysse.

Mme Bérengère Poletti. Commençons par quelques petits rappels. En 2012, le gouvernement Ayrault décide de plafonner le quotient familial à 2 000 euros par demi-part, une mesure qui touche un peu plus d’un million de foyers fiscaux. En octobre 2013, le plafond du quotient familial baisse encore et passe de 2 000 à 1 500 euros. En juillet 2014, avec la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le congé parental est écourté et il passe de trois ans à deux ans et demi pour les femmes.

En octobre 2014, tombent plusieurs annonces : division par trois de la prime à la naissance à partir du deuxième enfant ; nouveau partage du congé parental qui vise à faire des économies sous couvert d’égalité entre les hommes et les femmes ; report à seize ans de la majoration des prestations familiales ; diminution des aides à la garde d’enfants pour les ménages.

Les associations familiales estiment que ces mesures additionnées représentent un montant de plus de 4 milliards d’euros depuis 2012, ce qui commence à faire lourd. La ministre relativise, disant qu’il faut comparer 700 millions d’euros d’économies à des sommes dont je ne me souviens même plus tant leur montant varie au fil des interventions.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce montant est de l’ordre de 100 à 120 milliards d’euros.

Mme Bérengère Poletti. Quoi qu’il en soit, ces 4 milliards d’euros commencent à handicaper sérieusement une politique dont nous avons des raisons d’être fiers. Dieu sait si certaines politiques ne fonctionnent pas et nécessitent une réforme dans ce pays, mais ce n’est pas le cas de notre politique familiale dont cherchent à s’inspirer des pays étrangers comme le Portugal.

Mme la rapporteure, que je connais et que je vois agir depuis longtemps, a certes toujours défendu les politiques familiales. Dans la mesure où elle est le trait d’union entre le Gouvernement et les députés, je sais que sa position est difficile. Mais de là à retirer notre amendement, ce n’est pas possible.

Entre votre groupe politique et le Gouvernement, les discussions sont très difficiles et les divergences de vue ne concernent pas que les députés frondeurs dont certains ont été exclus de la Commission des affaires sociales car ils protestaient contre les atteintes à la politique familiale. Les mésententes à l’intérieur de votre groupe sont telles qu’on nous a imposé une suspension de séance d’une demi-heure ce matin. Nous avons tout de même le droit de réagir, comme vous lorsque vous étiez dans l’opposition, face aux débats – pour ne pas dire aux disputes – qui traversent la majorité !

Nous voyons bien que vous avez des difficultés dans votre groupe, madame la rapporteure, mais il est d’autant moins question de retirer cet amendement que nous espérons le voir adopter. Du reste, dans une loi de finances, ce n’est pas le texte de la commission qui est discuté en séance, mais celui du Gouvernement. C’est pourquoi je demande aux députés socialistes qui partagent notre point de vue de voter notre amendement de suppression, afin d’avoir un avis favorable de la Commission, ce qui aidera à infléchir la position du Gouvernement au moment où nous discuterons en séance des politiques familiales.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il arrive qu’il y ait des problèmes dans une majorité, madame Poletti… Souvenez-vous de vos divisions à propos du travail le dimanche, en décembre 2009. Ce n’est pas une première.

Mme Bérengère Poletti. Ai-je dit que c’était une première ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous dites que cela gêne le travail de la Commission. Nous l’avons vécu de la même manière à l’époque. Nous faisons ce que vous avez fait, ni plus ni moins. Ce qui s’est passé ce matin n’a rien d’extraordinaire, pas plus que les débats internes à une majorité dont les membres ne sont pas tous d’accord. Ne perdez pas la mémoire.

M. Denis Jacquat. J’étais contre le travail du dimanche et je le suis toujours.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est bien, monsieur Jacquat !

M. Olivier Véran. Sur la forme, nous pouvons trouver qu’il est bon de débattre au Parlement. Qu’il y ait du dialogue entre le Gouvernement et sa majorité, entre le Gouvernement et le Parlement, c’est même très sain. Alors qu’on remet en permanence les institutions de la Ve République en question, soyons fiers de débattre. Que le débat évolue plus ou moins sur la place publique parce que l’imbrication avec la presse et la société est très forte, cela ne me pose pas de problème.

Je me joins aux encouragements adressés à notre rapporteure Marie-Françoise Clergeau, à Martine Pinville et à la présidente de Commission, qui travaillent d’arrache-pied dans l’intérêt général. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de réduire la dette – qui est énorme –, mais personne ne veut entendre parler d’augmentation des cotisations ou de modulation des prestations. Gouverner c’est prévoir, mais c’est aussi choisir !

S’agissant de la politique familiale de ce Gouvernement, il est important de rappeler quelques chiffres : 3 millions de familles ont bénéficié de la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire en 2012 ; 300 000 familles bénéficient d’une couverture par CMUC ou par ACS, suite à un relèvement du plafond en 2013 ; 400 000 familles bénéficient sur cinq ans d’une hausse de 50 % du complément familial accordé aux familles modestes de trois enfants ou plus ; 700 000 familles bénéficient d’une hausse de 25 % sur cinq ans de l’allocation de soutien familial versée aux parents isolés, etc. Sans parler de la création de 275 000 places supplémentaires pour l’accueil de la petite enfance, de l’octroi de bourses aux étudiants, etc.

M. Jean-Pierre Barbier. Et de la suppression des bourses au mérite !

M. Olivier Véran. Que nous ayons un débat sur des équilibres et des arbitrages budgétaires, c’est très sain et nous sommes là pour ça, mais évitez-nous les banalités sur le thème « la gauche est l’ennemie des familles » : les chiffres parlent d’eux-mêmes, et ils sont têtus.

M. Gilles Lurton. Évidemment, je m’associe aux compliments adressés à Mme Clergeau. Par expérience, je confirme que l’on peut discuter avec elle, même si cela n’aboutit pas toujours. (Rires.)

Une Commission est un lieu de discussion des problèmes de fond comme celui que vous qualifiez de réglementaire : la réforme du congé parental. Je ne comprends pas que notre amendement portant article additionnel avant l’article 61 ait été déclaré irrecevable alors qu’il avait été jugé recevable à plusieurs reprises par le passé.

Nous assistons depuis quinze jours à un débat à l’intérieur de la majorité
– M. Le Roux s’est lancé le premier avec l’idée de moduler les allocations familiales – à la suite de nos questions au Gouvernement sur ses propositions concernant le budget de la famille. D’après les échos qui nous parviennent de toutes parts, la tendance serait à une certaine modulation des allocations familiales pour les familles dites à hauts revenus. D’emblée, je rappelle que les allocations familiales ont été créées pour compenser l’arrivée d’un enfant dans un foyer et qu’elles n’ont jamais été soumises à des conditions de ressources. Je reste extrêmement attaché à cette caractéristique.

Je maintiens mon amendement : il tend à supprimer un article que vous-mêmes souhaitez faire évoluer. Vous auriez tout intérêt à l’adopter afin d’être en mesure de dire à madame la ministre : n’y revenez pas !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Puisque vous parlez de l’universalité des allocations familiales, je vous rappelle que les familles qui n’ont qu’un enfant n’en touchent pas, même si elles sont dans la galère. Aucune porte n’est fermée dans la réflexion qui pourrait être menée dans l’année à venir.

M. Michel Issindou. Tout à l’heure, vous dénonciez les déficits accumulés de la Sécurité sociale et l’inaction du Gouvernement en la matière. La branche vieillesse a été réformée l’an dernier ; la branche famille est en déficit depuis une dizaine d’années alors qu’elle était excédentaire en 2002. Votre générosité envers les familles a été financée par de la dette publique !

Doit-on laisser ce déficit perdurer éternellement ? L’effort demandé à cette branche est très léger par rapport aux sommes versées : nous avons la meilleure politique familiale d’Europe, nous versons entre 50 et 80 milliards d’euros, selon le périmètre retenu, et nous sommes en train de nous écharper sur 700 millions d’euros, soit moins de 1 % des sommes distribuées. Nous ne sommes pas en train de tuer la politique familiale, nous cherchons à rééquilibrer une branche de la Sécurité sociale.

Dans ce débat sur les allocations familiales qui nous anime, j’avoue être depuis très longtemps un partisan de la modulation. Depuis dix ans, j’en parle avec mon entourage et je considère qu’il vaut mieux attribuer ces allocations aux familles très modestes et en donner moins à celles qui disposent de revenus importants. Sans remettre forcément en question l’universalité, la modulation l’allocation en fonction des revenus me semble être une mesure de justice évidente et je la défendrai avec conviction.

Je remercie, moi aussi, Marie-Françoise Clergeau, qui n’a jamais été autant félicitée qu’aujourd’hui et qui le mérite. Laissez-nous le temps de poursuivre tranquillement ce débat tout à fait légitime et nous aurons arbitré dans une semaine. Pour l’instant, sachez que je ne suis pas prêt à voter pour un amendement collectif de suppression.

Mme Bernadette Laclais. Madame la présidente, vous avez dit qu’aucune porte n’était fermée et rappelé que des personnes qui n’ont qu’un seul enfant peuvent rencontrer énormément de difficultés. La société a beaucoup changé. N’est-ce pas le rôle du législateur que de se reposer des questions ?

Nous devons effectivement faire des économies et celles qui sont demandées représentent environ 1 % de la masse globale de la politique familiale en France, comme vient de le rappeler Michel Issindou. On peut se dire que c’est toujours trop quand on touche aux familles. On peut aussi penser que la somme versée ne représente pas grand-chose pour certaines familles alors qu’elle est très importante, voire insuffisante, pour d’autres. Est-il scandaleux de se reposer cette question ? Je ne le crois pas. Est-ce qu’envisager une modulation revient à remettre en cause l’universalité ? Je ne le crois pas non plus. Si tout le monde peut bénéficier d’allocations, tout le monde doit-il bénéficier de la même chose ? Ce n’est pas certain.

Le débat sur cette question difficile est ouvert. Pourquoi les débats n’auraient-ils pas lieu dans les groupes majoritaires ? Nous avons besoin de sérénité car nos positions ne sont pas tellement éloignées : nous voulons tous faire avancer la politique familiale, persuadés qu’il s’agit d’un atout de notre pays. Cela étant, je pense que le versement d’allocations familiales n’est pas décisif dans le choix de certaines familles d’avoir un enfant, pas plus qu’il ne conditionne leur manière de dépenser pour cet enfant. Il est normal de vouloir adapter des principes élaborés après-guerre à notre société qui a beaucoup évolué, et la question du premier enfant dans des familles très modestes mériterait d’être posée.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Nous pouvons avoir la satisfaction commune d’être fiers de notre politique familiale. Si notre pays affiche un taux de fécondité stable, c’est parce que, les uns et les autres, nous avons cherché à faire en sorte que les vies familiales et professionnelles soient conciliables, notamment en développant les modes de gardes d’enfant. Nous voulons poursuivre dans cette voie, en accentuant l’effort envers les familles qui en ont le plus besoin. Une famille de deux enfants disposant de 10 000 euros de revenus mensuels ne va pas changer de mode de vie si on lui retire 60 euros. Une famille qui vit avec 1 200 euros par mois fera d’autres choix si elle est privée de la même somme. Il faut se poser des questions et les résoudre au fur et à mesure que la société évolue.

Monsieur Jacquat, il y a quelques années, vous avez relevé de onze ans à quatorze ans le seuil de majoration des prestations familiales. Reconnaissez que chaque majorité est amenée à faire des choix qui ne plaisent pas forcément à l’opposition. Cela n’a rien d’illogique.

Pour ce qui est du congé parental, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes proposait de le faire évoluer progressivement afin qu’il soit pris conjointement par les deux parents, à raison de dix-huit mois chacun. Ce scénario annoncé peut devenir réalité.

Aujourd’hui, vous ne connaissez pas toutes les mesures que je vais vous proposer – je regrette cette situation qui n’est pas de mon fait – et, si elles sont validées, je pense qu’elles vont vous surprendre agréablement. C’est pourquoi je souhaite que vous n’adoptiez pas ces amendements, et que vous attendiez mes propositions.

La Commission rejette les amendements identiques AS16, AS26, AS106, AS111 et AS234.

Puis elle adopte l’article 61.

M. Denis Jacquat. Ce rejet par quatorze voix contre douze est très bien pour Mme la rapporteure : elle pourra aller négocier en indiquant qu’il s’en est fallu de peu que l’article soit supprimé en commission…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je voudrais rappeler deux chiffres incontournables : lors de notre arrivée au pouvoir en 2012, la branche famille affichait un déficit de 3 milliards d’euros ; depuis deux ans et demi, nous avons néanmoins augmenté de 2 milliards d’euros les prestations accordées aux familles les plus modestes.

Après l’article 61

La Commission est saisie de l’amendement AS197 de Mme Dominique Orliac.

M. Stéphane Claireaux. Nous proposons d’inscrire dans la loi que l’âge de l’enfant, qui emporte le bénéfice de la majoration des allocations familiales, est maintenu à quatorze ans.

Cette condition d’âge de l’enfant doit tenir compte des réalités vécues par les familles. Le report de quatorze ans à seize ans est une mesure de stricte économie, sans relation avec le coût de l’enfant assumé par les familles. Pour ne plus faire de la majoration des allocations familiales une variable d’ajustement, il est nécessaire de fixer dans la loi l’âge de l’enfant qui permet de bénéficier de cette majoration.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il me semble difficile de figer ce principe dans la loi. L’âge maximum de l’enfant au-delà duquel les allocations familiales ne sont plus versées – vingt ans – est fixé par décret et non par la loi. Pourquoi y inscrire l’âge de la majoration ? Les conditions de vie évoluent et l’âge de quinze ans, qui correspond à l’entrée au lycée, pourrait constituer le point de rupture actuel. Avis défavorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Connaît-on le montant des économies qui vont être réalisées par le biais de ce report ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il est de l’ordre de 180 millions d’euros en 2015.

Mme Bérengère Poletti. Le groupe UMP votera pour cet amendement qu’il juge excellent.

M. Jean-Louis Roumegas. L’argument qui consiste à renvoyer au domaine réglementaire est un peu faible. Pourquoi cet âge ne serait-il pas fixé dans la loi ? Pour le congé parental, nous avons fait confiance au Gouvernement et nous ne nous attendions pas à ce qu’il propose de modifier les règlements concernant des mesures aussi importantes. Pour les familles concernées, qui peuvent être très précaires, ce report de la majoration de quatorze à seize ans représente une perte de 700 euros. Puisque nous ne pouvons pas faire confiance au Gouvernement, nous soutenons l’amendement du groupe RRDP.

M. Jean-Pierre Barbier. Nous allons soutenir ce très bon amendement, mais revenons un instant sur vos chiffres, madame la présidente. Le déficit de 2,9 milliards d’euros que vous nous reprochez d’avoir laissé serait quasiment comblé si vous n’aviez pas versé 2 milliards d’euros de prestations supplémentaires aux familles les plus modestes à votre arrivée.

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’est pas d’usage d’inscrire les âges dans la loi, comme l’a très bien dit Mme Clergeau, mais compte tenu des événements, de la remise en cause permanente des engagements et de décisions même consensuelles, je pense qu’il est bon de le faire. De toute façon, nous ne prenons pas beaucoup de risques car la loi est révisable tous les ans et elle peut être ajustée si la société évolue. Je voterai donc en faveur de cet amendement.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pour toutes les prestations familiales, les âges sont définis par décret et il n’y a aucune raison d’en fixer un seul dans la loi. Je maintiens mon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS197.

Article 62

Objectif de dépenses de la branche famille pour l’année 2015

Le 2° du D du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale issu de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoit que la loi de financement « fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base et, de manière spécifique, ceux du régime général ».

Concernant la branche famille, la loi de financement fixe cependant, depuis 2014, un objectif unique de dépense pour la branche famille en lieu et place des deux objectifs fixés habituellement, l’un pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l’autre pour l’ensemble des régimes de base. La réforme du financement de la gestion administrative, de l’action sanitaire et sociale et du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole par l’article 37 de la loi de financement pour 2013 a en effet parachevé la centralisation au sein de la CNAF, pour cette branche, des comptes de l’ensemble des régimes obligatoires de base. Seules les sommes versées par certains régimes spéciaux et ayant le caractère de complément de salaire ne sont pas prises en compte.

L’objectif de dépenses pour 2015 tient compte d’un changement de périmètre des dépenses de la branche en raison du transfert à l’État, par l’article 28 de la loi de finances, de l’intégralité de la dépense au titre des allocations personnalisées de logement. Sans ce transfert, la CNAF aurait dû contribuer, en 2015, au financement du fonds national d’aide au logement (FNAL) à hauteur de 4,7 milliards d’euros. Cette charge lui est retirée ; elle est assumée désormais par le budget de l’État. La diminution de l’objectif de dépenses qui en résulte ne traduit donc pas une baisse des dépenses au titre de la politique familiale, car il convient d’apprécier l’évolution de cette dernière à périmètre constant.

Le tableau ci-dessous reconstitue les dépenses de la CNAF en depuis 2012 avec le même périmètre que pour 2015 (hors contributions au FNAL).

OBJECTIF DE LA BRANCHE FAMILLE À PÉRIMÈTRE CONSTANT

En milliards d’euros

2012

2013

2014

2015

Objectif de dépenses fixé en loi de financement – ancien périmètre

56,6

58,26

59,1

(59,3)

Dépenses au titre du FNAL

4,2

4,4

4,5

(4,7)

Objectif de dépenses dans le nouveau périmètre

52,4

53,7

54,6

54,6

En gras, les montants votés en LFSS ; en italique, les montants des années précédents dans le nouveau périmètre.

Pour 2015, à périmètre constant, l’objectif de dépenses de la CNAF s’élève à 54,6 milliards d’euros. Il est donc stable par rapport à 2014, et même en légère augmentation de 60 millions d’euros. En conséquence, les dépenses (hors FNAL) augmenteraient de 0,1 % en 2015 par rapport à 2014.

Cette augmentation très modérée en valeur absolue traduit une prévision d’inflation très basse. En conséquence, la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) n’augmentera que de 0,3 % en moyenne annuelle en 2015.

La stabilité de la dépense traduit également la sous-exécution des dépenses du fonds national d’action sociale de la CNAF depuis 2012, ayant conduit au nécessaire rebasage des montants pris en compte dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion (COG). Mais l’objectif d’une hausse de 7,5 % des montants engagés chaque année, conformément aux objectifs de la COG, pourrait être atteint dès 2015 grâce au redémarrage des créations de solutions d’accueil de jeunes enfants.

Enfin, les effets en 2015 des mesures d’économie présentées dans le cadre du projet de loi de financement sont à mettre en regard de la projection sur trois années présentée à l’annexe 9 jointe au projet de loi de financement. Elle fait état d’une évolution de + 1,3 % en moyenne annuelle des dépenses de la branche famille, tous régimes confondus, entre 2014 et 2018. Cette augmentation aurait été de + 2 % en moyenne annuelle sans les mesures d’économie prévues par le projet de loi de financement.

*

* *

La Commission examine l’amendement AS112 de Mme Véronique Massonneau.

M. Jean-Louis Roumegas. L’article 62 traduit l’objectif d’économies pour la branche famille. Il comprend les mesures réglementaires qui ont été annoncées par le Gouvernement, qui seront peut-être annulées par les futures propositions de madame la rapporteure. Par cet amendement de suppression, nous manifesterons notre refus en bloc de ces mesures législatives et réglementaires qui visent à raboter les prestations familiales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Comment ne pas adopter un objectif de dépenses pour la Caisse nationale des allocations familiales en 2015 ? Le montant proposé représente une stabilité des dépenses par rapport à 2014, et il tient compte du montant total du plan d’économies. La CNAF doit participer à l’effort de redressement des comptes sociaux comme toutes les branches de la Sécurité sociale. Les mesures d’économie pourront être modifiées dans le cadre de l’examen de projet de loi, mais il convient de maintenir leur niveau global. Avis défavorable.

Mme Bérengère Poletti. Nous allons voter pour cet amendement, mais je m’étonne que la Commission des finances l’ait laissé passer alors que d’autres, de même nature, ont été déclarés irrecevables en vertu de l’article 40.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. On a le droit de souhaiter que la CNAF n’envisage pas de nouvelles dépenses. Rien ne s’oppose à un amendement de ce genre et c’est pourquoi il n’a pas été déclaré irrecevable par la Commission des finances.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous souhaitez que la CNAF n’engage pas de nouvelles dépenses. Dans ce cas, comment va-t-elle faire pour honorer la participation financière qui lui est demandée dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La CNAF participe au financement de la réforme des rythmes scolaires à travers deux mécanismes, l’un transitoire et l’autre permanent : à titre exceptionnel, la branche a versé une participation financière au fonds d’amorçage piloté par l’État ; à titre pérenne, elle verse une prestation de service aux accueils organisés dans le cadre d’un projet éducatif territorial, en fonction du nombre d’élèves qui les fréquentent, dans la limite de trois heures par semaine et de trente-six semaines par an.

En 2015, elle a ainsi versé 250 millions d’euros d’aide forfaitaire pour les trois heures induites par la réforme. Cette participation de la CNAF est inscrite dans son budget, sans aucune ambiguïté. D’ailleurs, M. Hutin et M. Vercamer pourraient nous apporter des précisions puisqu’ils viennent de rendre un excellent rapport sur ce thème.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour récapituler, elle a donc versé 62 millions d’euros au fonds d’amorçage, plus 250 millions d’euros d’aide forfaitaire.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Elle a versé 62 millions d’euros au fonds d’amorçage en 2014. En 2015, 2016 et 2017, elle versera 250 millions d’euros par an pour les prestations de service liées à la réforme des rythmes scolaires.

M. Gérard Bapt. Madame la rapporteure, est-il normal que les communes qui ne font pas l’effort de mettre en place des dispositifs d’accueil complets touchent autant que celles qui, à l’instar de la mienne, consentent cet effort ? Ne pourrait-on pas effectuer des contrôles pour empêcher que certaines communes encaissent des recettes indues ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La prestation de service spécifique est une subvention versée à la commune au vu d’un projet éducatif territorial. Cela a pu se produire avec le fonds d’amorçage, qui répondait à une volonté d’inciter des communes, qui ne le souhaitaient pas forcément, à s’engager dans le processus ; mais désormais, il s’agit d’un contrat entre la CNAF et la collectivité et il ne peut donc y avoir de versement sans projet.

La Commission rejette l’amendement AS112.

Puis elle adopte l’article 62.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø M. Antoine Math, économiste, chercheur à l’institut de recherches économiques et sociales

Ø Haut Conseil du financement de la protection sociale – Mme Mireille Elbaum, inspectrice générale des affaires sociales, présidente, et M. Laurent Caussat, secrétaire général

Ø Audition commune des représentants des organisations patronales :

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Mme Béatrice Gruau-Racine, chef de file au conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), Mme Valérie Corman, directrice de la protection sociale, Mme Ophélie Dujarric, directrice de mission à la direction des affaires publique *

Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) –M. Jean-Marie Attard, membre de la commission sociale

Union professionnelle artisanale (UPA) – Mme Fabienne Munoz, administratrice à la CNAF, M. Christian Pineau, directeur des affaires sociales, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – M. François Fondard, président et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

Ø Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale (DGCS), et Mme Catherine Lesterpt, adjointe à la sous-directrice de l’enfance et de la famille

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale (DSS), et Mme Virginie Leheuzey, chef du bureau des prestations familiales et des aides au logement.

Ø Haut Conseil à la famille (HCF)M. Bertrand Fragonard, président délégué, et Mme Lucie Gonzalez, secrétaire générale.

Ø Audition commune des représentants des organisations syndicales :

Confédération française démocratique du travail (CFDT) –
M. Jean-François Cimetière
, secrétaire confédéral, et M. Michel Le Direach, administrateur de la CNAF

Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Jean-Yves Delannoy, délégué national Secteur de la protection sociale en charge de la famille, et Mme Justine Vincent, chargée d’études

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Ludovic Dublé et Mme Marie-Madeleine Pattier, représentants à la CNAF

Confédération générale du travail (CGT) – MM. Michel Coronas et Alain Giacomel, administrateurs de la CNAF

Force ouvrière (FO) – MM. Didier Aubossu, et Patrick Brillet, administrateurs de la CNAF

Ø Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président, M. Daniel Lenoir, directeur, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () CNAF, Informations sociales, n° 137, Coût de l’enfant et budget des familles.

2 () « État des lieux de la redistribution en France », 2011.