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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2015.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE (1) CHARGÉE D’EXAMINER, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, LE PROJET DE LOI (N° 2447) pour la croissance et l’activité.
TOME I
EXAMEN DES ARTICLES
Volume 1
Titre Ier
PAR M. Richard FERRAND,
Rapporteur général
et
MM. Christophe CASTANER, Laurent GRANDGUILLAUME,
Denys ROBILIARD, Gilles SAVARY, Alain TOURRET,
Stéphane TRAVERT, Mmes Cécile UNTERMAIER et Clotilde VALTER,
Rapporteurs thématiques
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La commission spéciale est composée de :
M. François Brottes, président ; Mme Corinne Erhel, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Christophe Sirugue, M. Francis Vercamer, vice-présidents ; Mme Michèle Bonneton, M. Marc Dolez, Mme Véronique Louwagie, Mme Elisabeth Pochon, secrétaires ; M. Richard Ferrand, rapporteur général ; M. Christophe Castaner, M. Laurent Grandguillaume, M. Denys Robiliard, M. Gilles Savary, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, Mme Clotilde Valter, rapporteurs ; M. Julien Aubert, M. Luc Belot, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, M. Marcel Bonnot, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Gérard Cherpion, M. Alain Chrétien, M. Jean-Louis Costes, Mme Françoise Dumas, Mme Sophie Errante, M. Daniel Fasquelle, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bernard Gérard, M. Jean-Patrick Gille, M. Joël Giraud, M. Philippe Gosselin, M. Jean Grellier, M. Michel Heinrich, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, M. Sébastien Huyghe, Mme Bernadette Laclais, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Dominique Lefebvre, M. Arnaud Leroy, Mme Audrey Linkenheld, M. Gilles Lurton, Mme Sandrine Mazetier, Mme Martine Pinville, Mme Monique Rabin, M. Jean-Louis Roumegas, M. Martial Saddier, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, M. Philippe Vigier, M. Philippe Vitel, M. Jean-Luc Warsmann, M. Éric Woerth, M. Michel Zumkeller.
SOMMAIRE
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Pages
I. LEVER LES FREINS À L’ACTIVITÉ POUR CRÉER DES EMPLOIS 26
A. ACCROÎTRE LA MOBILITÉ, EN PARTICULIER DES JEUNES, UN FACTEUR D’INSERTION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 26
1. Ouverture à l’initiative privée du transport par autocar 26
2. L’externalisation des épreuves théoriques du permis de conduire permettra de réduire les délais d’attente 27
B. RÉNOVATION DU CADRE JURIDIQUE QUI FACILITERA L’ACCÈS DES FRANÇAIS AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES 28
1. Une liberté d’installation régulée de certaines professions réglementées ouvrira de nouvelles possibilités aux jeunes diplômés. 28
2. Simplification de l’accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire 30
3. Un « corridor tarifaire » permettant de rapprocher les tarifs des coûts 31
4. Création de structures communes pour un exercice pluridisciplinaire 34
5. Extension de la territorialité du monopole de postulation de l’avocat à l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort d’une même cour d’appel 34
6. La création d’un statut d’avocat en entreprise pose plus de questions qu’elle n’en résout et doit être supprimée 35
C. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU TERRITOIRE, EN ÉLARGISSANT LES OUVERTURES COMMERCIALES DOMINICALES 36
1. Répondre aux attentes des Français qui souhaitent pouvoir avoir accès à plus de commerces le dimanche 36
2. Favoriser le tourisme international 38
D. DYNAMISER LES PARTICIPATIONS PUBLIQUES AFIN DE DÉVELOPPER L’OUTIL INDUSTRIEL ET LES PERSPECTIVES D’EMPLOI 38
1. L’adoption d’une stratégie claire et globale au titre de l’État actionnaire 38
2. L’ouverture du capital de certaines sociétés doit permettre de développer l’outil industriel, d’élargir les perspectives d’emploi et de faire naître un leader européen 40
3. Le transfert au secteur privé des sociétés concessionnaires Aéroports de Lyon et Aéroports de la Côte d’Azur 41
II. MIEUX RÉGULER L’ACTIVITÉ ET PROTÉGER LES DROITS DES SALARIÉS 42
A. DE NOUVEAUX DROITS POUR DES SALARIÉS MIEUX PROTÉGÉS 42
1. De nouveaux droits pour les salariés travaillant le dimanche : négociations, volontariat et compensations salariales 42
a. La priorité accordée à la négociation sociale 42
b. La protection du volontariat 43
c. Des contreparties fixées par la loi dans certaines situations spécifiques 43
2. Une inspection du travail plus efficace 44
3. Le renforcement de la lutte contre la prestation de service internationale illégale 45
4. La création d’un véritable statut du défenseur syndical au sein de la justice prud’homale. 46
B. L’APPROFONDISSEMENT ET L'EXTENSION DU RÔLE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION 47
1. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires voit ses compétences étendues au transport routier 47
2. Les compétences de l’Autorité de la concurrence sont sensiblement étendues 47
a. Avis en matière de documents d’urbanisme et avis en matière de tarifs pour les professions réglementées 47
b. Le renforcement de l’injonction structurelle 48
C. LA RÉNOVATION DE LA PARTICIPATION DES SALARIÉS, UN GAGE DE LEUR IMPLICATION DANS LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES 50
1. L’actionnariat salarié contribue à l’établissement d’un socle d’actionnaires stable et durable 50
2. L’élargissement et la simplification de l’épargne salariale sont souhaitables à tous égards 52
3. Un encadrement renforcé des retraites chapeau 54
III. MODERNISER ET SIMPLIFIER LES PROCÉDURES 56
A. LA SIMPLIFICATION DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’URBANISME 56
1. Droit de l’environnement : la modernisation et la simplification de ces droits passent par exemple par le développement des autorisations dites uniques 56
a. L’extension de l’expérimentation de l’autorisation unique aux projets présentant un intérêt majeur pour l’activité économique 56
b. La pérennisation des dispositifs d’autorisation unique ICPE et IOTA 57
c. L’extension à la région Île-de-France de l’expérimentation du certificat de projet 58
2. Droit de l’urbanisme : l’accélération des procédures doit permettre de participer à l’effort national de construction 59
a. Accélérer l’instruction et la délivrance de l’autorisation des projets de construction et d’aménagement 59
b. Modifier les règles relatives à l’évaluation environnementale des projets 60
c. Moderniser et clarifier les modalités de participation, de concertation, de consultation et d’information du public 60
d. Accroître la sécurité des porteurs de projets 60
B. SIMPLIFIER LES OBLIGATIONS DES ENTREPRISES, UN IMPÉRATIF 61
1. Mise en place d’un identifiant électronique unique, sécurisé et authentifié pour toutes les entreprises d’ici fin 2016 61
2. Allégement des obligations comptables des très petites entreprises pendant leur période d’inactivité 62
C. SAUVEGARDER ET PÉRENNISER L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET L’EMPLOI 64
1. La spécialisation de certains tribunaux de commerce 64
2. Une intervention améliorée des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires 65
3. L’instauration de mécanismes de conversion de créance et de cession forcée en cas de procédure de redressement judiciaire 67
D. MODERNISER LE DROIT DU TRAVAIL 68
TITRE 1ER – LIBÉRER L’ACTIVITÉ 111
Chapitre 1er – Mobilité 111
Article premier (art. L. 2131-1, L. 2131-2, L. 2132-1, L. 2132-4, L. 2132-5, L. 2132-7, L. 2132-8, L. 2135-1, L. 2135-2, L. 2135-3, L. 2135-7, L. 2135-13, L. 2331-1 et L. 2341-1 du code des transports) : Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) 111
Après l’article 1er 126
Article 2 (art. L. 3111-17 à L. 3111-25 [nouveaux] du code des transports) : Transport public routier de personnes : libéralisation des services de transport par autocar 129
Article 3 (art. L. 1221-3, L. 3111-1, L. 3111-2, L. 3111-3, L. 3421-2, L. 3451-2, L. 3452-5-1, L. 3452-6, L. 3452-7, L. 3452-8, L. 3521-5 et L. 3551-5 du code des transports) : Transport par autocar : dispositions de coordination 156
Article 3 bis : [nouveau] Habilitation à légiférer par ordonnance pour permettre la réalisation du projet « Charles-de-Gaulle Express » 159
Article 3 ter : [nouveau] Rapport de l’ADEME sur l’impact du transport par autocar sur l’environnement 164
Article 3 quater : [nouveau] Rapport du Gouvernement sur l’impact du développement du transport par autocar sur l’industrie automobile 166
Après l’article 3 168
Article 4 : Gares routières de voyageurs : habilitation à légiférer par ordonnance 170
Après l’article 4 178
Article 5 (art. L. 122-7 à L. 122-21 [nouveaux] du code de la voirie routière) : Compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières en matière de péages autoroutiers et de marchés passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes 183
Après l’article 5 195
Article 5 bis : [nouveau] Rapport du Gouvernement sur l’opportunité d’une tarification des péages autoroutiers en fonction du nombre de passagers 199
Article 6 (art. L. 122-4 et L. 122-4-2 du code de la voirie routière) : Compétences de l’ARAFER dans le secteur autoroutier : dispositions de coordination 201
Article 6 bis [nouveau] : Société du Grand Paris : ratification de l’ordonnance n° 2014-690 du 26 juin 2014 203
Article 7 : Modalités d’entrée en vigueur des articles premier, 2, 3, 5 et 6 205
Article 8 (art. L. 3120-2, L. 3121-3, L. 3121-5 et L. 3121-11 du code des transports, art. 230-19 du code de procédure pénale, art. L. 311-3 du code de la sécurité sociale et loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014) : Stationnement des voitures de transport avec chauffeur (VTC) aux abords des gares et des aéroports 206
Article 8 bis [nouveau] (art. L. 212-1 du code des assurances) : Renforcement des obligations du Bureau central de tarification 210
Article 8 ter [nouveau] (art. L. 212-4 et L. 213-6 du code de la route) : Extension des sanctions pénales réprimant l’enseignement de la conduite ou la formation des examinateurs sans autorisation administrative 212
Article 8 quater [nouveau] (art. L. 213-1 et L. 213-5 du code de la route) : Suppression de la commission départementale de la sécurité routière 213
Article 8 quinquies [nouveau] (art. L. 213-2 du code de la route) : Possibilité de conclure un contrat à distance avec une auto-école 215
Article 8 sexies [nouveau] (art. L. 213-3 du code de la route) : Suppression de la condition d’ancienneté du permis de conduire des exploitants d’un établissement de conduite 216
Article 8 septies : [nouveau] Rapport sur la faisabilité de l’instauration d’une filière française de déconstruction des navires 217
Article 9 (art. L. 221-3 à L. 221-8 [nouveaux] du code de la route) : Externalisation de l’épreuve théorique du permis de conduire et l’épreuve pratique de certains permis poids lourds 219
Après l’article 9 250
Article 9 bis [nouveau] (article L. 213-4-1[nouveau] du code de la route) : Prise en compte du nombre de candidats évalués en première et seconde présentation à l’épreuve pratique du permis B pour l’attribution des places d’examen 252
Après l’article 9 255
Article 9 ter : [nouveau] Rapport sur l’opportunité de proposer le passage du « code de la route » lors de la journée défense citoyenne 262
Chapitre II – Commerce 265
Article 10 (art. L. 752-5-1 [nouveau] du code de commerce) : Consultation de l’Autorité de la concurrence sur les documents d’urbanisme 265
Article 10 bis : [nouveau] (article L. 752-6 du code de commerce) Aménagement des critères de délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale 281
Article 10 ter : [nouveau] (article L. 425-4 du code de l’urbanisme) Autorisation de la cession et de la transmission des permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale 283
Article 11 : (article L. 752-26 du code de commerce) Injonction structurelle 286
Après l’article 11 312
Article 11 bis (nouveau) (art. L. 917-6 [nouveau] et L. 927-4 [nouveau] du code de commerce) : Codification de dispositions relatives à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon 318
Après l’article 11 318
Article 11 ter [nouveau] (art. L. 423-6 du code de la consommation) : Modalités de versement des sommes reçues à la suite d’une action de groupe 323
Après l’article 11 324
Article 11 quater [nouveau] (art. L. 425-4 du code de l’urbanisme) : Simplification de la procédure de demande d’un nouveau permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale en cas de modification substantielle du projet 328
Article 11 quinquies [nouveau] (art. 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012) : Renouvellement des accords dérogatoires relatifs aux délais de paiement dans certains secteurs économiques 329
Après l’article 11 330
TITRE 1ER – LIBÉRER L’ACTIVITÉ 333
Chapitre III – Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées 333
Article 12 (titre IV bis : [nouveau] du livre IV, art. L. 444-1 à L. 444-5 [nouveaux], L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1, L. 663-2, L. 663-3 et L. 743-13 du code de commerce ; art. L. 113-3 du code de la consommation ; art. 1er de la loi du 29 mars 1944) Rénovation des modalités de détermination de certains tarifs réglementés 333
Après l’article 12 399
Article 13 (art. 1er, 5, 8, 8-1, 10 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; art. L. 141-1 du code de la consommation) : Modifications des règles de postulation et d’établissement des bureaux secondaires des avocats 400
Article 13 bis [nouveau] (art. L. 462-10 [nouveau] du code de commerce) : Assouplissement des conditions d’installation des officiers publics et/ou ministériels 448
Article 14 (art. 2, 4, 10 et 68 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat) : Conséquences de l’assouplissement des conditions d’installation des notaires prévu à l’article 13 bis et instauration d’une limite d’âge 484
Après l’article 14 499
Article 15 (art. 3, art. 4 [nouveau] et art. 4 bis [nouveau] de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945) : Conséquences de l’assouplissement des conditions d’installation des huissiers de justice prévu à l’article 13 bis ; modification du périmètre territorial d’exercice de leurs compétences ; instauration d’une limite d’âge 500
Article 16 (art. 1-1, 1-1-1 [nouveau], 1-1-2 [nouveau], 1-2, 1-3, 2, 3 et 12 de l’ordonnance du 26 juin 1816 ; art. 56 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000) : Conséquences de l’assouplissement des conditions d’installation des commissaires-priseurs judiciaires prévu à l’article 13 bis ; modification des règles d’établissement de leurs bureaux annexes ; instauration d’une limite d’âge 523
Article 16 bis [nouveau] (art. L. 741-1 du code de commerce) : Instauration d’une limite d’âge pour l’exercice de la profession de greffier des tribunaux de commerce 534
Article 17 [supprimé] (art. L. 462-10 [nouveau] du code de commerce) : Assouplissement des conditions d’installation des officiers publics et/ou ministériels 536
Article 17 bis [nouveau] (art. L. 462-11 [nouveau] du code de commerce ; art. 3 de l’ordonnance du 10 septembre 1817) : Assouplissement des conditions d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation 537
Article 18 (art. 1er ter de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ; art. 3 ter de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ; art. 3 de l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 ; art. L. 743-12-1 du code de commerce) : Développement de l’exercice des professions de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de greffier des tribunaux de commerce en qualité de salarié 544
Après l’article 18 551
Article 19 (art. L. 123-6 du code de commerce ; art. L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle) : Facilitation de l’accès du public aux données du registre national du commerce et des sociétés 554
Article 20 (art. L. 811-5 et L. 812-3 du code de commerce) : Création d’une profession de commissaire de justice, aménagements des voies d’accès aux professions d’administrateur et de mandataires judiciaires ainsi que de greffier des tribunaux de commerce 563
Article 20 bis [nouveau] (art. 22 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945) : Clarification du domaines des activités pouvant être réalisées à titre accessoire par les experts-comptables 594
Article 20 ter [nouveau] (art. 1er bis AA [nouveau] de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ; art. 1er bis de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ; art. 1er bis [nouveau] de l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 ; art. 7, 8 et 87 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; art. L. 811-7 et L. 812-5 du code de commerce ; art. L. 1242-2 et L. 1251-6 du code du travail) : Diversification des formes juridiques possibles pour l’exercice des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d’administrateur et de mandataire judiciaires 604
Après l’article 20 ter 610
Article 21 : Habilitation à moderniser les conditions d’exercice des professions du droit et du chiffre 612
Chapitre IV – Dispositions relatives au capital des sociétés 641
Avant l’article 22 641
Article 22 (art. 3, 5, 5-1, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 31-1, 31-2 et 34 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ; art. L. 5125-7 du code de la santé publique) : Simplification des conditions de création et de constitution des sociétés d’exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales 641
Article 22 bis [nouveau] (art. 13, 13-1 [nouveau] et 22 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977) : Simplification des conditions de création et de constitution des sociétés d’architecte 651
Chapitre V – Urbanisme 653
Article 23 (art. L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation) : Données sur la mobilité dans le parc social 653
Article 23 bis [nouveau] (art. L. 301-3, L. 301-5-1 et L. 301-5-2 du code de la construction et de l’habitation et art. L. 3641-5, L. 5217-2 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales) : Délégation des aides en faveur du logement intermédiaire et de la location-accession 655
Article 23 ter [nouveau] (art. L. 254-1, L. 302-1, L. 302-16, L. 302-1, L. 421-1 et L. 422-2 du code de la construction et de l’habitation) : Harmonisation du zonage relatif au logement intermédiaire 658
Article 23 quater [nouveau] (art. L. 421-1, L. 422-2, L. 422-3 du code de la construction et de l’habitation) : Objet social des filiales des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire 663
Article 23 quinquies [nouveau] (art. L. 421-1, L. 422-2, L. 422-3 du code de la construction et de l’habitation) : Conseil d’administration des filiales des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire 667
Article 23 sexies : [nouveau] Ratification de l’ordonnance du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire 673
Article 24 (art. L. 123-1-11, L. 123-13-2, L. 123-13-3, L. 128-3 et L. 127-2 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Majoration des droits à construire pour le logement intermédiaire 676
Après l’article 24 687
Article 25 (art. 3-2, 8-1, 11-2, 15, 24, 25-3 et 25-8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Clarification des règles relatives aux rapports entre bailleurs et locataires 691
Après l’article 25 703
Article 25 bis [nouveau] (article L. 133-8 du code de la construction et de l’habitation) : Obligation d’incinération des déchets infestés par la mérule 704
Article 25 ter [nouveau] (art. L. 201-5 du code de la construction et de l’habitation) : Habitat participatif 705
Article 25 quater [nouveau] (art. L. 261-10-1 du code de la construction et de l’habitation) : Garantie financière des opérations de vente en l’état futur d’achèvement 706
Après l’article 25 quater 706
Article 25 quinquies [nouveau] (art. 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et art. L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation) : Obligation d’assermentation des agents chargés de l’inspection des logements insalubres 711
Après l’article 25 quinquies 712
Article 25 sexies [nouveau] :Habilitation à légiférer par ordonnance pour créer un bail réel solidaire 715
Lors de sa réunion constitutive du 16 décembre 2014, la Commission spéciale a désigné M. Richard Ferrand rapporteur général ainsi que huit rapporteurs thématiques selon la répartition suivante :
– M. Gilles Savary, rapporteur thématique pour les chapitres I, II et IV du titre Ier, c’est-à-dire les dispositions relatives à la mobilité et à l’urbanisme ;
– Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique pour les chapitres III et IV du titre Ier, c’est-à-dire les dispositions relatives aux professions règlementées ;
– M. Christophe Castaner, rapporteur thématique pour le chapitre Ier du titre II, c’est-à-dire les dispositions relatives à l’investissement et à l’innovation ;
– Mme Clotilde Valter, rapporteure thématique pour les chapitres II et III du titre II, c’est-à-dire les dispositions relatives aux entreprises à participation publique et à l’industrie ;
– M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique pour le chapitre IV du titre II, c’est-à-dire les dispositions relatives à la simplification ;
– M. Alain Tourret, rapporteur thématique pour le chapitre V du titre II, c’est-à-dire les dispositions relatives aux tribunaux de commerce et aux procédures collectives ;
– M. Stéphane Travert, rapporteur thématique pour le chapitre 1er du titre III, c’est-à-dire les dispositions relatives aux exceptions au repos dominical et en soirée ;
– M. Denys Robiliard, rapporteur thématique pour le chapitre II du titre III, c’est-à-dire les autres dispositions relatives au droit du travail.
Le rapporteur général a, en outre, pris en charge les dispositions du titre IV, c’est-à-dire les dispositions finales du projet de loi.
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS
ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPECIALE
Au cours des dix-neuf réunions qu’elle a tenues du lundi 12 au dimanche 18 janvier 2015, la Commission spéciale a examiné 1 741 amendements et en a adopté 495, insérant ainsi 103 articles additionnels.
Les principales modifications apportées par la Commission sont les suivantes :
Titre I : Libérer l’activité
– à l’article 1er, un amendement des rapporteurs étendant le dispositif de sanctions administratives applicable dans le domaine ferroviaire au secteur du transport par autocar et au secteur autoroutier ;
– à l’article 2, deux amendements des rapporteurs, le premier définissant la procédure de déclaration préalable pour l’ouverture de liaisons non conventionnées par autocar, avec droit d’objection pour les autorités organisatrices de transport en cas d’atteinte substantielle à l’équilibre économique d’un service public, le second créant, au bénéfice de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), une obligation de transmission de données et d’informations par les entreprises de transport de personnes par autocar ;
– après l’article 3, un amendement du Gouvernement habilitant celui-ci à légiférer par ordonnance pour permettre la réalisation de la liaison ferroviaire « Charles-de-Gaulle Express » (article 3 bis) ;
– à l’article 5, un amendement de M. Pancher prévoyant une consultation de l’ARAFER dans le cadre de la révision annuelle des tarifs des péages autoroutiers ;
– après l’article 6, un amendement du Gouvernement prévoyant la ratification de l’ordonnance du 26 juin 2014 relative à la participation de la Société du Grand Paris à certains projets du réseau des transports en Ile-de-France (article 6 bis) ;
– à l’article 9, trois amendements des rapporteurs, le premier visant à éviter tout conflit d’intérêts entre formateurs et organisateurs ou examinateurs des épreuves du permis de conduire, le deuxième permettant à tout élève conducteur d’entrer dans un dispositif de conduite supervisée (avec un accompagnateur) dès la validation de sa formation initiale par l’enseignant de conduite jusqu’à sa présentation à l’épreuve pratique, le troisième rendant obligatoire la publication, au moins une fois par an, par les auto-écoles des taux de réussite des candidats qu’ils présentent aux examens théoriques d’une part et aux examens pratiques du permis de conduire rapportés au volume moyen d’heures de conduite réalisé par les candidats d’autre part, pour chaque catégorie de véhicules, ainsi qu’un amendement du président Brottes, rendant possible l’organisation de la préparation et le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire, en dehors du temps scolaire, dans les locaux des lycées et établissements régionaux d’enseignement adaptés ;
– après l’article 9, un amendement du président Brottes, prévoyant que la répartition des place d’examen au permis de conduire prenne en compte le nombre de candidats évalués en première et seconde présentation à l’épreuve pratique du permis B par chaque auto-école (article 9 bis) ;
– à l’article 10, un amendement des rapporteurs supprimant la faculté de l’Autorité de la concurrence de se saisir d’office des documents d’urbanisme ;
– après l’article 10, deux amendements du Gouvernement, le premier aménageant les critères de délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale (article 10 bis) ; le second autorisant la cession et la transmission des permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (article 10 ter) ;
– à l’article 11, deux amendements des rapporteurs, le premier garantissant, à un stade précoce de la procédure d’injonction structurelle, la bonne information des entreprises sur les faits justifiant les préoccupations de l’Autorité de la concurrence, en prévoyant que celle-ci transmet à l’entreprise son estimation de la part de marché et du niveau de prix ou de marges qui justifie ces préoccupations ; le second précisant de manière expresse que les cessions d’actifs que l’Autorité de la concurrence peut enjoindre à une entreprise au terme de la procédure peuvent concerner des terrains, qu’ils soient ou non bâtis ;
– après l’article 11, trois amendements, le premier du président Brottes prévoyant qu’une demande de permis de construire modificatif valant autorisation d’exploitation commerciale puisse être déposée en cas de modification substantielle du projet (article 11 quater) ; les deux autres identiques de MM. Gérard et Saddier, autorisant le renouvellement des accords interprofessionnels propres à certains secteurs et dérogeant aux plafonds législatifs relatifs aux délais de paiement interentreprises (article 11 quinquies) ;
– à l’article 12, un amendement des rapporteurs tendant à ce que, dans un objectif de justice sociale et de prévisibilité, des tarifs fixes soient maintenus pour certaines prestations de montant faible ou moyen, correspondant aux actes liés à la vie courante, sans remettre en cause le principe selon lequel, au-delà d’un certain montant, des tarifs pourront varier dans le cadre d’un « corridor » dont l’amplitude a été réduite à un sixième en-dessous et au-dessus d’un tarif de référence ;
– à l’article 13, un amendement des rapporteurs limitant les activités pour lesquelles les avocats pourraient postuler auprès de l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ;
– après l’article 13, un amendement des rapporteurs procédant à une réécriture globale du dispositif initialement prévu à l’article 17, en ce qui concerne l’assouplissement de l’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires (article 13 bis) ;
– à l’article 14, un amendement des rapporteurs instaurant une limite d’âge à 70 ans pour les notaires ;
– à l’article 15, un amendement des rapporteurs instaurant une limite d’âge à 70 ans pour les huissiers de justice ;
– à l’article 16, un amendement des rapporteurs instaurant une limite d’âge à 70 ans pour les commissaires-priseurs judiciaires ;
– après l’article 16, un amendement des rapporteurs instaurant une limite d’âge à 70 ans pour les greffiers des tribunaux de commerce (article 16 bis) ;
– après l’article 17, un amendement des rapporteurs visant à étendre et à adapter à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation l’assouplissement des conditions d’installation des autres officiers ministériels (article 17 bis) ;
– à l’article 18, un amendement des rapporteurs instaurant une règle du « un pour quatre » pour l’exercice, en tant que salarié, des professions de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de greffier des tribunaux de commerce, et interdisant les clauses de non-concurrence dans les contrats de travail des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires salariés ;
– à l’article 19, un amendement du Gouvernement substituant à l’habilitation demandée les mesures relatives à l’accès du public aux données du registre national du commerce et des sociétés ;
– après l’article 20, deux amendements, le premier du Gouvernement et le second des rapporteurs, substituant à l’habilitation demandée les dispositions relatives aux prestations autorisées aux experts comptables à titre accessoire d’une part (article 20 bis), celles permettant le recours à toute forme juridique pour l’exercice des professions juridiques d’autre part (article 20 ter) ;
– à l’article 21, un amendement des rapporteurs supprimant l’habilitation sollicitée pour créer, par voie d’ordonnance, la profession d’avocat en entreprise ;
– à l’article 22, un amendement des rapporteurs substituant à l’habilitation demandée les mesures relatives à la création et à la constitution des sociétés d’exercice libéral et des sociétés de participation financières de profession libérale ;
– après l’article 23, un amendement du Gouvernement permettant de déléguer les aides en faveurs du logement intermédiaire aux collectivités territoriales déjà délégataires des aides à la pierre (article 23 bis), ainsi que trois amendements des rapporteurs, le premier supprimant la condition de zonage prévue par l’ordonnance du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire (article 23 ter), le deuxième modifiant l’objet social des filiales créées par les organismes HLM pour gérer des logements intermédiaires (article 23 quater), el troisième ratifiant l’ordonnance précitée (article 23 sexies) ;
– à l’article 25, un amendement du Gouvernement, sous-amendé par Mme Mazetier, substituant à l’habilitation demandée les mesures modifiant la loi ALUR concernant notamment la colocation et la prorogation des baux dans le cadre des ventes à la découpe et des congés pour vente ;
– après l’article 25, un amendement du Gouvernement demandant une habilitation à légiférer par ordonnance pour créer un nouveau contrat de bail de longue durée (article 25 sexies).
Titre II : Investir
– aux articles 26 et 28, deux amendements des rapporteurs associant le Conseil national de la transition écologique à l’élaboration des ordonnances visant à moderniser le droit de l’environnement afin de le rendre plus simple, plus cohérent et plus efficace ;
– après l’article 33, un amendement de Mme Erhel créant une obligation d’équipement en fibre optique des maisons individuelles neuves et des lotissements neufs (article 33 bis) ; deux amendements du président Brottes définissant l’itinérance métropolitaine et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être mise en œuvre (articles 33 ter et 33 quinquies) ; un amendement de M. Caullet clarifiant la répartition des rôles entre le Gouvernement et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et au Gouvernement, afin de hiérarchiser ces objectifs et de clarifier la répartition des rôles entre le régulateur et le Gouvernement (article 33 quater) ; un amendement du président Brottes prévoyant une adaptation par décret au secteur de la publicité numérique des dispositions de la loi Sapin renforçant la transparence (article 33 septies) ;
– à l’article 34, un amendement des rapporteurs visant à avancer l’entrée en vigueur de ses dispositions au 1er janvier 2015 ;
– après l’article 35, un amendement des rapporteurs ramenant de dix à sept ans la période pendant laquelle une PME ne doit pas pratiquer de remboursement de ses apports pour le bénéfice du dispositif ISF-PME (article 35 bis) ; un amendement de M. Caullet autorisant le mécénat d’entreprise en faveur des structures œuvrant pour un groupe restreint de personnes (article 35 ter) ; un amendement de M. Leroy permettant de créer un fonds professionnel spécialisé sous la forme d’une société en commandite simple, baptisée société en libre partenariat (article 35 quater) ;
– avant l’article 36, quatre amendements des rapporteurs, le premier portant la représentation minimale des salariés aux deux tiers des sièges des conseils de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE)(article 35 quinquies), le deuxième supprimant la contribution spécifique pesant sur les abondements des employeurs aux plans d’épargne retraite collectif (PERCO)(article 35 octies), le troisième introduisant un taux réduit du forfait social pour les versements des salariés au titre de la participation et de l’intéressement des employeurs aux PERCO, si ces sommes sont affectées au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (article 35 nonies), le quatrième prévoyant le versement par défaut de l’intéressement sur les PERCO (article 35 decies) ;
– après l’article 36, un amendement de M. Fromantin visant à relancer l’obligation de négocier des accords de participation au niveau des branches (article 36 bis) ;
– après l’article 37, un amendement des rapporteurs facilitant la modification des plans d’épargne interentreprises (article 37 bis) ;
– après l’article 39, un amendement des rapporteurs rendant obligatoire l’avis du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS) sur tout projet de loi ou d’ordonnance prévoyant un déblocage exceptionnel de l’épargne salariale (article 39 quater) ;
– avant l’article 43, trois amendements des rapporteurs substituant à l’habilitation demandée les mesures complétant et corrigeant les dispositions de l’ordonnance du 20 août 2014 afin de la mettre en cohérence avec les dispositions du code général des impôts, du code de commerce et de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (article 43 A), précisant les règles applicables aux participations des collectivités territoriales au capital des sociétés commerciales en veillant à garantir la protection des intérêts publics (articles 43 B et 43 C) ;
– après l’article 43, deux amendements des rapporteurs renforçant le contrôle à la fois du Parlement et de la Commission des participations et des transferts en cas de privatisation d’une société, en abaissant de moitié les seuils de déclenchement de leurs interventions respectives (articles 43 bis et 43 ter) ;
– à l’article 48, un amendement des rapporteurs réaffirmant la détention majoritairement publique du capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies et la nécessité d’une autorisation législative pour transférer la majorité du capital au secteur privé, permettant l’entrée au capital de la Banque publique d’investissement (BPI) et prévoyant la possibilité pour l’État d’instituer une action spécifique en cas de privatisation ;
– à l’article 49, un amendement des rapporteurs renforçant les prérogatives du Parlement pour les opérations de transfert au secteur privé de participations majoritaires détenues par l’État au capital de sociétés concessionnaires d’aéroports et d’autoroutes, en les soumettant de manière systématique à l’autorisation préalable du législateur, indépendamment de critères de chiffres d’affaires ou de salariés ; cet amendement permet également d’inscrire dans la loi le principe de l’autorisation préalable par le ministre chargé des transports de telles opérations, de faire figurer dans le cahier des charges de l’appel d’offres les obligations pesant sur le futur concessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la nation en matière de transport aérien et d’exiger des candidats une expérience de la gestion aéroportuaire ;
– à l’article 50, un amendement des rapporteurs rétablissant une procédure de cession de titres réservés aux salariés, adhérents d’un plan d’épargne entreprise, en cas de privatisation d’une entreprise publique ;
– à l’article 52, un amendement des rapporteurs encadrant la détention par des actionnaires bénéficiaires de droits de vote double durant la dérogation temporaire à l’obligation de déposer un projet d’offre publique en application du code monétaire et financier ;
– après l’article 53, un amendement des rapporteurs habilitant les agents de la DGCCRF à contrôler le respect des délais de paiement par les entreprises publiques et à la possibilité de prononcer à l’égard de ces mêmes entreprises une amende administrative (article 53 ter) ;
– à l’article 54, un amendement des rapporteurs améliorant la rédaction de l’article afin de mieux garantir l’indépendance de l’Autorité de sûreté nucléaire dans le cadre de ses activités internationales ;
– après l’article 54, deux amendements, le premier de M. Caresche visant à favoriser le développement des biocarburants produits à partir de matières premières d’origine animale (article 54 bis), le second de Mme Laclais permettant la mise en place d’un dispositif ciblé pour les sites industriels électro-intensifs (article 54 quater) ;
– après l’article 55, un amendement des rapporteurs protégeant la résidence principale affectée à un usage non professionnel par la suppression de la déclaration obligatoire devant notaire (article 55 ter) ;
– après l’article 56, deux amendements identiques des rapporteurs et de M. Huyghe introduisant, une nouvelle procédure amiable de recouvrement des petites créances (article 56 bis) ;
– après l’article 58, trois amendements, le premier du Gouvernement, permettant le déplacement du siège social d’une SARL sur l’ensemble du territoire national (article 58 bis), le deuxième de Mme Berger prévoyant une obligation de transmettre à l’assemblée générale d’une société anonyme, au moins une fois tous les cinq ans, des informations concernant la variété des profils professionnels parmi les membres des conseils d’administration et des conseils de surveillance des sociétés (article 58 ter), le troisième de Mme Laclais ouvrant aux sociétés la possibilité d’obtenir la non-publicité de leurs comptes annuels (article 58 quater) ;
– après l’article 59, quatre amendements du Gouvernement, améliorant les règles en matière de contrôle des concentrations (article 59 bis), renforçant les pouvoirs d’enquête de l’Autorité de la concurrence (article 59 ter), autorisant celle-ci à rejeter une saisine contentieuse lorsque les pratiques invoquées sont de dimension locale et susceptibles, à ce titre, d’être traitées par le ministère de l’économie (article 59 quater) et améliorant la procédure transactionnelle et la procédure de clémence devant l’Autorité de la concurrence (article 59 quinquies) ;
– après l’article 61, un amendement du Gouvernement habilitant celui-ci à légiférer par ordonnance pour faciliter le développement de la facturation électronique entre les entreprises (article 61 bis) ;
– à l’article 62, un amendement des rapporteurs soumettant la décision sur l’installation de dispositifs publicitaires dérogatoires à l’approbation du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (IPCI) compétent ;
– à l’article 64, un amendement des rapporteurs précisant le contenu des rapports annuels demandés aux organismes et entreprises gestionnaires de retraites chapeau, en y incluant les montants minimal et maximal de rentes servies, ainsi que le nombre de bénéficiaires potentiels ;
– après l’article 64, un amendement des rapporteurs conditionnant le bénéfice des retraites chapeau des mandataires sociaux dirigeants aux performances de l’entreprise (article 64 bis), ainsi que six amendements du rapporteur général, introduisant une définition du secret des affaires dans le code de commerce (article 64 ter), permettant aux entreprises d’opposer les dispositions du droit international et communautaire pour s’opposer à des demandes d’informations manifestement abusives dans le cadre de procédures ouvertes à l’étranger (article 64 quater), précisant les éléments d’une protection civile du secret des affaires dans une procédure contentieuse (article 64 quinquies), permettant de demander un procès à huis clos en invoquant le secret des affaires (article 65 sexies), sauvegardant le droit pour un journaliste de présenter pour sa défense, dans le cadre d’un procès pour diffamation, d’éléments provenant d’une violation du secret des affaires (article 65 septies) et adaptant la loi du 26 juillet 1968 dite « loi de blocage » (article 65 octies) ;
– à l’article 66, trois amendements des rapporteurs, le premier prévoyant que les procédures collectives concernant une entreprise ayant des établissements situés dans les ressorts de plusieurs tribunaux de commerce ou cours d’appel relèveront de la compétence des tribunaux de commerce spécialisés uniquement si l’entreprise concernée dépasse des seuils en nombre de salariés et en chiffres d’affaires fixés par décret en Conseil d’État, le second précisant que, lorsqu’une procédure collective est ouverte devant un tribunal de commerce spécialisé à l’égard de la société-mère d’un groupe d’entreprises, ce tribunal est également compétent pour les connaître des procédures ouvertes ultérieurement à l’égard de ses filiales, le troisième créant une procédure de transmission immédiate à la juridiction compétente des dossiers relevant d’un tribunal de commerce spécialisé dont aurait été saisi un tribunal de commerce non spécialisé ;
– à l’article 69, un amendement des rapporteurs substituant à l’habilitation demandée des dispositions relatives à la désignation obligatoire d’un second administrateur judiciaire et d’un second mandataire judiciaire dans les procédures collectives remplissant certaines conditions ;
– après l’article 69, un amendement des rapporteurs substituant à l’habilitation demandée des dispositions autorisant et organisant l’exercice salarié des activités d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire (article 69 bis) ;
– avant l’article 70, un amendement des rapporteurs facilitant la désignation facultative d’un second administrateur judiciaire ou d’un second mandataire judiciaire, pour les procédures ne remplissant pas les conditions imposant une co-désignation visées par l’article 69 (article 70 A) ;
– à l’article 70, deux amendements des rapporteurs, le premier prévoyant que le tribunal peut imposer une « cession forcée » ou une « dilution forcée » lorsque l’augmentation de capital constitue « une solution » pour éviter la cessation d’activité d’une entreprise d’au moins 150 salariés, et non pas seulement lorsqu’elle apparaît comme « la seule solution », le second introduisant un délai de trois après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, afin de laisser aux actionnaires de l’entreprise concernée un délai pour proposer leur propre plan, à l’issue duquel la procédure de « cession forcée » ou de « dilution forcée » pourrait être décidée ;
– après l’article 70, un amendement des rapporteurs permettant d’éviter qu’un débiteur puisse être sanctionné pour ne pas avoir demandé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans les 45 jours suivant la cessation des paiements, lorsque cette omission résulte d’une simple négligence de sa part (article 70 bis), ainsi qu’un amendement du Gouvernement habilitant celui-ci à réformer les règles applicables au gage de meubles et au gage des stocks par la voie d’ordonnance (article 70 ter).
Titre III : Travailler
– à l’article 71, un amendement de M. Tourret prévoyant une consultation de l’EPCI, lorsque celui-ci existe, préalablement à la prise d’un arrêté préfectoral autorisant l’ouverture dérogatoire d’un établissement pour des motifs d’intérêt du public ou pour assurer le fonctionnement normal de l’établissement ;
– à l’article 75, deux amendements des rapporteurs, le premier confiant au président de l’EPCI l’initiative de la demande de délimitation ou de modification d’une zone touristique ou d’une zone commerciale lorsque le périmètre de cette zone excède le territoire d’une seule commune, le second visant à encadrer le délai d’instruction par le préfet de région de telles demandes ;
– à l’article 76, trois amendements des rapporteurs, le premier prévoyant que dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, la mise en place du travail dominical peut intervenir sur le fondement d’une proposition de l’employeur approuvée par les deux tiers des salariés concernés, le deuxième précisant que l’accord collectif conclu pour recourir au travail dominical doit obligatoirement comporter des contreparties d’ordre salarial et, enfin, le troisième précisant que l’accord collectif doit également comporter des mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés de repos dominical ;
– à l’article 77, un amendement des rapporteurs garantissant la réversibilité du choix du salarié, en prévoyant que l’accord collectif doit déterminer les modalités de prise en compte d’un éventuel changement d’avis du salarié qui travaille le dimanche ;
– à l’article 78, un amendement des rapporteurs unifiant le régime applicable aux commerces alimentaires situés dans une zone touristique internationale (ZTI) ou dans l’emprise d’une gare, en prévoyant que dès lors que ces commerces souhaitent ouvrir au-delà de 13h00, le régime applicable pour toute la journée du dimanche est celui qui est la plus favorable aux salariés ;
– à l’article 79, deux amendements, le premier des rapporteurs précisant que le dispositif applicable aux commerces des gares situées en zone touristique internationale (ZTI), en zone touristique (ZT) ou en zone commerciale (ZC) est celui applicable dans ces zones, le second de M. Cherpion, prévoyant que l’arrêté ministériel autorisant les commerces situés dans l’emprise d’une gare située hors d’une zone dérogatoire à ouvrir le dimanche est précédé d’une consultation des employeurs et des salariés des commerces concernés ;
– à l’article 80, un amendement des rapporteurs proposant le maintien à douze du nombre des dimanches du maire, tout en revenant à une complète latitude des maires quant au nombre de dimanches fixés, de zéro à douze, sous réserve d’une consultation du conseil municipal et, dès lors que le nombre de dimanches fixés excède sept, de l’EPCI ;
– après l’article 80, un amendement des rapporteurs, visant à prévoir l’exigence du volontariat du salarié pour les commerces bénéficiant des « dimanches du maire » (article 80 bis) ;
– à l’article 81, sept amendements, le premier de Mme Coutelle prévoyant que le moyen de transport que l’employeur doit mettre à disposition du salarié travaillant en soirée pour lui permettre de regagner son domicile est bien pris en charge par l’employeur ; les trois suivants des rapporteurs précisant que l’accord collectif devra fixer les modalités de prise en compte de l’évolution de la situation personnelle des salariés travaillant en soirée, celles d’un éventuel changement d’avis du salarié, ainsi que les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des salariés travaillant en soirée ; le cinquième de M. Caullet prévoyant que seront également fixées les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde d’enfants en soirée ; le sixième des rapporteurs prévoyant que les salariées enceintes peuvent, à leur demande, ne pas travailler en soirée et ,enfin, le septième rendant applicables aux travailleurs en soirée les dispositions protectrices qui concernent les travailleurs de nuit, en matière de surveillance médicale, de protection du refus du salarié et d’aménagement des conditions de retour au travail de jour ;
– à l’article 83, quatre amendements des rapporteurs, le premier supprimant la référence au devoir de réserve des conseillers prud’hommes, le deuxième encadrant le droit de grève des conseillers prud’hommes, le troisième limitant les cas de renvoi du bureau de conciliation et d’orientation vers le juge départiteur et le quatrième maintenant la procédure de conciliation devant le conseil de prud’hommes en cas d’échec de la convention de procédure participative ;
– à l’article 96, un amendement de M. Caullet ajoutant à la liste de manquements graves en matière de détachement justifiant une suspension de la prestation de services, le manquement au repos quotidien de onze heures consécutives minimum et le manquement au repos hebdomadaire ;
– après l’article 97, deux amendements des rapporteurs, le premier encadrant la location transfrontalière dans le domaine du transport fluvial de marchandises en interdisant la location transfrontalière de bateau avec équipage (article 97 bis), le second obligeant les partenaires d’un contrat de transport, de matérialiser par écrit le contrat de transport de marchandises par voie fluviale (article 97 ter) ;
– à l’article 98, un amendement des rapporteurs prévoyant qu’en cas d’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans le cadre d’un document unilatéral, le périmètre d’application des critères d’ordre de licenciement ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi ;
– à l’article 100, un amendement des rapporteurs précisant que les salariés concernés par un licenciement économique qui expriment un intérêt pour les postes situés en dehors du territoire national bénéficient de l’obligation de reclassement dans les mêmes conditions que pour les offres nationales ;
– à l’article 101, un amendement des rapporteurs supprimant l’alinéa 3 de cet article, afin de ne pas réduire l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur objet d’une procédure collective au périmètre de la seule entreprise ;
– à l’article 102, un amendement des rapporteurs précisant qu’en cas d’annulation de la décision d’homologation du PSE par l’autorité administrative pour défaut de motivation, la seconde décision motivée de l’administration doit être prise dans un délai de quinze jours ;
– après l’article 102, un amendement des rapporteurs prévoyant l’application des mesures de l’article 102 aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire (article 102 bis).
Titre IV : Dispositions finales
– après l’article 105, un amendement du Gouvernement étendant à Mayotte le dispositif des adultes-relais (article 105 bis).
Enfin, la Commission a changé le titre du projet de loi, qui devient « projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».
Le contexte économique actuel et la situation de l’emploi nous conduisent à trouver des solutions pragmatiques afin de lever les blocages qui contraignent l’activité française, entravent l’initiative, et obèrent la confiance.
Ce projet de loi propose un ensemble cohérent de mesures concrètes. De sa réussite dépend la capacité de notre pays à prouver qu’il sait se réformer en faveur d’une économie dynamique, tout en portant de nouvelles avancées sociales. La France doit promouvoir l’égalité des chances économiques et la mobilité sociale, en particulier des jeunes.
Premier objectif de ce projet de loi : relancer l’activité. Cela passe notamment par l’ouverture à l’initiative privée du transport par autocar, par le désengorgement et la réduction du prix du permis de conduire, véritable passeport pour l’embauche des jeunes.
Il comporte une réforme emblématique : la liberté d’installation régulée de certaines professions réglementées du droit, qui ouvrira notamment de nouvelles possibilités aux jeunes diplômés. D’une manière plus large, il modernise le cadre juridique de ces professions afin de les aérer et de les adapter à la donne contemporaine.
Tout en réaffirmant la règle du repos dominical, il créera de l’activité par la mise en place des zones touristiques internationales (ZTI) et l’ouverture de dimanches supplémentaire là où c’est utile.
Deuxième objectif transversal de ce projet de loi : donner plus de droits aux salariés et mieux réguler l’activité économique. Il s’agit de faire en sorte par exemple que les salariés travaillant le dimanche dans un commerce de détail le feront volontairement et seront couverts par un accord collectif, ce qui constitue une avancée sociale considérable.
Pour sécuriser la situation des salariés, il convient de créer un véritable statut du défenseur syndical et de lutter contre la prestation de service internationale illégale
Il importe également de rénover la participation des salariés, gage de leur implication dans le développement de leur entreprise. L’élargissement de l’épargne salariale représente à ce titre une véritable nécessité.
Troisième objectif transversal de ce projet de loi : simplifier et moderniser les législations et réglementations en vigueur. Cet effort doit permettre de faciliter l’activité de l’ensemble des acteurs économiques sans jamais remettre en question le niveau de protection juridique et environnementale. Cette modernisation passe aussi par la réforme de la justice prud’homale, réforme attendue de longue date pour permettre de raccourcir les délais de jugement.
L’objectif premier de ce projet de loi est de libérer l’activité en France afin de faciliter la vie des jeunes, de ceux qui ne sont pas dans l’emploi et de ceux qui voudraient investir. Des rigidités se sont en effet installées dans certains secteurs et perdurent depuis des décennies sans que l'intérêt général ne les justifie plus. Elles sont mal comprises par nos concitoyens et doivent disparaître. Ce projet de loi propose donc des mesures très concrètes qui vont permettre de faciliter rapidement la vie quotidienne des Français.
A. ACCROÎTRE LA MOBILITÉ, EN PARTICULIER DES JEUNES, UN FACTEUR D’INSERTION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Aujourd'hui, les services réguliers de transport collectif sont organisés par les pouvoirs publics et exécutés par des entreprises disposant d’une licence de transport intérieur. Les transports internationaux font figure d’exception car ils peuvent être librement assurés par des autocaristes privés – sous réserve de plusieurs contraintes s’agissant du cabotage.
Les articles 2 et 3 du projet de loi ouvrent en conséquence à l’initiative privée l’organisation de lignes de transports collectifs réguliers non urbains par autocar.
Ces articles vont permettre d’offrir une alternative au train aux voyageurs intéressés par un prix plus faible des voyages moyennant un temps de transport parfois allongé. Cela concerne en particulier les plus jeunes et les retraités, deux catégories de la population qui disposent d’un pouvoir d’achat inférieur à la moyenne des Français.
Mais cela crée également une alternative à la route sur des liaisons qui n'existent pas aujourd’hui ou qui sont extrêmement mal desservies – un passage obligé par Paris pour aller de Rennes à Rouen… outre le resserrement du maillage territorial, cette mesure aura donc un impact environnemental positif puisqu’elle diminuera l’incitation à recourir à la voiture individuelle.
La France se caractérise en effet à la fois par une forte mobilité de la population au regard de son PIB et par un recours élevé à la voiture individuelle en comparaison à nos voisins européens.
D’après le ministère de l'économie, l'ouverture des lignes d'autocar entre régions pourrait concerner cinq millions de passagers par an et redonner un gain de 800 millions d'euros de pouvoir d'achat par an aux usagers.
Cette mesure suscite toutefois un certain nombre d'inquiétudes qui méritent que l'on y réponde.
D’aucuns mettent en avant que le développement du transport par autocar remet en cause les trains express régionaux (TER) dans lesquels les régions ont beaucoup investi et auxquels les Français sont très attachés. Les éléments dont le rapporteur général dispose à ce stade montrent que cette peur doit être relativisée car cette mesure ouvre une possibilité de mobilité accrue pour les Français. À cet égard, les exemples étrangers montrent bien que le développement des transports collectifs tend à accroître la mobilité globale de la population. S’il peut y avoir localement un détournement d’une partie du trafic, c’est bien un effet de création globale de mobilité qui est attendu.
Par ailleurs, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) encadrera l'ouverture à la concurrence dans le secteur. Ainsi, l'ARAFER sera le garant de la protection de l’équilibre économique des services publics de transport. Le rapporteur thématique, M. Gilles Savary, conjointement avec le rapporteur général, a précisé la procédure relative à la demande d’ouverture de services réguliers non urbains de transport routier de personnes. Cette nouvelle procédure est équilibrée, elle protège les lignes de services publics sans brider à l’excès l’initiative privée.
2. L’externalisation des épreuves théoriques du permis de conduire permettra de réduire les délais d’attente
Actuellement, l’organisation des épreuves du permis de conduire est assurée par les préfectures et la fonction d’examinateur est remplie par les inspecteurs du permis de conduite et de la sécurité routière, qui sont des agents publics.
L’article 9 du projet de loi prévoit que l’organisation de certaines épreuves du permis de conduire pourra désormais être assurée soit par l'autorité administrative soit par des organismes agréés. Les épreuves concernées sont uniquement l'épreuve théorique et l'épreuve pratique des diplômes professionnels pour la catégorie de véhicule du groupe lourd.
Cette mesure doit permettre de concentrer l'activité des inspecteurs publics afin de réduire les délais de présentation de l'épreuve pratique. Pour maintenir le niveau de conduite lors de périodes d'attentes qui peuvent s'élever jusqu'à cinq mois, en particulier dans la région Ile-de-France, les candidats sont amenés à prendre davantage de leçons, ce qui renchérit de manière substantielle le coût du permis. Plus d'un million de candidats présentent le permis B chaque année. L’article 9 permettra de libérer 170 000 places d'examen au permis B supplémentaires et fera économiser environ 200 euros par personne par mois d'économie. Ces 200 euros représentent le « prix de l'échec » pour les 40 % de candidats qui échouent lors de la première présentation à l'examen du permis de conduire : des sommes parfois inabordables pour les jeunes et les plus modestes
Cet article est essentiel pour accroître la mobilité sociale et professionnelle des jeunes car le papier rose est un passeport pour l'embauche, la détention du permis de conduire étant un critère d’embauche pour 65 % des employeurs (2). Il donne à la jeunesse l’un des moyens de choisir son destin.
Il s'agit bien avec cette mesure de contribuer à rétablir d'avantage d'égalité des chances économiques.
1. Une liberté d’installation régulée de certaines professions réglementées ouvrira de nouvelles possibilités aux jeunes diplômés.
La liberté d’installation de plusieurs des professions réglementées du droit (3) est l’un des axes forts de ce projet de loi car elle répond à l’impérieuse nécessité de la promotion de l'égalité des chances : simplifier les conditions d'installation pour les professionnels du droit, c'est permettre à chacun selon son mérite, d'accéder à l’exercice de ces professions.
Un élément important est la démographie de ces professions. La liberté d'installation va favoriser l'installation de jeunes et de femmes. En effet, les statistiques sont éloquentes en matière d'égalité homme-femme dans la profession : 70 % des notaires titulaires d’office sont des hommes, 80 % des salariés sont des femmes. Pour les officiers publics et ministériels, l'âge moyen se situe entre 49 et 53 ans. La liberté d'installation régulée doit véritablement apporter une ouverture, et « aérer » l’accès à cette profession.
S’il est bien un sujet à propos duquel on puisse affirmer que réformer ce n’est pas casser, mais régénérer, c’est bien celui de la liberté d’installation régulée.
De fait, la forme de cogestion dans laquelle le système de régulation est tombé n'a pas atteint les objectifs attendus.
Le système existant repose en effet trop largement sur une gestion autonome du nombre d’offices par les professionnels et sur la cooptation. Les officiers publics et ministériels sont nommés par arrêté du ministre de la justice, garde des Sceaux, soit sur présentation d’un successeur par le professionnel titulaire de l’office – très large majorité des cas – soit à l’issue d’un concours dans le cas d’un office créé ou laissé vacant.
Les contraintes qui pèsent sur l'offre et l'augmentation du nombre de titulaires conduisent, comme le rapporteur général l'avait déjà fait remarqué dans un précédent rapport (4) et que le récent rapport de nos collègues Cécile Untermaier et Philippe Houillon a également pointé (5), à recourir de plus en plus au salariat des jeunes.
Il ne s'agit pas ici de nier l'intérêt du salariat mais seulement d'observer « qu'il dessert objectivement la volonté d'entreprendre et de s'installer de jeunes, ou de salariés aguerris, qui ont par ailleurs la formation, la compétence et l'expérience » (6).
Il convient donc d’instaurer une liberté d’installation.
Celle-ci doit toutefois être régulée. En effet, une liberté d’installation complète aurait pu être de nature à déséquilibrer le maillage territorial au bénéfice de concentrations sur les villes centres ou chefs-lieux au détriment des autres territoires.
Or cette réforme vise d’autre part à promouvoir l'égalité des territoires : l'objectif est bien d'homogénéiser l'accès au notariat en particulier mais également aux professions d'huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires pour les Français sur tout le territoire. Il s'agit d'une mesure d'égalité et d'accès au droit. La répartition territoriale de ces professions est en effet hétérogène aujourd'hui : un notaire pour 4 500 habitants dans le département de l'Aveyron contre un notaire pour 17 000 habitants dans le département de la Seine-Saint-Denis. Cette mesure est donc de nature à assurer une présence de proximité et une offre de services juridiques plus en adéquation avec les besoins de la population et des territoires.
Pour ne pas causer de préjudice aux titulaires déjà installés, l'article 17 prévoit une augmentation progressive des installations en fonction d'une carte répertoriant les territoires selon le nombre d'offices déjà présents et leurs besoins en nouveaux offices. Cette carte sera établie et proposée par l'Autorité de la concurrence aux ministres de la justice et de l'économie. La titularisation pourra être refusée si elle concerne une zone où l'implantation d'offices supplémentaires risquerait « de porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices déjà installés » ou de « compromettre le service rendu ». Lorsque le titulaire d'un office estimera qu'une nouvelle installation porte atteinte à la valeur patrimoniale de son office, il pourra en solliciter l'indemnisation de la part du nouveau titulaire dans un délai de six ans.
Dans un souci de clarification et de simplification du dispositif de libéralisation de l’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires qui est proposé par le Gouvernement, le rapporteur général et la rapporteure thématique Cécile Untermaier ont toutefois proposé à la commission spéciale qui l’a accepté, un amendement portant réécriture globale du dispositif. Il s’agit d’établir une distinction plus claire, entre les zones où l’implantation d’offices ou l’association au sein des offices existants apparaissent utiles pour renforcer la proximité et l’offre de services, et celles où elles seraient de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu. Pour une meilleure compréhension de la réforme, les rapporteurs ont inscrit cette réécriture à l’article 13 bis du présent projet de loi.
Les rapporteurs ont, d’autre part, proposé par amendement d’étendre à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation l’ouverture des conditions d’installation prévue pour les autres officiers ministériels.
Le nombre d’offices ministériels d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation est en effet resté fixé à soixante depuis 1817 – et ce, malgré la suppression du numerus clausus par un décret du 23 avril 2009 qui a permis au garde des Sceaux de créer davantage d’offices. Or jusqu’à présent, cette faculté n’a pas été utilisée par le ministre de la Justice.
2. Simplification de l’accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire
Le nombre d’administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires est resté stable sur la période 2007-2013 alors même que leur activité a fortement crû en raison de la crise économique qui frappe notre pays. Ce faible nombre s’explique notamment par l’absence de sessions régulières d’examen d’accès au stage (7).
Certes, les fonctions de mandataires judiciaires et d’administrateurs judiciaires ne sont plus de droit réservées aux professionnels inscrits sur la liste établie à cet effet par une commission nationale puisque le tribunal peut, après avis du procureur de la République, désigner d’autres personnes remplissant certaines conditions et justifiant d’une expérience ou d’une qualification particulière au regard de la nature de l’affaire.
Pourtant, cette possibilité reste très largement théorique et du domaine de l’exception. Il continue donc d’exister un monopole territorial de fait au profit des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.
Pour permettre un meilleur accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, le projet de loi prévoit à l’article 20 une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures permettant de diversifier et d’aménager les voies d’accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Le Gouvernement a jugé préférable – ce que salue les rapporteurs – de ne pas recourir à l’habilitation mais d’inscrire directement dans ce projet de loi une nouvelle voie d’accès universitaire à ces professions spécialisées dans la sauvegarde, le redressement et la liquidation d’entreprises en difficulté en prévoyant la mise en place d’un nouveau diplôme. Ce nouveau « diplôme d’études supérieures spécialisées en administration et liquidation d’entreprises en difficulté » sera de niveau master. L’obtention de ce diplôme permettra d’être inscrit sur les listes d’accès aux fonctions d’administrateur ou de mandataire judiciaire, sans qu’il soit nécessaire de passer préalablement l’examen d’aptitude.
En outre, s’agissant des autres voies d’accès à ces deux professions, la possibilité de dispense, totale ou partielle, des obligations de stage et de passage de l’examen d’aptitude est renforcée. À cette fin, ces dispositions instaurent une dispense de droit, lorsque sont remplies des conditions de compétence et d’expérience professionnelle fixées par décret en Conseil d’État.
Les tarifs des prestations de certaines professions juridiques font l’objet d’une réglementation par l’État. Cette dernière se justifie pleinement dans la mesure où elle contribue à la réalisation d’objectifs d’intérêt général qui ne seraient pas atteint sur un marché concurrentiel, et elle permet d’assurer la fourniture de services juridiques d’une qualité comparable aux Français, et ce, sur l’ensemble du territoire.
Ces barèmes ont été fixés à des niveaux élevés et souvent de manière proportionnelle à la valeur mentionnée dans l’acte. Dans le cas des tarifs proportionnels, la contrepartie financière demandée à l’usager n’est pas nécessairement liée à la complexité du dossier. Certes, ce mode de tarification poursuit un but d’intérêt général de péréquation, les recettes générées par les transactions importantes compensant les pertes occasionnées par les petites transactions ou par les activités gratuites de conseil.
Le problème réside dans le fait que les valeurs figurant dans les actes à partir desquels les tarifs sont calculés ont connu une croissance beaucoup plus rapide, que les coûts supportés par les professionnels.
Ainsi, comme l’a montré le récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées, entre 2000 et 2012 la vente d’un appartement parisien de 60m² a généré des émoluments proportionnels pour un notaire qui sont passés de 1 715 euros à 4 569 euros, soit une hausse du tarif de 159 %. La hausse n’a pas été aussi vertigineuse en province, mais elle est tout de même estimée à 77 % (8).
La péréquation s’établit donc à un niveau élevé à l’avantage clair du professionnel. Pour reprendre l’exemple des notaires, l’IGF estime que l’équilibre financier est atteint pour un acte de transaction immobilière de 50 000 euros alors que le montant moyen d’une telle transaction atteint aujourd'hui les 235 000 euros.
L'article 12 prévoit donc un nouvel encadrement des tarifs réglementés de certaines professions du droit (9). Ces tarifs seront calculés au regard des coûts réels et au profit d'une rémunération raisonnable définie sur la base de critères objectifs. Ils seront déterminés dans un intervalle entre un seuil minimum et un plafond maximal fixé conjointement par le ministre de la justice et le ministre de l'économie. Ils prendront par ailleurs en compte une péréquation des tarifs applicables aux différentes prestations rendues. Ainsi, les tarifs des transactions portant sur des biens immobiliers d’une valeur importante seront fixés proportionnellement à la valeur du bien.
Cet article prévoit également une révision périodique des barèmes tarifaires, ce qui est rarement le cas aujourd'hui en pratique. Cela permettra d’éviter qu’une déconnexion s’installe entre les tarifs et les coûts.
Ce rebasage complet permettra d’une part de redonner du pouvoir d'achat aux Français et d’autre part d’encourager ces professions à rechercher des gains de productivité et une meilleure efficience.
La nouveauté singulière que constitue la mise en place d’un tel dispositif a conduit les rapporteurs à une intense réflexion afin de le rendre juste et équilibré. Ainsi, sur leurs propositions, la commission a amendé ce corridor afin qu’en dessous d’un seuil fixé par décret en Conseil d’État, les tarifs soient fixes. En effet, un tarif fixe est plus adapté pour les actes de la vie courante et d’une exécution peu complexe. Ensuite, au-delà du seuil précité, les tarifs pourront varier dans la limite d’un tiers au-dessus et en dessous d’un tarif de référence. Enfin, l’amendement adopté par la commission spéciale précise que les remises consenties par les professionnels sont fixes lorsque le tarif est proportionnel à la valeur du bien ou droit faisant l’objet d’un acte.
Toutefois, il ressort que ce mécanisme complexe appelle de nouvelles modifications que les rapporteurs proposeront en séance publique afin de le rendre économiquement pertinent et juridiquement viable.
De surcroît, il est apparu utile que la révision des tarifs soit accompagnée de deux autres mesures pour former un ensemble complet :
– Instauration d’un système de péréquation nationale
Les rapporteurs ont estimé nécessaire d’établir un mécanisme de péréquation nationale permettant le financement des actes réalisés à perte par les petits offices, conformément à la proposition formulée dans le rapport de la commission des Lois sur les professions juridiques réglementées (10). En pratique, la possibilité individuelle de compenser la réalisation d’actes à perte par des actes plus rémunérateurs dépend beaucoup de la demande adressée aux professionnels et, par conséquent, des caractéristiques socio-économiques de la localité. Ainsi, dans le cas particulier du notariat, tous les professionnels ne peuvent prétendre tirer de l’authentification des actes de vente immobilière la même rémunération, suivant qu’ils se trouvent dans une zone urbaine ou rurale par exemple.
Les sommes provenant d’un écrêtement des tarifs proportionnels applicables aux transactions sur des biens ou droits immobiliers d’une valeur supérieure à un certain seuil permettront également d’alimenter un fonds qui, géré par les professions du droit concernées, pourra notamment financer l’aide juridictionnelle et les dispositifs d’accès au droit comme les maisons de la justice et du droit auxquelles l’article 17 du projet de loi propose de confier des permanences.
À l’évidence, les modalités précises de cette péréquation restent à préciser par voie réglementaire et appellent à être complétées par une loi de finances.
– Amélioration de la transparence des tarifs
Les rapporteurs ont en outre souhaité instaurer une obligation de transparence en vertu de laquelle les commissaires-priseurs judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires seraient tenus d’afficher les tarifs dans leur lieu d’exercice et sur leur site Internet.
En effet, le dispositif de « corridor tarifaire » ne sera pleinement profitable aux usagers du droit que si ces derniers peuvent avoir connaissance, de façon simple des tarifs pratiqués par les différents professionnels proposant la prestation recherchée.
D’une manière générale, cette mesure est de nature à restaurer la confiance des Français dans les prestations fournies par les officiers publics et ministériels. Elle doit permettre donner plus de transparence alors que la dissymétrie dans les relations contractuelles prévaut trop souvent, au détriment des citoyens
Deux amendements allant dans ce sens ont été proposés à la commission spéciale, qui les a adoptés.
Le 3° de l’article 21 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant de constituer des structures d’exercice interprofessionnelles associant des professions juridiques entre elles et des professions juridique et du chiffre.
Le rapporteur général est tout à fait favorable au renforcement de l’interprofessionnalité qui permettra de créer des structures entre professionnels du droit et du chiffre couvrant l’ensemble des besoins des clientèles des entreprises en particulier, ce qui facilitera leurs démarches.
Toutefois la commission a adopté un amendement important des rapporteurs visant à ce que seuls les experts comptables dont le capital n’est pas ouvert aux tiers puissent participer à ces structures.
5. Extension de la territorialité du monopole de postulation de l’avocat à l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort d’une même cour d’appel
Les avocats exercent aujourd’hui leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions ainsi que devant les organismes juridictionnels et disciplinaires (11).
Toutefois, ils exercent exclusivement devant le tribunal de grande instance (TGI) dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle. Un avocat ne peut pas accomplir seul les actes de procédure au nom de son client dans un autre TGI que celui de son barreau de rattachement ; le client doit donc être représenté également par un deuxième avocat postulant au TGI, ce qui entraine un renchérissement du coût de la procédure et une incompréhension certaine du fonctionnement de la justice à l’heure du numérique
L'article 13 corrige ce qui ressemble aujourd’hui à une anomalie historique en étendant la territorialité du monopole de postulation des avocats à l’ensemble des TGI du ressort d’une même cour d’appel. Il s’agit d’une mesure de modernisation bienvenue, qui permettra de diminuer le coût d’une procédure pour un client – particulier ou entreprise – et aux avocats d’assurer une prestation complète.
Dans un souci constant de maintenir un maillage territorial serré, le dispositif prévu par le texte initial a été complété, sur proposition des rapporteurs, par les conditions qui figuraient dans les barreaux où l’expérimentation de la multipostulation a été menée et qui ont donné pleine et entière satisfaction. Elles supposent de maintenir quatre type d’activités pour lesquelles la postulation auprès du TGI dans le ressort duquel les avocats ont établi leur résidence professionnelle est maintenue :
– en matière de procédures de saisie immobilière ;
– en matière de procédures de partage et de licitation ;
– au titre de l’aide juridictionnelle ;
– dans les affaires où ils ne sont pas avocats plaidants.
6. La création d’un statut d’avocat en entreprise pose plus de questions qu’elle n’en résout et doit être supprimée
Le projet de loi propose de créer, en habilitant le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires par ordonnance, la profession d’avocat en entreprise. Cette proposition vise à répondre à un réel problème qui est celui de l’absence de protection de la confidentialité des avis et communication des juristes d’entreprise français.
Elle pose néanmoins de nombreuses questions comme l’a relevé récemment un rapport de la commission des Lois (12), car les deux professions sont très différentes. En particulier, l’exercice de la profession de juriste :
– « Implique un lien de subordination, inhérent au contrat de travail ;
– N’implique pas le respect de textes déontologique ou disciplinaire autre que celui émanant de son employeur ; (…)
– Ne permet pas de plaider devant les juridictions où le ministère d’avocat est obligatoire, mais seulement devant celles où la représentation par avocat est facultative » (13).
Comme le rapporteur général a eu l’occasion de l’écrire dans un précédent rapport, il semble qu’une meilleure solution soit d’« étudier la possibilité d’accorder la confidentialité aux échanges et communications entre les juristes d’entreprise et leurs employeurs (14) » en s’inspirant du dispositif belge. Dans une loi du 1er mars 2000, la Belgique a en effet consacré le caractère autonome de la profession de juriste d’entreprise et reconnu la confidentialité des avis juridiques émis par ces juristes dans le cadre de leur activité de conseil juridique et au bénéfice de leur employeur. Cette réflexion ne semble pour autant pas encore mûre à l’heure actuelle.
C. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU TERRITOIRE, EN ÉLARGISSANT LES OUVERTURES COMMERCIALES DOMINICALES
Libérer l’activité conduit aussi à réviser la législation encadrant le travail dominical. Elle est d’abord excessivement complexe et compliquée, fruit de l’accumulation de strates réglementaires successives, et aboutit à des inégalités de situation entre salariés, entre entreprises et entre territoires. Elle est également parfois excessivement rigide et empêche la création d’activité supplémentaire et le développement des territoires. Elle est enfin inadaptée aux nouvelles réalités économiques que constituent, entre autres, le développement d’un tourisme commercial international et l’explosion récente du commerce électronique face auxquelles le législateur ne peut rester sans réponse.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a décidé de porter une réforme ambitieuse du travail dominical, qui s’inscrit dans la continuité du rapport de M. Jean-Paul Bailly (15) commandé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Ambitieuse car elle doit permettre de répondre aux attentes des Français qui souhaitent pouvoir avoir accès à plus de commerces le dimanche ; mais ambitieuse également car, comme nous le verrons, elle prévoit de nouveaux droits pour les salariés choisissant le travail dominical qui pourrait leur être proposé.
1. Répondre aux attentes des Français qui souhaitent pouvoir avoir accès à plus de commerces le dimanche
Commerces du secteur alimentaire, zones touristiques, périmètres d’usage de consommation exceptionnelle, dérogations sectorielles (fleuristes, bricolage, ameublement…), décisions préfectorales, dimanches du maire… Le travail dominical est aujourd’hui une réalité pour beaucoup de Français : 28 % des salariés déclarent travailler le dimanche, dont près de la moitié de manière habituelle. Ils le font néanmoins dans une situation caractérisée par l’incohérence, l’illisibilité et l’instabilité des normes et des pratiques.
Cette complexité se traduit par une conflictualité importante, en particulier en Ile-de-France où se concentrent les difficultés, notamment depuis la loi Mallié dont l’un des nombreux défauts fut d’accorder une prime aux comportements illégaux en régularisant a posteriori les ouvertures dominicales irrégulières. Ce qui a provoqué des distorsions de concurrence injustifiables.
Ce cadre est aujourd’hui incapable d’accueillir les attentes des Français, très claires, en ce domaine : comme le souligne le rapport Bailly, « les dernières enquêtes montrent que les Français sont favorables à l’ouverture des commerces le dimanche, au niveau national et encore plus en Ile-de-France. Ces chiffres témoignent d’une forte évolution au cours des dernières années » (16). Ainsi, selon un sondage IFOP d’octobre 2013, 69 % des Français et 82 % des franciliens sont favorables à l’ouverture des commerces le dimanche.
Cette attente des Français correspond également à une ardente nécessité pour le commerce de détail qui est de plus en plus soumis à la concurrence du commerce électronique (qui, par définition, ne s’arrête pas le dimanche) et qui doit donc, pour survivre, cultiver sa différence, à savoir le professionnalisme, la qualité, le service, la convivialité mais aussi la proximité. Comme le souligne le rapport Bailly, « pour faire face à cette concurrence accrue, les commerçants traditionnels doivent se préparer progressivement et tendanciellement à avoir des heures d’ouverture plus larges » (17).
Cette orientation rejoint d’ailleurs une évolution également structurelle de la place des commerces dans les espaces urbains : l’essor des grandes surfaces alimentaires ralentit tandis que le poids des commerces de proximité de centre-ville remonte. Accompagner cette évolution est donc nécessaire (18).
Comme le souligne l’étude d’impact, « le projet de réforme vise à apporter bon sens, cohérence, simplification, lisibilité et stabilité ». Il prévoit d’abord la transformation des PUCE en zones commerciales et revient sur le critère d’antériorité de l’usage de consommation dominicale pour le remplacer par celui d’une offre commerciale et d’une demande potentielle particulièrement importantes. Il s’agit là de critères clairs, objectifs qui permettront un dialogue transparent.
Le texte envisage également d’augmenter le nombre de « dimanches du maire » de cinq à douze, cinq étant alors, dans le texte du Gouvernement, de droit pour les commerçants. Le constat fait par le rapport Bailly est clair : les cinq dimanches actuels ne permettent pas « de couvrir toutes les périodes de forte consommation qui ne sont pas les mêmes dans tous les secteurs- : rentrée des classes, soldes saisonnières, vacances d’été, évènement local particulier, fête des mères, fête des pères, Saint-Valentin… » (19). Le Gouvernement a, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, suivi les préconisations du rapport Bailly.
La commission a approfondi la proposition du Gouvernement et a apporté, sur proposition des rapporteurs, des modifications importantes au dispositif proposé. Elle a d’abord supprimé les cinq dimanches de droit accordées aux commerçants : il reviendra bien à la commune d’autoriser, en fonction des réalités de terrain, l’ouverture des commerces à hauteur de douze dimanches par an. Ceci va dans le sens de la philosophie générale qui caractérise ce texte : donner plus de libertés sans contraindre.
Elle a par ailleurs prévu qu’un débat serait organisé de droit au sein du conseil municipal, et que l’avis de l’EPCI devrait être recueilli au-delà de l’ouverture de cinq dimanche, garantissant ainsi plus de transparence dans la prise de décision et un dialogue territorial.
Un autre aspect de la facilitation du travail dominical dans les commerces portée par ce projet de loi, est la création des zones touristiques internationales (ZTI). Cette proposition part du constat partagé que beaucoup de touristes étrangers font du shopping une des étapes de leur voyage en France.
Or, le rapport Bailly fait le constat que la France n’est « pas suffisamment parvenue à faire de sa capitale un pôle d’attractivité commerciale » (20). Le Gouvernement souhaite aujourd’hui remédier à cette situation en permettant aux commerces situés dans les ZTI nouvellement créées de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, et à leur permettre une ouverture en soirée. Sont ainsi visées les zones de rayonnement international et disposant d’une offre commerciale particulièrement importante et attractive pour les touristes, à l’instar de zones comme les Champs-Élysées et le Boulevard Haussmann à Paris, ou encore la Riviera à Nice.
Compte tenu de la nature même de ces zones qui sont d’intérêt national sur le plan touristique et économique attirent une proportion importante voire prédominante de touristes étrangers, les ZTI seront délimitées par les ministres en charge du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ainsi que des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés,
Il s’agit, par la mise en place de cette nouvelle catégorie de zones, de créer et de capter de la valeur là où la demande étrangère ne trouvait pas suffisamment de débouchés, au détriment de l’économie française.
D. DYNAMISER LES PARTICIPATIONS PUBLIQUES AFIN DE DÉVELOPPER L’OUTIL INDUSTRIEL ET LES PERSPECTIVES D’EMPLOI
Faciliter l’activité passe également par un examen précis des participations publiques, afin de garantir l’utilisation efficiente de l’argent public.
Selon le ministre en charge de l’économie, de l’industrie et du numérique, « le portefeuille des participations de l’État doit être mis au service de la croissance et de l’activité » (21). L’État doit se comporter en investisseur avisé doté d’une vision stratégique au service des politiques publiques, économiques et sociales.
Une nouvelle doctrine visant à moderniser l’État actionnaire a été présentée en Conseil des ministres le 2 août 2013, à travers une gestion active des participations publiques. La communication des ministres compétents indique que « l’État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises, dès lors que le niveau de contrôle ou d’influence de l’État actionnaire n’en serait pas significativement affecté » (22). Il s’agit de concilier le souci de contribuer au réinvestissement dans des secteurs d’avenir et la préservation des droits et du contrôle de l’État.
Cette doctrine a été appliquée rapidement, le montant de cessions réalisées entre janvier 2013 et avril 2014 a rapporté 3,3 milliards d’euros. En avril 2014, la valeur des participations publiques s’élevait à 110 milliards d’euros, dont 84,7 milliards d’euros pour les entreprises cotées (23). Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un produit de cessions de l’ordre de 5 milliards d’euros (24).
Conformément à la loi organique relative aux lois de finances (25) précisée à l’article 48 de la loi de finances pour 2006, les recettes dégagées par les cessions de participations publiques sont affectées soit à l’investissement dans de nouvelles acquisitions soit au désendettement public.
La logique de gestion dynamique des participations de l’État poursuit quatre objectifs, exposés explicitement en janvier 2014 (26) :
– s’assurer d’un niveau de contrôle suffisant dans des entreprises à capitaux publics stratégiques intervenant dans des secteurs particulièrement sensibles en matière de souveraineté ;
– s’assurer de l’existence d’opérateurs résilients pour pourvoir aux besoins fondamentaux du pays ;
– accompagner le développement et la consolidation d’entreprises, en particulier dans des secteurs et des filières déterminantes pour la croissance économique nationale et européenne ;
– intervenir ponctuellement, dans le respect des règles européennes, dans des opérations de sauvetage d’entreprises dont la défaillance présenterait des conséquences systémiques.
L’intervention de l’État actionnaire « doit être dimensionnée, en cible, de telle manière que le rendement stratégique de l’euro public investi soit le plus élevé possible, grâce à une adéquation entre le niveau de participation au capital, les droits de gouvernance et les objectifs poursuivis » (27). Cette nouvelle doctrine de l’État actionnaire conduit à procéder à un réexamen des différentes participations publiques afin de répondre aux exigences visées.
2. L’ouverture du capital de certaines sociétés doit permettre de développer l’outil industriel, d’élargir les perspectives d’emploi et de faire naître un leader européen
Le secteur de l’armement terrestre fait l’objet d’une concurrence internationale accrue, concomitante d’une compression des budgets publics européens d’armement. La société française Nexter Systems et la société allemande Krauss-Maffei Wegmann (KMW) ont conclu un accord de rapprochement en juillet 2014 pour former le leader européen de l’armement terrestre.
Ces deux groupes bénéficient d’une gamme élargie de produits, de compétences et de savoir-faire complémentaires. Ce type de rapprochement s’inscrit dans l’objectif de consolidation européenne portée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.
L’objet de cette opération est de garantir la compétitivité internationale de la nouvelle structure, afin de développer son activité économique et de sauvegarder voire élargir les perspectives d’emplois à moyen terme.
L’article 47 du présent projet de loi vise donc à autoriser la réalisation de cette opération. Une nouvelle structure serait créée, détenue à parts égales par l’État français et par la famille Wegmann (détentrice de KMW). Il convient cependant en premier lieu d’autoriser le transfert au secteur privé de la majorité du capital.
Cette démarche s’inscrit dans un cadre régulé, le Gouvernement s’engage à instituer une action spécifique conformément à l’article 44 du présent projet de loi, dont les droits attachés sont de nature à protéger les intérêts essentiels du pays. Par ailleurs, les fonctionnaires, militaires et ouvriers sous décret en fonction seront maintenus à leur demande dans leur position statutaire.
3. Le transfert au secteur privé des sociétés concessionnaires Aéroports de Lyon et Aéroports de la Côte d’Azur
En vertu du décret du 24 août 2005 (28), la propriété des aéroports de Lyon-Saint Exupéry, Lyon-Bron, Nice-Côte d’Azur et Cannes-Mandelieu appartient à l’État.
Auparavant exploités exclusivement par les chambres de commerce et d’industrie (CCI), la loi du 20 avril 2005 (29) a permis de concéder la gestion de ces aéroports à des sociétés, dont le capital initial était détenu entièrement par des personnes publiques. La modernisation du cadre juridique de gestion de ces aéroports a été motivée par la nécessité de permettre aux concessionnaires de trouver un meilleur accès au financement de leurs opérations d’investissement.
Ainsi, ces sociétés de droit privé sont depuis détenues de la façon suivante : 60 % par l’État, 25 % par la CCI et 15 % par les collectivités territoriales (5 % respectivement par la région, 5 % par le département et 5 % par la communauté urbaine ou d’agglomération).
Cependant, les outils juridiques à la disposition de l’État, propriétaire de ces aéroports, apparaissent aujourd’hui suffisants pour garantir une évolution raisonnable des tarifs, un niveau satisfaisant d’investissements et une qualité de service élevée. Les contrats de concession entre l’État et la société concessionnaire font l’objet d’un cahier des charges strict (30), détaillant l’ensemble des obligations de service public aéroportuaire. La Direction générale de l’aviation civile est chargée d’approuver le tarif des redevances aéronautiques applicables dans les différents aéroports. Enfin, l’État peut conclure avec la société concessionnaire un contrat de régulation économique, définissant des objectifs chiffrés de qualité de service, de réalisation d’investissements et d’évolution tarifaire maximale.
L’objet de l’article 49 du présent projet de loi est par conséquent d’autoriser le transfert au secteur privé de la majorité du capital des sociétés concessionnaires Aéroports de la Côte d’Azur et Aéroports de Lyon. Il s’agit d’obtenir une participation publique en adéquation avec les objectifs poursuivis par l’État. Celui-ci peut exercer une maîtrise optimale de la gestion de ces aéroports, par le biais de son rôle de concédant et de régulateur, sans nécessairement détenir la majorité du capital des sociétés concessionnaires.
Le rapporteur général est en accord avec cette évolution capitalistique au sein des sociétés concessionnaires d’aéroports régionaux, à condition qu’elle préserve les intérêts essentiels de la Nation en matière de transports aériens. Ainsi, la commission spéciale a adopté sur proposition des rapporteurs un amendement soumettant de manière systématique à l’autorisation préalable du Parlement les opérations de transfert au secteur privé de participations majoritaires détenues par l’État au capital de sociétés concessionnaires d’aéroports et d’autoroutes.
Deuxième objectif transversal de ce projet de loi : donner plus de droits aux salariés et mieux réguler l’activité économique en renforçant le rôle des autorités administratives indépendantes.
1. De nouveaux droits pour les salariés travaillant le dimanche : négociations, volontariat et compensations salariales
On l’a vu, le projet de loi propose un élargissement des dérogations à l’interdiction du travail dominical pour répondre aux attentes des Français et conforter l’attrait touristique de la France. Cette proposition est néanmoins très fortement encadrée et apporte de nouvelles garanties pour les salariées en termes de négociation, de contreparties et de volontariat.
La principale innovation du dispositif proposé par le Gouvernement est, en cohérence avec la ligne politique définie depuis 2012, à savoir la priorité accordée à la négociation entre les partenaires sociaux. Cette méthode de travail, qui a déjà permis les avancées que constituent les lois sur la sécurisation de l’emploi et sur la réforme de la formation professionnelle, est étendue au travail dominical dans les commerces.
Désormais, dans les zones commerciales, les zones touristiques et les futures zones touristiques internationales, seules les entreprises couvertes par un accord collectif (qu’il soit au niveau de l’établissement, de l’entreprise, de la branche ou du territoire) pourront ouvrir le dimanche. L’accord collectif conclu, quel que soit son niveau, devra fixer les contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical, en particulier salarial, ainsi que les engagements pris en termes d’emplois ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.
Il s’agit là d’un changement radical par rapport à la situation existante, en particulier dans les zones touristiques, et dont il convient de souligner la portée. La conviction du Gouvernement, entièrement partagée par le rapporteur général, est que rien ne vaut la négociation collective pour fixer des mesures compensatoires adaptées à chaque établissement, entreprise, secteur d’activité ou territoire spécifique, là où la fixation par la loi de mécanismes de compensation se révélerait impraticable dans certains secteurs ou insuffisants dans d’autres.
Cette nouvelle obligation va néanmoins être parfois difficile à mettre en œuvre pour les petites entreprises actuellement situées dans les zones touristiques qui ne disposent pas matériellement d’une représentation des salariés leur permettant de négocier un accord d’entreprise ou d’établissement.
Sur proposition des rapporteurs, la commission a donc souhaité introduire une certaine souplesse pour les petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux, en permettant que les modalités de recours au travail dominical soient organisées sur proposition de l’employeur approuvée à la majorité des deux tiers des salariés concernés par la privation du repos dominical.
Deuxième axe fort de renforcement des droits des salariés, la généralisation de la procédure de protection du volontariat du salarié amené à travailler le dimanche qui s’applique aujourd’hui uniquement aux dérogations individuelles accordées par le préfet et aux commerces situés en PUCE. Cette procédure sera désormais applicable autant à ces dérogations individuelles qu’aux dérogations applicables aux commerces situés dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques ou les zones commerciales.
L’encadrement sera donc le suivant : en premier lieu, il n’est pas possible de priver un salarié de repos dominical en l’absence d’un accord écrit de celui-ci à son employeur. La protection du volontariat du salarié repose ensuite également sur le respect de l’éventuel refus de travailler le dimanche : ainsi, un tel refus ne peut être pris en considération par l’employeur pour refuser d’embaucher un salarié, pas plus qu’une quelconque mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail ne saurait être prise à l’encontre du salarié refusant de travailler le dimanche. Enfin, un tel refus ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. La protection des femmes enceintes sera quant à elle accrue avec la possibilité de révoquer le consentement sans délai.
Il s’agit là encore d’une avancée considérable pour les droits des salariés, avancée que la commission spéciale, à l’initiative de son rapporteur thématique, a voulu encore renforcer en prévoyant que cette protection nouvelle du volontariat serait étendue aux « dimanches du maire ».
S’agissant des contreparties, le choix du Gouvernement est donc de laisser le soin à la négociation collective de les fixer, avec cette incitation extrêmement forte que si la négociation n’aboutit pas, l’entreprise ne pourra avoir recours au travail dominical. Les nombreux exemples de négociation aboutie dont l’on dispose montrent que les organisations syndicales savent mettre à profit ces négociations pour obtenir des employeurs des compensations larges au-delà des seules salariales.
Pour certaines dérogations néanmoins, le choix a été fait de conserver dans la loi un plancher. Pour les dimanches du maire d’abord, le droit existant prévoit que chaque salarié privé à ce titre de repos dominical se voit accorder une rémunération au moins égale au double de la rémunération normale ainsi qu’un repos compensateur équivalent au temps. Compte tenu de l‘augmentation du nombre potentiel de dimanches concernés, cette garantie est évidemment maintenue.
Par ailleurs, la commission spéciale a examiné un amendement des rapporteurs prévoyant des garanties supplémentaires pour les salariés de certains commerces alimentaires ouverts de droit le dimanche matin : en raison de difficultés juridiques, cet amendement n’a pu être adopté mais le gouvernement s’est engagé à apporter une réponse en séance sur ce point majeur.
Le Gouvernement a entrepris depuis deux ans une profonde modernisation de l’inspection du travail avec la conviction profonde qu’une inspection plus efficace est indispensable à la fois pour garantir les droits des salariés face à des employeurs s’affranchissant des règles du code du travail mais aussi pour garantir une concurrence loyale et non faussée entre les entreprises.
Cette modernisation s’est d’abord traduite, grâce au décret du 20 mars 2014, par une profonde réorganisation des différents échelons du système d’inspection du travail, du niveau de la section au niveau national. Cette nouvelle organisation territoriale est entrée en vigueur en septembre dernier.
Des dispositions législatives étaient par ailleurs nécessaires s’agissant des prérogatives d’intervention et de sanction des agents et de l’administration du travail. Initialement intégrées au projet de loi relatif à la formation professionnelle, ces dispositions, bien qu’adoptées par l’Assemblée nationale, en avaient par la suite été retirées afin d’assurer une adoption rapide de ce texte essentiel. Redéposées sous la forme d’une proposition de loi, ces mesures avaient été adoptées par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Toutefois, malgré son inscription à l’ordre du jour, cette proposition de loi n’avait, finalement, pas pu être examinée en séance publique.
L’article 85 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les dispositions législatives nécessaires à l’extension des moyens de l’inspection du travail.
Le rapporteur général s’interroge sur la pertinence du recours à l’article 38 de la Constitution sur ce sujet alors que des textes existent déjà et que la représentation nationale a eu l’occasion à deux reprises (sur le projet de loi Formation professionnelle et sur la proposition de loi dédiée) de se prononcer sur ces questions.
La lutte contre le détachement illégal ou abusif de travailleurs étrangers constitue l’un des axes de travail fort du Gouvernement et de notre majorité. Des avancées considérables ont été apportées par la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 issue d’une proposition de loi portée par le groupe socialiste, radical et citoyen de l’Assemblée nationale.
Cette loi a considérablement renforcé les moyens à la disposition des agents en charge de la lutte contre le travail illégal et les fraudes aux prestations de services internationales. Elle a instauré de nouvelles sanctions administratives tant à l’égard de l’employeur recourant à du détachement qu’à l’égard du donneur d’ordre en cas, notamment, de non-respect de l’obligation de dépôt d’une déclaration de détachement en France.
Elle a également mis en place de nouveaux cas de responsabilité solidaire de la chaîne de sous-traitance, par exemple en cas de non-paiement du salaire au minimum légal ou conventionnel ou en cas d’hébergement de salariés dans des conditions indignes.
Elle ouvre aux officiers de police judiciaire, dans les affaires les plus graves de travail illégal, des techniques d’enquêtes applicables à la délinquance et la criminalité organisée (mises sur écoute en enquête préliminaire, captation d'image dans un lieu privé sur commission rogatoire).
Pour autant, il est nécessaire d’aller plus loin : le nombre de détachements déclarés en France ne cesse d’augmenter, de même que les fraudes qui sont au demeurant de plus en plus complexes et massives. Il est donc utile de renforcer les moyens répressifs dont disposent les services de contrôle. Surtout, il est indispensable d’améliorer le temps de réponse de l’État face à des situations qui appellent avant tout une réactivité importante.
Dans cette perspective, l’article 95 du projet de loi propose d’augmenter nettement le niveau des sanctions administratives en matière de détachement de travailleurs salariés dans le cadre d’une prestation de services transnationale en portant le montant maximal de la sanction administrative de 10 000 à 150 000 euros.
L’article 96 permet quant à lui à l’autorité administrative compétente d’enjoindre à un prestataire de services étranger de suspendre son activité, pour une durée maximale d’un mois, lorsqu’il est constaté par un agent de contrôle de l’inspection du travail des infractions d’une particulière gravité concernant, par exemple, le non-respect manifeste du salaire minimal légal, le large dépassement des limites de durée maximale du travail ou encore l’hébergement collectif indigne des travailleurs salariés.
Enfin, l’article 97 met en place la généralisation de la carte d’identité professionnelle du bâtiment afin d’assurer l’identification de chaque salarié présent sur un chantier de BTP et de faciliter les contrôles des services d’Inspection comme cela a pu être mis en place dans plusieurs États européens, comme le Luxembourg ou la Finlande. Il vise in fine à s’assurer de la déclaration de ce salarié par l’employeur en vue de prévenir le travail illégal et la non déclaration des détachements transnationaux à l’Inspection du travail.
Autre avancée significative au bénéfice des salariés, la création, dans le cadre de la réforme de la justice prud’homale, du statut de défenseur syndical, légitime et ancienne revendication des organisations syndicales.
Au gré des procédures engagées devant le conseil de prud’hommes, le salarié a en effet la possibilité de se faire assister par des délégués des organisations syndicales, et c’est le choix que font 15 % des salariés ayant recours à une assistance juridique.
Mais il n’existe aujourd’hui aucune règle sur les conditions de recrutement, de formation ou de travail de ces délégués syndicaux. Le code du travail prévoit seulement qu’ils peuvent bénéficier de dix heures par mois d’autorisation d’absences, absences non rémunérées. Les défenseurs syndicaux ne bénéficient donc pas du statut de salariés protégés et exercent cette fonction bénévolement.
L’article 83 du projet de loi refonde complètement le statut de défenseur syndical dont les missions sont désormais clairement définies par la loi. Par ailleurs, le projet de loi modifie le statut des dix heures consacrées par les défenseurs syndicaux à l’assistance et à la représentation aux prud’hommes, puisqu’elles seront désormais rémunérées par l’employeur qui sera lui-même remboursé par l’État.
Concernant la formation, il est prévu que le défenseur syndical bénéficie d’autorisations d’absence rémunérées par l’employeur, dans la limite de deux semaines par période de quatre ans. Ces absences seraient admises au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle.
Plusieurs autorités indépendantes sont dotées par ce projet de loi de nouvelles compétences qui leur permettront de mieux réguler certaines activités économiques au profit des consommateurs, des contribuables et des voyageurs.
1. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires voit ses compétences étendues au transport routier
La création à l’article 1er d'un régulateur intermodal, l’ARAFER, garant de l'intérêt des usagers et du contribuable rencontre l'unanimité des personnes auditionnées par le rapporteur général et le rapporteur thématique en charge du chapitre mobilité, Gilles Savary. Cet article met en œuvre une préconisation émise par l’Autorité de la concurrence à plusieurs reprises (31).
À l’article 5, le projet de loi confère un nouveau rôle à l'ARAFER dans le domaine des tarifs de péage en lui donnant une compétence consultative sur les avenants aux cahiers des charges de concession ayant une incidence sur les tarifs. Cette mesure est fortement attendue par les automobilistes. La Cour des comptes a mis en lumières les rentes abusives des sociétés exploitant les autoroutes au vu de l'inflation des tarifs de péages depuis la privatisation. L'étude d'impact estime que le gain annuel de pouvoir d'achat grâce à la moindre hausse des tarifs des péages autoroutiers serait de l'ordre de 100 à 200 millions d'euros.
a. Avis en matière de documents d’urbanisme et avis en matière de tarifs pour les professions réglementées
L’article 10 du projet de loi donne une nouvelle compétence à l’Autorité de la concurrence en permettant au ministère chargé de l’économie ou aux préfets de la consulter sur les grands documents d’urbanisme afin de vérifier qu’ils assurent les conditions d’une concurrence équitable. Cela devrait permettre de supprimer des règles anticoncurrentielles non justifiées, d’encourager les entreprises existantes à réaliser des gains de productivité, de favoriser la création de nouveaux projets commerciaux.
L’article 12 du projet de loi permet, en outre, à l’Autorité de la concurrence de pouvoir éclairer le Gouvernement sur la fixation et la révision des tarifs réglementés.
L'injonction structurelle est un terme extrêmement technique qui recouvre pourtant une réalité très concrète pour les Français, en particulier pour les habitants de Paris.
Le pouvoir d’imposer des injonctions structurelles dans le secteur du commerce a été confié à l’Autorité de la concurrence par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Mais cette possibilité a été subordonnée à des conditions si strictes qu’elle n’a jamais été appliquée en pratique.
Il faut en effet que trois conditions soient réunies pour ce faire. En premier lieu, on doit constater une position dominante dans une zone de chalandise donnée ; en deuxième lieu, il faut qu’il y ait « abus » de cette position dominante, qu’il s’agisse d’un abus d’exploitation ou d’un abus d’éviction ; enfin, troisième condition mais non des moindres, il faut que le comportement abusif de l’opérateur persiste en dépit d’une condamnation de la part de l’Autorité de la concurrence, ce qui ne se vérifie jamais.
Or, le manque de concurrence sur le secteur du commerce de détail a été identifié à de nombreuses reprises au cours des dernières années, tant par l’Autorité de la concurrence que par la Banque centrale européenne (BCE) (32). Le manque de concurrence entre de gros opérateurs privés peut apparaître comme un sujet loin des préoccupations des Français, pourtant, il se traduit par un impact significatif sur les prix à la consommation.
La situation du commerce alimentaire à Paris fournit un excellent exemple de l'apport que pourrait représenter l'injonction structurelle renforcée pour les consommateurs parisiens :
« Certains marchés présentent un niveau de concentration tel, qu’il constitue, en soi, un obstacle à la concurrence. Le verrouillage de la concurrence sur ces marchés locaux est un outre renforcé par les phénomènes de rareté du foncier commercial, de faiblesse intrinsèque de la demande locale rapportée aux coûts fixes d’installation et de barrières contractuelles empêchant, lorsqu’ils le souhaitent, la sortie des magasins indépendants de leur réseau d’origine. Ces situations sont difficilement réversibles, sauf à pouvoir agir directement sur la structure du marché et la répartition des magasins.
C’est la situation du commerce alimentaire à Paris, analysée dans le cadre d’un avis rendu début 2012 par l’Autorité de la concurrence, qui a en premier mis en lumière la nécessité d’un tel pouvoir d’injonction structurelle. Avec 60 % de parts de marché en moyenne à Paris et plus de 80 % dans onze zones de chalandise, le groupe Casino était en mesure de pratiquer durablement des prix supérieurs à la moyenne nationale (+ 13,39 % selon UFC-Que Choisir, 2011) et à ceux de ces concurrents également établis à Paris (écarts de prix de 5 à 12 %). (33) »
Le présent projet de loi s’inspire donc de l’article 10 de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique en outre-mer qui prévoit un dispositif d’injonction structurelle renforcée.
L’article 10 de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique en outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
« Art. L. 752-27 du code de commerce. Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en cas d'existence d'une position dominante, détenue par une entreprise ou un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, que l'entreprise ou le groupe d'entreprises pratique, en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, l'Autorité de la concurrence peut, eu égard aux contraintes particulières de ces territoires découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et économiques, faire connaître ses préoccupations de concurrence à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause, qui peut dans un délai de deux mois lui proposer des engagements dans les conditions prévues pour ceux de l'article L. 464-2.
Si l'entreprise ou le groupe d'entreprises ne propose pas d'engagements ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, l'Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée prise après réception des observations de l'entreprise ou du groupe d'entreprises concernés et à l'issue d'une séance devant le collège, leur enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder deux mois, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui permet les pratiques constatées en matière de prix ou de marges. Elle peut, dans les mêmes conditions, leur enjoindre de procéder à la cession d'actifs si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective. L'Autorité de la concurrence peut sanctionner l'inexécution de ces injonctions dans les conditions prévues à l'article L. 464-2.
Dans le cadre des procédures définies aux deux premiers alinéas du présent article, l'Autorité de la concurrence peut demander communication de toute information dans les conditions prévues aux articles L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 et entendre tout tiers intéressé. »
L'injonction structurelle permet d'enjoindre aux opérateurs détenant plus de 50 % d'un marché, dans le commerce de détail, de céder une partie de leurs activités si cette cession est le seul moyen de garantir une concurrence effective.
Cela va permettre de redonner concrètement du pouvoir d'achat aux Français en diminuant une situation de rente. Les hypothèses, fournies par l’étude d’impact, évoquent un gain de 180 millions d’euros pour les consommateurs des zones potentiellement concernées.
C. LA RÉNOVATION DE LA PARTICIPATION DES SALARIÉS, UN GAGE DE LEUR IMPLICATION DANS LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES
Le Gouvernement souhaite insuffler une nouvelle dynamique en faveur de l’actionnariat salarié, afin d’associer plus largement les salariés au destin de leur entreprise. Cette démarche a pour objet de porter une vision rénovée de l’entreprise, où salariés et employeurs partagent également un intérêt capitalistique commun.
L’article 34 du présent projet de loi consacre une véritable transformation de l’approche juridique et fiscale de l’attribution gratuite d’actions. Il s’agit d’accroître sensiblement l’attractivité de ce type de dispositifs de participation. L’attribution gratuite d’actions a le mérite pour l’entreprise de constituer un socle d’actionnaires pérenne et stable. Les salariés ou mandataires sociaux, attributaires de ces actions, sont directement associés à la marche et à la réussite de l’entreprise.
L’objet de cet article est donc de faciliter l’attribution gratuite d’actions, à travers un certain nombre d’assouplissements notables :
– le bénéfice de l’abattement pour durée de détention prévue pour les plus-values mobilières sera applicable à l’ensemble des gains, résultant de l’attribution ou du gain résultant de la cession ultérieure de l’action ;
– la contribution salariale spécifique de 10 % due par le salarié l’année de cession des titres est supprimée ;
– la contribution patronale est abaissée de 30 à 20 %, l’exigibilité est reportée à la date d’acquisition du titre ;
– un régime spécifique est prévu pour les petites et moyennes entreprises qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes, elles bénéficieront d’un abattement de contribution patronale à hauteur d’un plafond annuel de la sécurité sociale par salarié ;
– la durée minimale cumulée (durée d’acquisition et durée de conservation des titres) est réduite de quatre à deux ans ;
– la possibilité de dépasser les plafonds d’octroi d’actions par salarié en cas d’attribution gratuite d’action à l’ensemble du personnel, lorsque celle-ci porte sur moins de 10 % du capital social ou 15 % pour les sociétés non cotées.
Cet effort de simplification et d’attractivité en faveur du régime d’attribution gratuite d’actions aura un impact potentiellement puissant, avec 350 000 entreprises visées.
L’article 35 vise à accroître l’attractivité du régime des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE), conformément à l’engagement pris par le Président de la République lors de sa visite de la Silicon Valley le 12 février 2014 (34) Il s’agit de « favoriser l’esprit d’initiative » en adoptant un régime juridique plus souple (35). Les BSPCE sont des bons, émis par des sociétés par actions, qui donnent droit aux bénéficiaires de souscrire, au cours d’une période donnée, des actions dont le prix a été fixé au moment de l’attribution du bon. Il s’agit d’un mécanisme de participation particulièrement incitatif, qui peut correspondre à la situation spécifique des jeunes entreprises innovantes, dites « start-up ». L’attribution de BSPCE permet d’une part d’attirer les talents par le biais d’une importante plus-value potentielle, d’autre part de les fidéliser à l’entreprise et de les intéresser à son succès. Ce type de titres constitue un élément puissant de l’attractivité économique de la France, notamment dans les secteurs à fort potentiel tels que le numérique.
Actuellement, les BSPCE sont soumis à un régime juridique qui exclut une grande partie des jeunes entreprises innovantes, celles dont la création procède de transferts d’activités nouvelles (36).
Le projet de loi a donc pour objet d’élargir le champ d’application des BSPCE.
Les sociétés éligibles au BSPCE pourront attribuer des bons aux membres du personnel salarié et aux dirigeants des filiales détenues au moins à 75 % du capital ou des droits de vote, si ces filiales remplissent elles-mêmes les conditions pour être éligibles au dispositif BSPCE.
Les jeunes entreprises, issues d’un transfert d’une nouvelle activité, pourront désormais bénéficier du dispositif BSPCE, à la condition que l’ensemble des sociétés issues de l’opération de concentration, de restructuration ou de la reprise d’activités répondent aux conditions prévues par le dispositif BSPCE.
Le rapporteur général salue ces deux articles qui sont de nature à favoriser l’implication des salariés dans le développement de leurs entreprises. L’actionnariat salarié, étendu à l’ensemble du personnel salarié des entreprises, mérite d’être encouragé.
En 2012, 55,8 % des salariés du secteur marchand non agricole, soit 8,7 millions de salariés ont eu accès à au moins un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale. Ces dispositifs sont nettement plus répandus dans les grandes entreprises et dans certains secteurs d’activité (énergie, activités financières, assurances et raffinage), 87 % des salariés ayant accès à au moins l’un de ces dispositifs sont employés au sein d’entreprises de plus de 50 salariés (37). Ce constat partagé a fait naître un consensus, celui de simplifier et d’élargir au plus grand nombre de salariés des dispositifs d’épargne salariale.
Dans cette optique, le Premier ministre a installé le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS) le 20 juin 2014, afin de travailler à une réforme ambitieuse de l’épargne salariale.
Les enjeux de la réforme de l’épargne salariale sont multiples, notamment accroître le champ de l’épargne salariale, mobiliser de manière plus active et efficace les fonds versés et garantir un système fiscal et social cohérent.
Le présent projet de loi souhaite s’inspirer d’une part des travaux rendus par le COPIESAS le 26 novembre 2014 et d’autre part des négociations entre partenaires sociaux ouvertes sur le sujet au début du mois de décembre 2014, qui pourront utilement enrichir le texte gouvernemental au cours de la discussion parlementaire.
Il prévoit diverses mesures de simplification et d’élargissement de l’accès à l’épargne salariale. Ainsi, l’article 36 procède à une harmonisation des dispositions relatives aux délais de versement des primes d’intéressement et de participation et aux intérêts de retard. Les sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation devront désormais être versées aux salariés avant le dernier jour du cinquième mois suivant l’exercice de calcul au titre duquel les droits sont nés.
Les intérêts de retard commencent à courir à partir du premier jour du sixième mois, à un taux fixé à 1,33 fois le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées. Ces mesures de clarification et d’harmonisation sont de nature à rendre les dispositifs concernés plus lisibles tant pour les employeurs que pour les salariés.
L’article 38 prévoit également une mesure d’harmonisation, qui consiste à calquer le régime de mise en place du plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) sur les règles applicables au titre de l’intéressement, de la participation et des plans d’épargne entreprise.
Ces dispositifs peuvent être introduits dans une entreprise à l’initiative des organisations syndicales, du comité d’entreprise ou à la majorité des deux tiers du personnel (38).
Cette dernière possibilité n’est actuellement pas prévue dans le cadre des PERCO. Cette situation est insatisfaisante dans la mesure où elle pénalise les salariés des petites entreprises, qui ne disposent ni d’un délégué syndical ni d’un comité d’entreprise. Il convient d’aligner le régime des PERCO sur celui des autres dispositifs afin de permettre aux salariés des petites entreprises de choisir d’en bénéficier.
Dans un souci d’harmonisation et d’élargissement du dispositif PERCO, l’article 39 vise à aligner les quotas de jours transférables vers un PERCO selon qu’ils proviennent d’un compte épargne-temps ou non.
En effet, les droits inscrits sur un compte épargne-temps sont exonérés d’impôts sur le revenu et de cotisations sociales patronales et salariales, dans la limite d’un plafond de dix jours par an. Cependant, en l’absence de compte épargne-temps dans l’entreprise, le salarié ne bénéficie de cette possibilité de versements qu’à hauteur de cinq jours par an. Cette différence de plafond de versement apparaît illégitime, elle défavorise en outre les salariés des petites entreprises par rapport à ceux des grandes entreprises. L’étude d’impact annexée indique à cet égard que 70 % des salariés de grandes entreprises (plus de 1 000 salariés) bénéficient d’un compte épargne-temps, contre seulement 33 % des salariés des entreprises de moins de 500 salariés. Le présent article a donc pour objet d’aligner le plafond de versement à la hausse sur celui prévu pour les salariés disposant d’un compte épargne-temps, soit dix jours.
Cette harmonisation à la hausse constitue une véritable mesure de justice sociale, de nature à favoriser l’utilisation et les versements vers des PERCO.
Les dispositifs de participation et d’intéressement facilitent l’implication des salariés et incitent au dialogue social. L’article 40 du présent projet de loi tire les conséquences de ce constat, puisqu’il tend à valoriser l’expression de la volonté des salariés. Ainsi, l’article L. 3312-5 du code du travail prévoit que les accords d’intéressement sont conclus pour une durée de trois ans, renouvelables par tacite reconduction. Actuellement, seul le chef d’entreprise ou son représentant, le délégué syndical, le salarié mandaté ou la majorité des membres salariés du comité d’entreprise sont habilités à demander la renégociation de l’accord dans les trois mois précédant la date d’échéance de celui-ci. La majorité des deux tiers du personnel est habilitée à conclure l’accord d’intéressement mais pas à en demander la renégociation. Cette inégalité d’habilitation par rapport aux autres personnes compétentes pour conclure l’accord d’intéressement nuit au rôle participatif des salariés.
L’article a pour objet d’harmoniser la demande de renégociation sur le régime de la conclusion des accords d’intéressement, afin de rendre pleinement compétents la majorité des deux tiers de personnel pour une demande de renégociation de l’accord.
Le rapporteur général se félicite de ces mesures de simplification et d’élargissement de l’épargne salariale. Il s’agit de dispositions utiles qui ont pour objet de rendre plus attractifs des mécanismes bénéficiant directement aux salariés. La discussion parlementaire devrait opportunément pouvoir enrichir ce texte afin de réformer plus amplement l’épargne salariale dans un sens de justice sociale et de renforcement des droits des salariés.
À ce titre, la commission spéciale a adopté deux amendements essentiels. Un premier amendement, soumis par le Gouvernement, a introduit une réduction du taux du forfait social à 8 % dans les entreprises de moins de cinquante salariés signant un premier accord d’épargne salariale. Cette disposition, de nature à favoriser le développement de l’épargne salariale dans les TPE et les PME, a été sous-amendée par les rapporteurs afin d’en porter la durée d’application de trois à six ans à compter de la date d’effet de l’accord.
À l’initiative des rapporteurs, le second amendement a instauré un taux réduit de forfait social à 16 % acquitté par les salariés et les entreprises, lors du placement et de l’abondement des sommes issues de l’épargne salariale sur les PERCO investis en titres de PME-ETI. Cet amendement vise à mieux orienter l’épargne salariale vers le financement de l’économie.
L’article 64 du projet de loi prévoit la remise annuelle d’un rapport à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et aux services statistiques des ministères chargés de la sécurité sociale et de la mutualité par les organismes débiteurs de rentes versées au titre des régimes de retraites dites chapeau. Ce rapport doit permettre d’améliorer le suivi de ces régimes de retraites dits « sur-complémentaires », à travers des informations concernant le montant des engagements souscrits, le nombre de rentes servies et leurs montants moyens et médians.
Le rapporteur général ne peut que saluer cette volonté du Gouvernement d’accroître la transparence de régimes de retraites, qui suscitent régulièrement l’incompréhension de la majorité de nos concitoyens (39). Les ministres en charge de l’économie, de l’industrie et du numérique et des finances ont confié en novembre dernier à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission d’évaluation de ces dispositifs de retraites notamment en faveur des mandataires sociaux. Il s’agit de réformer un système dont la légitimité est fortement contestée, lorsqu’il sert des rentes considérables à des dirigeants ou des mandataires sociaux de grandes sociétés (40), sans commune mesure avec la performance économique de ces dernières.
Il convient cependant de souligner le caractère composite de ces régimes de retraites, le rapport du Gouvernement au Parlement sur la situation des régimes relevant de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale relevait en effet en 2010 que la pension moyenne s’élevait à 3 875 euros par an et par bénéficiaire. L’encadrement des rentes élevées ne doit pas pénaliser les salariés qui disposent de rentes raisonnables et justifiées.
Dans un souci dissuasif, la fiscalité de ces régimes de retraite a été progressivement alourdie tant à l’égard des créanciers que des débiteurs des rentes. Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 relève la contribution additionnelle exceptionnelle à la charge de l’employeur de 30 à 45 % pour les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 304 320 euros au 1er janvier 2015. Un code de bonne conduite a été adopté en octobre 2008 par la profession, à l’initiative de l’Association française des entreprises privées (AFEP) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), qui comporte des recommandations en matière de régimes de retraite supplémentaires des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées. Un Haut comité du gouvernement d’entreprise a été créé à l’occasion de la révision en juin 2013 de ce code de bonne conduite. Il est chargé du suivi de l’application de ces recommandations.
Les règles d’encadrement des retraites chapeau servies aux mandataires sociaux se révèlent toutefois insuffisantes, la remise du rapport IGF-IGAS sur le sujet fin 2014 a permis d’envisager de nouvelles avancées en la matière. La commission spéciale a adopté un amendement à l’initiative des rapporteurs prévoyant que les retraites chapeau bénéficiant aux dirigeants mandataires seront dorénavant subordonnées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de l’entreprise.
Le troisième objectif transversal de ce projet de loi consiste à moderniser et simplifier les procédures administratives. Cela s’inscrit dans le cadre du choc de simplification annoncé par le Président de la République le 28 mars 2013. Le Gouvernement a d’ores et déjà dévoilé le 17 juillet 2013 deux cents mesures de simplification concernant la vie quotidienne des Français, des chefs d’entreprise, des élus et des fonctionnaires (41). Deux lois de simplification de la vie des entreprises ont été adoptées en janvier (42) et décembre 2014 (43), participant d’une « formidable révolution silencieuse » (44) selon les mots du Premier ministre.
Cet effort de simplification doit permettre de faciliter la vie des citoyens et l’activité de l’ensemble des acteurs économiques (entreprises, personnes publiques, salariés, etc.), sans jamais remettre en question le niveau de protection juridique et environnementale.
1. Droit de l’environnement : la modernisation et la simplification de ces droits passent par exemple par le développement des autorisations dites uniques
a. L’extension de l’expérimentation de l’autorisation unique aux projets présentant un intérêt majeur pour l’activité économique
Dans le cadre du Comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP), le Gouvernement s’est engagé à expérimenter la simplification de certaines procédures administratives. Parallèlement, les états généraux de la modernisation du droit de l’environnement ont conclu à la nécessité de simplifier les procédures du code de l’environnement tout en maintenant un niveau identique de protection de l’environnement. L’idée d’une expérimentation visant à fusionner les procédures environnementales applicables à un même projet a été avancée par plusieurs préfets et retenue par la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises (45).
Ces expérimentations ont pour objet de simplifier et de réduire les délais de procédures environnementales, visant des objectifs partiellement redondants. Une unification des procédures devrait permettre d’une part, de remédier à une complexité tant pour les porteurs de projets que pour les services de l’État et d’autre part de garantir les objectifs de protection de l’environnement.
L’ordonnance du 20 mars 2014 (46) prévoit l’expérimentation de deux autorisations uniques concernant les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) :
– pour les éoliennes et les installations de méthanisation : fusion au sein d’une même autorisation délivrée par le préfet de département de l’autorisation ICPE, du permis de construire, éventuellement de l’autorisation de défrichement, de la dérogation « espèces protégées » et de l’autorisation au titre du code de l’énergie (expérimentation en Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Bretagne et Basse-Normandie) ;
– pour les autres installations classées soumises à autorisation : fusion de l’autorisation ICPE, éventuellement de l’autorisation de défrichement et de la dérogation « espèces protégées » (expérimentation en Champagne-Ardenne et en Franche-Comté).
Il s’agit de rationaliser les procédures afin de garantir la cohérence du dispositif. Cette dispersion des procédures peut en effet être néfaste aux objectifs de protection de l’environnement en cas de décisions contradictoires, par exemple l’autorisation d’un défrichement pour une ICPE jamais autorisée. Par ailleurs, l’enquête publique et les consultations porteront de manière cohérente sur l’ensemble du projet permettant ainsi d’associer plus efficacement l’ensemble des parties prenantes à la décision.
L’objet de l’article 26 du projet est d’étendre à toutes les régions, l’expérimentation de la seconde autorisation unique pour les projets présentant « un intérêt majeur pour l’activité économique ».
L’ordonnance du 12 juin 2014 (47) procède à l’expérimentation en Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à l’autorisation au titre de la loi sur l’eau (48). Cette autorisation unique, délivrée par le préfet de département, regroupe l’ensemble des décisions de l’État relevant :
– du code de l’environnement : autorisation au titre de la loi sur l’eau, au titre des législations des réserves naturelles nationales et des sites classés, dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces et habitats protégés ;
– et du code forestier : autorisation de défrichement.
L’article 26 du projet de loi sollicite l’habilitation du Gouvernement à généraliser par ordonnance et de manière pérenne ces autorisations uniques dites ICPE et IOTA, sur la base de l’évaluation des expérimentations en cours. La généralisation et la pérennisation de cette approche intégrée des procédures faciliteront la préservation de l’environnement et la réalisation des projets concernés.
L’expérimentation du certificat de projet est prévue par l’ordonnance du 20 mars 2014 (49), il vise à donner une plus grande visibilité aux porteurs de projets sur les procédures et les règles auxquelles leurs projets vont être soumis et sur les délais d’instruction.
Les porteurs de projets ont dorénavant la faculté de demander au préfet de département un certificat de projet, dans lequel :
– il indique les procédures applicables au projet ;
– il s’engage sur les délais d’instruction pour les décisions qui relèvent de sa compétence.
La délivrance du certificat de projet a pour effet de figer les règles de droit applicables au projet pendant une durée de dix-huit mois, prorogeable pour six mois. L’objet de cette expérimentation est d’accroître la sécurité juridique des porteurs de projets, garante de la confiance dans le système juridique national. En cas de dépassement des délais ou de mentions erronées, la responsabilité de l’État pourra être engagée s’il est démontré que le porteur de projet a subi un préjudice.
Cette expérimentation se déroule sur le territoire des régions Aquitaine, Bretagne, Champagne-Ardenne ou Franche-Comté. Elle incite également les services de l’État à travailler en « mode projet », afin de présenter aux porteurs de projets un interlocuteur unique.
L’article 27 du projet de loi vise à étendre à la région Île-de-France l’expérimentation d’un certificat de projet pour les projets de création ou d’extension de locaux ou d’installations, qui présentent « un intérêt majeur pour l’activité économique ».
Cet élargissement de l’expérimentation du certificat de projet représenterait un renforcement de l’attractivité du territoire francilien. La stabilité des règles de droit constitue un facteur essentiel de facilitation et de développement de l’activité économique.
2. Droit de l’urbanisme : l’accélération des procédures doit permettre de participer à l’effort national de construction
Dans le cadre du plan de relance du logement, le Premier ministre a confié au préfet Jean-Pierre Duport une mission afin de simplifier et raccourcir les procédures d’obtention des permis de construire.
En vertu de l’article 28 du projet de loi, le Gouvernement sollicite l’habilitation du Parlement à prendre par voie d’ordonnance des mesures de simplification et de facilitation des projets de construction. Sur proposition des rapporteurs et dans un souci de transparence, la commission spéciale a prévu par amendement que le Conseil national de la transition écologique serait associé à l’élaboration de ces ordonnances. À cette fin, le Conseil pourrait mettre en place une formation spécialisée pour assurer le suivi des travaux et la préparation des avis, mis à disposition du public.
a. Accélérer l’instruction et la délivrance de l’autorisation des projets de construction et d’aménagement
L’objectif fixé par le Président de la République est de parvenir à un objectif de délivrance des autorisations d’urbanisme dans un délai de cinq mois maximum, à compter du dépôt d’un dossier de demande complet.
L’accélération et la levée des blocages dans le secteur du logement passent notamment par une meilleure articulation entre les différentes procédures administratives, en particulier entre les autorisations d’urbanisme (permis de construire par exemple) et les formalités opposables aux projets d’aménagement et de construction. La coordination de ces procédures permettrait par exemple l’organisation d’une enquête publique unique au titre de plusieurs autorisations, soit un gain de temps et d’argent.
Un aménagement des pouvoirs du juge administratif, lorsqu’il statue sur un recours contre une autorisation d’urbanisme ou le refus d’une telle autorisation, pourrait également être envisagé afin d’accélérer les procédures contentieuses.
La mission menée par le préfet Duport réfléchit par ailleurs à autoriser le représentant de l’État à se substituer à l’autorité compétente, en cas d’annulation d’un refus d’autorisation d’urbanisme. Cette mesure serait instituée afin de lutter contre les manœuvres dilatoires tendant à retarder les décisions sur les dossiers déposés.
Enfin, le projet de loi prévoit la suppression de la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue par l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme. Cette procédure apparaît désormais trop lourde, complexe et redondante par rapport aux autres procédures applicables de permis de construire, permis d’aménager ou de planification urbaine.
Cet article 28 s’inscrit dans le cadre du travail des missions confiées à M. Jacques Vernier pour la modernisation du droit de l’environnement et à M. Jean-Pierre Duport pour l’accélération des projets de construction. Il s’agit de contribuer à l’impératif de simplification législative, tout en améliorant la conformité du droit interne au droit de l’Union européenne en matière environnementale. Cela se traduira notamment par un meilleur ciblage des études d’impact vers les projets ayant le plus d’effets sur l’environnement. L’articulation entre l’évaluation environnementale et les études d’impact sera améliorée afin de viser une saisine unique. Ces mesures de simplification doivent garantir un respect accru du droit de l’environnement et l’atteinte de l’objectif gouvernemental de mise en chantier de 500 000 logements par an.
c. Moderniser et clarifier les modalités de participation, de concertation, de consultation et d’information du public
L’objet de l’article 28 est également d’achever la vaste réforme de la participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Il s’agit de simplifier et d’améliorer l’efficacité des dispositifs en vigueur dans le respect des principes constitutionnels (50) et internationaux (51).
Il convient de mieux proportionner et adapter les procédures de participation du public aux projets concernés. La participation effective des citoyens peut en outre être améliorée par l’utilisation accrue de consultations ou de forums par voie électronique.
La sécurité juridique des porteurs de projets représente un facteur de confiance, favorable à l’investissement et à l’effort national de construction.
L’article 28 du projet de loi vise à accélérer le règlement des litiges et à aménager les compétences et les pouvoirs du juge, afin de sécuriser les porteurs de projets face au risque d’annulation.
L’article 29 du projet de loi prévoit l’adoption de l’une des mesures phares du rapport Labetoulle (52). Il s’agit de recentrer l’action en démolition prévue à l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme aux cas où elle apparaît strictement indispensable. En droit de l’urbanisme, l’autorisation de construire est un acte exécutoire. Cependant, les recours engagés contre cet acte ont dans les faits un caractère suspensif, dans la mesure où les acteurs sont paralysés par le risque d’une éventuelle démolition. Le rapport Labetoulle préconise de circonscrire l’action en démolition suite à l’annulation d’un permis de construire aux zones à risque ou particulièrement sensibles d’un point de vue patrimonial, culturel ou environnemental.
Ce recentrage aurait l’avantage de sécuriser les porteurs de projets, tout en garantissant aux différentes procédures leur pleine pertinence. Le permis de construire est d’ores et déjà susceptible d’un référé suspension en cas de contestation. Il convient d’inciter à utiliser cette voie de recours préventive et plus efficace tant du point de vue des requérants que des porteurs de projets. L’action en démolition, qui intervient par définition a posteriori, serait réservée aux constructions situées dans des zones limitativement définies.
La commission spéciale a cherché à clarifier la formulation de cet article en adoptant un amendement de rédaction globale, prévoyant que le délai d’engagement d’une action en démolition serait désormais réduit à six mois, à l’exception des zones fragiles et sensibles pour lesquelles le délai actuel de deux ans serait maintenu. Pour autant, il n’est pas certain que l’introduction de ses dispositions soit de nature à répondre aux enjeux identifiés par le rapport Labetoulle, puisque le problème vient de la menace de démolir, et non du délai dans lequel l’action en démolition pouvait s’exercer. Il conviendra donc d’étudier à nouveau cette mesure en séance publique.
1. Mise en place d’un identifiant électronique unique, sécurisé et authentifié pour toutes les entreprises d’ici fin 2016
Le 8 janvier 2014, le Gouvernement instituait le Conseil de la simplification pour les entreprises, placé auprès du Premier ministre (53). Ce conseil est chargé de proposer des axes prioritaires de simplification et de trouver des solutions innovantes en matière législative, réglementaire ou administrative. Ce conseil s’inscrit parfaitement dans la philosophie de facilitation et de modernisation du présent projet de loi.
Ainsi, l’article 60 du projet de loi reprend la 35ème des 50 nouvelles mesures élaborées par celui-ci et présentées le 30 octobre 2014 (54). Il s’agit de créer une « carte d’identité électronique » à la disposition des entreprises dans le courant de l’année 2016.
Cet identifiant électronique sera unique et sécurisé, par exemple sous la forme d’une messagerie. Il permettra de couvrir les interactions des entreprises avec l’ensemble de leurs parties prenantes, en donnant valeur juridique à la saisie et l’envoi des documents transmis par voie sécurisée. Cela doit faciliter la dématérialisation des démarches administratives des entreprises, dans l’esprit de la 36ème mesure de simplification annoncée le 30 octobre 2014, qui prévoit la généralisation des formulaires administratifs (anciennement CERFA) sous format numérique d’ici début 2016.
Cette mesure de simplification poursuit directement trois objectifs :
– la réduction des coûts à la charge des entreprises (« impôt papier ») ;
– la célérité des échanges entre les entreprises et l’ensemble de leurs interlocuteurs ;
– la sécurité des transactions.
L’Union européenne incite les États membres à accroître l’utilisation des moyens électroniques de communication. Ainsi, selon la Commission européenne, la passation électronique des marchés publics offrirait un potentiel d’économies pour les acteurs concernés estimé à 100 milliards d’euros par an à l’échelle de l’Union européenne (55).
À travers cette disposition, le projet de loi participe à cette stratégie numérique européenne, gage d’efficience.
2. Allégement des obligations comptables des très petites entreprises pendant leur période d’inactivité
La 34ème proposition des 50 mesures de simplification, présentées le 30 octobre 2014, préconise un Allégement des obligations comptables des micro-entreprises qui n’ont pas d’activité économique. L’article 55 du projet de loi a pour objet de transcrire au niveau législatif cette proposition. Il vise les micro-entreprises, définies à l’article L. 123-16-1 du code de commerce, comme les commerçants, personnes physiques ou personnes morales, pour lesquels, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants ne sont pas dépassés (56) :
– un total de bilan de 350 000 euros ;
– un chiffre d’affaires net de 700 000 euros ;
– un nombre moyen de 10 salariés employés au cours de l’exercice.
L’objet de l’article est d’alléger les obligations comptables des micro-entreprises dites « en sommeil ». Lorsqu’une entreprise est sans activité, elle doit demander une inscription modificative au registre du commerce et des sociétés (RCS), dans le délai d’un mois suivant la cessation de son activité. Cette situation de cessation totale d’activité temporaire est inscrite au RCS avec le maintien de l’immatriculation pour une période maximale de deux ans (57).
Actuellement, les micro-entreprises restent soumises aux obligations comptables prévues à l’article L. 123-12 du code de commerce. Elles doivent établir annuellement à la clôture de l’exercice un bilan et un compte de résultat (58).
Le dispositif de cet article du projet de loi s’applique aux micro-entreprises, qui n’emploient aucun salarié. Les personnes physiques pourront ne pas établir de bilan et de compte de résultat, après une inscription modificative de cessation totale d’activité temporaire au RCS, accompagnée d’une déclaration sur l’honneur. Les personnes morales pourront établir un bilan abrégé et un compte de résultat abrégé, sous les mêmes conditions que celles applicables aux personnes physiques.
L’étude d’impact du projet de loi souligne le nombre important d’entreprises potentiellement concernées. Actuellement, on dénombre 43 498 micro-entreprises déclarées en sommeil auprès du RCS.
Cette mesure constitue un allégement encadré des obligations comptables des entreprises, limité aux micro-entreprises qui n’emploient aucun salarié et sont en cessation totale d’activité temporaire.
Il s’agit de trouver un équilibre entre la souplesse de gestion et la sécurité des tiers. Les obligations comptables doivent être sauvegardées, lorsqu’elles sont pleinement justifiées. L’attractivité de notre système économique ne saurait résister à la permanence de lourdeurs administratives illégitimes.
C’est le sens de la réflexion du Conseil de la simplification pour les entreprises d’examiner de manière systématique la pertinence des différentes réglementations.
Le droit des entreprises en difficulté doit s’inscrire dans la démarche globale de pérennisation de l’activité des entreprises. Elles représentent des entités économiques, sources d’emplois et de richesses pour l’ensemble de la collectivité. À ce titre, leur survie est essentielle d’un point de vue économique et social. La complexification du droit des affaires et l’internationalisation de l’économie rendent nécessaires une modernisation de certaines procédures relevant des tribunaux de commerce.
Ainsi, les articles 65 à 68 du projet de loi ont pour ambition de moderniser la justice commerciale, en instituant une spécialisation de certains tribunaux de commerce en matière de prévention et d’exécution des procédures relatives aux entreprises en difficulté (59).
Cette spécialisation aura le mérite de centraliser certaines procédures au sein d’un seul tribunal de commerce, favorisant ainsi une meilleure administration de la justice. La compétence du tribunal de commerce désigné est dite exclusive.
La compétence des tribunaux de commerce spécialisés concernera principalement les grandes entreprises, correspondant aux enjeux les plus complexes et ayant le plus d’impact potentiel sur la réalité économique et sociale des territoires. Cette compétence exclusive d’un tribunal de commerce est soumise d’une part au dépassement de deux seuils, fixés par décret. L’étude d’impact associée au présent projet de loi indique les seuils envisagés par le Gouvernement :
– nombre de salariés au moins égal à 150 ;
– chiffre d’affaires au moins égal à 20 millions d’euros.
D’autre part, le tribunal de commerce spécialisé sera compétent lorsque le litige concernera une entreprise disposant d’établissements dans plusieurs ressorts de tribunaux de commerce ou de cours d’appel. Un amendement des rapporteurs a été adopté par la commission spéciale afin de préciser l’articulation de ces dispositions. Il prévoit que les procédures collectives concernant une entreprise ayant des établissements situés dans les ressorts de plusieurs tribunaux de commerce ou cours d’appel relèveront de la compétence des tribunaux de commerce spécialisés uniquement si l’entreprise concernée dépasse des seuils en nombre de salariés et en chiffres d’affaires fixés par décret en Conseil d’État. Cette solution est de nature à préserver l’esprit du projet de loi initial, qui vise à confier les procédures d’établissements d’une certaine taille à des tribunaux de commerce spécialisés.
L’étude d’impact précise par ailleurs que l’on dénombrait en 2013, 185 redressements et liquidations judiciaires d’entreprises dont l’effectif était d’au moins 100 salariés.
Les procédures concernant ces grandes entreprises revêtent systématiquement des enjeux essentiels en termes d’emplois à préserver et à sauvegarder mais aussi en termes de protection de savoir-faire et de l’outil industriel.
L’article 66 du projet de loi prévoit également la compétence de ces tribunaux de commerce spécialisés pour les procédures d’insolvabilité dans les litiges transfrontaliers tant au sein de l’Union européenne ou lorsqu’ils impliquent un État tiers.
La spécialisation du tribunal de commerce revêt divers avantages. Les juges compétents au sein de ces tribunaux de commerce spécialisés acquerront plus facilement et plus rapidement une technicité rare. La forte concentration géographique de procédures concernant les grandes entreprises facilitera l’adoption de jurisprudences plus homogènes et plus prévisibles.
Le rapporteur général salue la spécialisation de tribunaux de commerce visant à faciliter la poursuite d’activité de grandes entreprises en difficulté. Ces situations complexes nécessitent l’adoption d’une approche intégrée et spécialisée, préservant au maximum les chances de poursuite de l’activité économique et de sauvegarde des emplois. Cette idée d’une spécialisation des tribunaux de commerce notamment en matière de contentieux relatif aux défaillances des entreprises est ancienne, en témoigne les conclusions de la commission de réforme des tribunaux de commerce, présidée par M. Robert Badinter en 1981. De même, en 1998 la commission d’enquête sur l’activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce relevait la nécessité d’une spécialisation des tribunaux de commerce en matière d’entreprises en difficulté (60).
L’article 69 du projet de loi vise à améliorer le rôle et l’intervention des administrateurs et mandataires judiciaires. Le Gouvernement sollicite l’habilitation du Parlement à prendre par voie d’ordonnance des mesures définissant les conditions et les modalités de désignation obligatoire d’un second administrateur judiciaire ou mandataire judiciaire lors de procédures relatives au droit des entreprises en difficulté. Un amendement des rapporteurs, adopté par la commission spéciale, a substitué à cette habilitation des dispositions d’application directe.
En matière de sauvegarde et de redressement judiciaire, le tribunal désigne un mandataire judiciaire, qui agit au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, ainsi qu’un administrateur judiciaire, qui est chargé de surveiller ou d’assister le chef d’entreprise dans sa gestion de l’entreprise.
En matière de liquidation judiciaire, le tribunal désigne un mandataire judiciaire en qualité de liquidateur.
L’objet de l’article 69 est de remédier à des situations où les dossiers économiques les plus complexes ne sont pas traités dans des conditions pleinement satisfaisantes. Il existe en France plus de 55 000 jugements d’ouverture de procédures collectives, moins d’une centaine de cas concernent des entreprises de taille intermédiaire ou des grandes entreprises. Cependant, ces procédures sont à la fois les plus techniques et à fort enjeu en raison du nombre de salariés concernés.
Il convient de s’assurer que les professionnels intervenant dans le cadre de ces procédures collectives disposent de moyens techniques et humains suffisants pour traiter ces dossiers. Ainsi, le Gouvernement souhaite prévoir des cas de figure où la désignation d’un second administrateur judiciaire ou d’un second mandataire judiciaire est obligatoire.
Le déclenchement de cette procédure de désignation sera soumis à des conditions, définies par décret en Conseil d’État, relatives au nombre de salariés, au chiffre d’affaires, au nombre d’établissements secondaires ou de filiales en difficulté et à l’appartenance à un groupe en difficulté.
Par ailleurs, le second administrateur ou mandataire judiciaire devra remplir des conditions d’expérience et de moyens, précisées par décret en Conseil d’État, afin de pouvoir être désigné.
Cette mesure a pour objet de garantir une expertise certaine lors de procédures collectives particulièrement techniques et périlleuses. Il s’agit de s’assurer du niveau de compétences élevé de l’un des mandataires ou administrateurs judiciaires, afin d’accroître la probabilité de survie des entreprises en difficulté. Le traitement de ces dossiers complexes pourrait être amélioré et accéléré, favorisant ainsi l’efficacité de ces procédures tout en restaurant la confiance de l’ensemble des parties prenantes.
Le rapporteur général se félicite de la volonté du Gouvernement de moderniser et d’améliorer l’efficacité des procédures applicables aux entreprises en difficulté.
3. L’instauration de mécanismes de conversion de créance et de cession forcée en cas de procédure de redressement judiciaire
L’article 70 du projet de loi instaure un dispositif destiné à prévenir la disparition d’une société d’au moins 150 salariés qui serait « de nature à causer un trouble grave à l’économie et au bassin d’emploi et si la modification du capital apparaît comme la seule solution permettant d’éviter ce trouble et permettre la poursuite de l’activité ».
Pour ce faire, le présent article prévoit lors d’un plan de redressement la faculté laissée au tribunal de procéder à :
– la dilution forcée : la désignation d’un mandataire chargé de voter l’augmentation de capital en lieu et place du ou des associés ou actionnaires ayant refusé la modification du capital ;
– ou la cession forcée : le tribunal ordonne la cession de tout ou partie des parts sociales détenues par les associés ou actionnaires majoritaires s’opposant à la modification de capital.
Cet article fait de la poursuite de l’activité économique de l’entreprise l’objectif premier de la procédure de redressement. Il s’agit d’un renversement de perspective, inspiré de droits étrangers (61) et de l’analyse économique du droit (62). Le rééquilibrage des droits entre les actionnaires et les créanciers des entreprises aurait pour effet de contribuer à la survie des entreprises en difficulté.
Cela s’inscrit dans une nouvelle tendance générale du droit des affaires, comme l’illustre la loi n° 2013-672 de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013, qui a accordé de nouveaux droits aux créanciers des établissements de crédits et réduit ceux des actionnaires. Cela résulte également d’une claire volonté du Gouvernement illustrée par la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle (63), qui crée une nouvelle procédure afin de prévenir la fermeture des sites industriels rentables.
Le dispositif prévu par le projet de loi offre un nouvel outil pour surmonter les blocages au sein des grandes entreprises, en cas de refus ou d’impossibilité des actionnaires en place d’assurer le financement de l’entreprise. Cette mesure témoigne du souci du Gouvernement à préserver l’activité économique et à sauvegarder l’emploi. Il s’agit d’un véritable dispositif de régulation économique, contraire à toute forme de libéralisme sans loi, destiné à protéger le savoir-faire.
L’encadrement de ce nouveau dispositif est très strict eu égard à l’atteinte au droit de propriété des actionnaires. Le Conseil d’État a d’ailleurs considéré dans son avis que les précautions prises dans ce dispositif étaient de nature à assurer sa constitutionnalité tant du point de vue de la cession forcée que de la dilution forcée. L’impérieuse nécessité de sauver l’entreprise constitue à cet égard un objectif d’intérêt général.
Le rapporteur général approuve sans réserve cette initiative gouvernementale marquante, qui a pour but de sauvegarder des emplois et de pérenniser une activité économique. Ce rééquilibrage entre les droits des actionnaires et ceux des créanciers apparaît nécessaire dans les cas extrêmes de blocage. Cette nouvelle solution alternative contenue dans le dispositif du présent article semble à ce titre pleinement légitime.
Le projet de loi porte une très importante réforme de la justice prud’homale, probablement la plus conséquente depuis la loi du 18 janvier 1979. Cette réforme est l’aboutissement d’un long travail de concertation et met en œuvre de nombreuses recommandations du rapport de M. Alain Lacabarats, président de chambre à la Cour de cassation, remis à la Garde des Sceaux le 16 juillet 2014 (64).
Réforme d’envergure donc, mais qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux de cette juridiction particulière : son caractère paritaire est réaffirmé par le projet de loi tandis que l’alternative radicale qui aurait consisté à introduire l’échevinage est écartée. Les rapporteurs ainsi que la commission, dans son ensemble, ont l’occasion de rappeler leur attachement au travail des juges prud’homaux qui, sans être des magistrats professionnels, sont amenés à trancher des litiges juridiquement compliqués et humainement difficiles.
La lucidité impose néanmoins de porter un regard critique sur la situation actuelle des conseils de prud’hommes. Le rapport Lacabarats énumère les difficultés qu’il convient de pallier :
– la réduction des délais de traitement des affaires : le délai moyen de traitement est de 15,9 mois (2,5 mois devant le bureau de conciliation, 15 mois devant le bureau de jugement, 29,7 mois en moyenne en cas de recours au juge départiteur) ;
– la réforme de la phase de conciliation, qui est défaillante : seuls 6 % des litiges trouvent une entente à ce stade de la procédure.
– le renforcement des moyens matériels et humains : les conseils de prud’hommes manquent de magistrats professionnels (greffiers et juges départiteurs notamment).
– la limitation des taux élevés d’appel des décisions des conseils de prud’hommes, en renforçant notamment les connaissances et compétences juridiques des conseillers prud’hommes.
Les premières victimes de cette situation sont les parties prenantes : les salariés eux-mêmes, mais aussi les employeurs, qui doivent souvent attendre plusieurs années avant que leur litige soit définitivement tranché.
Comme le souligne l’étude d’impact, « outre les actions à engager en matière de formation des conseillers prud’hommes, en matière de déontologie et de discipline, la nécessité d’accélérer, de simplifier et de rationaliser les procédures et le fonctionnement des prud'hommes est cruciale. »
Le projet de loi a donc pour objectif de renforcer les règles statutaires et la procédure disciplinaire des conseillers prud’hommes : les obligations déontologiques sont ainsi renforcées et la procédure disciplinaire qui leur est applicable est réformée, une instance ad hoc, la commission nationale de discipline étant créée.
Il est par ailleurs prévu de rendre obligatoire la formation initiale. L’étude d’impact précise que l’instauration d’une formation initiale obligatoire doit « permettre aux conseillers prud’hommes nouvellement désignés d’appréhender au mieux les enjeux socio-économiques des dossiers, la technique juridique et les règles déontologiques ». Elle cherche aussi à encourager « une homogénéisation des pratiques ».
La rationalisation de la procédure prud’homale constitue le cœur de la réforme et a pour objectif prioritaire un raccourcissement des délais de jugement. Il est d’abord proposé de transformer le bureau de conciliation en « bureau de conciliation et d’orientation » (BCO). En complément de sa mission traditionnelle consistant à rechercher la conciliation entre les parties, le BCO sera chargé d’orienter les litiges plus rapidement vers une formation de jugement restreinte ou vers le juge départiteur, en cas d’accord des parties.
De plus Est créée une nouvelle procédure de jugement en format restreint, qui réunira seulement un conseiller employeur et un conseiller salarié. Enfin, en cas d’échec de la conciliation, sera désormais permis, sous certaines conditions, le renvoi d’office d’une affaire devant le juge départiteur, c’est-à-dire sans passer par le bureau de jugement.
Ces modifications profondes de la procédure ont suscité certaines inquiétudes et interrogations et la commission spéciale, à l’initiative de son rapporteur thématique, a souhaité en modifier certains aspects, sans perdre de vue l’objectif principal, la réduction des délais de jugement.
L’article 85 du projet de loi autorise le Gouvernement à réviser « la nature et le montant des peines et des sanctions applicables en cas d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel ».
L’objectif ici est de mettre un œuvre un engagement du Président de la République lors de son discours devant le Conseil stratégique de l’activité le 20 octobre 2014. En effet, comme le précise l’étude d’impact, les peines d’emprisonnement actuellement applicables en la matière « revêtent un caractère dissuasif pour les investisseurs étrangers » ; leur suppression aurait donc l’avantage de contribuer au « renforcement de l’attractivité du territoire ».
Le rapporteur général partage pleinement cet objectif : en l’état, ces dispositions font figure d’épouvantail à l’égard des investisseurs étrangers, alors même qu’en pratique, les condamnations à des peines d’emprisonnement sont rarissimes. Le dispositif doit donc être réformé, tout en conservant un caractère fortement dissuasif : l’ensemble des partenaires sociaux entendus par le rapporteur général ont insisté sur l’utilité que pouvait parfois représenter le risque d’une sanction forte dans le fonctionnement fluide des relations sociales au sein de l’entreprise.
Reste la question de la méthode : sur ce point, comme sur bien d’autres, il n’apparait pas envisageable que la représentation nationale ne débatte pas concrètement des nouvelles dispositions, et il semble donc indispensable d’intégrer dans le texte les dispositions législatives réglementant le délit d’entrave.
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La Commission entend, le mardi 16 décembre 2014 à 17 heures 30, M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, sur le projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447).
M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, nous avons le plaisir de vous accueillir à cette première réunion de notre commission spéciale pour vous entendre sur le projet de loi pour la croissance et l’activité. Ce texte, qui combine envergure et quotidienneté, est très attendu par l’opinion, les formations politiques et les députés ; après le temps du Gouvernement et du Conseil d’État, voici venu celui du Parlement.
Cette séance nous tiendra lieu de discussion générale du projet de loi. À l’issue de votre propos liminaire, le rapporteur général – garant de la cohérence de nos travaux – prendra la parole au nom des huit rapporteurs thématiques. Après l’intervention des orateurs des groupes, vous pourrez apporter une première série de réponses, avant que d’autres membres de la Commission ne vous posent leurs questions.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique. Je suis heureux que le temps du Parlement commence. Alors qu’avant même d’être finalisé, ce texte faisait déjà l’objet de nombre d’interprétations, je voudrais ici en rappeler l’esprit, la philosophie d’ensemble et le cheminement. La cohérence de cette loi tient à sa volonté d’ouvrir des opportunités dans différents secteurs d’activité. Les équilibres juridiques, économiques et sociologiques étant ce qu’ils sont, redonner des droits à certains peut certes en inquiéter d’autres. Mais cette loi n’interdit rien ; en déverrouillant toutes les sphères économiques possibles, elle cherche à offrir des chances et des droits réels à chacun de nos concitoyens.
L’urgence de ce texte est dictée par l’urgence de notre situation économique et sociale : étant donné le niveau du chômage et l’anémie de plusieurs secteurs d’activité, il n’est plus possible de maintenir le statu quo ni de temporiser. Ce texte cherche, de manière concrète et pragmatique, à agir sur tous les leviers disponibles pour recréer de l’activité. Il ne s’agit ni d’une loi de petites choses – car l’économie est ainsi faite qu’il faut toucher à différents domaines pour prétendre à l’efficacité – ni d’un big bang qui viendrait déstabiliser un secteur ou une profession en revenant de manière inutile sur des situations acquises ou des équilibres existants. Pour y avoir longuement réfléchi, je ne crois pas à la grande réforme qui débloquerait l’économie française ; aussi ce texte cherche-t-il à déverrouiller le strict nécessaire. Sans prétendre résoudre du jour au lendemain tous les problèmes de l’économie française, il vise à redonner des perspectives et à recréer des sphères d’activité partout où cela est possible.
Cette loi se construit autour de trois axes : libérer et ouvrir, investir et innover, travailler. Il faut d’abord libérer l’accès à certains emplois et à certains secteurs, car la première égalité à restaurer est celle des chances économiques. Pour favoriser la mobilité sur le territoire et créer une nouvelle sphère d’activité, le texte propose d’ouvrir et de développer le secteur du transport par autocar, qui fait aujourd’hui l’objet de multiples autorisations préalables. Deux faits résument la situation : dans notre pays, la mobilité repose à 83 % sur des véhicules particuliers et à 17 % sur les transports collectifs ; seulement 110 000 voyageurs par an prennent l’autocar en France, contre 8 millions en Allemagne et 30 millions au Royaume-Uni. La qualité du réseau SNCF n’y est pas étrangère, mais la fermeture du secteur compte également pour beaucoup dans cette réalité. Il est problématique de ne pouvoir compter que sur le train ou le véhicule particulier pour effectuer certains trajets – par exemple Nantes-Bordeaux ou Bordeaux-Lyon. Ouvrir l’exploitation de lignes d’autocars sur le territoire national permettra d’encourager la mobilité et de la rendre plus égalitaire, mais aussi de créer des opportunités pour l’activité ; la mobilisation, ces derniers jours, des acteurs économiques du secteur montre combien ils attendent ce signal. Alors que le transport routier de marchandises souffre d’un problème de surcapacité, organiser la reconversion des chauffeurs de poids lourds en chauffeurs d’autobus constituerait une réponse concrète pour lutter contre le chômage. L’intérêt public sera pleinement pris en compte : s’agissant des lignes infrarégionales, l’autorité organisatrice des transports (AOT) pourra interdire les lignes d’autocars qui feraient concurrence aux services publics de transport, après un avis conforme de la nouvelle Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), aux compétences élargies.
Favoriser la mobilité, c’est aussi faciliter l’obtention du permis de conduire – actuellement l’un des freins à la mobilité sur notre territoire, qui pénalise principalement les jeunes. En application des annonces faites par Bernard Cazeneuve l’été dernier, la réforme prévoit de recentrer les examinateurs sur le passage du permis B en confiant à des opérateurs agréés la surveillance de l’épreuve théorique et des épreuves pratiques de certains permis poids lourds. Cela permettra de réduire les délais d’attente, rendant le passage du permis plus rapide et moins cher. Au-delà de ce premier élément concret, le projet de loi mérite d’être enrichi par le débat parlementaire, car le coût – en moyenne 1 500 euros pour le permis normal et 1 100 pour la conduite accompagnée – et les délais actuels, très variables sur le territoire mais trop longs pour les jeunes comme pour tous ceux qui veulent accéder à un emploi, doivent nous conduire à nous montrer encore plus ambitieux sur cet élément clé de la mobilité.
Ouvrir, c’est également favoriser la concurrence et mieux réguler les situations de monopole. Dans le secteur de la grande distribution, le texte propose de donner à l’Autorité de la concurrence un pouvoir d’injonction structurelle. Cette mesure – décidée pour l’outre-mer il y a quelque dix-huit mois – permettra à l’Autorité d’enjoindre aux opérateurs qui détiennent plus de 50 % du marché dans le commerce de détail et qui abusent de leur position dominante en pratiquant des prix qui ne se justifient pas par la situation géographique, de céder des surfaces commerciales. Le projet de loi confie également à la nouvelle ARAFER la régulation des concessions autoroutières. En effet, l’évolution des tarifs des péages depuis la privatisation, constatée tant par l’Autorité de la concurrence que par la Cour des comptes, justifie de renforcer la transparence et la pression sur ces opérateurs. Plusieurs travaux parlementaires, en particulier celui conduit sous l’autorité de Jean-Paul Chanteguet, proposent des pistes qui devraient permettre d’enrichir le texte sur ce point. Le débat devra notamment déterminer le domaine de compétences exact de l’ARAFER et le degré optimal de régulation des sociétés autoroutières. En tout état de cause, il faudra remettre à plat les contrats de concession, donner à l’ARAFER un pouvoir accru pour en maîtriser la profitabilité et créer des clauses de partage du profit beaucoup plus dynamiques pour l’État. Les voies possibles – baisse de tarifs, réversion ou travaux supplémentaires – devront être creusées lors du débat.
La loi entend également moderniser les professions du droit. Ce travail, que nous avons conduit avec Christiane Taubira, a été enrichi par la contribution de Richard Ferrand, mandaté par le Premier ministre, et par le rapport que Cécile Untermaier et Philippe Houillon rendront demain, à l’issue de la mission d’information qu’ils ont conduite sur les professions juridiques réglementées au nom de la Commission des lois. Il ne s’agit pas de casser ce qui fonctionne, et les fondamentaux de ces métiers seront préservés. Ainsi, le texte ne supprime aucune profession, maintient l’exclusivité de leurs missions, n’abolit aucune règle déontologique, ne réforme pas les ordres et n’envisage aucune baisse du niveau de qualification. La situation actuelle en matière d’accès, de tarifs et d’équilibre démographique de plusieurs professions doit néanmoins être aménagée. Aujourd’hui, 85 % des administrateurs judiciaires ont plus de 50 ans ; 70 % des notaires titulaires sont des hommes ; 80 % des notaires salariés, dont les revenus sont en moyenne cinq fois moins élevés, sont des femmes. Dès lors, la modernisation des sept professions du droit concernées nous apparaît comme une nécessité du point de vue de la justice et de l’efficacité économique.
Aux termes du projet de loi, les professions réglementées du droit pourront ouvrir leur capital à d’autres professionnels du même secteur ou de secteurs complémentaires, comme les professions du chiffre, les experts comptables ne pouvant obtenir plus de 33 % des droits de vote au sein d’une même structure. L’enjeu de cette réforme est d’aider les professionnels à se moderniser en partageant les coûts des investissements nécessaires, sans nier la spécificité des métiers ni des règles déontologiques. Pour faciliter l’accès à ces professions, le Gouvernement souhaite instaurer une liberté d’installation régulée. Le texte ne supprime aucune profession ni ne remet en cause leurs monopoles – ceux qui le souhaitent pourront ainsi continuer à vendre leurs structures en transmettant leur clientèle –, mais ouvre une deuxième possibilité : celle de s’installer en partant de zéro, sans clientèle, dans les zones où une autorité indépendante aura identifié des carences. Dans les autres zones, où l’implantation d’offices supplémentaires pourrait porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices déjà installés ou compromettre la qualité du service rendu, l’installation pourra être refusée par la garde des Sceaux. Cette liberté d’installation régulée ne modifie donc en rien l’exigence en matière d’études et de stages, ni l’honorabilité des professionnels. Enfin, prenant appui sur un rapport de l’Autorité de la concurrence, nous passerons en revue les tarifs réglementés de six professions – notaires, greffiers de tribunaux de commerce, huissiers, commissaires-priseurs, administrateurs et mandataires judiciaires – afin de les orienter vers les coûts réels et de promouvoir une juste rémunération. Les mécanismes de péréquation seront maintenus dans les cas où ils se justifient ; les tarifs réglementés seront plafonnés, ce qui fera baisser les prix, mais un plancher sera également instauré. Les dispositifs spécifiques par profession pourront être abordés au cours de la discussion parlementaire.
Le deuxième pilier de ce texte, c’est investir et innover. Une philosophie de l’accès plus ouvert au capital doit permettre de renouer avec l’actionnariat salarié et l’épargne salariale. Il s’agit d’associer le plus largement possible les salariés au capital, au-delà des premiers cercles de dirigeants, et de mieux récompenser le risque, tout en étant intransigeant sur la rente. Le projet de loi propose trois mesures qui font système. Pour inciter les entreprises à distribuer des actions aux salariés performants, il simplifie le dispositif de taxation des attributions gratuites d’actions (AGA) en unifiant le régime fiscal des gains d’acquisition et de cession, ce qui implique d’adapter le régime social salarial. La contribution patronale sur les AGA sera alignée sur le régime de droit commun du forfait social applicable aux autres compléments de rémunération. Cette mesure apparaît importante tant pour les PME que pour certains de nos grands groupes aujourd’hui sortis des standards de compétitivité. Enfin, le projet de loi vise également à réformer les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE). En effet, beaucoup d’entreprises de la Silicon Valley abritent des Français – innovateurs et cadres performants – qui ne trouvent pas dans nos start-up de conditions de rémunération comparables. Pour inciter ces talents à rester dans notre pays, nous proposons de permettre aux start-up d’attribuer des BSPCE sur leurs propres titres à tous leurs salariés, y compris ceux de leurs filiales. C’est là un dispositif plus attractif et plus simple que celui actuellement en vigueur. Nous pourrons sans doute aller plus loin encore pour ce qui concerne les business angels ; les dispositions votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, portées par Mme Bernadette Laclais, ont permis de commencer à simplifier les formalités auxquelles ils sont soumis, mais il faut conforter davantage cet écosystème. Cela permettra de renforcer notre attractivité et de développer l’innovation et la créativité, qui doivent devenir l’un des moteurs de notre économie.
En même temps, le projet de loi prévoit une disposition technique sur les retraites chapeaux. Marisol Touraine, Michel Sapin et moi-même avons demandé un rapport sur ce sujet ; le travail, conduit par M. Jean-Michel Charpin et un de ses collègues de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), est en cours et pourra associer tous les parlementaires qui le souhaitent. Notons dès à présent que la réforme ne vise pas les mécanismes de retraite supplémentaire de droit commun dont bénéficient des millions de Français, mais le système de rente perpétuelle que s’aménagent certains cadres dirigeants et mandataires sociaux ; injustifiable aux yeux des salariés, ce salaire différé devrait être traité comme tel.
Au-delà de ces mécanismes, c’est l’épargne salariale – le meilleur moyen d’associer l’ensemble des salariés au capital – que nous souhaitons renforcer. Les travaux du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS), conduits sous la supervision de Christophe Castaner, sont aujourd’hui en discussion entre les partenaires sociaux. Le rapport, remis au Gouvernement le 26 novembre dernier, propose de remédier aux inégalités entre salariés, qui en voient huit sur dix bénéficier de l’épargne salariale dans les grandes entreprises, contre un sur dix dans les plus petites. Il semble important d’élargir et de simplifier ces mécanismes. Ensuite, sans oublier les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, il nous faut trouver les moyens de restaurer l’attractivité au regard de ces dispositifs du forfait social, nous montrer plus incitatifs pour les PME et créer des mécanismes adaptés pour les investissements responsables. Le rapport du COPIESAS propose plusieurs pistes pour y parvenir.
L’État pourra céder certains de ses actifs afin de mettre en œuvre une stratégie de désendettement – quelque 4 milliards d’euros au titre du projet de loi de finances pour 2015 – et de réinvestissement. Ces deux objectifs doivent être réalisés à parité : l’État doit disposer de marges de manœuvre pour sauver des grands groupes en situation difficile – à l’instar de ce qui a été fait pour Alsthom ou PSA – et pour investir dans les projets prioritaires, tels que la transition énergétique ou les infrastructures publiques. Aussi le texte propose-t-il de mieux accompagner les projets industriels d’entreprises publiques et en particulier d’autoriser le Gouvernement à mettre en œuvre le rapprochement, annoncé le 1er juillet 2014 et porté par Jean-Yves Le Drian, entre l’entreprise française Nexter et l’allemande KMW, qui permettra de créer un leader européen de l’armement terrestre. Ce volet de la loi prévoit également l’ouverture du capital de certaines entreprises publiques, notamment celui des aéroports de Nice et de Lyon, qui permettra à l’État de dégager des ressources financières pour les usages évoqués.
Le texte vise également à développer le logement, en particulier intermédiaire, et à favoriser l’investissement grâce à la simplification et à l’accélération des procédures, afin d’en augmenter la rentabilité. Ce développement, essentiel dans les zones tendues, est aujourd’hui entravé par des difficultés techniques liées à la réglementation, que cette loi propose de simplifier, et par les problèmes génériques que rencontre le secteur du logement : délais de délivrance des avis et accords périphériques au droit des sols trop long, complexité des régimes d’autorisation, volume trop important des études environnementales à produire. Les mesures pour y remédier, dont certaines ont été annoncées par le Premier ministre l’été dernier et préparées par Sylvia Pinel et Thierry Mandon, figureront dans le texte ou seront prises par ordonnances. Il s’agit notamment de permettre aux organismes HLM de construire, d’acquérir et de gérer des logements intermédiaires par le biais d’un mandat de gestion confié à une filiale. Les communes pourront délimiter, au sein de leurs documents d’urbanisme, des secteurs à l’intérieur desquels la réalisation des logements intermédiaires pourra bénéficier d’une majoration de constructibilité.
Au-delà des dispositions relatives au logement, la loi permettra de sécuriser des opérations d’importance majeure en étendant les expérimentations d’autorisation unique et de certificat de projet actuellement en cours, en particulier aux grands projets économiques de la région Île-de-France. Il s’agit notamment de permettre l’instruction coordonnée et la délivrance en un seul acte de l’ensemble des autorisations relevant de l’État et applicables à un projet industriel ou agricole. Cette mesure permettra d’accélérer les procédures et de déclencher non seulement les investissements, mais les travaux concrets qu’attendent beaucoup de secteurs. Le certificat de projet constitue, quant à lui, une réponse-garantie délivrée en deux mois par le préfet de département, qui permet aux acteurs économiques de bénéficier, pour une opération donnée, d’un interlocuteur unique, d’un engagement de l’administration sur les procédures nécessaires et sur ses délais d’instruction, et d’une sécurité juridique grâce à une cristallisation, sauf exceptions, du droit applicable pendant dix-huit mois à partir de la date de délivrance du certificat. Cet ensemble de dispositifs donnera plus de visibilité et de certitude aux acteurs économiques, permettant d’accélérer la réalisation des grands projets et de contribuer ainsi au retour de la croissance. La mission confiée par le Premier ministre à M. Jean-Pierre Duport aboutira à des propositions plus poussées sur toutes ces questions ; aussi le projet de loi prévoit-il la possibilité d’améliorer et de compléter ses dispositions par voie d’ordonnances.
Enfin, nous proposons de réformer les procédures collectives, élément important pour la vitalité de notre économie et le volontarisme que nous voulons y insuffler. Aujourd’hui, je le constate toutes les semaines, de nombreuses procédures de redressement judiciaire révèlent que des entreprises en difficulté sont liquidées, vidées de leurs actifs, et leurs emplois détruits parce que les actionnaires n’ont pas la possibilité – ou la volonté – de financer leur sauvetage. Contrairement à l’Allemagne, notre droit consacre actuellement la primauté absolue de l’actionnariat, au nom de la protection du droit de propriété, même lorsque celle-ci conduit à la disparition de l’entreprise et de ses emplois, et à une atteinte aux droits des créanciers. C’est ce principe que nous proposons de revisiter : lorsque les dirigeants et les actionnaires ne pourront plus sauver leur entreprise, vouée de manière certaine à la liquidation, le tribunal pourra, en dernier recours, permettre à des créanciers ou à de nouveaux investisseurs d’en prendre le contrôle contre l’avis des actionnaires. En contrepartie, ils devront mettre en place et financer un plan offrant une nouvelle chance à l’entreprise pour maintenir l’activité et le plus d’emplois possible.
Travailler est le dernier pilier du projet de loi. Nous devons adopter une approche pragmatique du travail – valeur importante et nécessité vitale pour de nombreux Français. Alors que depuis trente ans, notre pays n’a pas connu de baisse massive et durable du chômage, l’amélioration de certains éléments du droit et du fonctionnement du marché du travail permettra de stimuler l’activité, de renforcer la sécurité des salariés et d’augmenter le nombre d’emplois. C’est l’objectif que poursuit la réforme relative au travail du dimanche. Considérée tantôt comme insuffisante, tantôt comme régressive, cette mesure cristallise bien des inquiétudes ; le texte cherche pourtant un équilibre pragmatique qui permettra de créer des emplois assortis de toutes les garanties nécessaires pour avancer sur la voie du progrès et de la justice.
Il s’agit avant tout de donner plus de liberté aux élus locaux, le maire pouvant octroyer douze – et non plus cinq – dimanches ouvrés dans l’année, cinq devant l’être de manière obligatoire. Cette mesure a suscité des réactions dans certaines zones où elle n’apparaît pas comme une nécessité ; mais en laissant aux élus locaux le soin de l’adapter à leur territoire, ce texte a voulu adopter une philosophie pragmatique et renoncer à tout réglementer depuis Paris. En revanche, pour les zones touristiques internationales à fort potentiel d’activité, il est de l’intérêt national d’ouvrir les commerces le dimanche et en soirée, car on est certain que cela générera un surcroît d’activité. Cette disposition concerne quelques zones touristiques dans Paris et en province, et une vingtaine de gares à forte activité que la SNCF a elle-même identifiées, la mesure représentant potentiellement mille emplois directs et mille emplois indirects. Pour ces zones, le projet de loi prévoit que l’exécutif reprenne la main pour en définir les contours après concertation avec les collectivités concernées. Un dernier élément conditionnera cependant la possibilité d’y ouvrir un commerce le dimanche et en soirée, un élément de progrès et de justice trop souvent oublié : le principe de la compensation que ce texte propose de fixer dans la loi. D’ores et déjà, 30 % des Français travaillent de manière occasionnelle ou régulière le dimanche, dans plus de 600 zones touristiques, sans garantie légale d’être compensés. Des compensations sont pratiquées là où des accords ont été trouvés mais, à la différence des zones commerciales, il n’existe pas d’obligation en ce sens. Le texte propose de simplifier la règle et d’en accroître l’ambition en posant que le principe de la compensation doit être toujours défini dans un accord de branche, d’entreprise ou de territoire, aucune ouverture dominicale ne pouvant se faire sans l’existence d’un tel accord. Le projet de loi prévoit un délai de trois ans pour permettre aux commerces aujourd’hui ouverts de s’adapter à la nouvelle disposition. Cette mesure, qui affirme la confiance dans le dialogue social, fait de ce texte un vecteur de progrès, générateur d’activité.
Cette loi porte également réforme de la justice prud’homale pour rendre celle-ci plus simple, plus rapide, plus prévisible et plus efficace. Aujourd’hui, les délais sont trop longs, atteignant vingt-sept mois en moyenne en cas de départage, la conciliation trop rare puisqu’elle ne concerne que 6 % des décisions, et les décisions trop fragiles : 71 % des dossiers frappés d’appel sont infirmés, soit beaucoup plus que la moyenne nationale des autres contentieux. Le texte propose de rendre obligatoire et d’améliorer la formation initiale et continue des conseillers prud’homaux, et de renforcer leurs obligations déontologiques. Il prévoit également de raccourcir considérablement les délais et de mieux encadrer la phase de conciliation, le bureau de jugement en formation restreinte devant statuer sous trois mois. Par ailleurs, la procédure pourra être notablement accélérée par le passage direct de la phase de conciliation à la formation de jugement présidée par un juge professionnel. Le regroupement des contentieux sera mis en œuvre lorsqu’il est de l’intérêt d’une bonne justice que des litiges pendants devant plusieurs conseils des prud’hommes situés dans le ressort d’une même cour d’appel soient jugés ensemble. Tous ces dispositifs permettront de resserrer les délais, mais il reste possible d’améliorer le texte en renforçant les justifications au moment de la conciliation et en donnant plus de visibilité à toutes les parties dès le début de la procédure prud’homale.
Nous devons également procéder à d’autres améliorations, en particulier en sécurisant les plans sociaux grâce au travail conduit par François Rebsamen. En effet, la loi de sécurisation de l’emploi avait mis en place une procédure de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) négocié, enserré dans des délais nécessaires à un aboutissement rapide ; pour respecter l’esprit de cette disposition, l’annulation de la décision de l’administration pour insuffisance de motivation n’entraînera plus l’invalidation du PSE et donc le versement d’une indemnité à la charge de l’employeur. Il est logique et conforme à l’intérêt de l’employeur et des salariés de ne pas faire porter les conséquences d’une erreur de l’administration à l’entreprise et de ne pas retarder inutilement le déroulement de la procédure. Les autres éléments qui viennent clarifier la loi de 2013 ont été préparés par François Rebsamen et ses équipes, et concertés avec les partenaires sociaux avant d’être proposés dans ce texte.
Le texte comporte des mesures de lutte contre la prestation de service internationale illégale de sorte à protéger les travailleurs, en particulier les moins qualifiés, et les petits employeurs des secteurs les plus soumis à cette concurrence déloyale. Le contrôle des entreprises sera renforcé. Aujourd’hui, en France, le nombre de travailleurs détachés non déclarés dans le secteur du bâtiment est supérieur à 50 % de leurs 210 000 homologues déclarés ; cela conduit à la perte de marchés et d’emplois, à l’instabilité et à la tension sociale et politique sur nos territoires. Le projet de loi propose d’aggraver la sanction administrative en cas de défaut de déclaration de détachement et de refuser des comportements inacceptables : le non-respect du salaire minimum légal, le dépassement des limites de durée maximale de travail, l’hébergement indigne des travailleurs salariés par l’employeur sont autant de manquements qui permettront à l’autorité administrative compétente d’enjoindre à un ou plusieurs employeurs établis à l’étranger et détachant des salariés de cesser leur activité.
Fruit d’un travail collégial de l’ensemble du Gouvernement, ce texte s’appuie sur beaucoup de travaux menés durant les derniers mois, voire les dernières années, dont ceux pilotés par des parlementaires. Les divers qualificatifs appliqués à ce projet de loi, le plus souvent sans doute par défaut de lecture, apparaissent paradoxaux : il ne saurait être à la fois un texte inexistant et fourre-tout, une révolution civilisationnelle et presque rien. Il constitue plutôt un élément de progrès – le plus concret et cohérent possible – qui cherche à déverrouiller notre économie à un moment où les Français attendent que nous soyons pragmatiques. Ce texte a vocation à être enrichi et je souhaite que le débat parlementaire lui donne encore plus de souffle en s’attachant, partout où c’est possible, à en renforcer l’efficacité pour simplifier l’accès de nos concitoyens à certaines professions et à la mobilité, améliorer et faciliter leur vie, et stimuler la création d’activité sur notre territoire.
M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, certains collègues craignent que notre commission ne manque de temps pour examiner ce texte avant son passage en séance le 26 janvier. Peut-être pourriez-vous en toucher deux mots à votre collègue chargé des relations avec le Parlement.
Je tiens à remercier le rapporteur général pour avoir synthétisé les questions des rapporteurs thématiques en une seule intervention afin de laisser à l’ensemble des députés qui le souhaitent le temps de s’exprimer.
M. Richard Ferrand, rapporteur général. Le premier objectif de ce projet de loi est de développer l’activité en France afin de faciliter la vie aux jeunes, aux personnes privées d’emploi et à ceux qui voudraient investir. Cette volonté d’assouplir des rigidités, de simplifier les procédures et de créer des accès nouveaux à des professions ou à la mobilité passe par des mesures concrètes, par exemple en matière de transport par autocar. Le texte comporte également une réforme emblématique : la liberté d’installation régulée de certaines professions réglementées, qui ouvrira de nouvelles possibilités aux jeunes diplômés, mais aussi à des salariés aguerris. Faciliter l’activité, c’est aussi, tout en réaffirmant la règle du repos dominical, répondre à la demande des Français qui souhaitent profiter de plus de commerces ouverts le dimanche et permettre aux nombreux touristes qui viennent dans notre pays d’avoir accès à des magasins qui représentent l’excellence française. Enfin, un examen précis des participations publiques garantira l’utilisation efficace de l’argent public, et l’ouverture du capital de certaines sociétés permettra de développer l’outil industriel, d’élargir les perspectives d’emploi et d’encourager l’activité économique.
Ce texte se donne comme deuxième objectif transversal d’offrir plus de droits aux salariés et de mieux réguler l’activité économique en renforçant le rôle des autorités administratives indépendantes. Pour sécuriser la situation des salariés, il fait en sorte qu’à terme, tous ceux qui travaillent le dimanche dans un commerce de détail le fassent volontairement et en étant couverts par un accord collectif prévoyant de justes compensations. Il modernise également l’inspection du travail afin que les droits des salariés soient mieux protégés, crée un véritable statut du défenseur syndical au sein de la justice prud’homale et renforce la lutte contre la prestation de service internationale illégale. Plusieurs autorités indépendantes sont dotées de nouvelles compétences qui leur permettront de mieux réguler certaines activités économiques. Rénover la participation des salariés est un gage de leur implication dans le développement de leur entreprise puisque l’actionnariat salarié contribue à l’établissement d’un socle de financement stable et durable. L’élargissement et la simplification de l’épargne salariale sont souhaitables à tous égards.
Enfin, le troisième objectif transversal poursuivi par ce projet de loi est de simplifier et de moderniser les législations et réglementations en vigueur, cet effort devant permettre de faciliter l’activité de l’ensemble des acteurs économiques – entreprises, personnes publiques et salariés. En matière de droit de l’urbanisme et de l’environnement, cela passe par le développement des autorisations uniques ou l’allégement des obligations comptables des très petites entreprises (TPE) pendant leur période d’inactivité. Les tribunaux de commerce doivent pouvoir traiter de manière plus efficace et plus rapide les dossiers les plus complexes, présentant des enjeux économiques et sociaux de premier ordre. La modernisation passe aussi par la réforme de la justice prud’homale, attendue par tous les acteurs du système, l’objectif étant de raccourcir les délais de jugement.
L’économie étant par définition partout, ce projet de loi porte une vaste ambition et touche de nombreux secteurs. Monsieur le ministre, le Parlement entend exercer pleinement ses compétences et enrichir ce texte que vous portez. C’est pourquoi, au nom de mes collègues rapporteurs thématiques – Gilles Savary, Cécile Untermaier, Christophe Castaner, Clotilde Valter, Laurent Grandguillaume, Stéphane Travert et Denys Robiliard –, je souhaite d’ores et déjà vous interroger sur quelques points précis.
Le chapitre Ier du titre Ier du projet de loi prévoit d’étendre les compétences du régulateur ferroviaire qu’est l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) au transport public routier interurbain de voyageurs et au secteur autoroutier. L’ARAF deviendra ainsi l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER. Actuellement, l’ARAF dispose de l’autonomie financière, et ses ressources sont précisées dans le code des transports. Elles proviennent d’un droit fixe dû par les entreprises ferroviaires en proportion du montant des redevances d’utilisation du réseau ferré national, qu’elles versent à Réseau ferré de France (RFF) dans la limite de cinq millièmes de ce montant. L’ARAF perçoit également, le cas échéant, des rémunérations pour services rendus. Á ce stade, le projet de loi ne prévoit aucune disposition concernant l’évolution des recettes de l’ARAFER au regard des nouvelles compétences que vous envisagez. Aussi, nous souhaiterions savoir si des amendements gouvernementaux sont prévus en ce sens, et si, le cas échéant, vous seriez favorable à ce que le droit fixe évoqué précédemment soit étendu, selon des modalités de calcul à déterminer, aux nouveaux bénéficiaires de la régulation de cette autorité, à savoir les entreprises de transport public routier interurbain de personnes et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
L’article 21 du projet de loi, ensuite, prévoit d’habiliter le Gouvernement à créer par voie d’ordonnance la profession d’avocat en entreprise. Cette ordonnance devrait fixer les conditions dans lesquelles les personnes titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) ou celles exerçant les fonctions de juriste d’entreprise depuis au moins cinq ans pourraient être salariées par une entreprise afin de lui délivrer des prestations juridiques couvertes par le secret professionnel lié à la qualité d’avocat. Sans déflorer le rapport que rendront Mme Untermayer et M. Houillon, leurs conclusions et les miennes seront proches sur ce point : le statut des avocats, qui doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance, est manifestement incompatible avec celui de salarié, subordonné à un employeur, qui se trouve aussi être son client. Par ailleurs, la pertinence économique d’une telle proposition ne saute pas aux yeux.
Il est vrai que, dans le contexte de concurrence économique internationale, il est très gênant que les juristes d’entreprise français ne puissent protéger par le secret leurs prestations juridiques. Ne pensez-vous pas qu’au lieu de créer une énième profession juridique, hybride et réglementée, il serait préférable de garantir par la loi le secret des correspondances des juristes d’entreprise ?
S’agissant de l’épargne salariale, les organisations représentatives des salariés et des employeurs sont en train de négocier pour arrêter une position commune sur l’association des salariés à la performance et à la création de valeur au sein de l’entreprise. Un accord se traduirait par des mesures reprenant pour partie celles issues des travaux du COPIESAS. Sous quelle forme et jusqu’à quel point comptez-vous intégrer les propositions issues de cette délibération, si elles étaient adoptées, conformément à la feuille de route de la grande conférence sociale ?
Pour une plus large diffusion des dispositifs d’association des salariés à la performance de l’entreprise, les partenaires sociaux souhaitent qu’en soit revu le cadre fiscal et social. En effet, l’alourdissement continu des charges sur l’épargne salariale peut avoir un effet dissuasif, et de nombreux partenaires sociaux demandent que le taux du forfait social soit ramené à 8 %. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
À l’article 28, partant du constat que les grands projets industriels et urbanistiques souffrent de délais de réalisation trop longs, vous sollicitez de l’Assemblée une habilitation pour mettre en œuvre, par voie d’ordonnance, les recommandations du préfet Jean-Pierre Duport. Pensez-vous que l’administration sera en mesure de faire face aux exigences posées par le permis environnemental unique, l’engagement d’une réponse sous deux mois, le certificat de projet, ou encore d’améliorer la procédure d’instruction des projets touristiques en montagne ?
La spécialisation des tribunaux de commerce, par ailleurs, ne risque-t-elle pas de fragiliser le maillage territorial qu’assure la présence de ces juridictions, et peut-on être assuré, pour garantir ce maillage, de la présence pérenne d’un tribunal de commerce par ressort de cour d’appel ?
De même, le Gouvernement envisage-t-il d’amender le projet dans le but de créer un statut juridique unique de l’entrepreneur individuel, statut qui est attendu ?
En ce qui concerne les contreparties pour les salariés privés de repos dominical, le projet de loi présente des avancées majeures puisqu’il procède à une quasi-généralisation de l’obligation de conclusion d’un accord collectif fixant ces contreparties, et propose des mesures visant à protéger le volontariat du salarié. Toutefois, il ne fixe pas de plancher pour la rémunération du travail le dimanche. Ne pourrait-on envisager de fixer un tel plancher dans la loi, le cas échéant en proposant d’en exonérer certains petits établissements indépendants, mais sans exclure les établissements franchisés dépendant d’autres entités ?
Le projet de loi propose de porter les dimanches dits « des maires » à douze, potentiellement, dont cinq pour lesquels l’ouverture serait de droit. Ce nombre peut paraître adapté à Paris et dans quelques autres grandes villes, mais il est sans doute excessif sur la plus grande partie du territoire, où les modes de vie sont différents, et les besoins et les demandes de la population moins importants. En cette phase de décentralisation, une évolution sur ce point ne serait-elle pas opportune, accordant davantage d’initiative et de compétences aux élus locaux en charge du développement économique – présidents de communautés de communes, présidents de métropoles ou maires?
Le projet prévoit encore d’habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour doter l’inspection du travail de nouveaux pouvoirs. Or le Parlement a longuement débattu de cette question à l’occasion du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, puis lors de l’adoption par la commission des affaires sociales d’une proposition de loi reprenant pour l’essentiel les termes de l’article 20 du projet de loi de Michel Sapin. Dès lors, nous pourrions peut-être discuter, à la faveur du présent projet, des pouvoirs de l’inspection de façon à ce que la réforme engagée par Michel Sapin puisse entrer rapidement en vigueur. Ce serait une manière d’optimiser le travail législatif.
Enfin, vous proposez une réforme de la procédure prud’homale visant notamment à accélérer les délais. Une partie de la réforme repose sur un recours plus rapide aux juges départiteurs. Ne prend-on pas le risque d’affaiblir un des piliers de cette juridiction, à savoir que l’on y est jugé par ses pairs ? Par ailleurs, est-on certain que la Chancellerie aura les moyens de créer les postes de juges départiteurs nécessaires pour atteindre l’objectif du projet de loi ?
M. Jean-Yves Caullet. Ce texte nous propose de relever un défi dans une France où, selon certains, il ne serait possible de progresser que de ruptures en grands soirs, de destructions de droits en constitutions de barricades. Je considère, moi, qu’il est possible de moderniser des dispositifs dans le sens à la fois de l’activité et de la garantie des droits. Il est possible également de simplifier les procédures sans renoncer à la sécurité juridique, ce qui semble souvent contradictoire. Vous nous proposez, monsieur le ministre, un texte de nature à redonner confiance dans notre capacité à évoluer, et à présenter tant à l’intérieur qu’à l’extérieur l’image d’un pays qui sait se prendre en main, qui sait à la fois protéger et s’ouvrir sur l’avenir. Nous devons relever ce défi ensemble.
M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez bien voulu, monsieur le président, transmettre au ministre l’inquiétude de la Commission quant au temps qui nous est imparti pour débattre, et je vous en remercie. Je sais que le rapporteur général est sous contrainte, mais, en nous annonçant cet après-midi à 14h50 le programme des auditions de la journée de demain, il ne facilite pas notre présence. Je le remercie d’avoir programmé cette journée, mais que l’on ne reproche pas ensuite à l’opposition de ne pas avoir assisté aux auditions, car nous avons une circonstance atténuante.
Votre présentation, monsieur le ministre, était très instructive. Vous avez évoqué l’anémie de l’économie française – constat que nous partageons –, puis vous nous avez invités au pragmatisme ; mais le niveau de détail dans lequel vous êtes entré aussitôt après indique suffisamment que votre projet de loi ne présente pas de réforme d’ampleur.
Si j’en crois les plus récents commentaires de certains organismes publics, redonner du souffle à l’économie française impliquerait d’adopter un grand projet fiscal, projet que, depuis l’annonce de Jean-Marc Ayrault, nous attendons toujours. Cela impliquerait également de conduire une action sur le coût du travail – ce que nous ne voyons pas non plus dans votre projet –, de revenir sur le financement de la protection sociale, en particulier pour les retraites, et d’engager des réformes de structure de la puissance publique. Aucun de ces quatre éléments ne figure dans votre projet ; là où il n’y a pas de réforme d’ampleur, il ne saurait pas davantage y avoir de résultats conséquents. Cela dit, nous pouvons faire nôtre le pragmatisme auquel vous nous invitez, et nous serons certainement amenés à soutenir, ponctuellement, certaines mesures de bon sens.
Vous regrettez que votre texte fasse l’objet d’interprétations paradoxales, mais c’est parce qu’il supporte plusieurs niveaux de lecture.
Il comporte, tout d’abord, des mesures d’une portée extrêmement différente, qui vont de la restructuration de professions entières et la correction d’erreurs matérielles dans la loi sur les taxis de 2014. Nous pouvons donc nous demander à quel niveau d’intervention il se situe.
Peuvent ensuite faire l’objet de plusieurs niveaux de lecture, ses intentions. S’agit-il d’une volonté de simplifier ou bien de venir à résipiscence sur certaines mesures votées par votre gouvernement il y a quelques mois, dont vous vous êtes rendu compte qu’elles n’étaient pas opérantes ? S’agit-il d’une volonté de pragmatisme ou bien d’une soumission aux impératifs de Bruxelles, avec qui vous auriez négocié un peu de déficit budgétaire supplémentaire contre un peu de dérégulation des professions réglementées, que Bruxelles n’aime pas ? S’agit-il d’une ouverture de l’accès à certaines professions ou bien plutôt d’une forme de déstructuration mortelle pour certains territoires et pour la ruralité ? S’agit-il de liberté supplémentaire ou, au contraire, de contraintes supplémentaires, notamment dans le domaine du travail dominical ?
Enfin, en dépit de la qualité de l’étude d’impact, la partie sur les professions réglementées ne fait pas mention des conséquences pour les territoires, non plus que celle sur le travail dominical s’agissant de la vie des salariés.
Si vous avez reçu ces critiques, c’est que votre texte n’est pas clair sur ses intentions ni sur sa portée. C’est pourquoi, sauf exception, nous le combattrons.
M. Michel Zumkeller. Le groupe UDI partage le constat qu’il faut lever les blocages de notre société, mais ce texte n’aborde pas les sujets les plus importants : temps de travail, code du travail, pouvoir d’achat. Par ailleurs, les mesures concernant les professions réglementées nous laissent perplexes. Nous ne sommes pas persuadés que vos propositions conduiront à une amélioration. Ne risquent-elles pas, au contraire, de détruire des systèmes qui fonctionnent ? Ces professions, telle celle de notaire, ont un tarif, certes, mais elles font aussi des choses gratuitement ; si nous changeons le tarif, le risque est que ces choses gratuites deviennent payantes, et le système finalement globalement plus cher.
Nous avons auditionné ce matin quatre jeunes futurs notaires. J’ai commencé par leur demander combien d’entre eux étaient fils de notaire. C’était le cas d’un sur quatre ; on est loin des chiffres que vous avancez. Ils ont soulevé le très important sujet de la formation. Les écoles de formation sont financées par le notariat, et cela lui coûte 4 millions d’euros chaque année. Ne craignez-vous pas que les notaires se désengagent de la formation, de sorte que ce sera la société qui payera ? Les coûts de votre réforme sont peut-être beaucoup plus importants que vous ne l’imaginez.
Le groupe UDI aborde le débat sans hostilité mais non sans une certaine perplexité. Nous souhaitons faire des propositions, travailler à enrichir le texte pour parvenir à débloquer notre société.
Mme Michèle Bonneton. Ce texte, annoncé depuis plusieurs mois, couvre des thèmes très variés. Vous nous proposez de libérer l’activité, de favoriser l’investissement ou encore de soutenir le travail ; chacun ici s’accordera sur l’importance de ces objectifs. Toutefois, les moyens proposés et la vision de l’économie et de la société qui sous-tendent ces mesures suscitent l’interrogation du groupe écologiste.
Le recours, à des dizaines de reprises, à la procédure des ordonnances, parfois pour revenir sur les équilibres de textes ayant fait l’objet de longs débats parlementaires pendant cette législature, et tout juste promulgués, nous laisse un goût amer.
Dans le cadre du pacte de responsabilité, le gouvernement a lancé plusieurs vagues de simplification en ayant recours aux ordonnances. Nous avons exprimé hier, lors de la discussion du texte issu de la CMP sur le dernier projet de loi de simplification, nos réserves sur cette méthode. Trop souvent, simplification rime avec libéralisation, avec pour conséquence un recul social et moins de moyens pour les services publics, qui sont le patrimoine de tous les Français et contribuent à la stabilité sociale et juridique de notre pays, protégeant les plus faibles, ceux qui n’ont pas les moyens de recourir à une assistance privée.
Par ailleurs, quel type d’activités s’agit-il de développer ? Constitueront-elles, pour la France, un moteur d’activité à la fois socialement, environnementalement et économiquement responsable et durable ? Les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous alertent de façon de plus en plus pressante : le dérèglement climatique ne cesse de s’accélérer. Où sont, dans ce texte, les éléments mettant l’accent sur cette problématique ? La prospérité, dans les décennies à venir, reposera sur des activités compatibles avec la lutte contre le changement climatique. C’est d’un changement de modèle dans la durée dont nous avons besoin. L’empilement des mesures proposées est au mieux, à ce stade, un aménagement de l’existant.
Certaines mesures vont dans le bon sens, telles que le contrôle des sociétés autoroutières, la gouvernance des entreprises dans lesquelles l’État détient des participations, l’encouragement à l’innovation, le soutien aux jeunes créateurs d’entreprise, la simplification de l’accès au très haut débit dans les immeubles en copropriété.
D’autres sont plus problématiques. Ainsi, la réforme des professions réglementées risque d’aboutir à une concentration et à une désertification en milieu rural ainsi que dans les quartiers les moins riches, et donc de fragiliser le maillage territorial. La mise en concurrence du rail et de la route pour les liaisons interurbaines, alors même qu’est discutée au Parlement la loi sur la transition énergétique, est troublante. La simplification des procédures d’urbanisme par voie d’ordonnance nous inquiète également, ainsi que la démolition de bâtiments en infraction dans certaines zones seulement. Par ailleurs, nous sommes perplexes devant la remise en cause de pans entiers des équilibres de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), remise en cause dont l’objectif est essentiellement de soutenir les promoteurs immobiliers. Sans parler de l’extension du travail le dimanche – je rappelle que les petits commerçant dans leur grande majorité sont contre, ainsi que certains grands groupes – ni de la levée de certains garde-fous de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, de la modification de l’inspection du travail par ordonnance, de la privatisation d’aéroports rentables.
Vous l’aurez compris, pour les écologistes, il manque à ce texte des dimensions entières pour lui permettre d’atteindre ses objectifs, et le débat parlementaire devra le faire évoluer en profondeur si vous souhaitez redonner de l’optimisme aux Français.
J’en viens à nos questions. Vous envisagez une réforme des professions réglementées, domaine dans lequel un maillage territorial est indispensable. N’existe-t-il pas un risque que les mesures proposées conduisent à une concentration excessive du secteur, avec pour conséquence la disparition de ces professionnels en milieu rural et dans les quartiers les moins favorisés ? Comment éliminer ce risque ?
Ensuite, la loi met en concurrence le rail avec la route pour les liaisons interurbaines. Quelles mesures d’accompagnement du rail entendez-vous prendre pour que celui-ci soit le transport de l’avenir ?
À l’article 26, vous proposez une procédure unique pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Quelle organisation envisagez-vous de mettre en place afin d’assurer une instruction qui permette une étude et un rendu différenciés dans les divers domaines concernés : eau, air, sols, biodiversité, sécurité des personnes, santé publique ?
Enfin, des parties significatives de la loi ALUR sont remises en cause, en matière de rapports entre locataires et bailleurs, par exemple. Il est difficilement acceptable qu’une loi dont l’équilibre résulte d’un débat parlementaire fructueux de huit mois, et qui a été votée par l’ensemble de la gauche, soit aujourd’hui remise en question par des ordonnances. S’il est intéressant d’encourager le logement intermédiaire, cela ne doit pas nuire au logement social, aux offices HLM et autres bailleurs sociaux. Que prévoyez-vous pour que le logement social ne soit pas délaissé au profit des logements intermédiaires ?
M. Alain Tourret. Entre l’économie administrée et l’économie de la créativité, il faut choisir, et vous avez choisi, monsieur le ministre. En économie aussi, il est possible d’être de gauche et novateur ; je crois l’avoir montré avec mes vingt propositions pour moderniser la fonction publique. Pour être novateur, il faut dresser un état des lieux, un état des blocages et des thromboses qui conduisent notre économie à l’embolie. Jacques Attali, avec son intelligence rayonnante, a répondu en son temps à la demande d’un ancien Président de la République ; ses propositions ne furent que peu suivies d’effet, et la société continua de démontrer son incapacité à se réformer.
Il est vrai que la tâche est difficile, car la France a oublié son souffle révolutionnaire pour assurer la pérennité des charges et des offices, un peu comme la France de l’Ancien Régime. Or des trésors de créativité ne demandent qu’à émerger. Il suffit de se rappeler que « small is beautiful ». On ne peut qu’être séduit par la créativité des start-up et des auto-entreprises. Chaque fois qu’un entrepreneur est un créateur, il faut l’aider, tant son pari peut paraître fou et risqué. Cet entrepreneur peut appartenir au secteur privé ou, et ce serait une nouveauté, à la fonction publique.
L’économie du risque est à l’opposé de l’économie administrée. Votre mérite, monsieur le ministre, sera d’avoir déclaré la guerre au système qui s’appuie sur les corporatismes, sur la complexité, sur la complication. Votre mérite sera d’avoir compris que le travail peut être épanouissant, que la valeur travail est de gauche. En son temps, M. Sarkozy a commis un hold-up en soutenant qu’il fallait travailler plus pour gagner plus, misant sur le souhait du travailleur de gagner plus pour améliorer son pouvoir d’achat. Il est temps de se rappeler qu’il vaut mieux travailler que ne pas travailler, que le travail est épanouissant, équilibrant, et pas simplement une source de pénibilité comme on veut nous le faire croire. Cette loi est portée par la gauche, par le radicalisme, car c’est une loi d’équilibre, une loi qui libère, qui n’interdit rien. J’espère que vos amis ne tailleront pas en pièces un texte de transparence et de simplification.
Permettez-moi quelques observations. Pour les professions réglementées, la libre installation doit être le principe, car elle assure la méritocratie républicaine. S’agissant des avocats, vous avez trouvé un juste équilibre sur la postulation, mais il ne faudra pas retenir l’avocat en entreprise, car être avocat c’est être libre, c’est ne pas dépendre d’un chef d’entreprise ni d’un seul client. Je sais que vous nous écouterez sur ce point.
S’agissant des tribunaux de commerce, vous proposez la création de tribunaux spécialisés. Il faudra le faire mais, à mon sens, à raison d’un tribunal par cour d’appel.
Vos propositions pour les entreprises en difficulté, avec des cessions d’actions ou d’obligations, sont courageuses, pour ne pas dire révolutionnaires. Elles s’attaquent au droit de propriété, mais le Conseil d’État reconnaît qu’elles sont conformes à l’intérêt général.
Enfin, en ce qui concerne les ouvertures du dimanche, il ne s’agit pas de passer de cinq à sept, ce qui serait une forme de libertinage, mais de faire confiance aux élus. Le chiffre de douze que vous proposez me semble parfait. Le tourisme est notre principale source de rentrées et de devises, et l’on ne voudrait pas le favoriser ? Ce serait incompréhensible !
Le texte a vocation à s’enrichir, mais à condition que les amendements renforcent sa modernité et prennent en considération la situation des individus. Avec cette loi, nous abordons un nouvel humanisme, un nouveau contrat social, une majorité d’idées. Vous avez bien compris, monsieur le ministre, que je ne mégotterai pas mon appui, tant je suis persuadé que l’économie ne reprendra son souffle qu’en faisant preuve d’audace, encore et toujours !
Mme Jacqueline Fraysse. Je commencerai par une remarque de méthode. La fixation du commencement des débats en séance au 26 janvier ne permet pas à notre commission de travailler dans de bonnes conditions. Je réitère donc notre observation de ce matin : il nous semble nécessaire de reculer la date d’examen en séance pour que la commission dispose de deux semaines de travail.
Sur le fond, j’entends souvent dire que ce texte est « fourre-tout ». Nous pensons, au contraire, que c’est un projet de loi structuré et parfaitement cohérent. Cohérent, parce qu’il répond aux injonctions de réformes structurelles libérales réclamées par Bruxelles, avec pour seuls maîtres mots : libéraliser et privatiser. Cohérent, parce qu’il s’inscrit directement dans votre ligne politique toujours plus dure pour nos concitoyens, appelés à accepter des reculs sociaux majeurs. C’est une ligne que nous avons combattue dans le cadre du projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la sécurisation de l’emploi, mais aussi lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances, une ligne fondée sur l’austérité budgétaire qui n’a donné, à ce jour, aucun résultat positif, au contraire.
Ce projet de loi est également structuré, parce que vous vous attaquez à des pans entiers de notre économie, pour la libéraliser, la privatiser ; au bout du bout, c’est notre modèle de société que vous mettez en cause. Quelques exemples suffiront à illustrer mon propos : la privatisation d’aéroports parfaitement rentables, qui prive l’État d’instruments d’aménagement et de développement du territoire pour offrir une rente de situation à des investisseurs privés, comme la droite l’a fait hier avec les autoroutes ; la libéralisation du transport en autocar, pour mieux le mettre en concurrence avec le train et justifier ainsi la privatisation à marche forcée des transports publics ; l’extension du travail dominical et de nuit, qui remet en cause la protection des salariés inscrite dans le code du travail, en l’espèce celle des salariés les plus vulnérables, notamment les femmes et les détenteurs de contrat précaire. Vous parlez de volontariat : c’est bien méconnaître la situation de ces salariés, à qui on dit qu’ils doivent être volontaires !
Vous prétendez également vouloir libérer les professions réglementées du droit et de la santé. Ces professionnels – nous les avons reçus – ne sont pas du tout hostiles à des évolutions en vue de se moderniser, mais vos propositions ne sont pas de l’ordre de la modernisation ; elles relèvent plutôt d’une hyper-concurrence entre ces professionnels, qui se retournera contre nos concitoyens. Si vous pensez qu’il y a des excès en matière de rémunération, il faut les corriger, mais cela ne justifie pas les mesures que vous proposez.
Vous vous attaquez, et ce n’est pas un hasard, au droit du travail, ainsi qu’aux instances de contrôle et aux juridictions du travail. Par ailleurs, beaucoup de dispositions feront l’objet d’ordonnances, nous privant ainsi d’un débat démocratique nécessaire.
Ce projet de loi n’est gouverné que par un seul principe : la marchandisation de la société, conduisant à son profond remodelage. Il s’agit de considérer les Français comme des sujets flexibles ou de simples consommateurs, et non plus d’abord comme des citoyens actifs, y compris le dimanche, et des travailleurs rémunérés correctement parce qu’ils apportent des compétences indispensables à la création de richesses.
Ce texte, non seulement ne peut répondre aux grands défis de notre temps – les études d’impact, quand elles existent, sont d’ailleurs loin d’être convaincantes –, mais il est extrêmement préoccupant pour l’organisation de notre société et son avenir. Il faudrait qu’il évolue fondamentalement, dans sa philosophie comme dans ses dispositions concrètes, pour que nous le votions.
Je poserai une seule question : quelles mesures envisagez-vous pour que l’encouragement de la construction de logements intermédiaires ne conduise pas à diminuer celle de logements sociaux, dont tant de nos concitoyens ont besoin compte tenu du montant des loyers ?
M. le ministre. Monsieur le rapporteur général, la mise en place de l’ARAFER aura lieu à la fin de l’année 2015. Il conviendra donc de prévoir les moyens dans la loi de finances pour 2016. Elle sera un régulateur de taille modeste. Des redéploiements au sein des administrations sont envisageables, puisqu’aujourd’hui c’est la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) qui est en charge du suivi des contrats de concession. Tout dépend de l’étendue des missions que nous déciderons in fine de confier à l’ARAFER. Si lui étaient confiées des missions comparables à celles de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), à savoir la vérification de l’équilibre des contrats et leur rentabilité, il faudrait alors prévoir des moyens en conséquence.
En ce qui concerne l’avocat en entreprise, je suis sensible aux arguments qui ont été avancés ; je comprends, notamment, le problème de la compatibilité avec la liberté de l’avocat. La question est celle du secret des informations, la Cour de justice de l’Union européenne ne reconnaissant pas le droit au secret des juristes. Il faut donc, pour assurer le secret, imposer une déontologie, surveillée par un ordre disciplinaire, et faire en sorte que cette déontologie permette l’indépendance. Aujourd’hui, plus d’une dizaine d’entreprises du CAC 40 ont choisi d’employer des avocats d’entreprise étrangers. La situation est donc problématique.
Je n’en fais toutefois pas un point dur. Nous pourrons essayer, dans le débat, de trouver une limite qui corresponde aux besoins des grands groupes internationaux ayant recours à ces professionnels étrangers, soit en définissant le statut tout en en limitant l’objet, ce qui permettra de rassurer certains avocats qui pensent que l’avocat en entreprise se substituera à eux, soit, si nous n’y parvenons pas, en traitant le problème de la confidentialité pour ces grands groupes. Pour ma part, je ne pense pas qu’en lui-même le salariat empêche l’indépendance et le respect de la déontologie ; certaines professions maintiennent une indépendance déontologique tout en étant sous régime de salariat.
Sur l’épargne salariale, M. le rapporteur général l’a rappelé, une discussion est en cours entre les partenaires sociaux sur la base du rapport du COPIESAS. Plusieurs propositions intéressantes devraient aboutir, parmi lesquelles la prime de partage du profit – débattue dans le cadre du PLFSS –, la modulation à la baisse du forfait social, en particulier pour les premiers contrats dans les PME, le fléchage par défaut de l’intéressement dans les plans d’épargne d’entreprise ou l’alignement des modalités techniques de l’intéressement et de la participation.
Comment rendre l’épargne salariale plus attractive ? Le taux du forfait social est passé de 8 à 20 %, et il n’est guère envisageable de le ramener à son niveau initial ; de nos travaux, du rapport du COPIESAS et des négociations entre les partenaires sociaux, il ressort que la modulation doit être proportionnée aux objectifs poursuivis afin d’éviter les risques juridiques. On peut revoir le taux légèrement à la baisse ou cibler le dispositif vers les premiers contrats ou vers des produits qui financent davantage l’économie : investissements dans les PME ou dans les projets sociaux responsables, par exemple. Le cadre des finances publiques est contraint mais, sur de tels sujets, nous devons avoir une approche dynamique : en favorisant l’accès à cet outil, on accroîtra aussi la base taxable. Je suis donc ouvert à un geste fort en ce domaine.
La réforme des tribunaux consulaires et le maillage territorial seront traités dans le cadre du projet sur la justice du XXIe siècle défendu par Christiane Taubira : je veux lever toute ambiguïté sur ce point. Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui ne supprime aucune juridiction : il tend seulement à créer neuf juridictions spécialisées pour les 150 affaires par an qui sont les plus importantes. Pour certaines restructurations lourdes, le fait que plusieurs tribunaux soient saisis, parfois le même jour, et rendent des décisions différentes est un facteur de déstabilisation – je pense, par exemple, à une affaire touchant à la nutrition animale, il y a quelques mois.
Pour ce qui concerne les entrepreneurs individuels, je suis favorable à un enrichissement du texte sur la base d’un consensus interministériel qui conviendrait aux professionnels. Laurent Grandguillaume a effectué un travail sur ce sujet et les parties prenantes attendent des résultats concrets, en particulier sur la simplification, conformément à l’engagement du Président de la République il y a quelques mois. La suggestion de M. Alain Tourret d’ouvrir le régime aux fonctionnaires – par exemple à des chercheurs – doit être regardée de près, notamment au regard des facilités accordées à ces derniers de quitter leur statut ou de l’aménager. Cette proposition est, en tout cas, conforme à l’esprit du projet de loi.
La question de la compensation pour le travail le dimanche est particulièrement sensible. Nous avions initialement envisagé le doublement des salaires dans les entreprises de plus de vingt salariés, mais ce mécanisme posait des problèmes d’effets de seuil, alors même que nous cherchons à y remédier par ailleurs. De plus, les enseignes s’arrangent toujours pour contourner le dispositif et rester en deçà des vingt salariés, y compris dans les grands magasins avec les corners. Il se trouve aussi que de nombreux commerces de centre-ville ne sont pas en mesure de doubler les salaires en cas d’activité dominicale, si bien que le risque est de fragiliser ces commerces par rapport aux grandes enseignes. Les accords de branche dans les professions accoutumées au travail le dimanche montrent d’ailleurs que la rémunération moyenne, pour ce travail, s’établit à 1,3 fois le salaire de base. Aussi avons-nous choisi de ne pas fixer de seuil, mais de renvoyer à des accords de branche et de territoire, accords auxquels sera conditionnée l’ouverture dominicale. De fait, l’hétérogénéité des situations rend difficile l’établissement d’un critère de compensation univoque.
Quant au nombre de dimanches décidés par les maires, nous proposons de passer de cinq à douze, dont cinq obligatoires : le rapport Bailly en préconisait sept à la main du maire et cinq sur décision des associations de commerçants, ce qui était, à nos yeux, susceptible de générer des tensions. La question se pose néanmoins du partage de la décision entre les maires et les présidents des intercommunalités.
Le Gouvernement a souhaité mettre en œuvre une réforme globale de l’inspection du travail, contenant deux volets : la mise en place, dès le 1er janvier 2015, d’une organisation plus collégiale qui permettra de mieux lutter contre la concurrence déloyale et le travail illégal ; l’efficience des sanctions, avec davantage de procédures administratives et moins de procédures pénales. À ce sujet, un projet de loi a été défendu par Michel Sapin et adopté par votre assemblée ; nous proposons de le reprendre par voie d’ordonnance, les partenaires sociaux ayant émis le souhait d’engager des discussions sur le sujet.
Quant aux procédures prud’homales, l’objectif est de réduire les délais et de donner davantage de lisibilité, en aucun cas de remettre en question le caractère paritaire de l’institution : en témoigne le rôle central accordé aux bureaux de conciliation et de jugement. La conciliation pourrait d’ailleurs faire l’objet de contraintes renforcées ; quant à la formation restreinte du bureau de jugement – un plus un –, c’est une novation qui permettra d’accélérer la procédure lorsque les parties le souhaitent ; dès lors le juge départiteur et ses assesseurs prud’homaux pourront être saisis à titre seulement complémentaire. Le texte repose néanmoins sur le pari que l’efficacité des bureaux de conciliation et de jugement permettra de limiter la saisine du juge départiteur et l’obstruction dilatoire.
Je remercie M. Jean-Yves Caullet pour son encouragement au pragmatisme. M. Jean-Frédéric Poisson, pour sa part, a prétendu que le texte ne contenait pas de réforme d’ampleur. Je récuse cette idée avec force. Le texte ne contient rien, nous objecte-t-on, sur le coût du travail, les retraites ou la puissance publique ; mais, que je sache, il ne s’agit pas d’une déclaration de politique générale : ces sujets sont traités par le crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi (CICE) et le pacte de responsabilité, la réforme des retraite et les 50 milliards d’économies réalisées loi de finances après loi de finances. On se fait donc plaisir avec de tels arguments. Les juridictions prud’homales et les professions réglementées n’ont jamais été réformées depuis plusieurs décennies pour les premières et depuis certaines ordonnances royales pour les secondes : si la présente réforme, comme d’autres que nous présentons en matière économique, ne sont pas des réformes d’ampleur, que n’ont-elles été engagées plus tôt ? Beaucoup ont échoué à le faire.
On a invoqué des impératifs bruxellois. Je ne défends aucune des présentes mesures pour complaire à qui que ce soit, mais parce qu’elles sont bonnes pour l’économie française, dont nous voyons bien qu’elle n’est pas en situation de force. L’idée d’un troc « pétrole contre nourriture » – en l’espèce, laxisme budgétaire contre réformes structurelles – avec Bruxelles n’a guère de sens au regard des traités. Il existe, sur le plan budgétaire, des procédures spécifiques qui interdisent ce genre d’approche. En prenant notre destin en main et en renforçant notre économie, nous devenons cependant plus crédibles à l’égard de nos partenaires ; nous pouvons nous montrer plus exigeants, demander davantage d’investissements et réorienter la politique européenne. Se recroqueviller sur soi et refuser les réformes n’est pas la meilleure façon de demander à l’Allemagne d’évoluer et à Bruxelles d’être plus ambitieux. Le projet de loi, en nous renforçant, a vocation à enrichir ce débat.
Nous ajouterons tous les éléments utiles en matière d’étude d’impact. De fait, nous devons, bien entendu, éviter tout effet négatif pour les territoires ou la vie des salariés. La liberté d’installation des notaires, par exemple, ne déstabilisera pas le maillage territorial puisqu’elle ne s’appliquera pas dans les zones saturées mais seulement dans celles où le manque est objectivement identifié. Bref, la réforme proposée est bien plutôt une réponse aux déserts territoriaux. La vie des salariés est également prise en compte, puisque le texte prévoit un dispositif de compensation qui n’existe pas aujourd’hui.
Je remercie le groupe UDI de sa volonté d’enrichir le texte. Pour ce qui concerne les tarifs des notaires, nous proposons en premier lieu un mécanisme d’appréciation des coûts réels, ce qui est normal pour tout secteur d’activité. Les systèmes de péréquation existants seront préservés, beaucoup d’actes étant tarifés en dessous de leur coût réel, notamment dans les territoires ruraux, et d’autres très au-dessus. Sauf à considérer que les notaires ont mis en place un dispositif caché pour assurer un équilibre entre les offices du boulevard Saint-Germain et ceux de la Lozère, les mécanismes de péréquation gagneront à la transparence ; d’où l’idée d’un corridor tarifaire, incluant un plafond et un plancher.
L’université forme beaucoup de notaires, et des dispositifs d’indemnisation sont prévus par le texte ; ils ne devraient cependant pas être nécessaires puisque l’équilibre de la profession sera préservé. En 2009, les notaires français s’étaient engagés à créer plusieurs centaines de postes ; ils ne l’ont pas fait. Il y a aujourd’hui, je le rappelle, 600 offices de moins qu’en 1980. La liberté d’installation est donc à la fois compatible avec la sécurité juridique, le maillage territorial et l’équilibre de la profession.
S’agissant des transports, la multimodalité est devenue la règle dans tous les pays. Je doute néanmoins que le texte conduise les usagers à se détourner massivement du train au profit des autocars : ceux qui en ont les moyens continueront de prendre le train ; les autres, le développement du covoiturage l’atteste, aspirent à se déplacer à moindres frais. L’ouverture du secteur des autocars leur donnera de nouvelles opportunités, y compris sur des trajets non couverts par le rail. Cela permettra également, sur les territoires, d’arbitrer entre le maintien d’une ligne de chemin de fer non rentable et l’autocar. C’est pourquoi nous avons proposé que l’autorité de régulation puisse se prononcer pour les transports infrarégionaux, quitte à refuser une ligne d’autocar quand la région a décidé d’investir dans le train ; à l’inverse, elle pourra aussi décider d’en ouvrir ou d’en compenser certaines. Moyennant cette régulation, le potentiel d’activité en ce domaine me semble important ; et si l’autocar doit se substituer à un autre mode de transport, ce sera bien plutôt au covoiturage qu’au train.
Aucune obligation ne sera levée s’agissant des installations classées : c’est la manière d’exercer ces obligations qui sera facilitée, afin de limiter les dépenses.
Quant aux relations entre locataires et bailleurs, le régime de la fin d’occupation de logements doit être clarifié dans certains cas particuliers, pour protéger les locataires. Afin de développer la mixité sociale, nous avons décidé de lever certains verrous. Dans beaucoup de zones tendues, le marché de logements intermédiaires est inexistant et le marché libre inaccessible pour beaucoup de ménages dont les ressources dépassent largement les plafonds d’éligibilité au logement social. Les investissements dans le logement social seront maintenus : la philosophie du texte est seulement d’améliorer la mobilité au sein de ce parc en développant le logement intermédiaire.
La simplification n’est pas forcément la dérégulation, au contraire : à chaque fois que l’on a simplifié, on a trouvé de nouveaux instruments de régulation.
Je remercie M. Alain Tourret d’être un avocat plus talentueux que je ne l’ai été du projet que je porte. Il a compris mon ouverture d’esprit sur les avocats d’entreprise ; quant à l’entreprenariat individuel dans la fonction publique, c’est une idée intéressante à verser au débat.
Plusieurs orateurs, parmi lesquels Mme Jacqueline Fraysse, ont évoqué les ordonnances. Il en existe de différentes sortes. La plupart de celles qui ont trait aux professions juridiques peuvent être intégrées telles quelles dans le texte : c’est d’ailleurs la solution que je proposerai – nous les avions seulement retranchées du projet de loi présenté au Conseil d’État pour raccourcir les délais. Le Parlement doit donner une direction, même si certaines de ces ordonnances nécessitent encore une concertation ; d’où l’habilitation sollicitée sur le permis de construire et l’aménagement, l’autorisation unique pour les installations classées, la carte d’identité virtuelle et l’inspection du travail. D’autres ordonnances, enfin, sont des transpositions de directives européennes, pour la communication à haut débit, les concessions et les commandes publiques. Certaines dispositions étant purement rédactionnelles, l’habilitation n’a d’autre but que d’alléger vos travaux dans le contexte des délais réduits que vous avez évoqué – je transmettrai d’ailleurs votre message à mon collègue chargé des relations avec le Parlement. Parmi les dispositions rédactionnelles, on peut citer la recodification suite à la création de l’ARAFER ou la recodification de l’ordonnance relative aux participations de l’État.
Le logement intermédiaire, madame Fraysse, s’inscrira dans les programmes de logements sociaux, à hauteur de 25 %, conformément au dispositif expérimental mis en œuvre avec la Caisse des dépôts et consignations. Tournant le dos au pragmatisme, vous avez attaqué ce texte avec une certaine violence, en utilisant des arguments déjà bien connus. J’espère que l’examen du texte sur le travail dominical vous convaincra qu’il n’y a pas de recul social, surtout au vu des compensations prévues, dont certains salariés sont aujourd’hui privés. Si le recul d’une civilisation s’apprécie au nombre de dimanches travaillés, à l’ouverture d’aéroports de proximité ou des transports par autocar, alors notre civilisation tient à peu de choses. Mais je ne partage évidemment pas ce point de vue. Quant à l’« hyperconcurrence » dont pâtiraient les professions réglementées, je m’étonne de vous voir embrasser, dans une alliance baroque, la cause d’un nouveau genre de prolétariat ; mais le débat permettra sans doute d’aller plus loin. J’ai, pour ma part, reçu beaucoup de jeunes salariés de ces professions ; nous n’avons pas fait les réformes qu’ils ne demandaient pas, mais beaucoup d’entre eux soutiennent celles que nous vous présentons. Les Français attendent qu’on les traite comme des citoyens capables de choisir leur vie et leur modèle de société, sans qu’on leur impose des vues du XXe, sinon du XIXe siècle.
M. Philippe Houillon. Je me félicite, monsieur le ministre, de votre intervention auprès de votre collègue en charge des relations avec le Parlement, puisque vous partagez notre constat sur les conditions d’examen du texte : je ne doute pas que vous nous apportiez bientôt une bonne nouvelle en cette période de Noël…
Je me réjouis aussi que vous soyez disposé à abandonner les mesures visant les avocats en entreprise. Je m’étonne, en revanche, que ce ne soit pas la garde des Sceaux qui défende un texte sur les professions réglementées, qu’elle connaît mieux que vous de par sa fonction même.
Pour les notaires, le numerus clausus fera désormais place à la liberté d’installation : celle-ci devient la règle, et le refus ponctuel l’exception. C’est tellement vrai, d’ailleurs, qu’un système d’indemnisation est prévu : quel serait le sens de cette disposition, si vous ne craigniez pas la paupérisation de certains professionnels et la menace d’inconstitutionnalité ? Au reste, comment parler de liberté pour les professionnels nouvellement installés s’ils doivent, le cas échéant, indemniser ceux qui sont déjà installés ?
Vous souhaitez, par ailleurs, créer des commissaires de justice alors que les professions concernées sont pour deux d’entre elles exercées par des officiers ministériels et pas la troisième. Comment entendez-vous procéder ? Allez-vous supprimer deux offices ministériels ou en créer un troisième ?
Enfin, si je comprends bien, c’est le client qui se mettra d’accord avec le professionnel pour convenir d’un tarif compris dans le corridor. Quid des huissiers de justice ? Ils se mettront d’accord sur un tarif avec leur client, le créancier ; mais ce tarif sera-t-il alors imposé au débiteur, puisque c’est lui qui paie ? Des éclaircissements seraient pour le moins souhaitables sur certains aspects techniques.
Chacun est d’accord pour s’adapter, mais le risque, de toute évidence, est la paupérisation de ces professions. Les avocats sont au nombre de 60 000 ; leur revenu médian s’établit à 3 000 euros par mois, ce qui signifie que 30 000 d’entre eux gagnent moins. Ce n’est pas forcément bon pour le consommateur non plus.
M. Yves Blein. Merci, monsieur le ministre, d’avoir recontextualisé le projet de loi dans l’ensemble du quinquennat : votre texte est une brique supplémentaire pour moderniser l’économie française.
Comme vous nous y avez invités, je me propose d’enrichir le texte, par exemple sur le permis de conduire : une consolidation du cadre légal applicable aux auto-écoles sociales est-elle envisageable ? Ces établissements effectuent un travail remarquable pour permettre aux plus démunis d’obtenir le permis de conduire, souvent indispensable pour trouver un emploi.
Dans un tout autre domaine, la réglementation relative aux séismes grève les investissements de nombreuses entreprises : ne pourrait-on allonger la procédure dans le temps ? Je pense notamment aux entreprises du secteur de la chimie et de la pétrochimie. Dans une première version du texte, vous envisagiez d’ailleurs des mesures les concernant.
Enfin, peut-on imaginer des dispositions en faveur du secteur de l’économie sociale, dont les entreprises ont parfois besoin, elles aussi, de simplification ?
M. Gilles Lurton. Vous nous avez toujours indiqué, monsieur le ministre, que le projet de loi serait élaboré en concertation avec les professions réglementées. Or cette concertation n’a pas eu lieu : pourquoi, sinon, 30 000 personnes auraient-elles manifesté la semaine dernière dans les rues de Paris ? L’un des principaux représentants d’une organisation syndicale déclarait, il y a peu, que vous l’aviez à peine rencontré ; j’ai moi-même reçu une délégation d’avocats qui m’ont fait valoir que votre texte était contraire aux principes qui régissent leur profession : il dérégulerait les prestations du droit au bénéfice des tenants de la marchandisation et au détriment des justiciables et des usagers. Outre que la profession du droit est, par son caractère libéral, largement ouverte à la concurrence, il importe, rappellent ces avocats, de maintenir le maillage des 164 barreaux de France afin d’éviter des déserts judiciaires – et qui dit désert judiciaire dit encore, bien entendu, disparition de tribunaux.
L’inquiétude a aussi gagné les notaires, qui exercent une profession régalienne d’authentification des actes aujourd’hui dématérialisés, conservés sur le long terme, leur assurant ainsi une sécurité juridique optimale. Cette profession garantit souvent des recettes qu’elle est seule habilitée à percevoir, parmi lesquelles des recettes fiscales pour le compte de l’État.
Le temps qui nous est imparti pour examiner ce projet de loi est extrêmement court : comment pourrons-nous organiser la concertation avec l’ensemble de ces professions avant le 26 janvier, date prévue pour l’examen en séance ?
M. Arnaud Leroy. Parmi les mesures susceptibles d’enrichir encore le texte, celles qui touchent au capital-risque me tiennent tout particulièrement à cœur. La France, vous le savez, possède un savoir-faire dans ce secteur susceptible de protéger nos industries et de créer des emplois. Votre projet prévoit déjà des mesures en ce sens ; mais seriez-vous ouvert à des dispositions qui donneraient aux capitaux-risqueurs français les mêmes armes que leurs concurrents anglo-saxons ou luxembourgeois ?
Je fais mienne l’angoisse suscitée par la création du statut d’avocat en entreprise. Dix sociétés du Cac40, c’est peu au regard du territoire français, et nous devons être conscients de la différence entre un barreau comme celui de Paris, qui compte sur la scène internationale, et ceux de province.
Ce texte pourrait aussi être l’occasion de proposer des avancées sur la croissance verte et les éco-ETI (entreprises de taille intermédiaire). Seriez-vous ouvert à des amendements en ce domaine ?
M. Julien Aubert. L’article 26 du projet de loi, relatif à la généralisation d’expérimentations d’autorisation unique, est similaire à d’autres mesures votées dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique. J’ai cru y voir une redondance, mais me suis aperçu que vous entendiez en réalité toucher à l’ordonnance du 20 mars 2014 en généralisant le dispositif à tous les types d’installations – y compris les usines et les centres de déchets. Or l’étude d’impact ne contient aucune analyse des effets environnementaux d’une telle généralisation. Se pose aussi la question de la cohérence entre les textes qui nous sont soumis, parfois dans des délais restreints.
Pourquoi l’ouverture de capital des professions réglementées créerait-elle de l’emploi ou de l’activité ? Fragiliser ces professions par rapport à des acteurs internationaux – cabinets anglo-saxons ou banques – est-il un facteur de progrès ? Le sens économique de cette mesure m’échappe toujours.
M. Jean-Louis Roumegas. Je veux soulever un problème de vocabulaire, qui recèle un problème de fond. Avec ce projet de loi, vous entendez faire renouer la France avec une croissance durable ; or, pour nous, la durabilité est un modèle qui protège non seulement les ressources naturelles, mais aussi les hommes et les femmes. Votre projet de loi ignore la préoccupation environnementale, en contradiction avec les engagements pris, notamment, lors de la Conférence environnementale. L’article 28 tend ainsi à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer l’instruction et la délivrance de l’autorisation des projets de construction et d’aménagement en matière d’urbanisme. Quelles garanties aurons-nous que les motifs économiques ne primeront pas sur les enjeux environnementaux ?
De même, comment garantir, dans ce cadre, la participation des populations à l’élaboration des projets, conformément à la Convention d’Aarhus, que la France a signée ?
Dans un contexte de raréfaction des deniers publics, on voit aussi émerger beaucoup de projets inutiles ou surdimensionnés, qui font l’objet de contestations parfois violentes. Or les contentieux pourraient se multiplier en cas de procédures accélérées. Les Français sont sensibles à la dégradation de l’environnement, à son impact sur leur santé et celle de leurs enfants, ainsi qu’aux coûts induits pour la sécurité sociale. Bref, le moins-disant social et environnemental n’est pas compatible avec le mot « durable ».
Mme Corinne Erhel. Monsieur le ministre, vous avez souvent souligné votre volonté de favoriser les innovateurs et les créateurs, ce que j’approuve. Cela implique de remettre en cause les modèles existants et de porter une attention particulière à la transition, notamment à la gestion des compétences des salariés.
Par-delà les points forts du projet de loi que sont l’épargne salariale et l’actionnariat salarié, dans quelle dynamique se place le texte en matière de financement des jeunes pousses et des entreprises innovantes? Je salue les récentes avancées relatives au capital-investissement d’entreprise et aux investissements des grands groupes dans les jeunes pousses : comment le texte peut-il accélérer et amplifier leur financement, notamment en phase de post-amorçage et de développement – une des carences de notre système ? Nous devons faire grandir nos entreprises, notamment dans le domaine du numérique.
Vous prévoyez également d’ouvrir le capital d’entreprises publiques en vue de dégager des ressources financières destinées à la fois au désendettement et au réinvestissement. Vous avez évoqué la transition énergétique, mais on peut songer à d’autres secteurs, comme les nouvelles technologies et le numérique. Pouvez-vous nous préciser l’ambition stratégique de l’État en la matière ?
Je tiens, enfin, à souligner l’importance de l’innovation ouverte. Quel cadre légal adopter pour l’encourager davantage encore ? C’est une des clés de la croissance et de l’activité.
Mme Véronique Louwagie. Les professions réglementées sont inquiètes des conséquences du texte sur les territoires en matière de répartition et d’équilibre. Il ne faudrait pas qu’à la désertification médicale, qui frappe déjà certaines zones, s’ajoute une désertification juridique qui détruirait le maillage du territoire assuré aujourd’hui par les notaires et les huissiers.
Pour répondre à cette inquiétude, vous avez avancé une liberté d’installation régulée dans les zones lacunaires. Qu’en sera-t-il des conséquences du texte sur les engagements financiers que les professionnels ont pris pour acquérir leur charge ou leur office ? Vous avez, en effet, souligné que, si le projet de loi prévoit bien un système d’indemnisation, celui-ci n’aurait pas à être mis en œuvre. Oui ou non, envisagez-vous d’indemniser les professionnels titulaires de charges dont la valeur serait affectée par le projet de loi, à l’instar de ce qui avait été prévu pour les avoués ?
S’agissant du travail dominical, il existe aujourd’hui deux logiques : d’une part, des dérogations de plein droit, permanentes et sans contrepartie pour les salariés, qui concernent les commerces du secteur alimentaire ou de presse, les fleuristes et les commerces de détail situés en zone touristique ; d’autre part, des dérogations temporaires, qui exigent une autorisation administrative préalable et donnent lieu à des contreparties. Vous avez présenté comme un progrès les contreparties qui seront offertes aux salariés travaillant le dimanche. Or le projet de loi paraît surtout prévoir une mosaïque de situations, accompagnées de dispositifs très différents : repos compensateur a minima, rémunération doublée, absence totale de contrepartie minimale… Ne craignez-vous pas une éventuelle censure du Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité entre les salariés travaillant le dimanche, certains étant payés le double et d’autres non, ce qui réduirait considérablement l’intérêt suscité par l’annonce de la compensation salariale que vous avez évoquée ?
Mme Monique Rabin. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir rappelé la cohérence globale du texte. Ce faisant, vous avez démontré le bien-fondé de celui-ci et souligné la manière choisie pour supprimer les blocages dont souffre le pays.
Des secteurs méritent toutefois toute notre vigilance et doivent être protégés. Je pense notamment à l’article 48 du texte, qui concerne le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies : si je comprends bien la logique qui consiste à améliorer l’efficacité des interventions de l’État dans divers organismes, je m’inquiète des conséquences de la modification des prises de participations publiques sur la préservation de la gratuité du don du sang ou le refus de marchandisation des produits sanguins, d’autant que l’étude d’impact n’évoque pas ce sujet. Une précision s’impose, monsieur le ministre.
M. le président François Brottes. Je pense ne pas me tromper en déclarant que nous sommes tous, ici, attachés au principe français de la gratuité du don du sang.
M. Jean-Louis Costes. Tous les députés présents partagent avec vous, monsieur le ministre, les objectifs de croissance et de soutien à l’activité. Malheureusement votre texte se contente de viser quelques professions et secteurs, voire de désigner quelques boucs émissaires. L’absence de concertation les braque.
Le débat se cristallisera sur quelques mesures, comme celle relative au nombre de dimanches où les magasins pourront ouvrir : je ne pense pas que cette mesure suffira, à elle seule, à relancer la croissance et l’activité.
J’ai entendu votre réponse à M. Jean-Frédéric Poisson : sans faire une déclaration de politique générale, vous auriez pu inscrire dans le texte les principes essentiels permettant de relancer la croissance. Vous avez évoqué l’inspection du travail : pourquoi ne pas avoir inscrit dans le texte des dispositifs relatifs à la réforme du code du travail, à la baisse des charges des entreprises ou à la réforme de la fiscalité ?
Ce texte, qui est réducteur, aura pour conséquence de crisper des secteurs entiers d’activité sans pour autant supprimer les freins à la croissance. Ne soyez pas surpris par ses résultats : ils ne seront pas à la hauteur de vos attentes.
M. Gilles Savary. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre propos liminaire, qui a permis de donner un sens général à ce projet de loi : lever la marotte française de l’idéologie des moyens. Trop souvent, nous nous interdisons de viser des objectifs évidents, tels que la recherche d’emploi ou l’amélioration du pouvoir d’achat, parce que nous considérons que tel moyen est de droite et tel autre de gauche, et que le théâtre politique français interdit d’utiliser le moyen du camp d’en face. Le pragmatisme sur lequel repose votre texte nous donne beaucoup d’espoir. La France a besoin d’une loi anti-conservatrice.
Je ne partage pas, toutefois, votre point de vue relatif au financement de la future ARAFER : je vois mal comment celle-ci serait financée par le monde ferroviaire sans l’être par ses concurrents routiers. Aujourd’hui, l’ARAF est financée par un droit fixe prélevé sur le trafic ferroviaire : comment l’ARAFER ne le serait-elle pas également par le transport routier libéralisé ? Nous vous proposerons des amendements en ce sens, qu’il conviendra d’examiner avec discernement. Il ne s’agit pas de renvoyer le financement de l’ARAFER à une loi de finances et à des subventions publiques, c’est-à-dire, in fine, au contribuable.
S’il est bon de placer les autoroutes sous régulateur, il conviendrait toutefois de se monter plus audacieux s’agissant de l’architecture des contrats autoroutiers, qui sont très longs – l’un d’eux court jusqu’en 2079 ! Nous ne serons plus là pour le gérer. De tels contrats font fi de toutes les conjonctures. Pourquoi ne pas introduire un dispositif de renégociation permanente en vue d’éviter des excès de fortune via des contrats dont la validité va de soixante à quatre-vingts ans ? Ces excès sont insupportables, car ils engendrent des profits « déraisonnables », comme dirait le législateur européen, sur le domaine public de l’État. Il faudrait envisager, plutôt que le Grand Soir, une réforme de ces contrats longs.
M. Philippe Gosselin. S’agissant de la forme, le manque de concertation a déjà été évoqué. Quant à la Chancellerie, elle me paraît absente de la réforme des professions réglementées. La question du délai d’examen du texte a également été posée. Que faut-il, par ailleurs, penser du côté fourre-tout des 106 articles du projet de loi ? Pudiquement, le rapporteur général a évoqué des sujets transversaux : c’est le moins qu’on puisse dire. Le renvoi à des ordonnances a été, lui aussi, dénoncé, car c’est une forme de dessaisissement du Parlement. Enfin, en dépit de la nomination de huit rapporteurs thématiques, je regrette l’absence d’élus ultramarins au sein de la commission spéciale.
Sur le fond, nous voulons absolument éviter qu’après les déserts médicaux ne surgissent des déserts juridiques, sans compter de possibles déserts pharmaceutiques – nous examinerons la question dans le cadre du projet de loi relatif à la santé publique. Ne prenons pas le risque de déstabiliser les professions de notaire ou d’huissier : ces derniers rendent de grands services à la population, sous la forme, parfois, du bénévolat, voire de l’apostolat.
Le texte prend également le risque de s’attaquer à la propriété privée sans une « juste et préalable indemnisation », comme le prévoit la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. N’avez-vous pas en mémoire certaines décisions du Conseil constitutionnel liées aux lois de nationalisation du début de l’ère Mitterrand ? Il faudra revenir sur ces points de manière sérieuse et approfondie.
Quant à la libéralisation du travail le dimanche, elle aggravera les difficultés des commerces des centres-villes, qui ont déjà bien du mal à survivre. Une nouvelle loi n’est pas nécessaire pour briser la résistance des élus de Paris, puisque c’est elle que vise essentiellement cette disposition du texte. La loi Mallié a déjà réglé le problème pour les zones touristiques, en instaurant un équilibre satisfaisant.
Vous avez évoqué la simplification : je ne la vois pas dans la création de nouvelles autorités administratives indépendantes, alors qu’il aurait été possible d’adosser de nouvelles compétences à des autorités déjà existantes. Multiplier les organes multipliera les personnels, les responsabilités et donc les indemnités des uns et des autres, ce qui ne va pas dans le sens de réelles économies.
Le titre est évidemment alléchant : « projet de loi pour la croissance et l’activité ». Qui pourrait refuser la lutte contre les blocages ? Je crains toutefois qu’il ne s’agisse davantage d’un texte de circonstance que d’un texte de croissance, d’un prétexte, pour tout dire.
Mme Bernadette Laclais. Vous ne serez pas surpris que j’évoque devant vous les réseaux d’investisseurs providentiels – business angels en anglais –, de trop nombreuses contraintes pesant encore sur ces sociétés d’investissement. Il s’agit évidemment d’éviter tout effet d’aubaine tout en favorisant ces investisseurs accompagnateurs de proximité qui investissent dans des entreprises innovantes à fort potentiel. Confirmez-vous être ouvert à toute nouvelle discussion sur le sujet ? Si le projet de loi de finances rectificative pour 2014 a déjà permis de supprimer bien des contraintes, d’autres pourraient encore être levées en vue de dynamiser les territoires qui en ont bien besoin.
Il faut également prendre en considération la diversité des territoires, notamment des territoires de montagne. De nombreux collègues ont déjà fait part de leurs inquiétudes relatives à leur maillage. Les critères devront prendre en compte le fait, par exemple, qu’une grande station de sport d’hiver n’est pas qu’un territoire isolé ayant seulement des activités saisonnières.
Je vous remercie, enfin, pour votre confiance dans les élus. Les centres-villes sont fragiles. Les élus doivent souvent faire preuve d’une grande détermination pour soutenir l’activité commerciale. Il ne faut prendre aucun risque en la matière. C’est pourquoi il serait bon de prévoir, pour l’ouverture des magasins le dimanche, un double effet de cliquet qui consisterait, en sus de l’accord de l’agglomération, à accorder au maire de la ville centre un droit de véto. En effet, les centres commerciaux sont le plus souvent situés dans les zones périphériques des agglomérations. Cette double autorisation ne remettrait pas en cause la compétence économique de l’agglomération.
M. Michel Heinrich. Le conseil d’administration de Villes de France, qui a succédé à la Fédération des villes moyennes, s’est réuni la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Les élus de toutes sensibilités ont exprimé leurs inquiétudes, s’agissant notamment de l’aménagement du territoire. Les professions réglementées participent très largement par leurs activités à l’économie de ces villes où elles créent de nombreux emplois. Or la postulation étendue du tribunal de grande instance au ressort de la cour d’appel risque de conduire à terme à une concentration des avocats au siège de la cour d’appel ou dans les villes universitaires, au détriment des villes dites moyennes. La libre installation des notaires a également été évoquée : elle risque de conduire à l’effet inverse de celui que vous recherchez, comme l’ont montré les pays qui s’y sont essayés.
Par ailleurs, la possibilité d’ouvrir les commerces douze dimanches inquiète les commerçants des centres-villes, dont la situation est fragile. Le rapporteur général vous a posé une question relative au passage du dimanche du maire au dimanche du président de l’EPCI : qu’en sera-t-il exactement ?
Enfin, l’Autorité de la concurrence pourra se saisir d’office en matière d’urbanisme commercial pour les questions relevant du schéma de cohérence territoriale (SCOT), du plan local d’urbanisme (PLU) et du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) : quid alors de la libre administration des collectivités territoriales ?
M. Christophe Castaner. Il ne faut pas oublier que certains sujets du texte, notamment l’épargne salariale, dont M. le ministre a indiqué qu’elle faisait actuellement l’objet de négociations, relèvent par nature du dialogue social. En conserver l’état d’esprit me paraît très important.
Si l’ouverture des commerces le dimanche peut avoir un effet économique majeur dans certaines zones, et donc bénéficier à l’emploi, peut-être faudrait-il également s’intéresser à ces salariés qui doivent travailler cinquante-deux dimanches par an du fait du caractère alimentaire de la plupart des petites et moyennes surfaces. Ne conviendrait-il pas de faire évoluer la réglementation qui les régit ? Cette ouverture, en effet, n’est pas créatrice de richesses : les courses sont faites tout au long de la semaine. Ne pourrions-nous pas veiller à ce que la nouvelle réglementation s’applique à l’ensemble des petites et moyennes surfaces alimentaires supérieures à 1 000 mètres carrés ? Cela nous permettrait de faire passer un message politique fort de défense des commerces de proximité auprès de ces salariés qui peuvent avoir envie, eux aussi, de se libérer des dimanches.
M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises la simplification. Or, alors que celle-ci repose tout d’abord sur une bonne compréhension du cap suivi par le Gouvernement, le texte que vous nous présentez ne donne pas l’exemple en matière de coordination et de cohérence.
C’est ainsi que le Gouvernement, il y a deux semaines, a fait adopter par le Parlement un texte l’autorisant à modifier par voie d’ordonnance le mode de désignation des conseillers prud’hommes. Or le présent texte prévoit une autre réforme des prud’hommes. Le moins qu’on puisse dire est que la réforme à la découpe n’offre pas un cap clair.
Deuxième exemple : l’Assemblée nationale a travaillé en commission sur un texte relatif à la réforme de l’inspection du travail, dont l’examen en séance publique a été ajourné. Votre texte arrive : les dispositions qu’il prévoit remplacent-elles ou complètent-elles celles du précédent texte ? Que deviendra celui-ci ? Nous n’avons aucune information à ce sujet.
Si l’on ajoute à ce manque de clarté le recours à la procédure accélérée après deux ans et demi de pouvoir, et le souhait de recourir aux ordonnances – sur lequel, il est vrai, vous semblez être revenu –, il ne faut pas s’étonner de l’inquiétude de nombreux professionnels quant à leur avenir.
S’agissant des propositions relatives au travail du dimanche, je tiens à souligner la volte-face politique des membres du Gouvernement. Je me rappelle notamment les propos de M. Christian Eckert, porte-parole du groupe socialiste, qui pourfendaient dans l’hémicycle le travail le dimanche lors de l’examen de la loi Mallié : comme Mme Marisol Touraine ou M. Alain Vidalies, il a fait sa mutation politique, ce dont je me réjouis fort.
Me confirmez-vous que c’est l’élu local qui décidera du périmètre de l’ouverture des magasins le dimanche et des conditions dans lesquelles elle s’effectuera ? Cet élu sera-t-il bien l’élu de l’agglomération ? Quelle sera la part du maire dans la décision ?
Le salarié travaillera-t-il bien sur la base du volontariat ?
Enfin, vous n’avez pas évoqué les zones transfrontalières. Je suis élu dans une circonscription voisine d’une Belgique qui travaille le dimanche : de nombreux salariés français passent la frontière. Comment le texte prend-il en considération leur situation ? Des négociations se déroulent-elles au plan européen pour harmoniser les dispositions relatives au travail le dimanche ?
M. le président François Brottes. Je vous invite à prendre connaissance de l’évolution des ventes en ligne depuis le débat sur la loi Mallié.
Mme Colette Capdevielle. Le projet de loi ne parle pas des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Or ces avocats ont le statut d’officiers ministériels : seriez-vous favorable, monsieur le ministre, à la suppression des charges d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, sachant qu’ils sont soixante en France, tout en maintenant un barreau spécialisé et en organisant un concours d’accès ?
L’article 13 du projet de loi prévoit la suppression du contrôle a priori de l’ouverture des cabinets secondaires d’avocat : avez-vous mesuré les risques réels de cette suppression en termes d’activité effective de ces cabinets d’avocats et de fraude fiscale ? Je pense notamment au risque d’ouverture de cabinets fictifs en zone touristique.
Enfin, s’agissant de la simplification de la procédure devant les prud’hommes, la première phase de conciliation, chacun le sait, le plus souvent, n’aboutit pas, ce qui, comme vous l’avez souligné, fait perdre plusieurs mois. Ne serait-il pas plus simple de supprimer cette première phase, sachant que, si elle doit avoir lieu, la conciliation se fera dès la phase de jugement sur le fond ? Par ailleurs, en facilitant le recours au juge départiteur, le texte ne risque-t-il pas, d’une part, d’attenter au principe de la parité prud’homale, voire de la prud’homie, et, d’autre part, compte tenu de la pénurie de magistrats du siège, d’aboutir au renvoi des affaires ?
M. Philippe Vitel. L’article 47 de cette caverne d’Ali Baba ou de cette hotte du Père Noël qu’est le projet de loi autorise le transfert au secteur privé de la majorité du capital de l’entreprise publique française d’armement Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales – Nexter –, avec pour objectif la création d’une nouvelle structure appartenant à parts égales à la France et la famille Wegmann, propriétaire de l’entreprise allemande KMW. Le dessein est vertueux : créer une grosse entreprise européenne générant 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires, qui pourrait concurrencer Rheinmetall, qui pèse 1,5 milliard, sans toutefois menacer BAE Systems, qui pèse 3,5 milliards, ou General Dynamics, qui pèse plus de 6 milliards d’euros.
Or ce projet ne fait pas l’unanimité en Allemagne : votre homologue, M. Sigmar Gabriel, est réticent, parce que l’Allemagne pratique une politique restrictive en matière d’exportation d’armement, laquelle peut freiner nos propres capacités à l’export. La nouvelle organisation privera la France de son libre-arbitre.
De plus, cette entreprise aura son siège aux Pays-Bas et sera de droit néerlandais. Les syndicats s’inquiètent d’un choix, peut-être guidé par un souci d’optimisation fiscale et par la volonté de contourner les choix politiques d’attribution des marchés, mais qui risque surtout d’affaiblir la démocratie sociale à l’intérieur de l’entreprise.
Quels éclaircissements, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter sur tous ces points ?
Mme Françoise Dumas. Supprimer des freins à l’activité, redonner des chances, recréer des droits réels ou simplifier les règles : voilà autant d’objectifs autour desquels nous pouvons tous nous retrouver. Si la croissance est principalement générée par l’activité économique des entreprises, une part non négligeable, bien que moindre, est le fruit de l’activité des quelque 1,3 million d’associations françaises en activité. Le récent rapport de la commission d’enquête parlementaire chargée d’étudier les difficultés du monde associatif, dont j’ai été rapporteure, estime à 3,2 % du PIB le poids du secteur associatif. Depuis 2006, son poids économique croît en moyenne de 2,5 % par an, à savoir plus vite que le PIB. Les associations sont donc un formidable levier de croissance et d’activité : elles ont besoin de peu pour faire beaucoup. Elles ont donc toute leur place dans ce texte.
J’ai entendu votre ouverture aux évolutions que le débat parlementaire pourrait apporter au projet de loi, et je m’en réjouis. Il pourrait être l’occasion de lever certains freins à l’activité du monde associatif, par exemple, en autorisant les associations à dégager des excédents de trésorerie raisonnables afin de consolider leurs fonds propres pour réaliser des investissements ; en modernisant le cadre global de l’appel à la générosité du public, qui ne faiblit pas, et en l’adaptant aux nouvelles technologies et à l’économie d’aujourd’hui – les dons en nature ou par SMS sont une pratique courante à l’étranger ; ou encore en adaptant aux PME le cadre fiscal du mécénat.
Comment les associations pourraient-elles profiter de la simplification et de la croissance économique que nous appelons tous de nos vœux ?
Mme Chantal Guittet. Votre pragmatisme, monsieur le ministre, doit s’appliquer aux entreprises qui forment la structure de notre économie, à savoir aux 90 % de TPE et de PME qui, trop souvent, ne parviennent pas à obtenir des fonds, du fait que les banques ne font pas leur travail – je vous invite à le vérifier dans ma circonscription.
Les lignes d’autocar, quant à elles, ne traverseront pas les communes rurales, insuffisamment rentables. Le texte ne réglera donc pas le problème du maillage du territoire en termes de transports.
Vous avez évoqué les travailleurs détachés : Gilles Savary, Richard Ferrand et moi-même avons œuvré à l’adoption d’une proposition de loi sur le sujet, très attendue par les secteurs du bâtiment et de l’agroalimentaire. Or ses décrets d’application ne sont toujours pas sortis. Avant d’ajouter de nouvelles dispositions sur le sujet, ne conviendrait-il pas déjà de faire appliquer celles qui ont été adoptées ? L’inspection du travail joue un rôle fondamental dans notre texte. Il est dommage de perdre autant de temps en revenant sans cesse sur les mêmes sujets dans des textes successifs. La carte professionnelle que vous prévoyez, nous l’avions déjà étudiée : elle ne fera, à mon sens, qu’ajouter de nouveaux blocages.
S’agissant, enfin, du travail du dimanche, je ne pense pas que ce soit appartenir au XIXe siècle de penser qu’on peut faire autre chose le dimanche que de consommer, d’autant que les associations culturelles et sportives profitent de ce jour-là pour créer de l’activité et de la valeur. Permettre l’ouverture des magasins un nombre supplémentaire de dimanches ne créera ni emplois ni activité. J’assume ma position, même si elle peut paraître rétrograde aux yeux de certains.
M. le rapporteur général. Je tiens à dire à ceux de nos collègues qui ont évoqué l’absence ou l’insuffisance de concertation avec les professions réglementées ou la crainte que le texte ne casse ce qui fonctionne ou ne crée des déserts, qu’il faut remettre les choses à l’endroit. Comment peut-on affirmer que le texte n’a fait l’objet d’aucune concertation, alors qu’une mission de la commission des lois a procédé à de nombreuses auditions et que j’ai moi-même eu l’occasion de recevoir l’ensemble ou presque des professions concernées ? Je vous rappelle également que c’est le Conseil supérieur du notariat qui demande la création de 300 charges et de 1 000 postes, il est vrai, assortie d’un délai raisonnable. Du reste, les déserts existent déjà : sinon, comment expliquer qu’il y ait un notaire pour 4 500 habitants dans l’Aveyron et un pour 17 000 en Seine-Saint-Denis ? Le territoire est donc insuffisamment aménagé. Vouloir améliorer le maillage ne revient pas à le détruire.
N’utilisons pas le ressort de la peur ! Personne ne souhaite recommencer l’expérience de la liberté d’installation des médecins, qui a conduit à la création parallèle de zones surdenses et de déserts médicaux. Forts de cette expérience, les rédacteurs du texte proposent l’inverse, à l’instar du rapport que j’ai remis sur les professions réglementées du droit et de la santé.
S’agissant de la postulation, je tiens à rappeler que le barreau de Paris représente à lui seul 40 % des avocats. Dans un premier temps, le barreau de Paris était favorable à une déterritorialisation de la postulation au plan national. Une solution médiane a été trouvée. Quant à la création de la profession unique de commissaire de justice, je vous rappelle que ce sont les huissiers qui soutiennent avec une grande vigueur cette proposition : ne disons pas que les professionnels concernés n’ont pas été consultés, même s’il est vrai que les mandataires judiciaires, d’une part, et les commissaires-priseurs judiciaires ou les huissiers, d’autre part, sont des professions distinctes.
Ne faisons pas peur non plus aux pharmaciens, qui demandent une plus grande souplesse dans leur capacité de mobilité. C’est ce que la loi relative à la santé publique leur proposera, sans chercher à les affaiblir.
Je ne crois pas qu’il soit d’utilité publique d’aborder ces sujets complexes en agitant des peurs ou en évoquant des risques que l’adoption du texte ne saurait vérifier. Ne nous enlisons pas dans de fausses querelles ou dans de fausses peurs.
M. le ministre. Pour répondre à M. Philippe Houillon, je tiens à souligner que le texte est soutenu par le gouvernement en son entier ; le Premier ministre a eu l’occasion de le rappeler. Les prérogatives de la garde des Sceaux sont respectées. Elle disposera seule du droit d’opposition à l’installation et recueillera l’avis de l’Autorité de la concurrence, qui aura établi une cartographie. Je le répète : il ne s’agira que d’un avis, il n’y a aucune ambiguïté en la matière.
La question de l’indemnisation a également été soulevée : après expertise juridique, il nous a semblé nécessaire d’ouvrir ce principe dans la loi, même si, d’après notre analyse, il ne sera pas automatiquement activé. Un décret de 1971 prévoit une indemnisation pour les notaires et un décret de 1975 pour les huissiers : ils n’ont jamais été utilisés. Pourquoi ? Alors qu’il appartient à l’heure actuelle à la Commission de localisation des offices de notaires (CLON) d’ouvrir, insuffisamment à nos yeux, de nouveaux offices, ce ne sont pas toujours les territoires les plus dépourvus de notaires qui bénéficient de ces ouvertures. Or il n’y a jamais eu de recours en indemnisation des professionnels concernés.
Il nous faut trouver un équilibre permettant de préserver la stabilité de la profession, ce qui, de facto, rendra sans objet toute requête des professionnels. À cette fin, il ne convient plus de laisser aux seuls professionnels le soin de gérer les installations dans le cadre de la CLON, cette consanguinité ayant conduit ces dernières années à un comportement de fermeture. La régulation des installations doit reposer sur une base objective. À partir du moment où sera autorisée la libre installation dans des zones où des besoins ont été identifiés, aucun professionnel ne sera lésé. Et quand bien même certains le seraient, il leur faudra, compte tenu des jurisprudences constantes du Conseil constitutionnel, établir l’existence du préjudice et identifier son montant. De plus, les dispositions du texte ne sauraient être comparées à celles qui ont abouti à la disparition de la profession d’avoué. Si nous avions décidé de supprimer le monopole de l’acte authentique, vraisemblablement, nous aurions dû verser des indemnisations. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, compte tenu des éléments de régulation apportés dans le texte.
En aucun cas la liberté d’installation ne s’exercera dans des zones où le besoin est satisfait.
S’agissant de la profession unique de commissaire de justice, aucune profession ne sera supprimée. La loi permet un rapprochement progressif et il conviendra, soit par ordonnance, soit dans le cadre du débat parlementaire, auquel va ma préférence, de prévoir un rapprochement progressif des professions concernées, qui garderont, dans un premier temps, leur spécificité déontologique et dont on devra, par la suite, rationaliser la formation. Il existe déjà à l’heure actuelle une grande proximité dans leur formation initiale, et parfois complémentaire. Il s’agit d’organiser la transition en vue d’offrir le choix, sur le terrain, entre un plus grand nombre de professionnels. Alors que les mandataires judiciaires n’ont pas, à proprement parler, l’exclusivité de certains actes, qu’ils l’aient de fait sur le terrain, notamment dans les contacts avec le tribunal de commerce, pose des problèmes, parfois de conflits d’intérêts. Augmenter le nombre des professionnels concernés par ces procédures me paraît donc souhaitable : il faut toutefois procéder à cette augmentation au rythme adéquat, en conservant les spécificités déontologiques nécessaires durant le temps de la transition.
Enfin, il n’est objectivement pas raisonnable d’évoquer une paupérisation de ces professions, compte tenu des critères prévus et du caractère régulé de la liberté d’installation. Leur situation ne saurait être comparable à celle des avocats. Le texte vise seulement à donner la possibilité à des notaires de créer des offices. Les notaires salariés pourront le rester ; il en est de même des notaires associés. Le caractère objectif de la régulation et la garantie finale de la garde des Sceaux interdiront toute déstabilisation massive de la profession.
Monsieur Blein, le Gouvernement est très intéressé par vos propositions relatives aux auto-écoles sociales, qui permettront d’enrichir le texte. Il en est de même des éléments de simplification que vous avez évoqués et de la question de l’économie sociale et solidaire. Étant pragmatique, je suis preneur de tous les dispositifs qui peuvent aider au développement de l’activité dans ce secteur. Ce texte a pour objectif de déverrouiller l’économie : ce secteur fait bien partie de l’économie et participe à la création d’emplois, le plus souvent, du reste, au bénéfice des plus jeunes.
Monsieur Lurton, j’ignore qui vous avez reçu, mais, comme vient de le rappeler le rapporteur général, la concertation a bien eu lieu. Des réunions tripartites se sont tenues entre tous les professionnels, la garde des Sceaux et moi-même, place Vendôme. Nos cabinets ont également travaillé de manière tripartite avec ces professionnels autant qu’il a été nécessaire, et je les ai revus en bilatéral chaque fois qu’ils me l’ont demandé. Je me suis rendu auprès d’eux, y compris après la présentation du texte mercredi dernier : j’ai rencontré les huissiers le mercredi soir et les avocats le vendredi.
Invoquer le manque de concertation n’est donc pas un bon argument. Que certains refusent tout changement, parce que le changement ne doit concerner que les autres, n’exprime qu’un point de blocage. C’est simplement un refus du changement, l’expression totalement légitime d’un conservatisme qui a trouvé, si j’en crois l’actualité du jour, des relais décidés à poursuivre une concertation extraparlementaire.
Il ne sert à rien d’agiter les peurs au sujet des avocats. Deux réformes sont en voie d’être menées sur ce point. Pour ce qui est de l’avocat en entreprise, je veux que l’on puisse faire preuve de pragmatisme. Quant à la postulation territoriale, elle a vocation à disparaître, dans la mesure où la valeur ajoutée de cet acte justifie peu les frais auxquels il donne lieu. D’ailleurs, quand la numérisation de la transmission sera complètement mise en œuvre, la postulation territoriale n’aura plus qu’à disparaître totalement, du moins à ne plus subsister qu’au niveau de la Cour d’appel, puisque tel est le choix que nous avons fait. Une telle mesure nous paraît être en totale cohérence avec la réforme ayant conduit à supprimer les avoués. Aujourd’hui, qui peut comprendre que, dans un dossier de divorce entre Annecy et Chambéry, il soit nécessaire de faire intervenir un avocat postulant pour déposer une deuxième fois le même dossier ?
Je regrette, comme Mme la garde des Sceaux, que nous n’ayons jamais obtenu les chiffres sur cette question. Les petits barreaux sont nombreux à nous dire qu’il y a là un élément de déstabilisation économique pour la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), mais aucun n’a pu nous préciser ce que représentait la postulation en termes de revenus. Le problème est soulevé au moment même où il est demandé aux avocats d’être davantage présents, notamment avec l’aide juridictionnelle. Je vous invite à faire en sorte de recueillir, avant le débat parlementaire, des éléments d’information sur cette question des revenus – mais je ne doute pas que Mme Cécile Untermaier se soit employée à les obtenir dans le cadre de son rapport.
Peut-être convient-il de procéder à la suppression de la postulation territoriale selon des modalités particulières, en commençant par la faire disparaître pour les particuliers par exemple, tout en la conservant pour certains professionnels, tels les assurances ou les banques, qui représentent une part importante du chiffre d’affaires pour certains petits barreaux. En tout état de cause, nous avons besoin d’éléments d’information chiffrés. Je n’admettrai pas que l’on vienne me reprocher une absence de concertation, car il y a eu une concertation constante à tous les niveaux : les professionnels concernés ont été reçus à de nombreuses reprises par le Gouvernement, les cabinets ministériels et les parlementaires – je pense notamment aux députés Richard Ferrand, Cécile Untermaier et Philippe Houillon.
Pour ce qui est du capital-risque, monsieur Leroy, je pense effectivement qu’il s’agit d’une bonne idée, et nous sommes tout à fait disposés à enrichir le texte sur ce point. J’ai déjà répondu à la question de l’avocat en entreprise et, pour ce qui est de la croissance verte, nous devrons pouvoir rajouter les éléments qui s’y rapportent.
M. Julien Aubert a évoqué les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Sur ce point, je m’assurerai de la cohérence et de la synergie du texte relatif à la transition énergétique et de celui que nous évoquons aujourd’hui. Il s’agit de généraliser l’autorisation unique pour les projets majeurs, c’est-à-dire ce que l’ordonnance de mars 2014, relative aux éoliennes et installations classées, permettait de faire. Si une étude d’impact n’est pas jointe au présent texte, c’est qu’il n’y en a pas d’autre que celle réalisée antérieurement, qui prévoyait la généralisation. Ce qui est prévu, c’est d’unifier en une seule étude tous les aspects environnementaux, avec un gain d’intégration de tous les enjeux permettant un meilleur contrôle administratif. Tous les aspects de la réforme ne sont pas réglés, c’est pourquoi il est proposé que l’ordonnance soit soumise à la concertation et qu’un délai de respiration soit instauré, afin de prendre en compte tous les éléments de concertation et les amendements qui pourront en résulter. Quoi qu’il en soit, je prends acte de votre souci de cohérence – vous obtiendrez sur ce point des éléments d’information complémentaires. Selon les principes que le législateur aura définis, il faudra pouvoir travailler à cette ordonnance, qui fera l’objet d’une étude d’impact spécifique avant d’être soumise à ratification.
Le délai final de la procédure serait de dix mois, mais une procédure plus bornée est la garantie d’un meilleur débat démocratique. J’en profite pour souligner que notre volonté de raccourcir les délais, d’aboutir à des procédures rationalisées, de regrouper les actes, n’entre nullement en contradiction avec la volonté d’une concertation démocratique où le citoyen a toute sa place : nous cherchons simplement à rationaliser les délais, afin que la procrastination ne constitue plus jamais la seule réponse apportée à toute forme de projet, contrairement à ce qui arrive parfois aujourd’hui.
Pour ce qui est de l’ouverture du capital des professions réglementées, c’est dans la situation actuelle que les petits cabinets vivent dans la menace de se faire manger par les grands, qui ont les moyens de se développer. Ce qu’offre le texte, c’est la possibilité pour un professionnel d’ouvrir son capital à d’autres professionnels. Personne ne sera jamais obligé de le faire, en particulier à des financiers ; il ne s’agit que d’ouvrir son capital aux professionnels de son choix : jeunes confrontés à des problèmes d’accès à certaines structures faute de posséder le capital suffisant, qui pourraient ainsi monter progressivement dans la structure capitalistique ; autres professionnels du droit ou du chiffre, avec une limitation des droits de vote entre droit et chiffre à 33 %. Pourquoi, sur un territoire donné, un notaire devrait-il être empêché de se rapprocher d’un avocat, voire d’un huissier, afin de procéder à une mutualisation des frais et de parvenir à une modernisation plus rapide du matériel utilisé ? Il semble, au contraire, tout à fait souhaitable de permettre à des professionnels indépendants, qui garderont leur propre déontologie, de partager des coûts fixes avec d’autres professionnels du droit et du chiffre en vue d’apporter une meilleure offre au client et de dégager une rentabilité supérieure. Les plus petits cabinets trouveront là, me semble-t-il, une occasion de s’organiser pour mieux résister à la concurrence des structures plus importantes.
Pour ce qui est de la durabilité de la croissance qu’est susceptible de permettre ce texte, les affirmations de M. Jean-Louis Roumegas me semblent excessives : à aucun moment, nous ne supprimons des procédures de type environnemental ou relatives à la démocratie participative. Au contraire, il est proposé que les mesures d’autorisation administrative puissent être regroupées, simplifiées et synchronisées afin d’éviter que certains projets ne se trouvent freinés par l’accumulation de délais. C’est là justement l’un des facteurs s’opposant au bon fonctionnement de notre démocratie participative : la participation des citoyens intervient parfois trop tard, quand l’avancement de tel ou tel projet a déjà conduit certains acteurs à engager des coûts ou quand la réalisation d’un projet s’est faite de façon trop déconnectée du point d’arrivée en raison de la perte de temps engendrée par la multiplication des autorisations à obtenir. Mieux vaut organiser de vrais débats, à un rythme défini par avance et avec des procédures administratives resserrées. Nous nous efforçons toujours de faire prévaloir la même philosophie : quand l’administration peut être plus efficace, c’est l’ensemble de nos concitoyens qui en bénéficie – sans parler de l’administration elle-même –, et en aucun cas il n’est à redouter un moins-disant social ou environnemental. J’ajoute que, dans le mandat qui a été confié par le Premier ministre au préfet Duport, la place du débat public a été pleinement prise en compte et devra être intégrée à la réflexion à mener.
Pour répondre à Mme Corinne Erhel, je suis tout à fait favorable à l’amélioration du texte au sujet des start-up. Tout ce qui relève des attributions gratuites d’actions, des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise ou encore des sociétés d’investissement de business angels (SIBA) est important pour la croissance des entreprises. Si, grâce à certaines mesures de simplification, on peut aller encore plus loin que les mesures très concrètes du texte que sont le soutien à la French Tech, les labellisations et l’accompagnement constant de ces écosystèmes essentiels pour notre économie et nos territoires, j’y suis totalement favorable. Il en est de même pour l’innovation ouverte, qui me paraît de nature à encourager les start-up et les PME à aller plus loin, notamment grâce à des dispositifs de garantie ou d’aide.
Quant à la stratégie de l’État actionnaire, la doctrine en ce domaine a été présentée au début de l’année 2014 : ce projet de loi en traduit la double volonté de renouveler le cadre juridique, en proposant de ratifier l’ordonnance de modernisation qui permet à l’État d’aller plus vite, et de mieux s’organiser de manière très concrète, avec l’autorisation d’opérations spécifiques. Notre volonté est de pouvoir faire preuve d’une plus grande mobilité, c’est-à-dire de pouvoir redéployer du capital sur d’autres priorités – j’en ai cité quelques-unes, mais je pense que le débat sera l’occasion d’en définir d’autres. Je suis ainsi très ouvert à ce que l’on rationalise la politique de l’État actionnaire en matière énergétique, dans le numérique, dans la transition énergétique et dans le secteur industriel, afin de mieux utiliser le capital ; il y a là un vrai débat économique et politique.
Pour ce qui est des questions posées par Mme Véronique Louwagie, je ne reviendrai pas sur l’indemnisation, à laquelle j’ai déjà répondu. Quant au travail du dimanche, les dérogations évoquées concernent principalement le droit existant : ce que nous proposons, c’est de simplifier le régime grâce à un mécanisme d’accord, au niveau du territoire, de la branche ou de l’entreprise, comme condition de définition de l’ouverture nouvelle et des mécanismes de compensation.
Mme Monique Rabin a soulevé une question importante au sujet du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), une entreprise qui est l’un des fleurons français du secteur très sensible de la transfusion sanguine et de la recherche scientifique dans ce domaine, et qui entretient des relations privilégiées avec l’Établissement français du sang (EFS). Il ne s’agit en aucun cas de remettre en question le fonctionnement de cet écosystème. Peut-être le projet de loi n’est-il pas suffisamment clair sur ce point mais, en tout état de cause, il a uniquement pour objet d’inscrire le LFB dans le droit commun des participations publiques en ouvrant la possibilité à d’autres acteurs publics que l’État d’en être actionnaires – en particulier d’autoriser la Banque publique d’investissement (BPI) à le faire. En effet, notre volonté est d’aider le LFB dans son développement – je pense notamment à l’une de ses filiales, extrêmement compétitive, dédiée aux biotechnologies et basée aux États-Unis. Peut-être conviendra-il de modifier la rédaction du texte sur ce point afin que nos intentions apparaissent plus clairement.
Je conteste l’affirmation de M. Jean-Louis Costes selon laquelle certains secteurs d’activité joueraient le rôle de boucs émissaires : je n’ai jamais stigmatisé une profession et, en tout état de cause, ce n’est pas parce que l’on propose de réformer une profession qu’on la foule aux pieds – un tel principe paralyserait toute idée de réforme. Je suis catégorique : on ne saurait reprocher à cette réforme de prendre les notaires comme boucs émissaires.
Pour ce qui est des baisses de charges et de fiscalité, même si la politique économique ne se réduit pas à cela, je souligne qu’aucun gouvernement n’a porté, au cours des trente dernières années, un programme aussi ambitieux de baisse des charges visant à restaurer les marges des entreprises en faveur de l’investissement et de l’emploi, qui plus est dans un contexte de finances publiques dont on connaît les contraintes. Je m’étonne donc d’entendre des réflexions du genre de celles qui ont été faites, ce qui m’amène à m’interroger sur l’existence d’un problème plus vaste de compréhension de l’action aujourd’hui menée par le gouvernement.
En ce qui concerne l’ARAFER, j’entends votre point de vue, monsieur Savary, et je ne suis pas en désaccord sur les modalités de financement, au sujet desquelles j’ai apporté une précision calendaire. Je pense que les moyens supplémentaires devront et pourront être limités. Quant à votre question implicite, consistant à savoir si des taxations affectées – à tout le moins, l’idée d’un secteur finançant sa régulation – sont envisageables, elle devra être posée dans le cadre du débat.
Par ailleurs, je pense que donner un maximum de pouvoir à cette autorité de régulation est un élément important pour une meilleure régulation des contrats – sur ce point, j’ai établi une comparaison avec la CRE. On peut aller beaucoup plus loin que ce que le texte prévoit, en donnant la possibilité à l’ARAFER, sur la base de taux de rentabilité cible définis par les contrats, de réguler les aspects économiques de ces contrats, par exemple à travers des clauses de partage de profits à intervalles réguliers, sans que les équilibres contractuels se trouvent pour autant remis en cause et sans qu’il soit question de nationalisations.
Pour répondre à M. Philippe Gosselin, nous ne créons aucunement de nouvelles autorités. En ce qui concerne les concessions autoroutières, nous étendons les compétences d’une autorité existante, l’ARAFER. Pour ce qui est des professions réglementées, nous proposons de créer un collège de l’Autorité de la concurrence qui établira une cartographie et aura vocation à se substituer à de nombreuses commissions existantes, lesquelles disparaîtront puisque leur travail de cogestion des professions concernées ne repose pas sur une base objective – la garde des Sceaux et ses services continuant à jouer le rôle de garant in fine. Il s’agit donc plutôt d’une extension de la compétence d’une autorité existante et d’une rationalisation du paysage, plutôt que de la création d’une nouvelle autorité.
En ce qui concerne les ordonnances, je crois avoir répondu en disant que celles concernant les professions du droit peuvent être intégrées dans le texte. Certaines ordonnances se justifient lorsqu’elles ont pour objet de transcrire des dispositions européennes ou lorsqu’elles nécessitent une concertation avec les professionnels. Le recours aux ordonnances ne me paraît donc pas excessif.
Pour ce qui est des centres-villes, le texte a justement la préoccupation de donner plus de responsabilités aux élus locaux. De ce point de vue, il ne faut pas confondre les zones touristiques internationales (ZTI), qui ne concernent que certaines villes, dont Paris, et le reste de la France, où nous proposons de laisser la main aux décideurs politiques locaux qui joueront le rôle de régulateurs de l’ouverture dominicale. Dans ce domaine, une bonne régulation doit se faire sur le terrain. Les principes mêmes de la compensation prévus par le texte, qui renvoient à des accords de branche, d’entreprise ou de territoire, constituent la garantie d’une meilleure préservation des centres-villes : si nous avions des objectifs trop ambitieux – tels le doublement – en termes de compensation par la loi, les centres-villes seraient les premiers à être sacrifiés.
Enfin, pour ce qui est de l’absence d’élus ultramarins, je n’ai pas vocation à me substituer au président de cette commission. Je me bornerai à dire que, dans le cadre de la préparation de ce texte, j’ai constamment associé tous les élus ultramarins aux concertations qui ont eu lieu, car dans notre république, l’intérêt général est défendu par tous les députés.
M. le président François Brottes. Je rappelle que ce sont les présidents de groupe qui fournissent les noms des députés ayant fait acte de candidature au sein de leur propre groupe pour être membres de cette commission – le président de la commission est désigné par ses pairs comme ils l’ont été eux-mêmes, et n’a aucunement le pouvoir de présélectionner certains députés. Peut-être y a-t-il eu un problème au niveau des dépôts de candidature, cela reste à vérifier. En tout état de cause, il n’y a rien d’intentionnel dans aucun groupe.
M. Philippe Gosselin. Je n’ai jamais dit que c’était intentionnel, monsieur le président – et en tant qu’élus de la nation, nous n’en avons jamais douté. Cependant, l’équilibre géographique des territoires peut aussi avoir son importance.
M. le ministre. Je serai très vigilant à ce que l’intérêt des outre-mer soit pris en compte, et à ce que notre texte soit enrichi sur ce point par des éléments utiles à chaque fois que cela sera possible.
M. le président François Brottes. J’ajoute que nous avons voté, en début de législature, un texte contre la vie chère en outre-mer, qui peut, dans une certaine mesure, être vu comme la loi « croissance » des territoires d’outre-mer, dont la configuration économique n’est pas tout à fait celle de la métropole. Avec ce texte instaurant des régulations spécifiques et d’autres types de partenariat que ceux existant déjà, les ultramarins nous ont, en quelque sorte, devancés, ce qui fait qu’ils ont peut-être considéré que ce texte avait déjà répondu à un certain nombre de leurs attentes.
M. le ministre. À titre d’exemple, l’injonction structurelle de notre texte n’est autre qu’une extension du dispositif figurant dans la loi relative aux outre-mer. D’une manière générale, chaque territoire doit être envisagé dans ses spécificités propres, et nous devons trouver le bon levier pour chaque situation, ce qui implique de renvoyer à des accords de territoire à chaque fois que cela est possible, plutôt que d’élaborer une loi trop compliquée et assortie de codicilles : donner de la respiration à l’organisation territoriale me paraît relever d’une philosophie correspondant pleinement à l’objectif de simplification que nous partageons tous.
Nous sommes tout à fait disposés, madame Laclais, à intégrer au texte tout dispositif permettant d’aller plus loin dans le soutien aux business angels. Par ailleurs, les maires et les EPCI ont vocation à jouer un rôle essentiel dans la définition des ouvertures dominicales, sauf dans les zones touristiques internationales ; il ne saurait y avoir d’ouvertures supplémentaires sans accord d’entreprise, de branche ou de territoire. Exiger une nouvelle autorisation de la commune en ce qui concerne les zones touristiques représenterait, me semble-t-il, un facteur supplémentaire de complexité – étant précisé que l’élu conserve, en tout état de cause, la prérogative de proposer une ouverture le dimanche.
Mme Chantal Guittet. Il y a bien cinq ouvertures obligatoires ?
M. le ministre. Le texte permet effectivement aux maires d’autoriser le travail dominical, dans les commerces dont il choisit le positionnement, douze dimanches dans l’année, dont cinq de droit.
Monsieur Heinrich, je pense avoir répondu à vos inquiétudes relatives à la profession d’avocat en évoquant la postulation territoriale. Pour ce qui est de la libre installation, elle se fera dans les zones situées sous la moyenne, mais pas dans celles où il y a déjà suffisamment de notaires : elle ne sera donc pas un facteur de concentration ou de création de déserts notariaux ; idem pour les huissiers. En ce qui concerne l’ouverture des commerces le dimanche, l’initiative revient aujourd’hui aux maires et aux présidents d’EPCI pour les zones touristiques, et les communes concernées se verront demander leur avis avant que la décision ne soit prise s’agissant des zones touristiques internationales.
Enfin, vous soulevez la question importante du rôle de l’Autorité de la concurrence. Il s’agit simplement, dans le cadre du contrôle de légalité, d’un avis pouvant être demandé par le préfet ou par l’Autorité autosaisie sur les textes d’urbanisme mentionnés. J’insiste sur le fait que ce n’est qu’un avis destiné à éclairer le contrôle de légalité, dont l’existence se justifie par le caractère extraordinairement malthusien de certains textes d’urbanisme, qui ne permettent l’ouverture d’aucun nouveau commerce. Plutôt que de rouvrir le dossier bien connu des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) et de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), récemment traité par la loi, il a semblé préférable de mettre en œuvre un examen plus approfondi des documents d’urbanisme dans le strict respect de la libre administration des collectivités territoriales.
Monsieur Castaner, vous avez souligné l’importance du dialogue social, ce à quoi je souscris pleinement, notamment pour ce qui est des travaux du COPIESAS, qui nous permettront certainement d’améliorer notre texte. Vous avez également mentionné la compensation pour les commerces alimentaires, actuellement ouverts de droit jusqu’à 13 heures. Dans le cas général, la compensation n’est pas prévue par le texte, et elle n’est d’ailleurs pas souhaitée par les professionnels, souvent couverts par des accords de branche existant depuis très longtemps – car il est dans les gènes de ces professions, notamment les commerces de bouche, de travailler le dimanche – et prévoyant des compensations salariales de l’ordre de 1,2 ou 1,3. Étendre la compensation pourrait faire courir un risque économique à certaines entreprises. En tout état de cause, nous avons décidé de ne pas rouvrir ce dossier concernant des commerces très spécifiques. Peut-être jugerez-vous opportun, dans un objectif de simplification, de tout ramener à un accord de branche, d’entreprise ou de territoire, mais je précise que nous n’avons pas concerté sur ce point. Il a seulement donné lieu à des discussions avec Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, et l’ensemble des professionnels concernés, qui ont tous déclaré préférer en rester au statu quo.
M. Francis Vercamer a fait au texte le reproche d’un manque de cohérence, ce que je ne peux accepter. Ce qui est proposé avec la réforme du conseiller prud’homal n’est qu’un élément de représentation et de simplification : la suppression des élections constitue une réforme de structure complémentaire. Sur l’inspection du travail, c’est le même texte qui servira de base à la concertation.
Pour ce qui est du travail du dimanche, je n’ai pas d’élément de réponse au sujet des aspects transfrontaliers. La diversité des situations évoquée par M. Francis Vercamer me conforte dans l’idée qu’il faut donner plus de flexibilité aux territoires : en effet, une commune frontalière peut avoir, contrairement à des communes situées en d’autres points du territoire, un intérêt à passer de cinq à douze dimanches d’ouverture. J’y vois un exemple concret du besoin de respiration territoriale pour ce qui est de l’ouverture le dimanche, et de notre volonté de donner le maximum de latitude aux élus locaux, hormis dans les zones touristiques internationales, dont le périmètre est toutefois extrêmement réduit.
Vous avez raison, madame Capdevielle, d’évoquer la question des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dont le projet de loi ne fait pas mention, mais au sujet de laquelle le rapport de Mme Cécile Untermaier apporte des éléments de réflexion. Il me semble que cette commission doit se saisir de la question et s’interroger sur les voies et moyens de moderniser cette profession de manière méritocratique, conformément à l’objectif poursuivi par l’ensemble des réformes que nous entendons mener au moyen de ce projet de loi. Il est important de le faire en préservant la qualité des avis rendus et, sur ce point, je reste ouvert à vos suggestions.
Pour ce qui est des bureaux secondaires, je pense qu’il faut prévoir une simple déclaration avec contrôle a posteriori du bureau local sur la réalité de l’activité, afin d’éviter les avocats hors sol. Il est important de faciliter l’installation de ces bureaux afin de prendre en compte le maillage territorial, ce qui passe par une inscription dans le texte.
Deux voies sont envisageables pour la réforme des prud’hommes. La première consiste à croire en la phase de conciliation et à lui donner le plus de substance possible, en accroissant les conditions de motivation et en déjudiciarisant cette phase autant que faire se peut, afin d’éviter que ce qui est dit durant la conciliation puisse être retenu contre les parties ultérieurement. Cette façon de procéder – celle que nous avons choisie, sans peut-être aller suffisamment loin – est fondée sur le paritarisme, puisque le bureau de conciliation est une structure paritaire. La deuxième consiste à supprimer la phase de conciliation et équivaut à un constat d’échec, puisque ce faisant, on renonce à un principe se trouvant au cœur même de la justice prud’homale. Elle entraîne une confrontation à une logique de moyens, car on s’oriente alors beaucoup plus vite vers le juge départiteur, ce qui implique de recourir à des juges professionnels – je n’irai pas jusqu’à parler d’échevinage, mais chacun aura compris ce que je veux dire.
Je suis très favorable à ce que nous ayons des discussions techniques approfondies sur cette question pour déterminer quelle solution est préférable en termes d’efficacité mais aussi de philosophie, afin de préserver le principe de paritarisme et de limiter les contraintes et incidences sur les finances publiques. On peut toujours se faire plaisir en instaurant des délais courts dans les textes de loi, mais cela ne sert à rien si l’on ne crée pas ensuite les postes de magistrats permettant de les respecter. Je partage vos aspirations et suis bien conscient des limites du texte, qui n’y répond qu’imparfaitement mais, en tout état de cause, nous aurons à choisir entre ces deux solutions inspirées de deux philosophies distinctes.
Pour ce qui est du sujet important qu’est le sort de Nexter, je veux d’abord dire, monsieur Vitel, que ce n’est pas une privatisation qui est envisagée, mais une ouverture de capital en vue d’un rapprochement avec l’entreprise allemande KMW. Nous avons choisi d’inscrire cette opération dans le texte qui vous est soumis pour mettre fin à un mouvement circulaire qui se poursuit depuis plusieurs mois : faute de dispositif légal adapté, les Allemands nous reprochent de ne pas être en situation d’avancer ; quant à notre entreprise française, elle ne parvient pas, à elle seule, à faire progresser les négociations. Je suis parfaitement conscient des réticences de mon homologue allemand, Sigmar Gabriel, au sujet des exportations d’armes, et des discussions politiques et techniques sont en cours entre nos pays respectifs afin de trouver des réponses. Si, aujourd’hui, les Allemands ne changent pas leur attitude de repli, même en deçà des textes des accords Debré-Schmidt, nous aurions un problème non seulement pour le rapprochement entre Nexter et KMW, mais aussi pour certaines activités d’EADS.
Au-delà des sensibilités politiques, chacun est parfaitement conscient de la nécessité de trouver une sortie par le haut, et l’ouverture de capital qui est proposée est l’une des conditions nécessaires pour cela. Enfin, les syndicats verront leurs préoccupations parfaitement prises en compte : comme c’est souvent le cas lors de telles opérations de rapprochement, on crée une holding – la plupart du temps basée aux Pays-Bas pour des raisons de gouvernance ; c’est ce qui a été fait notamment pour EADS et pour l’alliance Renault-Nissan. Cela dit, les structures opérationnelles ne seront en aucun cas vidées de leur contenu, et nous devons d’ailleurs attendre de voir comment les opérations se déroulent : en l’état actuel, nous sommes très loin de disposer d’une solution réglant l’ensemble du problème. Notre première préoccupation doit être de permettre l’ouverture du capital, de mettre en place une vraie négociation, actuellement très loin d’aboutir, sur nos valeurs communes, ainsi qu’une discussion sur les accords Debré-Schmidt – purger cette question est pour nous une condition essentielle à la poursuite du processus de rapprochement.
Madame Dumas, vous avez évoqué les associations, un sujet important, comme je l’ai dit dans le cadre de l’examen de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Sur ce point, notre texte peut et doit être enrichi, car les associations représentent un levier d’activité participant pleinement à l’activité et à la croissance du pays ; elles sont souvent aussi, et de plus en plus fréquemment, un élément de transition dans la carrière des salariés. Il convient donc de déverrouiller les accès aux associations, et je suis tout à fait favorable à ce que l’on puisse enrichir le texte de dispositions sur ce point.
Madame Guittet, j’ai pris note de votre scepticisme et de vos interrogations. Pour ce qui est des lignes d’autocar, j’ai envie de vous donner ce simple conseil : ne vous compliquez pas la vie ! Il n’y a pas à craindre que l’on réduise le service public des lignes d’autocar, puisqu’il n’existe pas à l’heure actuelle – sauf dans le cadre de certains groupements mis en place par des collectivités locales. Ce que nous proposons, c’est simplement d’ouvrir ce secteur. Il y aura des lignes rentables – ce qui est une bonne chose, car l’exploitation d’une affaire rentable, c’est le principe même de l’économie –, qui vont permettre de créer de l’activité, donc de l’emploi, dans le secteur marchand. Les lignes ne seront pas rentables partout et, là où elles ne le seront pas, la question se posera de savoir s’il est opportun de les créer tout de même au moyen de subventions publiques. De même, quand les investissements nécessaires n’auront pas été réalisés, il faudra se demander s’il n’est pas plus judicieux pour la collectivité et l’argent public d’aider à la création d’une ligne d’autocar plutôt qu’à celle d’une ligne de train. En tout état de cause, nous protégerons d’une concurrence sauvage des autocars les lignes de train ayant bénéficié d’investissements compensés – c’est l’objet de l’avis préalable de l’Autorité de régulation pour l’ouverture infrarégionale. Pour le reste, de grâce, laissons respirer l’activité en permettant l’émergence de nouveaux modes de transport et de nouvelles formes d’activité !
Pour ce qui est des travailleurs détachés, nous sommes tout à fait d’accord. Sur ce point, les dispositions du texte sont celles que vous aviez déjà travaillées et qui n’avaient pas pu être intégrées aux précédents textes : on reprend quasiment mot pour mot ce qui se trouvait dans votre rapport, en renforçant les conditions de sanction. La carte dans le BTP, préparée par François Rebsamen et annoncée par le Premier ministre, répond à une demande forte du secteur du bâtiment. Les plus grandes entreprises de travaux publics sont réticentes en raison des contraintes qu’un tel dispositif entraîne au niveau européen, mais il s’agit là d’un élément de régulation fortement souhaité. Pour ce qui est des décrets d’application, je n’étais pas informé du problème que vous soulevez, mais je vais me renseigner.
En ce qui concerne le travail dominical, là encore, n’ayez pas peur des libertés que nous proposons d’introduire. Cette loi n’obligera pas les maires à ouvrir douze dimanches par an, ni les commerces à ouvrir tous les dimanches, pas plus qu’elle n’enchaînera les Français à des chariots de supermarché : ce n’est pas le projet de société que nous soutenons. Notre texte donne l’opportunité aux maires d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, à des salariés de travailler le dimanche en bénéficiant d’une compensation, et aux Français, qui consomment déjà le dimanche, de le faire encore plus s’ils le souhaitent. La société du choix, c’est aussi la société de l’émancipation, et c’est le projet de société que nous devons porter.
Je pense avoir répondu à toutes les questions qui m’ont été posées, monsieur le président.
M. le président François Brottes. À l’issue de trois heures quarante d’audition, vous avez effectivement répondu à toutes les questions avec une grande minutie, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Notre commission spéciale se réunira à nouveau le 12 janvier prochain. Entre-temps, le rapporteur général et l’ensemble des rapporteurs thématiques inviteront nos collègues à des auditions portant sur différents thèmes.
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Lors de ses 19 réunions du lundi 12 au dimanche 18 janvier 2015, la Commission spéciale a examiné, sur le rapport de M. Richard Ferrand, le projet de loi pour la croissance et l’activité (n°2447).
M. le président François Brottes. Chers collègues, cette commission spéciale commence ses travaux dans un contexte dramatique pour notre pays et pour le monde. Lors de la journée de deuil, la semaine dernière, l’Assemblée nationale réunie autour du président Claude Bartolone a rendu hommage aux victimes des attentats.
Je vous présente mes vœux de bonne année en souhaitant que les travaux de cette commission – dont les sujets, relatifs à la vie quotidienne, intéressent l’ensemble de nos concitoyens – se montrent à la hauteur des enjeux, au terme d’un débat responsable et serein. Le chantier est considérable ; aussi, afin de traiter l’ensemble des articles du texte, nous faudra-t-il doser nos échanges sans toutefois escamoter les confrontations. Je souhaite la bienvenue à M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique ; lors de l’examen du projet de loi en séance, ses collègues seront éventuellement présents à ses côtés, mais c’est lui seul qui accompagnera l’intégralité de nos travaux en commission – qui, rappelons-le, seront retransmis en direct par la chaîne de l’Assemblée nationale. Enfin, je salue le travail réalisé par le rapporteur général et les rapporteurs thématiques qui ont mené, depuis l’installation de la Commission, plus de 80 auditions.
Sur les 1 758 amendements déclarés recevables, 38 émanent du Gouvernement, 408 – dont les deux tiers sont rédactionnels – des rapporteurs, 195 du groupe SRC, 625 du groupe UMP, 165 du groupe UDI, 164 du groupe écologiste, 93 du groupe RRDP et 70 du groupe GDR. Il y a 791 amendements sur le titre I, 532 sur le titre II, 428 sur le titre III, et 7 amendements sur le titre IV et le titre du projet de loi. Les deux tiers des amendements n’ont été déposés qu’une fois. On dénombre 237 amendements de suppression d’article – qui généralement ne justifient pas d’un long exposé –, et seuls quatre articles du projet de loi ne font l’objet d’aucun amendement.
Pour organiser au mieux nos débats, les services ont déplacé une centaine d’amendements portant articles additionnels afin de regrouper ceux qui abordent des sujets voisins, de les mettre à l’endroit du texte le plus logique et de les affecter au rapporteur thématique le plus pertinent. Ainsi, les amendements qui concernent les autoroutes ont été placés après l’article 5 – sauf les deux qui prévoient la dénonciation des concessions, mis avant cet article. Les amendements touchant de près ou de loin à des problèmes de consommateurs – y compris aux relations avec les banques – se trouvent après l’article 11. Ceux qui se rapportent au financement des entreprises et visent à modifier le code général des impôts sont placés après l’article 35. Ceux qui concernent le financement des entreprises et modifient d’autres textes, après l’article 40. Les amendements relatifs à l’épargne salariale qui tendent à modifier le code de la sécurité sociale ou le code monétaire et financier sont positionnés avant l’article 36. Ceux qui touchent à l’organisation des entreprises se trouvent après l’article 58, et ceux qui se rapportent davantage à la vie des entreprises, après l’article 64. Les amendements concernant le dialogue social dans l’entreprise et la problématique Florange ont été placés après l’article 91 – dont les deux relatifs aux seuils sociaux que M. Jean-Charles Taugourdeau avait un peu audacieusement placés avant l’article 1er. Enfin, ceux qui touchent aux autres domaines sociaux tels que le temps de travail ou la formation sont mis après l’article 94.
J’ai appliqué la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel selon laquelle une demande d’habilitation à légiférer par ordonnances ne peut émaner que du Gouvernement. J’ai donc déclaré irrecevables une vingtaine d’amendements qui soit procédaient à l’extension d’une des habilitations demandées, soit en créaient de nouvelles, alors que bien souvent leurs auteurs dénonçaient par ailleurs le nombre trop élevé d’habilitations dans le projet de loi.
Enfin, j’ai saisi le président de la commission des finances de 71 amendements qui me semblaient soulever des questions de recevabilité financière. Le président Gilles Carrez – dont j’ai, comme à l’accoutumée, scrupuleusement suivi l’avis – a jugé irrecevables 41 d’entre eux : les SPE863 de M. Pancher, SPE523 de M. Bricout, SPE770 de M. Huet, SPE1113 et SPE1107 de M. Huyghe, SPE148, SPE329 et SPE161 de M. Houillon, SPE345 de M. Hetzel, SPE182 de M. Houillon, SPE812, SPE815 et SPE828 de M. Huet, SPE678 de M. Saddier, SPE371 et SPE373 de M. Hetzel, SPE1482 M. Decool, SPE492 de M. Tetart, SPE864 de M. Leroy, SPE409 de M. Hetzel, SPE765 de Mme Le Dain, SPE1094 du Rapporteur général, SPE1227 de Mme Berger, SPE809 de M. Hetzel, SPE475 de M. Taugourdeau, SPE736 de M. Caullet, SPE1222 de M. Letchimy, SPE1244, SPE1357 et SPE1429 de M. Fromantin, SPE1030 de M. Fromantin, SPE1075 de M. Fromantin, SPE535 de M. Bonnot, SPE132 de M. Cherpion, SPE467 de M. Hetzel, SPE575 de M. Vercamer, SPE948 de Mme Fraysse, SPE995 de M. Blein, SPE1681 de M. Brottes, SPE1328 et SPE1329 de M. Lambert.
L’audition du ministre – qui a duré plus de quatre heures et où aucune question n’avait été empêchée ou laissée sans réponse – a servi de discussion générale. Par conséquent, après les interventions de ceux de nos collègues qui ont demandé la parole, nous aborderons directement la discussion des amendements.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je tiens à remercier M. le ministre de s’être engagé à participer à l’ensemble des débats. Monsieur le président, plusieurs représentants des groupes vous ont appelé à émettre une protestation quant au temps très limité dont nous disposons pour examiner le texte ; visiblement, notre demande n’a pas réellement été prise en compte !
M. Marc Dolez. Cinq des six groupes de notre assemblée avaient officiellement demandé d’échelonner nos travaux sur deux semaines au moins, afin d’éviter les cadences infernales ; le groupe GDR déplore que ce souhait n’ait pas été pris en considération. Ne pas permettre au Parlement de travailler dans des conditions raisonnables dénote un manque de respect pour notre institution.
Si je me félicite de la participation de M. Emmanuel Macron à l’intégralité de nos travaux, je regrette que le Gouvernement n’ait pas autorisé d’autres ministres à le rejoindre, alors que c’est sur la base du texte qui sera adopté en commission que les débats s’engageront dans l’hémicycle. Il est en particulier dommage que madame la garde des Sceaux ne soit pas présente lors du débat sur la réforme des professions juridiques réglementées.
Enfin, monsieur le président, pour faciliter le dépôt des amendements dans le cadre de l’article 88, il serait préférable de ne pas attendre la fin de nos débats pour mettre en ligne le texte du projet de loi, mais de le faire au fur et à mesure. En effet, le délai entre la fin des travaux de commission et la date retenue pour déposer les amendements est particulièrement restreint.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il serait intéressant de pouvoir nous servir du dispositif ELIASSE qui permet de suivre les débats sur iPad – solution pratique et moderne.
M. le président François Brottes. Je salue votre modernité, mais ne peux pour l’heure vous garantir, à défaut d’ELIASSE, que l’accès à une liasse ! (Sourires.)
J’ai bien entendu transmis vos préoccupations au Gouvernement, en précisant que nos travaux, au vu du nombre d’amendements éligibles au débat, risquaient de ne pas aboutir avant la fin de la semaine. Pour autant, ne comptez pas sur moi pour court-circuiter nos débats en commission au prétexte de cette échéance ; tous les amendements – dont très peu sont identiques – doivent pouvoir être discutés. Mais il faut aussi, au nom du respect du travail parlementaire, permettre à tous ceux qui le souhaitent de déposer des amendements en vue de la séance. Ne perdons donc pas de temps à nous dire qu’il en manque et avançons !
M. Emmanuel Macron garantit la cohérence du projet de loi au niveau gouvernemental. Si d’autres ministres avaient défilé en commission, on aurait pu reprocher au texte de juxtaposer plusieurs projets distincts. En tout état de cause, le débat en séance permettra d’apporter des compléments sur différentes thématiques.
Monsieur Marc Dolez, mettre le texte en ligne au fur et à mesure me paraît risqué car il s’agirait d’une version provisoire appelée à changer. Ainsi, par exemple, le titre de la loi – qui ouvre toute publication – sera étudié en dernier. Il faudra donc attendre 24 à 48 heures après la fin de nos travaux en commission pour retrouver le texte intégral en ligne.
M. Patrick Hetzel. La semaine dernière, le Gouvernement a déposé une centaine d’amendements dont la moitié a ensuite été retirée. Pourquoi ces retraits ? Le fait qu’il reste encore une petite cinquantaine d’amendements gouvernementaux montre au demeurant que le texte nous a été présenté avec une certaine précipitation.
M. Jean-Louis Roumegas. Le groupe écologiste est également en profond désaccord avec la méthode employée. Aujourd’hui encore, des amendements ont été déposés par le Gouvernement ; il est impossible de travailler sérieusement dans ces conditions, tant en commission que dans l’hémicycle où, en cinquante heures, il nous faudra réformer le code des transports, le code du logement, le droit de l’environnement et les professions réglementées ! Dans ce contexte, les auditions et le débat avec la société ne peuvent pas non plus se dérouler sereinement et les professionnels concernés par le texte que j’ai pu rencontrer dénoncent tous l’absence du dialogue. Pourtant le projet de loi porte sur des questions fondamentales ; loin de se réduire à de petites réformes, il vient bousculer des équilibres profonds qui avaient été âprement négociés dans le passé. Cette loi fait penser à un éléphant dans un magasin de porcelaine ; dans les conditions actuelles, je m’inquiète du résultat de nos débats.
M. Marc Dolez. Si nos travaux se terminent le 18 janvier au soir et que le Gouvernement maintient le début du débat en hémicycle le 26 janvier, nous ne disposerons que de 24 à 36 heures entre la mise en ligne du texte et le dépôt des amendements – conditions de travail déplorables ! Retarder de huit jours le débat en séance permettrait de régler le problème sans toucher au calendrier des travaux en commission.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je présente à toutes et à tous mes meilleurs vœux pour l’année qui commence et pour l’aventure qui nous réunit. Je remercie le président de la Commission, le rapporteur général et les rapporteurs thématiques pour le travail qu’ils ont réalisé – notamment durant la période de fêtes – et qui a d’ores et déjà permis d’enrichir et d’améliorer le texte.
Monsieur Jean-Louis Roumegas, la concertation avec les différentes professions a été conduite par le Gouvernement – notamment par Mme Christiane Taubira et moi-même –, mais également par plusieurs parlementaires tels que M. Richard Ferrand dans le cadre de son rapport et Mme Cécile Untermaier dans le cadre de la mission parlementaire qu’elle avait présidée. Vice-présidée par M. Philippe Houillon, cette mission – qui avait réuni plusieurs députés – a permis de longuement auditionner les professionnels concernés. Ces travaux collectifs fournissent une base pour un débat constructif.
La Commission en vient à l’examen des articles.
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Article premier
(art. L. 2131-1, L. 2131-2, L. 2132-1, L. 2132-4, L. 2132-5, L. 2132-7, L. 2132-8,
L. 2135-1, L. 2135-2, L. 2135-3, L. 2135-7, L. 2135-13, L. 2331-1 et L. 2341-1
du code des transports)
Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER)
I. L’ÉTAT DU DROIT
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) a été créée en application de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports. L’ARAF constitue l’« organisme de contrôle » indépendant des gestionnaires d’infrastructure, des organismes de tarification, des organismes de répartition et des candidats, sur le plan organisationnel, juridique et décisionnel, prévu par l’article 30 de la directive 2001/14/CE du 26 février 2011 concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.
Conformément à cette directive, l’ARAF peut être saisie par toute personne ou entité habilitée à candidater pour l’attribution de capacités de l’infrastructure ferroviaire, lorsque cette personne ou entité estime faire l’objet d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou d’un autre préjudice par un gestionnaire d’infrastructure ou une entreprise ferroviaire.
La loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a considérablement renforcé le rôle de l’ARAF et étendu son champ de compétence, a modifié la composition du collège de l’Autorité et a créé une commission des sanctions distincte du collège.
A. LES COMPÉTENCES ET LES POUVOIRS DE L’ARAF
L’ARAF assure une mission générale d’observation des conditions d’accès au réseau ferroviaire et s’assure de la cohérence des dispositions économiques, contractuelles et techniques mises en œuvre par les gestionnaires d’infrastructure et les entreprises ferroviaires avec leurs contraintes propres. Elle peut, après avoir procédé aux consultations appropriées, faire toute recommandation relative au fonctionnement du secteur, à l’égard du Gouvernement comme des acteurs du secteur (article L. 2131-3 du code des transports). L’action de l’ARAF consiste essentiellement à veiller à ce que les différentes entreprises ferroviaires accèdent, de manière équitable et non discriminatoire, au réseau ferroviaire, aux gares, aux infrastructures de service et aux prestations associées (article L. 2131-4).
L’ARAF émet des avis sur les dispositions régissant le fonctionnement du secteur ferroviaire. Ces avis portent notamment sur :
– les projets de textes réglementaires relatifs à l’accès au réseau ferroviaire, à la conception, la réalisation et l’utilisation des infrastructures et des matériels de transport ferroviaire (article L. 2133-8) ;
– le document de référence du réseau (DRR), qui rassemble l’ensemble des « règles du jeu » économiques, techniques et administratives pour l’accès aux différents réseaux (article L. 2133-6) ;
– les redevances d’infrastructure (péages) acquittées par les entreprises ferroviaires pour utiliser le réseau ferroviaire ; ces redevances ne peuvent entrer en vigueur qu’après un avis conforme de l’ARAF au regard des principes et des règles de tarification tels qu’ils résultent notamment de la législation (article L. 2133-5) ;
– la nomination ou la cessation anticipée des fonctions du directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations qui, actuellement au sein de la SNCF, assure ces fonctions pour le compte de RFF (article L. 2133-9).
L’ARAF est chargée du règlement des différends qui peuvent apparaître à l’occasion de l’exercice du droit d’accès au réseau et aux prestations associées, notamment entre les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure (article L. 2134-2). L’ARAF doit également émettre un avis sur les décisions de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) qui seraient jugées discriminatoires par un acteur (article L. 2134-1).
Pour lui permettre d’assurer ses missions pleinement, l’ARAF dispose de larges pouvoirs, octroyés par la loi :
– des pouvoirs d’investigation étendus, notamment en matière d’accès aux comptes ; à cet effet, les agents assermentés de l’Autorité peuvent recueillir des informations, procéder à des enquêtes, des contrôles et des saisies et constater par procès-verbal des infractions entrant dans le champ d’application des compétences de l’Autorité ;
– un pouvoir réglementaire supplétif (article L. 2131-7) permettant de préciser les dispositions régissant les conditions de raccordement au réseau ferroviaire, les conditions techniques et administratives d’accès au réseau et de son utilisation, les conditions d’accès aux services présentant un caractère de fonctionnalités essentielles et leurs conditions d’utilisation, les périmètres de chacune des activités comptablement séparées au sein de l’opérateur historique, les règles d’imputation comptable qui leur sont appliquées et les principes déterminant les relations financières entre ces activités ;
– des pouvoirs de sanction des manquements constatés, soit à l’occasion d’une saisine, soit à sa propre initiative.
L’ARAF établit chaque année un rapport d’activité, comportant des recommandations, qui est adressé au Gouvernement et au Parlement (article L. 2131-2)
B. LES INSTANCES DE L’ARAF
1. Le collège
Le collège de l’ARAF exerce toutes les attributions de l’Autorité, sauf le pouvoir de sanction. Il est composé de sept membres, dont un président et deux vice-présidents, nommés par décret. Le président et les deux vice-présidents exercent leurs fonctions à plein temps. Les deux vice-présidents sont choisis respectivement par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat.
Ces sept membres sont choisis « en raison de leurs compétences économiques [au moins un membre], juridiques [au moins un membre] ou techniques dans le domaine ferroviaire, ou pour leur expertise en matière de concurrence, notamment dans le domaine des industries de réseau » (articles L. 2132-1 et L. 2132-7 du code des transports). Leur mandat de six ans est non renouvelable, ce qui constitue une garantie d’indépendance, d’autant qu’il n’est pas révocable. D’autres garanties d’indépendance et d’impartialité résultent de l’article L. 2132-8 relatif aux incompatibilités applicables aux membres du collège, qui leur interdit notamment la détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans le secteur ferroviaire.
2. La commission des sanctions
Créée par la loi du 4 août 2014 précitée, la commission des sanctions est composée de trois magistrats (article L. 2132-8-2), dont le mandat est de six ans et qui ne peuvent pas être également membres du collège. Cette commission peut prononcer des sanctions administratives pour sanctionner les manquements qu’elle constate de la part d’un gestionnaire d’infrastructure, d’une entreprise ferroviaire ou de la SNCF. La procédure et la liste des sanctions sont définies aux articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du code des transports. Les dispositions créant la commission des sanctions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2015.
C. UNE COOPÉRATION AVEC L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE ET LES JURIDICTIONS
Les articles L. 2135-13 à L. 2135-17 prévoient que l’ARAF saisit l’Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles dont elle a connaissance dans le secteur ferroviaire, communique à cette Autorité toute saisine entrant dans le champ des compétences de celle-ci, et peut consulter l’Autorité de la concurrence sur toute question relative au secteur ferroviaire. L’ARAF peut elle-même être consultée par les juridictions sur les affaires dont elles sont saisies et qui relèvent de sa compétence. L’ARAF saisit le procureur de la République lorsqu’elle a connaissance de faits de nature à justifier de poursuites pénales.
D. LES RESSOURCES DE L’ARAF
L’ARAF dispose de l’autonomie financière. Elle perçoit le produit d’un « droit fixe » institué par l’article L. 2132-13 du code des transports, ainsi que, le cas échéant, des « rémunérations pour services rendus » (article L. 2132-12). Le « droit fixe » qui constitue sa recette spécifique est dû par les entreprises ferroviaires. Le montant de ce droit est fixé par les ministres chargés des transports et du budget, en proportion du montant des redevances que les entreprises ferroviaires versent à Réseau Ferré de France pour l’usage du réseau ferroviaire (péages). Le produit de ce droit affecté à l’ARAF, ainsi que le nombre d’emplois constituant les services de l’Autorité, sont plafonnés par les lois de finances. Pour 2012 et 2013, le plafond était fixé à 11 millions d’euros, l’excédent étant versé à l’État. Au 31 décembre 2013, les services de l’Autorité comptaient 36 agents.
En 2010, année de création de l’Autorité, celle-ci a perçu des ressources correspondant à une année d’exercice plein, alors qu’elle n’a réellement commencé à fonctionner que pendant les derniers mois. Il en est résulté un résultat excédentaire d’environ 9 millions d’euros fin 2010. Depuis lors, la montée en charge progressive de l’Autorité a réduit le résultat annuel, qui reste toutefois largement positif. L’ARAF disposait ainsi en 2013 d’un fonds de roulement d’environ 22,4 millions d’euros. Par conséquent, le droit fixe perçu sur les entreprises ferroviaires n’a pas été affecté à l’ARAF en 2014, sur proposition de l’Autorité elle-même.
II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Il est proposé de transformer l’ARAF en « Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) », en étendant le champ d’activité de ce régulateur à deux nouveaux secteurs : les « services réguliers non urbains de transport routier de personnes » et les autoroutes.
L’article premier du projet de loi prévoit l’habilitation du Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, au changement de dénomination du régulateur dans l’ensemble des textes en vigueur, et comporte diverses mesures de coordination pour intégrer cette extension du champ d’action dans les articles du code des transports relatifs :
– au rapport annuel d’activité de l’Autorité : le rapport annuel prévu à l’article L. 2131-2 ne portera plus désormais que sur le volet « ferroviaire » de son activité ;
– aux compétences des membres du collège (modification des articles L. 2132-1 et L. 2132-7) ;
– aux incompatibilités entre le mandat de ces membres et l’exercice d’activité ou la détention d’intérêts dans le secteur d’activité ainsi étendu (modification des articles L. 2132-5 et L. 2132-8) ;
– aux catégories d’entreprises soumises au contrôle de l’Autorité, pour y inclure les entreprises de transport public routier de personnes et les sociétés concessionnaires d’autoroutes (modification des articles L. 2135-2 et L. 2135-3) ;
– et aux cas dans lesquels il appartient à l’Autorité de saisir l’Autorité de la concurrence, ainsi que les affaires sur lesquelles celle-ci peut être consultée par l’ARAFER (modification de l’article L. 2135-13).
Il convient de noter :
– que les nouvelles compétences de l’Autorité en ce qui concerne le transport par autocars sont intégrées à l’article 2 du projet de loi, qui crée les articles L. 3111-17 à L. 3111-25 du code des transports conférant à la nouvelle ARAFER un pouvoir consultatif, un pouvoir de décision (par avis conforme), des pouvoirs d’investigation et l’obligation de présentation d’un rapport annuel portant sur les services de transport routier de personnes librement organisés ;
– que l’article 4 du projet de loi, relatif au régime juridique des gares routières de voyageurs, prévoit de conférer à l’ARAFER une compétence de réglementation et de contrôle en la matière ;
– que c’est par l’article 5 du projet de loi (et dans le code de la voirie routière) que sont introduites les dispositions relatives à la régulation, par l’ARAFER, des péages autoroutiers et des marchés passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
III. LA POSITION DU RAPPORTEUR THÉMATIQUE
Le rapporteur thématique souscrit à la démarche d’extension de la compétence du régulateur au-delà du seul mode ferroviaire, considérant qu’il est légitime qu’un régulateur « multimodal » soit créé dans le domaine des transports et que cette extension de compétence implique une reconnaissance de la qualité du travail de l’actuelle ARAF.
Il relève cependant que le projet de loi n’assortit pas cet accroissement, considérable, de l’activité de l’Autorité, d’une diversification correspondante des moyens de celle-ci. Or il est indispensable, d’une part, de faire contribuer les entreprises de transport routier de personnes et les entreprises concessionnaires d’autoroutes au financement de leur régulateur comme le font les entreprises ferroviaires, et, d’autre part, de donner à l’ARAFER les moyens de remplir effectivement ses nouvelles missions.
IV. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
La commission spéciale a adopté un amendement demandant au Gouvernement de présenter, deux ans après la promulgation de la loi, un rapport évaluant l’opportunité d’élargir le champ de compétence de l’ARAFER en y incluant le transport fluvial.
Elle a également adopté, s’agissant du fonctionnement de l’ARAFER, un amendement organisant l’exercice des fonctions de président du collège en cas de vacance ou d’empêchement, et un amendement des rapporteurs étendant aux nouveaux secteurs régulés le dispositif existant de sanctions administratives que l’ARAF peut prononcer.
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La Commission est saisie de l’amendement SPE862 de M. Bertrand Pancher.
M. Michel Zumkeller. En juin dernier, lors de l’examen du projet de loi portant réforme ferroviaire, les pouvoirs de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) ont été considérablement renforcés – mesure que nous avons saluée. Nous sommes heureux de constater que le champ de compétences de cet organisme, désormais dénommé Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), sera élargi aux infrastructures de transport terrestre, mais souhaitons également y ajouter l’activité de régulation fluviale.
M. le ministre. Le projet de loi franchit déjà une étape importante en matière d’intermodalité en étendant les compétences de l’ARAF au transport routier ; il nous paraît plus prudent de nous y limiter dans un premier temps, mais le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Eu égard à l’inflexion actuellement donnée aux politiques de transport – restées excessivement modales pendant de nombreuses décennies –, la mesure nous semble aller dans le bon sens. Avis favorable.
M. Richard Ferrand, rapporteur général. Également favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement SPE1263 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Cet amendement s’intéresse à l’État en tant qu’autorité organisatrice de transports (AOT) et aux trains d’équilibre du territoire (TET), difficiles à financer, dont les perspectives sont actuellement évaluées dans le cadre d’une mission confiée à notre collègue M. Philippe Duron, député du Calvados. Nous proposons que le règlement européen « Obligations de service public » (OSP) entré en vigueur le 3 décembre 2009, qui s’applique à toutes les AOT, soit mis à profit pour permettre à l’État de mener des expérimentations en confiant l’exploitation des lignes TET à toute entreprise ferroviaire détentrice d’une licence ferroviaire en France. Le niveau de dysfonctionnement sur ces lignes atteint actuellement des sommets : sur celle que je prends toutes les semaines, les trains de nuit n’arrivent que le lendemain soir ; le confort et l’innovation laissent également à désirer. Si l’on n’agit pas, on risque à terme de voir ce service ferroviaire longue distance abandonné par manque de voyageurs.
M. le président François Brottes. Je fais miens les arguments de M. Joël Giraud.
M. le ministre. Les débats sur la réforme ferroviaire ont montré qu’il s’agissait d’un sujet sensible. La date d’ouverture de ce secteur à la concurrence fait l’objet de négociations au niveau communautaire ; dans le projet de quatrième « paquet ferroviaire », elle est fixée à 2019. Vous proposez d’anticiper, mais le Gouvernement préfère, à ce stade, privilégier la stabilité du cadre juridique national. Avis défavorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Si j’adhère intellectuellement à cette idée depuis plusieurs années, je considère que les conditions pour la traduire dans les faits ne sont pas réunies. D’une part, M. Philippe Duron travaille actuellement sur le sujet et élargit son spectre d’investigation et d’étude – et donc de préconisation – aux trains express régionaux (TER) dont le cadre sera renouvelé. D’autre part, nous nous apprêtons à engager une négociation sociale de grande importance au sein du groupe SNCF et de la filière ferroviaire ; cette première convention collective s’inscrit clairement dans l’ouverture à la concurrence mais il est inutile d’en perturber la mise en œuvre par des décisions hâtives.
M. le rapporteur général. Même avis.
M. Joël Giraud. Je maintiens toutefois mon amendement. Alors que l’ouverture à la concurrence est prévue pour 2019 et que la mission Duron doit rendre ses préconisations dans le courant de l’année 2015, les contrats des TET s’arrêtent en 2016. Anticiper au travers d’une expérimentation éclairerait le débat.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel SPE41 rectifié du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
La Commission étudie ensuite les amendements identiques SPE220 de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE303 de M. Patrick Hetzel.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP ne se lasse pas de constater la rapidité et la profondeur de la conversion de la gauche française à la pratique des ordonnances. Ce texte le confirme à nouveau : dix-sept articles prévoient jusqu’à cinquante-six ordonnances, portant sur trente dispositions génériques dont certaines importantes. De surcroît, monsieur le ministre, vous avez déclaré que certaines ordonnances étaient d’ores et déjà prêtes – et pourraient, par conséquent, être soumises au débat parlementaire. C’est pourquoi le groupe UMP dépose une protestation de principe à chaque fois qu’il rencontre le mot « ordonnance » dans le texte.
Par ailleurs, l’étude d’impact note que l’on décidera, le moment venu, de la manière de financer la nouvelle instance prévue à l’article 1er. Faut-il nous attendre – comme le texte entre parenthèses semble suggérer – à une taxe supplémentaire ?
M. Patrick Hetzel. Le recours aux ordonnances – prévu dans beaucoup d’articles de ce texte très large – prive le législateur de la possibilité de débattre. Vos déclarations, monsieur le ministre, comme les échanges avec les professions réglementées, montrent que la plupart de ces ordonnances sont déjà prêtes. Serait-il possible d’en avoir connaissance afin éventuellement de retirer certains amendements si nous sommes rassurés par les projets du Gouvernement ?
M. le président François Brottes. Je comprends l’émoi de M. Jean-Frédéric Poisson, qui a appartenu à une majorité qui n’a jamais eu recours à la technique des ordonnances…
M. le ministre. Avis défavorable. Au fil du texte et de nos discussions, l’on tâchera d’expliciter les dispositions autant que possible. Beaucoup d’éléments constitutifs de l’ARAFER seront précisés dans la discussion sur les articles à venir ; en l’espèce, il s’agit d’une ordonnance à visée rédactionnelle, qui cherche à assurer la cohérence entre les nouvelles compétences de cette autorité intermodale et le positionnement des dispositions qui la concernent dans le code des transports. Cette ordonnance technique n’est pas encore prête et ne peut être inscrite dans le texte à ce stade ; il n’y a donc aucune confiscation d’information.
M. le rapporteur général. Nous avons veillé à ce que tout ce qui pouvait être soumis à notre examen – en commission ou en séance – le soit. Au fil des débats, on constatera que beaucoup de dispositions initialement envisagées sous forme d’ordonnance figureront finalement dans le texte.
M. Hervé Mariton. Je suis d’autant plus favorable à l’extension des compétences de l’ARAF au secteur routier que j’avais moi-même formulé une proposition similaire il y a quelques années. Parce qu’il amène à aborder beaucoup de questions concrètes, ce projet de loi rencontre nécessairement l’actualité de l’action publique dans ces domaines ; les débats en commission peuvent-ils servir à faire le point sur ces sujets ? Ainsi, l’Autorité de la concurrence a récemment formulé une critique sévère des projets de décrets d’application de la loi portant réforme ferroviaire, interrogeant notamment le rôle de l’ARAF. Aborder la question de l’extension des compétences de cette instance devrait conduire le Gouvernement à répondre aux critiques de l’Autorité – et peut-être à celles à venir du Conseil d’État.
M. Olivier Faure. Monsieur Jean-Frédéric Poisson, vous appartenez à une formation politique qui prévoyait il y a peu de temps encore de gouverner pendant six mois par ordonnances, l’ancien président de l’UMP justifiant cette intention par la rapidité qu’offre ce procédé... Essayons donc de débattre sereinement de ces questions !
M. Jean-Frédéric Poisson. Page 6 de l’étude d’impact, on peut lire : « Les adaptations financières nécessitées par cette réforme (ressources budgétaires, taxes, redevances, etc.) seront étudiées dans le cadre d’un prochain projet de loi de finances. » Monsieur le ministre, envisagez-vous des taxes nouvelles pour financer l’ARAFER ?
M. Jean-Louis Roumegas. Il faut distinguer les ordonnances ayant une portée purement technique de celles qui modifient en profondeur le droit – notamment celui de l’environnement ; le groupe écologiste les appréciera donc de manière nuancée, en fonction de leur contenu. Mais afin de lever les ambiguïtés, le Gouvernement devrait préciser à chaque fois ses intentions.
M. le président François Brottes. En effet, le texte des ordonnances doit être fourni très rapidement pour que l’on mesure la portée de l’habilitation que l’on donne au Gouvernement.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques SPE866 de M. Bertrand Pancher et SPE1286 de M. Joël Giraud.
M. Michel Zumkeller. L’alinéa 2 de l’article 1er permet de prendre plusieurs mesures par ordonnances, en particulier en matière d’extension des compétences. Il serait intéressant et constructif que l’ARAFER émette un avis sur ces ordonnances.
M. Joël Giraud. Il est indispensable que l’ARAFER puisse formuler des observations sur les conditions d’exercice de ses nouvelles missions. Son avis éclairera le législateur.
M. le ministre. Mon avis est plutôt défavorable. Il s’agit, je l’ai dit, d’une ordonnance rédactionnelle, qui cherche à mettre en cohérence les nouvelles dispositions avec le code des transports dont il faudra changer la structure très rapidement après le vote de la loi. En l’absence de toute disposition de fond, il me paraît inutile que l’ARAFER donne son avis.
Je reviendrai lors d’un amendement suivant sur le financement de l’ARAFER par le biais d’une éventuelle taxe.
M. le rapporteur général. Avis également défavorable. Il s’agit de mettre en place des coordinations dans les différents codes concernés ; la consultation de l’ARAFER en amont paraît donc en effet inutile.
La Commission rejette les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel SPE42 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
Puis elle est saisie de l’amendement SPE1308 de M. François-Michel Lambert.
M. Jean-Louis Roumegas. Si nous sommes favorables à l’article 1er qui étend les compétences de l’ARAF au secteur routier interurbain, c’est dans un esprit d’intermodalité et de complémentarité – non de concurrence – entre différents moyens de transport. Notre amendement vise à assurer que les sociétés d’autoroute et les entreprises de transport public routier contribuent au financement de l’ARAFER. Cela nous paraît logique.
M. le ministre. Sur le fond, l’amendement semble légitime ; il serait normal que l’ARAFER soit financée par l’ensemble des secteurs qu’elle régule et non uniquement par le ferroviaire. Néanmoins, pour assurer la cohérence du budget de l’État en tenant compte des engagements pris par ailleurs, ce débat complexe doit plutôt être mené dans le cadre du projet de loi de finances. Les nouvelles compétences de l’ARAFER entrant en vigueur six mois après l’adoption de la loi, nous avons le temps d’aborder ces questions. J’invite donc les auteurs à retirer leur amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
M. Jean-Louis Roumegas. Je le maintiens.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Monsieur Jean-Louis Roumegas, nous pensons comme vous qu’il n’est pas envisageable, alors que l’on ouvre le champ de compétences de l’ARAF, que celle-ci soit financée par le seul secteur ferroviaire – c’est-à-dire par un prélèvement sur la SNCF qui assure 99 % du trafic. Un droit fixe a été instauré par la loi pour que le ressortissant ferroviaire alimente l’ARAF sans passer par le budget de l’État ; il faut en envisager l’extension aux entreprises de transport routier de voyageurs et aux entreprises autoroutières. Reste à déterminer comment répartir équitablement cette cotisation entre l’ensemble des acteurs. C’est pourquoi nous avons déposé l’amendement SPE1673, auquel nous espérons que M. le ministre ne sera pas totalement opposé.
M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le ministre, le principe que nous proposons d’inscrire dans la loi implique, bien entendu, de modifier le prochain projet de loi de finances, mais il serait bon de le faire figurer dans le texte. Cette mesure de justice va dans le même sens que celle que propose notre rapporteur. Nos deux amendements ne me semblent pas contradictoires, mais complémentaires ; vous devez donc soit rejeter, soit soutenir les deux à la fois.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Monsieur Jean-Louis Roumegas, nos amendements seraient redondants si vous n’aviez pas oublié de faire contribuer les sociétés d’autoroute. L’amendement SPE1673 me semble donc plus complet, dans la mesure où la loi propose de confier la régulation du secteur autoroutier à l’ARAFER. Vous devriez retirer votre amendement pour vous ranger au mien.
La Commission rejette l’amendement SPE1308.
Elle aborde l’amendement SPE1269 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Afin de tirer les conséquences de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, cet amendement propose d’éviter la discontinuité dans l’autorité de la présidence de l’ARAFER en prévoyant qu’en cas d’empêchement les fonctions du président soient provisoirement exercées par le vice-président le plus anciennement nommé.
M. le ministre. Favorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle étudie l’amendement SPE1673 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Nous proposons qu’à compter du 1er janvier 2016 un droit fixe dû par les entreprises de transport public routier de personnes et par les concessionnaires d’autoroute alimente le budget de l’ARAFER.
M. le ministre. Je partage votre avis : les missions nouvelles de l’ARAFER exigent que son financement ne soit plus assuré uniquement par le secteur ferroviaire. Mais la cohérence du débat budgétaire justifie de reporter cette discussion à l’examen du projet de loi de finances initial pour 2016 qui interviendra alors que les nouvelles compétences de l’ARAFER ne seront pas encore entrées en vigueur. Ma position est donc la même sur cet amendement que sur celui qui a été défendu par M. Jean-Louis Roumegas : j’en suggère le retrait.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Bercy pensait pouvoir se satisfaire de la situation actuelle : prélèvement d’un droit fixe sur le ferroviaire et ajustement éventuel par le budget de l’État. Une telle organisation créerait pourtant une insécurité pour l’autorité régulatrice et une pression inutile sur le budget de l’État. Il serait illégitime et contraire au principe d’équité et d’égalité qu’un seul des ressortissants de ce régulateur en assure le fonctionnement. Seul un empêchement rédhibitoire pourrait nous amener à revoir notre position.
M. le rapporteur général. Avis favorable.
M. Hervé Mariton. Le ministre devrait s’opposer plus fermement à cet amendement qui, s’il était adopté, impliquerait l’instauration d’un nouvel impôt – mesure contraire aux engagements pris par l’exécutif.
M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, quels arguments vous permettent de considérer que financer l’ARAFER par un prélèvement supplémentaire sur le secteur économique ne s’oppose pas à l’engagement pris par le Président de la République devant les Français il y a quelques semaines ?
M. le président François Brottes. Vous êtes donc d’accord pour que seul le secteur ferroviaire alimente le budget de cette instance ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Non : je demande comment le Gouvernement entend financer ses nouvelles activités sinon en instaurant un nouveau prélèvement, contrairement à ses engagements.
M. Gilles Carrez. Si la mesure doit déboucher sur un impôt supplémentaire – quitte à l’appeler droit fixe –, mieux vaut encore la placer ici que dans la loi de finances pour 2016.
M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit de répartir une contribution et non d’en créer une nouvelle. On ne peut pas non plus préjuger que le montant global en serait augmenté.
M. Jean-Louis Roumegas. Si cet amendement est adopté, le Gouvernement ne fait pas nécessairement une bonne affaire. En effet, nous posions un principe général dont les modalités pouvaient ensuite être largement discutées d’ici la loi de finances ; au contraire, M. Gilles Savary propose une disposition plus précise qui laisse moins de place au débat. Néanmoins, nous soutiendrons son amendement, par souci de cohérence.
M. le ministre. Je réitère mon invitation à retirer cet amendement, pour des raisons déjà évoquées. La formulation actuelle des contrats permettrait aux concessionnaires d’autoroute de répercuter ce droit fixe ; il serait plus cohérent et plus protecteur de clore le débat sur ce secteur d’activité avant d’envisager le principe d’un droit fixe. Monsieur Jean-Frédéric Poisson, le Gouvernement entend bien tenir les engagements présidentiels : comme l’a rappelé M. Jean-Yves Caullet, il ne s’agirait que de reventiler des prélèvements existants entre différents acteurs pour que tous les secteurs soient mis à contribution. Mais compte tenu de la complexité technique du sujet et du débat en cours avec les sociétés concessionnaires d’autoroute, je suggère d’attendre la discussion budgétaire.
M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, vous suggérez donc de reporter la décision au débat sur la loi de finances pour 2016 afin d’attendre la fin des discussions avec les sociétés concessionnaires d’autoroute ?
M. Hervé Mariton. L’exposé sommaire mentionne un accroissement des ressources financières de l’ARAF ; l’amendement ne propose donc pas une reventilation, mais bien une augmentation de la dépense publique via une augmentation d’impôts. Pouvez-vous éclairer les membres de la Commission sur ce point ?
M. Olivier Faure. Des discussions, vous l’avez dit, sont en cours avec les concessionnaires autoroutiers : c’est un argument que nous avons déjà entendu, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances. Nous sommes prêts à suivre le Gouvernement, et l’intérêt de tous est que ces discussions aboutissent pour permettre au contribuable de retrouver son argent, sans déstabiliser des entreprises qui sont utiles au pays. Encore faudrait-il que nous n’entendions pas, semaine après semaine, que les négociations sont en cours – nous avions même adopté, dans la loi de finances rectificative, le principe d’un débat au Parlement avant le 31 décembre 2014 !
D’ici à la séance publique, le Gouvernement pourra-t-il nous dire où en sont les discussions avec les sociétés d’autoroutes, afin de permettre à chacun de se déterminer ?
M. le ministre. Le Premier ministre a écrit au président Jean-Paul Chanteguet, le 31 décembre dernier.
M. Gilles Carrez. C’est assez tardif !
M. le ministre. Des négociations ont eu lieu entre le Gouvernement et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, pour apporter une solution aux problèmes soulevés par l’Autorité de la concurrence et par la Cour des comptes, mais aussi pour répondre au rapport parlementaire remis au Premier ministre quelques semaines plus tôt.
Le souhait du Premier ministre est qu’une discussion avec les parlementaires ait lieu avant toute décision, sur la base des accords tels qu’ils sont en train d’être formalisés, et qu’il soit possible d’amender le texte en prenant en considération l’ensemble du travail mené sur ce sujet. Nous nous en tenons à ce calendrier. Mais nous aurons du mal à y parvenir avant la discussion en séance publique.
J’appelle également votre attention sur le fait que l’économie des contrats existants permet aux sociétés d’autoroutes de répercuter un prélèvement sur l’usager. Si j’adhère à l’esprit de ces amendements, je suis donc réservé sur l’inscription, dans la loi, d’un droit fixe, du moins tant que le cadre juridique n’a pas été revu.
Je renouvelle ma demande de retrait de cet amendement.
M. Jean-Yves Caullet. Si j’ai bien compris, la volonté du Gouvernement est bien que l’ensemble de ceux qui seront concernés par la future ARAFER contribuent à son budget, afin d’éviter toute distorsion. Les sociétés d’autoroutes seront donc, d’une façon ou d’une autre, incluses. Dès lors que le Gouvernement s’y engage, l’argument de la difficulté de calendrier me semble recevable.
M. le ministre. C’est tout à fait cela.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Une immense compassion pour les sociétés d’autoroutes s’est exprimée ; mais, après avoir mis le nez dans ce dossier avec M. Jean-Paul Chanteguet, je suis en mesure de vous affirmer que le droit fixe ne leur ferait guère de mal.
Il s’agit en fait, vous l’avez compris, d’étendre une cotisation à deux secteurs nouveaux. Faire croire aux Français que c’est là une augmentation d’impôts serait de la mauvaise polémique politicienne : on augmente la cotisation au budget d’un organe de gouvernance !
M. Hervé Mariton. Vous parlez vous-même d’accroissement des ressources !
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. C’est une cotisation, et non un impôt général, vous le comprenez très bien.
J’accepte de retirer l’amendement pour attendre la suite des travaux sur le sujet. Mais je souligne que nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour étendre les compétences de l’ARAF, et j’ajoute que la nouvelle Autorité sera beaucoup plus sollicitée qu’elle ne l’était sur les questions ferroviaires : d’une certaine façon, l’ARAF est un prototype, puisque c’est un outil de régulation de la concurrence dans un domaine où il y a peu de concurrence. Avec les cars, il y aura au contraire beaucoup de travail. La question de son budget reviendra donc très vite.
M. le rapporteur général. Il est nécessaire de régler la question des ressources de l’ARAFER de façon équitable. Le Gouvernement ayant pris l’engagement de répondre en séance publique aux questions posées, nous en prenons bonne note, et nous retirons l’amendement.
L’amendement SPE1673 est retiré.
La Commission adopte les amendements rédactionnels du rapporteur général et des rapporteurs thématiques SPE504, SPE43, SPE44 et SPE505.
Elle se saisit ensuite de l’amendement SPE493 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
M. le rapporteur général. Cet amendement vise à combler un manque en étendant le dispositif des sanctions administratives appliqué dans le domaine ferroviaire aux autres secteurs régulés : il ne peut pas y avoir de régulation sans système de sanction.
M. le ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel SPE45 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
Elle adopte l’article 1er ainsi modifié.
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La Commission examine l’amendement SPE1333 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à associer les usagers des transports aux orientations et décisions de l’ARAFER. Cela permettrait de connaître leur avis, d’entendre leurs demandes... Souvent, l’absence de représentation des usagers et donc de concertation avec eux conduit à des malentendus, voire à des dysfonctionnements.
M. le ministre. Le Gouvernement est évidemment favorable à la consultation des associations de consommateurs et d’usagers. Elles sont aujourd’hui associées aux réflexions des pouvoirs publics, et elles continueront de l’être, le Gouvernement s’y engage.
En revanche, nous ne sommes pas favorables à une remise en cause des équilibres du collège de l’ARAFER tels qu’ils apparaissent dans le projet de loi ; en particulier, nous ne souhaitons pas augmenter sa taille. Avis défavorable.
Mme Michèle Bonneton. De quelle façon les associations seront-elles consultées ?
M. le ministre. Elles le sont d’ores et déjà régulièrement par le ministère des transports, dans le cadre de comités ad hoc. Les orientations politiques de l’ARAFER seront discutées de cette façon : le ministère des transports s’est engagé à ce que les orientations données à l’ARAFER y soient débattues.
Mme Michèle Bonneton. Il me semble que ce n’est pas tout à fait la même chose que d’être directement associé à l’ARAFER !
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis également défavorable à l’amendement. Il faut bien comprendre ce qu’est un régulateur : en France, nous n’avons pas l’habitude de ce type d’autorités indépendantes, quasiment judiciaires – l’ARAFER disposera d’une chambre de règlement des différends et d’une commission des sanctions, composée de magistrats. Le conseil d’administration de SNCF Mobilités comprend des usagers, mais l’ARAFER n’est pas un conseil d’administration. Ce n’est pas non plus une instance socio-professionnelle consultative, à la différence du Conseil national des transports, qui comporte également des usagers. Le futur Haut Comité du transport ferroviaire les accueillera également.
Les usagers pourront être entendus par l’ARAFER, ou demander à l’être. Mais, au plan institutionnel, on ne peut pas envisager que des organisations de consommateurs appartiennent à une telle instance, qui a besoin de neutralité et de recul. C’est une révolution de notre mode de gouvernance : on passe du règne de la connivence et du conflit d’intérêts, y compris au cœur de l’État, à un plus grand contrôle par des autorités indépendantes – dont on constate déjà l’efficacité, par exemple lorsqu’elles font des remarques sur la gestion des autoroutes, puisque c’est bien l’Autorité de la concurrence qui a ouvert le débat sur le sujet.
M. Hervé Mariton. Je partage entièrement l’avis de notre collègue Gilles Savary, mais je ne comprends pas les propos du ministre : il a parlé, je crois, d’orientations données à l’ARAFER.
M. le ministre. Vous avez raison, il faut parler d’orientations politiques générales, et non d’orientations données à l’ARAFER.
M. le président François Brottes. La loi peut se permettre de donner des orientations et des objectifs aux autorités indépendantes.
La Commission rejette l’amendement SPE1333.
Elle se saisit alors de l’amendement SPE1334 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement tend à assurer l’indépendance des membres de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières face aux pressions, toujours possibles, des groupes d’intérêts. Des suspicions pourraient naître si un ancien membre de l’ARAFER exerçait une activité professionnelle en relation avec les compétences de l’Autorité.
M. le ministre. Avis défavorable. Je suis sensible à votre souci de garantir l’indépendance des membres du collège. Toutefois, l’article L. 2132-8 du code des transports prévoit d’ores et déjà une période de viduité de trois ans. Cette durée nous paraît convenable au regard des règles habituelles en la matière : dix ans, ce serait excessif.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Même avis. La durée de trois ans est généralement admise dans l’Union européenne pour éviter le conflit d’intérêts et le favoritisme. Une durée de dix ans serait exorbitante : on ne peut pas condamner ainsi la vie professionnelle de quelqu’un – nous nous interdirions, en pratique, de recruter des gens compétents.
M. Julien Aubert. C’est vrai. J’ai été rapporteur de la commission de déontologie de la fonction publique : les règles d’interdiction professionnelle posent déjà de sérieux problèmes. Avec une limite de dix ans, plus aucun professionnel compétent n’acceptera de mettre les pieds à l’Autorité de régulation ! Il faut prêter attention à la question des conflits d’intérêts, mais sans bloquer les carrières. Ne prenons pas de mesures contreproductives.
L’amendement SPE1334 est retiré.
La Commission se saisit alors de l’amendement SPE1270 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Il s’agit d’un amendement d’appel – qui ne pourra pas être adopté en l’état, puisque je m’aperçois avec embarras qu’il comporte une énorme faute d’orthographe...
En matière d’information sur les possibilités de transport, le cas de la France est singulier : alors que la Deutsche Bahn, que Trenitalia, que les CFF suisses informent les usagers sur tous les modes de transport disponibles, afin de faciliter la mobilité, nous ne disposons d’aucun site de ce genre : « voyages-sncf.com » est, au sens de la loi, une agence de voyages, qui ne propose aucune information sur les offres des concurrents de la SNCF. On n’y dispose pas, par exemple, des horaires des trains de nuit entre Paris et l’Italie, ou des trains entre Marseille et Milan, qui sont exploités par d’autres que la SNCF. Pour se renseigner sur un voyage en France, la meilleure solution, c’est d’aller sur le site de la Deutsche Bahn !
Cet amendement vise donc à la mise en place d’une plateforme ouverte. La situation française est aberrante : notre système est phagocyté par des intérêts privés, au point qu’il indique souvent à l’usager l’itinéraire le plus long, de façon à le faire payer le plus cher possible – drôle de façon de lui dire merci.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable au développement de l’open data, pour les raisons que vous avez évoquées, et aussi pour favoriser le développement de l’utilisation en ligne de ces données.
Néanmoins, il nous faut nous montrer prudents. Dans le cadre de la préparation du projet de loi sur le numérique, des travaux sont en cours, notamment sur les conséquences d’une telle mesure pour la SNCF. Pour essayer d’ores et déjà d’avancer dans votre sens, je vous propose de rectifier votre amendement en ajoutant, à l’alinéa 3, le mot « conventionnés » après les mots « l’ensemble des modes de transport public de voyageurs ». Ce serait un début.
M. le président François Brottes. Si je puis me permettre, il serait sans doute plus facile – dans la mesure où il présente des problèmes de rédaction – que l’amendement soit retiré pour être réécrit, puis déposé à nouveau en vue de la séance publique.
M. Joël Giraud. Je me réjouis de la prise en considération par le Gouvernement de cette particularité française qui entrave largement la mobilité. Je me conformerai à vos conseils, monsieur le président.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je soutiens la proposition de notre collègue Joël Giraud. L’open data existe maintenant dans le domaine des taxis ; il est temps de faire la même chose pour le secteur ferroviaire, au vu de la masse de données dont la SNCF dispose et qui pourraient améliorer la situation des usagers. Sur la méthode, je me range à l’avis de M. le ministre.
L’amendement SPE1270 est retiré.
L’amendement SPE1271 de M. Joël Giraud est également retiré.
Article 2
(art. L. 3111-17 à L. 3111-25 [nouveaux] du code des transports)
Transport public routier de personnes : libéralisation des services de transport par autocar
I. L’ÉTAT DU DROIT
A. LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE À TOUS LES SERVICES D’AUTOCAR
Les entreprises de transport régulier par autocar sont soumises à une réglementation spécifique en matière de matériel roulant, de sécurité, de vitesses autorisées, de droits des voyageurs et de droit du travail. Ces règles sont, pour la plupart, issues de directives et règlements de l’Union européenne (65).
L’arrêté du 2 juillet 1982 relatif au transport en commun de personnes définit les autocars comme des véhicules à moteurs conçus et aménagés pour le transport en commun de personnes principalement assises. Ils se distinguent des autobus, conçus et aménagés pour être exploités principalement en agglomération avec des arrêts fréquents.
L’article L. 3411-1 du code des transports conditionne l’exercice des activités de transport routier de personnes à la détention d’une licence communautaire (ou d’une licence de transport intérieur pour les véhicules de moins de 10 passagers), établie au nom de l’entreprise et incessible. Les conditions de délivrance de ces licences par les préfets de région sont définies par le décret n° 85-891 du 16 août 1985 (contrôle du respect des exigences d’établissement, d’honorabilité professionnelle, de capacité financière et de capacité professionnelle).
Le code de la route impose diverses limitations de vitesse aux véhicules de transport en commun de personnes (90 km/h hors agglomération, 100 km/h sur les autoroutes et voies rapides à certaines conditions, 70 km/h pour les autobus et autocars avec passagers debout).
Les droits des voyageurs découlent notamment du règlement (UE) n° 181/2011 du 16 février 2011 concernant les droits des passagers dans le transport par autobus et autocar, et de ses mesures d’application adoptées dans le cadre de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports. Cette réglementation impose notamment :
– pour tous les services : la non-discrimination en fonction de la nationalité (conditions contractuelles et tarifaires), le traitement
non-discriminatoire des personnes handicapées et à mobilité réduite, le droit à l’information, et des mécanismes de traitement des plaintes ;
– pour les services « longue distance », définis comme les trajets de plus de 250 kilomètres : la fourniture d’une aide appropriée en cas d’annulation ou de retard de plus de 90 minutes pour un voyage de plus de trois heures, des garanties de remboursement, de réacheminement ou d’indemnisation en cas de surréservation, d’annulation ou de retard au départ, une assistance spécifique gratuite pour les personnes handicapées dans les stations et à bord des autocars…
Enfin, en matière sociale, les autocaristes sont soumis à un ensemble de règles concernant notamment la durée du travail, l’amplitude des journées de travail, les durées de conduite maximales et les repos des conducteurs.
B. LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX SERVICES DE TRANSPORT INTERRÉGIONAUX PAR AUTOCAR
1. La situation avant 2011
Jusqu’en 2011, les seuls services interrégionaux de transport par autocar qu’il était possible d’exploiter en France étaient des services conventionnés par les autorités organisatrices de transport (AOT). Il pouvait s’agir :
– de liaisons interrégionales mises en place par des régions ou des départements en application des articles L. 3111-1 et L. 3111-2 du code des transports,
– de liaisons organisées en substitution de trains TER desservant des régions limitrophes (par convention passée entre les deux régions concernées, en application de l’article L. 2121-6 du code des transports),
– ou de lignes interrégionales dites « d’intérêt national », en application de l’article L. 3111-3, pour lesquelles l’État autorité organisatrice concluait des délégations au bénéfice d’autres AOT ; à ce jour, seules trois lignes d’intérêt national existent (deux liaisons entre la Picardie et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et une liaison entre Paris et l’aéroport de Beauvais).
2. L’introduction du cabotage routier
La possibilité d’exploiter, sur le territoire français, des services interrégionaux non conventionnés de transport par autocar n’a été introduite que dans le cadre du cabotage sur lignes internationales routières :
Le règlement (CE) n° 1073/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus a opéré l’ouverture au cabotage du marché européen du transport routier régulier de voyageurs. L’article 2 de ce règlement définit le cabotage comme « la prise en charge et la dépose de voyageurs dans un même État membre au cours d’un service régulier international (…) pour autant que ladite prise en charge et dépose ne constitue pas l’objet principal du service. »
Pour l’application de ce règlement, la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (article 38) dispose que « l’État peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d’intérêt national, à l’occasion d’un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l’objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents. L’État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n’est pas remplie ou si leur existence compromet l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée. » Cette disposition a été codifiée à l’article L. 3421-2 du code des transports : c’est elle qui ouvre depuis 2011 la possibilité d’effectuer des transports de personnes par autocar entre deux points du territoire national dans le cadre d’un service international régulier.
Les services de cabotage sont autorisés en deux étapes : tout d’abord, les services internationaux dont ils sont l’accessoire doivent obtenir une autorisation préalable (dont la durée maximale est de 5 ans) de l’État d’établissement, qui relaye la demande aux autres États membres desservis ou traversés (ceux-ci ayant un délai de deux mois pour donner leur accord ou émettre un refus motivé). La procédure aboutit à la délivrance d’une licence communautaire et d’une autorisation de transport régulier international de voyageurs, sans lesquelles il n’est pas possible pour le transporteur de demander une autorisation de cabotage national selon la procédure définie par l’article L. 3421-2. La durée de l’autorisation de cabotage national ne peut d’ailleurs pas être plus longue que celle restant à courir pour l’autorisation de transport international à laquelle elle se rattache.
Le cabotage est ainsi autorisé sous réserve que l’objet principal du service soit un transport international entre différents États membres de l’UE, et sous réserve que l’existence de dessertes régulières intérieures ainsi opérées ne compromette pas l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Dans ce cadre, les dessertes infrarégionales sont interdites.
On peut noter que le droit communautaire a, comme pour le transport routier, libéralisé les transports ferroviaires internationaux de voyageurs avec possibilité de cabotage, mais que le régime du cabotage ferroviaire est très différent des règles applicables au cabotage routier : les liaisons ferroviaires infrarégionales sont permises ; l’opérateur n’est pas soumis à un dispositif d’autorisation administrative spécifique à la liaison nationale ; et l’analyse de l’impact économique est effectuée non pas par les services de l’État mais par une autorité de régulation indépendantes : l’ARAF.
3. Les conditions et modalités de délivrance des autorisations de cabotage routier
Elles sont définies par le décret n° 2010-1388 du 12 novembre 2010 :
a. Les conditions cumulatives à remplir
– la desserte intérieure doit emprunter le même itinéraire et les mêmes points d’arrêt que ceux du service international auquel elle se rattache ;
– entre deux arrêts quelconques du territoire national desservis par ce service, le nombre de voyageurs sur la desserte intérieure doit être inférieur à 50 % du nombre total de voyageurs transportés par ce service entre ces deux points (cette proportion étant appréciée sur un an) ;
– le chiffre d’affaires annuel de l’ensemble des dessertes intérieures doit être inférieur à 50 % du chiffre d’affaires provenant du service de transport réalisé sur le territoire national ;
– la desserte intérieure ne compromet pas l’équilibre d’un contrat de service public de transport (routier ou ferroviaire) ;
– chaque desserte doit concerner au moins deux régions (interdiction d’effectuer plusieurs arrêts dans une même région) ; il convient de noter que cette condition ne figure pas dans le règlement européen de 2009, ce qui pose la question de sa conformité au droit communautaire, et pose problème en regard de la nouvelle taille des régions.
b. La procédure d’autorisation
Un transporteur qui veut exploiter des dessertes intérieures en cabotage adresse sa demande à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère des transports. Ces services dressent la liste des AOT régionales et départementales concernées par les dessertes souhaitées, et adressent une demande d’avis à chacune de ces AOT sur l’impact de ces dessertes sur les services existants ou en projet relevant de leurs compétences. D’autre part, ces services examinent l’impact que pourraient avoir ces dessertes sur les lignes ferroviaires d’équilibre du territoire (Intercités), dont l’État est l’AOT.
Les AOT régionales et départementales concernées (y compris, en
Île-de-France, le STIF) ont deux mois, à compter de leur saisine, pour émettre un avis motivé sur l’impact éventuel des dessertes envisagées sur l’équilibre économique de leurs contrats de service public existants ou en projet. L’absence de réponse de leur part vaut avis favorable.
L’État dispose d’un délai global de trois mois pour délivrer ou refuser l’autorisation demandée.
Dans son avis n° 14-A-05 du 27 février 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar, l’Autorité de la concurrence indique que la mise en œuvre du contrôle opéré dans le cadre de la procédure d’autorisation des dessertes intérieures de cabotage génère « des critiques unanimes de la part des acteurs concernés », liées notamment aux délais d’instruction des demandes d’autorisation internationale puis nationale, (les délais fixés par les textes étant en pratique fréquemment dépassés) et aux modalités d’analyse du critère de l’atteinte à l’équilibre économique des transports conventionnés.
II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
A. LES OBJECTIFS POURSUIVIS
L’objet de la réforme proposée est de permettre à des entreprises de pouvoir, de leur propre initiative, assurer des dessertes entre villes françaises, tout en donnant une priorité aux services de transport actuellement organisés par les pouvoirs publics dans le cadre de contrats de service public.
L’ouverture du marché des lignes nationales hors du cadre du cabotage vise, d’une part, à augmenter la part modale des transports collectifs par rapport à celle des véhicules individuels sur la route, et, d’autre part, à contribuer à une véritable complémentarité entre l’offre privée et les services publics existants en renforçant la mobilité :
– sur les grands axes nationaux déjà desservis par le rail mais sur lesquels une offre alternative de transport moins onéreuse que le TGV (même si le temps de parcours sera nettement plus long) correspond à un réel besoin ;
– entre des villes actuellement peu ou mal desservies par le rail ;
– des classes moyennes et des classes moins favorisées, notamment des jeunes et des personnes âgées ;
– par une diversification des horaires de transport proposés, notamment par un développement du transport de nuit.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le périmètre de l’ouverture du marché est l’ensemble des liaisons interurbaines, c’est-à-dire l’ensemble des liaisons nationales à l’exception de celles situées à l’intérieur d’un périmètre de transport urbain (nouvel article L. 3111-17 du code des transports).
Le dispositif proposé consiste à permettre à toute entreprise de transport routier de personnes inscrite au registre national des transports d’ouvrir, sans autorisation, un service régulier interurbain. Les détenteurs d’une licence communautaire pourront, dans le cadre du cabotage, opérer les mêmes liaisons que les détenteurs d’une licence nationale et selon les mêmes modalités que ceux-ci (sous réserve, donc, que ces liaisons nationales restent accessoires par rapport au service international).
Un régime d’opposition - à l’initiative des AOT - viendra limiter cette liberté mais avec comme unique motif la préservation de l’équilibre économique d’un contrat de service public conclu par lesdites AOT et qui pourrait être affecté par une concurrence frontale de services privés. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi indique que les entreprises ayant conclu de telles conventions avec des AOT ne seront affectées que si une AOT décide de ne pas faire usage de son droit d’opposition, et que, si elle le fait, il lui appartiendra, conformément aux clauses du contrat, d’indemniser les entreprises (compensation).
Les interdictions correspondantes seront prononcées après avis conforme d’une autorité indépendante, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER – voir l’article premier du projet de loi), avec un recours contentieux possible devant le juge administratif.
Ce régime est similaire à celui du cabotage ferroviaire, l’ARAF menant d’ores et déjà des tests économiques d’atteinte à l’équilibre d’un service public dans ce cadre.
Afin de prendre en compte la spécificité de l’Île-de-France, au sein de laquelle la notion de « service de transport interurbain » n’est pas pertinente du fait de l’absence de périmètres de transport urbain, il est proposé de fixer par décret un seuil kilométrique au-delà duquel les liaisons seront ouvertes à la concurrence (nouvel article L. 3111-19 du code des transports). L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi précise que cette distance pourrait être de 50 kilomètres.
Le périmètre de protection des services publics de transport assurés - directement ou par délégation - par les différentes AOT est limité aux dessertes infrarégionales (II du nouvel article L. 3111-17).
La procédure envisagée est la suivante (nouveaux articles L. 3111-17 et L. 3111-18) :
– une entreprise ouvre une ligne de transport régulier non urbain ;
– s’il s’agit d’une liaison infrarégionale sur laquelle une AOT assure déjà un service de transport régulier de personnes sans correspondance, cette AOT peut décider d’interdire ou de limiter le service proposé par l’entreprise au motif que celui-ci porte « une atteinte substantielle à l’équilibre du service public » ;
– la décision d’interdiction ou de limitation nécessite l’avis conforme de l’ARAFER et est rendue publique ;
– l’entreprise ou les AOT concernées peuvent saisir l’ARAFER – qui peut également se saisir de sa propre initiative – afin qu’elle se prononce sur les conditions dans lesquelles un service privé infrarégional peut être assuré sans porter une atteinte substantielle au service public ; dans ce cas, l’ARAFER dispose d’un délai de quatre mois pour se prononcer ; la saisine comme ses propositions sont rendues publiques.
L’ARAFER établira chaque année un rapport sur les services de transport public routier de personnes librement organisés, pouvant comporter des recommandations, adressé au Gouvernement et au Parlement, et rendu public (nouvel article L. 3111-21).
Les nouveaux articles L. 3111-22 et L. 3111-23 disposent que le contrôle de l’ARAFER à l’égard des entreprises du secteur s’exerce selon les mêmes modalités que le contrôle que l’ARAF exerce actuellement dans le secteur ferroviaire et qui sont définies par les articles L. 2135-1 à L. 2135-17 du code des transports (larges pouvoirs d’investigation, compétence de la commission des sanctions de l’Autorité pour prononcer des sanctions administratives, sanctions pénales lorsqu’il est fait obstacle aux investigations des agents de l’Autorité, possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence…).
III. LA POSITION DU RAPPORTEUR THÉMATIQUE
Le rapporteur thématique considère comme indispensable et urgente l’ouverture à la concurrence des liaisons par autocar sur le territoire national, compte tenu du fait que cette concurrence existe déjà dans les autres pays européens, et que l’objectif poursuivi est conforme aux exigences du développement durable : le développement du transport collectif routier va permettre un moindre usage de la voiture, et va répondre à des besoins de mobilité actuellement insatisfaits, notamment dans les zones dépourvues de liaisons ferroviaires. Cette libéralisation ne doit pas se faire au détriment des transports de service public existants, et les autorités organisatrices de transport doivent conserver le droit d’organiser des transports de service public là où l’initiative privée fera défaut.
Cependant, le rapporteur thématique a souhaité améliorer le dispositif de l’article 2 en ce qui concerne la procédure déclarative que devront respecter les entreprises de transport par autocar.
IV. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
À l’initiative des rapporteurs, la commission spéciale a adopté un amendement définissant la procédure déclarative pour l’ouverture de lignes d’autocars (nouveaux articles L. 3111-17 et L. 3111-18) :
Tout d’abord, baser sur un critère territorial (« infrarégional ») la définition du périmètre des services publics à préserver n’est plus pertinent, compte tenu des différences considérables de taille des régions dans la nouvelle carte des régions métropolitaines adoptée par le Parlement en décembre 2014. Le rapporteur thématique a proposé d’introduire un critère kilométrique, pour que la définition du périmètre des services publics pour lesquels il sera possible d’objecter à la création d’une ligne privée soit équitable entre les régions.
Toute entreprise souhaitant exploiter un service d’autocar sur une liaison d’une distance supérieure à 100 kilomètres pourra désormais le faire, sans aucune formalité préalable à accomplir.
Toute entreprise souhaitant exploiter un service d’autocar sur une distance inférieure ou égale à 100 kilomètres devra, en revanche, en faire la déclaration préalable. Le Rapporteur thématique avait initialement proposé que cette déclaration soit faite aux services du ministère des Transports (comme c’est actuellement le cas pour le cabotage), mais à la demande du Gouvernement il a été décidé que la déclaration serait adressée à l’ARAFER. Dès réception d’une telle déclaration, l’ARAFER devra en informer toutes les autorités organisatrices de transport dont le périmètre géographique est desservi ou traversé par le service déclaré. Ensuite, plusieurs cas de figure sont prévus :
1° Si, sur le trajet concerné, il existe déjà une ou plusieurs lignes d’autocars d’initiative privée non conventionnées, l’entreprise déclarante peut commencer à exploiter son service dès que sa déclaration est publiée ;
2° Si la liaison desservie par le service déclaré fait déjà l’objet d’un service public de transport conventionné organisé par une autorité organisatrice de transport (AOT), cette AOT a le droit de faire objection à l’ouverture de la ligne au titre de la préservation de l’équilibre économique du service public affecté, si elle estime qu’il y a « atteinte substantielle » à cet équilibre :
a) Si l’AOT décide d’interdire, ou de limiter (par exemple en modifiant le nombre d’arrêts sur la nouvelle ligne), le service déclaré par l’entreprise, elle ne peut le faire qu’avec un avis conforme de l’ARAFER. Pour cela, elle dispose de six semaines (à partir de la publication de la déclaration) pour saisir l’Autorité, en motivant sa saisine, et l’ARAFER a un délai de deux mois – qui peut être porté à trois mois si l’Autorité le demande en le motivant – pour se prononcer :
• Si l’ARAFER émet un avis favorable à l’interdiction ou à la limitation du service, l’AOT prend sa décision d’interdiction ou de limitation, en la publiant dans la semaine qui suit. S’il s’agit d’une interdiction, l’entreprise doit renoncer à commercialiser son service ; s’il s’agit d’une limitation, l’entreprise peut commercialiser son service à l’issue de ce délai d’une semaine, en se conformant à la limitation définie par l’AOT et l’ARAFER ;
• Si l’ARAFER ne donne pas son accord, l’AOT ne peut pas interdire ni limiter le service, et la commercialisation peut débuter ;
• Si l’ARAFER n’émet pas d’avis, l’AOT décide seule.
b) Si aucune AOT ne soulève d’objection, l’entreprise peut commencer à exploiter son service dès que le délai de six semaines permettant aux AOT de saisir l’ARAFER est écoulé.
Les saisines de l’ARAFER par les AOT et les avis de l’ARAFER sont motivés et publiés. Le pouvoir réglementaire définira les modalités d’application de l’ensemble de ces dispositions.
3° La spécificité de l’Île-de-France sera prise en compte comme le propose l’article 5 dans sa rédaction présentée par le projet de loi.
À l’initiative des rapporteurs, la commission spéciale a également adopté un amendement renforçant les pouvoirs de l’ARAFER en matière de recueil de données, afin de créer l’obligation, pour les entreprises assurant des services de transport par autocar, que ces services soient conventionnés ou non, les informations nécessaires à l’exercice de sa mission de régulation. Le manquement à cette obligation fait encourir les mêmes sanctions administratives que celles que l’ARAFER peut prononcer dans le secteur ferroviaire (nouvel article L. 3111-21-1).
La commission spéciale a ensuite adopté un amendement visant à ajouter, parmi les objectifs fixés à l’ARAFER par le projet de loi, le développement de l’intermodalité, notamment avec les modes de déplacement « doux » (nouvel article L. 3111-20).
Elle a enfin adopté plusieurs amendements rédactionnels.
*
* *
La Commission se saisit d’abord de l’amendement SPE1046 de M. André Chassaigne.
Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons de supprimer cet article 2. En effet, nous sommes opposés à l’amplification de la concurrence entre la route et le rail. La croissance du transport par la route que promeut le projet de loi est parfaitement contradictoire avec la défense, urgente et indispensable, de l’environnement, et en particulier avec la diminution de nos émissions de gaz à effet de serre.
De plus, ces dispositions vont accentuer la politique de délaissement du transport ferroviaire qui se met en place au détriment de l’intérêt général comme de l’intérêt des usagers : le transport par la route est moins sûr que le transport ferroviaire.
Il est exact que les tarifs des trains sont trop élevés pour beaucoup de nos concitoyens. Mais on peut s’étonner qu’aucune réflexion ne soit conduite pour les abaisser, ou à tout le moins pour les moduler dans certains cas.
M. le ministre. Je ne répèterai pas ici ce que j’ai dit lors de nos premiers échanges, mais je tiens à répondre aux arguments qui viennent d’être avancés.
L’idée que la route concurrence le rail est fausse, et c’est, historiquement, une erreur française : il y a plutôt une complémentarité des différents moyens de transport, et il faut donc plutôt organiser l’intermodalité. C’est l’une des faiblesses de notre organisation. Le transport par car ne se substituera que de façon très marginale, voire pas du tout, au transport ferroviaire : il se substituera à la voiture individuelle ou au covoiturage, et il permettra à certains, qui ne le pouvaient plus du tout, de se déplacer. In fine, le bilan carbone de ce développement du transport par car ne sera donc pas forcément mauvais.
Dans certains cas, le train, même subventionné, est devenu très peu rentable : lorsque l’on fait rouler, de façon plus souple qu’un train, un autocar, même à demi plein, le bilan carbone est meilleur que lorsqu’on fait rouler de manière régulière un train vide.
L’autocar se substituera aussi, je l’ai dit, à la voiture individuelle et au covoiturage, qui se développe massivement dans notre pays. Ce sera donc une façon d’industrialiser le covoiturage... Le bilan carbone du transport par car sera également meilleur que celui du covoiturage.
Enfin, nous offrons la possibilité à certains de nos concitoyens, qui ne peuvent pas du tout se déplacer aujourd’hui, de le faire. Je serais étonné, madame la députée, que vous préfériez un meilleur bilan carbone à l’impossibilité de déplacement pour les moins favorisés : c’est donc là, je crois, un bon point pour cette réforme.
Nous créons enfin un nouveau secteur d’activité, et donc des emplois.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le rapporteur général. Avis défavorable également. Supprimer cet article, ce serait refuser d’apporter des réponses aux problèmes de mobilité qui se posent aujourd’hui. Vos arguments, tant sur la concurrence que sur le bilan carbone, ne sont pas exacts, madame Jacqueline Fraysse. Loin de délaisser le train, nous voulons promouvoir un mode de transport complémentaire ; c’est une façon de renforcer l’offre, alors que la demande de mobilité augmente.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Vous contestez radicalement, madame Jacqueline Fraysse, la décision d’ouvrir un nouveau mode de transport, alors que la position de ferroviaire a été terriblement dégradée par notre volonté, jusqu’ici, de favoriser un seul mode de transport. Si nous n’avons pas de trains dans nos aéroports, c’est parce que nous avons été corporatistes ! Le fret ferroviaire s’écroule en France, par exemple pour desservir le port du Havre. L’Allemagne, à l’inverse, a toujours voulu être intermodale.
Le secteur ferroviaire aujourd’hui, c’est 13 milliards d’euros de subventions, 44 milliards d’euros de dettes ! Depuis dix ans que des politiques de transfert modal sont menées au niveau européen, notre répartition modale n’a pas bougé d’un iota. En revanche, la route a énormément progressé au plan environnemental, notamment grâce aux normes européennes : aujourd’hui, ses performances sont comparables à celles du train. Faut-il rappeler que 40 % des kilomètres parcourus en TER le sont sur des trains diesel ? L’autocar souffre la comparaison, et il est même plus vertueux.
Le train est très sûr, c’est vrai, à condition que nous remettions très vite notre réseau à niveau : n’oublions pas les heures noires que nous avons vécues. Mais le car est également très sûr, en tout cas beaucoup plus sûr que le covoiturage : les chauffeurs sont des professionnels et des règles sociales strictes s’appliquent, sur les temps de pause par exemple.
Nos présidents de région sont tous très attachés au chemin de fer, mais ils ont subrepticement amené jusqu’à 23 % la part des liaisons TER assurée par autocar. Le train coûte cher. Les budgets publics ne le supportent plus. Quant aux voyageurs qui utilisent le TER, ils le trouvent déjà trop cher, alors qu’ils ne payent que 28 % du coût réel.
Nous proposons donc simplement l’ouverture d’un mode de transport moins cher, pour des gens qui ne peuvent presque plus se déplacer, essentiellement sur de longues distances. Il faut simplement veiller à protéger les lignes du service public, ce qui est prévu par le projet de loi.
M. Jean-Yves Caullet. Le train transporte, vite et loin, des voyageurs nombreux. Mais, élu d’un territoire où les lignes de train sont peu nombreuses, je peux témoigner que la seule alternative aujourd’hui, c’est souvent la voiture individuelle. Le projet de loi nous offre l’ouverture d’un nouveau secteur, de façon régulée, afin d’éviter les concurrences mortifères. Il s’agit de créer du transport collectif, meilleur à tous points de vue que le transport individuel. Ces lignes pourraient, il faut le souligner, servir à rabattre des voyageurs vers d’autres modes de transport : la complémentarité est réelle.
M. Jean-Louis Roumegas. Le groupe écologiste n’a pas déposé d’amendement de suppression de cet article. Les risques qui viennent d’être soulignés nous paraissent toutefois bien réels : l’ouverture du secteur du fret a détruit le fret ferroviaire. Nous estimons donc qu’un encadrement strict de ces ouvertures de lignes de car doit être prévu, afin que la concurrence ne détruise pas le service public ferroviaire. Ces nouvelles lignes doivent notamment, à notre sens, proposer un service qui n’existe pas.
Vous mettez en avant l’idée que le car permettra à des publics nouveaux de se déplacer – les jeunes, les étudiants par exemple. Mais nous ne pouvons pas nous dispenser d’une réflexion sur les tarifs de la SNCF, qui viennent encore d’augmenter ! Pourquoi ne pas essayer de développer une offre tarifaire adaptée ? Diriger les plus défavorisés vers des solutions low cost n’est pas l’idéal : passer la nuit dans le car alors qu’il existe un TGV ne me paraît pas idéal. Nous déplorons profondément le développement d’un service public à deux vitesses.
Nous déciderons de notre vote à la fin du débat.
Mme Michèle Bonneton. J’approuve les propos de Jean-Louis Roumegas : l’ouverture du secteur du transport par car se justifie si elle permet de diminuer le nombre de trajets en voiture individuelle ; mais elle ne doit pas conduire à supprimer des lignes locales de train. Sur ces dernières, il y a, c’est vrai, beaucoup d’efforts à faire. Mais ces nouvelles dispositions ne doivent pas leur donner le coup de grâce : ce serait dramatique pour notre pays et pour la transition énergétique.
Mme Jacqueline Fraysse. J’écoute ces réponses avec beaucoup d’intérêt. Je maintiens l’amendement pour le moment.
L’amendement SPE1046 est rejeté.
La Commission examine ensuite les amendements SPE1322 de M. François-Michel Lambert et SPE1533 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
M. Denis Baupin. Le groupe écologiste ne considère pas l’autocar comme un mode de déplacement forcément anti-écologique : tout dépend des conditions dans lesquelles il est utilisé. La gouvernance du dispositif est donc essentielle.
Nous proposons de modifier le projet de loi pour ne pas laisser l’initiative entièrement au privé et mettre plutôt en place une organisation complémentaire des transports publics existants, notamment ferroviaires, donc une ouverture pilotée et régulée.
Il faut, cela a été dit, une cohérence entre train et car, celui-ci rabattant notamment les voyageurs sur les lignes de train. C’est un élément que nous mentionnons parmi les arguments qui doivent faire accepter, ou non, l’ouverture d’une ligne de car par l’autorité de régulation. Nous pensons également qu’il ne faut pas confier au privé les seules lignes rentables : il nous paraîtrait donc plus cohérent d’organiser l’ouverture du secteur du transport par autocar sous la forme de délégations de service public, afin d’attribuer aux entreprises à la fois des lignes rentables et des lignes moins rentables. Cela nous paraîtrait plus propre à assurer le maillage du territoire que l’ouverture d’une grande concurrence sur quelques itinéraires rentables – c’est l’un des risques de la rédaction actuelle du projet de loi.
Nous souhaitons également que les véhicules qui seront mis en service soient très performants d’un point de vue écologique. Ce doit être l’une des conditions de l’autorisation d’ouverture de ligne nouvelle. Il vaut mieux, c’est vrai, un car rempli qu’un train vide ; mais il vaut mieux un car peu polluant qu’un car diesel ancien.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il est clair, monsieur Denis Baupin, que le texte doit proposer une gouvernance, notamment pour l’agrément des lignes, ou à tout le moins prévoir les modalités de leur déclaration.
La rédaction initiale prévoyait que les autorités organisatrices de transports pouvaient saisir l’ARAFER chaque fois qu’une nouvelle ligne risquait de porter une « atteinte essentielle » à l’économie d’une ligne de service public. Les autorités organisatrices concernées, je le souligne, sont nombreuses : régions, mais aussi départements pour les transports par bus interurbain... Nous proposons donc, par l’amendement SPE1533, un mode de déclaration d’ouverture rapide, simple, et propre à sécuriser le service public existant.
Ce projet de loi nous oblige à renverser entièrement nos perspectives intellectuelles : nous continuons aujourd’hui de privilégier le train à tout autre mode de transport, même lorsqu’il est extrêmement déficitaire. Notre sentiment est que, au regard de la conjoncture budgétaire, l’initiative publique trouverait intérêt à n’intervenir qu’en cas de défaillance de l’initiative privée. Oui, l’ouverture du transport par car provoquera des recompositions dans l’offre de transport ; mais cela permettra sans doute d’aller vers un optimum pour l’usager, avec des lignes de service public conventionnées, qui permettront de compenser des manques, avec des services privés parfois. Pour aller de Bordeaux à Lyon, aujourd’hui, il faut prendre l’avion : en train, il faut près de huit heures... Si une ligne privée d’autocar se crée et emprunte l’A89, dite « autoroute des présidents », qui est vide, cela ne pourra qu’améliorer la qualité de service, même si la réduction du temps de trajet n’est pas considérable.
Nous proposons de substituer au périmètre infrarégional prévu par le projet de loi – la taille des futures régions étant très variable, nous risquerions d’aboutir à des inégalités de traitement – un seuil de 100 kilomètres. Selon notre proposition, en deçà de cette distance, les nouvelles lignes font l’objet d’une déclaration auprès de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère de l’énergie et du développement durable, préalablement à leur ouverture. L’État informe alors l’ensemble des autorités organisatrices de transports concernées. Si celles-ci disposent d’une ligne de service public sur le parcours, elles peuvent saisir l’ARAFER, sous six semaines ; l’ARAFER étudie si l’atteinte substantielle est réelle et rend un avis conforme sous deux mois, ou trois si le dossier est complexe.
Laisser cette décision aux autorités organisatrices n’est pas raisonnable, car certains peuvent être hostiles au car par idéologie, et on aboutirait à des lignes en confettis...
Il ne s’agit pas, monsieur Denis Baupin, d’ouvrir des services conventionnés ; le système envisagé n’est pas celui de la délégation de service public. Il s’agit d’ouvrir un marché. Les autorités organisatrices continuent de pouvoir développer les services conventionnés de leur choix – bus ou train – et peuvent tout aussi bien choisir de ne pas en ouvrir, si l’initiative privée suffit à assurer, à des tarifs convenables, les liaisons nécessaires. Nous regardons seulement si les lignes privées nouvelles portent atteinte au service public existant.
Nous sommes défavorables, vous l’avez compris, à l’amendement SPE1322.
M. le ministre. Je commence par répondre aux arguments développés par M. Denis Baupin, dans cet amendement et d’autres qui lui sont liés.
La philosophie de l’amendement SPE1322 est celle d’une économie administrée. Ce n’est pas l’esprit du texte, même si certaines préoccupations nous sont communes et peuvent être prises en considération, notamment grâce à l’amendement SPE1533.
La limitation à un réseau préalablement défini par l’ARAFER ne nous paraît pas réaliste : notre territoire est vaste, et un tel schéma prédéfini deviendrait rapidement obsolète. Cela entrerait de surcroît en contradiction avec la philosophie du projet de loi. Il nous semble préférable d’essayer de corriger les dommages que l’ouverture de certaines lignes pourrait occasionner plutôt que de limiter les ouvertures en amont.
Quant à l’extension du régime de protection des services publics à toutes les liaisons, infra- et inter-régionales, il me semble qu’elle serait également excessive : nous nous condamnerions à ne changer la situation qu’à la marge. Le seuil kilométrique proposé par les rapporteurs nous paraît donc plus adapté, en tout cas nuirait moins au développement de cette activité que nous voulons créer.
Sur l’interdiction de certaines lignes par les autorités organisatrices pour des motifs non économiques – pour des raisons environnementales, de cohérence intermodale, d’égalité des territoires – je veux dire que l’offre d’autocar ne doit être encadrée a priori que si elle a des conséquences négatives pour un service public existant. C’est également ce que proposent les rapporteurs. La multiplication des critères serait source de complexité et nuirait à l’objectivité des décisions. C’est ce qui me gêne dans votre amendement, monsieur Denis Baupin, à vrai dire : la multiplication des contraintes a priori stériliserait le dispositif proposé.
Le développement d’une mobilité citoyenne respectueuse de l’environnement est une priorité du Gouvernement ; nous investissons d’ailleurs, dans le cadre des plans industriels, pour favoriser la recherche et développement, afin que les constructeurs proposent des autocars moins polluants. Je m’engage à aller plus loin encore dans cette direction.
De façon cohérente, la volonté du Gouvernement, je le répète, est bien de substituer du transport collectif à du transport individuel. Malgré l’excellence de notre système ferroviaire, la France est en retard sur ce point : la part cumulée des transports par train et autocar est de 15 % en France, contre 20 % en Espagne et près de 17 % en Italie. C’est dû au taux de remplissage décevant, hors TGV, de nos trains, et au faible développement des autocars. Le bilan carbone de ceux-ci, je le souligne aussi, n’est pas significativement différent de celui des TER notamment. Il serait donc illogique de prévoir une possible interdiction de cars sur la base d’un critère à l’aune duquel leur utilisation est plutôt positive, en particulier par rapport à l’automobile.
Il nous paraît pleinement justifié, monsieur Denis Baupin, de préciser que l’atteinte doit être substantielle ; il n’y a pas lieu de prohiber les initiatives privées dont l’impact sur le service public serait mineur, ce qui signalerait plutôt une bonne complémentarité entre public et privé. Les conséquences doivent être appréciées, à notre sens, dans leur globalité, et non pour la seule ligne concernée. Les contrats passés par les régions avec la SNCF couvrent de nombreuses lignes entre lesquelles il existe une péréquation. Sur ces deux points, l’amendement SPE1322 nous apparaît excessif.
S’agissant de l’avis de l’ARAFER, il nous semble, contrairement à vous, que l’avis conforme est un point essentiel, garant de la cohérence et de la sécurité juridique de la réforme. Il permettra l’harmonisation des pratiques régionales, et garantira donc l’égalité des territoires. Les régions et les autocars pourront aussi, sur la base de cet avis, éventuellement agir en justice.
Vous souhaitez un régime déclaratif en toutes circonstances. Je suis sensible à votre souci de clarté et de transparence, mais il ne faut pas multiplier les sources de complexité. Il nous paraît préférable de limiter le régime déclaratif au strict nécessaire. La solution proposée par l’amendement SPE1533, qui est de limiter ces déclarations aux liaisons courtes, nous paraît préférable.
Sur l’ouverture des données des sociétés d’autocars, qui rejoint une discussion que nous venons d’avoir, je redis que le Gouvernement est favorable au développement de l’accès libre aux données numériques. Le projet de loi sur le numérique engagera sur ce point des réformes substantielles ; Mme Axelle Lemaire et M. Thierry Mandon feront une large présentation de ce texte, qui fait l’objet d’une vaste concertation, dès cette semaine. Sur le thème précis des données numériques dans le secteur du transport, M. Alain Vidalies a confié un travail à M. Francis Jutand, membre du Conseil national du numérique. Ses conclusions sont attendues à la fin du mois de janvier et nourriront ledit projet de loi. Il nous paraît préférable, pour prendre des mesures, d’attendre d’avoir toutes les cartes en main. Mais la volonté du Gouvernement est bien de favoriser la plus grande ouverture possible des données, donc la transparence et in fine les usagers.
Les normes environnementales, enfin, doivent évidemment être respectées. Il nous paraît néanmoins difficile de faire apparaître ce point dans la loi : les normes d’émission sont harmonisées à l’échelle européenne ; nous risquerions de créer de l’insécurité juridique. Tout nouveau véhicule immatriculé – ce qui sera le cas des nouvelles flottes d’autocars qui vont se constituer – sera de toute façon obligatoirement conforme aux normes les plus récentes.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable à l’amendement SPE1322, même si nous comprenons certaines de vos préoccupations, auxquelles il nous semble que répond l’amendement qu’a présenté M. Gilles Savary.
La proposition de seuil kilométrique paraît effectivement permettre de mieux prendre en considération la réalité des services publics et de garantir la cohérence territoriale. Elle est très pertinente du point de vue de la concurrence potentielle entre le chemin de fer et la route. Le seuil de 100 kilomètres est d’ailleurs proche de ce qui se fait chez nos voisins, l’Allemagne en particulier ayant retenu comme seuil un trajet de moins d’une heure. Un seuil trop élevé briderait l’efficacité de la réforme et alourdirait la charge de travail de l’ARAFER, qui en serait moins efficace.
Cet amendement nous paraît aussi propre à améliorer le régime de déclaration. Je proposerai tout à l’heure, pour tenir compte sur un point précis des amendements SPE1317 de M. François-Michel Lambert et SPE920 de M. Philippe Vigier, un sous-amendement technique. Il nous paraît en tout cas judicieux de concentrer le régime déclaratif sur les liaisons courtes, ce qui correspond au périmètre des analyses d’impact de l’ARAFER.
Enfin, pour les nouvelles liaisons, il nous semble préférable que la déclaration soit faite directement à l’ARAFER. C’est un ajustement minime.
C’est pourquoi j’émets un avis favorable à l’amendement SPE1533.
M. le président François Brottes. Je regrette que l’on évoque peu, dans nos débats, le développement du covoiturage, et le succès phénoménal de Blablacar, par exemple.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. L’intérêt du seuil kilométrique est de permettre, sur une ligne de bus longue, de protéger le cabotage. Les régions pourront donc faire valoir l’existence d’une ligne de moins de 100 kilomètres qui pourrait être mise en danger par l’ouverture d’une ligne longue de 300 kilomètres. On pourra empêcher l’ouverture d’une ligne de car si tel ou tel point est déjà desservi, par un bus ou un train.
M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai précisé lors de la discussion générale que le groupe UMP s’opposerait à ce projet de loi, sans pour autant s’interdire d’en approuver certaines dispositions. Nous nous apprêtons, si les amendements ne le modifient pas de façon substantielle, à voter cet article : nous sommes favorables à l’ouverture du transport par car, qu’il vienne en substitution ou en complément du transport par train. Nous sommes aussi favorables à une régulation.
J’aimerais être certain que votre projet de loi tient compte de la situation spécifique de l’Île-de-France. Plusieurs élus franciliens dans cette salle connaissent les particularités franciliennes. L’expertise a-t-elle été conduite à son terme sur ce sujet ?
Plusieurs amendements font référence à des autorités organisatrices de transports. Mais j’appelle votre attention sur le fait que les transports à la demande, par exemple, ne sont pas codifiés. Or, certaines agglomérations ou communautés de communes se sont dotées de compétences dans le domaine du transport, et elles peuvent parfaitement passer avec des opérateurs privés de toutes sortes des conventions pour déployer, par exemple, des systèmes de transport à la demande qui entrent dans le champ défini ici, celui de « services réguliers non urbains ». Le projet de loi laisse de côté, je crois, le cas des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ne sont pas encore autorités organisatrices de transports et qui, en Île-de-France par exemple, sont en relation tant avec le conseil régional qu’avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). Il n’est pas possible de laisser perdurer ce vide juridique, mais, si nous décidons de légiférer, il faudra veiller à maintenir toute la souplesse nécessaire et à laisser toute sa place à l’expérimentation.
M. Jean-Louis Bricout. En matière de mobilité, l’information numérique sur les transports joue un rôle essentiel. Il faudrait pouvoir l’intégrer dans l’un ou l’autre des amendements.
M. le président François Brottes. Monsieur Denis Baupin, je vous donnerai la parole en dernier, ce qui vous permettra de réagir aux propos du ministre mais aussi d’indiquer si vous retirez votre amendement au profit de celui du rapporteur.
M. Gilles Lurton. Si j’approuve l’amendement du rapporteur qui vise à mettre en place un régime déclaratif, je trouve que le seuil de 100 kilomètres est trop bas : compte tenu des propos entendus lors des auditions, je m’attendais plutôt à 150 ou 200 kilomètres.
M. Denis Baupin. Rassurez-vous, monsieur le président, je suis très favorable au covoiturage, et encore plus aux autocars bien remplis. Pour avoir mené à Paris une politique en faveur des autobus et du covoiturage, je pense que nous pouvons trouver un terrain d’entente. En revanche, je ne suis pas d’accord avec le ministre quand il explique que notre amendement plaide pour une forme d’économie administrée – ce qui, de sa part, ne ressemble pas à un compliment… En l’occurrence, nous défendons un service public des transports, orientation que nous n’avons pas intérêt à dénigrer.
Puisque les actuels usagers du train utiliseront aussi les futurs autocars, il faut une politique coordonnée en matière de tarification, d’information et d’horaires de correspondance, quels que soient les acteurs. C’est ce que font les autorités organisatrices, tel le STIF qui, en Île-de-France, est même passé à un tarif unique sur tout le territoire régional. La coordination entre ces différents modes de transport est essentielle, notamment pour les usagers, et nous aurions tort de penser que le libre marché apportera une réponse optimale.
Si le Gouvernement souhaite répondre aux besoins de mobilité tout en réduisant les impacts environnementaux des transports, il est contreproductif de refuser d’intégrer ce critère parmi ceux qui seront pris en compte par l’autorité de régulation. Il ne s’agit pas de considérer a priori que l’autocar sera est plus polluant que le rail. Pour ma part, je pense que cela dépend des conditions dans lesquelles on l’utilise. Et, inversement, si l’on pense que l’autocar est moins polluant dans tous les cas, pourquoi refuser de retenir ce critère ? De même, si le Gouvernement cherche à promouvoir les véhicules moins polluants, comme vous le prétendez, monsieur le ministre, pourquoi ne pas profiter de ce dispositif pour demander aux compagnies d’en utiliser ? Il serait pertinent d’imposer cette condition alors que nous sommes en train d’adopter la loi sur la transition énergétique et que nous nous préparons à accueillir la conférence sur le climat.
Monsieur le rapporteur, il ne nous avait pas échappé qu’il ne s’agit pas de délégation de service public, et c’est même ce qui nous incite à vouloir modifier la logique : il nous paraît pertinent de retenir celle qui prévaut pour les autorités organisatrices de transports (AOT), mais à l’échelle nationale. En l’absence d’AOT au niveau national, qui va organiser un dispositif cohérent avec celui du transport par rail ? Il faudrait une autorité organisatrice de transports intérieurs pour l’ensemble du territoire national. Peut-être pourra-t-on en créer une dans le cadre d’une nouvelle loi d’orientation pour les transports intérieurs ? Quoi qu’il en soit, ce genre d’autorité fait défaut à l’heure actuelle.
Nous maintenons cet amendement. Si nous voulons que le système d’autocars puisse répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens et aux enjeux de cohérence écologique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut qu’il soit plus organisé. L’amendement du rapporteur n’est pas satisfaisant car, passé le seuil des 100 kilomètres, il n’y a plus aucune régulation.
M. le président François Brottes. Si j’ai bien compris, le ministre suggérait au rapporteur de prendre en compte les remarques de nos collègues François-Michel Lambert et Philippe Vigier et de donner le rôle de régulateur à l’ARAFER. Monsieur le rapporteur, intégrez-vous ces suggestions dans votre amendement ?
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je n’y vois aucun inconvénient. Si l’État ne veut pas recevoir les déclarations lui-même, elles seront adressées à l’ARAFER qui a une vision globale et intermodale avec le ferroviaire. À cet égard, la parole du ministre a beaucoup plus d’autorité que la mienne.
Monsieur Jean-Frédéric Poisson, le seuil des 100 kilomètres peut être discuté et, en Île-de-France, il sera fixé par décret après avis de l’ARAFER. Refusant d’opposer le rail à la route, nous nous situons dans une approche de mobilité globale et intermodale. En Île-de-France, voulons-nous que des cars aillent directement de la grande périphérie aux aéroports ou aux gares sans passer par Paris ? Telle est la question.
Nous voulons améliorer les transports en comblant notre grand retard sur ces questions. Comment on y parvenir avec le plus de souplesse possible ? Un amendement à venir propose que ces nouvelles liaisons par car s’inscrivent résolument dans une approche intermodale, que les gares routières soient connectées aux gares maritimes, aux gares ferroviaires et aux aéroports. Nous voulons offrir un bouquet de mobilités aux usagers, sans chercher à protéger absolument un train qu’ils ne prennent pas au détriment d’un car qu’ils pourraient prendre. Le texte prévoit donc un régime un peu particulier pour l’Île-de-France.
En toute logique, monsieur Denis Baupin, vous auriez dû voter pour l’amendement de Mme Jacqueline Fraysse. Si nous accédons à votre demande de délégations de service public alors qu’elles ne sont interdites à aucune collectivité territoriale ou AOT, nous ne changeons pas de système : aucune ligne ne sera créée par un entrepreneur routier. C’est l’aboutissement de votre détour technique. Or nous voulons permettre à des entreprises d’ouvrir des lignes de cars dont nous verrons bien comment elles s’articuleront avec les lignes de service public. Il ne sera jamais interdit à une AOT de poursuivre l’exploitation de lignes de service public de cars ou de trains, ou même d’en créer de nouvelles. Quoi qu’il en soit, j’accepte la proposition du Gouvernement.
La Commission rejette l’amendement SPE1322.
M. le président François Brottes. L’amendement SPE1533 est modifié comme suit, à la demande du Gouvernement et avec l’accord du rapporteur thématique : à l’alinéa 3, les mots « autorité administrative de l’État » sont remplacés par les mots « Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ».
La Commission adopte l’amendement SPE1533 ainsi rectifié.
En conséquence, les amendements SPE1047, SPE1311, SPE1307, SPE1310, SPE1323, SPE868, SPE1274, SPE271, SPE869, SPE1276, SPE872, SPE1278, SPE1277, SPE1313, SPE1314, SPE875, SPE1295, SPE876, SPE1048, SPE1049, SPE1315, SPE1275, SPE1050, SPE270, SPE1268, SPE920, SPE1317, SPE1316, SPE47, SPE1282, SPE1281, SPE1280, SPE69, SPE48, SPE1279, SPE923, SPE1283, SPE1284 tombent.
M. le ministre. Pour être complet, je souhaitais apporter une réponse complémentaire sur l’Île-de-France. Selon la philosophie de l’amendement des rapporteurs, l’ARAFER donnera son avis à partir d’un certain seuil kilométrique fixé par décret. Les modalités de régulation sont donc prévues et le STIF reste le seul opérateur des mobilités, conformément à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Compte tenu de la cohérence d’ensemble du dispositif, le STIF restera l’AOT compétente : le texte actuel ne propose pas de constituer une AOT spécifique de la même façon que la loi sur les métropoles avait décidé que le STIF occuperait cette fonction.
M. Jean-Frédéric Poisson. En Île-de-France, il y a d’autres EPCI que la métropole de Paris. Celle-ci n’épuisera l’intégralité de la compétence en matière de transports ni sur le territoire régional ni sur le sien, en particulier quand il s’agit de transports ne dépendant pas du STIF. En dehors des transports scolaires et périurbains réguliers, le STIF n’a plus d’autre compétence que celle de décider de conduire tel ou tel projet. À ce moment-là, les EPCI qui ne sont pas AOT pourront prendre le relais pour déployer des systèmes alternatifs ou complémentaires. Je voudrais cependant être sûr que cette mécanique ne sera pas handicapée ou remise en cause par le présent texte.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE49 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
La Commission est saisie de l’amendement SPE1318 de M. François-Michel Lambert.
M. Denis Baupin. Les usagers des différents modes de transport sont les mêmes, et ils ont besoin d’informations coordonnées. Si nous voulons que nos concitoyens privilégient les transports collectifs, nous devons faire en sorte qu’ils aient accès à des informations fiables et cohérentes, qu’ils sachent à quoi s’en tenir en matière de mobilité quel que soit le mode de transport utilisé. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le ministre. Monsieur Denis Baupin, je partage votre souci du service public tout en constatant qu’il ne s’étend pas à la totalité des transports et du territoire. Il faut lui trouver sa juste place.
Quant à cet amendement, il relève de la même philosophie que celui proposé par M. Joël Giraud sur la SNCF. Le Gouvernement est favorable au développement du partage d’informations en ligne mais considère que cette disposition doit être envisagée dans le cadre de la loi sur le numérique. Je vous propose deux solutions : retirer votre amendement pour que votre préoccupation soit prise en compte dans le cadre d’une ambition plus large sur le partage des données en ligne, c’est-à-dire dans le projet de loi sur le numérique ; le modifier pour remplacer les entreprises mentionnées au 1) de l’article L. 3111-17 par les « entreprises de transports publics de voyageurs conventionnées », ce qui en réduit le champ mais sécurise le dispositif.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement est extrêmement intéressant, mais il ne peut être dissocié de celui de notre collègue Joël Giraud. Je suggère donc que cette proposition soit, elle aussi, examinée lors du rendez-vous promis par le Gouvernement sur l’open data dans les transports. Le Gouvernement doit s’engager sur un projet de données ouvertes généralisé à tous les modes de transport : il serait paradoxal de l’exiger des autocaristes, à bon escient, et de le refuser pour la SNCF, qui est le plus gros producteur et détenteur de données des transports terrestres en France.
M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, êtes-vous sensible aux appels à la clarté du rapporteur ?
M. le ministre. J’y suis pleinement sensible. Parlant sous votre contrôle, monsieur le président, je propose de prendre le même engagement que précédemment pour l’amendement de M. Joël Giraud : sous-amender en séance et avoir une approche plus large dans le cadre du projet de loi sur le numérique, afin d’aller au-delà des transports conventionnés.
M. le président François Brottes. J’imagine, monsieur Denis Baupin, que vous retirez votre amendement ?
M. Denis Baupin. Non, mais je suis d’accord pour le modifier dans le sens proposé par le ministre. S’il propose de le sous-amender, c’est donc qu’il envisage de l’approuver, ce dont je le remercie… Ce qui sera acquis en commission permettra de faire avancer le débat en séance. Si nécessaire, il pourra toujours être amendé et complété en séance par le Gouvernement ou d’autres.
M. le président François Brottes. Il me semble que le rapporteur avait une objection de forme…
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. De fond ! Monsieur Denis Baupin, vous proposiez que les autocaristes mettent leurs données à disposition. Or, si j’ai bien compris, vous êtes maintenant d’accord pour ne le demander qu’aux entreprises d’autocars conventionnées. Pour ma part, je pense que la mesure doit s’appliquer aussi aux entreprises privées et à la SNCF. Pourquoi les entreprises conventionnées par les régions ou les départements devraient-elles fournir leurs données tandis que les futures lignes privées en seraient dispensées ? Je ne comprends pas votre position et, très amicalement, je me demande si vous mesurez bien la portée très restrictive de la proposition du ministre.
M. le président François Brottes. Je crains que le rapporteur n’ait raison.
M. Hervé Mariton. C’est l’occasion de reprendre le débat un peu avorté de tout à l’heure. Le rapporteur a absolument raison : le ministre invoque pudiquement la sécurité juridique, mais s’agit-il de cela ou de la protection des intérêts commerciaux de la SNCF ? Il faut ouvrir l’accès à l’ensemble des données et je ne vois pas ce qui pourrait y faire obstacle au nom de la sécurité juridique, qu’il y ait convention ou non, qu’il s’agisse du transport par autocar ou par train. On peut comprendre que la SNCF ne le souhaite pas pour ses activités concurrentielles, mais cela ne correspond pas nécessairement à l’intérêt général dont nous sommes garants.
M. le président François Brottes. Monsieur Denis Baupin, ce débat vous a-t-il convaincu de la nécessité d’approfondir le débat en séance pour n’oublier personne dans le dispositif ?
M. Denis Baupin. Oui, mais je note les différences d’appréciation très importantes entre le rapporteur et le ministre sur la politique d’open data.
M. le président François Brottes. Ce n’était pas ma question…
M. Denis Baupin. C’est important néanmoins car, comme le disait quelqu’un que vous connaissez bien, « quand il y a un flou, c’est qu’il y a un loup »... En renvoyant les questions à plus tard, on court le risque qu’elles ne soient pas tranchées dans le sens prévu par le rapporteur au moment où il attire notre attention. Je vais retirer mon amendement, mais en espérant qu’elles le seront en faveur des usagers, c’est-à-dire que l’obligation de communiquer les données concernera l’ensemble des acteurs du transport et de la mobilité.
L’amendement SPE1318 est retiré.
M. le président François Brottes. Certes, les débats doivent avancer le plus loin possible en commission mais, si nous risquons de ne pas être exhaustifs, il vaut mieux les reporter à la discussion en séance, qui n’est pas très éloignée. Monsieur le ministre, vous avez été interpellé. Peut-être souhaitez-vous répondre ?
M. le ministre. Soyez rassuré, monsieur Denis Baupin : il n’y pas ni flou, ni « loup », ni divergence entre le rapporteur et moi-même. Je partage sa préoccupation et je souhaite que nous mettions à profit les jours qui viennent pour présenter en séance les propositions les plus ambitieuses possible.
Monsieur Hervé Mariton, l’argument de sécurité juridique est valable pour les acteurs privés comme pour la SNCF, et les questions d’intérêt patrimonial se posent pour les uns comme pour les autres. Nos services doivent donc réaliser une véritable expertise. Ouvrir de manière excessive les données publiques pourrait conduire à une forme d’expropriation, alors que les investissements effectués justifieraient des indemnisations. À ce stade, c’est ce que nous voulons éviter.
Dans le domaine du transport ferroviaire de voyageurs, nombre de compétiteurs européens – en particulier la Deutsche Bahn – mettent en ligne beaucoup plus d’informations que la SNCF, comme l’a souligné M. Joël Giraud. Ma conviction personnelle est qu’il faut aller dans cette direction. Qu’il s’agisse du transport par autocar ou par train, je pense, comme le rapporteur Gilles Savary, que le développement de l’information en ligne permet d’accroître le service à l’usager et l’innovation dans le secteur. J’y suis favorable. Je n’ai pas de pudeur en la matière mais je pense qu’il faut prendre quelques précautions techniques. J’espère que nous pourrons lever les doutes dans le laps de temps qui nous sépare de la séance. En tout cas, je m’engage à apporter toutes les réponses utiles venant de mes services, de ceux de Mme Ségolène Royal ou de M. Alain Vidalies et des opérateurs concernés, afin que les propositions soient les plus ambitieuses possible.
M. Joël Giraud. Je voudrais souligner l’intérêt de la position du ministre. La SNCF, comme tous les opérateurs ferroviaires, déclare des horaires à l’Union internationale des chemins de fer. Dans ce système, certains comme la Deutsche Bahn jouent le jeu de la mobilité sur leur territoire de manière intelligente, tandis que d’autres, comme la SNCF, ne le font pas. Il en sera de même pour les futures lignes d’autocars. Une personne se rendant d’un point A à un point B doit savoir quels modes de transport sont à sa disposition, donc avoir accès à l’ensemble des données. Il faut retravailler ces amendements afin d’aboutir à un système ouvert où les informations ne relèveront pas du « confidentiel défense »…
M. Jean-Louis Bricout. Il serait bon de préciser aussi dans la loi que les données fournies par les opérateurs mentionnent si le trajet est accessible aux personnes en situation de handicap qui veulent emprunter différents types de transport.
M. le président François Brottes. La question de l’accessibilité est posée par les amendements qui suivent. Le rapporteur a bien compris qu’il devait travailler avec M. Denis Baupin et M. Joël Giraud sur les amendements qui viendront en séance.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements SPE1319 et SPE1320 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Le ministre et le rapporteur ont longuement parlé de rendre accessible la mobilité à ceux qui n’ont pas les moyens de se déplacer par le rail ou par la voiture. Encore faut-il que cet objectif soit atteint et que la politique tarifaire n’exclue pas toute une partie de la population.
L’amendement SPE1319 vise à ce que la politique tarifaire soit définie avec l’autorité régulatrice, qu’elle prévoie un quota minimum de billets à tarif largement inférieur à celui du transport ferroviaire et qu’elle favorise les personnes à mobilité réduite. Sur ce dernier point, j’adhère aux propos de notre collègue Jean-Louis Bricout.
Dans le cas, très hypothétique, où cet amendement ne serait pas adopté, notre amendement SPE1320 constitue une solution de repli, ne comportant pas de quota minimum de billets à tarif réduit.
M. le président François Brottes. Je me permets d’observer que les parlementaires n’ont pas forcément à voter des dispositions qui relèvent du décret… Pour modifier un chiffre qui figure une loi, il faut trouver, vous le savez très bien car vous êtes un parlementaire aguerri, un nouveau véhicule législatif, ce qui peut prendre trois ans !
M. le ministre. L’administration des prix prévue par le présent amendement entre en contradiction avec le principe d’ouverture du marché défendu par le projet de loi. En outre, elle soulève des difficultés juridiques car elle contraint le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre, qui impose notamment que les restrictions tarifaires soient proportionnées à l’objectif poursuivi, ce qui ne paraît pas être le cas.
Il existe déjà des règles exigeantes en matière d’accessibilité, un principe de traitement non discriminatoire et, pour les trajets de longue distance, une assistance spécifique incluant la gratuité du transport pour les accompagnants nécessaires.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à ces deux amendements. Je suis cependant sensible à la préoccupation – également exprimée par M. Jean-Louis Bricout – de mieux prendre en compte l’accessibilité. Peut-être devrait-on imposer, au minimum, la transparence des informations fournies aux usagers, afin que ceux en situation de handicap ne soient pas victimes de l’intermodalité à venir. Notre discussion, en tout cas, me conduit à vous inviter à travailler collectivement à améliorer le dispositif dans le sens de la transparence plutôt que dans celui de la modulation tarifaire.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Monsieur Denis Baupin, nous devons absolument réussir à nous placer en dehors du cadre du transport conventionné. Nous n’avons pas à contrôler les prix : les gens choisiront en fonction des prix et des services proposés. Vous avez raison d’être attaché au service public des transports, dont le rôle, défini dans un cahier des charges, est de répondre à des exigences spécifiques. Les départements et les régions disposeront encore de la faculté de créer des lignes de service public, en arguant du fait que le privé n’assure pas cette mission. C’est tout le sens du service public dans une économie de liberté, depuis la Révolution française. Il n’est pas plus question de fixer les prix des transports privés que celui des restaurants privés. En revanche, on fixe celui des cantines. Ces nouvelles lignes offriront de nouveaux services, dont certains seront utiles et d’autres non ; certains vivront et d’autres mourront.
S’agissant des personnes à mobilité réduite, les directives européennes qui encadrent les droits des passagers constituent des prescriptions pour l’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics ou privés. La loi française peut les renforcer, mais nous ne pouvons pas ouvrir des services de bus hors norme, que ce soit en matière de motorisation ou d’accueil de publics fragiles. Avis défavorable.
M. Denis Baupin. Je n’ai toujours pas compris quelle était l’autorité organisatrice pour des liaisons comme Bordeaux-Lyon… Pour l’heure, il n’y en a pas, ni, par conséquent, de possibilité de délégation de service public. L’argument du rapporteur n’est valable que pour des trajets qui se situent à l’intérieur des régions et des départements, en vertu de dispositifs existants.
J’ai bien compris la logique sous-jacente, mais nous n’y adhérons pas : nous défendons une logique de transports collectifs de service public. Nous avons un problème de désaccord et non d’incompréhension. Nous craignons notamment que ces services d’autocars ne remplissent pas les objectifs de mobilité que nous voulons leur assigner, notamment en ce qui concerne la sobriété énergétique et l’accessibilité aux personnes les plus en difficulté – sans pour autant, je le répète, être opposés aux autocars.
S’agissant de l’argumentaire du ministre, je peux comprendre que la question de la proportionnalité des restrictions tarifaires aux objectifs poursuivis puisse être évoquée pour le premier amendement mais pas pour le second. Je maintiens donc ces amendements.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Monsieur Denis Baupin, vous n’avez pas de chance car il existe de nombreuses AOT sur la liaison
Bordeaux-Lyon : l’État pourrait faire un chemin de fer de qualité en investissant des milliards d’euros ; les régions Limousin et Auvergne, ainsi que les départements traversés, peuvent agir. Des services publics de bus ou de trains pourraient couvrir tout le trajet mais le service public est défaillant. Qui en sort gagnant ? Le covoiturage et les compagnies aériennes low cost. Le Bordelais que je suis, pour aller à Lyon, prend l’avion.
M. le ministre. Monsieur Denis Baupin, soyez pleinement rassuré : il existe une AOT qui s’appelle l’État ; la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) peut signer une délégation de service public pour l’ouverture d’une ligne.
La Commission rejette successivement les amendements SPE1319 et SPE1320.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel SPE50 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
Puis elle en vient à l’amendement SPE1321 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement aurait pu aussi être défendu par M. Alexis Bachelay ou M. Philippe Goujon puisque nous y avons travaillé ensemble, en qualité de membres du Club des parlementaires pour le vélo. À la faveur de la création de services de transports publics supplémentaires, nous souhaitons que soit pensée l’intermodalité entre les autocars et les modes de déplacement doux. Nous présenterons d’autres amendements concernant les gares.
M. le président François Brottes. Comptez-vous le vélo électrique dans les modes de déplacement doux ?
M. Denis Baupin. Les vélos à assistance électrique – qui ne sont pas des scooters – peuvent être considérés comme tels.
M. le président François Brottes. Comme il y a des débats sur la puissance, je me permets de poser la question au spécialiste que vous êtes…
M. Denis Baupin. Je suis pour les vélos à assistance électrique, à condition que l’alimentation se fasse à partir d’énergies renouvelables.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à une bonne prise en compte de l’utilisation du vélo, en particulier en lien avec les gares routières dont il sera question à l’article 4. Je n’ai pas d’opposition de fond à cet amendement, mais je suggère de le retirer pour le représenter à cet endroit du texte.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Nous devons penser à l’intermodalité en permanence, et dans tous les domaines de la mobilité. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
M. Jean-Yves Caullet. Il faut aussi prendre en compte cette problématique dans l’open data, pour qu’il n’y ait pas d’interruption dans un trajet qui commence par un transport compatible avec le vélo.
M. le président François Brottes. M. Denis Baupin ne pourra pas rattacher cet amendement à l’article où vous lui avez donné rendez-vous. Pour que cet amendement soit adopté, il vaut mieux qu’il soit soumis au vote maintenant, à charge pour le Gouvernement de le déplacer en séance.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE51 et SPE52 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
Elle en vient ensuite à l’amendement SPE497 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement vise à faciliter le travail de l’ARAFER en lui donnant une base juridique pour procéder à des expertises et recueillir des données. Il s’agit de faire en sorte qu’elle puisse disposer de toutes les informations nécessaires pour que le secteur des services réguliers non urbains de transport routier de personnes soit le plus transparent possible. Elle pourra ainsi élaborer des analyses et nous informer via ses rapports réguliers.
M. le ministre. Avis favorable. Il s’agit d’un pouvoir classique des régulateurs, dont dispose notamment l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements SPE926 de M. Bertrand Pancher et SPE1272 de M. Joël Giraud.
M. Michel Zumkeller. Nous souhaitons que les sanctions applicables dans le domaine ferroviaire le soient également dans le domaine routier, nouvelle activité de l’ARAFER.
M. Joël Giraud. Mon amendement va dans le même sens mais il me semble satisfait par l’amendement SPE497, qui dispose que : « Les manquements à ces dispositions sont sanctionnés dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre V du titre III du livre 1er de la deuxième partie. »
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je pense que ces amendements sont en effet satisfaits par l’amendement SPE497 que nous venons d’adopter.
Les amendements SPE926 et SPE1272 sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE70, SPE53 et SPE54 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
Puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.
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Article 3
(art. L. 1221-3, L. 3111-1, L. 3111-2, L. 3111-3, L. 3421-2, L. 3451-2, L. 3452-5-1, L. 3452-6,
L. 3452-7, L. 3452-8, L. 3521-5 et L. 3551-5 du code des transports)
Transport par autocar : dispositions de coordination
I. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
L’article 3 du projet de loi tire les conséquences des nouvelles dispositions prévues à l’article 2 en procédant à divers ajustements du code des transports :
1° L’article L. 1221-3 du code des transports pose en principe général, pour les modalités d’exécution des services de transport public de personnes, que cette exécution est assurée soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise avec laquelle la personne publique (l’autorité organisatrice) a passé une convention à cet effet. Toutefois, ce principe ne fait pas obstacle à ce que des dessertes intérieures régulières soient assurées par des entreprises de transport ferroviaire ou routier de voyageurs dans le cadre de services de transport international, dans certaines conditions (fixées par l’article L. 2121-12 pour le transport ferroviaire et par l’article L. 3421-2 pour le transport routier) : c’est l’hypothèse du « cabotage ».
L’article 3 du projet de loi, pour assurer la coordination avec la création de l’article L. 3111-17 par l’article 2, prévoit que le principe de l’article L. 1221-3 ne fait pas obstacle à l’organisation libre de services routiers réguliers non urbains, si les conditions posées par l’article L. 3111-17 sont respectées.
De la même manière, une référence est introduite à cet article L. 3111-17 nouveau dans les articles L. 3111-1, L. 3111-2 et L. 3111-3 qui régissent l’organisation des transports publics collectifs, respectivement par les départements, les régions et les entreprises délégataires.
2° L’introduction du nouvel article L. 3111-17 amène à modifier l’article relatif au cabotage routier (article L. 3421-2) : puisqu’il sera désormais possible pour les entreprises établies en France d’assurer des dessertes régulières sur le territoire national sans que ces dessertes s’inscrivent dans une liaison internationale, cette disposition régissant le cabotage ne sera plus applicable qu’aux entreprises non établies en France, et l’État devra (et non plus « pourra ») les y autoriser, tout en gardant la possibilité de les interdire si l’objet principal du service n’est pas un transport entre des arrêts situés dans des États différents.
3° La mise en œuvre du nouvel article L. 3111-17 sera assortie, par la modification apportée à l’article L. 3452-6, des mêmes sanctions pénales que le non-respect des conditions d’exercice du cabotage routier ou que l’utilisation d’une autorisation ou licence de transport suspendue ou périmée : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
4° Enfin, les modalités d’application en outre-mer de l’article 2 du projet de loi sont précisées, en cohérence avec les modalités générales d’application de la partie du code des transports relative au transport routier (non-applicabilité à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin).
II. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
À l’initiative des rapporteurs, la commission spéciale a adopté un amendement visant à mettre en cohérence le dispositif de sanctions pénales et administratives applicables aux services de transport régulier par autocar avec les sanctions applicables aux services occasionnels de transport routier de personnes et aux services de transport de marchandises. Il sera ainsi possible :
1° pour les agents chargés du contrôle des conditions d’exercice des professions de transport, d’immobiliser les autocars en infraction avec les interdictions et limitations décidées par les AOT ;
2° pour le juge, de prononcer les peines suivantes :
a) Une amende de 15 000 euros et un an d’emprisonnement pour les entreprises non établies en France qui, dans le cadre du nouveau régime, effectueraient des opérations de cabotage sans en avoir obtenu l’autorisation conformément au droit communautaire,
b) En complément des sanctions pénales prévues par l’article 3 du projet de loi, l’interdiction pour le professionnel d’exercer des opérations de transport pendant une durée limitée,
c) Une amende de 15 000 euros pour les entreprises non établies en France qui, dans le cadre du nouveau régime, effectueraient des opérations de cabotage sans respecter le principe du caractère accessoire de ce cabotage,
3° Une responsabilité pénale de l’entreprise qui, pour assurer une desserte par autocar, recourt à un sous-traitant qui n’est pas autorisé à exercer la profession de transporteur.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE55 des rapporteurs.
Puis elle examine l’amendement SPE1461 des rapporteurs.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement de coordination qui vise à mettre en cohérence le dispositif pénal et administratif de sanctions applicables aux services réguliers par autocar avec celui des autres services de transport routier libéralisés.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 ainsi modifié.
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Article 3 bis [nouveau]
Habilitation à légiférer par ordonnance pour permettre la réalisation du projet « Charles-de-Gaulle Express »
Aujourd’hui la desserte ferroviaire de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle depuis Paris (gare de l’Est) est assurée par le RER B. Ce n’est pas une desserte rapide, elle présente des problèmes de sécurité pour les voyageurs, et elle n’offre pas des conditions de confort et de régularité suffisantes. La desserte routière par l’autoroute A1 est fortement saturée.
La loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports a prévu qu’un décret en Conseil d’État définirait « les modalités d’établissement par l’État d’une liaison ferroviaire express directe dédiée au transport des voyageurs entre l’aéroport de Roissy – Charles-de-Gaulle et Paris. » Il est également prévu que le projet soit réalisé sous la forme d’une délégation de service public. Ces dispositions sont codifiées dans le code des transports (article L. 2111-3).
Le projet « CDG Express » a fait l’objet d’un débat public en 2003 et d’une déclaration d’utilité publique le 19 décembre 2008.
Dans le cadre de la procédure d’attribution de la concession de la liaison CDG Express, un groupement conduit par Vinci a été désigné en 2009 concessionnaire pressenti pour réaliser ce projet. Le contexte, notamment économique et financier, et la complexité technique du projet n’ont toutefois pas permis de mener à bien l’opération dans un délai raisonnable et dans les conditions initialement envisagées par la procédure. Les négociations avec le groupement ont donc été arrêtées fin 2011.
Après cet échec de la procédure de mise en concession, Réseau Ferré de France (RFF) et Aéroports de Paris (ADP) ont mené des études juridiques et économiques examinant les conditions de relance du projet. Ces études, remises à l’État mi-2013, ont mis en avant plusieurs scénarios de relance. Un accord interministériel est intervenu en décembre 2013. Dans le nouveau schéma, il est prévu de réaliser ce projet selon un montage autre qu’une concession, en confiant à une société dédiée, constituée par RFF et ADP avec la participation éventuelle d’un tiers investisseur, la conception, la construction, le financement, la maintenance et le renouvellement de la ligne CDG Express.
Une disposition législative est nécessaire pour modifier l’article L. 2111-3 du code des transports qui prévoit la réalisation du projet dans le cadre d’une délégation de service public, et pour définir la mission de l’entité dédiée et les modalités de réalisation de l’infrastructure.
Le présent article additionnel a été adopté par la commission spéciale à l’initiative du Gouvernement et avec un avis favorable des rapporteurs, afin de procéder à ces modifications législatives par voie d’ordonnance.
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La Commission examine l’amendement SPE1683 du Gouvernement.
M. le ministre. Il s’agit de donner au Gouvernement une habilitation à légiférer par ordonnance pour toute mesure permettant la réalisation du projet « Charles-de-Gaulle Express » (CDG Express). C’est un projet déterminant pour améliorer les conditions d’accès à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle et soutenir le développement économique durable de notre pays, tout particulièrement de la région d’Île-de-France.
Suite à l’abandon de la procédure de concession de CDG Express engagée en 2006, le projet est désormais relancé sous la forme d’un nouveau montage. Dans son avis du 1er octobre 2014, le Conseil d’État a confirmé la faisabilité juridique dudit montage, sous réserve d’une disposition législative modifiant les règles applicables pour confier directement à une société dédiée, filiale commune de SNCF Réseau et de la société anonyme Aéroports de Paris, la mission de réaliser l’infrastructure.
Cette disposition législative devant être compatible avec les règles du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, elle doit au préalable recueillir un avis favorable de la Commission européenne. Compte tenu des délais contraints, en cas notamment d’une candidature à l’organisation des Jeux olympiques ou d’une exposition universelle, une habilitation à légiférer par ordonnance permettra d’adopter plus rapidement, dès l’obtention de l’avis de la Commission européenne, l’ordonnance qui mettra en œuvre ces modalités de réalisation. En tout état de cause, le Parlement sera amené, lors de l’examen du projet de loi de ratification, à valider le montage de ladite ordonnance. Tel est l’objet de l’amendement du Gouvernement.
M. le président François Brottes. Je rappelle qu’une ordonnance implique deux rendez-vous avec le Parlement : pour l’habilitation et pour la ratification.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis enthousiaste !
M. Denis Baupin. Il est totalement « dingue », si je puis me permettre, qu’on découvre au détour d’un amendement du Gouvernement une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance sur un projet tel que celui-là, dont on n’a même pas le détail !
Monsieur Christophe Caresche, ma réaction ne doit pas vous surprendre car vous connaissez ma position sur CDG Express. Depuis des années, au sein du Conseil de Paris, nous sommes en désaccord profond sur le sujet : on va utiliser des sillons de service public pour créer des liaisons express entre l’aéroport et la ville, alors qu’il existe une ligne de RER et que l’argent public devrait servir à développer d’autres services.
Les échecs successifs de ce projet tiennent au fait qu’il a été fondé sur des hypothèses totalement fantaisistes, notamment en ce qui concerne la croissance du transport aérien et ses conséquences. Il va mobiliser de l’argent public alors qu’il s’agit d’un transport pour privilégiés, dont rien ne prouve au demeurant qu’il sera rentable. D’un côté, on propose des autocars à ceux qui n’ont pas les moyens d’utiliser les transports publics – j’y suis plutôt favorable – ; de l’autre, on crée un transport pour privilégiés en utilisant des sillons qui devraient être réservés au service public.
Au-delà de mon désaccord sur le fond, je trouve la méthode assez stupéfiante. Le projet de candidature aux Jeux olympiques ne me paraît pas particulièrement consensuel ; celui d’une exposition universelle l’est davantage, mais une telle manifestation ne durerait que quelques semaines. Le projet me paraît donc totalement déraisonnable.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout d’abord, je suis surpris que notre collègue évoque le caractère inopiné de ce projet qui était en débat avant même celui du Grand Paris. Dans un premier temps, il a été intégré dans le dispositif avant d’en être écarté parce qu’il y avait des problèmes de temporalité.
Ensuite, je pense que l’on aurait tort de considérer que le RER peut assurer la liaison entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et Paris – tous ceux qui ont fait l’expérience peuvent témoigner que ce n’est pas le cas – notamment parce qu’il y a trois terminaux à Roissy.
Enfin, nous devons régler le problème du lien direct entre les aéroports et le cœur de la capitale. Dans le cadre du Grand Paris Express, il est prévu de prolonger la ligne de métro 14 vers Villejuif et Orly. Pour Roissy, deuxième aéroport européen, il faut envisager des dispositifs spécifiques. L’ordonnance répond au besoin d’aller vite, au moins pour enclencher le dispositif.
M. Jean-Yves Caullet. Je n’ai pas le privilège d’être un élu de la région d’Île-de-France, mais je me préoccupe de la desserte des aéroports internationaux, car ils intéressent aussi les provinciaux. Il est question d’une habilitation pour agir et permettre la réalisation d’une infrastructure ferroviaire, ce qui ne cadre pas avec ce que j’ai entendu sur l’utilisation des sillons existants. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer qu’il s’agit bien de la réalisation d’une infrastructure nouvelle ?
M. Jean-Louis Costes. Je voulais simplement dire que, pour notre part, nous sommes favorables à cet amendement.
M. le ministre. Les analyses effectuées ont toujours confirmé que le réseau occupera en partie des sillons existants, même si je ne peux pas vous donner le pourcentage et le kilométrage précis. Je vais essayer de vous apporter cette réponse dans les meilleurs délais.
Monsieur Denis Baupin, je reconnais votre constance car vous défendez la même position depuis sept ans. Qu’il s’agisse d’une ordonnance ou d’une loi, je crains par conséquent que votre point de vue ne soit identique... Le recours à l’ordonnance ne relève pas de l’improvisation : il vise seulement à compresser les délais sans purger les débats car, comme l’a rappelé le président, cette ordonnance devra de toute façon être ratifiée par le Parlement – et, en cas de désaccord, elle fera l’objet d’un vote négatif.
M. Denis Baupin. Certains des territoires traversés, notamment la Seine-Saint-Denis, ont un important déficit de transports collectifs. Leurs habitants verront passer de nouveaux trains qui ne s’arrêteront pas chez eux car ils seront destinés à desservir les aéroports. Le message qui leur est adressé est déplorable !
Quant à la question de M. Jean-Yves Caullet, elle me paraît tout à fait pertinente. Dans sa rédaction actuelle, le texte fait état de la réalisation d’une infrastructure ferroviaire, non d’une liaison qui utiliserait les infrastructures existantes. Or je ne vois pas comment on pourrait construire une nouvelle infrastructure sur l’ensemble du trajet, notamment dans Paris, et la réponse du ministre laisse penser qu’il s’agit d’utiliser les infrastructures existantes. Va-t-on créer de nouveaux rails jusqu’à la gare de l’Est ?
M. le ministre. Comme je le disais en réponse à M. Caullet, il est évident que ces tracés utiliseront pour partie des sillons existants. Le pourcentage dépendra du tracé définitif qui, à ma connaissance, n’est pas arrêté. Nous sommes en train de rassembler les éléments qui permettront de vous apporter des précisions.
Pour vous faire part de ma science récente en la matière puisque je viens de recevoir l’information, il y aura huit kilomètres de voies nouvelles à Mitry-Claye entre le RER B et l’aéroport, quatre nouveaux ponts, un tunnel sous les pistes et des aménagements de quais à la gare de l’Est et à Magenta. Cela relève d’une déclaration publique (DUP) de 2008 et ne revêt donc aucun caractère nouveau ; j’aurais d’ailleurs dû le savoir et être à même de vous répondre immédiatement.
Vous avez, par ailleurs, exprimé votre inquiétude au regard des financements publics. Il n’y a pas de concours public prévu : les 760 millions d’euros seront financés autrement, l’État étant concédant et la RATP, la SNCF, Aéroports de Paris, etc., étant partenaires. Tout cela est connu également. Il n’y aura donc pas d’argent public ajouté pour cette opération, sauf si l’on décidait que les usagers devaient utiliser gratuitement cette infrastructure...
M. Denis Baupin. Qu’il me soit permis de faire part de ma surprise : à ma connaissance, la RATP, la SNCF et Aéroports de Paris ne sont pas des entités totalement privées ! Et lorsqu’il y aura utilisation de voies ferroviaires existantes, ce sera bien un manque à gagner ou une disponibilité moindre des actifs publics. Enfin, s’il n’y a vraiment rien de nouveau, pourquoi déposer un amendement visant à recourir à la procédure de l’ordonnance ? La vérité, c’est que les dispositifs mis en place jusqu’à présent ont tous échoué parce que la rentabilité n’est pas au rendez-vous, et c’est bien pourquoi le privé s’est retiré du dispositif. Il faudra, à un moment ou à un autre, éponger le déficit avec de l’argent public, comme pour Orlyval.
M. Christophe Caresche. À ma connaissance, le plan « CDG Express » n’est pas nouveau et a déjà été validé par la majorité du conseil régional. Il s’agit maintenant d’assurer sa réalisation et, pour cela, il faut que l’État ait la possibilité de concéder cette infrastructure. Je ne vois donc pas de raison de ne pas voter l’amendement.
La Commission adopte l’amendement SPE1683.
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Article 3 ter [nouveau]
Rapport de l’ADEME sur l’impact du transport par autocar
sur l’environnement
Le présent article additionnel a été adopté par la commission spéciale à l’initiative de MM. Jean-Frédéric Poisson et Patrick Hetzel, après avis favorable du Gouvernement et des rapporteurs : il propose que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) établisse, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, un rapport sur l’impact du développement du transport par autocar sur l’environnement, notamment en termes de bilan carbone. Ce rapport sera rendu public, et présenté devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
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La Commission examine les amendements identiques SPE221de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE304 de M. Patrick Hetzel.
Mme Véronique Louwagie. Il est important d’évaluer toutes les conséquences sur l’environnement du développement du transport interurbain par autocar, que nous avons décidé tout à l’heure. Or, il ressort de l’étude d’impact que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) n’a même pas été consultée. C’est pourquoi nous proposons qu’un rapport lui soit demandé sur ce sujet, à rendre public dans un délai d’un an après la promulgation de la loi. Ce serait cohérent, me semble-t-il, avec la loi sur la transition énergétique et l’intérêt affiché par le Gouvernement pour ces questions.
M. Patrick Hetzel. Je note avec intérêt, monsieur le ministre, que vous avez commandé aujourd’hui des études d’évaluation de la présente loi à des organismes indépendants, alors même que nous en commençons seulement l’examen. J’aurais donc peine à comprendre que vous refusiez nos amendements.
M. le ministre. Il ne s’agit pas, monsieur Patrick Hetzel, d’une annonce faite aujourd’hui. C’est au cours de la période de suspension des travaux parlementaires que j’avais, en complément de l’étude d’impact, demandé une évaluation à France Stratégie, nouveau nom du Commissariat général à la stratégie et à la prospective rattaché au Premier ministre, lequel a désigné une commission temporaire d’évaluation composée d’experts indépendants ; ce sont l’installation et la composition de cette commission qui viennent d’être rendues publiques. J’ai, par ailleurs, demandé à plusieurs groupes d’experts connus sur la place de Paris d’apporter tous éléments paraissant nécessaires et utiles au débat.
Les deux amendements rejoignent notre propre sensibilité aux conséquences environnementales du projet. Nous avions refusé ceux, déposés par M. Denis Baupin, qui tendaient à intégrer dans l’avis de l’ARAFER des critères environnementaux, car cela aurait eu pour effet de compliquer et de ralentir les choses. En revanche, le Gouvernement est favorable à votre demande de rapport.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Enfoncer une porte ouverte ne fait pas mal à l’épaule… (Sourires). Il existe au sein de l’ADEME un département « mobilité et transports », qui produit régulièrement des rapports dont l’intérêt spécifique vient de leur caractère intermodal. À défaut d’être vraiment utiles, donc, ces amendements me sont plutôt sympathiques, et je ne m’opposerai pas à leur adoption.
Mme Véronique Louwagie. Je constate une divergence de points de vue entre le Gouvernement et le rapporteur, et fais observer que le bilan carbone est quelque chose qui se mesure. Ce que nous demandons à connaître, c’est l’impact des évolutions prévues – car il y en aura bien un, sauf à considérer que vous ne croyez pas vous-mêmes au développement du transport par autocar.
M. Jean-Louis Roumegas. Ces amendements mettent en évidence les carences de l’étude d’impact en ce qui concerne le report modal : rien n’y est dit, contrairement à ce qu’affirme le ministre, sur les taux de fréquentation, le covoiturage ou les transports régionaux. Les résultats ne risquent d’être connus que lorsque le mal sera fait
M. le président François Brottes. Sachant que certaines études d’impact confinent à la science-fiction, il faut aussi s’en méfier…
La Commission adopte les amendements SPE221 et SPE304.
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Article 3 quater [nouveau]
Rapport du Gouvernement sur l’impact du développement du transport par autocar sur l’industrie automobile
La commission spéciale a adopté un amendement de M. Jean-Frédéric Poisson proposant que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, sur l’impact du développement du transport par autocar sur les industriels et constructeurs automobiles français. Ce rapport devra établir notamment les conséquences en termes d’emploi dans la filière automobile.
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La Commission examine l’amendement SPE222 de M. Jean-Frédéric Poisson
M. Gilles Lurton. L’étude d’impact s’illustre par sa pauvreté : elle évoque les conséquences du projet pour les particuliers, pour les entreprises, pour les administrations, mais pas pour les industriels et constructeurs automobiles français. Nous demandons, pour combler cette lacune, que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le sujet, notamment sur l’emploi dans la filière.
M. le président François Brottes. Il est vrai que ce ne serait pas inutile.
M. le ministre. On peut faire dire n’importe quoi aux études d’impact ; je serais prêt à recruter dès demain quelqu’un susceptible d’en réaliser une qui soit fiable sur les conséquences de la création d’un nouveau secteur d’activité !
Les études d’impact les plus fiables sont les comparaisons. Il ressort des études faites en Allemagne et en Espagne sur les transports collectifs que la complémentarité entre le train et le car est réelle et que l’effet de substitution portera plutôt sur le véhicule individuel ou le covoiturage. Je mentirais si je prétendais que ces études sont scientifiquement irréfutables, mais j’ignore qui pourrait produire des données et des modèles qui le soient, s’agissant de changements à attendre dans le comportement des acteurs économiques. Si nous attendions, pour agir, de lever toutes les incertitudes sur tous les sujets, nous nous condamnerions à l’immobilisme. Prévoir des rapports d’évaluation a posteriori, des clauses de rendez-vous réguliers, me paraît une meilleure formule que multiplier les études d’impact.
Si votre préoccupation environnementale me semble fondée, je suis plutôt défavorable, quoique mollement, à l’amendement, car l’impact sur la filière automobile sera sans doute très relatif.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Comme le démontre l’exposé sommaire lui-même, on voit mal quel éclairage nouveau un tel rapport pourrait apporter. Je suis donc tout aussi « mollement » défavorable à l’amendement que le ministre.
M. Jean-Frédéric Poisson. Comme le disait le physicien Niels Bohr, la prédiction est chose difficile, surtout lorsqu’elle porte sur le futur. (Sourires.) Il ne s’agit cependant pas, en l’espèce, de mirer des boules de cristal, mais de réaliser une étude d’impact a posteriori, un an après la mise en œuvre de la décision que nous avons prise en adoptant les articles 2 et 3. Les grandes entreprises ne manquent tout de même pas de prospectivistes, de stratèges qui tentent d’avoir une image de l’avenir, et si les contours en sont parfois incertains, il est intéressant d’en débattre. J’ai bien retenu, monsieur le ministre, que votre opposition à l’amendement était assortie d’un adverbe, et vous invite à changer celui-ci en négation, ce qui nous permettra de progresser.
La Commission adopte l’amendement SPE222.
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La Commission examine l’amendement SPE498 de M. Jean-Marie Tetart.
M. Jean-Marie Tetart. Nous avons reconnu dès le début l’intérêt du recours au bus pour les longues distances ainsi que pour les déplacements quotidiens entre zones urbaines et rurales, mais, pour cet aspect, le succès ne sera au rendez-vous que si les bus circulent correctement aux moments de congestion du trafic. Six expériences de voies réservées aux transports en commun, taxis, véhicules propres ou en covoiturage, ont déjà été menées, mais il faut dépasser le stade de l’expérimentation, et c’est pourquoi je demande que soit réalisé, dans un délai d’un an, un rapport sur la mise en œuvre de ce type de solution, qui a fait ses preuves dans un certain nombre d’agglomérations comme, par exemple, Madrid.
M. le ministre. L’esprit de facilité consisterait à consentir à toute demande de rapport en considérant que ce sera une façon peu coûteuse d’être consensuel… Mon état d’esprit est plutôt d’être consensuel sur l’accessoire et de rester ferme sur le fond : la multiplication des rapports tous azimuts provoquerait la thrombose des administrations !
Le Gouvernement est favorable à la création de voies de circulation dédiées pour certaines catégories d’usagers lorsque cela est bénéfique à la communauté. L’État est déjà en négociation avec la Ville de Paris et le STIF pour dégager sept voies d’ici 2020, et la desserte des aéroports selon ce principe sera assurée dès 2015. Mieux vaut, cependant, avoir ce débat avec les interlocuteurs concernés, notamment les concessionnaires d’autoroutes, et l’inscrire dans la loi le cas échéant, que de commander un énième rapport. Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas fondamentalement opposé à votre amendement, et un refus serait quelque peu ridicule.
M. le président François Brottes. Il me semble me souvenir que dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), la question est traitée à l’échelon territorial, qui paraît plus pertinent que l’échelon national.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. L’amendement est pertinent : il s’agit d’une des solutions-clés pour éviter la congestion de l’accès aux
centres-villes. J’observe cependant que le même rapport a été demandé à l’article 14 quater dont notre assemblée a enrichi le projet de loi sur la transition énergétique, actuellement transmis au Sénat : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de réserver, sur les autoroutes et les routes nationales comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies aux transports en commun, aux taxis, à l’autopartage et au covoiturage lorsque le véhicule est occupé par au moins trois personnes. Le rapport évalue notamment l’impact qu’une telle mesure est susceptible de produire en termes de décongestion de ces routes selon les heures de la journée. »
Je souhaite donc le retrait de l’amendement, car il est inutile d’avoir deux rapports sur le même sujet.
M. Jean-Marie Tetart. Soit, mais j’insiste pour que des instructions précises, homogènes et volontaristes soient données dans les services déconcentrés afin d’éviter que certains ne se cantonnent dans des attitudes timorées.
M. Denis Baupin. Le ministre a dit qu’il préférait l’action aux rapports, je l’invite donc à se prononcer favorablement, tout à l’heure, sur notre amendement SPE1335 qui vise à promouvoir ce dispositif dans le cadre de la négociation avec les concessionnaires les autoroutes.
L’amendement SPE498 est retiré.
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Article 4
Gares routières de voyageurs : habilitation à légiférer par ordonnance
I. L’ÉTAT DU DROIT
A. DÉFINITION ET PRINCIPES D’ORGANISATION DES GARES ROUTIÈRES
Les gares routières de voyageurs sont des infrastructures d’accueil et de correspondances pour les voyageurs empruntant des services de transports collectifs routiers. Une gare routière peut être soit exclusivement consacrée au transport par autobus ou autocar, soit intégrée dans un « pôle multimodal » – ou pôle d’échange – où plusieurs modes de transport sont accessibles (routier, ferroviaire, métro, vélo…).
Les gares routières font l’objet d’un cadre réglementaire ancien, jamais codifié. L’ordonnance n° 45-2497 du 24 octobre 1945 prévoit que « constitue une gare routière de voyageurs toute installation dont l’objet est de faciliter au public l’usage des services de transports publics automobiles routiers de voyageurs desservant une localité, en liaison éventuelle avec les autres modes de transports. Elle peut être utilisée, en outre, pour le service de messageries ou le service postal. »
S’agissant des droits et obligations liés à l’accès des différents transporteurs à ces installations, l’ordonnance distingue entre gares routières « publiques » et « privées » : « Une gare routière de voyageurs est dite publique lorsque toute entreprise de transports publics de voyageurs desservant la localité a le droit de l’utiliser. Toute gare routière de voyageurs qui n’est pas publique au sens [de l’alinéa précédent] est dite privée. » Entre notamment dans la catégorie des gares privées une gare créée par un transporteur ou un groupement de transporteurs « et réservée en principe aux services qu’assurent cet entrepreneur ou ce groupement : elle ne perd pas ce caractère si le créateur de la gare consent à la mettre à la disposition d’autres transporteurs. Les gares privées sont soumises au régime de l’autorisation », cette autorisation étant délivrée par le ministre chargé des transports.
L’ordonnance impose aux transporteurs une obligation d’usage des gares publiques, du moins pour les transporteurs locaux et urbains, dans les conditions précisées par le cahier des charges de chaque gare. Ce cahier des charges détermine, en application de l’article 17 de l’ordonnance, des taux de taxes maximum perceptibles sur les usagers de la gare (transporteurs, entreprises et public). L’usage d’une gare peut également donner lieu à la perception de redevances. Un régime de police des gares routières est prévu, et confié au préfet, qui peut cependant en déléguer l’exercice au maire.
B. AUTORITÉS COMPÉTENTES
Depuis la loi d’orientation des transports intérieurs (loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 dite « LOTI »), les gares routières sont une composante du service public des transports (article L. 1211-4 du code des transports). Les autorités compétentes peuvent être :
– pour les lignes urbaines : les communes, leurs groupements et les syndicats mixtes de transport (article L. 1231-1 du code des transports) ;
– les départements, pour les dessertes relevant de leur compétence : services scolaires ou interurbains (article L. 3111-1) ;
– les régions pour les dessertes routières ou ferroviaires de niveau régional (article L. 3111-2) ;
– l’État pour les lignes d’intérêt national (article L. 3111-3).
Les autorités compétentes sont libres de choisir le mode de gestion de ces gares. En pratique, ce sont souvent des départements, des communes ou des groupements de communes, compétents pour la création et l’entretien de ces gares, qui en délèguent la gestion ou concèdent des droits sur elles. Selon une étude réalisée par la FNTV, en 2012, 45 % des gares routières appartenaient à des autorités organisatrices urbaines, 34 % à des départements, et les 21 % restants regroupent plusieurs cas de figure (domaine public dévolu à la SNCF, régie, société d’économie mixte…).
II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Le projet de loi propose d’habiliter le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, à une modernisation du régime juridique des gares routières, en modifiant les règles issues de l’ordonnance de 1945 et des textes ultérieurs, et en confiant à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (créée par l’article premier du projet de loi) une compétence d’édiction des règles d’accès à ces gares, de contrôle de ces règles, et de règlement des différends portant sur cet accès. Le champ de l’habilitation proposée comprend également la codification de l’ordonnance de 1945.
III. LA POSITION DU RAPPORTEUR THÉMATIQUE
Le Gouvernement fait valoir, à l’appui de sa demande d’habilitation, que le cadre réglementaire applicable aux gares routières est obsolète et que le développement souhaité du transport par autocar exige, pour être effectif, un développement correspondant du réseau de gares routières. Il rejoint ainsi l’appréciation formulée par l’Autorité de la concurrence dans son avis précité du 27 février 2014.
Le rapporteur thématique adhère à ce double constat, ainsi qu’à la proposition de confier à l’ARAFER une compétence de régulation de l’accès à ces gares, afin de garantir de bonnes conditions de concurrence entre les entreprises exploitant des autocars, notamment en assurant aux différentes entreprises proposant des services de transport par autocars la possibilité effective d’informer les usagers, à l’intérieur de la gare, sur les horaires et tarifs de ces services.
Cependant, pour éviter que l’ARAFER soit « juge et partie », il est impératif que les règles relatives à l’accès des autocaristes aux gares routières soient définies par l’État et non par l’Autorité, qui doit être seulement chargée d’en contrôler le respect.
D’autre part, si le rapporteur thématique n’est pas opposé à une habilitation à procéder par voie d’ordonnance pour modifier l’ordonnance de 1945, il souhaite que des principes soient posés par la loi : un principe de
non-discrimination pour l’accès aux gares, des principes relatifs à la fixation des péages, et une obligation de séparation comptable pour les gares dont la gestion est déléguée par une AOT à une entreprise.
Troisièmement, le rapporteur thématique considère que, sur les territoires dans lesquels le nombre de gares routières est clairement insuffisant (voire inexistant), à défaut de pouvoir contraindre les collectivités territoriales à en créer, il serait utile de conférer aux régions une compétence de chef de file en la matière, en complétant les dispositions introduites par la loi « MAPTAM » du 27 janvier 2014 qui ont chargé les régions d’être chefs de file en matière d’intermodalité et de complémentarité des modes de transports. La région
d’Île-de-France est dotée d’un schéma directeur des gares routières, instrument qui pourrait utilement être généralisé. Lors des auditions qu’il a menées, il a été signalé au rapporteur thématique qu’un certain nombre de gares routières sont laissées « à l’abandon », notamment lorsque l’autorité responsable de leur gestion n’est pas clairement identifiée.
Enfin, le rapporteur thématique souhaite attirer l’attention de ses collègues et du Gouvernement sur la nécessité, pour développer concrètement l’intermodalité, de rendre obligatoire la création de gares routières à proximité immédiate des principaux aéroports et des grandes gares ferroviaires. Il s’interroge sur les possibilités juridiques d’amener les exploitants d’aéroports, d’une part, et la SNCF d’autre part, à consacrer une partie de leur domaine foncier à cette création.
IV. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
La commission spéciale a adopté l’article 4 habilitant le Gouvernement à élaborer un nouveau régime juridique pour les gares routières de voyageurs, en apportant les dispositions complémentaires suivantes :
– l’ordonnance prévue par cet article sera prise après consultation de l’ARAFER ;
– l’ARAFER ne disposera pas du pouvoir d’édicter les règles relatives à l’accès aux gares, mais de la compétence pour préciser ces règles et du pouvoir de prononcer des sanctions ;
– l’ordonnance comportera des dispositions de nature à favoriser l’intermodalité, notamment pour que l’accès des cyclistes à ces gares soit garanti ; il reviendra à l’ARAFER de veiller à l’application de ces dispositions ;
– l’ordonnance définira également les règles applicables au transport de vélos dans les autocars.
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La Commission examine l’amendement SPE1435 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article.
Mme Michèle Bonneton. Cet article qui a trait aux gares routières aborde des sujets importants, aussi bien pour les usagers que pour les communes, les EPCI ou les finances publiques, comme l’aménagement, l’exploitation par des personnes de droit public ou privé, l’accès à ces gares, les règles applicables en matière de police, etc. Or, le Gouvernement propose de légiférer par voie d’ordonnance, ce qui revient à court-circuiter la représentation nationale, et donc, in fine, la voix des usagers et des citoyens. En conséquence, nous demandons la suppression de l’article.
M. le ministre. La réforme du cadre juridique applicable aux gares routières est indispensable pour tirer toutes les conséquences du développement attendu des transports collectifs routiers. L’article 4 détaille l’objet de l’habilitation demandée par le Gouvernement, qui a commencé le recensement des gares routières afin d’identifier l’ensemble des situations, lesquelles sont très variées, notamment en ce qui concerne l’articulation des compétences. Ce sont ces éléments techniques qui nous conduisent à recourir à la procédure d’habilitation, mais l’ordonnance, une fois prise, fera l’objet d’une ratification en toute transparence.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit, comme toujours lorsqu’il s’agit de gares, d’une question très compliquée, qui n’a même pas pu être réglée en intramodal à l’occasion de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, et qui l’est encore plus en intermodal. Il faudra faire vite afin d’éviter que des files d’autocar ne transforment chaussées et trottoirs en gares routières informelles.
Je comprends les objections de Mme Michèle Bonneton et son souci de transparence. Il existe aujourd’hui quelques gares routières privées, dont il faut ménager l’accès sans pour autant décourager les investisseurs d’en construire de nouvelles. Il faut surtout veiller à ce que Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF ne vendent pas leurs actifs dans des conditions qui empêcheraient de construire une gare routière au voisinage d’une gare ferroviaire de façon à favoriser l’intermodalité. Il faut aussi prendre en compte la desserte des aéroports, presque totalement ignorés par la SNCF qui n’a pas compris que les autres modes de transport pouvaient être complémentaires plutôt que concurrents du rail.
Comme vous, madame Michèle Bonneton, j’ai peu de goût pour les ordonnances, mais il faut que le Gouvernement travaille très vite, sans quoi la multiplication des cars créera des problèmes urbains insolubles. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas votre amendement de suppression.
Mme Michèle Bonneton. J’entends bien ces bonnes intentions, mais de graves questions demeurent, parmi lesquelles celle du devenir des actifs de RFF et de la SNCF. Nous avons vu tout à l’heure que les accès aux aéroports, par exemple, pourraient coûter cher et être réservés aux plus riches. Vous nous dites, monsieur le ministre, que des travaux de recensement sont en cours, mais cela illustre la précipitation dans laquelle le projet de loi a été élaboré et présenté au Parlement. Vous faites valoir également que l’ordonnance sera ratifiée en toute transparence, mais nous ne pourrons pas la modifier.
M. le président François Brottes. Il est toujours possible, néanmoins, de refuser de la ratifier.
M. Jean-Frédéric Poisson. En parlant des ventes d’actifs, le rapporteur avait-il à l’esprit l’article 49 et les aéroports de Nice et de Lyon ?
La Commission rejette l’amendement SPE1435.
Elle examine ensuite l’amendement SPE1327 de M. François-Michel Lambert
M. Denis Baupin. S’il s’agit de simplifier les choses, inscrivons-les directement dans la loi : le Gouvernement pourra ainsi nous dire dès maintenant de quelle façon il souhaite que l’ARAFER gère les gares routières.
M. le président François Brottes. La question relève davantage du décret que de la loi.
M. le ministre. Nous ne pouvons inscrire dans la loi tous les éléments susceptibles de couvrir l’ensemble des situations, ni préempter tel ou tel mode de régulation. Comme l’a souligné le rapporteur, il faut travailler au plus vite et encadrer le travail relatif aux gares routières et à la compétence de l’ARAFER, mais il n’est matériellement pas possible de l’inscrire aujourd’hui dans le projet de loi en discussion.
La Commission rejette l’amendement SPE1327.
Elle examine ensuite l’amendement SPE1267 de M. Joël Giraud
M. Joël Giraud. L’Autorité de la concurrence elle-même a souligné l’infinie variété des gares routières. Si l’on rédige une ordonnance sur le modèle de celle de 1945, nombre d’entre elles risquent de se trouver hors champ : je pense notamment aux parkings-relais qui se trouvent aux limites des agglomérations, et qui peuvent être très utiles en tant que haltes routières, sans pour autant constituer des gares routières au sens classique. Je propose que, lorsqu’une gare routière se trouve « orpheline » d’autorité de rattachement, les autorités organisatrices de la mobilité reçoivent compétence pour la création, l’aménagement et l’exploitation des gares routières de voyageurs.
M. le ministre. Dans l’attente d’un état des lieux précis, il n’apparaît pas opportun de choisir a priori une solution en termes d’organisation, mais vous avez l’engagement du Gouvernement qu’il n’y aura pas de gare « orpheline ».
L’amendement SPE1267 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements identiques SPE931 de M. Bertrand Pancher et SPE1285 de M. Joël Giraud.
M. Michel Zumkeller. Dans la logique de l’amendement précédent, nous souhaitons que l’ARAFER puisse émettre un avis sur les ordonnances qui vont déterminer ses nouvelles compétences en matière de gares routières.
Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel SPE56 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
La Commission examine l’amendement SPE1301 de M. Jacques Krabal.
M. Joël Giraud. Il s’agit de modifier la rédaction de l’alinéa 2 de façon que l’usage du vélo soit pris en compte.
M. le ministre. Le Gouvernement y est favorable, mais préfère les amendements SPE1300 du même auteur et SPE1324 de M. Baupin.
L’amendement SPE1301 est retiré.
La Commission examine l’amendement SPE1324 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Je suis heureux de défendre un amendement auquel le ministre s’est d’ores et déjà dit favorable.
Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle adopte également l’amendement SPE1300 de M. Jacques Krabal.
Elle examine ensuite l’amendement SPE1299 de M. Jacques Krabal.
M. Joël Giraud. Il s’agit préciser le champ de l’habilitation prévue à cet article pour tenir compte de l’intermodalité avec les modes de déplacement doux.
M. le ministre. Avis favorable.
Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement SPE1273 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Il s’agit de préciser que l’ordonnance donnera à l’ARAFER le pouvoir de préciser les règles d’accès aux gares plutôt que celui d’édicter elle-même ces règles.
M. le ministre. Avis favorable.
Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel SPE57 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.
Elle examine ensuite l’amendement SPE935 de M. Bertrand Pancher.
M. Michel Zumkeller. Cet amendement précise les missions de l’ARAFER en matière de gares routières de voyageurs. Il permet à l’ARAFER de prononcer des sanctions en cas de non-respect des règles d’accès à ces gares.
M. le ministre. Avis favorable.
Suivant l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements SPE1325 de M. Denis Baupin et SPE1302 de M. Jacques Krabal.
M. Denis Baupin. Cet amendement, dans le droit fil du précédent, confie à l’ARAFER la responsabilité de la mise en œuvre de l’accessibilité des gares aux cyclistes.
M. Joël Giraud. Il s’agit d’inclure cet élément dans le champ de l’habilitation.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à l’esprit de ces amendements presque identiques, mais préfère le second, car il semble difficile de confier à l’ARAFER, comme le propose M. Denis Baupin, une compétence en matière de sécurité de l’accessibilité, dans la mesure où elle ne dispose pas du réseau d’enquêteurs locaux qui serait nécessaire.
L’amendement SPE1325 est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur, l’amendement SPE1302 est adopté.
La Commission examine ensuite les amendements identiques SPE1303 de M. Jacques Krabal et SPE1326 de M. Denis Baupin.
M. Joël Giraud. Il s’agit d’encourager la pratique du vélo en prévoyant des aménagements simplifiant son stationnement.
M. Denis Baupin. Cet amendement est à peu près identique à celui que nous avons adopté pour les gares ferroviaires.
M. le ministre. Comme je l’ai dit précédemment, nous ne souhaitons pas surcharger l’ARAFER de nouvelles responsabilités, mais je ne voudrais pas créer de distorsion entre gares routières et gares ferroviaires. Le point soulevé par M. Denis Baupin me plonge donc dans le doute…
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Les gares routières ne sont pas décisives en la matière, car le train a un emport bien supérieur. Il me semble qu’un amendement plus complet serait nécessaire.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je crains que cela ne soit du domaine réglementaire.
M. Denis Baupin. L’argument selon lequel on peut plus facilement transporter un vélo dans un train que dans un car conduit précisément à aménager davantage encore les gares routières que les gares ferroviaires. Nous avions travaillé avec l’ancien ministre des transports, M. Frédéric Cuvillier, dans le cadre de la réforme ferroviaire, à un amendement visant à prévoir, en coordination avec les collectivités territoriales, des équipements d’accueil des vélos aux alentours dans les gares. C’est le même état d’esprit qui nous anime pour les gares routières : si l’on veut que les gens qui n’ont pas de voiture puissent prendre le car, il faut qu’ils soient sûrs de pouvoir déposer leur vélo à la gare routière en toute sécurité. C’est l’une des conditions d’une vraie complémentarité intermodale.
M. le président François Brottes. J’adhère à votre argumentation, monsieur Denis Baupin.
M. le ministre. Je suis sensible au problème soulevé. Il faudra trouver une rédaction qui permette de le régler de façon proportionnée.
M. le président François Brottes. Peut-on l’espérer d’ici l’examen du texte en séance publique ?
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je donne acte à M. Denis Baupin de ses arguments très convaincants, et reconnais que certains aspects des choses m’avaient échappé. Il serait regrettable de multiplier les investissements coûteux à quelques centaines de mètres d’intervalle, alors que nous souhaitons créer des gares routières à proximité immédiate avec les gares ferroviaires. C’est sur les sites intermodaux qu’il faudrait agir : aux Pays-Bas, par exemple, le système est intermodal partout. Je puis donc accepter l’amendement, mais je pense que sa rédaction mériterait d’être affinée.
M. Jean-Marie Tetart. Je ne conçois pas que l’on puisse encourager des liaisons par bus sans prévoir d’équipements pour parquer les vélos ; quant à la quantité, elle dépend du trafic, et il faut donc prévoir quelque chose d’évolutif. Ensuite, il restera à établir des plans de déplacements urbains déclinant toutes les possibilités de connexion entre tous les modes de transport, y compris entre le vélo et le bus.
M. le président François Brottes. Je constate que chacun est tombé d’accord, mais je suggérerai, au risque de sortir de ma fonction, le retrait de l’amendement, qui entre trop dans le détail, et le dépôt d’un nouvel amendement, plus concis, en séance, puisque le ministre a pris l’engagement d’y réserver un accueil favorable.
M. Denis Baupin. Nous y travaillerons.
Les amendements SPE1303 ET SPE1326 sont retirés.
La Commission adopte l’article 4 ainsi modifié.
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La Commission examine les amendements identiques SPE938 de M. Philippe Vigier et SPE1266 de M. Joël Giraud.
M. Jean-Christophe Fromantin. L’amendement SPE938 vise à enrichir les schémas régionaux de l’intermodalité, en intégrant les nouvelles gares routières de voyageurs dans la définition des politiques de mobilité. Cette modification des schémas régionaux permettrait d’améliorer la complémentarité entre les modes de transport, de développer les services non urbains et d’accompagner le développement du transport en autocar, ce qui est conforme à la logique de ce projet de loi.
M. Joël Giraud. L’amendement SPE1266 est rigoureusement identique : le but est de nous mettre en conformité avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).
M. le ministre. Un recensement précis des gares routières est prévu dans le cadre de la refonte de l’ordonnance de 1945. Ces infrastructures peuvent tout aussi bien être publiques que privées, leur propriétaire n’est pas toujours bien identifié et peut, dans certains cas, être distinct du gestionnaire. Qui plus est, l’articulation actuelle des compétences entre l’État, la région, le département, la ville et les acteurs privés est loin d’être évidente. Le Gouvernement juge plus opportun de renvoyer l’intégration éventuelle des gares routières aux schémas régionaux d’intermodalité à ladite ordonnance plutôt que de préjuger d’une solution qui risquerait d’aggraver la complexité de l’actuelle organisation, en contradiction avec l’objectif, partagé, de rationalisation et de simplification. Je souhaite donc le retrait de ces amendements.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Compte tenu de l’extrême complexité du sujet, je suggérerai également le retrait de ces amendements. Cela étant, j’aurais aimé que le projet de loi fît mention de l’intermodalité, ainsi que des gares maritimes, des gares ferroviaires de voyageurs et des aéroports.
Il est parfois difficile, dans le cas des gares routières, d’identifier l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ; quant aux gares SNCF, elles relèvent à la fois de l’EPCI, qui a la maîtrise de l’urbanisme et gère les abords de la gare, et de la région pour ce qui arrive à quai. Dans la mesure où la loi sur les métropoles confère aux régions une compétence de coordination entre le privé, le public et les différentes autorités administratrices de transport (AOT), il me paraîtrait judicieux d’intégrer dans un schéma régional de l’intermodalité, une vision prospective négociée avec l’ensemble des acteurs. Nous pourrions, d’ici à la séance, rédiger un amendement orientant l’ordonnance dans ce sens.
Les amendements SPE938 et SPE1266 sont retirés.
La Commission en vient à l’examen de l’amendement SPE943 de M. Philippe Vigier.
M. Michel Zumkeller. Cet amendement a pour but de renforcer la compétitivité du rail régional. Les régions, si elles financent le matériel et les services en matière de transport ferroviaire, ne peuvent en revanche choisir leurs opérateurs. C’est d’autant plus incohérent que cette situation a entraîné une très nette augmentation des coûts entre 2002 et 2012. Permettre aux régions de choisir leurs opérateurs entraînerait très certainement une baisse des coûts ainsi qu’une amélioration du service proposé à la population, dans un mouvement gagnant-gagnant.
M. le ministre. L’ouverture à la concurrence dans le transport ferroviaire des passagers nationaux nécessite une réflexion approfondie, déjà engagée avec la réforme ferroviaire. Des travaux communautaires sont par ailleurs en cours dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire. Le Gouvernement estime qu’il ne faut pas préjuger du résultat de ces travaux, dans l’attente duquel il est préférable de privilégier la stabilité du cadre juridique national. Avis défavorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Certes, si l’on ne veut pas qu’il se produise la même chose que pour le fret, littéralement sinistré dans notre pays car son ouverture n’avait pas été préparée, les régions auraient intérêt à ouvrir les TER à d’autres opérateurs avant d’y être acculées. Cela étant, il est pour l’heure ou trop tôt ou trop tard : les régions vont se renouveler en décembre, et elles ont d’autres chats à fouetter.
Par ailleurs, les régions, si elles le souhaitaient réellement, pourraient déjà ouvrir le transport ferroviaire : la Cour de Justice de l’Union européenne leur donnerait raison contre l’État. Le règlement européen 1370/2007, d’application directe, dispose en effet que, hormis pendant les phases de transition, la règle générale est l’appel d’offres. Les régions ne sont donc pas tout à fait sincères en prétendant le contraire, et je leur suggère d’attendre les conclusions de la mission Duron.
M. Jean-Louis Bricout. J’avais présenté un amendement proposant de favoriser l’installation de gares routières à proximité des péages afin de favoriser l’intermodalité entre la voiture particulière et le bus, mais il a été refusé. J’aurais néanmoins souhaité connaître l’opinion du ministre sur le sujet.
M. le ministre. Ces questions, comme tout ce qui concerne l’intermodalité, seront intégrées dans la nouvelle rédaction de l’article 4.
M. Michel Zumkeller. Je reste perplexe devant les arguments du ministre, qui semble d’accord avec notre idée mais nous renvoie à un rapport, et devant ceux du rapporteur thématique, selon qui c’est la justice qui tranchera en notre faveur – ce qui prendra évidemment des années. Ce texte est censé déverrouiller l’économie française : ou bien la mesure que nous proposons va dans ce sens, et il faut l’appliquer ; ou bien ce n’est pas le cas, et elle ne doit pas être mise en œuvre.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La procédure judiciaire n’est pas suspensive : si vous voulez ouvrir les TER à la concurrence en Alsace, n’hésitez pas !
M. Michel Zumkeller. À ceci près que, malgré nos souhaits, le territoire de Belfort restera rattaché à la région Bourgogne-Franche-Comté…
La Commission rejette l’amendement SPE943.
Puis elle examine l’amendement SPE1330 de M. François-Michel Lambert.
M. Jean-Louis Roumegas. Plusieurs rapports de la Cour des comptes ont pointé les conditions extrêmement désavantageuses dans lesquelles le gouvernement Villepin avait concédé le réseau autoroutier à des sociétés privées, à un prix très en deçà de leur valeur, et les conséquences désastreuses qui en ont découlé pour les finances publiques et les usagers. Il convient donc de dénoncer ces concessions ; nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de trois mois, un plan de dénonciation, qui évalue le montant précis de cette dénonciation et expose les modalités de transfert de la propriété du réseau autoroutier à un établissement public à caractère industriel et commercial.
M. le ministre. Nous reviendrons sur ce sujet dans l’article 5. Le Gouvernement partage l’idée que les actuels contrats de concession des autoroutes ne sont pas satisfaisants et il entend remédier à cette situation. C’est dans cette optique que plusieurs réunions ont eu lieu avec Mme Ségolène Royal et les sociétés concessionnaires, pour déterminer les voies et moyens d’un accord. Dans une lettre du 31 décembre 2014 adressée à M. Jean-Paul Chanteguet et rendue publique, le Premier ministre a détaillé les principaux axes de la réflexion en cours, souhaitant y associer les parlementaires avant que ne soient prises des mesures définitives. Je m’engage à y revenir lors de la discussion du texte en séance publique, mais il me paraît inopportun aujourd’hui d’inscrire dans la loi la dénonciation des contrats de concession des autoroutes en vue d’en confier l’exploitation à un EPIC. Avis défavorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Dans cette affaire, où 40 milliards d’euros sont en jeu, il importe de ne pas se précipiter et d’éviter toute improvisation qui pourrait, demain, se traduire par des contentieux coûtant fort cher au contribuable – et que ceux-là même qui nous pressent d’agir ne manqueraient pas de nous reprocher. Évitons les oukases et les échéances précipitées. Le Premier ministre a souhaité que nous précisions nos propres préconisations, qui consistent à envisager une résiliation des contrats à la date de leur échéance, c’est-à-dire chaque année au mois de décembre. Cela me paraît sage, et Jean-Paul Chanteguet – à qui je tiens ici à rendre hommage – veillera scrupuleusement à ce que l’intérêt général soit préservé en particulier sur deux points essentiels : la maîtrise des tarifs et le partage de la rente lorsque celle-ci s’avère excessive.
Nous ne sommes pas responsables de la situation actuelle, héritage d’une personnalité tout à fait respectable, mais plus brillante à l’ONU que dans le domaine des contrats de concession… Nous avons face à nous des sociétés puissantes et organisées, mais nous sommes dans un État de droit, qui nous protège tous et dans lequel on ne peut rompre un contrat de façon unilatérale. Reste qu’il nous faut entièrement revoir l’architecture des concessions longues : même si elles n’ont pas toujours été mal négociées à l’origine, il s’est produit beaucoup de choses depuis et l’on ne saurait s’en tenir à des règles du jeu qui remontent à cinquante, voire soixante-dix ans. Cela pose du reste la question du bien-fondé même du véhicule juridique de la concession : si c’est pour dix ans, cela peut convenir, mais si c’est pour quarante ans, cela peut devenir usuraire. Un travail de fond s’impose.
M. Jean-Louis Roumegas. Nous ne proposons pas de dénoncer les contrats autoroutiers dans les trois mois qui viennent mais seulement de demander au Gouvernement de nous soumettre un plan témoignant de sa volonté de faire avancer le dossier et de mettre un terme à ces concessions dans leur forme actuelle.
La Commission rejette l’amendement SPE1330.
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Article 5
(art. L. 122-7 à L. 122-21 [nouveaux] du code de la voirie routière)
Compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières en matière de péages autoroutiers et de marchés passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes
I. L’ÉTAT DU DROIT
A. LES CONCESSIONS AUTOROUTIÈRES
Le réseau autoroutier français se compose de 2 603 kilomètres d’autoroutes non concédées et de 9 048 kilomètres d’autoroutes concédées (auxquels s’ajoutent des concessions portant sur des ouvrages isolés à péages : viaducs et tunnels). En 1973, les autoroutes non concédées représentaient moins de 1 000 km et les autoroutes concédées, environ 1 500 km ; en 1993, elles représentaient respectivement 2 000 km et 6 000 km.
Le réseau autoroutier est donc très largement fondé sur le principe de la concession pour la construction et l’exploitation des autoroutes, sur la base de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière et de l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics.
La concession autoroutière est un contrat de délégation de service public par lequel l’État, autorité concédante, confie pour une durée définie (35 ans à l’origine) et sur la base d’un cahier des charges, à un opérateur économique – le concessionnaire – la construction, l’entretien, l’exploitation d’une infrastructure ou d’un ouvrage d’art, en contrepartie de la perception d’un droit d’utilisation de cette infrastructure (le péage) acquitté par les usagers.
Les 2 603 kilomètres d’autoroutes non concédées sont gérés directement par l’État, les usagers y accèdent sans payer de péage, et leur entretien est assuré par l’État. Il s’agit des autoroutes urbaines (par exemple le périphérique parisien) et de quelques autoroutes interurbaines.
En application de la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, l’État avait concédé la construction et l’exploitation des autoroutes à des sociétés d’économie mixte (SEM). Entre 1956 et 1964, sept SEM concessionnaires d’autoroute, au capital majoritairement détenu par l’État, se sont ainsi constituées : la société de l’autoroute Estérel-Côte d’Azur-Alpes (ESCOTA), la société Autoroutes du sud de la France (ASF), la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), la société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN), la société des Autoroutes du nord et de l’est de la France (SANEF), la société du tunnel routier sous le Mont-Blanc (STMB) et la société française du tunnel routier de Fréjus (SFTRF). Seules les deux dernières sont encore aujourd’hui sous le contrôle de l’État. Quant à la société concessionnaire COFIROUTE (Compagnie financière et industrielle des autoroutes), elle a toujours été une société privée.
Dans le cadre juridique de la loi de 1955, les tarifs des péages étaient fixés par le Gouvernement, les services de l’État étaient les maîtres d’œuvre des travaux de construction, et les emprunts des SEM concessionnaires étaient programmés dans le budget de l’État.
À partir de 2001, l’État a fait le choix d’un désengagement partiel du système autoroutier pour laisser place à davantage de capitaux privés. Puis, en 2005, le Gouvernement a pris la décision de privatiser les sociétés concessionnaires. L’État a cédé en 2006, pour environ 14,8 milliards d’euros, l’ensemble de ses participations dans les six principales sociétés concessionnaires d’autoroutes.
L’État demeure en revanche propriétaire des infrastructures autoroutières, puisque la totalité des routes ouvertes à la circulation automobile relève du domaine public.
Les concessions autoroutières se caractérisent par des durées d’exécution très longues : les échéances des six principales concessions, conclues avant 2000, sont comprises entre 2027 et 2033, en application de l’ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 réformant le régime d’exploitation de certaines sociétés concessionnaires d’autoroutes, compte non tenu du récent Plan de relance autoroutier qui prévoit un prolongement des concessions.
Le plan de relance autoroutier
Le plan de relance autoroutier récemment validé par la Commission européenne constitue un programme d’investissements de 3,271 milliards d’euros que se sont engagées à mettre en œuvre sur près de onze ans les six sociétés concessionnaires « historiques » (dont les contrats ont été conclus avant 2000 : APRR et sa filiale AREA, ASF et sa filiale ESCOTA, SANEF et sa filiale SAPN) et la société COFIROUTE. En contrepartie, la durée de leurs concessions respectives est allongée – cet allongement allant de 2 ans pour la SANEF à 4 ans et deux mois pour ESCOTA – et le périmètre concédé est élargi (plus du tiers des travaux concernent des sections ou des ouvrages qui seront ensuite mis en concession).
Le secteur des concessions autoroutières est oligopolistique, concentré autour d’un nombre très limité de grandes entreprises, en raison, d’une part, du montant considérable des capitaux nécessaires pour réaliser et entretenir les autoroutes, et d’autre part, du rachat des six SEM concessionnaires privatisées par trois groupes : Vinci, Eiffage et Albertis.
B. LA FIXATION DES TARIFS DES PÉAGES AUTOROUTIERS
L’usage des autoroutes est en principe gratuit (article L. 122-4 du code de la voirie routière). Toutefois, un péage peut être institué, par décret en Conseil d’État, dans deux cas :
– pour « assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l’exploitation, à l’entretien, à l’aménagement ou à l’extension de l’infrastructure »,
– en cas de délégation du service public autoroutier, le péage « couvre également la rémunération et l’amortissement des capitaux investis par le délégataire ».
Le droit des sociétés concessionnaires à percevoir des péages en contrepartie des missions qui leur sont confiées constitue le fondement des contrats de concession. Le décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers pose les règles suivantes :
1° Les tarifs de péages autoroutiers sont fixés chaque année par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, dans les conditions définies par le cahier des charges annexé à chaque contrat de concession.
2° Chaque société soumet ces tarifs, préalablement à leur entrée en vigueur, aux ministres chargés de l’économie et de l’équipement, qui ont la responsabilité de contrôler le respect, par ces tarifs, des dispositions contractuelles. En cas de non-respect des dispositions contractuelles, ils peuvent mettre en demeure la société de modifier ses tarifs, et, si la société ne le fait pas, fixer les tarifs par arrêté conjoint en mettant en œuvre lesdites dispositions.
3° En l’absence de contrat de plan, c’est le cahier des charges de la société concessionnaire qui définit les règles de fixation des tarifs, notamment les modalités de calcul du tarif kilométrique moyen servant de base aux tarifs des péages et qui tient compte « de la structure du réseau, des charges d’exploitation et des charges financières de la société », ainsi que les possibilités de modulation de ce tarif moyen. Dans cette hypothèse, il y a deux cas de figure :
– lorsque le cahier des charges définit une règle d’évolution des tarifs, ceux-ci sont publiés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’équipement ;
– dans le silence du cahier des charges en ce qui concerne la règle d’évolution des tarifs, les tarifs sont également fixés par arrêté conjoint des deux ministres, la société ayant droit à une hausse minimale correspondant à 70 % de l’inflation (évolution des prix à la consommation, hors tabac, constatée depuis la fixation des tarifs l’année précédente) ; cette hausse minimale doit couvrir les charges normales des sociétés concessionnaires.
4° Lorsqu’un contrat de plan est conclu entre l’État et une société concessionnaire – pour une durée maximale de cinq ans renouvelable – c’est ce contrat qui fixe la règle d’évolution des péages. Ces contrats permettent de financer des investissements complémentaires en contrepartie d’une évolution complémentaire de la règle tarifaire. Chaque contrat de plan quinquennal s’accompagne d’un avenant à la convention de concession initiale, approuvé par décret en Conseil d’État.
Pour les sociétés concessionnaires, les hausses des tarifs résultent ainsi, d’une part, d’un principe de revalorisation des tarifs à un niveau au moins égal à 70 % de l’inflation pour assurer l’équilibre économique de la concession, et d’autre part, d’un complément négocié périodiquement entre l’État et chaque société en contrepartie de la réalisation d’aménagements et d’ouvrages complémentaires non prévus dans le contrat de concession.
En pratique, l’ensemble des sociétés concessionnaires ont signé un contrat de plan avec l’État. C’est donc la loi tarifaire définie par celui-ci qui s’applique aujourd’hui et non les dispositions du décret de 1995. Les premiers contrats de plan ont été conclus avant la privatisation de 2006, puisqu’ils portaient sur la période 1995-1999. Deux autres séries de contrats de plan ont été conclues depuis la privatisation. Deux nouveaux contrats de plan ont été signés en 2014 (avec APPR et AERA), et d’autres contrats devraient être signés en 2015.
Selon l’Autorité de la concurrence (66), grâce aux contrats de plan, ces entreprises bénéficient d’une hausse annuelle garantie plus avantageuse (80 ou 85 % de l’inflation), à laquelle s’ajoute une hausse supplémentaire correspondant à la compensation des nouveaux investissements mis à la charge des sociétés par le concédant dans le cadre de ces contrats. Par exemple, dans le contrat de plan 2014-2018 signé par l’État et APRR, la loi tarifaire s’établit à 85 % de l’inflation + 0,37 %.
En 2012, les revenus nets des péages enregistrés par les concessionnaires se sont élevés à 8,45 milliards d’euros. La Cour des comptes a relevé, dans son rapport de juillet 2013 sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires, que les tarifs des péages ont augmenté beaucoup plus vite que l’inflation depuis 2004.
C. LES MARCHÉS DE TRAVAUX, FOURNITURES ET SERVICES PASSÉS PAR LES CONCESSIONNAIRES D’AUTOROUTES
Le rythme de construction de nouvelles autoroutes s’est progressivement ralenti, il ne représente plus qu’une centaine de kilomètres par an en moyenne ces dernières années. En revanche, les concessionnaires procèdent à des travaux d’élargissement d’autoroutes existantes, d’agrandissement des aires de stationnement, de modernisation et de mise aux normes en matière d’environnement et de sécurité…
Les sociétés concessionnaires sont soumises à trois séries d’obligations en ce qui concerne leurs marchés de travaux, de fournitures et de services :
– l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics (ainsi que son décret d’application n° 2005-1742 du 30 décembre 2005), applicable aux sociétés concessionnaires publiques : les sociétés du tunnel du Mont-Blanc et du tunnel du Fréjus ;
– le chapitre 3 du titre II du décret n° 2010-406 du 26 avril 2010 relatif aux contrats de concession de travaux publics et portant diverses dispositions en matière de commande publique, qui s’applique à l’ensemble des sociétés concessionnaires privées ;
– des dispositions contractuelles dérogatoires au décret de 2010.
L’ordonnance du 6 juin 2005 pose des obligations de publicité et de mise en concurrence des marchés de travaux, fournitures et services au-delà de certains seuils. Le décret du 26 avril 2010 impose le même type d’obligations, pour les marchés de travaux d’un montant égal ou supérieur à 4,845 millions d’euros HT ; il est applicable à COFIROUTE et aux concessionnaires les plus récents. Les dispositions contractuelles dérogatoires, qui figurent également dans un décret (67), bénéficient aux six plus grands concessionnaires, posent des obligations applicables aux marchés de travaux d’un montant supérieur à 2 millions d’euros HT et aux marchés de fournitures et de services d’un montant supérieur ou égal à 240 000 euros HT.
Le décret du 26 mars 1993 (68) avait institué au sein de chaque société d’économie mixte concessionnaire d’autoroute une commission d’appel d’offres, devenue en 2001 « commission consultative des marchés du concessionnaire » (CCMC). Lors de la privatisation, le principe de ces commissions a été intégré dans le cahier des charges annexé aux concessions.
Une Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes et d’ouvrages d’art (CNM) a été créée par le décret n° 2004-86 du 26 janvier 2004. La CNM est chargée du contrôle des marchés des six sociétés privatisées et des deux sociétés publiques ; elle contrôle la composition et le fonctionnement des CCMC, les règles définies par celles-ci pour la passation et l’exécution des marchés, et le respect des règles qui leur sont applicables.
II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Le constat d’une défaillance de la régulation par l’État des sociétés concessionnaires a été fait notamment par la Cour des comptes dans son rapport du 24 juillet 2013 et par l’Autorité de la concurrence dans son avis du
17 septembre 2014. Le Gouvernement a pris en compte plusieurs recommandations de ces deux autorités, et propose d’améliorer l’ensemble de la régulation du secteur autoroutier concédé, tant en ce qui concerne les modalités de fixation des tarifs de péage que le contrôle du respect des obligations de publicité et de mise en concurrence applicables aux concessionnaires lorsqu’ils passent des marchés. L’objectif général est de renforcer le positionnement de l’État face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes.
A. UNE RÉGULATION DE LA FIXATION DES TARIFS DES PÉAGES
Dans son rapport précité, la Cour des comptes a constaté deux insuffisances structurelles de la régulation par l’État des sociétés concessionnaires, qu’a rappelées l’Autorité de la concurrence dans son avis : un déséquilibre des forces entre les services de l’administration d’État et les groupes puissants dont font partie ces sociétés, et l’influence de ces groupes sur les prises de décision. L’Autorité de la concurrence a préconisé qu’une autorité indépendante soit chargée de contribuer à protéger les intérêts de l’État concédant et des usagers en participant à la régulation du secteur.
L’article 5 du projet de loi prévoit que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières créée par l’article premier sera associée à la négociation des contrats : elle sera consultée sur les projets de modification des contrats de concession et sur les projets de contrat de plan, dès lors qu’ils auront une incidence sur les tarifs de péage (nouvel article L. 122-8 du code de la voirie routière). Son avis sera rendu public, sous réserve du secret des affaires.
L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi précise que cet avis portera notamment sur le champ des dépenses qui, relevant des obligations ordinaires du concessionnaire, ne doivent pas être couvertes par une augmentation des tarifs ; il portera aussi sur le taux de rentabilité interne et sur les impacts sur les usagers.
B. UNE RÉGULATION DES MARCHÉS
Comme pour la régulation des tarifs de péages, le dispositif de régulation concurrentielle actuelle des marchés a montré ses limites. Les pouvoirs de la CNM sont très limités par rapport à ceux des régulateurs dans les autres secteurs, et les règles de mise en concurrence applicables lors de la passation des marchés apparaissent très insuffisantes.
L’article 5 du projet de loi propose :
1° d’inscrire dans la loi, de manière uniforme pour toutes les concessions, le principe de l’assujettissement des concessionnaires privés à des règles de publicité et de mise en concurrence :
Ces règles ne seront ainsi plus fixées de manière contractuelle
– c’est-à-dire négociée – mais de manière unilatérale par le pouvoir législatif et réglementaire. Elles seront étendues à COFIROUTE. Les sociétés publiques resteront en revanche soumises à l’ordonnance du 6 juin 2005.
2° d’instaurer un dispositif spécifique pour les concessions attribuées après mise en concurrence :
Les concessions qui ont été attribuées après 2001 – il en existe huit, gérant chacune une section d’autoroute « isolée » – ont été attribuées à l’issue d’une procédure de publicité et de mise en concurrence européenne. Compte tenu de l’existence de cette mise en concurrence, le projet de loi propose qu’une obligation issue de l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics ne leur soit pas applicable :
L’article 15 de cette ordonnance dispose que le pouvoir adjudicateur - en l’occurrence l’État – peut imposer à un concessionnaire « de sous-traiter à des tiers un pourcentage au moins égal à 30 % de la valeur globale des travaux faisant l’objet de la concession ». Les « tiers » sont des entreprises qui ne font pas partie du groupement concessionnaire et qui ne sont pas des « entreprises liées » à celui-ci. Selon la définition de l’article 12 de l’ordonnance, on entend par « entreprise liée » : « toute entreprise sur laquelle le concessionnaire peut exercer, directement ou indirectement, une influence dominante, toute entreprise qui peut exercer une influence dominante sur le concessionnaire, ou toute entreprise qui, comme le concessionnaire, est soumise à l’influence dominante d’une autre entreprise du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent ». Dans le cas des concessions autoroutières, ces dispositions sont rendues nécessaires par les liens organiques existants entre les sociétés concessionnaires et les trois grands groupes du BTP auxquels elles sont rattachées : elles visent à assurer qu’au moins 30 % des marchés de travaux conclus par les sociétés concessionnaires seront passés avec des entreprises extérieures à ces groupes.
3° de donner compétence à l’ARAFER pour contrôler le respect, par les concessionnaires, de leurs obligations en matière de passation de marchés (nouvel article L. 122-11 du code de la voirie routière) :
Les concessionnaires devront informer l’ARAFER préalablement à l’attribution de ces marchés (nouvel article L. 122-13). L’Autorité pourra procéder à des expertises, mener des études, recueillir des données et mener toutes les actions d’information nécessaires dans ce secteur (nouvel article L. 122-17), et y exercer les mêmes pouvoirs de contrôle et d’enquête que ceux dont dispose actuellement l’ARAF dans le secteur ferroviaire (nouveaux articles L. 122-19 à L. 122-21). Elle établira chaque année un rapport sur les marchés passés et sur les travaux réalisés pour l’exécution de ces marchés (nouvel article L. 122-17).
III. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
La commission spéciale a adopté les amendements rédactionnels des rapporteurs, ainsi qu’un amendement prévoyant que l’ARAFER sera consultée dans le cadre de la révision annuelle des tarifs de péages ; sous réserve du secret des affaires, cet avis sera rendu public (nouvel article L. 122-8-1).
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* *
La Commission est saisie de l’amendement SPE1309 de Mme Eva Sas.
M. Jean-Louis Roumegas. Nous proposons de soumettre à l’approbation du Parlement la conclusion des éventuels nouveaux contrats de concession d’autoroute. Si cela avait été le cas en 2006, peut-être les députés auraient-ils tiré la sonnette d’alarme.
M. le ministre. Tout en estimant que la mesure proposée n’est pas adaptée en termes d’équilibre institutionnel et de partage des responsabilités, le Gouvernement souscrit pleinement à l’objectif de cet amendement, qui est d’accroître la transparence des procédures et de mieux associer les élus de la Nation à la définition de la politique autoroutière.
Plusieurs dispositions du présent projet de loi, dont l’extension des compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), modifient en profondeur la régulation de ce secteur et nous aurons collectivement l’occasion de parfaire ce dispositif lors de nos débats en séance publique. Un groupe de travail doit se réunir prochainement autour du Premier ministre pour discuter des premiers résultats de la démarche engagée, et je tiens à mon tour à souligner ici la qualité des travaux initiés par M. Jean-Paul Chanteguet. En attendant, je souhaite le retrait de cet amendement, pour l’heure inopportun.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Si, en 2006, les contrats autoroutiers avaient été soumis au Parlement, il est évident que la majorité aurait suivi M. Dominique de Villepin, d’abord parce qu’elle n’avait pas la visibilité que nous avons aujourd’hui sur leur rentabilité et qu’elle ignorait que les sociétés autoroutières auraient recours à l’emprunt plutôt qu’à l’autofinancement afin d’augmenter leurs dividendes.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas accroître le contrôle parlementaire. Le Premier ministre semble l’avoir entendu et, pour avoir participé à la mission d’information sur les autoroutes, qui ne s’est pas montrée particulièrement amène avec les autoroutiers, je fais confiance à Jean-Paul Chanteguet pour continuer à défendre avec pugnacité des solutions équilibrées, qui préserveront l’intérêt général et éviteront que la rupture des contrats tourne au fiasco, comme ce fut le cas pour l’écotaxe. Avis défavorable.
M. Arnaud Leroy. J’ai présidé une commission d’enquête sur les conditions de privatisation de la SNCM – toujours sous le gouvernement Villepin –, dont les conclusions ont montré qu’elle s’était faite en l’absence de toute discussion et de tout contrôle parlementaire. Contrairement à Gilles Savary, je pense que, s’ils en avaient eu l’occasion, les parlementaires n’auraient pas manqué de s’interroger sur les conditions de privatisation des autoroutes. Sans soutenir l’amendement de Jean-Louis Roumegas, j’attire donc votre attention sur l’importance du contrôle parlementaire. Ce n’est pas un sujet anodin – nous en avons discuté à l’occasion de la cession de parts d’entreprises publiques, notamment pour le financement des 20 % d’Alstom.
M. Jean-Louis Roumegas. Les majorités soutiennent en général leurs gouvernements, mais j’ai la faiblesse de croire que les parlementaires se réservent malgré tout le droit d’amender les textes qui leur sont proposés, qu’ils exercent leur mission de contrôle et qu’ils ne se contentent pas de voter la loi sans exercer leur esprit critique, aujourd’hui comme à l’époque de M. Dominique de Villepin. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi les concertations qu’annonce le ministre hypothéqueraient le principe simple que nous défendons et qui consiste à soumettre les contrats de concession à l’approbation du Parlement.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Ce n’est pas le principe qui est en cause, mais ses modalités d’application. Pour avoir siégé au sein de la mission d’information sur les autoroutes ou avoir eu à connaître, dans le cadre de la communauté urbaine de Bordeaux, des contrats d’eau ou d’électricité, je sais d’expérience que nos assemblées ne sont pas capables d’analyser les clauses les plus subtiles des contrats de service public, qui représentent des masses de papier énormes. Je ne suis pas opposé au fait que l’on nous soumette ces contrats, mais la création d’une autorité indépendante nous permettra de mieux les déchiffrer et nous prémunira contre d’éventuelles connivences entre les grands corps de l’État. Ce sera une avancée considérable de ce projet de loi.
La Commission rejette l’amendement SPE1309.
Elle en vient ensuite à l’amendement SPE1288 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Nous proposons que l’ARAFER soit consultée non seulement sur les nouveaux projets de délégation, mais également sur la mise en œuvre des dispositions contractuelles existantes. Nous souhaitons par ailleurs que sa compétence d’avis soit élargie aux projets de dispositions réglementaires ayant une incidence sur la détermination des péages. Cela nous semble indispensable dans un pays comme le nôtre, qui manque d’une forte tradition en matière de délégation de service public.
M. le ministre. Je suis en parfait accord, sur l’esprit comme sur le fond, avec l’amendement de M. Joël Giraud. J’en diverge néanmoins sur la méthode. Je demande donc son retrait, tout en m’engageant à accepter en séance un amendement accordant à l’ARAFER un droit de regard sur l’équilibre économique global des contrats de DSP.
L’amendement SPE1288 est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE58 des rapporteurs.
Puis elle examine l’amendement SPE947 de M. Bertrand Pancher.
M. Philippe Vigier. Nous proposons que l’ARAFER, à laquelle le projet de loi confie de nouvelles compétences, soit également consultée sur la révision annuelle des tarifs de péage.
M. le ministre. Si je ne suis pas en désaccord sur le fond avec cet amendement, je préférerais que les dispositions qu’il propose soient intégrées dans un amendement plus général que nous examinerions en séance publique. Avis défavorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Prenons ce que nous avons à prendre aujourd’hui, quitte à apporter des modifications en séance. Mon avis est donc plutôt favorable.
M. Richard Ferrand, rapporteur général. Comme Gilles Savary, je pense qu’il nous faut d’ores et déjà marquer notre approbation. Avis favorable.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP votera cet amendement.
La Commission adopte l’amendement SPE947.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE74 et SPE500 des rapporteurs.
Elle en vient ensuite à l’amendement SPE949 de M. Bertrand Pancher.
M. Philippe Vigier. Le projet de loi confère à l’ARAFER une mission de contrôle de l’exercice d’une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services du réseau autoroutier concédé. Or nous avons créé, voilà quelques années, une Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art, qui n’exerce à l’heure actuelle son pouvoir de contrôle qu’a posteriori mais à laquelle il aurait été plus cohérent de conférer de nouvelles compétences.
M. le ministre. Notre réforme entend mettre un terme à la séparation entre la commission nationale des marchés – qui n’a pas la personnalité juridique et n’est pas indépendante – et l’ARAFER, et permettre à cette dernière d’intégrer les marchés de travaux à son analyse et à sa régulation d’ensemble.
Le fait que le régulateur soit indépendant ne le disqualifie nullement pour exercer une telle mission. Au contraire, c’est une garantie supplémentaire contre d’éventuels conflits d’intérêts. L’octroi à l’ARAFER d’une compétence de régulation des marchés de travaux autoroutiers est donc un choix de bonne administration. C’est aussi la condition pour qu’elle puisse examiner l’équilibre économique des contrats dans leur globalité, ce qui inclut les tarifs mais aussi l’ensemble des travaux. Nous souhaitons donc étendre les compétences de l’ARAFER selon des modalités que nous aurons à déterminer d’ici la discussion du texte en séance. La priver de la capacité de réguler les marchés de travaux ne me paraît pas une bonne idée. Avis défavorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Le rôle d’un régulateur n’est pas de s’occuper des marchés publics. Cela étant, on souffre dans cette affaire de trop de « consanguinité » entre l’appareil d’État et les instances dirigeantes des sociétés d’autoroutes. Ayant constaté par moi-même l’impuissance proprement pathétique de la commission de contrôle des marchés autoroutiers, je pense, tout en partageant l’analyse organique et institutionnelle de Philippe Vigier, que la mise en place d’une instance indépendante qui jouerait un rôle de « chambre de décontamination » ne peut pas faire de mal. Si nous voulons plus de transparence, il faut confier à l’ARAFER le contrôle des marchés de travaux. Avis défavorable.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le tableau que vient de dresser notre collègue Gilles Savary a le mérite d’être clair… Ne serait-ce pas plutôt à l’Autorité de la concurrence – dont ce projet de loi accroît par ailleurs les compétences – de contrôler ces marchés de travaux puisqu’elle est habilitée à examiner toute situation de concurrence, et ce, même si l’on ne se trouve pas nécessairement dans une logique de marché public lorsqu’un entrepreneur autoroutier sollicite un fournisseur ?
M. Jean-Paul Chanteguet. Les explications du ministre m’ont paru convaincantes. Doit-on en déduire que la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes et d’ouvrages d’art sera supprimée ?
M. Philippe Vigier. J’allais poser exactement la même question…
M. le ministre. Je remercie le rapporteur thématique de la franchise de ses propos qui plaident en faveur des aménagements proposés par le texte.
S’il est toujours loisible de demander son avis à l’Autorité de la concurrence, cette dernière n’est pas forcément compétente dès lors qu’il s’agit d’apprécier l’utilité des travaux. Or cette évaluation participe d’une appréhension globale de l’économie des contrats, et il est donc pertinent qu’un même régulateur ait en charge l’ensemble des questions. Je plaide donc pour que le contrôle de la passation des marchés de travaux demeure de la compétence de l’ARAFER, étant entendu que nous proposons en effet de supprimer la Commission nationale des marchés.
M. Richard Ferrand, rapporteur général. Nous venons, en adoptant le précédent amendement défendu par Philippe Vigier, d’élargir les compétences de l’ARAFER en matière de péages. Il serait incohérent de les amputer dans la foulée pour ce qui touche les marchés de travaux. Avis défavorable.
M. Philippe Vigier. Dès lors que la Commission nationale des marchés est supprimée, la cohérence est rétablie et nous sommes satisfaits. Restera néanmoins à se pencher sur la dualité qui existe entre les sociétés d’autoroute qui construisent et qui gèrent, et celles qui ne font que gérer.
L’amendement SPE949 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements SPE1289 et SPE1294 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Dans la mesure où le projet de loi prévoit de confier à l’ARAFER la mission de veiller à l’exercice d’une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés, l’amendement SPE1289 a pour objet de répartir de manière cohérente, en fonction du rôle et des compétences respectives de l’État et de l’autorité de régulation, la responsabilité du contrôle.
L’amendement SPE1294 est le premier d’une série d’amendements de repli clarifiant pour chaque alinéa de l’article 5 ce qui est de la compétence de chacun.
M. le ministre. Avis défavorable. L’octroi à l’ARAFER d’une compétence de régulation des marchés de travaux autoroutiers est un choix de bonne administration.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Même avis. Il ne me paraît pas justifié, en tout cas pour l’heure, de réécrire entièrement cette partie du projet de loi pour y distinguer ce qui relève de l’État ou de l’ARAFER.
L’amendement SPE1289 est retiré.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le ministre a insisté sur le fait que l’ARAFER serait amenée à se prononcer sur la pertinence et l’utilité des travaux. Ce n’est pas ce qui est écrit dans l’article 5, qui propose d’ajouter au code de la voirie routière un article L. 122-16, aux termes duquel « l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières veille à l’exercice d’une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés définis à l’article L. 122-15 ». Il n’est donc question ni de la pertinence des marchés ni de l’utilité des travaux, ce qui justifierait sans doute quelques précisions lors de la discussion en séance publique.
M. le ministre. On pourra, lors de la discussion en séance, clarifier les rôles entre l’État et le régulateur, et apporter les précisions demandées par M. Jean-Frédéric Poisson. Ce qui, du coup, devrait donner satisfaction à M. Joël Giraud.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Le sujet mérite en effet que l’on s’y penche d’ici la discussion en séance.
M. le président François Brottes. Ce qui plaide pour que nous ayons un peu de temps entre la discussion du texte en commission et son examen en séance publique.
L’amendement SPE1294 est retiré.
Les amendements SPE1293, SPE1292, SPE1291 et SPE1290 de M. Joël Giraud sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE59, SPE62, SPE60, SPE61, SPE63 et SPE73 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 5 ainsi modifié.
La Commission est saisie de l’amendement SPE731 de M. Jean-Yves Caullet.
M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit de revenir sur le dispositif de plafonnement de la déductibilité des charges financières dont bénéficient les sociétés d’autoroute par exception au régime général, selon lequel, lorsque leur montant dépasse les 3 millions d’euros, les charges financières nettes ne sont pas intégralement déductibles du résultat soumis à l’impôt sur les sociétés, mais seulement pour 75 % de leur montant.
M. le ministre. Les contrats comprennent des clauses qui prévoient qu’en cas de changement des règles fiscales, les sociétés concessionnaires peuvent exiger des compensations. L’adoption du présent amendement risquerait donc de se traduire par une hausse du tarif des péages, ce qui est en contradiction avec les objectifs du projet de loi.
Par ailleurs, des mesures fiscales visant spécifiquement les sociétés d’autoroute soulèvent des questions juridiques.
Enfin le Gouvernement a clairement indiqué qu’il aurait avec les sociétés d’autoroute un dialogue franc et vigoureux. Souhaitant faire bouger les lignes et modifier l’équilibre des contrats existants, Mme Ségolène Royal et moi-même insistons dans cette perspective sur la nécessité d’éviter toute répercussion sur les tarifs. Il me paraît malvenu à ce stade, et alors que des négociations sont en cours, d’adopter un tel amendement. Je demande donc son retrait.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Le modèle économique des autoroutes est simple : toutes les charges sont répercutées sur les usagers, et tous les bénéfices sur les actionnaires… Cela plaide évidemment en faveur d’une résiliation ou, à tout le moins, d’une révision profonde des contrats. Mais tant que celle-ci n’est pas acquise, il n’est pas pertinent de prendre des mesures qui pèseraient sur les usagers. Attendons les conclusions de la mission Chanteguet II…
M. Jean-Yves Caullet. Je retire donc cet amendement tout en soulignant l’urgence qu’il y a à réformer ces contrats proprement exorbitants.
L’amendement SPE731 est retiré.
La Commission en vient à l’examen des amendements identiques SPE1262 de M. Joël Giraud et SP1331 de M. Jean-Louis Roumeguas.
Mme Michèle Bonneton. Nous proposons de relever la taxe due par les concessionnaires d’autoroute de 7,32 euros pour mille kilomètres parcourus à 9,20 euros, ceci afin de pallier les difficultés financières de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui a pour charge de financer les grands projets d’infrastructures multimodales et la mobilité durable en France. L’AFITF a en effet été lourdement pénalisée par l’abandon de l’écotaxe, que nous préférons appeler « taxe poids lourds ».
M. le ministre. Avis défavorable. J’indique toutefois que le Gouvernement s’engage à proposer des solutions permettant d’accroître la contribution des sociétés concessionnaires d’autoroute au financement des infrastructures sans que cette augmentation ne se répercute sur les usagers.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Même avis. Une telle mesure serait indolore pour les sociétés d’autoroute mais douloureuse pour les usagers.
Mme Michèle Bonneton. Moins d’un centime pour dix kilomètres…
L’amendement SPE1262 est retiré.
La Commission rejette l’amendement SPE1331.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1332 de M. Denis Baupin et SPE985 de M. Philippe Vigier.
Mme Michèle Bonneton. Il s’agit d’encourager le développement des véhicules propres et l’augmentation du taux de remplissage des véhicules en modulant le prix des péages en fonction de ces deux critères.
M. Philippe Vigier. Nous souhaitons, dans le même esprit, « verdir » ce projet de loi et demandons, dans cette perspective, un rapport sur l’opportunité de mettre en place des tarifications incitatives, puisqu’il ne nous est pas possible de le proposer directement sans nous voir opposer l’article 40.
Les États-Unis ont mis en place le système des High Occupancy Toll (HOT) lanes et des High Occupancy Vehicles (HOV) lanes, qui associe voies réservées aux véhicules à occupation multiple et modulation des tarifs en fonction du taux de remplissage. Nous pourrions nous inspirer de cet exemple pour développer le covoiturage sur le réseau autoroutier.
M. le ministre. Les amendements sont satisfaits par des obligations communautaires qui, toutefois, ne s’appliquent qu’aux nouvelles concessions. La question reste donc posée pour les concessions existantes, et le Gouvernement s’engage à y répondre dans le cadre de la négociation que le Premier ministre souhaite voir aboutir dans les prochains jours. Aussi je vous suggère de retirer ces amendements, dont les objectifs seront repris par d’autres que nous présenterons en séance.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Même avis, pour des raisons un peu différentes. Les tarifs de péage financent, au centime près, l’entretien des infrastructures ; aux termes du droit européen, les émissions polluantes sont visées, fort logiquement du reste, par les taxes sur les carburants : plus une voiture consomme, plus elle paie. La différenciation proposée soulève donc une difficulté juridique dans la mesure où ces émissions sont déjà taxées par un prélèvement à la pompe.
Mme Michèle Bonneton. Une telle différenciation va dans le sens du projet de loi relatif à la transition énergétique, que nous avons adopté à une large majorité ; elle pourrait aussi, du reste, constituer une mesure de soutien pour le covoiturage. Je maintiens donc mon amendement.
M. Philippe Vigier. Il s’agit en effet d’une mesure d’incitation en faveur du covoiturage ; elle ne saurait d’autre part se heurter à l’article 40, puisqu’elle consiste seulement dans la remise d’un rapport, sur lequel pourraient s’appuyer l’ensemble des pays européens : ne reportons pas au lendemain ce que nous pouvons voter dès aujourd’hui.
M. le président François Brottes. Selon votre logique, les bus remplis de passagers devraient être exonérés de péage…
M. le rapporteur général. Qui plus est, il faudrait contrôler, de visu, le nombre de passagers présents au sein des véhicules à chaque barrière de péage. Cette opération quasi policière soulève des questions qui dépassent le seul aspect technique.
M. Jean-Yves Caullet. L’intérêt principal du covoiturage est la division des frais de voyage, péages compris : une tarification différenciée n’aurait qu’un effet négligeable. Le contrôle se heurterait par ailleurs à des difficultés considérables : comment faire la différence, par exemple, entre un véhicule destiné au covoiturage et celui d’un père de famille qui transporte ses enfants ? Ce serait presque un retour à l’octroi de l’Ancien Régime, avec les embouteillages qu’il provoquait… Mieux vaut se fier à la vertu d’un système qui permet l’utilisation collective de véhicules individuels ; si, comme le disait Henry David Thoreau, « la loi n’a jamais rendu les hommes plus justes d’une once », on voit mal comment une taxe pourrait le faire…
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Le covoiturage, déjà sous franchise fiscale – il ne paie même pas la TVA –, est un redoutable concurrent des transports collectifs, ce qui au demeurant ne remet pas en cause sa vertu.
On peut étudier la possibilité, y compris juridique, d’une tarification différenciée sur les autoroutes, mais méfions-nous des fausses évidences : la voiture individuelle, ne l’oublions pas, est tout de même bien moins vertueuse que le bus, en termes d’accidentologie, de congestion du trafic ou d’usure des infrastructures.
M. Philippe Vigier. Notre collègue Gilles Savary a raison de souligner le risque de concurrence entre le covoiturage et les transports collectifs, mais, dans certaines zones privées de transports en commun, le covoiturage est la seule alternative. On peut alors dire qu’il est une bonne solution. Son intérêt est par ailleurs de regrouper le plus de passagers possible à bord d’un même véhicule, au bénéfice de l’environnement : peu importe qui sont ces passagers, monsieur Jean-Yves Caullet.
M. Jean-Louis Roumegas. Certains donnent le sentiment d’attaquer le covoiturage.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Pas du tout !
M. Jean-Louis Roumegas. Celui-ci, rappelons-le, reste pour beaucoup une pratique ponctuelle, qui permet à d’autres de laisser leur propre véhicule au garage. D’autre part, l’économie collaborative correspond à une évolution incontournable de la société ; certes, le covoiturage échappe à la fiscalité et n’alimente pas les profits des multinationales – encore que l’on pourrait discuter de la situation de « Blablacar » –, mais il ne fait pas concurrence aux transports en commun, que l’on soutiendrait plus efficacement en rendant leurs prix plus attractifs.
M. le président François Brottes. Certains véhicules, paraît-il, font plusieurs fois le trajet Paris-Bruxelles dans la journée en covoiturage ; mais il s’agit certainement d’exceptions…
La Commission rejette successivement les amendements SPE1332 et SPE985.
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Article 5 bis [nouveau]
Rapport du Gouvernement sur l’opportunité d’une tarification des péages autoroutiers en fonction du nombre de passagers
La commission spéciale a adopté un amendement de M. Philippe Vigier créant cet article additionnel et qui demande au Gouvernement de présenter au Parlement, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi, un rapport évaluant l’opportunité de pratiquer une tarification des péages autoroutiers proportionnelle au nombre de passagers présents dans un véhicule.
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La Commission se saisit, en discussion commune, des amendements SPE1335 de M. Denis Baupin et SPE983 de M. Philippe Vigier.
M. Jean-Louis Roumegas. L’amendement SPE1335 ne pose aucune des difficultés opposées au précédent : il s’agit de réserver l’une des voies autoroutières aux abords ou au sein des agglomérations, pour peu qu’elles soient au nombre de trois au moins, à la circulation des transports en commun, des taxis, des véhicules dédiés à l’auto-partage ou au covoiturage. Dans les pays où une telle mesure a été mise en œuvre, elle a fortement encouragé ces modes de transport plus propres. Monsieur le ministre nous incitait à agir plutôt qu’à solliciter des rapports : nous avons là une occasion de le faire.
M. Michel Zumkeller. Notre amendement SPE983 poursuit les mêmes objectifs que le SPE985, dont le vote est intervenu un peu rapidement. Il s’agit d’encourager des pratiques vertueuses pour le développement durable à travers une tarification différenciée selon le nombre de personnes à bord : cela mérite, me semble-t-il, que notre commission y réfléchisse à deux fois. Aussi bien ne proposons-nous qu’un rapport, lequel permettrait d’étudier comment d’autres pays ont mis une telle disposition en œuvre ; peut-être l’ont-ils fait de manière très naturelle, sans avoir eu besoin de mettre un agent à chaque péage.
M. le ministre. Je pourrais me borner à demander le retrait de ces amendements pour les mêmes motifs que les précédents, même si je souscris à l’objectif de chercher les moyens de développer le covoiturage et la circulation de véhicules propres sur les autoroutes ; quoi qu’il en soit, ces amendements me semblent prématurés et juridiquement fragiles au vu des différences qu’ils établiraient entre les contrats, s’agissant notamment de la règle des trois voies. Je serais donc plus ouvert à une étude, non seulement sur l’équilibre économique de telles dispositions, mais aussi sur leurs assises juridiques.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je ferai une différence entre les deux amendements. Le SPE1335 porterait atteinte aux contrats de concession avant même leur renégociation, et la disposition qu’il contient fait l’objet d’un article dans le projet de loi sur la transition énergétique. Je suggère donc son retrait, malgré mon adhésion sur le fond.
Quant au SPE983, il ne me paraît pas inopportun d’étudier les possibilités de moduler, au bénéfice de certains véhicules, les péages autoroutiers dans les prochains contrats. L’avis est donc plutôt favorable.
M. Jean-Frédéric Poisson. Quoique j’appartienne à une commission où l’on incite le Parlement à produire lui-même des rapports, je partage l’avis du rapporteur thématique. Nous voterons donc l’amendement de nos amis de l’UDI.
M. le président François Brottes. L’expertise de la commission à laquelle vous appartenez, monsieur Jean-Frédéric Poisson, suffit aux sujets qu’elle traite ; ce n’est pas le cas pour le sujet dont nous parlons.
Mme Michèle Bonneton. L’amendement SPE1335 n’imposerait aux sociétés autoroutières que des contraintes mineures, puisque les péages sont rares près des métropoles.
M. le président François Brottes. Mais les tronçons sans péage peuvent très bien être sous concession : l’exemple de la métropole grenobloise le montre.
Mme Michèle Bonneton. Certes, mais dans la métropole grenobloise, justement, ce sont des deniers publics qui ont financé la construction d’une troisième voie.
M. le président François Brottes. Il s’agissait en l’occurrence non d’une troisième voie, mais d’une voie d’urgence : nous ne sommes donc pas dans le cas visé par l’amendement.
La Commission rejette l’amendement SPE1335
Puis elle adopte l’amendement SPE983.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’un des principaux travaux de Jean-Luc Warsmann, lorsqu’il présidait la commission des lois, avait été de recodifier certains textes afin d’y supprimer des dizaines, sinon des centaines de dispositions jamais appliquées, qui tendaient à la remise de rapports…
M. le président François Brottes. Vous avez naguère fréquenté, cher collègue, une autre commission, qui n’a de cesse de recenser les rapports demandés au Gouvernement. Nous ne parlons pas ici des rapports annuels, mais des rapports ponctuels, « one shot », sur des sujets où l’expertise peut être nécessaire pour débloquer une situation. Or le grand ménage – passez-moi l’expression – prétendument à droit constant de notre collègue Jean-Luc Warsmann ne se limitait pas aux rapports annuels…
Article 6
(art. L. 122-4 et L. 122-4-2 du code de la voirie routière)
Compétences de l’ARAFER dans le secteur autoroutier : dispositions de coordination
I. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
L’article 6 du projet de loi tire les conséquences de l’attribution, par l’article 5, de compétences à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières en matière de régulation des péages autoroutiers et des marchés du réseau autoroutier concédé, pour que la consultation de l’ARAFER soit un préalable obligatoire à l’adoption de plusieurs décrets prévus par l’article L. 122-4 de la voirie routière.
Devront ainsi faire l’objet d’un avis de l’ARAFER préalablement à leur adoption :
– tout décret en Conseil d’État instituant un péage pour l’usage d’une autoroute (article L. 122-4, deuxième alinéa) ;
– tout décret en Conseil d’État relatif aux conditions d’application des dispositions relatives à l’allongement de la durée des concessions, aux concours que peuvent apporter à titre exceptionnel les collectivités publiques, et à l’intégration dans le champ de la concession d’ouvrages et aménagements non prévus dans le cahier des charges initial (article L. 122-4, quatrième alinéa)
– tout décret en Conseil d’État approuvant une convention de délégation ou un cahier des charges annexé à une telle convention, lorsque l’article L. 122-8 (créé par l’article 5 du projet de loi) est applicable, c’est-à-dire en cas de modification ayant une incidence sur les tarifs des péages (article L. 122-4, cinquième alinéa).
II. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
Outre les amendements rédactionnels des rapporteurs, la commission spéciale a adopté un amendement créant pour les concessionnaires d’autoroutes une obligation annuelle d’information de l’ARAFER.
L’article L. 122-4-2 du code de la voirie routière dispose que chaque concessionnaire doit communiquer chaque année aux collectivités territoriales qui participent au financement de l’autoroute qui lui est concédée, un rapport « comportant les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation de service public, une analyse de la qualité du service ainsi que les conditions d’exécution du service public ». L’amendement adopté complète l’article L. 122-4-2 pour que ce rapport annuel soit également communiqué à l’ARAFER, y compris lorsqu’aucune collectivité locale ne participe au financement de l’autoroute concernée.
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La Commission adopte, avec l’assentiment du Gouvernement, l’amendement rédactionnel SPE64 des rapporteurs.
Puis elle examine l’amendement SPE65 des rapporteurs.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il est nécessaire que les conventions de délégation et cahiers des charges soient approuvés par décret, l’expression « le cas échéant » s’appliquant aux cas où l’ARAFER doit être consultée en application de l’article L. 122-13, c’est-à-dire seulement sur les actes ayant une incidence sur les tarifs de péage.
M. le ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement SPE65.
Elle en vient à l’amendement SPE1287 de M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Chaque année, les délégataires d’une autoroute communiquent aux collectivités territoriales qui participent à son financement un rapport sur les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à cette délégation. Au vu du rôle que nous allons confier à l’ARAFER, je propose que ce rapport lui soit également transmis, et qu’il soit même directement produit à son bénéfice si aucune collectivité ne participe au financement.
M. le ministre. Cet amendement, dont je partage les intentions, me semble satisfait par les articles précédemment votés s’agissant du droit d’accès de l’ARAFER aux comptes des sociétés et aux informations pertinentes, des sanctions administratives en cas de manquement des sociétés concessionnaires aux obligations d’information et, enfin, de la possibilité, pour l’ARAFER, d’organiser la transmission régulière d’informations sur la base de décisions-cadres. Dès lors, la transmission d’un rapport qui a pour objet le suivi des investissements directs des collectivités paraît superfétatoire. Néanmoins, j’émets un avis de sagesse.
M. le rapporteur général. L’amendement paraît en effet redondant par rapport aux dispositions précédemment votées. Avis de sagesse également.
M. Joël Giraud. Ce rapport n’est pas toujours produit si aucune collectivité ne participe au financement. Mon amendement me semble donc utile pour assurer un contrôle systématique des délégations autoroutières.
La Commission adopte l’amendement SPE1287.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP votera l’article 6.
La Commission adopte l’article 6 ainsi modifié.
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Article 6 bis [nouveau]
Société du Grand Paris : ratification de l’ordonnance n° 2014-690
du 26 juin 2014
Le présent article additionnel a été adopté par la commission spéciale à l’initiative du Gouvernement et avec un avis favorable des rapporteurs, afin de ratifier l’ordonnance n° 2014-690 du 26 juin 2014.
L’ordonnance n° 2014-690 du 26 juin 2014 relative à la participation de la Société du Grand Paris à certains projets du réseau des transports en Île-de-France a été prise sur le fondement de l’article 8 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Elle permet à la Société du Grand Paris (SGP) :
– d’une part, de financer des projets de création, d’extension, d’amélioration ou de modernisation d’infrastructures de métro et de RER en correspondance avec les nouvelles lignes de métro du Grand Paris Express ;
– d’autre part, d’être désignée par le syndicat des transports
d’Île-de-France (STIF) comme maître d’ouvrage de projets d’infrastructure de métro en correspondance avec ces mêmes lignes.
À cette fin, l’ordonnance modifie l’article 7 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, et introduit dans cette loi deux articles 20-1 et 20-2.
Permettre à la SGP de contribuer au financement de travaux d’amélioration et de développement du réseau de transport existant (notamment le prolongement de la ligne E du RER, et des lignes 11 et 14 du métro) est indispensable pour assurer la cohérence d’ensemble des chantiers inscrits, d’une part, dans le projet de nouveau réseau de transport du Grand Paris (les quatre nouvelles lignes de métro du « Grand Paris Express ») et, d’autre part, dans le plan de mobilisation pour les transports en commun en Île-de-France.
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La Commission examine l’amendement SPE1635 du Gouvernement.
M. le ministre. L’amendement a pour objet la ratification de l’ordonnance du 26 juin 2014 relative la participation de la société du Grand Paris (SGP) à certains projets du réseau des transports en Île-de-France. Les annonces faites en mars 2013, puis l’accélération du calendrier de réalisation le 9 juillet 2014, réaffirmée lors du comité interministériel du 13 octobre dernier, confirment l’engagement du Gouvernement dans la réalisation du Grand Paris Express et le plan de mobilisation pour les transports.
L’article 8 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises a permis à ce dernier de prendre les mesures correspondantes par voie d’ordonnance. Sur ce fondement, l’ordonnance ayant pour objet d’étendre les missions de la SGP lui permet de financer des projets de création, d’extension, d’amélioration ou de modernisation d’infrastructures de métro et de RER en correspondance avec les nouvelles lignes de métro du Grand Paris Express, ou d’être désignée par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) comme maître d’ouvrage de ces projets d’infrastructure.
L’ordonnance permet également au STIF de confier à la SGP des missions complémentaires ou connexes.
Le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 26 juin 2014 a été examiné par le Conseil d’État le 14 octobre dernier, puis délibéré en Conseil des ministres le 29 octobre ; il a été enregistré à la présidence de l’Assemblée le même jour, soit avant l’expiration du délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance prévu par l’article 23 de la loi 2014-1.
Le Gouvernement souhaite que cette ratification intervienne dans le cadre du texte dont nous discutons, dans la mesure où le projet du Nouveau Grand Paris est un vecteur de croissance pour la région Île-de-France et, partant, pour l’ensemble du pays.
Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement SPE1635.
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Article 7
Modalités d’entrée en vigueur des articles premier, 2, 3, 5 et 6
À l’exception des dispositions d’habilitation déjà incluses dans les articles premier et 4, les modalités d’entrée en vigueur des articles premier à 6 du projet de loi seront les suivantes :
1° Les mesures qui ne nécessitent pas d’intervention de la future ARAFER entreront en vigueur dès la promulgation de la loi, en particulier les dispositions de coordination de l’article 3 ;
2° L’ensemble des dispositions relatives aux modifications du régime de l’ARAF, et celles dont la mise en œuvre est conditionnée par l’installation et l’activité de la future ARAFER, n’entreront en vigueur que six mois après la promulgation.
La commission spéciale a adopté cet article avec les modifications rédactionnelles proposées par les rapporteurs.
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La Commission adopte successivement, après avis favorable du Gouvernement, les amendements rédactionnels SPE66, SPE67, SPE502 et SPE68 des rapporteurs.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP votera l’article 7.
La Commission adopte l’article 7 ainsi modifié.
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Article 8
(art. L. 3120-2, L. 3121-3, L. 3121-5 et L. 3121-11 du code des transports, art. 230-19 du code de procédure pénale, art. L. 311-3 du code de la sécurité sociale et loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014)
Stationnement des voitures de transport avec chauffeur (VTC) aux abords des gares et des aéroports
I. L’ÉTAT DU DROIT
Deux textes récents ont modifié le régime juridique des véhicules de transport avec chauffeur (VTC), notamment en ce qui concerne leur stationnement près des gares et des aéroports :
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit dans le code du tourisme l’interdiction, pour les conducteurs de VTC, de stationner à l’abord des gares et aéroports, à moins que le conducteur ne puisse justifier d’une réservation préalable. Dans le cas où une réservation préalable existe, il ne leur est possible de stationner dans ou aux abords des gares et aérogares que pendant une heure avant la prise en charge du client (durée fixée par le décret n° 2014-371 du 26 mars 2014).
La loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur a introduit de nouvelles règles encadrant l’activité des VTC, et a codifié leur régime juridique dans le code des transports. Ainsi, l’article L. 3120-2 créé par cette loi dispose que le conducteur d’un VTC ne peut pas stationner sur la voie publique à l’abord des gares et des aérogares ou dans l’enceinte de celles-ci « au-delà d’une durée, fixée par décret, précédant la prise en charge de clients, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final. » La durée maximale fixée par décret est toujours celle fixée par le décret du 26 mars 2014, soit une heure.
II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
La fixation d’une durée maximale d’une heure pour le stationnement des VTC près des gares et aéroports avant la prise en charge de clients qui ont effectué une réservation préalable a pour effet escompté d’améliorer la gestion des flux de circulation dans ces zones souvent encombrées. Or, la formulation de l’article L. 3120-2 issue de la loi du 1er octobre 2014 ôte à cette limitation une bonne part de sa portée puisqu’elle donne la possibilité à un VTC de stationner plus d’une heure dans ces zones si le conducteur peut justifier d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final (avec un hôtel par exemple).
L’article 8 du projet de loi propose donc de modifier l’article L. 3120-2 pour qu’il soit clairement établi que seuls les VTC ayant une réservation préalable peuvent stationner dans ces zones, et que même dans ce cas ils ne peuvent y stationner plus d’une heure.
III. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
La commission spéciale a adopté un amendement du Gouvernement procédant à plusieurs corrections rédactionnelles et modifications pour coordination dans le dispositif de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014.
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La Commission est saisie de trois amendements identiques, SPE223 de M. Jean-Frédéric Poisson, SPE305 de M. Patrick Hetzel et SPE1008 de M. Yannick Favennec, tendant à la suppression de l’article.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article, très court, tend à modifier des dispositions adoptées tout récemment sur la réglementation relative aux voitures de transport avec chauffeur (VTC) et son articulation avec la profession des taxis, dispositions qui elles-mêmes en modifiaient d’autres adoptées quelques mois plus tôt : tous ces changements, intervenus en moins de six mois, ne sont assurément pas de nature à stabiliser une profession qui connaît des turbulences.
Nous pouvons comprendre que le Gouvernement cherche à mettre un peu d’ordre, mais la succession de décisions contradictoires à des intervalles si brefs atteste, pour le moins, d’une certaine impréparation. Elle nous conduit en tout cas à légiférer à angle droit chaque trimestre : cela n’est respectueux ni des professions concernées ni, quoi qu’on en dise, du Parlement lui-même. Nous attendons d’ailleurs avec impatience le prochain trimestre, au cours duquel nous aurons certainement à défaire les dispositions qui nous sont aujourd’hui soumises. Cela nous permettra, une fois encore, de défendre les mêmes arguments.
M. Patrick Hetzel. L’article 8 témoigne en effet, de la part du Gouvernement, d’une impréparation également relevée par Pierre Joxe et Cécile Duflot. Des personnalités éminentes de la majorité se montrent donc très circonspectes sur les dispositions dont nous débattons, et ce n’est pas l’exposé des motifs du projet de loi qui est de nature à nous éclairer sur leur justification.
M. Philippe Vigier. J’ajoute que, si l’on interdit aux VTC de stationner à proximité des gares et des aéroports, ils devront repartir : où est la justification écologique ? La durée fixée par la réglementation actuelle paraît cohérente. Notre amendement s’inscrit donc dans les objectifs du projet de loi relatif à la transition énergétique.
M. le ministre. L’article 8 corrige en fait une erreur de la loi du 1er octobre 2014 – d’origine parlementaire, rappelons-le –, qui aboutissait à autoriser les VTC enchaînant les réservations à stationner en permanence dans les gares et les aéroports même s’ils n’ont pas de clients. C’est pourquoi il vous est proposé de fixer par décret une durée maximale d’attente pour chaque réservation de VTC tout en excluant les taxis de cette disposition, indispensable pour réguler le stationnement dans ces lieux encombrés. Elle correspond à une demande des professionnels du secteur, et n’a donc rien de contradictoire avec les précédentes dispositions. Elle n’aura pas non plus d’effets négatifs sur la pollution. Avis défavorable aux amendements.
M. le président François Brottes. De plus, monsieur Philippe Vigier, certains chauffeurs laissent tourner le moteur de leur véhicule pendant qu’ils stationnent.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Le VTC, devenu invasif, reste un objet juridique non identifié. La question s’est donc posée de savoir s’il fallait, ou supprimer les taxis, ou ménager un espace pour les uns et les autres en différenciant la nature des prestations. Les taxis jouissent du monopole de la maraude et d’un droit de stationnement sur la voie publique, si bien que leur disparition aurait transformé celle-ci en une véritable jungle. Les VTC, eux, fonctionnent selon un système de réservation. Après l’invalidation, par le Conseil d’État, d’une disposition qui les obligeait à revenir à leur base entre chaque course, il fut décidé de les autoriser à stationner dans les gares et les aéroports pour une durée limitée à une heure, à la condition expresse qu’ils soient réservés ou liés par contrat avec un client qui peut être, par exemple, un établissement hôtelier : c’était déjà une concession à l’irrédentisme des taxis. Or on s’est aperçu que des VTC pouvaient stationner sans avoir de clients, en justifiant seulement de l’existence d’un contrat. C’est à cette situation que l’article 8 entend remédier. Avis défavorable aux amendements.
La Commission rejette les amendements SPE223, SPE305 et SPE1008.
Elle passe à l’amendement SPE1625 du Gouvernement.
M. le ministre. L’amendement apporte plusieurs corrections techniques à la loi n° 2014-1104 relative aux taxis et aux VTC. Il tend à réintroduire dans le code des transports l’article L. 3121-3 qui, relatif aux cessions d’anciennes autorisations de stationnement (ADS) par les personnes morales, avait été supprimé par erreur ; à corriger une imprécision dans la procédure d’attribution de ces autorisations, la priorité donnée aux conducteurs de taxis – salariés ou locataires – étant évaluée à la date de délivrance et non d’inscription sur la liste d’attente ; à supprimer la liste des autorités pouvant délivrer des ADS, cette liste étant incomplète et fixée par voie réglementaire aux termes de l’article R. 3121-4 du code des transports ; à insérer dans la bonne section du même code – la section « Exploitant » – l’article relatif aux modes d’exploitation des taxis ; enfin, à mettre en cohérence le code de procédure pénale et le code de la sécurité sociale avec la loi n° 2014-1104.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable à cet amendement de remise en ordre.
Mme Michèle Bonneton. En fait de remise en ordre, cet amendement me paraît particulièrement obscur – je ne suis d’ailleurs pas la seule à le penser. Il est un peu désolant que nous n’ayons pas eu le temps de l’étudier.
M. le président François Brottes. Le ministre s’est cependant efforcé de l’expliquer en détail.
La Commission adopte l’amendement SPE1625.
Elle rejette ensuite, suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique et du Gouvernement, l’amendement SPE1010 de M. Yannick Favennec.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1012 et SPE1014 de M. Yannick Favennec.
M. Michel Zumkeller. Ces amendements sont défendus, de même que le SPE1025.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Ils sont satisfaits.
M. Michel Zumkeller. Je les retire.
Les amendements SPE1012 et SPE1014 sont retirés.
La Commission passe à l’amendement SPE1025 de M. Yannick Favennec.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement est lui aussi satisfait.
M. Michel Zumkeller. Je le retire également.
L’amendement SPE1025 est retiré.
La Commission rejette, suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique et du Gouvernement, deux amendements, SPE1021 et SPE1022 de M. Yannick Favennec, présentés en discussion commune.
M. Jean-Frédéric Poisson. Compte tenu de l’obscurité de l’amendement SPE1625, le groupe UMP ne votera pas l’article 8.
M. le président François Brottes. Votre amendement de suppression laissait en effet présager un vote négatif… (Sourires.)
M. Jean-Frédéric Poisson. On voit que vous n’êtes pas un néophyte, monsieur le président ! (Sourires.)
La Commission adopte l’article 8 ainsi modifié.
Article 8 bis [nouveau]
(art. L. 212-1 du code des assurances)
Renforcement des obligations du Bureau central de tarification
Cet article, introduit à l’initiative du président François Brottes, après avis favorable des rapporteurs et avis de sagesse du Gouvernement, introduit une obligation pour le Bureau central de tarification automobile de fixer le montant de la prime applicable à toute personne s’étant vue refuser un contrat d’assurance automobile.
Aux termes de l’article L. 212-1 du code des assurances, toute personne assujettie à l’obligation d’assurance qui, ayant sollicité la souscription d’un contrat auprès d’une entreprise d’assurance couvrant en France les risques de responsabilité civile résultant de l’emploi de véhicules terrestres à moteur, se voit opposer un refus, peut saisir le bureau central de tarification.
Ce dernier a pour rôle exclusif de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut éventuellement déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.
Or le Bureau central de tarification a cessé de fonctionner de façon depuis plusieurs mois. La commission spéciale a donc considéré que l’adoption de cet article devrait inciter le Gouvernement à le reconstituer dans les meilleurs délais pour qu’il puisse exercer sa mission.
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La Commission examine l’amendement SPE1614 du président François Brottes.
M. le président François Brottes. Beaucoup de jeunes se voient refuser un contrat d’assurance automobile, les assureurs considérant, au vu des statistiques, qu’ils constituent une population à risques. Un système d’assurance en derniers recours existe, mais il est géré par une autorité administrative indépendante devenue une coquille vide, car ses membres ont refusé de se soumettre aux obligations de transparence afférentes à leur patrimoine – ce n’est d’ailleurs pas la seule autorité où le problème s’est posé. Mon amendement SPE1614 charge donc l’exécutif de statuer sur les demandes adressées au Bureau central de tarification afin de rendre la loi applicable.
M. le ministre. Le Gouvernement a pris acte de la situation que vous venez de décrire. Aux termes de l’amendement, le Bureau central de tarification automobile serait tenu de statuer sur les demandes qui lui sont adressées. Bien que cette disposition ne paraisse pas totalement indispensable, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.
M. le rapporteur général. Cet amendement, d’une dimension tout à la fois archéologique et contemporaine, semble apporter une solution. Avis favorable.
M. le président François Brottes. Mon amendement constitue en tout cas un rappel à la loi. Le Gouvernement aurait pu me répondre qu’il remettra ladite autorité administrative en état de fonctionnement dès demain, mais, si j’ai bien compris, ce sera plutôt pour après-demain…
La Commission adopte l’amendement SPE1614.
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Article 8 ter [nouveau]
(art. L. 212-4 et L. 213-6 du code de la route)
Extension des sanctions pénales réprimant l’enseignement de la conduite ou la formation des examinateurs sans autorisation administrative
La loi n° 2007 297 du 5 mars 2007 a créé un double régime d’autorisation administrative pour renforcer l’encadrement des stages de sensibilisation à la sécurité routière : d’une part une autorisation d’animer (articles L. 212-1 et L. 212-2 du code de la route) et d’autre part un agrément pour l’établissement organisant ces stages (article L. 213-1). Ces autorisations nouvelles ont été insérées dans les chapitres et articles du code de la route relatifs à l’enseignement, à titre onéreux de la conduite et de la sécurité routière (agrément des écoles de conduite et autorisation d’enseigner la conduite).
Toutefois, les dispositions pénales (articles L. 212 4 et L. 213 6) réprimant l’exercice de l’enseignement de la conduite ou l’exploitation d’un établissement d’enseignement de la conduite ou de formation des moniteurs sans autorisation administrative, n’ont pas été étendues à ces deux nouvelles autorisations créées en 2007.
Cet article additionnel, adopté à l’initiative du Gouvernement et après avis favorable des rapporteurs, a pour objet de réparer cet oubli et de permettre ainsi de sanctionner l’organisation ou l’animation de stages de sensibilisation à la sécurité routière en dehors du cadre prévu par le législateur.
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La Commission en vient à l’amendement SPE1650 du Gouvernement.
M. le ministre. L’amendement prévoit des sanctions en cas d’exercice illégal des professions d’animateur ou d’organisateur de stages de sensibilisation à la sécurité routière ; il répare ce faisant un oubli de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Lesdites sanctions sont les mêmes que celles applicables à l’exercice illégal de la profession d’enseignant de la conduite ou de l’activité d’auto-école, à savoir 15 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement.
Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement SPE1650.
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Article 8 quater [nouveau]
(art. L. 213-1 et L. 213-5 du code de la route)
Suppression de la commission départementale de la sécurité routière
Le présent article additionnel, adopté à l’initiative du Gouvernement après avis favorable des rapporteurs, a pour objet de supprimer l’obligation de consulter une commission administrative pour les décisions de délivrance et de suspension des agréments des établissements mentionnés à l’article L. 213-1 du code de la route : école de conduite, centres de formation de moniteurs et centres de stages de sensibilisation à la sécurité routière (CSSR). Il répond à un double objectif : assurer le respect du droit communautaire et réduire les délais d’instruction des demandes, et donc les coûts supportés par les demandeurs.
Cette commission est la commission départementale de la sécurité routière (CDSR), dont la composition et les attributions sont précisées par les articles R. 411 10 à R. 411 12 du code de la route. Présidée par le préfet, elle comprend des représentants des services de l’État, des élus départementaux, des élus communaux, des représentants des organisations professionnelles et des représentants d’associations d’usagers. En pratique, lorsqu’elle examine en section spécialisée les demandes d’agréments des établissements définis à l’article L. 213-1, la CDSR comprend le plus souvent uniquement des représentants de l’État et des représentants des professionnels.
La présence de professionnels dans une instance chargée de rendre un avis sur la demande d’ouverture d’un concurrent potentiel est en effet susceptible de présenter un risque d’incompatibilité avec le droit communautaire, plus précisément l’article 14 de la directive 2006/123 dite « services », qui interdit l’intervention directe ou indirecte d’opérateurs concurrents y compris au sein d’organes consultatifs, dans le cadre du processus décisionnel aboutissant à l’octroi d’une autorisation pour l’exercice d’une activité de services.
Une modification de la composition de la CDSR aurait été possible par voie réglementaire pour en exclure les représentants des professionnels, mais l’obligation de la consulter aurait alors été dépourvue de sens.
D’autre part, l’obligation de consulter et de réunir physiquement la CDSR ainsi recomposée aurait eu pour conséquence un allongement des délais d’instruction par les préfectures des demandes d’agrément. Or ces délais génèrent des coûts élevés pour le demandeur : en effet, il doit investir pour demander l’agrément (notamment parce qu’il doit justifier de la propriété ou de la location à son nom du local et des véhicules d’enseignement) mais il ne peut évidemment commencer son activité avant d’avoir obtenu l’agrément, sous peine de commettre un délit.
Les conditions d’agrément des écoles de conduites et CSSR sont objectives : toute personne remplissant les conditions d’honorabilité et de capacité professionnelle, justifiant de la conformité des moyens (local, véhicules...) et de la qualification des personnels doit se voir accorder l’agrément. La CDSR se borne à constater la conformité ou non du dossier examiné par le service instructeur. La suppression de sa consultation préalable n’aura donc pas de conséquences sur les conditions d’instruction des demandes.
Cet article ne remet pas en cause le maintien d’une concertation étroite et de qualité avec les représentants des professionnels de l’enseignement de la conduite et de la sécurité routière. Au plan national, c’est le conseil supérieur de l’éducation routière qui est le cadre naturel de ce dialogue permanent. Dans les territoires, un travail a été engagé par le Gouvernement pour créer une instance territoriale de pilotage et de concertation dans le domaine de l’éducation routière et du permis de conduire, associant l’ensemble des acteurs concernés.
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La Commission examine l’amendement SPE1651 du Gouvernement.
M. le ministre. Cet amendement tend à supprimer l’obligation de consulter une commission administrative pour les décisions relatives aux agréments des auto-écoles et des centres de stage de sensibilisation à la sécurité routière. Outre des représentants de l’administration, cette instance comprend essentiellement des représentants des professionnels : s’il est légitime de les associer aux décisions publiques, il ne paraît pas opportun de leur demander de se prononcer sur l’arrivée de nouveaux entrants dans le cadre de décisions individuelles. Un tel schéma, qui ouvre la possibilité de conflits d’intérêts, ne favorise pas la concurrence et contrevient au droit européen. Nous proposons donc de le corriger.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit d’éviter que certains membres de la commission visée soient à la fois juges et parties. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement SPE1651.
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Article 8 quinquies [nouveau]
(art. L. 213-2 du code de la route)
Possibilité de conclure un contrat à distance avec une auto-école
Le présent article additionnel, adopté à l’initiative du président François Brottes après avis favorable du Gouvernement et des rapporteurs, a pour objet de prévoir explicitement la possibilité de conclure un contrat en ligne entre les auto-écoles et les élèves, dans le respect des règles protectrices des consommateurs (délai de rétractation de 14 jours notamment).
En effet, l’article L. 213-2 du code de la route impose à ce jour la signature d’un « contrat écrit entre le candidat et l’établissement ». La modification proposée propose que celui-ci puisse « être conclu dans l’établissement ou à distance, dans le respect des dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation ».
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La Commission examine l’amendement SPE1005 du président François Brottes.
M. le président François Brottes. Pour le coup, monsieur le rapporteur général, cet amendement sort de l’archéologie et s’inscrit résolument dans la contemporanéité, puisqu’il tend, dans un esprit de modernisation, à permettre la conclusion de contrats en ligne entre les auto-écoles et les élèves.
M. le ministre. Avis favorable.
M. le rapporteur général. Avis très favorable.
M. Jean-Frédéric Poisson. Une telle disposition relève d’un décret : il serait donc préférable que le ministre prenne un engagement sur le sujet.
M. le président François Brottes. La loi précise que le contrat visé doit être écrit : il est donc nécessaire de la modifier.
La Commission adopte l’amendement SPE1005.
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Article 8 sexies [nouveau]
(art. L. 213-3 du code de la route)
Suppression de la condition d’ancienneté du permis de conduire des exploitants d’un établissement de conduite
L’article L. 213-3 du code de la route définit les conditions auxquelles l’exploitant d’une école de conduite doit satisfaire pour obtenir l’agrément délivré par l’autorité administrative.
L’article 6 de la loi n° 2011-12 du 5 janvier 2011 a supprimé, parmi ces conditions, l’obligation d’expérience professionnelle, qui conduisait à exiger d’un exploitant d’école de conduite une qualification et une expérience professionnelle (de trois puis de deux ans) en tant qu’enseignant de la conduite. En effet cette exigence était susceptible d’être contraire à la directive 2006/123 dite « services ».
Le présent article, adopté à l’initiative du Gouvernement après avis favorable des rapporteurs, supprime par coordination la condition d’ancienneté du permis de conduire figurant aux 3° de l’article L. 213-3, qui est devenue sans objet depuis 2011 et qui n’avait jamais fait l’objet de précision règlementaire.
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Elle examine ensuite l’amendement SPE1652 du Gouvernement.
M. le ministre. L’amendement consiste à supprimer l’obligation d’ancienneté de détention du permis de conduire pour les gérants d’auto-école ; ce faisant, il complète la loi du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne, loi qui avait supprimé l’obligation, pour ces professionnels, d’avoir exercé la profession d’enseignant, distinguant ainsi entre des compétences sans rapport l’une avec l’autre. Une telle distinction, opérée en application du droit communautaire mais relevant au fond du bon sens, est d’ailleurs courante au sein des professions dites réglementées, qu’il s’agisse des taxis, des VTC ou des organisateurs des épreuves du permis de conduire.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable à cet amendement réparant un oubli de coordination avec la loi du 5 janvier 2011.
La Commission adopte l’amendement SPE1652.
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Article 8 septies [nouveau]
Rapport sur la faisabilité de l’instauration d’une filière française de déconstruction des navires
Cet article additionnel, adopté à l’initiative de M. François-Michel Lambert et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste après avis favorable du Gouvernement et des rapporteurs, vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, une étude de faisabilité portant sur la création d’une filière française de déconstruction des navires.
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La Commission se saisit de l’amendement SPE1336 de M. François-Michel Lambert.
Mme Michèle Bonneton. La France possède un grand domaine maritime, de nombreux ports et un incontestable savoir-faire technique en matière de navires. Aussi notre amendement vise-t-il à favoriser l’émergence d’une filière nationale de déconstruction des navires : on se souvient que cette activité avait été délocalisée en Inde dans des conditions sociétales et environnementales difficiles, et qu’un autre navire avait même été purement et simplement envoyé par le fond. Une telle filière d’excellence en soutiendrait de surcroît de nombreuses autres, dans une logique d’économie circulaire que le Président de la République appelle de ses vœux.
M. le ministre. En vertu du dernier argument mis en exergue par Mme Michèle Bonneton, j’émets un avis favorable.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cette filière est en train d’émerger dans ma région ; au-delà de cette considération personnelle, l’amendement me semble d’une utilité avérée, et j’y suis donc favorable.
M. Arnaud Leroy. Ayant passé dix ans dans le secteur, je crois avoir un avis informé sur la question, et cet avis est plutôt réservé. Pour commencer, un groupe français à capitaux privés s’est effectivement lancé dans cette activité : nous verrons donc si elle est ou non viable économiquement.
D’autre part, l’émergence d’une telle filière correspond à un engagement pris par le Gouvernement précédent dans le cadre du Grenelle de la mer. Depuis, la France a signé la Convention de Hong-Kong, pour laquelle elle avait joué un rôle moteur ; on s’est alors rendu compte qu’une filière nationale n’avait pas de sens, quand bien même on peut souscrire à l’idée d’une économie circulaire. Ce qui fait sens, c’est une réflexion sur les activités de décontamination des produits lourds et dangereux en Europe ; mais le présent amendement, bien que louable dans ses intentions, est périlleux au plan économique et industriel.
M. le président François Brottes. L’amendement prévoit « une étude de faisabilité ».
M. Arnaud Leroy. Peut-être pourrait-on y réfléchir plus avant d’ici à l’examen en séance. Le secrétariat général de la mer a beaucoup travaillé sur le sujet, l’épisode du démantèlement du Clemenceau ayant traumatisé l’armée et les corps civils concernés. Ses travaux ont tous conclu à l’impossibilité d’une telle filière. Un groupe privé, comme je le rappelais, a décidé de se spécialiser dans cette activité à Bassens, et d’autres ports le font pour des petits navires de pêche ou de plaisance. Une étude de faisabilité viendrait court-circuiter ces initiatives.
Mme Michèle Bonneton. L’amendement préconise « une étude de faisabilité portant sur la création d’une filière française de déconstruction des navires », non la création directe d’une telle filière.
La Commission adopte l’amendement SPE1336.
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Article 9
(art. L. 221-3 à L. 221-8 [nouveaux] du code de la route)
Externalisation de l’épreuve théorique du permis de conduire
et l’épreuve pratique de certains permis poids lourds
Le présent article propose d’externaliser l’épreuve théorique du permis de conduire ainsi que les épreuves pratiques des diplômes professionnels du « groupe lourd », à des organismes et des examinateurs agréés présentant des garanties d’impartialité, de compétence et d’honorabilité alors que ce rôle est actuellement dévolu aux inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière.
Compte tenu des très longs délais d’attente pour le passage du permis de conduire de catégorie B (véhicule de moins de dix places), l’objectif de la réforme est de libérer une partie du temps de travail des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière pour le réaffecter principalement à l’examen pratique de ce permis de conduire.
I. LA SITUATION ACTUELLE
L’examen du permis de conduire est le premier examen de France tant dans les chiffres (3,3 millions d’examens passés chaque année dont 1,325 million d’examens du permis de conduire de catégorie B pour environ 800 000 candidats) que dans les faits, en tant qu’élément clé de la vie sociale et économique. Or, l’organisation actuelle du permis de conduire, exclusivement confiée à l’État, est problématique s’agissant du permis de catégorie B car les délais d’attente sont très longs et les coûts sont élevés alors que les pertes de chance d’obtenir un emploi sont croissantes.
C. L’ÉTAT DU DROIT : LE PERMIS DE CONDUIRE RELÈVE DU SERVICE PUBLIC DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Les règles relatives à la délivrance du permis de conduire sont prévues au chapitre Ier du titre II du livre II du code de la route. L’organisation des épreuves est définie dans la partie réglementaire de ce chapitre, aux articles R. 221-1, D. 221-3 et D. 221-3-1 du même code. Elle est précisée par l’arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire.
Ainsi, le permis de conduire est délivré à tout candidat, satisfaisant les conditions d’âge, qui a réussi l’épreuve théorique générale (ETG) et l’épreuve pratique en circulation, par le préfet du département de sa résidence ou par le préfet du département dans lequel ces épreuves ont été subies. Une visite médicale peut au demeurant être exigée dans les conditions prévues par les articles R. 226-1 à R. 226-4 du code de la route. Ces deux examens, théoriques et pratiques, sont exigés pour tout permis de conduire actuellement en vigueur en fonction de la catégorie de véhicules, à l’exception de la catégorie AM (cyclomoteurs).
TABLEAU N° 1 : TYPES DE PERMIS DE CONDUIRE ACTUELLEMENT EXIGÉS EN FONCTION
DE LA CATÉGORIE DES VÉHICULES
Type de véhicule |
Permis nécessaire |
Informations complémentaires |
Cyclomoteur : cyclomoteur d’une cylindrée maximale de 50 cm3, ou d’une puissance maximale de 4 kW et qui ne dépasse pas 45 km/h de vitesse (catégories L1e pour les 2 roues et L2e pour les 3 roues) |
Brevet de sécurité routière (BSR), option "cyclo", c’est-à-dire la catégorie AM comportant la mention additionnelle 108 du permis Ou toute autre catégorie du permis de conduire |
Avoir au moins 14 ans |
Moto légère : motocyclette avec ou sans side-car, d’une cylindrée maximale de 125 cm3 et d’une puissance de 11 kW maximum |
Permis A1 Permis A2 Permis A Permis B obtenu depuis au moins 2 ans à condition d’avoir suivi une formation de 7 heures |
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Moto (avec ou sans side-car) de 125 à 600 cm3 maximum |
Permis A2 |
Avoir au moins 18 ans |
Moto d’une autre cylindrée ou puissance (avec ou sans side-car) |
Permis A |
Avoir au moins 24 ans. La catégorie A peut s’obtenir par formation (7 heures) après 2 ans de détention de la catégorie A2 |
Tricycle (puissance du tricycle 15 kW ou moins) |
Permis A1 Permis A2 Permis A Permis B obtenu depuis au moins 2 ans à condition d’avoir suivi une formation de 7 heures |
Si la puissance du tricycle est supérieure à 15 kW, il faut être âgé d’au moins 24 ans et avoir le permis A. La catégorie A peut s’obtenir par formation (7 heures) après 2 ans de détention de la catégorie A2. Dans ce cas, la conduite d’un tricycle de plus de 15 kW est possible à partir de 21 ans. |
Quadricycle lourd à moteur (catégorie L7e) |
Permis B1 et au moins 16 ans, Permis B et au moins 18 ans |
|
Véhicule de moins de 10 places si le poids du véhicule n’excède pas 3,5 tonnes, attelé éventuellement d’une remorque dont le poids est inférieur ou égal à 750 kg |
Permis B |
Avoir au moins 18 ans |
Véhicule de moins de 10 places si le véhicule est attelé d’une remorque de plus de 750 kg et moins de 3,5 tonnes |
Permis BE |
Avoir au moins 18 ans. La somme des PTAC autorisée est supérieure à 4,25 tonnes. |
Poids lourd de plus de 3,5 tonnes |
Permis C |
Avoir au moins 21 ans |
Poids lourd + remorque supérieure à 750 kg poids total autorisé en charge (PTAC) autorisé : + de 3,5 tonnes) |
Permis CE |
Avoir au moins 21 ans |
Poids lourd avec un PTAC compris entre 3,5 et 7,5 tonnes |
Permis C1 |
Avoir au moins 18 ans |
Poids lourd avec PTAC entre 3,5 et 7,5 tonnes + remorque de plus de 750 kg |
Permis C1E |
Avoir au moins 18 ans |
Voiture avec une remorque de + de 3 500 kg de PTAC |
Permis C1E |
Avoir au moins 18 ans |
Véhicule de plus de 9 places |
Permis D |
Avoir au moins 24 ans |
Véhicule de plus de 9 places + remorque supérieure à 750 kg |
Permis DE |
Avoir au moins 24 ans |
Véhicule de 16 places maximum + conducteur, de 8 mètres de long maximum |
Permis D1 |
Avoir au moins 21 ans véhicule de 16 places maximum + conducteur, de 8 mètres de long maximum avec remorque de + 750 kg |
Véhicule de 16 places maximum + conducteur, de 8 mètres de long maximum avec remorque de + 750 kg |
Permis D1E |
Avoir au moins 21 ans |
L’examen du permis de conduire, qui inclut une épreuve théorique générale (« le code ») et une ou plusieurs épreuves pratiques, est gratuit pour tous les candidats.
L’organisation des épreuves du permis de conduire est assurée par les préfectures. Le permis est délivré sur l’avis favorable d’un inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) ou d’experts agréés par arrêté ministériel, sous l’autorité hiérarchique d’un délégué au permis de conduire et à la sécurité routière (DPCSR).
Les IPCSR sont des fonctionnaires de catégorie B, recrutés par concours ouvert aux candidats âgés d’au moins 23 ans possédant le permis B depuis au moins trois ans, titulaires du baccalauréat ou d’un diplôme reconnu équivalent. Le certificat de fin d’études secondaires délivré aux candidats ajournés au bac ouvre également l’accès au concours.
Les lauréats reçoivent une formation d’au moins six mois à l’Institut national de sécurité routière et de recherches (INSERR) implanté à Nevers, dont trois mois sur le terrain, comprenant des stages pratiques « moto », « administration » (droit, gestion des personnels, fonctionnement du service des examens, accidents...), « politique de sécurité routière » (actions réglementation, enseignement), « informatique », « rédaction administrative » (rapports, synthèses...), « apprentissage de la fonction d’examinateur », procédure d’évaluation des épreuves, relationnel avec les candidats et les moniteurs, déontologie. Ils bénéficient, au cours de leur carrière, de stages de formation continue.
Les missions des inspecteurs sont les suivantes : faire passer les examens du permis de conduire toutes catégories ; contrôler la qualité de la formation dispensée par les écoles de conduite ; participer aux jurys de certains examens (titres professionnels poids lourds, d’enseignants de conduite, de conducteurs de taxi, etc.) ; effectuer des missions de formation (tutorat des IPCSR stagiaires, etc.).
En 2014, l’on décompte 1 300 IPCSR répartis dans 700 centres de formation de conduite faisant passer des examens théoriques et pratiques. Les inspecteurs consacrent plus des deux tiers de leur temps à faire passer les différents examens (code, permis voiture, moto, poids lourd principalement), le tiers restant étant consacré à des actions de prévention routière, de contrôle ou de formation.
Les délégués du permis de conduire et de sécurité routière (DPCSR) sont des fonctionnaires de catégorie A qui encadrent l’activité des IPCSR et des experts agréés pour la délivrance du permis de conduire. À ce titre, ils veillent notamment au bon fonctionnement des centres d’examen du permis de conduire et à la qualité des expertises ; ils peuvent assurer en tant que de besoin les missions dévolues aux IPCSR et participent à la conception et à la coordination des actions de communication et d’animation relatives à la sécurité routière (promotion de la conduite accompagnée, campagnes nationales sur le port de la ceinture de sécurité, plans de prévention des risques routiers…).
Depuis le décret n° 2013-1243 du 23 décembre 2013 (69), les IPCSR et les DPCSR sont placés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur en charge de la sécurité et de l’éducation routières alors qu’ils étaient jusqu’alors placés sous celle du ministre chargé des Transports.
D. LES DIFFICULTÉS CROISSANTES RENCONTRÉES PAR LES CANDIDATS AU PERMIS DE CONDUIRE DE CATÉGORIE B
Il existe un diagnostic partagé selon lequel la formation et l’organisation de l’examen du permis de conduire de catégorie B posent des difficultés croissantes aux candidats en termes de délais d’attente et de coût qui contribuent à la perte d’une chance d’obtenir un emploi.
Comme le montrent les nombreux rapports réalisés sur le sujet depuis 2005 (70), ces difficultés ne sont pas nouvelles mais ne cessent de s’accroître et constituent aujourd’hui un frein important à la mobilité et à l’emploi puisque la détention du permis de conduire constitue un critère de recrutement pour 65 % des employeurs selon l’étude d’impact du présent projet de loi.
4. La nature des difficultés liées à l’organisation du permis de conduire
L’ensemble des difficultés rencontrées par les candidats à l’examen du permis de conduire sont de trois ordres :
– le délai d’attente moyen en France entre deux présentations à l’examen est de 98 jours en 2013 (contre 86 jours en 2012), soit plus du double de la moyenne européenne, établie à 45 jours. Les délais varient en outre considérablement d’une région à l’autre (plus de 5 mois en Ile de France contre moins d’un mois dans le Limousin), voire au sein d’un même département (90 jours à Rouen contre 21 jours à Dieppe en Seine-Maritime). Le délai médian en France au 1er juillet 2014 était de 73 jours. Or, le taux de réussite est seulement de 60 % à l’examen pratique (70 % à l’épreuve théorique), si bien que 40 % des candidats doivent de nouveau attendre pour repasser l’épreuve ;
– le coût de la formation en vue de l’obtention du permis de conduire est élevé par rapport au pouvoir d’achat des jeunes et des familles, et ne cesse de progresser : le coût d’un forfait de 20 heures proposé par les établissements d’enseignement de la conduite automobile (EBCA) varie entre 800 et 1 600 euros (40 à 80 euros de l’heure) mais il faut en moyenne 35 heures de cours de conduite pour être formé correctement et l’heure supplémentaire varie de 50 à 80 euros. Ainsi, le coût moyen de la formation en France est de 1 600 euros et se situe dans la moyenne européenne. Toutefois, dans certains pays, le coût est moins élevé et le taux de réussite des candidats est meilleur ou équivalent, comme en Autriche (1 500 euros ; 85 % de réussite aux deux épreuves organisées par l’État), en Allemagne (1 500 euros ; 71 % de réussite aux deux épreuves organisées par des opérateurs privés), et dans une moindre mesure au Royaume-Uni (1 200 euros ; 85 % de réussite à l’épreuve théorique organisée par un organisme privé et 45 % à l’épreuve pratique organisée par une agence de l’État) (71) ;
– l’efficacité de la formation préalable au passage de l’examen du permis de conduire est limitée au regard du taux d’accidentalité chez les jeunes : en 2013, il y a eu 3 250 tués sur les routes dont 50 % d’automobilistes et 20 % d’usagers de deux roues motorisées. Or, les 18-24 ans représentent 21 % de la mortalité routière contre seulement 9 % de la population et près d’un quart des accidents mortels concernent des titulaires du permis depuis moins de trois ans. Selon la délégation interministérielle à la sécurité routière, les jeunes conducteurs ayant opté pour l’apprentissage anticipé de la conduite (« conduite accompagnée ») améliore sensiblement le taux de réussite à l’examen (73 % de réussite en moyenne) et réduit fortement le taux d’accidentalité. Elle ne concerne pourtant que 25 % des candidats actuellement.
5. Les causes des difficultés liées à l’organisation du permis de conduire
Les causes des difficultés rencontrées par les jeunes pour le passage du permis de conduire sont nombreuses et peuvent être résumées ainsi :
– l’allongement des délais d’attente s’explique par plusieurs facteurs : en premier lieu, la suspension du service national décidé en 1996 et devenue effective en 2001 a eu pour conséquence d’augmenter le nombre de candidats au permis auprès des EBCA ; en deuxième lieu, la diminution du nombre et de la disponibilité des IPCSR du fait de l’élargissement de leurs missions a contribué à l’engorgement de l’examen ; en troisième lieu, l’allongement de l’épreuve pratique (passant de 22 à 35 minutes) à la suite de la transposition de la directive européenne sur le permis de conduire (72) a conduit à la réduction du nombre de places d’examen journalier ; en dernier lieu, l’évolution démographique a eu un impact significatif, en raison de l’augmentation du nombre de personnes âgées de 18 ans, surtout entre 2004 et 2007 et depuis 2013, en particulier dans les grandes agglomérations ;
– l’accroissement du coût de la formation au permis de conduire résulte principalement de l’allongement des délais entre deux passages de l’examen pratique qui oblige les candidats à racheter des heures de conduite et qui leur prend du temps (un mois de délai représente 200 euros). Il s’explique également, dans une moindre mesure, par le comportement de certains EBCA qui n’hésitent pas à présenter des candidats en première présentation alors qu’ils ne sont pas prêts au détriment de ceux qui ont déjà subi un échec, et ce pour des raisons économiques. Ce type de comportement était d’ailleurs encouragé par la circulaire n° 2006-3 du 13 janvier 2006 régissant la répartition des places d’examen attribuées aux EBCA, qui a été modifiée par le présent Gouvernement pour prendre en compte, depuis le 22 octobre 2014, les premières mais également les deuxièmes présentations à l’épreuve pratique pour le calcul de la répartition des places d’examen notamment (73).
Ces différentes causes montrent qu’il convient désormais d’engager une réforme d’envergure pour diviser par deux le délai de passage entre deux examens afin de réduire le coût de la formation au permis B et d’améliorer les chances des jeunes travailleurs de se déplacer en voiture pour obtenir un emploi.
II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
La réforme proposée par le présent article s’inscrit dans le plan annoncé par le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, le 13 juin 2014, pour rendre le permis de conduire plus accessible, plus moderne et plus transparent, dont certaines mesures ont déjà été mises en œuvre par voie réglementaire (74).
Au titre de la réduction des délais, le Gouvernement a d’abord mobilisé, depuis le 1er juillet 2014, des réservistes de la gendarmerie et de la police nationale (74 personnes) et, à compter du 1er janvier 2015, environ 200 agents publics des préfectures, pour décharger les inspecteurs de la surveillance de l’épreuve théorique qui ne nécessite pas le niveau de qualification qui est le leur. Ces mesures destinées à être temporaires ne devraient plus être nécessaires à compter du 1er juillet 2015, date à laquelle le présent article devrait être entré en vigueur. Le temps aujourd’hui consacré à cette mission représente l’équivalent de 142 000 places d’examen B supplémentaires.
Le Gouvernement a également réduit, depuis le 1er août 2014, la durée de l’épreuve pratique du permis B de 35 à 32 minutes par la suppression d’étapes inutiles. Cet ajustement, sans remettre en cause le niveau d’exigence, permet désormais le passage de 13 examens par jour au lieu de 12, ce qui représente sur une année 110 000 places d’examen B supplémentaires. D’après les renseignements transmis au rapporteur thématique par les professionnels du secteur, cette dernière mesure a d’ores et déjà permis de réduire de 4 jours le délai médian de passage entre deux examens de 73 à 69 jours entre juillet et octobre 2014.
L’objectif visé par le présent article est de poursuivre cette démarche de manière pérenne pour ramener les délais d’attente de 98 jours à 45 jours d’ici 2016, en concentrant le travail des IPCSR sur l’examen pratique du permis B, qui correspond au cœur de leur mission de service public. Pour ce faire, le présent article propose de les décharger d’une partie de leurs missions en créant une nouvelle profession réglementée, celle d’organisateur de certaines épreuves du permis de conduire.
A. RECENTRER L’ACTIVITÉ DES IPCSR SUR L’ÉPREUVE PRATIQUE DU PERMIS B ET RÉDUIRE AINSI LES DÉLAIS
L’organisation et la surveillance de l’examen théorique général et de l’organisation des épreuves pratiques des diplômes professionnels des conducteurs de véhicules des catégories poids-lourds par d’autres opérateurs que les IPCSR à partir de l’été 2015 devraient libérer près de 20 % de leur temps de travail.
Selon l’étude d’impact du projet de loi, à l’issue de la réforme, 88 % du temps consacré par les inspecteurs aux examens sera concentré sur le permis B contre 66 % aujourd’hui (voir les graphiques ci-après).
RÉPARTITION DU TEMPS CONSACRÉ AUX EXAMENS AUJOURD’HUI
Ce recentrage de l’activité des inspecteurs sur l’épreuve pratique du permis B correspondrait, en année pleine, à 170 000 places d’examen supplémentaires (142 000 places au titre de l’examen théorique général et 28 000 places au titre des examens pratiques des diplômes professionnels).
Si on ajoute les mesures prises durant l’été 2014 pour réduire la durée de l’épreuve pratique de l’examen B de 3 minutes et permettre ainsi aux inspecteurs de réaliser 13 examens au lieu de 12 par jour, la réforme globale devrait dégager l’équivalent de 280 000 places d’examens soit l’équivalent de 115 emplois d’inspecteurs.
Cette réforme devrait donc permettre de réduire de moitié les délais de passage de l’examen pratique du permis B pour atteindre un délai moyen de 45 jours en 2016 sur l’ensemble du territoire sans remettre en cause la qualité et le niveau d’examen exigés pour être titulaire du permis B.
Elle devrait également améliorer la situation des jeunes à la recherche d’un emploi qui ont besoin de passer, dans les meilleurs délais, leur permis de conduire, pour se déplacer sur le territoire, en particulier dans les zones rurales.
Elle permet de réduire le coût associé à l’organisation cet examen, puisque d’après les évaluations du Gouvernement, un mois de délai en moins correspond à une économie d’environ 200 euros par candidat.
Enfin, elle pourrait accroître les chances de réussite à l’examen car l’allongement des délais réduit la pratique de conduite des candidats pourtant nécessaire à l’acquisition des réflexes en circulation.
B. CRÉER UNE NOUVELLE PROFESSION RÉGLEMENTÉE CHARGÉE D’ORGANISER CERTAINES ÉPREUVES DU PERMIS DE CONDUIRE
Le présent article prévoit les conditions dans lesquelles l’examen théorique général et toute épreuve pratique des diplômes professionnels en vue de l’obtention du permis de conduire d’une catégorie de véhicule du groupe lourd pourront être organisés par des opérateurs agréés.
En conséquence, seule l’organisation de l’examen du code de la route serait effectivement externalisée à des entreprises du secteur privé agréées par l’État tandis que la présence des IPCSR ne serait plus requise pour le passage des épreuves pratiques des diplômes professionnels en vue de l’obtention du permis de conduire d’une catégorie de véhicule du groupe lourd.
Le I du présent article modifie le chapitre Ier du titre II du livre II du code de la route, actuellement désigné sous les termes « Délivrance et catégorie » pour y intégrer les règles relatives à la « vérification d’aptitude » des personnes agréées pour organiser ces épreuves du permis de conduire (alinéa 1).
Le II du présent article introduit, après l’article L. 221-2 du code de la route, numérotés L. 221-3 à L. 221-8, six nouveaux articles au sein de ce chapitre (alinéas 2 à 12).
L’article L. 221-3 pose le principe selon lequel « toute épreuve théorique du permis de conduire et toute épreuve pratique des diplômes professionnels en vue de l’obtention du permis de conduire d’une catégorie de véhicule du groupe lourd » peut être assurée soit « par l’autorité administrative » soit « par des personnes agréées à cette fin par cette dernière ». Le dernier alinéa de cet article précise que les frais pouvant être perçus par les organisateurs agréés auprès des candidats sont réglementés par décret après avis de l’Autorité de la concurrence.
Cet article permet donc de confier à des opérateurs, qui seraient agréés par la préfecture, l’organisation de deux types d’examen :
– l’« épreuve théorique générale », autrement dit l’épreuve du code de la route, quel que soit le permis que souhaite obtenir le candidat (alinéa 4) : cela représente un potentiel d’activité important puisque l’on décompte environ 800 000 nouveaux candidats chaque année pour le seul permis B. Selon les informations transmises par le ministère de l’Intérieur, les frais de passage de l’examen théorique général ne devraient pas dépasser 30 euros par candidat, ce qui permet d’évaluer la valeur de ce nouveau marché à plus de 2,4 millions d’euros par an. Les opérateurs susceptibles d’être intéressés par cette nouvelle activité seront donc des entreprises privées, dont certaines se sont déjà manifestées auprès du ministère de l’Intérieur comme Dekra, La Poste ou d’autres grands groupes. Ces opérateurs devront alors investir dans les équipements nécessaires au passage de cet examen (salle, ordinateurs individuels…).
Selon le ministère de l’Intérieur, les frais d’inscription qui seront dus par les candidats aux organismes agréés devraient se substituer aux frais de présentation aujourd’hui facturés par les auto-écoles pour la préparation du dossier et la recherche d’une place d’examen. Selon le ministère, « Cet engagement des auto-écoles permet de garantir un coût nul de cette évolution pour l’usager. Il bénéficiera d’un service modernisé (passage de l’examen sur ordinateur individuel) à un prix uniforme » (75). En tout état de cause, ces tarifs seront réglementés et soumis à l’avis de l’Autorité de la concurrence.
– la ou les épreuves pratiques des « diplômes professionnels en vue de l’obtention du permis de conduire d’une catégorie de véhicule du groupe lourd » (alinéa 5) : cette catégorie de véhicules n’est pas définie par la loi mais certains actes réglementaires y font référence comme l’article 1er de l’arrêté du 23 avril 2012 fixant les modalités pratiques de l’examen du permis de conduire des catégories BE, C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D et DE (voir le tableau n° 1).
Seule est concernée l’organisation des épreuves pratiques en vue de l’obtention de « diplômes professionnels » délivrés par l’Éducation nationale à 1 800 élèves environ par an, à l’exclusion des « titres professionnels » délivrés par le ministère de l’emploi dans le cadre de la formation professionnelle, c’est-à-dire :
– le CAP « Conducteur routier marchandise » (76) ;
– le CAP « Conducteur livreur de marchandises » (77) ;
– le CAP « Déménageur sur véhicule utilitaire léger » (78) ;
– le baccalauréat professionnel « Conducteur transport routier marchandises » (79).
Selon le ministère de l’Intérieur, l’alinéa 5 du présent article n’a donc pas pour objet d’externaliser au secteur privé l’organisation des épreuves pratiques de tous les permis de la catégorie des véhicules lourds. Il vise simplement à supprimer l’obligation de présence d’un IPCSR lors des examens pratiques des diplômes professionnels en vue de l’obtention d’un permis de cette catégorie de véhicules lorsqu’ils sont organisés par l’Éducation nationale, sans aucune délégation au secteur privé.
L’article L. 221-4 précise que l’organisme agréé d’une épreuve du permis de conduire devra présenter des garanties d’honorabilité, de capacité à organiser l’épreuve, d’impartialité et d’indépendance à l’égard des personnes délivrant ou commercialisation des prestations d’enseignement de la conduite. Il devra par ailleurs s’assurer que les examinateurs auxquels il recourt présentent les garanties prévues à l’article L. 221-6, c’est-à-dire des garanties de compétence, d’impartialité et d’honorabilité.
Le contenu de ces garanties sera précisé par voie règlementaire. Toutefois, l’on peut supposer que les organismes agréés comme les examinateurs auxquels ils auront recours, devront présenter les mêmes garanties – ou des garanties de même nature – que les IPCSR en termes d’impartialité, de compétences et d’honorabilité.
Or, sur le plan de l’impartialité, le décret n° 2013-422 du 22 mai 2013 portant statut particulier du corps des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (80) précise que leurs missions sont incompatibles avec l’activité d’enseignement de la conduite ou d’exploitant d’établissement d’enseignement de la conduite ou de formation de moniteurs et qu’ils ne peuvent être affectés dans un département où ils ont exercé une telle activité depuis moins de trois ans. Ils doivent en outre déclarer à l’autorité compétente la profession du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité, des ascendants et des descendants au premier degré et des collatéraux au deuxième degré si cette profession se rattache à celle d’enseignant de la conduite ou d’exploitant d’établissement d’enseignement de la conduite ou de formation de moniteurs.
Sur le plan de l’honorabilité, ce décret ajoute que les inspecteurs ne doivent pas avoir fait l’objet d’une inscription sur le fichier national des permis de conduire au titre des décisions de restriction de validité, de suspension, d’annulation, d’interdiction de délivrance de permis de conduire ou de changement de catégorie du permis de conduire prononcées en application des dispositions du code de la route.
Sur le plan des compétences, ce décret est également exigeant car, pour faire passer les épreuves pratiques des catégories autres que les catégories A et B, les inspecteurs reçus au concours doivent :
– être titulaires du permis de conduire des catégories BE, C, D et CE ;
– avoir été examinateurs qualifiés pour les épreuves de conduite des catégories A et B pendant au moins trois ans ou être titulaires depuis cinq ans au moins du permis de conduire dans la catégorie évaluée ;
– avoir achevé une formation professionnelle et obtenu une qualification initiale spécifique délivrée dans les conditions prévues par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de la sécurité et de l’éducation routières.
Toutefois, à ce stade, le présent article propose simplement de supprimer la présence des IPCSR aux épreuves pratiques organisées par l’Éducation nationale dans le cadre des diplômes professionnels en vue de l’obtention d’un permis de conduire d’un véhicule du groupe lourd. Si d’aventure le projet de loi venait à être modifié sur ce point pour externaliser au secteur privé certaines épreuves pratiques du permis de conduire, il conviendrait alors de veiller à ce que les examinateurs agréés présentent les mêmes compétences que les IPCSR.
L’article L. 221-5 instaure un cahier des charges défini par l’autorité administrative qui s’imposera à tout organisateur agréé, à charge pour l’autorité administrative d’en contrôler l’application. À cette fin, l’organisateur agréé devra permettre à l’autorité administrative d’accéder au local où seront organisées les épreuves – à savoir l’examen théorique général – afin qu’elle puisse vérifier que le cahier des charges est respecté.
L’article L. 221-7 instaure un dispositif de sanctions à double étage en cas de violation des dispositions prévues aux articles L. 221-4 à L. 221-6 par les organisateurs agréés et les examinateurs auxquels ils auront recours et prévoit la fin de l’agrément en cas de cessation définitive de l’activité des organisateurs.
Le I de l’article L. 221-7 prévoit que l’agrément peut être suspendu pendant une durée de six mois par l’autorité administrative, après avoir mis l’intéressé en mesure de présenter ses observations.
Le II du même article précise qu’en cas de méconnaissance grave ou répétée de l’une de ces obligations, l’autorité administrative peut mettre fin à l’agrément, après avoir mis l’intéressé en mesure de présenter ses observations.
Le III prévoit qu’en cas de cessation définitive de l’activité d’organisation d’une épreuve du permis de conduire, il est mis fin à l’agrément. Il s’agirait d’une conséquence automatique de la cessation définitive de l’activité.
Enfin, l’article L. 221-8 renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’application des articles L. 221-3 à L. 221-7 créés par le présent article.
III. LA POSITION DU RAPPORTEUR THÉMATIQUE
Le rapporteur thématique souscrit à la philosophie et au contenu de la réforme proposée par le Gouvernement qui vise à réduire de moitié le délai d’attente entre deux présentations à l’examen pratique du permis B tout en maintenant le principe selon lequel le permis de conduire doit rester sous l’égide du service public gratuit.
Il considère que les mesures d’urgence prises par le ministre de l’Intérieur depuis le 13 juin 2004 couplées aux mesures présentées dans le présent article devraient permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement.
Il estime néanmoins que des mesures complémentaires doivent être adoptées pour réduire le coût de la formation à la conduite, responsabiliser les établissements de conduite, favoriser la concurrence entre ces établissements, renforcer la sécurité routière et surtout écouler dans les meilleurs délais le stock des candidats en attente de l’examen.
IV. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
Outre l’adoption de cinq amendements de précision et de nature rédactionnelle, la Commission a adopté quatre amendements importants visant à améliorer les conditions dans lesquelles les candidats au permis B pourront se présenter à l’examen théorique et pratique.
En premier lieu, à l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a adopté, après avis favorable du Gouvernement, un amendement interdisant aux organisateurs agréés des épreuves du permis de conduire et aux examinateurs auxquels ils font appel d’exercer par ailleurs une activité d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière ou d’exploiter un établissement d’enseignement de la conduite ou de formation des enseignants de conduite. Cet amendement de bon sens permet d’éviter tout conflit d’intérêts entre formateurs et organisateurs ou examinateurs des épreuves du permis de conduire.
En deuxième lieu, à l’initiative des rapporteurs, la Commission a adopté, après un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement visant à permettre à tout candidat au permis de conduire de catégorie B de pouvoir s’exercer à la conduite, en présence d’un accompagnateur titulaire d’un permis de conduire de catégorie B depuis au moins cinq ans, dès la validation de sa formation initiale par l’enseignant de conduite jusqu’à sa présentation à l’épreuve pratique du permis B.
Actuellement, le dispositif de « conduite supervisée » est prévu par l’article R. 211-5-1 du code de la route et l’article 11 de l’arrêté du 22 décembre 2009 modifié par celui du 31 octobre 2014 qui permettent à tout candidat ayant échoué une première fois au permis de conduire de s’engager, par contrat, à accéder à une période d’apprentissage en conduite supervisée d’une durée minimale de 90 jours et sous réserve de parcourir 1 000 km pendant cette période avant de pouvoir se représenter à l’examen pratique du permis de catégorie B.
L’amendement adopté par la Commission spéciale vise à élargir ce dispositif à tout candidat dont la formation initiale aura été validée par l’enseignant de conduite qu’il ait ou non déjà été présenté à l’examen pratique et à le simplifier en supprimant toute condition de délai ou de distance afin de ne pas allonger artificiellement le délai entre la validation de la formation initiale et la présentation du candidat à l’épreuve pratique du permis B, dont l’opportunité dépendra d’un rendez-vous pédagogique avec l’enseignant de l’auto-école.
La conduite supervisée, reposant sur une base volontaire du candidat, lui permettra d’améliorer son niveau de conduite gratuitement pendant le délai d’attente entre la fin de sa formation initiale et sa présentation à l’épreuve pratique du permis de conduire (98 jours en moyenne en France en 2013) ou entre deux présentations à l’épreuve pratique du permis de conduire.
Cet amendement répond donc à un triple défi : abaisser le coût de la formation à la conduite, améliorer la sécurité routière en réduisant le taux d’accidentalité des jeunes conducteurs, mieux formés et accroître le taux de réussite à l’épreuve pratique du permis B (de 59 % seulement actuellement).
En troisième lieu, à l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a adopté un amendement visant à rendre obligatoire la publication par les auto-écoles (privées ou associatives) des taux de réussite des candidats qu’ils présentent aux examens théoriques d’une part et aux examens pratiques du permis de conduire rapportés au volume moyen d’heures réalisé par les candidats d’autre part, pour chaque catégorie de véhicules, au moins une fois par an.
La fréquence et les modalités de publication de ces taux de réussite seront précisées par arrêté du ministre de l’Intérieur mais pourraient se traduire par un affichage dans les locaux et/ou sur le site internet de chaque auto-école, voire sur le site du ministère de l’Intérieur.
Cet amendement favorisera la concurrence entre les auto-écoles sur une base objective conduisant à améliorer la qualité du service rendu et/ou à une baisse des tarifs pratiqués au bénéfice des candidats, et surtout à les dissuader de retenir des candidats.
En quatrième et dernier lieu, la Commission a adopté un amendement présenté par le président François Brottes, après avis favorable des rapporteurs et du Gouvernement, qui rend possible l’organisation de la préparation et le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire, en dehors du temps scolaire, dans les locaux des lycées et établissements régionaux d’enseignement adaptés, au bénéfice des élèves qui le souhaitent. Cet amendement complète utilement l’article L. 312-13 du code de l’éducation qui prévoit déjà que : « L’enseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes d’enseignement des premier et second degrés. »
Conformément à l’article L. 214-6-2 du code de l’éducation, l’organisation et le passage de l’épreuve du code de la route dans les établissements scolaires pourront être confiés à des entreprises ou des organismes de formation conventionnés par le représentant de la région ou de la collectivité territoriale de Corse, celui de l’établissement et la personne physique ou morale qui désire organiser ces activités. La convention précisera notamment les obligations pesant sur l’organisateur en ce qui concerne l’application des règles de sécurité, la prise en charge des responsabilités et de la réparation des dommages éventuels ainsi que les conditions financières de l’utilisation des locaux et équipements dans le respect du code général de la propriété des personnes publiques.
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* *
La Commission examine l’amendement SPE851 du président François Brottes.
M. le président François Brottes. Mon amendement tend à assurer une répartition des inspecteurs du permis de conduire en fonction du nombre d’habitants âgés de moins de trente ans dans chaque département. Cette donnée démographique étant sujette à des évolutions, une régulation paraît nécessaire. D’aucuns m’objecteront que la disposition est d’ordre réglementaire, mais, jusqu’à présent, elle n’a pu être mise en œuvre par cette voie.
M. le ministre. Avis de sagesse.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis de sagesse également. Cela me semble en effet relever du domaine réglementaire.
M. Jean-Christophe Fromantin. À l’occasion des travaux que j’ai menés sur le permis de conduire, j’ai pu constater que celui-ci est d’autant plus nécessaire que les territoires sont peu denses et dépourvus de transports collectifs. Le critère de proportionnalité ici envisagé ne correspond donc pas tout à fait aux besoins réels. Ce n’est pas aussi simple que cela…
M. Jean-Frédéric Poisson. La mesure me semble clairement relever du décret, non seulement en raison des difficultés soulevées par Jean-Christophe Fromantin, mais aussi parce qu’elle vise les modalités d’affectation des inspecteurs du permis de conduire.
La commission des lois pratique la chasse aux rapports, mais aussi aux adverbes. Le mot « notamment », à cet égard, pose problème : ou le nombre d’habitants est le critère, ou il ne l’est pas.
Si chacun peut partager l’objectif de l’amendement – ne serait-ce qu’en raison des délais d’accès à l’examen dans certaines zones –, le véhicule choisi ne nous paraît pas être le bon.
M. le président François Brottes. Je suis tout aussi réservé que vous sur les vertus de l’adverbe « notamment », mais le critère démographique ne saurait être le seul. N’étant pas un élu francilien, j’ai sans doute une approche différente. Si quelque 400 000 emplois restent non pourvus, c’est aussi parce qu’ils peuvent exiger, pour les jeunes, de se déplacer au-delà du périmètre de l’agglomération ou du département : le problème se pose bien entendu avec une acuité accrue dans les zones dépourvues de transports en commun mais, même là où ils existent, le lieu de travail n’est pas forcément situé à proximité de la ligne de desserte… Je ne souscris donc pas à votre argument, monsieur Fromantin. Je suis en revanche sensible aux remarques sur la forme et, tenu à l’exemplarité en cette matière, je retire l’amendement à ce stade.
L’amendement SPE851 est retiré.
La Commission adopte successivement, avec l’assentiment du Gouvernement, l’amendement de précision SPE1496 et l’amendement de simplification rédactionnelle SPE1004 des rapporteurs.
Elle examine alors en discussion commune les amendements SPE998 et SPE1003 de M. Jean-Christophe Fromantin.
M. Jean-Christophe Fromantin. La question du permis de conduire est un serpent de mer depuis des années. Malgré le rapport Lebrun en 2008, la réforme de 2009 et les dispositions adoptées récemment pour tenter d’en assouplir les conditions d’obtention, on continue à se heurter au même problème de saturation du nombre de places. On n’en compte aujourd’hui qu’un million environ contre trois à quatre millions de candidats. Le temps d’attente de ces derniers est donc de trois à six mois et dépasse souvent les six mois lorsqu’ils passent le permis pour la deuxième fois. Cette situation a des conséquences rédhibitoires sur le coût du permis, tant pour les jeunes que pour les habitants des zones rurales, des métropoles et des villes moyennes. La situation devient surréaliste pour un examen devenu indispensable à toute personne cherchant un emploi : le permis est devenu le diplôme le plus recherché !
La seule solution pour sortir de cette ornière consisterait à faire évoluer les modalités de passage de l’épreuve pratique du permis B : c’est essentiellement elle qui fait l’objet de cette énorme saturation. Or il est malheureusement impossible au Gouvernement d’augmenter de manière significative le nombre d’inspecteurs. C’est pourquoi nous proposons dans l’amendement SPE998 de recourir à des organismes certificateurs. Régi par une norme européenne, l’examen est aujourd’hui organisé dans beaucoup de pays d’Europe par des organismes privés ou par des agences sans que cela ne pose le moindre problème. Il est temps que la France se modernise en ce domaine et sache sortir des limites du service public. On pourrait ainsi inciter les inspecteurs à se recentrer sur les autres missions qui leur sont assignées : l’information, la prévention et le contrôle des auto-écoles. En confiant l’examen du permis à des organismes certificateurs sous contrôle des inspecteurs, comme on le fait dans le cadre du contrôle technique automobile, on soulagerait le corps des inspecteurs et l’on offrirait à tous les Français des conditions équitables et raisonnables de passage du permis de conduire.
M. le Président François Brottes. Sans modifier la répartition de ces inspecteurs dans le pays, si j’ai bien compris. Qu’en est-il de votre amendement SPE1003 ?
M. Jean-Christophe Fromantin. C’est un amendement de repli prévoyant que le Gouvernement nous remettra un rapport sur la question. Il serait préférable d’adopter l’amendement SPE998, compte tenu de l’acuité du problème. Ce projet de loi nous est présenté comme devant simplifier la vie des Français. Or, la mesure que nous proposons aurait un effet direct sur le quotidien de centaines de milliers d’entre eux.
Cet amendement ne consiste pas à privatiser la délivrance du permis de conduire mais à confier à des organismes certificateurs placés sous le contrôle des inspecteurs de l’État le passage de l’examen pratique du permis B. Puisque l’on accepte cette privatisation pour le passage de l’examen théorique ainsi que pour le passage du permis poids lourds, je ne vois pas au nom de quelle doctrine on la refuserait pour l’épreuve pratique du permis B – alors que c’est précisément là que le problème est le plus aigu. Ce serait manquer de courage que de contourner la question. Aujourd’hui, des centaines de milliers de Français conduisent sans permis et 85 000 Français par an vont le passer à l’étranger. Qui plus est, les chiffres de l’insécurité routière sont alarmants. On aurait donc avantage à faire preuve de consensus, de courage et d’audace en ce domaine, afin de réformer un système qui doit l’être depuis des années.
M. le ministre. Le Gouvernement partage le constat, cruel il est vrai, de M. Jean-Christophe Fromantin. Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, le système dans lequel nous vivons aujourd’hui n’est pas satisfaisant : il pénalise les plus jeunes et en particulier ceux qui ont besoin du permis de conduire pour trouver un emploi. Il est donc nécessaire d’adopter la réforme la plus ambitieuse possible.
Néanmoins, l’externalisation proposée aurait des conséquences sociales importantes à tous égards : elles ont été débattues avec le ministre de l’intérieur lorsque ces propositions ont été examinées à l’Assemblée nationale, le 27 novembre dernier. Elles traduiraient une défiance à l’égard des inspecteurs du permis de conduire, sans garantie de résultat immédiat.
La réforme engagée par le Gouvernement vise à recentrer l’activité des inspecteurs du permis de conduire sur le cœur de leurs missions de service public – le passage de l’épreuve pratique du permis B – en leur dégageant le temps qu’ils consacraient jusqu’ici à faire passer, d’une part, l’examen théorique, qui ne requiert pas un niveau de compétences aussi élevé que le leur, et d’autre part, les épreuves pratiques du permis poids lourds en vue de l’obtention d’un diplôme professionnel. La mission des inspecteurs sera ainsi recentrée sur le passage du permis B. Ces premières mesures, qui figurent dans le projet de loi et qui avaient été annoncées par M. Bernard Cazeneuve il y a quelques mois, permettraient de libérer 280 000 places d’examen en un an. Nous sommes conscients que cela reste insuffisant, mais ce n’est qu’un début. Nous souhaitons pouvoir continuer à améliorer le dispositif dont nous débattons ce soir sans toutefois aller jusqu’à l’externalisation que vous proposez, car elle pourrait avoir des effets contre-productifs.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable à ces deux amendements, tout en ayant la volonté de poursuivre la discussion et de préparer d’ici à l’examen du texte en séance publique des amendements permettant d’aller plus loin dans la réforme que nous proposons afin de répondre au problème soulevé.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Notre collègue a bien analysé la question qui se pose depuis de nombreuses années. Le Gouvernement a essentiellement pris le parti de réduire les délais d’obtention du permis de conduire, surtout en cas de deuxième présentation à l’examen. Ces délais excessifs obligeant à reprendre des heures de cours supplémentaires très coûteuses, leur raccourcissement devrait faire économiser aux candidats entre 200 et 600 euros. Avant que l’on n’adopte des premières mesures l’an dernier, la moyenne d’attente était de 98 jours en France. L’objectif de la réforme est de ramener ce délai à 45 jours. Les mesures prises l’an dernier ont déjà permis de libérer 110 000 places tout en préservant la qualité du permis de conduire français – examen qui reste gratuit même si des frais de présentation sont exigés par les écoles de conduite. Nous tenons à ce que cet examen reste un service public gratuit.
La réforme a instauré un examen pratique de trente-deux minutes au lieu de trente-cinq, ce qui a permis de passer de douze à treize candidats examinés par jour par inspecteur et de dégager ainsi 110 000 places par an. L’objectif étant d’aller plus loin, nous avons choisi de ne pas externaliser au secteur privé l’épreuve pratique. Nous confions à l’éducation nationale l’épreuve pratique pour les poids lourds car c’est elle qui forme à la conduite de tels véhicules. Et nous externalisons à des organismes agréés toutes les épreuves du code de la route de tous les permis.
Si l’on retenait votre proposition pour le permis B, il faudrait que l’on trouve le moyen de rémunérer les inspecteurs du secteur privé, ce qui entraînerait un surcoût supplémentaire dont on ignore aujourd’hui le montant. Notre souci est de diminuer le coût d’accès au permis. Les parlementaires ont d’ailleurs jugé le projet de loi imparfait dans la mesure où il ne visait que les flux de l’examen et non les stratégies de rétention des candidats adoptées par les écoles de conduite. Des amendements ont donc été déposés par le président Brottes et par moi-même afin d’éviter que des candidats ne soient contraints par leur auto-école de prendre des heures supplémentaires de conduite.
M. Philippe Vigier. Il est vrai que des dispositions ont été prises, mais elles ne permettront pas de résorber l’encombrement actuel, même si les amendements du président François Brottes contribuent à fluidifier les mouvements. Le temps moyen d’attente étant de quarante-cinq jours dans l’Union européenne, on ne peut se satisfaire de mesures réduisant de quatre jours le délai d’attente en France qui est de quatre-vingt-dix-huit jours. Ce d’autant que, chaque fois qu’un candidat échoue, il repart pour un cycle dont le coût moyen est de 200 euros par mois.
À l’heure actuelle, le contrôle des cars de transport scolaire est assuré par des garages habilités et contrôlés régulièrement par la DREAL. Confier l’examen des candidats au permis poids lourds à des organismes privés sous le contrôle de l’État nous permettra de garantir la qualité de l’examen.
La France en fait toujours plus que l’Europe : la directive européenne prévoit une durée d’épreuve pratique de 25 minutes alors que nous étions à 35. Nous l’avons ramenée à 32 minutes et nous devons la réduire encore pour résorber ce goulot d’étranglement. Afin de permettre aux nombreux candidats de payer moins cher et d’accéder au permis de conduire dans les meilleures conditions, nous proposons de confier l’épreuve pratique du permis B à des organismes habilités. Le dispositif sera ainsi parfaitement sécurisé puisqu’en cas d’insatisfaction, la puissance publique pourra retirer l’habilitation accordée.
Enfin, je ne suis pas d’accord avec vous sur les effets de la tarification des inspecteurs du secteur privé : je suis persuadé que l’on y gagnera au niveau de l’économie générale du système. Ces organismes seront rémunérés avec toutes les économies que l’on fera réaliser aux élèves aujourd’hui contraints de subir des tarifs rédhibitoires.
M. Guénhaël Huet. Je souhaiterais également apporter mon soutien à l’amendement de notre collègue Jean-Christophe Fromantin. Depuis le temps que l’on évoque ce sujet, aucune mesure efficace n’a été prise. Les arguments de notre rapporteur thématique Gilles Savary sont certes justes : on ne peut nier que des améliorations aient été apportées, mais on est très loin du compte. Je trouve dommage de s’arrêter au milieu du gué alors que la proposition de Jean-Christophe Fromantin permet de régler beaucoup plus rapidement un problème qui se pose depuis très longtemps, tout en maintenant le contrôle de la puissance publique. Il ne s’agit pas de privatiser le système, mais de l’assouplir et de le simplifier, dans l’esprit du projet de loi. Ce texte est souvent jugé compliqué : voilà une mesure qui parlerait beaucoup à l’opinion publique. Il faut donc la soutenir.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je confirme les propos de Guénhaël Huet : nous soutiendrons les amendements de notre collègue Fromantin et du groupe UDI, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ce n’est pas sur le constat que nous sommes divisés mais sur les solutions à adopter pour régler le problème qui a été exposé. Une partie importante de votre projet de loi, monsieur le ministre, vise à fluidifier, à déréglementer et à déréguler. Je ne vois donc pas en quoi l’externalisation ou la privatisation ici proposée constituerait une marque de défiance à l’égard d’un corps d’inspection qui n’est certes pas mauvais mais qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour répondre aux besoins auxquels il est confronté. Nous ne voulons donc nullement faire preuve de défiance mais au contraire apporter notre soutien à une profession qui manque d’effectifs.
Ensuite, on peut lire à la page 49 de l’étude d’impact que vous souhaitez recourir au secteur privé pour l’organisation de l’épreuve théorique : pourquoi cela ne serait-il pas tout aussi justifié pour l’organisation de l’épreuve pratique ? Dans les deux cas, il est bien question de sécurité, de performance, d’acquisition de connaissances et de savoir-faire routiers. Cette différence de traitement s’explique donc relativement mal. Nous reviendrons plus loin sur la question de la déréglementation des professions réglementées. Mais je ne comprends pas très bien en l’occurrence que vous créiez une profession réglementée supplémentaire alors que vous vous apprêtez à en déréglementer d’autres.
Pour toutes ces raisons, nous croyons nécessaire que des solutions concrètes et pratiques soient apportées. C’est pourquoi, même si les dispositions prises par le Gouvernement vont dans le sens d’un désengorgement, le coup de pouce qu’apportent les deux amendements de nos collègues serait le bienvenu. Le groupe UMP votera donc en leur faveur.
M. Arnaud Leroy. Je suis assez sensible à l’objet du premier amendement. Nous avons fait de la jeunesse un enjeu majeur de ce quinquennat ; or c’est elle la première à être affectée par les problèmes de délai et de coût d’accès au permis de conduire. Compte tenu des chiffres qui ont été avancés, serait-il possible, monsieur le ministre, d’adopter une mesure transitoire d’une durée de deux ans afin de permettre à un maximum de candidats de passer leur permis de conduire pendant cette période ? J’entends bien que l’externalisation des épreuves du permis de conduire aurait des conséquences sociales. Mais nous sommes face à une situation d’urgence et nous ne parviendrons pas à résorber la file d’attente en libérant quelques dizaines de milliers de places. N’oublions pas que nous sommes face à un boom générationnel.
Mme Élisabeth Pochon. Nous avons, il y a peu, examiné en séance publique les propositions de Jean-Christophe Fromantin. Dans ma circonscription du 93, le délai d’attente se situe bien au-delà des quatre-vingt-dix jours, ce qui pose effectivement un problème particulier à la jeunesse. Si nous avons rejeté la proposition de loi de notre collègue, c’est qu’elle tendait selon nous à une privatisation qui ne disait pas son nom. Peut-être ce texte aurait-il apporté de la fluidité, mais il aurait créé des disparités : si l’on confiait l’inspection des épreuves pratiques du permis B au secteur privé, rien ne dit qu’il ne faudrait pas payer plus cher pour aller plus vite et que la vitesse de passage ne pourrait pas varier en fonction des moyens dépensés. Par ailleurs, les associations de sécurité routière considèrent que nous disposons d’excellents inspecteurs du permis de conduire et qu’il convient de sécuriser l’apprentissage tout en garantissant une certaine harmonisation sur notre territoire.
Le Gouvernement a formulé des propositions : attendons d’en observer les premières conséquences. Souvenons-nous aussi que naguère, le service militaire permettait aux jeunes de passer leur permis de façon à la fois peu onéreuse et rapide. La quasi-généralisation du service civique pourrait donc offrir d’autres perspectives de ce type.
Bref, il ne nous semble pas opportun de privatiser le dispositif actuel, ce qui risquerait de créer une disparité entre les candidats.
M. Jean-Yves Caullet. Si l’on peut recourir à des organismes agréés pour l’épreuve théorique mais non pour l’épreuve pratique, c’est pour une raison évidente : il est beaucoup plus simple d’assurer un contrôle a posteriori et général de l’épreuve théorique puisqu’il s’agit d’examens formalisés.
Le texte apporte des avancées très attendues ; cela étant, alors qu’une grande partie de la jeunesse joue à des jeux virtuels, et que l’on sait former des pilotes à piloter des Boeing sur des simulateurs, je m’étonne que l’on n’ait pas encore réussi à en faire autant pour l’apprentissage de la conduite et l’organisation des épreuves, de leur début à tout le moins. Il n’y a aucune raison que l’on ne puisse procéder ainsi.
M. Jean-Christophe Fromantin. Rappelons que la norme du permis de conduire est très encadrée par le droit européen. Par conséquent, dès lors que l’on recourt à un organisme certificateur dont les inspecteurs sont formés selon la norme européenne, on ne saurait mettre en doute la qualité de l’examen. Et pour ce qui est du coût, les organismes certificateurs que nous avons entendus – dont les plus grands sont des leaders mondiaux, tels que Bureau Veritas en France – nous ont indiqué qu’en trois mois, ils sauraient mettre en place le dispositif au prix d’une heure de conduite. Et je vous invite à examiner le coût supplémentaire inhérent à la carence du nombre d’inspecteurs : il représente entre 7 et 20 heures supplémentaires de cours pour combler les délais d’attente. Donc, quand même on arriverait à créer 280 000 places, il reste que 1,5 million de candidats n’auraient pas de place chaque année. C’est pourquoi cette petite réforme, comme les précédentes, ne corrigera la situation qu’à la marge sans résoudre le problème.
Vous parlez par ailleurs d’équité : or la meilleure équité que l’on puisse offrir consiste à faire en sorte que, comme cela se fait aujourd’hui en matière de contrôle technique automobile par exemple, n’importe qui n’importe où en France puisse passer son examen dans les vingt-quatre heures.
J’observe au travers de plusieurs amendements, et c’est une bonne chose, que vous cherchez à assouplir l’ensemble des procédures qui régissent les travaux et l’installation des auto-écoles. On peut imaginer que ces mesures – que nous soutiendrons – permettront de diminuer le coût du permis de conduire ; mais, du coup, elles auront pour effet d’accroître le flux des candidats, alors que vous n’envisagez pas d’augmenter substantiellement le nombre d’inspecteurs. Lorsque j’ai auditionné le secrétaire général de la préfecture de Seine-Saint-Denis, il m’a indiqué que la réduction de 35 à 32 minutes de la durée de l’épreuve pratique n’aurait aucun effet. Bref, on se fait plaisir en adoptant de telles dispositions mais l’on ne résoudra pas le problème que pose le passage de cette épreuve. Quant aux inspecteurs, que j’ai également auditionnés, ils nous ont demandé d’avoir de l’ambition pour leur métier. Ils ont d’autres ambitions que de faire passer un examen : ils exercent des missions de prévention et de contrôle. Or, si vous assouplissez les règles applicables aux auto-écoles, leur mission de contrôle prendra une importance accrue.
Bref, sans un geste fort et audacieux en ce domaine, on en restera à une demi-réforme qui ne résoudra pas la difficulté de centaines de milliers de Français à passer leur permis de conduire.
M. Philippe Vigier. Comme l’a expliqué Jean-Christophe Fromantin, il ne s’agit pas de faire une demi-réforme, mais de répondre à de l’attente forte de nos concitoyens. Et une fois de plus, nous sommes très en retard sur les autres pays de l’Union européenne. Notre collègue de Seine-Saint-Denis parlait tout à l’heure d’équité : or, il est vrai que de nombreux jeunes de la région parisienne viennent jusque dans ma circonscription, située à 150 kilomètres de Paris, pour passer leur permis de conduire. Le contrôle des auto-écoles est à cet égard un aspect essentiel.
D’autre part, la semaine dernière, le délégué interministériel à la sécurité routière nous a indiqué que les mesures prises l’an dernier par le Gouvernement, visant à faire appel, dans les préfectures, à quelques bénévoles pour faire passer des examens, avaient coûté 450 000 euros.
Non seulement les mesures proposées ne permettront pas de désengorger les flux mais le fait de ramener le délai d’attente à quarante-cinq jours coûtera à l’État une somme considérable. On ne peut se contenter d’une demi-réforme. La réforme est attendue et exige un contrôle strict des organismes qui seraient habilités à faire passer l’examen pratique de la conduite automobile dans le cadre du permis B.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Les conditions de l’examen et les capacités des examinateurs sont les seuls éléments à prendre en compte dans le débat. Deux options sont possibles : l’inspection de l’examen théorique peut rester un service public gratuit ou devenir un service commercial payant. Mais il convient de s’interroger, en amont, sur les pratiques de captation des candidats par les écoles de conduite : certaines proposent des forfaits de vingt heures sur lesquelles elles pratiquent le dumping – certains sites en ligne prétendent assurer pratiquement toute votre éducation à distance ! Puis, comme les candidats échouent à l’examen, ils se retrouvent contraints de prendre des heures supplémentaires de cours. C’est pourquoi nous vous proposons de nous intéresser à ces pratiques en amont et pas uniquement à l’examen. Lorsque nous avons auditionné les inspecteurs, ils nous ont indiqué qu’ils ne se heurtaient pas à un problème de capacités, mais à des difficultés structurelles dans l’attribution de places de permis de conduire. Ils ont également dénoncé les effets pervers des pratiques que je viens de citer.
Nous vous proposons donc plusieurs amendements, dont l’un tendant à généraliser le recours à la conduite supervisée, au terme de la formation initiale du candidat, qui pourrait être vingt heures de cours par exemple. Cela dissuadera les écoles de conduite de garder des candidats trop longtemps. Nous proposerons aussi de rendre publics les taux de réussite des écoles de conduite rapportée au volume moyen d’heures réalisées. Le Président François Brottes propose quant à lui des amendements tendant à faire évoluer la répartition des examinateurs en fonction du nombre de candidats en attente. Enfin, le décret ayant modifié les règles d’attribution des places d’examen vient juste d’entrer en vigueur. Ce faisceau de mesures, qui s’attaquent à plusieurs points de blocage, constitue une grande réforme et non un replâtrage secondaire que vous caricaturez parce que vous souhaitez basculer dans le privé. Je sais que des groupes de pression puissants, tels que Dekra, cherchent à conquérir ce marché. Mais la mise en application d’une telle réforme prendrait des mois. Elle suppose en effet de certifier des organismes et de former des examinateurs, alors que nous avons engagé une réforme depuis le mois de juin dernier qui commence à produire des résultats concrets et que nous complétons aujourd’hui par un texte ambitieux.
Nous avons pris le parti de la gratuité de l’examen, placé sous contrôle du service public. Si vous croyez aux vertus de la privatisation en ce domaine, nous en doutons. Nous souhaitons conserver les grands principes qui font la qualité de notre permis de conduire : indépendance des examinateurs, gratuité et neutralité vis-à-vis de tout intérêt commercial. Nous préférons réformer ce système plutôt que de basculer dans un système marchand s’agissant d’un bien essentiel. Certains collègues souhaiteraient d’ailleurs que l’ensemble de la formation à la conduite et la délivrance du permis soient pris en charge du début à la fin par l’éducation nationale, tant ce permis est considéré comme un bien essentiel à l’autonomie de la personne. Sans aller jusque-là, nous avons décidé de cette réforme et nous vous donnons une clause de rendez-vous afin d’en évaluer l’efficacité.
M. Jean-Yves Caullet. Monsieur le président, pourriez-vous nous accorder quelques minutes de suspension de séance ?
M. le président Brottes. Soit.
(Suspension des travaux)
M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, je me permets de reprendre à mon compte les arguments que vous avez formulés tout à l’heure. Vous considérez que l’amendement de notre collègue Jean-Christophe Fromantin est une offensive sans précédent contre l’indépendance, la neutralité et la gratuité du service public. Or, il y a quelques heures, évoquant les conditions d’attribution des marchés aux concessionnaires autoroutiers, vous avez fait état de comportements au sommet de l’État qui ne témoignaient pas d’un grand respect de l’indépendance, de la neutralité et de la gratuité du même service public. Il n’y a malheureusement plus de garanties à cet égard, force est de le reconnaître. Il n’y a donc de notre part aucune volonté d’affaiblir quelque service public que ce soit en soutenant l’amendement de notre collègue.
Tirant les conséquences d’une situation que vous avez, comme le ministre, parfaitement décrite, vous prenez des dispositions pour faciliter un accès plus rapide des jeunes à l’examen du permis de conduire. Malheureusement, tout nous porte à croire que ces examens ne pourront être organisés avec le succès espéré. Nous proposons donc une solution complémentaire qui, loin de remettre en cause le statut des inspecteurs et de les sortir de la fonction publique, permettra de les appuyer par des personnes ayant un statut distinct du leur et qu’il faudra effectivement former et agréer.
Enfin, vous nous objectez, monsieur le rapporteur thématique, que tout cela prendra du temps. Mais le projet de loi que vous soutenez prévoit plusieurs ordonnances, assorties de neuf délais de ratification différents, allant pour certaines jusqu’à dix-huit mois. Par conséquent, toutes les mesures dont nous débattons, quelles qu’elles soient, ne s’appliqueront qu’au bout d’un certain temps.
Pour toutes ces raisons, nous réitérons notre soutien sans faille à ces deux amendements.
M. le Président François Brottes. Vous conviendrez que le débat sur ces amendements a largement eu lieu et que chacun a pu exprimer son point de vue. Nous avons le devoir, à l’égard d’une génération tout entière, de booster le dispositif afin de redonner de l’autonomie aux jeunes et d’éviter que les candidats au permis de conduire ne subissent des temps d’attente trop longs et des tarifs rédhibitoires, surtout dans certaines régions. Non seulement le Gouvernement a déjà engagé une réforme significative, mais le projet de loi prévoit des modifications supplémentaires. D’ici à la séance publique, il dressera l’inventaire de ces dispositions nouvelles. Prenons-en acte. Personne ici, sur quelque banc que ce soit, n’est favorable à un statu quo qui interdit à toute une génération l’accès à la mobilité et à l’autonomie.
La Commission rejette les amendements SPE998 et SPE1003 de M. Jean-Christophe Fromantin.
Puis elle examine l’amendement SPE1497 des rapporteurs.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement tend à insérer dans le code de la route un article disposant que les activités d’organisateurs agréés et d’examinateurs des épreuves du permis de conduire sont incompatibles avec l’activité d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière. Cette mesure de portée éthique vise à éviter tout conflit d’intérêts, compte tenu de l’ouverture au secteur privé de l’emploi d’examinateur de l’épreuve théorique.
M. le ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement SPE1497.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel SPE1498 des rapporteurs.
La commission est saisie de l’amendement SPE1680 du président François Brottes.
M. le président François Brottes. L’article L. 312-13 du code de l’éducation prévoit explicitement l’obligation pour l’éducation nationale, de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire, d’organiser et d’assurer la formation au code de la route. Or je crains que cette disposition n’ait pas été suffisamment rappelée par les gouvernements successifs. Par ailleurs, l’article L. 214-6-2 du même code autorise la conclusion de partenariats au sein de l’éducation nationale. Je propose donc de permettre la préparation et le déroulement de l’examen théorique du permis de conduire dans les locaux des lycées et les locaux d’enseignement adapté, dans le cadre d’un partenariat conclu entre l’éducation nationale et des experts.
Pour financer une telle mesure, l’amendement SPE1680 prévoit la possibilité de recourir à la contribution des entreprises d’assurance automobile à la prévention routière ; ce dispositif, instauré par M. François Fillon, doit être renouvelé l’an prochain.
Cet amendement ne bénéficiera pas à tous les jeunes puisque tous ne sont pas scolarisés au lycée. Mais d’autres circonstances pourraient également servir à cette fin, telles que les journées défense et citoyenneté. Je proposerai donc un amendement prévoyant la remise d’un rapport au Parlement sur le sujet, l’article 40 de la Constitution m’empêchant de créer une telle dépense nouvelle. Je crois d’ailleurs savoir que le ministère de la défense est favorable à cette proposition. D’autres lieux encore pourraient être utilisés de sorte que l’on couvre l’ensemble des publics.
Enfin, je tiens à souligner que mon amendement prévoit une possibilité et non une obligation, et que ces formations auraient lieu en dehors du temps scolaire.
M. le ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable.
M. Jean-Louis Bricout. Je m’associe à cet amendement. J’avais d’ailleurs moi-même proposé un amendement similaire, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.
Outre le fait que nous avons le devoir de former la jeunesse à la sécurité routière, l’épreuve théorique du permis de conduire, préalable obligatoire avant de passer les épreuves de conduite, constitue pour les jeunes habitants des zones rurales un passeport pour l’emploi. Compte tenu du caractère onéreux de ce passeport, la mesure proposée par notre président constituera une avancée sociale certaine. On a en effet pu constater que le service national avait été facteur d’ascension sociale, en permettant à de nombreux jeunes de passer leur permis.
Enfin, l’apprentissage du code de la route présente un réel intérêt pédagogique. Les entrepreneurs que nous rencontrons lorsque nous visitons des entreprises nous parlent certes de la maîtrise des savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter – mais aussi de celle du comportement. Or bien se comporter, c’est la première chose que l’on apprend dans le code de la route. Du point de vue de la méthode, on peut effectivement imaginer que l’enseignement de ce code soit dispensé dans des lycées ou dans d’autres lieux. Pour ce qui est du financement, on pourrait certes faire appel au fonds de prévention des assurances mentionné par le président Brottes mais aussi aux fonds européens pour la jeunesse. Enfin, les candidats pourraient passer l’épreuve théorique lors des journées défense et citoyenneté ou dans le cadre du service civique.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je sens comme une antinomie, en tout cas une différence, entre l’organisation d’une profession réglementée visant à externaliser le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire, et le renforcement du rôle de l’Éducation nationale dans ce même domaine. Cette dichotomie expliquerait-elle l’avis de sagesse donné par le Gouvernement ? Dans le cas contraire, quelles en sont les motivations, monsieur le ministre ?
M. Michel Zumkeller. Qui organisera les épreuves et dans quelles conditions ? Dans le même mouvement, vous privatisez cet examen tout en l’installant dans des locaux scolaires, ce qui crée beaucoup de confusion.
M. Joël Giraud. Je suis très favorable à l’adoption de votre amendement, monsieur le président, au point que je souhaiterais le sous-amender afin d’intégrer dans son champ les centres de formation des apprentis, qui relèvent également de la compétence des régions.
M. le président François Brottes. Monsieur Joël Giraud, mon amendement s’inscrit dans le cadre du code de l’Éducation nationale qui ne vise que les établissements d’enseignement placés dans le périmètre de l’Éducation nationale. Il faudrait reprendre le dispositif en le rattachant au code qui régit les établissements que vous évoquez.
L’article L.214-6-2 offre plusieurs possibilités dans le choix des opérateurs, mais il est évident que ceux-ci seront extérieurs à l’Éducation nationale et qu’ils interviendront dans le cadre de conventions. La loi ne peut aller plus loin dans la précision, sous peine d’empiéter sur le domaine réglementaire.
Mon amendement pose un cadre permettant l’organisation de l’épreuve théorique du permis de conduire dans l’enceinte de l’Éducation nationale, en dehors du temps consacré aux programmes, et sur le fondement d’un partenariat que le code prévoit. Quant à la dichotomie relevée par Jean-Frédéric Poisson, elle m’a échappé…
Mme Élisabeth Pochon. Je voulais ajouter les missions locales dans le champ de votre amendement, monsieur le président, mais la réponse que vous avez apportée à Joël Giraud vaut également pour ma demande.
Monsieur le ministre. Il n’y a pas de dichotomie, mais complémentarité entre le texte initial et l’amendement de monsieur le président ; en effet, le projet de loi prévoit un dispositif d’urgence consistant à décharger les inspecteurs de l’épreuve du code, qui requiert peu de qualifications – contrairement à l’évaluation de l’épreuve pratique qui exige des qualifications particulières, selon le droit de l’Union européenne. Or nous n’avons pas élargi le champ de la profession réglementée ; nous avons choisi de mettre en place des dispositifs agréés pour passer l’épreuve du code, et l’amendement de Monsieur le président étend cette possibilité à un autre public. Nos deux démarches s’avèrent donc bien complémentaires. Nous acceptons cet amendement, mais avec prudence – d’où mon avis de sagesse – afin que soient bien prises en compte les exigences élevées de la sécurité routière et les charges pesant déjà sur les épaules des enseignants, notamment en matière d’instruction civique.
M. Jean-Christophe Fromantin. Qui organisera les épreuves théoriques du permis de conduire dans les lycées ? Le personnel de l’Éducation nationale ? Les inspecteurs du permis de conduire ? Des organismes privés opérant dans les lycées publics ? Si ce sont des opérateurs privés, ne me dites pas, monsieur le ministre, que la privatisation vous gêne ! Si vous ouvrez la possibilité de passer ces épreuves gratuitement dans les lycées avec des inspecteurs, vous neutralisez le bénéfice de la mesure que vous avez proposée, qui visait à libérer du temps pour ces professionnels. Enfin, aucune norme européenne n’interdit de confier l’organisation des épreuves théoriques du permis de conduire à des organismes privés.
M. le président François Brottes. Vous revenez sur notre débat de tout à l’heure, chers collègues ! Vous avez parfaitement compris le sens de mon amendement : rendre possible l’organisation d’épreuves théoriques hors du temps d’enseignement et dans le cadre de conventions entre l’Éducation nationale et des opérateurs extérieurs que le ministère agréera.
M. Philippe Vigier. Si ce sont des inspecteurs qui évaluent ces épreuves théoriques dans les lycées, qui les paie ?
Mme Véronique Louwagie. Les lycées d’enseignement agricole seront-ils couverts par la disposition ?
M. François Brottes. Mon amendement ne couvre pas tous les établissements d’enseignement, mais seulement ceux relevant de l’Éducation nationale. Je prends donc votre remarque comme un encouragement, madame, et d’autres amendements pourront élargir le champ de celui-ci.
Pour ce qui est du financement, la convention faisant obligation aux assurances de contribuer à la prévention et à la sensibilisation au code de la route pourrait être utilisée pour financer ces épreuves. N’allez pas me reprocher de définir un cadre législatif après m’avoir fait la leçon en appelant à ne pas empiéter sur le domaine réglementaire !
M. Philippe Vigier. Hors le temps scolaire, et depuis les lois de décentralisation que vous avez initiées, ce sont les régions et non plus l’Éducation nationale qui gèrent les lycées, monsieur le président. Tout le monde le sait !
M. le président François Brottes. Il ne vous a pas échappé, monsieur Philippe Vigier, qu’il s’agirait de conventions avec le ministère de l’Éducation nationale et que l’enseignement du code de la route faisait partie des missions de l’État et non de celles des régions.
La Commission adopte l’amendement SPE1680.
Puis elle étudie l’amendement SPE224 de M. Jean-Frédéric Poisson.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à soumettre les examinateurs à des règles éthiques qui préviennent les conflits d’intérêts.
M. le ministre. Cet amendement est satisfait par le SPE1497 des rapporteurs.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet.
M. Jean-Frédéric Poisson. Non, car l’amendement SPE1497 visait les organisateurs des épreuves, alors que le mien traite des examinateurs.
M. le président François Brottes. Si ce n’est que les organisateurs s’occupent également des examinateurs…
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. L’amendement que nous avons adopté vise « les activités d’organisateurs agréés et d’examinateurs ».
M. Jean-Frédéric Poisson. Dont acte ; je retire mon amendement.
L’amendement SPE224 est retiré.
La Commission adopte l’amendement de précision SPE1499 des rapporteurs.
Puis elle examine l’amendement SPE1500 des rapporteurs.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit là de la disposition la plus importante pour éviter les surcoûts de formation et fluidifier les candidatures au permis de conduire ; l’amendement SPE1500 vise à ce que tout élève conducteur, inscrit dans un établissement ou une association agréés pour suivre une formation à la conduite des véhicules, puisse, après la validation de sa formation initiale – que le règlement pourrait fixer à vingt heures –, accéder à une période d’apprentissage en conduite dite supervisée par un accompagnateur titulaire depuis au moins de cinq ans du permis.
Cet amendement répond à un triple objectif : abaisser le coût de formation de la conduite, améliorer la sécurité routière en réduisant le taux d’accidentalité
– la conduite accompagnée ayant pour vertu de l’abaisser considérablement – et accroître le taux de réussite au permis B, qui s’élève aujourd’hui à 60 %. Autrement dit, la formation serait moins chère, plus rapide et plus complète.
M. le ministre. Le présent amendement ne modifie pas les prérequis de la conduite supervisée, mais il supprime opportunément les seuils minimaux de trois mois et de 1 000 kilomètres parcourus avant de pouvoir passer le permis, afin de ne plus pénaliser l’élève, la décision de passer le permis devant relever de la responsabilité de l’auto-école. La conduite supervisée constituera donc bien un entraînement complémentaire de la formation avec moniteur. Toutefois, dans la mesure où le ministère de l’intérieur souhaite que certains détails soient améliorés en séance, le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur cet amendement.
La Commission adopte l’amendement SPE1500.
Elle adopte alors l’amendement rédactionnel SPE1501 des rapporteurs.
Puis elle est saisie de l’amendement SPE1502 des rapporteurs.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement vise à moraliser la profession afin que les écoles de conduite cherchent à obtenir les meilleurs résultats dans les délais les plus brefs. Afin d’encourager ce mouvement vertueux, nous souhaitons que les résultats des écoles fassent l’objet d’un benchmarking et soient publiés et portés à la connaissance du grand public.
M. le ministre. Avis favorable.
M. Jean-Christophe Fromantin. L’idée semble bonne, mais plusieurs acteurs de la filière nous ont alertés sur le danger de voir les auto-écoles augmenter le nombre d’heures de cours pour s’assurer de bons résultats. Il s’agit donc d’une fausse bonne idée.
M. Joël Giraud. Il est nécessaire d’introduire cet amendement dans le texte, afin de limiter les heures supplémentaires de conduite onéreuses. La moralisation que monsieur le rapporteur thématique appelle de ses vœux s’avère nécessaire. J’ai déposé un amendement après l’article 9 qui prévoit une sanction en cas de refus par les auto-écoles de publier leurs résultats.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Monsieur Jean-Christophe Fromantin, la réussite de chaque auto-école sera évidemment évaluée par rapport au volume moyen d’heures suivies par les candidats. La clientèle pourra ainsi juger au vu des résultats et de la moyenne des heures de formation dispensées.
En outre, comme les auto-écoles devront, aux termes de l’amendement précédent, proposer aux candidats de la conduite accompagnée ou supervisée, et non des heures supplémentaires payantes, le coût pour le candidat sera réduit et le circuit de présentation de l’examen fluidifié.
M. le rapporteur général. Cet amendement permettra une transparence et une évaluation du rapport qualité-prix, afin que le consommateur émette un choix éclairé et que les dérives constatées dans la profession soient endiguées.
La Commission adopte l’amendement SPE1502.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP votera contre l’article 9.
La Commission adopte l’article 9 ainsi modifié.
M. Patrick Hetzel. J’aimerais revenir en préambule sur un point abordé par M. Marc Dolez hier et qui n’a rien d’un détail : nous souhaiterions accéder en ligne au projet de loi à mesure que ses articles sont votés, afin de pouvoir préparer nos amendements en vue de la séance. J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le président, notamment votre argument sur le titre. Toutefois, renseignement pris, cette mise en ligne progressive du texte adopté existe au Sénat. Notre demande de bon sens – dans un contexte où, vous l’avez vous-même souligné, nous sommes appelés à travailler très avant dans la semaine – ne se heurte donc à aucun obstacle technique.
M. le président François Brottes. Je comprends le problème. Nous pouvons faire parvenir aux membres de la commission spéciale une version provisoire par e-mail, mais il ne faudra pas me reprocher ensuite son caractère non définitif ! Vous pourrez ainsi cibler certains passages, sans être toutefois en mesure de rédiger vos amendements avec toute la précision requise.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous venons d’apprendre que les rapporteurs avaient réécrit par voie d’amendements plusieurs articles, pour certains volumineux, en supprimant un ici, en déplaçant un là. Le procédé est tout à fait conforme à notre Règlement. Toutefois, le sujet n’a rien d’anodin puisqu’il s’agit des tarifs.
J’aimerais donc savoir si les rapporteurs, ou le Gouvernement d’ailleurs, a l’intention de rééditer l’expérience sur d’autres articles au cours de la discussion. En effet, comment pouvons-nous, sur des questions aussi complexes, formuler un point de vue pertinent dans des délais aussi restreints, a fortiori si les amendements et les discussions que nous avions préparés deviennent caducs ? En bouleversant de nouveau l’architecture du texte, on nous obligerait à refaire à la va-vite ce que nous avions élaboré de longue date. Il y va du respect du travail des commissaires de l’opposition.