N° 2525
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 janvier 2015.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures,
PAR MME Colette CAPDEVIELLE
Députée
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Voir les numéros :
Sénat :
1ère lecture : 175 rect., 288, 289 et T.A. 69 (2013-2014).
478. Commission mixte paritaire : 529 et 530 (2013-2014).
Nouvelle lecture : 76, 215, 216, et T.A. 53 (2014-2015).
Assemblée nationale :
1ère lecture : 1729, 1808 et T.A. 324.
Commission mixte paritaire : 1933.
Nouvelle lecture : 1952 et 2200 et T.A. 416.
Mesdames, Messieurs,
L’Assemblée nationale est invitée à statuer définitivement, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
La commission mixte paritaire qui s’est réunie au Sénat le 13 mai 2014 n’est pas parvenue à établir un texte commun, en raison de l’opposition des sénateurs à l’article 3 du projet de loi, qui autorise le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance, ainsi qu’à l’article 1er bis, relatif au statut juridique des animaux dans le code civil.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a apporté, lors de l’examen en nouvelle lecture du texte le 17 septembre 2014 en commission des Lois et le 30 octobre 2014 en séance publique, plusieurs modifications, en particulier :
– à l’article 1er bis, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements ayant pour objet de clarifier le fait que la réforme adoptée vise simplement à reconnaître la qualité d’être sensible des animaux, sans modifier pour autant le régime juridique auquel ils sont soumis, qui reste celui applicable aux biens, meubles ou immeubles par destination selon le cas ;
– à l’article 2 bis A relatif au mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier, l’Assemblée nationale a précisé que le débit sur les comptes du défunt des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, des impôts dus par le défunt, des loyers et des autres dettes successorales dont le règlement est urgent ne pouvait être obtenu que « sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d’imposition ». Elle a également expressément exclu les successions comportant un bien immobilier du dispositif ;
– à l’article 8, la Commission a prévu que le recours exercé contre un refus de restitution d’un scellé judiciaire opposé par le procureur de la République ou par le procureur général relevait de la compétence de la chambre de l’instruction et non plus du tribunal correctionnel ou de la chambre des appels correctionnels.
En nouvelle lecture, le Sénat, le 14 janvier 2015 en commission des Lois et le 22 janvier 2015 en séance publique, a notamment supprimé l’habilitation du Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats (article 3). Les sénateurs sont restés opposés, comme en première lecture, au recours à une ordonnance.
Le Sénat a également supprimé, au motif que ces ajouts opérés par l’Assemblée nationale en première lecture n’auraient pas un lien suffisant avec l’objet du texte :
– l’article 1er bis relatif au statut juridique des animaux dans le code civil ;
– l’article 9 bis qui autorise les stagiaires à la formation de moniteur d’auto-école à donner, sous certaines conditions, des cours rémunérés aux apprentis conducteurs ;
– l’article 9 ter qui lève une incertitude rédactionnelle relative à la non soumission au permis à points du permis relatif aux voiturettes.
À l’article 8, le Sénat a aussi rétabli l’obligation, lorsqu’il est fait usage d’un mode de communication électronique en matière pénale, de s’assurer que le destinataire effectif de l’envoi est bien celui auquel il était adressé.
Les principales divergences entre les deux assemblées demeurent.
Votre Commission estime, en particulier, s’agissant de l’article 3, que le recours à l’ordonnance est indispensable, compte tenu de la technicité de cette réforme urgente, de son volume et de l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire, pour que cette nécessaire modernisation de notre droit des obligations et des contrats soit adoptée.
Votre Commission réfute par ailleurs l’argument selon lequel l’article 1er bis reconnaissant la qualité d’être sensible des animaux ne présenterait pas un lien suffisant avec l’objet initial du texte. Le projet de loi déposé par le Gouvernement comporte un article 4 relatif à l’abrogation des actions possessoires, afin de moderniser le droit des biens, conformément aux préconisations du rapport de la commission présidé par le professeur Hugues Périnet-Marquet, dans sa proposition de réforme du livre II du code civil relatif aux biens (1). L’article 1er bis poursuit le même objet – moderniser le droit des biens – et répond également à l’une des préconisations du rapport Périnet-Marquet. Il ne fait aucun doute qu’il présente un lien étroit avec l’objet initial du texte.
Dans ces conditions, il apparaît que le désaccord persistant entre les deux chambres ne peut être tranché qu’en donnant le dernier mot à notre Assemblée, comme le permet la Constitution. Le Gouvernement a ainsi demandé à l’Assemblée nationale de trancher définitivement.
À ce stade de la procédure, l’Assemblée nationale ne peut, conformément au dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, que reprendre le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.
À cet égard, le Conseil constitutionnel a précisé récemment, dans sa décision n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015 (2) que « chacune des modifications apportées lors de l’examen en nouvelle lecture d’un texte adopté par le Sénat peut être reprise par amendement devant l’Assemblée nationale lorsqu’elle statue définitivement » et qu’il en va ainsi « soit que ces modifications apportées par le Sénat en nouvelle lecture aient pour origine des amendements adoptés par la commission qui n’ont pas été supprimés en séance publique, soit que ces modifications apportées par le Sénat en nouvelle lecture proviennent d’amendements adoptés en séance publique, soit que ces modifications résultent de la combinaison d’amendements adoptés par la commission puis modifiés par des amendements adoptés en séance publique ».
Votre Commission vous propose en vue de la lecture définitive du projet de loi, de reprendre le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, sous réserve de la reprise de plusieurs amendements rédactionnels adoptés par le Sénat.
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La Commission examine, le mercredi 28 janvier 2015, en vue de sa lecture définitive, le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (n° 416).
Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.
M. Guy Geoffroy. Il n’a pas fallu attendre que le Sénat change de majorité pour que se fassent jour, sur ce projet de loi, de profondes divergences entre les deux Assemblées, qui ont abouti à l’échec de la commission mixte paritaire – antérieur, j’y insiste, à la récente alternance que j’évoquais à l’instant. Ces désaccords portent pour l’essentiel sur l’article 3, dont je proposerai par amendement la suppression, dans l’espoir que la raison revienne. Ils expliquent que notre groupe, en commission ce matin comme en séance cet après-midi, refuse de voter ce texte.
Mme Cécile Untermaier. Je n’ai rien à ajouter à l’excellent rapport de Colette Capdevielle. Évitons de mener des campagnes anxiogènes sur le statut juridique des animaux, qui n’est nullement modifié par des dispositions purement rédactionnelles.
Quant à l’article 3, il est indispensable, et le travail accompli en amont offre toutes les garanties aux parlementaires, qui pourront, à tout moment, faire des observations sur le dispositif.
Le groupe SRC votera donc naturellement ce projet de loi.
La Commission en vient à l’examen des amendements.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL
Article 2 bis A (art. L. 312-1-4 du code monétaire et financier) : Création d’un mode de preuve simplifié pour justifier de la qualité d’héritier dans les successions d’un montant limité
La Commission est saisie de l’amendement CL4 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement reprend le dispositif d’un amendement adopté par la commission des Lois du Sénat en nouvelle lecture, à l’initiative de son rapporteur. Il a pour objet de permettre qu’il soit fait usage de la procédure dérogatoire d’accès au compte bancaire du défunt en vue du paiement de dépenses conservatoires, y compris lorsque la succession comporte un bien immobilier. Il s’agit de favoriser le règlement des petites successions.
La Commission adopte l’amendement.
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Article 3 : Habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à une réforme complète des dispositions du code civil relatives au droit des contrats et des obligations
La Commission examine l’amendement CL1 de M. Guy Geoffroy, tendant à supprimer l’article.
M. Guy Geoffroy. Je me bornerai à citer, non sans quelque cruauté, les propos du rapporteur – socialiste – du projet de loi au Sénat : « Compte tenu de l’ampleur de la réforme, de la multitude des sujets évoqués et de l’imprécision de la plupart des formulations, la question de la constitutionnalité de l’habilitation pourrait ainsi se poser. »
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le contenu du projet d’ordonnance est connu. Nous sommes quasiment à droit constant puisqu’il reprend l’essentiel de la jurisprudence sur le droit des contrats, qui est une matière technique et complexe.
M. Guillaume Larrivé. Nous ne sommes pas du tout à droit constant !
Mme la rapporteure. C’est le cas pour l’essentiel.
M. Guillaume Larrivé. Simplifier, clarifier, moderniser le droit ou encore introduire un régime général des obligations n’est nullement anecdotique, et il est curieux que la représentation nationale ne puisse être saisie de ces questions.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous en avons déjà longuement débattu. Cet article est le fruit du pragmatisme. L’Assemblée nationale n’ayant pas le temps nécessaire à consacrer à cette manière et l’urgence à agir étant patente, nous offrons au Gouvernement la possibilité de le faire.
La Commission rejette l’amendement.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU TRIBUNAL DES CONFLITS
Article 7 (art. 1er à 16 de la loi du 24mai 1872, art. 23 de la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ordonnance du 1er juin 1828 relative aux conflits d’attribution entre les tribunaux et l’autorité administrative, ordonnance du 12 mars 1831 modifiant celle du 2 février 1831 sur la publicité des séances du Conseil d’État et le mode de décision des affaires contentieuses et des conflits, loi du 4 février 1850 portant sur l’organisation du Tribunal des conflits et loi du 20 avril 1932 ouvrant un recours devant le Tribunal des conflits contre les décisions définitives rendues par les tribunaux judiciaires et les tribunaux administratifs lorsqu’elles présentent contrariété aboutissant à un déni de justice) : Réforme du Tribunal des conflits
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL5 de la rapporteure.
Puis elle examine l’amendement CL6 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement procède à une actualisation – indispensable puisque cette date est d’ores et déjà dépassée – de la date « butoir » prévue pour l’entrée en vigueur de la réforme du Tribunal des conflits.
La Commission adopte l’amendement.
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMUNICATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
Article 8 (art. 41-4, 41-5, 114, 167, 529-8 et 803-1 du code de procédure pénale) : Régime des scellés en cours d’enquête, paiement des amendes forfaitaires et communication par voie électronique en matière pénale
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL2 de la rapporteure
Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ainsi modifié.
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En conséquence, conformément à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution et en application de l’article 114, alinéa 3, du Règlement, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République demande à l’Assemblée nationale d’adopter le texte voté par elle en nouvelle lecture, ainsi que les amendements qu’elle a adoptés au cours de sa réunion du mercredi 28 janvier 2015.
© Assemblée nationale1 () Association Henri Capitant des Amis de la Culture juridique Française, Proposition de réforme du livre II du code civil relatif aux biens, 2008.
2 () Décision n° 2014-709 du 15 janvier 2015, Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.