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Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 2721

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2216) DE M. BRUNO LE ROUX, MME CHANTAL GUITTET et M. JEAN-PIERRE LE ROCH ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export »,

PAR Mme Chantal GUITTET

Députée

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SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

DISCUSSION GÉNÉRALE 11

EXAMEN DES ARTICLES 15

Article 1er (art. L. 441-6 du code de commerce) : Dérogation à l’encadrement des délais de paiement 15

Article 2 (art. L. 441-6-1 du code de commerce) : Dérogation à la communication au ministre chargé de l’économie des informations sur les délais de paiement 21

TABLEAU COMPARATIF 23

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 29

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 15 avril 2015, la commission des Lois a adopté la proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export », présentée par M. Bruno Le Roux, Mme Chantal Guittet, M. Jean-Pierre Le Roch et les autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (n° 2216), en y apportant les principales modifications suivantes :

—  À l’article 1er, à l’initiative de sa rapporteure, la Commission a substitué à l’exemption de délais de paiement légaux prévue par le texte initial au bénéfice des entreprises exportatrices une extension des délais de droit commun modulée en fonction de la taille de l’entreprise cocontractante (soit quatre-vingt-dix jours pour une entreprise comptant moins de 250 salariés et un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros, et cent vingt jours pour une entreprise dépassant ces seuils) ;

—  À l’article 1er, à l’initiative de sa rapporteure, la Commission a précisé que les grandes entreprises exportatrices ne peuvent prétendre à l’extension du délai légal de paiement.

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite « LME », comporte plusieurs volets. L’un d’eux a trait aux délais de paiement entre entreprises. Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut excéder quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Le dépassement de cette limite est réprimé, aux termes de l’article L. 441-6 du code de commerce, d’une amende de 15 000 euros pour les particuliers et de 375 000 euros pour une personne morale.

Cette disposition s’applique à tout produit ou service fourni dans le cadre d’une transaction commerciale entre entreprises liées par un contrat conclu après le 1er janvier 2009, dès lors que le créancier est établi sur le territoire national. Quelques dérogations permettent toutefois à certains secteurs de bénéficier de délais adaptés à leurs spécificités : cela concerne notamment les marchandises importées d’outre-mer, le transport de marchandises, le commerce des denrées alimentaires périssables, le négoce du livre et les commandes publiques – ces dernières échappant au périmètre d’application de la loi de modernisation de l’économie.

En édictant des maxima aux délais de paiement interentreprises, la loi de modernisation de l’économie a eu des effets positifs sur les pratiques des entreprises françaises. Elle a procuré une meilleure visibilité en matière de trésorerie ; elle a apporté un supplément de sécurité aux opérateurs économiques. Il n’en demeure pas moins que, dans le cas particulier des entreprises exportatrices, son application crée un désavantage compétitif face aux concurrents allemands, belges ou encore italiens. Ceux-ci profitent de la possibilité accordée par le droit européen de dépasser par accord des parties le délai maximal de paiement, quand la France a privilégié une transposition plus restrictive. Les exportateurs français sont placés dans l’obligation de respecter cette contrainte légale vis-à-vis de leurs fournisseurs résidents alors que leurs clients non-résidents n’y sont pas astreints. En conséquence, ils ont généralement vu le solde de leurs crédits clients-fournisseurs se déséquilibrer, créant de graves problèmes de trésorerie (1).

Les entreprises sont confrontées à un choix cornélien : soit supporter une difficulté de trésorerie, soit négocier avec le client étranger des paiements plus rapides. Dans le dernier cas, elles prennent le risque d’affaiblir leur position dans la négociation commerciale voire de mettre en péril la relation contractuelle. Il en résulte un véritable barrage à l’achat de productions françaises destinées au grand export et donc à la valorisation du « made in France » à l’international. La législation française entrave l’économie française dans la compétition internationale.

La présente proposition de loi vise à éliminer cette distorsion de concurrence en autorisant les entreprises de « grand export » – exportant hors de l’Union européenne (2) – à déroger aux délais de paiement édictés par la loi de modernisation de l’économie à la double condition que le fournisseur l’accepte et que ce dernier n’en subisse pas une charge manifestement abusive. Cela permettrait aux sociétés françaises de négoce de partager équitablement avec leurs fournisseurs français les délais de paiement souvent très longs du « grand export ». La dérogation apporte une réponse ciblée aux difficultés des entreprises de négoce international sans remettre en cause le cadre général de la loi de modernisation de l’économie : strictement encadrée, limitée aux seuls achats de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, elle n’est pas applicable aux grandes entreprises exportatrices qui disposent des ressources nécessaires pour faire face aux effets de trésorerie sans solliciter les PME qui les fournissent. Un temps envisagée, l’exemption de délai de paiement a finalement été écartée au profit d’une extension du délai de droit commun, porté à quatre-vingt-dix ou à cent vingt jours suivant la taille du fournisseur.

Cette proposition de loi représente une occasion unique pour, à la fois, résoudre un véritable handicap pour les sociétés françaises de négoce et sécuriser l’accès des producteurs français aux marchés obtenus par des négociants jusque-là incités à se fournir auprès de fournisseurs étrangers échappant aux dispositions de la loi de modernisation de l’économie. La demande à satisfaire atteint 36 milliards d’euros, ce qui représente des perspectives de croissance et d’emploi considérables.

*

* *

La commission des Lois a examiné la proposition de loi le mercredi 15 avril 2015. Elle l’a adoptée à l’unanimité ainsi que deux amendements déposés par sa rapporteure sur l’article 1er.

La Commission a ainsi reconnu l’intérêt d’un assouplissement des délais de paiement entre entreprises dans un contexte d’exportation au-delà des frontières de l’Union européenne. Si l’exemption totale prévue dans la rédaction initiale de la proposition de loi est apparue excessive, l’extension du délai du délai de droit commun à quatre-vingt-dix ou à cent vingt jours suivant la taille du fournisseur a réuni l’unanimité des commissaires.

En outre, la Commission a précisé que les grandes entreprises exportatrices ne peuvent prétendre à l’extension du délai légal de paiement. Cette disposition apparaissait déjà dans le texte initial, mais sa rédaction pouvait susciter une incompréhension désormais levée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 15 avril 2015, la Commission procède à l’examen de la proposition de loi sur le rapport de Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Mes chers collègues, je vous remercie de m’accueillir au sein de la commission des Lois pour vous présenter cette proposition de loi très attendue par les entreprises exportatrices, dont je rappelle qu’elles contribuent à la réduction du déficit de notre balance commerciale et sont soumises aux rigueurs de la compétition internationale.

La proposition de loi participe de la volonté du Gouvernement de lever les obstacles législatifs et réglementaires auxquels les entreprises sont confrontées. Elle ne menace aucun droit, ne marque aucun recul ; il s’agit d’un simple ajustement technique dont devrait résulter un accroissement des commandes pour nos entreprises, donc, à terme, des créations d’emploi.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie (LME) en 2008, le délai de paiement entre les entreprises ne peut excéder quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Toutes les transactions entre entreprises françaises sont soumises à cette règle, sauf si elles concernent des denrées périssables. Le dépassement du délai est sanctionné, aux termes de l’article L. 442-6 du code de commerce, d’une amende de 15 000 euros pour les particuliers et de 375 000 euros pour une personne morale.

Cette disposition, qui vise à éviter qu’une grande entreprise ne mette en péril les PME qui la fournissent en réglant ses factures en retard, pose toutefois un problème aux entreprises qui vendent à l’international. Le droit international, en l’occurrence la convention de Vienne de 1980, laisse en effet une complète liberté de choix aux parties pour la fixation des délais de paiement, sous réserve que personne ne soit lésé dans la négociation. Quant au droit européen, il fixe, par une directive du 16 février 2011, un délai de soixante jours tout en laissant aux cocontractants la possibilité de s’entendre, à condition qu’il n’y ait pas d’abus.

Ainsi, alors que la France ordonne un délai de quarante-cinq jours fin de mois ou de soixante jours à compter de la facture, le reste du monde, notamment certains pays européens comme la Belgique, laisse une entière liberté aux commerçants. L’entreprise française subit un effet ciseau : elle doit payer ses fournisseurs immédiatement et accepter d’être rémunérée par ses clients plus tard pour s’adapter au marché international. Une telle situation, outre qu’elle entraîne des frais de trésorerie, nuit à la compétitivité de nos entreprises, leur fait manquer des contrats et détruit des emplois.

Les exportations indirectes réalisées par les sociétés de négoce indépendantes atteignent un montant de 36 milliards d’euros par an. Ces 4 600 entreprises comptant plus de 35 000 salariés, ainsi placées dans une situation de faiblesse concurrentielle, sont finalement incitées par le code de commerce à choisir un fournisseur européen, dont les délais de paiement sont négociables, plutôt qu’un fournisseur français. Selon les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), chaque fois que les négociants indépendants substituent à 1 % de leurs achats auprès des producteurs français des achats à l’étranger, 360 millions d’euros de chiffre d’affaires sont perdus par les usines et les agriculteurs français et entre 3 500 et 7 000 emplois quittent le territoire national. Cette hémorragie doit cesser !

C’est pourquoi la proposition de loi vise à dispenser les entreprises de « grand export », c’est-à-dire exportant hors de l’Union européenne, de l’encadrement des délais de paiement issu de la loi de modernisation de l’économie. Dans l’Union européenne, la directive de 2011 déjà évoquée apporte, malgré ses défauts, un début de réponse satisfaisante.

Cette initiative est saluée par les entreprises qui exportent, mais elle inquiète leurs fournisseurs, qui redoutent de voir la charge de trésorerie se reporter sur eux. Il faut entendre cette inquiétude.

À cet égard, le texte initial excluait déjà les grandes entreprises exportatrices du bénéfice de la dérogation, d’abord pour prévenir les clauses abusives et l’abus de domination, ensuite parce que ces entreprises ont un certain poids dans les négociations internationales ou peuvent trouver des solutions pour financer leur trésorerie. Mais, pour apaiser les craintes des fournisseurs, je vous proposerai par amendement d’assouplir, plutôt que de supprimer, l’encadrement réglementaire, en concédant des délais de paiement un peu plus longs aux entreprises exportatrices : quatre-vingt-dix jours à compter de la facture si le fournisseur est une PME et cent vingt jours s’il s’agit d’une grande entreprise. Nous offririons ainsi plus de liberté aux exportateurs tout en maintenant le contrôle auquel sont attachés leurs fournisseurs.

La législation actuelle constitue de fait un véritable barrage à l’achat des productions françaises destinées au grand export, donc à la valorisation du « made in France » à l’international. Les productions étrangères se voient en effet conférer un avantage comparatif évident à cause d’une malheureuse distorsion légale. Nous vous proposons de rendre à nos entreprises la possibilité de lutter à armes égales avec leurs concurrentes internationales, sans pour autant sacrifier la sécurité économique apportée aux fournisseurs par la loi de modernisation de l’économie.

M. Jean-Pierre Le Roch. La loi de modernisation de l’économie a plafonné les délais de paiement entre entreprises à quarante-cinq jours fin de mois ou à soixante jours à l’émission d’une facture. La loi relative à la consommation du 17 mars 2014 a renforcé cette règle en créant un régime de sanctions administratives. Par ailleurs, une directive européenne a étendu au marché communautaire le plafonnement de ces délais à soixante jours. Notre pays a fait le choix d’un encadrement strict des délais de paiement alors que la directive européenne autorise les parties, sociétés de négoce et fournisseurs, à négocier par voie contractuelle un délai supérieur à soixante jours. Nos entreprises doivent ainsi composer avec des délais de paiement hors Union européenne à cent vingt jours, voire cent cinquante jours ou plus, notamment dans le transport de conteneurs, et subissent un effet ciseau et des problèmes de trésorerie. Je rappelle que 10 % des exportations françaises seraient concernées pour un montant d’environ 33 milliards d’euros. Le problème est d’autant plus aigu que l’entreprise de négoce est petite ; or, il s’agit très souvent de petites et moyennes entreprises.

Dès lors, les négociants, soit sélectionnent leurs clients, soit se tournent vers des fournisseurs autres que français, puisque les Belges et les Italiens dérogent à la directive européenne, soit délocalisent leur siège pour pouvoir négocier leurs délais de paiement.

Or, les sociétés de négoce, qui font de l’achat-revente au « grand export », sont un des piliers de l’appareil exportateur français. Elles représentent environ 10 % du commerce extérieur de la France et sont un relais indispensable des entreprises françaises à l’international. Elles offrent en outre des compétences qui manquent à nos entreprises, en particulier celles qui débutent à l’export, et constituent une interface pour le développement de leurs exportations. Ce type de sociétés est du reste une des forces des économies allemande et japonaise, qui se sont appuyées très tôt sur ces entreprises spécialisées dans la commercialisation de produits pour pallier l’inexpérience de leurs acteurs nationaux.

M. Bernard Gérard. Cette proposition de loi reprend un amendement que madame la rapporteure avait déposé sur le projet de loi relatif à la consommation, amendement qui avait été adopté par notre assemblée puis supprimé en commission mixte paritaire. Il est en effet incontestable que nos entreprises exportatrices pâtissent du décalage existant entre les délais de paiement de leurs clients à l’international, qui sont plus longs, et ceux de leurs fournisseurs nationaux, régis par la loi de modernisation de l’économie. En instaurant une dérogation aux délais de paiement pour les entreprises de « grand export », on répond donc à une préoccupation importante. C’est pourquoi le groupe UMP ne s’opposera pas à cette proposition de loi, qui permettra à des entreprises françaises d’être plus compétitives, qu’il s’agisse des entreprises exportatrices ou de leurs fournisseurs, de taille plus modeste, qui sont concurrencés par des entreprises belges ou italiennes.

Je rappelle du reste que, lors de l’examen d’autres textes, certains de nos collègues UMP ont proposé d’amender la législation existante sur ce point, notamment en faveur de secteurs comme celui du jouet, à l’activité saisonnière. Il est en effet important de trouver des ajustements qui, sans dénaturer la loi, permettent de s’adapter à la réalité d’un marché. J’ajoute que la proposition de loi prévoit des verrous et des pénalités afin d’éviter les excès. Il nous appartiendra de vérifier que nous restons effectivement dans l’épure de la loi de modernisation de l’économie, qui a permis aux entreprises françaises de reconstituer leur trésorerie.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. L. 441-6 du code de commerce)

Dérogation à l’encadrement des délais de paiement

1. L’état du droit des délais de paiement

a. Le droit international laisse une liberté étendue aux parties

Le commerce international de marchandises est juridiquement encadré par la Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) signée à Vienne le 11 avril 1980 (3). Cette convention s’applique aux contrats de vente de marchandises conclus par des parties établies dans différents États signataires de cette convention. Sauf exclusion par les parties, les dispositions de cette convention s’appliquent par défaut aux contrats internationaux et se substituent aux règles du droit interne national. Or l’article 59 de cette convention, relatif aux délais de paiement, renvoie à l’application des dispositions contractuelles et ne fixe aucun plafond (4).

Les parties peuvent toutefois expressément exclure l’application de cette convention et décider d’appliquer le droit interne national de l’une ou l’autre d’entre elles. Si les parties ont désigné une loi étrangère comme loi applicable à leur contrat, les dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement, en tant que règle impérative ou de police (5), peuvent néanmoins s’appliquer dans certains cas, notamment en cas d’abus manifeste à l’origine d’un préjudice en France et pouvant donner lieu à une action contentieuse à l’initiative du ministre.

L’application par défaut des règles de droit de la convention sur la CVIM ou le choix d’appliquer un droit étranger moins contraignant que le code de commerce permettent donc, d’ores et déjà, aux négociants français d’octroyer à leurs clients étrangers des délais de paiement similaires à ceux proposés par leurs concurrents internationaux.

b. Le droit européen admet également que prévale la volonté des parties

La directive n° 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011, relative à la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales, édicte un objectif de paiement à soixante jours. Toutefois, l’accord des parties prévaut encore aux termes de l’article 3.5 de la directive : « Les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas soixante jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier ». Des pénalités – indemnité forfaitaire et indemnisation en fonction des circonstances de l’espèce – viennent réprimer les manquements.

La date limite de transposition de la directive a été fixée au 16 mars 2013 (6). L’ensemble des pays membres de l’Union européenne ont transcrit cette règle dans leur droit interne. En France, la transposition a été effectuée par l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, mais la législation sur les délais de paiement était conforme aux prescriptions européennes depuis déjà plusieurs années.

c. Le droit français est particulièrement exigeant

Les dispositions de droit interne n’ont vocation à s’appliquer à un contrat de vente international qu’à titre subsidiaire – soit que les parties se soient entendues en ce sens, soit qu’un abus manifeste conduise le juge à s’y référer en tant que loi de police. Les prescriptions contenues dans le code de commerce concernent donc, pour l’essentiel, les échanges conclus entre entreprises françaises.

La législation actuellement en vigueur en matière de délais de paiement figure à l’article 21 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite « LME », qui a créé l’article L. 441-6 du code de commerce. Le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée, sauf accord des parties pour le porter jusqu’à quarante-cinq jours fin de mois (7) ou soixante jours nets à compter de la date d’émission de la facture. La loi est particulièrement stricte puisque les professionnels qui ne respecteraient pas ses dispositions encourent une amende administrative dont le montant peut atteindre 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale (8).

Ces délais de paiement sont réduits pour les marchandises périssables. Des accords sectoriels, homologués par décret après avis de l’Autorité de la concurrence, peuvent également convenir soit de réduire le délai maximum de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours, soit de retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de service comme point de départ de ce délai, soit d’utiliser les deux possibilités (9).

Le droit français est donc particulièrement exigeant en matière de délais de paiement, bien plus que ne le sont les règles internationales et européennes.

2. Les difficultés des entreprises exportatrices françaises

La rigueur du code de commerce en matière de délais de paiement, s’il permet une meilleure gestion de la trésorerie des entreprises, place les exportateurs français en position de faiblesse au regard de leurs concurrents étrangers – européens ou extra-européens.

a. Une faiblesse vis-à-vis des concurrents étrangers

Alors que le législateur français a opté pour un encadrement strict, d’autres États européens ont maintenu dans leur législation la possibilité d’une dérogation à l’objectif d’un paiement à soixante jours formulé par la directive du 16 février 2011. C’est notamment le cas en Belgique. La loi belge du 22 novembre 2013, modifiant la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, fixe bien l’objectif d’un paiement à trente jours. Mais son article 6 dispose : « les parties peuvent convenir d’un délai de paiement qui peut même excéder soixante jours civils » dans les relations entre entreprises (10). La directive du 16 février 2011 n’est donc pas parvenue à instaurer une réglementation unifiée dans l’espace européen sur la question des délais de paiement.

Dans le « grand export », c’est-à-dire le commerce avec des partenaires situés hors de l’Union européenne, la situation est plus complexe encore. Outre les différences de législation, les entreprises sont contraintes de composer avec des délais de paiement bien supérieurs en raison des délais de livraison (11). Le droit international leur permet toutefois de négocier un échéancier conforme aux intérêts des parties.

Cependant, le code de commerce prescrit aux entreprises françaises de payer leurs fournisseurs français dans un délai maximal de soixante jours. De ce décalage entre les délais de paiement fournisseurs et les délais de paiement clients naît un « effet ciseau » : l’obligation de régler les fournisseurs bien avant de recouvrer les paiements effectués par les clients altère la compétitivité des entreprises exportatrices françaises.

En effet, soit l’entreprise supporte une dégradation de sa trésorerie, soit son insistance auprès de son client étranger pour accélérer les paiements dégrade sa position dans la négociation commerciale et peut, finalement, mettre en péril le marché. De plus, les législations plus souples des autres États membres de l’Union européenne, qui permettent de déroger au paiement à soixante jours prévu par la directive du 16 février 2011, avantagent leurs entreprises en concurrence avec les sociétés françaises.

Cette situation est hautement préjudiciable à l’économie nationale dans des circonstances où la recherche d’un supplément de compétitivité est pourtant un objectif poursuivi par les pouvoirs publics.

b. Un manque à gagner pour l’économie française

L’activité de négoce international ou exportation indirecte (via un trader, grossiste ou négociant) est une solution appropriée pour les marchés réputés difficiles (Afrique, Asie, Amérique Latine). Elle est très adaptée au commerce des produits à faible transformation (céréales, bois métaux, plastiques, emballages…) mais elle concerne tous les secteurs : vins, champagne, machines agricoles, pièces automobiles, quincaillerie, etc.

Les exportations indirectes depuis la France ont été évaluées par les services des douanes à 120 milliards d’euros par an (sur les 450 milliards d’euros que représente le total des exportations françaises). Si l’on se limite aux exportations indirectes annuelles réalisées par des sociétés de négoce indépendantes, le montant des exportations est de 36 milliards d’euros, avec 4 600 entreprises et plus de 35 000 salariés.

Ce que la loi de modernisation de l’économie interdit à ces sociétés, c’est de négocier sa stratégie export avec son distributeur export dès lors que celui-ci est français puisque le droit français ne s’applique pas aux opérateurs étrangers.

Les exportateurs français se sont adaptés au différentiel réglementaire aux dépens de l’activité et de l’emploi sur notre territoire. Des délais de paiement plus longs peuvent les conduire à se détourner de leurs fournisseurs français pour privilégier des sources d’approvisionnement dans des pays européens voisins. La délocalisation d’une partie de l’activité à l’étranger peut également découler de la rigueur des prescriptions du code de commerce : ce positionnement au-delà des frontières françaises permet, en effet, de fixer contractuellement les délais de paiement comme les prévoient les droits international et européen.

D’après l’OSCI (12), chaque fois que les négociants indépendants substituent 1 % de leurs achats auprès des producteurs français par des achats à l’étranger cela représente 360 millions d’euros de chiffre d’affaires perdu par les usines et les agriculteurs français. Or 360 millions d’euros de chiffre d’affaires perdus équivalent à 3500 à 7000 emplois détruits. Certains adhérents de l’OSCI ont diminué la « part de produits français » dans leurs achats de 70 % à 30 % du fait de la loi de modernisation de l’économie.

Alors que la France accuse un déficit commercial de plus de 53 milliards d’euros en 2014, le secteur de l’export doit être soutenu par l’autorité publique. Il revient au Parlement de déterminer des règles commerciales qui ne placent pas les entreprises françaises en position d’infériorité par rapport à leurs concurrents internationaux.

3. Les dispositions de la proposition de loi

Votre rapporteure s’est engagée de longue date en faveur d’un assouplissement des dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement dans leur application aux entreprises exportatrices. Le dispositif de la présente proposition de loi avait déjà été présenté et adopté par les députés sous forme d’amendement au projet de loi relative à la consommation (13). Les représentants du Sénat avaient cependant convaincu la commission mixte paritaire de l’écarter du compromis auquel elle était parvenue (14).

a. Un assouplissement de la loi de modernisation de l’économie réservé aux seules sociétés de négoce

L’article L. 441-6 du code de commerce prévoit notamment que l’échange commercial suppose une communication des conditions de vente, du barème des prix unitaires, des réductions de prix et des conditions de règlement. Le dernier alinéa du I se borne à indiquer que cette communication est réalisée par « tout moyen conforme aux usages de la profession », ce qui constitue une précision inutile. L’article 1er propose, par conséquent, de lui substituer une dérogation aux règles relatives aux délais de paiement.

La première phrase du dispositif réserve explicitement cette dérogation au bénéfice des achats de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, ce qui correspond au « grand export ». Les produits intermédiaires, appelés à connaître une transformation avant leur revente, ne sont donc pas concernés. La référence à l’article 275 du code général des impôts, qui prévoit une franchise de taxe sur a valeur ajoutée pour une livraison d’exportation, précise encore le dispositif.

Le délai convenu ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier. Cette réserve est conforme à celles contenues dans la Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises et dans la directive n° 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011, relative à la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales.

La deuxième phrase du dispositif lève le bénéfice de la dérogation pour les biens que l’entreprise décide finalement de ne pas exporter. Elle encourt alors les pénalités de droit commun.

b. Une dérogation strictement encadrée pour éviter les clauses abusives

La troisième phrase du dispositif exclut du champ de la dérogation les grandes entreprises au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. L’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008, relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, range dans la catégorie des grandes entreprises celles qui occupent plus de 5 000 personnes ainsi que celles dont le chiffre d’affaires annuel excède 1,5 milliard d’euros ou dont le total de bilan dépasse 2 milliards d’euros. Ces sociétés disposent en effet de la taille critique leur permettant de surmonter les frais de trésorerie liés à un « effet ciseau » des délais de paiement et de négocier avec leurs partenaires commerciaux des aménagements contractuels propres à neutraliser les difficultés qui en résulteraient.

4. La position de votre commission des Lois

En adoptant deux amendements de la rapporteure, la commission des Lois a souhaité préciser la rédaction de l’article 1er et limiter sa portée. Alors que le dispositif initial prévoyait d’exempter pleinement les exportateurs de l’encadrement des délais de paiement, cette perspective a soulevé parmi les fournisseurs de ces exportateurs de légitimes craintes qu’il appartient au législateur d’entendre et d’apaiser.

Afin de ne pas reporter brutalement sur les fournisseurs des sociétés exportatrices la charge financière de cette dérogation, le délai de paiement maximum auquel sont astreints les exportateurs n’a pas été aboli mais seulement assoupli. Il est désormais fixé à cent vingt jours lorsque le fournisseur est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire et à quatre-vingt-dix jours lorsque le fournisseur est une petite ou moyenne entreprise ou une micro-entreprise – structures dont le besoin en fonds de roulement est plus important.

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La Commission est saisie de l’amendement CL1 de la rapporteure.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Afin d’apaiser les craintes de certains fournisseurs, nous proposons de fixer le délai de paiement maximal à cent vingt jours lorsque le fournisseur est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire et à quatre-vingt-dix jours lorsqu’il s’agit d’une petite et moyenne entreprise ou d’une micro-entreprise.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL2 de la rapporteure.

La Commission adopte ensuite l’article 1er modifié.

Article 2
(art. L. 441-6-1 du code de commerce)

Dérogation à la communication au ministre chargé de l’économie des informations sur les délais de paiement

1. Les dispositions de la proposition de loi

Les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes publient des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients conformément aux prescriptions de l’article L. 441-6-1 du code de commerce. Ces informations font l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes. Lorsque la société concernée est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire (15), le commissaire aux comptes communique son attestation au ministre chargé de l’économie si elle démontre, de façon répétée, des manquements significatifs aux délais de paiement légaux prévus à l’article L. 441-6 du même code. L’application des pénalités de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale peut en découler.

En insérant dans l’article L. 441-6-1 du code de commerce un alinéa identique à celui adjoint à l’article L. 441-6 du même code par l’article 1er, l’article 2 de la proposition de loi entend neutraliser l’obligation de communication par le commissaire au compte et, par conséquent, les pénalités encourues par les entreprises qui pratiquent le « grand export ». Cette précision relève principalement de la précaution dans la mesure où la dérogation mentionnée à l’article 1er permet déjà d’atteindre cet objectif.

2. La position de votre commission des Lois

Si les dispositions figurant à l’article 2 s’inscrivaient dans la suite logique de celles prévues à l’article 1er dans la rédaction initiale de la proposition de loi, les deux amendements adoptés sur ce dernier imposent d’adapter l’article 2 par voie de cohérence. Ces évolutions, qui supposent un complément d’analyse, seront soumises à l’Assemblée nationale lors de l’examen du texte en séance publique. Dans l’attente, la commission des Lois n’a pas souhaité modifier le dispositif initial.

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La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Puis elle adopte, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export », dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export »

Proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export »

Code de commerce

Article 1er

Article 1er

Art. L. 441-6. – I. – Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Elles comprennent :

Le dernier alinéa du I de l’article L. 441-6 du code de commerce est ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

– les conditions de vente ;

   

– le barème des prix unitaires ;

   

– les réductions de prix ;

   

– les conditions de règlement.

   

Les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l’obligation de communication prescrite au premier alinéa porte sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestation de services d’une même catégorie.

   

Les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale. Dans le cadre de cette négociation, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au premier alinéa.

   

Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

   

Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l’article 289 du code général des impôts, ce délai ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d’émission de la facture.

   

Les professionnels d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l’alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords peuvent être conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l’étendre à ces mêmes opérateurs.

   

Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d’agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d’émission de la facture.

   

Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due.

   

La communication prévue au premier alinéa s’effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession.

II à VI. – Cf. annexe

Code général des impôts

Art. 275. – Cf. annexe

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

Art. 51. – Cf. annexe

« Les délais de paiement mentionnés au neuvième alinéa du présent I ne sont pas applicables aux achats, effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 275 du code général des impôts, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, pourvu que le délai convenu par les parties ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Dans l’hypothèse où les biens ne recevraient pas la destination qui a justifié la présente dérogation, les pénalités de retard mentionnées au douzième alinéa du présent I sont exigibles. Le présent alinéa n’est pas applicable aux grandes entreprises mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. »

« Par dérogation au neuvième alinéa du présent I, le délai convenu entre les parties pour le paiement des achats effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l’article 275 du code général des impôts, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne ne peut dépasser quatre-vingt-dix jours à compter de la date d’émission de la facture, lorsque l’achat est effectué auprès d’une micro entreprise ou d’une petite et moyenne entreprise, ou cent-vingt jours à compter de la date d’émission de la facture, lorsque l’achat est effectué auprès d’une entreprise de taille intermédiaire ou d’une grande entreprise. Le délai convenu entre les parties est expressément stipulé par contrat et ne doit pas constituer un abus manifeste …

… applicable aux achats effectués par les grandes entreprises. »

amendements CL1 et CL2

Code de commerce

Article 2

Article 2

Art. L. 441-6-1. – Les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes publient des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients suivant des modalités définies par décret.

Après le premier alinéa de l’article L. 441-6-1 du même code, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

« Les délais de paiement mentionnés au présent article ne sont pas applicables aux achats, effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 275 du code général des impôts, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne, pourvu que le délai convenu par les parties ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Dans l’hypothèse où les biens ne recevraient pas la destination qui a justifié la présente dérogation, les pénalités de retard mentionnées au douzième alinéa du I de l’article L. 441-6 sont exigibles. Le présent alinéa n’est pas applicable aux grandes entreprises mentionnées à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. »

 

Ces informations font l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes, dans des conditions fixées par ce même décret. Lorsque la société concernée est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire, au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le commissaire aux comptes adresse son attestation au ministre chargé de l’économie si elle démontre, de façon répétée, des manquements significatifs de la société aux prescriptions des neuvième et dixième alinéas du I de l’article L. 441-6 du présent code.

Code général des impôts

Art. 275. – Cf. annexe

Code de commerce

Art. 441-6. – I. – Cf. supra art. 1er

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

Art. 51. – Cf. annexe

   

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de commerce 30

Art. 441-6

Code général des impôts 32

Art. 275

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie 33

Art. 51

Code de commerce

Art. L. 441-6. – I. – Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Elles comprennent :

– les conditions de vente ;

– le barème des prix unitaires ;

– les réductions de prix ;

– les conditions de règlement.

Les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l’obligation de communication prescrite au premier alinéa porte sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestation de services d’une même catégorie.

Les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale. Dans le cadre de cette négociation, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au premier alinéa.

Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l’article 289 du code général des impôts, ce délai ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d’émission de la facture.

Les professionnels d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l’alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords peuvent être conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l’étendre à ces mêmes opérateurs.

Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d’agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d’émission de la facture.

Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due.

La communication prévue au premier alinéa s’effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession.

II. – Lorsque le prix d’un service ou d’un type de service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé.

III. – Tout prestataire de services est également tenu à l’égard de tout destinataire de prestations de services des obligations d’information définies à l’article L. 111-2 du code de la consommation.

Cette obligation ne s’applique pas aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier ainsi qu’aux opérations pratiquées par les entreprises régies par le code des assurances, par les mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité et par les institutions de prévoyance et unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale.

IV. – Sous réserve de dispositions spécifiques plus favorables au créancier, lorsqu’une procédure d’acceptation ou de vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services au contrat est prévue, la durée de cette procédure est fixée conformément aux bonnes pratiques et usages commerciaux et, en tout état de cause, n’excède pas trente jours à compter de la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation des services, à moins qu’il n’en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive au sens du second alinéa du VI du présent article ou de l’article L. 442-6. La durée de la procédure d’acceptation ou de vérification ne peut avoir pour effet ni d’augmenter la durée, ni de décaler le point de départ du délai maximal de paiement prévu au neuvième alinéa du I, à moins qu’il n’en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive, au sens du second alinéa du VI du présent article ou de l’article L. 442-6.

V. – Pour les livraisons de marchandises qui font l’objet d’une importation dans le territoire fiscal des départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte ainsi que des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les délais de paiement prévus aux huitième et neuvième alinéas du I du présent article sont décomptés à partir de la date de dédouanement de la marchandise au port de destination finale. Lorsque la marchandise est mise à la disposition de l’acheteur, ou de son représentant, en métropole, le délai est décompté à partir du vingt et unième jour suivant la date de cette mise à disposition ou à partir de la date du dédouanement si celle-ci est antérieure.

VI. – Sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

Sous les mêmes sanctions, sont interdites toutes clauses ou pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement mentionnés au présent article.

Code général des impôts

Art. 275. – I. – Les assujettis sont autorisés à recevoir ou à importer en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée les biens qu’ils destinent à une livraison à l’exportation, à une livraison exonérée en vertu du I de l’article 262 ter, à une livraison dont le lieu est situé sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté européenne en application des dispositions de l’article 258 A ou à une livraison située hors de France en application du III de l’article 258 ainsi que les services portant sur ces biens, dans la limite du montant des livraisons de cette nature qui ont été réalisées au cours de l’année précédente et qui portent sur des biens passibles de cette taxe.

Pour bénéficier des dispositions qui précèdent, les intéressés doivent, selon le cas, adresser à leurs fournisseurs, remettre au service des douanes ou conserver une attestation, visée par le service des impôts dont ils relèvent, certifiant que les biens sont destinés à faire l’objet, en l’état ou après transformation, d’une livraison mentionnée au premier alinéa ou que les prestations de services sont afférentes à ces biens. Cette attestation doit comporter l’engagement d’acquitter la taxe sur la valeur ajoutée au cas où les biens et les services ne recevraient pas la destination qui a motivé la franchise.

II. – Les dispositions du I s’appliquent aux organismes sans but lucratif dont la gestion est désintéressée qui exportent des biens à l’étranger dans le cadre de leur activité humanitaire, charitable ou éducative.

III. – Les assujettis revendeurs qui, en application des dispositions du présent article, reçoivent ou importent en franchise des biens d’occasion, des œuvres d’art, des objets de collection ou d’antiquité ne peuvent pas appliquer, lors de la livraison de ces biens, les dispositions de l’article 297 A.

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

Art. 51. – Pour les besoins de l’analyse statistique et économique, les entreprises peuvent être distinguées selon les quatre catégories suivantes :

– les microentreprises ;

– les petites et moyennes entreprises ;

– les entreprises de taille intermédiaire ;

– les grandes entreprises.

Un décret précise les critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise.

© Assemblée nationale

1 () Observatoire des délais de paiement, Rapport sur la situation des entreprises exportatrices face aux dispositions de la loi LME sur les délais de paiement, juillet 2013.

2 () Hors Union européenne, les délais de paiement pratiqués s’avèrent particulièrement longs. Ils peuvent atteindre jusqu’à cent vingt jours voire davantage.

3 () La convention a fait l’objet d’une approbation par la France le 6 août 1982. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1988.

4 () « L’acheteur doit payer le prix à la date fixée au contrat ou résultant du contrat et de la présente Convention, sans qu’il soit besoin d’aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur. »

5 () « Expression désignant les lois dont l’application, dans les rapports internationaux, serait commandée par leur contenu sans considération des règles de conflit. La règle de conflit (de lois) est une règle, législative ou jurisprudentielle qui, tenant compte des liens qu’une situation présente avec plusieurs systèmes juridiques, prescrit l’application à cette situation, ou à tel ou tel de ses éléments, d’un de ces systèmes, de préférence aux autres. » (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, 2005).

6 () Cette date est énoncée à l’article 12 de la directive précitée.

7 () La limite de paiement intervient alors à la fin du mois civil au cours duquel expirent ces quarante-cinq jours.

8 () Ces sanctions figurent à l’article L. 441-6 du code de commerce en application de l’article 68 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

9 () Ces accords sont aujourd’hui au nombre de cinq : décret n° 2013-256 du 26 mars 2013 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur des articles de sport ; décret n° 2013-257 du 26 mars 2013 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur du jouet ; décret n° 2013-275 du 2 avril 2013 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur du cuir ; décret n° 2013-545 du 26 juin 2013 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur de l’horlogerie, la bijouterie, la joaillerie et l’orfèvrerie ; décret n° 2013-546 du 26 juin 2013 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur des matériels d’agroéquipement.

10 () La loi belge n’admet pas le dépassement du délai de soixante jours dans les relations entre une entreprise et les pouvoirs publics.

11 () Les délais de paiement ne courent traditionnellement qu’à compter de la réception de la marchandise par l’acheteur.

12 () OSCI Les opérateurs spécialistes du commerce international (http://www.osci.fr/)

13 () Ce projet de loi est devenu la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. L’amendement portait sur l’article 61 du projet de loi, devenu l’article 123 de la loi.

14 () Rapport de M. Razzy Hamadi et de Mme Annick Le Loch sur la commission mixte paritaire du 6 février 2014 (n° 1773).

15 () Ces catégories sont déterminées par l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008, relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique. Sont ainsi concernées toutes les entreprises qui occupent plus de 250 personnes ainsi que celles dont le chiffre d’affaires annuel excède 50 millions d’euros ou dont le total de bilan dépasse 43 millions d’euros.