______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mai 2015.
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif au dialogue social et à l’emploi,
Député.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 2739, 2770 et 2773.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 7
1. Une représentation de tous les salariés quelle que soit la taille de leur entreprise 9
2. La valorisation des parcours d’élus et syndicaux 10
3. L’amélioration de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes 10
4. La garantie de la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises 10
5. Des institutions représentatives du personnel plus adaptables et plus efficaces 11
6. Une meilleure articulation des informations-consultations du comité d’entreprise et de la négociation annuelle obligatoire 12
7. La sanctuarisation de l’existence de règles d’assurance chômage spécifiques aux intermittents du spectacle 14
8. La création d’un compte personnel d’activité pour sécuriser les parcours professionnels 15
9. Approfondir l’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi 16
10. La création d’une prime d’activité 17
TRAVAUX DE LA COMMISSION 21
I. AUDITIONS DES PARTENAIRES SOCIAUX ORGANISÉES PAR LA COMMISSION 21
1. Audition des organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC) 21
2. Audition des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) 45
II. AUDITION DES MINISTRES 63
III. EXAMEN DES ARTICLES 95
TITRE IER – AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL AU SEIN DE L’ENTREPRISE 95
Chapitre Ier – Une représentation universelle des salariés des très petites entreprises 95
Avant l’article 1er 95
Article 1er (art. L. 23-111-1, L. 23-112-1, L. 23-112-2, L. 23-112-3, L. 23-112-4, L. 23-112-5, L. 23-112-6, L. 23-113-1, L. 23-113-2, L. 23-114-1, art. L. 23-114-2, L. 23-114-3, L. 23-114-4, L. 23-115-1, L. 2411-1, L. 2411-24, L. 2412-1, L. 2412-15, L. 2421-2, L. 2422-1 et L. 2439-1 du code du travail) : Généralisation des commissions paritaires régionales 95
Après l’article 1er 123
Chapitre II – Valorisation des parcours professionnels des élus et des délégués syndicaux 127
Avant l’article 2 127
Article 2 (art. L. 2141-5 du code du travail) : Entretiens professionnels de début et fin de mandat 128
Article 3 (art. L. 6112-4 et L. 6123-1 du code du travail) : Égalité d’accès des représentants du personnel et des délégués syndicaux 136
Article 4 (art. L. 2141-5-1 du code du travail) : Garantie de non-discrimination salariale pour les représentants du personnel 137
Article 5 (art. L. 2314-11, L. 2314-24-1, L. 2314-24-2, L. 2314-25, L. 2324-6, L. 2324-13, L. 2324-22-1, L. 2324-22-2 et L. 2324-23 du code du travail) : Représentation équilibrée des femmes et des hommes 141
Article 6 (art. L. 2413-16-1 du code du travail) : Élargissement de l’utilisation des heures de délégation pour les délégués syndicaux 147
Après l’article 6 150
Article 7 (art. L. 225-30-2 du code du commerce) : Formation des représentants des salariés au conseil d’administration 150
Après l’article 7 152
Article 7 bis (nouveau) (art. L. 225-30-2 du code du commerce) : Renforcement de l’effectivité de la présence de représentants des salariés au conseil d’administration 153
Après l’article 7 bis 155
Article 7 ter (nouveau) (art. L. 6524-6 [nouveau] du code des transports) : Adaptation des heures de délégation syndicales aux spécificités du transport aérien 155
Chapitre III – Des instances représentatives du personnel adaptées à la diversité des entreprises 157
Avant l’article 8 157
Article 8 (art. L. 2326-1 à L. 2326-9 du code du travail) : Élargissement et fonctionnement de la délégation unique du personnel 157
Article 9 (art. L. 2391-1, L. 2391-2, L. 2391-3, L. 2392-1, L. 2392-2, L. 2392-3, L. 2393-1, L. 2393-2, L. 2393-3 et L. 2394-1 du code du travail) : Regroupement d’instances par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés 188
Après l’article 9 207
Article 10 (art. L. 2323-3, L. 2327-2, L. 2327-15, L. 4616-1 et L. 4616-3 du code du travail) : Clarification des compétences des institutions représentatives du personnel 208
Article 11 (art. L. 4611-1, L. 4612-8, L. 4612-8-1, L. 4613-1, L. 4614-2, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail) : Dispositions relatives au CHSCT 218
Article 12 (art. L. 2315-10, L. 2324-1, L. 2325-5-1, L. 2325-20, L. 2334-2, L. 4616-16, L. 2343-11-1, L. 2353-27-1, L. 23-101-1, L. 23-101-2, L. 2391-1, L. 2391-2, L. 4614-11-1 et L. 4616-6du code du travail) : Fonctionnement des institutions représentatives du personnel 225
Avant l’article 13 238
Chapitre IV – Un dialogue social plus stratégique dans les entreprises 239
Article 13 (art. L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-6, L. 2323-7, L. 2323-7-1, L. 2323-7-2, L. 2323-7-3, L. 2323-8, L. 2323-9, L. 2323-10, L. 2323-11, L. 2323-12, L. 2323-13 à L. 2323-17, L. 2323-18, L. 2323-19 à L. 2323-26-3, L. 2323-27, L. 2323-28, L. 2323-29 à L. 2323-32, L. 2323-33 à L. 2323-45, L. 2323-46, L. 2323-47, L. 2323-48, L. 2323-49, L. 2323-55 à L. 2323-57, L. 2323-59, L. 2323-60, L. 2323-61, L. 2323-68 à L. 2323-72, L. 2323-74, L. 2323-75, L. 2323-77, L. 3312-17 du code du travail) : Regroupement des informations et consultations annuelles obligatoires du comité d’entreprise 239
Article 14 (art. L. 2242-1, L. 2242-2, L. 2242-5 à L. 2242-16 et L. 2242-18 à L. 2242-23 du code du travail) : Regroupement des négociations obligatoires en entreprise 281
Après l’article 14 298
Article 15 (art. L. 2232-21, L. 2232-22, L. 2232-23, L. 2232-23-1, L. 2232-24, L. 2232-28 et L. 2232-29 du code du travail) : Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical 298
Après l’article 15 310
Article 16 (art. L. 2322-7, L. 2325-14, L. 2325-14-1, L. 2325-26 et L. 2325-34 du code du travail) : Franchissement de seuils 310
Après l’article 16 314
Chapitre V – Adaptation des règles du dialogue social interprofessionnel 315
Article 17 (art. L. 2152-1 et L. 2152-2 du code du travail) : Représentativité patronale 315
Article 18 (art. L. 2135-11 du code du travail) : Fonds paritaire de financement 322
Article 19 (art. L. 4624-1 et L. 4162-3 du code du travail, art. 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites) : Santé au travail 326
Après l’article 19 334
TITRE II – CONFORTER LE RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE DE L’INTERMITTENCE 335
Article 20 (art. L. 5424-22 et L. 5424-23 du code du travail) : Pérennisation et modalités de négociation des annexes VIII et X 335
Article 20 bis (nouveau) (art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale) : Cumul emploi-retraite des artistes-interprètes 353
Article 20 ter (nouveau) (art. L. 6523-1 du code du travail) : Compétence territoriale des OPCA 354
TITRE III – SÉCURISATION DES PARCOURS ET RETOUR À L’EMPLOI 356
Article 21 : Compte personnel d’activité 356
Après l’article 21 362
Article 22 (art. L. 5315-1 du code du travail) : Définition des missions de service public de l’emploi de l’AFPA 363
Article 22 bis (nouveau) (art. 17 de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale) : Habilitation des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage au niveau national 371
Article 23 (art. L. 6325-1-1 du code du travail) : Contrat de professionnalisation « nouvelle chance » 373
Après l’article 23 378
Article 23 bis (nouveau) (art. L. 5134-25-1, L. 5134-69-1 et L. 5134-70-1 du code du travail) : Contrats aidés seniors 379
Article 23 ter (nouveau) (art. L. 322-15, L. 322-35 et L. 322-38 du code du travail applicable à Mayotte) : Adaptation des modalités applicables aux contrats aidés seniors à Mayotte 380
Après l’article 23 ter 380
Article 23 quater (nouveau) : Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives à la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) 381
TITRE IV – ENCOURAGER L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PAR LA CRÉATION D’UNE PRIME D’ACTIVITÉ 383
Article 24 (art. L. 841-1, L. 842-1 à L. 842-7, L. 843-1 à L 843-6, L. 844-1 à L. 844-5, L. 845-1, L. 845-2 et L. 846-1 du code de la sécurité sociale) : Prime d’activité 383
Article 25 (art. L. 262-1 à L. 262-4, L. 262-9, L. 262-10, L. 262-24, L. 262-25, L. 262-27-1, art. L. 262-28, L. 262-38, L. 262-40, L. 262-45, L. 262-46, L. 262-53 et L. 522-12 du code de l’action sociale et des familles) : Suppression du RSA « activité » 459
Article 26 (art. 30 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, art. L. 115-2, L. 121-7, L. 131-2, L. 14-10-6, L. 262-29, L. 262-32 et L. 262-33 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 114-16-2, L. 114-17, L. 167-3, L. 412-8, L. 523-1, L. 553-1, L. 553-2, L. 821-5-1, L. 835-3, L. 861-2 et L. 861-5 du code de la sécurité sociale, art. L. 3252-3, L. 5132-3-1, L. 5134-72-2 et L. 6325-1 du code du travail, art. L. 3334-6-1, L. 3334-16-2 et L. 3335-4 du code général des collectivités territoriales, art. 81 du code général des impôts, art. L. 98 A du livre des procédures fiscales, art. L. 331-2, L. 334-5 et L. 334-9 du code de la consommation, art. L. 351-11 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 120-11 et L. 120-21 du code du service national, art. 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) : Coordination et dispositions diverses 463
Article 27 : Entrée en vigueur et adaptation à Mayotte 469
Article 28 (nouveau) : Rapport au Parlement sur la prime d’activité 470
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 473
Dans un contexte économique hésitant, le Gouvernement et la majorité ont fait de l’emploi l’objectif prioritaire des politiques publiques.
En effet, l’Europe, dans son ensemble, peine à retrouver le niveau de croissance qu’elle connaissait avant la crise financière de 2009 et la France n’échappe malheureusement pas à la situation générale. Dans ce contexte, la majorité a fait le choix d’un soutien sans précédent à l’appareil productif
– emplois d’avenir, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), Pacte de responsabilité et de solidarité – sans pour autant négliger la demande intérieure à travers des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Elle s’est aussi résolument engagée dans la voie des réformes structurelles destinées à améliorer le fonctionnement de notre marché du travail et l’accès à celui-ci par la formation, et à dynamiser le dialogue social dans notre pays, à travers la loi relative à la sécurisation de l’emploi en 2013, puis la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale l’an passé. Le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi constitue une nouvelle étape visant à retrouver un dynamisme économique facteur de progrès social.
En effet, parmi les difficultés qui affectent nos entreprises figure un dialogue social insuffisant. Or depuis trois ans, sous l’impulsion du Président de la République, le Gouvernement et la majorité ont privilégié le dialogue social comme méthode principale de la réforme. Le dialogue social est synonyme de confiance, confiance entre des partenaires capables de trouver des compromis, confiance dans un avenir à inventer ensemble, confiance in fine dans les potentialités du pays. Dès le 11 janvier 2013, les partenaires sociaux ont signé l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi, transposé depuis dans la loi déjà évoquée. À la suite de cet accord, de nombreux accords de branches ont également été trouvés. Toutefois, la qualité du dialogue social dans l’entreprise, celui qui a lieu au plus près des acteurs, reste encore à fluidifier afin d’en faire un véritable levier de compétitivité et de progrès social.
Le projet de loi comporte ainsi une série de mesures allant dans ce sens telles que la création des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, qui vont pour la première fois offrir une représentation à tous les salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés, la valorisation des parcours syndicaux ou encore la possibilité de regrouper les instances représentatives du personnel afin d’encourager un dialogue social moins formel. Le regroupement des dix-sept informations-consultations du comité d’entreprise en trois grandes thématiques participe également de l’objectif de rationalisation et d’amélioration de l’efficacité du dialogue au sein de l’entreprise, au même titre que celui des négociations obligatoires en entreprise en trois grands thèmes de négociation.
Ce projet de loi entend également, conformément à la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux tensions qui émaillent le secteur du spectacle, sécuriser le cadre juridique de l’assurance chômage des intermittents du spectacle, en inscrivant le principe de son existence dans la loi, tout en renvoyant à la négociation sociale le soin de préciser son régime.
Le texte aujourd’hui soumis à la représentation nationale est aussi l’occasion de faire un point d’étape sur les importantes réformes sociales initiées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat.
À la suite du bilan de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi réalisé le 3 avril 2015, le présent projet de loi est l’occasion de réaffirmer et d’approfondir l’ambition conjointe des partenaires sociaux et du Gouvernement de sécuriser les parcours professionnels des actifs et de porter une attention toute particulière aux publics les plus vulnérables face au chômage. Le texte propose par ailleurs une série d’ajustements des réformes de la représentativité patronale et du financement des organisations syndicales et patronales initiées par la loi du 5 mars 2014.
Parmi les préoccupations du Gouvernement et de la majorité figurent également la question des conditions de travail et la prise en compte de la pénibilité. Ces deux thèmes font l’objet de développements succincts dans ce projet de loi car, à l’heure de la publication du présent rapport, sont attendues respectivement les conclusions de la mission conduite par M. Michel Issindou, député du groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC), sur l’aptitude et la santé au travail, et celles de la mission confiée à M. Gérard Huot, chef d’entreprise, et au rapporteur, sur la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Gageons qu’à la lumière des orientations de ces deux rapports, le projet de loi sera enrichi de nouvelles propositions au cours du débat parlementaire.
Ce projet de loi soutient également l’activité et le pouvoir d’achat des travailleurs avec la création de la prime d’activité. Cette prime répond au double impératif de soutien à la consommation des ménages les plus modestes et d’encouragement à la reprise d’une activité professionnelle.
Les deux bouts de la chaîne – modernisation de l’appareil productif et soutien à la consommation des ménages – doivent en effet être tenus fermement ensemble afin d’obtenir des résultats sur le front de l’emploi. Le projet de loi décline cette volonté en plusieurs mesures :
– une représentation de tous les salariés quelle que soit la taille de leur entreprises ;
– une valorisation des parcours syndicaux ;
– une rationalisation des instances de représentation du personnel et une amélioration de leur fonctionnement ;
– une dynamisation du dialogue social et du dialogue avec les représentants du personnel ;
– la création d’un compte personnel d’activité, pour sécuriser les parcours professionnels ;
− le développement des dispositifs d’insertion et de formation professionnelle ;
– la création d’une prime d’activité, pour un soutien plus efficace aux travailleurs percevant des revenus modestes.
Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit que : « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». À cette « détermination collective », rangée au nombre des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps, traduction est donnée via la négociation collective.
Au lendemain de la Libération, a donc été consacré le principe d’une représentation du personnel dans les entreprises. Toutefois, jusqu’ici, la représentation des salariés et des employeurs des plus petites d’entre elles a toujours constitué une exception du fait notamment de l’existence d’un lien direct entre salariés et employeurs. Mais du fait même de ce lien direct, le lien de subordination est plus fort que dans les entreprises plus importantes. Ainsi, la plupart des conflits se terminent malheureusement par un divorce.
Plusieurs dispositifs de représentation extérieure des salariés des entreprises de moins de onze salariés ont été imaginés depuis l’élection des délégués de site par les « lois Auroux » de 1982 jusqu’aux accords dans certains secteurs d’activité – artisanat, production agricole, professions libérales – qui ont créé des commissions paritaires régionales. Toutefois, aucun n’a réussi à offrir une représentation à l’ensemble des salariés.
Pour la première fois, ce projet de loi crée des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour couvrir l’ensemble des salariés et des employeurs dont la branche d’activité n’a pas mis en place ces commissions. Il s’agit de donner enfin au principe constitutionnel énoncé plus haut toute sa portée.
Un dialogue social plus constructif et moins conflictuel est un véritable levier de développement de l’économie en même temps que d’amélioration du bien-être social. Pour ce faire, il y a besoin de partenaires crédibles, représentatifs et de bonne volonté.
Pour faire face au recul des « vocations » syndicales, le chapitre 2 du projet de loi prévoit toute une série de mesures pour valoriser les personnes qui s’engagent au service des autres :
– bénéfice d’un entretien individuel afin d’examiner les modalités pratiques d’exercice du mandat et au terme de celui-ci, pour les représentants ayant été le plus éloigné des métiers, un second entretien permettant de valoriser les acquis de l’expérience ;
– création d’un dispositif national de valorisation des compétences s’adressant aux salariés titulaires d’un mandat de représentant ;
– instauration d’un mécanisme de garantie pour les représentants du personnel ou syndicaux de bénéficier des augmentations individuelles pendant la durée de leur mandat.
L’article 5 du projet de loi introduit l’obligation pour les listes aux élections professionnelles de comporter une proportion de femmes et d’hommes reflétant leur proportion respective dans les collèges électoraux. Il aurait été difficile de prévoir la parité stricte eu égard à la composition parfois fortement sexuée des métiers. La Commission, à l’initiative du rapporteur, a toutefois voté un amendement renforçant le caractère paritaire de ce dispositif.
L’article L. 225-79-2 du code de commerce soumet à l’obligation de procéder à la désignation ou à l’élection d’administrateurs salariés seulement les entreprises devant mettre en place un comité d’entreprise, c’est-à-dire les entreprises de plus de cinquante salariés. Or, il n’est pas rare que la holding de tête ait moins de cinquante salariés alors que c’est à ce niveau que se prennent les décisions stratégiques. Dans ces cas, ces décisions continuent à être prises sans représentants des salariés.
La Commission a donc supprimé la condition excluant de l’obligation les entreprises ne disposant pas de comité d’entreprise afin d’éviter le contournement de la loi. Le projet de loi favorise ainsi un meilleur équilibre capital – travail au sein des grandes entreprises.
Le projet de loi souhaite avant tout permettre une meilleure adaptabilité des institutions représentatives du personnel (IRP) au profil des entreprises.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, il sera possible de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP) en y intégrant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il s’agit d’un regroupement et en aucun cas d’une fusion. Au sein de la DUP, chaque institution – délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT – conservera ses attributions.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, un accord collectif majoritaire pourra procéder au regroupement des instances représentatives du personnel, qu’il s’agisse de deux d’entre elles ou des trois. L’instance ainsi créée exercera l’ensemble des attributions des institutions qu’elle regroupe en leur lieu et place. Il s’agit par ce biais d’offrir une plus grande souplesse à ces entreprises pour organiser la représentation du personnel, sans perte par rapport à l’existant, et tout en laissant à la négociation le soin d’en dessiner les contours et d’en déterminer les modalités.
Le texte prévoit par ailleurs d’améliorer le fonctionnement des instances représentatives du personnel dans les entreprises à établissements multiples, en favorisant une meilleure articulation des rôles de chacune d’elles à leur niveau.
En effet, alors qu’un certain flou juridique caractérise aujourd’hui le rôle respectif des comités d’établissement et du comité central d’entreprise, de même que l’ordre dans lequel il convient de procéder en cas de consultation à chaque niveau, le projet propose une répartition claire des compétences entre le niveau central, qui sera seul consulté en présence d’un projet n’emportant pas de mesures particulières d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements. La Commission a souhaité dans ce cas maintenir le principe d’une information propre des comités d’établissement, à défaut de leur consultation, et de la transmission à ces derniers de l’avis du comité central d’entreprise. Dans les autres cas, une double consultation est prévue avec transmission des avis des comités d’établissement au comité central d’entreprise.
Créé par la dernière des « lois Auroux » de 1982 (1), le CHSCT n’obéit pas aux mêmes règles que les autres instances représentatives du personnel, tant du point de vue de sa composition que de son fonctionnement. Il s’agit d’une instance originale, mais dont certaines règles gagneraient à être alignées sur les autres institutions, a fortiori dans un contexte où le regroupement des instances et l’organisation de réunions communes aux différentes instances est favorisé. C’est dans cet esprit que l’article 11 du projet de loi propose non seulement d’étendre le périmètre des salariés couverts par un CHSCT, mais également de soumettre sa consultation à des délais préfixés comme ceux qui existent pour les autres instances, d’aligner la durée du mandat de ses membres sur ceux du comité d’entreprise en la portant donc de deux à quatre ans et enfin, de formaliser davantage son fonctionnement en dotant également cette instance d’un règlement intérieur.
L’amélioration du fonctionnement des instances représentatives du personnel est également recherchée à travers plusieurs mesures incluses dans l’article 12 du projet de loi, qui formalise la procédure applicable aux procès-verbaux du comité d’entreprise et consacre le recours à la visioconférence pour la réunion des instances représentatives du personnel. Sur ce dernier point, la Commission des affaires sociales a souhaité renforcer le cadre prévu pour autoriser le recours à cette modalité d’organisation des réunions : s’il est absolument indispensable que les IRP évoluent avec leur temps, ce qui est aussi une garantie de leur dynamisme, il ne semble pas que la décision de recourir à la visioconférence puisse être laissée au seul employeur de la même manière que l’organisation de réunions sous cette forme ne saurait être généralisée, au risque de « casser » le besoin de proximité, de dialogue informel et de débat en amont comme en aval qui est propre à ces instances.
La Commission a, sur ce sujet, souhaité ne pas retenir l’une des mesures proposées par le texte de loi concernant le fonctionnement des instances représentatives du personnel : celle consistant à revenir sur le rôle des membres suppléants. La possibilité pour les suppléants d’assister aux réunions avec voix consultative apparaît en effet indispensable au maintien de l’attractivité de cette fonction ; sa remise en cause affaiblirait considérablement les instances représentatives du personnel, en privant les suppléants de la possibilité de suivre « au fil de l’eau » la vie de l’entreprise et le dialogue qui s’y construit.
Enfin, le texte propose d’harmoniser certains seuils applicables aux petites et moyennes entreprises en les relevant à 300 salariés, et cela, afin de les mettre en adéquation avec le rôle désormais pivot joué par ce seuil en matière d’organisation de la représentation du personnel en vertu des articles 8 et 9 du projet de loi. Il clarifie également l’appréciation du seuil qui permet de supprimer le comité d’entreprise en cas de baisse importante et durable des effectifs en deçà de 50 salariés.
6. Une meilleure articulation des informations-consultations du comité d’entreprise et de la négociation annuelle obligatoire
Le rôle vital des représentants du personnel dans l’entreprise, et en particulier du comité d’entreprise au regard de ses attributions dans le champ économique, a d’ores et déjà fait l’objet d’un renforcement et d’une amélioration de son efficacité depuis le début de la législature. En effet, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a apporté deux changements majeurs : elle a en premier lieu introduit le principe d’une consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise, qui permet au comité d’entreprise d’avoir une meilleure visibilité et donc aussi une meilleure « prévisibilité » sur la marche de l’entreprise ; elle a également mis en place une base de données économiques et sociales, accessible à l’ensemble des représentants du personnel, et qui a vocation à devenir l’unique réceptacle de l’ensemble des données qui doivent être transmises par l’employeur dans le cadre des informations-consultations récurrentes du comité d’entreprise. S’agissant de la négociation annuelle obligatoire en entreprise, la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale a également créé une nouvelle négociation sur la qualité de vie au travail regroupant plusieurs thématiques comme la conciliation des temps de vie ou la prévention de la pénibilité.
Le projet de loi poursuit cette démarche d’amélioration de l’efficacité de la diffusion de l’information et surtout de plus grande efficacité du rôle des représentants du personnel, mais aussi de dynamisation du dialogue social, à travers deux mesures phares.
En premier lieu, l’ensemble des informations et consultations annuelles du comité d’entreprise, au nombre de dix-sept, sont réunies au sein de trois grandes consultations annuelles : la première, sur les orientations stratégiques de l’entreprise ; la deuxième, sur la situation économique et financière de l’entreprise ; et la troisième, sur la politique sociale de l’entreprise, l’emploi et les conditions de travail. Il s’agit par ce biais de donner du sens au dialogue qui s’instaure à cette occasion dans l’entreprise et de lutter contre le risque de saturation de l’agenda social des entreprises dont pâtissent autant les employeurs que les représentants du personnel, qui sont trop souvent consultés aujourd’hui sur des thématiques qui se recoupent et ne leur offrent pas de lisibilité suffisante.
En second lieu, les négociations obligatoires en entreprise sont également réunies en trois grands moments de négociation : sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ; sur la qualité de vie au travail ; et enfin, de manière triennale, sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
Le texte apporte également, sur ces deux mesures, les éléments de souplesse qui doivent permettre aux entreprises les adaptations nécessaires en fonction de leur profil : ainsi, un accord collectif d’entreprise pourra adapter les modalités de l’organisation des trois grandes informations-consultations du comité d’entreprise ; par ailleurs, un accord d’entreprise majoritaire pourra également modifier la périodicité des trois grandes négociations ou réorganiser la répartition des thèmes de négociation. Seule la négociation sur les salaires pourra, sans délai, redevenir annuelle sur simple demande d’une des parties signataires.
Enfin, une dernière mesure est proposée pour favoriser le dialogue social dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Le projet de loi prévoit en effet de favoriser les modalités de ce que l’on appelle la « négociation dérogatoire », autrement dit la possibilité de négocier avec des élus du personnel ou avec des salariés mandatés. En effet, en l’absence de délégué syndical, les entreprises n’ont d’autre choix que de procéder par voie unilatérale pour prendre des décisions sur la vie de l’entreprise. Afin de favoriser au maximum la négociation, le texte instaure une nouvelle possibilité de négocier avec des salariés élus du personnel mandatés ; s’agissant de l’actuelle négociation avec des élus non mandatés, le texte supprime la validation des accords conclus par eux par une commission paritaire de branche. Enfin, le recours à la négociation avec un salarié mandaté ne sera plus que subsidiaire, autrement dit en l’absence d’élus mandatés ou de représentants élus du personnel souhaitant négocier. L’élargissement des voies de négociation en l’absence de délégué syndical est bienvenu ; la Commission a toutefois souhaité le maintien des commissions paritaires de branche qui permettent d’apporter, en aval, les garanties nécessaires aux accords conclus avec des élus non mandatés en amont par des organisations syndicales.
7. La sanctuarisation de l’existence de règles d’assurance chômage spécifiques aux intermittents du spectacle
Le titre II du projet de loi propose, ensuite, de sanctuariser l’existence de règles spécifiques d’assurance chômage pour les intermittents du spectacle.
Les salariés du secteur du spectacle sont soumis à un régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage, contenu dans les annexes VIII et X au règlement général de la convention d’assurance chômage. Or le contenu de ces annexes, négociées par les partenaires sociaux interprofessionnels, est régulièrement remis en cause par les intermittents du spectacle. Mais par-delà le contenu des annexes, c’est leur disparition même que redoutent les artistes et techniciens du spectacle, car elles ne reposent aujourd’hui sur aucune disposition législative ou réglementaire.
Dans le contexte des tensions du printemps 2014, liées au contenu de la négociation d’assurance chômage du 14 mai 2014, le Premier ministre a souhaité confier en juin 2014 à trois personnalités qualifiées, Mme Hortense Archambault, M. Jean-Denis Combrexelle et à notre collègue M. Jean-Patrick Gille une mission de concertation, afin de désamorcer la crise et de dégager des voies pérennes d’apaisement des tensions.
Les options de réforme retenues par l’article 20 du projet de loi s’inspirent très largement des orientations du rapport de la mission de concertation présenté au Premier ministre le 7 janvier 2015.
La première mesure proposée par l’article est certainement la plus significative : elle inscrit le principe de l’existence de règles spécifiques d’assurance chômage des intermittents du spectacle, tout en rappelant que ces règles doivent respecter les principes généraux d’assurance chômage fixés par l’interprofession. Cette mesure est sans nul doute de nature à apaiser durablement les tensions qui ont émaillé, depuis plus d’une décennie, chaque nouvel épisode de renégociation de l’assurance chômage.
Soucieux d’associer l’ensemble des acteurs concernés par la question de l’assurance chômage des intermittents, le Gouvernement a également proposé dans ce projet de loi une démarche de négociation inédite, consistant à déléguer la négociation des règles d’assurance chômage spécifiques aux organisations représentatives des professionnels du secteur de l’intermittence elles-mêmes, dans un cadre fixé par les partenaires sociaux interprofessionnels. Le dispositif présenté propose également la création d’un comité d’expertise afin d’accompagner et de fournir une assistance technique aux organisations professionnelles durant la phase de négociation.
Enfin, en contrepartie de la reconnaissance de règles spécifiques d’assurance chômage pour les intermittents du spectacle, l’article 20 confie aux organisations représentatives des intermittents le soin d’actualiser les listes des emplois susceptibles d’avoir recours au contrat à durée déterminée (CDD) d’usage.
Face au constat de carrières de plus en plus heurtées et d’une précarisation croissante de l’emploi, le Gouvernement s’est donné pour priorité de sécuriser les parcours professionnels, en garantissant à chaque actif des droits sociaux qui lui sont propres et qui ne sont plus seulement liés au contrat de travail.
La création du compte personnel d’activité proposée par l’article 21 du projet de loi constitue à ce titre une avancée majeure. Certes, l’idée d’affecter à chaque actif, dès son entrée sur le marché du travail, un compte mobilisable lors des transitions professionnelles et tout au long de la carrière, n’est pas tout à fait inédite : la création par la loi du 14 juin 2013 du compte personnel de formation (CPF) avait déjà été envisagée comme un moyen de répondre à l’objectif de sécurisation des parcours professionnels.
Mais l’ambition de la démarche entreprise par la création du compte personnel d’activité est encore plus forte. Ainsi, même si la réforme annoncée se ferait – dans un premier temps – à droit constant, les potentialités offertes par ce compte seraient bien plus audacieuses que celles des premiers comptes sociaux à droits portables créés dans notre droit du travail – CPF et compte personnel de prévention de la pénibilité. A minima, le compte d’activité permettrait de réunir au sein d’un portail unique l’ensemble des droits sociaux individuels, de faciliter l’activation de ces droits par leurs titulaires ou encore d’initier, à terme, la fongibilité entre les différents comptes.
Il reste que le périmètre, les principes du compte et ses modalités de mise en œuvre ne font l’objet d’aucun développement dans le cadre du projet de loi. Afin d’associer pleinement les partenaires sociaux à la définition de ces principes, l’article 21 s’en tient en effet à fixer la méthode et le calendrier pour rendre la création du compte effective au plus tard le 1er janvier 2017.
Il prévoit, en premier lieu, le lancement d’une concertation informelle auprès des partenaires sociaux avant le 1er décembre 2015. Cette concertation, qui peut donner lieu à une négociation, sera suivie d’un rapport du Gouvernement d’ici au 1er juillet 2016, sur les modalités de mise en œuvre du compte. À l’issue de ce processus, c’est bien à la représentation nationale qu’il reviendra de déterminer, en fonction des objectifs définis par les partenaires sociaux, les modalités du compte.
La réussite de la création du compte personnel d’activité sera donc in fine conditionnée à la volonté des partenaires sociaux de se saisir de l’opportunité d’enrichir cet outil.
Dans un marché du travail fragilisé par des carrières heurtées et par le chômage de longue durée, le Gouvernement s’est également donné pour priorité de développer l’ensemble des outils susceptibles d’endiguer ces phénomènes. Le sort des quelque 1,1 million de chômeurs de longue durée – soit quatre demandeurs d’emploi sur dix –, pour lesquels les perspectives de retrouver un emploi s’amenuisent à mesure que le temps passe, est très préoccupant. D’autres publics fragiles sont tout aussi concernés par la question de l’insertion – ou de la réinsertion – professionnelle. Jeunes sortis du système éducatif sans diplôme, personnes souffrant d’un handicap, demandeurs d’emploi peu qualifiés : ce sont autant de publics qui nécessitent un accompagnement personnalisé pour se former, acquérir une qualification, et trouver leur place dans le monde du travail.
C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont pris pour engagement, à l’issue de la Grande Conférence sociale de juillet 2014, de renforcer l’action du Gouvernement en direction des chômeurs de longue durée et des publics éloignés de l’emploi. Intensifier l’accompagnement, ouvrir la formation à chacun et proposer des modalités d’insertion adaptées aux publics les plus fragiles : aucune piste ne doit être négligée.
Ces engagements se traduisent, dans le présent projet de loi, par la réaffirmation des missions de service public de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) qui assure, depuis 1946, une mission indispensable d’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. L’article 22 entend ainsi pérenniser l’action de l’AFPA, alors que l’activité et le financement de l’association ont été fortement ébranlés depuis la régionalisation de la formation professionnelle et son ouverture à la concurrence en 2008.
Si la reconnaissance législative des missions de service public de l’AFPA marque une première étape indispensable à la refondation de l’association, la Commission des affaires sociales a souhaité réaffirmer haut et fort son soutien à cette institution emblématique dans le paysage français de la formation professionnelle. À l’initiative d’un amendement du Gouvernement, elle a donc habilité ce dernier à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires à la transformation de l’AFPA en établissement public industriel et commercial (EPIC) et à la dévolution d’actifs immobiliers de l’État à cet établissement, consacrant ainsi pour de bon la refondation de l’AFPA.
Pour lutter concrètement contre le chômage de longue durée, le ministre du travail, M. François Rebsamen, a par ailleurs annoncé le 9 février 2015 un plan de lutte comprenant une vingtaine de mesures, de nature réglementaire ou législative. L’article 23 est la déclinaison de l’une d’entre elles : il envisage la création d’un contrat de professionnalisation « Nouvelle chance », à destination des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an.
Dans le cadre du dispositif du contrat de professionnalisation, dont les bons résultats en termes d’insertion professionnelle ne se démentent pas, ces demandeurs d’emploi bénéficieront d’une durée de formation prolongée par rapport au contrat de droit commun, afin de leur permettre l’acquisition d’un socle de connaissances et de compétences professionnelles de base indispensable au suivi d’une formation qualifiante.
Partageant la volonté de déployer l’ensemble des instruments susceptibles d’infléchir la courbe du chômage et de favoriser l’insertion et la formation professionnelle, la Commission des affaires sociales a adopté plusieurs amendements qui complètent l’ambition du titre III du projet de loi. À l’initiative d’un amendement gouvernemental, la Commission a ainsi élargi les conditions d’accès aux contrats aidés pour les seniors. Elle a également repoussé de trois années l’échéance de renouvellement de l’agrément des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage au niveau national.
Chacun doit pouvoir vivre décemment de son travail. Cet impératif en apparence banal est malheureusement contredit par les faits, puisque notre pays compte 7 à 8 % de « travailleurs pauvres », c’est-à-dire de personnes occupant un emploi au moins sept mois dans l’année, mais tirant de leur activité des revenus qui ne leur permettent pas de franchir le seuil de pauvreté, soit 987 euros par mois. Cet état de fait, qui résulte de la précarisation du marché de l’emploi depuis une trentaine d’années, entretient et explique le phénomène de « trappe à inactivité » : l’architecture du système socio-fiscal peut avoir pour effet de rendre la prise ou la reprise d’un emploi financièrement désincitative, en faisant diminuer ou perdre un certain nombre de prestations sociales, et en déclenchant l’entrée dans l’impôt sur le revenu.
Il est donc apparu nécessaire d’apporter un soutien financier aux personnes disposant de revenus d’activité modestes, à travers deux dispositifs. La prime pour l’emploi (PPE), instaurée en 2001, est un crédit d’impôt sur le revenu, assis sur les revenus d’activité individuels à compter d’environ 0,3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, et sous réserve que le revenu fiscal de référence du foyer fiscal n’excède pas certains plafonds. Le revenu de solidarité active (RSA), créé en 2008, est une prestation sociale composée de deux volets : le RSA « socle » est un minimum social, qui a succédé au revenu minimum d’insertion, tandis que le RSA « activité » varie en fonction des revenus professionnels, garantissant au bénéficiaire de conserver 62 euros pour 100 euros supplémentaires tirés de son travail.
Chacun de ces dispositifs est affecté de lourds défauts : la PPE, qui peut bénéficier à des personnes appartenant à des ménages aisés du fait de ses modalités de calcul, est en conséquence très disséminée sur l’échelle des niveaux de vie, et son montant moyen est faible (33 euros par mois en 2014) ; plus concentré sur les déciles de niveau de vie modestes, le RSA « activité » souffre surtout d’un taux de non-recours très élevé (plus des deux-tiers des bénéficiaires potentiels), qui s’explique notamment par l’effet stigmatisant du RSA socle, auquel il est attaché. La coexistence des deux dispositifs, qui se comprend mal sur le plan des principes, est par ailleurs un facteur de complexité, dans un paysage socio-fiscal qui n’en a guère besoin.
Tirant les conséquences de plusieurs travaux, dont un rapport remis au Premier ministre en 2013 par le rapporteur, en qualité de parlementaire en mission, le titre IV du projet de loi parachève une réforme d’ensemble engagée avec la suppression de la PPE par la seconde loi de finances rectificative pour 2014. Il s’agit en effet de remplacer la PPE et le RSA activité par une nouvelle prime d’activité.
Les principales avancées permises par ce dispositif sont les suivantes :
– ouverture à un public jusqu’alors exclu, à savoir les jeunes de 18 à 25 ans ;
– individualisation partielle de la prime, qui combinera une base familialisée (comme l’actuel RSA activité) et des bonifications individuelles, assises sur les seuls revenus d’activité de chacun des membres du foyer dans l’emploi (jusqu’à 67 euros mensuels) ;
– simplification de la « base ressources » soustraite des revenus d’activité du foyer afin de déterminer le montant de la prime, avec notamment l’exclusion des ressources « théoriques » (par exemple la détention d’un bien immobilier non loué, donc ne produisant pas de revenus) ;
– adoption du principe des « droits figés », garantissant la stabilité du montant mensuel de prime sur tout un trimestre, sans variation mensuelle en fonction de l’évolution de la situation du foyer.
La plus grande attractivité de la prime, la simplification des démarches administratives ainsi que la déconnexion de l’image de minimum social du RSA devraient permettre de porter le taux de recours à 50 %. Avec cette hypothèse, la réforme pourrait être conduite à enveloppe budgétaire constante, soit environ 4 milliards d’euros (somme de la PPE et du RSA activité).
La prime d’activité sera systématiquement plus favorable à ses bénéficiaires que le RSA activité, et dans la généralité des cas plus favorable que la PPE. L’effort sera davantage concentré sur les premiers déciles de niveau de vie, corrigeant en cela les effets négatifs de la PPE. Ce sont 2 millions de ménages qui devraient bénéficier de la future prime, tandis que 2,5 millions de ménages ne bénéficieront plus de la PPE. Pour autant, ceux-ci ne seront pas nécessairement perdants à la réforme, du fait de la récente refonte du bas de barème de l’impôt sur le revenu, qui permet de « rattraper » une partie des perdants spontanés. Selon l’hypothèse retenue par le Gouvernement dans l’étude d’impact, 1,2 million de ménages seront gagnants, 825 000 perdants et 2,45 millions peu impactés (gain ou perte inférieur à 1 % de leur revenu) ; le gain moyen (99 euros) devrait être supérieure à la perte moyenne (53 euros).
Tous ces éléments, qui donnent une idée des effets de la réforme, doivent cependant être considérés avec prudence, dans la mesure où les paramètres précis de la prime d’activité seront définis par voie réglementaire, et non dans la loi.
Pour autant, la Commission des affaires sociales a apporté plusieurs modifications dans le texte, notamment les suivantes :
– à l’initiative du rapporteur, elle a complété l’objet de la prime d’activité, qui doit non seulement inciter à la (re)prise d’un emploi, mais également soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes ;
– à l’initiative du Gouvernement, elle a élargi aux étudiants et apprentis le bénéfice de la prime ;
– elle a renforcé le dispositif de suivi des bénéficiaires, en y intégrant Pôle Emploi et en prévoyant une déclinaison sexuée des informations statistiques ;
– enfin, à la demande du rapporteur, le Gouvernement dressera dans un rapport au Parlement un premier bilan du dispositif, dix-huit mois après son entrée en vigueur.
La création de la prime d’activité est une chance pour les travailleurs modestes. La réussite de la réforme appelle une forte mobilisation des services de l’État et des organismes servant la prime, pour faire connaître le dispositif et assurer au mieux sa gestion ; nul ne doute qu’ils seront au rendez-vous.
La Commission des affaires sociales entend des représentants des organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC) sur le présent projet de loi, lors de sa première séance du mercredi 6 mai 2015.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, adopté en conseil des ministres le 22 avril dernier, nous accueillons ce matin les partenaires sociaux représentants des salariés, qui seront suivis des représentants des organisations patronales. Cet après-midi, nous auditionnerons les deux ministres concernés par ce texte, François Rebsamen et Marisol Touraine.
Nous examinerons ce projet de loi en commission les 19 et 20 mai, et la discussion dans l’hémicycle se déroulera du mardi 26 au vendredi 29 mai.
Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO). Nous avions indiqué, lors des négociations sur la modernisation du dialogue social, que notre organisation était favorable à l’extension de la délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de deux cents à trois cents salariés. Cependant, compte tenu de ses spécificités et des compétences particulières qui sont les siennes, il ne nous semble pas que doive y être intégré le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Cela ne nous semble, en effet, pas compatible – eu égard notamment aux questions de quorum – avec la réactivité dont doit faire preuve le CHSCT en cas d’accident du travail, de danger imminent ou d’événement grave lié à l’activité de l’établissement et ayant des incidences sur l’environnement ou la santé publique.
Dès lors qu’il y a fusion des moyens, substitution d’une consultation unique à la consultation distincte du comité d’entreprise (CE) et du CHSCT, et enfin expertise commune, ce que propose le projet de loi est moins un regroupement qu’une fusion, laquelle ne s’opère à droit constant ni pour le CHSCT, dont l’intégralité des moyens n’est pas maintenue, ni pour le CE, fragilisé, ni enfin pour la négociation collective dont précisément le caractère collectif se trouve altéré. Dans ces conditions, la mise en place d’une DUP n’est, à nos yeux, qu’un moyen de raboter les prérogatives du CHSCT et du CE.
Le projet de loi soumet, par ailleurs, la consultation du CHSTC aux conditions de délais applicables aux consultations du CE depuis la loi sur la sécurisation de l’emploi, alors qu’il disposait jusqu’à présent du temps nécessaire pour rendre ses avis.
Il renvoie également à un décret en Conseil d’État les conditions dans lesquelles s’effectue l’expertise commune sur des sujets relevant des compétences du CE et du CHSCT : sachant qu’actuellement les expertises du CHSCT sont financées par l’employeur, qu’adviendra-t-il de cette particularité ? Le budget du comité d’entreprise ne doit en aucun cas servir à financer les questions liées à la santé, qui relèvent du seul employeur, lequel a l’obligation de garantir la santé et la sécurité de ses salariés.
Enfin, le cadre de désignation du CHSCT est également modifié. Dorénavant, il ne sera mis en place que dans les entreprises de cinquante salariés ou plus. Dès lors, comment sera assurée la mission de préservation de la santé et de la sécurité des salariés des autres établissements ?
Alors que la DUP voit ses attributions augmenter puisqu’elle intègre celles du CHSCT, le nombre annuel de réunions obligatoires est réduit de douze à six, et les délais de communication de l’ordre du jour sont abaissés de quinze à cinq jours : le nombre de sujets à traiter augmente, mais le temps pour s’en occuper diminue. Il en est de même des moyens. Le projet de loi renvoie à un décret la fixation du nombre de représentants et le volume d’heures de délégation, sans prévoir de minimum. C’est pourtant à la loi de déterminer les principes fondamentaux et de garantir le droit des salariés à participer à la détermination de leurs conditions de travail, et nous ne voudrions pas qu’en fixant un nombre dérisoire de représentants et d’heures de délégation, le décret vide la représentation du personnel de sa substance. Il est donc essentiel que la loi prévoit des garanties minimales.
En matière d’information et de consultation, nous estimons que ne consulter les comités d’établissement qu’une fois la décision prise au niveau du comité central d’entreprise est un élément de fragilisation des CE.
Enfin, nous considérons que le projet de loi, qui supprime le contrôle de la commission paritaire de branche sur les accords passés avec des représentants mandatés en l’absence de délégués syndicaux (DS), conduit au contournement des syndicats. Nous souhaitons donc le maintien des dispositions actuelles.
M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC. La CFTC est globalement favorable au projet de loi, tout en étant consciente que si la modernisation du dialogue social est bonne pour notre économie, elle n’en constitue pas pour autant une révolution susceptible de créer tous les emplois dont nous avons besoin. Ne nous leurrons pas. Les négociations entre partenaires sociaux se sont soldées par un échec, lié sans doute au manque de temps. Un sujet d’une telle importance et d’une telle technicité demande un travail de fond et l’aide d’experts : démonstration a été faite que trois mois ne suffisaient pas pour cela.
On a beaucoup parlé, avant ces négociations, des questions de seuil, mais beaucoup moins après, preuve qu’il s’agissait essentiellement d’une stratégie de communication : les seuils, en effet, comptent pour quantité négligeable dans les problèmes que rencontrent nos entreprises. M. Alexandre Saubot, le représentant du patronat dans la négociation, dont je tiens à saluer ici les qualités de négociateur – c’est un homme avec qui il est possible de parler franchement et, si les négociations ont échoué, ce n’est certainement pas de sa faute –, a récemment expliqué sur BFM TV qu’en tant que chef d’entreprise, le principal problème auquel il était confronté était les 8 200 obligations qu’il devait remplir. Nous avons vérifié : en réalité, il est soumis à 8 900 obligations, dont aucune n’est sociale ; elles sont fiscales et environnementales.
Pour en revenir au projet de loi, nous considérons que la création de commissions paritaires permettant aux salariés des très petites entreprises (TPE) d’être représentés à l’extérieur de l’entreprise est une bonne chose. Se pose néanmoins la question de leur composition. Il est question d’y faire siéger dix représentants des employeurs et dix représentants des salariés, lesquels se répartiraient proportionnellement à l’audience régionale obtenue par leur organisation aux élections professionnelles dans les TPE. Or la CFTC refuse de valider des élections auxquelles ne participent que 10 % des salariés concernés, ce qui s’explique en partie par le fait que nous n’avons pas obtenu des pouvoirs publics de bénéficier de tous les moyens – accès aux médias, panneaux d’affichage – nécessaires à une véritable campagne électorale pour l’organisation de ces élections. Nous demandons donc que sur les dix représentants des salariés, cinq soient issus des organisations syndicales interprofessionnelles représentatives.
Nous pensons, par ailleurs, qu’il conviendrait d’élargir les missions de ces commissions pour y inclure, d’une part, la conciliation qui, organisée au niveau régional, départemental ou au sein du bassin d’emploi, permettrait d’éviter bon nombre de procédures contentieuses, et, d’autre part, la gestion d’œuvres sociales, dont les salariés des TPE ne bénéficient pratiquement pas.
Nous sommes favorables à l’idée de marier dans une DUP, pour les entreprises de cinquante à trois cents salariés, le CE, les délégués du personnel (DP) et le CHSCT, dès lors que sont maintenues dans leur intégralité les missions, les prérogatives et les moyens de ces trois instances : malheureusement, la notion de moyens ne figure pas dans le texte de loi. Cela étant, c’est une mesure de bon sens, tout comme la fusion des instances par accord majoritaire dans les entreprises de plus de trois cents salariés, qui va dans le sens d’une simplification de la représentation.
Nous saluons également la valorisation des parcours professionnels des représentants syndicaux, tout en souhaitant qu’elle soit étendue, au-delà des délégués syndicaux, à l’ensemble des personnes occupant des fonctions de représentation dans l’entreprise.
Enfin, nous ne sommes pas contre la possibilité de faire appel à des représentants mandatés en l’absence de délégué syndical. Cela étant, nous estimons que la négociation doit, à un moment ou à un autre, aboutir devant la commission paritaire de branche, qui joue un rôle de filtre en validant, ou non, les accords atypiques. Certes, toutes ces commissions ne fonctionnent pas, mais celles pour qui c’est le cas ont fait la démonstration de leur utilité. Quant aux branches qui ne sont pas capables de mettre en place des commissions paritaires qui puissent valider ces accords, il n’y a qu’à leur interdire la signature d’accords atypiques !
Quoi qu’il en soit, nous ne doutons pas que ce projet de loi, auquel je redis que nous sommes globalement favorables, pourra être encore amélioré par voie d’amendements.
Mme Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Dans le cadre de l’ouverture de la négociation sur le dialogue social, la CFDT avait défini un certain nombre d’objectifs, issus du travail de concertation entrepris par les partenaires sociaux depuis la réforme de la représentativité de 2008. Il s’agissait avant tout de définir ce qu’était le dialogue social pour en accroître la qualité et l’efficacité. Certes, la négociation a échoué, mais la CFDT entend poursuivre à travers ce projet de loi la réalisation de trois de ses objectifs : la représentation effective de tous les salariés dès le premier salarié, grâce à la mise en place des commissions paritaires pour les TPE ; une meilleure appréhension des questions économiques et sociales par les représentants du personnel, l’enjeu étant d’anticiper les projets et leurs conséquences afin de pouvoir peser sur les décisions ; la reconnaissance et la valorisation du fait syndical, dans l’entreprise comme à l’extérieur : il ne peut, en effet, y avoir de dialogue social sans des acteurs de proximité capables de représenter leurs pairs.
Selon les vœux de la CFDT, le projet de loi entérine donc la représentation des salariés des TPE. Nous sommes favorables à une répartition des sièges au sein des commissions paritaires régionales calquée sur l’audience régionale des organisations syndicales, mais nous souhaiterions que soit attribuée à ces commissions une troisième compétence, à savoir la médiation, l’enjeu étant de prévenir les conflits et de faciliter le dialogue entre représentants du personnel et des employeurs.
Nous considérons comme abusif que les membres de la commission n’aient pas accès aux locaux des entreprises, cette restriction ne nous paraissant pas la manière la plus amicale d’engager le dialogue social.
Nous sommes également très attachés à une bonne articulation entre les dispositifs régionaux et les dispositifs de branche – lesquels doivent également être dotés d’une compétence de médiation et s’inscrire dans un périmètre géographique délimité, afin d’éviter qu’opèrent des commissions déconnectées des réalités territoriales. Nous insistons également sur le fait que la protection des représentants des salariés dans ces commissions de branche doit être précisée.
En ce qui concerne le cadre des instances, force est de constater que sa construction résulte d’un empilement de textes successifs et qu’il ne correspond plus à la réalité actuelle des entreprises, notamment à leur organisation juridique, toute la difficulté consistant, pour les représentants du personnel, à être là où se prennent les décisions, c’est-à-dire dans une position centrale, tout en restant proches des salariés qu’ils représentent.
Le texte prévoit un dispositif pour les entreprises de moins de trois cents salariés et un dispositif au-delà, ouvrant la possibilité, dans ce dernier cas, de négocier par accord majoritaire le cadre des instances représentatives du personnel (IRP). La CFDT souhaite que cette possibilité de négociation soit ouverte aux entreprises dès cinquante salariés.
En ce qui concerne les moyens de la DUP, leur définition est renvoyée, pour les entreprises de cinquante à 299 salariés, à un décret. Cela fragilise l’équilibre du texte, dans la mesure où il nous est compliqué de nous prononcer sur un cadre virtuel. Nous souhaitons donc que la loi précise ces moyens, lesquels ne devront en aucun cas être revus à la baisse.
Nous souhaitons également que soit introduite de la souplesse dans l’organisation de ces moyens, notamment par l’annualisation des heures de délégation, leur mutualisation entre les représentants et l’affectation d’un nombre déterminé de ces heures aux échanges entre les représentants du personnel et leur organisation syndicale.
Des doutes planent sur la place des syndicats dans le cadre de la négociation collective. Nous sommes favorables au renforcement du mandatement, et, en l’absence de mandatement – la question étant de savoir comment l’évaluer –, nous préconisons une validation par une commission de branche.
Le texte, enfin, ne dit rien de la mise en place ni du contenu de la base de données économiques et sociales, qu’il faut renforcer par le dialogue, tout comme il faut renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration.
J’ajoute qu’il reste à compléter ce qui touche au financement du dialogue social, en clarifiant notamment le dispositif de subrogation pour les salariés partant en formation syndicale.
Mme Agnès Le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Aux yeux de la CGT, ce qui compte, c’est moins d’afficher et de reconnaître la nécessité du dialogue social que de définir les objectifs de celui-ci. La négociation, en effet, a montré que ces objectifs pouvaient diverger selon les uns ou les autres, ce qui fut d’ailleurs une des causes de son échec. Nous sommes donc dans une situation inhabituelle puisque, en dépit de la réforme instaurée par la loi de 2007 sur la modernisation du dialogue social, ce projet de loi ne s’appuie sur aucun accord interprofessionnel préalable.
Pour la CGT, la démocratie sociale doit être un instrument de citoyenneté des salariés, et c’est sur ce point que le projet de loi nous pose quelques problèmes. L’entreprise appartient aussi aux salariés et, si l’on défend le progrès et l’efficacité économique et sociale, l’exercice de la démocratie ne peut s’arrêter aux portes du monde du travail. Pourtant, en dépit des propositions faites par notre organisation lors de la concertation préalable, ce sont bien les objectifs du patronat, ceux-là mêmes qui ont conduit à l’échec de la négociation, que sert ce projet de loi, dont une majorité de salariés et de leurs représentants ne tirera aucun bénéfice, notamment parce que la rationalisation des IRP qu’il organise dans les entreprises de cinquante salariés et plus ne peut que nuire, selon nous, à la qualité du dialogue social.
L’effectivité de la représentation collective dans les entreprises de petite taille, y compris au-delà des TPE, reste incertaine malgré les objectifs figurant dans le document d’orientation. Certes, un pas a été franchi – et nous le saluons – pour les salariés des très petites entreprises, qui, jusqu’ici, avaient seulement le droit de voter pour un sigle syndical tous les quatre ans. Si nous approuvons la mise en place des commissions paritaires régionales et la répartition des sièges en leur sein selon l’audience régionale obtenue par les organisations, il faut, pour réellement garantir ce nouveau droit à la représentation accordé aux 4,6 millions de salariés des TPE, améliorer le dispositif des commissions paritaires interprofessionnelles, ce qui inclut les commissions déjà existantes, lesquelles devront se mettre en conformité avec la loi. Les droits et les moyens des représentants ne peuvent en rester à ce que prévoit le projet de loi. De même, il convient d’élargir les attributions des commissions pour y intégrer l’aide au dialogue social, c’est-à-dire notamment la gestion des conflits, mais aussi des œuvres sociales et culturelles.
En ce qui concerne la valorisation du parcours des élus et mandatés ainsi que la discrimination salariale, le projet de loi comporte des avancées mais doit, selon nous, être amendé sur certains points. Le champ des élus concernés, trop restrictif, doit être élargi, et, dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience, les compétences acquises dans l’exercice de l’activité syndicale doivent être reconnues de la même manière pour tous les élus et mandatés.
Le projet de loi aborde la question de la parité, et nous sommes favorables aux mesures visant à mieux équilibrer les candidatures féminines et masculines aux élections des représentants et des délégués du personnel. J’attire néanmoins votre attention sur la difficulté à constituer des listes syndicales, singulièrement dans les petites entreprises, où nos organisations syndicales sont peu présentes. Il serait souhaitable qu’en la matière le projet de loi nous offre davantage de moyens.
Cela posé, j’en viens aux éléments plus fondamentaux qui font que ce projet de loi est loin de nous satisfaire. Nous considérons, en effet, qu’il ne s’affranchit guère du dogme patronal selon lequel la représentation collective, le droit syndical, les droits et moyens d’intervention des salariés et de leurs représentants sont autant de contraintes majeures pour les entreprises. De ce fait, le CHSCT et sa capacité à jouer pleinement son rôle dans l’amélioration des conditions de travail et la prévention des risques professionnels sont malmenés. Plus globalement, la rationalisation de la représentation syndicale se traduit par un affaiblissement de la capacité d’intervention des salariés sur le travail et sur la marche de l’entreprise, avec, à terme, des dégâts collatéraux plus larges encore.
Comment, où et quand discuter du travail, de son contenu et de son organisation ? Alors que les salariés aspirent à mieux travailler, alors que le travail requiert de plus en plus d’anticipation et de créativité, ce texte n’apporte à ces questions aucune réponse satisfaisante, ce qui risque de coûter très cher, humainement et économiquement, à la société française. L’ensemble des organisations syndicales a construit une feuille de route pour un plan santé tourné vers la prévention et la volonté de transformer le travail afin de ne plus s’y abîmer. La future loi va à contresens de cette ambition. À force de négliger le débat sur la qualité du travail en imposant la précarité, la parcellisation du travail, le mal-travail et son cortège de souffrances, de gâchis, voire de catastrophes – que l’on songe à AZF ou à la SNCF –, c’est l’efficacité de notre économie qui est compromise.
C’est la raison pour laquelle la CGT s’oppose vigoureusement au contenu des dispositions des chapitres III et IV. Elle considère, en effet, que l’élargissement de la délégation unique du personnel aux entreprises de moins de trois cents salariés et l’intégration en son sein des attributions du CHSCT, tout comme la mise en place par accord majoritaire d’une fusion des instances dans les entreprises de plus de trois cents salariés ne font que répondre aux exigences qu’avait posées le MEDEF lors de la négociation en réclamant l’instauration d’une instance unique du personnel.
Avec la tenue d’une réunion commune tous les deux mois au lieu de tous les mois, une expertise commune, un avis unique et un budget commun, la DUP ne constitue nullement à nos yeux un cadre « plus stratégique » et « moins formel », mais une tentative de rationalisation et de centralisation. Les nouveaux dispositifs signifient donc plus d’informations à traiter avec moins de moyens, ce qui est d’autant plus problématique que cette question des moyens est renvoyée à des accords.
En matière d’accords, précisément, nous nous opposons à la logique de primauté des accords d’entreprise et des accords dérogatoires qui sous-tend le texte. Cette question doit faire l’objet d’une véritable évaluation, au regard notamment du sort réservé au principe de faveur.
Enfin, si le projet de loi entend proposer des solutions qui préservent et élargissent les opportunités de négociation tout en garantissant la primauté des organisations syndicales, nous considérons que les dispositions qu’il comporte en ce sens doivent être aménagées.
Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC. Après l’échec d’une négociation rendue impossible par l’affrontement de positions inconciliables entre, d’une part, le patronat qui préconisait une simplification excessive des procédures de dialogue social, et, d’autre part, les syndicats qui souhaitaient son enrichissement, la CFE-CGC salue les efforts de ce projet de loi pour parvenir à une position équilibrée, conforme au document d’orientation issu de la Conférence sociale et dont nous avions approuvé les grandes lignes.
Toutefois, nous restons dans l’attente des décrets d’application qui, seuls, nous permettront de juger de la pertinence des mesures et des moyens mis en œuvre pour favoriser l’expression des salariés et la concertation, au sein des entreprises, entre les élus et la direction. Le renforcement des espaces de concertation, la loyauté des informations et de la consultation, le partage de la stratégie, la démultiplication des avis ne sont pour l’heure que des postulats, dont la concrétisation dépendra de ces décrets. En l’absence de plus de visibilité, la CFE-CGC demeure donc très prudente en l’état actuel du projet de loi, qui comporte, à nos yeux, quelques points faibles et d’autres plus dangereux, porteurs notamment de risques contentieux.
Nous prenons acte du fait que la loi entend développer et favoriser les parcours des militants en valorisant le fait syndical, en posant des règles simples de garanties salariales et en faisant progresser la parité entre hommes et femmes dans les instances de représentation. Toutefois, ces parcours peuvent être améliorés, soit par une évaluation syndicale en fin de mandat, soit par une redéfinition du partage des missions entre le travail et le temps syndical.
Nous sommes favorables à la sanctuarisation des mandats externes. C’est une revendication que nous portons depuis longtemps dans le cadre du dialogue par branche ou du dialogue interprofessionnel. Cette représentation s’effectue actuellement sur les heures de délégation, ce qui signifie qu’elle dépend de la bonne volonté des chefs d’entreprise et de leur propension ou non à donner au dialogue social les moyens de se développer.
Le texte demeure faible sur les administrateurs salariés instaurés par la loi de 2013. Le nombre d’heures de formation dont ils bénéficient reste insuffisant ; par ailleurs, le texte ne fait droit à aucune de nos demandes dans ce domaine, qu’il s’agisse de l’abaissement du seuil des effectifs au-delà duquel un tiers des sièges doit être réservé aux salariés, avec voix délibératives, de la reconnaissance du deuxième collège ou de la participation de ces administrateurs salariés aux holdings de tête dont les effectifs ne dépassent pas cinquante salariés.
Nous approuvons dans son principe l’article 1er. Toutefois, nous ne pouvons cautionner la règle de répartition proportionnelle des représentants selon l’audience obtenue par leurs organisations au niveau régional. Nous considérons qu’il aurait été plus simple, plus juste et plus efficace de s’appuyer sur le système des commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA), qui existe depuis 2001. De même, nous ne pouvons accepter que le nouveau dispositif soit également financé par la taxe de 0,016 % instaurée par la loi de 2014, dans la mesure où son coût n’avait pas été intégré dans les estimations faites à l’époque.
Concernant le rôle des suppléants, sur qui repose la transmission des compétences, nous regrettons que le projet de loi ne prévoie leur présence que lors de la consultation relative aux orientations stratégiques. Il aurait été préférable que ce cantonnement ne soit possible que sur la base d’un accord collectif.
De même, nous estimons que l’affectation d’un seul secrétaire à la DUP est très insuffisante, compte tenu de l’élargissement de ses attributions, qui requièrent des compétences dans des domaines aussi divers que l’économie, l’hygiène ou les conditions de travail et sachant qu’il n’y aura plus qu’un seul ordre du jour, d’autant plus important que l’entreprise comptera de salariés.
Nous regrettons enfin que le texte ne prévoie pas le recours à l’expertise en matière de politique sociale. Pour ce qui relève de la consultation du CE, celle-ci est mise sur le même plan que les orientations stratégiques et la situation économique et financière de l’entreprise, alors qu’il s’agit précisément du domaine dans lequel le dialogue social doit être renforcé.
Notre désaccord est profond, enfin, sur trois points, qui nous semblent particulièrement dangereux :
Premièrement, il est inacceptable de permettre des négociations dérogatoires, avec des élus mandatés ou non, sans que cela soit assorti de précautions.
Deuxièmement, nous ne pouvons accepter, même dans l’hypothèse où cela résulterait d’un accord majoritaire, de déroger à la périodicité de la négociation sur les salaires, qui doit demeurer annuelle. Ce rendez-vous important sur le partage des fruits de l’activité de l’entreprise n’est pas négociable.
Troisièmement, nous regrettons profondément la prépondérance accordée au groupe sur tout autre niveau de consultation. Le rôle du comité central d’entreprise n’étant pas clarifié, le risque est notamment que le dialogue social s’éloigne des réalités du terrain et perde, localement, de son efficacité.
La CFE-CGC souhaite donc que le projet soit amélioré, de manière à renouer avec la philosophie originelle qui l’a inspiré et qui visait à accroître l’efficacité du dialogue social tout en lui conservant sa richesse.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Le projet de loi poursuit trois objectifs. Il entend, d’abord, offrir aux 4,6 millions de salariés des TPE qui en étaient privés des instances de représentation. Il vise, ensuite, à favoriser la reconnaissance des parcours de celles et ceux qui choisissent de s’engager dans l’entreprise, grâce à une meilleure prise en compte des difficultés qu’ils rencontrent. Il veut, enfin, améliorer l’efficacité des IRP dont l’empilement, année après année, a rendu nécessaire un travail de clarification et de simplification – et non de fusion, comme cela a abusivement été suggéré, puisque la nouvelle DUP est mise en place dans le respect des prérogatives des différentes instances qu’elle réunira.
Cela étant posé, ne pensez-vous pas que le regroupement des IRP dans le cadre des DUP permettra, pour la première fois, d’évoquer dans une même instance les questions de stratégie et les questions financières en même temps que les conditions de travail, dont on ne voit pas pourquoi elles seraient déconnectées des autres enjeux de l’entreprise ?
En ce qui concerne la question des moyens, l’annualisation et la mutualisation des heures de délégation, qui devraient permettre un gain de temps supplémentaire de l’ordre de 15 %, vous paraissent-elles intéressantes et, le cas échéant, faut-il les encadrer ?
Quelle est la position de vos organisations syndicales au sujet des seuils déterminant la présence d’administrateurs salariés dans l’entreprise ?
Vous avez fait part, les uns et les autres, de vos craintes de voir les organisations syndicales mises sur la touche lorsque, en l’absence de délégué syndical, il est fait recours au mandatement. Avez-vous des propositions précises à faire, sachant que toutes les branches ne sont pas dotées de commissions de contrôle, lesquelles par ailleurs ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante ?
La question des suppléants constitue un point de friction dans les échanges avec le Gouvernement, dont l’un des arguments consiste à rappeler que les suppléants des élus politiques ne siègent pas à leurs côtés. Quelles raisons pouvez-vous avancer a contrario pour justifier le maintien de leur présence dans les différentes instances ?
M. Michel Liebgott. Député de Florange j’ai acquis, lors de l’affaire ArcelorMittal, la certitude qu’il était essentiel de reconnaître les salariés des PME. En effet, en cas de conflit de ce type, les salariés des grandes entreprises s’en sortent plutôt bien – en l’occurrence, il n’y a pas eu de plan social –, tandis que les premières victimes sont généralement les intérimaires ou les salariés des entreprises sous-traitantes, qui servent souvent de variables d’ajustement. D’où l’importance de ce projet de loi, d’autant plus essentiel que la France compte un grand nombre de TPE et que nous sommes malheureusement encore très loin du modèle allemand, caractérisé par une plus forte proportion d’entreprises moyennes, des syndicats beaucoup plus forts et une vraie politique de codétermination – Mitbestimmung.
Il faut interroger ici la volonté des uns et des autres, celles des politiques comme des partenaires sociaux. Depuis deux ou trois ans se succèdent des négociations entre organisations patronales et syndicales. Qu’elles aboutissent ou non, le Parlement a toujours pris ses responsabilités, en adoptant notamment la loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013 ou la loi sur la formation professionnelle. En ce qui concerne le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, force est de constater que c’est le patronat qui a rompu, accroché à des exigences démesurées et plus favorable à l’idée d’un contrat d’entreprise qu’à celle d’un échange équilibré entre patronat et salariés.
Pour autant, les choses bougent. Environ 36 000 accords d’entreprise et 951 accords de branche sont passés chaque année, ce qui prouve qu’il y a dans notre pays une vie syndicale. Tout l’enjeu aujourd’hui est de la dynamiser. À quelques nuances près, vous ne semblez pas, dans l’ensemble, hostiles aux mesures proposées. Quelques points feront davantage débat, comme la place du CHSCT, mais l’on peut considérer que le fait que le CE se penche désormais sur les questions ayant trait aux conditions de travail constitue un progrès.
Pourquoi ne pas confier, en effet, aux commissions paritaires régionales un rôle de médiateur ?
Je suis d’accord sur le fait qu’il faut améliorer la banque de données économiques et sociales.
La question des administrateurs salariés mérite que nous nous battions pour faire aboutir vos revendications et mettre un terme au comportement parfois inacceptable de certaines grandes entreprises. Sur d’autres sujets, comme l’accès des membres de la commission paritaire aux locaux des entreprises, il faudra sans doute plus de temps.
Le statut des suppléants, enfin, est un sujet complexe, qui mérite un vrai débat, sachant que la question des suppléants devient secondaire lorsque, dans certaines entreprises – plus de la moitié des PME –, il est déjà difficile de trouver des représentants syndicaux.
M. Gérard Cherpion. Ce texte comporte un certain nombre d’avancées, notamment pour les 4,6 millions de salariés à qui il offre une représentation.
Monsieur Thouvenel, à vous entendre, les seuils ne constituent pas véritablement un frein au développement de l’entreprise. Il me semble néanmoins qu’il faudrait s’interroger sur leur nombre et réfléchir à un éventuel lissage.
Pour ce qui concerne la mutualisation des moyens, doit-elle être interne à l’entreprise ou s’opérer sur un périmètre plus large ?
La désignation des représentants des salariés des TPE dans les commissions paritaires est complexe. Vous semblez diverger sur la question de savoir si cette désignation doit s’effectuer uniquement parmi les organisations représentatives au niveau national. Sans doute pourrait-on imaginer qu’une partie des représentants émanent de ces dernières, l’autre partie reflétant l’audience des organisations syndicales locales. Pourriez-vous préciser vos souhaits en la matière ?
En l’absence de délégué syndical, possibilité est ouverte de négocier avec les élus du personnel. Faut-il obligatoirement passer au préalable par l’étape du mandatement ? N’est-ce pas créer de nouvelles difficultés ? Par ailleurs, le champ de la négociation est-il identique selon qu’un élu est mandaté ou non ?
Aucun d’entre vous n’a évoqué la réforme de la représentativité patronale ni le régime des intermittents du spectacle. Avez-vous un avis ?
J’aimerais, enfin, des précisions sur la manière dont vous envisagez l’information et la consultation des organisations. Ni vos positions ni celle inscrite dans le texte ne me paraissent très claires.
M. Francis Vercamer. Le projet de loi est une forme de réponse du Gouvernement à l’échec de la négociation des partenaires sociaux sur le document d’orientation remis par le ministre du travail aux huit organisations syndicales et patronales représentatives en juillet 2014. Ce document d’orientation dressait un constat critique sur la qualité et l’efficacité du dialogue social, pointant notamment les effets négatifs induits par les seuils et dénonçant la sédimentation dans le temps d’un nombre conséquent de règles et d’obligations aboutissant à construire un cadre global complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Selon vous, les réponses apportées par ce texte à ces difficultés sont-elles satisfaisantes ?
Les entreprises de quarante-neuf salariés sont deux fois et demie plus nombreuses que celles de cinquante salariés. D’aucuns imputent cet écart aux effets de seuil. Selon vous, l’extension de la DUP est-elle de nature à remédier à cette situation ? Dans le cas contraire, quelles mesures envisageriez-vous ?
Une mission sur la place donnée à l’accord collectif par rapport à la loi dans le droit du travail vient d’être lancée. Considérez-vous qu’une inversion de la hiérarchie des normes serait susceptible d’améliorer la qualité du dialogue social ? Ne serait-ce pas contradictoire avec l’article 13 de la loi, qui supprime l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur les accords collectifs ?
Vous n’avez guère évoqué l’article 21, qui crée le compte personnel d’activité. La loi prévoit qu’une concertation sera engagée avant la fin de l’année avec les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Quels avantages et quels inconvénients voyez-vous à cette solution ? N’est-ce pas prendre les choses à l’envers puisque, d’ordinaire, on interroge les organisations syndicales avant d’élaborer un projet de loi ?
Enfin, vous n’avez pas non plus évoqué la création de la prime d’activité. Ne risque-t-elle pas d’entraîner des effets d’aubaine et d’aboutir à un tassement des salaires autour du revenu minimum ? Quelles sont les mesures qui, selon vous, permettraient de favoriser l’emploi des jeunes ?
M. Christophe Cavard. Notre groupe est très favorable à toutes les mesures permettant d’améliorer le dialogue social. Depuis 2012, nous avons eu à nous saisir de deux projets de lois qui découlaient d’accords nationaux interprofessionnels, ce qui rendait le travail législatif délicat, puisqu’il s’agissait d’amender le texte sans toucher aux équilibres définis par les partenaires sociaux.
La situation aujourd’hui est quelque peu différente puisque ce projet de loi nous parvient dans la foulée de négociations qui ont échoué, ce qui modifie la nature de notre travail de législateur. Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer dans le travail qui s’amorce ? Plus généralement, considérez-vous que ce projet de loi améliore la représentation syndicale, sachant que les outils qu’il propose doivent s’inscrire dans une logique où, loin de s’opposer, salariés et employeurs doivent concourir ensemble à la réussite de leur entreprise ? C’est, en tout cas, dans cet esprit que nous l’abordons, sur le modèle de ce qui se pratique dans le secteur de l’économie sociale.
Concernant plus précisément les commissions paritaires régionales, on a compris leur intérêt pour les petites entreprises, mais quel est votre sentiment sur leur fonctionnement et la manière dont elles pourront atteindre l’objectif que leur assigne le texte ?
Comment faire en sorte que les instances regroupées dans la DUP fonctionnent correctement – je pense en particulier aux CHSCT et aux missions particulières qu’ils assument ?
Nous sommes très conscients du rapport de force déséquilibré qui existe entre les salariés et leur employeur, et nous serons donc particulièrement vigilants sur la question des moyens donnés à la représentation, notamment le droit à l’expertise et son financement qui font ici débat, alors même que ce droit à l’expertise ne devrait pas être considéré par les employeurs comme une contrainte mais comme une plus-value.
En tant que représentants syndicaux, vous êtes impliqués dans la gestion de l’UNEDIC ; que pensez-vous des mesures incluses dans le titre II sur le régime des intermittents du spectacle ?
Mme Dominique Orliac. Les députés du groupe RRDP sont extrêmement attachés à la qualité du dialogue social. Le texte entend valoriser les expériences des délégués syndicaux, et son article 4 vise à « lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération ». Il propose pour cela d’instaurer un mécanisme qui garantit au salarié de bénéficier, au cours de son mandat électif ou syndical, d’une augmentation au moins égale à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par des salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable. Cette mesure concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation dépassent 30 % de leur temps de travail. De plus, à chaque début de mandat, le représentant du personnel ou le délégué syndical devra bénéficier d’un entretien individuel avec son employeur sur les modalités de son mandat. Enfin, les listes aux élections professionnelles devront comporter une proportion de femmes et d’hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux. Le non-respect de cette obligation entraînera l’annulation de l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté. Que pensez-vous de ces dispositions ? Comment procédez-vous à l’heure actuelle pour ne pas être pénalisés, ou le moins possible, par vos engagements personnels dans des mandats électifs ? Au-delà de la parité, réfléchissez-vous aux moyens de faire place aux jeunes sur les listes aux élections professionnelles ? Enfin, comment pensez-vous inciter les salariés à voter plus massivement ?
Mme Jacqueline Fraysse. Je pense qu’il est, en effet, nécessaire de revoir les conditions du dialogue social, et ce à tous les niveaux. De ce point de vue, on peut regretter que ce texte n’ait pas davantage d’envergure. Développer le dialogue social implique de le moderniser et d’en clarifier les objectifs.
Comme Christophe Cavart, je pense que ce texte ne corrige pas suffisamment les déséquilibres induits dans le dialogue social par les rapports de subordination entre l’employé et l’employeur. Il faut néanmoins mettre à son actif les efforts faits en faveur de la représentation des salariés des TPE à travers la mise en place des commissions paritaires régionales. Certes, le dispositif mérite des améliorations : le nombre d’heures de délégation reste insuffisant, comme les prérogatives attribuées à ces commissions puisque vous semblez tous vous accorder sur le fait qu’elles doivent pouvoir assumer des fonctions de médiation. En outre, sans doute ses membres devraient-ils se voir attribuer les mêmes droits que les représentants du personnel. Enfin, se pose la question de leur accès aux locaux des entreprises.
Vous nous avez fait part de vos réticences, voire de votre opposition aux DUP élargies. Elle se focalise en particulier sur le statut du CHSCT, dont les prérogatives sont très spécifiques et primordiales pour les salariés. Je partage l’idée que cette instance doit garder toute son importance au sein de l’entreprise. On peut fort bien imaginer que l’ensemble des instances représentatives se saisissent des questions de santé et de conditions de travail sans pour autant fondre le CHSCT dans la DUP.
Je partage également vos inquiétudes au sujet des moyens dont seront dotées ces DUP. Le texte n’est pas très précis sur ce point, qui fait l’objet d’une divergence d’appréciation entre les organisations syndicales et le Gouvernement, puisque l’étude d’impact affirme, à la page 78, que « en cohérence avec les heures de délégation présentées ci-après, les moyens de la DUP élargie seraient donc du même ordre de grandeur que la situation actuelle DUP + CHSCT ». La phrase est certes au conditionnel et il n’est question que d’ordre de grandeur, mais les organisations syndicales ont une appréciation différente de la situation. Or, en théorie, les évaluations devraient aboutir mathématiquement au même résultat : les méthodes de calcul employées par les uns et par les autres sont-elles différentes ?
Enfin, l’article 20, consacré au régime des intermittents, prévoit la création d’une liste des métiers éligibles aux CDD d’usage. Cette disposition vous paraît-elle une bonne manière de lutter contre le recours abusif aux contrats précaires ?
M. Denys Robiliard. Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je renonce à ma question, préférant laisser aux intervenants le temps de nous répondre.
Mme Isabelle Le Callennec. Le fait que les partenaires sociaux ne soient pas parvenus à un accord m’inquiète. La cause en est que les organisations salariales et les organisations patronales ne partagent toujours pas les mêmes objectifs et n’ont pas la même définition de l’efficacité du dialogue social. Malheureusement, je crains qu’en tentant d’organiser en détail les modalités de ce dialogue, ce projet de loi ne le rende encore plus complexe. Il évite surtout soigneusement de poser la question du faible taux de syndicalisation des salariés. Si les salariés avaient la certitude de pouvoir s’emparer des réalités économiques et sociales, d’anticiper et de peser sur les décisions, sans doute seraient-ils davantage motivés, à condition toutefois que le dialogue social ait lieu le plus souvent possible au sein de chaque entreprise, puisqu’en fonction des secteurs d’activité et de la taille de l’entreprise, les besoins ne sont pas les mêmes.
Nous avons entendu vos revendications, dont nous tiendrons compte lors de l’examen du texte par notre commission. Vous avez souligné que cette loi n’allait pas révolutionner l’emploi dans notre pays. La loi Macron n’étant pas non plus la loi du siècle, comment allons-nous régler le problème de nos 3,5 millions de chômeurs ?
Vous n’avez pas évoqué le compte personnel d’activité, qui a pourtant été vanté par le Président de la République comme un droit nouveau pour les salariés. Est-ce à dire que vous n’accordez pas le même crédit à cette mesure ?
De même, vous n’avez rien dit de la fusion entre la PPE et le RSA-activité, qui va pourtant exclure de nombreux ménages de la classe moyenne de l’ancien dispositif de la PPE. On ignore toujours, par ailleurs, si les étudiants et les apprentis seront inclus dans le dispositif. Qu’en pensez-vous ?
Mme Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Un des enjeux de ce projet de loi est notamment le regroupement des IRP. La CFDT n’est pas attachée à l’organisation actuelle des IRP, qui n’est pas toujours adaptée à la réalité des entreprises. Le problème est que le nouveau cadre proposé par ce texte risque de ne pas l’être non plus.
Pour autant, le cadre ne fait pas tout. À partir des règles qu’il établit, il appartient aux représentants du personnel et aux employeurs de définir, au sein de chaque entreprise, un mode de fonctionnement propre des instances représentatives. Le véritable enjeu aujourd’hui est de parvenir à articuler les questions sociales, économiques et environnementales, traitées séparément par les différentes instances. Le CE, par exemple, a déjà des prérogatives en matière de conditions de travail et d’organisation de celui-ci, mais elles ne sont pas de même nature que celles du CHSCT. Pour ce qui concerne la CFDT, ce travail de coordination se fait dans le cadre des sections syndicales d’entreprise, sachant néanmoins que, bien souvent, les décisions du CHSCT sont subordonnées aux décisions économiques et financières prises dans une autre instance.
Le regroupement des instances n’est pas forcément un problème, mais la capacité des mandatés à assumer un nombre très important de missions dépendra de la façon dont fonctionnera la future DUP élargie. Le fonctionnement du CHSCT est particulier, dans la mesure où, du fait de la responsabilité de l’employeur, qui a une obligation de résultat en matière de sécurité, son travail est basé sur la coconstruction, ce qui influe sur les relations sociales au sein de cette instance. Il faudrait que ce mode de fonctionnement puisse s’étendre aux questions économiques, domaine dans lequel les représentants du personnel ont tendance à être considérés comme des intervenants moins légitimes. Il y a là un réel enjeu, dont nous avons commencé à nous saisir avec l’accord sur la sécurisation de l’emploi.
En ce qui concerne l’annualisation et la mutualisation, je ne partage pas l’analyse selon laquelle elles augmenteraient de 15 % les heures de délégation. Aujourd’hui, il existe un nombre défini d’heures de délégation. Ces heures doivent être prises mensuellement et ne peuvent être mutualisées que dans le cadre du CHSCT. Le fait de les annualiser permettra simplement aux militants et aux représentants du personnel de prendre l’ensemble des heures qui leur sont allouées. Actuellement, on estime à 30 % le taux d’heures de délégation non utilisées, soit à cause des congés d’été, soit du fait des contraintes d’organisation du travail, soit encore parce que certains employeurs déploient des stratégies visant à empêcher les militants de prendre toutes leurs heures. Nous demandons donc non seulement que les moyens horaires soient maintenus mais également qu’ils puissent être mutualisés, c’est-à-dire répartis entre les représentants, et annualisés. Cela permettrait une meilleure visibilité et simplifierait la vie des entreprises, en substituant à un suivi mensuel de ces heures un suivi annuel. Pour éviter que des représentants ne prennent toutes leurs heures d’un coup, on peut envisager de fixer un plafond limitant à une fois et demie ou deux fois le quota mensuel le nombre d’heures de délégation pouvant être utilisées sur un mois.
Pour ce qui concerne les suppléants, leur statut est différent en fonction des instances : les DP suppléants ne siègent pas, tandis que les suppléants au CE le peuvent. Cette possibilité est précieuse aux yeux des organisations syndicales car, non seulement elle permet à ces suppléants d’acquérir une bonne connaissance des dossiers, mais elle constitue de surcroît une première étape vers la prise d’un mandat. C’est un moyen de pousser les jeunes vers les organisations syndicales et les instances du personnel en leur mettant le pied à l’étrier et en leur offrant une sorte de formation continue, à laquelle ils n’ont pas accès aujourd’hui.
La CFDT n’est pas favorable à l’inversion de la hiérarchie des normes. Si nous considérons qu’il faut donner de la marge de manœuvre aux entreprises, les accords d’entreprise doivent s’inscrire, selon nous, dans le cadre défini par la loi ou les accords de branche.
Nous sommes, par ailleurs, extrêmement attachés à préserver le rôle des organisations syndicales dans le dialogue social, qu’il s’agisse de la négociation collective ou de la représentation du personnel. Dans cette optique, le fait que les représentants soient mandatés par une organisation syndicale est pour nous une garantie, non seulement sur le contenu de la négociation mais également sur le fait que le mandaté sera correctement accompagné par l’organisation qui l’a désigné.
En l’absence de mandatement et si la négociation est menée par des élus non syndiqués, nous recommandons un minimum de contrôle social, lequel peut être assuré par des commissions paritaires de validation des accords. Certes, celles-ci, quand elles existent, ne fonctionnent pas toujours bien, souvent du fait des organisations patronales, mais les maintenir peut être un moyen d’inciter les employeurs à considérer que leur intérêt est plutôt d’avoir recours à un salarié mandaté qu’à un élu non syndiqué.
La CFDT est très attachée à ce que les représentants respectent la parité et s’est d’ailleurs dotée en interne d’un plan d’action Mixité.
Vous nous avez interrogés sur la manière d’inciter les salariés à voter massivement. Si le nombre de salariés syndiqués est ce qu’il est dans notre pays, je rappelle néanmoins que la participation aux élections professionnelles est supérieure à 60 %, soit une forte mobilisation, et que, par ailleurs, l’action des organisations syndicales bénéficie à l’ensemble des salariés, qu’ils soient syndiqués ou non. C’est ainsi que 93 % d’entre eux sont couverts par une convention collective. Cela est rarement mis en avant, ce qui plaide pour une meilleure valorisation de l’action syndicale.
Nous sommes favorables à la création de la prime d’activité. Quant au compte personnel d’activité, il s’est invité de façon un peu surprenante dans ce projet de loi. Nous y sommes également favorables, à condition toutefois que nous prenions le temps de discuter de ce qu’il contiendra.
En ce qui concerne les intermittents, je ne reviendrai pas sur la question de la représentativité patronale, qui a fortement perturbé les dernières négociations. Nous sommes opposés aux dispositions portées par ce projet, car elles remettent en cause la solidarité interprofessionnelle du régime d’assurance-chômage. La CFDT défend la sécurisation des parcours et refuse de voir sanctuariser dans la loi un modèle qui risque d’aboutir à une généralisation de la précarité. En outre, nous nous interrogeons sur la manière dont seront désignées les organisations syndicales et patronales représentatives de l’ensemble des professions du spectacle.
Mme Agnès Le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. En théorie, nous considérons que traiter conjointement, au sein d’une même instance représentative, des questions liées au développement économique et financier de l’entreprise et celles qui touchent à la santé au travail est une bonne chose. Cependant, l’entreprise n’est pas le monde des Bisounours, même quand les IRP y fonctionnent correctement, et la logique de rationalisation qui sous-tend ce projet de loi risque d’aboutir progressivement au passage à la trappe des questions de santé au travail et de conditions de travail. J’en veux pour preuve mon expérience de DUP dans ce qui était à l’époque le plus grand multiplexe cinématographique de France, avec cent cinquante salariés, où il a fallu l’intervention du CHSCT pour pouvoir protéger les deux salariés qui fabriquaient le pop-corn et qui se brûlaient car ils étaient mal équipés. S’il veut être porteur de progrès dans l’entreprise et dans la société, le dialogue social ne peut faire l’impasse sur ces questions. Nous ne considérons donc pas ce projet de loi comme un texte équilibré. Si nous saluons les avancées accomplies en matière de représentation collective des salariés des TPE, les autres dispositions concernant les IRP font que, globalement, il n’est pas bénéfique pour la majorité des salariés.
Nous demandons que l’annualisation et la mutualisation des heures soient possibles, entre titulaires mais aussi entre titulaires et suppléants, afin d’éviter qu’elles soient perdues ou mal utilisées. Nous ne sommes pas opposés à ce que cette mesure soit assortie de garde-fous, pour empêcher que toutes ces heures soient utilisées en une seule fois.
En ce qui concerne le mandatement, nous considérons que c’est aux délégués syndicaux qu’il revient en priorité de négocier les accords d’entreprise, dans la mesure où les organisations syndicales sont légitimées par le vote des salariés et qu’elles négocient en leur nom à tous. En l’absence de délégué syndical, cette mission pourra être confiée à un représentant du personnel, mandaté par les organisations syndicales, comme ce fut le cas lors des négociations sur les 35 heures. Nous y voyons un moyen de renforcer la présence syndicale dans les entreprises, ce qui est l’un de nos combats.
On parle beaucoup des effets de seuil, qui font l’objet d’une multitude d’études, dont certaines proprement abracadabrantes. Je vous renvoie, pour ma part, à celle de l’INSEE, qui démontre que les seuils sont sans effet sur les créations ou les suppressions d’emploi. Aborder le dialogue social à travers ce seul prisme risque donc de nuire à son efficacité et de nous détourner de nos objectifs.
Permettre aux suppléants des représentants du personnel et des délégués du personnel d’assister aux réunions plénières est extrêmement important pour le bon développement des IRP. Les suppléants, en effet, qui sont appelés pour certains à devenir titulaires, ont besoin de se former. Cela garantit, en outre, la continuité des actions menées par ces instances. Nous déplorons donc que certains abordent le dialogue social par le petit bout de la lorgnette en ne se focalisant que sur le coût que représentent ces suppléants, au lieu de considérer ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise, aux salariés comme aux employeurs.
Nous avons fait plusieurs propositions visant à améliorer le fonctionnement des commissions paritaires mises en place pour la représentation des salariés des TPE. La région nous paraît un cadre trop large, peu propice à la proximité avec les TPE, qui ont un fort besoin de dialogue social. Ces commissions doivent pouvoir traiter de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) et disposer de plus de moyens, le projet de loi limitant à cinq heures par mois, au-delà du temps de présence en commission, le temps alloué à leurs représentants. Les organisations syndicales doivent faire en sorte de réfléchir à la manière de se déployer au mieux, dans le cadre de ces instances, en direction des TPE, mais cela exige de faire évoluer leur statut pour que leurs représentants aient un vrai rôle de DP et que la concertation puisse s’organiser au mieux lorsqu’un salarié porte réclamation.
En matière de hiérarchie des normes, nous prenons acte du fait qu’une mission sur le sujet vient d’être confiée au président de la section sociale du Conseil d’État. Il est grand temps, en effet, de procéder à une évaluation des effets induits sur les garanties individuelles et collectives par le mouvement d’inversion de la hiérarchie des normes et la multiplication des accords dérogatoires à l’œuvre dans notre pays depuis un quart de siècle. Une grande majorité de salariés est encore couverte par des conventions collectives, mais celles-ci peinent à produire de la norme du fait de leur trop grand nombre – c’est la raison pour laquelle la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) réfléchit actuellement à un regroupement des branches professionnelles. Dans une économie comme la nôtre, caractérisée par une forte hétérogénéité et une importante interdépendance des entreprises, l’accord d’entreprise ne peut être considéré comme l’alpha et l’oméga de la construction de normes sociales. Au contraire, au lieu de contribuer à renforcer les garanties collectives, il contribue, selon nous, à les émietter.
Les organisations syndicales font preuve d’un certain volontarisme pour accroître la participation des salariés aux élections professionnelles, sachant néanmoins que, là où il existe des IRP, la participation est déjà supérieure à 60 %, preuve que les salariés nous reconnaissent un rôle utile. En matière de mixité des listes, nous pensons que, sans dénaturer l’objectif de la parité, un peu de souplesse est nécessaire dans le dispositif, en particulier pour les TPE, où il est parfois difficile de constituer des listes syndicales – nous vous ferons des propositions en ce sens.
La CGT a joué un rôle actif pour trouver une issue au conflit des intermittents. Nos organisations divergent sur ce point, mais nous sommes, pour notre part, satisfaits par les dispositions du projet de loi, notamment l’officialisation du comité d’expertise.
Notre avis sur la prime d’activité est, en revanche, mitigé, car cette mesure risque de passer à côté de ses objectifs : il y a peu de chance en effet que, à budget constant, cette prime améliore la situation des salariés. Nous estimons que la question doit être abordée de manière plus globale, dans le cadre d’une conférence sociale sur l’emploi et les salaires.
Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO). Le fait que, dans notre pays, un accord national interprofessionnel couvre l’ensemble des salariés et qu’un accord de branche couvre l’ensemble des salariés de la branche n’incite pas forcément les salariés à se syndiquer. Cela étant, le taux de syndicalisation est également tombé à 17 % en Allemagne et il est en diminution dans d’autres pays où représentation et adhésion syndicales sont liées.
À notre sens, le mandatement n’est pas de nature à améliorer cette situation, et il est contraire au principe selon lequel sont légitimes les organisations majoritaires issues des élections professionnelles. Nous considérons donc qu’il est préférable de s’orienter vers des mesures susceptibles de conforter la présence syndicale dans l’entreprise, et c’est dans cette optique que nous avons saisi le Comité de la liberté syndicale de l’OIT sur la possibilité de rétablir, ainsi qu’il en avait fait la demande au Gouvernement, la libre désignation du délégué syndical, conformément à la convention n° 87 de l’OIT. Le Gouvernement n’a, pour l’heure, pas répondu, ce dont lui donne pourtant l’occasion ce projet de loi.
Nous ne sommes pas défavorables aux DUP dans la mesure où les instances qu’elles regroupent conservent leurs prérogatives. En revanche, ce que propose ce projet de loi s’apparente davantage à une fusion qu’à un regroupement puisque les IRP ne conservent pas leurs moyens, un titulaire étant, par exemple, remplacé par deux suppléants, lesquels ne siègent pas. Les CE doivent gérer une multitude d’informations liées à l’incessante mise en œuvre de dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles, à quoi s’ajoutent leurs activités sociales et culturelles, ainsi que la tenue de diverses commissions obligatoires. Ils ont donc besoin de moyens humains, et leurs tâches sont d’ordinaire réparties entre titulaires et suppléants.
En ce qui concerne les heures de délégation, leur mutualisation n’engendre aucun coût supplémentaire puisque ce que nous réclamons, c’est une mutualisation annuelle, permettant d’utiliser les heures qui ne le seraient pas pour cause de congés annuels ou de congés maladie.
Notre organisation est très attachée à la hiérarchie des normes, qui protège l’ensemble des salariés. Au sein de l’entreprise, les négociations pour aboutir à un accord sont parfois difficiles. Par ailleurs, en 2013, 123 000 procès-verbaux de carence ont été dressés à l’occasion des élections, soit autant d’entreprises dépourvues d’IRP auxquelles il faut ajouter celles, nombreuses, qui devraient organiser des élections mais ne le font pas. On ne peut donc parler d’égalité de droits entre les salariés. La hiérarchie des normes est donc, à nos yeux, essentielle pour protéger les salariés, a fortiori lorsque, dans un contexte difficile qui donne lieu à des négociations tendues, ceux-ci peuvent se trouver exposés à des formes de chantage, auxquelles ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils n’ont pas de couverture syndicale.
Dire que les seuils existant en matière de représentation des salariés posent problème relève de l’idéologie. D’ailleurs, la question n’a guère été abordée par les organisations patronales lors de la négociation sur la modernisation du dialogue social. En réalité, ce sont les seuils administratifs et la paperasserie qu’ils entraînent qui sont problématiques ; c’est donc au Gouvernement et non aux partenaires sociaux d’y remédier.
Nous ne sommes pas défavorables à la prime d’activité. Quant au compte personnel d’activité, nous n’avons pas assez d’éléments pour pouvoir nous prononcer : quoique l’idée soit intéressante, nous restons prudents.
Nous insistons sur le rôle que doit conserver le CHSCT au sein de la DUP. Il n’est pas question qu’il ne puisse plus s’emparer des problèmes touchant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, qui relèvent de la responsabilité de l’employeur et dont l’assurance maladie ne doit pas avoir à assumer les conséquences. Le CHSCT doit garder intactes ses facultés d’investigation, ce que semble compromettre la mise en place d’une expertise commune entre les différentes instances : en effet, le CE quand il cherche à s’informer sur la situation générale de l’entreprise et sa stratégie, fait appel à des experts-comptables, tandis que le CHSCT s’en remet à des médecins du travail, à des experts en santé et en organisation du travail, dans un champ distinct. Dans un contexte économique difficile, marqué par une recrudescence des risques psychosociaux et de la souffrance au travail, nous refusons que le CHSCT soit mis en difficulté et qu’il perde sa capacité à agir dans l’urgence. S’il est inclus dans la DUP, il doit garder sa personnalité juridique et morale.
La représentation des salariés des TPE figurait parmi nos demandes. Cependant, telles qu’elles sont conçues, nous craignons que les commissions paritaires ne puissent pas obtenir les résultats escomptés. Cantonnées à un rôle d’information et de conseil, qui plus est à l’échelle régionale – dans treize régions élargies –, et leurs représentants ne disposant que de cinq heures de délégation, elles risquent fort de ne pouvoir appréhender correctement les problématiques des TPE. Que penser enfin du fait que l’accès des entreprises soit interdit à leurs membres : c’est inimaginable ! Nous réclamons que ces commissions soient des instances de conciliation, ce qui a tout son sens lorsqu’on sait que 80 % des recours devant les prud’hommes émanent de salariés de TPE et qu’ils sont souvent liés à des questions d’interprétation de la convention collective. Elles doivent aussi pouvoir proposer aux salariés des activités sociales et culturelles. Quant à leur composition, nous sommes favorables à un panachage entre représentation nationale et représentation régionale. Quid, en effet, des régions, comme la Corse ou les DOM, où il n’y a pas d’organisations syndicales représentatives au niveau national ?
En ce qui concerne la mixité, nous considérons qu’en proposant une mesure répressive plutôt qu’incitative – par exemple, une augmentation des heures de délégation –, le texte ne va dans le bon sens : il n’est pas normal que des salariés élus voient leur élection annulée au motif que la liste sur laquelle ils se présentaient n’était pas équilibrée. Si la mixité est mal assurée sur les listes syndicales, c’est avant tout pour des questions de rémunération ou de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC. Nous sommes globalement en accord avec la philosophie du projet de loi, sachant que ce sont les décrets qui nous permettront de confirmer cet accord. La CFTC vous fera parvenir une note complète, et je me contenterai donc de répondre ici à quelques points.
Nous sommes favorables au regroupement des IRP, si elles conservent leurs missions, leurs moyens et leurs prérogatives. Ce regroupement peut, en effet, accroître les droits des salariés, dans la mesure où ce sont tous les membres de la DUP qui seront dotés des compétences aujourd’hui dévolues aux seuls membres du CHSCT. Cette avancée sociale a, semble-t-il, échappé au patronat…
S’il y a trop de seuils, ce ne sont pas les seuils sociaux, mais les seuils fiscaux qui sont en cause. L’INSEE indique que les entreprises de cinquante salariés représentent en France 14 % des entreprises de dix à 249, contre 18 % en Allemagne, les effets de seuil ne jouant que pour 0,3 point dans cet écart de quatre points. Par ailleurs, 4 200 entreprises comptent dans notre pays entre quarante-sept et quarante-neuf salariés. Si l’on supprime le seuil de cinquante salariés et que ces entreprises embauchent chacune deux salariés – hypothèse à laquelle je ne crois guère – 8 400 emplois auront été créés : on est loin du million de M. Gattaz… Ces chiffres montrent bien que les seuils sont un problème marginal, avant tout psychologique, ce que confirme le fait que les entreprises de cinquante et un salariés sont moins nombreuses que celles de cinquante salariés, celles de cinquante-deux salariés moins nombreuses que celles de cinquante et un, et celles de cinquante-trois salariés moins nombreuses que celles de cinquante-deux.
Il est un seuil, en revanche, que la représentation nationale peut tout de suite supprimer, c’est celui qui empêche les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés de bénéficier de la participation aux bénéfices. Ce geste de justice sociale ne sera en rien pénalisant pour les entreprises puisque, par définition, ne seront concernées que celles qui font des bénéfices : s’il reste un gaulliste dans la salle, il me comprendra…
Le projet de loi ne dote pas les commissions paritaires régionales des moyens suffisants. La taxe de 0,016 % sur les salaires sert aujourd’hui à financer les missions des organisations syndicales ; si le nombre de ces missions augmente, les moyens doivent eux aussi augmenter. De ce point de vue, s’agissant de la prime d’activité, la CFTC n’est pas hostile, sur le principe, à ce qu’elle concerne les étudiants et les apprentis, mais nous souhaiterions des précisions sur son financement, car il ne s’agit pas d’élargir des dispositifs sans financement supplémentaire.
J’en termine par la vision idéologique qui oppose systématiquement les objectifs du patronat et des syndicats. Dans la réalité, des accords sont signés tous les jours dans les branches ou les entreprises, voire au niveau national. Certes, nous pouvons avoir des différends – notamment sur la question des salaires –, mais nos objectifs sont les mêmes : je vous renvoie ici à un excellent document sur la compétitivité française, cosigné par trois organisations patronales et trois organisations syndicales qui y partagent leurs constats et en tirent des propositions. Il faut donc en finir avec l’idée d’une perpétuelle lutte des classes, bien commode pour ceux qui ne veulent pas bouger de leurs positions.
Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC. Les cinq organisations présentes autour de cette table ont en commun de croire au dialogue social, ne serait-ce que parce que les chiffres démontrent que, dans les entreprises où il fonctionne bien, le niveau des grilles salariales est meilleur. On sait aussi que les accords de compétitivité aident certaines entreprises à affronter les difficultés économiques, ce qui doit tous nous inciter au pragmatisme.
Si la CFE-CGC n’a pas accepté le regroupement des IRP lors de la négociation, c’est que le statut du CHSCT ne s’y trouvait pas sécurisé. Dans la mesure où le projet de loi lui conserve son rôle, nous n’avons plus de raison de nous opposer à ce regroupement. Nous demandons toutefois qu’il soit doté d’un secrétaire adjoint afin de gérer un ordre du jour dont quatre des six séances annuelles seront consacrées aux conditions de travail.
Les seuils sont, à nos yeux, un faux problème, car les entreprises qui voient s’ouvrir de gros marchés n’auront pas d’états d’âme pour embaucher en s’accommodant du droit du travail.
L’annualisation et la mutualisation des heures de délégation sans perte de moyens ne nous semblent pas davantage poser problème. Nous serons cependant vigilants sur les décrets d’application et veillerons à ce qu’ils ne se traduisent pas par des pertes ou des gains de moyens pour les entreprises en fonction de leur taille.
Nous avons, en revanche, des exigences sur le nombre d’administrateurs salariés. Nous sommes d’accord avec le principe de simplification à l’œuvre dans ce projet de loi, qui abaisse de dix-sept à trois le nombre de consultations et regroupe les négociations en trois grands thèmes, mais cela ne peut se faire sans un véritable échange loyal en amont dans les instances de gouvernance. Dans cette optique et pour renforcer la responsabilité sociale de l’entreprise, les administrateurs salariés doivent être associés aux discussions sur la stratégie de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit abaissé à mille salariés le seuil au-delà duquel l’entreprise doit compter des administrateurs salariés.
Nous prenons acte de la mise en place de la mission Combrexelle sur l’inversion de la hiérarchie des normes. Il n’empêche que nous sommes les mieux à même de constater sur le terrain qu’elle entraîne un abaissement du seuil des garanties. Nous sommes attachés au maintien des négociations de branche, a fortiori lorsque celles-ci seront regroupées – trente-sept ont déjà été fermées, et il est envisagé de réduire leur nombre de sept cents à trois ou quatre cents, puis à cent cinquante –, et à la consolidation des conventions collectives : je rappelle que le modèle allemand, tant vanté, se caractérise par le poids dominant des conventions collectives de branche.
La question des suppléants est très importante à nos yeux. Ils renforcent la présence syndicale au niveau local et sont des relais d’information d’autant plus nécessaires que l’on réduit le nombre d’instances. En outre, la vocation syndicale débute souvent par la prise d’un mandat de suppléant.
Les intermittents adhérents à la CFE-CGC sont satisfaits de voir leur statut en quelque sorte sanctuarisé par la loi. Cela pose néanmoins la question de la responsabilité et de la marge de manœuvre des partenaires sociaux dans la négociation bisannuelle du régime d’assurance chômage et la réduction de son déficit. Gardons-nous de toute mesure qui pourrait faire jurisprudence, ou la CFE-CGC pourrait fort bien demander une même sanctuarisation pour les cadres !
Nous ne sommes pas, sur le principe, opposés au compte personnel d’activité, dont nous considérons qu’il nous fait entrer dans une dynamique de création d’un droit attaché au salarié, à l’instar du compte personnel de formation, du compte de pénibilité ou des droits rechargeables, qui participent de la même logique, dont nous pensons qu’elle peut contribuer à améliorer la mobilité professionnelle et donc l’emploi.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Mesdames, messieurs, il me reste à vous remercier pour votre participation à cette table ronde.
La Commission des affaires sociales entend des représentants des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) sur le présent projet de loi, lors de sa première séance du mercredi 6 mai 2015.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Après avoir entendu les organisations représentatives des salariés, nous allons maintenant auditionner les organisations représentatives des employeurs autour du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), chargée des affaires sociales. Je commencerai par vous dire ce que pense la CGPME de l’article 1er du projet de loi, qui tend à créer des commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional. Notre organisation s’y est toujours opposée, parce que, dans nos entreprises, le dialogue est direct. Deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ne comptent que cinq salariés. Par conséquent, quand on a quelque chose à dire au patron, il suffit de pousser sa porte, voire d’aller le trouver dans l’atelier. Institutionnaliser la démarche au travers de ces commissions va, à notre avis, détériorer ce dialogue direct.
Les salariés membres de ces commissions seront issus des TPE-PME. Pour une entreprise qui compte moins de cinq salariés, ce sera une personne de perdue, entre les réunions de cette commission et les cinq heures en plus du temps consacré à ces séances – sauf « circonstances exceptionnelles » dont on ne sait d’ailleurs pas grand-chose. Cela veut dire que la force de travail s’en va, que le chef d’entreprise ne peut pas l’en empêcher. De ce point de vue, nous n’avons rien à redire ; simplement, cela pose un problème d’organisation. Imaginez une entreprise dont le seul salarié serait membre d’une commission ! Le problème est donc énorme en termes d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise.
Pour l’instant, ces commissions n’ont que deux missions : informer les salariés et les employeurs, et parler de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Pour ce qui est de l’information, nous pensons préférable de la laisser aux syndicats de salariés et aux branches. Quant à la GPEC, si c’est une bonne chose de s’intéresser à la formation et aux conditions de travail, là encore, les branches étaient en capacité de le faire, même si elles s’organisaient en filières.
Nous ne souhaiterions pas voir ajouter une mission de médiation, ou plutôt de conciliation. Si cette mission était inscrite dans la loi, le chef d’entreprise risquerait d’être contraint, par le médiateur ou le conciliateur, de donner des documents qu’il peut ne pas avoir envie de communiquer.
Il y a aussi une ambiguïté sur la composition du collège patronal. La répartition entre les trois organisations interprofessionnelles se ferait à l’aune de la représentativité régionale, sauf que, jusqu’à maintenant, personne ne l’a mesurée. Cela reste, pour la CGPME, un problème important de représentativité.
Nous avons aussi une difficulté avec le financement des cinq heures supplémentaires : le texte ne le prévoit pas et aucune ligne budgétaire correspondante n’existe au fonds de financement des organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés. Nous sommes donc dubitatifs et restons très opposés à cette partie du texte.
Les articles 13 et 14 entament une rationalisation des consultations et des négociations. C’est un petit pas sur lequel nous mettons quelques bémols. Le point le plus important pour la CGPME – aider les entreprises à passer de quarante-neuf à cinquante et un salariés – n’est pas traité. Le texte ne prévoit rien s’agissant des trente-quatre obligations liées au passage de ce seuil, qui doivent toujours figurer dans le rapport au comité d’entreprise (CE). Il ne traite pas non plus de la superposition de ces obligations avec celles prévues par la base de données économiques et sociales (BDES). Nous aurions aussi souhaité voir évoluer les choses sur ce point. On nous dit que cela relève du domaine réglementaire. C’est une manière de botter en touche s’agissant d’un élément essentiel pour permettre de faire grandir les entreprises.
La nouvelle délégation unique du personnel (DUP) est un petit pas qu’il faut relativiser. L’exposé des motifs énonce clairement que toutes les institutions, les compétences et les missions demeurent, que les moyens actuels des élus seront globalement préservés, et l’article L. 2326-4 en est la traduction. Il y aura peut-être moins de réunions, mais il ne s’agit que d’un petit allégement. Nous aurions souhaité que le texte aille plus loin.
D’autres dispositions ne vont pas forcément dans le sens de la simplification. Ainsi, à l’article 15, relatif à la négociation en l’absence de délégué syndical, avant de négocier avec un élu du personnel comme le prévoit actuellement le code du travail, l’employeur devra négocier en priorité avec un représentant élu du personnel mandaté par une organisation syndicale. Cette disposition nous semble alourdir et rigidifier le code du travail.
La CGPME n’oppose pas les très grandes entreprises aux plus petites – le tissu économique a besoin de toutes –, mais il faut comprendre qu’une entreprise de plus de 300 salariés ne se gère pas comme une plus petite. Si l’on peut imaginer laisser l’accord d’entreprise aux premières, pour les secondes, le niveau pertinent est celui de la négociation de branche.
Nous avons donc un regard extrêmement posé sur l’article 1er. Les autres articles constituent un tout petit pas dans le bon sens, mais je le répète, nous regrettons que le texte ne soit pas allé plus loin.
La partie du projet de loi concernant les intermittents du spectacle, avec son dispositif en trois temps, est d’une lourdeur extrême. D’abord, les confédérations définissent un document d’orientation, donnant notamment une trajectoire financière mais pas d’enveloppe fermée – ce qui, pour nous, était un point important. Ce document est ensuite envoyé aux représentants patronaux et salariaux des secteurs employant des salariés intermittents du spectacle, pour servir de base aux négociations. Après quoi, les confédérations interprofessionnelles se prononcent sur l’accord obtenu, l’approuvant en tout ou partie ou le repoussant. Dans ce cas, on renvoie à une négociation classique. Au moment où l’on parle de simplification, on aurait pu se passer d’une telle lourdeur !
J’en arrive au compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous ne voyons pas en quoi l’article 19 clarifie certaines obligations. Nous souhaiterions savoir ce que vous pensez introduire dans la loi pour assouplir ce dispositif, que nous avons beaucoup de mal à appliquer, que ce soit dans les grandes entreprises ou les TPE-PME, les chefs d’entreprise se refusant à devoir tracer tous les jours la durée d’exposition aux risques de leurs salariés. Cela reste un sujet extrêmement compliqué dans les entreprises que nous représentons.
M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Je dirai en préambule que nous aurions préféré un accord plutôt que de laisser la main au Gouvernement, comme le prévoit la loi de 2007.
Je n’ai pas la même analyse que Geneviève Roy sur l’article 1er, qui pose le principe d’une représentation universelle des salariés. La question de la représentation du personnel dans les petites entreprises n’est pas nouvelle. Elle est régulièrement posée depuis les lois Auroux, et encore au cours du quinquennat précédent.
Aujourd’hui, le Gouvernement propose de généraliser des dispositifs existants. Le plus ancien, dans le secteur de l’agriculture, est issu d’un accord paritaire avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), en 1992. Un accord du même type est intervenu dans le secteur de l’artisanat en 2001. Plus récemment, les professions libérales sont également parvenues à mettre en place des commissions paritaires régionales. Je signale au passage que, dans le secteur de l’agriculture ou des professions libérales, il s’agit d’accords multiprofessionnels. Il y aura sans doute une rectification rédactionnelle à apporter.
Dans le document d’orientation que nous avons reçu en juillet 2014, la question des entreprises de onze à quarante-neuf salariés était abordée. Or ce sont aujourd’hui les grandes oubliées de la réforme.
Selon ce document d’orientation, des constats de carence sont faits dans les trois quarts des entreprises où la loi impose l’élection d’un délégué du personnel. Cette situation crée souvent de l’insécurité juridique. Il conviendrait d’augmenter le seuil d’élection d’un délégué du personnel à vingt-six salariés minimum, et de faire couvrir ceux des entreprises de moins de vingt-six salariés par les commissions paritaires existantes ou à créer.
Dès lors que la loi pose le principe d’une représentation via des commissions paritaires régionales, il nous semble indispensable de supprimer la disposition concernant les délégués de site, qui existe toujours dans le code du travail. Faute de quoi, il y aurait deux dispositifs concurrents. Dans la logique du choc de simplification, il conviendrait de ne conserver qu’un dispositif.
Par ailleurs, la loi va imposer que les représentants des salariés dans ces commissions soient issus des catégories d’entreprises de moins de onze salariés. L’UPA n’y est pas totalement hostile, mais nous considérons que dans un dialogue social, il faut parler de la même réalité. Or nous avons l’expérience des commissions régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) dans lesquelles, en vertu de l’accord de 2001 et de la charte de fonctionnement des CPRIA, les représentants des salariés doivent être issus de ces catégories d’entreprises. Depuis 2010, vingt-deux CPRIA ont été mises en place sur l’ensemble du territoire, et sur environ 200 représentants des salariés, ceux qui sont issus de nos catégories d’entreprises se comptent sur les doigts d’une main. Il ne faut pas laisser cette disposition en l’état sous peine de nous retrouver dans la même situation que celle que j’évoquais tout à l’heure à propos des délégués du personnel, c’est-à-dire avec un code du travail plus virtuel que praticable.
Je rejoins ce qu’a dit Geneviève Roy sur la composition des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), que j’appelle les « commissions paritaires régionales voitures-balais ». Les règles aujourd’hui applicables pour la représentativité patronale ne permettent pas d’identifier les entreprises de moins de onze salariés – ou vingt-six si vous décidiez de rehausser le seuil. C’est d’ailleurs une observation du Conseil d’État.
Nous estimons que la disposition relative aux intermittents du spectacle devrait être retirée du projet de loi. Outre la complexité du sujet, il n’y aura jamais d’accord entre les partenaires sociaux du secteur des intermittents. En outre, on rompt le principe fondamental de solidarité du régime d’assurance chômage, quels que soient le salarié et le secteur d’activité.
L’article 21 pose le principe du compte personnel d’activité. Alors que le compte personnel de prévention de la pénibilité nous pose déjà d’énormes soucis – et pas parce que nous sommes opposés à améliorer la prévention –, la proposition nous semble bien curieuse : la représentation nationale est invitée à voter un compte dont on ne connaît pas le contenu…
Il faut arrêter de créer des dispositifs sans avoir procédé au préalable à une expérimentation. Nous ne sommes pas contre par principe, mais une vraie concertation suivie d’une expérimentation montrant s’il est possible de généraliser le dispositif nous paraît être la démarche appropriée pour passer d’un droit virtuel à un droit praticable.
Pour terminer sur une note positive, je salue la création de la prime d’activité. Pour une fois, on n’ajoute pas un dispositif, on en fusionne deux et on simplifie. Cette prime d’activité devrait être élargie aux apprentis majeurs.
M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social. Je regrette l’échec de la longue négociation menée entre octobre 2014 et janvier 2015, d’autant que nous étions tout près du but. Les propositions du MEDEF dans cette négociation portaient le germe de réformes structurelles ambitieuses et structurantes pour les entreprises et le fonctionnement du dialogue social. L’objectif était simple : rebâtir sur le principe de la confiance le dialogue social, aujourd’hui enseveli sous un empilement de règles formelles, souvent redondantes ou incohérentes ; le réinventer pour en faire à la fois un facteur de compétitivité pour l’entreprise et de progrès social pour le salarié. Nous sommes convaincus que seule une réforme profonde des outils du dialogue social lui redonnera toute sa valeur et son efficacité.
Le projet de loi que vous allez examiner reprend quelques idées que nous avions portées dans la négociation, mais il lui manque l’essentiel : la vision d’une réforme d’ensemble. Alors que le système que nous avions élaboré aurait réglé la question pour bon nombre d’années, elle n’est aujourd’hui traitée que très partiellement.
Parmi les quelques reprises positives, je note le regroupement des consultations en trois temps forts, le regroupement de la négociation et la possibilité d’en négocier la temporalité, la possibilité d’organiser des réunions communes sur des sujets intéressant plusieurs instances, la réduction du nombre des réunions obligatoires et la meilleure articulation entre instances. Si cet apport de cohérence et de simplicité ne peut qu’être salué, malheureusement, il ne suffira pas pour abandonner le formalisme et les postures au profit de discussions structurantes pour l’entreprise.
Beaucoup d’autres dispositions du texte suscitent des réserves de notre part. Les dispositions relatives aux instances de représentation du personnel, bien qu’étant source de simplification, restent très éloignées de l’instance unique qui est, selon nous, le seul outil qui permette de repenser en profondeur la mission de représentation du personnel dans l’entreprise.
La délégation unique du personnel ne manque pas de susciter des interrogations. D’abord, pourquoi le seuil est-il relevé à 300 salariés ? Sachant que de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) vont franchir ce seuil dans leur pleine période de croissance, cela n’a aucun sens. Quitte à fixer un seuil, autant le faire au moins à 1 000 salariés, pour que cette simplification bénéficie vraiment à notre pays qui en a tant besoin. Ayons conscience que l’existence de trois instances est une spécificité française qui n’est pas de nature à améliorer l’attractivité de notre pays. On aura beau simplifier, en les maintenant toutes trois, on conserve toute l’absurdité du système vis-à-vis du reste du monde ainsi que sa fragilité.
Ensuite, deux aspects de la possibilité de fusion par accord nous étonnent. Pourquoi n’ouvrir cette faculté qu’au-delà de 300 salariés ? C’est tout le charme de notre droit du travail que de fixer des obligations et de refuser la confiance aux dirigeants et aux salariés pour élaborer ensemble les outils les plus adaptés au bon fonctionnement de l’entreprise.
Une remarque, au passage, sur la consultation des instances représentatives du personnel (IRP). Au prétexte de la simplification, on rajoute un nouveau thème de négociation sur un périmètre plus large qu’auparavant, concernant l’articulation entre vie personnelle et professionnelle ; on inclut également la notion de lutte contre les discriminations en matière de recrutement, ce qui est également un nouveau domaine.
S’agissant de la négociation en l’absence de délégué syndical, nous ne comprenons pas la tutelle qui est imposée. Loin de nous l’idée de remettre en cause le monopole de négociation des syndicats lorsqu’ils sont présents dans l’entreprise. Mais lorsqu’ils sont absents, la négociation n’a de sens que si elle a lieu dans l’entreprise. Nous ne voyons pas à quel titre ce mandatement et cette tutelle auraient leur place dans une réforme.
Les commissions paritaires régionales figuraient dans le projet d’accord porté par le MEDEF dans le cadre d’une réforme d’ampleur, complète et systémique, qui apportait des réponses d’avenir. Nous ne voyons pas ce qu’elles viennent faire aujourd’hui, dans ce texte partiel qui traite des sujets regardant les entreprises de plus de cinquante salariés. Faisons confiance aux territoires. L’UPA a montré que certains secteurs ont été capables de s’organiser. Et cessons de fixer de nouvelles obligations quand on ne traite pas un sujet dans son ensemble.
S’agissant de la représentativité patronale, la loi du 5 mars 2014 est inachevée. En fixant des règles différentes dans les différents domaines d’intervention du dialogue social – création de normes, répartition des sièges, partage des subventions – elle pose de nombreux problèmes, crée un système bancal et instable.
En ce qui concerne le régime des intermittents du spectacle, nous sommes très inquiets de la sanctuarisation des annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage, qui constitue une brèche dans la négociation paritaire interprofessionnelle et dans la gestion du régime d’assurance chômage. Il eût été tout à fait possible d’organiser, comme on le fait avec les autres secteurs, en marge des négociations, des discussions avec les organisations sectorielles. Une fois qu’on a accepté un régime dérogatoire pour quelqu’un, à quel titre pourrait-on le refuser à un autre ?
Enfin, nous déplorons l’intervention de l’État, via un comité d’experts, dans un processus de négociation strictement paritaire.
Quant à la sécurisation des parcours professionnels, le MEDEF est prêt à en discuter, mais il réclame plus de détails et, surtout, que ce dispositif s’articule correctement avec la problématique de flexisécurité et l’ensemble de la réflexion sur la flexibilisation du marché du travail.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je voudrais d’abord rappeler les enjeux du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
Le premier est le règlement de la question de la représentation de l’ensemble des salariés dans ce pays, qui existe depuis longtemps. La mise en place de commissions paritaires régionales nous semble être une avancée significative.
Le deuxième enjeu est la reconnaissance des parcours syndicaux, puis l’efficacité des instances représentatives du personnel (IRP), grâce, notamment, au dispositif de la DUP. J’ai bien entendu que vous considériez celle-ci comme un pas, quoique insuffisant. Je pense, pour ma part, qu’il s’agit d’une avancée intéressante.
Au-delà du dialogue social, d’autres éléments méritent d’être soulignés. Je pense notamment à la question des intermittents, qui figure dans ce texte parce qu’elle n’a jamais été traitée comme les autres, alors que la problématique revient très régulièrement.
La prime d’activité est un élément qui permet de sortir d’une stigmatisation extrêmement préjudiciable aux bénéficiaires des dispositifs existants. Elle constitue un accompagnement à la reprise d’une activité, ainsi qu’un accompagnement à une véritable activité salariée. Elle s’adresse à des gens qui travaillent, dont le contrat et le nombre d’heures effectuées ne leur permettent pas de percevoir un revenu suffisant pour vivre dignement.
M. Burban a souligné la composition des commissions régionales. J’ai bien entendu son interrogation sur la représentation, mais nous sommes face à un dilemme entre la nécessité d’avoir dans ces commissions des salariés issus des entreprises en question et les difficultés que cela risque de poser dans les très petites structures, et dont s’est inquiétée Mme Roy. Toutefois, il faut ramener ce problème à sa juste proportion : dans les grandes régions, dix salariés, cela correspond « seulement » à dix entreprises qui peuvent être touchées. Comment trouver le bon équilibre entre la représentation effective des salariés dont on parle et le complément, que suggère M. Burban, par les organisations représentatives ? Quelle pourrait être votre approche sur ce sujet ?
S’agissant des missions de ces commissions, j’ai entendu vos réticences sur la question de la médiation ou de la conciliation, en particulier au regard de son éventuel côté intrusif. Êtes-vous totalement fermé à cette disposition ? Dans le cadre du paritarisme, n’y aurait-il pas, dans des cas de conflit, un accompagnement à imaginer, une forme de représentation conjointe des employeurs et des salariés desdites commissions ? Voyez-vous une piste sur laquelle nous pourrions travailler ?
En matière de DUP, la demande des organisations représentatives de salariés est forte en faveur de l’annualisation et de la mutualisation des heures ainsi que sur le traitement des suppléants. Avez-vous une position sur ces demandes ?
En ce qui concerne la représentativité, le texte évoque une phase transitoire jusqu’en 2021. Il conviendrait de la mettre à profit pour réfléchir à un meilleur encadrement, sachant que la représentativité des salariés est couverte par un texte tandis que celle des employeurs souffre d’un problème de délais.
M. Michel Liebgott. À vous entendre après les organisations syndicales, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde. Alors que nous nous interrogions tout à l’heure sur la médiation, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le mandatement, la base de données économiques et sociales (BDES) ou les administrateurs salariés, en cet instant, j’ai plutôt un sentiment d’échec et l’impression qu’il faudrait revoir notre droit social de fond en comble. Pourtant, aujourd’hui, 36 517 accords d’entreprise et 951 accords de branches professionnelles ont été conclus dans notre pays ; des textes sur la sécurisation de l’emploi ont été adoptés, qui peuvent satisfaire et les organisations patronales et certaines organisations syndicales. Il en est de même pour la formation professionnelle.
J’ai néanmoins entendu des choses positives. Les CPRIA fonctionnent, en effet, depuis un certain nombre d’années, ce qui rend quelque peu curieuses les précautions invoquées pour les commissions paritaires régionales. Puisqu’elles fonctionnent à la fois dans l’artisanat, dans le monde agricole et auprès des professions libérales, pourquoi ne pourrait-il en aller de même dans d’autres branches ?
J’ai aussi noté que vous étiez plutôt favorables à la prime d’activité. J’espère seulement qu’elle ne constituera pas un effet d’aubaine pour les entreprises, qui pourraient y voir un complément de salaire alors qu’elle vise à donner un supplément de pouvoir d’achat à des salariés modestes. C’est, me semble-t-il, ce que pourraient penser des syndicats qui se battront plutôt sur le montant du salaire.
Si je devais faire une comparaison avec les pays voisins, nous avons encore des progrès à faire. En Suède, par exemple, 55 % des salariés sont syndiqués, la couverture conventionnelle est de 65 % et il y a un vrai débat. Je pourrais parler de la même façon de l’Allemagne, car ce sont des pays dont la productivité est très bonne, avec un tissu d’entreprises, notamment moyennes, particulièrement dynamique. En Allemagne, dès cinq salariés, il est possible de constituer l’équivalent d’un comité d’entreprise. Cette cogestion n’est pas en soi un obstacle, bien au contraire.
Les résultats des enquêtes d’opinion sont inquiétants en ce qu’ils montrent que les négociations salariales ne constituent pas un gage de performance pour la société, et en particulier pour les entreprises. Nous pensons le contraire. Selon plusieurs études, une bonne ambiance sociale dans l’entreprise produit des effets sur la productivité et la réussite.
Vous n’avez pas évoqué le parcours de délégué syndical. Aujourd’hui, 11 % d’entre eux reconnaissent que cette fonction a été un frein, voire une source de discrimination. Signe plus inquiétant encore du mauvais état des relations sociales dans notre pays, 50 % des salariés considèrent qu’être délégué syndical peut être un handicap sur le plan personnel alors que ce devrait être, au contraire, un plus. Le texte s’intéresse à cette question, entre autres.
Nous sommes tous d’accord pour ne pas opposer les grandes entreprises aux petites. C’est bien, d’ailleurs, l’objectif poursuivi par le texte puisqu’il concerne directement 4,6 millions de personnes qui étaient jusqu’à présent totalement à l’écart. Moi qui suis un élu du bassin sidérurgique et qui ai connu le conflit ArcelorMittal, je peux vous dire que c’est toujours plus facile de s’en sortir quand on est dans une grande entreprise que quand on est dans une petite entreprise, qu’on en soit à la tête ou salarié : les moyens de l’entreprise sont moindres et les salariés sont moins représentés.
M. Gérard Cherpion. Je n’ai pas entendu la même chose que mon collègue Liebgott. Il y a, certes, des points de divergence avec les salariés, mais on ne peut imputer l’échec de la négociation en totalité à l’une ou l’autre partie. Il s’agit plutôt d’une absence de convergence. Dans vos rangs mêmes, d’ailleurs, vous avez des visions différentes du projet de loi.
La représentativité des TPE peut certes poser problème pour les plus petites d’entre elles, mais il s’agit de 130 personnes pour la France entière. Ne peut-on gommer cette difficulté en introduisant une représentativité partiellement d’origine nationale ou en jouant sur les seuils en poussant jusqu’à cinquante salariés ?
À propos de seuils, monsieur Burban, vous avez proposé de fixer celui du déclenchement de l’élection des délégués du personnel (DP) à vingt-six. Pourquoi ce chiffre ? Pour ce qui est de la DUP, je suis persuadé qu’il faut aller bien au-delà des 300, pour simplifier la mise en place de ces instances.
J’aimerais également avoir votre avis sur la négociation en l’absence de délégué syndical. Passe-t-on obligatoirement par un mandatement ou peut-elle se faire directement dans l’entreprise ?
M. Saubot a abordé rapidement le problème de la représentativité patronale, mais quid de la pondération, qui peut être diversement opérée ? Faut-il pondérer par le nombre de salariés ? Êtes-vous d’accord sur un type de pondération ?
Quant aux intermittents du spectacle, on est en train de créer un système spécifique, alors qu’il suffirait sans doute d’appliquer la loi de mars 2014.
M. Francis Vercamer. Le document d’orientation transmis aux organisations représentatives par le ministre faisait un constat critique de l’effet de seuil sur la qualité et l’efficacité du dialogue social. À vous entendre, je n’ai pas l’impression que le projet de loi aille dans le sens de la simplification et de la baisse du « nombre conséquent de règles et d’obligations » indiquées dans ledit document. Il suffit de lire l’article 21…
L’UDI a toujours combattu, non pas les seuils, mais les effets de seuil qui sont un problème dans le code du travail. Si les entreprises de quarante-neuf salariés sont deux fois et demie supérieures en nombre à celles de cinquante, c’est bien que les seuils constituent un frein à l’embauche, même si les organisations syndicales n’ont pas voulu le reconnaître tout à l’heure. Je ne suis pas sûr que la délégation unique du personnel suffise à gommer cet effet.
Cette DUP aura-t-elle un effet induit sur la santé dans l’entreprise ? Pour être, depuis plusieurs années, rapporteur pour avis du budget du travail, je puis vous assurer que la santé au travail est un problème crucial dont se soucie l’ensemble des organisations syndicales et patronales. En diluant le CHSCT dans une délégation unique ne risque-t-on pas de diluer en même temps la question du risque au travail, notamment en matière de santé ? Je n’ai pas posé volontairement cette question aux salariés ; je la pose aux employeurs pour avoir leur avis.
Les commissions régionales paritaires n’auront-elles pas un effet contraire au but recherché en paralysant le dialogue dans les TPE, qui est souvent direct entre l’employeur et le salarié ? Dans les TPE, en général, le besoin d’un délégué du personnel ou d’organisations syndicales se fait moins sentir. Pour ma part, je pencherais pour aller plus loin que la proposition de M. Burban de porter le seuil, non pas jusqu’à vingt-six, mais jusqu’à quarante-neuf pour tenir compte du fait qu’aujourd’hui, un certain nombre d’entreprises n’ont pas de délégué du personnel ou ne satisfont pas à la loi en matière de représentation syndicale.
Pour ce qui est de l’article 21, si vous avez aimé la mise en place du compte pénibilité, vous allez adorer celle du compte personnel d’activité ! La méthode est assez particulière puisqu’il est déjà inscrit dans la loi alors que les partenaires sociaux n’y ont même pas travaillé, ce qui est contraire au code du travail. Alors même que le compte pénibilité n’est pas vraiment mis en place dans l’entreprise, comment voyez-vous le compte personnel d’activité ? Peut-on considérer qu’il vient remédier à l’échec du compte pénibilité ? Constitue-t-il un pis-aller ou une avancée sociale ? Ce dispositif n’entraînera-t-il pas des contraintes supplémentaires, en contradiction précisément avec l’objectif avancé dans le document d’orientation dont je parlais plus haut ?
Mme Jacqueline Fraysse. J’ai le même sentiment que Michel Liebgott. Tout à l’heure, le représentant de la CFTC disait que salariés et employeurs avaient les mêmes objectifs et que les différences n’étaient qu’idéologiques. Pour ma part, je constate qu’il y a aussi quelques réalités concrètes qui les opposent. Qu’il s’agisse des commissions régionales paritaires, des DUP élargies, des intermittents, on voit bien que les organisations patronales contestent fortement le contenu du projet de loi.
J’avais la même question que Christophe Sirugue a posée concernant l’annualisation et la mutualisation des heures. J’aimerais connaître l’avis des organisations patronales sur ce point.
J’aimerais également savoir ce qu’elles pensent de la question des CHSCT que M. Vercamer a soulevée. Toutes les organisations syndicales s’inquiètent, voire refusent, que les CHSCT soient dilués, et donc, perdent leur rôle spécifique en matière de santé et de conditions de travail.
Enfin, les représentants des salariés dans les commissions régionales paritaires ne peuvent pas aujourd’hui pénétrer au sein de l’entreprise de manière systématique, ce qui paraît contradictoire avec la possibilité d’assumer leur rôle. Les organisations patronales seraient-elles d’accord pour que le texte revienne sur cette situation anachronique, en permettant à tout représentant des salariés de pénétrer, si nécessaire, dans l’entreprise ?
M. Christophe Premat. J’ai du mal à comprendre pourquoi vos organisations appréhendent le compte personnel d’activité en termes de contraintes. Vous ne visualisez pas l’ensemble du projet de loi qui vise à améliorer la représentativité des salariés et qui permettrait de négocier l’expérience professionnelle et la validation des acquis professionnels.
Je représente des Français résidant dans des pays d’Europe du Nord. Sans vouloir faire de transposition, il y a au Danemark une convention qui fonctionne mieux entre les partenaires sociaux et une meilleure régulation sociale parce qu’il y a une meilleure représentativité des salariés. L’individu y est vu par les chefs d’entreprise davantage comme une ressource que comme un problème.
J’aimerais entendre les solutions que vous pourriez préconiser. Comment avoir un meilleur dialogue social, avec une représentativité syndicale sérieuse, pour mettre en œuvre ce compte personnel d’activité ? Vous en reprochez l’absence de contenu, mais c’est à partir du cadre défini par la loi que le dialogue social pourra préciser ce contenu. C’est une question de méthode. Dans les pays du Nord, le marché est aussi difficile qu’ici, mais les problèmes de santé au travail sont davantage anticipés par une meilleure sécurisation des parcours professionnels. Dès lors, ce n’est plus la valeur emploi, c’est la valeur individu qui devient le centre du dialogue social.
M. Régis Juanico. Améliorer la qualité et l’efficacité du dialogue social, et simplifier la vie des entreprises tout en préservant les droits des salariés, tel est le pari collectif que nous devons tenir. Les avis divergents des organisations que nous auditionnons ce matin ainsi que l’échec de la négociation sociale le montrent : ce sont des logiques difficiles à concilier.
La représentativité des salariés des très petites entreprises est une question à laquelle nous réfléchissons depuis longtemps, majorité comme opposition, dans diverses commissions. Je ne rejoins pas le point de vue de la CGPME sur le fait qu’il suffit, dans une très petite entreprise, de pousser la porte du chef d’entreprise pour discuter. Je sais bien que le formalisme n’est pas tout, mais le dialogue social obéit à un certain nombre de règles. On ne peut pas rester dans l’informel. Le système existant n’est peut-être pas parfait, mais il a le mérite d’avoir été expérimenté.
S’agissant des commissions paritaires régionales, nous verrons si ce niveau est adapté, si les instances vont pouvoir fonctionner et être efficaces dans la durée. Mais au moins, essayons, expérimentons ! Je défends cette façon de faire depuis longtemps : avant de généraliser un dispositif, il faut l’expérimenter sur les territoires.
Il faut aussi cesser de vouloir détricoter les dispositifs sociaux à peine sont-ils adoptés par le Parlement. Je pense notamment aux dispositifs de reprise et d’information préalable des salariés de la loi Hamon, car je constate que la CGPME revient systématiquement à la charge sur ce point. Nous pouvons, pour appliquer la loi sur le terrain, trouver les voies et moyens de la simplification. Dire que les chefs d’entreprise rencontrent des difficultés s’agissant du compte pénibilité, alors que c’est au mois de juin que la question va se poser, me semble exagéré.
Essayons ensemble de faire en sorte que ces dispositifs soient applicables sur le terrain, autrement dit de les faire simples et efficaces.
Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur Saubot, j’ai le sentiment que vous opposez formalisme et confiance. Or, dans les grandes entreprises comme dans les petites, un cadre de discussion et de négociation peut être efficace sans forcément nuire à la confiance. Si, dans certaines entreprises, on peut facilement pousser la porte du patron, certains sujets délicats, comme la rémunération, la formation, la sécurité ou la santé, ne peuvent pas être abordés de manière informelle. On sait bien que, dans les petites entreprises surtout, le patron a « le nez dans le guidon » et n’a pas toujours le temps de penser à ces questions.
Mme Roy craint que l’élargissement des missions des commissions régionales paritaires à la médiation ou la conciliation n’oblige l’employeur à transmettre des documents. J’entends bien qu’on ne peut pas, lorsqu’on gère une entreprise, avoir une stratégie totalement transparente, mais la confiance se nourrit à la fois du dialogue et de la transparence.
M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social. Ce qui ressort de vos questions montre le bien-fondé de mes propos sur la confiance. Quel pas en avant nous ferions si, lorsque les employeurs et les salariés sont d’accord, on les laissait décider de la meilleure façon de procéder, sans chercher à inscrire dans la loi le détail de toutes les obligations, sous-obligations et contraintes !
S’agissant des membres des commissions, ils ne doivent être nommés que par les organisations interprofessionnelles. Sinon, on multiplie le nombre de salariés représentés. Je ne peux que recommander d’inscrire dans le texte « notamment » issus des TPE. Il doit s’agir d’une incitation, en aucun cas d’une obligation, de façon à donner une orientation tout en respectant le choix des organisations.
La mutualisation et l’annualisation des heures dans le cadre de la DUP ont été évoquées dans la négociation comme une réponse à l’instance unique et à ses éventuelles conséquences sur la diminution des moyens. S’il n’y a plus d’instance unique, il n’y a plus de diminution des moyens. Donc, ce sujet n’a absolument rien à faire dans la loi, si ce n’est d’augmenter encore les charges, les coûts et les contraintes pour les entreprises, que ce soit en termes de montants ou de gestion.
Nous n’avons aucun tabou au MEDEF et nous sommes prêts à discuter de tout, y compris de cogestion. Or, dans tous les pays qui pratiquent une forme de cogestion, il y a une instance unique et la création de normes se fait, non pas au niveau national, mais dans l’entreprise ou dans la branche. En Allemagne, il n’y a aucune obligation de négociation et le temps de travail peut être négocié dans l’entreprise ou dans la branche. Je ne suis pas sûr que ce soit de ce type de cogestion qu’on parle.
Oui, il faut augmenter le seuil de 300 salariés. Oui, il faut tout faire pour faciliter la négociation dans l’entreprise : quand les syndicats sont là, ils assument leur rôle naturel de négociation ; quand ils ne sont pas là, pour que la négociation fonctionne, il faut qu’elle reste dans l’entreprise.
Quant à la représentativité, c’est le fondement du dialogue social. Comment ne pas tenir compte du nombre de salariés ? Comment expliquer, dans une négociation, qu’un auto-entrepreneur ou une TPE de deux personnes a le même poids qu’un grand groupe de 150 000 salariés ? Cela n’a aucun sens. Il faut pondérer, sauf à manquer de cohérence.
En ce qui concerne le CHSCT, je ne partage pas le raisonnement de Mme Fraysse. Ce n’est pas parce qu’il y a une instance que le dialogue est meilleur, c’est parce que les sujets sont traités. Ou alors il faut dire que, dans tous les pays où il n’y a pas de CHSCT, les salariés sont mal protégés. Je ne pense pas que ce soit l’avis des Danois, des Suédois ou des Allemands, qui sont des salariés très bien protégés bien qu’ils n’aient pas de CHSCT. Arrêtons de raisonner par structures, c’est ce qui affaiblit le pays. On cache le corporatisme derrière l’intérêt général.
Pour en revenir à la confiance, je reconnais la nécessité des règles, mais quand elles entrent trop dans le détail sans qu’on puisse y déroger, on crée les conditions pour qu’un accord n’aboutisse pas. Je pourrais donner de nombreux exemples d’accords entre salariés et employeurs rendus impossibles par le niveau de détail imposé par la loi. Qu’apporte de réunir le CE le matin, le CHSCT l’après-midi et les délégués du personnel le lendemain matin ? Ce sont trois réunions avec les mêmes personnes pour 80 % d’entre elles, 80 % de sujets identiques, et au cours desquelles on répète trois fois la même chose. Donnons aux chefs d’entreprise la possibilité de tout faire en une seule fois si tout le monde est d’accord. Sur de nombreux sujets, on fixe de multiples obligations qui n’ont aucun sens. Ce que la loi doit fixer, ce sont les principes. Aujourd’hui, le code du travail a atteint un niveau de sédimentation de détail, de formalisme et d’obligations qui est destructeur pour le dialogue social et la confiance.
Quant à donner le droit aux représentants des salariés d’entrer dans l’entreprise, que je sache, personne n’entre comme cela chez Airbus. À quel titre les artisans adhérents à l’UPA, la PME de sept personnes verraient-ils une catégorie nouvelle de gens rentrer chez eux ? Ces entreprises ne sont pas des zones de non-droit ou de sous-droit. Quand vous interrogez les salariés, ce sont ceux des TPE qui font le plus confiance à leur patron et qui déclarent être bien dans leur boîte. Pour être honnête, je ne comprends même pas votre demande.
M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Les salariés ne sont pas des problèmes pour les entreprises ; ils sont leur richesse.
Par ailleurs, c’est une évidence qu’il est plus difficile de dialoguer directement avec le patron dans une grande entreprise que dans une petite. Mais ce n’est pas le chef d’une entreprise du CAC 40 qui gère le personnel et les complexités du droit du travail. Le droit du travail issu des années 70-80 est très complexe, car on imaginait à l’époque que l’avenir, c’étaient les grands groupes. On voit aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Nos amis syndicalistes salariés se plaignent de ne pas pouvoir recruter d’adhérents dans nos entreprises, mais ils ont laissé le terrain en jachère, pensant de la même façon que tous les bons économistes. Or les deux chocs pétroliers ont inversé la tendance, et les grands groupes sont en train de fondre en termes d’effectifs salariés, en particulier dans l’hexagone. Même s’il faut mettre un bémol en cette période de crise, la création d’emploi se fait dans les petites et très petites entreprises.
Nous avons l’expérience des CPRIA et, sans penser détenir la vérité, nous estimons que c’est le meilleur moyen. Il ne faut pas faire peur. Trop souvent, en droit, on veut construire des palais, alors qu’il faudrait commencer par construire des maisons. Le système dont nous avons pris l’initiative fonctionne bien et se développe. Restons pragmatiques : apprenons déjà aux représentants des petites entreprises à dialoguer avec les représentants des salariés, et on fera œuvre utile. Le dialogue social n’est en rien contrarié dans ces catégories d’entreprises. D’ailleurs, dans le préambule de l’accord du 12 décembre 2001, ce dialogue est qualifié de direct. Et très souvent, les salariés ne veulent pas d’intermédiaire. Dans certaines entreprises de plus de onze salariés où le DP est obligatoire, ils disent même élire ce délégué comme si c’était celui de l’employeur, préférant discuter avec le patron en cas de problème personnel ou de rémunération. Le dispositif est adapté, il organise un nécessaire dialogue complémentaire de ce dialogue naturel pour tout ce qui touche aux questions de formation et de conditions de travail.
Le monde économique n’est pas celui des Bisounours. Les TPE sont confrontées à la concurrence et aux difficultés de recrutement malgré un chômage très important. Aujourd’hui, il faut offrir aux salariés un environnement, sinon identique à celui qu’ils trouveraient dans les grandes entreprises, au moins similaire. Le dialogue direct et la hiérarchie moins lourde sont des atouts pour les petites entreprises. Et, à travers ces commissions paritaires, nous avons mis en place des dispositifs d’activités sociales et culturelles, qui permettent d’améliorer l’attractivité des postes que ces catégories d’entreprises peuvent offrir.
Pourquoi n’élever le seuil qu’à vingt-six salariés et pas à quarante-neuf ? Nous serions tout à fait d’accord pour aller jusqu’à quarante-neuf, mais nous vivons dans un pays de symboles et on pourrait nous reprocher de vouloir supprimer les DP – en tout état de cause, compte tenu des constats de carence, on n’enlèverait pas grand-chose. Il est vrai qu’en portant le seuil à vingt-six, on en créerait un nouveau. Pas tant que cela en réalité, puisque de vingt-six à quarante-neuf salariés, ce sont deux délégués du personnel que l’on élit.
S’agissant du passage de quarante-neuf à cinquante salariés, je vous demande de raisonner de manière pragmatique. Alors qu’à quarante-neuf personnes, il faut deux délégués du personnel, dès qu’on franchit le seuil de cinquante, c’est le grand soir ! De deux délégués du personnel, on passe à huit, mais on doit aussi élire un CHSCT, un CE, voire un délégué syndical. Je ne parle pas là par idéologie. Aujourd’hui, plus l’entreprise est petite, plus elle doit faire d’efforts par rapport à une grande entreprise. Il faut donc s’interroger, sachant que beaucoup d’entreprises de cinquante salariés ne sont pas dans les clous du code du travail.
Pour ce qui est de laisser les représentants entrer dans l’entreprise, cela reviendrait à leur reconnaître la faculté d’y dicter leur loi. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, mais bien, comme l’a dit Alexandre Saubot, en instaurant un dialogue basé sur la confiance entre représentants des entreprises et représentants des salariés. Il faut y aller de manière pragmatique et dans un esprit constructif. Chaque année, nous réunissons l’ensemble des représentants salariés et patronaux des CPRIA et nous faisons le bilan. À voir le dernier en date, le système fonctionne, il est constructif et les idées n’y manquent pas.
S’agissant de la composition des commissions, pourquoi imposer par la loi que les représentants des organisations syndicales de salariés soient issus obligatoirement des entreprises de moins de onze salariés ? Une solution pratique serait d’augmenter le seuil. Certes, il est plus facile de laisser partir un salarié dans une entreprise qui en compte quarante-neuf que lorsqu’on n’en a qu’un. Mais je pense qu’il faut aussi laisser la responsabilité aux organisations syndicales de salariés. On ne peut pas dire qu’il y aura une influence de l’employeur puisque ce sont les confédérations syndicales qui vont désigner les représentants. Ce sera à elles de les choisir dans ces catégories d’entreprises, ce qui évitera le blocage du système qui arrivera nécessairement si l’obligation est faite par la loi.
J’aurai un avis plus nuancé sur la représentativité patronale, à propos de laquelle la loi du 5 mars 2014 a fait l’objet de nombreux débats. Il me semblait que l’on tenait compte du nombre de salariés, et l’UPA estime que c’est totalement légitime. Faut-il revoir cette loi alors qu’elle n’est pas appliquée ? La procédure va s’enclencher à partir de 2017, à la proclamation des résultats sur la base des cotisants 2015. C’est donc aujourd’hui que tout se joue. Revenir sur cette loi, pourquoi pas s’il le faut, mais il faudrait peut-être lui laisser le temps de s’appliquer.
Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). À vous écouter, toutes les entreprises de moins de onze salariés seraient dans l’irrespect de la loi et dans la non-représentation, en quelque sorte des zones de non-droit. Je suis chef d’une entreprise de moins de onze salariés, je peux vous dire que le droit s’y applique comme dans les autres entreprises – les PV de carence sont bien la preuve qu’elles respectent la loi. Il est vrai qu’elles ne se gèrent pas comme les très grandes entreprises et que les règles doivent être différentes. Alors que le dialogue direct fonctionne bien dans les petites entreprises, l’institutionnaliser y mettra un frein.
Les chefs d’entreprise des TPE-PME sont des créateurs d’emplois. Il faut cesser d’alourdir la réglementation qui est suffisamment contraignante, et pas seulement en droit social. Même en considérant que la loi touchera seulement 130 entreprises, ces commissions seront probablement perçues par les chefs d’entreprise comme un frein. Je n’ai moi-même aucun souci avec la transparence, mais je ne suis pas toujours capable d’expliquer les décisions que je prends en amont, car j’ai une vision intuitive de mon entreprise. Je ne veux pas qu’on me reproche cette incapacité à expliquer, car c’est moi qui porte le risque financier. Je n’ai pas d’actionnaires, et si je me casse la figure, je serai toute seule. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas être transparente. Je dialogue avec mes salariés, je les écoute. Quand ils ont un problème, ils viennent me voir. Dans une entreprise de moins de onze salariés, on est capable de parler de tout, y compris des augmentations de salaire. Je ne connais pas un salarié souhaitant une augmentation qui n’aille pas frapper à la porte de son employeur, que ce soit celle du chef d’entreprise lui-même ou celle du directeur des ressources humaines.
Le compte personnel d’activité va chapeauter principalement deux comptes. D’une part, le compte de prévention de la pénibilité, qui n’est pas encore mis en place. Il n’est pas tout à fait vrai, monsieur Juanico, que les entreprises n’auront pas à s’en soucier avant l’année prochaine. Elles doivent tracer le risque dès le 1er janvier pour être en mesure de le déclarer, même si ce n’est que l’année prochaine. Le compte personnel d’activité couvrira, d’autre part, le compte personnel de formation, dont on connaît les difficultés d’application. Là encore, nous avons du boulot pour que ce dispositif fonctionne.
J’ai cru comprendre que le compte épargne-temps (CET) serait également visé, ce qui m’incite à soulever un problème peu abordé. Quand un salarié quittera son emploi, il emportera dans sa besace son compte pénibilité, son compte formation et son compte épargne-temps. Je me demande si cette portabilité des droits ne présente pas un risque. Aujourd’hui, le salarié qui quitte l’entreprise est invité par son employeur à liquider son CET avant de partir. Si désormais il l’emporte avec lui, ne risque-t-il pas de rencontrer des difficultés de recrutement ? Les employeurs sont portés à croire qu’une personne d’une cinquantaine d’années a forcément pas mal de choses dans sa besace, ce qui peut constituer un frein au recrutement. Du reste, les partenaires sociaux devraient ouvrir une réflexion pour savoir qui va financer tous les droits portables. L’idée est certes séduisante, mais il faudra veiller à ce qu’elle ne se transforme pas, dans la pratique, en équivalent du RSI pour les salariés.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame, messieurs, je vous remercie de votre participation à nos travaux.
La Commission procède à l’audition de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le présent projet de loi, lors de sa deuxième séance du mercredi 6 mai 2015.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi : après avoir entendu ce matin les partenaires sociaux, nous auditionnons cet après-midi les deux ministres concernés par le texte : M. Rebsamen, compétent pour les titres I à III, et Mme Touraine pour le titre IV.
Ce projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 22 avril : important et attendu, il soulève de nombreuses questions, comme l’ont montré les longues interventions des partenaires sociaux. Sans entrer dans le détail, je me bornerai à souligner que ce texte de modernisation sociale et de solidarité est en parfaite cohérence avec les objectifs poursuivis par la majorité depuis 2012.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la présidente de la Commission des affaires sociales, mesdames, messieurs, je vous remercie de nous avoir invités, ma collègue Marisol Touraine et moi-même, à vous présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
Je laisserai à Mme Touraine la parole sur le volet important du projet de loi qui concerne la prime d’activité.
Je commencerai par l’histoire de ce texte.
Le dialogue social est la marque du quinquennat de François Hollande. Depuis 2012, cette méthode a fait ses preuves : les trois grandes conférences sociales et les cinq accords nationaux interprofessionnels sont l’expression de cette réussite. En juillet dernier, j’ai proposé aux partenaires sociaux de se saisir de la question de l’efficacité du dialogue social dans l’entreprise : nous l’avons évoquée lorsque je suis venu devant votre commission le 9 juillet dernier.
Si ces négociations n’ont pas abouti, cela ne marque ni l’échec du dialogue social dans son ensemble, ni la fin des réformes menées par le Gouvernement sur ces sujets. Légitimement, le Gouvernement a repris la main.
Pour avancer sur ces sujets cruciaux pour tous les salariés et toutes les entreprises du pays, il a fallu viser un point d’équilibre. C’est à cette fin que j’ai consulté les représentants syndicaux et patronaux tout au long du processus d’élaboration du projet de loi. Je crois pouvoir affirmer devant vous que le point d’équilibre est atteint. Le texte que je vous présente est le fruit de plus de neuf mois de dialogue avec les partenaires sociaux.
Il était important que le Gouvernement prenne ses responsabilités en préparant un projet de loi sur le sujet, car les salariés et les entreprises de notre pays ont tout à gagner, chacun en conviendra, à un dialogue social de meilleure qualité.
Le dialogue social existe. Chaque année, près de 36 000 accords sont conclus dans les entreprises. Toutefois, des sondages récents font apparaître qu’un tiers seulement des salariés auraient une bonne image des syndicats, ce qui donne une idée de la crise de légitimité auxquels ils sont confrontés. Cette crise n’épargne d’ailleurs pas les autres formes de représentation, à commencer par les élus. Ma conviction est qu’il est plus que jamais nécessaire de redonner de la force aux représentants du personnel. Je crois également que ce défi pourra être relevé en partant du niveau de vie le plus proche des salariés, c’est-à-dire de l’entreprise.
Créer les conditions d’un dialogue social plus vivant, plus efficace et plus proche des réalités des entreprises et des préoccupations des salariés, c’est répondre à la fois à une double exigence démocratique et d’efficacité économique.
Une exigence démocratique, tout d’abord : le principe de la participation des salariés est inscrit dans la Constitution. Il est juste en effet que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui concernent leurs conditions de travail, leur pouvoir d’achat, leur formation et leurs emplois. Ils ont le droit, et ce droit doit être effectif et réel, de participer aux choix stratégiques qui déterminent non seulement leur vie dans l’entreprise, mais bien souvent aussi leur avenir.
Un dialogue social plus performant permet également de répondre à une exigence d’efficacité, sociale tout d’abord : des relations plus confiantes dans les entreprises sont le gage d’une meilleure qualité de vie au travail. Un dialogue social constructif, c’est également l’assurance que les fruits de la croissance, lorsqu’elle est là, profiteront à tous et qu’en cas de difficultés pour l’entreprise, des solutions justes seront trouvées. C’est ce qu’attendent nos concitoyens.
Un dialogue social plus performant est de surcroît un facteur décisif d’efficacité économique. On parle beaucoup de coût du travail et du capital : or ces points ne sont pas les seuls à entrer dans la compétitivité d’une entreprise. Sa capacité à innover, à améliorer la qualité de ses produits et à satisfaire les attentes de ses clients – tout ce qu’on appelle la compétitivité hors coût – est tout aussi importante. En la matière, l’exemple de nos voisins allemands, suédois ou autrichiens, doit nous inspirer. La capacité qu’ont eue certains leaders de la DGB – Deutscher Gewerkschaftsbund – allemande à prendre toute leur part dans les décisions stratégiques qui se sont révélées très positives dans les grands groupes, par exemple automobiles, montre que c’est un non-sens d’opposer dialogue social et performance économique. Chacun le sait ici : les deux sont complémentaires.
Pour être performante, l’entreprise doit être un lieu de coopération et d’engagement collectif. Il lui faut investir dans les compétences en en préparant une gestion prévisionnelle et s’inscrire dans le long terme. Les salariés doivent également pouvoir être entendus et participer aux débats qui permettent de définir les orientations stratégiques, avec, à la clef, un climat social apaisé et une motivation plus forte et plus importante des salariés.
Telle est ma conviction : un dialogue social plus efficace est vital à la fois pour les salariés, pour les entreprises et pour le pays.
Comment se satisfaire du nombre élevé d’entreprises et de salariés exclus, de droit ou de fait, du dialogue social ? Comment se satisfaire des discriminations qui touchent ceux qui s’engagent au service des autres salariés, qu’ils soient délégués du personnel ou délégués syndicaux ? Comment se satisfaire, enfin, de discussions où la forme, bien souvent, prend le pas sur le fond, sans que la voix des uns et des autres puisse porter comme il se doit ?
Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui est un texte de progrès social, qui changera le quotidien des millions de salariés et des milliers d’entreprises que compte notre pays. Il vise quatre objectifs.
Premier objectif : assurer la représentation de tous les salariés. Pour l’heure, seuls les salariés des très petites entreprises de quelques secteurs – l’artisanat ou l’agriculture, par exemple – ont accès à la représentation. Mon ambition est de permettre à chacun des 4,6 millions de salariés des TPE de notre pays d’être représenté sous une forme qui corresponde aux spécificités des entreprises de très petite taille. C’est pourquoi le projet de loi prévoit la création de commissions paritaires régionales, composées d’employés et d’employeurs issus des TPE. Ces commissions seront des lieux de dialogue et de conseil pour les salariés comme pour les employeurs. Ce sera une première en Europe ; la démocratie sociale s’en trouvera renforcée à la fois dans les TPE et dans notre pays.
Deuxième objectif : rendre le dialogue social plus vivant et plus efficace.
Je le soulignais en préambule : certaines obligations de consulter et de négocier sont aujourd’hui trop formelles, au détriment de débats stratégiques dans lesquels les salariés peuvent réellement faire entendre leur voix et peser sur les décisions qui sont prises. Ce constat est très largement partagé par les partenaires sociaux.
C’est ainsi que la mesure proposée dans le projet de loi s’inscrit dans la continuité d’un travail engagé de longue date par les partenaires sociaux. Elle prolongera en leur donnant toute leur portée les dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi, qui elles-mêmes reprenaient l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013. Je pense notamment à la mise en place de la consultation sur les orientations stratégiques et à la création d’une base unique de données économiques et sociales, qui est actuellement déployée dans les entreprises. Ces mesures visaient déjà à mettre les représentants du personnel au cœur de la prise de décision.
C’est un nouveau cap très important que le texte permettra de franchir en prévoyant de passer de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles : la première portera sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la deuxième sur la situation économique et financière, la troisième sur la situation sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.
Les douze obligations de négociations seront quant à elles regroupées en trois blocs cohérents : le premier portera sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée, le deuxième sur la qualité de vie au travail, et le troisième sur la gestion des emplois et des compétences. Le dialogue social aura ainsi beaucoup plus de sens pour tous. C’est un aspect très important, qui redonnera, nous l’espérons, un élan aux vocations syndicales ou de représentants du personnel. Elles en avaient bien besoin…
Troisième objectif : adapter les institutions représentatives du personnel à la taille des entreprises.
J’ai souhaité partir d’un principe clair : toutes les institutions ont leur pertinence. C’est pourquoi elles sont toutes maintenues, avec les missions et les compétences qui leur sont associées. Ce que prévoit le projet de loi, c’est un fonctionnement plus simple et mieux adapté à la spécificité des entreprises, notamment celles de petite taille. Il suffit de tourner le regard vers nos voisins européens pour trouver chez eux un droit plus simple ou des possibilités d’adaptation en fonction de la taille ou de la nature des entreprises. Une inspiration est sans doute à puiser dans ces formes d’adaptation.
La possibilité de mettre en œuvre une délégation unique du personnel (DUP) sera étendue aux entreprises jusqu’à 300 salariés. Cette DUP comprendra également le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Pour les entreprises de plus de 300 salariés, il sera possible de regrouper tout ou partie des institutions représentatives du personnel (IRP) afin de créer un cadre de discussion plus souple. L’accord majoritaire, c’est-à-dire celui qui sera conclu par des syndicats qui ont obtenu 50 % des voix aux élections professionnelles, permettra aux acteurs du dialogue social de définir eux-mêmes non seulement le périmètre des instances et ses règles de fonctionnement, mais aussi les moyens des représentants, qui pourront être renforcés. Ce sera une reconnaissance du rôle central des syndicats, qui sont les mieux à même de redéfinir une partie des règles du jeu. Qui pourrait penser qu’ils concluraient des accords qui iraient contre le dialogue social ? Ce ne serait pas leur faire confiance !
Il n’est pas question, comme d’aucuns ont pu le craindre, d’affaiblir ou de faire disparaître le CHSCT. Au contraire, le projet de loi prévoit de le valoriser et de le renforcer. Au sein de la DUP, il conservera toutes ses prérogatives, notamment celles d’ester en justice et de recourir à des expertises. Dans le cadre des institutions regroupées par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique portant sur les sujets d’hygiène, de santé et de conditions de travail sera instituée. Le projet de loi prévoit enfin que tout salarié d’un établissement appartenant à une entreprise de plus de cinquante salariés sera couvert par un CHSCT, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est une avancée importante car, depuis les lois Auroux, le CHSCT est au cœur des questions de sécurité, de santé au travail et de qualité de vie dans les entreprises.
Quatrième et dernier objectif : reconnaître, valoriser et favoriser l’engagement des salariés dans l’entreprise.
Les inégalités salariales dont sont victimes certains représentants du personnel, notamment syndicaux, ne sont pas acceptables. Elles sont cependant une réalité : elles nuisent à l’engagement, notamment des plus jeunes. Le projet de loi prévoit donc un mécanisme de non-discrimination salariale, qui concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation occupent 30 % ou plus du temps de travail. Il prévoit également de développer les conditions d’une meilleure articulation entre engagement syndical et vie professionnelle. Un entretien de prise de fonctions, au début du mandat, et un entretien de repositionnement professionnel, à 1’issue de mandat, seront institués.
Le projet de loi prévoit en outre un dispositif de valorisation des compétences acquises au travers de l’exercice d’un mandat, qui permettra à tous ceux qui s’engagent de voir leur expérience au service des autres salariés valorisée.
Il faut par ailleurs continuer d’agir en faveur de l’égalité femmes-hommes. C’est pour répondre à cette ambition que l’obligation de représentation équilibrée entre femmes et hommes sur les listes des élections professionnelles est inscrite dans le projet de loi. C’est une novation majeure du projet de loi. Dans la lignée de ce qui a été accompli dans le domaine politique, la représentation équilibrée doit progresser dans le domaine social. Elle passe également par la composition des instances représentatives du personnel. Le Gouvernement a une volonté très forte d’agir en ce sens.
Voilà pour la partie du texte qui porte sur le dialogue social. Il faut le mesurer, ce sera une réforme profonde qui transformera durablement les relations de travail dans les entreprises, au bénéfice des salariés, de l’efficacité des entreprises et de la croissance dont notre pays a tant besoin.
Le projet de loi comporte deux autres volets dans le champ du travail et de l’emploi, qui marquent eux aussi des avancées sociales.
Le premier concerne l’intermittence du spectacle.
La loi sanctuarisera et pérennisera le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Elle définira également une méthode, qui mettra les partenaires sociaux au centre de la prise de décision. L’enjeu est de mieux articuler les niveaux interprofessionnel et professionnel pour une approche renouvelée et, espérons-le, plus efficace des négociations.
Je tiens à saluer une nouvelle fois la qualité des travaux de Mme Archambault et de MM. Combrexelle et Gille. Ce dernier, en tant que rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles pour cette partie du texte, s’assurera jusqu’au bout du processus législatif que leurs propositions seront bien traduites dans la loi.
Le second volet concerne le compte personnel d’activité et, plus largement, la sécurisation des parcours professionnels. La création du compte personnel d’activité est une réforme majeure qui marquera notre histoire sociale. Comme l’a dit le Président de la République, ce compte, qui sera un droit pour tous à l’horizon 2017, sera le capital de ceux qui travaillent. Il rassemblera les droits individuels des salariés, à commencer par les droits à la formation : compte personnel à la formation, compte épargne-temps, compte pénibilité. L’ambition du Gouvernement est de réunir ces droits en un seul « lieu » et de les décloisonner pour permettre à chacun d’être acteur de son parcours professionnel. Ce compte préfigure l’avenir de nos droits sociaux. Chaque salarié pourra construire son parcours selon ses aspirations, sans crainte de la mobilité et surtout sans avoir à pâtir de ses choix. C’est un sujet sur lequel nous devrons travailler ensemble, sur la base des propositions des partenaires sociaux, qui seront consultés et se trouveront au cœur de l’élaboration des dispositions.
La loi contiendra également des mesures concrètes en faveur des publics les plus éloignés de l’emploi. Le rôle central de l’AFPA – Association pour la formation professionnelle des adultes – dans le service public de l’emploi sera reconnu comme tel et renforcé.
En conclusion, ce projet de loi défend une conception ambitieuse du progrès et de la démocratie sociale. Je sais pouvoir compter sur vous pour enrichir ses dispositions dans un esprit d’équilibre.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, monsieur le ministre.
Nous avons le plaisir d’accueillir deux de nos collègues de la Délégation aux droits des femmes : Mme Coutelle, sa présidente, et Mme Mazetier, sa rapporteure pour avis, puisque la Délégation s’est saisie pour avis du texte.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente de la Commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, j’interviens pour présenter le titre IV du projet de loi, qui crée la prime d’activité.
Avant d’en exposer les principes et la mise en œuvre, je tiens à saluer tout particulièrement les travaux de votre collègue Christophe Sirugue, qui ont fortement inspiré cette réforme majeure pour le soutien de l’activité salariée et du pouvoir d’achat des travailleurs modestes.
La prime d’activité traduit l’engagement du Gouvernement en faveur du travail. Comme j’ai entendu un grand nombre d’interrogations à son sujet, je tiens à préciser les deux objectifs que nous poursuivons à travers la mise en œuvre de ce dispositif.
Il s’agit tout d’abord de valoriser, y compris sur le plan financier, la reprise ou l’augmentation d’activité, qui peuvent se traduire par des coûts supplémentaires pour les salariés. La reprise ou l’augmentation d’activité peuvent en effet faire perdre à un salarié le bénéfice des aides sociales qu’il percevait dans le cadre du revenu de solidarité active (RSA) ou le conduire à des dépenses supplémentaires – frais de déplacement ou de garde d’enfant, par exemple.
Le second objectif, qui se superpose au premier, est de donner du pouvoir d’achat à des Français qui ont parfois le sentiment qu’ils n’ont droit à rien parce qu’ils gagnent trop pour bénéficier d’aides sociales, mais pas assez pour être concernés par les baisses d’impôts qui bénéficieront à 9 millions de foyers fiscaux dès la rentrée prochaine.
La prime d’activité soutiendra les Français qui prennent ou reprennent une activité, ce qui ne signifie pas que les salariés à temps très partiels n’en bénéficieront pas. Toutefois, c’est entre 80 % du SMIC et un peu plus du SMIC que le gain sera le plus important par rapport à aujourd’hui. Ainsi, un travailleur célibataire et sans enfant percevant le SMIC à temps plein pourra percevoir une prime de quelque 130 euros par mois, ce qui représentera un gain de 67 euros de pouvoir d’achat par rapport à ce qu’il perçoit à l’heure actuelle en aides diverses. Il convient en effet de comparer le montant de la prime avec le supplément de pouvoir d’achat que cette prime offre à son bénéficiaire par rapport aux dispositifs actuels.
Des dispositifs existent déjà, notamment la prime pour l’emploi et le RSA activité. Toutefois, l’empilement de ces mesures les rend illisibles et inefficaces. Le RSA activité renvoie vers l’aide sociale ce qui doit relever de la valorisation du travail ; quant à la prime pour l’emploi, elle est perçue par des Français qui ne le savent même pas ou ne s’y attendent pas. Ces deux dispositifs sont donc supprimés. Les ressources qui y sont consacrées seront affectées au financement de la prime d’activité – soit 4 milliards d’euros au total.
À partir de ces principes et dans le cadre de cette enveloppe financière, je souhaite insister sur trois points.
Premièrement, je veux rappeler ce que la prime n’est pas. La prime d’activité soutient l’activité : ce n’est donc pas un mécanisme de lutte contre la pauvreté.
Des mesures ont déjà été adoptées contre la pauvreté, notamment dans le cadre du plan ambitieux contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, dont la revalorisation exceptionnelle de 10 % du RSA, la revalorisation de 25 % à 50 % d’allocations familiales ou encore la Garantie jeunes – je ne suis pas exhaustive. Ces mesures, qui produisent des résultats, ciblent les personnes les plus pauvres. Ce n’est pas l’objet de la prime d’activité.
Deuxième point : le barème de la prime, qui détermine sa montée en puissance. Ceux qui avaient droit au RSA activité en travaillant quelques heures par semaine ne se retrouveront pas dépourvus de toute aide. Le texte ne fera aucun perdant parmi les personnes les plus modestes et les travailleurs les plus précaires, qui sont souvent des femmes. Toutefois, c’est à partir d’un demi-SMIC que les salariés bénéficieront d’un gain de pouvoir d’achat significatif par rapport à aujourd’hui : c’est en effet le niveau à partir duquel les personnes perdent le bénéfice du RSA et des compléments qui l’accompagnent, notamment l’allocation logement.
À titre d’exemple, pour un célibataire sans enfant qui gagne entre 0,8 et 1,1 SMIC, autrement dit entre 900 et 1 200 euros nets par mois, le gain de pouvoir d’achat sera d’environ 67 euros par mois. Le dispositif s’arrête à 1,3 SMIC.
La troisième caractéristique de la prime, qui découle de ses objectifs, est de valoriser une activité nécessairement individuelle : toutefois, comme elle prend le relais du RSA activité qui, lui, est familialisé, nous avons introduit une variable de familialisation qui permet de prendre en compte la composition de la famille. Le dispositif conjugue donc individualisation et familialisation afin qu’aucun travailleur à bas revenus ayant charge de famille ne soit perdant – je pense en particulier aux familles nombreuses ou aux familles monoparentales.
En revanche, le caractère individualisé de la prime fait que, dans un couple, lorsque le conjoint, le plus souvent la femme, prend ou reprend une activité, cette prise ou reprise d’activité est valorisée à part entière. Chacun des deux revenus est valorisé de manière équivalente, ce qui n’est pas le cas avec le RSA activité.
La prime d’activité traduit également l’engagement du Gouvernement pour la jeunesse, puisqu’elle ouvre un droit nouveau pour plus d’un million de jeunes actifs. Parmi les 5,6 millions de travailleurs modestes susceptibles de bénéficier de la prime, plus d’un million seront des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Aujourd’hui, ils sont à peine 5 000 à bénéficier du RSA activité. La comparaison de ces deux chiffres est spectaculaire.
En effet, la prime d’activité sera ouverte aux actifs à partir de dix-huit ans, sans discrimination pour les actifs de dix-huit à vingt-cinq ans, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, puisque les jeunes actifs en bénéficieront selon les règles de droit commun, sans restriction particulière. C’est une avancée sociale majeure pour ceux qui, comme moi, défendent l’universalité de la protection sociale. Rien ne justifie qu’à travail égal un jeune ne reçoive pas la prime d’activité au seul motif qu’il est jeune.
La prime d’activité visant à soutenir une meilleure insertion sur le marché du travail, le projet de loi écarte de la prime d’activité les jeunes en formation initiale. Il existe pour eux d’autres dispositifs. Faire de la prime d’activité un instrument de soutien financier aux étudiants, par exemple, sans considération de leur activité reviendrait à brouiller le message.
Toutefois, lorsqu’un jeune travaille à temps plein ou presque ou qu’un salarié reprend par ailleurs des études pour se qualifier, ils doivent être davantage considérés comme des salariés en étude que comme des étudiants stricto sensu. Quant aux apprentis en troisième année d’apprentissage, ils sont en passe d’achever leur intégration professionnelle. C’est pourquoi, conformément au souhait du Président de la République, la prime d’activité sera étendue par amendement gouvernemental aux étudiants et aux apprentis, dès lors qu’ils ont une activité substantielle d’au moins 78 % du SMIC – nous avons parlé de 0,8 SMIC par souci de simplicité, mais il n’était évidemment pas question d’écarter les apprentis. Or le taux de 78 % correspond à la fois à la rémunération garantie d’un apprenti en troisième année d’apprentissage ayant au moins vingt et un ans et au niveau de ressource individuelle à partir duquel le jeune travailleur est considéré non plus comme à la charge de ses parents pour les prestations sociales, mais comme un actif autonome.
La prime d’activité s’inscrit donc dans le cadre de la modernisation de la protection sociale que nous avons engagée depuis trois ans pour l’adapter aux mutations du monde du travail. Comme d’autres réformes, elle renforce les garanties collectives attachées à des parcours professionnels individuels, en accompagnant les salariés lors de périodes d’emploi précaire ou faiblement rémunéré.
En cela, la protection sociale n’est pas de l’assistanat, comme se plaisent à le répéter certains, qui ont oublié que la protection sociale a précisément été mise en place pour accompagner les risques nés de l’organisation du travail instaurée par la révolution industrielle. C’est ce que nous faisons avec cette réforme comme nous l’avons fait pour les carrières longues ou la pénibilité : en renforçant la protection sociale, nous renforçons les droits attachés au travail.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je veux insister sur l’importance de ce texte, qui permet des avancées significatives sur des sujets débattus parfois depuis fort longtemps par les partenaires sociaux.
Il en est ainsi de la représentation des salariés des TPE, de la simplification et de l’adaptation à la taille des entreprises du fonctionnement des institutions représentatives du personnel, de la reconnaissance du parcours et de l’acquisition des compétences de ceux qui choisissent de consacrer du temps à un mandat syndical, ou encore du compte personnel d’activité. S’agissant enfin de la prime d’activité, il convenait d’en finir avec l’injustice d’un dispositif excluant une partie de nos concitoyens, en l’occurrence les jeunes, et d’imaginer une nouvelle approche de l’accompagnement des travailleurs qui ont besoin de la solidarité nationale.
Monsieur le ministre, l’article 1er traite de l’institution de commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional en vue de représenter les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés. Les auditions auxquelles nous avons procédé révèlent des inquiétudes sur la nature des représentants issus de ces entreprises. Il est évidemment avantageux de disposer de représentants au plus près des réalités : toutefois, les organisations syndicales nous ont alertés sur les difficultés qu’elles pourraient rencontrer à trouver un vivier suffisant. Est-il envisageable d’assouplir le profil des personnes susceptibles d’être élues dans ces commissions ?
La mise en place de la délégation unique du personnel a pour objectif de lisser les seuils sociaux dans le souci de favoriser l’emploi – la question des seuils sociaux a été posée par plusieurs de nos collègues de l’opposition au cours des auditions de ce matin. Le projet de loi élargit la DUP aux entreprises de 300 salariés : c’est une bonne chose. Toutefois, monsieur le ministre, dispose-t-on d’études prouvant que la possibilité de mettre en place la DUP favorise l’emploi ? De la même manière, des effets sur l’emploi sont-ils attendus du gommage, prévu par l’article 16 du texte, des effets de seuil applicables aux PME ?
L’article 15 élargit la possibilité de négocier l’accord avec des élus du personnel non mandatés par une organisation syndicale. La question du mandatement est un sujet délicat que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ensemble : un tel dispositif ne risque-t-il pas d’aboutir à l’affaiblissement, voire à l’évitement des organisations syndicales ?
Je laisserai à M. Gille le soin d’évoquer la question des intermittents.
S’agissant de la création du compte personnel d’activité, de quels éléments sera-t-il composé ? Pourriez-vous préciser votre propos sur le sujet ?
Madame la ministre, comment seront prises en compte la composition et les charges du foyer pour la part familialisée de la prime d’activité ? Quelles seront les différences à ce sujet avec le RSA activité ? Quelles sont enfin – question fondamentale – les simplifications envisagées de la base ressource ?
S’agissant des étudiants et des apprentis qui pourraient bénéficier de la prime d’activité, est-il envisagé de définir une durée minimale d’activité ouvrant droit à la prime ? Il s’agit, pour parler clair, d’éviter de rendre éligibles à cette prime les jobs d’été.
Enfin, comment sera financé à enveloppe budgétaire constante l’élargissement de la prime aux étudiants et aux apprentis concernés ?
M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, l’article 20 du texte reprend le « scénario de sortie de crise » qu’Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et moi-même avions esquissé dans le cadre de la mission de concertation que nous avons conduite au second semestre de 2014 à la suite du conflit des intermittents du spectacle.
Il s’agit d’inscrire dans la loi et le code du travail un cadre stabilisé permettant de conforter le régime tout en le contenant, reprenant le scénario que nous avions esquissé, sinon par consensus, du moins à la suite de discussions associant tous les partenaires.
À cette fin, le principe de règles spécifiques aux métiers du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma sera inscrit dans le code du travail, ce qui permettra de pérenniser l’existence des annexes VIII et X et d’écarter dorénavant tout chantage sur leur maintien à chaque cycle de négociations. C’est bel et bien, contrairement à ce que l’on entend parfois, une manière de sanctuariser le régime de l’intermittence en l’inscrivant dans la solidarité interprofessionnelle de l’assurance chômage.
Il fallait revoir la méthode de négociation, d’où proviennent la plupart des problèmes qui engendrent, je le rappelle, un conflit tous les deux ans et un gros conflit tous les dix ans. En effet, comme c’est le secteur interprofessionnel qui gère, selon la loi, les règles de l’assurance chômage, y compris les mesures relatives aux annexes VIII et X, et que les employeurs et les salariés concernés par ces annexes ne sont pas présents aux négociations dont ils ne font que découvrir les résultats, ces derniers ont pris l’habitude, pour les contester, de se tourner vers l’État, lequel rappelle à son tour que la négociation incombe aux seuls partenaires sociaux… Pour en finir avec ce « triangle infernal », il fallait trouver un dispositif permettant d’associer les professionnels concernés aux négociations menées par les partenaires sociaux interprofessionnels au sein de l’UNEDIC. L’article 10 prévoit, par souci de subsidiarité, de déléguer aux partenaires sociaux représentatifs de l’ensemble des professions du spectacle la négociation de leurs règles spécifiques, à charge pour eux de transmettre aux partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, qui aura le dernier mot, un document de cadrage. Peut-être serons-nous amenés à préciser ce point : convient-il d’instaurer une concertation préalable obligatoire ? En effet, l’ensemble des partenaires craint l’autonomisation du cadrage financier pour le seul secteur du spectacle, alors que toute négociation doit s’inscrire dans les règles générales de l’assurance chômage. Il conviendrait donc que les partenaires sociaux s’entendent sur un cadrage général de l’assurance chômage préalablement à la concertation des partenaires représentatifs d’un secteur professionnel.
Il s’agissait enfin d’actualiser la liste des métiers autorisant, sans le rendre obligatoire, le recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU). Nous avions songé à mieux encadrer le CDDU : les auditions ont montré que les partenaires sociaux, sans y être formellement opposés, ne sont pas demandeurs. Une conférence sur l’emploi culturel est prévue pour le mois de septembre, les discussions visant à la préparer débutant au mois de mai.
L’article 10 du texte s’inscrit dans le cadre de la responsabilisation des différents acteurs, responsabilisation qui permettra de reconnaître le rôle d’un secteur professionnel important qui a su se structurer et qui pèse pour 3 % du produit intérieur brut. Il convient donc de l’accompagner en matière de dialogue social, notamment dans l’articulation entre le plan interprofessionnel, qui a la légitimité, je le répète, pour établir les règles de l’assurance chômage, et ce secteur professionnel, dont les spécificités sont fortes.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La délégation aux droits des femmes s’est saisie de ce texte, car si les femmes représentent 48 % de la population en termes d’emploi, elles représentent plus de 72 % des travailleurs pauvres et moins de 37 % des élus du personnel. La délégation est donc très intéressée par ce texte et en salue les avancées.
Monsieur le ministre, l’article 1er instaure les commissions paritaires régionales interprofessionnelles : ne conviendrait-il pas de créer d’emblée de bonnes habitudes en prévoyant que ces commissions seront composées à parité d’hommes et de femmes ?
Nous saluons l’article 5, qui introduit l’obligation pour les listes aux élections professionnelles de comprendre une proportion de femmes et d’hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux. Le Gouvernement travaillant depuis 2012 à favoriser la mixité des métiers, ne conviendrait-il pas d’aller plus loin qu’une représentation « miroir » en instaurant des bonus, par exemple en heures de délégation, pour les organisations syndicales qui iraient au-delà de ce qui est exigé en la matière ? Ne serait-il pas également possible d’accompagner ce très bel article 5 de mesures visant à lever les freins à l’engagement syndical ? Celles qui tendent à valoriser les acquis de l’expérience ou à lutter contre les discriminations vont évidemment dans le bon sens : toutefois, le taux d’heures de délégation est trop haut pour concerner la plupart des femmes élues, qui n’ont qu’un mandat et donc peu d’heures de délégation. Il conviendrait d’instaurer des mécanismes d’incitation à l’engagement des femmes dans l’activité syndicale et le dialogue social.
Les articles 13 et 14 modifient substantiellement les modalités d’information, de consultation et de négociation. Si nous adhérons naturellement à l’objectif de simplification, d’identification et de dynamisation du dialogue social, celui-ci provoquera toutefois une perte de repères importante en termes d’égalité professionnelle puisque des documents, des moments, des lieux et des thèmes disparaissent de la rédaction actuelle des articles. Je pense tout particulièrement au rapport de situation comparée qui est la pierre d’angle, dont les acteurs se sont emparés, de la construction de la négociation pour l’égalité professionnelle. Retrouvera-t-on des données sexuées aussi claires et précises dans la base de données unique ? Tel que le projet de loi est actuellement rédigé, neuf thématiques précises de négociation permettant l’égalité professionnelle disparaissent : pourquoi le législateur devrait-il revenir sur ce qu’il a adopté il y a seulement quelques mois ?
Enfin, madame la ministre, alors que les femmes représentent 72 % des personnes en sous-emploi, vous avez indiqué que la prime d’activité permettra d’articuler individualisation et familialisation, afin d’éviter qu’elle ne serve à subventionner le travail précaire. Nous sommes toutefois très attentives au fait que ni le barème ni les modes de calcul de la prime ne figurent dans la loi. Et surtout, les pensions alimentaires, trop souvent versées de manière très aléatoire et incomplète, ne devront pas être considérées comme des revenus dans le calcul de la prime d’activité, sous peine de fragiliser le dispositif.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous allons maintenant entendre les représentants des groupes.
M. Michel Liebgott. Toutes les organisations syndicales que nous avons auditionnées se sont montrées relativement satisfaites de ce texte. Celui-ci apporte, notamment, une ouverture considérable aux TPE qui, jusqu’à présent, se sentaient écartées : 4,6 millions de salariés seront enfin représentés. Étant originaire de la région industrielle qui a connu le conflit Arcelor-Mittal, je n’oublie pas que les salariés des grands groupes s’en sortent souvent beaucoup mieux que les intérimaires ou les sous-traitants, d’autant que les entreprises ont de plus en plus souvent tendance à externaliser bon nombre de fonctions.
Ce projet de loi était donc d’autant plus attendu que nous devons rattraper un énorme retard par rapport à des pays comme la Suède, la Norvège ou le Danemark, où les taux de syndicalisation atteignent 50 %. Quant à l’Allemagne, dont le système est assurément différent du nôtre, il faut savoir que les comités d’entreprise se mettent en place à compter de cinq salariés…
Certes, les représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ont donné le sentiment de vouloir supprimer tous les seuils, de n’être favorables qu’aux accords d’entreprise et de vouloir, sinon réduire le code du travail à cent pages, comme en Suisse, du moins d’en supprimer les deux tiers. Rappelons au passage que le code du travail français ne compte que 675 pages si l’on en exclut les jugements – il n’est donc pas si énorme que d’aucuns le prétendent.
Nous avons pu leur rappeler que des salariés se plaignent de discriminations salariales incontestables liées à leur engagement syndical, qui est ressenti par beaucoup comme un handicap, ce qui n’incite pas les plus jeunes à rejoindre leurs aînés dans l’action syndicale. Cette situation ne sera pas sans conséquence sur les négociations des prochaines années.
L’Union professionnelle artisanale (UPA) a toutefois reconnu que, depuis 2001, les commissions interprofessionnelles fonctionnaient très bien au plan régional dans le domaine de l’artisanat. Je tiens également à me féliciter des actions menées dans le domaine agricole ou dans celui des professions libérales ; autrement dit, certains partenaires sociaux représentants des employeurs ont une attitude positive. Ces partenaires ont également souligné l’intérêt de la prime d’activité, qui ne doit être conçue ni comme une aide sociale ni comme un substitut au salaire et ne devra donner lieu à aucun effet d’aubaine. C’est pourquoi nous devons nous montrer vigilants : l’enthousiasme des employeurs sur ce point peut susciter quelque méfiance.
Le débat parlementaire permettra d’aborder des questions relatives au mandatement, à l’extension à la médiation, à l’amélioration de la qualité de la banque de données économiques et sociales, aux conditions d’application de la DUP, à l’indépendance du CHSCT – s’il y a des avantages à ce que le comité d’entreprise s’intéresse aux conditions de travail, il n’est pas inutile qu’une entité particulière y soit dédiée – ou à l’opportunité de négociations salariales annuelles – j’y suis plutôt favorable.
Personne ne peut nier, y compris du côté patronal, que ce texte témoigne d’une volonté incontestable de simplification permettant à la France de se rapprocher de systèmes plus vertueux. Certes, l’Allemagne n’est pas la France : je remarque toutefois que les progrès réalisés en Allemagne sur la question du SMIC sont dus à la pression des partis de gauche, notamment du SPD.
Enfin, une disposition de la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 prévoit la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Alors qu’ils siègent en Allemagne à parité avec les actionnaires dans les conseils de surveillance des entreprises, ce n’est pas encore totalement le cas en France : dix entreprises du CAC40 se refusent à appliquer ces dispositions au motif que la loi ne les y oblige pas en tant que holdings ayant moins de cinquante salariés…
M. Gérard Cherpion. Après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux au moins de janvier dernier, le Gouvernement a tranché avec ce projet de loi relatif au dialogue social. Mais cet échec du dialogue traduit précisément une désillusion dans un domaine qui constituait pourtant une des grandes ambitions du candidat Hollande. Qui plus est, ce texte arrive dans un contexte de hausse du chômage et, ce matin, les partenaires sociaux nous disaient qu’il n’aurait aucune incidence sur l’emploi, ce qui, il est vrai, n’est pas forcément son objectif.
Il contient des avancées en matière de simplification mais pas de grandes ambitions réformatrices. La création des commissions TPE correspond vraiment à une nécessité : 4,6 millions de salariés sont concernés, c’est une bonne chose. La réforme des instances représentatives du personnel (IRP), visée par les articles 8 et 9, intéresse les entreprises de 50 à 300 salariés pour l’élargissement et l’avancement de la DUP. Je m’interroge sur ce seuil de 300, pourquoi ne pas aller plus loin, peut-être jusqu’à 1 000 de façon à simplifier le système de façon plus conséquente ? Les entreprises de plus de 300 salariés ont la possibilité de regrouper les IRP à la carte et par accords majoritaires. Mais si ces mesures constituent des avancées, il faudrait aller plus loin, et offrir davantage de souplesse aux entreprises ; or rien n’est proposé par rapport au seuil des 50 salariés. J’ai d’ailleurs noté, monsieur le ministre, qu’à aucun moment dans votre propos vous n’avez prononcé le mot « seuil ». Selon une étude de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, le franchissement des seuils apporte un nombre important de 35 obligations supplémentaires et majore indirectement le coût de l’heure travaillée de près de 4 %. Vous aviez proposé, il fut un temps, de suspendre les seuils pour une durée d’un an ; pourquoi n’êtes-vous pas allé jusqu’au bout de cette excellente idée ?
En ce qui concerne la rationalisation de l’agenda social des entreprises, je voudrais vous féliciter, le passage de dix-sept obligations à l’information à trois grandes consultations me paraît très positif. Le regroupement de douze obligations négociées selon des périodes différentes en trois blocs me paraît tout à fait aller dans le bon sens, mais le projet de loi réorganise les obligations existantes sans pour autant les simplifier. Il met de l’ordre dans ce qui était devenu un véritable fouillis dans le code du travail, mais vous précisez bien dans le texte qu’aucun thème de négociation ne pourra être supprimé ; sans forcément parler de suppression, une fusion aurait pu être envisagée.
La possibilité de négocier en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, prévue à l’article 15, pose le problème du mandatement. Ce souci existait déjà à l’époque de la loi sur les 35 heures. On l’a senti ce matin à travers les auditions des partenaires sociaux ; mon sentiment est qu’ils sont globalement hostiles à cette proposition.
Pour ce qui regarde les intermittents du spectacle, j’adhère aux propos de Jean-Patrick Gilles : ce qui m’inquiète, c’est la mise en place d’un mode dérogatoire de négociation, car c’est bien cela qui est inscrit dans le texte. Les professionnels pourraient ainsi proposer leurs propres paramètres d’indemnisation aux partenaires sociaux interprofessionnels qui négocient la convention d’assurance chômage. N’avez-vous pas l’impression que l’inscription dans la loi, geste éminemment politique, pourrait créer un précédent dangereux, dans la mesure où d’autres professions pourraient à leur tour demander à sortir de la convention générale de l’assurance chômage en excipant de particularités qui leur sont propres – les travailleurs saisonniers, par exemple ?
Pour ce qui est de la mise en place du compte personnel d’activité, je vous retournerai le compliment que vous m’avez fait lors du dépôt de ma proposition de loi : vous m’aviez reproché de ne pas avoir consulté les partenaires sociaux. Mais dans le cas présent, vous n’avez pas respecté les dispositions de l’article L. 1 du code du travail en inscrivant dans la loi un dispositif qui, finalement, se résume à un article d’appel pour satisfaire une partie de votre majorité… Et si j’étais dans votre majorité, cela ne me suffirait assurément pas ! Bon nombre de questions se posent, notamment sur le financement de la portabilité des droits : comment éviter une nouvelle hausse du coût du travail, mais également certains effets contre-productifs, particulièrement en ce qui concerne l’embauche des seniors ?
J’avais cru comprendre, madame la ministre, le dispositif de la création de la prime d’activité mais, après votre présentation, j’avoue qu’un bon Dafalgan me sera utile… Je n’ai pas retrouvé dans le texte tous les éléments que vous nous avez expliqués. Pour ce qui est du nombre de bénéficiaires, on recensait environ 6,3 millions de foyers fiscaux concernés par la PPE, et 700 000 personnes par le RSA. On estime que 2,8 millions de personnes devraient bénéficier de la prime d’activité, sur une base de 5,6 millions… J’ai un peu de mal à comprendre, mais vous allez sûrement me fournir des explications et je vous en remercie par avance. Se pose également le problème de l’extension de la prime d’activité aux apprentis, dans des conditions quelque peu complexes, mais nous aurons l’occasion d’y revenir. Quoi qu’il en soit, la nouvelle prime touchera un public plus réduit, et même si ce sera plus intéressant pour certains, il y aura de nombreux perdants dans cette affaire – 820 000 ménages environ, si mes comptes sont justes. Le dispositif intègre les salariés apprentis mais exclut les étudiants et les apprentis en formation initiale, ce qui n’est pas forcément choquant. Je partage votre analyse mais celle-ci mériterait toutefois une explication plus fine sur le niveau de l’indemnisation.
M. Francis Vercamer. Pour le groupe UDI, ce texte manque de cohésion : on ne distingue pas clairement son objectif. Il ne répond pas au constat critique que vous aviez établi, monsieur le ministre, au mois de juillet dernier, qui faisait référence au nombre conséquent de règles et d’obligations construisant un cadre complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Manque de cohésion, disais-je, car ce projet de loi aborde des sujets très variés, ce qui lui confère un aspect fourre-tout avec des titres sans grands rapports entre eux. Et pour ce qui est du dialogue social, qui constitue le sujet même du projet de loi au point de lui conférer son titre, on a l’impression de rester au milieu du gué. Manque de volonté du Gouvernement ? Absence d’accord entre les partenaires sociaux ? Je ne sais, je les renvoie dos à dos. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas vraiment de schéma nouveau et audacieux.
C’est pour nous une déception : comme vous le savez, les centristes croient beaucoup au dialogue social, notamment pour l’évolution du droit et la construction de règles adaptées à la réalité des entreprises. On peut même considérer que l’annonce faite en début de semaine par le Président de la République et le Premier ministre de la création d’une mission sur la place de la négociation dans les entreprises ne clarifie pas les objectifs du projet de loi qui nous est présenté. Certes, cette mission est intéressante et nous avions déjà avancé un certain nombre d’idées à ce sujet, mais son annonce avant même que nous ayons entamé l’examen du texte a de quoi surprendre et illustre cette fâcheuse tendance du Gouvernement à fractionner les débats sur un même sujet ce qui ne contribue pas à clarifier les objectifs qu’il se fixe. Si on ajoute à cela les amendements du Gouvernement qui viennent d’être annoncés, on se retrouve avec un projet de loi à l’image des textes de cette législature : décousus, sans objectif et sans vision d’ensemble.
La modélisation des institutions représentatives du personnel, qui tend à les simplifier, passe à côté de son sujet. Certes, la fusion des délégués du personnel des CE et des CHSCT va dans le bon sens, même si des réserves au sujet de ce dernier demeurent, comme je l’ai relevé ce matin devant les partenaires sociaux, dans la mesure où cette possibilité implique la création d’un nouveau seuil de 300 salariés alors même que chacun s’accorde à reconnaître que la multiplication des seuils sociaux et des obligations qui en découlent constitue déjà un sujet de complexité. Cette dernière question est ainsi laissée en friche.
Par ailleurs, le projet de loi exclut les PME et surtout les TPE du champ de la simplification, les partenaires sociaux en ont fait la remarque ce matin, alors même que ce sont ces entreprises qui sont susceptibles de créer de nouveaux emplois. Pire, les TPE héritent d’une nouvelle obligation à travers les commissions paritaires régionales. Nous n’y sommes évidemment pas opposés puisque nous avions soutenu un dispositif similaire, mais ces créations de commissions doivent être accompagnées de mesures traitant d’une manière ou d’une autre les seuils, soit en les relevant, soit en les modifiant, soit en les lissant.
En ce qui concerne le compte personnel d’activité, nous comprenons tout l’enjeu de la transférabilité des droits dans un contexte de plus grande diversité des parcours professionnels et de mobilité accrue des salariés. Nous partageons ce souci d’atténuer les effets de rupture et de sécuriser les phases de transition : la portabilité des droits acquis par le salarié concourt à la sécurisation des parcours. En revanche, nous comprenons moins l’empressement du Gouvernement à introduire un tel dispositif dans ce texte au point de ne même pas respecter l’article L. 1 du code du travail, comme l’a relevé Gérard Cherpion, puisque la décision a été prise sans concertation avec les partenaires sociaux. On devine d’ailleurs, derrière cette proposition, davantage une logique de congrès qu’une logique de progrès…
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Ça, c’est recherché !
M. Francis Vercamer. Le contour du dispositif reste à préciser, son contenu est incertain, ce qui n’a pas échappé aux partenaires sociaux, la question de sa faisabilité reste entière. Cela alors même que les employeurs et les salariés commencent à appréhender concrètement la réforme de la formation professionnelle et que la mise en œuvre du compte pénibilité demeure une source de complexité majeure pour de nombreux employeurs. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit aux chefs d’entreprises présents ce matin : « Vous avez aimé le compte pénibilité, vous adorerez le compte personnel d’activité ». Ils ont apprécié…
M. le ministre. Vous auriez dû le dire aux salariés…
M. Francis Vercamer. Vous avez évoqué la possibilité d’enrichir le texte par des amendements ; sachez que le groupe UDI en déposera et qu’il espère être entendu.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vercamer, pour répondre à votre coquinerie, je vais m’en permettre une : vous dites avoir l’impression d’être au milieu du gué, mais ce sentiment est peut-être permanent chez les centristes.
Mme Véronique Massonneau. Ce texte a pour objet d’améliorer la qualité et l’efficacité du dialogue social, ce qui est une bonne chose. J’apprécie le progrès dans la parité entre les femmes et les hommes comme la prise en compte des parcours professionnels des élus et délégués d’entreprise ainsi que la valorisation de ces parcours – et je sais de quoi je parle. Comme à mon habitude, j’irai droit au but et vous poserai quelques questions auxquelles j’espère que vous voudrez bien répondre.
Quels seront les moyens alloués aux commissions paritaires régionales, dont nous saluons la création, afin que la représentation des nombreux salariés des TPE soit efficace ?
En ce qui concerne la création des DUP, sans avoir d’opposition de principe au regroupement des instances représentatives du personnel, je ne crois pas que la simplification dans le seul but de permettre à l’entreprise de réaliser une économie puisse constituer une motivation valable. Ces fusions ne doivent pas se faire au détriment des salariés et je souhaite que vous puissiez nous apporter des garanties sur ce point. Au-delà, un texte relatif au dialogue social devrait apporter des progrès en matière de protection des salariés, en particulier dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail, prérogatives du CHSCT.
La fusion de la prime à l’emploi et du RSA activité au profit de la prime d’activité constitue une mesure nécessaire au regard du dysfonctionnement actuel. Certains citoyens n’ont pas recours à ces dispositifs à cause de leur complexité. Nous approuvons le soutien à ces travailleurs pauvres, mais nous ne saurions cautionner l’exposé des motifs lorsqu’il présente ces dispositifs comme moyen d’incitation au travail ; personne ne se satisfait d’un RSA.
Je tiens enfin à relever un paradoxe. À travers le pacte de responsabilité, le Gouvernement incite les employeurs à recruter au salaire minimum, grevant ainsi les ressources de la Sécurité sociale du fait du dispositif « zéro charges » ; or, dans le même temps, la solidarité nationale compense la faiblesse de ces salaires qui ne permettent pas de vivre correctement.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Après les porte-parole des groupes, nous allons entendre les autres orateurs.
Pour ma part, je me félicite que les salariés des TPE trouvent enfin leur place au sein du dialogue social grâce à la création des commissions paritaires régionales (CPR). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la majorité des dossiers présentés devant les prud’hommes proviennent de TPE : cela prouve bien qu’il y a une carence dans le dialogue social de ces entreprises qui sera amélioré par ces instances, cela même si la CFDT a rappelé que 93 % des salariés dans notre pays sont couverts par des accords. Par ailleurs, je prends acte que les deux dispositifs qu’étaient le RSA et la PPE pourraient être remplacés par la prime d’activité.
Enfin, dans l’exposé des motifs, monsieur le ministre, un adverbe me gêne au sujet de la création de la délégation unique du personnel (DUP). Certes, le fonctionnement sera plus simple avec une délégation du personnel entièrement élue par les salariés et les institutions demeurent, les compétences et les missions également. Cependant, la dernière phrase indique que les moyens actuels des élus seront « globalement préservés », j’aurais préféré lire : « entièrement préservés ».
Mme Isabelle Le Callennec. Ce projet de loi est censé dépasser l’échec des négociations entre les partenaires sociaux qui n’ont pas trouvé le point d’équilibre dont vous parliez tout à l’heure, monsieur le ministre ; à les écouter ce matin, ils ne partagent toujours pas la même définition d’un dialogue social efficace. En même temps, le Premier ministre vient d’installer une commission « accords collectifs et travail » et son intention est de moderniser notre système de relations sociales et sa pratique : c’est bien qu’il ne croit même pas à l’issue de ce projet de loi… J’avoue ne pas comprendre. Le constat est largement partagé que le dialogue social est absolument nécessaire et, de mon point de vue, au plus proche des entreprises, mais, aujourd’hui, il est extrêmement complexe. Il est vrai que nous avons fait des propositions et que ce texte continue de provoquer des critiques et des interrogations. Parmi les critiques, je n’en citerai qu’une, j’ai encore reçu à ce sujet un courrier de la Fédération française du bâtiment : l’article 1er et la création des CPR sont loin de faire l’unanimité que l’on prétend. Les organisations de salariés se posent la question des moyens ; quant aux artisans, ils sont vent debout contre cet article.
J’aimerais être bien sûre d’avoir compris que le regroupement des institutions représentatives du personnel à la carte sera ouvert à toutes les entreprises de cinquante salariés tout en leur laissant le choix – l’idée de choisir me paraît excellente : les situations ne sont pas exactement les mêmes selon la filière et le nombre de salariés.
Pour ce qui est du compte personnel d’activité, je n’y vois que l’addition de dispositifs existants dont certains ont déjà du mal à se mettre en place : le compte personnel de formation dont la mise en œuvre au sein des entreprises est très laborieuse et le compte pénibilité que nombreuses entreprises considèrent comme une usine à gaz, mais je sais que vous travaillez à l’améliorer.
S’agissant de la prime d’activité, je suis tout à fait d’accord pour supprimer avant de créer. Au lieu d’additionner les dispositifs comme on le fait trop souvent, ici on en supprime deux pour n’en faire plus qu’un. Le problème est que cela ne concernera pas exactement les mêmes personnes et qu’on ne sait pas encore exactement combien cela va coûter : le Président de la République vient de rajouter un million de jeunes bénéficiaires. Vous venez, madame la ministre, de nous apporter de nouveaux éléments sur les publics visés ; reste que le financement de la prime d’activité n’est pas très clair.
M. Gérard Sebaoun. Ma question excède le champ du projet de loi tout en ayant un rapport direct avec lui : comme vous le savez, monsieur le ministre, depuis quelque temps, les notions d’aptitude et d’inaptitude au travail sont débattues et, de longue date, le MEDEF souhaite les modifier. Vous avez confié à notre collègue Michel Issindou ainsi qu’à deux autres personnalités, un rapport qui doit vous être remis très prochainement. Dans la loi « croissance et activité », un article était consacré à ce sujet, mais le Parlement ne l’a pas retenu ; l’article 6 de la loi relative à la santé prévoyait le traitement de la question par voie d’ordonnance, mais Mme la ministre des affaires sociales l’a retiré dans l’attente des conclusions du rapport précité. Ma question est donc la suivante : attendez-vous le rapport de notre collègue, le présent projet de loi sera-t-il le véhicule législatif retenu pour traiter ce sujet éminemment important aux yeux des salariés ?
M. Rémi Delatte. Nous déplorons tous la multitude et la complexité des obligations administratives, fiscales et sociales qui pèsent sur l’entreprise en France ; je regrette au passage que certains choix récents, comme celui du compte pénibilité, confirment cette spécificité nationale. Le texte présenté est empreint de bonnes intentions dont celle de conforter le dialogue social et d’apporter quelques assouplissements et simplifications, notamment dans le domaine des consultations des IRP – Gérard Cherpion s’en est fait l’écho, je n’y reviens pas.
Reste que l’article 1er irrite très fortement les professions indépendantes, comme l’a souligné notre collègue Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre du travail et de l’emploi, l’instauration d’une instance représentative du personnel par le biais de la création des CPR est majoritairement rejetée par les chefs d’entreprise concernés. Au fond, je me demande si cette disposition ne s’appliquerait pas mieux aux entreprises de moins de cinquante salariés. Pour le coup, l’effet de seuil serait reporté à cinquante, et je comprends les toutes petites entreprises qui redoutent une ingérence dans leur fonctionnement et une complexité accrue, et se méfient à l’idée de mettre en place une nouvelle technostructure coûteuse et inadaptée aux très petites entreprises souvent éloignées et dispersées, et qui plus est difficile à faire fonctionner du fait du manque de disponibilité des membres de ces commissions paritaires régionales, qui devront être issus des TPE. Qui plus est, cette instance est promise à d’inévitables télescopages avec les organisations existantes, qu’elles soient paritaires, professionnelles ou consulaires. Pourquoi ne pas retenir ce principe des CPR pour les entreprises employant entre onze et cinquante salariés et, pour les plus petites, continuer à faire confiance à un dispositif qui fonctionne, à un modèle social fondé sur la relation humaine, la confiance et le bon sens ?
Mme Fanélie Carrey-Conte. Je tiens à remercier M. le ministre pour avoir réaffirmé que le dialogue social constitue un élément majeur pour la démocratie dans l’entreprise comme pour la compétitivité et l’efficacité économique. Ce texte doit être créateur de nouveaux droits du salarié. Ne devrait-on pas aller plus loin dans la représentation des salariés au conseil d’administration des entreprises, particulièrement celles de moins de 5 000 salariés, poursuivant la démarche engagée dans le cadre de la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013 ?
Par ailleurs, je souhaitais interroger Mme la ministre au sujet de la prime d’activité et relayer une inquiétude qui s’est fait jour à propos de son attribution aux travailleurs étrangers. Pouvez-vous nous confirmer qu’elle sera maintenue pour les travailleurs étrangers actuellement bénéficiaires de la prime à l’emploi ?
Enfin, la lutte contre le non-recours constitue un véritable enjeu. Au-delà du projet de loi, un dispositif a-t-il été pensé et préparé afin d’améliorer l’accès à la prime d’activité et de diminuer le taux de non-recours à ce droit ?
M. Arnaud Richard. Madame la ministre, tous les républicains et les démocrates présents dans cette salle partagent votre avis sur le fait que la protection sociale ne relève pas de l’assistanat. En revanche, je partage quelque peu l’avis de mon collègue Cherpion au sujet de la nécessité d’un antalgique après la présentation du mécanisme de la prime d’activité… Je croyais avoir compris le projet de loi, je vais très probablement devoir le relire ! Dispose-t-on d’études précises permettant d’établir l’impact réel des mécanismes d’incitation au retour à l’emploi ? Je ne le pense pas.
La PPE et le RSA ne sont pas aujourd’hui pleinement satisfaisants, je vous l’accorde. Au mois de novembre dernier, Matignon avait prévu qu’il y aurait des perdants dans cette réforme ; aujourd’hui, vous nous soutenez qu’il n’y en aura pas. Mes calculs ne sont peut-être pas aussi précis que ceux de M. Cherpion, mais j’ai le sentiment qu’un million de nos compatriotes actuellement bénéficiaire de la PPE ou du RSA ne se retrouveront pas dans la prime d’activité. On peut avoir une philosophie politique, mais il faut être sûr et très précis et ne pas laisser entendre que personne n’y perdra. Manifestement, si l’on peut utiliser ce terme, les perdants sont ceux qui, selon vous, appartiennent à la catégorie des ménages les plus aisés de notre société – nous parlons de gens qui gagnent un peu plus de 1,2 fois le SMIC… L’ouverture aux étudiants et apprentis est une bonne chose, mais la masse budgétaire demeurant la même, il va falloir, madame la ministre, nous donner des éléments un peu plus détaillés. Tablez-vous toujours sur 4 milliards d’euros ? Le nombre de bénéficiaires se situe autour de 5,6 millions, et il va falloir y ajouter les étudiants salariés et les apprentis… Honnêtement, je suis un peu perdu. J’imagine que les débats parlementaires nous permettrons de mieux comprendre les choses.
La mensualisation enfin est une bonne chose et je veux saluer le travail de notre collègue Sirugue qui prône une réforme de l’ensemble des minima sociaux en France. Mais la question est posée : quid de l’avenir de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et du RSA dans sa partie maintenue, dit RSA socle ? Je note enfin que la situation des personnes qui se trouve en hospitalisation n’est pas prise en compte dans les modalités de calcul du revenu.
M. Denys Robiliard. On entend ici où là que ce texte ne serait pas une vraie réforme mais une réformette ; il m’a semblé que M. Vercamer s’inscrivait dans ce propos en disant qu’il n’y avait rien dans ce projet de loi qu’il allait cependant amender… Certes, l’importance d’une réforme ne se mesure pas au volume des protestations qui l’accueillent, mais tout de même ! L’instauration d’une représentation de tous les salariés des TPE est une avancée inédite, même si des systèmes de représentation existaient déjà dans le secteur de l’artisanat avec les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) et dans le secteur agricole. Ajoutez à cela la valorisation des parcours syndicaux, la rationalisation de l’information et de la consultation des instances représentatives du personnel, la réarticulation des IRP, la mise en place du compte d’activité qui permettra de nourrir – notamment sur les questions de fongibilité des droits – la future négociation sociale, et la création de la prime d’activité ; si cela n’est pas une réforme, je ne sais pas ce qu’il faut faire !
En ce qui concerne la délégation unique du personnel, l’élargissement est double : non seulement la possibilité est étendue aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés, mais la DUP inclura désormais le CHSCT alors qu’elle ne regroupait jusqu’à présent que les délégués du personnel et le comité d’entreprise. Je m’interroge toutefois sur la capacité de DUP à préserver la spécialisation du CHSCT, sur le plan fonctionnel mais également sur celui des compétences et des procédures particulières à cette institution. Ce doit être faisable, mais il faudra y être très attentif.
Ma deuxième question porte sur les administrateurs salariés. Vous avez procédé, monsieur le ministre, à une première évaluation de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Des difficultés sont apparues dans la mise en œuvre des règles applicables aux administrateurs salariés dans certains groupes tout simplement parce que l’organe dirigeant se trouve au sein d’une société qui n’a que très peu ou pas du tout de salariés. Le présent projet de loi pourrait-il être l’occasion de tenter de trouver une solution techniquement adaptée à ce cas de figure ?
Mme Catherine Coutelle. Je ne redirai pas ce que Sandrine Mazetier, rapporteure pour la Délégation aux droits des femmes, a dit de ce texte que nous trouvons très positif. En ce qui concerne la représentation équilibrée des hommes et des femmes, je me réjouis que nous passions d’une incitation inscrite dans la loi relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite Génisson, mais dont on a vu les limites, à une contrainte. Toutefois, à la différence de ma collègue Sandrine Mazetier, je ne crois pas la parité inscrite dans la Constitution se résume au « miroir », autrement dit à la représentation du nombre de femmes relevé à un moment donné dans un lieu donné ; si nous nous en étions tenus à cela, jamais nous n’aurions pu instaurer la parité dans nombre de domaines. La parité, pour nous, c’est essayer, par étapes, d’aller vers l’égalité de la représentation ; mais sans doute faut-il aussi accompagner les femmes dans le syndicalisme. Cela peut être un processus de long terme, mais c’est cela qui doit demeurer l’objectif, et non l’effet miroir. D’autant que je m’interroge : est-ce à dire que dans certains métiers où il y a 80 % de femmes, il devra y avoir 80 % de représentants syndicaux féminins ? J’aimerais que l’on trouve une autre formule.
L’article 13 du projet de loi vise à réduire le nombre des informations ou des consultations obligatoires du comité d’entreprise, ce qui m’amène à poser une question très précise à laquelle je n’ai pas jusqu’à présent trouvé réponse : quelle est la visibilité aujourd’hui de l’égalité professionnelle dans les entreprises ? Le projet de loi modifie les articles L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail. Or aucune des personnes que nous avons consultées, ni le Haut conseil à l’égalité des femmes et des hommes (HCEfh) n’ont pu nous dire ce que devient le rapport de situation comparée. Or, dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous venons de le renforcer avec des indicateurs plus précis. Cela commence à fonctionner et un décret d’application prévoyant des sanctions a été pris : quarante-cinq entreprises ont ainsi été sanctionnées fin 2014 et on est passé de 16 % d’accords en 2013 à 35 % à la fin de l’année 2014. L’effet du rapport de situation comparée est donc très incitatif. Les syndicats que nous avons entendus hier à l’occasion d’une table ronde nous ont indiqué que les négociateurs commençaient à comprendre le fonctionnement du dispositif et à avoir des réponses. Je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que les rapports de situation comparée disparaissent : ce serait pour la Délégation aux droits des femmes un casus belli. Je souhaiterais enfin vous interroger au sujet de la représentation paritaire au sein du collège des employeurs.
Mme la ministre. Une grande part des questions ont porté sur les titres I à III. Pour ce qui est du titre IV, qui traite de la prime d’activité, le rapporteur Christophe Sirugue m’a demandé de préciser le mécanisme d’individualisation et de familialisation en montrant les différences avec le dispositif actuel.
L’objectif poursuivi est très clairement de ne pas faire de perdants parmi les familles modestes. La composition du foyer sera donc prise en compte selon une logique assez proche de celle du RSA activité : le montant forfaitaire retenu pour le calcul de la prestation sera majoré en fonction du nombre d’enfants et, le cas échéant, du statut de parent isolé. En revanche, les simplifications de la base ressources reposent sur un changement de logique par rapport à ce qui avait été retenu pour la mise en place du RSA activité, qui restait marqué par le caractère de minimum social du RSA dont il était une composante. C’est précisément ce paradoxe que nous avions dénoncé à l’époque : ceux qui nous accusent systématiquement de défendre l’assistanat et de confondre revenus d’activité et revenus de l’aide sociale sont les mêmes qui ont mis en place, avec le RSA activité, un dispositif qui confond totalement la logique de minimum social avec celle d’un complément d’activité ! Du coup, parce que c’était un minimum social, le RSA activité prenait en compte absolument toutes les ressources, comme cela est inscrit dans la loi. La base ressources incluait par exemple les aides en nature reçues d’un proche, cadeaux de Noël ou autres, monétaires ou financiers, les ressources que l’on ne touchait pas mais que l’on aurait dû toucher – des pensions alimentaires non versées, par exemple –, des revenus théoriques tirés d’un patrimoine quand bien même ils seraient purement latents – une résidence secondaire héritée, par exemple, dont on était supposé tirer un bénéfice alors qu’on n’en dégageait aucun.
En ce qui concerne la prime d’activité, la règle est simple, les ressources retenues pour son calcul sont strictement énumérées par la loi : il s’agit des revenus d’activité ou des revenus de remplacement des revenus professionnels : indemnités chômage, indemnités journalières – ce qui signifie, en réponse à M. Arnaud Richard, que la situation des personnes hospitalisées est prise en compte –, les prestations sociales, particulièrement les allocations familiales, et les revenus soumis à l’impôt sur le revenu. Sont donc exclus de cette base ressources les revenus non imposables au titre de l’IR, les aides en nature et les dons. Le débat aura lieu au sujet de l’extension précise de ces prestations.
Vous m’avez également interrogée, monsieur le rapporteur, sur l’éventuelle durée minimale d’activité, afin de ne pas intégrer les jeunes travaillant dans le cadre de jobs d’été d’un mois dans la liste des bénéficiaires de la prime. Il ne s’agit pas de dire que les jeunes qui travaillent un mois l’été ne travaillent pas, mais que la logique de la prime est d’accompagner le retour à l’emploi afin de favoriser l’insertion, et pas seulement d’apporter un complément à un emploi à un moment donné. On pourrait imaginer une durée minimale de trois mois correspondant à la durée du versement de la prime, puisque celle-ci prend en compte les revenus des trois mois précédents, et est réactualisée sous les trois mois.
Vous m’avez ensuite fait part de vos préoccupations relatives au financement à enveloppe constante. Les apprentis et les étudiants qui seront inscrits dans le périmètre par les amendements que présentera le Gouvernement représentent un peu moins de 200 000 personnes. En ce qui concerne les apprentis, ils figurent dans le cadre de financement initialement prévu. Pour les étudiants, il s’agira de déterminer si l’on module le barème sans le modifier – je rappelle que celui-ci résulte de projections et qu’il est donc purement indicatif. En gros, si l’on baisse de 10 euros les prestations envisagées, on doit pouvoir verser la prime aux étudiants. Le barème pourra faire l’objet de discussions dans l’hémicycle mais, dans la mesure où il s’agit de dispositions relevant du domaine réglementaire, nous souhaitons surtout organiser une concertation et agir de la façon la plus transparente qui soit.
Mme Mazetier m’a interrogée sur le cas des couples notamment et a bien signifié qu’elle ne concevait pas la prime comme un substitut au travail précaire. Je veux à nouveau insister sur ce point : ce n’est pas un élément du plan pauvreté. Certes, il y a des situations de précarité auxquelles il faut répondre et c’est précisément là l’enjeu de ce plan ; mais la prime d’activité n’a pas pour objet d’apporter un complément de revenu aux gens les plus pauvres, mais un complément de revenu et un soutien à l’insertion dans l’activité à des gens qui ne comptent pas nécessairement parmi les plus pauvres. Le public directement visé, je le répète, est celui dont les revenus se situent entre 0,5 et 1,2 SMIC.
Contrairement à ce qui existait auparavant, ce dispositif va encourager le travail des deux membres d’un couple. Concrètement, les deux membres d’un couple gagnant le SMIC bénéficient pour l’heure d’une prestation inférieure à ce qu’ils auront demain, puisque les deux actifs toucheront chacun une prime d’activité. Jusqu’à maintenant, un plus un ne faisait pas deux, mais à peu près un et demi. Dans le nouveau dispositif de prime d’activité, il n’y a aucune incitation à ce que le conjoint – en pratique, la femme – ne prenne pas une activité : au contraire, elle a tout à y gagner.
En ce qui concerne les prestations alimentaires, qui font partie des débats à venir, le Gouvernement a pris une mesure importante : le fonds de garantie des impayés des prestations alimentaires, par le biais de la Caisse d’allocations familiales qui se substitue au conjoint défaillant, assure le versement des impayés jusqu’à 100 euros par enfant en se retournant ensuite contre le mauvais payeur. Ce sujet a été bien identifié par le Gouvernement qui souhaite accompagner les femmes placées dans cette situation.
J’ignore si je peux apporter des éléments complémentaires à M. Cherpion, mais je vais essayer car je m’en voudrais qu’il prenne trop de Dafalgan : il ne faut pas abuser des médicaments… Combien de personnes sont-elles concernées ? Cela me permettra de répondre aussi à Mme Le Callennec. Comme pour tout dispositif social, une population cible a été déterminée, 5,6 millions de personnes en l’occurrence, dont on estime qu’elles peuvent prétendre au bénéfice de la prestation. Sachant qu’une prestation connaissant 100 % de taux de recours, cela n’existe pas, nous formons l’hypothèse, au regard de ce qui se pratique, que le taux de recours sera de l’ordre de 50 % – il nous appartiendra d’ailleurs de l’améliorer, et je répondrai à Mme Fanélie Carrey-Conte sur la manière dont nous espérons y parvenir.
Certains, qui n’ont droit ni à la PPE ni au RSA, bénéficieront de la prime d’activité ; d’autres, qui représentent quelque 800 000 personnes, ne bénéficieront plus des dispositifs existants – notamment de la PPE – et ne toucheront pas non plus la prime d’activité. Toutefois ces « perdants » perçoivent une part si faible de PPE – de l’ordre de 15 euros – qu’ils ignorent souvent en être bénéficiaires. D’autre part, sur ces 800 000 personnes, de 40 à 50 % sont des concubins, dont l’un des deux pouvait être éligible à la PPE même si les revenus du ménage sont élevés, alors qu’un couple marié disposant du même revenu ne l’était pas. Le Gouvernement, dans ces conditions, peut assumer qu’il y ait des « perdants ».
Des actions seront par ailleurs menées pour favoriser le taux de recours à la prestation, madame Carrey-Conte ; la simplicité du nouveau dispositif, notamment avec la déclaration de ressources trimestrielle et non plus mensuelle, y contribuera. La CNAF lancera également une campagne de communication, et, à terme, un accès dématérialisé sera mis en place, incluant une application pour les smartphones.
Pour ce qui concerne les étrangers, la prime d’activité est par nature réservée aux actifs qui travaillent en France. Il ne serait pas justifié de soutenir le système des travailleurs détachés, lesquels, au reste, ne bénéficient pas non plus de la PPE. Les travailleurs étrangers hors Union européenne qui ne justifient pas d’un séjour régulier en France de cinq ans au moins ne seront pas éligibles non plus, conformément aux conditions classiques en matière de prestations sociales, surtout si elles ont pour objet l’insertion dans le marché du travail. Une partie de ces personnes – je dis bien une partie seulement – peuvent, il est vrai, bénéficier de la PPE, même si les montants ne sont pas forcément très élevés.
M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Les organisations syndicales ont alerté, rappelait M. Sirugue, sur la difficulté de trouver un vivier suffisant pour assurer une représentation des TPE dans les commissions paritaires régionales, alors que, de façon un peu contradictoire, d’autres confédérations syndicales souhaitent que ces instances soient surtout composées de représentants de TPE. Le Gouvernement s’est efforcé de traduire une représentation fidèle des salariés, étant entendu que les membres de ces instances seront d’autant mieux à même de comprendre les problèmes des TPE qu’ils y travaillent. Le système représentatif envisagé est donc cohérent avec le rôle de conseil qui, à nos yeux, doit être celui des commissions paritaires régionales. Une meilleure visibilité devrait aussi favoriser la participation aux élections professionnelles dans les TPE : les organisations syndicales pourront en effet, comme elles y tenaient, faire figurer sur leur propagande électorale l’identité des personnes qu’elles envisagent de désigner dans les commissions. Je comprends votre question, monsieur le rapporteur, mais si le vivier des TPE s’avère insuffisant pour pourvoir deux ou trois sièges au maximum dans chaque région, il faut sans doute s’interroger sur l’implantation syndicale. Bref, la nouvelle organisation ne me semble pas soulever de difficultés insurmontables.
Vous m’avez aussi demandé si des études montrent que la DUP, dont le Gouvernement entend relever le seuil de 200 à 300 salariés, favorise l’emploi. Je reviendrai sur les effets de seuil, dont traite l’article 16. En ce domaine, nous avons pris le parti de réformer en profondeur le nombre d’obligations qui s’attachent au franchissement des seuils, afin de rendre le système plus simple et plus clair. C’est notamment le cas de la DUP, au sein de laquelle seront regroupés les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. De ce fait, le fonctionnement des instances sera mieux adapté à la taille des entreprises. Quant à la décision d’embaucher, monsieur le rapporteur, elle ne tient pas à un seul facteur ; on entend souvent dire, par exemple, qu’elle dépend aussi du fait de savoir si l’on pourra licencier. Quoi qu’il en soit, le projet de loi apporte plusieurs solutions en ce domaine.
Depuis sa création, la DUP est un réel succès ; elle concerne plus de 60 % des entreprises de 50 à 200 salariés disposant d’une instance représentative du personnel. D’après la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 24 % des entreprises de 200 à 300 salariés ont une DUP. Certaines entreprises ont au demeurant choisi de garder un comité d’entreprise et une délégation du personnel séparés, et cette possibilité demeurera. Le texte, en tout cas, fluidifiera le fonctionnement de la DUP en élargissant son périmètre. Enfin, nous avons choisi d’harmoniser les seuils, notamment avec le passage de 150 ou 200 salariés à 300. Autant de mesures qui favoriseront le dialogue au sein des entreprises.
On parle beaucoup aussi du mandatement. Le texte, fruit d’une étroite concertation avec les organisations patronales et syndicales, doit avant tout permettre à tous les salariés d’accéder au dialogue social. Il n’est pas acceptable que des centaines de milliers d’entre eux soient privés d’accords d’entreprise sur les salaires, la prévoyance ou l’organisation du temps de travail, et laissés à la seule main de l’employeur. De nouvelles possibilités de négociation seront ouvertes en l’absence de délégué syndical : cela ne modifie en rien, faut-il le rappeler, le système actuel puisque, dans ce cas précis, l’employeur peut d’ores et déjà négocier avec une institution représentative du personnel ou, à défaut, un salarié mandaté. Il pourra toujours le faire, bien entendu, mais, avant toute négociation, il devra vérifier qu’aucun élu n’est mandaté pour négocier en priorité avec lui. Cette mesure, qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, constitue par conséquent un encouragement à négocier sous le contrôle des organisations syndicales, et elle élargit le champ de la négociation. Loin d’affaiblir ou de contourner les syndicats, comme certains le craignent, elle en renforce le rôle central.
Une autre crainte s’est exprimée quant à la suppression des commissions paritaires de validation, aujourd’hui saisies, aux termes de la loi, pour des accords signés par des instances représentatives du personnel non mandatées. D’après les remontées du terrain, unanimes, ces commissions fonctionnent très mal dans de nombreuses branches ; aussi proposons-nous de substituer au système actuel un dépôt des accords visés auprès des services de l’État. Toutes les garanties seront donc maintenues.
Plusieurs interventions ont porté sur le compte personnel d’activité. Il s’agit d’une avancée majeure, qui marquera l’histoire sociale de notre pays. Plusieurs comptes individuels ont été créés à l’initiative de la gauche : compte épargne-temps, compte personnel de formation ou compte pénibilité – les partenaires sociaux ont aussi fait une proposition intéressante concernant l’assurance chômage avec les droits rechargeables. L’idée d’une sécurisation sociale des parcours professionnels fut une antienne des années quatre-vingt-dix, reprise par plusieurs formations politiques. Les objectifs sont désormais clairement affichés : lisibilité, portabilité des droits, fongibilité et sécurisation des parcours. Comme le Président de la République l’a justement souligné, le compte personnel d’activité constituera le capital de ceux qui ne possèdent rien d’autre que leur force de travail. Bref, cette proposition n’est en rien un contournement de l’article L. 1 du code du travail : les partenaires sociaux rempliront une coquille dont il serait néanmoins abusif de dire qu’elle est vide. In fine, c’est bien sûr la représentation nationale qui, en tout état de cause, aura à trancher.
M. Gille a précisé les contours du cadre de négociation inédit pour le régime des intermittents. La réforme de l’intermittence associera les organisations représentatives du secteur du spectacle, qui jusqu’alors n’en étaient pas partie prenante, et les organisations interprofessionnelles. L’exigence de représentativité est respectée, puisque les règles spécifiques de l’assurance chômage des intermittents seront élaborées par leurs organisations représentatives. Le régime sera pérennisé, puisque les annexes VIII et X figureront désormais dans la loi. L’interprofession définira la trajectoire financière et les grands principes ; les organisations du monde du spectacle, elles, fixeront les règles et actualiseront la liste des métiers visés : elles ont en effet toute légitimité pour le faire, dès lors qu’elles sont au plus près des réalités du terrain. Le système, on le voit, repose sur la confiance à l’égard des partenaires sociaux. Force est de constater qu’aujourd’hui, on use et on abuse du CDD d’usage…
Vous avez soulevé de vrais sujets, madame Mazetier, et je vais m’efforcer de vous convaincre que le texte comporte d’authentiques avancées, qui d’ailleurs ne remettent nullement en cause, notamment, l’utilité du rapport de situation comparée, non plus que les obligations du code du travail en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Toutes les données du rapport de situation comparée seront intégrées à la base de données unique qui se substituera à lui : il n’y aura donc aucune perte d’information. Cette base de données sera périodiquement actualisée, et la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise inclut l’item « égalité entre les femmes et les hommes ». Le projet de loi prévoit des dispositions similaires pour l’ensemble des rapports existants. Tout le monde, y compris les défenseurs de la cause féministe, a donc à gagner à la simplification proposée.
Le projet de loi ne remet pas davantage en cause l’obligation de négociation en matière d’égalité professionnelle ou, à défaut, l’obligation faite à l’employeur d’établir un plan d’action unilatéral, obligations assorties d’une pénalité équivalant à 1 % des rémunérations, aux termes de l’article L. 2242-5-1 du code du travail. Cet article, dans la numérotation simplifiée, deviendra le L. 2242-9.
Les obligations touchant à la mise en œuvre d’un plan d’action et à son dépôt auprès de l’administration demeurent : les articles visés, L. 2323-47 et L. 2323-57, deviennent le 2° de l’article L. 2323-17. Je conviens de l’aspect « jeu de piste » de la chose, mais le projet de loi, loin de remettre en cause les acquis en matière d’égalité entre hommes et femmes, permet des progrès considérables, en particulier à travers l’obligation d’une représentation équilibrée lors des élections professionnelles : c’est là une réforme de grande ampleur, qui d’ailleurs n’est pas accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par les organisations professionnelles.
Mme Mazetier m’a aussi interrogé sur la parité au sein des commissions territoriales. Le texte ne reprend pas cet objectif au demeurant légitime, certains partenaires sociaux ayant fait valoir, comme je l’ai rappelé, qu’il serait déjà difficile de trouver, au sein des TPE, suffisamment de candidats pour siéger dans ces instances. Je reste néanmoins ouvert, bien entendu, à toute solution intelligente.
Quant à la question d’accorder un bonus à ceux qui iraient au-delà de l’effet de miroir, madame Mazetier, le Gouvernement a opté pour une représentation équilibrée, fondée sur le poids respectif de chaque sexe au sein du corps électoral. Faire mieux en faveur de l’un des deux sexes, comme vous le suggérez, est discutable car cela revient par définition à désavantager l’autre. Notre objectif est d’assurer le respect de l’équilibre des sexes au sein des entreprises, de la même façon que la parité, en politique, est en quelque sorte un miroir de la société.
Mme Catherine Coutelle. Sinon, il y aurait plus de femmes élues, car il y a plus d’électrices que d’électeurs…
M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le véritable objectif est la mixité des métiers ; même une représentation strictement paritaire ne permettrait pas de l’atteindre. Ce n’est pas en bougeant le miroir, si vous me passez l’expression, que l’on améliorera l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail, mais bien en travaillant sur la mixité des métiers. Reconnaissez avec moi que les mesures présentées par le Gouvernement représentent des avancées majeures.
S’agissant de l’accompagnement je comprends l’objectif, mais une règle qui favoriserait l’un des deux sexes dans les conditions d’exercice du mandat constituerait une rupture d’égalité : elle me semble donc impossible juridiquement. Les mesures relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou à l’entretien professionnel doivent en tout cas bénéficier aux femmes.
M. Liebgott, M. Robiliard et Mme Carrey-Conte m’ont interrogé sur la représentation des salariés au sein des conseils d’administration : c’est là un enjeu majeur pour mettre les salariés au cœur de la performance économique des entreprises. Chacun cite en exemple, à juste titre, le cas de Volkswagen en Allemagne. Une première avancée est intervenue dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi, qui rend obligatoire cette représentation dans les entreprises de plus de 5 000 salariés – ou de plus de 10 000 à l’international quand le siège est en France. Mais cette mesure sous-estimait l’intelligence dont savent faire preuve certains pour contourner la loi : seules trente-trois sociétés dont les actions sont prises en compte pour le calcul de l’indice SBF 120 (sociétés des bourses françaises) ont désigné des représentants des salariés au sein de leur conseil d’administration… C’est bien sûr insuffisant. Le Gouvernement est donc ouvert à une nouvelle discussion sur le sujet.
M. Cherpion a émis, sur les commissions paritaires régionales, des opinions opposées à celles de son collègue de l’UMP M. Delatte. Par le fait, les deux positions existent : celle de l’UPA, selon laquelle ces instances fonctionnent bien ; celle de la CGPME, qui soutient le contraire. Mme Le Callennec, de son côté, a évoqué la Fédération française du bâtiment (FFB), qui, sur la question de la représentation, est en conflit avec l’UPA et relève à la fois du MEDEF et de la CGPME. J’ai rencontré son président et me suis efforcé de le convaincre. Le système fonctionne pour l’UPA et pour la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB : il n’y a pas de raison qu’il n’en aille pas de même pour la FFB. Ne jouons pas à nous faire peur…
La simplification a été saluée, par exemple sur le regroupement des dix-sept obligations d’information et de consultation du CE en trois grandes consultations ; elle permettra de mieux prendre en compte les enjeux stratégiques et les préoccupations des salariés.
Sur les seuils, nous avons tout de même un peu avancé. Le Gouvernement a opté pour une harmonisation en relevant à 300 salariés les seuils actuellement fixés à 150 et à 200. Le seuil de 300 salariés, outre qu’il existe déjà, a l’avantage d’être celui à partir duquel la représentation syndicale est pour ainsi dire générale, puisque celle-ci atteint alors 95 % – et 93 % pour les instances représentatives du personnel. Lors de ma prise de fonction, j’ai proposé aux responsables de l’ensemble des organisations syndicales de suspendre, pendant deux ou trois ans, l’application du seuil de cinquante salariés, d’autant que la loi prévoit déjà un délai d’application d’un an : cela, leur avais-je fait observer, priverait le patronat de son argument selon lequel cet effet de seuil empêcherait la création de 500 000 à 1 million d’emplois. Mais les organisations syndicales ayant rejeté cette proposition, je ne l’ai pas retenue. Du coup, l’argument patronal demeure…
Le compte personnel d’activité, je le répète, n’implique en rien un contournement de l’article L. 1. Les partenaires sociaux seront consultés, mais il est normal que la représentation nationale fixe le cadre ; j’ai déjà fait part de mes observations sur certaines propositions.
M. Vercamer nous reproche un certain immobilisme sur les seuils ; mais la majorité à laquelle il appartenait n’a rien changé aux 35 heures qu’elle ne cessait pourtant d’incriminer, non plus d’ailleurs qu’aux seuils, pendant les dix années où elle fut aux affaires.
L’idée d’une sécurisation des parcours professionnels, je l’ai dit, n’est pas nouvelle. Sur ce point, je réserve la primeur de mes suggestions à ma formation politique, qui, je l’espère, les fera sienne. Les partenaires sociaux seront bien entendu associés à la réflexion.
Le Premier ministre a confié à Jean-Denis Combrexelle, expert reconnu, une mission sur la hiérarchie des normes. Comment concilier protection des salariés et contraintes économiques des entreprises ? Les deux objectifs ne s’opposent pas mais leur équilibre est délicat, d’autant qu’on ne peut balayer l’histoire d’un revers de main. Nous devons nous garder de toute vision idéologique, et attendre les conclusions de la mission à l’automne.
La loi, madame Massonneau, donnera aux commissions paritaires régionales tous les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, sans aucune charge supplémentaire pour les entreprises. Les pertes de salaire, pour les 180 membres de ces instances, seront compensées par le fonds paritaire de financement du dialogue social, institué par la loi du 5 mars 2014 ; cela ne représentera que 0,41 % de ses ressources. Lesdits membres bénéficieront aussi d’autorisations d’absence et d’une protection. Ainsi conçu, le dispositif paraît satisfaire les organisations syndicales et patronales.
Pourquoi, madame la présidente, l’exposé des motifs du projet de loi précise-t-il que les moyens des élus seront « globalement » – et non « totalement » – « préservés » ? Parce qu’il y aura, tout de même, quelques légères différences, sur lesquelles les partenaires sociaux se sont aussi interrogés : par exemple, les heures de délégation, pour les membres des DUP et des CHSCT dans les entreprises de 50 à 174 salariés, passeront de 66 à 65. Les moyens seront bel et bien conservés, comme je l’avais initialement annoncé.
Je crois avoir répondu aux questions de Mme Le Callennec. Le compte personnel de formation n’est ouvert que depuis quatre mois ; j’ai réuni les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) avant-hier pour les mobiliser, notamment sur la simplification et la mise à jour du système informatique. Le dispositif fonctionnera. À ce stade, 1,4 million de comptes ont été ouverts ; les formations doivent ensuite être certifiées, ce qui, j’en conviens, prend du temps. J’ai demandé aux OPCA d’accélérer le processus, l’inventaire et le répertoire impliquant une double vérification. Les choses, à n’en pas douter, auront avancé dans quelques mois. Sur le compte de prévention de la pénibilité, nous attendons les propositions de M. Sirugue. Le compte personnel d’activité, qui regroupera le compte de pénibilité, le compte de formation et le compte épargne-temps, ouvrira en tout cas de nouveaux droits aux salariés.
Mme Touraine et moi-même, monsieur Sebaoun, avons confié à Michel Issindou une mission sur l’aptitude et la médecine au travail. Le rapport nous sera remis d’ici une quinzaine de jours ; nous pourrons donc suivre ses préconisations, en concertation avec les partenaires sociaux, pour enrichir le projet de loi, sans doute dès son examen en première lecture.
Les procédures particulières du CHSCT seront préservées, monsieur Robiliard ; la spécialisation des équipes de la DUP sur les questions relevant du CHSCT a fait l’objet d’un débat avec les organisations syndicales. Dans la mesure où les élus auront plus d’heures de délégation, la question des conditions de travail prendra, je le crois, une place de plus en plus importante. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement reste attentif à ce sujet.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le ministre, je vous remercie car avec Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, vous nous avez donné des réponses très complètes.
La Commission procède à l’examen du présent projet de loi lors de ses séances du mardi 19 et mercredi 20 mai 2015.
TITRE IER
AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET LA QUALITÉ
DU DIALOGUE SOCIAL AU SEIN DE L’ENTREPRISE
Chapitre Ier
Une représentation universelle des salariés des très petites entreprises
*
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS164 du rapporteur.
Article 1er
(art. L. 23-111-1, L. 23-112-1, L. 23-112-2, L. 23-112-3, L. 23-112-4, L. 23-112-5, L. 23-112-6, L. 23-113-1, L. 23-113-2, L. 23-114-1, L. 23-114-2, L. 23-114-3, L. 23-114-4, L. 23-115-1, L. 2411-1, L. 2411-24, L. 2412-1, L. 2412-15, L. 2421-2, L. 2422-1 et L. 2439-1 du code du travail)
Généralisation des commissions paritaires régionales
Cet article vise à renforcer et à moderniser le dialogue social au sein des entreprises de moins de onze salariés.
I. LE DISPOSITIF ACTUEL : LA FACULTÉ DE METTRE EN PLACE DES COMMISSIONS TERRITORIALES DE DIALOGUE SOCIAL AU NIVEAU DES BRANCHES
En l’état actuel du droit, le code du travail ne rend obligatoire la représentation des salariés que dans les établissements de onze salariés et plus. Ainsi, si des instances de représentation existent, elles sont facultatives et ne se sont développées qu’en nombre limité.
Plusieurs tentatives ont été faites afin de permettre une représentation des salariés des petites entreprises :
– la possibilité d’élire des délégués de site a été instituée par la loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise dite loi Auroux. Ces délégués de site représentent les salariés d’entreprises de moins de onze salariés travaillant sur un site employant durablement plus de cinquante salariés. Ces délégués de site sont particulièrement bien adaptés pour les centres commerciaux ;
– la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a également ouvert la possibilité aux partenaires sociaux de créer des commissions paritaires locales afin d’y traiter les questions relatives à l’emploi, à la formation professionnelle et aux conditions de travail mais aussi de permettre des conciliations individuelles ou collectives.
Par ailleurs, la représentation des salariés et des employeurs des TPE se heurte à un taux de syndicalisation bien inférieur à la moyenne nationale – l’étude d’impact fait état d’un taux de 3 % dans les entreprises concernées contre 9 % dans l’ensemble du secteur privé. Dans ces conditions, même lorsque la volonté existe, il n’est pas toujours possible de mettre en œuvre une représentation au niveau de l’entreprise.
En définitive, la représentation des salariés et employeurs des TPE reste largement parcellaire et soumise à la bonne volonté des acteurs locaux.
A. L’EXEMPLE LE PLUS ABOUTI DANS LE SECTEUR DE L’ARTISANAT
L’article L. 2236-6 du code du travail dispose que : « la validité d’une convention de branche ou d’un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure d’audience… au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau ».
L’Union professionnelle artisanale (UPA) et les 5 confédérations représentatives – CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC – ont signé un accord dès le 12 décembre 2001 prévoyant la mise en place de Commissions paritaires interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) en vue de développer le dialogue social dans un secteur qui en était jusque-là dépourvu. En effet, seulement 4 % des entreprises du secteur artisanal emploient 11 salariés ou plus.
La mise en place des CPRIA dans l’ensemble des régions a nécessité 9 années en raison des actions judiciaires intentées par le Medef, la CGPME et la Fédération du bâtiment au motif notamment qu’en vertu de l’accord, les entreprises doivent verser 0,15 % de leur masse salariale pour financer le dialogue social. Une CPRIA n’est pas une instance de négociation qui reste bien l’apanage des branches mais plutôt une instance de dialogue, d’échange de bonnes pratiques et de travail en commun qui permet de dénouer les conflits en amont.
L’accord a tout de même été étendu par l’arrêté du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et du ministre de l’agriculture et de la pêche du 24 octobre 2008 à l’ensemble du secteur de l’artisanat (2).
Plus récemment, la branche agricole puis les professions libérales ont négocié des accords similaires afin de créer des commissions territoriales de dialogue social. Ces commissions jouent un rôle consultatif sur des sujets touchant à la vie des entreprises du secteur de leurs salariés : emploi, formation professionnelle et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Ainsi, le secteur de la production agricole a mis en place des associations départementales et régionales pour l’emploi et la formation dans l’agriculture afin de promouvoir les métiers agricoles et développer l’emploi.
L’accord du 28 septembre 2012 dans le secteur des professions libérales a également institué des commissions paritaires régionales de développement du dialogue social dans l’interprofession. L’accord a été étendu en 2013 mais aucune commission n’est à ce jour fonctionnelle.
B. UN BILAN DES COMMISSIONS TERRITORIALES TRÈS POSITIF
À ce stade, un premier bilan peut être tiré de l’activité des CPRIA plus de 4 ans après la mise en place des 22 instances régionales composées chacune de dix représentants de l’UPA et de dix des salariés à raison de deux par organisation syndicale représentative.
Les CPRIA ont vocation à examiner les questions aussi fondamentales que l’aide au dialogue social, l’accès à l’emploi, la connaissance et l’attractivité des métiers, les besoins de recrutement, les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité ou le développement des activités sociales et culturelles.
Durant les deux premières années, la priorité a été mise sur l’emploi des jeunes – apprentissage et contrats de professionnalisation – et des seniors ainsi que sur l’égalité professionnelle.
Dans le domaine de la jeunesse, plusieurs initiatives ont été prises :
– la mise en place de Comités des œuvres sociales et culturelles de l’artisanat (COSCA) dans de nombreuses régions. Ces comités permettent aux chefs d’entreprise du secteur de l’artisanat et à leurs salariés d’avoir accès à une offre de loisirs et de culture à des conditions préférentielles. Ce service renforce l’attractivité de l’artisanat alors qu’aujourd’hui près d’un tiers des entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité ne trouvent pas les employés dont ils ont besoin. Il permet également de fidéliser les salariés dans un secteur qui souffre d’une trop importante rotation alors qu’il a besoin de conserver le plus longtemps possible ses salariés formés ;
– la formation de groupes de travail en faveur de l’amélioration des conditions de travail par les CPRIA de Bretagne, du Languedoc-Roussillon et du Poitou-Charentes ;
– la création d’un Observatoire Emploi et Métiers de l’Artisanat en Alsace portant sur la situation des entreprises artisanales de tous secteurs d’activité confondus, leurs perspectives d’évolution et leurs attentes ;
– la mise en place d’un livret d’accueil du salarié par le CPRIA Pays de la Loire.
Le choix de l’espace régional s’est avéré pertinent permettant une prise en compte des spécificités des entreprises tout en garantissant un cadre commun dans un même bassin d’activités.
Si le bilan est largement positif, ces expériences restent circonscrites et tiennent à la seule volonté des partenaires sociaux qui en prennent l’initiative.
II. L’ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS VISANT À GÉNÉRALISER DES COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES
Aujourd’hui, 4,6 millions de salariés travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés. Ces derniers ne bénéficient d’instances de représentation que dans les branches qui en ont pris l’initiative.
Dès janvier 2010, dans une lettre commune, la CGT, la CFDT et l’UPA ont considéré que des commissions régionales « pourraient notamment apporter une aide en matière de dialogue social, assurer… des missions d’information et de sensibilisation en matière de relations du travail et veiller à l’application des accords collectifs du travail ».
Les négociations qui ont été engagées sur le sujet n’ont pas été conclusives. En effet, si les organisations syndicales de salariés sont favorables à une représentation extérieure des salariés de TPE, les positions des organisations patronales sont plus contrastées.
Les positions allant du souhait de l’UPA d’une généralisation de l’expérience de l’artisanat à un refus de toute représentation extérieure. Plus particulièrement, la CGPME considère qu’il existe déjà « une relation directe entre le chef d’entreprise et les salariés » et que des commissions paritaires régionales, même extérieures à l’entreprise, se traduiraient « par des contraintes [administratives et financières] supplémentaires ». Le Medef, quant à lui, serait prêt à aller vers une représentation extérieure des salariés sans être particulièrement moteur dans ce domaine.
Le rapporteur ne nie pas la relation directe entre le chef d’entreprise et ses salariés dans les TPE. Il s’agit toutefois d’une relation où il existe un lien de subordination et où les conflits se terminent généralement par un divorce. Il ne semble donc pas que l’existence d’un lien direct soit suffisante pour écarter la possibilité d’une représentation des salariés des TPE.
III. LE PROJET DE LOI : UNE GÉNÉRALISATION DE LA REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DES ENTREPRISES DE MOINS DE 11 SALARIÉS
L’article vise à instituer une représentation à l’ensemble des salariés des petites entreprises. Il propose ainsi d’insérer un titre XI au livre III de la deuxième partie du code du travail. Ce titre serait intitulé : Commissions paritaires régionales pour les salariés et les employeurs des employeurs des entreprises de moins de onze salariés.
A. CHAMP D’APPLICATION DES COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES
L’article L. 23-111-1 nouveau prévoit qu’il est institué une commission paritaire interprofessionnelle au niveau de chaque région. Cette commission régionale représente l’ensemble des salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés. Toutefois, en sont exclues les branches ayant déjà mis en place de telles commissions par accord.
Ces commissions régionales visent donc plutôt à compléter les dispositifs existants et mis en place par des accords plutôt qu’à substituer un modèle unique à des commissions telles les CPRIA qui ont fait la preuve de leur efficacité. Toutefois, le projet de loi tel qu’il est rédigé – elle [la commission] représente les salariés et les employeurs de moins de onze salariés qui n’ont pas mis en place, …, de commissions régionales – ne garantit pas tout à fait la pérennisation des commissions régionales existantes. En effet, à titre d’exemple, l’artisanat qui a joué un rôle pionnier dans ce domaine ne constitue pas une branche professionnelle mais bien plusieurs dizaines de branches. Les accords évoquent d’ailleurs plutôt des secteurs que des branches.
B. DES COMMISSIONS CONSTITUÉES DE VINGT MEMBRES ÉLUS
Ces commissions paritaires interprofessionnelles se composent vingt membres à raison d’au moins dix représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives et dix représentants d’organisations de salariés représentatives. Leur nombre ne peut dans tous les cas pas être inférieur à dix membres. Aux termes de l’alinéa 13, ces salariés et employeurs sont issus « d’entreprises de moins de onze salariés ».
L’obligation faite aux organisations de désigner des candidats issus des mêmes entreprises que celles des salariés qu’ils représentent permettra un dialogue social plus fructueux. En effet, l’efficacité d’un dialogue présuppose de parler la même langue donc d’être confronté aux mêmes réalités. Cependant, il n’est pas impossible que les organisations syndicales se heurtent à un manque manifeste de candidats au regard du très faible taux de syndicalisation dans les TPE. En revanche, vu le tout petit nombre d’élus – 10 par région soit 130 en France métropolitaine – et le nombre d’heure attribué, l’exercice du mandat ne va vraisemblablement pas désorganiser la vie des entreprises.
Les membres sont « désignés pour quatre ans » et « leur mandat est renouvelable ».
Dix sièges sont attribués aux organisations syndicales de salariés interprofessionnelles. En vue de l’attribution des sièges, l’élection de référence est le scrutin prévu aux articles L. 2122-10-1 à L. 2122-10- 11 du code du travail. Ces articles, introduits par la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, disposent qu’il est organisé « un scrutin… au niveau régional tous les quatre ans » afin de « mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés ».
Sur la base de ces dispositions un premier scrutin a été organisé les 28 novembre et 12 décembre 2012. Ce scrutin a concerné plus de 4,5 millions de salariés répartis dans 700 branches et a vu la CGT remporter 31,05 % des suffrages chez les non-cadres suivie par la CFDT avec 19,14 % des voix et la CFE-CGC arriver en première position chez les cadres avec 26,91 % des suffrages exprimés. Il s’agit en revanche de résultats nationaux. Aucune mesure d’audience régionale n’a été publiée lors de ce scrutin. Les prochaines élections qui devraient se dérouler à la fin de l’année de 2016 – l’article 1er entrant en vigueur au 1er juillet 2017 sauf les dispositions relatives aux élections fixées au 1er janvier 2016 – auront un tout autre enjeu puisqu’il s’agira de mettre en place les commissions paritaires régionales et leurs résultats devront donc s’apprécier région par région. Le taux de participation qui n’a pas excédé les 10 % en 2012 devrait être plus élevé à cette occasion.
Les conditions d’éligibilité sont les conditions de droit commun – majorité et absence d’interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques – qui ont régi les précédentes élections.
En vue des prochaines élections, le projet de loi prévoit toutefois quelques adaptations des règles des élections prévues à l’article L. 2122-10-1 et suivant :
– la propagande électorale pourra être différente d’une région à un autre ;
– les organisations syndicales candidates auront la possibilité d’indiquer sur leur propagande électorale l’identité des salariés qu’elles envisagent de désigner pour siéger à la commission régionale dans la limite de 10 personnes. Dans ce cas, elles notifieront à leur employeur l’identité de ces salariés ;
– l’identité des personnes dont le nom figurera sur la propagande électorale sera également notifiée à l’employeur même si cette personne n’est pas candidate elle-même.
Un décret en Conseil d’État précisera les conditions, les modalités de présentation des salariés sur la propagande électorale, les modalités d’information des employeurs des salariés candidats ainsi que les modalités de publicité sur la composition de la commission.
La proclamation des résultats est rendue publique par l’autorité administrative qui devrait être les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les éventuels recours, qui devront être introduits dans les quinze jours suivants la proclamation des résultats, sont de la compétence du juge judiciaire.
Dix sièges sont attribués aux organisations professionnelles d’employeurs à caractère interprofessionnel. Le nombre de siège est proportionnel à l’audience de chaque organisation dans la région et les branches couvertes par la commission jusqu’en 1er juillet 2021 et ensuite à l’audience de chaque organisation mesurée seulement auprès des entreprises de moins de 11 salariés. Aux termes du 6° de l’article L. 2151-1, elle « se mesure en fonction du nombre d’entreprises adhérentes et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152 -1 ou L. 2152-4 [dont les entreprises adhérentes représentent au moins 8 % des entreprises adhérentes à une organisation] ».
C. UN LIEU D’INFORMATION ET DE DÉBAT MAIS PAS DE MISSIONS DE NÉGOCIATION QUI RESTENT UNE PRÉROGATIVE DES BRANCHES
Le projet de loi confie aux commissions régionales les compétences suivantes :
– donner aux salariés et aux employeurs toutes les informations nécessaires sur leur environnement légal, réglementaire et conventionnel souvent perçu comme complexe et mouvant par les petits patrons et leurs salariés ;
– émettre des avis sur les questions relatives à l’emploi, la formation, la GPEC, les conditions de travail et la santé au travail.
Il n’est pas prévu en revanche de donner aux commissions des compétences en matière de négociation, domaine qui reste l’apanage des branches.
D. LES MEMBRES DES COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES : DES SALARIÉS PROTÉGÉS BÉNÉFICIANT DE 5 HEURES PAR MOIS POUR EXERCER LEUR MANDAT
Les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles sont des représentants de salariés de droit commun.
En effet, l’alinéa 32 de l’article 1er prévoit que « l’employeur laisse au salarié membre de la commission le temps nécessaire à l’exercice de sa mission », c’est-à-dire, que ce dernier peut de plein droit s’absenter de son lieu de travail afin de se rendre aux séances de la commission. De plus, il bénéficie de d’une durée supplémentaire qui ne peut toutefois pas « excéder cinq heures par mois ». Le temps passé par le salarié à l’exercice de son mandat, c’est-à-dire l’ensemble de son temps de délégation passé aux séances de la commission ou pas, est considéré comme un temps de travail avec toutes les conséquences afférentes : rémunération et autres droits liés au contrat de travail.
Le juge judiciaire est compétent pour les contestations relatives à l’utilisation des heures de délégation.
Par ailleurs, le projet de loi étend naturellement la protection des salariés protégés aux membres des commissions paritaires régionales et soumet donc tout licenciement et rupture du contrat de travail à la procédure d’autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail intitulé Les salariés protégés.
Le livre IV est ainsi complété par deux nouvelles sections :
– la section 14 au chapitre Premier Protection en cas de licenciement intitulée : Licenciement d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle : l’article L. 2411-24 nouveau prévoit que : « le licenciement du salarié membre de la commission paritaire interprofessionnelle… ne peut intervenir qu’après l’autorisation de l’inspecteur du travail ». Cette disposition s’applique aux salariés membres des commissions jusqu’à 6 mois après l’échéance de leur mandat. Ces durées sont conformes à celles dont bénéficient les délégués du personnel et les membres des comités d’entreprise mais sont inférieures à celles dont jouissent les délégués syndicaux et autres salariés mandatés qui bénéficient d’une protection une année après l’échéance de leur mandat.
L’autorisation administrative de licenciement est étendue aux salariés dont l’employeur a eu connaissance de l’imminence de la candidature pendant un délai de 6 mois ainsi qu’à ceux « figurant sur la propagande électorale » pour le même délai. Cette formulation laisse une ambiguïté. Il conviendra de préciser s’il s’agit des candidats non élus ou plus largement de toutes les personnes dont le nom figure sur la propagande électorale.
– la section 15 au chapitre II Protection en cas de rupture du contrat de travail à durée déterminée intitulée : Membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle : l’article L. 2412-15 nouveau prévoit au même titre que pour les autres institutions représentatives du personnel (IRP) que « la rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle… avant échéance du terme en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail ». Cette protection s’applique également au salarié dont le mandat est échu depuis moins de 6 mois ainsi qu’à celui figurant sur la propagande électorale pour une durée de 6 mois.
La rédaction des dispositions de la présente section reprend terme à terme les rédactions concernant les autres salariés protégés. La procédure est donc la même : demande d’autorisation énonçant le motif de la rupture et la qualité de membre de la commission paritaire régionale adressée à l’inspecteur du travail par lettre recommandée avec accusé de réception, enquête contradictoire et contrôle du respect de la procédure.
Cependant, comme pour les autres IRP, les alinéas 62 et 63 prévoient qu’aux termes de l’article L. 2421-1, « en cas de faute grave, l’employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé » dans l’attente de la décision définitive de l’inspecteur du travail. Cette décision motivée est notifiée à ce dernier dans un délai de quarante-huit heures. Si le licenciement est refusé, la mise à pied est levée et ses effets effacés. Enfin, les alinéas 64 et 65 disposent que le salarié membre ou ancien membre de la commission paritaire régionale peut, à sa demande et dans un délai de deux mois, demander à être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent si le ministre compétent ou le juge administratif a annulé la décision d’autorisation du licenciement de l’inspecteur du travail.
Enfin, comme pour le délégué du personnel, le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié couvert par les dispositions du présent article en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative de licenciement est puni, en vertu de l’article L. 2432-1, d’un an de prison et d’une amende de 3 750 euros.
IV. LES APPORTS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : UNE EXTENSION DES ATTRIBUTIONS DES COMMISSIONS PARITAIRES ET UNE AUTORISATION, SOUS CONDITION, D’ACCÈS AUX LOCAUX DES ENTREPRISES POUR SES MEMBRES
À l’initiative du rapporteur, la Commission des affaires sociales a adopté deux amendements étendant les prérogatives des commissions paritaires régionales et celles de leurs membres.
L’amendement AS495 élargit les attributions des commissions paritaires régionales interprofessionnelles en leur permettant de jouer un rôle de médiation entre les employeurs et les salariés s’il est fait appel à elles. La médiation ne vise pas à se substituer à la conciliation des prud’hommes mais intervient en amont afin de faciliter le dialogue. L’amendement adopté donne également un rôle dans le domaine social et culturel aux Commissions. En effet, les CPRIA ont mis en place une offre culturelle qui contribue à fidéliser les salariés. Cet exemple pourrait valablement inspirer les futures commissions paritaires régionales.
Pour permettre à la médiation de pleinement jouer son rôle, l’amendement AS496 a également été voté pour donner accès aux locaux des entreprises aux membres des commissions pour une médiation ou une autre raison, mais seulement sur autorisation de l’employeur.
La Commission a également étendu le champ d’intervention des commissions à l’égalité professionnelle et au travail à temps partiel en adoptant l’amendement AS455.
Dans un souci de bon fonctionnement, les membres des commissions pourront annualiser (amendement AS506) sans pour autant que cette annualisation ne conduise un membre à disposer de plus d’une fois et demie le temps mensuel dont il bénéficie ordinairement et mutualiser (amendement AS507) les 5 heures de délégation que leur reconnaît la loi. L’employeur devra toutefois en être informé.
Par ailleurs, la Commission a souhaité :
– sécuriser l’existence des commissions paritaires régionales en adoptant, toujours à l’initiative du rapporteur l’amendement AS494 qui laisse bien hors du champ du présent article ces commissions, dès lors qu’elles respectent les conditions minimales fixées par la loi. En effet, celles-ci fonctionnent et offrent aux salariés et aux employeurs une représentation adaptée. Il en sera de même pour d’autres commissions de ce type qui seraient créées par accord dans d’autres secteurs ;
– instaurer la parité entre les femmes et les hommes pour la désignation des membres des commissions paritaires régionales qui assurent la représentation, aussi bien au niveau patronal qu’au niveau des salariés, des TPE de moins de 11 salariés. L’amendement AS453 précise que « puisqu’il s’agit d’instances nouvelles, aucun frein, lié à l’organisation de ces commissions ou aux habitudes, ne peut être opposé à l’instauration de la parité ».
*
La Commission examine les amendements identiques AS18 de M. Dominique Tian, AS32 de M. Lionel Tardy, AS50 de M. Gilles Lurton et AS293 de M. Bernard Perrut, tendant à supprimer l’article.
M. Dominique Tian. La création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) ne se justifie pas, selon nous, et c’est aussi la position de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Les négociations entre les partenaires sociaux ayant échoué, le Gouvernement essaie de passer en force, sans unanimité du monde syndical.
Alors que le chômage bat des records dans notre pays, le texte n’aborde pas les vrais sujets du marché du travail : les seuils sociaux – le rapport Attali indique qu’une entreprise passant de quarante-neuf à cinquante salariés se voit imposer trente-huit nouvelles obligations, représentant un surcoût de masse salariale de 4 % –, la pénibilité, la complexité d’un code du travail devenu impossible à interpréter, les trente-cinq heures. Ce texte ne résout pas les vrais blocages de notre société ; il ne réglera aucunement les problèmes du dialogue social et de l’emploi.
Dans une entreprise d’une petite dizaine de salariés, le chef d’entreprise est en contact direct avec ses employés, du matin au soir. Il n’est nul besoin d’ajouter du formalisme.
M. Lionel Tardy. Deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ont même moins de cinq salariés. Avec de si petits effectifs, les employés ne vous ont pas attendus pour discuter chaque jour avec leur employeur : ce n’est pas parce que le dialogue n’est pas formalisé qu’il n’existe pas. Ces commissions éloigneront le dialogue social de l’entreprise pour le transférer au niveau de la région, à plusieurs centaines de kilomètres. Dans les branches où un dialogue formalisé a été jugé nécessaire, de telles commissions existent déjà. Pour les autres secteurs, le dispositif est superflu. Ce projet de loi s’ouvre sur une rigidification et une complexification du dialogue social, et son article 1er traduit une méconnaissance du monde des entreprises, et en particulier des très petites entreprises (TPE).
M. Gilles Lurton. L’article 1er institue une représentation des salariés des entreprises de moins de onze salariés par la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Une telle proposition revient à nier qu’il existe dans les TPE une relation directe entre le chef d’entreprise et les salariés. Nous pensons quant à nous que cette relation existe. Elle est d’ailleurs d’autant plus forte que l’entreprise compte peu de salariés. C’est une relation qui repose sur la confiance, sans laquelle une entreprise ne peut fonctionner. La création de ces commissions est inopportune.
M. Bernard Perrut. Un récent sondage montre que 97 % des chefs d’entreprise et 90 % des salariés de TPE reconnaissent qu’il existe une relation directe entre eux. Les chefs d’entreprise voient dans la mesure proposée une forme de défiance à leur égard. Calquer les règles applicables aux grandes sociétés sur ces petites structures est une erreur. Cela va complexifier la tâche des dirigeants, alors qu’ils attendent, plus que jamais, une simplification des normes. La suppression de cet article serait dans l’intérêt de nos petites entreprises et de l’emploi.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable. Personne ne nie qu’il existe un dialogue au sein des TPE. Cependant, le lien de subordination est aussi plus fort que dans les grandes entreprises. Les 4,6 millions de salariés de ces TPE sont les seuls aujourd’hui à ne pas bénéficier d’une représentation extérieure à l’entreprise. Outre les organisations syndicales, une organisation patronale a validé le dispositif. Qui plus est, de telles commissions existent déjà, dans l’artisanat, les professions libérales, le monde agricole, avec des résultats intéressants.
M. Michel Liebgott. Des relations personnelles, parfois même fraternelles, peuvent certes exister au sein d’une entreprise, mais cela n’empêche pas de possibles divergences sur l’interprétation de tel ou tel texte. Ces commissions ont pour première vocation de contribuer à l’information des uns et des autres. Nous débattrons plus tard d’autres compétences, telles que la médiation, mais ce n’est pas le sujet de l’article 1er, et s’agissant de l’information personne n’est perdant.
Il faut également relativiser leur impact. Il s’agira, pour toute la France, de mobiliser 260 personnes, effectif qui n’est pas synonyme d’omniprésence. Leur fonction sera d’apporter aux TPE et à leurs salariés des informations dont ils ne disposent pas toujours. C’est un modèle qui fonctionne plutôt bien dans plusieurs pays voisins, tels que l’Espagne ou l’Allemagne.
Mme Jacqueline Fraysse. Je suis surprise par ces amendements visant, alors que tout le monde prône le dialogue social, la main sur le cœur, à empêcher qu’il soit étendu à des salariés qui en sont encore privés. Contrairement à ce que j’ai entendu dans la bouche d’une représentante des organisations patronales, il ne suffit pas, dans les TPE, de « pousser la porte », voulant dire par là que salariés et chefs d’entreprise dialoguent tous les jours. Ce n’est pas l’opinion des syndicats de salariés. Nous ne doutons pas qu’il y ait un dialogue dans ces entreprises, mais il existe aussi un très fort lien de subordination. Il est parfaitement normal que s’instaure un dialogue avec des représentants des salariés, sans que ce soit témoigner de la suspicion. La suspicion est plutôt du côté de ces amendements, car un employeur honnête et soucieux de la bonne marche de son entreprise n’a rien à craindre de la concertation.
M. Christophe Cavard. Ces amendements de suppression sont en effet quelque peu étonnants, certains autres collègues de l’opposition reconnaissant que la mesure proposée représente une avancée du dialogue social. Les petites entreprises ont des problématiques qui leur sont propres – accès à l’information, formation professionnelle ou autres – et il conviendra de réfléchir à la manière dont ces commissions pourront y répondre. Le dialogue, en tout état de cause, permet d’éviter les conflits et les contentieux.
Mme Isabelle Le Callennec. Ce texte s’ouvre sur la création d’une nouvelle structure, ce qui n’est pas un bon signe quand on veut simplifier la vie des chefs d’entreprise et des salariés. Ce serait, à écouter nos collègues, une structure d’information : or, de l’information sur les droits et les devoirs, on peut en trouver n’importe où. L’UMP est très attachée au dialogue social, qui est au cœur de la bonne marche des entreprises. Or il existe déjà un dialogue constant entre les salariés et le chef d’entreprise dans les TPE. Quel intérêt de créer ces commissions au niveau régional ? Un décret définira leurs missions, mais, pour l’instant il n’est pas question de médiation, alors que cela vient d’être évoqué. Enfin, l’absence de l’entreprise des salariés qui seront actifs dans ces commissions devra être financée. L’étude d’impact avance le chiffre de 350 000 euros…
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. L’article 1er ne crée pas une structure, madame Le Callennec : il rend simplement universel un droit en l’étendant aux 4,6 millions de salariés des TPE, même si personne ne nie qu’il existe un dialogue dans ces entreprises. Le niveau régional est le plus adapté pour ces commissions qui auront un rôle de formation, de conseil, de concertation, sur les sujets de l’emploi, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), des conditions de travail… Une position commune adoptée en 2010 par les organisations syndicales et par une organisation patronale, l’Union professionnelle artisanale (UPA), prévoyait la création de commissions régionales. Mais les branches auront toujours la possibilité de créer par accord des commissions au niveau qu’elles jugeront approprié. Ce lieu d’échange au niveau régional favorisera le dialogue social.
M. Gérard Cherpion. La GPEC est déjà gérée au niveau interprofessionnel.
La Commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS165 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement AS377 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. L’exposé des motifs du projet de loi fait état d’un « dialogue social trop souvent formel, n’associant pas suffisamment les représentants des salariés aux décisions stratégiques de l’entreprise » – mais cela a-t-il un sens dans des entreprises de dix salariés ? Il ajoute même que l’implantation syndicale est « trop faible » dans les petites entreprises, où l’engagement syndical serait « trop souvent perçu négativement par les employeurs » et « insuffisamment valorisé ». Ces quelques lignes montrent que les craintes des chefs d’entreprise sont parfaitement justifiées.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La présentation que vient de faire M. Tian ne correspond au demeurant pas du tout à l’amendement lui-même, par lequel il demande que ce soient les branches qui mettent en place les commissions régionales. Or la négociation entre les partenaires sociaux ayant échoué, le législateur joue son rôle. Ce n’est pas un dispositif supplémentaire ; il s’agit de permettre à 4,6 millions de salariés de disposer de représentants.
Mme Isabelle Le Callennec. Je ne suis pas certaine que ces salariés soient demandeurs. Une organisation patronale majeure, la CGPME, ne voit pas non plus d’un bon œil la création de ces commissions. Renvoyer, à tout le moins, ces décisions aux branches paraît plus raisonnable, même si les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord d’ensemble. S’il s’agit d’apporter de l’information aux salariés, cela fera doublon. Alors que se mettent en place des chartes partenariales sur les territoires pour que toutes les institutions se parlent et pratiquent la GPEC au niveau territorial, vous introduisez encore des structures supplémentaires, dont on ignore quelles décisions elles prendront. Les gens ne sont pas dupes : ils savent que siéger dans des instances qui n’ont pas voix au chapitre ne sert à rien.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS166 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à assurer une cohérence entre l’alinéa 9, où il est écrit « d’entreprises », et l’alinéa 6, où il est écrit « des entreprises ».
M. Gérard Cherpion. Cela change le sens. L’alinéa 6 dispose qu’une commission est instituée au niveau régional afin de représenter les salariés et les employeurs « des entreprises de moins de onze salariés ». Si l’on écrit « d’entreprises » à la place de « des entreprises », ce n’est plus l’ensemble de ces entreprises qui sont concernées.
M. le rapporteur. Nous parlons bien de l’ensemble des entreprises de moins de onze salariés, et la modification rédactionnelle que je propose ne change rien à cela.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine ensuite les amendements AS244 et AS247 de M. Francis Vercamer.
M. Arnaud Richard. Les 4,6 millions de salariés des TPE étant aujourd’hui, pour la majorité d’entre eux, privés d’une représentation spécifique, l’article 1er vise à créer des commissions interprofessionnelles au niveau régional pour remédier à cette carence. Notre amendement AS244 tend à étendre les compétences de ces commissions aux entreprises de moins de cinquante salariés, notre amendement de repli AS247 à celles de moins de vingt-six. Cela permettrait de répondre à une volonté de simplification des institutions représentatives du personnel au sein des TPE et des PME, aujourd’hui confrontées à des problèmes de seuils sociaux et fiscaux qui sont autant de freins à leur développement. Christophe Cavard n’a-t-il pas souligné il y a un instant que le dialogue permettait d’éviter le conflit ?
M. le rapporteur. Avis défavorable. Ces amendements prévoient d’aller plus loin dans la simplification en étendant le champ des commissions régionales. Pour être cohérent, cher collègue, il faudrait que vous prévoyiez la disparition des délégués du personnel et délégués syndicaux dans les entreprises de onze à cinquante salariés. En ce qui concerne le second amendement, il est cocasse que des collègues qui trouvent qu’il existe trop de seuils en inventent un nouveau, à vingt-six salariés, dont j’ignore d’ailleurs à quoi il correspond.
M. Dominique Tian. Ce seuil existe déjà et oblige de donner aux salariés accès à une cantine !
M. Gérard Cherpion. Ces amendements rendent service au ministre puisqu’ils tendent à relever le seuil. Une représentativité des entreprises de moins de cinquante salariés serait plus logique.
M. Arnaud Richard. Les trois quarts des entreprises de onze à vingt-cinq salariés n’ont pas de représentant du personnel, malgré le franchissement du seuil prévoyant l’élection du délégué du personnel. Le chiffre de vingt-six salariés est cohérent de ce point de vue.
La Commission rejette successivement ces deux amendements.
La Commission examine ensuite l’amendement AS378 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Je propose d’écrire que les commissions régionales « représentent les salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés non couvertes par des accords de branche ». Il est en effet essentiel que les branches professionnelles conservent la maîtrise du dialogue social en organisant une représentation des salariés et des employeurs dans les TPE par secteur d’activité.
M. le rapporteur. Cette rédaction exclurait les branches qui ont d’ores et déjà mis en place des commissions. Le texte, surtout s’il est modifié par l’amendement AS494 que je présenterai dans un instant, sécurisera au contraire l’existence des commissions existantes, qui fonctionnent plutôt bien.
Mme Isabelle Le Callennec. J’observe, pour m’en étonner, qu’à cet alinéa il est écrit que les commissions régionales représentent les salariés et employeurs « des entreprises » de moins de onze salariés, alors qu’au précédent l’amendement AS166 visait, par cohérence avec l’alinéa 9, à écrire « d’entreprises ».
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS494 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de l’amendement que je viens d’évoquer. Les CPRI n’écraseront pas les commissions sectorielles existantes, qui continueront de fonctionner. Nous permettons à d’autres branches ou secteurs d’en créer de semblables.
M. Arnaud Richard. Le rapporteur étant en la circonstance conséquent, je voterai cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte également l’amendement rédactionnel AS167 du rapporteur.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS253 de M. Francis Vercamer et AS441 de M. Gérard Cherpion.
M. Arnaud Richard. Cet amendement prend en compte la difficulté à désigner des représentants issus des entreprises de moins de onze salariés. S’il est important d’encourager le plus possible de telles désignations, force est de constater que les dispositions de l’article risquent d’entraîner de nombreux constats de carence préjudiciables au bon fonctionnement de ces instances.
M. Gérard Cherpion. Il s’agit de prévenir la difficulté que pourraient avoir les commissions paritaires uniquement composées de représentants des TPE à trouver les effectifs nécessaires à leur fonctionnement. Les effectifs restreints de ces entreprises rendent difficile l’engagement des salariés et des employeurs dans une instance de représentation externe. Il faut permettre une plus grande souplesse dans la composition des futures commissions, le principe d’une représentation de ces entreprises restant garanti par la présence d’au moins six salariés et six employeurs issus d’entreprises de moins de onze salariés. Pourquoi six ? Parce que cela permet d’assurer la parité, abordée dans un article ultérieur.
M. le rapporteur. Nous nous sommes posé la question : les représentants des salariés des TPE doivent-ils être eux-mêmes issus des TPE, ou pourraient-ils, pour quelques-uns d’entre eux, être désignés par des organisations syndicales ? On nous a fait valoir qu’il serait difficile de trouver assez de représentants, mais dix par région, cela ne fait que 130 pour toute la France. Je rappelle qu’il s’agit de représenter les 6,5 millions de salariés des TPE.
L’UPA juge, pour sa part, souhaitable que les représentants des TPE soient issus de ces entreprises, au motif qu’il est préférable que les interlocuteurs « parlent le même langage ». Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
La Commission rejette les amendements.
Elle se saisit ensuite de l’amendement AS9 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Cet amendement porte sur le même problème que précédemment ; j’imagine que la position du rapporteur sera aussi la même...
M. le rapporteur. Je suis en effet défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements AS254, AS245 et AS248 de M. Francis Vercamer.
M. Arnaud Richard. La démarche de l’amendement AS254 est la même que celle de M. Cherpion, et j’entends la réponse du rapporteur. Les deux amendements suivants proposent respectivement des seuils de cinquante, puis de vingt-six salariés ; le rapporteur y sera également défavorable et je puis comprendre pourquoi.
M. le rapporteur. Je suis effectivement défavorable aux trois amendements, pour les raisons déjà exposées.
La Commission rejette successivement ces amendements.
Puis elle se penche sur les amendements AS220 et AS275 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Ces amendements ont trait aux problématiques de l’interprofessionnel, de la multiprofession, des professions libérales, de l’économie sociale et solidaire, mais aussi à celle de l’agriculture, bref, à tous ces employeurs dits « hors champ » dont chacun emploie peu de salariés, mais qui représentent néanmoins quelque 20 % de l’emploi salarié dans les TPE. Pour assurer leur représentation spécifique, il vous est proposé de réserver deux sièges sur dix, au sein du collège des employeurs, aux organisations d’employeurs dont la vocation statutaire revêt un caractère multiprofessionnel.
À vrai dire, cependant, l’amendement AS275 est mieux rédigé que l’amendement AS220, que je retire donc au profit de ce dernier.
M. le rapporteur. Il existe déjà une représentation de certaines organisations multiprofessionnelles, comme, par exemple, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). En outre, l’amendement précédemment adopté permet une forme de souplesse puisque, si elles le souhaitent, ces organisations – je pense notamment à celles regroupant les entreprises de l’économie sociale et solidaire – peuvent créer leurs propres commissions dans le cadre d’un accord avec les organisations syndicales. et ce sans revenir sur la représentation des salariés des TPE.
Mme Isabelle Le Callennec. La réponse du rapporteur m’interpelle, puisqu’il reconnaît qu’il existe déjà des instances sectorielles de représentation des salariés, par exemple dans l’agriculture ou l’artisanat. Je repose donc la question : à quoi vont servir ces commissions censées représenter 4,6 millions de salariés ? Il ne faut pas tromper les Français sur les intentions réelles qui président à la création de ces commissions, ni sur leur utilité et leur efficacité pour le dialogue social.
M. Christophe Cavard. Ces commissions seront complémentaires de l’existant : elles seront là pour assurer une présence là où, actuellement il n’y a rien. L’amendement de M. Robiliard a le mérite de garantir à certains secteurs d’être représentés.
M. le rapporteur. J’entends l’argument de M. Robiliard et Cavard, mais je préfère inciter les secteurs en question à mettre en place leurs propres commissions que de leur accorder une représentation spécifique au détriment des autres TPE. Et je répondrai à Mme Le Callennec, sous forme de boutade que 130 personnes peuvent bien représenter 4,6 millions de salariés, puisque 577 députés représentent 65 millions de citoyens…
L’amendement AS220 est retiré.
La Commission rejette l’amendement AS275.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS168 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement AS453 de Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. L’objet de cet amendement est d’instaurer la parité entre les femmes et les hommes pour la désignation des membres des commissions paritaires régionales. Je reprends, par ailleurs, l’argument du rapporteur sur la représentation des 4,6 millions de salariés des TPE et de leurs employeurs : il ne sera pas bien difficile de trouver 65 hommes et 65 femmes pour siéger au sein de chaque collège !
M. le rapporteur. C’est un très bon amendement, et je ne le dis pas seulement parce que j’en suis cosignataire… Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS169 du rapporteur.
Elle se saisit ensuite de l’amendement AS388 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Les commissions régionales seront très utiles aux salariés des très petites entreprises, et il est donc essentiel que ceux-ci soient informés de leur existence. À cette fin, il est proposé un affichage obligatoire, dans les entreprises concernées, de l’identité et des coordonnées des représentants désignés.
M. le rapporteur. On peut difficilement être opposé au fait de favoriser une telle communication, mais cela relève du décret, lequel est prévu, ainsi que va sans doute nous le confirmer M. le ministre.
M. le ministre. Afin de rassurer M. Cavard, je précise en effet qu’au chapitre V est prévu un décret qui précisera les conditions d’application, notamment les modalités de publicité relative à la composition de la commission, aux noms, professions et appartenances syndicales éventuelles de ses membres.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement AS33 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à supprimer, dans la liste des missions des CPRI, la référence au fait de « débattre » : il me semble que le dialogue social doit déboucher sur du concret.
M. le rapporteur. J’avoue ma perplexité : créer par la loi une commission et lui interdire de débattre serait pour le moins curieux. J’émets donc un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements AS197 de Mme Monique Orphé et AS455 de Mme Sandrine Mazetier.
Mme Monique Orphé. Cet amendement vise à enrichir les compétences des CPRI en intégrant les thématiques de la mixité des métiers et de l’égalité professionnelle. À cet effet, il est proposé d’inscrire dans la loi les dispositions de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 1er mars 2014, car on sait que les emplois féminins sont concentrés dans six secteurs principaux et que l’égal accès à l’emploi et la mixité au travail sont des enjeux stratégiques pour le développement des entreprises.
Mme Sandrine Mazetier. Mon amendement est complémentaire de celui de Mme Orphé, puisqu’il porte sur l’égalité professionnelle et le travail à temps partiel. On peut en effet espérer que ces commissions favoriseront l’émergence de groupements d’employeurs afin de réduire le temps partiel subi, dont les femmes sont les principales victimes.
M. le rapporteur. Ces deux amendements ont le même objet, mais celui de Mme Mazetier est plus conforme à la terminologie habituellement utilisée. J’y suis donc favorable et propose à Mme Orphé, qui en est d’ailleurs cosignataire, de retirer le sien à son profit.
L’amendement AS197 est retiré.
La Commission adopte l’amendement AS455.
Elle examine ensuite l’amendement AS495 du rapporteur, les amendements AS224, AS225 et AS274 de M. Denys Robiliard, l’amendement AS344 de Mme Chantal Guittet et l’amendement AS389 de M. Christophe Cavard.
M. le rapporteur. Plusieurs de nos collègues nous ont demandé à quoi allaient servir ces commissions. Il serait catastrophique qu’elles se bornent à faire de l’information, aussi est-il proposé d’étoffer leurs prérogatives en leur conférant un rôle de médiateur et en leur confiant la gestion d’activités sociales et culturelles, comme le font déjà, à la satisfaction générale, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) avec les comités des œuvres sociales et culturelles de l’artisanat (COSCA).
M. Gérard Cherpion. Si ce qui relève des activités sociales et culturelles paraît acceptable puisque cela se fait déjà, la recherche de solutions aux problèmes individuels et collectifs par la médiation me gêne davantage, car cela suppose que les commissions entrent dans les entreprises, ce qui est contraire à l’esprit affiché du texte.
M. Christophe Cavard. Je comprends le point de vue de Gérard Cherpion, même si je ne le partage pas, mais cette fonction de médiation est très importante. Un certain nombre de conflits, de malentendus, de situations insatisfaisantes au sein des TPE, gagneraient à être résolus par la médiation plutôt que d’être portés devant les prud’hommes ou d’autres tribunaux. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet, mais celui du rapporteur va plus loin que le nôtre.
Mme Jacqueline Fraysse. Permettre le recours à la médiation est nécessaire. Il s’agit bien, je le souligne, d’une possibilité à laquelle on est libre de recourir ou non. Il est indéniable qu’il existe des conflits et qu’il vaut mieux tenter de les résoudre en évitant de les soumettre aux tribunaux. Je soutiens donc l’amendement du rapporteur, mais il ne se comprend – et nous avons déposé à cet effet un amendement qui viendra en discussion tout à l’heure – que si les représentants des salariés peuvent entrer dans l’entreprise, faute de quoi ils pourraient difficilement exercer leur mandat. Je ne comprends pas en quoi cela pourrait représenter une menace ou un danger.
Mme Isabelle Le Callennec. Si je comprends bien, un salarié d’une TPE en conflit avec son employeur pourra saisir la CPRI et être entendu par celle-ci. Mais ensuite, que se passera-t-il ? Un membre salarié de la commission se rendra-t--il dans l’entreprise pour discuter avec l’employeur ? Comment la commission fonctionnera-t-elle ? Quelles seront ses prérogatives, et quelles décisions sera-t-elle susceptible de prendre ? C’est une question qui inquiète beaucoup les chefs d’entreprise.
M. Denys Robiliard. Mes amendements visent le même objectif que celui du rapporteur. J’ai toutefois hésité entre deux vocables ; celui de conciliation, équivoque puisque réservé aux prud’hommes, et celui de médiation, tout aussi équivoque puisque c’est un mode particulier de solution des conflits prévu par le code civil.
L’amendement AS224 propose de faciliter la résolution des conflits individuels ou collectifs, en posant toutefois une double condition : aucune juridiction ne doit avoir été saisie, et la commission ne peut intervenir qu’avec l’accord des parties concernées. Dès lors pourquoi refuser au monde des TPE la simple possibilité d’une aide – peu importe le nom qu’on lui donne – à la solution des conflits ? L’exigence d’un accord des parties devrait lever les craintes de l’opposition quant au risque d’immixtion dans la vie de l’entreprise.
Quant à l’amendement AS225, il va plus loin, en matière d’action sociale et culturelle, que celui du rapporteur, qui se contente de dire que la CPRI « fait des propositions » : elle devrait, selon moi, pouvoir décider d’actions complémentaires dont il lui appartiendrait de déterminer le financement.
M. Dominique Tian. Gérard Cherpion a raison : il ne faut pas que les CPRI soient des conseils de prud’hommes au rabais. Certes, les délais de jugement y sont trop longs – trois ans en moyenne à Marseille, et je crois que ce n’est guère mieux ailleurs – mais ce serait adresser un mauvais message que de laisser entendre que les commissions pourraient se substituer aux prud’hommes. En revanche, elles pourraient éventuellement avoir un rôle à jouer lors de conflits collectifs, lorsqu’il faut interpréter la loi ou le code du travail, dont la complexité est telle que nul ne s’y retrouve plus.
M. Lionel Tardy. Je crains pour ma part que, dans chaque région, les vingt représentants qui auront compétence pour des milliers de TPE ne doivent se consacrer à plein temps à leur mandat. Or, seulement cinq heures de délégation par mois sont prévues à l’alinéa 31, certes assorties de la possibilité d’allonger cette durée en cas de « circonstances exceptionnelles », mais la vie des entreprises qui compteront des représentants des salariés dans leur personnel en sera rendue impossible.
M. Gérard Cherpion. On sait que la plupart des conflits portés devant les prud’hommes concernent de petites entreprises. Dès lors, je ne vois pas bien l’intérêt d’ajouter la possibilité de saisir une instance qui fera double emploi avec eux. La rédaction retenue par l’amendement de M. Robiliard me paraît toutefois un moindre mal, sans que cela m’incite à le voter pour autant.
M. le rapporteur. Comme l’a rappelé Mme Fraysse, la médiation n’est imposée à personne, il s’agit simplement de la permettre, sans remettre en cause le rôle des conseils de prud’hommes. Le fait, souligné par M. Cherpion, que les TPE soient le principal pourvoyeur de ces derniers, plaide à mon sens pour que nous ajoutions cette possibilité de médiation. La formulation retenue à cet effet par M. Robiliard dans son amendement AS224 me semble préférable à celle de mon propre amendement, et je propose de l’y intégrer, tout en conservant l’alinéa relatif aux activités sociales et culturelles.
Les amendements AS224, AS225, AS274, AS344 et AS389 sont retirés.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à cette nouvelle rédaction.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Elle examine ensuite les amendements AS385 de M. Christophe Cavard et AS297 de Mme Jacqueline Fraysse.
M. Christophe Cavard. Je propose de supprimer l’alinéa 28 qui interdit l’accès des membres de la commission aux locaux des entreprises, en parfaite contradiction avec ce que nous venons de décider.
Mme Jacqueline Fraysse. Notre amendement AS297 a pour but de donner aux représentants des salariés des TPE des missions proches de celles du délégué du personnel et des commissions paritaires locales. Naturellement, la création des CPRI nous satisfait puisqu’elle permettra enfin la représentation des salariés des petites entreprises, au sein desquelles les relations ne sont pas toujours aussi bonnes que l’on veut bien le dire. Mais, du fait des liens très forts de subordination et de dépendance économique qui y existent, les prérogatives de ces commissions nous paraissent insuffisantes. La médiation est, certes, importante, mais nous pensons que les représentants des salariés doivent pouvoir assister ces derniers dans leurs discussions avec l’employeur, comme c’est déjà le cas lors de l’entretien préalable au licenciement. Il n’y a donc rien de nouveau ni d’extraordinaire dans cet amendement, dont l’objet n’est pas du tout de remplacer les conseils de prud’hommes.
M. le rapporteur. Je suis sensible à l’idée défendue par M. Cavard, car la médiation suppose de réunir l’ensemble des parties prenantes, mais la disparition pure et simple de l’alinéa 28 aurait pour effet de permettre un accès illimité à l’entreprise, ce qui pourrait être mal ressenti par l’employeur. L’amendement AS496 que je défendrai dans un instant prévoit que cet accès est soumis à l’autorisation de l’employeur, ce qui me semble être plus proche de l’esprit de la médiation. Je suggère donc à M. Cavard de retirer le sien.
Quant à l’amendement de Mme Fraysse, il revient à créer des « super-délégués » du personnel, extérieurs à l’entreprise qui plus est. C’est là un esprit différent de celui dans lequel ont été conçues les CPRI. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. Gérard Cherpion. L’amendement de M. Cavard revient à soumettre au droit commun les entreprises de moins de onze salariés, tandis que celui de Mme Fraysse est en contradiction avec le droit du travail lui-même.
M. Jean-Pierre Door. La position du rapporteur me convient, car ces deux amendements, qui vont à l’encontre du dialogue social en mettant le chef d’entreprise sous pression. Dès lors que l’autorisation de ce dernier est requise, les choses se présentent tout autrement.
M. Christophe Cavard. Je souhaite éviter les faux débats. Jusqu’à preuve du contraire, une entreprise est un lieu privé, où l’on n’entre pas sans autorisation. L’amendement que vient de présenter le rapporteur est donc quelque peu superfétatoire. Ce que je propose pour ma part est simplement de lever l’interdiction générale figurant à l’alinéa 28 et de laisser l’employeur libre de décider qui il laisse entrer.
Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable à ce que les commissions aient un rôle de médiation. Cependant, avec ces amendements, on franchit une étape supplémentaire : les membres des commissions auront accès aux locaux des entreprises. Or, si l’alinéa 28 a été inscrit dans le projet de loi, c’est qu’il y a une bonne raison, évidente aux yeux des chefs d’entreprise.
D’autre part, vous indiquez dans l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur Cavard, que les commissions devraient avoir « des moyens humains, des moyens géographiques et des moyens d’action réels ». Tout cela aura un coût.
Mme Jacqueline Fraysse. Je partage l’analyse de M. Cavard : en supprimant l’interdiction prévue à l’alinéa 28, on accorderait non pas le droit, mais la possibilité aux membres des commissions d’accéder aux locaux des entreprises. Resterait alors à régler les conditions dans lesquelles cette faculté est exercée. L’amendement de M. Cavard me paraît préférable à celui du rapporteur, qui est trop restrictif.
M. Gérard Cherpion. À ma connaissance, la rédaction prévue à l’alinéa 28 figurait dans le projet d’ANI et n’a été contestée ni par les organisations patronales ni par les syndicats.
M. le rapporteur. La rédaction que vous proposez, monsieur Cavard, présente un risque, dans la mesure où elle laisse une marge d’appréciation au juge : celui-ci considérera-t-il que les membres des commissions sont des représentants du personnel et qu’ils sont autorisés, à ce titre, à entrer dans les entreprises ? On ignore dans quel sens tranchera la jurisprudence.
M. Christophe Cavard. Sauf si cela est prévu par un décret.
M. le rapporteur. Il vaut mieux l’inscrire dans la loi, ainsi que je le propose. Nous sommes d’accord sur le fond, mais la rédaction de mon amendement apporte davantage de sécurité, car elle évite une éventuelle interprétation jurisprudentielle défavorable à ce que nous souhaitons.
M. le ministre. Je souscris à l’argumentation du rapporteur : il vaut mieux préciser les choses dans la loi, monsieur Cavard.
Par ailleurs, il ne faut pas transformer les membres des CPRI en « super-délégués du personnel ». Si nous souhaitons que ces commissions fonctionnent, ne leur attribuons pas d’emblée des pouvoirs qui vont au-delà de nos intentions initiales. Elles doivent avoir un rôle d’information et, avec l’accord des parties, de médiation. Quant à l’accès aux locaux des entreprises, il est bon de rappeler qu’il ne peut se faire que sur autorisation de l’employeur.
La rédaction prévue à l’alinéa 28 figurait en effet dans le projet d’ANI, mais celui-ci n’a pas été signé, monsieur Cherpion. D’autre part, l’emploi de la forme négative est un peu curieux. Je préfère la rédaction proposée par le rapporteur.
La Commission rejette successivement les amendements AS385 et AS297.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS496 du rapporteur, AS222 de M. Denys Robiliard, AS295 de Mme Jacqueline Fraysse et AS345 de Mme Chantal Guittet.
M. le rapporteur. Ainsi que je viens de l’indiquer, je propose, par l’amendement AS496, que l’alinéa 28 soit rédigé comme suit : « Les membres de la commission ont, pour l’exercice de leurs fonctions, accès aux entreprises, sur autorisation de l’employeur. »
M. Denys Robiliard. L’amendement AS222 est identique à celui du rapporteur, à ceci près qu’il prévoit que l’accès aux entreprises se fait non pas « sur autorisation », mais « avec l’accord » de l’employeur. Cette formulation me paraît mieux convenir.
Mme Jacqueline Fraysse. En l’état actuel du droit, l’accord de l’employeur est déjà nécessaire pour accéder à une entreprise. Si nous inscrivons dans la loi « sur autorisation de l’employeur », il arrivera que l’employeur refuse l’accès aux locaux. Dans ce cas, la médiation ne pourra pas avoir lieu au sein même de l’entreprise – celle-ci se ferait, bien entendu, avec toutes les règles de courtoisie qui s’imposent. C’est regrettable et contradictoire avec votre volonté de favoriser la médiation, à laquelle je souscris entièrement.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. L’amendement AS345 est proche de celui qu’a présenté M. Robiliard.
M. le rapporteur. Je vous suggère, chers collègues, de retirer vos amendements. Nous avons tous le même objectif. Néanmoins, la notion d’autorisation est plus formelle que celle d’accord. Selon moi, on doit pouvoir justifier d’une autorisation pour entrer sur une propriété privée.
M. Dominique Tian. Le groupe UMP est opposé à ces amendements. Le projet d’ANI a certes échoué, mais c’était un texte équilibré. Pour les points sur lesquels les partenaires sociaux n’ont pas trouvé d’accord, je comprends que l’État joue son rôle en se substituant à eux. En revanche, pourquoi voulez-vous reprendre la main lorsque le dialogue social a abouti ? En l’espèce, les organisations patronales et les syndicats s’étaient mis d’accord sur le fait que les membres des commissions ne devaient pas avoir accès aux locaux des entreprises. Dans leur sagesse, ils avaient décidé de ne pas franchir cette étape. Pourquoi le législateur durcirait-il le texte et imposerait-il de force une mesure que personne ne réclame ?
M. Arnaud Richard. Je suis d’accord avec M. Tian : il ne faut pas que le texte proposé par le Gouvernement dépasse les lignes que les partenaires sociaux n’auraient pas eux-mêmes franchies. Le groupe UDI est donc, lui aussi, opposé à ces amendements.
Les amendements AS222 et AS345 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement AS496.
En conséquence, l’amendement AS295 tombe.
La Commission en vient à l’amendement AS298 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à augmenter le crédit d’heures de délégation dévolu aux membres des commissions.
M. Jean-Pierre Door. Ils ne travailleront plus !
Mme Jacqueline Fraysse. Lorsque l’on a la responsabilité de travailler auprès de ses collègues et de les aider, cinq heures par mois, compte tenu notamment de la taille des nouvelles régions, c’est ridicule – j’emploie volontairement ce terme. Je me suis livré à un petit calcul : cinq heures de délégation pour chacun des dix salariés membres des treize commissions régionales, cela fait 650 heures de délégation pour 4,6 millions de salariés, soit une minute par mois pour 118 salariés ! Je propose donc de porter le nombre d’heures de délégation à quinze, quota dont disposent les délégués du personnel dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Je suis prête à envisager, le cas échéant, un chiffre inférieur à quinze, mais il est nécessaire d’augmenter ce crédit d’heures.
M. le rapporteur. Le texte prévoit que ces cinq heures s’ajoutent au « temps passé aux séances de la commission ». D’autre part, n’oublions pas que nous traitons des TPE. Si le représentant salarié est issu d’une entreprise qui emploie au total deux ou trois salariés, quinze heures correspondent à deux jours d’absence. Nous devons être vigilants à l’incidence que cela pourrait avoir sur le fonctionnement même de l’entreprise, ainsi que sur sa capacité de production. Avis défavorable, d’autant que je propose d’apporter une certaine souplesse au dispositif avec les amendements AS506, que nous allons examiner immédiatement après, et AS507, qui prévoient respectivement la possibilité d’annualiser et de mutualiser ce crédit d’heures.
Mme Isabelle Le Callennec. Ces cinq heures sont, pour le représentant salarié, le « temps nécessaire à l’exercice de sa mission », sachant que celui-ci s’ajoute au « temps passé aux séances de la commission », ainsi que vous l’avez précisé, monsieur le rapporteur. Cependant, le temps de trajet est-il compris dans le crédit d’heures ? D’autre part, j’ai du mal à voir quel sera vraiment le rôle des représentants salariés. Que vont-ils faire concrètement pendant ces cinq heures ?
M. le rapporteur. De la médiation notamment.
M. Gérard Cherpion. Mme Fraysse a raison : en multipliant le nombre d’heures de délégation par trois, on résout complètement le problème ! (Sourires.)
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement AS506 du rapporteur.
En conséquence, l’amendement AS226 de M. Denys Robiliard tombe.
La Commission est saisie de l’amendement AS507 du rapporteur.
M. le rapporteur. Aux termes de cet amendement que j’ai évoqué voici un instant, les membres des commissions paritaires régionales pourront répartir entre eux le crédit d’heures de délégation dont ils disposent. Les représentants salariés devront en informer leur employeur quinze jours à l’avance. En outre, j’ai prévu une limite : cette mutualisation ne pourra conduire un membre à disposer dans le mois, à lui seul, de plus d’une fois et demie le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie.
Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, dans l’exposé sommaire de l’amendement AS506, vous indiquez que « l’activité des commissions ne sera pas nécessairement régulière ». Qui va décider de la convocation des commissions, ainsi que de l’objet des réunions ?
M. le rapporteur. Un certain nombre de prérogatives leur sont confiées par la loi. Nous avons complété celles qui étaient prévues par le texte en leur donnant un rôle en matière de médiation et d’action sociale et culturelle. Vous ne pouvez pas à la fois nous expliquer que les missions de ces commissions sont trop larges, ainsi que le font certains de vos collègues, et demander qui va décider de la convocation de leurs réunions ! Les commissions vont se mettre en place et déterminer elles-mêmes leur mode de fonctionnement, notamment en adoptant leur règlement intérieur. Les commissions paritaires interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA), qui existent déjà, fonctionnent de manière très satisfaisante. Elles ont répondu à toutes les questions que vous posez depuis tout à l’heure.
M. Arnaud Richard. J’entends tout à fait les arguments du rapporteur. On peut ne pas être d’accord avec la création de ces commissions, mais, dès lors qu’on les crée, on peut comprendre qu’elles aient besoin d’un minimum de souplesse pour fonctionner. Paradoxalement, je suis plutôt favorable à cet amendement de simplification.
M. Gérard Cherpion. Ne nous voilons pas la face : cette disposition donne des moyens supplémentaires aux commissions et complexifie encore le système. Le rapporteur nous a lui-même expliqué que l’on risquait de mettre en péril certaines TPE si l’on augmentait trop le crédit d’heures. Or, avec cet amendement, on tombe à nouveau sur le même problème : il y a certes un délai de prévenance, mais on allonge le temps pendant lequel l’entreprise peut être privée d’un de ses salariés.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS170, AS171 et AS173 du rapporteur.
L’amendement AS395 de M. Christophe Cavard est retiré.
La Commission examine l’amendement AS398 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Cet amendement vise à donner aux CPRI la possibilité de mettre en place des commissions afin d’assurer la représentation de certains secteurs spécifiques qui ne le seraient pas déjà dans le cadre des branches existantes, notamment celui de l’économie sociale et solidaire. Cette faculté serait prévue par le règlement intérieur. Il ne s’agit pas d’attribuer un nombre déterminé de sièges au sein de la commission paritaire, ainsi que M. Robiliard l’a proposé précédemment s’agissant des organisations multiprofessionnelles, mais de permettre à la commission elle-même de faire des choix en la matière.
M. le rapporteur. Pourquoi inscrire une telle disposition dans la loi ? Laissons les commissions adopter leur règlement intérieur et définir leur propre fonctionnement. Rien ne les empêche de mettre en place des commissions spécifiques si elles le souhaitent. Avis défavorable.
M. Christophe Cavard. Si vous me permettez un clin d’œil, monsieur le rapporteur, il n’était pas non plus indispensable d’inscrire dans la loi que l’accès aux locaux d’une entreprise se fait « sur autorisation de l’employeur » ! Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec vous sur le principe : les commissions décident de leur règlement intérieur et peuvent donc déjà, en droit, prévoir une représentation spécifique pour certains secteurs. Mon amendement était, en quelque sorte, un amendement d’appel, qui visait à le leur signaler. Je le retire, mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point en séance publique.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS174 et AS175 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement AS223 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Il me paraîtrait prudent que le décret en Conseil d’État prévu par le texte précise les domaines et les modalités de délégation de la commission à certains de ses membres, dans le respect de son caractère paritaire, même si les commissions adoptent par ailleurs un règlement intérieur. Dans l’hypothèse où une commission joue un rôle de médiation ou d’assistance à la résolution d’un conflit, accepté par l’employeur et par le ou les salariés concernés, elle ne mobilisera pas ses vingt membres, mais missionnera généralement deux d’entre eux, un employeur et un salarié. Si un protocole d’accord est signé, il est possible que l’une des parties se repente et cherche à le faire annuler, en arguant que les médiateurs ou ceux qui ont facilité la résolution du conflit n’étaient pas valablement mandatés. En prévoyant une faculté de délégation dans la loi, nous sécuriserons les opérations de médiation.
M. le rapporteur. Je comprends vos arguments, monsieur Robiliard : une commission peut en effet mandater des représentants pour intervenir dans le cadre d’une médiation. Cependant, je vous fais la même réponse que précédemment à M. Cavard : rien dans le présent texte n’interdit les délégations. Laissons le soin aux commissions de s’organiser : elles peuvent tout à fait les prévoir dans leur règlement intérieur. Il n’est pas nécessaire, selon moi, d’inscrire cette faculté dans la loi, laquelle n’a pas vocation à détailler l’intégralité de leur fonctionnement. De plus, leur composition pourra varier d’une région à l’autre. Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Robiliard.
M. Denys Robiliard. En matière administrative, il existe une jurisprudence fournie sur la compétence et la possibilité de la déléguer, avec une distinction entre délégation de compétence et délégation de signature. Certes, ce qui n’est pas interdit est permis. Mais lorsque des compétences sont attribuées par la loi, la faculté de les déléguer ne va pas de soi. Dès lors, il me paraît prudent de la prévoir expressément dans la loi, même si l’on renvoie au décret la fixation des modalités. Ce serait plus sûr pour les parties.
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement AS272 de M. Denys Robiliard est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS176 et AS177 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement AS299 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Compte tenu de la rédaction actuelle du texte, les membres des commissions paritaires locales pourraient être moins bien protégés contre le licenciement que ceux des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Cet amendement vise à remédier à cette situation en offrant aux premiers une protection identique à celle dont bénéficient les seconds.
M. le rapporteur. Les commissions paritaires locales instituées par un accord ont été volontairement laissées hors du champ du projet de loi. Les accords en question ont été signés par les organisations syndicales, et les commissions locales fonctionnent au demeurant très bien. De plus, rien ne dit que les salariés qui en sont membres seront moins bien protégés contre le licenciement que leurs collègues des commissions paritaires régionales : leur protection est prévue par les accords eux-mêmes, qui renvoient aux dispositions du livre IV du code du travail. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS178, AS179, AS180, AS182, AS183, AS184 et AS185 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.
*
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AS10 de M. Gérard Cherpion et les amendements AS265 et AS262 de M. Francis Vercamer.
M. Gérard Cherpion. Actuellement, les entreprises sont soumises à trente-cinq obligations supplémentaires lorsqu’elles franchissent le seuil de cinquante salariés. Les plus importantes de ces obligations concernent la création d’institutions représentatives du personnel (IRP) telles que le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi que la présence de délégués syndicaux, qui se voient attribuer un crédit d’heures en fonction de l’effectif de l’entreprise. À cela s’ajoutent les obligations de négocier au niveau de l’entreprise imposées par le code du travail du fait de la présence desdits délégués syndicaux. Il en résulte un frein mécanique au développement des entreprises, préjudiciable à l’emploi, dans la mesure où de nombreuses entreprises font le choix de ne pas dépasser ce seuil. Il existe ainsi deux fois et demie plus d’entreprises disposant d’un effectif de 49 salariés que d’entreprises disposant d’un effectif de 50 salariés. Afin de débloquer ce verrou, l’amendement AS10 vise à reporter les obligations pesant sur les entreprises de plus de cinquante salariés sur celles qui comptent plus de cent salariés.
M. Arnaud Richard. La question des effets de seuil est un « marronnier » depuis déjà quinze ou vingt ans. Les seuils créent manifestement des difficultés pour les entreprises, ainsi que le montre la statistique citée par M. Cherpion. Le Président de la République a lui-même déclaré que les seuils sociaux étaient un frein à l’emploi. Quant à vous, monsieur le ministre, vous êtes allés encore un peu plus loin, et vous êtes dans le vrai. Les positions des différents groupes politiques ont d’ailleurs évolué : les préconisations qui étaient perçues comme extrêmement libérales il y a dix ans apparaissent désormais comme pragmatiques. Par l’amendement AS265, nous proposons que les obligations qui sont imposées à partir de cinquante salariés s’appliquent à partir de soixante salariés, à titre expérimental pendant un an à compter de la promulgation de la présente loi.
M. le rapporteur. Ce débat s’apparente en effet à un « marronnier ». Monsieur Cherpion, un de vos collègues du groupe UMP a mentionné tout à l’heure un autre chiffre que celui que vous venez de citer : 74 % des entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 99 salariés ne disposent d’aucune IRP. Ce ne sont donc pas les IRP qui posent problème ! Dès lors, en affirmant que le seuil est un des aspects fondamentaux de la discussion, vous exprimez un positionnement quasi idéologique. En outre, un point me gêne dans votre approche : on a l’impression que vous considérez le dialogue social comme une sorte de frein, alors même qu’il est utile au développement des entreprises. Pour toutes ces raisons, que nous avons déjà développées à maintes reprises, j’émets un avis défavorable à ces trois amendements.
M. le ministre. Il existe plusieurs manières d’avancer sur cette question. Celle que nous avons choisie consiste à privilégier le dialogue social. Nous avons repris dans le projet de loi la démarche dans laquelle se sont engagés les partenaires sociaux : élargir et lisser le dispositif, donner de la souplesse aux entreprises, garantir aux salariés une véritable représentation à tous les niveaux à partir de cinquante salariés, notamment au sein du CHSCT. Pour votre part, vous proposez une autre méthode : porter le seuil de cinquante à soixante ou cent salariés. Or, lorsque l’on défend le dialogue social, on ne peut pas toucher aux seuils sans l’accord des partenaires sociaux.
M. Arnaud Richard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Nos amendements ne sont pas extrémistes : nous proposons de porter le seuil de cinquante à soixante salariés. Nous pourrions ainsi nous convaincre que le seuil de cinquante salariés est problématique, ce dont personne ne doute ici. En outre, nous répondrions à une recommandation formulée par la Commission européenne dans son avis sur le programme de stabilité présenté par notre pays pour 2015 : « La France devrait prendre des mesures résolues pour supprimer les seuils réglementaires prévus par le droit du travail et les réglementations comptables qui limitent la croissance de ses entreprises. »
La Commission rejette successivement les amendements AS10, AS265 et AS262.
Puis elle est saisie de l’amendement AS278 de M. Hervé Morin.
M. Arnaud Richard. Il s’agit de confier à la négociation collective plutôt qu’au cadre législatif et réglementaire le soin de fixer les règles en matière de temps de travail.
M. le rapporteur. Cet amendement est loin d’être anodin ! Je rappelle que les règles en matière de temps de travail sont déterminées par la loi. Celle-ci fixe non pas une durée maximale, mais une durée au-delà de laquelle se déclenche le mécanisme des heures supplémentaires. D’autre part, chers collègues de l’opposition, en dix ans, vous n’êtes pas revenus sur les dispositions des lois Aubry. Vous les avez même consacrées en défiscalisant les heures supplémentaires. J’ai cru comprendre que le débat reviendrait. Cela étant, on nous a déjà expliqué de très nombreuses fois qu’il serait rouvert, et il n’en a rien été. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable à cet amendement.
M. Arnaud Richard. Je vous en voudrais presque, monsieur le rapporteur, d’être favorable à mon amendement ! Je ne peux donc pas vous en vouloir d’y être défavorable. (Sourires.)
M. Gérard Cherpion. On ne peut pas tenir de tels propos, monsieur le rapporteur ! C’est sans doute la fatigue qui commence à se faire sentir. Je conviens volontiers que les évolutions ont été insuffisantes, mais nous avons apporté de nombreux aménagements aux règles en matière de temps de travail. Je voterai l’amendement de M. Richard, qui va tout à fait dans le bon sens.
M. le rapporteur. J’ai seulement considéré que les évolutions intervenues étaient insuffisantes, et je n’ai pas l’intention de rouvrir ce débat, ce que vous faites toujours quand vous êtes dans l’opposition, jamais quand vous êtes dans la majorité.
La Commission rejette l’amendement AS278.
Elle étudie ensuite l’amendement AS266 de M. Francis Vercamer.
M. Arnaud Richard. L’amendement vise à encourager, à titre expérimental, l’embauche dans les TPE, en portant le seuil d’élection des délégués du personnel à vingt et un salariés.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La seule différence avec l’amendement précédent est que la mesure serait expérimentale.
La Commission rejette l’amendement AS266.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS263 de M. Francis Vercamer.
Elle est saisie de l’amendement AS334 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. La généralisation des commissions paritaires et le maintien de l’article L. 2312-5 du code du travail feraient double emploi. Nous proposons par conséquent de toiletter le code en supprimant les délégués de site.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La suppression des délégués de site, qui jouent parfaitement leur rôle, notamment dans les centres commerciaux, irait bien au-delà d’un simple toilettage.
La Commission rejette l’amendement.
Elle aborde l’amendement AS11 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. On dénombre en France entre 25 000 et 30 000 comités d’entreprise où siègent plus de 100 000 élus, autant de CHSCT, près de 300 000 délégués du personnel et un peu plus de 40 000 délégués syndicaux. L’amendement vise à simplifier l’architecture des institutions représentatives du personnel en ouvrant une négociation liée à la représentativité territoriale des salariés dans les entreprises de moins de cent salariés. Pour encadrer la négociation, nous proposons que ces salariés soient représentés et informés au niveau territorial. L’accord national interprofessionnel et l’accord national multiprofessionnel proposeront au Parlement une réforme afin d’harmoniser les seuils et de fusionner les institutions représentatives du personnel pour les entreprises de moins de cent salariés.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Actuellement, rien n’empêche que les salariés des entreprises de moins de cent salariés soient représentés et informés au niveau territorial. En outre, au cours des auditions, aucune organisation n’a réclamé de changement majeur sur les modes de représentation.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements AS268 et AS267 rectifié de M. Hervé Morin.
M. Arnaud Richard. En prévoyant qu’une convention ou un accord collectif professionnel ou interprofessionnel puisse déroger aux dispositions du code du travail, à l’exception de celles qui concernent les principes fondamentaux, ces amendements tendent à revenir à l’esprit initial de la démocratie sociale. Nos propositions, qui choqueront peut-être certains de nos collègues, iraient dans le sens des évolutions souhaitées par la Commission européenne en matière de droit du travail.
M. le rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements. La réforme que vous envisagez est considérable : elle consisterait à inverser la hiérarchie des normes, en laissant à la négociation le soin de construire le code du travail.
M. le ministre. On ne peut inverser la hiérarchie des normes, par voie d’amendement à vingt-trois heures trente-neuf !
Mme Jacqueline Fraysse. L’heure tardive n’est pas le seul argument à prendre en compte.
M. le ministre. Les autres ont été développés par le rapporteur, et je les fais miens.
La Commission rejette successivement les amendements AS268 et AS267 rectifié.
Elle en vient à l’amendement AS376 rectifié de M. Hervé Morin.
M. Arnaud Richard. Cet amendement, traditionnellement défendu par M. Poisson, vise à définir les modalités d’un regroupement des branches professionnelles, en précisant le nombre maximal de branches. Cette rationalisation devrait susciter l’approbation de tous les groupes.
M. le rapporteur. L’amendement sera satisfait par celui que le Gouvernement a déposé à l’article 10, et qui va au-delà d’une demande de rapport. Je vous suggère donc de le retirer.
M. le ministre. Nous avons commencé à travailler avec les partenaires sociaux. Notre objectif, qui est ambitieux, est de réduire en dix ans le nombre de branches à cent. Il y en aura cent de moins dès la fin de 2015.
L’amendement AS376 rectifié est retiré.
*
Chapitre II
Valorisation des parcours professionnels des élus et des délégués syndicaux
*
La Commission examine les amendements AS228 et AS230 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. L’amendement AS228 tend à supprimer, dans l’intitulé du chapitre II, les mots « dans l’entreprise ». En effet, un conseiller prud’homme ou un administrateur de caisse exerce sa charge hors de l’entreprise, de même qu’un délégué syndical qui consacre des heures à la négociation de branche. D’autre part, la valorisation des acquis de l’expérience liée à l’exercice d’un mandat syndical peut se faire aussi bien en interne, si le salarié évolue dans l’entreprise, qu’en externe, par le biais d’une reconversion.
L’amendement AS230 vise à substituer aux mots « délégués syndicaux », très précis en droit du travail, l’expression « titulaires d’un mandat syndical », pouvant désigner aussi les représentants syndicaux au comité d’entreprise, que le Gouvernement n’a sûrement pas l’intention de priver du bénéfice des dispositions de l’article 2. L’exposé des motifs du projet de loi montre en effet que le texte concerne l’ensemble des mandats syndicaux.
M. le rapporteur. Avis favorable à l’amendement AS228. La modification proposée est bienvenue puisque l’article 6 prévoit que le délégué syndical puisse utiliser ses heures de délégation en dehors de l’entreprise.
Je vous suggère en revanche de retirer l’amendement AS230 et les suivants qui lui sont liés. Je suis convaincu par les exemples que vous avez cités, mais il serait bon de retravailler sur le sujet.
M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement AS230, et je m’engage à retirer les suivants.
La Commission adopte l’amendement AS228.
L’amendement AS230 est retiré.
*
Article 2
(art. L. 2141-5 du code du travail)
Entretiens professionnels de début et fin de mandat
Cet article vise à protéger les représentants du personnel contre les discriminations et valoriser leur expérience.
I. UNE CRISE DES VOCATIONS SYNDICALES PRÉJUDICIABLES AU DIALOGUE SOCIAL
Un dialogue social plus constructif et moins conflictuel est un véritable levier de développement de l’économie en même temps que d’amélioration du bien-être social.
Pour ce faire, il y a besoin de partenaires crédibles, représentatifs et de bonne volonté. Or, nous assistons aujourd’hui à un recul des « vocations » syndicales. La pyramide des âges des responsables syndicaux est là pour témoigner de l’absence ou en tout cas de l’insuffisance de la « relève » syndicale. En effet, si 18 % des salariés travaillant au sein d’entreprises de 11 salariés et plus ont moins de 30 ans, ils ne représentent que 9 % des salariés représentants du personnel. Parallèlement, les salariés de plus de 40 ans représentent 62 % des salariés représentants du personnel alors que cette tranche d’âge constitue seulement 54 % de l’ensemble des salariés (3).
Cette crise des vocations a pour conséquence, selon la même enquête, que seulement 55 % des établissements de 11 salariés et plus du secteur marchand non agricole disposent d’au moins un salarié exerçant un mandat de représentant du personnel. Cette proportion est encore plus alarmante dans les entreprises de 11 à 49 salariés où il n’existe aucune institution représentative du personnel dans 86 % d’entre elles. De plus, cette crise des vocations est partiellement masquée par une pratique massive de cumul des mandats – 29 % des salariés représentants du personnel dans les entreprises de plus de 50 salariés déclarent détenir au moins deux mandats.
Par ailleurs, plus le sentiment de sécurité dans l’entreprise est important, plus le salarié est enclin à prendre des responsabilités. 91 % des salariés représentants du personnel travaillent à temps plein et 64 % d’entre eux travaillent dans l’entreprise depuis plus de 11 ans contre 46 % pour l’ensemble des salariés.
Cette forte concentration des mandats sur un profil particulier de salariés a des incidences sur la représentation sexuée. Les représentants du personnel sont à 63 % des hommes.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette crise des vocations :
– depuis le milieu des années 1980, avec la persistance de la crise économique et du chômage de masse, les progrès sociaux ont été moins fréquents que durant les décennies précédentes. De ce fait, le « grain à moudre » qui a symbolisé la conquête de nouveaux droits est de plus en plus difficile à trouver. En conséquence, les syndicats se sont repliés sur une défense des acquis sociaux attaqués par les tenants d’une « adaptation à la mondialisation ». Par ailleurs, la défense de ces acquis a eu pour conséquence de dissocier les intérêts des salariés titulaires d’un emploi de ceux des chômeurs. Le syndicat et le syndicaliste ont ainsi souvent vu leur image se dégrader ;
– l’évolution du marché du travail tend à faire disparaître les grands ensembles où plusieurs milliers de salariés accomplissent la même tâche au même rythme et par conséquent sont porteurs des mêmes intérêts. Aujourd’hui, l’organisation du travail se fait dans le sens de la polyvalence et de l’autonomie des salariés – tâches multiples, horaires flexibles, télétravail… – et cette situation rend plus difficile la représentation par un syndicat unique porteur d’une vision nationale ;
– enfin, l’engagement prend aujourd’hui des formes diverses et ne dure pas nécessairement toute une vie. Cette mutation a non seulement pour conséquences une diminution du nombre d’adhérents à une organisation syndicale mais aussi une plus grande instabilité des effectifs.
Ces mutations ont des conséquences importantes sur le dialogue social. En effet, à l’instar des partis politiques qui sont de moins en moins des partis de masse et de plus en plus des réseaux d’élus et de collaborateurs d’élus, les syndicats ont également connu une transformation d’un syndicalisme de militants et d’adhérents en un syndicalisme de permanents.
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, il convient d’en prendre acte et de préserver la capacité à prendre des responsabilités syndicales dans les entreprises et au-delà. Pour cela, il est nécessaire de ne pas pénaliser les personnes qui souhaiteraient accepter de telles responsabilités mais également de diversifier la sociologie des responsables syndicaux en favorisant le renouvellement des générations, l’accès des femmes et des salariés du secteur privé aux responsabilités.
Pour ce faire, le projet de loi prévoit plusieurs articles afin de rendre plus attractif, en tout cas moins pénalisant, l’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentant du personnel.
II. DANS LES FAITS, LA RESPONSABILITÉ SYNDICALE CONSTITUE UN FREIN À LA CARRIÈRE
L’article L. 2141-5 du code du travail portant sur les principes de l’exercice du droit syndical, tel qu’il est issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, dispose qu’ « il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
L’article précité renvoie à un accord d’entreprise le soin de déterminer « les mesures à mettre en œuvre » afin de concilier la carrière professionnelle et les responsabilités syndicales et la manière dont sera prise en compte l’expérience acquise au cours de l’exercice d’un mandat de représentant du personnel.
Cependant, dans la réalité, l’exercice d’une responsabilité syndicale est bien souvent source de discrimination au sein de l’entreprise. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi fait état d’une étude de l’École d’économie de Paris, parue en juin 2014, qui montre que la rémunération des salariés exerçant des responsabilités est inférieure de 10 % de celle des salariés non-syndiqués.
En effet, si la loi punit la discrimination du fait d’une appartenance à une organisation syndicale de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros, celle-ci, comme toute discrimination, est très difficile à caractériser. Il convient donc de mettre en place, par la loi, un certain nombre de mesures spécifiques afin de lever, un à un, les freins à l’exercice du droit syndical.
III. UN RENFORCEMENT DE L’ENTRETIEN AVEC L’EMPLOYEUR SUR LES MODALITÉS D’EXERCICE DU MANDAT ET DE VALORISATION DES ACQUIS DE L’EXPÉRIENCE
L’article L. 6123-5 dispose qu’ : « à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié ». Si cet entretien est proposé systématiquement au salarié « à l’issue d’un mandat syndical », il concerne également, et dans les mêmes conditions, les salariés de retour d’un long congé ou d’une mobilité professionnelle.
Il n’y a donc pas en l’état actuel du droit de valorisation spécifique des acquis de l’expérience pour un salarié ayant exercé des responsabilités syndicales. Par ailleurs, cet entretien est effectué de droit à l’échéance du mandat. La loi ne prévoit pas de dispositif lors de la prise de fonction, ce qui ne permet, ni à l’employeur ni au salarié, d’anticiper la manière de concilier l’engagement syndical et la poursuite de la carrière.
L’article 2 prévoit en conséquence deux entretiens de droit à deux moments différents :
– le premier au début du mandat. Le délégué syndical ou le représentant du personnel bénéficie, à sa demande, d’un entretien avec son employeur sur les modalités pratiques d’exercice du mandat et notamment la manière de concilier ses responsabilités et l’exercice de son emploi. Il peut pour cet entretien, se faire accompagner par la personne de son choix. La Commission a adopté l’amendement AS456 invitant « l’employeur [à] veiller à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives, en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle ». Cet amendement vise à encourager spécifiquement les femmes à prendre des responsabilités ;
– le second à l’échéance du mandat. L’alinéa 3 donne une spécificité particulière à l’entretien prévu à l’article L. 6123-5 lorsqu’il concerne un délégué syndical ou à un représentant du personnel. Dans ce cas, l’entretien permet de procéder au recensement des « compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation » de ces compétences. Cet article du projet de loi est à rapprocher de l’article 3 qui prévoit la mise en place d’une liste de compétences correspondant à l’exercice d’un mandat syndical ou de représentant du personnel.
La condition pour bénéficier de ce second entretien est d’avoir bénéficié d’heures de délégation supérieures à 30 % de son temps de travail annuel. En effet, il s’agit ici de permettre aux personnes ayant été le plus éloignées de leur poste de travail de valoriser leur acquis et non pas aux 600 000 salariés protégés.
Il reste à vérifier avec la pratique si la reconnaissance des acquis de l’expérience syndicale va réellement permettre aux salariés concernés de se voir reconnaître des compétences générales. Il ne s’agit, en effet, évidemment pas de prévoir une compétence de « syndicaliste » qui serait difficilement valorisable dans l’entreprise ou dans une autre entreprise.
*
La Commission étudie, en discussion commune, les amendements AS187 du rapporteur, AS444 de M. Lionel Tardy et AS456 de Mme Sandrine Mazetier.
M. le rapporteur. L’amendement AS187 est rédactionnel.
M. Lionel Tardy. L’amendement AS444 est presque identique. La loi sur la formation professionnelle prévoit qu’après une période d’absence dans l’entreprise, notamment à la fin d’un mandat syndical, l’employé passera un entretien professionnel. Cette mesure, sur laquelle je m’étais interrogé, se comprend mieux s’il s’agit de faire le point sur le mandat. Je suggère de regrouper ces dispositions dans l’article L. 6315-1 du code du travail.
Mme Sandrine Mazetier. L’amendement AS456, présenté par les députés du groupe socialiste, s’inscrit dans la continuité des échanges que nous avons eus avec la délégation aux droits des femmes. Pour favoriser l’engagement syndical, nous proposons d’inscrire dans la loi que l’employeur favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et effectives, en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.
M. le rapporteur. Les amendements, en discussion commune pour des raisons de légistique, n’ont pas du tout le même objet. Je retire donc l’amendement AS187 afin de ne pas empêcher l’adoption de l’amendement AS456, auquel je suis favorable, et émets un avis défavorable à l’amendement de M. Tardy dans l’hypothèse où il serait maintenu.
L’amendement AS187 est retiré.
La Commission rejette l’amendement AS444.
Elle adopte l’amendement AS456.
L’amendement AS229 de M. Denys Robiliard est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS186 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement AS400 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. De nombreux syndicats souhaitent que l’entretien se déroule automatiquement en présence d’un tiers, sans que le salarié ait à le demander.
M. le rapporteur. Avis défavorable. C’est au salarié à choisir s’il souhaite ou non être accompagné. On ne peut ignorer son avis.
M. Christophe Cavard. Sur le principe, je comprends l’objection, mais, cet entretien étant particulièrement important, il est important que le salarié soit accompagné.
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement AS227 de M. Denys Robiliard est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS219 du rapporteur.
Elle aborde l’amendement AS443 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je propose d’intégrer l’entretien de début de mandat syndical, que vous proposez de créer, à l’entretien professionnel, qui a lieu tous les deux ans. La multiplication des procédures ne va pas dans le sens de la simplification.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Il faut éviter que les deux entretiens se confondent ou que l’un se substitue à l’autre.
M. Gérard Cherpion. La rédaction de l’amendement est prudente. Elle prévoit seulement que l’entretien de début de mandat syndical puisse être réalisé en même temps que l’entretien professionnel.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS189 et AS190 du rapporteur.
L’amendement AS231 de M. Denys Robiliard est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement AS425 de Mme Véronique Massonneau.
Mme Véronique Massonneau. La valorisation des parcours professionnels des élus, qui est une excellente idée, ne profitera pas aux femmes si on le réserve aux délégués dont la délégation atteint 30 % de la durée du temps de travail, soit quarante-cinq heures par mois. Nous proposons donc de supprimer ce seuil.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La faible proportion de femmes parmi les représentants syndicaux justifie certains aménagements, que nous avons évoqués avec la rapporteure pour avis de la délégation aux droits des femmes. Mais l’adoption de l’amendement compromettrait la reconnaissance des parcours professionnels, qui est un des objets de l’article. Dans l’accord qui a failli être validé, le seuil était fixé à 50 %.
Mme Véronique Massonneau. Il n’y a pas lieu de favoriser les représentants qui cumulent beaucoup d’heures. En tout cas, si l’on introduit un seuil, celui-ci doit être inférieur à 30 %.
M. Michel Liebgott. Un engagement syndical important peut freiner la promotion. C’est un dommage qu’il faut compenser.
Mme Sandrine Mazetier. L’amendement a été adopté cet après-midi par la délégation aux droits des femmes. Si judicieux que soit l’article 2, il ne concernera que ceux qu’on peut considérer comme des cumulards, sans mettre dans ce terme de nuance péjorative, car ce cumul vise à défendre les salariés et le dialogue social.
Le tableau figurant à la page 44 de l’étude d’impact montre qu’on trouve 45 % de femmes parmi les titulaires d’un mandat. Le pourcentage se réduit à 43 % parmi les titulaires de deux mandats et tombe à 35 % parmi les titulaires de trois mandats. Abaisser le seuil encouragerait les femmes à s’investir davantage dans le dialogue social.
M. Christophe Cavard. Si l’on fixe le seuil à 30 %, on favorisera la valorisation de l’expérience acquise, mais les femmes, moins présentes dans le monde syndical, n’en bénéficieront pas. Peut-être pourrait-on retenir un pourcentage moins élevé, dans la discussion avec les partenaires sociaux.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Il n’est pas envisageable de supprimer tout seuil, ce qui reviendrait à proposer deux entretiens pour 600 000 salariés. Réduire le taux de 30 % est délicat. Il serait dommage qu’au nom d’une excellente cause – favoriser l’implication des femmes dans le dialogue social –, on renonce à dédommager les représentants qui ont subi un préjudice important en termes de parcours ou de rémunération. Je rappelle que le taux prévu dans l’accord était de 50 %.
Mme Véronique Massonneau. Je retire l’amendement, que je redéposerai en proposant un seuil moins élevé.
L’amendement AS425 est retiré.
La Commission aborde l’amendement AS212 de M. Gérard Cherpion.
M. Bernard Perrut. L’article L. 2145-1 du code du travail tel que modifié par l’article 2 du projet de loi, prévoit qu’en fin de mandat le salarié disposant d’un nombre d’heures de délégation annuel au moins équivalent à 30 % de la durée du travail qui lui est applicable, bénéficie, au cours de son entretien professionnel habituel, d’un recensement des compétences acquises au cours du mandat et d’indications sur les modalités selon lesquelles les compétences ainsi acquises seront valorisées.
Le projet de loi semble imposer à l’employeur de reclasser le salarié au terme de son mandat afin de valoriser les compétences acquises en cours de mandat, mettant ainsi à la charge de l’employeur une obligation de résultat. Cette disposition risque de mettre l’employeur en difficulté si le salarié refuse, en vertu de son statut protecteur, le simple changement des conditions de travail qui résulterait du projet de l’employeur ou une modification du contrat de travail, qui ne peut être imposée à aucun salarié sans son accord préalable. L’employeur, qui serait dans l’incapacité de respecter son obligation de résultat, s’exposerait alors à une sanction.
Il faut lever l’ambiguïté résultant de la rédaction du texte de loi en substituant à l’obligation de reclassement, celle d’évoquer avec le salarié, au cours de l’entretien annuel de fin de mandat, ses possibilités d’évolution professionnelle au regard des compétences acquises au cours du mandat.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Nulle part le texte ne prévoit l’obligation de reclassement. Il s’agit seulement de recenser les compétences acquises en cours de mandat et de les valoriser pour le bien de l’entreprise comme du salarié. Par ailleurs, il n’est pas question dans le texte de sanctionner l’employeur.
Mme Isabelle Le Callennec. J’approuve que l’on valorise le parcours professionnel des élus et délégués syndicaux, mais je ne comprends pas que, à l’alinéa 2, il ne soit pas question de formation, alors que celle-ci peut être essentielle pour exercer un mandat. D’autre part, est-ce l’employeur ou une instance extérieure à l’entreprise qui établira la liste des compétences acquises en cours de mandat ?
M. le rapporteur. Le droit à la formation figure actuellement parmi ceux des représentants syndicaux. Il va de soi qu’il est maintenu. Par ailleurs, l’alinéa 5 de l’article 3 apporte une précision importante : « Un recensement des certifications ou parties de certification comportant ces compétences et enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles est annexé à la liste mentionnée au premier alinéa. »
M. Gérard Cherpion. Il reste toutefois une ambiguïté : à l’issue de l’entretien, à quelle compensation le salarié pourra-t-il prétendre ? Devra-t-il se contenter d’un satisfecit du chef d’entreprise ?
M. le rapporteur. L’alinéa 4 de l’article 3 prévoit que les ministres en charge du travail et de la formation professionnelle établiront une liste des compétences correspondant à l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou de délégué syndical. L’entretien permettra de comparer les compétences acquises par le salarié et celles qui figureront sur la liste.
Mme Isabelle Le Callennec. L’entretien se déroulera-t-il en présence d’un tiers ? Qu’arrivera-t-il si l’employeur et le salarié ne parviennent pas à s’entendre ?
M. le rapporteur. Le salarié pourra, s’il le souhaite, se faire accompagner. Un salarié qui assume un engagement syndical pendant des années acquiert indéniablement des connaissances juridiques ou administratives, ou des compétences, en termes de management. L’entretien permettra de rapprocher les compétences du salarié de la liste établie par les ministres. En cas de désaccord, le salarié pourra faire valoir son parcours grâce à cette liste.
M. le ministre. Je partage l’analyse du rapporteur. Je ne comprends pas votre volonté de corseter le parcours d’un salarié devenu permanent syndical. Nous proposons qu’au terme de son mandat il s’entretienne avec son employeur au sujet des compétences qu’il a acquises dans ses fonctions représentatives afin d’obtenir une certification, sur la base d’un système de référence.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
*
Article 3
(art. L. 6112-4 et L. 6123-1 du code du travail)
Égalité d’accès des représentants du personnel et des délégués syndicaux
Dans le même esprit que l’article 2, cet article vise à rendre plus attractif les responsabilités syndicales en facilitant la poursuite de la carrière du salarié à la suite de l’échéance de son mandat.
Il prévoit en effet, que « les ministres en charge du travail et de la formation professionnelle établissent une liste de compétences correspondant à l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou de délégué syndical » qui seront, après avis de la commission nationale de certification professionnelle, inscrites au répertoire national des certifications professionnelles.
La certification, enregistrée en blocs de compétences, est inscrite à l’inventaire mentionné à l’article L. 335-6 du code de l’éducation. Celui-ci dispose que : « les certifications et habilitations correspondant à des compétences transversales exercées en situation professionnelle peuvent être recensées dans un inventaire spécifique établi par la Commission nationale de la certification professionnelle ». Il s’agit donc bien de viser des compétences transversales et non pas d’une compétence spécifique de syndicaliste, comme cela a été souligné dans le commentaire de l’article 2.
En effet, l’identification des compétences transversales acquises au cours d’un mandat syndical ou de représentant du personnel impliquera une concertation avec les partenaires sociaux puis d’identification de ces compétences au sein des référentiels de compétences actuelles. Enfin, la dernière étape sera l’inscription à l’inventaire sous la responsabilité de la Commission nationale de la certification professionnelle. L’étude d’impact prévoit que la liste sera mise en place au premier semestre de l’année 2016.
*
La Commission est saisie de l’amendement AS232 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je vais retirer cet amendement, mais souhaiterais revenir sur l’article précédent : si Mme Le Callennec n’en comprend pas le sens, c’est qu’elle a du mal à concevoir que des socialistes puissent postuler que l’employeur peut être de bonne foi… (Sourires.)
Mme Sandrine Mazetier. L’article 3 prévoit la création d’une certification au profit des salariés ayant été représentants syndicaux. Or, si j’avais cru comprendre que l’exercice d’un seul mandat syndical suffisait pour obtenir cette certification, les échanges que nous venons d’avoir me donnent l’impression d’un effet de contamination entre les articles 2 et 4 d’une part, et l’article 3 d’autre part. M. le ministre peut-il nous confirmer qu’un seul mandat suffira ?
M. le ministre. Les certifications qui seront établies après avis de la Commission nationale de certification permettront à l’employeur d’évaluer lors d’un entretien les salariés ayant exercé un mandat de représentant du personnel. Elles s’adresseront a priori à tous les salariés ayant exercé un mandat mais les niveaux de certification diffèreront selon la durée des mandats exercés et l’expérience acquise au cours de leur exercice.
M. Gérard Cherpion. Comment ce dispositif s’articulera-t-il avec l’évaluation professionnelle obligatoire tous les deux ans en entreprise ?
M. le ministre. Il s’agit d’un autre dispositif.
Mme Isabelle Le Callennec. Le processus de validation des acquis de l’expérience (VAE) est très encadré : une fois le dossier de demande constitué, un jury se réunit pour l’examiner.
M. le rapporteur. Je n’ai jamais dit que cet article instaurait une VAE, mais bien qu’il créait un dispositif qui s’y apparentait. Et encore une fois, nous ne remettons pas en cause le droit aujourd’hui applicable dans l’entreprise. Comme un parcours syndical permet d’acquérir des compétences, nous proposons que celles-ci puissent être valorisées sur la base d’un référentiel précisé à l’alinéa 4 de l’article 3.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l’article 3 sans modification.
*
Article 4
(art. L. 2141-5-1 du code du travail)
Garantie de non-discrimination salariale pour les représentants du personnel
Comme rappelé dans le commentaire de l’article 2, selon une étude de l’École d’économie de Paris, parue en juin 2014, la rémunération des salariés exerçant des responsabilités syndicales est inférieure de 10 % de celle des salariés non-syndiqués. En effet, même en faisant fi de possibles comportements discriminatoires, il est fréquent que les salariés exerçant des responsabilités ne se voient pas accorder d’augmentations individuelles car on leur préfère dans l’entreprise ceux qui exercent leur activité à plein temps et sur lesquels le lien de subordination est permanent.
L’article 4 vise à garantir une évolution de rémunération pour les représentants du personnel et les responsables syndicaux ayant bénéficié d’heures de délégation supérieures à 30 % de leur temps de travail annuel au moins égale, pendant la durée du mandat, à l’évolution moyenne des rémunérations perçues par les salariés de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable à celle du salarié concerné ou à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles s’il n’y a pas eu d’accord de branche plus favorable.
Les dispositions proposées s’inspirent largement de l’article L. 1225-26 qui dispose qu’« en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération,… , est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise ».
Contrairement aux salariées en congé maternité, les responsables syndicaux et les représentants du personnel bénéficient des augmentations générales. En conséquence, seules les augmentations individuelles sont concernées par ces nouvelles dispositions. La Commission a donc adopté un amendement AS233 précisant que le salarié bénéficie « des augmentations générales et [de] à la moyenne des augmentations individuelles », ce qui peut être différent de « la moyenne de l’évolution des rémunérations » et qui, en tout état de cause, est favorable aux salariés concernés.
*
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS284 du rapporteur.
Puis elle examine les amendements identiques AS320 de Mme Jacqueline Fraysse et AS426 de Mme Véronique Massonneau.
Mme Jacqueline Fraysse. Les représentants des salariés et les syndicalistes doivent bénéficier d’une évolution salariale comparable à celle des autres salariés, quel que soit leur temps de délégation, afin d’éviter toute discrimination, sans quoi les salariés seront dissuadés d’exercer un mandat syndical.
Mme Véronique Massonneau. Je partage l’avis de Mme Fraysse. Néanmoins, je retire mon amendement afin de le réécrire d’ici à l’examen du texte en séance publique.
M. le rapporteur. L’objectif visé à l’article 4 n’est pas de couvrir tous les salariés exerçant des mandats syndicaux ou électifs mais de cibler ceux dont l’engagement est tel qu’ils se sont retirés de l’entreprise. C’est parce qu’ils ont été plus longuement éloignés de leur poste de travail qu’ils sont plus pénalisés que les autres. Je suggère donc à Mme Fraysse de retirer son amendement.
M. Gérard Sebaoun. On ne peut postuler a priori que l’exercice d’un mandat syndical donne nécessairement lieu à discriminations.
Mme Jacqueline Fraysse. Je ne le postule pas : j’affirme qu’il ne faut pas que cela se produise. Monsieur le rapporteur, je vous concède que plus le nombre d’heures de délégation est élevé, plus le risque de discrimination est important. Mais on ne peut accepter que les salariés qui n’ont que quelques heures de délégation soient pénalisés.
M. le ministre. Nous ne visons pas à empêcher des discriminations mais à assurer aux salariés qui n’occupent pas leur poste de travail plus de 30 % du temps de bénéficier d’une évolution salariale comparable à celle des autres salariés. Cette avancée était demandée.
M. Christian Hutin, président. Maintenez-vous votre amendement, madame Fraysse ?
Mme Jacqueline Fraysse. Oui.
La Commission rejette l’amendement AS320.
L’amendement AS426 est retiré.
Elle aborde l’amendement AS204 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. À la différence des deux amendements précédents, nous proposons de porter à 50 % le taux à partir duquel la disposition prévue à cet article sera applicable.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Je plaide pour le maintien du seuil de 30 % qui me paraît déjà élevé.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS369 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Il importe de clarifier les termes de l’article L. 2141-5-1 du code du travail : le salarié exerçant un mandat doit voir l’augmentation de sa rémunération déterminée en fonction de l’évaluation portée sur son travail effectif au sein de l’entreprise.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Le salarié sera lourdement pénalisé si l’employeur ne retient que le temps qu’il passe dans l’entreprise. Nous considérons que le temps qu’un employé consacre à sa représentation syndicale n’en fait pas moins un salarié de l’entreprise.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement AS233 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Plutôt que de tenir compte, pour la détection d’une éventuelle discrimination, de l’évolution moyenne des rémunérations, nous proposons de distinguer entre les augmentations générales de salaire, dont un salarié exerçant un mandat aura nécessairement profité, et la moyenne des augmentations individuelles. Nous reprenons en cela les termes de l’article L. 1225-26 du code du travail en matière de congé de maternité.
M. Gérard Cherpion. Les augmentations individuelles de salaire sont directement liées à l’activité personnelle du salarié. Par conséquent, en les prenant en compte, on risque de pénaliser l’ensemble des salariés qui ne bénéficient pas de primes individuelles par rapport aux salariés retenus en dehors de l’entreprise.
M. le rapporteur. Les salariés qui exercent un mandat syndical enregistrent au bout de quelques années un différentiel de rémunération par rapport aux autres salariés. Tout le monde bénéficiant des mêmes augmentations générales, ce différentiel ne peut s’expliquer que par l’absence d’augmentation individuelle. Vous jugez cela normal, monsieur Cherpion, au motif que le salarié en délégation n’est pas présent dans l’entreprise. Pour autant, il en fait bien partie, et nous souhaitons revaloriser les parcours syndicaux. Il n’est pas vrai que les autres salariés seront perdants, car ils bénéficieront d’augmentations individuelles tandis qu’un représentant syndical ne bénéficiera que d’une moyenne de celles-ci. Il s’agit de corriger une réalité illustrée dans toutes les études relatives aux salariés exerçant un mandat syndical.
C’est pourquoi j’émets un avis favorable à l’amendement.
M. Denys Robiliard. Les délégués syndicaux ne se trouvent absolument pas en dehors de l’entreprise, et par ailleurs on constate effectivement, à la lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation, des discriminations liées à l’exercice de mandats syndicaux. Le dispositif proposé vise justement à y mettre un terme.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement AS402 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Nous proposons que les représentants du personnel puissent bénéficier d’une évolution de carrière semblable à celle de leurs collègues.
M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation, mais comment définir cette évolution dans la loi ?
M. Christophe Cavard. Nous proposons de retenir la même méthode de calcul que celle retenue pour les rémunérations.
M. Gérard Sebaoun. Je souhaite revenir sur l’amendement AS233 de M. Robiliard que nous avons adopté et auquel je suis tout à fait favorable, car M. Cherpion a mis en avant un argument pertinent. Souvent, en effet, dans les entreprises, les sommes consacrées aux augmentations individuelles sont dans une enveloppe fermée, de sorte que si l’on introduit un nouveau droit – qui me paraît tout à fait légitime –, mathématiquement, les autres toucheront un peu moins.
M. le rapporteur. Monsieur Cavard, nous avons adopté tout à l’heure un amendement permettant la reconnaissance de l’expérience acquise lors de l’exercice du mandat syndical. On ne peut pas prévoir en plus une obligation de rattrapage de l’évolution de carrière.
La Commission rejette l’amendement.
Elle aborde l’amendement AS282 de M. Gilles Lurton.
M. Bernard Perrut. L’article 4 du projet de loi fixe une garantie d’évolution de salaire inconditionnelle : quelle que soit la situation du salarié, il doit bénéficier d’une évolution de rémunération indépendante du travail fourni. C’est pourquoi notre amendement ouvre à l’employeur la possibilité de justifier d’une politique salariale différente à l’égard de ces salariés, en apportant la preuve de raisons professionnelles objectives et non discriminatoires justifiant la différence de traitement salarial. S’il est normal qu’un salarié ne subisse pas de discriminations à raison de ses activités syndicales ou de ses mandats électifs au sein de l’entreprise, la marge de manœuvre de l’employeur en termes de politique salariale ne peut être réduite à néant.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Votre proposition, si elle était adoptée, serait source de contentieux interminables. Je préfère la solution moyenne que nous avons adoptée tout à l’heure.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
*
Article 5
(art. L. 2314-11, L. 2314-24-1, L. 2314-24-2, L. 2314-25, L. 2324-6,
L. 2324-13, L. 2324-22-1, L. 2324-22-2 et L. 2324-23 du code du travail)
Représentation équilibrée des femmes et des hommes
I. UNE SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LES FONCTIONS DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS QUI PERDURE MALGRÉ LES INCITATIONS
Les femmes représentent 47,9 % de la population occupant un emploi. Elles ne sont en revanche que 36,42 % des élus à des fonctions de représentation des salariés (4). Cette proportion est tout de même légèrement supérieure à la proportion de candidates qui est de 32 % au premier tour des élections professionnelles.
Pour remédier à cette situation historique, l’article L. 2324-6, introduit par la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévoit que : « lors de l’élaboration du protocole d’accord préélectoral, les organisations syndicales intéressées examinent les voies et moyens en vue d’atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures ». Il s’agit cependant d’une simple mesure incitative qui, à l’instar des règles contraignantes qui ont été mises en place pour les élections municipales, régionales, européennes, sénatoriales dans les départements élisant leur sénateur au scrutin proportionnel et plus récemment départementales, doit être aujourd’hui dépassée. En effet, une étude de la DARES de 2011 montre que seulement 40 % des organisations syndicales dans les établissements dotés de représentants du personnel déclarent avoir réussi à promouvoir l’égalité sexuée dans les candidatures. Ce chiffre est proche, bien qu’inférieur, au nombre de candidates au premier tour des élections professionnelles.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE REPRÉSENTATION MIROIR DES ÉLECTEURS
L’article premier de la constitution dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Il est donc temps que la loi prévoit des mesures plus contraignantes afin d’atteindre cet objectif.
L’égal accès signifie-t-il pour autant la stricte parité ou la représentation en miroir ? Si la stricte parité est un objectif évident pour les fonctions politiques, étant entendu que les électrices et les électeurs représentent chacun la moitié du corps électoral, les métiers, dans leur diversité, sont moins évidemment paritaires. L’étude d’impact montre qu’il existe des métiers presque exclusivement féminins – 97,7 % des aides à domicile et aides ménagères, assistantes maternelles sont des femmes – et d’autres fortement masculins – 97,9 % des ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment sont des hommes. Il apparaît alors évident qu’imposer la parité partout créerait plus de difficultés qu’il n’en résoudrait car les organisations syndicales auraient le plus grand mal à constituer des listes complètes et paritaires pour les élections.
A. UNE OBLIGATION DE PRÉSENTER DES LISTES REFLÉTANT LA PROPORTION DES FEMMES ET DES HOMMES PARMI LES VOTANTS
Le scrutin visant à élire les délégués du personnel est un scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Au premier tour, seules les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel peuvent présenter des listes. Si le taux de participation n’atteint pas les 50 % des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour. Des listes autres que celles présentées par les organisations syndicales peuvent alors être présentées.
L’article 5 introduit une sous-section 4 bis « Représentation équilibrée des hommes et des femmes » dans la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail.
Au sein de cette sous-section, l’article L. 2314-24-1 prévoit que les listes doivent comporter un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part des femmes et des hommes inscrits sur la liste électorale. Les alinéas 5 à 7 fixent les règles de l’arrondi lorsque les règles édictées n’aboutissent pas à un nombre entier de candidats : arrondi à l’entier inférieur lorsque la partie décimale est inférieure à 5 et à l’entier supérieur lorsque la partie décimale est supérieure à 5. Enfin, en cas de nombre impair de candidats, le candidat supplémentaire peut être indifféremment une femme ou un homme.
Ces dispositions s’appliquent distinctement à la liste des titulaires et à la liste des suppléants afin d’éviter que candidates ne riment trop souvent avec suppléantes. En revanche, aucune disposition n’est prévue quant à l’ordre des candidats. Si les candidats d’un même sexe sont placés en tête de la liste et les candidats de l’autre sexe dans les dernières places, l’équilibre aura été respecté pour les candidatures mais pas parmi les élus.
À l’initiative du rapporteur, la Commission des affaires sociales a adopté deux amendements – les amendements AS162 et AS 163 – prévoyant l’ordre des listes aux élections des RP. La liste serait paritaire jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de candidat d’un des deux sexes puis complétée avec les candidats du sexe surreprésenté. Ce dispositif permettrait de respecter un objectif de parité tout en évitant les listes incomplètes.
La composition sexuée du collège électoral est portée à la connaissance des salariés par l’employeur.
Cet article prévoit par ailleurs un certain nombre de coordinations :
– l’article L. 2314-11, prévoyant que la répartition des collèges électoraux et la répartition des sièges fassent l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales, est complété pour ajouter que cet accord mentionne « la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral » ;
– les mêmes dispositions sont prévues pour l’élection des membres du comité d’entreprise ;
– enfin, l’article L. 2324-6 précité et qui incite les organisations syndicales à respecter un équilibre sexué est abrogé.
B. UNE ANNULATION DE L’ÉLECTION PAR LE JUGE JUDICIAIRE EN CAS DE NON-RESPECT DE L’ÉQUILIBRE FEMME-HOMME
L’article L. 2314-25 relatif à la contestation de l’élection est également adapté aux nouvelles dispositions relatives à l’équilibre sexué.
En cas de contestation, le juge judiciaire annule l’élection « du ou des candidats du sexe surreprésenté au regard de la proportion de femmes et d’hommes que devait respecter la liste de candidats ».
L’article L. 2324-23 qui prévoit les modalités de contestation des élections des membres du comité d’entreprise est également modifié et complété par les mêmes dispositions.
Toutefois, eu égard au temps mis par la justice pour statuer après l’élection, le contentieux préélectoral ne disparaît pas.
L’amendement AS497 adopté par la Commission précise que le juge « annule l’élection du ou des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats » afin d’éviter toute contestation sur l’identité des candidats dont l’élection est annulée.
Enfin, l’entrée en vigueur de ces dispositions est prévue pour le 1er janvier 2017.
*
La Commission examine les amendements AS446 de Mme Sandrine Mazetier et AS162 du rapporteur.
Mme Sandrine Mazetier. D’une portée symbolique importante, l’article 5 prévoit que, désormais, les listes pour l’élection des délégués des instances représentatives du personnel devront assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes – représentation qui soit le miroir du corps électoral de l’entreprise. Cette disposition a été diversement reçue par les partenaires sociaux qu’a auditionnés la délégation aux droits des femmes. Cette dernière considère que l’on peut aller au-delà de cette représentation miroir et poursuivre un objectif de parité. C’est l’objet de cet amendement qui prévoit pour ce faire une progression en deux étapes électorales.
M. le rapporteur. Mon amendement AS162 poursuit le même objectif : tendre vers une représentation égale des hommes et des femmes. Cependant, j’ai essayé de tenir compte de contraintes objectives qui font que, dans certains métiers et certaines branches professionnelles, il y a un décalage important entre le nombre de salariés de sexes féminin et masculin.
Je propose donc que les listes pour les élections des représentants du personnel soient composées de représentants de sexe différent jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de candidat d’un des deux sexes. Mieux vaut en effet, là où une composition strictement paritaire sera impossible, que cette composition soit paritaire en début de liste et ne le soit plus en fin de liste, s’agissant de candidats qui ont le moins de chances d’être élus. Surtout, il faut éviter que, dans certains endroits, aucune liste ne puisse être déposée. Je propose à Mme Mazetier de se rallier à cet amendement.
M. le ministre. Le texte du projet de loi apporte un progrès social aux femmes. Dans le mandat de négociation que j’ai adressé aux partenaires sociaux au mois de juillet dernier figuraient des avancées en matière d’égalité femmes-hommes dans le domaine du dialogue social. Or, c’est un sujet que les partenaires sociaux n’ont pas abordé. On peut trouver notre proposition insuffisante, mais elle a le mérite de viser à créer un droit nouveau. En cas de non-respect de l’obligation de représentation égale, il est prévu une sanction : la perte par les organisations syndicales de leurs sièges. C’est pour cette raison, madame Mazetier, que ces dernières ne sont guère favorables à cette mesure. Cela étant, je comprends l’argument du rapporteur.
M. Arnaud Richard. Je suggère que nous nous référions plutôt au droit électoral, qui prévoit une stricte parité entre les hommes et les femmes dans la composition des listes, car les formulations proposées tant par Mme Mazetier que par le rapporteur risquent de donner lieu à interprétation.
Mme Jacqueline Fraysse. On pourrait retenir une rédaction disposant que les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe « jusqu’il n’y ait plus de candidat de l’un des deux sexes ».
M. le rapporteur. Je ne me prononcerai pas sur ces questions de formulation, car je trouve la mienne adéquate. Cependant, à exiger des listes strictement paritaires partout, on prend le risque que les syndicats ne puissent les constituer. En imposant la parité en tête de liste, notre amendement aboutira à la désignation d’élus à parité sans que les listes mêmes soient forcément paritaires.
Mme Sandrine Mazetier. L’amendement proposé par une partie des membres de la délégation aux droits des femmes ne visait pas à imposer la parité dès les prochaines élections, mais à l’instaurer progressivement, sur trois élections successives. Je ne saurais retirer cet amendement, qui émane de la délégation aux droits des femmes, mais celui du rapporteur me semble régler le problème de façon simple et pratique. Il me semble également meilleur que l’amendement AS447, que j’ai le pouvoir, en revanche, de retirer.
M. le rapporteur. L’amendementAS446 ne me paraissant pas applicable en l’état actuel des choses, j’y suis défavorable.
La Commission rejette l’amendement AS446.
Elle adopte l’amendement AS162.
Elle étudie ensuite l’amendement AS403 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Cet amendement prévoit que, dans un délai maximal de trois jours après le dépôt des listes à l’élection des représentants du personnel, un salarié de l’entreprise ou un syndicat peut déposer un recours devant l’autorité administrative s’il constate qu’une liste ne respecte pas les critères de représentation équilibrée entre hommes et femmes prévus à l’article 5. Cela permettra d’éviter le recours au juge.
M. le rapporteur. Dans la mesure où le contentieux préélectoral est maintenu, je vous propose de retirer cet amendement.
M. Christophe Cavard. Notre objectif est justement d’éviter tout contentieux. Cela étant, il est vrai que l’on risque de contraindre l’autorité administrative à trouver une solution en trois jours. Le rapporteur a pour sa part déposé, à l’alinéa 18, un amendement permettant au juge d’annuler la désignation de candidats élus indûment et de les remplacer automatiquement par les suivants de liste. Cette disposition nous paraît quelque peu brutale, d’où notre proposition qui permet la négociation avec l’autorité administrative.
M. le ministre. Cette dernière ne sera pas en état de trancher dans les trois jours.
L’amendement est retiré.
L’amendement AS447 de Mme Sandrine Mazetier est également retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS285 et AS287 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement AS198 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Le contrôle des listes des candidats après l’élection, et donc l’invalidation possible de celles-ci, fait courir un risque d’instabilité. Notre amendement vise donc à instaurer un contrôle a priori de ces listes, comme pour les élections politiques.
M. le rapporteur. À la différence des listes constituées pour les élections politiques, qui sont déposées devant une autorité administrative, les listes de candidats aux postes de représentants du personnel sont déposées auprès de l’employeur. Votre amendement conduirait ce dernier à devoir en évaluer la recevabilité, ce dont il n’a ni les moyens ni les prérogatives.
M. Gérard Cherpion. Il suffirait de saisir le juge en référé.
M. le rapporteur. Le juge n’intervient pas, sauf en cas de contentieux.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision AS290 du rapporteur.
La Commission examine l’amendement AS497 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement, auquel M. Cavard a fait allusion tout à l’heure, dispose que le juge peut annuler l’élection d’autant de candidats en surnombre du sexe surreprésenté qu’il en existait au moment de la présentation de la liste de candidats, et que cette annulation s’appliquera à ces élus en commençant par le dernier de la liste puis en remontant l’ordre de cette liste. Ce système peut paraître curieux aux élus politiques que nous sommes, car de deux choses l’une : soit nos listes électorales sont recevables, soit elles ne le sont pas. Mais, pour les raisons évoquées tout à l’heure, nous ne pouvons utiliser le même dispositif en matière syndicale qu’en matière politique, d’où cet amendement qui prévoit un contrôle a posteriori.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle se saisit de l’amendement AS163 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement AS162 concernait les délégués du personnel tandis que celui-ci, qui a le même objet, concerne les représentants du personnel au comité d’entreprise.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
*
Article 6
(art. L. 2413-16-1 du code du travail)
Élargissement de l’utilisation des heures de délégation
pour les délégués syndicaux
I. LE DÉLÉGUÉ SYNDICAL DE PLUS EN PLUS APPELÉ À PARTICIPER AU DIALOGUE SOCIAL HORS DE L’ENTREPRISE
Le rôle du délégué syndical (DS) est de représenter son syndicat auprès de l’employeur. Pour exercer ses prérogatives, il dispose d’un crédit d’heures – de 10 à 20 heures selon la taille de l’entreprise, de la liberté de déplacement dans et hors de l’entreprise et bénéficie du statut de salarié protégé.
Ces délégués représentent leur syndicat dans les négociations collectives d’entreprises. L’article L. 2143-16 dispose que « chaque section syndicale dispose, au profit de son ou de ses délégués syndicaux et des salariés de l’entreprise appelés à négocier la convention ou l’accord d’entreprise, en vue de la préparation de la négociation de cette convention ou de cet accord, d’un crédit global supplémentaire dans la limite qui ne peut excéder :
1° Dix heures par an dans les entreprises d’au moins cinq cents salariés ;
2° Quinze heures par an dans celles d’au moins mille salariés. »
Les prérogatives du délégué syndical sont donc, en droit, étroitement liées à l’entreprise dans laquelle il exerce.
Toutefois, il est de plus en plus courant que les syndicats fassent appel à des délégués syndicaux afin de participer à des négociations interprofessionnelles ou de branches. En effet, ceux-ci sont souvent plus au fait des enjeux de terrain que leurs collègues permanents du syndicat. Par ailleurs, des délégués syndicaux participent à des instances telles que la Commission nationale de la négociation collective ou le Haut conseil du dialogue social.
Or aucune disposition législative ne permet au délégué syndical de participer à des négociations ou des concertations n’ayant pas de lien direct avec l’entreprise où il représente son syndicat. Dans ces cas, si aucun accord d’entreprise ou de branche ne le prévoit, il ne bénéficie d’aucun temps de décharge, ni de maintien du salaire. Il utilise alors son temps de décharge, utilisation qui peut d’ailleurs être contestée car elle ne correspond pas à une utilisation en lien direct avec l’entreprise.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : SÉCURISER LA PARTICIPATION DU DÉLÉGUÉ SYNDICAL À DES NÉGOCIATIONS OU À DES CONCERTATIONS HORS DE L’ENTREPRISE
L’article 6 propose d’introduire un article L. 2143-16-1 nouveau qui prévoit que « chaque délégué syndical peut utiliser des heures de délégation », hormis celle prévu par l’article L. 2143-16 précité, « pour participer, au titre de son organisation, à des négociations ou des concertations » interprofessionnelles ou de branches.
Cette disposition permettra de sécuriser les activités du délégué syndical en dehors de l’entreprise et sans lien direct avec elle. On peut par ailleurs espérer que, grâce à cette mesure, les négociations et les accords seront de meilleure qualité car ils bénéficieront de l’expérience de terrain des délégués syndicaux.
*
La Commission examine tout d’abord l’amendement AS300 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’allouer un complément d’heures aux délégués syndicaux participant à des négociations en dehors de leur entreprise, par référence à ce qui se passe dans des négociations interprofessionnelles. Quand un délégué intervient en dehors de l’entreprise, cela représente en effet un travail supplémentaire, sachant que les 50 heures que nous proposons peuvent être évidemment réduites.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’article 6 prévoit que le délégué syndical peut utiliser ses heures de délégation afin de participer à des négociations hors de l’entreprise. Or accepter cet amendement supposerait de définir de nouvelles missions donnant lieu à des heures supplémentaires, ce qui ne correspond pas à notre conception. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements AS294 et AS329 rédactionnels du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement AS301 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Il n’est pas judicieux de limiter la participation aux réunions d’instance aux seuls problèmes de l’entreprise ou de la branche. Tous les sujets liés aux conditions de travail doivent pouvoir être abordés par les salariés. L’expérience montre qu’une telle limitation ouvre la voie à des contentieux.
M. le rapporteur. Une négociation interprofessionnelle a nécessairement un lien avec les salariés de l’entreprise ou de la branche. Votre crainte ne me paraît pas fondée. Défavorable.
M. Dominique Dord. Je ne vois pas quels autres sujets généraux sont visés par l’amendement.
Mme Jacqueline Fraysse. Il est des sujets d’intérêt général, touchant par exemple à l’environnement, qui se distinguent de problèmes spécifiques liés à certaines branches d’activité. Cela me paraît évident.
M. Gérard Sebaoun. En région parisienne par exemple, les salariés sont considérés comme ayant eu un accident de travail si cet accident survient au cours de leur transport. La problématique des transports en Île-de-France, qui est majeure, concerne ainsi de plus en plus les entreprises.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS404 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Cet amendement prévoit que les heures de délégation sont trimestrialisées. Mais étant donné l’amendement adopté hier, tendant à annualiser ces heures, qui est préférable, je le retire.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l’article 6 modifié.
*
La Commission examine l’amendement AS234 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Il s’agit de faire en sorte que les heures de délégation puissent être, sans discussion possible, consacrées pour partie aux relations du représentant du personnel avec son organisation syndicale. C’est également dans le cadre d’une réflexion collective que l’on peut faire avancer les choses au sein de l’entreprise.
M. le rapporteur. L’employeur a le droit de contester le temps utilisé par le représentant du personnel ou le délégué syndical. Il y a d’ailleurs une nombreuse jurisprudence sur le sujet. Prévoir que les délégués syndicaux disposent d’un temps fixe dont ils n’auraient pas à se justifier risque d’être préjudiciable à leur travail. Avis défavorable.
M. Denys Robiliard. L’amendement ne concerne pas les délégués syndicaux, mais les représentants du personnel, qu’il s’agisse des délégués du personnel ou des membres du comité d’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Par ailleurs, ceux-ci continueraient à se justifier en cas de contestation par l’employeur – en l’occurrence, non de ce qu’ils ont fait avec leur organisation syndicale mais qu’ils étaient en relation avec elle. En effet, le contenu de cette relation n’a pas à être communiqué à l’employeur.
M. Gérard Cherpion. Cette mesure reviendrait à accepter qu’il y ait un certain nombre d’heures de délégation dont on ne parlerait pas, ce qui est contraire à l’esprit même du dialogue social.
La Commission rejette l’amendement.
*
Article 7
(art. L. 225-30-2 du code du commerce)
Formation des représentants des salariés au conseil d’administration
Cet article vise à faciliter le mandat des salariés administrateurs dans les très grandes entreprises françaises.
I. DES ADMINISTRATEURS SALARIÉS DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 5 000 SALARIÉS INSTITUÉS PAR LA LOI RELATIVE À LA SÉCURISATION DE L’EMPLOI
Avant la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, les salariés ne disposaient que très rarement d’une représentation au sein des instances dirigeantes des grandes entreprises avec les mêmes pouvoirs que les autres administrateurs. En effet, il ne s’agissait jusqu’alors que d’une possibilité offerte à l’ensemble des entreprises dotées d’un conseil d’administration ou de surveillance. Toutefois, l’obligation existait bien en ce qui concernait la représentation des salariés actionnaires, ainsi que pour les entreprises du secteur public. Enfin, les délégués du comité d’entreprise avaient bien la possibilité de siéger, avec voix consultative.
La loi précitée a institué une obligation de représentation des salariés au conseil d’administration ou de surveillance des grandes entreprises implantées en France, afin d’accroître leur participation à la gouvernance de ces sociétés. L’objectif était d’équilibrer les forces entre les salariés et les actionnaires dans les instances de gouvernance afin que le travail y soit représenté au même titre que le capital.
Cette disposition résultait de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.
La loi de 2013 a prévu la participation des administrateurs salariés dans les entreprises – sociétés anonymes, sociétés par actions – dont les effectifs totaux sont au moins égaux à 5 000 salariés en France ou à 10 000 salariés dans le monde. Le nombre d’entreprises de plus de 5 000 salariés employés en France était évalué à 200 en 2011. Il s’agit globalement de groupes composés eux-mêmes de plusieurs sociétés employant environ 4 millions de personnes, soit un actif du secteur privé sur quatre.
Les administrateurs salariés – au nombre de deux dans les organes comportant plus de douze membres et de un dans ceux composés d’un nombre inférieur de membres – sont soit élus par les salariés, soit désignés par le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité d’entreprise.
Les représentants des salariés constituent des membres de plein droit de l’organe auquel ils appartiennent. Ils y disposent en effet des mêmes pouvoirs et des mêmes responsabilités que les autres membres et les règles relatives à la durée du mandat sont semblables. En conséquence, aux termes de l’article L. 230-30 du code du commerce, leur mandat d’administrateur est incompatible avec celui de délégué syndical, de délégué du personnel ou de membre du comité d’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L’administrateur, qui lors de sa désignation ou de son élection est titulaire d’un tel mandat est tenu de démissionner sous 8 jours. À défaut, il est réputé démissionnaire de son mandat d’administrateur.
Afin de permettre aux administrateurs salariés d’exercer leur mandat, la loi a prévu un certain nombre de garanties :
– le représentant ne perd pas le bénéfice de son contrat de travail et sa rémunération ne peut être réduite au cours de son mandat (article L. 225-31 du code du commerce) ;
– il bénéficie de la protection contre le licenciement qui doit être soumise à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail et ce, jusqu’à six mois après la cessation du mandat (article L. 2411-1 du code du travail). Cette protection est également applicable aux candidats non élus pendant les 3 mois suivant leur candidature (article L. 2411-17 du code du travail).
De plus, les administrateurs salariés disposent d’un crédit d’heures « pour exercer utilement leur mandat » prévu par l’article L. 225-30-1 du code du commerce et peuvent bénéficier « à leur demande, d’une formation adaptée à leur mandat », aux termes de l’article L. 225-30-2 du code du commerce, à la charge de l’entreprise et non imputable sur le crédit d’heures d’exercice du mandat.
II. UN RENFORCEMENT DU DROIT À LA FORMATION DES SALARIÉS AU CONSEIL D’ADMINISTRATION
L’article 7 prévoit de compléter l’article L. 225-30-2 du code du commerce en fixant une durée minimum de 20 heures par an à la formation des administrateurs salariés.
Il s’agit en conséquence d’une précision qui, si elle a son importance, demeure relativement marginale.
*
La Commission adopte l’article sans modification.
*
La Commission examine l’amendement AS359 de M. Jean-Luc Laurent.
M. le rapporteur. Nous sommes en discussion sur la question du seuil avec le Gouvernement et les partenaires sociaux. Je vous propose donc de retirer les amendements qui en traitent et de reprendre la discussion sur ce point lors de l’examen en séance publique.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission examine en discussion commune les amendements AS415 de M. Christophe Cavard et les amendements identiques AS358 de M. Francis Vercamer et AS381 de Mme Fanélie Carrey-Conte.
M. Christophe Cavard. Je rejoins la position du rapporteur et retire donc mon amendement.
M. Francis Vercamer. Il est quand même du rôle de la Commission de débattre des amendements ! Je défends donc le mien. Le rapport Gallois préconisait d’introduire des représentants salariés au sein des conseils d’administration. La loi l’a imposé dans les entreprises de plus de 5 000 salariés, malheureusement à raison d’un pour un conseil de moins de douze membres et de deux, au-delà. Je propose de réduire le seuil de 5 000 à 1 000 salariés. Si on veut que se développe le dialogue social dans l’entreprise, il faut aussi qu’il se développe au sein du conseil d’administration.
M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement AS381 afin qu’on puisse avoir une discussion globale en séance publique.
M. le rapporteur. Si je comprends la motivation de M. Vercamer, je suis défavorable à son amendement pour les raisons que j’ai dites.
Les amendements AS415 et AS381 sont retirés.
La Commission rejette l’amendement AS358.
*
Article 7 bis (nouveau)
(art. L. 225-30-2 du code du commerce)
Renforcement de l’effectivité de la présence de représentants des salariés au conseil d’administration
L’article L. 225-79-2 du code du commerce soumet à l’obligation de procéder à la désignation ou à l’élection d’administrateurs salariés seulement les entreprises devant mettre en place un comité d’entreprise, c’est-à-dire les entreprises de plus de 50 salariés. Or, il n’est pas rare que la holding de tête ait moins de 50 salariés alors que c’est à ce niveau que se prennent les décisions stratégiques. Dans ces cas, ces décisions continuent à être prises sans représentants des salariés.
Si un bilan de la mise en place des administrateurs salariés suite à la loi du 14 juin 2013 est prévu, il apparaît judicieux de permettre à une loi destinée à moderniser le dialogue social de développer une forme de représentation et de participation des salariés qui favorise le dialogue social et donc la performance des entreprises. Le projet de loi doit donc permettre la mise en place de dispositions qui viennent rendre conforme le dispositif relatif aux administrateurs salariés actuellement applicable à l’esprit et à la lettre de l’ANI du 11 janvier 2013, dont la transposition par la loi du 14 juin 2013 s’avère imparfaite.
La Commission a adopté un article additionnel après l’article 7 (amendement AS457) à l’initiative du groupe SRC dans ce sens.
*
La Commission en vient à l’amendement AS457 de M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. L’amendement rappelle les dispositions de l’article 9 de la loi de 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui n’est pas appliqué dans l’ensemble des entreprises, certaines y échappant du fait d’une dérogation liée à l’absence d’un comité d’entreprise dans les holdings, même lorsque l’effectif dépasse 5 000. On a en effet constaté que 36 des 113 sociétés françaises les plus importantes ne respectaient pas ces dispositions.
M. le rapporteur. Il est anormal que des sociétés contournent l’esprit de la loi. Cet amendement y pallie en traitant la problématique des holdings. Avis favorable.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. J’ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet. Je rappelle que la loi de 2013 a introduit la représentation obligatoire des salariés avec voix délibérative dans les conseils d’administration et de surveillance. Le champ d’application de cette mesure concerne les entreprises réunissant trois conditions cumulatives : la forme sociale, l’effectif salarié et la mise en place d’un comité d’entreprise. Or, quand on a fait le bilan, on s’est aperçu qu’une partie des 84 sociétés participant à l’indice de la société des bourses françaises dit SBF 120 évitait cette disposition. Je suis donc pour revenir à l’esprit de l’ANI et de la loi de 2013.
M. Gérard Cherpion. On a peu de recul sur l’application de cette disposition. Les entreprises en question contournent-elles la loi ou n’ont-elles pas encore mis en place les mesures nécessaires à cet effet ? Il faudrait d’abord avoir une évaluation de l’application de la loi de 2013.
M. le rapporteur. Hier, vous vous abritiez derrière un accord qui n’a pas été signé et là, alors qu’on a un ANI qui a été signé et qu’on est confronté à un évitement non conforme à l’esprit du législateur, vous avez une position différente. La question n’est pas de savoir si on a ou non assez de recul : on a constaté que certaines sociétés – les holdings ayant souvent moins de 50 salariés – n’appliquent pas la règle. La place de l’administrateur salarié, surtout dans ces grosses entreprises, est nécessaire. Je confirme donc mon avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
*
La Commission examine en discussion commune l’amendement AS428 de M. Christophe Cavard et l’amendement AS360 de M. Jean-Luc Laurent.
M. Christophe Cavard. Les administrateurs salariés ont un rôle utile de co-gouvernance des entreprises. Il s’agit de faire en sorte qu’ils soient bien représentés dans les conseils d’administration. Je propose que leur nombre soit au moins égal au tiers de l’effectif global, sans pouvoir être inférieur à deux – un administrateur salarié seul se trouvant face à une difficulté évidente vis-à-vis du reste du conseil.
M. le rapporteur. Je comprends, mais ce point relève pour moi de la discussion que j’ai évoquée tout à l’heure. Je vous propose donc, dans le même esprit, de retirer ces amendements.
M. Christophe Cavard. J’en suis d’accord.
M. Christian Hutin, président. Je retire également l’amendement AS360.
Les amendements sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement AS416 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement, pour les mêmes raisons.
L’amendement est retiré.
*
Article 7 ter (nouveau)
(art. L. 6524-6 [nouveau] du code des transports)
Adaptation des heures de délégation syndicales
aux spécificités du transport aérien
La Commission a adopté un article additionnel issu de l’amendement AS454 visant à adapter les heures de délégation syndicales aux spécificités du transport aérien.
L’organisation du temps de travail d’un personnel navigant consiste en une programmation de périodes de vol insécables sous forme d’aller-retour entre la ou les escales et la base d’affectation. De ce fait, l’exercice du mandat, quel qu’il soit, ne peut intervenir au cours de ces périodes de vol. Le crédit d’heures est toujours utilisé là où les personnels navigants restent physiquement accessibles dans l’entreprise de transport aérien, au siège ou dans l’établissement, mais jamais en escale.
En outre, en raison de cette organisation du travail particulière, le personnel navigant connaît non seulement des temps consacrés aux périodes de vol ou de repos, mais également des jours dits de « dispersion » au cours desquels aucune activité de vol ne peut être attribuée par l’entreprise, sans qu’ils constituent des temps de repos. Dans l’ensemble des compagnies aériennes, des accords collectifs entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives ont pris en compte depuis longtemps cette réalité et ont permis d’opter pour des conversions des crédits d’heures en jours. Cependant, bien que relevant du régime des accords collectifs, cette option ne répond pas à la loi.
Afin de s’assurer que la disposition proposée octroie des crédits d’heures en nombre suffisant et supérieur aux dispositions légales, il est proposé que la norme d’un jour soit égale à 7 heures et que les heures excédentaires correspondent à une journée ou à une demi-journée.
*
La Commission examine l’amendement AS454 de Mme Joëlle Huillier.
Mme Joëlle Huillier. L’amendement concerne le personnel navigant de l’aviation civile. L’organisation du temps de travail d’un personnel navigant consiste en une programmation de périodes de vol insécables sous forme d’allers-retours entre la ou les escales et la base d’affectation. L’exercice du mandat, quel qu’il soit, ne pouvant intervenir pendant ces périodes, le crédit d’heures est toujours utilisé là où les personnels navigants restent physiquement accessibles dans l’entreprise de transport aérien, au siège ou dans l’établissement. En outre, ce personnel connaît des temps consacrés aux périodes de repos ainsi que des jours dits de dispersion, au cours desquels aucune activité de vol ne peut être attribuée dans l’entreprise, sans constituer des temps de repos.
Dans l’ensemble des compagnies aériennes, des accords collectifs existent entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives et ont pris en compte depuis longtemps cette réalité, en permettant d’opter pour des conversions des crédits d’heures en jours. Mais ce type de dispositions doit avoir une base légale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est donc proposé que le crédit d’heures soit regroupé en jours, chaque jour étant égal à sept heures. Les heures excédentaires dépassant un jour complet vaudraient un jour si l’excédent est supérieur ou égal à cinq heures ou à une demi-journée, et une demi-journée si l’excédent est inférieur ou égal à quatre heures – sachant que cette demi-journée suivra immédiatement le ou les jours alloués.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à adapter les heures de délégation syndicale aux spécificités du transport aérien. En effet, la prise d’une heure de délégation par un représentant ou un délégué syndical entraîne automatiquement l’annulation de sa rotation. Il est donc proposé de poser ses heures de délégation par tranche de plusieurs heures insécables. Avis favorable.
M. Dominique Dord. Ces dispositions me paraissent plutôt d’ordre réglementaire.
M. le rapporteur. C’est justement parce qu’il nous faut une base légale que cette mesure est proposée.
La Commission adopte l’amendement.
*
Chapitre III
Des instances représentatives du personnel adaptées à la diversité des entreprises
La Commission examine en présentation commune les amendements AS246 et AS249 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Il s’agit d’amendements de conséquence d’un amendement que vous n’avez pas adopté hier, ce que je regrette. Je les retire donc.
Les amendements sont retirés.
*
Article 8
(art. L. 2326-1 à L. 2326-9 du code du travail)
Élargissement et fonctionnement de la délégation unique du personnel
Cet article vise à élargir la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel à toutes les entreprises de moins de 300 salariés en y intégrant le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
I. LE DISPOSITIF ACTUEL
Le droit existant prévoit la faculté de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP) pour toutes les entreprises de moins de 200 salariés.
A. LA MISE EN PLACE DE LA DUP
L’article L. 2326-1 dispose que : « dans les entreprises de moins de 200 salariés, l’employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise ». L’effectif est apprécié à la date du premier tour de l’élection des membres. La DUP ne peut être constituée que dans les entreprises de moins de 200 salariés et non dans des établissements de moins de 200 salariés appartenant à une unité de plus de 200 salariés. Enfin, elle concerne uniquement deux instances représentatives du personnel : les délégués du personnel et le comité d’entreprise et non le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui demeure autonome.
La décision de mettre en place la DUP relève de la seule initiative de l’employeur. Il doit toutefois consulter au préalable les délégués du personnel et le comité d’entreprise. Leurs avis ne lient pas l’employeur.
Aux termes de l’article précité, l’employeur a la faculté de mettre en place la DUP au moment de la « constitution du comité d’entreprise ou de son renouvellement ». Dans ce cas, la durée du mandat des délégués du personnel est soit prorogée jusqu’à la mise en place du comité d’entreprise, soit réduite si le mandat du comité d’entreprise arrive à échéance avant celui des délégués du personnel.
L’article L. 2326-2 prévoit que : « le nombre de délégués du personnel constituant la délégation unique du personnel est déterminé par décret en Conseil d’État ». Le nombre des délégués de la DUP est fonction de l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement. Il est de 3 pour les entreprises de 50 à 74 salariés et augmente de 1 par tranche supplémentaire de 25 salariés pour atteindre un maximum de 8. Le nombre peut être néanmoins augmenté par le protocole préélectoral négocié dans l’entreprise.
B. LES ATTRIBUTIONS ET LE FONCTIONNEMENT DE LA DUP
L’article L. 2326-3 précise que : « dans le cadre de la [DUP], les délégués du personnel et le comité d’entreprise conservent l’ensemble de leurs attributions ».
Les réunions se tiennent, sur convocation de l’employeur, et au moins une fois par mois et obéissent aux règles qui régissent chacune des instances. Les ordres du jour sont distincts.
Les membres de la DUP bénéficient du temps nécessaire à l’exercice des « attributions dévolues » aux deux instances. Ce temps ne peut cependant pas excéder la limite de 20 heures par mois.
I. LA DUP : UN DISPOSITIF QUI PRÉSENTE DES INTÉRÊTS ÉVIDENTS
La possibilité de mettre en place une DUP a été introduite par la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation du personnel.
L’objectif principal était d’encourager les employeurs de petites et moyennes entreprises (PME) à embaucher sans craindre le passage du seuil des 50 salariés qui les contraindrait à mettre en place un comité d’entreprise en plus des délégués du personnel. Aucune étude consistante n’a à ce stade montré que la possibilité d’une DUP a favorisé l’embauche, en revanche cette possibilité permet d’écarter l’argument de la présence de seuils sociaux pour expliquer les réticences à embaucher.
L’autre objectif de la DUP est de généraliser la présence d’institutions représentatives du personnel au sein des PME. En effet, si la loi soumet les employeurs à l’obligation d’organiser des élections de délégués du personnel à partir d’un seuil d’effectifs de 11 salariés et des membres du comité d’entreprise à partir de 50 salariés, seuil à partir duquel doit également être constitué un CHSCT, la réalité est tout autre. En 2012, un quart des entreprises de 40 à 59 salariés et un sixième des entreprises de 60 à 99 salariés déclarent qu’aucune institution représentative du personnel n’existe au sein de l’entreprise (5). La simplicité de la DUP – qui juxtapose les délégués du personnel et le comité d’entreprise dans les entreprises de moins de 200 salariés – a permis un mode de représentation adapté aux spécificités du dialogue social dans les PME. En effet, l’employeur peut alléger la charge résultant de la coexistence de plusieurs instances, tout en maintenant les attributions de chacune d’entre elles.
La DUP correspond à une perte de moyens en heures de délégation
– 20 heures au lieu des 15 heures pour les délégués du personnel et 20 heures pour les membres du comité d’entreprise – mais pas en budget. Ces heures de délégation minorées présentent un avantage évident pour les employeurs mais aussi bien souvent pour les organisations syndicales qui ont du mal à trouver des candidats aux deux instances. Les élus ont, par ailleurs, des difficultés à prendre toutes leurs heures de délégation.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RELEVER LE SEUIL DE LA DUP, Y INTÉGRER LE CHSCT ET ADAPTER SES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT
L’article 8 propose de modifier les articles du chapitre VI du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail intitulé Délégation unique du personnel.
A. RELEVER LE SEUIL DE LA DUP DE 200 À 300 SALARIÉS ET Y INTÉGRER LE CHSCT
L’article L. 2326-1 prévoit que « dans les entreprises de moins de deux cents salariés, l’employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise ». Si ce dernier a l’obligation de consulter les délégués du personnel et le cas échéant le comité d’entreprise, il n’est pas lié par leur avis et prend in fine la décision seule.
Il peut mettre en place la DUP lors de la constitution du comité d’entreprise ou de son renouvellement.
Toutefois, seulement 18 % des entreprises de 50 à 99 salariés voient tous les sièges dans toutes les institutions représentatives du personnel pourvus et ce chiffre n’est que de 26 % pour les entreprises de 100 à 199 salariés et de 32 % celles de 200 à 299 salariés (6). L’extension de la DUP et surtout l’intégration du CHSCT devraient permettre de rapprocher encore davantage le nombre théorique de représentants du personnel avec la réalité de l’implantation syndicale dans les entreprises.
L’alinéa 4 propose ainsi de relever leur seuil permettant de mettre en place une DUP de 200 à 300 salariés tandis que l’alinéa 5 intègre le CHSCT au sein de la DUP élargie. Les membres du CHSCT seront, au même titre que les délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise, obligatoirement consultés lors de la mise en place de la DUP sans que leur avis ne lie l’employeur.
Toutefois, les DUP, dans leur format actuel c’est-à-dire sans inclusion du CHSCT, pourront être maintenues sur simple décision de l’employeur (alinéa 36). Dans ce cas, les règles applicables sont celles en vigueur aujourd’hui. Cette disposition pose toutefois un problème juridique. En effet, les dispositions visées vont disparaître du code du travail pour être remplacées par les nouvelles règles. Or, la permanence des DUP sous l’ancien format ne constitue pas une mesure transitoire mais peut potentiellement perdurer. Dans ce cas, il faudrait maintenir les articles L. 2326-1 à L. 2326-3 dans leur rédaction actuelle et ajouter les nouvelles règles dans des articles différents. Le rapporteur proposera de sécuriser ce point.
L’employeur pourra désormais mettre en place une DUP au moment de la mise en place ou du renouvellement d’une des trois institutions représentatives du personnel. Dans ce cas, la durée des mandats des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise ou du CHSCT peut être soit réduite, soit prorogée d’une durée maximum de deux années afin de coïncider avec la date de la mise en place de la DUP. Parallèlement, aux termes de l’article L. 2326-8 nouveau, il peut décider de ne pas renouveler la DUP à l’expiration des mandats de ses membres. Dans ce cas, il procède sans délai à l’élection des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise et à la désignation des membres du CHSCT.
La mise en place de la DUP a lieu au niveau de chaque établissement lorsque l’entreprise au sein duquel est mise en place la DUP en comporte plusieurs. Cette règle jurisprudentielle sera désormais intégrée à l’article L. 2326-1 du code du travail.
B. UN MODE D’ÉLECTION ET UNE COMPOSITION ADAPTÉS
Jusqu’à présent, les règles électorales applicables à l’élection des membres de la DUP sont celles applicables aux délégués du personnel. Elles obéissent donc aux règles des scrutins de listes à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Les litiges sont portés devant le tribunal d’instance. La répartition des sièges et du personnel dans les différents collèges électoraux est tranchée par l’inspecteur du travail en cas de désaccord entre les différentes parties prenantes à l’élection. En effet, les délégués du personnel étaient réputés constituer la délégation unique du personnel au comité d’entreprise.
L’alinéa 13 introduit un article L. 2326-2 qui prévoit que les règles applicables désormais seront celles régissant l’élection des membres du comité d’entreprise. En effet, contrairement aux règles d’élection des délégués du personnel, aux termes de l’article L. 2324-11, « dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement du comité [d’entreprise], ces catégories constituent [outre les deux collèges – ouvriers et employés d’une part et cadres d’autre part] un troisième collège ».
Enfin, le nombre de représentants élus constituant la DUP est renvoyé à un décret en Conseil d’État. Toutefois, il s’établirait comme suit (7) :
Entreprises |
Titulaires |
Suppléants |
De 50 à 74 salariés |
5 |
5 |
De 75 à 99 salariés |
6 |
6 |
De 100 à 124 salariés |
7 |
7 |
De 125 à 149 salariés |
8 |
8 |
De 150 à 174 salariés |
9 |
9 |
De 175 à 199 salariés |
10 |
10 |
De 200 à 249 salariés |
11 |
11 |
De 250 à 299 salariés |
12 |
12 |
Le tableau suivant compare le nombre actuel de représentants du personnel et celui qui résultera des nouvelles règles. En prenant en compte les seuls membres titulaires appelés à siéger, il pourrait y avoir jusqu’à 5 membres de moins pour la tranche des entreprises employant entre 100 et 149 salariés. Ces entreprises se situent aussi dans la tranche d’entreprises où 74 % d’entre elles ne parviennent pas à voir l’ensemble des sièges pourvus à l’ensemble des institutions représentatives du personnel.
En revanche, la DUP élargie entraîne uniformément la diminution d’un membre titulaire par rapport au nombre de membre de la DUP et du CHSCT.
NOMBRE DE TITULAIRES
Droit actuel sans DUP |
Droit actuel avec DUP |
Projet de loi |
Évolution | |||||||
Seuils |
DP |
CE |
CHSCT |
Total |
DUP |
CHSCT |
Total |
DUP |
Sans DUP |
Avec DUP |
50 – 74 |
2 |
3 |
3 |
8 |
3 |
3 |
6 |
5 |
-3 |
-1 |
75 – 99 |
3 |
4 |
3 |
10 |
4 |
3 |
7 |
6 |
-4 |
-1 |
100 – 124 |
4 |
5 |
3 |
12 |
5 |
3 |
8 |
7 |
-4 |
-1 |
125 – 149 |
5 |
5 |
3 |
13 |
6 |
3 |
9 |
8 |
-5 |
-1 |
150 – 174 |
5 |
5 |
3 |
13 |
7 |
3 |
10 |
9 |
-4 |
-1 |
175 – 199 |
6 |
5 |
3 |
14 |
8 |
3 |
11 |
10 |
-4 |
-1 |
200 – 249 |
6 |
5 |
4 |
15 |
11 |
-4 |
||||
250 – 299 |
7 |
5 |
4 |
16 |
12 |
-4 |
Un accord entre l’employeur et les organisations syndicales peut en outre, augmenter le nombre de membres élus de la DUP.
Par ailleurs, le décret fixera également le nombre d’heures maximum de délégation, il s’établirait comme suit :
NOMBRE D’HEURES DE DÉLÉGATION MENSUELLE MINIMALE POUR LES TITULAIRES
Droit actuel sans DUP |
Droit actuel avec DUP |
Projet de loi |
Évolution | ||||||||
Seuils |
DP |
CE |
CHSCT |
Total (8) |
DUP |
CHSCT |
Total |
DUP |
Total |
Sans DUP |
Avec DUP |
50 – 74 |
15 |
20 |
2 |
96 |
20 |
2 |
66 |
13 |
65 |
-31 |
-1 |
75 – 99 |
15 |
20 |
2 |
131 |
20 |
2 |
86 |
14 |
84 |
-47 |
-2 |
100 – 124 |
15 |
20 |
5 |
175 |
20 |
5 |
115 |
15 |
105 |
-70 |
-10 |
125 – 149 |
15 |
20 |
5 |
190 |
20 |
5 |
135 |
17 |
136 |
-54 |
+1 |
150 – 174 |
15 |
20 |
5 |
190 |
20 |
5 |
155 |
18 |
162 |
-32 |
+7 |
175 – 199 |
15 |
20 |
5 |
205 |
20 |
5 |
175 |
19 |
190 |
-15 |
+15 |
200 – 249 |
15 |
20 |
5 |
210 |
19 |
209 |
-1 |
||||
250 – 299 |
15 |
20 |
5 |
225 |
19 |
228 |
+3 |
Le crédit global d’heures de délégation est sensiblement le même avec l’élargissement de la DUP au CHSCT, il varie de – 10 heures pour les entreprises de 100 à 124 salariés à + 15 heures pour celles employant 175 à 199 salariés. Les entreprises nouvellement concernées par la mise en place d’une DUP – les entreprises comprises entre 200 et 300 salariés – verront également le crédit d’heures dont peuvent bénéficier les institutions représentatives du personnel globalement stables.
Par ailleurs, l’alinéa 28 prévoit une certaine fongibilité. Les membres titulaires et suppléants pourront répartir entre eux le nombre d’heures de délégation dont ils disposent dans le mois sans toutefois conduire à ce qu’un membre de la DUP dispose d’un crédit d’heures supérieur à 1,5 fois le crédit d’heures dont dispose un membre titulaire.
En tout état de cause, les membres suppléants participent de droit aux réunions de la DUP en cas d’absence des titulaires avec « voix délibérative ». Ils participent également, « avec voix consultative », aux réunions au cours desquelles est présenté le rapport des commissaires aux comptes.
L’alinéa 30 laisse enfin à un accord de branche ou d’entreprise la possibilité de définir des règles plus favorables tant en ce qui concerne les membres titulaires que les membres suppléants.
C. DES ATTRIBUTIONS CONSERVÉES ET DES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT SIMPLIFIÉES
Dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT « conservent l’ensemble de leur attribution ». Il n’est donc pas question d’instance unique.
Le CHSCT, en particulier, conserve la personnalité morale et pourra continuer à ester en justice. Il procède à des inspections régulières afin de s’assurer des prescriptions en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Il effectue des enquêtes en matière d’accident du travail ou de maladies professionnelles et conserve tous ses pouvoirs en matière de danger grave et imminent.
Les conditions du recours à l’expertise extérieure en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou de projet de restructuration et de compression d’effectifs ne sont pas non plus modifiées.
En revanche, les règles de fonctionnement des trois instances sont adaptées à la DUP. Pour ce faire, il est inséré trois articles nouveaux, les articles L. 2326-5 à L. 2326-7.
L’article L. 2326-5 prévoit la désignation d’un secrétaire unique désigné par les membres de la DUP dans « les conditions déterminés par décret en Conseil d’État ». Le secrétaire exerce les attributions dévolues au secrétaire du CE et au secrétaire du CHSCT.
Par ailleurs, les règles de fonctionnement des trois instances sont adaptées comme suit :
– la DUP est réunie à l’initiative de l’employeur « au moins une fois tous les deux mois », soit six réunions par an. Jusqu’alors la DUP se réunissait au minimum une fois par mois et le CHSCT une fois par trimestre. Le nombre total de réunions passe donc de 16 à 6 pour les entreprises de moins de 200 salariés qui opteront pour la DUP élargie. L’allégement est donc considérable. En revanche, si l’article L. 2326-6 nouveau précise que le CHSCT « conserve [ses] règles de fonctionnement… sous réserve des adaptations », il conviendra de préciser que la DUP continue à obéir au droit commun régissant le CHSCT et se réunit en cas de besoin – accident ayant entraîné des conséquences graves dans les domaines de la santé ou de l’environnement et à la demande motivée de deux membres ;
– quatre des six réunions annuelles obligatoires portent tout ou partie sur des sujets relevant des attributions du CHSCT. En conséquence, la diminution du nombre de réunion n’aura aucun impact sur ces sujets ;
– l’ordre du jour est établi conjointement par l’employeur et le secrétaire de la DUP. Ils y inscrivent de plein droit les consultations rendues obligatoires par des dispositions légales ou conventionnelles. « L’ordre du jour est communiqué aux représentants ayant qualité pour siéger cinq jours au moins avant la séance » ;
– lorsqu’un sujet inscrit à l’ordre du jour concerne aussi bien le comité d’entreprise que le CHSCT, l’employeur recueille un avis unique. Pour ce faire, les membres extérieurs du CHSCT – inspecteur du travail, médecin du travail… – sont invités à la réunion. L’avis de la DUP est rendu dans le délai applicable au comité d’entreprise ;
– enfin, lorsqu’une expertise relevant à la fois du comité d’entreprise et du CHSCT est nécessaire, il est fait appel à une expertise commune.
I. LES APPORTS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
La Commission des affaires sociales a veillé tout particulièrement à faciliter le fonctionnement de la DUP.
Deux amendements ont été adoptés créant d’une part un secrétaire-adjoint (amendement AS485) et précisant d’autre part son mode de désignation (amendement AS486). En effet, l’article 8 prévoit que le secrétaire de la DUP exerce les fonctions actuellement dévolues au secrétaire du CE et au secrétaire du CHSCT. Il s’agit d’une fonction lourde. Les amendements adoptés prévoient donc que le secrétaire soit assisté par un secrétaire adjoint sans que les tâches de l’un et de l’autre soient spécifiées.
À l’initiative du rapporteur a également été adopté l’amendement AS487 permettant aux suppléants de siéger à toutes les réunions avec voix consultative comme le prévoit le droit positif en vigueur. En effet, il s’agit souvent pour les suppléants d’un temps essentiel de formation permettant de s’approprier les enjeux de l’entreprise.
Pour permettre une plus grande souplesse, l’amendement AS510 également adopté à l’initiative du rapporteur prévoit une annualisation des heures de délégation. En revanche, il prévoit une limite à 1,5 fois le temps mensuel prévu afin de ne pas regrouper les temps de délégation pendant une période trop longue.
Enfin, deux amendements AS498 et AS499 précisent les conditions de maintien des DUP actuelles. Le projet de loi prévoit que l’employeur ayant mis en place une DUP regroupant les délégués du personnel et le comité d’entreprise pourra la maintenir avec les règles de fonctionnement actuelles. Toutefois, ces règles ont vocation à disparaître du code du travail. Il est donc permis le maintien des DUP actuelles pour permettre aux entreprises qui le souhaitent d’avoir le temps de s’adapter. Le premier amendement fixe une limite temporelle à deux cycles électoraux. On ne peut imaginer en effet qu’il perdure très longtemps deux types de DUP qui coexisteraient dont l’une avec une base légale abrogée. Le second amendement prévoit que l’employeur, « à l’issue de cette période, met en place sans délai, après avoir consulté les membres de la délégation unique du personnel, soit une délégation unique du personnel dans les conditions prévues par le présent article, soit un comité d’entreprise, une délégation du personnel et un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».
*
La Commission examine les amendements identiques AS235 de M. Denys Robiliard et AS386 de Mme Éva Sas.
M. Denys Robiliard. L’article 8 ne peut se lire indépendamment d’un amendement proposé à l’article 9, qui tend à étendre le domaine dans lequel un accord collectif pourrait organiser le dialogue social au sein de l’entreprise – en le faisant démarrer à 50 salariés. Le projet de loi accroît de façon assez importante le pouvoir unilatéral de l’employeur pour définir les modalités que peut prendre ce dialogue, puisque c’est lui qui décide de recourir à la délégation unique du personnel (DUP) et en fixe le contenu, en intégrant ou non le CHSCT. Or cela devrait plutôt faire l’objet d’une négociation et d’un accord collectifs, lesquels seraient un gage de la qualité de ce dialogue.
M. Christophe Cavard. Nous soutenons la position de Denys Robiliard. Nous souhaitons en effet, non remettre en cause la fusion potentielle des instances, bien au contraire, mais faire en sorte qu’il y ait un accord d’entreprise et que les salariés soient associés. Laisser le choix à l’employeur pour les entreprises de moins de 300 salariés n’est pas dans l’esprit général du texte, qui veut que salariés et employeur se mettent d’accord tant sur la question de l’instance unique que sur celle de son règlement.
M. le rapporteur. Je comprends, mais la mise en place de la DUP a fait l’objet d’une discussion, qui a abouti à un point d’équilibre entre les organisations patronales et les organisations représentatives des salariés et à retenir un seuil de 300 salariés. Celui-ci ne remet d’ailleurs pas en cause la discussion et le dialogue social au sein de l’entreprise. Je vous propose donc de retirer vos amendements.
M. Dominique Dord. Il me semble que même si les partenaires sociaux ne se sont pas mis d’accord sur l’ensemble du sujet, sur cet aspect, un point d’équilibre a en effet été trouvé. Il me paraît difficile de plaider pour cet amendement au nom du dialogue social alors que celui-ci a abouti sur cette disposition ! Dans l’intérêt du respect du dialogue social, ces amendements devraient être retirés.
M. Denys Robiliard. On se trouve face à une nouvelle catégorie d’accord : celui qui n’a pas été signé mais existe néanmoins. Dans le dialogue social, un instrument permet d’identifier certains accords ponctuels : le relevé de conclusions. Or, à ma connaissance, il n’y en a pas eu. Les partenaires sociaux n’ont pas indiqué les points sur lesquels ils seraient d’accord en réservant ceux sur lesquels ils ne le sont pas. En outre, quand on discute avec eux, on se rend compte que tout le monde n’a pas la même vision sur ces points d’accord. Alors que quand un accord est signé, comme celui du 11 janvier 2013, tout le monde n’a pas la même interprétation, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement quand aucun accord n’a pu être trouvé ! Il nous faut donc prendre nos responsabilités et il me paraît plus intéressant que les formes du dialogue social soient arrêtées par accord collectif plutôt que sur décision unilatérale de l’employeur.
M. Christophe Cavard. L’équilibre que vous évoquez, monsieur le rapporteur, est au conditionnel, les partenaires sociaux n’ayant pas le même avis sur la question. Le législateur que nous sommes doit trouver pour ce texte un équilibre général. Or, depuis que nous en débattons, nous essayons de donner, dans le dialogue, toute leur place aux deux parties – employeurs et salariés. Je suis prêt à me rallier à la proposition de Denys Robiliard et à retenir un seuil de 50 au lieu de plus de 11. Les salariés doivent être associés à la décision de la fusion des instances et à l’élaboration du règlement.
M. le ministre. Je comprends la logique qui anime les députés Robiliard et Cavard, mais sans dénier aux parlementaires la capacité de prendre leurs propres décisions, je m’appuie sur les discussions que j’ai menées avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Le point d’équilibre que vous proposez n’est pas celui que nous avons choisi en concertation avec les partenaires sociaux. En effet, les entreprises de cinquante à trois cents salariés – où la DUP existe parfois déjà, sous sa forme actuelle – ont bien une spécificité : disposant de moins de délégués syndicaux, elles éprouvent plus de difficultés à passer des accords et à négocier. C’est pourquoi nous proposons cette solution. Quant au fait que certains des huit partenaires la rejettent, cela n’a rien d’exceptionnel dans le cadre de notre système.
M. le rapporteur. Certes, monsieur Robiliard, on ne saurait s’abriter derrière un accord qui n’existe pas ; mais aucune des multiples auditions que j’ai menées n’a apporté d’éléments qui iraient en faveur de votre suggestion.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine les amendements identiques AS205 de M. Gérard Cherpion et AS387 de Mme Éva Sas.
M. Gérard Cherpion. Je suis consterné par le déroulement de notre réunion et par les arguments avancés. Alors que notre société est bloquée, le nombre des chômeurs atteignant trois millions et demi, ce texte ne parle que de représentation syndicale ! Le film La Loi du marché qui montre les difficultés d’une personne aux portes de l’emploi devrait nous faire réfléchir sur le sens de nos propositions.
Le projet de loi prévoit d’étendre de deux à trois cents le seuil d’effectifs rendant possible la constitution d’une DUP ; mais celle-ci ne devrait pas être subordonnée à un seuil ! Pourquoi ne pas faire confiance à l’entreprise, quelle que soit sa taille, laissant à l’employeur la possibilité de recourir à ce mode de représentation si celui-ci recueille le consensus ? Toutes les entreprises ne disposent pas d’une délégation syndicale, mais si les accords nationaux interprofessionnels sont parfois refusés par certains partenaires, les représentants de ces mêmes grands syndicats les signent bien souvent dans les entreprises. Chaque année, 40 000 accords sont signés dans les entreprises de petite taille ; faisons-leur confiance et supprimons l’alinéa 4.
M. Christophe Cavard. La logique qui nous amène à déposer cet amendement identique est très différente. Il nous semble plus juste de garder le seuil à deux cents salariés.
M. le rapporteur. L’amendement défendu par M. Cavard étant cohérent avec sa proposition précédente, c’est avec la même cohérence que, s’il n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable. Monsieur Cherpion, le seuil de trois cents salariés représente une forme d’équilibre qui ne remet pas en cause la possibilité de dialogue social dans les entreprises plus petites, confirmée par la signature annuelle de 40 000 contrats que vous avez mentionnée. Notez par ailleurs que votre amendement va à l’encontre de votre plaidoyer puisqu’il ne supprimerait pas le seuil d’effectifs, mais le maintiendrait à son niveau actuel ; en émettant un avis défavorable sur le fond, je vous rends donc service.
M. Gérard Cherpion. Si vous voulez me rendre service, sous-amendez plutôt mon amendement !
M. Christophe Cavard. Je ne retirerai pas notre amendement : convaincus de la justesse de nos arguments, Mme Éva Sas et moi-même irons jusqu’au bout.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements AS257 de M. Francis Vercamer et AS206 de M. Gérard Cherpion.
M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à éviter les effets de seuil au-delà de cinquante salariés afin de traduire dans la loi l’argumentaire de M. Cherpion. Nous proposons, en effet, de supprimer le seuil actuel de deux cents, et celui prévu par le texte, de trois cents salariés, au profit d’un seuil de cinquante salariés à partir duquel la constitution d’une DUP ne serait conditionnée que par la négociation dans l’entreprise. Il faut arrêter de multiplier les seuils – de véritables freins à l’emploi – et prendre des mesures susceptibles de produire un choc de simplification. Passer de deux à trois cents salariés ne concernera que trois ou quatre mille entreprises en France ; laissons aux entreprises de plus de cinquante salariés la possibilité de constituer une DUP et donc de réduire le nombre de réunions – tout l’objet des discussions que nous avons menées lors des auditions des ministres et des partenaires sociaux.
M. Bernard Perrut. Notre amendement étend la possibilité de constituer une DUP aux entreprises employant jusqu’à mille salariés. Il semble en effet contreproductif de priver de cette souplesse des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en pleine croissance dès lors qu’elles franchissent le seuil de trois cents salariés. Les ETI se situent entre les PME et les grandes entreprises ; d’après le Conseil d’analyse économique, elles sont suffisamment grandes pour exporter, mais suffisamment petites pour innover. Pour soutenir l’emploi, la France – qui ne dispose pas d’assez d’entreprises de ce type – devrait encourager les ETI et en simplifier le fonctionnement, la vie interne et la démocratie sociale.
M. le rapporteur. La proposition de M. Vercamer revient à faire sauter le seuil ; celle de M. Cherpion consiste à le faire monter jusqu’à mille salariés et constitue à ce titre un amendement de repli. N’oublions pas qu’aux termes de l’article 9, le regroupement d’institutions représentatives du personnel reste possible au-delà de trois cents salariés. Ce seuil représente un point d’équilibre essentiel au texte car au-delà, les délégués du personnel sont plus structurés et leur action, plus réelle. Avis défavorable.
M. Francis Vercamer. Ce seuil ne rime à rien ! On aurait pu le monter à cinq cents salariés – point de passage d’une PME à une grande entreprise ; mais le nombre de trois cents ne correspond à aucune norme européenne traditionnelle.
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle est saisie des amendements identiques AS302 de Mme Jacqueline Fraysse et AS390 de Mme Éva Sas.
Mme Jacqueline Fraysse. L’intégration des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au sein de la DUP pose problème. Les drames de l’actualité ont montré l’importance de cet organe ; au-delà de ces cas particuliers, cette instance joue un rôle essentiel pour la santé et les conditions de travail, en cas de danger grave et imminent ou d’accident. Y siéger exige des compétences particulières dont l’acquisition représente un vrai travail. Le regroupement conduit à un affaiblissement du rôle et de la place des CHSCT dans l’entreprise ; nous proposons donc de supprimer l’alinéa 5.
M. Jean-Louis Roumegas. Étant donné la spécificité des tâches et l’expertise qu’elles requièrent, le principe même de regroupement des CHSCT nous paraît contestable. Nous craignons également une perte des moyens consacrés à la santé au travail. La nouvelle mission des CSHCT, que nous avions évoquée lors du débat sur le texte relatif aux lanceurs d’alerte – la protection de la santé publique –, nécessite aussi des moyens importants. Cette tâche de vigilance relève de la responsabilité des entreprises, mais les salariés doivent y être également associés.
M. le rapporteur. Nous sommes tous convaincus de l’importance du rôle des CHSCT. Ce débat est important et je remercie les intervenants d’avoir évité les termes qui prêtent à confusion : le texte ne prévoit pas la fusion, mais un regroupement des instances à l’intérieur de la DUP, dans le respect des spécificités de chacune d’entre elles. En effet, comme le précise l’alinéa 17 : « Dans le cadre de la délégation unique du personnel, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail conservent l’ensemble de leurs attributions ». Je comprends la crainte exprimée – qui nous amènera à discuter des moyens, de l’organisation et des attributions de la DUP –, mais il ne faut pas la lier à l’intégration du CHSCT à la DUP. Avis défavorable.
M. le ministre. N’idéalisons pas le fonctionnement actuel des CHSCT : dans les entreprises de cinquante à deux cents salariés, les trois élus ne disposent que de deux heures par mois à y consacrer ! Tout en préservant la spécificité et les attributions des CHSCT – l’expertise, le droit d’ester en justice, etc. –, le regroupement permettra d’augmenter le nombre d’élus et d’heures dont ceux-ci disposeront pour le travail et la réflexion sur l’hygiène et la santé au travail. Le but du texte est aussi de rendre le dialogue social plus vivant, moins formel et de permettre à plus de représentants du personnel de se préoccuper de ces sujets qu’il s’agit de décloisonner.
M. Denys Robiliard. Si personne n’a l’intention de supprimer les CHSCT, les décisions induisent parfois des effets involontaires redoutables. Deux raisons expliquent ma réserve quant à l’intégration des CHSCT à la DUP : d’abord, sauf en cas de cumul des mandats, les membres du CHSCT se spécialisent sur la question des conditions de travail, acquérant une maîtrise qui leur permet de porter cette problématique au sein des comités d’entreprise. Compte tenu du niveau de chômage, certains opposent l’emploi – qui devrait être prioritaire – et les conditions de travail, mais les deux enjeux sont complémentaires. Le risque majeur de l’intégration des CHSCT à la DUP est de voir faiblir la prise en considération des conditions de travail. Ensuite, il s’avère difficile de trouver des personnes qui acceptent de s’engager au sein de l’entreprise. Le cumul des mandats est actuellement possible, mais non obligatoire et il me semble important, afin de maintenir la capacité syndicale, de ne pas obliger à la concentration des responsabilités. Les amendements proposés – qui, avec le seuil de trois cents salariés, concernent le plus grand nombre des entreprises françaises – m’apparaissent donc opportuns. D’ailleurs, si l’on n’a pas intégré le CHSCT dans la DUP actuelle, c’était bien pour garder sa spécificité.
M. Gérard Cherpion. Je rejoins le raisonnement de M. le ministre : il ne s’agit pas d’une fusion, mais d’un regroupement des forces qui préserve la diversité des actions dans l’entreprise. Votre amendement, madame Fraysse, me semble d’ailleurs contradictoire avec celui qui proposait d’octroyer plus d’heures à certaines délégations.
M. Dominique Dord. Madame Fraysse, j’adhère à votre argumentation, mais non à votre conclusion. Le fait que les mêmes salariés siègent dans plusieurs instances regroupées devrait augmenter leur professionnalisme. Comme le remarque Gérard Cherpion, les membres de cette instance unique bénéficieront d’une vision globale – et non morcelée – des enjeux de l’entreprise, qui leur permettra de formuler des recommandations plus équilibrées.
Mme Jacqueline Fraysse. J’entends vos arguments, mais mon amendement demandant des heures complémentaires n’est en rien contradictoire avec celui-ci ; au contraire, il va dans le même sens puisque pour être efficaces et pour acquérir des compétences, les salariés ont besoin de temps. Par ailleurs, il est en effet intéressant de donner aux représentants du personnel une vision globale de l’entreprise, mais rien n’interdit d’inviter les membres du CHSCT dans les autres réunions. Tous ceux qui connaissent le fonctionnement des CHSCT savent que ceux-ci possèdent des spécificités fortes, les élus devant bien connaître certains sujets et donc se spécialiser dans ces domaines. Tout le monde ne doit pas prendre en charge toutes les questions, car on n’est pas bon quand on s’occupe de tout. Notez bien qu’en médecine par exemple, un cardiologue se spécialise dans un domaine particulier qui exige des compétences pointues.
M. le rapporteur. Mais avant d’être cardiologue, c’est un médecin. Certes, les CHSCT ont de fait connu une spécialisation, mais celle-ci ne représente-t-elle qu’un atout ? En effet, on ne saurait séparer les conditions d’hygiène et de santé au travail de la vie générale de l’entreprise ; en réalité, les aspects liés à l’organisation, à la stratégie et aux finances sont mêlés aux problématiques relevant des CHSCT. Réunir la réflexion sur ces deux volets indispensables représente plutôt un élément positif. En revanche, Mme Fraysse, M. Robiliard et M. Roumegas ont raison de souligner qu’il ne faut pas perdre ce qui fait l’intérêt des CHSCT ; c’est tout l’objet des amendements que nous avons déjà adoptés et de ceux que je propose plus loin. Ainsi, l’annualisation et la mutualisation des heures de délégation permettent de se concentrer sur un aspect ou sur un autre, gage de souplesse du dispositif. Le fait de préciser que l’ordre du jour de quatre des six réunions comporte obligatoirement des questions relatives au CHSCT représente également une garantie pour cette instance de conserver son importance. Je propose enfin de créer un poste de secrétaire adjoint, qui contribuerait à la qualité de l’organisation et permettrait au CHSCT d’assumer correctement ses missions. Je partage donc votre crainte, mais j’estime que regrouper la réflexion sur différents enjeux au sein d’une instance commune représente un avantage réel.
M. le ministre. J’adhère à l’avis du rapporteur. Il n’y aura pas de baisse globale des moyens alloués aux institutions représentatives du personnel. Les membres des CHSCT ne consacrent actuellement à cette fonction que deux heures par mois et quatre réunions par an ; la spécialisation ne sera pas moindre dans l’instance regroupée où l’on évoquera ces enjeux plus souvent. Il s’agit donc d’une avancée et le nouveau mode d’organisation risque d’intéresser bien plus de représentants.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l’amendement AS303 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. La mise en place d’une DUP en lieu et place des institutions représentatives du personnel engendre une baisse du nombre d’élus et des heures de délégation. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je ne saurais vous suivre dans l’idée qu’il n’y aura pas de diminution globale des moyens. De surcroît, les mêmes élus devront maîtriser un nombre beaucoup plus important de sujets, dans des conditions plus compliquées. Cet amendement vise à éviter que l’employeur puisse décider unilatéralement de la constitution d’une DUP à l’issue une simple consultation des institutions représentatives du personnel, en subordonnant cette décision à l’accord de la majorité des délégués.
M. le rapporteur. Tel qu’il est rédigé, le texte intègre une forme de souplesse. Or si l’on devait suivre l’amendement déposé par Mme Fraysse – cohérent avec le reste de ses propositions –, il faudrait passer par un accord. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement AS392 de Mme Éva Sas.
M. Christophe Cavard. Cet amendement reste dans le même esprit. Même si, comme l’a souligné le rapporteur, l’alinéa 17 stipule que les CHSCT conservent l’ensemble de leurs attributions, il faut penser à préserver les compétences des représentants qui y siègent. Nous proposons donc de distinguer, à l’intérieur de la DUP, les membres affectés à chacune des tâches, qui deviendront les référents dans leur spécialité pour les salariés et pour l’employeur. En effet, les compétences exigées dans le cadre d’un comité d’entreprise ne sont pas les mêmes que celles que l’on acquiert au CHSCT.
M. le rapporteur. Il ne me semble pas nécessaire de décider dans la loi de la constitution de collèges, qui apparaissent en contradiction avec le principe même des DUP. Celles-ci se structureront inévitablement, mais laissons aux représentants du personnel le choix des modalités pratiques. Ainsi, la mise en place d’un secrétaire adjoint participe de l’organisation possible, mais sans l’imposer. Les instances – qui ne fusionnent pas – sont déjà structurées ; conservons un peu de souplesse dans le fonctionnement de la DUP !
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS332 et AS333 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement AS143 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. En proposant de supprimer les mots « ou réduite », je cherche à protéger les mandats des salariés afin d’assurer cette douce transition dont on parle tant et de respecter le vote des dernières élections, évitant les frustrations.
M. le rapporteur. À partir du moment où l’on valide le principe de la DUP, il faut ajuster les mandats pour assurer un renouvellement permettant de réunir les membres des différentes instances. Ce procédé a été utilisé dans beaucoup de scrutins, y compris à caractère politique. Suivre Mme Bouziane-Laroussi reviendrait à repousser à plus tard la constitution effective des DUP ; je ne saurais donc y être favorable.
M. Gérard Sebaoun. Existe-t-il des exemples d’élus, quels qu’ils soient, dont on aurait réduit le mandat ? Le procédé me paraît contestable.
M. le rapporteur. J’entends l’argument relatif au respect du mandat, mais il implique de faire réélire des représentants pour un mandat plus court et surtout de décaler la mise en place de la DUP – objectif qui me paraît essentiel. Même si le rendez-vous à honorer réduit le mandat, il ne faut pas trop le repousser.
M. le ministre. Je ne ferai pas d’analogie avec les mandats des élus de la démocratie politique, mais la mesure est prévue dans le code du travail, dont l’article L. 2326-1 précise : « La durée du mandat des délégués du personnel est prorogée jusqu’à la mise en place du comité d’entreprise ou son renouvellement. Elle peut être réduite lorsque le mandat du comité d’entreprise vient à échéance avant celui des délégués du personnel. »
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement AS7 de M. Gérard Cherpion.
M. Jean-Pierre Door. Le projet de loi prévoit la possibilité de créer une DUP au niveau de chaque établissement lorsque l’entreprise en comporte plusieurs. Nous estimons que cela constitue une complexification importante. Pourquoi multiplier les DUP, surtout si les entreprises secondaires sont de petite taille ? C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’une DUP au niveau d’une entreprise comportant plusieurs établissements.
M. le rapporteur. L’amendement propose de regrouper les DUP, c’est-à-dire d’éviter la reconnaissance des différents établissements. Ce n’est pas ce que nous souhaitons. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement de conséquence AS330 et l’amendement rédactionnel AS335, tous deux du rapporteur.
La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS391 de Mme Éva Sas et AS304 de Mme Jacqueline Fraysse.
M. Christophe Cavard. La logique voudrait que le rapporteur soit favorable à l’amendement AS391 puisqu’il insiste, depuis le début de la discussion, sur le fait qu’il y a regroupement et non fusion des instances existantes. Nous proposons que le nombre de représentants constituant la DUP soit au moins égal au nombre de représentants constituant les instances regroupées, ce qui permet d’éviter une perte de compétences.
Mme Jacqueline Fraysse. M. le ministre vient de déclarer qu’il n’y a pas de diminution globale des moyens, ce qui va dans le sens de l’amendement que je propose. Il est nécessaire de maintenir un nombre d’élus dans la DUP équivalent à l’addition du nombre d’élus présents dans chaque institution représentative, selon les minima légaux.
M. le rapporteur. Je suis tenté de vous dire qu’il y a d’un côté la théorie, c’est-à-dire le nombre de sièges existants, et de l’autre la réalité, c’est-à-dire le nombre de sièges pourvus. Je préfère pour ma part qu’il y ait moins de sièges, mais que ceux-ci soient pourvus, plutôt qu’un nombre identique de sièges mais non pourvus. À cet égard, je vous renvoie à un tableau qui figure dans l’étude d’impact qui montre l’importance de ces derniers.
Mme Jacqueline Fraysse. C’est un autre problème !
M. le rapporteur. Pas du tout ! Il s’agit de savoir quel est le nombre effectif de représentants du personnel qui siègent.
On ne peut pas considérer que l’annualisation et la mutualisation des heures constituent une avancée puisque, je le rappelle, 30 % des heures ne sont pas consommées, et souhaiter par ailleurs avoir la certitude que les moyens seront les mêmes, tout en ne se fondant pas sur les chiffres réels. Avis défavorable.
M. Gérard Cherpion. L’alinéa 14 de l’article 8 précise ceci : « Le nombre de représentants constituant la délégation unique du personnel est fixé par décret en Conseil d’État ». Je n’ose imaginer que le ministre du travail ne présenterait pas ce décret aux partenaires sociaux…
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. M. le rapporteur nous a rappelé l’importance du nombre de sièges non pourvus. Nous avons pris précisément des dispositions tendant à permettre un engagement plus important des salariés. J’ose espérer qu’elles seront suivies d’effets. Cet argument ne tient donc pas beaucoup.
M. Christophe Cavard. Monsieur le rapporteur, vous considérez qu’il n’y a pas suffisamment de représentants par rapport au nombre de sièges prévu. Mais il existe aussi des instances dans lesquelles l’ensemble des postes sont pourvus. Nous prenons ici le risque que le nombre de représentants diminue, ce qui ferait plaisir à certains employeurs qui estiment que les salariés passent trop de temps dans les instances de représentation. Veillons à ce que chacun puisse avoir à l’avenir la même place que celle qu’il occupe aujourd’hui.
En adoptant nos amendements, il y aura peut-être des sièges vides, mais nous permettrons à toutes celles et tous ceux qui siègent aujourd’hui d’être ensemble demain, sinon le décret risque d’éliminer quelques sièges.
M. Francis Vercamer. Si j’étais rapporteur de gauche ou ministre du travail de gauche, j’accepterais cet amendement. En effet, dès lors que l’on considère qu’il ne doit pas y avoir de baisse de moyens et que l’on procède à un regroupement, on veut abourtir au même nombre de membres. Mais comme je suis un député du centre, je pense que le nombre n’est pas forcément égal à la qualité : mieux vaut privilégier la qualité que la quantité. Aussi, je ne voterai pas cet amendement.
M. le ministre. Actuellement, les entreprises de cinquante à soixante-quinze salariés comptent neuf élus, si l’on additionne les élus titulaires et les suppléants de la DUP actuelle et du CHSCT, contre dix demain dans la DUP élargie comme le montre l’étude d’impact. Vous ne pouvez donc pas dire qu’il y aura moins d’élus. J’ajoute que dans une entreprise de cinquante salariés, cela donne un potentiel de 20 % d’élus. Quant aux entreprises de soixante-quinze à cent salariés, elles compteront douze élus demain, contre onze aujourd’hui.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, s’il y a bien demain plus de représentants, vous devriez soutenir mon amendement qui demande simplement qu’il n’y en ait pas moins.
La Commission rejette successivement les amendements AS391 et AS304.
La Commission en vient à l’amendement AS6 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Cet amendement propose, dans le cadre de la mise en œuvre de la DUP élargie, de regrouper les attributions des différentes instances constitutives de la DUP. Un tel regroupement s’inscrit dans une volonté de simplification et d’allégement des contraintes s’imposant aux entreprises. Si on les conserve, on les laisse juxtaposées, si on les regroupe, on voit bien qu’il y a un effet multiplicateur et bénéfique.
M. le rapporteur. Je reconnais que M. Cherpion est cohérent dans son argumentation. Tout à l’heure, il estimait qu’il faudrait aller plus loin et fusionner, ce qui n’est pas du tout notre état d’esprit. Nous considérons en effet que les DUP ont pour objectif de faire travailler ensemble les instances représentatives existantes mais sûrement pas de les fusionner dans une instance unique, idée soutenue par les représentants des organisations patronales. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement AS393 de Mme Éva Sas.
M. Christophe Cavard. Nous proposons que, dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT conservent l’ensemble de leurs attributions mais aussi de leurs moyens.
M. le rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne fait pas la distinction entre les ajustements qui sont nécessaires. La terminologie générique proposée pose problème. En revanche, il me paraît indispensable de s’assurer, à travers d’autres amendements, que les moyens pour faire fonctionner ces instances existent. Avis défavorable.
M. Gérard Cherpion. C’est un bon amendement, car il bloque tout le système… (Sourires.)
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine ensuite l’amendement AS405 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Même discussion que tout à l’heure sur la mise en place des collèges.
M. le rapporteur. Même avis que précédemment.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission en vient à l’amendement AS419 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Nous proposons que, dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, les membres du comité d’entreprise et du CHSCT disposent d’un nombre d’heures au moins équivalent à leurs droits actuels. Il s’agit bien d’une délégation et non d’une fusion. Pour éviter tout faux débat, il nous semble important de le préciser dans la loi.
M. le rapporteur. Le décret fixera un nombre d’heures qui sera équivalent, mais avec une répartition différente. Un tableau montre les évolutions qui me conduisent à émettre un avis défavorable, tout en comprenant ce que propose M. Cavard.
M. Jean-Louis Roumegas. Nous venons d’examiner une série d’amendements qui demandent la garantie du maintien des effectifs, la garantie du maintien des moyens et la garantie du maintien des heures allouées. À chaque fois, la réponse est la même : on nous renvoie à un décret. Reconnaissez que ces réponses ne peuvent qu’entretenir le flou et la suspicion sur les intentions réelles du Gouvernement, qui affirme par ailleurs qu’il s’agit d’un regroupement et non d’une fusion.
M. le rapporteur. Je m’inscris totalement en faux, monsieur Roumegas. On sait très bien ce qu’il y a dans le décret puisqu’il est dans l’étude d’impact. J’ajoute qu’il a été présenté aux partenaires sociaux.
En juxtaposant les dispositions prises sur l’annualisation et la mutualisation des heures, les différents ajustements de postes et les mesures sur les suppléants dont nous débattrons ultérieurement, il n’est pas impossible que l’on aboutisse à davantage d’heures qu’actuellement – c’est d’ailleurs ce que pense le Gouvernement. Il est clair que nous n’allons pas aboutir à un affaiblissement des moyens.
M. Christophe Cavard. Je ne suis pas loin de rejoindre le rapporteur. Nous nous bornons quant à nous à demander que dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT disposent d’un nombre d’heures au moins équivalent, c’est-à-dire qu’ils aient la garantie de ne pas en avoir moins. Mais, bien évidemment, nous ne voyons pas d’inconvénient à ce qu’il y en ait davantage. Notre amendement va précisément dans le sens de ce texte dont l’objectif est non pas d’enlever des moyens mais d’en ajouter.
Mme Jacqueline Fraysse. Je ne remets pas en cause la volonté affirmée par le ministre et le rapporteur de ne pas diminuer les moyens. Mais je suis surprise qu’ils n’acceptent pas les amendements qui précisent que le nombre d’heures sera au moins équivalent à ce qu’il est aujourd’hui. Il y a une contradiction dans leurs affirmations.
M. Gérard Cherpion. Même s’il a beaucoup de défauts, le projet de loi vise à faire progresser le dialogue social. Je constate que vous ne le souhaitez pas. En fait, vous êtes des conservateurs.
M. le rapporteur. J’ai émis un avis défavorable sur cet amendement parce que vous suggérez de figer l’existant, considérant que l’on parle des moyens dans leur globalité. Pour ma part, je considère qu’il y aura des ajustements. Au bout du compte, je pense que les moyens seront supérieurs à ce qui existe aujourd’hui. Mais vos formulations interdiront d’avoir par exemple un siège en moins dans une tranche pour en avoir un ou deux supplémentaires dans une autre. Nous ne pouvons pas être favorables à des amendements qui garantissent les moyens quasiment par poste et par niveau de tranche d’entreprise.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS485 du rapporteur et AS406 de M. Christophe Cavard.
M. le rapporteur. Chacun comprendra que le regroupement fait que les ordres du jour risquent d’être particulièrement chargés, ce qui nécessite une structuration. Je propose donc que soit créé un poste de secrétaire adjoint de la DUP. Il appartiendra ensuite aux représentants du personnel de dire si le secrétaire adjoint doit être chargé de suivre tel ou tel sujet. Contrairement à M. Cavard, je n’ai pas souhaité préciser ses tâches afin de laisser de la souplesse. À travers la mise en place d’un secrétaire adjoint, ce sont des moyens supplémentaires qui sont donnés aux DUP.
M. Christophe Cavard. Nous allons plus loin que le rapporteur puisque nous proposons la création d’un co-secrétaire chargé du collège « comité d’entreprise » et d’un co-secrétaire chargé du collège « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». Mais il est vrai que nos amendements proposant la mise en place de ces collèges ont été rejetés.
M. Cherpion fait de l’humour en nous qualifiant de « conservateurs ». Il ne faudrait pas cependant, sous prétexte de dialogue social, réduire les droits.
Le dialogue social est encadré par la loi. On ne peut pas, même si certains membres de l’opposition en rêvent, faire sauter tout cadre légal à travers le dialogue social, ce qui permettrait de remettre en cause un certain nombre d’acquis, comme le nombre d’heures.
Je retire mon amendement puisque la création des collèges a été rejetée. Je soutiendrai celui du rapporteur qui pourra peut-être préciser, d’ici à la séance publique, qui sont ces deux personnes qui devront représenter le regroupement des instances.
M. Gérard Cherpion. Je tiens à remercier M. Cavard pour m’avoir donné une leçon sur la façon dont il faut élaborer la loi. J’ai appris beaucoup de choses ce matin…
Je vois une certaine contradiction dans les propos du rapporteur. D’un côté, il nous explique qu’il rejette les collèges, ce que je comprends et il laisse la DUP libre de s’organiser alors que les sujets traités seront extrêmement nombreux et variés. Mais de l’autre, il propose de nommer un secrétaire adjoint qui pourra plus particulièrement être intéressé par le CHSCT par exemple. Pourquoi ne pas laisser s’organiser, sous l’autorité du secrétaire, le fonctionnement de la DUP sans nommer une personne qui n’aura pas non plus de vision complète ? Cela n’apporte rien, sinon une complexification supplémentaire.
M. le rapporteur. Votre argumentation, monsieur Cherpion, serait juste si j’avais parlé de co-secrétaire. Or je propose la création d’un secrétaire adjoint. Je n’ai pas validé l’hypothèse des collèges que suggéraient certains de nos collègues. De plus, je ne précise pas, dans mon amendement, quelle est la mission de ce secrétaire adjoint car je considère que c’est aux représentants syndicaux de s’organiser.
Si avoir regroupé en quelques-unes toutes les réunions qui se tenaient auparavant présente des avantages, les ordres du jour risquent en effet d’être extrêmement chargés. L’amendement que je propose vise donc à permettre que le dialogue social se fasse dans de bonnes conditions d’organisation.
L’amendement AS406 est retiré.
La Commission adopte l’amendement AS485.
La Commission est saisie de l’amendement AS5 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. C’est un amendement de cohérence avec la proposition de DUP élargie obligatoire pour les entreprises de 50 à 299 salariés.
Je tiens à revenir sur l’amendement précédent pour dire au rapporteur que son raisonnement sur le secrétaire adjoint serait vrai s’il y avait fusion. Or il s’agit d’un regroupement. Souhaiterait-il une fusion ?
M. le rapporteur. Je pense avoir déjà répondu. Cette question provocante n’était pas nécessaire.
L’amendement que vous proposez vise à supprimer les alinéas qui prévoient les conditions de suppression de la DUP en cas de franchissement de seuil. Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine ensuite l’amendement AS144 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement vise à augmenter le nombre de réunions de la délégation, pour avoir un rythme de réunions qui corresponde à celui en vigueur aujourd’hui. D’ailleurs, M. le rapporteur soulignait à juste titre qu’avec la DUP les ordres du jour seront chargés, d’où l’intérêt d’avoir un nombre suffisant de réunions pour pouvoir traiter au mieux les sujets de fond, notamment ceux relatifs à la santé et à la sécurité auparavant dévolus au CHSCT.
M. le rapporteur. L’objet de la DUP est précisément de réduire le nombre de réunions. J’ajoute que le seuil de six réunions est un plancher. Rien n’interdit d’en faire plus. Avis défavorable donc sur ce qui m’apparaît comme une position de principe.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Mais on remet en cause ce qui existe aujourd’hui. Il y a donc bien une diminution des moyens.
M. le rapporteur. Vous ne pouvez pas dire cela ! Ce n’est pas parce que l’on baisse le nombre de réunions que l’on réduit les moyens. C’est un amalgame qui me paraît un peu rapide, excessif et inexact.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission en vient à l’amendement AS213 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. La DUP exercera toutes les attributions des instances qu’elle regroupe. Les règles encadrant l’organisation des réunions des trois instances composant la DUP, c’est-à-dire le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT, sont très différentes, notamment au regard de la composition de la délégation devant participer à ces réunions. Ces régimes distincts sont maintenus dans le projet de loi, lorsque les instances fonctionnent séparément. Ainsi, seuls les représentants syndicaux au comité d’entreprise appartenant au personnel de l’entreprise peuvent participer aux réunions du comité d’entreprise alors que des représentants syndicaux extérieurs à l’entreprise sont autorisés à participer aux réunions des délégués du personnel.
Le projet de loi ne précise pas laquelle de ces réglementations devra s’appliquer aux réunions communes à ces instances lorsqu’elles seront regroupées dans la DUP.
Le texte devrait donc mentionner selon quelles règles devront être organisées les différentes réunions de la DUP. Il faut préciser que la délégation du personnel aux réunions de la DUP est composée conformément aux règles applicables au comité d’entreprise.
M. le rapporteur. Monsieur Cherpion, je vous renvoie à l’alinéa 13 de l’article 8 : « La délégation unique du personnel est composée des représentants du personnel élus dans les conditions prévues aux articles L. 2324-3 à L. 2324-23 ». Je ne comprends pas ce que vous voulez de plus que ce qui figure dans le texte. Je considère donc que votre amendement est satisfait.
M. Gérard Cherpion. Cela ne me paraît pas aussi clair que le prétend notre rapporteur. Mais peut-être mon amendement est-il mal rédigé. Nous avons là trois systèmes qui fonctionnent différemment. Il faut pouvoir aboutir à un fonctionnement unique dans le cadre de la DUP.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement AS306 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Dans les délégations uniques du personnel actuelles, la fréquence des réunions est mensuelle. Le projet de loi propose de diminuer le rythme de ces réunions pour le porter à une tous les deux mois. Il nous semble que ce n’est pas pertinent puisque les sujets à traiter vont augmenter si le CHSCT est regroupé dans la DUP. Il y aura plus de travail pour une personne qui maîtrisera sans doute moins bien les sujets. Or il faut que les élus aient le temps d’évoquer les questions. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut maintenir la fréquence d’une réunion mensuelle.
M. le rapporteur. Même réponse que précédemment : la DUP pourra se réunir autant que de besoin puisque le seuil fixé est un plancher. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Fraysse. Je ne vois pas l’intérêt de modifier la situation actuelle. S’il est bon de fixer un plancher, je ne comprends pas pourquoi on diminue le nombre de réunions sachant que les délégués vont devoir traiter de sujets extrêmement vastes.
M. Francis Vercamer. Je soutiens cet amendement. Comme la DUP se réunit au moins une fois tous les deux mois, il y a donc bien au moins six réunions par an. Les mots : « au moins quatre de ces six réunions par an », donnent l’impression qu’on se limite à six réunions par an. La seconde phrase de l’alinéa 20 a tendance à réduire la portée de la première phrase.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS338 du rapporteur.
La Commission en vient à l’amendement AS236 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je propose que les questions relevant du CHSCT soient traitées en priorité par la DUP pour deux raisons. D’abord afin que les questions relatives aux conditions de travail ne soient pas sacrifiées sur l’autel du temps disponible. Ensuite, quand un avis doit être rendu par le comité d’entreprise sur une question complexe, il est nécessaire qu’il intègre l’avis du CHSCT. La DUP doit donc traiter en priorité des conditions de travail avant de les intégrer dans une réflexion plus globale quand il s’agit d’une question économique.
M. le rapporteur. Si j’ai bien compris, vous entendez par « traiter en priorité » inscrire les questions en premier dans l’ordre du jour. Or dans des réunions de cette nature, il arrive parfois qu’un sujet qui ne relève pas nécessairement du CHSCT soit examiné en priorité. Dès lors que l’on est certain que quatre réunions sur six aborderont les questions relatives au CHSCT, cette précision me semble inutile. Je suis donc défavorable à cet amendement dont je comprends l’esprit mais qui va un peu loin dans l’organisation de l’ordre du jour.
M. Gérard Cherpion. Là encore, faisons confiance au sens de la responsabilité des élus qui examineront en priorité les problèmes les plus urgents. Avec cet amendement, on se substitue à eux en fisant la trame de l’ordre du jour qu’ils doivent traiter. Ce n’est pas logique.
M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement AS407 de M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. Même si les questions relevant des attributions du CHSCT doivent être inscrites à l’ordre du jour de quatre des six réunions annuelles de la DUP, il convient de laisser la possibilité au CHSCT de réunir le collège afin de traiter les sujets qui ne le seraient pas par l’instance unique. L’employeur ne peut pas être seul maître de l’ordre du jour sur les questions de santé au travail.
M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation mais le dialogue au sein de la DUP permettra d’y répondre. En outre, la précision que vous souhaitez apporter me paraît relever davantage du règlement intérieur que de la loi. Enfin, vous vous faites référence aux collèges dont nous avons écarté la mise en place.
M. Dominique Tian. Avec le formalisme que vous imposez, non seulement vous allez à l’encontre de l’objectif de simplification qui fonde la DUP, mais vous créez aussi des motifs de recours. Le rapporteur a raison de défendre la nécessité de conserver de la souplesse et de laisser le soin aux parties prenantes de s’organiser.
M. Christophe Cavard. Je retire l’amendement afin de le retravailler. Toutefois, je note que vous tenez un discours à géométrie variable sur la place qui doit être laissée au dialogue.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement AS486 du rapporteur.
M. le rapporteur. Afin d’éviter une répartition des rôles entre le secrétaire de la DUP et le secrétaire adjoint, l’amendement prévoit qu’ils exercent conjointement les attributions anciennement dévolues aux secrétaires du CE et du CHSCT.
M. Gérard Cherpion. Puisque nous sommes opposés à l’instauration d’un secrétaire adjoint, nous sommes défavorables à cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
L’amendement AS408 de M. Christophe Cavard est retiré.
La Commission examine l’amendement AS145 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement vise à maintenir les spécificités de chaque instance représentée au sein de la délégation unique du personnel.
Il s’agit d’éviter que certains sujets soient négligés, notamment les questions liées à la santé et à la sécurité au travail.
M. le rapporteur. La DUP a vocation à travailler à partir d’un ordre du jour qui aborde l’ensemble des problématiques de l’entreprise. Elle permet aux représentants du personnel de connaître de tous les sujets, et pas seulement de ceux qu’ils ont l’habitude de traiter.
En outre, la règle selon laquelle quatre réunions annuelles sur six portent impérativement sur des sujets relevant des attributions du CHSCT satisfait l’esprit de votre amendement.
M. Dominique Tian. La DUP doit précisément simplifier les procédures en évitant que chaque collège traite de ses spécificités.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. En suivant votre raisonnement, la règle des quatre réunions sur six n’a pas lieu d’être…
M. le ministre. Il faut savoir que 42 % des entreprises de 50 à 100 salariés ne disposent pas de CHSCT alors que seulement 15 % d’entre elles ne sont pas dotées de CE. Grâce à la DUP, les représentants du personnel seront plus nombreux à participer aux débats sur la santé au travail.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS340 et AS342 du rapporteur.
La Commission est saisie des amendements identiques AS161 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi et AS324 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement propose d’allonger de cinq à quinze jours le délai de convocation aux réunions de la DUP. Ce délai est nécessaire pour étudier les éléments transmis et pour aviser les instances extérieures – inspection du travail et médecine du travail.
Mme Jacqueline Fraysse. Le délai de cinq jours est trop court pour préparer des réunions qui abordent des sujets relevant des attributions de trois instances. Cet amendement vise donc à aligner le délai de convocation sur celui du CHSCT.
M. le rapporteur. Le délai de convocation est actuellement de trois jours. En dépit de la brièveté du délai proposé, le projet de loi apporte une amélioration.
La Commission rejette ces amendements.
La Commission examine les amendements identiques AS309 de Mme Jacqueline Fraysse et AS396 de M. Christophe Cavard.
Mme Jacqueline Fraysse. Au sein de la DUP dans son format actuel, chaque instance conserve son fonctionnement propre. Les alinéas 23 à 25 nous inquiètent fortement car ils prévoient un avis unique de la DUP ainsi qu’une expertise unique sur les sujets relevant à la fois des attributions du CE et du CHSCT, qui laissent présager une fusion des instances.
Si votre intention, comme vous le répétez, n’est pas de fusionner les instances mais de les regrouper, vous devez maintenir l’indépendance de chaque instance. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces alinéas.
M. Christophe Cavard. La possibilité d’émettre un avis unique évoque davantage une fusion qu’un regroupement.
Quant à l’expertise unique, elle risque de porter sur des sujets qui mériteraient d’être distingués. En outre, qui décidera des sujets ? En tout état de cause, il faut conserver une expertise spécifique sur la santé au travail.
À vouloir traiter de trop nombreux sujets à la fois, on risque d’en minimiser l’intérêt.
M. le rapporteur. Le projet de loi ne mentionne pas une expertise unique mais une « expertise commune », ce qui ne signifie pas la même chose.
Si les instances conservent leurs prérogatives, leur fonctionnement diffère. Vous ne pouvez pas demander à une seule instance d’émettre deux avis sur le même sujet. Sauf à introduire les collèges que vous appelez de vos vœux, votre suggestion n’est pas réalisable dans le cadre prévu par le projet de loi.
La Commission rejette ces amendements.
La Commission est saisie de l’amendement AS146 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement procède de la même logique que les précédents. Il vise à maintenir les avis spécifiques des instances réunies dans la DUP.
D’une part, des discordances peuvent apparaître entre le comité d’entreprise et le CHSCT. D’autre part, la santé et la sécurité des salariés sont des droits absolus qui priment sur la rentabilité économique d’une entreprise. Or, l’avis unique risque de faire passer ces questions au second plan.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement ainsi que l’amendement AS147 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS346 et AS347 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l’amendement AS487 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux membres suppléants de la DUP de participer aux réunions de celle-ci avec voix consultative, reprenant ainsi la règle en vigueur pour les CE. Alors que certains usent du parallèle avec le monde politique pour refuser la présence des suppléants, je considère que leur participation s’apparente à de la formation continue. Elle doit leur permettre de mieux maîtriser les dossiers et les enjeux qui intéressent l’entreprise.
Mme Jacqueline Fraysse. Je partage l’approche du rapporteur. Peut-être le monde politique pourrait-il s’en inspirer…
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Je suis favorable à cet amendement qui est semblable à celui que j’ai déposé.
M. Gérard Sebaoun. J’abonde dans le sens du rapporteur. Puisque nous voulons donner aux représentants élus du personnel des prérogatives plus importantes, il est pertinent de leur permettre d’acquérir un maximum d’expérience en assistant à ces réunions qui embrassent l’ensemble des problématiques de l’entreprise.
M. Gérard Cherpion. Le suppléant remplace le titulaire lorsque celui-ci est absent. Je ne suis pas opposé à ce que les suppléants puissent assister aux réunions. En revanche, je suis défavorable à une participation systématique qui alourdit la procédure.
M. le ministre. Il est prévu que les suppléants siègent lors des réunions examinant les orientations stratégiques de l’entreprise, soit au minimum, deux réunions.
J’entends l’argument du rapporteur mais le rôle d’un suppléant est de suppléer un titulaire lorsqu’il est absent, il n’est pas de doublonner avec lui. À l’étranger, les suppléants suppléent.
Le projet de loi comporte déjà des dispositions pour conforter le rôle des suppléants.
Je suis défavorable à cet amendement. Sauf à les appeler co-titulaires, vous devrez expliquer à l’opinion publique que les suppléants siègent en même temps que les titulaires. Pour une entreprise de 50 salariés, dix personnes seraient appelées à siéger.
J’ajoute enfin que, dans les CHSCT, il n’y a aujourd’hui pas de suppléant.
M. Christophe Cavard. Le rôle du Parlement est aussi d’améliorer le projet du gouvernement et de proposer des avancées sociales.
Chacun en convient, cette réforme ne doit pas se traduire par une perte de technicité, notamment sur les questions de santé au travail.
Le rapporteur l’a dit, la présence des suppléants s’inscrit dans une logique de formation. Lorsqu’ils seront amenés à voter, ils le feront en toute connaissance de cause.
Nous sommes donc très favorables à l’association des suppléants.
M. Gérard Sebaoun. Je reconnais que la participation au débat des suppléants – alors que le titulaire est présent et a mandat pour voter – peut faire naître une difficulté. Peut-être serait-il préférable de supprimer la mention de leur voix consultative afin de préciser qu’ils assistent aux réunions sans prendre la parole.
M. Gérard Cherpion. Dans les entreprises de cinquante salariés, ce sont 20 % des personnels qui seraient amenés à siéger. Or, une entreprise a pour vocation première de produire. Avec cet amendement, le personnel passerait plus de temps à siéger dans ces instances qu’à produire !
M. le rapporteur. Je rappelle que, depuis des dizaines d’années, les suppléants siègent dans les CE, sans que l’opinion publique ne s’en soit émue. En outre, M. le ministre l’a dit, les CE sont plus nombreux que les CHSCT.
Il n’y a, selon moi, pas de confusion possible. Les suppléants ne sont en aucun cas des co-titulaires. À cet égard, monsieur Sebaoun, je vous propose de nous en tenir à la rédaction actuelle.
Cette présence est envisagée par les personnes que j’ai auditionnées comme de la formation permanente. Si la demande de formation n’est pas satisfaite, elle s’exprimera inévitablement d’une autre manière, plus coûteuse. Tout le reste relève de positions de principe.
Je propose sans état d’âme à mes collègues de voter cet amendement.
M. le ministre. Certains de ceux qui soutiennent cet amendement sont aussi ceux qui militaient pour le maintien des CHSCT ancienne formule, dont 42 % des entreprises de 50 à 100 salariés sont dépourvues et dans lesquels siègent trois titulaires uniquement, sans suppléants. Cela me semble quelque peu contradictoire.
Avec le texte du projet de loi, les personnes formées aux thématiques relevant de la compétence du CHSCT seront plus nombreuses. En outre, je ne doute pas que les réunions sur les orientations stratégiques seront l’occasion d’aborder les questions de santé et de sécurité au travail.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS148, AS307, AS421 rectifié et AS409 tombent.
La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS354 du rapporteur.
L’amendement AS410 de M. Christophe Cavard est retiré.
La Commission examine l’amendement AS510 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement prévoit que les heures de délégation puissent être annualisées. Ces heures cumulées peuvent être utilisées dans la limite d’1,5 fois le crédit d’heures mensuelles fixé par décret. Afin de ne pas désorganiser l’entreprise, l’employeur doit être informé dans un délai de quinze jours.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement AS310 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement a pour objectif de maintenir un nombre d’heures de délégation dans la DUP qui soit équivalent à l’addition du nombre d’heures propres aux élus de chaque institution représentative du personnel.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS357, ainsi que les amendements rédactionnels AS367, AS370 et AS368, tous du rapporteur.
La Commission examine l’amendement AS214 de M. Gérard Cherpion.
M. Bernard Perrut. Le projet loi permet, contrairement à la législation actuelle, de regrouper au sein de la DUP, non seulement le comité d’entreprise et la délégation du personnel, mais aussi le CHSCT.
Si une DUP a été mise en place avant l’entrée en vigueur de la loi, elle peut continuer à fonctionner selon les règles applicables à la date de sa constitution.
Il semble que l’employeur puisse également adopter le régime de la DUP introduit par le projet de loi. Mais le texte est ambigu sur ce point. Cet amendement prévoit explicitement cette possibilité.
M. le rapporteur. Je vous invite à retirer cet amendement au bénéfice de deux amendements à venir qui apportent les précisions que vous souhaitez.
M. Bernard Perrut. J’accepte de le retirer en comptant sur vous pour trouver une solution.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement de précision AS371 du rapporteur.
La Commission est saisie, en présentation commune, des amendements AS498 et AS499 du rapporteur.
M. le rapporteur. Voici les deux amendements que je viens d’évoquer. Le premier vise à préciser que le maintien d’une DUP dans son format actuel, c’est-à-dire sans le CHSCT, n’est possible que pour deux cycles électoraux à compter de l’entrée en vigueur du présent article. En effet, il s’agit de donner aux entreprises le temps de s’adapter sans toutefois laisser deux types de DUP coexister pour une durée illimitée, d’autant que l’une d’entre elles est vouée à perdre sa base légale avec l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions issues de cet article.
Le second amendement prévoit qu’à l’issue de cette période transitoire, les employeurs qui ont conservé une délégation unique du personnel dans l’ancien format devront soit la mettre en conformité avec les nouvelles règles introduites par la loi, soit mettre en place des institutions représentatives de droit commun.
Ces amendements corrigent les imprécisions du projet de loi tout en fixant une échéance pour régulariser la situation.
M. Gérard Cherpion. Je regrette que nous ayons retiré notre amendement car sa rédaction était bien meilleure, plus claire et plus simple pour un résultat identique.
M. le rapporteur. Votre amendement, en ne fixant pas de date butoir, laissait la possibilité de faire coexister les deux dispositifs, ce qui ne me semble pas souhaitable.
La Commission adopte successivement ces amendements.
La Commission adopte l’article 8 modifié.
*
Article 9
(art. L. 2391-1, L. 2391-2, L. 2391-3, L. 2392-1, L. 2392-2, L. 2392-3, L. 2393-1, L. 2393-2, L. 2393-3 et L. 2394-1 du code du travail)
Regroupement d’instances par accord majoritaire
dans les entreprises de plus de 300 salariés
Cet article s’offre comme le pendant de l’article 8, qui étend aux entreprises de moins de 300 salariés la possibilité de mettre en place une DUP, cette faculté étant pour l’heure réservée aux entreprises de moins de 200 salariés. Il s’agit ici d’apporter les souplesses nécessaires aux entreprises de plus de 300 salariés, en leur ouvrant la possibilité, sous réserve de la conclusion d’un accord majoritaire, de regrouper tout ou partie des institutions représentatives du personnel (IRP), autrement dit des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
I. LES IRP DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 300 SALARIÉS
A. DES OBLIGATIONS ACTUELLES ASSEZ LOURDES
Les entreprises de plus de 300 salariés sont soumises à l’obligation de mise en place de délégués du personnel – ceux-ci doivent en effet être désignés dans toute entreprise de plus de onze salariés ou comportant un ou plusieurs établissements de plus de onze salariés –, d’un comité d’entreprise – obligatoire pour toute entreprise de plus de cinquante salariés – et d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – qui doit être constitué dans tout établissement de plus de cinquante salariés, ce seuil s’appréciant aussi au niveau de l’entreprise.
En outre, dès lors qu’une entreprise ou un établissement dépasse le seuil de cinquante salariés, chaque syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages sur leur nom. Les syndicats non représentatifs peuvent également, dans les entreprises ou établissements de plus de cinquante salariés, désigner un représentant de section syndicale sous réserve d’avoir constitué une telle section. Aux termes de l’article L. 2324-2, enfin, tout syndicat représentatif dans une entreprise ou un établissement de plus de 300 salariés peut, à titre facultatif et à tout moment, désigner un représentant syndical au comité d’entreprise, qui assiste aux séances du comité d’entreprise avec voix consultative.
Dans les faits, d’après les données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) au titre de l’année 2011, au moins un délégué syndical est présent dans 95 % des entreprises de plus de 300 salariés. En outre, 91 % de ces entreprises comportent au moins un comité d’établissement ou un comité d’entreprise, 96 % d’entre elles comptent au moins un délégué du personnel, et 97 % d’entre elles sont couvertes par un CHSCT.
Pour les entreprises de plus de 300 salariés, les obligations liées aux compétences des instances représentatives du personnel sont en outre plus importantes que dans les entreprises de taille inférieure.
S’agissant du comité d’entreprise, la mise en place d’une commission pour l’égalité professionnelle et d’une commission de la formation est obligatoire pour toutes les entreprises dès 200 salariés (articles L. 2325-34 et L. 2325-26). À partir de 300 salariés, une commission d’information et d’aide au logement est également obligatoirement créée (article L. 2325-27). En outre, si l’entreprise dépasse le seuil de 1 000 salariés, elle est tenue de mettre en place une commission économique au sein du comité d’entreprise. Enfin, une entreprise qui emploie au moins 1 000 salariés dans des États membres de l’Union européenne
– dont au moins un établissement de 150 salariés dans au moins deux États membres – doit instituer un comité d’entreprise européen (article L. 2341-1).
Dans les grandes entreprises, les représentants du personnel élus ou désignés peuvent disposer d’un nombre d’heures de délégation plus important : ainsi, dans les entreprises de plus de 500 salariés, les représentants syndicaux au comité d’entreprise bénéficient également d’un crédit d’heures de 20 heures par mois au même titre que les membres titulaires du comité qui disposent de ce temps de délégation quel que soit l’effectif de l’entreprise. Au-delà de 300 salariés, les membres du CHSCT bénéficient de 10 heures par mois – puis 15 heures à compter de 500 salariés et 20 heures à compter de 1 500 salariés – contre 5 heures dans les entreprises de moins de 300 salariés et même 2 heures seulement dans les entreprises de moins de 100 salariés. Le nombre de jours de formation dont bénéficient les membres du CHSCT est également plus important dans les entreprises de plus de 300 salariés : alors qu’il ne représente que trois jours par an dans les entreprises de moins de 300 salariés, il s’établit à 5 jours par an au-delà de ce seuil.
Enfin, les entreprises composées d’établissements distincts sont confrontées à une problématique spécifique : celle de la mise en place d’instances représentatives du personnel à plusieurs niveaux, qui donne souvent lieu à la multiplication des informations et consultations de ces instances et donc à des redondances. La reconnaissance du caractère d’établissement distinct conduit en effet à la mise en place de délégués du personnel dès lors que l’établissement dépasse le seuil de 11 salariés. Par ailleurs, toute entreprise comportant des établissements distincts doit constituer des comités d’établissement et un comité central d’entreprise (CCE), et cela, quel que soit l’effectif des établissements en question (article L. 2327-1). Si le CCE exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l’entreprise qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement, les comités d’établissement exercent en revanche ces fonctions dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs d’établissement : autrement dit, lorsqu’un projet à l’échelle de l’entreprise a un impact propre sur un ou plusieurs établissements, ce sont les deux niveaux qui doivent obligatoirement être consultés. Il faut également noter que les comités d’établissement disposent des mêmes moyens de fonctionnement que le comité d’entreprise, qu’ils sont également dotés de la personnalité civile (article L. 2327-18) et ont donc la capacité d’ester en justice et de recourir à des expertises à leur niveau propre.
La loi ne définit pas la notion d’établissement distinct. Il est donc revenu à la jurisprudence le soin de définir les critères adaptés d’une représentation du personnel au niveau de ces établissements. Or, comme l’indique l’étude d’impact, ces critères sont sujets à interprétation. Si s’agissant du comité d’entreprise, le Conseil d’État privilégie, entre autres, le critère de l’autonomie de l’établissement, elle-même établie par l’existence d’une comptabilité propre, mais surtout l’existence de pouvoirs en matière de gestion du personnel et de pouvoirs de décision dans l’exécution du service, la Cour de cassation privilégie, s’agissant des délégués du personnel la notion de communauté de travail pour des salariés ayant des intérêts propres.
B. DES SOUPLESSES AUJOURD’HUI INSUFFISANTES
Les adaptations permises en matière de représentation du personnel sont aujourd’hui peu nombreuses et d’une ampleur limitée.
● Dans le cadre de la négociation du protocole préélectoral pour l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise, il est possible de s’accorder préalablement sur le nombre d’établissements distincts au sein de l’entreprise, ainsi que sur la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories de salariés. Rappelons toutefois qu’aux termes des articles L. 2314-3-1 (pour les délégués du personnel) et L. 2324-4-1 (pour le comité d’entreprise), la validité d’un protocole d’accord préélectoral est soumise à une condition de double majorité, à savoir son approbation par la majorité des syndicats ayant participé à sa négociation, dont les syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles (ou, le cas échéant, en cas d’indisponibilité de tels résultats, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise).
Par ailleurs, le nombre et la composition des collèges électoraux peuvent être modifiés par accord collectif ou dans le cadre du protocole d’accord préélectoral, à condition que l’accord en question soit signé par l’ensemble des syndicats représentatifs (article L. 2314-10 pour les délégués du personnel et article L. 2324-12 pour le comité d’entreprise).
Un accord de branche, de groupe ou d’entreprise peut également réduire la durée de mandat des délégués du personnel en la fixant entre deux et quatre ans (article L. 2314-27). Un accord entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les règles de la double majorité, peut augmenter le nombre des délégués du personnel (article L. 2314-1) ainsi que des membres du comité d’entreprise (article L. 2324-1).
● S’agissant spécifiquement du comité d’entreprise, l’article L. 2323-61 prévoit la possibilité pour l’employeur, dans les seules entreprises de plus de 300 salariés, d’adapter les modalités d’information du comité et le débat qui s’ensuit, moyennant un accord collectif de branche, de groupe ou d’entreprise. Cet accord peut regrouper l’ensemble des actuelles informations à caractère économique, social et financier prévues aux articles L. 2323-51, L. 2323-55 à L. 2323-57 et L. 3123-3 en un seul rapport dont la périodicité est au moins annuelle, et qui regroupe les éléments relatifs à l’activité et la situation financière de l’entreprise ; l’évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires ; le bilan du travail à temps partiel dans l’entreprise ; la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, ainsi que les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés dans l’entreprise. Il s’agit non pas de réduire les informations fournies au comité d’entreprise, mais simplement d’en faciliter la transmission en les regroupant au sein d’un seul et même bloc de données communiquées par l’employeur.
Cet accord dérogatoire définit également les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas de projet de licenciement économique collectif – soit du licenciement d’au moins dix salariés sur une période de trente jours consécutifs –, ainsi que les informations requises dans le cadre de la négociation triennale obligatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et sur la prévention des conséquences des mutations économiques.
● Enfin, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a ouvert la possibilité de recourir à la mise en place d’une instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en cas de projet commun à plusieurs d’entre eux, en vue d’organiser une expertise unique. Il s’agit toutefois d’une instance temporaire, qui n’a aucun caractère pérenne.
En dehors de ces éléments de souplesse, il n’existe aucune possibilité d’adaptation des modalités d’interaction de l’employeur avec les diverses instances représentatives du personnel.
Pourtant, permettre des adaptations et créer des voies d’assouplissement ne signifie aucunement un affaiblissement du dialogue au sein de l’entreprise, puisqu’il ne s’agit pas de revenir sur les fondements de la représentation des salariés. Permettre aux entreprises d’adapter les modalités de la consultation des représentants du personnel contribue au contraire à renforcer le dialogue au sein de l’entreprise, en permettant une meilleure circulation de l’information, une moindre segmentation des compétences propres de chaque instance, une plus grande rapidité et donc une plus grande efficacité des consultations ou informations requises.
II. LA POSSIBILITÉ DE REGROUPER LES IRP PAR VOIE D’ACCORD COLLECTIF DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 300 SALARIÉS
Cet article propose le second outil d’assouplissement en matière d’institutions représentatives du personnel. Le premier, prévu à l’article 8 du projet de loi, élargit, on l’a vu, la possibilité de recourir à une délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de moins de 300 salariés. Celui-ci concerne les entreprises de plus de 300 salariés, qui ne peuvent recourir à la DUP, et pour lesquelles il est donc proposé qu’un regroupement des instances représentatives du personnel puisse être opéré par voie d’accord.
Un accord majoritaire pourra donc, dans les entreprises de plus de 300 salariés, procéder au regroupement de l’ensemble des trois instances – comité d’entreprise (CE), délégués du personnel (DP) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – ou de deux seulement d’entre elles.
À cette fin, le présent article insère un nouveau titre IX à la fin du livre III (consacré aux institutions représentatives du personnel) de la deuxième partie (relations collectives du travail) du code du travail, spécifiquement consacré au « regroupement par accord des institutions représentatives du personnel ».
Ce titre IX comporte quatre chapitres relatifs successivement à la mise en place et aux attributions, à la composition et l’élection, au fonctionnement, et enfin, à la suppression de l’instance unique ou unifiée représentative du personnel.
A. LES CONDITIONS DE MISE EN PLACE D’UNE INSTANCE UNIFIÉE DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL
Le chapitre premier, qui comprend trois nouveaux articles numérotés L. 2391-1 à L. 2391-3, précise les modalités de mise en place d’une instance unifiée représentative du personnel, issue du regroupement de deux ou trois des instances existantes dans l’entreprise, ainsi que ses attributions.
1. Un regroupement à géométrie variable qui doit être déterminé par accord
Le nouvel article L. 2391-1 pose le cadre du regroupement des instances représentatives du personnel applicable dans les entreprises de plus de 300 salariés. Dans ces entreprises, un accord collectif peut prévoir le regroupement de deux des trois ou des trois instances représentatives du personnel existantes – à savoir, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
La majorité requise pour la conclusion d’un tel accord est une majorité renforcée. En effet, l’accord doit avoir été signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections de titulaires au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Notons avant tout que la référence à la délégation unique du personnel (DUP) dans ce cas – qui peut sembler inappropriée s’agissant d’entreprises de plus de 300 salariés qui ne peuvent pas constituer de DUP – permet de prendre en compte l’hypothèse où l’employeur signerait un accord avec les organisations syndicales au moment où l’effectif de l’entreprise franchit le seuil de 300 salariés et que cette entreprise disposait jusqu’alors d’une DUP : en effet, dans ce cas, l’élection de référence permettant de s’assurer que les organisations signataires représentent bien au moins 50 % des suffrages exprimés est celle des représentants du personnel à la DUP.
Rappelons ensuite que la règle de droit commun exigible pour la validité d’un accord est la double-règle suivante, prévue à l’article L. 2232-12 :
– L’accord doit avoir été signé par un ou plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel (DUP), ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;
– La validité de l’accord est subordonnée à l’absence d’opposition d’un ou de plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.
L’exigence d’une majorité renforcée, à hauteur de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, est liée à la sensibilité du sujet du regroupement des instances représentatives du personnel et à son impact important sur la vie de l’entreprise, d’où l’importance que cette question fasse l’objet d’un consensus suffisant. Une telle majorité renforcée est exigée aujourd’hui dans deux autres cas seulement : celui des accords de maintien de l’emploi (à l’article L. 5125-4 du code du travail) et dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (à l’article L. 1233-24-1 du même code).
Le regroupement n’est pas prédéterminé. Il revient à l’accord d’en définir les contours, la fusion pouvant donc recouvrir quatre configurations différentes :
– le regroupement du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;
– le regroupement des délégués du personnel et du comité d’entreprise ;
– le regroupement des délégués du personnel et du CHSCT ;
– et enfin, le regroupement des trois instances, comité d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT.
L’instance unifiée ainsi constituée a vocation à exercer l’ensemble des attributions des instances auxquelles elle se substitue.
L’instance unifiée ainsi constituée est dotée de la personnalité civile et de la capacité à gérer, le cas échéant, son patrimoine : si le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont chacun dotés de la personnalité civile (9), seul le comité d’entreprise est habilité à détenir et gérer un patrimoine, aux termes de l’article L. 2325-1. Ce n’est donc logiquement que si le regroupement des instances inclut le comité d’entreprise que la nouvelle instance unifiée aura vocation à assurer la gestion d’un patrimoine.
La mise en place de l’instance unifiée a lieu lors de la constitution ou du renouvellement de l’une des trois institutions. Concrètement, après la conclusion d’un accord organisant le regroupement de deux ou des trois instances représentatives du personnel, la mise en place de l’instance unifiée peut par exemple avoir lieu au plus prochain renouvellement de l’une des institutions représentatives du personnel.
L’accord doit enfin prévoir les conditions de la prorogation ou de la réduction des mandats des membres des institutions faisant l’objet d’un regroupement pour assurer la coïncidence de leur échéance avec la date de la mise en place de l’instance unifiée qui les remplace. Rappelons en effet que si le mandat des délégués du personnel comme des représentants élus du personnel au comité d’entreprise est de quatre ans (article L. 2314-26 pour les délégués du personnel et article L. 2324-24 pour le comité d’entreprise) et que les élections pour la désignation des représentants élus à ces deux instances ont lieu à la même date (article L. 2324-3), le mandat des représentants élus au CHSCT est quant à lui de deux ans (article R. 4613-5). En outre, il est, comme on l’a vu, possible de réduire la durée du mandat des délégués du personnel par accord collectif, ce qui conduit également à dissocier les durées respectives des mandats des membres du comité d’entreprise de ceux des délégués du personnel. Une harmonisation peut donc s’avérer indispensable.
2. La problématique particulière des entreprises composées d’établissements distincts
Afin de répondre à la problématique particulière de certaines grandes entreprises composées d’établissements distincts, qui sont confrontées au foisonnement des instances représentatives du personnel à deux niveaux – celui de l’entreprise et celui des établissements –, le nouvel article L. 2391-2 prévoit que l’instance unifiée peut être mise en place au niveau d’un ou plusieurs établissements, et selon des modalités de regroupement qui peuvent être différentes en fonction de chaque établissement.
En l’absence d’accord d’entreprise, le nouvel article L. 2391-3 crée la possibilité pour un accord d’établissement de prévoir un tel regroupement au sein de l’établissement.
L’objectif est bien de donner aux partenaires sociaux une marge de souplesse suffisante pour tenir compte des spécificités de chaque entreprise et de chaque établissement. Ainsi, par exemple, il est tout à fait possible d’envisager qu’au sein d’une entreprise, un établissement prévoie le regroupement du comité d’entreprise et des délégués du personnel, un autre la fusion du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et un troisième aucun regroupement de ses instances.
A. LA COMPOSITION ET L’ÉLECTION DE L’INSTANCE UNIFIÉE
Les règles relatives à la composition et à l’élection de l’instance unifiée représentative du personnel font l’objet du chapitre 2, qui comporte les nouveaux articles L. 2392-1 à L. 2392-3.
Le nouvel article L. 2392-1 prévoit que l’accord d’entreprise ou d’établissement qui initie le regroupement de deux ou trois des instances représentatives du personnel définit le nombre de représentants du personnel titulaires et suppléants qui ont vocation à être élus au sein de cette instance : un décret en Conseil d’État doit fixer des planchers en fonction de la taille de l’entreprise ou de l’établissement.
Le rapporteur regrette de ne pas avoir pu réunir d’éléments précis sur le niveau auquel seront fixés ces planchers, en fonction de la taille de l’entreprise, mais également du nombre d’instances regroupées. Il a néanmoins pu obtenir l’engagement que ces seuils ne seraient pas inférieurs à l’addition des effectifs actuels de chaque instance qui fera l’objet du regroupement.
Le tableau suivant retrace le nombre des délégués du personnel, ainsi que des représentants des salariés élus respectivement au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en fonction de la taille de l’entreprise. Notons que pour chacune des instances, le nombre de représentants suppléants est le même que le nombre de titulaires.
NOMBRE DE REPRÉSENTANTS TITULAIRES ÉLUS AU TITRE DE CHAQUE INSTITUTION REPRÉSENTATIVE DU PERSONNEL EN FONCTION DE LA TAILLE DE L’ENTREPRISE
Nombre de salariés de l’entreprise |
Délégués du personnel |
Comité d’entreprise |
CHSCT |
11 à 25 |
1 |
– |
– |
26 à 49 |
2 |
– |
– |
50 à 74 |
3 |
3 (dont 1 cadre) | |
75 à 99 |
3 |
4 | |
100 à 124 |
4 |
5 | |
125 à 174 |
5 | ||
175 à 199 |
6 | ||
200 à 249 |
4 (dont 1 cadre) | ||
250 à 399 |
7 | ||
400 à 499 |
6 | ||
500 à 749 |
8 |
6 (dont 1 cadre) | |
750 à 999 |
9 |
7 | |
1 000 à 1 499 |
+1 par tranche de 250 salariés |
8 | |
1 500 à 1 999 |
9 (dont 3 cadres) | ||
2 000 à 2 999 |
9 | ||
3 000 à 3 999 |
10 | ||
4 000 à 4 999 |
11 | ||
5 000 à 7 499 |
12 | ||
7 500 à 9 999 |
13 | ||
À partir de 10 000 |
15 |
Le premier alinéa du nouvel article L. 2392-2 prévoit que les représentants syndicaux au comité d’entreprise assistent aux réunions de l’instance unifiée qui portent sur les attributions dévolues au comité d’entreprise.
Rappelons en effet qu’aux termes de l’article L. 2324-2, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, chaque syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement peut à tout moment désigner un représentant syndical au comité d’entreprise : ce ou ces représentants (en principe, un par syndicat) assistent aux séances du comité d’entreprise avec voix consultative. Il convient de les distinguer du délégué syndical qui est quant à lui soumis à conditions de score électoral aux dernières élections professionnelles. Dans le cas du représentant syndical au comité d’entreprise, les seules conditions exigées sont d’être âgé d’au moins 18 ans et de justifier d’une ancienneté d’au moins un an.
S’agissant des attributions traditionnellement dévolues au CHSCT, le second alinéa du nouvel article L. 2392-2 dispose que les personnes habilitées à assister aux réunions du CHSCT avec voix consultative assistent dans les mêmes conditions aux réunions de la nouvelle instance qui portent sur les attributions dévolues au CHSCT.
Rappelons qu’aux termes des articles L. 4613-1 et L. 4613-2, le CHSCT est composé de l’employeur, d’une délégation du personnel élue par un collège constitué par les membres élus du comité d’entreprise et les délégués du personnel, ainsi que par des personnes assistant avec voix consultative aux séances du comité, compte tenu de leur fonction dans l’établissement (dont obligatoirement le médecin du travail et l’inspecteur du travail).
La liste des membres à voix consultative est fixée par décret en Conseil d’État. Outre donc le médecin du travail et l’inspecteur du travail, prévus par la loi, ces membres sont les suivants :
– le responsable du service de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, l’agent chargé de la sécurité et des conditions de travail (article R. 4614-2) ;
– l’agent du service de prévention de l’organisme de sécurité sociale (article R. 4614-3) ;
– ainsi qu’à titre occasionnel, toute personne de l’établissement qui paraît qualifiée au CHSCT (article L. 4612-8-1).
Enfin, de la même manière qu’aux termes de l’article L. 4614-11, l’inspecteur du travail est prévenu de toutes les réunions du CHSCT et peut y assister, le nouvel article L. 4613-2 dispose qu’il peut assister aux réunions de la nouvelle instance unifiée pour les réunions portant sur les attributions du CHSCT.
Le nouvel article L. 2392-3 fixe enfin le cadre de l’élection des membres de l’instance unifiée représentative du personnel :
– lorsque le regroupement concerne le comité d’entreprise (autrement dit, en cas de fusion du comité d’entreprise et des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CSHCT ou du comité d’entreprise, du CHSCT et des délégués du personnel), les élections se déroulent dans les conditions applicables aux élections du comité d’entreprise prévues aux articles L. 2324-1 à L. 2324-28 ;
– dans le seul autre cas possible, autrement dit, dans l’hypothèse d’une fusion du CHSCT et des délégués du personnel, les élections se déroulent dans les conditions prévues aux articles L. 2314-2 à L. 2314-25 pour l’élection des délégués du personnel.
B. LE FONCTIONNEMENT DE L’INSTANCE UNIFIÉE REPRÉSENTATIVE DU PERSONNEL
Les nouveaux articles L. 2393-1 à L. 2393-3 regroupés au sein du chapitre 3 précisent le fonctionnement de l’instance unifiée représentative du personnel.
Le nouvel article L. 2393-1 fixe le cadre obligatoire de fonctionnement de l’instance, en renvoyant à l’accord d’entreprise ou d’établissement qui initie la fusion le soin de déterminer :
– le nombre minimal de réunions de l’instance, qui ne peut être inférieur à au moins une réunion tous les deux mois ;
– les modalités d’établissement et de communication de l’ordre du jour aux représentants du personnel ;
– le rôle respectif des membres titulaires et des membres suppléants de l’instance ;
– le nombre d’heures de délégation dont bénéficient les membres de l’instance pour l’exercice de leurs attributions, qui ne peut être inférieur à un plancher fixé par décret en Conseil d’État en fonction des effectifs de l’entreprise ou de l’établissement, et des compétences de l’instance ;
– le nombre de jours de formation dont bénéficient les membres de l’instance, qui ne peut être inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État ;
– et enfin, lorsque le regroupement concerne le CHSCT, l’accord fixe obligatoirement d’une part, la composition et le fonctionnement au sein de la nouvelle instance unifiée d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à laquelle peuvent être confiées tout ou partie des attributions reconnues au CHSCT ; et d’autre part, le nombre minimal de réunions de l’instance consacrées à ces matières, qui ne peut être inférieur à quatre par an.
Dans l’hypothèse d’une fixation par accord collectif du nombre de réunions au niveau du plancher légal, l’instance unifiée représentative du personnel se réunirait six fois par an : quatre de ces réunions seraient consacrées aux problématiques d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il s’agit là de ne pas marginaliser la prise en compte des conditions de travail et de la santé au travail dans le cadre de la nouvelle instance. Toutefois, a minima, cela conduirait à ne plus pouvoir consacrer que deux réunions à l’ensemble des autres questions, relatives à la situation économique et financière de l’entreprise, aux orientations stratégiques de l’entreprise, à l’emploi, à l’organisation du travail, à l’égalité professionnelle ou encore à la formation, etc.
Notons que la détermination par l’accord du nombre de jours de formation dont bénéficient les membres de l’instance regroupée revêt une importance particulière dès lors que tous les membres de l’instance seront amenés à se prononcer sur l’ensemble des sujets dont celle-ci sera saisie. Une formation spécifique et renforcée pourrait donc légitimement être envisagée dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence initiale des personnes concernées - sujets économiques pour les anciens membres du CHSCT et sujets relatifs à la santé et à la sécurité au travail pour les anciens membres du comité d’entreprise par exemple. À tout le moins faut-il espérer que le décret en Conseil d’État qui a vocation à fixer un plancher en la matière tienne bien compte de la nécessité de renforcer la formation pour garantir le bon fonctionnement de l’instance regroupée.
Le tableau suivant présente les règles actuellement applicables au fonctionnement de chacune des trois instances.
Délégués du personnel |
Comité d’entreprise |
CHSCT | |
Nombre minimal de réunions |
– Au moins une fois par mois. |
– Moins de 150 salariés : au moins une fois tous les 2 mois (sauf existence d’une DUP) – Plus de 150 salariés : Au moins une fois par mois. – À la demande de la majorité des membres du CE. |
– Au moins une fois par trimestre à l’initiative du chef d’établissement ; – À la suite de tout accident ; – En cas d’événement grave lié à l’activité de l’établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement ; – À la demande motivée de deux des membres du CHSCT |
Modalités d’établissement et de communication de l’ordre du jour |
– Obligation de convocation de l’ensemble des DP suffisamment tôt à l’avance pour qu’ils puissent être en mesure de communiquer leurs questions 2 jours avant la date de la réunion. – À la demande des DP en cas d’urgence ou pour des questions spécifiques. |
– ODJ arrêté conjointement par le président et le secrétaire. Les consultations obligatoires sont inscrites de plein droit à l’ODJ. Lorsque la réunion est convoquée à la demande des membres du CE, les questions jointes à cette demande figurent obligatoirement à l’ODJ. – Convocation obligatoire de tous les membres du CE (titulaires, suppléants et représentant syndicaux) et communication de l’ODJ au moins 3 jours avant la séance. |
– ODJ établi conjointement par le président et le secrétaire, sans possibilité de modification unilatérale par l’employeur – ODJ transmis aux membres du CHSCT, à l’IT aux agents des services de prévention des OSS par le président au moins 3 jours avant la date de la réunion en cas de consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs et 15 jours avant dans les autres cas, sauf urgence. – Les documents devant être examinés lors de la réunion doivent être joints à l’ODJ. |
Rôle respectif des membres titulaires et suppléants |
– Participation aux réunions des DP titulaires comme suppléants, mais de droit d’intervenir pour ces derniers, rôle limité à la formation et à l’information. |
– Possibilité d’exprimer son avis pour tout membre du CE – Droit de vote : seulement membres titulaires (suppléants seulement quand remplacent un titulaire). |
|
Nombre d’heures de délégation |
– Entre 11 et 49 salariés : 10 heures par mois. – Au-delà de 50 salariés : 15 heures par mois. – Quand les DP exercent les attributions économiques du CE, 20 heures par mois. |
– 20 heures par mois pour les membres titulaires du CE et les représentants syndicaux au CE dans les entreprises d’au moins 501 salariés. |
Jusqu’à 100 salariés : 2 heures par mois De 100 à 300 salariés : 5 heures par mois De 300 à 500 salariés : 10 heures par mois De 500 à 1 500 salariés : 15 heures par mois Au-delà de 1 500 salariés : 20 heures par mois. |
Nombre de jours de formation |
– Lorsqu’ils exercent les attributions économiques du CE, 5 jours de formation économique par an. – Lorsqu’ils exercent les missions du CHSCT, 3 jours de formation par an dans les entreprises de moins de 300 salariés. |
– 5 jours de formation économique pour les membres titulaires du CE nouvellement élus ou après 4 ans d’exercice de mandat. |
Établissements d’au moins 300 salariés : formation initiale ou au renouvellement après 4 ans de mandat de 5 jours. Établissements de moins de 300 salariés : 3 jours |
À défaut d’accord sur les règles applicables en matière de nombre de représentants, de jours de formation et d’heures de délégation, le nouvel article L. 2393-3 prévoit que ces règles seront fixées par décret en Conseil d’État ; les autres règles de fonctionnement de l’instance (autrement dit, les règles relatives à la fréquence des réunions, aux modalités d’établissement et de communication de l’ordre du jour, au rôle respectif des membres titulaires et suppléants, à la composition et au fonctionnement d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail le cas échéant, ainsi qu’à l’éventuelle mise en place des commissions qui sont traditionnellement celles du comité d’entreprise) obéiront aux règles prévues pour le comité d’entreprise lorsque la fusion concerne le comité d’entreprise, et à celles prévues pour le CHSCT lorsque le regroupement ne concerne pas le comité d’entreprise.
Votre rapporteur regrette de ne pas avoir pu obtenir d’informations plus précises quant aux niveaux auxquels seront définis ces différents seuils. Il espère vivement que les débats permettront d’apporter les garanties suffisantes.
Le nouvel article L. 2393-2 précise que l’accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir la mise en place des commissions spécifiques au comité d’entreprise : une commission économique (article L. 2325-23), une commission de la formation (article L. 2325-26), une commission d’information et d’aide au logement (article L. 2325-27) et une commission de l’égalité professionnelle (article L. 2325-34). Ces commissions peuvent être créées dans le cadre de la nouvelle instance unifiée, mais ne revêtent pas un caractère obligatoire. En revanche, dès lors que l’instance remplit les critères par ailleurs réunis par le comité d’entreprise pour la mise en place obligatoire d’une commission des marchés, la création d’une telle commission devient également obligatoire dans le cadre de l’instance unifiée.
Rappelons qu’aux termes de l’article L. 2325-34-1, une commission des marchés doit obligatoirement être mise en place dans les comités d’entreprise qui dépassent deux des trois seuils mentionnés au II de l’article L. 2325-45, autrement dit 50 salariés en équivalent temps plein, 1,55 million d’euros de bilan et 3,1 millions d’euros de ressources.
S’agissant des autres commissions, leur création obligatoire au sein du comité d’entreprise est soumise à la condition de dépassement d’un seuil d’effectifs pour l’entreprise : ce seuil est de 1 000 salariés pour la commission économique, de 200 salariés pour la commission de la formation et la commission de l’égalité professionnelle, et de 300 salariés pour la commission d’information et d’aide au logement. L’article 16 du présent projet de loi prévoir en outre de porter de 200 à 300 salariés le seuil de création obligatoire d’une commission de la formation et d’une commission de l’égalité professionnelle. En deçà de ces seuils respectifs, il est loisible au comité d’entreprise de créer de telles commissions (article L. 2325-22), mais cela reste une simple faculté.
La rédaction retenue par le nouvel article L. 2393-2 conduit à rendre totalement facultatives la mise en place de ces commissions – à l’exception notable de la commission des marchés – même dans les entreprises dépassant le seuil de 300 ou de 1 000 salariés.
C. LES MODALITÉS DE SUPPRESSION DE L’INSTANCE UNIFIÉE DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL
Le chapitre IV comporte un nouvel article unique – l’article L. 2394-1 - qui explicite les conditions de suppression de l’instance de regroupement des institutions représentatives du personnel.
Rappelons la procédure classique applicable pour la dénonciation d’un accord. Elle est prévue aux articles L. 2261-9 et suivants : la dénonciation suppose avant tout le respect d’un préavis de trois mois et doit être notifiée par son auteur aux autres signataires de l’accord. En outre :
– Lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou de la totalité des signataires salariés, l’accord continue de produire des effets jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui se substitue à lui ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure. Une nouvelle négociation s’engage à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la date de la dénonciation de l’accord.
– Lorsque la dénonciation est le fait d’une partie seulement des signataires employeurs ou des signataires salariés, l’accord continue de s’appliquer aux autres parties signataires. Les dispositions de l’accord continuent de produire effet à l’égard des auteurs de la dénonciation jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée supérieure.
Il convient de noter que s’agissant d’un accord d’entreprise ou d’établissement organisant la mise en place d’une instance unifiée de représentation du personnel, il n’y a de toute évidence qu’une seule partie signataire du côté de l’employeur. Autrement dit, soit la dénonciation est le fait de l’employeur – ce qui n’est pas à exclure, mais ne semble pas le cas le plus probable –, soit elle est le fait de l’ensemble des signataires salariés, soit d’un ou d’une partie seulement d’entre eux.
Par dérogation à la procédure classique prévue à l’article L. 2261-10 (autrement la dénonciation qui émane de la totalité des signataires salariés), la dénonciation de l’accord d’entreprise ou d’établissement qui a initié le regroupement des institutions représentatives du personnel prend effet dès l’expiration du délai de préavis de trois mois. L’employeur est en conséquence tenu de procéder à l’élection des membres ou à la désignation des institutions auparavant regroupées. Les mandats des membres de l’instance unifiée sont prorogés jusqu’à la date de mise en place de ces institutions.
*
Lors de son examen du texte, et outre une série d’amendements rédactionnels et de coordination, votre commission a adopté deux amendements du rapporteur :
– le premier (AS 504) qui clarifie la possibilité de mettre en place par accord majoritaire une instance regroupée dans les entreprises des unités économiques et sociales (UES) de plus de 300 salariés, quel que soit par ailleurs l’effectif des entreprises en relevant ;
– le second (AS 492), qui précise, à l’instar de la rédaction retenue à l’article 8 pour la délégation unique du personnel (DUP), que les réunions que l’instance regroupée doit consacrer aux sujets relatifs à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail portent bien « en tout ou partie » sur ce sujet.
*
La Commission examine l’amendement AS328 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Cet article permet de mettre en place un regroupement d’instances à géométrie variable. L’instance unifiée peut comprendre toutes les institutions représentatives du personnel ou seulement certaines d’entre elles, selon ce que l’accord prévoit. Ce regroupement donnera lieu à une nouvelle instance sui generis qui se substituera aux autres. Il s’agit d’un pas de plus vers la fusion des instances à laquelle nous sommes opposés.
M. le rapporteur. Je vous rappelle que ce regroupement est conditionné à la signature d’un accord « ultramajoritaire » puisqu’il requiert l’approbation d’organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
Cette exigence me semble être une garantie suffisante pour s’assurer de l’adhésion des organisations syndicales à tout projet de regroupement et prévenir toute fusion.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie des amendements identiques AS207 de M. Gérard Cherpion, AS258 de M. Francis Vercamer et AS397 de Mme Éva Sas.
M. Bernard Perrut. Cet amendement propose d’abaisser à 50 salariés le seuil à partir duquel le regroupement des instances est possible. Ce seuil est plus pertinent car il correspond à celui à partir duquel peuvent être désignés des délégués syndicaux, et donc négociés des accords collectifs. Pourquoi une entreprise de 150 salariés devrait-elle forcément choisir la DUP si elle est en capacité de négocier un regroupement d’instances ?
M. Francis Vercamer. Le groupe UDI plaide pour la réduction des seuils. Le seuil de trois cents salariés semble inapproprié car il vient s’ajouter aux seuils existants, sans pour autant être commun aux autres pays européens, favorisant ainsi une possible concurrence déloyale. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux amendements déposés sur l’article 8.
M. Christophe Cavard. Nous souhaitons favoriser les accords d’entreprise pour les entreprises de moins de 300 salariés.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Les amendements sont identiques, bien que les approches ne soient pas forcément les mêmes. Cela étant, ce que vous proposez revient à supprimer la possibilité de recourir à une DUP. C’est un recul, y compris par rapport au droit existant.
La Commission rejette les amendements.
La Commission examine l’amendement AS4 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. L’article 9 prévoit la possibilité pour les entreprises de plus de 300 salariés de regrouper, par accord majoritaire, les différentes instances – CE, DP, CHSCT – en fonction de leur organisation particulière. Cet amendement inverse la logique en prévoyant que le regroupement des instances soit obligatoire. L’accord majoritaire entérine alors la mise en place du regroupement.
Cet amendement s’inscrit dans une volonté de simplification et d’allégement des contraintes s’imposant aux entreprises de plus de 300 salariés.
M. le rapporteur. En réalité, vous rendez obligatoire la conclusion d’un accord de fusion des institutions représentatives du personnel (IRP) dans les entreprises de plus de 300 salariés. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS52 du rapporteur.
La Commission est saisie de l’amendement AS215 de M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Un accord collectif d’entreprise majoritaire peut regrouper totalement ou partiellement les trois institutions de représentation du personnel, sous réserve que l’instance résultant du regroupement exerce l’ensemble des attributions des institutions concernées par ce regroupement.
Ces regroupements, qui vont permettre d’adapter le fonctionnement des instances représentatives aux besoins de l’entreprise, sont bénéfiques à leur compétitivité.
Il serait donc souhaitable de permettre aux entreprises n’ayant pas conclu d’accord, d’accéder à ce dispositif par accord de branche.
M. le rapporteur. Il est paradoxal, à propos de dialogue social, de prévoir qu’un accord de branche puisse s’imposer dans la fusion des IRP.
Il y a des spécificités propres à chaque entreprise. Objectivement, ce que vous proposez ne me semble pas constituer une avancée en termes de dialogue social tel que nous le définissons dans le texte.
M. Francis Vercamer. En inversant la hiérarchie des normes, M. le rapporteur va dans mon sens. Il considère que l’accord d’entreprise est supérieur à l’accord de branche puisqu’il ne veut pas que l’on intègre l’accord de branche dans le texte. Nous aurons sans doute sur ce sujet un débat en séance publique.
M. le rapporteur. En l’occurrence, nous parlons de l’organisation des IRP dans l’entreprise. Je ne suis pas sûr que le débat que vous évoquez ait la teneur que vous attendez…
La Commission rejette l’amendement.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS53, AS54 et AS55 de M. le rapporteur.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS313 de Mme Jacqueline Fraysse.
La Commission examine l’amendement AS504 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement propose que la possibilité de regrouper les IRP soit ouverte aux entreprises relevant d’une unité économique et sociale de plus de 300 salariés. Il précise les conditions dans lesquelles il est possible d’opérer ce regroupement, soit par accord d’entreprise au niveau des entreprises elles-mêmes, soit par le biais d’un accord commun au sein de l’unité économique et sociale.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS56, AS57 et AS58 du rapporteur.
La Commission examine l’amendement AS308 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement propose que le nombre d’élus dans les délégations uniques du personnel (DUP) de plus de 300 salariés ne puisse pas être inférieur à l’addition du nombre des élus des différentes instances. Nous en avons déjà parlé ce matin.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable. Je ne reprendrai pas les arguments développés ce matin : Je considère pour ma part que, globalement, les moyens sont là. Mme Fraysse voudrait qu’ils soient analysés instance par instance.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS59, AS60, AS61, AS62 et AS63 du rapporteur.
La Commission est saisie des amendements identiques AS149 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi et AS311 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. L’amendement AS149 est défendu. Nous en avons largement débattu ce matin.
Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS311 vise à garantir une réunion de la délégation unique du personnel par mois plutôt que tous les deux mois.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS64 et AS65 du rapporteur.
La Commission examine l’amendement AS312 de Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Je propose que le nombre total des heures ne puisse en aucun cas être inférieur à l’addition du nombre d’heures accordées aux élus dans chaque institution lorsque celles-ci sont déjà mises en place.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement AS492 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement revient sur les quatre réunions spécifiques consacrées aux sujets relevant des CHSCT. À l’instar de la rédaction prévue à l’article 8 pour les réunions de la DUP élargie sur les sujets relatifs à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, cet amendement propose de préciser que ces réunions seront bien consacrées « en tout ou partie » à ces sujets. Ce faisant, nous mettons en avant l’importance du CHSCT.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission en vient à l’amendement AS150 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.
Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Amendement de cohérence avec mon amendement AS149.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS66, AS67, AS68, AS69, AS70 et AS71 du