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Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 2832

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE (1) CHARGÉE D’EXAMINER LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT (n° 2690), visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées,

PAR Mme Maud OLIVIER,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1437, 1558 et T.A. 252.

Sénat : 207, 697, 698, 590 (2013-2014) et T.A. 85 (2014-2015).

La commission spéciale est composée de :

M. Guy Geoffroy, président ; Mme Marie-George Buffet, M. Charles de Courson, Mme Catherine Coutelle, vice-présidents ; M. Sergio Coronado, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Laurence Dumont, M. Gwendal Rouillard, secrétaires ; Mme Maud Olivier, rapporteure ; M. Élie Aboud, Mme Nicole Ameline, M. Pierre Aylagas, Mme Huguette Bello, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Sabine Buis, Mme Sylviane Bulteau, Mme Colette Capdevielle, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Dino Cinieri, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, Mme Pascale Crozon, Mme Seybah Dagoma, M. Bernard Debré, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Martine Faure, Mme Marie-Louise Fort, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Marc Germain, M. Claude Goasguen, M. Philippe Goujon, Mme Claude Greff, Mme Arlette Grosskost, Mme Edith Gueugneau, Mme Chantal Guittet, M. Guénhaël Huet, Mme Françoise Imbert, M. Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Valérie Lacroute, Mme Sonia Lagarde, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Viviane Le Dissez, Mme Lucette Lousteau, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Sandrine Mazetier, M. Jacques Moignard, M. Pierre Morel-A-L’Huissier, Mme Dominique Nachury, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Patrice Prat, Mme Catherine Quéré, M. Frédéric Reiss, Mme Sophie Rohfritsch, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, Mme Sylvie Tolmont, M. Philippe Vitel, M. Éric Woerth, M. Michel Zumkeller.

SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 7

INTRODUCTION 9

I. DES POINTS DE CONVERGENCE ENTRE NOS DEUX ASSEMBLÉES 11

A. UNE MINORITÉ D’ARTICLES ADOPTÉS SANS MODIFICATION 11

B.  PLUSIEURS DISPOSITIONS ADOPTÉES DANS DES TERMES DIFFÉRENTS MAIS AVEC DES OBJECTIFS COMMUNS 12

1. Mieux lutter contre les réseaux d’exploitation sexuelle 12

2. Mieux accompagner les personnes prostituées souhaitant rompre avec l’activité prostitutionnelle 13

3. Mieux informer les jeunes sur les réalités de la prostitution 15

II. DES DÉSACCORDS SUBSTANTIELS ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES 15

A. SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’ADMISSION AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS VICTIMES DE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS OU DU PROXÉNÉTISME 15

B. SUR LA RESPONSABILISATION DU CLIENT ET LA PROTECTION PÉNALE DES PERSONNES VICTIMES DE LA PROSTITUTION 16

III. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À LA PROPOSITION DE LOI PAR LA COMMISSION SPÉCIALE 18

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 31

Article 1er (art. 6 et 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) : Renforcement de la lutte contre les réseaux de traite
et de proxénétisme agissant sur Internet
31

Article 1er bis (art. L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles) : Extension des formations sociales aux professionnels et personnels engagés dans la prévention de la prostitution 38

Article 1er ter A (supprimé) : Domiciliation des personnes prostituées 40

Article 1er ter (art. 706-34-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Protection des personnes victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme ou de la prostitution 42

Article 1er quater (supprimé) : Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les actions de coopération internationale et européenne pour la lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme et l’impact de la loi sur la prostitution dans les zones transfrontalières 47

Article 1er quinquies (nouveau) (art. L. 8112-2 du code du travail) : Extension du champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains 48

Article 3 (art. L. 121-9 et L. 121-10 du code de l’action sociale et des familles ; art. 42 et 121 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) : Création d’un parcours de sortie de la prostitution et codification d’une disposition de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure 50

Article 3 bis (nouveau) (art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation) : Extension de la liste des publics prioritaires pour l’attribution de logements sociaux 59

Article 4 : Création d’un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement des personnes prostituées 61

Article 6 (art. L. 316-1, L. 316-1-1 [nouveau] et L. 316-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme 62

Article 8 (art. L. 851-1 du code de la sécurité sociale) : Extension de l’allocation de logement temporaire aux associations agréées pour l’accompagnement des victimes de la prostitution 69

Article 9 (art. L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles) : Extension aux victimes du proxénétisme et de la prostitution de l’accueil en centres d’hébergement et de réinsertion sociale dans des conditions sécurisantes 70

Article 9 bis (art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, 222-24 et 222-28 du code pénal) : Aggravation des sanctions à l’encontre des personnes ayant commis des faits de violence à l’encontre de personnes prostituées 71

Article 11 (art. 2-22 du code de procédure pénale) : Admission des associations dont l’objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l’action sociale en faveur des personnes prostituées, à exercer les droits reconnus à la partie civile 73

Article 13 (art. 225-10-1 du code pénal) : Transposition de la directive européenne du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et abrogation, en conséquence, de l’article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage 75

Article 14 (art. 225-20 et 225-25 du code pénal ; art. 398-1 du code de procédure pénale) : Coordinations dans le code pénal et le code de procédure pénale liées
à l’abrogation du délit de racolage
78

Article 14 ter (art. L. 1181-1 [nouveau] du code de la santé publique) : Mise en œuvre de la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées 78

Article 15 (art. L. 312-17-1-1 [nouveau] du code de l’éducation) : Ajout de l’information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps parmi les thématiques relevant de l’éducation à la santé et à la sexualité 80

Article 15 bis A (supprimé) (art. L. 312-17-1 du code de l’éducation) : Ajout de l’information sur les réalités de la prostitution aux thématiques relevant de l’éducation à la santé et à la sexualité 82

Article 15 bis (art. L. 312-16 du code de l’éducation) : Amélioration de l’information
et de l’éducation à la sexualité
83

Article 16 (art. 225-12-1, 225-12-2 et 225-12-3 du code pénal ; art. L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles) : Création d’une infraction de recours à la prostitution punie de la peine d’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe 84

Article 17 (art. 131-16, 131-35-1 et 225-20 du code pénal ; art. 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale) : Création d’une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels 88

Article 18 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application de la loi 89

Titre de la proposition de loi 93

TABLEAU COMPARATIF 97

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du 2 juin 2015, la commission spéciale a adopté, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, en lui apportant les principales modifications suivantes :

—  À l’article 6, la commission spéciale a, sur proposition de la rapporteure, réintroduit la condition de cessation de l’activité de prostitution pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour accordée aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains engagées dans le « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » ;

—  La commission spéciale a adopté deux amendements de la rapporteure rétablissant, à l’article 9 bis, l’aggravation des peines encourues par les personnes auteures de faits de violence à l’encontre de personnes prostituées et, à l’article 13, l’abrogation du délit de racolage ;

—  À l’initiative de la rapporteure et de son président, la commission spéciale a respectivement rétabli, aux articles 16 et 17, l’infraction de recours à la prostitution ainsi que la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission spéciale est saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi « visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées », adoptée par le Sénat, en première lecture, le 30 mars 2015.

Cette proposition de loi, déposée sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013 par M. Bruno Le Roux et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) et apparentés, alors intitulée proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », comportait à l’origine vingt et un articles. À l’issue de son examen par notre assemblée, elle en comptait vingt-quatre (2).

Le Sénat, qui a, lui aussi, confié à une commission spéciale le soin d’examiner le texte, a supprimé huit articles et en a adopté huit sans changement. Nombre de modifications sont issues du travail effectué en Commission, laquelle a d’abord été présidée par M. Jean-Pierre Godefroy et, à la suite de sa démission, le 17 mars 2015, par M. Jean-Pierre Vial (3).

Vingt-trois articles restent en navette.

Les débats dans chacune des deux assemblées ont fait apparaître plusieurs points de convergence : la nécessité de renforcer la lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme, agissant notamment sur Internet, d’améliorer significativement l’accompagnement des personnes prostituées, victimes ou non de réseaux d’exploitation sexuelle, souhaitant rompre avec leur activité, ou encore de mieux informer les jeunes sur les réalités de la prostitution, largement méconnues (I).

En revanche, de réels points de désaccord, portant sur des sujets essentiels à l’équilibre de la réforme, demeurent (II).

I. DES POINTS DE CONVERGENCE ENTRE NOS DEUX ASSEMBLÉES

En dépit des modifications apportées par le Sénat à la majorité des articles de la proposition de loi, députés et sénateurs partagent une ambition commune : lutter contre l’exploitation sexuelle sous toutes ses formes et mettre en place une véritable politique publique d’aide et d’accompagnement des personnes prostituées, en leur offrant, notamment, la possibilité de s’engager dans un processus de réinsertion sociale et professionnelle structuré.

A. UNE MINORITÉ D’ARTICLES ADOPTÉS SANS MODIFICATION

Huit articles ont été adoptés conformes par le Sénat :

––  les articles 2 et 5, dont les dispositions avaient été transférées à l’article 3 de la proposition de loi en première lecture et que notre assemblée avait, par coordination, supprimés ;

––  l’article 7, également supprimé par l’Assemblée nationale, dont les dispositions apparaissaient contraires au principe d’égalité ;

––  l’article 10, qui modifie l’article 706-3 du code de procédure pénale afin d’ouvrir aux victimes de proxénétisme un droit à la réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans que soit nécessaire la preuve d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

––  l’article 12, qui modifie, quant à lui, l’article 306 du code de procédure pénale dans le but de rendre le huis clos de droit, à la demande de la victime ou de l’une des victimes lorsque se tient, en cour d’assises ou devant le tribunal correctionnel, un procès pour traite ou proxénétisme aggravé ;

––  l’article 19, supprimé par notre assemblée en première lecture, qui prévoyait de différer de six mois l’entrée en vigueur des articles de la proposition de loi ayant pour objet, d’une part, d’abroger le délit de racolage public (article 13) et d’en tirer les conséquences dans plusieurs articles du code pénal et du code de procédure pénale (article 14), et, d’autre part, d’instituer une infraction de recours à l’achat d’actes sexuels punie, à titre principal, de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (article 16), et, à titre complémentaire, de l’obligation d’effectuer un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution (article 17) ;

––  l’article 20, qui vise à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna et en Polynésie française, les dispositions de la loi qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi ;

––  l’article 21, lui aussi supprimé par notre assemblée, qui prévoyait le gage financier des dispositions du présent texte afin d’en assurer la recevabilité financière.

B. PLUSIEURS DISPOSITIONS ADOPTÉES DANS DES TERMES DIFFÉRENTS MAIS AVEC DES OBJECTIFS COMMUNS

1. Mieux lutter contre les réseaux d’exploitation sexuelle

Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 1er, qui a pour objet de renforcer la lutte contre les réseaux d’exploitation sexuelle agissant sur Internet, imposait aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et aux hébergeurs de sites Internet de concourir à la lutte contre la diffusion des infractions de traite des êtres humains (article 225-4-1 du code pénal), de proxénétisme (article 225-5) et des infractions qui lui sont assimilées (article 225-6).

Toutefois, les sénateurs ont adopté, en séance publique, deux amendements identiques de Mmes Chantal Jouanno et Michelle Meunier, rapporteure de la commission spéciale du Sénat, complétant cet article par une disposition, déjà présente dans le texte initial, destinée à permettre à l’autorité administrative de notifier aux FAI les adresses électroniques des sites Internet qui facilitent les activités de proxénétisme et de traite des êtres humains, afin de permettre leur blocage immédiat.

Sur proposition du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, la commission spéciale du Sénat a, par ailleurs, introduit un article 1er quinquies visant à compléter l’article L. 8112-2 du code du travail dans le but d’étendre le champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains.

À l’article 4, qui met en place, au sein du budget de l’État, un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, la commission spéciale du Sénat a, également sur proposition du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, adopté un amendement ayant pour objet de :

––   prévoir que l’intégralité des recettes provenant de la confiscation des biens et produits des personnes condamnées pour proxénétisme, prévue à l’article 225-24 du code pénal, abonderait le fonds ;

––  modifier ce même article 225-24 afin d’appliquer aux personnes reconnues coupables de traite des êtres humains les dispositions, déjà applicables aux personnes condamnées pour proxénétisme, relatives à la confiscation des biens ayant servi directement ou indirectement à commettre l’infraction ainsi que des produits de l’infraction. Ainsi, l’intégralité des recettes provenant de la confiscation des biens et produits des personnes condamnées pour traite des êtres humains abonderait le fonds.

2. Mieux accompagner les personnes prostituées souhaitant rompre avec l’activité prostitutionnelle

De nombreux articles de la proposition de loi visent à créer les conditions d’une meilleure prise en charge des personnes prostituées, victimes ou non de réseaux de proxénétisme ou de traite des êtres humains. S’ils n’ont pas été adoptés dans des termes identiques par les deux assemblées, cela ne remet toutefois pas en cause, aux yeux de votre rapporteure, la possibilité d’un accord sur le fond.

À l’article 1er bis, destiné à faire bénéficier les professionnels et les personnels engagés dans la prévention de la prostitution des formations sociales mentionnées à l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF), la commission spéciale du Sénat a, sur proposition de la rapporteure, complété le dispositif issu d’un amendement de M. Charles de Courson adopté par votre commission spéciale en première lecture, afin que ces formations comportent aussi un volet relatif à « l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains ».

À l’article 3, qui définit les modalités et le contenu d’un accompagnement renforcé au bénéfice des personnes prostituées souhaitant rompre avec leur activité, la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement déposé par le président Jean-Pierre Godefroy et la rapporteure, Mme Michelle Meunier, destiné à réécrire intégralement l’article L. 121-9 du CASF, consacré à la protection et à l’assistance auxquelles les personnes prostituées ont droit.

À cet égard, les sénateurs ont choisi de faire bénéficier les victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains – en plus des victimes de la prostitution – du « projet d’insertion sociale et professionnelle », dénomination préférée à celle de « parcours de sortie de la prostitution » retenue par notre assemblée, créé par ce même article 3.

Ils ont également jugé préférable que l’instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains et d’assurer la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 121-9 du CASF réécrit ne soit pas une émanation du conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes (CDPD), mais plutôt une entité nouvelle, composée de plusieurs collèges de taille équivalente regroupant des magistrats appartenant aux juridictions ayant leur siège dans le département, des représentants de l’État, des représentants des collectivités territoriales, des professionnels de santé et des représentants d’associations.

Ils ont en outre souhaité, à rebours de la solution retenue par l’Assemblée nationale en première lecture, subordonner l’obtention des droits ouverts par l’engagement dans le « projet d’insertion sociale et professionnelle » – le bénéfice d’une autorisation provisoire de séjour (APS), de remises fiscales gracieuses et d’une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle – à un certain nombre de conditions.

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, les sénateurs ont, par ailleurs, complété l’article 3 par un article 3 bis nouveau conférant aux personnes engagées dans le « projet d’insertion sociale et professionnelle » ainsi qu’aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains le statut de publics prioritaires pour l’accès aux logements sociaux.

À l’article 8, le Sénat a, sous réserve d’une modification rédactionnelle adoptée en Commission, approuvé la disposition consistant à étendre le bénéfice de l’allocation de logement temporaire (ALT) aux associations agréées, en application de l’article L. 121-9 du CASF réécrit, pour l’accompagnement des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

Par ailleurs, il a, sous réserve d’une modification rédactionnelle adoptée en séance publique, approuvé la disposition figurant à l’article 9 de la proposition de loi, qui étend aux victimes de la prostitution et du proxénétisme l’accueil en centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dans des conditions sécurisantes, aujourd’hui prévu pour les victimes de la traite des êtres humains.

À l’article 14 ter, qui fixe le cadre dans lequel doit s’inscrire la politique de réduction des risques sanitaires, sociaux et psychologiques liés à la prostitution, la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure visant à apporter quelques modifications au dispositif voté par l’Assemblée nationale en première lecture, sans toutefois remettre en cause le fond des dispositions initialement introduites à l’initiative du Gouvernement.

Enfin, les sénateurs ont supprimé, en commission spéciale, l’article 1er ter A, issu d’un amendement de M. Sergio Coronado adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui avait pour objet de permettre aux personnes prostituées de déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées. Ils ont considéré que les dispositifs de domiciliation de droit commun (prévus par le code de l’action sociale et des familles), conjugués à la procédure mise en place par l’article 1er ter du présent texte, étaient suffisants.

3. Mieux informer les jeunes sur les réalités de la prostitution

Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat, certes dans des termes non semblables, n’en reposent pas moins, là encore, sur un objectif commun : améliorer le degré de connaissances des jeunes, aujourd’hui bien trop parcellaires, sur les réalités de l’univers prostitutionnel.

Sur proposition de M. Jean-Pierre Godefroy et de Mme Michelle Meunier, la commission spéciale du Sénat a regroupé au sein de l’article 15, qui complète la section du code de l’éducation relative à l’éducation à la santé et à la sexualité, les dispositions qui figuraient, dans le texte adopté par notre assemblée, aux articles 15 et 15 bis A (4). Le Sénat a par ailleurs apporté quelques modifications à la rédaction du dispositif désormais prévu au nouvel article L. 312-17-1-1 du code l’éducation, réservant par exemple l’information sur « les réalités de la prostitution » et les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », formule préférée à celle de « lutte contre la marchandisation des corps », aux seuls élèves des collèges et des lycées.

Les sénateurs ont, également sur proposition du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure au nom de la commission spéciale, modifié la rédaction de l’article 15 bis de la proposition de loi, qui complète l’article L. 312-16 du code de l’éducation, relatif à l’éducation et à l’information à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées.

II. DES DÉSACCORDS SUBSTANTIELS ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES

À l’occasion de l’examen de la proposition de loi, en première lecture, dans chacune des deux assemblées, plusieurs points de désaccord sont apparus.

A. SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’ADMISSION AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS VICTIMES DE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS OU DU PROXÉNÉTISME

Le Sénat a apporté plusieurs modifications substantielles à l’article 6 de la proposition de loi, dont l’objet est de faciliter l’admission au séjour des victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme.

Il a, en premier lieu, prévu que la délivrance d’une carte de séjour temporaire aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme ayant déposé plainte ou témoigné permise par l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) serait de plein droit. Les préfets seraient ainsi placés dans une situation de compétence liée et ne disposeraient plus d’aucune marge d’appréciation.

Le Sénat a, en second lieu, modifié le nouvel article L. 316-1-1 du même code dont l’objet est de permettre la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour (APS) aux victimes de la traite ou du proxénétisme engagées dans un parcours de sortie de la prostitution, même si elles n’ont pas déposé plainte ou témoigné dans une procédure pénale. Il a, en particulier :

––  prévu que la délivrance de cette autorisation provisoire de séjour serait de plein droit ;

––  relevé sa durée de six mois à un an ;

––  supprimé la condition de cessation de l’activité de prostitution ;

––  rendu son renouvellement automatique pendant toute la durée du « projet d’insertion sociale et professionnelle ».

B. SUR LA RESPONSABILISATION DU CLIENT ET LA PROTECTION PÉNALE DES PERSONNES VICTIMES DE LA PROSTITUTION

L’Assemblée nationale avait, en première lecture, posé avec fermeté et détermination l’interdit d’achat d’actes sexuels dans notre loi pénale. Tel était l’objet de l’article 16 de la proposition de loi, qui introduisait, à l’article 225-12-1 du code pénal, une contravention de cinquième classe destinée à sanctionner, par une peine d’amende de 1 500 euros, tout recours à la prostitution, qu’elle soit ou non occasionnelle.

Ayant ainsi consacré dans notre droit pénal l’interdit de recours à la prostitution, votre assemblée avait estimé que la responsabilisation des clients devait également s’appuyer sur un travail d’information et de sensibilisation à la réalité de ce qu’est la prostitution aujourd’hui en France. C’était l’objet de l’article 17 de la présente proposition de loi, lequel complétait la peine principale encourue en cas d’infraction de recours à la prostitution par une nouvelle modalité de réponse pénale : le stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, susceptible d’être prononcé à titre de peine complémentaire ou d’alternative aux poursuites.

La logique d’ensemble – qui était celle défendue, en première lecture, par l’Assemblée nationale – sous-tendant la nécessaire responsabilisation des clients de la prostitution était bien de ne plus faire porter la sanction sur les personnes prostituées mais sur les clients et, en contrepartie, de mieux protéger les victimes de la prostitution.

Dans cette perspective, l’article 13 de la proposition de loi abrogeait le délit de racolage public, aujourd’hui prévu à l’article 225-10-1 du code pénal, lequel sanctionne les personnes prostituées sur la base d’une infraction qui reste très difficile à qualifier et est, en définitive, peu mise en œuvre par les juridictions.

Dans le même esprit, l’article 1er ter, issu d’un amendement de votre rapporteure, visait à mieux protéger les victimes, majeures et mineures, de la traite des êtres humains, de proxénétisme ainsi que – initialement – de la prostitution. Ces dernières pourraient ainsi, sur autorisation judiciaire, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat, de la brigade de gendarmerie, de leur avocat ou d’une association, témoigner sans que leur identité apparaisse dans la procédure, bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité ou bien encore faire usage d’une identité d’emprunt.

De la même manière, l’article 11 reconnaissait, dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, la faculté aux associations reconnues d’utilité publique, dont l’objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l’action sociale en faveur des personnes prostituées, d’exercer les droits reconnus à la partie civile sans l’accord de la victime.

Enfin, sur proposition de Mme Seybah Dagoma, l’article 9 bis avait initialement pour objet d’aggraver les peines encourues par les personnes auteures de faits de violence à l’encontre de personnes prostituées.

Or, dans l’ensemble, le Sénat n’a pas souscrit à la démarche de responsabilisation des clients, qui constituait pourtant l’un des axes majeurs de la présente proposition de loi dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il en a, par conséquent, supprimé l’article 16 créant une infraction de recours à la prostitution, justifiant sa position par le fait que la pénalisation du recours à la prostitution aurait probablement pour conséquence une plus grande clandestinité de l’activité prostitutionnelle et, par conséquent, des risques accrus pour la sécurité et la santé des personnes prostituées.

Tirant les conséquences de son refus de la responsabilisation, au plan pénal, des clients de la prostitution, le Sénat a également supprimé l’article 17 de la proposition de loi, créant une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

Plus surprenant pour votre rapporteure, le Sénat a partiellement vidé de leur contenu les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et destinées à mieux protéger les victimes de la prostitution, notamment dans le cadre de procédures pénales indispensables afin de démanteler les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme.

Ainsi, à l’article 1er ter, le Sénat a exclu du bénéfice des mesures de protection des témoins les victimes de l’infraction de recours à la prostitution
– infraction supprimée, en tout état de cause, du texte finalement adopté par le Sénat –, estimant que cette protection était quelque peu disproportionnée. Cette exclusion des personnes victimes de la prostitution du bénéfice de la protection accordée aux témoins est d’autant moins compréhensible que le Sénat a, en séance publique, supprimé l’article 13 et donc maintenu en vigueur l’actuel délit de racolage. Si le maintien de cette infraction est souvent justifié par la nécessité, pour les forces de l’ordre, de pouvoir entendre les personnes prostituées
– notamment dans le cadre de la garde à vue – et de remonter ainsi les réseaux de prostitution, l’Assemblée avait entendu, en contrepartie de la suppression du délit de racolage, faire bénéficier les personnes victimes de la prostitution d’un statut de témoin protecteur, garantissant leur sécurité dans le cadre des procédures pénales et enquêtes relatives au démantèlement de ces mêmes réseaux.

De la même manière, le Sénat a supprimé l’article 9 bis, lequel aggrave les sanctions à l’encontre des personnes ayant commis des faits de violence sur des personnes prostituées, considérant que le code pénal prévoyait d’ores et déjà de nombreuses circonstances aggravantes lorsque des infractions sont commises à l’encontre de personnes considérées comme étant particulièrement vulnérables.

Enfin, la commission spéciale du Sénat a exclu du dispositif de l’article 11 les associations dont l’objet statutaire est de n’intervenir qu’auprès des « personnes en danger de prostitution » – c’est-à-dire celles qui pourraient en venir à se prostituer – et a également supprimé la possibilité pour les associations reconnues d’utilité publique de se porter partie civile sans l’accord de la victime.

III. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À LA PROPOSITION DE LOI PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

À l’article 1er, la commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteure destiné à effectuer les coordinations nécessaires à l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, sans lesquelles le dispositif de blocage des sites Internet facilitant l’activité des réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme serait demeuré inopérant.

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a également apporté plusieurs modifications à l’article 3, largement réécrit par le Sénat. Elle a notamment substitué à la formulation « projet d’insertion sociale et professionnelle » celle de « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » car il est apparu nécessaire de préserver la notion de parcours, fait d’étapes successives qui doivent permettre, in fine, de rompre avec l’activité prostitutionnelle. Elle a par ailleurs souhaité que les services de police et de gendarmerie soient représentés au sein de l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains. Il lui a aussi semblé judicieux de préciser que le « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » serait ouvert aux personnes victimes de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle plutôt qu’à l’ensemble des victimes de la traite, indépendamment de la nature de l’exploitation dont elles seraient l’objet. Enfin, elle a jugé préférable de réserver l’accompagnement des personnes prostituées dans un « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » aux associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées plutôt qu’à celles qui ont « pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes en difficulté ».

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a réintroduit, à l’article 6, la condition de cessation de l’activité de prostitution pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour (APS) accordée en application du nouvel article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains engagées dans le « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ».

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a décidé qu’en plus de l’information sur les « réalités de la prostitution », dont le principe avait été admis par les deux assemblées en première lecture, une information sur les « dangers de la marchandisation du corps » plutôt que sur les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », solution retenue par le Sénat, serait dispensée dans les établissements secondaires (article 15).

Sur l’initiative conjointe de votre rapporteure et de son président, la commission spéciale a rétabli, conformément à la position retenue en première lecture par l’Assemblée nationale, l’équilibre initial de la proposition de loi s’agissant de la responsabilisation du client. À cette fin, elle a réintroduit la création d’une infraction de recours à la prostitution (article 16) ainsi que la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels (article 17). De la même manière, elle a souhaité maintenir dans le texte l’abrogation du délit de racolage (articles 13 et 14) ainsi que l’aggravation des peines encourues par les personnes auteures de faits de violence à l’encontre de personnes prostituées (article 9 bis).

En contrepartie de la responsabilisation du client et de l’abrogation du délit de racolage, la commission spéciale a souhaité réaffirmer que la protection dont bénéficient les victimes, mineures ou majeures, de la traite des êtres humains et du proxénétisme – possibilité de déclarer son domicile auprès de son avocat ou d’une association, recours à une identité d’emprunt, etc. – doit notamment permettre aux forces de l’ordre, dans le cadre de la poursuite de ces infractions, d’entendre les personnes prostituées qui en sont victimes, dès lors qu’elles souhaitent témoigner librement et qu’elles sont en capacité de le faire (article 1er ter). Dans ce même souci de mieux protéger les victimes, la commission spéciale a rouvert la faculté reconnue aux associations d’utilité publique intervenant auprès des personnes prostituées d’exercer les droits de la partie civile sans l’accord de la victime (article 11).

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a tenu à enrichir le contenu du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi (article 18). Ce rapport devra ainsi dresser le bilan non seulement des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France pour la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains mais également des actions conduites dans ce domaine à l’échelle nationale ; il lui reviendra aussi de dresser le bilan de la création de l’infraction de recours à la prostitution ; enfin, il devra présenter l’évolution de la prostitution en général, et pas simplement de la prostitution sur Internet ou dans les zones transfrontalières.

Enfin, la commission spéciale a, sur proposition de votre rapporteure, modifié la rédaction du titre de la proposition de loi et a retenu l’intitulé suivant : « proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ».

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mardi 2 juin 2015, la Commission examine, sur le rapport de Mme Maud Olivier, la proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées.

Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.

M. Philippe Goujon. Bien que le texte issu du Sénat ait permis de progresser, par exemple en matière de blocage par l’autorité administrative des sites Internet de prostitution, il nous mène dans une impasse en ce qui concerne deux points essentiels : la pénalisation du client et le délit de racolage.

Privé de toutes les mesures sur la responsabilisation du client, pourtant réclamées dans la résolution adoptée à l’unanimité en 2011 et par le Parlement européen en février 2014, le texte perd son caractère novateur, ambitieux et utile. D’ailleurs, il aurait davantage sa place dans le projet de loi sur le droit des étrangers, étant donné qu’il facilite l’accès au titre de séjour plus qu’autre chose.

Pour ma part, je pense que la responsabilisation du client est tout à fait indispensable. Je m’étais abstenu lors du vote du texte en première lecture, considérant que les sanctions n’allaient pas assez loin : l’infraction de recours à la prostitution était considérée comme une contravention de cinquième classe, passible d’une amende de 1 500 euros maximum ; seule la récidive aurait constitué un délit. Il eût été préférable de considérer cette infraction comme un délit à part entière, autorisant le placement en garde à vue du client, un meilleur suivi de la récidive grâce à l’inscription au casier judiciaire et des poursuites dans le cas où les faits sont commis à l’étranger.

Il est aussi regrettable que le Sénat ait supprimé le stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution, tant il est vrai que l’efficacité de ce type de dispositifs a été prouvée dans d’autres domaines tels que la toxicomanie, les discriminations raciales ou même les délits routiers. Un dispositif alliant pénalisation et responsabilité du client, sur le modèle suédois, serait de nature à dissuader le recours à la prostitution et à rendre notre pays moins attractif pour les réseaux criminels. Malgré tout, il ne suffira pas à régler définitivement le problème.

Par ailleurs, après en avoir maintenu la suppression en commission, le Sénat a réintroduit en séance le délit de racolage public qui avait été supprimé lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale. La directive européenne du 5 juin 2011, comme l’a confirmé Mme Michèle-Laure Rassat, professeure émérite des facultés de droit spécialiste du droit pénal, n’impose pas à la France l’abrogation de ce délit, les conditions qu’elle pose étant déjà remplies par le pouvoir d’appréciation du ministère public quant à l’opportunité des poursuites et la possibilité pour les juridictions pénales de dispenser de peine.

Je pense que ce délit de racolage n’est pas principalement un instrument de répression des prostituées. Consultés lors de nos auditions, les enquêteurs nous avaient expliqué que ce délit n’était pas utilisé à l’égard des très rares prostituées indépendantes françaises, mais qu’il permettait surtout d’entrer en contact avec les victimes de réseaux, de leur permettre d’accéder à un médecin – souvent pour la première fois depuis leur arrivée en France – et de leur proposer de coopérer avec les autorités judiciaires, avec toutes les difficultés que l’on connaît et sur lesquelles je ne vais pas m’étendre.

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait transformé l’ancienne contravention de cinquième classe en délit de racolage. Ce faisant, elle avait permis de rétablir la tranquillité dans des quartiers qui connaissaient des troubles à l’ordre public considérables, ce qui n’est pas négligeable. En fait, la mesure s’est révélée efficace tant que les tribunaux l’appliquaient. Signalons d’ailleurs que même le Syndicat du travail sexuel (STRASS) a fait part de sa crainte de voir ce délit supprimé, le jugeant préférable aux arrêtés municipaux ou préfectoraux qui sont plus discriminants. Sa réintroduction par le Sénat, pour opportune qu’elle soit, ne saurait permettre à nos deux chambres de s’accorder sur de nouvelles mesures permettant de lutter contre la prostitution.

Dans le cadre de nos travaux, un dialogue s’est engagé. Pour ma part, je n’ai pas déposé d’amendement alors que la matière ne manque pas – facilités migratoires, attribution d’aides financières non budgétisées, nécessité de réintroduire un véritable délit de recours à la prostitution et un stage de sensibilisation – pour permettre à un consensus de se dégager. Comme vous l’avez compris, je suis à la fois pour la pénalisation du client et pour le délit de racolage. Mais je pourrais être favorable à une proposition équilibrée prévoyant la pénalisation du client tout en supprimant le délit de racolage public, à condition qu’elle permette aux enquêteurs de continuer à entrer en contact avec les prostituées victimes des réseaux, voire de les interroger. On pourrait, par exemple, doter ces dernières d’une sorte de statut de témoin protégé afin de recueillir des informations nécessaires au démantèlement des réseaux. Je serais assez favorable à ce genre de propositions, qui pourraient peut-être satisfaire une majorité de membres de cette assemblée sans priver les enquêteurs de moyens d’action.

Lors de son audition, M. Yves Charpenel, président de la fondation Scelles, a considéré qu’il serait toujours possible de recourir aux articles du code de procédure pénale qui autorisent les contrôles d’identité sur instruction écrite du procureur, dans des lieux et pour une période déterminés, y compris dans des établissements comme les hôtels et autres salons de massages qui se multiplient, afin d’éviter le retour de troubles à l’ordre public. Cette solution a d’ailleurs été préconisée par la garde des Sceaux lors de son audition au Sénat. Peut-être recueillera-t-elle l’approbation d’un certain nombre d’entre nous ?

Sur un tel texte, il serait bon de parvenir à nous rassembler autour de mesures équilibrées et efficaces. Cela pourrait permettre de faire avancer la cause de ces femmes victimes plus rapidement que ne le ferait une navette parlementaire avec des positions d’assemblées antithétiques.

M. Élie Aboud. Philippe Goujon a soulevé les arguments que je comptais développer.

J’ai eu l’honneur de participer aux travaux ayant abouti à la résolution adoptée à l’unanimité lors de la dernière législature et qui répondait à trois préoccupations : sécuriser, médicaliser et fiscaliser. Par la suite, il y a eu des avancées et je regrette les modifications opérées sur ce dernier texte au Sénat, notamment en ce qui concerne le client. Si Philippe Goujon a évoqué la situation à Paris, ma collègue députée de l’Aude ne me contredira pas si je dis que, dans le sud, la prostitution offre un spectacle lamentable : les filles sont complètement abandonnées au bord des routes. Entre les préfets et les autorités territoriales, il y a un transfert de charges, de responsabilités et d’angoisse extraordinaires, chacun essayant de renvoyer le dossier à l’autre.

C’est très bien d’établir un diagnostic car toutes les intentions sont bonnes, mais ma fibre médicale me pousse à considérer que ce n’est pas suffisant. Je crains que les solutions proposées dans le nouveau texte ne soient pas à la hauteur de nos ambitions. Nous sommes dans une situation où un député peut s’entendre répondre par un représentant de l’État : je ne peux rien faire parce qu’il y a un vide juridique. Quant au maire, il lui répondra : vous n’avez qu’à changer les lois parce que ma police municipale ne peut pas, à elle seule, régler le problème. Que fait-on ? J’ai l’impression que le travail n’est pas totalement abouti. Pardonnez-moi, monsieur le président, cet inhabituel pessimisme.

Mme Marie-George Buffet. Après un long séjour au Sénat, ce texte revient enfin devant notre Commission dont il convient de saluer le travail de qualité. Nous avons toujours recherché un consensus constructif sur tous les aspects de cette question : la prévention, la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, la protection des victimes.

Nous avions abouti à un texte complet mais, en supprimant la responsabilisation du client et en réintroduisant le délit de racolage, le Sénat a affaibli ce qui en constituait le cœur : la lutte contre le système prostitutionnel. Faire du racolage un délit revient à dire que la personne prostituée est coupable, pas le client. Or, comme dans la résolution de 2011, le texte que nous avions adopté en première lecture tirait sa force du renversement de cette perspective. Nous devons préserver le sens profond du texte : la victime, c’est la personne prostituée ; le coupable, c’est le client.

Notre rapporteure et notre président ont rappelé que, plus que jamais, la violence est liée à la prostitution. Le nombre de personnes victimes de la traite et de la prostitution est sans commune mesure avec ce qu’il était il y a trente, quarante ou cinquante ans, et nous assistons à une aggravation des phénomènes de violence qui ont toujours existé dans ce milieu.

J’espère qu’à la faveur des amendements adoptés lors de notre deuxième lecture, nous pourrons rétablir l’objectif et l’efficacité de ce texte. Il y a là une urgence humaine dont nous sommes tous conscients.

M. Sergio Coronado. À l’instar de ma collègue Marie-George Buffet, je veux souligner la qualité de nos débats en commission spéciale, où nous nous étions collectivement réjouis de notre capacité à échanger sur un texte générateur de haute tension – pour dire les choses de manière diplomatique.

Ce texte suscite aussi des débats dans la société, notamment parmi les organisations qui sont attachées à la défense des libertés et qui, pour certaines, sont spécialisées dans le suivi et l’accompagnement des personnes prostituées. Il est bon de pouvoir débattre d’un thème de cette nature sans tomber ni dans la démagogie, ni dans un affrontement stérile. Ce ne fut pas toujours le cas lors de l’examen du texte en séance publique, où les propos caricaturaux et les accusations un peu outrancières ont parfois dominé les débats. Je me souviens encore de la très belle intervention de notre collègue Jean-Louis Borloo, rappelant à l’ordre un collègue de la majorité.

Cela étant, je vous trouve bien optimiste, monsieur le président, de penser que nous allons aboutir facilement à un texte commun avec le Sénat. La philosophie sénatoriale est sensiblement éloignée de celle – que je ne partage d’ailleurs pas – du texte issu de cette commission et du vote de l’Assemblée nationale.

Avant de rappeler la position du groupe Écologiste, je voudrais émettre un vœu qui, je l’espère, ne sera pas vain : que chacun ici précise au moins la source des chiffres qu’il cite. Je sais que ce n’est pas forcément l’usage dans cette maison, où les rapports et les statistiques sont souvent utilisés de manière très fantaisiste. Quand j’entends les accusations de l’opposition à l’égard de la politique de Mme Christiane Taubira, je me demande souvent d’où sortent les chiffres cités. En suivant les débats sur ce texte tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, j’ai assisté à une véritable explosion du nombre de personnes concernées par la prostitution : de minute en minute, d’une intervention à l’autre, les chiffres augmentaient par dizaines de milliers.

L’enjeu de santé publique est suffisamment sérieux pour que les références données soient au moins scientifiquement établies. D’ailleurs, le rapport publié fin 2012 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), auquel a fait référence notre rapporteure, est tout à fait éclairant à ce sujet. Dès son introduction, il met en exergue la difficulté à mesurer la réalité de la prostitution, en l’absence de sources épidémiologiques assez solides et d’études suffisamment étayées et reconnues dans le monde universitaire. Le rapport de l’IGAS a aussi le mérite de présenter la diversité du phénomène et des profils des personnes concernées par la prostitution.

Autre point très important sur lequel j’avais insisté lors de nos précédents débats en citant un rapport antérieur de notre collègue Alain Vidalies : le rapport de l’IGAS refuse la confusion, parfois entretenue ici ou là, entre prostitution, proxénétisme et traite des êtres humains. Cette confusion n’est pas seulement une erreur malheureuse, elle est parfois criminelle pour les publics que nous cherchons à aider. En tout cas, elle ne permet pas d’appréhender ce sujet avec l’exigence nécessaire en termes de santé publique, d’accompagnement social et économique. C’est une facilité où le paternalisme – le mot n’est peut-être pas tout à fait adéquat – n’est pas totalement absent.

Dans ce débat, les Écologistes défendront des positions connues. Nous sommes parfois des soutiens solides du Gouvernement et nous le soutiendrons notamment pour combattre la mesure de blocage administratif des sites Internet, rétablie de manière un peu maladroite par les sénateurs, sur proposition, me semble-t-il, de Mme la rapporteure. Le Gouvernement avait été assez clair sur la vacuité de ce type de dispositif que toutes les études et tous les experts jugent inefficace, inapproprié, contre-productif. Comment faut-il l’expliquer pour que l’on finisse par comprendre qu’un blocage administratif ne sert à rien ? Nous défendrons le retrait de cette proposition réintroduite par nos collègues sénateurs.

Nous demandons aussi la suppression des dispositions relatives au délit de racolage passif. Au Sénat, ma collègue Esther Benbassa était à l’origine d’une proposition de loi qui avait permis l’abrogation de ce délit. Comme l’a dit notre collègue Marie-George Buffet, criminaliser l’activité des travailleuses et des travailleurs du sexe, dans un pays où la prostitution n’est pas interdite, est un contresens. Cette criminalisation vise seulement à établir un climat de terreur que les arrêtés municipaux contribuent à augmenter. Contrairement à ce que vous dites, monsieur Goujon, le STRASS ne se réjouit pas du maintien de ce délit au prétexte qu’il serait plus doux et plus accommodant que les arrêtés municipaux. Le syndicat condamne dans un même mouvement le délit de racolage passif et les arrêtés municipaux sur la prostitution.

Enfin, comme Barbara Pompili l’avait rappelé au nom de notre groupe en séance, nous nous opposons à la pénalisation des clients. Partageant la position de nombreuses organisations telles que Médecins du Monde, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature, l’association Les Amis du bus des femmes, ou le Mouvement français pour le planning familial, je ne crois pas que la pénalisation, voire la criminalisation d’une activité permettent à celles et ceux qui l’exercent de mieux s’en sortir. En tout cas, je ne crois pas que cette pénalisation permette aux victimes de la traite ou du proxénétisme d’avoir un avenir meilleur, plus protecteur.

Mme Pascale Crozon. Pour ma part, j’adhère à presque toutes les positions qui viennent d’être défendues sur un sujet que j’ai suivi de très près en tant que membre de la délégation aux droits des femmes. Je voulais vous remercier pour l’important travail accompli, qui a abouti à un texte qui aborde tous les problèmes, y compris les plus sensibles. C’est un bon texte qui permettra de régler un certain nombre de choses même si rien n’est parfait dans ce type de démarches.

Rappelons que la prostitution a beaucoup changé au cours des dernières années. Nous sommes désormais confrontés à des réseaux qui exploitent la précarité et la vulnérabilité d’autrui. Les victimes en sont principalement des femmes qui sont ballottées d’une ville à l’autre et d’un pays à l’autre. Cette caractéristique complique la mise en place des moyens d’action.

Deux points restent en discussion, sur lesquels j’ai déposé des amendements : le délit de racolage et la pénalisation des clients. Pourquoi accepte-t-on que les femmes soient des boucs émissaires via le délit de racolage alors que les hommes qui bénéficient de la prostitution n’en subissent aucune conséquence ? C’est une question que je me suis toujours posée.

Mme Catherine Coutelle. Comme vous tous, je me réjouis du retour à l’Assemblée nationale de ce texte qui doit désormais déboucher rapidement sur une loi très attendue par la société.

Tout d’abord, en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, dont notre rapporteure est membre, je souligne que ce texte se situe dans le débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Ensuite, j’aimerais faire une remarque à propos des diverses associations qui interviennent auprès des personnes prostituées : toutes celles qui les accompagnent vers une sortie de la prostitution sont dites abolitionnistes. Ces associations ont besoin de s’appuyer sur une loi pour accompagner dans leur parcours difficile les personnes qui veulent sortir de la prostitution.

Enfin, je pense que l’actualité proche ou lointaine nous aide. Pendant que le Sénat discutait de ce texte, le procès dit du « Carlton » se déroulait dans le nord de la France. À cette occasion, on a découvert qu’aucune des facettes de la prostitution n’était belle ou souhaitable. Les escort girls choisissent ce « métier », nous dit-on. Pour notre part, nous n’utilisons jamais l’expression « travailleur du sexe », étant donné que nous ne considérons pas que la prostitution est un métier. Au fil des audiences, ces femmes ont témoigné de leur difficulté à vivre ce qu’elles vivaient, de la souffrance engendrée par la prostitution. Ce procès a ouvert les yeux de certains.

Plus loin de nous, des réseaux tels que Daech enlèvent des jeunes filles et des femmes dont certaines sont vouées à un esclavage sexuel et probablement livrées à des réseaux de traite d’êtres humains. Dans d’autres cas, les proxénètes exploitent la misère qui sévit dans certains pays, en faisant croire aux femmes qu’elles vivront beaucoup mieux en Europe où elles pourront exercer des métiers qui leur permettront de faire vivre leur famille.

Avec notre texte, il s’agit de lutter contre l’asservissement des femmes. Il s’agit de combattre l’inégalité qui existe entre, d’une part, les proxénètes et les clients qui sont très majoritairement des hommes, et, d’autre part, les victimes qui sont surtout des femmes. Cette loi est très attendue. Nous en avons besoin pour abolir le système prostitutionnel, mais elle devra s’accompagner de politiques publiques et de moyens.

M. Charles de Courson. Ce matin, j’ai reçu une lettre dans laquelle le responsable d’une association spécialisée dans la réinsertion des prostituées tient grosso modo le même discours que notre collègue Catherine Coutelle. Il nous enjoint de ne pas céder à la facilité, au fatalisme, au conservatisme.

Nous devons avoir le courage de poser le problème, y compris en termes d’économie de marché : s’il y a des femmes prostituées, c’est qu’il y a des clients
– des hommes dans 95 % des cas. Nous devons donc nous occuper aussi du client et le responsabiliser. Le grand apport de notre texte est d’écrire dans le droit français que le fait d’avoir des relations sexuelles tarifées constitue un délit. Certains voulaient que ce soit une contravention, d’autres un crime. Nous avons pris l’option intermédiaire. Ce texte a le mérite de changer un peu le regard sur la prostitution et de parler des clients des prostituées. Ce n’est pas parce qu’il n’est pas parfait qu’il ne faut pas l’adopter : nous avons rarement adopté des lois parfaites. Au moins, il va dans la bonne direction.

M. le président Guy Geoffroy. Nous aurons l’occasion de revenir sur tous ces points lors de l’examen des amendements. Avant de donner la parole à notre rapporteure, je voudrais, en écho à certaines interventions, formuler quelques observations.

Il ne s’agit pas de priver notre rapporteure de sa responsabilité. Si j’interviens, c’est en ma qualité de président, mais aussi en raison de mon engagement connu et ancien dans ce domaine. À partir du texte du Sénat et de l’entretien que j’ai eu avec le président de la commission spéciale de la haute assemblée, j’ai essayé de trouver la piste qui nous permettrait de ne renoncer à aucune de nos ambitions, sans créer de difficulté majeure pour des questions de symboles ou de tabous.

J’en profite pour revenir sans animosité sur les propos de notre collègue Sergio Coronado, qui pourraient être mal interprétés. Il ne faut pas faire un amalgame entre les notions de traite des êtres humains, de proxénétisme, et de prostitution. Rappelons toutefois ce passage du préambule de la Convention des Nations unies de 1949, déjà cité par la rapporteure : « La prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté. » Je ne crois pas qu’il ait été criminel, de la part des Nations unies, de déclarer qu’il fallait absolument lutter pour l’abolition de la traite des êtres humains et de la prostitution qui en est une partie importante. Il faut se souvenir que cette notion est inscrite dans les textes fondateurs de notre organisation mondiale depuis plus de soixante-cinq ans.

Mon état d’esprit est, je crois, largement partagé au sein de cette commission, de notre assemblée et même de la Nation tout entière : nous devons combattre de toutes nos forces ceux qui pratiquent la traite des êtres humains, qui organisent les réseaux de prostitution et qui en profitent. Cette loi, telle que nous allons la finaliser, doit permettre d’accentuer la lutte que nous devons mener à tous les niveaux contre ce phénomène criminel.

Dans cette affaire, il y a aussi un personnage essentiel, bien que dépourvu de statut : le client. La loi doit aussi contribuer à responsabiliser ce client, sans lequel il n’y aurait pas de prostitution et qui ne risque pour l’instant aucune interpellation de la part de la société. Nous proposerons donc de rétablir les dispositions adoptées en première lecture. La loi prévoira alors que le client d’une prostituée contrevient à la loi et que, en cas de récidive, il devient un délinquant.

À côté des criminels et des délinquants que j’ai décrits, il y a une personne considérée comme délinquante par notre législation actuelle : la personne prostituée. Le racolage actif est une infraction qui existe depuis fort longtemps dans notre droit et qui, jusqu’en 2003, était poursuivie au titre des contraventions de cinquième classe. En 2003, cette infraction a intégré le racolage passif et elle est devenue un délit. Je pense que nous serons tous d’accord pour considérer que le statut de la personne prostituée doit changer, que celle-ci ne doit plus être considérée comme une délinquante, même si l’intention n’était pas de la stigmatiser.

Soutenu par notre rapporteure, j’ai donc pris l’initiative de lier deux éléments : la responsabilisation du client et le changement de statut de la personne prostituée. Pour être effective, la responsabilisation du client doit comporter un aspect pénal : la pénalisation est vue comme un moyen et non comme un objectif. Quant au changement de statut de la personne prostituée, il pourrait être prévu à l’article 1er ter du texte. Il faudrait compléter et préciser cet article de manière à faire de la personne prostituée une victime protégée par la loi qui, si elle le souhaite, peut témoigner et apporter ainsi des informations utiles au démantèlement d’un réseau.

Cet accès à des informations était d’ailleurs l’objectif que nous poursuivions lorsque nous avons étendu le délit de racolage dans le cadre de la loi pour la sécurité intérieure adoptée en 2003. Lorsque Manuel Valls était ministre de l’intérieur, je lui avais fait part des propos que j’avais échangés avec le ministre de l’intérieur de 2003, Nicolas Sarkozy. Ce dernier ne considérait pas l’extension du délit de racolage comme un moyen de montrer du doigt la personne prostituée, en la déclarant coupable et en la punissant. En réponse à une demande des forces de l’ordre, il souhaitait créer un point d’entrée dans les réseaux, et nous avons fait l’erreur de penser que la personne prostituée pouvait jouer ce rôle. Le point d’entrée doit être le client, responsable de ses actes, la victime bénéficiant, quant à elle, d’une protection.

Voilà ce que nous comptons proposer pour répondre à des aspirations qui peuvent paraître contradictoires mais qui ne le sont plus : renforcer la protection de la victime pour mieux l’aider à sortir de la prostitution ; indiquer au client que le recours à la prostitution, c’est-à-dire à la marchandisation du corps humain, constitue une infraction considérée d’abord comme une contravention de cinquième classe, puis comme un délit en cas de récidive.

Les amendements qui nous permettent d’atteindre cet objectif sont cosignés par la rapporteure et votre serviteur. Ces éléments permettront de mieux comprendre le reste du dispositif qui résulte des amendements proposés par notre rapporteure. Nous devrions ainsi aboutir au texte équilibré auquel chacun aspire. Et tout cela me permet d’espérer un accord sur des bases responsables, équilibrées et raisonnables avec nos collègues du Sénat.

Mme la rapporteure. Merci à tous d’être intervenus sur le fond du dossier. Je ne répondrai pas sur tous les points soulevés car nous allons pouvoir étayer nos arguments respectifs au fil de l’examen des amendements.

Avant tout, je vous confirme que le président Guy Geoffroy et moi-même souhaitons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aboutir à une proposition de loi qui puisse être également acceptée par le Sénat, et pour mettre ainsi un terme à la longue route de ce texte qui vise à lutter contre le système prostitutionnel.

Mon collègue Sergio Coronado a cité les associations qui, en 2013, nous avaient contactés pour s’élever contre la proposition de loi. Entre-temps, des chiffres sont tombés. Le cabinet d’experts Psytel, dont le sérieux ne peut être mis en cause, vient de publier une étude financée par la Commission européenne sur les coûts médicaux de la prostitution. Si l’on cite l’IGAS, il faut préciser que la prostitution coûte 86 millions d’euros à l’économie française, en hospitalisations, soins divers, médicaments, etc. Il faut aussi indiquer que le taux de suicide des personnes qui se prostituent est douze fois plus élevé que celui de la moyenne de la population.

Nous devons trouver des solutions et, jusqu’à preuve du contraire, nul n’en a trouvé de meilleures que celles que nous vous proposons.

La commission en vient à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier
Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite
des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle

Article 1er
(art. 6 et 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)

Renforcement de la lutte contre les réseaux de traite
et de proxénétisme agissant sur Internet

Cet article a pour objet de renforcer la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme qui utilisent Internet pour organiser leur activité sur notre territoire.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction adoptée par votre Commission en première lecture, cet article comportait deux dispositions :

––  d’une part, il modifiait le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique afin d’ajouter à la liste des infractions dont la diffusion doit être empêchée par les FAI et les hébergeurs de sites Internet les infractions de traite des êtres humains (article 225-4-1 du code pénal), de proxénétisme (article 225-5) et les infractions qui lui sont assimilées (article 225-6) ;

––  d’autre part, il insérait un nouvel alinéa à ce même 7 dans le but de permettre à l’autorité administrative, lorsque les nécessités de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle relevant des articles 225-5, 225-6 et 225-4-1 du code pénal le justifient, de notifier aux FAI les adresses électroniques des services de communication au public en ligne – les sites Internet – contrevenant à ces articles. Il aurait alors appartenu aux FAI d’empêcher l’accès à ces sites sans délai.

Toutefois, à l’occasion de l’examen du texte en séance publique, l’Assemblée nationale avait adopté des amendements identiques, déposés par le Gouvernement et par M. Sergio Coronado, supprimant cette seconde disposition. Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes et porte-parole du Gouvernement, avait indiqué au cours des débats qu’un groupe de travail sur la cybercriminalité allait remettre ses conclusions et qu’il était par conséquent préférable d’attendre avant de légiférer sur ce point. Votre Commission s’était ralliée à cette position.

2.  Le texte adopté par le Sénat

La commission spéciale du Sénat chargée d’examiner la proposition de loi n’a pas modifié l’article 1er. En revanche, en séance publique, les sénateurs ont adopté, contre l’avis du Gouvernement, deux amendements identiques de Mmes Chantal Jouanno et Michelle Meunier, rapporteure au nom de la commission spéciale, visant à rétablir la disposition qui autorise l’autorité administrative à notifier aux FAI les adresses électroniques des sites Internet qui facilitent les activités de proxénétisme et de traite des êtres humains, afin de permettre leur blocage immédiat.

Après avoir fait valoir qu’« un tel mécanisme a été adopté dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’économie numérique concernant spécifiquement la lutte contre le terrorisme et la pédopornographie », Mme Jouanno a souligné qu’à ses yeux, « ni la contrainte technique ni l’argument procédural ne peuvent (…) être opposés à la réintégration de cette disposition dans le (…) texte » (5).

Il est vrai que, depuis l’adoption par notre assemblée de la présente proposition de loi en première lecture, le blocage administratif des sites Internet est devenu une réalité grâce à la publication du décret n° 2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique.

Notons qu’aux termes de la solution retenue par le Sénat, la disposition figurerait non pas à l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, comme cela avait été prévu par la proposition de loi dans sa rédaction d’origine, mais à l’article 6-1, créé par l’article 12 de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Enfin, rappelons que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision relative à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), validé le dispositif de blocage administratif des sites diffusant des images de pornographie infantile, dispositif qui assure « une conciliation qui n’est pas disproportionnée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et la liberté de communication garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » (6).

3.  La position de la commission spéciale

La commission spéciale a approuvé la réintroduction de cette disposition à l’article 1er de la proposition de loi. Elle a, en outre, adopté un amendement de votre rapporteure destiné à effectuer les coordinations nécessaires à l’article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, sans lesquelles le dispositif serait demeuré inopérant.

L’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004
pour la confiance dans l’économie numérique

« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code le justifient, l’autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi [les éditeurs de sites Internet] ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 [les hébergeurs de sites Internet] de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi [les FAI].

« En l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de vingt-quatre heures, l’autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Ces personnes doivent alors empêcher sans délai l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l’autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.

« L’autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées, respectivement, aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée, désignée en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour la durée de son mandat dans cette commission. Elle ne peut être désignée parmi les personnes mentionnées au 1° du I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La personnalité qualifiée s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.

« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421-2-5 et 227-23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.

« La personnalité qualifiée mentionnée au même troisième alinéa rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l’autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs.

« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la présente loi. »

*

* *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS8 de M. Sergio Coronado et CS11 de M. Lionel Tardy, les amendements identiques CS9 de M. Sergio Coronado et CS12 de M. Lionel Tardy, et l’amendement CS34 rectifié de la rapporteure.

M. Sergio Coronado. Mon amendement CS8 vise, à l’instar de celui de mon collègue Lionel Tardy, à supprimer cet article et les deux dispositions qu’il contient.

La première disposition tend à étendre l’obligation faite aux hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de mettre en place des dispositifs de signalement des contenus illicites ayant rapport à la traite et au proxénétisme. Il ne s’agit pas d’interdire ces contenus, qui peuvent déjà être bloqués, mais seulement d’instaurer une obligation spécifique pour les FAI et les hébergeurs.

Comme cela a été dit à plusieurs reprises et par différents experts, il est difficile pour un hébergeur, donc pour une entreprise, de décider de ce qui relève du licite ou de l’illicite, notamment en ce qui concerne des annonces dont tout le monde convient qu’elles peuvent être extrêmement ambiguës. Pour qui est attaché à l’intervention du juge judiciaire, il paraît erroné et inefficace de confier ce genre de responsabilité à une entreprise privée. Une autre voie devrait être désormais privilégiée : la saisine directe des services de police par les navigateurs ou le site lui-même. Cette voie est plus efficace et elle est privilégiée dans des domaines comme la lutte contre le terrorisme.

La deuxième disposition de l’article propose d’instaurer un blocage administratif des sites proposant un accès à la prostitution. Cette extension rapide du blocage administratif, alors que le dispositif actuel n’a pas encore été évalué, pose de nombreux problèmes comme, par exemple, l’impossibilité pour la personnalité qualifiée d’exiger le rétablissement d’un contenu abusivement supprimé. C’est la porte ouverte à de nombreux contentieux.

Depuis une quinzaine d’années, il a été prouvé que le blocage administratif présente une marge d’erreur extrêmement importante. À l’Assemblée nationale, un blocage administratif interdit l’accès à des sites qui fournissent de la pornographie. D’une part, on est incapable de donner la liste des sites bloqués. D’autre part, des sites d’information se sont retrouvés bloqués à de multiples reprises par ce filtrage informatique. Ce système n’est pas efficace, nous le savons. C’est ce qui avait conduit le Gouvernement à déposer un amendement de suppression de la proposition de Mme la rapporteure. Même si elle n’était pas totalement d’accord, Mme la rapporteure avait finalement admis la justesse de la position du Gouvernement.

L’amendement CS9 est un amendement de repli.

M. Lionel Tardy. Tout comme Sergio Coronado, je persiste à penser qu’il faudrait supprimer cet article, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, sans être un spécialiste de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, je trouve surprenant d’aborder cette question sous l’angle de l’accès à Internet. À mon avis, en matière d’exploitation sexuelle comme de terrorisme, la lutte doit commencer à la source.

Ensuite, cet article prévoit une extension du blocage des sites à laquelle je suis opposé.

Enfin, le premier alinéa de cet article a malheureusement été adopté conforme. Cet alinéa prévoit que des FAI puissent signaler certains sites en vue d’empêcher leur accès. Dans ce domaine comme dans d’autres, les intermédiaires n’ont pas à jouer le rôle d’une police d’Internet. Vous confiez à des acteurs privés une sorte de mission régalienne. Ils sont seuls à évaluer les contenus, sans en avoir les moyens bien souvent, ce qui pose un vrai problème. Pour se conformer à leurs obligations, ils risquent d’avoir une interprétation large et de signaler plus que de raison. Des contenus réellement dangereux vont alors être noyés dans la masse, au point de rendre le dispositif contre-productif. Les statistiques concernant la pédopornographie et l’incitation à la haine raciale montrent ainsi que les services ont une réelle difficulté à faire le tri : sur 12 000 signalements effectués en 2012, seulement 1 329 ont été transmis à la police et 3 970 à Interpol. Difficultés techniques, système contre-productif : voilà des arguments qui doivent vous inciter à supprimer la totalité de cet article 1er, comme le propose mon amendement CS11.

À défaut, mon amendement CS12 vise à supprimer son alinéa 2. À titre personnel, j’ai toujours été contre le blocage des sites à la demande d’une autorité administrative, sans recours à un juge. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen s’y opposait également jusqu’à une époque très récente, mais l’alternance l’a fait changer d’avis, si j’en juge d’après le texte initial de la proposition de loi. Quand il était dans l’opposition, il avait demandé un moratoire sur cette question, ce qui était une bonne idée. En tout cas, il faudrait arrêter d’étendre ce dispositif par petites touches à tous les sujets, et préférer une approche globale qui débute par une réflexion sur l’absence du juge dans la procédure.

Si cet article était adopté en l’état, nous serions bien loin du moratoire : ce serait le troisième texte en moins d’un an à comprendre une telle extension. Ce n’est pas parce que le Gouvernement a étendu ce dispositif aux sites terroristes l’année dernière, contre l’avis du Conseil national du numérique, qu’il faut changer d’avis. Il faut à tout prix limiter les extensions de ce dispositif pour des raisons que nous invoquons depuis plusieurs années. Il existe un vrai risque de sur-blocage touchant, par exemple, des contenus scientifiques sur la prostitution. Le risque d’atteinte à la liberté d’expression existe bel et bien.

En première lecture, dans un éclair de lucidité, le Gouvernement a décidé de supprimer cet alinéa. Cette position est cohérente avec celle que le Parti socialiste a défendue quand il était dans l’opposition. Malheureusement, le Sénat a réintroduit le blocage administratif, contre l’avis du Gouvernement, d’où cet amendement.

Mon dernier argument porte sur la constitutionnalité de cette mesure. Si le Conseil constitutionnel a estimé qu’elle était acceptable, de façon exceptionnelle, pour lutter contre l’exploitation sexuelle des mineurs, rien n’indique que cette exception soit également valable pour le proxénétisme. Je ne vais pas développer davantage mais je tiens à votre disposition des extraits de la saisine du groupe Socialiste, républicain et citoyen, au moment de l’adoption de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, où les arguments contre le blocage administratif des sites sont très nombreux. Je vous laisse par exemple apprécier cette métaphore alors employée : « Vouloir bloquer les sites pédopornographiques en bloquant l’accès à Internet revient à vouloir bloquer des avions en plein ciel en dressant des barrages routiers au sol. » Je n’aurais pas dit mieux concernant le texte contre le proxénétisme.

Mme la rapporteure. L’amendement CS34 rectifié est rédactionnel. La version du Sénat comporte en effet une erreur de référence : l’article 225-4-1 du code pénal renvoie non pas au proxénétisme, comme le laisse entendre la rédaction actuelle, mais à la traite des êtres humains, tandis que les articles 225-5 et 225-6 du même code renvoient, eux, au proxénétisme et aux infractions assimilées à ce dernier.

S’agissant des amendements défendus par MM. Sergio Coronado et Lionel Tardy, je voudrais citer quelques chiffres tout à fait sérieux. Selon Eurostat, le nombre de victimes de la traite a augmenté de 18 % entre 2012 et 2013 au sein de l’Union européenne. Une note publiée le 28 mai dernier par la direction centrale de la police judiciaire confirme l’essor de la cyber-prostitution. Quant au service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO), il indique que, sur cinquante réseaux transnationaux de prostitution démantelés en 2014, dix-neuf concernaient la prostitution par Internet. Par conséquent, il est plus qu’utile d’intervenir sur cette forme de prostitution : Internet devient le moyen de prise de rendez-vous le plus développé et le lieu d’organisation de ces cyber-tours que vous connaissez aussi bien que moi.

Cela étant, nous sommes bien conscients de l’efficacité limitée du blocage des sites. Il est possible de contourner un tel blocage et de créer un site miroir. Toutefois, il me semble excessif de dénier toute forme d’efficacité à ce dispositif : il peut réduire ponctuellement l’exposition de personnes qui accèdent fortuitement à ces contenus ; en revanche, il est moins efficace quand il s’agit d’empêcher une personne souhaitant se connecter à un site. En outre, lorsque le retrait du contenu litigieux est impossible, par exemple lorsque l’hébergeur se trouve dans un pays étranger et qu’il ne souhaite pas coopérer avec les FAI ou les autorités de notre pays, le blocage reste la seule solution. C’est pourquoi je me réjouis de la proposition faite par le Sénat.

Monsieur Coronado, nous avions effectivement accepté de retirer cet amendement lors de la première lecture, dans l’attente des conclusions d’un groupe de travail qui devait se pencher sur la question. Précisons que les décisions de l’autorité administrative pourront toujours être contestées devant un juge administratif et, le cas échéant, être annulées.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable aux amendements de MM. Sergio Coronado et Lionel Tardy.

M. Sergio Coronado. Sans vouloir prolonger nos débats sur le sujet, je vous signale, madame la rapporteure, que votre amendement n’est pas tout à fait rédactionnel…

Autre remarque : puisque vous nous présentez des chiffres d’Eurostat, il serait intéressant de rappeler que la récolte des données sur la prostitution ne s’effectue pas sur les mêmes bases dans tous les pays européens. Au fichier sur la prostitution d’Eurostat, la France communique essentiellement des chiffres issus de l’arrestation de prostituées sans papiers ou concernant des victimes de la traite, ce qui fait flamber la place de ce groupe dans les données globales sur la traite à l’échelle européenne. Vous pourriez le rappeler par souci de transparence sur la manière dont les statistiques sont construites à l’échelle européenne. De même, lorsque vous citez l’étude de Psytel, vous pourriez aussi indiquer que c’est l’évasion fiscale qui coûte le plus cher au budget de l’État, et non pas les dépenses liées à la santé des victimes de la prostitution.

J’avais aussi deux demandes. Le blocage administratif de sites Internet suscite un vrai débat dans notre Commission mais aussi dans l’ensemble de la société. Serait-il possible, avant l’examen du texte en séance, d’auditionner la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ? Pourrions-nous aussi avoir les conclusions du groupe de travail auquel vous avez fait référence ? Cela me paraît nécessaire pour procéder à une réflexion éclairée sur cette question cruciale.

M. Philippe Goujon. Pour ma part, je me réjouis de l’apport positif du Sénat concernant le blocage des sites, d’autant plus que le groupe de travail a confirmé qu’ils jouent un rôle primordial pour les clients de la prostitution. L’efficacité de ce dispositif, que nous avons aussi adopté en matière de lutte contre le terrorisme et la pédopornographie, n’est peut-être pas considérable et totale. Malgré ses limites, il constitue toutefois un signal qui peut dissuader certaines personnes. D’ailleurs, j’aurais souhaité que nous puissions aller plus loin : il serait logique de considérer que la consultation de ces sites est un délit, comme peut l’être celle de sites pédopornographiques. C’est pourquoi je suis opposé à la suppression de cet article.

M. Lionel Tardy. Qu’on les applique à la prostitution, au proxénétisme ou à d’autres textes, ces technologies ne fonctionnent pas, alors même qu’elles ont un coût : en cas de blocage de sites, des indemnités doivent être versées au FAI. Comme l’a souligné la rapporteure, le dispositif peut fonctionner en cas d’accès fortuit. Nous avons rencontré les mêmes problèmes avec la loi dite Hadopi : la mère de famille va s’arrêter après avoir fait une erreur de téléchargement sur Internet ; l’habitué contournera facilement le dispositif en passant par des sites étrangers et des réseaux privés virtuels. C’est joli, ça fait bien, mais ça ne sert à rien.

La Commission rejette les amendements CS8 et CS11, puis les amendements CS9 et CS12.

Elle adopte l’amendement CS34 rectifié.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 1er bis
(art. L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles)

Extension des formations sociales aux professionnels et personnels
engagés dans la prévention de la prostitution

Issu d’un amendement de M. Charles de Courson adopté par votre commission spéciale en première lecture, cet article vise à améliorer la formation des professionnels et personnels engagés « dans la prévention de la prostitution et l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains ».

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, cet article complétait le premier alinéa de l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) dans le but de faire bénéficier les professionnels et les personnels salariés et non salariés engagés « dans la prévention de la prostitution » d’une formation sociale.

La disposition, qui avait reçu un avis favorable de votre rapporteure lors de son examen par la commission spéciale, avait été introduite afin de pallier le manque de formation des travailleurs sociaux pour prévenir les risques d’entrée des jeunes dans la prostitution. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en décembre 2012, avait d’ailleurs mis en lumière « le manque d’investissement voire le relatif déni de la part des pouvoirs publics sur cette question de la prostitution des mineurs » (7). C’est aussi le constat qu’a pu faire la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son avis sur la présente proposition de loi (8).

2.  Le texte adopté par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, la commission spéciale du Sénat a modifié le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture afin de prévoir que les formations sociales visées au premier alinéa de l’article L. 451-1 du CASF « comportent un volet relatif à la prévention de la prostitution, ainsi qu’à l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains ».

Dans son rapport, Mme Michelle Meunier justifiait sa position en ces termes : « [u]n tel élargissement apparaît utile, notamment au regard des mesures d’accompagnement social et professionnel mises en place à l’article 3 pour les personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite. Il est en outre cohérent avec la mesure n° 2 du plan d’action national contre la traite des êtres humains 2014-2016 qui vise à développer la formation des professionnels à l’identification et à la protection des victimes » (9).

3.  La position de la commission spéciale

À l’initiative de votre rapporteure, la commission spéciale a adopté un amendement ayant pour objet de clarifier la rédaction de l’article 1er bis tel qu’issu des travaux du Sénat. L’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles n’a pas vocation à dresser la liste des formations sociales qui sont dispensées, comme le laisse entendre la rédaction retenue par les sénateurs, mais à énumérer les catégories de personnels qui peuvent avoir accès à ces formations. Ainsi, bien que les compléments apportés par les sénateurs soient apparus justifiés sur le fond, il a semblé nécessaire de s’assurer que la nouvelle disposition serait cohérente avec le reste de l’article.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS35 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de clarifier une disposition adoptée par le Sénat. Si les compléments apportés par les sénateurs sont justifiés sur le fond, il semble qu’il y ait une erreur d’interprétation quant à la portée de l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles. Ce dernier n’a pas vocation à dresser la liste des formations sociales dispensées mais à énumérer les catégories de personnels qui peuvent y avoir accès. Le présent amendement vise à faire bénéficier des formations sociales les professionnels et les personnels salariés et non salariés engagés dans la prévention de la prostitution et l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.

M. Élie Aboud. Quels sont les personnels non salariés en question ? La notion est extrêmement large.

Mme la rapporteure. Elle existe déjà dans ce même article du code de l’action sociale et des familles.

La Commission adopte l’amendement CS35, et l’article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er ter A (supprimé)
Domiciliation des personnes prostituées

Issu d’un amendement de M. Sergio Coronado adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, cet article avait pour objet de permettre aux personnes prostituées de déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées.

1. Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Lors des débats en séance publique, notre collègue Sergio Coronado indiquait, à l’appui de la modification qu’il appelait de ses vœux, que « seules les personnes ayant porté plainte peuvent se domicilier auprès du commissariat, comme le propose l’article 1er ter adopté par la commission. Or, les personnes prostituées qui ne sont pas victimes de la traite ou qui ne souhaitent pas porter plainte se heurtent elles aussi à des obstacles en matière de domiciliation. Il s’agit donc tout simplement de leur faciliter les démarches administratives en les rendant plus autonomes, et en leur permettant ainsi de franchir un premier pas dans leur parcours de sortie de la prostitution » (10).

2. Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, Mme Michelle Meunier, la commission spéciale du Sénat a supprimé cet article, pour plusieurs raisons :

––  d’une part, l’introduction d’une procédure spécifique applicable aux seules personnes prostituées déjà susceptibles de bénéficier des dispositions de droit commun prévues par le code de l’action sociale et des familles (CASF) a semblé injustifiée. Il est vrai qu’en application de l’article L. 264-1 du CASF, modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (la loi « ALUR »), les personnes sans domicile stable peuvent élire domicile auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale (CCAS ou CIAS) ou auprès d’un organisme agréé à cet effet « [p]our prétendre au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles, à l’exercice des droits civils qui leur sont reconnus par la loi, ainsi qu’à la délivrance d’un titre national d’identité, à l’inscription sur les listes électorales ou à l’aide juridictionnelle » ;

––  d’autre part, la procédure créée par l’article 1er ter de la présente proposition de loi (11) est apparue « largement suffisante » (12) ;

––  enfin, la formulation de l’article adopté par notre assemblée a été considérée comme trop large. Ainsi la rapporteure a-t-elle fait état de ses craintes quant à l’interprétation qui pourrait en être faite : « [s]i, lors des débats à l’Assemblée nationale, il a été indiqué que cet article devait permettre aux personnes concernées " de franchir un premier pas dans leur parcours de sortie de la prostitution ", aucun lien n’est défini entre le présent article et le parcours mis en place à l’article 3. En l’état, il peut donc être compris que le présent article vise avant tout à faciliter les conditions d’exercice de la prostitution. Or l’article 225-5 du code pénal dispose que " le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit […] d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui […] " est considéré comme du proxénétisme. Les avocats ou associations domiciliant des personnes prostituées dans les conditions prévues au présent article pourraient donc être assimilés à des proxénètes » (13).

1. La position de la commission spéciale

La commission spéciale n’est pas revenue sur la suppression de cet article.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS3 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le Sénat a supprimé une disposition, adoptée en première lecture, qui permettait aux personnes prostituées d’avoir une adresse administrative chez leur avocat ou dans une association. Ce problème de la domiciliation – que nous avons aussi rencontré dans le cadre de la réforme pénale pour les prisonniers libérés – doit être résolu. L’absence d’adresse représente un véritable obstacle aux démarches administratives, et elle empêche la personne de faire valoir ses droits et d’avoir accès aux aides sociales.

Dans le cadre actuel de la loi, les avocats ou les associations qui domicilient une personne prostituée, dans un but purement administratif, prennent le risque d’être considérés comme des proxénètes. Rappelons que la domiciliation des personnes prostituées auprès de leur avocat ou d’une association était contenue dans la proposition n° 8 du rapport d’information sur la prostitution en France, déposé en avril 2011. Elle faisait aussi partie des mesures du Plan d’action national contre la traite des êtres humains 2011-2013.

C’est pourquoi je souhaite rétablir cet article supprimé par le Sénat.

Mme la rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement car la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (la loi « ALUR ») permet à tous les publics fragiles d’élire domicile auprès d’organismes habilités comme des associations ou les centres communaux d’action sociale (CCAS). Citer spécifiquement les personnes prostituées aurait pour effet de les stigmatiser.

La Commission rejette l’amendement.

L’article 1er ter A demeure supprimé.

Article 1er ter
(art. 706-34-1 [nouveau] du code de procédure pénale)

Protection des personnes victimes de la traite des êtres humains,
du proxénétisme ou de la prostitution

Issu d’un amendement de votre rapporteure adoptée en première lecture par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, le présent article crée, au sein du titre XVII du code de procédure pénale relatif à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions en matière de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution, un nouvel article 706-34-1, destiné à mieux protéger les victimes, mineures ou majeures, de la traite des êtres humains, du proxénétisme ou de la prostitution.

1. Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction issue de la Commission en première lecture, le présent article offrait la possibilité aux victimes, mineures ou majeures, de la traite des êtres humains, du proxénétisme ou de la prostitution, de déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, de témoigner sans que leur identité apparaisse dans la procédure, de bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité ou bien encore de faire usage d’une identité d’emprunt.

Lors de l’examen de la présente proposition de loi en séance publique, l’Assemblée nationale avait adopté, suivant l’avis favorable de la Commission et du Gouvernement, un amendement de M. Sergio Coronado complétant le présent article afin que ces mêmes victimes puissent déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées.

2. Le texte adopté par le Sénat

La rapporteure au nom de la commission spéciale du Sénat a estimé que « certaines des dispositions prévues par le présent article peuvent déjà, en vertu du droit en vigueur, bénéficier aux personnes prostituées victimes de la traite ou du proxénétisme : il en est ainsi de la possibilité de domiciliation auprès du commissariat ou de la brigade de gendarmerie et de la possibilité de témoigner de manière anonyme » (14). Par conséquent, la commission spéciale a adopté un amendement présenté conjointement par sa rapporteure et son président afin de supprimer les dispositions redondantes du présent article – mais qui resteront applicables compte tenu du droit d’ores et déjà en vigueur –, à savoir :

—  la faculté, reconnue à l’article 706-57 du code de procédure pénale, de déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie ;

—  le recours, prévu à l’article 706-58 du code de procédure pénale, au témoignage anonyme.

Par ailleurs, la rapporteure de la commission spéciale a estimé que « l’extension du bénéfice des mesures de protection des témoins aux victimes de l’infraction de recours à la prostitution – infraction supprimée, en tout état de cause, du texte finalement adopté par la commission – était quelque peu disproportionnée » (15), dans la mesure où les mesures de protection des témoins, dérogatoires de la procédure pénale ordinaire, s’appliquent en principe à des infractions graves – à savoir des délits punis de trois ans d’emprisonnement. Pour ces raisons, la commission spéciale a adopté un amendement de sa rapporteure ayant pour effet de supprimer l’extension du bénéfice des mesures de protection des témoins aux victimes de l’infraction de recours à la prostitution.

En revanche, la commission spéciale du Sénat a salué certains apports issus des travaux de votre Commission, estimant « particulièrement opportunes la nouvelle possibilité de domiciliation auprès d’un avocat ou d’une association et la possibilité de bénéficier des mesures de protection et d’insertion définies par la commission nationale compétente » (16).

3. La position de la commission spéciale

Sur l’initiative conjointe de votre rapporteure et de son président, la commission spéciale a adopté un amendement clarifiant la rédaction du présent article, dont l’objet est de mieux protéger les victimes, mineures ou majeures, de la traite des êtres humains et du proxénétisme.

Votre rapporteure souhaite, à cet égard, réaffirmer que cette protection est, la contrepartie nécessaire à la création d’une infraction de recours à la prostitution (article 16 de la proposition de loi) et à l’abrogation du délit de racolage (article 13 de la proposition de loi), afin de permettre aux forces de l’ordre , dans le cadre de la poursuite d’infractions liées à la traite des êtres humains et au proxénétisme, d’entendre les personnes prostituées victimes de telles infractions souhaitant témoigner librement et étant en capacité de le faire ainsi que de bénéficier de leur concours pour remonter les réseaux.

À cette fin, le présent article met à la disposition des forces de l’ordre comme des victimes toute une série de mesures permettant aux premiers de recueillir le témoignage des secondes dans des conditions garantissant leur sécurité. Les personnes victimes d’infractions liées à la traite des êtres humains et au proxénétisme pourront ainsi déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, de leur avocat ou bien encore d’une association, témoigner sans que leur identité apparaisse dans la procédure, bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité ou bien encore faire usage d’une identité d’emprunt. Ces mesures ont vocation à être mises en œuvre au cas par cas et à offrir à chaque victime une protection adaptée à sa situation personnelle, afin de lui garantir la possibilité d’apporter son concours à la poursuite et à la répression de ces infractions.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS27 de la rapporteure et de M. Guy Geoffroy.

Mme la rapporteure. Le présent amendement apporte une clarification rédactionnelle à l’article 1er ter qui tend à mieux protéger les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.

Cette protection est la contrepartie nécessaire à la création d’une infraction de recours à la prostitution, prévue aux articles 16 et 17, et à l’abrogation du délit de racolage prévue à l’article 13. Il s’agit de permettre aux forces de l’ordre d’entendre, dans le cadre de la poursuite d’infractions liées à la traite des êtres humains et au proxénétisme, les personnes prostituées victimes de ces infractions qui souhaitent témoigner librement et qui sont en capacité de le faire. Les forces de l’ordre pourront ainsi bénéficier de leur concours pour démanteler des réseaux.

Le président Geoffroy a bien expliqué, dans son propos liminaire, l’intérêt de faire figurer de manière extrêmement claire ces mesures de protection qui pourront être adaptées au cas par cas. Les victimes d’infractions liées à la traite des êtres humains et au proxénétisme pourront notamment déclarer comme domicile l’adresse du commissariat, de la brigade de gendarmerie, de leur avocat ou d’une association. Elles pourront aussi témoigner sans que leur identité n’apparaisse dans la procédure.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le président, j’approuve votre volonté d’aboutir à un texte qui, tout en préservant nos grands principes, permettrait de recueillir l’assentiment du Sénat. Mais, à la lecture de l’exposé des motifs de cet amendement, je me demande s’il s’agit d’accorder le statut de témoin assisté aux personnes victimes du système prostitutionnel. Si c’est le cas, je suis assez dubitative : les témoins assistés sont des personnes dont on pense qu’elles ont peut-être commis des actes répréhensibles.

Mme la rapporteure. L’exposé des motifs est tout à fait clair : il ne s’agit pas de témoins assistés. Il s’agit de victimes protégées que les forces de l’ordre pourront entendre afin d’obtenir des informations qui pourraient servir à identifier des proxénètes, à mettre à jour des réseaux et des filières de prostitution.

M. le président Guy Geoffroy. Ce point est fondamental dans l’élaboration d’un ensemble d’éléments qui vont dans le même sens et qui répondent à toutes nos ambitions.

Nous ne voulons surtout pas nous référer à la notion de témoin assisté. Quand une personne est entendue comme témoin assisté, c’est que les charges sont insuffisantes pour qu’elle soit mise en examen, mais qu’elle pourrait être sur le chemin d’une incrimination pénale, ce qui n’est absolument pas le cas des victimes dont il est question dans ce texte.

Nous avions envisagé d’utiliser la notion de témoin protégé, mais nous y avons renoncé car elle correspond au statut des repentis qui, comme leur nom l’indique, sont des personnes qui ont commis des infractions. Nous ne pouvons donc pas employer cette notion pour des victimes, si nous ne voulons pas créer une catégorie ambiguë qui conduirait vraisemblablement à des difficultés d’appréciation.

Nos débats en feront foi : en tant que législateur, nous considérons la personne prostituée comme une victime qu’il faut protéger au maximum afin qu’elle puisse s’exprimer librement en tant que témoin et apporter ainsi des informations qui pourraient être utiles aux enquêtes visant les proxénètes et les réseaux de prostitution. C’est une victime appelée à témoigner dans le cadre d’une enquête menée à partir de l’infraction pénale commise par le client, et à laquelle on accorde le maximum de protection.

M. Sergio Coronado. L’amendement n’a pas pour objet l’audition de prostituées, enjeu déjà traité par la loi, mais leur domiciliation : au dispositif très souple que j’ai proposé – la domiciliation des prostituées qui témoignent soit auprès de leur avocat, soit auprès d’une association –, vous avez préféré un dispositif très contraignant au centre duquel se trouve la police, sous prétexte de mener à bien des enquêtes et de protéger les victimes. J’ignore quelle sera l’attitude des principales personnes concernées, lorsqu’elles apprendront qu’elles doivent se domicilier au commissariat, sachant qu’elles ont déjà aujourd’hui beaucoup de mal à faire enregistrer leurs plaintes, à faire en sorte que les policiers se déplacent et à être prises au sérieux par ces derniers.

Mme la rapporteure. Nous ne faisons qu’élargir les possibilités offertes, qui incluent celle de se domicilier auprès d’une association ou de son avocat.

M. le président Guy Geoffroy. Il est vrai que l’amendement en lui-même ne porte pas sur ce que j’ai indiqué tout à l’heure. Si j’ai tenu à vous fournir ces explications, c’est pour faire apparaître le sens que nous voulons donner à cet article 1er ter : nous souhaitons instaurer un nouvel équilibre faisant du client le coupable d’une infraction pénale et de la prostituée une victime potentielle de la traite des êtres humains ou du proxénétisme, alors que c’est l’inverse à l’heure actuelle.

Mme Marie-Louise Fort. Si je vous comprends bien, vous proposez de rétablir les dispositions supprimées par le Sénat à cet article, permettant aux victimes de témoigner sans que leur identité apparaisse dans la procédure ou de bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité et de faire usage d’une identité d’emprunt.

M. le président Guy Geoffroy. Non, nous maintenons l’article 1er ter tout en élargissant les moyens de protéger les personnes prostituées.

Mme la rapporteure. Nous ne modifions guère l’article issu du Sénat. Il s’agit plutôt d’un amendement rédactionnel.

Mme Marie-Louise Fort. Le Sénat a supprimé plusieurs alinéas à cet article.

Mme la rapporteure. Nous maintenons les modifications proposées par le Sénat en première lecture.

M. Philippe Goujon. Dans ce débat, peut-être allons-nous trouver un point d’équilibre, car certains d’entre nous, dont moi-même, étaient favorables au maintien du délit de racolage. Pour avoir suivi l’application de cette disposition à Paris, nous considérions, en effet, que ce n’était pas en premier lieu un outil de répression, mais, bien souvent, un moyen d’établir un premier contact, d’identifier ainsi des réseaux et surtout d’inciter les femmes prostituées à faire un premier pas vers la sortie de la prostitution.

Si ce délit est abrogé, il n’est pas inopportun d’instaurer au profit de ces dernières un statut particulier – qui n’est pas un statut de repenti puisque l’on considère les personnes prostituées comme des victimes et non comme des délinquantes – permettant à la police comme à d’autres administrations d’établir un contact avec celles-ci. Cette solution me paraît de nature à satisfaire les services de police qui luttent contre les réseaux de proxénétisme, mais aussi ceux qui, comme nous tous au sein de cette commission, considèrent les prostituées comme des victimes.

La Commission adopte l’amendement CS27.

Puis elle adopte l’article 1er ter modifié.

Article 1er quater (supprimé)
Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les actions de coopération internationale et européenne pour la lutte contre les
réseaux de traite et de proxénétisme et l’impact de la loi
sur la prostitution dans les zones transfrontalières

Cet article, issu de l’adoption d’un amendement déposé par votre rapporteure devant la commission spéciale en première lecture, avait pour objet de demander au Gouvernement la remise au Parlement, chaque année, d’un rapport faisant le bilan des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans le but de renforcer l’efficacité des moyens de lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme.

1. Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Si, à l’origine, le rapport ne devait faire état que du bilan des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans le but de renforcer l’efficacité des moyens de lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme, l’Assemblée nationale avait, en séance publique, adopté, suivant l’avis favorable de la Commission et du Gouvernement, un amendement de Mme Ségolène Neuville, alors députée des Pyrénées-Orientales, prévoyant que ledit rapport servirait aussi à mesurer l’impact de la loi sur la prostitution dans les zones transfrontalières.

Lors des débats, Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, et M. Guy Geoffroy, président de votre commission spéciale, avaient tous les deux souligné les difficultés soulevées par l’existence de législations différentes dans des pays voisins.

2. Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, la commission spéciale du Sénat a supprimé cet article. Dans son rapport de juillet 2014, Mme Michelle Meunier indiquait ainsi qu’il était « peu probable que le Gouvernement soit en mesure de transmettre chaque année au Parlement des informations autres que purement factuelles sur des mesures de coopération européenne et internationale en matière de lutte contre la traite dans la mesure où celles-ci demeurent encore embryonnaires sur bien des points », avant d’ajouter qu’il en était de même « s’agissant de l’évolution de la prostitution dans les zones transfrontalières » (17).

Toutefois, le Sénat ne s’est pas contenté de supprimer purement et simplement les dispositions de cet article. Dans un souci de lisibilité, il les a transférées à l’article 18 de la proposition de loi, qui prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application du présent texte, deux ans après sa promulgation (18).

3. La position de la commission spéciale

La commission spéciale n’a pas souhaité réintroduire cet article mais a apporté quelques modifications à l’article 18 de la proposition de loi tel qu’adopté par le Sénat (19).

L’article 1er quater demeure supprimé.

Article 1er quinquies (nouveau)
(art. L. 8112-2 du code du travail)

Extension du champ de compétence des inspecteurs du travail
à la constatation des infractions de traite des êtres humains

Cet article, introduit à l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure de la commission spéciale du Sénat, a pour objet d’étendre le champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains.

1. Le texte adopté par le Sénat

En application du 1° de l’article L. 8112-2 du code du travail, les inspecteurs du travail sont compétents pour constater « [l]es infractions commises en matière de discriminations prévues au 3° et au 6° de l’article 225-2 du code pénal, les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations de travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code ainsi que les infractions relatives aux conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité des personnes, prévues par les articles 225-13 à 225-15-1 du même code ».

L’article 1er quinquies complète la liste des infractions qu’il appartient aux inspecteurs du travail de constater en y ajoutant la traite des êtres humains prévue à l’article 225-4-1 du code pénal.

L’article 225-4-1 du code pénal

« I. - La traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des circonstances suivantes :

« 1° Soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;

« 2° Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 3° Soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;

« 4° Soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.

« L’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit.

« La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.

« II. - La traite des êtres humains à l’égard d’un mineur est constituée même si elle n’est commise dans aucune des circonstances prévues aux 1° à 4° du I.

« Elle est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 € d’amende. »

Comme le relevait à juste titre la rapporteure, Mme Michelle Meunier, cette modification fait écho à la mesure n° 13 du plan d’action national contre la traite des êtres humains 2014-2016, aux termes de laquelle « il convient de modifier la loi afin d’accorder une compétence explicite aux inspecteurs du travail pour constater par procès-verbal les situations illégales de traite des êtres humains (…) ».

2. La position de la commission spéciale

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission adopte l’article 1er quinquies sans modification.

Chapitre II
Protection des victimes de la prostitution et création d’un parcours de sortie
de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle

La Commission est saisie de l’amendement CS36 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de modifier l’intitulé du chapitre II tel qu’issu du Sénat afin d’y réintroduire la notion de « parcours de sortie de la prostitution ». Plutôt que d’adopter le terme vague de « projet », il semble préférable de conserver la notion de parcours, fait d’étapes successives permettant de rompre avec l’activité prostitutionnelle.

La Commission adopte l’amendement et le chapitre II est ainsi modifié.

Section 1
Dispositions relatives à l’accompagnement
des victimes de la prostitution

Article 3
(art. L. 121-9 et L. 121-10 du code de l’action sociale et des familles ;
art. 42 et 121 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure)

Création d’un parcours de sortie de la prostitution et codification d’une disposition de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure

Cet article, pierre angulaire du dispositif d’accompagnement des personnes prostituées proposé par le texte, instaure un parcours de sortie de la prostitution, mentionné et défini à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles (CASF). L’article 3, qui constitue l’un des piliers de la réforme, entend offrir aux personnes prostituées et aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle les moyens de rompre avec leur activité et de s’engager dans un processus de réinsertion crédible et structuré.

1. Le texte adopté par l’Assemblée nationale

a.  En commission spéciale

En première lecture, votre Commission avait, à l’initiative de votre rapporteure, largement réécrit l’article 3.

Elle y avait d’abord intégré les dispositions de l’article 2 de la proposition de loi – qu’elle avait donc supprimé (20) – portant création, au sein de chaque conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes (CDPD), d’une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains et d’assurer la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 121-9 du CASF, réécrit par le texte.

L’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction actuelle

« Dans chaque département, l’État a pour mission :

« 1° De rechercher et d’accueillir les personnes en danger de prostitution et de fournir l’assistance dont elles peuvent avoir besoin, notamment en leur procurant un placement dans un des établissements mentionnés à l’article L. 345-1.

« 2° D’exercer toute action médico-sociale en faveur des personnes qui se livrent à la prostitution. »

Elle y avait par ailleurs introduit plusieurs précisions relatives au « parcours de sortie de la prostitution » (21) :

––  l’engagement de la personne dans ce parcours devait prendre la forme d’un contrat passé entre celle-ci, l’autorité administrative, après avis de l’instance mentionnée ci-dessus, et une association ;

––  dans un souci de lisibilité, les droits ouverts par l’engagement de la personne dans le parcours étaient regroupés au sein d’un même alinéa de l’article L. 121-9 du CASF. Déjà prévus par la proposition de loi dans sa rédaction initiale, il s’agissait : de la délivrance, indépendamment de toute collaboration avec les autorités judiciaires et sous réserve de ne pas constituer une menace pour l’ordre public, d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de six mois permettant de travailler, dans les conditions prévues au nouvel article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), créé par l’article 6 de la proposition de loi (22) ; de la perception de l’allocation temporaire d’attente (ATA), mentionnée à l’article L. 5423-8 du code du travail ; de l’octroi, enfin, d’une remise totale ou partielle d’impôts directs dans les conditions prévues au 1° de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales ;

––  l’instance créée au sein de chaque CDPD devait assurer le suivi du « parcours de sortie de la prostitution » et veiller à ce que l’accès aux droits susmentionnés et la sécurité de la personne engagée dans ce parcours soient effectivement garantis et à ce que la personne respecte ses engagements ;

––  lors du renouvellement du contrat, l’autorité administrative, après avis de l’instance, et l’association devaient tenir compte du respect, par la personne engagée dans le parcours en question, de ses engagements.

b.  En séance publique

En séance publique, plusieurs modifications avaient été apportées au texte à l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre Commission :

––  tout d’abord, la notion de contrat conclu entre la personne prostituée, l’autorité administrative et une association avait été supprimée ; à l’appui de cette modification, la ministre des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, avait souligné, lors des débats, que les différentes parties prenantes n’étaient pas placées sur un pied d’égalité et que le terme « contrat » n’était donc pas approprié ;

––  ensuite, la protection et l’assistance auxquelles les personnes prostituées ont droit (23) devaient être définies avec elles en fonction d’une évaluation de leurs besoins sanitaires, professionnels et sociaux, précision qui ne figurait pas dans le texte adopté par votre Commission. La protection et l’assistance devaient par ailleurs s’appuyer sur un « projet d’insertion sociale et professionnelle » destiné à leur permettre d’accéder à des alternatives à la prostitution, proposé et mis en œuvre par les associations qui les aident et les accompagnent ;

––  par ailleurs, la référence aux associations constituées pour l’aide et l’accompagnement des personnes prostituées et agréées à cet effet, seules habilitées, aux termes de la solution retenue par votre Commission, à recevoir les demandes des personnes prostituées désireuses de s’engager dans un « parcours de sortie de la prostitution », avait été supprimée. À l’occasion des débats, la ministre des droits des femmes avait fait état de la volonté du Gouvernement d’inclure l’ensemble des associations dans le dispositif : « [q]ue les choses soient claires : nous nous appuierons sur toutes les associations qui accompagnent les personnes prostituées, quelles que soient leur origine et leur doctrine. Dans notre esprit, il n’a jamais été question du contraire. Je pense, en disant cela, à des associations qui agissent déjà sur le terrain, comme l’Amicale du Nid, les Amis du Bus des femmes, le Mouvement du Nid, Ippo, à Bordeaux, Médecins du Monde, mais aussi à des associations généralistes qui ont mis en place des programmes d’accompagnement des personnes prostituées et qui adhèrent, par exemple, à la FNARS – la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale » (24) ;

––  enfin, la personne engagée dans un « parcours de sortie de la prostitution » devait bénéficier non plus de l’ATA mais d’une « aide financière à l’insertion sociale et professionnelle » (25). D’après Mme Najat Vallaud-Belkacem, « ouvrir le bénéfice de l’ATA (…) aux personnes qui s’engageraient dans le parcours de sortie de prostitution [aurait créé] une rupture d’égalité à l’égard des femmes qui seraient, elles, de nationalité française ou résidentes stables sur notre territoire et qui ne bénéficieraient pas des minima sociaux, en particulier du RSA » (26).

2. Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, Mme Michelle Meunier, la commission spéciale du Sénat a sensiblement modifié l’article 3 de la proposition de loi.

Aux termes de la solution retenue par les sénateurs, l’article L. 121-9 du CASF serait désormais divisé en deux parties.

Le I mentionnerait, à son premier alinéa, les missions générales d’assistance et de protection de l’État à l’égard des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains. Y seraient en partie reprises les dispositions déjà prévues à l’article L. 121-9, notamment celles relatives à la fourniture d’une place d’hébergement dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) (27).

Le second alinéa du I traiterait, quant à lui, de l’instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains et d’assurer la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 121-9 du CASF. Les sénateurs ont choisi de ne pas faire de cette instance une émanation du conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes (CDPD). Dans son rapport fait au nom de la commission spéciale, Mme Michelle Meunier expliquait qu’il avait semblé préférable de s’écarter de la solution retenue par l’Assemblée nationale et d’éviter de renvoyer aux CDPD, « d’un dynamisme très variable selon les départements » (28), et, qu’à l’inverse, il était apparu judicieux de créer de nouvelles structures et de tracer les contours de leur composition. Ainsi, aux termes du second alinéa du I de l’article L. 121-9, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, la nouvelle instance serait présidée par le préfet (29) et composée de plusieurs collèges de taille équivalente regroupant des magistrats appartenant aux juridictions ayant leur siège dans le département, des représentants de l’État, des représentants des collectivités territoriales, des professionnels de santé (30) et des représentants d’associations.

Le II porterait exclusivement sur le « parcours de sortie de la prostitution », dont le Sénat a modifié le contenu.

Premièrement, aux termes « parcours de sortie de la prostitution » ont été substitués, dans l’ensemble de l’article, ceux de « projet d’insertion sociale et professionnelle ». Cette modification sémantique visait, d’après la rapporteure, à mieux tenir compte des caractéristiques du suivi mis en place au bénéfice des personnes prostituées. Pour reprendre ses termes, « il ne s’agit pas de leur imposer un parcours prédéfini, fait d’étapes obligatoires et identiques pour tous, mais de leur proposer, sur le long terme, un projet personnalisé pour une réinsertion durable » (31).

Deuxièmement, en application du premier alinéa du II, ce projet serait non seulement ouvert aux personnes prostituées mais également aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains, précision qui ne figurait pas dans le texte adopté par notre assemblée. L’élargissement du champ d’application de ce dispositif ferait d’ailleurs écho aux orientations définies par le plan d’action national de lutte contre la traite 2014-2016.

Troisièmement, d’après ce même alinéa, le « projet d’insertion sociale et professionnelle » serait mis en œuvre par une association en accord avec la personne accompagnée.

Quatrièmement, aux termes du deuxième alinéa du II, c’est au représentant de l’État dans le département qu’il reviendrait d’autoriser l’entrée dans le « projet d’insertion sociale et professionnelle » et son renouvellement, et non plus à « l’autorité administrative », notion juridiquement floue. Comme cela était prévu par le texte adopté par notre assemblée, le préfet prendrait sa décision après l’avis de l’instance de suivi et de l’association mentionnées à l’article L. 121-9 du CASF réécrit.

Cinquièmement, les dispositions relatives aux droits ouverts par le « projet d’insertion sociale et professionnelle », mentionnés au troisième alinéa du II, ont été réécrites. Alors que notre assemblée avait choisi d’en faire bénéficier sans condition les personnes engagées dans un « parcours de sortie de la prostitution » (32), le Sénat a décidé de revenir sur cette automaticité :

––  d’une part, la personne étrangère engagée dans un « projet d’insertion sociale et professionnelle » pourrait simplement prétendre au bénéfice de l’APS, les conditions propres à sa délivrance étant définies à l’article L. 316-1-1 du CESEDA (33) ;

––  d’autre part, les conditions de gêne et d’indigence prévues au 1° de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales seraient présumées satisfaites du fait de l’engagement dans le projet en question ; la décision d’attribuer ou non les remises d’impôts demeurerait une prérogative de l’administration fiscale ;

––  enfin, « l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle » serait versée aux personnes n’ayant accès ni au RSA, ni à l’ATA ; l’accès aux dispositifs de droit commun devrait rester la priorité et il ne serait pas possible de cumuler différents dispositifs d’aide.

Sixièmement, en application du cinquième alinéa du II, le préfet devrait, au moment du renouvellement du « projet d’insertion sociale et professionnelle », tenir compte non seulement du respect par la personne de ses engagements, mais également des difficultés qu’elle aurait pu rencontrer.

Septièmement, le sixième alinéa du II précise que toute association choisie par la personne concernée ayant pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes en difficulté pourrait participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du « projet d’insertion sociale et professionnelle » sous réserve de remplir les conditions d’agrément fixées par décret en Conseil d’État.

Notons que la disposition en vertu de laquelle la personne pourrait choisir l’association agréée avec laquelle elle souhaite mettre en œuvre un « projet d’insertion sociale et professionnelle » a été ajoutée en séance publique à l’initiative de plusieurs sénateurs du groupe socialiste, malgré les demandes de retrait de la commission spéciale et du Gouvernement.

Enfin, l’article L. 121-10 du CASF, devenu sans objet, a été abrogé par les sénateurs (34).

3. La position de la commission spéciale

Votre Commission a approuvé en grande partie la réécriture de l’article 3. Toutefois, à l’initiative de votre rapporteure, elle y a apporté quelques modifications :

––  en premier lieu, elle a substitué à la formulation « projet d’insertion sociale et professionnelle » la formulation « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ». Il est en effet apparu nécessaire que la notion de parcours de sortie de la prostitution, fait d’étapes successives qui doivent permettre, in fine, de rompre avec l’activité prostitutionnelle, soit préservée. Aux yeux de votre rapporteure, cette nouvelle formulation devrait permettre de concilier les solutions retenues par l’Assemblée nationale et le Sénat ;

––  en deuxième lieu, elle a souhaité qu’il soit prévu, à l’alinéa 4, que les services de police et de gendarmerie seraient représentés au sein de l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains. La participation des policiers et des gendarmes apparaît en effet indispensable, notamment au regard de l’objectif de lutte contre les réseaux d’exploitation sexuelle qui agissent sur le territoire ;

––  en troisième lieu, il lui a semblé judicieux de préciser, à l’alinéa 5, que le « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » serait ouvert aux personnes victimes de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle plutôt qu’à l’ensemble des victimes de la traite, indépendamment de la nature de l’exploitation dont elles seraient l’objet (35) ;

––  en quatrième lieu, à l’alinéa 10, elle a jugé préférable de réserver l’accompagnement des personnes prostituées dans un « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » aux associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées plutôt qu’à celles qui ont « pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes en difficulté » ;

––  en dernier lieu, elle a modifié la rédaction de l’alinéa 11 afin que les conditions d’application de l’ensemble des dispositions de l’article L. 121-9 du CASF réécrit soient déterminées par décret en Conseil d’État.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS37 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de préciser que les services de police et de gendarmerie seront représentés au sein de l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains. Il importe que ces services soient pleinement impliqués dans cet organisme, au regard de notre objectif de lutte contre les réseaux d’exploitation sexuelle.

M. Sergio Coronado. Mme la rapporteure pourrait-elle expliciter cet amendement, dans la mesure où telle n’était pas sa position en première lecture ? La distinction entre la lutte contre le proxénétisme et la lutte contre la traite des êtres humains était auparavant bien établie dans le texte. Je ne vois pas en quoi la présence de policiers et de gendarmes aux côtés d’associations et de magistrats dans une instance visant à accompagner sur le plan social et sanitaire les victimes de la traite des êtres humains ou de la prostitution serait efficace, pertinente et utile.

Mme Marie-George Buffet. Je ne comprends pas du tout l’interrogation de notre collègue, car plus on associe les forces de police ou de gendarmerie – selon les zones concernées – à l’accompagnement des victimes que sont les personnes prostituées, plus cela contribuera à la prise de conscience que nous voulons susciter. Il ne faut pas avoir peur des forces de police et de gendarmerie, bien au contraire ! Leur présence ne peut qu’être bénéfique, comme le montre l’exemple des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Mme Marie-Louise Fort. J’ajoute que, dans de nombreux commissariats et postes de police, il existe désormais des cellules d’accueil de ces victimes. Pour en avoir installé une il y a peu dans ma commune, je puis vous affirmer que cela est très efficace et que policiers comme gendarmes sont particulièrement coopératifs, contribuant ainsi à améliorer notre compréhension des problèmes de ces victimes.

M. Élie Aboud. Au risque de chagriner M. Coronado, j’aurais même ajouté, pour ma part, la police municipale ! Madame la rapporteure, votre amendement vise-t-il bien à ce que soient présents en nombre égal représentants de l’État, élus et magistrats ?

Mme la rapporteure. Oui : il est important que chaque corps soit représenté en nombre égal.

Mme Catherine Coutelle. Nous souhaitons aussi, grâce à ces commissions, faire évoluer le regard qui est porté sur les personnes prostituées. Il faut que tout le monde se persuade qu’elles ne sont pas des délinquantes mais des victimes.

M. Charles de Courson. Je précise à l’attention de notre collègue Sergio Coronado que ce sont en général des femmes gendarmes qui accueillent désormais les femmes prostituées et les femmes battues. Et lorsque l’on interroge ces femmes gendarmes, elles nous assurent que ces victimes se confient plus facilement à une femme qu’à un homme, ce qui paraît naturel.

La Commission adopte l’amendement CS37.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CS38, l’amendement de précision CS40 et l’amendement rédactionnel CS39 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CS41 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de préciser que l’entrée dans le « parcours de sortie de la prostitution » n’est pas automatique, mais subordonnée à un engagement de la personne concernée.

M. Élie Aboud. Ce parcours est-il précisément défini ?

M. Sergio Coronado. Une rechute est celle censée conduire le représentant de l’État à exclure de ce dispositif celles qui auraient « trahi » leur engagement ?

Mme la rapporteure. Les modalités de ce parcours seront précisées par décret. Des dispositions ultérieures prévoient effectivement que les personnes concernées ne peuvent bénéficier du dispositif que si elles restent dans ce parcours.

M. Sergio Coronado. Je pose la question car on voit mal comment ces personnes en difficulté pourraient sortir de la prostitution tant qu’elles restent privées de carte de séjour. Même si ce n’est pas explicite dans le texte, la philosophie générale de ce dernier repose sur l’idée que l’engagement de cesser cette activité doit être définitif et qu’aucun accident de parcours n’est toléré.

Mme la rapporteure. La création de commissions ad hoc permettra d’estimer les difficultés propres à chaque personne. Il n’est pas question de préciser dans le texte qu’une personne qui aurait rechuté sera exclue du dispositif, mais l’objectif est bien de faire en sorte que les personnes concernées sortent de la prostitution.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS42 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS43 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de spécifier que les associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées peuvent toutes être habilitées à le faire, même si leurs statuts ne précisent pas que tel est leur objet.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS44 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS20 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Les travailleurs du sexe étant placés dans une situation souvent très stigmatisante, mon amendement vise à protéger l’anonymat de ces personnes, notamment lorsqu’elles sont susceptibles d’être citées dans des articles de presse.

Mme la rapporteure. Je m’interroge quant à l’opportunité de faire figurer cette disposition à l’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ce dernier traite en effet des cas dans lesquels sont interdites et sanctionnées la diffusion d’une image ou la réalisation ou la publication d’un sondage d’opinion portant sur la culpabilité d’une personne mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale. Or, il n’est pas question d’une telle procédure dans votre amendement, qui pourrait donc remettre en cause la cohérence de ce dispositif. Je rappelle que les personnes s’engageant dans un « parcours de sortie de la prostitution » ne seront pas nécessairement engagées en parallèle dans une procédure judiciaire. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.

M. Sergio Coronado. Je comprends l’argument, mais je le maintiens, compte tenu de l’importance du sujet. Nous verrons en séance si cette disposition peut être introduite à un meilleur endroit.

La Commission rejette l’amendement CS20.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 3 bis (nouveau)
(art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation)

Extension de la liste des publics prioritaires
pour l’attribution de logements sociaux

Cet article, introduit par la commission spéciale du Sénat à l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, a pour objet de reconnaître aux personnes engagées dans le « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » ainsi qu’aux victimes du proxénétisme ou de la traite des êtres humains le statut de publics prioritaires pour l’accès aux logements sociaux.

1.  Le texte adopté par le Sénat

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation cite, au nombre des personnes susceptibles de bénéficier d’une priorité pour l’attribution de logements sociaux :

––  les personnes en situation de handicap ou les familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ;

––  les personnes mal logées, défavorisées ou rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d’ordre financier ou tenant à leurs conditions d’existence ;

––  les personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ;

––  les personnes mal logées reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ;

––  les personnes mariées, vivant maritalement ou liées par un pacte civil de solidarité justifiant de violences au sein du couple ou entre les partenaires, sans que la circonstance que le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité bénéficie d’un contrat de location au titre du logement occupé par le couple puisse y faire obstacle.

L’article introduit par la commission spéciale du Sénat vise à ajouter à cette liste deux catégories de personnes :

––  celles qui sont engagées dans le « projet d’insertion sociale et professionnelle » mentionné et défini à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles réécrit par l’article 3 de la proposition de loi (36) ;

––  celles qui sont victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal.

2.  La position de la commission spéciale

La commission spéciale a approuvé cette nouvelle disposition. Sur proposition de votre rapporteure, elle a cependant adopté deux amendements visant à :

––  substituer aux termes « projet d’insertion sociale et professionnelle » les termes « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ». Cette modification fait écho à celle opérée à l’article 3 (37) ;

––  effectuer une coordination au troisième alinéa de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation.

*

* *

La Commission adopte successivement les amendements de coordination CS45 et CS46 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 3 bis modifié.

Article 4
Création d’un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement des personnes prostituées

Cet article met en place, au sein du budget de l’État, un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées.

Ce fonds aurait pour fonction de contribuer aux actions définies à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles (CASF) réécrit par le présent texte et de soutenir toute initiative visant à la sensibilisation des populations aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l’entrée dans la prostitution et à l’insertion des personnes prostituées.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Aux termes de l’article 4 tel qu’il avait été adopté, en première lecture, par l’Assemblée nationale, ce fonds devait être abondé par trois types de ressources :

––  des crédits de l’État adoptés chaque année en loi de finances ;

––  une partie des recettes provenant de la confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction de proxénétisme ainsi que des produits issus de cette infraction ;

––  un montant, défini chaque année par arrêté ministériel, prélevé sur le produit des amendes acquittées par les personnes condamnées sur le fondement de l’article 225-12-1 du code pénal, réécrit par l’article 16 de la proposition de loi, prohibant l’achat d’actes sexuels (38).

Rappelons que, d’après les déclarations faites devant notre assemblée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, le montant total des dépenses du fonds devait s’élever à 20 millions d’euros par an.

2.  Le texte adopté par le Sénat

Dans son rapport, Mme Michelle Meunier, rapporteure au nom de la commission spéciale du Sénat, a fait état de sa préoccupation quant au niveau des recettes susceptibles d’abonder le fonds, en raison de leur évolution incertaine dans le temps : « [l]’exemple du fonds de concours de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (Mildt), alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogue, permet d’avoir un aperçu des difficultés auxquelles pourrait être confronté le fonds créé par [l’article 4]. Comme le souligne notre collègue Laurence Cohen dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014, ce fonds de concours " n’est pas une ressource pérenne mais au contraire aléatoire. Son évolution est imprévisible, puisqu’elle repose uniquement sur les affaires de trafic de stupéfiants résolues par la police, la gendarmerie et la douane et l’aboutissement des procédures judiciaires ". Les prévisions de recettes effectuées chaque année par le Gouvernement au moment de l’examen de la loi de finances n’ont dès lors qu’une fiabilité limitée. Une telle situation est problématique dans la mesure où les besoins de financement des opérateurs de la Mildt, loin de diminuer, tendent plutôt à augmenter de façon continue. Il est fort probable qu’il en soit de même s’agissant du fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées ».

Pour tenter de pallier ces difficultés potentielles, la commission spéciale du Sénat a adopté deux amendements du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure visant, d’une part, à doter le fonds de l’ensemble des recettes prélevées sur les personnes physiques ou morales coupables de l’une des infractions de proxénétisme prévues aux articles 225-5 à 225-10 du code pénal, et, d’autre part, à mettre en place une nouvelle ressource constituée des biens et produits prélevés sur les personnes reconnues coupables de l’infraction de traite des êtres humains prévue, elle, aux articles 225-4-1 à 225-4-9 du même code.

Enfin, par coordination avec la suppression de l’article 16 de la proposition de loi (39), la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement supprimant de la liste des ressources du fonds le montant du produit des amendes sanctionnant le recours à l’achat d’actes sexuels.

3.  La position de la commission spéciale

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 6
(art. L. 316-1, L. 316-1-1 [nouveau] et L. 316-2
du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Admission au séjour des étrangers victimes de la traite
des êtres humains ou du proxénétisme

Cet article modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) afin de faciliter l’admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, le 1° du présent article complète le premier alinéa de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) afin de prévoir que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (d’une durée de validité d’un an) qui peut être délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites.

Le 2° créé un nouvel article L. 316-1-1 au sein du CESEDA prévoyant qu’une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de six mois peut être délivrée à l’étranger victime des mêmes infractions qui, ayant cessé l’activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution mentionné par l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles mis en place par l’article 3 de la présente proposition de loi. Sur l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a précisé que cette autorisation provisoire de séjour est renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution.

Le 3° opère des modifications de coordination à l’article L. 316-2 du CESEDA.

2.  Le texte adopté par le Sénat

La commission spéciale du Sénat a adopté :

––  un amendement du président Jean-Pierre Godefroy, prévoyant que la carte de séjour temporaire délivrée en application de l’article L. 316-1 du CESEDA aux victimes de la traite d’êtres humains et du proxénétisme déposant plainte ou témoignant sera délivrée de plein droit. Le préfet ne disposera donc plus d’une compétence discrétionnaire pour la délivrer mais d’une compétence liée ;

––  un amendement de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, et de son président supprimant la condition de cessation de l’activité de prostitution pour se voir délivrer l’autorisation provisoire de séjour (APS) prévue par le nouvel article L. 316-1-1 du CESEDA ;

––  le même amendement a substitué l’expression « projet d’insertion sociale et professionnelle » à celle de « parcours de sortie de la prostitution » (par coordination avec la modification de l’article 3) ;

––  un amendement de M. Jean-Pierre Godefroy prévoyant également une délivrance de plein droit de l’autorisation de séjour provisoire prévue par le nouvel article L. 316-1-1 du même code ;

––  un amendement du même auteur relevant la durée de cette autorisation provisoire à un an au lieu de six mois ;

––  un amendement du même auteur prévoyant que l’APS est « renouvelée » au lieu de « renouvelable » afin de rendre son renouvellement automatique.

En séance, le Sénat a supprimé le b) du 1° du présent article qui prévoyait le renouvellement automatique de la carte de séjour temporaire délivrée en application de l’article L. 316-1 du CESEDA durant toute la procédure pénale, l’article 46 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ayant déjà opéré cette modification.

En séance également, un amendement de Mme Claudine Lepage visant à rétablir la compétence discrétionnaire du préfet pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour et à ramener la durée de celle-ci à six mois a été rejeté, malgré les avis favorables du Gouvernement et de la rapporteure.

3.  La position de la commission spéciale

La commission spéciale, sur la proposition de votre rapporteure, a réintroduit la condition de cessation de l’activité de prostitution pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour prévue par le nouvel article L. 316-1-1 du CESEDA.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS4 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il n’y a pas lieu, concernant la délivrance d’une carte de séjour temporaire, d’instaurer un traitement différent à l’égard des victimes qui ont déposé plainte contre les réseaux et qui continuent l’activité de prostitution, et celles qui l’ont cessée.

Dans son étude sur la traite et l’exploitation des êtres humains en France, rendue en octobre 2010, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) recommande qu’un titre de séjour temporaire soit remis de plein droit et sans condition à toute victime de traite ou d’exploitation, sans condition. Notre rapporteure et notre président insistant tous deux sur le fait que les intéressées sont des victimes, et non des personnes exerçant une activité librement consentie, il me paraît étrange de distinguer, pour l’obtention d’un titre de séjour, celles qui ont réussi à arrêter la prostitution et celles qui n’ont pu le faire. Je ne crois pas, par ailleurs, que l’argument selon lequel adopter cet amendement créerait un « appel d’air » puisse constituer votre objection principale.

Il est arrivé que des préfectures exigent des victimes d’exploitation sexuelle qu’elles aient effectivement cessé de se prostituer pour leur délivrer un titre de séjour. Il est donc nécessaire d’exclure clairement cette exigence. La délivrance de papiers n’étant pas automatique, l’administration doit garder la possibilité de délivrer des papiers aux prostituées qui se sentiraient menacées.

Mme la rapporteure. Votre amendement me semble contraire au but poursuivi par la proposition de loi : inciter les prostituées à sortir de la prostitution. Son adoption, qui plus est, serait un mauvais signal. La délivrance d’une carte de séjour temporaire aux victimes doit rester subordonnée à la rupture par celles-ci de tout lien avec les auteurs de l’infraction dénoncée, comme c’est le cas actuellement. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable, et plaide au contraire pour que cette condition soit inscrite explicitement, comme y tendra, tout à l’heure, mon amendement CS48.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CS5 de M. Sergio Coronado. 

M. Sergio Coronado. Cet amendement concerne également la délivrance de titres de séjour à l’issue de la procédure pénale.

À la suite de l’adoption par le Sénat d’un amendement du groupe Écologiste à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, une carte de résident est délivrée de plein droit à tout étranger qui dépose plainte ou témoigne, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.

Toutefois, cette rédaction ne tient pas compte du fait que, pour des raisons très diverses, de nombreuses procédures sont classées sans suite ou annulées. Il s’agit ici de sécuriser le parcours des personnes ayant déposé plainte ou témoigné en permettant qu’une carte de résident soit délivrée en cas d’échec de la procédure judiciaire, sans toutefois que ce soit automatique.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Une telle disposition créerait une discrimination à l’encontre d’autres catégories de personnes étrangères qui ne peuvent se voir délivrer une carte de résident qu’après cinq années de séjour régulier. En outre, la loi du 4 août 2014 a déjà marqué un progrès.

Mme Catherine Coutelle. Cette loi dispose que, lorsqu’une procédure est engagée au profit de femmes étrangères victimes de violences, ces dernières peuvent bénéficier d’une carte de résident. Cette disposition s’applique-t-elle aux personnes prostituées ?

M. Sergio Coronado. Je précise que mon amendement a reçu le soutien de la délégation aux droits des femmes.

M. Élie Aboud. Il importe effectivement d’agir en cohérence avec la loi de 2014, et je serais prêt pour cette raison à voter l’amendement, mais je reconnais le risque d’appel d’air.

Mme la rapporteure. La loi du 4 août 2014 prévoit la délivrance de cartes de résident aux victimes de la traite d’êtres humains ou de proxénétisme en cas de condamnation définitive. En levant cette condition et en ne fixant aucune durée minimale de séjour, nous créerions une discrimination envers les autres catégories d’étrangers : un parent d’enfant français, par exemple, peut se voir délivrer une carte au bout de trois ans, un conjoint d’un Français après trois ans de mariage. Je rappelle également que tout étranger victime de violences conjugales bénéficiant d’une ordonnance de protection peut obtenir une carte de résident uniquement en cas de condamnation définitive du conjoint.

M. Sergio Coronado. Nous parlons ici de victimes de la traite et de l’exploitation des réseaux internationaux qui prennent la décision de s’affranchir d’organisations parfois très violentes, susceptibles de s’en prendre non seulement à elles, mais également à leurs familles à l’étranger. En prenant un tel risque, ces victimes ne démontrent-elles pas, quelle que soit l’issue de la procédure judiciaire, leur volonté de sortir de l’activité prostitutionnelle ? On ne peut leur faire porter la responsabilité d’un éventuel échec de la procédure judiciaire.

Mme Catherine Coutelle. Les magistrats de la Cour nationale du droit d’asile nous ont dit avoir dû, un jour, ordonner le huis clos après s’être aperçus de la présence en salle d’audience, derrière la personne demandant l’asile, de ses proxénètes. Une fois ces derniers sortis, la personne a pu témoigner qu’elle était venue contrainte et forcée par eux ! Ne sous-estimons pas l’habileté des réseaux à détourner les textes, et ne votons pas cet amendement.

M. le président Guy Geoffroy. La loi en vigueur dispose déjà que, en cas de condamnation définitive de son agresseur, une femme victime de violences peut obtenir un titre de séjour. Or, notre collègue Sergio Coronado propose non seulement qu’un simple dépôt de plainte suffise dans le cas des victimes de la traite ou du proxénétisme, mais que la délivrance du titre de séjour soit automatique en cas de condamnation définitive de l’auteur de l’infraction. Il serait intéressant d’approfondir la question d’ici à l’examen du texte en séance publique, mais, si nous voulons protéger les victimes dans tous les cas de figure, nous ne devons pas pour autant être naïfs : nous remettrions en cause l’efficacité de notre dispositif en créant un appel d’air au profit des réseaux de proxénétisme.

Mme Marie-George Buffet. J’entends bien l’argument, monsieur le président, mais si, par malheur, des réseaux forçaient des femmes à porter plainte dans le but d’obtenir des titres de séjour, ces titres ne seraient pas, en tout état de cause, délivrés à vie, et les autorités auraient toujours la faculté de les retirer à leurs bénéficiaires. Notre collègue demande seulement qu’une carte de résident puisse être délivrée aux prostituées étrangères qui, en portant plainte, ont pris un risque important, et qu’elle ne le soit de plein droit qu’en cas de condamnation définitive des personnes dénoncées.

M. le président Guy Geoffroy. Je partage votre analyse, mais aucun parallélisme ne peut être établi avec le droit actuellement applicable aux victimes de violences conjugales. Pour celles-ci, le simple fait de porter plainte ne suffit pas pour obtenir la délivrance de papiers. Cela étant, la question posée par notre collègue ne manque pas de pertinence, et je souhaite que nous y réfléchissions d’ici à la séance publique.

M. Sergio Coronado. Comme il a été rappelé, c’est le préfet qui autorisera l’enclenchement d’un parcours de sortie de la prostitution et qui décidera d’octroyer ou non une carte de séjour temporaire aux personnes concernées. Mon amendement vise simplement à permettre à toutes les victimes, indépendamment de l’issue de la procédure pénale, de bénéficier d’une égale protection. Ma position, en première lecture comme aujourd’hui, est équilibrée et non laxiste comme certains semblent le sous-entendre.

M. le président Guy Geoffroy. Je vous en donne acte. Imaginons cependant que, à l’issue de la procédure pénale, la personne mise en cause soit relaxée : serait-il normal que celle qui a porté plainte obtienne un titre de séjour ?

La Commission rejette l’amendement CS5.

Puis elle aborde l’amendement CS47 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Je propose que l’autorisation provisoire de séjour accordée aux victimes de la traite d’êtres humains ou de proxénétisme soit délivrée pour six mois au lieu d’un an. Il importe en effet que le titre de séjour accordé soit plus attractif lorsque ces victimes dénoncent et aident à démanteler des réseaux que celui accordé aux personnes qui se contentent de se déclarer victimes de ces derniers.

Mme Marie-George Buffet. L’article 6 vise les personnes engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle. Je ne vois donc pas pourquoi vous proposez de ramener la durée de leur carte de séjour d’un an à six mois.

Mme la rapporteure. Nous souhaitons que le dispositif soit plus incitatif pour la participation au démantèlement de réseaux.

Mme Marie-George Buffet. Compte tenu des procédures nécessaires au renouvellement d’une carte de séjour, les préfectures risquent d’être débordées si la durée de validité de cette carte est limitée à six mois.

M. Sergio Coronado. Mme Buffet a raison : ces personnes passeront les six mois à fournir les différents documents nécessaires au renouvellement de leur carte, sachant que les délais d’attente sont aujourd’hui de quatre mois pour en obtenir une.

Je ne comprends pas la distinction que vous établissez, madame la rapporteure, entre les démarches des victimes qui sont couronnées de succès et celles qui ne permettent pas de démanteler un réseau, car une personne qui décide de s’affranchir d’un réseau de proxénétisme ou de traite des êtres humains prend un risque qui ne peut être évalué à l’aune d’éléments indépendants de cet acte même. La valeur d’un témoignage n’est pas liée à la capacité des enquêteurs qui le recueillent à mener à bien leurs investigations et à faire condamner in fine les donneurs d’ordres.

Mme la rapporteure. Le principe que nous avons retenu, dès la première lecture, est que les personnes qui s’engagent dans un parcours de sortie de la prostitution ont droit à une carte de séjour de six mois renouvelables. La commission chargée de statuer sur ce parcours doit aussi pouvoir évaluer au bout de ces six mois l’engagement de ces personnes.

M. le président Guy Geoffroy. Il convient de distinguer deux notions complémentaires. La première est l’intention manifeste et vérifiée de s’engager dans un parcours de sortie de la prostitution. Elle n’est pas forcément synonyme de dénonciation d’un réseau de prostitution. Cette dénonciation, inversement, implique bien la volonté de s’engager dans un tel parcours. C’est pourquoi notre rapporteure propose que la durée de validité de la carte de séjour délivrée soit plus longue dans le second cas que dans le premier.

Mme Marie-George Buffet. On aurait pu établir cette distinction autrement. Six mois, c’est peu pour qui connaît la procédure à suivre pour obtenir ou renouveler une carte de résident : il faut parfois attendre un an pour obtenir un rendez-vous en préfecture.

Mme la rapporteure. La carte pourra être renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution.

Mme Colette Capdevielle. Pour que la durée initiale de la carte de séjour soit réellement attractive, il faut que la personne étrangère qui sort d’un réseau de proxénétisme se sente sécurisée. Or, elle ne le sera que si on lui offre un délai suffisant pour s’installer avec un projet professionnel. Il me paraît donc préférable de maintenir le texte initial. Quand on sait quels sont les délais nécessaires et les documents requis par les services des étrangers, quelles que soient les préfectures et les régions de France, il paraît contraire à la philosophie de ce texte de ramener d’un an à six mois la durée de la carte de séjour qui sera délivrée aux personnes s’engageant dans un parcours de sortie de la prostitution. On risque, en adoptant cet amendement, de fragiliser le processus.

M. le président Guy Geoffroy. Je rappelle que l’Assemblée nationale avait voté, en première lecture, en faveur d’un titre de séjour d’une durée de six mois et que c’est le Sénat qui a porté cette durée à douze mois. Notre rapporteure ne propose donc qu’un rétablissement du texte que nous avions voté initialement.

Mme Laurence Dumont. Je ne suis favorable ni à cet amendement, ni à l’amendement CS49 qui suit, et qui aggrave encore davantage la situation en remettant en cause l’automaticité de la délivrance par le préfet.

Mme la rapporteure. Il s’agit aussi de rétablir le texte que nous avions voté en décembre 2013 en accord avec le Gouvernement.

M. le président Guy Geoffroy. Chacun pourra revenir sur cette question en séance publique.

La Commission rejette l’amendement CS47.

Elle rejette également l’amendement CS49 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CS48 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de subordonner la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour à la cessation de l’activité de prostitution.

M. le président Guy Geoffroy. Cette disposition figurait dans la rédaction de l’article 6 que nous avions votée en première lecture.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de cohérence CS50 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 8
(art. L. 851-1 du code de la sécurité sociale)

Extension de l’allocation de logement temporaire aux associations
agréées pour l’accompagnement des victimes de la prostitution

Cet article a pour objet de permettre aux associations agréées pour l’accompagnement des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution de bénéficier de l’allocation de logement temporaire.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, cet article étend le champ des bénéficiaires de l’allocation de logement temporaire prévue par le I de l’article L. 851-1 du code de la sécurité sociale aux associations ayant pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes prostituées agréées en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles, c’est-à-dire des associations qui seront habilitées à accompagner des personnes dans le cadre du « parcours de sortie de la prostitution » prévu à l’article 3 de la proposition de loi.

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative de sa rapporteure et de son président, la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement rédactionnel supprimant la référence aux associations « ayant pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes prostituées », la seule mention des associations « agréées en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles » étant suffisante.

3.  La position de la commission spéciale

La commission spéciale, sur la proposition de votre rapporteure, a apporté plusieurs modifications de coordination au présent article.

Plusieurs articles du code de l’action sociale et des familles, du code de la sécurité sociale et du code de la construction et de l’habitation font en effet référence aux organismes bénéficiant de l’aide pour loger à titre temporaire des personnes défavorisées mentionnés à l’article L. 851-1 du code de la sécurité sociale. Ils doivent donc être complétés afin de se référer également aux associations agréées en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles.

*

* *

La Commission adopte l’amendement CS51 de coordination de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Article 9
(art. L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles)

Extension aux victimes du proxénétisme et de la prostitution de l’accueil
en centres d’hébergement et de réinsertion sociale
dans des conditions sécurisantes

Cet article a pour objet d’étendre aux victimes du proxénétisme et de la prostitution l’accueil en centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dans des conditions sécurisantes.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, cet article modifie l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) afin que les victimes du proxénétisme et de la prostitution, et non seulement les victimes de la traite des êtres humains comme le prévoit l’état du droit, puissent être accueillies dans des conditions sécurisantes en centres d’hébergement et de réinsertion sociale.

2.  Le texte adopté par le Sénat

Sur l’initiative de sa rapporteure, le Sénat a adopté un amendement de coordination avec la création d’un nouvel alinéa à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles opérée par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

3.  La position de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

Article 9 bis
(art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, 222-24 et 222-28 du code pénal)

Aggravation des sanctions à l’encontre des personnes ayant commis
des faits de violence à l’encontre de personnes prostituées

Issu d’un amendement de Mme Seybah Dagoma et d’un sous-amendement du Gouvernement, adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale lors de l’examen en séance publique de la proposition de loi, le présent article a pour objet d’aggraver les peines encourues par les personnes auteures de faits de violence à l’encontre de personnes prostituées.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, le présent article créait une nouvelle circonstance aggravante d’atteintes à une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, quand est commise une des infractions suivantes prévues aux articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-24 et 222-28 du code pénal : tortures ou actes de barbarie, violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violence ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente, violence ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, violence ayant entraîné une incapacité inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail, viol, agressions sexuelles autres que le viol.

Lors de l’examen de la présente proposition de loi en séance publique, l’Assemblée nationale avait adopté, suivant l’avis favorable de votre rapporteure, un sous-amendement du Gouvernement précisant à bon droit que seuls les faits de violence commis au cours de l’activité de prostitution constitueraient une circonstance aggravante. Cette précision utile avait pour objet d’exclure les actes de violence perpétrés contre une personne prostituée au cours d’un contentieux sans lien avec son activité prostitutionnelle.

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative conjointe de son président et de sa rapporteure, la commission spéciale du Sénat a supprimé le présent article, considérant que le code pénal prévoyait d’ores et déjà de nombreuses circonstances aggravantes lorsque des infractions sont commises à l’encontre de personnes considérées comme étant particulièrement vulnérables. La commission spéciale a, en effet, remis en cause « la pertinence de ce nouvel ajout à la liste des circonstances aggravantes. Les personnes considérées par le code pénal comme vulnérables le sont en permanence, et non du fait de leur activité. De nombreuses autres personnes pourraient être considérées comme vulnérables dans tel ou tel aspect de leur existence, sans qu’il soit concevable de créer une circonstance aggravante pour chacun de ces aspects » (40).

3.  La position de la commission spéciale

Constatant que la notion générale de vulnérabilité telle qu’elle est définie par le code pénal (41) ne protégeait pas nécessairement l’ensemble des personnes prostituées à raison de leur activité, la commission spéciale a rétabli le présent article dans sa rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, afin d’aggraver les sanctions à l’encontre des personnes ayant commis des faits de violence à l’encontre de toute personne prostituée présentant ou non un état de vulnérabilité au sens traditionnel du droit pénal.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS28 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir, dans sa rédaction issue du texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, l’article 9 bis, qui aggrave les sanctions applicables aux personnes ayant commis des faits de violence à l’encontre de prostituées.

M. Sergio Coronado. Je constate qu’à chaque texte de loi, on modifie l’échelle des peines applicables. Comme le souligne la garde des Sceaux, il conviendrait de revoir l’ensemble des incriminations et des peines. En supprimant cet article, le Sénat ne souhaitait nullement nier ces violences mais il ne trouvait pas pertinent d’alourdir les peines qui pourraient être prononcées contre leurs auteurs – et qui existent déjà dans le code pénal.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 9 bis est ainsi rétabli.

Article 11
(art. 2-22 du code de procédure pénale)

Admission des associations dont l’objet est la lutte contre le proxénétisme,
la traite des êtres humains et l’action sociale en faveur des personnes prostituées, à exercer les droits reconnus à la partie civile

Le présent article prévoit que les associations dont l’objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l’action sociale en faveur des personnes prostituées, pourront exercer les droits reconnus à la partie civile.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction initiale, le présent article insérait, dans le code de procédure pénale, un nouvel article 2-21-1 reconnaissant la faculté de se constituer partie civile aux associations reconnues d’utilité publique, dont l’objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l’action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes prostituées.

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a estimé souhaitable, dans un souci de lisibilité et d’harmonisation, de fusionner les dispositions du présent article avec celles de l’article 2-22 du code de procédure pénale, afin de réunir au sein de ce dernier l’ensemble des règles relatives à la possibilité donnée aux associations déclarées depuis au moins cinq ans, dont l’objet est la lutte contre l’esclavage, la traite des êtres humains, le proxénétisme ou l’action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes prostituées, d’exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les infractions de réduction en esclavage, d’exploitation d’une personne réduite en esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de recours à la prostitution, de travail forcé et de réduction en servitude, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la victime. L’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou de son représentant légal, si elle est un mineur ou un majeur protégé. En revanche, l’action de l’association, dès lors que celle-ci est reconnue d’utilité publique, est recevable sans accord préalable de la victime.

2.  Le texte adopté par le Sénat

Sur l’initiative conjointe de sa rapporteure et son président, la commission spéciale du Sénat a modifié le présent article à trois égards.

En premier lieu, elle a cherché à simplifier, sur la forme, la rédaction du présent article en ne visant que les articles du code pénal et non la dénomination précise des infractions pour lesquelles les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans peuvent être recevables à exercer les droits reconnus à la partie civile.

En deuxième lieu, la commission spéciale du Sénat a, sur le fond, exclu de du dispositif les associations dont l’objet statutaire est de n’intervenir qu’auprès des « personnes en danger de prostitution » – c’est-à-dire celles qui pourraient en venir à se prostituer –, afin de ne réserver la faculté de se porter partie civile qu’aux seules associations qui doivent intervenir directement auprès des personnes prostituées.

En troisième et dernier lieu, la commission spéciale du Sénat a supprimé la possibilité pour les associations reconnues d’utilité publique de se porter partie civile sans l’accord de la victime. En effet, elle a estimé qu’« une telle intervention sans l’accord de la victime [était] susceptible, dans certaines hypothèses, de mettre celle-ci en danger, compte tenu de la violence des réseaux de traite et de proxénétisme » (42).

3.  La position de la commission spéciale

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a rouvert la faculté reconnue aux associations d’utilité publique qui interviennent auprès des personnes prostituées d’exercer les droits de la partie civile sans l’accord de la victime.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS29 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir l’alinéa disposant que les associations d’utilité publique qui interviennent auprès des personnes en danger de prostitution puissent exercer les droits de la partie civile sans l’accord de la victime.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Section 2
Dispositions portant transposition de l’article 8
de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil,
du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil

Article 13
(art. 225-10-1 du code pénal)

Transposition de la directive européenne du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et abrogation, en conséquence,
de l’article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage

Le présent article a pour objet de transposer la directive européenne du 5 avril 2011 concernant la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes. Il abroge, par conséquent, l’article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction issue des travaux en première lecture de l’Assemblée nationale, le présent article supprimait l’article 225-10-1 du code pénal instituant le délit de racolage (43), lequel se définit comme « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération » et est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

La logique d’ensemble qui sous-tend la nécessaire responsabilisation des clients de la prostitution est bien de ne plus faire porter la sanction sur les personnes prostituées, mais bien sûr les clients. Dans cette perspective, le présent article de la proposition de loi abrogeait logiquement, dans sa rédaction initiale, le délit de racolage public, aujourd’hui prévu à l’article 225-10-1 du code pénal, qui sanctionne les personnes prostituées sur la base d’une infraction qui reste très difficile à qualifier juridiquement et est, en définitive, peu mise en œuvre par les juridictions.

En outre, l’Assemblée nationale a considéré que, dans la mesure où la directive européenne du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes demande aux États membres de supprimer toute victimisation supplémentaire des victimes de la traite et de la prostitution, le Parlement ne saurait maintenir, dans la législation pénale française, la répression du délit de racolage, que le présent article vise à abroger, dans le respect des engagements européens de la France.

2.  Le texte adopté par le Sénat

Lors de l’examen de la proposition de loi, la commission spéciale du Sénat n’a pas modifié le présent article, souscrivant ainsi à l’abrogation du délit de racolage, estimant même que « cette abrogation ne laisse pas les pouvoirs publics démunis face aux troubles à l’ordre public parfois suscités par la prostitution de voie publique » (44).

La position adoptée par la commission spéciale n’a toutefois pas été suivie, en séance publique, par le Sénat, lequel a adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement de M. Jean-Pierre Vial, président de la commission spéciale, visant à supprimer le présent article et donc à maintenir en vigueur l’actuel délit de racolage. Parmi les raisons invoquées lors de l’examen en séance, a été avancé le risque d’une perte notable d’informations, pour les forces de l’ordre, sur les réseaux de proxénétisme en l’absence de tout délit de racolage permettant d’interpeller et d’entendre les personnes prostituées, notamment dans le cadre de la garde à vue.

Lors de l’examen en séance publique du présent article, M. Jean-Pierre Vial a toutefois mis en exergue la fragilité juridique du dispositif relatif au délit de racolage et la nécessité de poursuivre la réflexion sur cette question. Il a, en effet, estimé que « le texte profitera (…) de la navette parlementaire pour être enrichi. Même la question du délit de racolage peut être approfondie, complétée » (45).

3.  La position de la commission spéciale

Sur l’initiative de votre rapporteure, la commission spéciale a rétabli, conformément à la position adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, le présent article afin d’abroger le délit de racolage, lequel sanctionne aujourd’hui les personnes prostituées sur la base d’une infraction qui reste très difficile à qualifier et est, en définitive, peu mise en œuvre par les juridictions. Pour votre rapporteure, l’abrogation du délit de racolage vise à ne plus faire porter la sanction sur les personnes prostituées, qui sont des victimes, en aucun cas des coupables.

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques CS30 de la rapporteure, CS1 de M. Sergio Coronado, CS17 de Mme Pascale Crozon, CS18 de Mme Marie-George Buffet et CS23 de Mme Éva Sas, tendant à rétablir l’article.

Mme la rapporteure. Il s’agit de rétablir l’abrogation de l’article L. 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.

M. le président Guy Geoffroy. Le Sénat a, en effet, rétabli ce délit que nous avions supprimé en première lecture.

M. Sergio Coronado. C’est le changement de majorité au Sénat qui a conduit à un changement de position de sa part en séance publique. Sa commission spéciale avait en effet voté, à une très nette majorité, sur proposition d’Esther Benbassa, l’abrogation du délit de racolage, qui a entraîné, depuis 2009, la mise en garde à vue de 1 600 personnes par an, donnant lieu au demeurant à un très faible nombre de condamnations. Ce délit fut instauré au motif, alors soutenu de bonne foi par M. Geoffroy, que cette mesure favoriserait la lutte contre le proxénétisme et les réseaux de traite des êtres humains. On ne peut pas dire que depuis cette disposition ait montré toute son efficacité : le bilan est pour le moins nuancé.

M. le président Guy Geoffroy. J’ai fait partie de ceux, assez rares au sein de mon groupe, qui ont, au contraire, affirmé que les dispositions européennes que nous avions transposées nous plaçaient dans l’impossibilité légale d’incriminer pénalement une victime de la traite des êtres humains. Ma position a toujours été en faveur de la suppression de ce délit, même s’il m’est arrivé de regretter que, par ce biais, certains proxénètes puissent échapper aux poursuites, cette suppression empêchant la police, la gendarmerie et la justice de recueillir certaines informations. C’est pourquoi nous avons proposé que le nouveau dispositif repose sur la distinction entre le client coupable d’une infraction pénale et la personne prostituée, victime de la traite des êtres humains que nous protégeons. Cette dernière peut apporter des informations que l’on espérait auparavant obtenir grâce à son incrimination pénale. Telle est la position que j’ai toujours défendue.

Mme Pascale Crozon. La disposition adoptée par le Sénat est contraire à l’équilibre du texte et à notre volonté globale. Cette posture va à l’encontre du large consensus de l’ensemble des acteurs concernés et notamment des associations travaillant sur la question de la prostitution. Il faut donc absolument supprimer ce délit.

La Commission adopte les amendements.

L’article 13 est ainsi rétabli.

Article 14
(art. 225-20 et 225-25 du code pénal ; art. 398-1 du code de procédure pénale)

Coordinations dans le code pénal et le code de procédure pénale
liées à l’abrogation du délit de racolage

Le présent article tend à effectuer les coordinations nécessaires dans le code pénal et le code de procédure pénale, afin de tirer les conséquences de l’abrogation, par l’article 13, de l’article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.

Par cohérence avec la suppression de l’article 13 abrogeant le délit de racolage, le Sénat a, sur l’initiative du président de la commission spéciale, M. Jean-Pierre Vial, supprimé le présent article.

À l’inverse, par cohérence avec le maintien, à l’article 13 de la proposition de loi, de l’abrogation du délit de racolage, la commission spéciale a rétabli le présent article dans sa rédaction issue des travaux en première lecture de l’Assemblée nationale.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques CS31 de la rapporteure, CS2 de M. Sergio Coronado, CS14 de Mme Pascale Crozon, CS19 de Mme Marie-George Buffet et CS24 de Mme Éva Sas.

Mme la rapporteure. Ces amendements sont la conséquence de ceux que nous venons d’adopter.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 14 est ainsi rétabli.

chapitre II bis
Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées
pour une prise en charge globale

Article 14 ter
(art. L. 1181-1 [nouveau] du code de la santé publique)

Mise en œuvre de la politique de réduction des risques
en direction des personnes prostituées

Cet article, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, a pour objet de fixer le cadre dans lequel doit s’inscrire la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

À l’occasion des débats, en séance publique, votre rapporteure avait eu l’occasion de souligner l’importance de l’amélioration de la politique de réduction des risques sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l’activité prostitutionnelle. Aussi s’était-elle montrée tout à fait favorable à l’adoption d’un amendement qui visait à donner un cadre global aux actions de réduction de ces risques.

Dans sa rédaction initiale, l’article 14 ter :

––  confiait à l’État le soin de conduire la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées ;

––  disposait que cette politique devait consister dans la prévention des « infections sexuellement transmissibles et [d]es dommages sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l’activité prostitutionnelle » ;

––  prévoyait que les actions de réduction des risques seraient conduites selon des orientations définies par un document national de référence approuvé par décret.

Enfin, ces dispositions devaient figurer dans un article nouveau
– l’article L. 3121-6 – du chapitre Ier du titre II – « Infection par le virus de l’immunodéficience humaine et infections sexuellement transmissibles » – du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique.

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement contenant trois modifications.

D’une part, la référence au fait que l’État serait seul compétent en matière de réduction des risques sanitaires a été supprimée. À cet égard, la rapporteure, Mme Michelle Meunier, a fait valoir qu’il serait « regrettable de limiter la capacité d’initiative d’autres acteurs, notamment des collectivités territoriales, en fixant dans la loi un principe de ce type », avant d’ajouter que « [l]e rôle de coordination et d’impulsion que peut jouer l’État apparaît (…) déjà clairement dans la mesure où les actions de réduction des risques seront menées conformément aux orientations définies par le document national de référence » (46).

D’autre part, la notion de prévention des « risques » sanitaires, sociaux et psychologiques a été préférée à celle de prévention des « dommages » de mêmes natures.

Enfin, la disposition a été déplacée et insérée dans un titre nouveau du code de la santé publique, le titre VIII, intitulé « Réduction des risques relatifs à la prostitution », figurant dans le livre Ier consacré à la protection des personnes en matière de santé.

3.  La position de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

La Commission adopte l’article 14 ter sans modification.

Chapitre III
Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution

Article 15
(art. L. 312-17-1-1 [nouveau] du code de l’éducation)

Ajout de l’information sur les réalités de la prostitution et les dangers
de la marchandisation du corps parmi les thématiques relevant
de l’éducation à la santé et à la sexualité

Cet article complète la section du code de l’éducation consacrée à l’éducation à la santé et à la sexualité – figurant au chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie de ce code – en y ajoutant un article dédié à l’information aux « réalités de la prostitution » et aux « dangers de la marchandisation du corps ».

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction d’origine, l’article 15 de la proposition de loi modifiait l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation, dont la première phrase dispose qu’« [u]ne information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité ».

La modification consistait à ajouter à la liste des sujets abordés la « lutte contre la marchandisation des corps » afin d’éviter tout risque de banalisation de l’achat d’actes sexuels et, plus généralement, d’améliorer le degré de connaissances des jeunes quant aux réalités de l’univers prostitutionnel.

L’article avait été adopté par votre Commission puis par l’Assemblée nationale, sous réserve de légères modifications rédactionnelles.

2.  Le texte adopté par le Sénat

Sur proposition du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure et dans un souci de lisibilité et de cohérence (47), la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement visant à regrouper au sein d’un nouvel article L. 312-17-1-1 du code de l’éducation les dispositions – par ailleurs modifiées – des articles 15 et 15 bis A de la proposition de loi.

Aux termes de ce nouvel article, serait dispensée, dans les collèges et les lycées, par groupes d’âge homogène, une information :

––  sur les réalités de la prostitution ;

––  sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain.

Deux modifications ont ainsi été apportées sur le fond :

––  d’une part, l’information devrait porter sur « les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain » plutôt que sur la lutte « contre la marchandisation des corps », formulation considérée comme relevant plus du slogan que de l’objectif pédagogique ;

––  d’autre part, l’information ne serait délivrée qu’à l’entrée dans le secondaire et non pas à tous les stades de la scolarité. Les sénateurs ont en effet estimé qu’une information de cette nature dès l’école primaire serait inadaptée.

Pour Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission spéciale, la création d’un article dédié permettrait de donner davantage de poids aux actions qui seraient conduites.

3.  La position de la commission spéciale

Votre Commission a approuvé le principe de la création d’un nouvel article au sein de la section du code de l’éducation consacrée à l’éducation à la santé et à la sexualité. Sur proposition de votre rapporteure, elle a toutefois décidé que l’information devrait porter non seulement sur les « réalités de la prostitution » mais aussi sur les « dangers de la marchandisation du corps », solution préférée à celle retenue par le Sénat. Une information de cette nature répondrait sans doute davantage à l’objectif sous-tendant l’article 15 de la proposition de loi qu’une information sur les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », dont la portée, beaucoup plus large, dépasserait le cadre du thème de la prostitution.

Par ailleurs, à l’initiative du président Guy Geoffroy, la commission spéciale a tenu à préciser que cette information serait dispensée dans les établissements secondaires, plutôt que dans les seuls collèges et lycées. Cette modification est apparue justifiée aux yeux de votre rapporteure comme de M. Sergio Coronado, qui avait déposé un amendement visant à ce que l’information soit dispensée dans les centres de formation d’apprentis.

*

* *

La Commission examine en discussion commune les amendements CS59 de la rapporteure et CS10 de M. Sergio Coronado.

Mme la rapporteure. L’amendement CS59 prévoit que l’information qui sera dispensée dans les collèges et les lycées portera sur les réalités de la prostitution mais aussi sur les dangers de la marchandisation du corps, tandis que le Sénat a préféré viser les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain ». D’autre part, il vise à permettre aux établissements scolaires de s’associer, pour dispenser cette information, avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Sergio Coronado. L’amendement CS10 tend à élargir cette information aux centres de formation d’apprentis (CFA). Par ailleurs, la notion de « groupes d’âge homogène » me semble floue et contrevient aux expériences pédagogiques menées dans certains établissements. Il convient parfois de laisser de la liberté aux enseignants.

Mme la rapporteure. Si l’on adopte mon amendement, le vôtre deviendra sans objet, mais l’idée d’inclure les CFA me semble intéressante.

M. le président Guy Geoffroy. Je propose à Mme la rapporteure de rectifier son amendement en substituant aux mots « dans les collèges et les lycées » les mots « dans les établissements secondaires ». Cela permettra d’intégrer au dispositif les CFA et tous les autres établissements.

La Commission adopte l’amendement CS59 ainsi rectifié.

En conséquence, l’amendement CS10 devient sans objet.

Puis la Commission adopte l’article 15 modifié.

Article 15 bis A (supprimé)
(art. L. 312-17-1 du code de l’éducation)

Ajout de l’information sur les réalités de la prostitution aux thématiques
relevant de l’éducation à la santé et à la sexualité

Cet article avait pour objet d’ajouter aux sujets déjà abordés dans le cadre de l’information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes une information sur « les réalités de la prostitution ».

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Issu d’un amendement de M. Charles de Courson adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, cet article visait à préciser, à l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation, qu’une information sur « les réalités de la prostitution » serait dispensée à tous les stades de la scolarité.

2.  Le texte adopté le Sénat

Par cohérence avec les modifications apportées à l’article 15 de la proposition de loi (48), les sénateurs ont, à l’occasion de l’examen du présent texte en commission spéciale, supprimé cet article, devenu sans objet.

3.  La position de la commission spéciale

Votre Commission a maintenu la suppression de cet article.

L’article 15 bis A demeure supprimé.

Article 15 bis
(art. L. 312-16 du code de l’éducation)

Amélioration de l’information et de l’éducation à la sexualité

Cet article, issu d’un amendement des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) adopté par votre Commission en première lecture, a pour objet de préciser le contenu de l’information et de l’éducation à la sexualité dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction issue des travaux de votre Commission, l’article 15 bis modifiait le premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation, dont la première phrase dispose, en l’état actuel du droit, qu’« [u]ne information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène ».

Conscients, à juste titre, que le recours à l’achat d’actes sexuels est à la fois la cause et la conséquence d’une représentation inégalitaire des rapports de genre, et désireux de prévenir au mieux toute forme de banalisation des stéréotypes sexués lors des séances d’information et d’éducation à la sexualité organisées dans les établissements scolaires, les membres du groupe SRC avaient déposé un amendement, adopté par votre Commission, destiné à préciser, dans cet article, que l’éducation à la sexualité devait être « égalitaire » et que l’information et l’éducation dispensées porteraient aussi sur « l’estime de soi et de l’autre » et le « respect du corps ».

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de la rapporteure, Mme Michelle Meunier, la commission spéciale du Sénat a réécrit l’article 15 bis. Plutôt que de modifier la première phrase du premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation, solution retenue par notre assemblée, les sénateurs ont fait le choix de compléter cette première phrase par deux nouvelles phrases. Aux termes de ces dernières, les séances annuelles organisées par groupes d’âge homogène devraient présenter « une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes » et contribuer « à l’apprentissage du respect dû au corps humain ».

3.  La position de la commission spéciale

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission adopte l’article 15 bis sans modification.

Chapitre IV
Interdiction de l’achat d’un acte sexuel

Article 16
(art. 225-12-1, 225-12-2 et 225-12-3 du code pénal ;
art. L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles)

Création d’une infraction de recours à la prostitution punie de la peine d’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe

Le présent article crée, à l’article 225-12-1 du code pénal, une infraction de recours à la prostitution – quel que soit l’âge de la personne prostituée – punie de la peine d’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe et, en cas de récidive dans le délai d’un an, d’une amende de 3 750 euros, en faisant alors un délit.

Constituent une circonstance aggravante le recours à la prostitution – y compris à l’étranger par un Français – de personnes mineures ou particulièrement vulnérables, portant alors les peines encourues à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, voire jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Lors de l’examen du présent article, la commission spéciale de l’Assemblée nationale avait, sur l’initiative de votre rapporteure, adopté plusieurs amendements destinés à conforter, à plusieurs égards, la sécurité juridique de cette nouvelle incrimination :

—  en premier lieu, la définition de l’infraction de recours à la prostitution a été définie de manière plus précise, en visant de manière exhaustive l’ensemble des hypothèses où la relation sexuelle est la contrepartie de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage ;

—  en deuxième lieu, le régime des peines encourues, en cas de condamnation pour recours à la prostitution, a été complété par la reconnaissance explicite de la possibilité pour les juridictions de prononcer, outre la peine principale d’amende, une ou plusieurs peines complémentaires, dont le stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, qui est créé par l’article 17 de la proposition de loi (cf. infra) ;

—  en troisième lieu, la rédaction de l’incrimination du recours à la prostitution d’une personne mineure ou particulièrement vulnérable a été simplifiée, sans être modifiée sur le fond, cette infraction continuant d’être un délit puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, mais constituant désormais une circonstance aggravante de la contravention de base de recours de à la prostitution, laquelle était punie d’une peine d’amende de 1 500 euros ;

—  en dernier lieu, l’entrée en vigueur différée de six mois de cette nouvelle infraction générale de recours à la prostitution a été supprimée, afin de tirer les conséquences de l’impossibilité constitutionnelle de différer, dans le même temps, l’abrogation du délit de racolage public. Ces deux mesures ayant vocation à s’appliquer de manière concomitante, la commission spéciale n’avait pas estimé souhaitable de maintenir une période de six mois avant l’entrée en vigueur de l’infraction de recours à la prostitution.

Lors de l’examen du présent article en séance, l’Assemblée nationale, suivant l’avis favorable de la commission spéciale et du Gouvernement, avait procédé à deux modifications substantielles :

—  d’une part, elle a adopté trois amendements identiques de Mmes Colette Capdevielle, Marie-George Buffet et de M. Guy Geoffroy, président de la commission spéciale, prévoyant que la récidive de la contravention de recours à la prostitution constituerait un délit, puni de 3 750 euros d’amende ;

—  d’autre part, l’Assemblée a, sur l’initiative de votre rapporteure, substitué, dans la définition de la vulnérabilité de certaines personnes prostituées, à la notion de déficience celle de handicap. En effet, alors que la seconde ne fait à ce jour l’objet d’aucune définition législative, la première est définie par l’article 114 de la loi n° 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (49).

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative du président Jean-Pierre Godefroy et de Mme Esther Benbassa, la commission spéciale du Sénat a supprimé le présent article, estimant qu’à « l’issue d’un débat approfondi, la majorité de la commission a considéré que les inconvénients probables de la création d’une infraction de recours à la prostitution étaient trop importants par rapport aux bénéfices attendus. En particulier, elle a estimé que cette pénalisation ne contribuerait pas significativement à la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme, qui doivent pourtant constituer la cible principale des actions des pouvoirs publics dans ce domaine » (50).

3.  La position de la commission spéciale

Sur l’initiative de votre rapporteure et de son président, la commission spéciale a, conformément à la position adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, rétabli le présent article, lequel constitue le quatrième pilier de la proposition de loi relatif à la création d’une infraction de recours à la prostitution.

Ainsi rétabli, le présent article donne toute sa cohérence à la proposition de loi. Il réaffirme clairement la position abolitionniste de la France et permet d’affirmer solennellement que nul n’est en droit d’exploiter la précarité et la vulnérabilité d’autrui pour lui imposer un acte sexuel par l’argent.

En posant l’interdiction de l’achat d’actes sexuels, le présent article responsabilise le client en même temps qu’il envoie un signal fort aux réseaux de proxénétisme, ainsi dissuadés d’investir sur le territoire national.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques CS32 de la rapporteure et de M. Guy Geoffroy, CS15 de Mme Pascale Crozon, CS21 rectifié de Mme Marie-George Buffet et CS25 de Mme Éva Sas.

M. le président Guy Geoffroy. L’article 16 qui tend à la responsabilisation du client de prostituées a été supprimé par le Sénat. La rapporteure et moi-même avons donc déposé un amendement rétablissant cet article.

Mme Pascale Crozon. Il est très important de rétablir ce second pilier de notre politique : la responsabilisation des clients. Pour nous, les coupables sont, bien sûr, les proxénètes et les réseaux qui tirent profit de la misère. Mais les clients doivent aussi prendre pleinement conscience de leur responsabilité dans la situation que vivent les personnes prostituées, car il n’y a pas de prostitution sans client. On ne peut plus accepter que certains paient pour disposer du corps d’autrui : ce n’est notre conception ni de la liberté ni de l’égalité entre les femmes et les hommes. Notre société doit imposer un interdit et une sanction.

M. Sergio Coronado. Le groupe Écologiste, pour sa part, est opposé à la pénalisation des clients.

Mme la rapporteure. Pas tout le groupe !

M. Sergio Coronado. Dans sa majorité en tout cas, mais, contrairement à d’autres groupes, le nôtre permet aux voix discordantes de s’exprimer…

Nous sommes opposés à la pénalisation des clients pour plusieurs raisons. D’abord, parce que l’efficacité de cette mesure n’est pas démontrée ; elle est même contestée par la plupart des associations qui travaillent aux côtés des personnes prostituées. Ensuite, parce que la question du consentement ne peut être balayée aussi facilement. Certains ont tendance à confondre – et c’est malheureux voire criminel parfois – prostitution, traite des êtres humains et proxénétisme. Nous aurons l’occasion en séance publique, lors de l’examen des motions de procédure et de la discussion générale, d’exposer plus longuement notre position de fond sur cette mesure, qui nous paraît guidée par des postures très idéologiques.

Mme Marie-George Buffet. Si l’on considère – et c’est le sens de cette loi – que la personne subissant la traite ou le proxénétisme est une victime, il faut condamner le proxénète ou l’organisateur de la traite. Et, pour la même raison, sanctionner le client.

M. le président Guy Geoffroy. Je souhaite soutenir la position de Pascale Crozon. Certains, parmi ceux qui commentent nos travaux, ont tendance, par raccourci médiatique, à considérer que cette loi a pour seul objectif la pénalisation du client. Or nos débats, en première comme en seconde lecture, prouvent que ce n’est pas le cas. Notre premier objectif est de contribuer à l’abolition de la prostitution. Pour ce faire, il nous faut protéger les victimes que sont les personnes prostituées, lutter de toutes nos forces, avec tous les moyens de droit dont nous pouvons disposer, contre les auteurs de la traite ou les réseaux de proxénétisme, et enfin responsabiliser celui qui, aujourd’hui, est considéré comme n’ayant aucune responsabilité quelconque dans le système prostitutionnel – à savoir le client. L’instauration des sanctions pénales n’est que l’un des éléments de cette responsabilisation et non une fin en soi.

À l’issue des travaux de notre mission d’information, nous avions voté à l’unanimité une résolution dans laquelle nous parlions non pas de pénalisation, mais de responsabilisation du client. La réaction fut immédiate : le milieu de la prostitution nous fit savoir que la simple affirmation de cet objectif avait fait baisser, au moins provisoirement, le volume constaté de la prostitution. Si, pour parvenir à nos fins, il nous faut en passer par des mesures pénales graduées, notre objectif premier n’est pas de punir pour le plaisir. Je tiens à le dire car nos débats sont suivis et que les positions des uns et des autres au sein de cette commission et de cette assemblée sont légitimes et honorables.

La Commission adopte les amendements.

L’article 16 est ainsi rétabli.

Article 17
(art. 131-16, 131-35-1 et 225-20 du code pénal ; art. 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale)

Création d’une peine complémentaire de stage de sensibilisation
à la lutte contre l’achat d’actes sexuels

Le présent article crée une peine complémentaire à l’infraction de recours à la prostitution, prévue à l’article 16 de la présente proposition de loi, consistant en un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

Dans sa rédaction initiale, le présent article créait une peine complémentaire consistant en un stage de « sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution ». La commission spéciale de l’Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques de Mme Sylvie Tolmont et Mme Viviane Le Dissez, modifiant cette dénomination en « stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ».

Ce stage a vocation à mieux informer les clients, au-delà des représentations faussées et complaisantes parfois véhiculées par les médias, sur la réalité des conditions de vie et d’exercice des personnes prostituées et sur les liens étroits entre prostitution, proxénétisme et traite des êtres humains.

Cette peine complémentaire, encourue en matière contraventionnelle et délictuelle, doit être exécutée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. Elle est également susceptible soit de constituer une mesure alternative aux poursuites mises en œuvre par le procureur de la République, soit d’être prononcée dans le cadre de la composition pénale (51).

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative de Mme Esther Benbassa et du président Jean-Pierre Godefroy, la commission spéciale du Sénat a supprimé le présent article par cohérence avec la suppression de l’article 16 créant l’infraction de recours à la prostitution (cf. supra).

3.  La position de la commission spéciale

Par cohérence avec le rétablissement, à l’article 16 de la proposition de loi, de l’infraction de recours à la prostitution, la commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteure et de son président, réinstaurant la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques CS33 de la rapporteure et de M. Guy Geoffroy, CS16 de Mme Pascale Crozon, CS22 rectifié de Mme Marie-George Buffet et CS26 de Mme Éva Sas.

M. le président Guy Geoffroy. Ces amendements reposent sur le même principe que ceux que nous venons d’adopter à l’article 16. Dans le cadre de la responsabilisation des clients, cet article instaure un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

Mme Pascale Crozon. Il convient d’affirmer l’interdiction de la prostitution, afin que celle-ci ait une portée éducative. C’est sur le plan culturel que nous devons agir pour en finir avec l’idéalisation d’une prostitution revendiquée comme un fantasme ou une liberté. L’achat de services sexuels n’est pas une transaction anodine. C’est le point de départ et la raison d’être d’un système violent qui prive de leur liberté ceux qui en sont victimes, qui les met physiquement en danger et qui les marginalise.

La Commission adopte les amendements.

L’article 17 est ainsi rétabli.

Chapitre V
Dispositions finales

Article 18
Rapport du Gouvernement au Parlement
sur l’application de la loi

Cet article prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application de la loi qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi, deux ans à compter de sa promulgation.

1.  Le texte adopté par l’Assemblée nationale

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission avait réécrit l’article 18 de la proposition de loi dans le but d’enrichir le contenu du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement. Il était ainsi prévu que ce rapport dresserait un bilan de la mise en œuvre de la présente loi, de la création de l’infraction de recours à la prostitution, de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, de l’éducation à la lutte contre la marchandisation des corps ainsi que des mesures d’accompagnement élaborées par les pouvoirs publics.

Puis, l’article 18 avait été complété en séance publique, à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Sergio Coronado, qui avait reçu un avis favorable de la Commission et un avis de sagesse du Gouvernement, afin qu’il y soit précisé que le rapport dresserait aussi le bilan de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution.

2.  Le texte adopté par le Sénat

À l’initiative de son président et de sa rapporteure, la commission spéciale du Sénat a adopté un amendement tendant à modifier et préciser le contenu du rapport.

Aux termes de l’article 18 tel qu’adopté par le Sénat, il reviendrait à ce rapport, d’une part, de dresser le bilan :

––  des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France pour la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains (52) ;

––  des mesures d’accompagnement prévues à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles, réécrit par le présent texte (53) ;

––  de l’information mentionnée à l’article L. 312-17-1-1 nouveau du code de l’éducation (54).

Par cohérence avec la suppression de l’article 16, la référence au bilan de la mise en œuvre de la création de l’infraction de recours à la prostitution a été supprimée.

D’autre part, le rapport présenterait l’évolution :

––  de la prostitution sur Internet ;

––  de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées ;

––  de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution et des étudiants contraints de s’y livrer (55) ;

––  de la prostitution dans les zones transfrontalières (56) ;

––  du nombre de condamnations pour proxénétisme et pour traite des êtres humains.

3.  La position de la commission spéciale

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a apporté plusieurs modifications, de nature rédactionnelle pour certaines, à l’article 18.

En premier lieu, elle a tenu à préciser que le rapport devrait dresser le bilan non seulement des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France pour la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains mais également des actions conduites dans ce domaine à l’échelle nationale.

En deuxième lieu, elle a, par cohérence avec le rétablissement de l’article 16 de la proposition de loi (57), rétabli la disposition selon laquelle il reviendrait aussi au rapport de dresser le bilan de la création de l’infraction de recours à la prostitution.

En troisième lieu, elle a jugé utile que le rapport présente l’évolution de la prostitution en général, et pas simplement de la prostitution sur Internet ou dans les zones transfrontalières.

Enfin, sur proposition de M. Sergio Coronado, la commission spéciale a adopté un amendement visant à faire apparaître à des alinéas distincts les questions de l’évolution de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution et celle de l’évolution de la situation, du repérage et de la prise en charge des étudiants se livrant à la prostitution.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS13 de M. Sergio Coronado. 

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que le rapport prévu à cet article s’appuiera sur des travaux universitaires. Il fut un temps où les partis se réclamant de la gauche et du progressisme se servaient des sciences sociales, fortement marquées à l’époque par le marxisme, pour lire le réel et formuler des propositions. Ce n’est désormais plus le cas : on se sert parfois des sondages ou d’études ad hoc financés pour étayer des politiques publiques.

Mme la rapporteure. Je comprends l’objectif, mais il est très difficile d’exiger du Gouvernement qu’il s’appuie sur ce type de travaux en particulier.

M. Sergio Coronado. Ce n’est pas difficile : cela a déjà été prévu dans d’autres domaines.

Mme la rapporteure. Je considère qu’il ne revient pas au Parlement d’adresser au Gouvernement des directives sur la manière dont il doit établir son rapport. Et les deux ans prévus par l’article paraissent courts pour la réalisation de travaux universitaires sur ce sujet. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.

M. Sergio Coronado. Je l’aurais fait si le Gouvernement avait été présent à cette réunion et avait pris l’engagement de s’appuyer sur de tels travaux. Mais j’attendrai la séance publique pour le faire, le cas échéant.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CS52 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Nous souhaitons que le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement ait aussi pour objet de dresser le bilan de la lutte, conduite à l’échelle nationale, contre la traite des êtres humains et le proxénétisme.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS53 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir la disposition, supprimée par le Sénat en première lecture, selon laquelle le rapport remis par le Gouvernement au Parlement devra dresser le bilan de la création de la nouvelle infraction de recours à l’achat d’actes sexuels.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS54 et CS55 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement C56 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise, d’une part, à prévoir que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement devra présenter l’évolution de la prostitution en général et pas simplement celle de certains aspects du phénomène. Il a, d’autre part, un objet rédactionnel : regrouper les dispositions relatives à l’évolution des différentes formes de prostitution au sein d’un même alinéa.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CS6 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à distinguer, dans le rapport prévu à cet article, la question de la prostitution des mineurs et celle de la prostitution étudiante. Si la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale dispose que « tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d’assistance éducative », il n’existe aucun chiffre sur ce phénomène.

Dans leurs estimations, les services de police considèrent son ampleur comme marginale – seuls seize cas auraient été recensés à Paris en 2010. Or, pour avoir fait hier soir jusqu’à quatre heures du matin une tournée dans le bois de Boulogne avec l’association Les Amis du bus des femmes, je puis vous dire que j’en ai rencontré bien plus de seize ! Cette question est passablement occultée par les pouvoirs publics, raison pour laquelle il faut garder un certain recul par rapport aux chiffres qui nous sont fournis. Selon les associations œuvrant en ce domaine, ces chiffres minorent l’ampleur du phénomène.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. le président Guy Geoffroy. Vous soulevez un problème réel, mais personne n’a la volonté de cacher cette réalité, qui est tout simplement difficile à mesurer. Une enquête menée par l’Université de Montpellier a fourni des résultats intéressants, bien que fragmentaires. J’ai aussi eu l’occasion de participer récemment, à Beauvais, à un débat avec des étudiants, qui m’ont confirmé la réalité du phénomène tout en soulignant la difficulté qu’ils avaient à l’évaluer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CS57 de la rapporteure.

Ensuite, elle est saisie de l’amendement CS7 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à étendre le champ du rapport prévu à cet article à la question de l’évolution de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. Comme le délai de deux ans prévu par la proposition de loi pour l’élaboration de ce rapport est fort court, il conviendrait au moins de s’appuyer sur le nombre de condamnations afin d’appréhender la réalité de façon plus juste.

Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait par celui que nous avons voté voici quelques instants.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 18 modifié.

Titre de la proposition de loi

1.  La solution retenue par le Sénat

Sur proposition du président Jean-Pierre Godefroy et de plusieurs sénateurs du groupe socialiste, la commission spéciale du Sénat a modifié l’intitulé de la proposition de loi : initialement intitulée proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », elle a été renommée « proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées ».

Dans l’exposé sommaire, les auteurs de l’amendement justifiaient leur position en ces termes : « [l]a notion de système prostitutionnel semble porter l’idée que la prostitution serait le produit d’un système unique, cohérent et global. L’usage du singulier dérange ici car la prostitution recouvre de nombreuses et très diverses réalités qu’il est impératif de ne pas amalgamer.

S’il existe bien un " système ", c’est celui des réseaux criminels nationaux et internationaux de traites des êtres humains qui sont extrêmement organisés. Mais le qualificatif de " système " rattaché à la prostitution dans sa globalité et sa diversité manque donc de précision et de pertinence.

Cet amendement propose donc une nouvelle rédaction de l’intitulé de la proposition de loi en visant particulièrement la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, la lutte contre le proxénétisme et l’accompagnement des personnes prostituées ».

2.  La position de la commission spéciale

Sur proposition de votre rapporteure, la commission spéciale a adopté un amendement visant à rédiger l’intitulé de la proposition de loi de la manière suivante : « proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ». Il a semblé nécessaire de préserver la notion de lutte contre le « système prostitutionnel », système sous-tendu, d’une part, par une offre de services sexuels largement dominée par les réseaux d’exploitation sexuelle, et, d’autre part, par une demande émanant des clients de la prostitution.

Conformément au souhait du Sénat, l’intitulé fait également référence à l’accompagnement des personnes prostituées, dont le renforcement est au cœur de la présente proposition de loi.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS58 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Outre que le titre choisi par le Sénat – « proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées » – me semble trop long, je souhaite rétablir la notion de lutte contre le système prostitutionnel. Nous proposons donc le titre suivant : « proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et accompagner les personnes prostituées ».

M. le président Guy Geoffroy. Je suggère de répéter la préposition « à » avant le verbe « accompagner ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission spéciale vous demande d’adopter la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (n° 2832), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale
en première lecture

___

Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat
en première lecture

___

Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées

Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées

amendement 58 (rect.)

     

Chapitre Ier

Chapitre Ier

Chapitre Ier

Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme
et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle

Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme
et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle

Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme
et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle

Article 1er

Article 1er

Article 1er

L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

I. – (Sans modification)

I. – (Sans modification)

1° Le 7 du I est ainsi modifié :

   

a) Au troisième alinéa, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 225-4-1, 225-5, 225-6, » ;

   

b à d) (Supprimés)

   

2° (Supprimé)

   
 

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, après les mots : « du même code », sont insérés les mots : « ou contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle relevant des articles 225-4-1, 225-5 et 225-6 dudit code ».

II. – L’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

   

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

   

a) La deuxième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe « , » ;

   

b) Après les mots : « du même code », sont insérés les mots : « ou contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et le proxénétisme relevant des articles 225-4-1, 225-5 et 225-6 dudit code » ;

   

c) À la fin de la phrase, les références : « 421-2-5 et 227-23. » sont remplacées par les références : « 421-2-5, 227-23, 225-4-1, 225-5 et 225-6. » ;

   

2° Aux premières phrases des deuxième et quatrième alinéas, les références : « 421-2-5 et 227-23 » sont remplacées par les références : « 421-2-5, 227-23, 225-4-4, 225-5 et 225-6. ».

amendement 34 (rect.)

Article 1er bis

Article 1er bis

Article 1er bis

Au premier alinéa de l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « maltraitance, », sont insérés les mots : « dans la prévention de la prostitution, ».

Le premier alinéa de l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :

Au premier alinéa de l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « inadaptations », sont insérés les mots : « , dans la prévention de la prostitution et l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains ».

amendement 35

 

« Ces formations comportent un volet relatif à la prévention de la prostitution, ainsi qu’à l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains. »

Alinéa supprimé

Article 1er ter A

Article 1er ter A

Article 1er ter A

Pour leurs démarches administratives, les personnes prostituées peuvent déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées.

Supprimé

Suppression maintenue

Article 1er ter

Article 1er ter

Article 1er ter

Le titre XVII du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

Alinéa supprimé

(Alinéa sans modification)

1° Après le mot : « prostitution », la fin de l’intitulé est supprimée ;

1° Supprimé

1° (Sans modification)

 Après l’article 706-34, il est inséré un article 706-34-1 ainsi rédigé :

Après l’article 706-34 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-34-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

« Art. 706-34-1. – Les personnes victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution, prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6, 225-5 à 225-10, 225-12-1 et 225-12-2 du code pénal, peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, dans les conditions prévues aux articles 706-57 et 706-59. Elles peuvent également déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées.

« Art. 706-34-1. – Les dispositions de l’article 706-63-1 permettant la mise en œuvre de mesures de protection et de réinsertion, ainsi que l’usage d’une identité d’emprunt sont applicables aux personnes victimes de l’une des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs proches.

« Art. 706-34-1. – (Alinéa sans modification)

 

« Lorsqu’il est fait application à ces personnes des dispositions de l’article 706-57 du présent code relatives à la déclaration d’adresse, celles-ci peuvent également déclarer comme domicile l’adresse de leur avocat ou d’une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées. »

« Lorsqu’il…

… déclaration de domicile, ces personnes peuvent…

amendement 27

« Lorsque l’audition d’une personne mentionnée au premier alinéa du présent article est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction, peut, par décision motivée, autoriser, dans les conditions prévues aux articles 706-58 à 706-63, que les déclarations de cette personne soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure.

Alinéa supprimé

(Alinéa sans modification)

« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article, les membres de leur famille et leurs proches peuvent également faire l’objet, en tant que de besoin, de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité. Ces mesures sont définies, sur réquisitions du procureur de la République, par la commission nationale prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article 706-63-1.

Alinéa supprimé

(Alinéa sans modification)

« En cas de nécessité, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être autorisées, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal de grande instance, à faire usage d’une identité d’emprunt, dont la révélation est réprimée dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 706-63-1. »

Alinéa supprimé

(Alinéa sans modification)

Article 1er quater

Article 1er quater

Article 1er quater

Le Gouvernement remet au Parlement, chaque année, un rapport faisant le bilan des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France et de l’impact de la présente loi sur la prostitution dans les zones transfrontalières, dans le but de renforcer l’efficacité des moyens de lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme.

Supprimé

Suppression maintenue

 

Article 1er quinquies

Article 1er quinquies

 

Au 1° de l’article L. 8112-2 du code du travail, après les mots : « 222-33-2 du même code », sont insérés les mots : « , l’infraction de traite des êtres humains prévue à l’article 225-4-1 dudit code ».

(Sans modification)

Chapitre II

Chapitre II

Chapitre II

Protection des victimes de la prostitution
et création d’un parcours de sortie de la prostitution

Protection des victimes de la prostitution
et création d’un projet d’insertion sociale et professionnelle

Protection des victimes de la prostitution
et création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle 

amendement 36

Section 1

Section 1

Section 1

Dispositions relatives à l’accompagnement des victimes de la prostitution

Dispositions relatives à l’accompagnement des victimes de la prostitution

Dispositions relatives à l’accompagnement des victimes de la prostitution

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

 

Article 3

Article 3

Article 3

I. – L’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles est complété par sept alinéas ainsi rédigés :

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

I. – (Alinéa sans modification)

 

1° L’article L. 121-9 est ainsi rédigé :

1° (Alinéa sans modification)

 

« Art. L. 121-9. – I. – Dans chaque département, l’État assure la protection des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains et leur fournit l’assistance dont elles ont besoin, notamment en leur procurant un placement dans un des établissements mentionnés à l’article L. 345-1.

« Art. L. 121-9. – I. – (Alinéa sans modification)

« Une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains et d’assurer la mise en œuvre du présent article est créée au sein de chaque conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes.

… est créée dans chaque département. Elle met en œuvre le présent article. Elle est présidée par le représentant de l’État dans le département. Elle comporte en outre un nombre égal de magistrats appartenant aux juridictions ayant leur siège dans le département, de représentants de l’État, de représentants des collectivités territoriales, de professionnels de santé et de représentants d’associations.

… Elle est composée d’un nombre égal de représentants de l’État, notamment des services de police et de gendarmerie, de représentants des collectivités territoriales, de magistrats appartenant aux juridictions ayant leur siège dans le département, de professionnels de santé et de représentants d’associations. »

amendement 37

« Toute personne victime de la prostitution doit bénéficier d’un système de protection et d’assistance, assuré et coordonné par l’État en collaboration avec les divers services d’interventions sociales et de santé. Cette protection et cette assistance sont définies avec la personne en fonction d’une évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux. Elles s’appuient sur un projet d’insertion sociale et professionnelle, proposé et mis en œuvre par les associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées. Ce projet permet d’accéder à des alternatives à la prostitution.

« II. – Un projet d’insertion sociale et professionnelle est proposé à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains. Il est défini en fonction de l’évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux, afin de lui permettre d’accéder à des alternatives à la prostitution. Il est proposé et mis en œuvre, en accord avec la personne accompagnée, par une association répondant aux critères définis à l’avant-dernier alinéa du présent II.

« II. – Un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle est proposé à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Il est défini en fonction de l’évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux, afin de lui permettre d’accéder à des alternatives à la prostitution. Il est élaboré et mis en œuvre, en accord avec la personne accompagnée, par une association mentionnée à l’avant-dernier alinéa du présent II.

amendements 38 (rect.), 40
et
39

« L’engagement de la personne dans un parcours de sortie de la prostitution est confirmé par l’autorité administrative, après avis de l’instance mentionnée au quatrième alinéa, et une association mentionnée au cinquième alinéa.

« L’entrée dans le projet d’insertion sociale et professionnelle est autorisée par le représentant de l’État dans le département, après avis de l’instance mentionnée au second alinéa du I et de l’association mentionnée au premier alinéa du présent II.

« L’engagement de la personne dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle est autorisé par le représentant de l’État dans le département, après avis de l’instance mentionnée au second alinéa du I et de l’association mentionnée au premier alinéa du présent II.

amendements 38 (rect.) et 41

« La personne engagée dans un parcours de sortie de la prostitution bénéficie de l’article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle et du 1° de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales.

« La personne engagée dans le projet d’insertion sociale et professionnelle peut prétendre au bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour mentionnée à l’article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle est présumée satisfaire aux conditions de gêne ou d’indigence prévues au 1° de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales. Lorsqu’elle ne peut prétendre au bénéfice des allocations prévues aux articles L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles et L. 5423-8 du code du travail, une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle lui est versée.

« La personne engagée dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion…

… Lorsqu’elle ne peut se voir délivrer des allocations prévues aux articles L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles et L. 5423-8 du code du travail, une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle lui est versée.

amendements 38 (rect.) et 42

« L’instance mentionnée au quatrième alinéa du présent article assure le suivi du parcours de sortie de la prostitution. Elle veille à ce que l’accès aux droits mentionnés au septième alinéa et la sécurité de la personne engagée dans ce parcours soient effectivement garantis et à ce que la personne respecte ses engagements.

« L’instance mentionnée au second alinéa du I du présent article assure le suivi du projet d’insertion sociale et professionnelle. Elle veille à ce que la sécurité de la personne accompagnée et l’accès aux droits mentionnés au troisième alinéa du présent II soient garantis. Elle s’assure du respect de ses engagements par la personne accompagnée.

« L’instance mentionnée au second alinéa du I du présent article assure le suivi du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion…

amendement 38 (rect.)

« Lors du renouvellement du parcours, l’autorité administrative, après avis de l’instance mentionnée au quatrième alinéa, et l’association mentionnée au cinquième alinéa tiennent compte du respect, par la personne engagée dans un parcours de sortie de la prostitution, de ses engagements.

« Le renouvellement du projet d’insertion sociale et professionnelle est autorisé par le représentant de l’État dans le département, après avis de l’instance mentionnée au second alinéa du I et de l’association mentionnée au premier alinéa du présent II. La décision de renouvellement tient compte du respect de ses engagements par la personne accompagnée, ainsi que des difficultés rencontrées.

« Le renouvellement du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion…

amendement 38 (rect.)

 

« Toute association choisie par la personne concernée qui a pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes en difficulté peut participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet d’insertion sociale et professionnelle, dès lors qu’elle remplit les conditions d’agrément fixées par décret en Conseil d’État.

« Toute association choisie par la personne concernée qui aide et accompagne les personnes prostituées peut participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, dès lors qu’elle remplit les conditions d’agrément fixées par décret en Conseil d’État.

amendements 38 (rect.) et 43

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’agrément des associations mentionnées au cinquième alinéa ainsi que les conditions d’application des sixième à avant-dernier alinéas. Il détermine la durée du parcours et ses conditions de renouvellement, les actions prévues par le parcours et les conditions de suivi de ces actions. »

« La durée du projet d’insertion sociale et professionnelle, ses conditions de renouvellement, les actions prévues par le projet et les modalités de suivi de ces actions sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par le décret mentionné à l’alinéa précédent. »

amendement 44

 

2° L’article 121-10 est abrogé.

2° (Sans modification)

II. – La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi modifiée :

II. – (Sans modification)

II. – (Sans modification)

1° L’article 42 est abrogé ;

   

2° À la première phrase de l’article 121, la référence : « 42 » est remplacée par la référence : « 41 ».

   
 

Article 3 bis

Article 3 bis

 

Après le e de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés des f et g ainsi rédigés :

I. – Après

amendement 46

 

« f) De personnes engagées dans le projet d’insertion sociale et professionnelle prévu à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;

« f) De personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion…

amendement 45

 

« g) De personnes victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal. »

« g)(Sans modification)

   

II (nouveau). – Au troisième alinéa de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation, le mot : « septième »  est remplacé par le mot :  « dixième » .

amendement 46

Article 4

Article 4

Article 4

I. – Il est créé, au sein du budget de l’État, un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. Ce fonds contribue aux actions définies à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles. Il soutient toute initiative visant à la sensibilisation des populations aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l’entrée dans la prostitution et à l’insertion des personnes prostituées.

I. – (Sans modification)

(Sans modification)

II. – Les ressources du fonds sont constituées par :

II. – (Alinéa sans modification)

 

1° Des crédits de l’État affectés à ces actions et dont le montant est arrêté en loi de finances ;

1° Des crédits de l’État affectés à ces actions et dont le montant est fixé par la loi de finances de l’année ;

 

2° Des recettes provenant de la confiscation des biens et produits prévue au 1° de l’article 225-24 du code pénal ;

2° Les recettes…

 

3° D’un montant, déterminé annuellement par arrêté interministériel, prélevé sur le produit des amendes prévues à l’article 225-12-1 du même code.

3° Supprimé

 
 

III (nouveau). – L’article 225-24 du code pénal est ainsi modifié :

 
 

1° Au premier alinéa, après le mot : « articles », sont insérés les mots : « 225-4-1 à 225-4-9 et » ;

 
 

2° Au 1°, après les mots : « la personne », sont insérés les mots : « victime de la traite des êtres humains ou ».

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 6

Article 6

Article 6

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

(Alinéa sans modification)

(Alinéa sans modification)

1° Le premier alinéa de l’article L. 316-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 316-1 est ainsi modifié :

1° (Sans modification)

 

a (nouveau)) À la première phrase, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

 

« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;

b) (Supprimé)

 

2° Après l’article L. 316-1, il est inséré un article L. 316-1-1 ainsi rédigé :

2° (Alinéa sans modification)

2° (Alinéa sans modification)

« Art. L. 316-1-1. – Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une autorisation provisoire de séjour d’une durée de six mois peut être délivrée à l’étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal qui, ayant cessé l’activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution mentionné à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles. La condition prévue à l’article L. 311-7 du présent code n’est pas exigée. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;

« Art. L. 316-1-1. – 

… d’une durée d’un an est délivrée…

… code pénal, qui est engagé dans le projet d’insertion sociale et professionnelle mentionné…

… Elle est renouvelée pendant toute la durée du projet d’insertion sociale et professionnelle, sous…

« Art. L. 316-1-1. – 

… code pénal qui, ayant cessé l’activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion…

… Elle est renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion…

amendements 48 et 50

3° L’article L. 316-2 est ainsi modifié :

3° (Sans modification)

3° (Sans modification)

a) À la fin de la première phrase, la référence : « de l’article L. 316-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 316-1 et L. 316-1-1 » ;

   

b) Après la référence : « L. 316-1 », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « et de l’autorisation provisoire de séjour mentionnée à l’article L. 316-1-1 et les modalités de protection, d’accueil et d’hébergement de l’étranger auquel cette carte ou cette autorisation provisoire de séjour est accordée. »

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 8

Article 8

Article 8

À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, après la première occurrence du mot : « défavorisées », sont insérés les mots : « , les associations ayant pour objet l’aide et l’accompagnement des personnes prostituées agréées en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ».

… « , les associations agréées…

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

   

1° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 542-2 et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 831-4-1, après le mot : « défavorisées » sont insérés les mots : « ou par une association agréée en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles » ;

   

2° À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 851-1, après la première occurrence du mot : « défavorisées », sont insérés les mots : « , les associations agréées en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles » ;

   

II. – Au 3° de l’article L. 345-2-6 et au premier alinéa de l’article L. 345-2-7 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « défavorisées » sont insérés les mots : « et les associations agréées en application de l’article L. 121-9 » ;

   

III. – Au dernier alinéa de l’article L. 351-3-1 du code de la construction et de l’habitation, après le mot : « défavorisées » sont insérés les mots : « ou par une association agréée en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ».

amendement 51

Article 9

Article 9

Article 9

Au dernier alinéa de l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « humains », sont insérés les mots : « , du proxénétisme et de la prostitution ».

À l’avant-dernier alinéa…

(Sans modification)

Article 9 bis

Article 9 bis

Article 9 bis

Le code pénal est ainsi modifié :

Supprimé

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le 5° ter des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, il est inséré un 5° quater ainsi rédigé :

 

1° Après le 5° ter des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, il est inséré un 5° quater ainsi rédigé :

« 5° quater Sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ; »

 

« 5° quater Sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ; » ;

2° L’article 222-24 est complété par un 13° ainsi rédigé :

 

2° L’article 222-24 est complété par un 13° ainsi rédigé :

« 13° Lorsqu’il est commis, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. » ;

 

« 13° Lorsqu’il est commis, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. » ;

3° L’article 222-28 est complété par un 9° ainsi rédigé :

 

3° L’article 222-28 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Lorsqu’elle est commise, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. »

 

« 9° Lorsqu’elle est commise, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. »

amendement 28

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 11

Article 11

Article 11

I. – L’article 2-22 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

I. – (Alinéa sans modification)

I. – (Alinéa sans modification)

« Art. 2-22.  Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la lutte contre l’esclavage, la traite des êtres humains, le proxénétisme ou l’action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes prostituées, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions de réduction en esclavage, d’exploitation d’une personne réduite en esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de recours à la prostitution, de travail forcé et de réduction en servitude, réprimées par les articles 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12-2, 225-14-1 et 225-14-2 du code pénal, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. Toutefois, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime. Si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, l’accord doit être donné par son représentant légal.

« Art. 2-22. – 

… personnes prostituées, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimées…

…, l’accord est donné …

« Art. 2-22. – (Sans modification)

« Si l’association mentionnée au premier alinéa est reconnue d’utilité publique, son action est recevable y compris sans l’accord de la victime. »

Alinéa supprimé

« Si l’association mentionnée au premier alinéa est reconnue d’utilité publique, son action est recevable y compris sans l’accord de la victime. »

amendement 29

II. – La loi n° 75-229 du 9 avril 1975 habilitant les associations constituées pour la lutte contre le proxénétisme à exercer l’action civile est abrogée.

II. – (Sans modification)

II. – (Sans modification)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Section 2

Section 2

Section 2

Dispositions portant transposition de l’article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil

Dispositions portant transposition de l’article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil,du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil

Dispositions portant transposition de l’article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil,du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil

Article 13

Article 13

Article 13

L’article 225-10-1 du code pénal est abrogé.

Supprimé

L'article 225-10-1 du code pénal est abrogé.

amendements 30, 1, 17, 18 et 23

Article 14

Article 14

Article 14

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

Supprimé

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° À la première phrase du 2° du I de l’article 225-20, la référence : « 225-10-1, » est supprimée ;

 

1° À la première phrase du 2° du I de l'article 225-20, la référence : « 225-10-1, » est supprimée ;

2° À l’article 225-25, les mots : « , à l’exception de celle prévue par l’article 225-10-1, » sont supprimés.

 

2° À l'article 225-25, les mots : « , à l'exception de celle prévue par l'article 225-10-1, » sont supprimés.

II. – Au 5° de l’article 398-1 et au 4° du I de l’article 837 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

 

II. – Au 5° de l'article 398-1 et au 4° du I de l'article 837 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

amendements 31, 2, 14, 19 et 24

Chapitre II bis

Chapitre II bis

Chapitre II bis

Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale

Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale

Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale

Article 14 ter

Article 14 ter

Article 14 ter

Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3121-6 ainsi rédigé :

Le livre Ier du code de la santé publique est complété par un titre VIII ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

« Titre VIII

 
 

« Réduction des risques relatifs à la prostitution

 

« Art. L. 3121-6. – La politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées relève de l’État. Cette politique consiste à prévenir les infections sexuellement transmissibles et les dommages sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l’activité prostitutionnelle.

« Art. L. 1181-1. – La politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées consiste à prévenir les infections sexuellement transmissibles ainsi que les autres risques sanitaires, les risques sociaux et psychologiques liés à la prostitution.

 

« Les actions de réduction des risques sont conduites selon des orientations définies par un document national de référence approuvé par décret. »

(Alinéa sans modification)

 

Chapitre III

Chapitre III

Chapitre III

Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution

Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution

Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution

Article 15

Article 15

Article 15

La première phrase de l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation est ainsi modifiée :

Après l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 312-17-1-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

1° Les mots : « aux femmes et les violences » sont remplacés par les mots : « aux femmes, les violences » ;

« Art. L. 312-17-1-1. – Une information sur les réalités de la prostitution est dispensée dans les collèges et les lycées par groupes d’âge homogène. Elle porte également sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain. »

« Art. L. 312-17-1-1. – Une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires par groupes d’âge homogène. La seconde phrase de l’article L. 312-17-1 du présent code est applicable. »

amendement 59 (rect.)

2° Après les mots : « du couple », sont insérés les mots : « et contre la marchandisation des corps ».

Alinéa supprimé

Alinéa supprimé

Article 15 bis A

Article 15 bis A

Article 15 bis A

À la première phrase de l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation, après le mot : « couple », sont insérés les mots : « , ainsi qu'aux réalités de la prostitution, ».

Supprimé

Suppression maintenue

Article 15 bis

Article 15 bis

Article 15 bis

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation, après le mot : « sexualité », sont insérés les mots : « égalitaire, à l’estime de soi et de l’autre et au respect du corps ».

Le premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation est ainsi modifié :

(Sans modification)

 

1° Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

 
 

« Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. » ;

 
 

2° Au début de la deuxième phrase, les mots : « Ces séances pourront » sont remplacés par les mots : « Elles peuvent » ;

 
 

3° À la dernière phrase, le mot : « pourront » est remplacé par le mot : « peuvent ».

 

Chapitre IV

Chapitre IV

Chapitre IV

Interdiction de l’achat d’un acte sexuel

Interdiction de l’achat d’un acte sexuel

Interdiction de l’achat d’un acte sexuel

 

Division et intitulé supprimés

Suppression maintenue de la division et de l’intitulé

Article 16

Article 16

Article 16

I. – La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :

Supprimé

I. – La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :

1° Après le mot : « prostitution », la fin de l’intitulé est supprimée ;

 

1° Après le mot : « prostitution », la fin de l’intitulé est supprimée ;

2° L’article 225-12-1 est ainsi rédigé :

 

2° L’article 225-12-1 est ainsi rédigé :

« Art. 225-12-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

 

« Art. 225-12-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

« Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l’article 131-16 et au second alinéa de l’article 131-17.

 

« Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l’article 131-16 et au second alinéa de l’article 131-17.

« La récidive de la contravention prévue au présent article est punie de 3 750 € d’amende, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11.

 

« La récidive de la contravention prévue au présent article est punie de 3 750 € d’amende, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11.

« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. » ;

 

« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. » ;

3° Aux premier et dernier alinéas de l’article 225-12-2, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « prévues au dernier alinéa de l’article 225-12-1 » ;

 

3° Aux premier et dernier alinéas de l’article 225-12-2, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « prévues au dernier alinéa de l’article 225-12-1 » ;

4° À l’article 225-12-3, la référence : « par les articles 225-12-1 et » est remplacée par les mots : « au dernier alinéa de l’article 225-12-1 et à l’article ».

 

4° À l’article 225-12-3, la référence : « par les articles 225-12-1 et » est remplacée par les mots : « au dernier alinéa de l’article 225-12-1 et à l’article ».

II. – À la troisième phrase du sixième alinéa de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « au dernier alinéa de l’article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ».

 

II. – À la troisième phrase du sixième alinéa de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « au dernier alinéa de l’article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ». »

amendements 32, 15, 21 et 25

Article 17

Article 17

Article 17

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

Supprimé

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le 9° de l’article 131-16, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :

 

1° Après le 9° de l’article 131-16, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :

« 9° bis L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ; »

 

« 9° bis L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ; »

2° Au premier alinéa de l’article 131-35-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « , un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;

 

2° Au premier alinéa de l’article 131-35-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : «, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;

3° Le I de l’article 225-20 est complété par un 9° ainsi rédigé :

 

3° Le I de l’article 225-20 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, selon les modalités fixées à l’article 131-35-1. »

 

« 9° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, selon les modalités fixées à l’article 131-35-1. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

 

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article 41-1, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : « , d’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;

 

1° Au 2° de l’article 41-1, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : «, d’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » ;

2° Après le 17° de l’article 41-2, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

 

2° Après le 17° de l’article 41-2, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. »

 

« 18° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. »

amendements 33, 16, 22 et 26

Chapitre V

Chapitre V

Chapitre V

Dispositions finales

Dispositions finales

Dispositions finales

Article 18

Article 18

Article 18

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi deux ans après sa promulgation. Ce rapport dresse un bilan de la mise en œuvre de la présente loi, de la création de l’infraction de recours à la prostitution, de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution, de l’éducation à la lutte contre la marchandisation des corps ainsi que des mesures d’accompagnement élaborées par les pouvoirs publics.

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi deux ans après sa promulgation. Ce rapport dresse le bilan :

(Alinéa sans modification)

 

1° Des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France pour la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains ;

1° De la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme et des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans ce domaine ; 

amendement 52

   

bis De la création de l’infraction de recours à l’achat d’actes sexuels prévue à l’article 225-12-1 du code pénal ;

amendement 53

 

2° Des mesures d’accompagnement prévues à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;

2° De la mise en œuvre de l’article…

amendement 54

 

3° De l’information prévue à l’article L. 312-17-1-1 du code de l’éducation.

3° Du dispositif d’information prévu à l’article…

amendement 55

 

Il présente l’évolution :

(Alinéa sans modification)

 

1° De la prostitution sur internet ;

1° De la prostitution, notamment sur internet et dans les zones transfrontalières ;

amendement 56

 

2° De la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées ;

2° (Sans modification)

 

3° De la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution et des étudiants contraints de s’y livrer ;

3° De la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution ;

amendement 6

   

bis (nouveau) De la situation, du repérage et de la prise en charge des étudiants se livrant à la prostitution ;

amendement 6

 

4° De la prostitution dans les zones transfrontalières ;

4° Supprimé

amendement 57

 

5° Du nombre de condamnations pour proxénétisme et pour traite des êtres humains.

5° (Sans modification)

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© Assemblée nationale

1 () La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

2 () La proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 4 décembre 2013.

3 () La proposition de loi a été examinée par la commission spéciale du Sénat le 8 juillet 2014 et en séance publique le 30 mars 2015.

4 () Par coordination, le Sénat a supprimé l’article 15 bis A.

5 () Compte rendu intégral de la séance du lundi 30 mars 2015 publié au Journal officiel de la République française du mardi 31 mars 2015, p. 2927.

6 () Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, considérant n° 8.

7 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) de Mme Michelle Meunier au nom de la commission spéciale sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, juillet 2014, p. 51.

8 () Avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée par l’Assemblée plénière du 22 mai 2014.

9 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 51.

10 () Compte rendu intégral de la 2e séance du vendredi 29 novembre 2013 publié au Journal officiel de la République française du samedi 30 novembre 2013, p. 12453.

11 () Voir infra, le commentaire de l’article 1er ter.

12 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 54.

13 () Id.

14 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 43.

15 () Ibid., p. 57.

16 () Id.

17 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, pp. 58-59.

18 () Voir infra, le commentaire de l’article 18.

19 () Voir infra, le commentaire de l’article 18.

20 () Cette suppression a été adoptée conforme par le Sénat.

21 () L’énumération n’est pas exhaustive.

22 () Cette disposition était bien entendu réservée aux personnes de nationalité étrangère.

23 () Les dispositions de l’article 42 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui prévoit que toute personne victime de l’exploitation de la prostitution doit bénéficier d’un système de protection et d’assistance, sont transférées à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles par l’article 3 de la proposition de loi.

24 () Compte rendu intégral de la 2e séance du vendredi 29 novembre 2013 publié au Journal officiel de la République française du samedi 30 novembre 2013, p. 12461.

25 () Cet amendement du Gouvernement n’avait pas été examiné par la commission spéciale ; en séance publique, votre rapporteure, s’exprimant à titre personnel, y avait donné un avis favorable.

26 () Compte rendu intégral de la 3e séance du vendredi 29 novembre 2013 publié au Journal officiel de la République française du samedi 30 novembre 2013, p. 12467.

27 () Voir supra, l’encadré sur l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles.

28 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 68.

29 () Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, l’article 3 prévoyait également que le préfet serait chargé de présider l’instance créée au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes.

30 () Cette disposition a été introduite en séance publique à la suite de l’adoption d’un amendement des membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ayant reçu un avis favorable de la commission spéciale et du Gouvernement.

31 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 68.

32 () Sous réserve des conditions prévues au nouvel article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

33 () Voir infra, le commentaire de l’article 6.

34 () Celui-ci dispose, en l’état actuel du droit, que « [l]es modalités d’application de l’article L. 121-9 sont déterminées par décret en Conseil d’État ».

35 () Naturellement, votre Commission n’a pas modifié la disposition selon laquelle le « parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle » est également ouvert aux personnes victimes de la prostitution et du proxénétisme.

36 () Voir supra, le commentaire de l’article 3.

37 () Voir supra, le commentaire de l’article 3.

38 () Voir infra, le commentaire de l’article 16.

39 () Voir infra, le commentaire de l’article 16.

40 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 83.

41 () La vulnérabilité de la victime s’apprécie au regard de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse.

42 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 85.

43 () Depuis la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, le racolage est à nouveau un délit et il a été mis fin à la différence entre racolage actif et racolage passif.

44 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 90.

45 () Compte rendu intégral de la séance du lundi 30 mars 2015 publié au Journal officiel de la République française du mardi 31 mars 2015, p. 2944.

46 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, pp. 93-94.

47 () Voir infra, le commentaire de l’article 15 bis A.

48 () Voir supra, le commentaire de l’article 15.

49 () Au sens de cette dernière, « constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

50 () Rapport (n° 697, session extraordinaire de 2013-2014) précité, p. 104.

51 () La composition pénale est une procédure permettant au procureur de la République de proposer une ou plusieurs mesures alternatives aux poursuites à une personne ayant reconnu avoir commis les faits.

52 () Cette disposition figurait à l’article 1er quater supprimé par le Sénat. Voir supra, le commentaire de cet article.

53 () Voir supra, le commentaire de l’article 3.

54 () Voir supra, le commentaire de l’article 15.

55 () La référence aux étudiants contraints de se livrer à la prostitution a été ajoutée à la suite de l’adoption d’un sous-amendement de Mme Esther Benbassa.

56 () Cette disposition figurait à l’article 1er quater supprimé par le Sénat. Voir supra, le commentaire de cet article.

57 () Voir supra, le commentaire de l’article 16.