N° 3129
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2015.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2016,
TOME I
RECETTES ET ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
PAR M. Gérard BAPT,
Député.
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 3106.
Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1er, 2, 5, 7 à 15, 17 à 20, 25 à 30 et 57 à 61 figurent dans le rapport de M. Gérard Bapt, sur les recettes et l’équilibre général (n° 3129, tome I).
Les commentaires et les débats en commission sur les articles 3, 4, 6, 16, 21 à 24, 39 à 45, 48 à 55 figurent dans le rapport de Mme Michèle Delaunay, sur l’assurance maladie (n° 3129, tome II).
Les commentaires et les débats en commission sur les articles 46 et 47 figurent dans le rapport de Mme Joëlle Huillier, sur le secteur médico-social (n° 3129, tome III).
Les commentaires et les débats en commission sur les articles 35, 36 et 56 figurent dans le rapport de M. Michel Issindou, sur l’assurance vieillesse (n° 3129, tome IV).
Les commentaires et les débats en commission sur les articles 37 et 38 figurent dans le rapport de M. Denis Jacquat, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 3129, tome V).
Les commentaires et les débats en commission sur les articles 31 à 34 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 3129, tome VI).
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Pages
PREMIÈRE PARTIE – DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2014 58
Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2014 58
Article 2 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2014 (annexe A) 67
DEUXIÈME PARTIE – DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2015 71
Article 5 : Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2015 71
TROISIÈME PARTIE – DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2016 77
TITRE IER – DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET A LA TRÉSORERIE 77
Chapitre Ier – Dispositions relatives au pacte de responsabilité et de solidarité et évolutions de certains dispositifs particuliers en découlant 77
Article 7 (art. L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale) : Élargissement du champ de la réduction de cotisation patronale famille 77
Article 8 (art. L. 651-3 et L. 651-5-3 du code de la sécurité sociale) : Suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (étape 2 du Pacte de responsabilité et de solidarité) 87
Article 9 (art. L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale) : Modification du dispositif d’exonérations de cotisations sociales patronales dans les outre-mer (LODEOM) 95
Article 10 (art. L. 131-4-2 et L. 131-4-3 du code de la sécurité sociale, article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 ; article 34 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008) : Suppression des dispositifs d’exonérations sociales applicables aux bassins d’emplois à redynamiser (BER), aux zones de restructuration de la défense (ZRD) et aux zones de revitalisation rurale (ZRR) 104
Après l’article 10 112
Chapitre II – Simplification du recouvrement des cotisations dues par les entreprises et les travailleurs non salariés 113
Article 11 (art. L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale [nouveau]) : Proportionnalité du redressement en matière de protection sociale complémentaire 113
Après l’article 11 122
Article additionnel après l’article 11 (art. L. 244-2 du code de la sécurité sociale) : Motivation de l’avertissement ou de la mise en demeure en cas poursuite pour méconnaissance de la législation de sécurité sociale 126
Article 12 (art. L. 133-6-2, L. 611-20 et L. 652-3 du code de la sécurité sociale) : Délégation aux URSSAF du recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales 126
Article 13 (art. L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22-1 du code rural et de la pêche) : Renforcement des options de lissage des revenus professionnels des non-salariés agricoles soumis à cotisations sociales 131
Article 14 (art. L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale) : Report à 2020 de l’obligation de bascule au régime micro-social des personnes relevant du régime micro-fiscal au 31 décembre 2015 139
Article additionnel après l’article 14 (art. L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale) : Sécurisation de la procédure de redressement forfaitaire en cas de travail dissimulé 142
Après l’article 14 143
Chapitre III – Dispositions relatives aux recettes et à la trésorerie des organismes de sécurité sociale 144
Article 15 (art. L. 131-7, L. 131-8, L. 135-1, L. 135-2, L. 135-3, L. 135-3-1, L. 135-4, L. 136-8, L. 137-17, L. 223-1, L. 245-16 et L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale, art. 1600-0 S du code général des impôts, art. L. 14-10-4 et L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, art. 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, art. 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, art. 2 de l’ordonnance n° 2015-896 du 23 juillet 2015 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon) : Transferts de recettes entre organismes et branches de la sécurité sociale 144
Après l’article 15 180
Article 17 (art. 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) : Aménagement du calendrier de reprise des déficits par la CADES 181
Après l’article 17 188
Chapitre IV – Dispositions relatives à l’architecture financière de la sécurité sociale 194
Article 18 : Intégration au régime général du régime spécial d’assurance maladie, maternité et décès du grand port maritime de Bordeaux 194
Article 19 (art. L. 311-3 du code de la sécurité sociale) : Affiliation au régime général des gens de mer employés à bord de navires étrangers 197
Article 20 (art. L. 133-6-8, L. 134-3, L. 134-4, L. 134-5, L. 134-5-1, L. 134-6, L. 134-7, L. 134-8, L. 134-10, L. 134-11, L. 134-11-1, L. 134-12, L. 134-13, L. 134-15, L. 139-1, L. 221-1, L. 241-1, L. 241-2, L. 241-3 à L. 242-3-3, L. 380-1, L. 380-2, L. 380-3-1, L. 381-4, L. 381-8, L. 612-4, L. 613-8, L. 713-21, L. 715-2 du code de la sécurité sociale, art. L. 721-2 [nouveau] L. 722-5, L. 722-6, L. 731-11, L. 731-35 du code rural et de la pêche maritime) : Réforme de l’architecture financière de la branche maladie 201
Chapitre V – Dispositions contribuant à l’organisation et au financement du risque maladie 215
Article 25 : Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionnées à l’annexe 5 215
Article 26 : Approbation du tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires pour 2016 218
Article 27 : Approbation du tableau d’équilibre du régime général pour 2016 223
TITRE II – CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 224
Article 28 : Approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (FSV), détermination de l’objectif d’amortissement de la dette sociale et des prévisions de recettes du FRR et de la section 2 du FSV pour 2016 224
Article 29 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt 231
Article 30 : Approbation du rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B) 237
QUATRIÈME PARTIE – DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2016 241
TITRE VI – DISPOSITIONS COMMUNES AUX DIFFÉRENTES BRANCHES 241
Article 57 (art. L. 161-23-1, L. 341-6, L. 351-11, L. 353-5, L. 356-2, L. 434-1, L. 434-2, L. 434-16, L. 434-17, L. 551-1, L. 723-11-2, L. 816-2 et L. 861-1 du code de la sécurité sociale ; art. L. 732-24 et L. 762-29 du code rural et de la pêche maritime) : Modification de la règle de revalorisation des prestations de sécurité sociale 241
Article 58 (art. L. 122-6 à L. 122-8 [nouveaux], L. 216-2-1, L. 216-2-2 et L. 611-9-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Renforcement des mutualisations entre organismes, branches et régimes de la sécurité sociale 254
Article 59 (art. L. 114-9 à L. 114-11 et L. 114-19 du code de la sécurité sociale, art. L. 724-7, L. 724-11, L. 725-14 et L. 725-15 du code rural et de la pêche maritime) : Extension des dispositions applicables dans le cadre de la lutte contre la fraude à tous les régimes 258
Article 60 (art. L. 643-11 et L. 645-11 du code de commerce) : Exclusion des sommes issues de fraudes sociales des procédures collectives 263
Article 61 (art. L. 8271-6-3 [nouveau] du code du travail, art. L. 634-3-1 [nouveau], L. 642-1, L. 645-1, L. 646-1 et L. 647-1 du code de la sécurité intérieure, art. L. 313-7 [nouveau] du code du travail applicable à Mayotte, art. L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale) : Élargir les sources de détection des fraudes sociales 266
Après l’article 61 271
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 273
Le Conseil des ministres a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 le 7 octobre dernier, au lendemain même de la célébration du soixante-dixième anniversaire de la création de la sécurité sociale dans notre pays.
Cet anniversaire nous honore, collectivement, d’avoir su construire un système qui protège nos concitoyens des risques de la vie (la maladie, les accidents du travail), mais qui leur permet également d’en apprécier sereinement les joies (la maternité, la retraite, a fortiori dans un contexte d’allongement de la durée de vie).
Mais cet anniversaire nous oblige au moins autant qu’il nous honore. Il nous oblige à faire preuve de responsabilité, pour que les générations futures bénéficient au moins du même niveau de protection que leurs parents et leurs grands-parents, sans supporter le poids de lourdes dettes que nous leur aurions laissées en héritage.
● À cet égard, ce PLFSS s’inscrit pleinement dans la trajectoire de redressement des comptes sociaux, courageusement décidée par le Président de la République et le Gouvernement depuis 2012, et pleinement assumée par la majorité parlementaire.
Dans un contexte économique pourtant dégradé, le déficit cumulé du régime général de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) n’ont cessé de décroître depuis 2012 : 17,5 milliards d’euros en 2012, 15,4 milliards en 2013, puis 13,2 milliards en 2014. En 2015, selon les prévisions réactualisées par ce PLFSS, le déficit devrait être de 12,8 milliards.
En 2016, la situation devrait significativement s’améliorer, avec un déficit cumulé du régime général et du FSV ramené à 9,7 milliards d’euros. L’essentiel de l’amélioration reposera sur le régime général, dont le solde passerait de
– 9 milliards en 2015 à – 6 milliards en 2016. La situation du FSV serait en revanche quasi stable, de – 3,8 à – 3,7 milliards ; en période de crise économique, les charges du Fonds tendent en effet à s’accroître mécaniquement, puisqu’il a en substance vocation à se substituer aux régimes « assurantiels » de retraite pour le financement des prestations correspondant aux périodes sans cotisations, typiquement les périodes de chômage.
Ces perspectives reposent sur l’hypothèse d’une croissance du produit intérieur brut (PIB) en hausse, qui passerait de 1 % en 2015 à 1,5 % en 2016. Parallèlement, la masse salariale du secteur privé – qui constitue l’assiette principale des recettes des organismes de sécurité sociale – croîtrait davantage en 2016 (+ 2,8 %) qu’en 2015 (+ 1,7 %). La reprise attendue de la croissance repose elle-même sur des hypothèses d’inflation faible à modérée (0,1 % en 2015, 1 % en 2016), concourant à l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages.
Le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, initialement envisagé dès 2017, a dû être repoussé du fait de la mauvaise conjoncture économique des dernières années, à 2020 ou 2021 selon les estimations du dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (1). Néanmoins, les régimes obligatoires de base devraient être excédentaires dès 2019, seul le déficit persistant du FSV (2,8 milliards d’euros) empêchant le retour à l’équilibre de l’ensemble des comptes dès cette date.
● S’agissant de 2016, et conformément à l’engagement présidentiel de stabilisation du taux de prélèvements obligatoires, l’essentiel de l’effort portera sur les dépenses, en particulier celles de l’assurance maladie : l’objectif national des dépenses d’assurance maladie est fixé à 1,75 %, contre une progression « tendancielle » des dépenses de 3,6 %, si les efforts nécessaires n’étaient pas engagés.
Mais responsabilité ne rime pas avec austérité. Ce PLFSS marque au contraire la mise en œuvre la deuxième phase du Pacte de responsabilité et de solidarité, après les premières mesures adoptées dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (2).
Ces mesures doivent redonner des perspectives de croissance à nos entreprises, et d’emploi à nos concitoyens, il s’agit :
– d’une part, d’élargir l’assiette de la réduction de 1,8 point des cotisations familiales, aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (article 7) ;
– d’autre part, de poursuivre la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, en portant l’abattement sur le chiffre d’affaires de 3,25 à 19 millions d’euros (article 8).
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 prévoit la compensation de ces pertes de recettes à la sécurité sociale, le budget de l’État finançant à l’avenir des dépenses aujourd’hui assumées par la branche famille, essentiellement l’allocation de logement familiale. Cette compensation appelle des réaffectations de recettes au sein de la sécurité sociale, pour éviter que la branche famille ne soit « gagnante » au détriment des autres branches et organismes, qui seraient « perdants ». L’article 15 procède à ces transferts.
Parce que la responsabilité c’est aussi le respect du droit, ce même article tire les conséquences d’une récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), qui a jugé que des prélèvements sociaux acquittés par des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre ne sauraient être affectés au financement de prestations « contributives », relevant d’une logique d’assurance (3).
Ce PLFSS contribue aussi au « choc de simplification » annoncé par le Président de la République en mars 2013 : l’article 57 opère une refonte des dates et méthodes de revalorisation de certaines prestations sociales, en cohérence avec l’article 33 du projet de loi de finances 2016, de façon à les rendre plus lisibles pour les assurés qui seront ainsi mieux à même de comprendre l’évolution du montant de leurs prestations par rapport à celle de l’inflation constatée (et non plus prévisionnelle).
La responsabilité appelle également la proportionnalité des sanctions aux infractions, qui consolide la confiance que les cotisants placent dans le système de protection sociale. À cet égard, l’article 11 met fin à une situation injuste, dans laquelle une simple erreur administrative aboutissait à assujettir aux cotisations sociales l’ensemble du financement par l’employeur d’un régime de protection sociale complémentaire, financement en principe exonéré.
Agir en responsabilité, c’est aussi savoir saisir les opportunités. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) doit reprendre à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) 62 milliards d’euros de déficits, accumulés au titre des années 2011 à 2017. Cette reprise devant se faire dans la limite de 10 milliards d’euros par an, ce sont 23,6 milliards qui restent à reprendre. Compte tenu du niveau historiquement faible des taux d’intérêt, l’article 17 de ce PLFSS propose de faire reprendre la totalité de ces 23,6 milliards en 2016, ce qui permettra à la CADES – qui emprunte sur les marchés pour reprendre les déficits à l’ACOSS – de le faire dans de très bonnes conditions, qu’il serait hasardeux de considérer comme pérennes.
Être responsable, c’est, enfin, être lucide : l’anticipation de reprise de dette par la CADES, qui est une très bonne idée dans le contexte actuel, n’a pas vocation à solutionner la question de la reprise des déficits postérieurs à 2015, qui devra bien trouver une réponse dans un prochain texte.
● La Commission a apporté plusieurs modifications à la partie « recettes et équilibre général » du PLFSS.
Elle a tout d’abord adopté un amendement portant article additionnel après l’article 11, à l’initiative de nos collègues Bernard Gérard et Marc Goua, inspiré d’une proposition de leur rapport remis en avril dernier au Gouvernement en qualité de parlementaires en mission (4). Il précise que les avertissements et mises en demeures adressés aux employeurs et aux travailleurs indépendants avant toute action contentieuse pour méconnaissance de la législation de sécurité sociale doivent être précis et motivés.
Elle a ensuite adopté un amendement technique du rapporteur, portant article additionnel après l’article 14. Cet amendement permet de sécuriser la procédure de redressement forfaitaire applicable en cas de travail dissimulé, afin qu’elle s’applique conformément à l’intention du législateur.
Elle a enfin adopté un amendement du rapporteur à l’article 17, mettant en cohérence avec les dispositions de cet article le calendrier de reprise de dette par la CADES.
La Commission a procédé à l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, auprès du ministre des finances et des comptes public, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 lors de sa séance du mercredi 7 octobre 2015.
Mme la présidente Catherine Lemorton. La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est un moment attendu. Je voudrais remercier Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, de venir nous présenter ce texte, qu’ils ont bien voulu nous faire parvenir aussitôt après son adoption ce matin en conseil des ministres.
J’ai constaté avec plaisir l’amélioration des taux de réponse aux questionnaires que les rapporteurs ont adressés au Gouvernement en juillet dernier. Ce taux est supérieur à 80 % pour les recettes et l’équilibre général, pour les branches vieillesse et accidents du travail et maladies professionnelles ; il n’avait jamais été atteint depuis des années. En revanche, il reste encore insuffisant pour la famille (70 %), l’assurance maladie (63 %) et le médico-social (60 %). Mais si le rythme de progression de cette année se maintient, ce devrait être parfait l’année prochaine… Il faut le souhaiter, ne serait-ce que pour faciliter le travail des rapporteurs et des gens qui travaillent à leur côté et qui disposent d’à peine deux semaines entre le moment où ils reçoivent le texte et son passage en commission. Ce délai, particulièrement court, implique une bonne réactivité du Gouvernement, surtout cette année où le PLFSS comporte des dispositions techniques particulièrement complexes.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je compte sur vous, y compris dans cette période séparant le conseil des ministres du passage en commission, pour donner les instructions nécessaires afin que nos rapporteurs disposent des éléments indispensables à leur travail.
Je rappelle que nous examinerons ce texte en commission, le mardi 13 octobre, après-midi et soir, et le mercredi 14 octobre, matin, après-midi et soir.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, soyez assurée de la mobilisation totale de mes services pour répondre à vos interrogations et à vos préoccupations.
L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 survient à un moment symbolique, celui du soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale. C’est pour nous l’occasion de montrer notre attachement à une politique qui vise à la fois à consolider et à moderniser les droits sociaux de nos concitoyens.
Les résultats sont là. Mais puisque nous avons tendance à ne voir que le rééquilibrage financier de la sécurité sociale, j’insisterai sur un autre chiffre, celui du reste à charge des Français en matière de santé, qui diminue régulièrement depuis 2012. Après avoir augmenté entre 2007 et 2012, il est passé de 9,1 % en 2011 à 8,5 % en 2014. C’est un engagement fort pour le Gouvernement.
Je veux revenir sur cinq avancées majeures.
La première vise à marquer l’aboutissement d’un engagement pris en 1945 : l’instauration d’une véritable la protection universelle maladie.
Chaque année, plusieurs millions de Français doivent engager des démarches administratives pour faire valoir leurs droits à l’assurance maladie, lorsqu’ils changent de situation professionnelle, de situation familiale ou de domicile. Cette rupture n’est pas acceptable.
Il ne s’agit pas de créer un nouveau droit, puisque depuis la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), tous les Français et tous ceux qui résident régulièrement sur notre territoire peuvent bénéficier d’une couverture maladie. En revanche, les changements de situation pouvaient y faire obstacle.
La protection universelle maladie sera instaurée dès 2016. Concrètement, les conditions requises pour ouvrir droit à remboursement seront simplifiées ; mais surtout, les droits seront désormais servis à chaque assuré individuellement. Chaque Français, chaque personne en situation régulière sur notre territoire aura ses propres droits. Il n’y aura donc plus d’ayants droit. C’est la fin d’un système auquel nous étions habitués. C’est là un changement très important : désormais, nous serons individuellement et personnellement porteurs de nos droits.
La carte Vitale aura potentiellement vocation à durer toute la vie de l’assuré. Elle sera proposée dès l’âge de douze ans, ce qui simplifiera l’accès aux soins des enfants : par exemple, des enfants éloignés de leurs parents pour les vacances, en colonie de vacances ou chez leurs grands-parents ; des enfants de famille recomposée qui peuvent tomber malades alors qu’ils sont chez le parent qui n’est pas porteur de leurs droits.
Nous tirons les conséquences de cette réforme majeure sur son financement. Les cotisations minimales maladie que doivent aujourd’hui acquitter les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles seront supprimées. Il s’agit d’un allégement qui concernera de très nombreux travailleurs dégageant de très faibles revenus de leur activité.
Cela permet, à prélèvement inchangé, de relever la cotisation minimale vieillesse des travailleurs indépendants de façon à leur garantir que ces travailleurs valident au moins trois trimestres de retraite par année travaillée, même dans les mauvaises années. Je rappelle qu’il y a encore deux ans, un travailleur indépendant connaissant une mauvaise année ne pouvait valider qu’un seul trimestre avec certitude.
Certains annoncent le grand soir de la protection sociale des indépendants… après avoir provoqué les dégâts que l’on connaît au moment de la mise en place du régime social des indépendants (RSI). Nous aurons quant à nous œuvré très concrètement, depuis trois ans, pour offrir aux indépendants une protection sociale renforcée, et plus juste avec des prélèvements qui auront baissé de façon très significative, pour les 70 % d’entre eux qui ont les revenus les moins élevés. J’ai la conviction que le niveau de la couverture sociale des travailleurs indépendants constitue un enjeu d’avenir, alors que les mutations de l’économie peuvent conduire davantage de personnes précaires à travailler dans ce cadre.
La deuxième avancée qui figure dans ce texte est la généralisation de l’accès à une complémentaire santé de qualité pour des catégories de la population en butte à des difficultés.
Il s’agit d’abord de favoriser la complémentaire santé des travailleurs précaires. Vous le savez, à partir du 1er janvier 2016, les employeurs devront apporter une complémentaire santé à leurs salariés. Néanmoins, les salariés qui se trouvent en contrat à durée déterminée très court, ou qui travaillent simultanément chez plusieurs employeurs, pourraient rencontrer des difficultés. C’est pour cela qu’une aide individuelle destinée à faciliter l’acquisition d’une complémentaire santé leur sera versée par leur(s) employeur(s).
Ensuite, nous voulons favoriser l’accès à une complémentaire santé pour les personnes retraitées et celles de plus de soixante-cinq ans, retraitées ou non, qui, avançant en âge, sont confrontées à une hausse du coût de leur complémentaire santé. Deux mesures viennent concrétiser cet engagement de solidarité :
La première consiste à réaménager le dispositif issu de la loi Évin de 1989, qui permet à un ancien salarié de garder la complémentaire santé qu’il avait dans le cadre de son entreprise. Concrètement, après une première année pendant laquelle les salariés auront le droit de conserver cette complémentaire santé à un tarif identique à celui qu’ils avaient en entreprise, le plafond évoluera progressivement, jusqu’à atteindre 150 % du coût qui était payé à l’intérieur de l’entreprise. Le recours à ce dispositif étant trop limité, nous le rendons plus attractif.
Deuxième avancée majeure : la mise en place d’une sélection non fermée de contrats de complémentaire santé par mise en concurrence des contrats, qui permettra aux plus de soixante ans de bénéficier d’une complémentaire moins chère ou apportant de meilleures garanties.
Troisième engagement fort de ce projet de loi, la lutte contre les inégalités de santé dans nos territoires en renforçant la prévention et l’accès aux soins de premier recours.
Nous lançons notamment une expérimentation fondée sur le repérage, par le médecin traitant, d’un risque d’obésité chez les enfants de trois à huit ans et la prise en charge financière de bilans d’activité physique et de l’intervention de diététiciens et de psychologues. Dans le même temps, nous renforçons – dans le prolongement de ce que nous avons déjà engagé – l’accès des mineures à la contraception. La consultation de la prescription et les analyses biologiques liées seront désormais prises en charge à 100 % et dans des conditions de totale confidentialité. Enfin, je l’ai annoncé la semaine dernière à l’occasion du lancement de la campagne « Octobre rose », nous étendons la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires pratiqués sur les femmes présentant un risque particulièrement élevé, plus élevé que celui qui justifie la campagne classique d’une mammographie tous les deux ans.
Enfin, toujours en matière de parcours de soins, ce PLFSS prévoit d’accélérer le virage ambulatoire et d’améliorer l’accès aux soins. Concrètement, nous confortons le modèle retenu dans certaines régions pour financer la permanence des soins ambulatoires (PDSA). En outre, nous renforçons le développement de l’offre de soins visuels sans dépassements d’honoraires, en soutenant la modernisation des cabinets d’ophtalmologistes et à la mise en place de binômes entre orthoptiste et ophtalmologiste.
Quatrième avancée de ce PLFSS : la généralisation de la garantie des impayés de pension alimentaire.
Nous avons engagé une expérimentation qui permet de garantir une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant, et nous généralisons ce dispositif qui s’adresse aux parents – dans la pratique, aux femmes seules avec enfants – dont l’ex-conjoint ne verse pas ou verse de manière irrégulière la pension alimentaire qu’il doit. C’est la caisse d’allocations familiales qui versera désormais la pension alimentaire et se retournera ensuite contre l’autre parent défaillant pour obtenir le paiement des sommes dues.
Cinquième avancée, ce texte marque, en cohérence avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement, un engagement fort en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, lequel se traduit par une augmentation des moyens médico-sociaux de 405 millions d’euros. Cela permettra de créer de nouvelles places d’accueil : c’est l’engagement que nous avons pris dans le plan « autisme » et le plan « maladies neurodégénératives ». Cela permettra aussi de poursuivre la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Parallèlement, depuis 2012, nous avons fait progresser les droits sociaux des Français, tout en parvenant à réduire très fortement les déficits. Le PLFSS pour 2016 marque une nouvelle étape du redressement des comptes.
Entre 2011 et 2015, le déficit du régime général et du FSV aura diminué de plus de 8 milliards d’euros. Si la conjoncture économique a pu ralentir le rythme, la direction est restée la bonne et les résultats sont là : le déficit a été réduit de 40 %. Nous pouvons en être fiers puisque, dans le même temps, nous avons su maîtriser les dépenses, en particulier en matière de santé, alors même que des dépenses inattendues se sont présentées – par exemple d’importantes dépenses liées aux traitements innovants de l’hépatite C. Malgré cela, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) a été systématiquement respecté. En 2015, dans des conditions de maîtrise renforcée des dépenses et de développement des traitements innovants de l’hépatite C, l’ONDAM sera à nouveau tenu.
Cette dynamique sera poursuivie en 2016. Nous devrions ramener le déficit du régime général et du FSV sous la barre des 10 milliards d’euros. Pour la première fois depuis 2005, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) devrait revenir à l’équilibre. J’imagine que chacun ici s’en réjouira, car c’est un signe de confiance à adresser à nos concitoyens. Et je ne vois pas l’intérêt qu’il y a à inquiéter les Français en matière de retraite, notamment à un moment où reprennent des négociations difficiles et décisives entre les partenaires sociaux sur les régimes complémentaires.
Comment parviendrons-nous à maîtriser les dépenses en matière de santé ? En poursuivant le travail entamé depuis 2012, c’est-à-dire en ayant le courage d’engager des réformes structurelles, sans jamais recourir aux franchises et aux déremboursements. Pour 2016, nous avons défini une progression de l’ONDAM de 1,75 %, qui représente un effort de 3,4 milliards d’euros, contre 3,2 milliards en 2015. Nous y parviendrons en mobilisant les quatre axes structurants qui nous permettent déjà de tenir le cap depuis 2012.
Premier axe : lutter contre le gaspillage en évitant les actes inutiles ou redondants : examens pré-anesthésiques, examens biologiques, recours aux transports sanitaires. Nous espérons ainsi dégager en 2016, comme en 2015, 1,2 milliard d’euros d’économies.
Deuxième axe : faire baisser les prix des produits de santé et développer les génériques. L’an dernier, nous avons pris l’engagement de stabiliser les dépenses de médicaments remboursés entre 2015 et 2017. Dans ce cadre, nous trouverons les ressources pour développer des traitements innovants et les rendre accessibles à tous les patients.
Pour cela, nous reconduirons en 2016 les dispositifs de régulation des prix adoptés l’an dernier : la clause de sauvegarde permanente, le taux L, et le mécanisme de régulation spécifique aux traitements de l’hépatite C, le taux K. Nous poursuivrons aussi le recours aux génériques. Les médecins, en ville comme à l’hôpital, seront davantage incités à les prescrire, et une campagne de communication sera lancée dans le courant du premier semestre 2016 pour sensibiliser les Français à l’intérêt de ces médicaments. Grâce aux baisses de prix et au développement des génériques, nous attendons 1 milliard d’euros d’économies en 2016, ce qui est proche des économies réalisées l’an dernier.
Troisième axe : accroître l’efficience de la dépense hospitalière grâce aux économies d’échelle. Cette dynamique a été engagée il y a plusieurs années et je veux souligner que, contrairement à ce que l’on entend parfois, les professionnels et les hôpitaux ont engagé un effort sans précédent de réorganisation de leurs pratiques et de leurs structures.
Le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit, avec les groupements hospitaliers de territoires, de doter les hôpitaux d’outils nouveaux pour accompagner ces évolutions. 700 millions d’euros sont attendus à ce titre en 2016, contre 500 millions d’euros l’an dernier.
Ces économies permettent de maîtriser l’évolution de l’ONDAM hospitalier. Pour la première fois depuis plusieurs années, l’évolution de l’ONDAM hospitalier sera en ligne avec l’évolution de l’ONDAM général, à 1,75 %. Les ressources dédiées à la prise en charge à l’hôpital des personnes précaires seront sensiblement renforcées en 2016, en particulier pour les établissements les plus mobilisés dans ce domaine.
Enfin, je veux dire que la transformation de l’hôpital passe aussi par une réforme profonde de son financement. Cette réforme a été engagée dès 2012, avec des dispositifs de soutien aux activités isolées ou la mise en œuvre d’un financement à la qualité. Je poursuis cette dynamique dans ce PLFSS, avec la mise en place d’un modèle de financement innovant pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : la dotation modulée à l’activité. Concrètement, il s’agit de mettre définitivement un terme au « tout T2A » en instaurant davantage de dotation dans les financements pour plus de stabilité.
Le quatrième et dernier axe structurant pour l’assurance maladie consiste à favoriser le virage ambulatoire.
L’innovation permet aujourd’hui de progresser très rapidement dans ce domaine, et aux patients de rester plus longtemps chez eux auprès de leurs proches. Nous avons déjà beaucoup avancé : le taux de chirurgie ambulatoire est passé à 45 % en 2014, contre 40,8 % en 2012. L’objectif d’une intervention chirurgicale sur deux en ambulatoire est en donc en passe d’être atteint.
Nous continuons à soutenir les soins de ville : les ressources effectivement allouées aux soins de ville – et qui montrent notre engagement en faveur du virage ambulatoire – progresseront de 2 %. C’est une progression nettement supérieure à celle de l’ONDAM global, qui témoigne de notre volonté de réorienter notre système de santé.
Nous prévoyons 500 millions d’euros d’économies liées au virage ambulatoire en 2016. C’est un peu plus que les 400 millions d’euros réalisés en 2015.
Mesdames et messieurs les députés, dans les prochaines semaines, vous examinerez ce PLFSS qui, dans la ligne des précédents, est tout à la fois un texte de redressement, de protection et de justice.
Mesdames et messieurs, je vous remercie par avance pour tout l’engagement dont vous ferez preuve lors des prochaines semaines. Je sais que l’examen de projet de loi représente pour chacune et chacun de vous un énorme travail, et je m’engage, madame la présidente, je m’engage à tout faire pour qu’il se déroule dans les meilleures conditions possibles.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, auprès du ministre des finances et des comptes publics. Après le projet de loi de finances (PLF) la semaine dernière, le PLFSS a été déposé aujourd’hui devant votre assemblée. Vous venez d’entendre la présentation qu’en a faite Marisol Touraine ; il me revient maintenant de vous apporter quelques éléments clés sur ce texte, de mon point de vue de secrétaire d’État chargé du budget.
Pour commencer, ce texte est la démonstration de notre crédibilité budgétaire. Nos comptes publics se redressent et nous enregistrons des résultats. Si l’on regarde l’ensemble des administrations publiques, le solde 2014, récemment révisé par l’INSEE, s’établit à 3,9 % du PIB et nous serons à 3,8 % en 2015 – l’avis du Haut conseil des finances publiques sur le PLF ayant confirmé la crédibilité de cet objectif. En 2016, notre objectif est de 3,3 %, et nous stabiliserons le ratio de dette publique pour la première fois.
Le champ de la sécurité sociale contribue fortement à cette amélioration globale : c’est le fruit d’une politique résolue d’économies, sans sacrifier les droits des assurés et en maintenant notre priorité en faveur des Français les plus modestes.
On ne le dira jamais assez et jamais assez fort : le déficit de la sécurité sociale se réduit chaque année depuis le début de la législature. Il était de 21 milliards d’euros en 2011, de plus de 17 milliards en 2012, de plus de 15 milliards en 2013, et de 13 milliards l’année dernière, en 2014. Cette année, il sera de moins de 10 milliards d’euros pour le régime général et de 12,8 milliards d’euros si l’on inclut le FSV. Nonobstant les critiques, ce résultat est le meilleur atteint depuis 2008, c’est-à-dire avant le début de la crise économique.
Non seulement le déficit diminue, mais depuis deux ans, il se réduit plus rapidement que prévu. Le déficit constaté en 2014 a été inférieur de 2 milliards d’euros à notre prévision ; celui de 2015 sera inférieur de 600 millions d’euros à l’objectif fixé dans la LFSS pour 2015.
Le résultat de cette politique, c’est que l’année prochaine, deux branches sur les quatre que compte le régime général seront à l’équilibre : la branche accidents du travail et la branche vieillesse. La branche famille quant à elle se rapprochera nettement de l’équilibre puisque son déficit ne sera plus que de 800 millions, et l’équilibre sera atteint en 2017.
C’est le signe que les efforts paient : ce sont la réforme des retraites et les mesures d’économie prises sur la branche famille ces deux dernières années qui ont permis ces résultats.
Un chiffre permet de mesurer à quel point les résultats sont probants : celui de l’évolution de la dette totale de la sécurité sociale, à la fois celle qui a été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et celle qui demeure à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). En 2015, la CADES devrait rembourser environ 13,6 milliards d’euros de dette accumulée par le régime général et le FSV. Le déficit prévisionnel devrait quant à lui être de 12,7 milliards d’euros. Autrement dit, la dette sociale va baisser en valeur dès 2015 pour la première fois depuis 2002, et ce mouvement va s’amplifier en 2016.
L’horizon de remboursement intégral de la dette sociale est fixé à 2024, et cet horizon ne s’éloigne plus. Dans ce contexte, plutôt qu’attendre encore deux ans, le Gouvernement souhaite anticiper la reprise par la CADES des déficits accumulés à l’ACOSS en transférant dès l’année prochaine 23,6 milliards d’euros de dette à la CADES, pour saturer le plafond de reprise de 62 milliards actuellement en vigueur. Cela permet de tirer profit des taux bas du marché, et de ne pas prendre le risque d’attendre une remontée des taux.
Les mesures de maîtrise des dépenses de la sécurité sociale se poursuivront en 2016 dans le cadre plus général du plan de 50 milliards d’euros d’économies réalisés en trois ans sur l’ensemble des administrations publiques. En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan de 50 milliards d’économies atteindra 7,4 milliards d’euros au total.
L’ONDAM a été respecté pour la cinquième année consécutive en 2014 et nous mettrons tout en œuvre pour respecter l’ONDAM 2015. L’avis du comité d’alerte qui vient d’être publié confirme que ce devrait être le cas, et valide la construction de l’ONDAM 2016. Il montre que c’est un objectif exigeant – le taux de progression de l’ONDAM a été fixé à 1,75 %, le taux le plus bas depuis sa création en 1997 – mais réaliste. Cela permettra de faire une économie de 3,4 milliards d’euros. Marisol Touraine vient de détailler les axes des mesures d’économies prévues en matière d’assurance maladie.
Vous l’avez vu, cette démarche est cohérente, structurée et inscrite dans la durée. Elle ne sacrifie pas les droits des assurés. Bien au contraire, la protection universelle maladie (PUMa) sera l’une des réformes sociales importantes de cette législature, avec la mise en œuvre de la prime d’activité, qui interviendra aussi en 2016.
Le projet de loi de finances présenté la semaine dernière prévoit une réforme des modalités de revalorisation de l’ensemble des prestations sociales. Cette réforme est bien sûr inscrite en miroir dans le PLFSS présenté aujourd’hui pour les prestations relevant du champ de la sécurité sociale.
En effet, au 1er avril 2015, le Gouvernement aurait dû diminuer les prestations familiales de 0,7 point s’il avait appliqué strictement les dispositions législatives actuelles, qui prévoient un mécanisme de correction en cas d’inflation inférieure aux prévisions. Bien sûr, nous avons choisi de ne pas diminuer le montant des prestations, dont certaines bénéficient à des familles modestes. Cela étant, ce système de correction des écarts de prévision l’année suivante n’est pas satisfaisant. En outre, pas moins de cinq dates de revalorisation et autant d’indices de référence coexistent, pour les revalorisations des différentes prestations : ce dispositif est complexe et peu lisible pour les bénéficiaires.
Aussi proposons-nous, d’une part, de clarifier les dates de revalorisations en les regroupant au 1er octobre pour les retraites – ce qui ne change rien – et au 1er avril pour toutes les autres prestations, et, d’autre part, de mettre en place un bouclier garantissant le maintien des prestations à leur niveau antérieur en cas d’inflation négative, dans un cadre général où la revalorisation se fera uniquement en fonction d’évolutions connues, et non plus prévisionnelles, ce qui exclura en conséquence toute nécessité de correction a posteriori.
Cette réforme est neutre à long terme, puisque l’inflation constatée et l’inflation prévisionnelle convergent sur longue période. Elle conduit cependant à des économies temporaires dans un contexte de reprise de l’inflation. L’impact sur l’ensemble des comptes publics sera de l’ordre de 500 M€ en 2016. Je tiens à rappeler qu’en aucun cas, cette réforme ne remet en cause les mesures du plan pauvreté, qui continueront à s’appliquer jusqu’en 2017. Cette mesure transversale n’aura aucun impact sur la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA), toujours prévue au 1er septembre, et qui continuera à s’appliquer chaque année.
J’en viens à mon second point : les mesures concernant les recettes, et notamment celles du Pacte de responsabilité et de solidarité.
Le PLFSS met en œuvre la deuxième étape du Pacte de responsabilité et de responsabilité qui, je le rappelle, prévoit que les entreprises bénéficieront de 9 milliards d’euros d’allégements supplémentaires en 2016. À ce titre, deux mesures sont prévues : premièrement, la baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires jusqu’à 3,5 fois le niveau du SMIC à compter du 1er avril prochain : le décalage de trois mois correspond à la prise en compte des autres mesures décidées en faveur des entreprises, notamment en faveur des très petites entreprises en août, ou bien en faveur de l’actionnariat et de l’épargne salariale. Deuxièmement, la poursuite de baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) payée par les entreprises, dont nous avons déjà débattu l’année dernière. Cette contribution, vous le savez, pèse sur le chiffre d’affaires et n’est pas déductible, ce qui signifie qu’une entreprise déficitaire doit tout de même payer la C3S, même lorsqu’elle ne paie pas d’IS, et que seul le chiffre d’affaires réalisé en France est taxé. Je ne reviens pas plus longuement sur les défauts économiques de cet impôt qui expliquent pourquoi c’est sur lui que nous avons concentré nos efforts.
Avec ces mesures, nos objectifs sont clairs : les petites et moyennes entreprises et les secteurs exposés.
Dans cette deuxième étape du pacte, le Gouvernement a choisi de relever le niveau de l’abattement créé l’année dernière, qui sera porté à 19 millions d’euros, soit une baisse de prélèvement de 1 milliard d’euros pour les 100 000 redevables. De cette façon, 80 % des redevables, c’est-à-dire les plus petites entreprises et la très grande majorité des moyennes, seront totalement exonérées.
Ainsi, sur 1 milliard de baisse de C3S, 250 millions d’euros iront aux entreprises industrielles. De même, en ciblant des salaires médians, nous savons que 25 % de la baisse des cotisations famille bénéficiera à notre industrie.
En 2016, le pacte représentera donc un gain de 1 milliard d’euros pour notre industrie, soit 25 % des baisses de prélèvements alors que ces secteurs ne représentent que 14 % de notre valeur ajoutée. En outre, ce milliard d’euros ira principalement vers des PME et des entreprises de taille intermédiaire des secteurs industriels.
Dernier point important : comme l’année dernière, c’est l’État, et non la sécurité sociale, qui supportera intégralement le coût de ces baisses de prélèvements. La compensation à la sécurité sociale sera réalisée à l’euro près et sera pérenne, incluant la baisse de la recette apportée l’an dernier en compensation des premières mesures du pacte par la mesure sur les caisses de congés payés.
Comme l’année dernière, cette compensation sera réalisée principalement par le transfert au budget de l’État de certaines dépenses aujourd’hui retracées dans les comptes de la sécurité sociale, dans une logique de rationalisation et de simplification. Ainsi, l’aide au logement familiale (ALF), actuellement financée par la branche famille, le sera désormais par l’État, sans modification des règles de calcul ou de gestion. Enfin, le financement des mesures de protection des majeurs vulnérables, soit 400 millions d’euros par an, sera également transféré à l’État.
C’est un effort significatif, de plus de 5 milliards d’euros supplémentaires en 2016. Cela explique que l’on ne constate qu’une faible réduction du déficit budgétaire de l’État en 2016, de l’ordre de 1 milliard d’euros, malgré les économies et la réduction de la dépense publique. L’État absorbera par ses seuls efforts d’économie en dépenses les pertes de recettes liées au pacte et l’équilibre de la sécurité sociale sera entièrement préservé.
D’autres mesures de recettes figurent dans ce PLFSS.
Parallèlement à la mise en œuvre du pacte, nous poursuivrons la réduction des niches sociales. Il ne faut pas croire que le Gouvernement serait subitement devenu aveugle ou sourd lorsqu’il apparaît que certaines exonérations sont en réalité des niches dont l’efficacité est remise en cause. Ainsi, dans le cadre du nouveau dispositif de « revue des dépenses », un rapport adressé cet été au Parlement a formulé des critiques pertinentes sur un certain nombre de dispositifs parfois mal ciblés, coûteux, peu efficaces et très complexes dans leurs critères.
En outre, on peut considérer que leur utilité, pour certains, se justifie moins que par le passé puisque, dans le même temps, les exonérations générales de cotisations ont été renforcées. Dans certains cas, on constate même que les dispositifs ciblés sont devenus moins favorables à certains niveaux de salaires que les allégements généraux, tout en coûtant plus cher au global ! Aussi, deux mesures du PLFSS, l’une sur les exonérations applicables en outre-mer, l’autre sur certaines exonérations zonées, contribueront à cet objectif. Je précise que dans les deux cas, c’est uniquement le volet qui concerne les cotisations qui est visé : le volet fiscal de ces dispositifs demeure inchangé.
Enfin, je souhaite revenir sur les suites de l’arrêt « De Ruyter », dont l’importance me semble avoir été sous-estimée.
Instituée en 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) est une contribution affectée à la sécurité sociale et payée par tous les contribuables sur tous leurs revenus : revenus d’activité, pensions, revenus du capital, etc. Nous considérons, et le Conseil constitutionnel l’a clairement établi, que cette contribution, qui n’ouvre aucun droit à la protection sociale, est de même nature qu’un impôt.
Or, dans un contentieux engagé par un contribuable qui résidait en France et y payait ses impôts mais qui était affilié à la sécurité sociale dans un autre État membre, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a été amenée à conclure que la CSG sur les revenus du capital ne pouvait pas être affectée aux assurances sociales au motif que, pour faire respecter le principe communautaire de libre circulation des travailleurs, les ressortissants européens ne peuvent être soumis qu’à une seule législation sociale. La CJUE considère donc qu’au vu de son affectation actuelle, la CSG sur les revenus du capital ne peut pas être perçue sur les personnes affiliées dans un autre État membre.
Je voudrais tout d’abord rassurer les personnes concernées par ces contentieux : bien entendu, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires afin que celles qui entrent dans le champ de cet arrêt – et elles seules – puissent, pour le passé, bénéficier d’un remboursement des prélèvements effectués à tort, en application de la décision de la Cour de Justice.
Pour l’avenir, cette décision pourrait potentiellement avoir des conséquences lourdes sur le financement de la sécurité sociale, que nous ne souhaitons pas.
En effet, l’analyse de la CJUE tend à faire de la CSG une cotisation, et non plus un impôt. Si l’on admettait ce raisonnement, il faudrait sans doute se demander s’il ne va pas falloir assujettir de nombreuses personnes qui actuellement ne l’acquittent pas, car ils ne résident pas en France – par exemple les retraités français qui résident à l’étranger.
Pour respecter la décision de la CJUE sans dénaturer la CSG et dans un souci d’équité entre l’ensemble des contribuables qui bénéficient de revenus de source française, le PLFSS prévoit d’affecter ces prélèvements au financement de prestations non contributives, dans la sphère sociale, identiques à celles financées par les autres impôts. Cette affectation se fera principalement au FSV et accessoirement à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour financer la dépendance.
Enfin, certains souhaitent profiter de l’occasion pour nous obliger à revenir en arrière sur l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital applicable aux non-résidents, mis en place en août 2012. Il n’est évidemment pas question de donner suite à cette demande, non seulement au vu du coût budgétaire, mais aussi parce que ce serait recréer une injustice, une inégalité à l’égard des autres contribuables.
Enfin, et j’insiste sur ce point, rien ne nous interdit juridiquement de soumettre les non-résidents aux prélèvements sur le capital. La CJUE nous a seulement demandé de ne pas affecter à la sécurité sociale française les prélèvements sur le capital acquittés par des personnes affiliées dans d’autres pays d’Europe. Ce n’est donc pas en exonérant les non-résidents que nous pourrions nous mettre en conformité.
Je voudrais terminer cette intervention en revenant sur les mesures que nous prenons au sujet de l’organisation et du fonctionnement de la protection sociale des indépendants – sans en refaire l’historique pour ne mettre mal à l’aise personne…
De nombreuses mesures ont été prises depuis 2012. Avec Marisol Touraine et Martine Pinville, nous avons fixé en juin dernier une nouvelle feuille de route en matière de qualité de service. L’adaptation du calendrier de recouvrement, pour que les cotisations payées correspondent à la réalité des moyens dont disposent les entreprises, la généralisation des médiateurs et, plus récemment, la ré-internalisation de l’accueil téléphonique sont des exemples parmi beaucoup d’autres de réalisations récentes.
Il y a quelques jours, les députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis au Premier ministre leur rapport présentant des pistes de réforme plus structurelles.
La première consiste en une refonte du barème des cotisations minimales, afin de le simplifier et d’offrir plus de droits sociaux aux assurés, notamment en matière de retraite. Nous allons y travailler, avec le RSI, dans le sens fixé par le rapport. Certaines mesures, d’ordre réglementaire, ont d’ores et déjà été annoncées.
La seconde est une amélioration substantielle du pilotage et des priorités en termes de gouvernance des systèmes d’information. Ce point sera intégré à la prochaine négociation de la convention d’objectifs et de gestion pour la période allant de 2016 à 2019.
Enfin, un certain nombre de mesures concernent les droits des indépendants – notamment la réduction du délai de carence pour le bénéfice des indemnités journalières.
En conclusion, vous l’avez compris, le Gouvernement poursuit, dans le domaine de la sécurité sociale, trois objectifs : le rétablissement de l’équilibre financier de notre système de sécurité sociale, qui contribue fortement au redressement des comptes publics ; le renforcement de la compétitivité de notre économie en allégeant les prélèvements sociaux sur les entreprises ; enfin, l’amélioration de la qualité de la protection sociale, qui doit être toujours plus adaptée aux besoins des assurés, notamment dans le domaine de la santé, mais aussi toujours plus efficace, souple et adaptable aux souhaits de nos concitoyens, qu’il s’agisse des salariés, des retraités ou des indépendants, dans sa gestion et son organisation. En 2016, nous poursuivrons notre mobilisation dans ces trois directions.
Nous avons célébré hier en présence du Président de la République les soixante-dix ans de la sécurité sociale. Ce n’est pas qu’un anniversaire ni une fin en soi : c’est surtout l’assurance de vivre plus longtemps et mieux. C’est cet avenir que nous voulons pour cette institution majeure, à laquelle nous sommes tous attachés.
M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous présentez est un texte responsable, qui poursuit le redressement des comptes sociaux : le déficit cumulé du régime général et du FSV sera ramené à 9,7 milliards en 2016, contre 12,8 en 2015 ; les perspectives de retour à l’équilibre, quoique repoussées du fait de la mauvaise conjoncture économique des dernières années, sont proches puisque les régimes obligatoires de base devraient être excédentaires dès 2019 ; seul le déficit persistant du FSV – 2,8 milliards d’euros – empêche le retour à l’équilibre de l’ensemble des comptes de la sécurité sociale dès cette date.
L’essentiel de l’effort portera sur les dépenses, en particulier celles de l’assurance maladie : l’ONDAM sera fixé à 1,75 %, contre une progression spontanée des dépenses de 3,6 % si nous ne faisions pas les efforts nécessaires.
Mais responsabilité ne rime pas avec austérité : le PLFSS met en œuvre la deuxième vague du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui doit redonner des perspectives de croissance à nos entreprises, et d’emploi à nos concitoyens. Et nous prenons acte, monsieur le secrétaire d’État au budget, du point sur lequel la commission, dans son ensemble, avait beaucoup insisté il y a deux ans : la compensation euro pour euro des efforts faits en faveur des entreprises, de la compétitivité et de l’emploi.
Ce PLFSS contient plusieurs articles très longs et complexes. Nous savons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que nous pouvons compter sur l’entière disponibilité de vos services pour éclairer la représentation nationale sur des aspects techniques particulièrement pointus. Je me bornerai donc aujourd’hui à poser quelques questions sur lesquelles certains de nos collègues pourraient s’interroger.
Premièrement, le dispositif proposé par l’article 9 vise à rationaliser les allégements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises des départements d’outre-mer ; vous savez que notre commission est très sensible à la situation sociale et de l’emploi dans ces départements. Disposez-vous d’une ventilation des gagnants et des perdants par catégories d’entreprises ?
Deuxièmement, l’article 10 propose la suppression de trois exonérations dites « zonées » : bassins d’emplois à redynamiser (BER), zones de revitalisation rurale (ZRR), zones de redynamisation de la défense (ZRD). Pourriez-vous nous confirmer que seront en revanche maintenus les avantages fiscaux applicables aux mêmes entreprises ?
Troisièmement, l’article 39 concerne la délégation de la gestion du risque maladie pour certains organismes. L’exposé des motifs cite, en particulier, la catégorie des étudiants et le RSI. Mais pourquoi, notamment pour les fonctionnaires, les enseignants, le personnel hospitalier, le personnel de la fonction publique territoriale, est-il nécessaire de mettre au niveau réglementaire la décision concernant les périmètres de délégation de gestion du risque maladie ? Cela a suscité un certain nombre de craintes de la part des organismes délégataires.
Je terminerai sur la généralisation de la couverture maladie complémentaire à l’ensemble des retraités de plus de soixante-cinq ans. Pouvez-vous nous confirmer que le critère de labellisation des contrats proposés par les différents organismes complémentaires, dit « critère prépondérant selon le prix », ne sera pas exclusif d’un certain nombre d’organismes, notamment mutualistes ? Il s’agit d’éviter toutes tentatives de dumping – en quelque sorte de concurrence déloyale – de la part de certains organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) n’appartenant pas à la famille mutualiste.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure pour l’assurance-maladie. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, monsieur le secrétaire d’État au budget, mes chers collègues, le PLFSS pour 2016 propose de fixer l’ONDAM à 185,2 milliards d’euros, en progression de 1,75 % par rapport à la prévision d’exécution de l’ONDAM 2015. Il s’agit d’un objectif ambitieux
– vous l’avez vous-même qualifié d’« historiquement contraignant » – dans la mesure où la croissance tendancielle des dépenses est estimée à 3,6 %. Le montant des économies prévues s’élève ainsi à 3,4 milliards d’euros, soit un montant supérieur à l’objectif de 3,2 milliards prévu pour l’ONDAM 2015.
Je ne détaillerai pas les mesures d’économies envisagées, qui s’inscrivent pour la plupart dans le prolongement des efforts d’économies engagés depuis le début du quinquennat avec la maîtrise des médicaments et l’optimisation des établissements de santé avec le développement du « virage ambulatoire ».
Je me félicite tout d’abord qu’à l’occasion des soixante-dix ans de la sécurité sociale, le Gouvernement entreprenne de rendre effective la prise en charge des frais de santé pour nos concitoyens, quel que soit leur statut – salarié, étudiant, sans emploi – dès lors qu’ils résident sur notre territoire de manière stable et régulière. Il n’est pas normal de constater qu’en 2015, dans notre pays, certains de nos concitoyens perdent momentanément leurs droits à la protection maladie parce que les démarches en cas de changement de régime sont trop longues et trop complexes. Nous devrons encore simplifier.
Je me réjouis également de la réforme tant attendue de la tarification des activités de soins de suite et de réadaptation. La mise en place d’une dotation modulée à l’activité comprenant d’ici à 2020 une part fixe de 80 % et une part variable de 20 % permettra de répondre aux enjeux de la prise en charge des patients sans rupture entre le secteur médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) et le secteur soins de suite et de réadaptation (SSR). Votre proposition est également cohérente avec l’ensemble des mesures prises à votre initiative, visant à contrecarrer les effets négatifs de la T2A : dégressivité tarifaire et financement des activités isolées en LFSS pour 2014, dotation liée à l’amélioration de la qualité des soins et financement spécifique des hôpitaux locaux en LFSS pour 2015.
L’instauration d’un contrat unique entre agences régionales de santé (ARS) et établissements de santé va également dans le sens de la simplification. Elle allégera la charge tant des ARS que des hôpitaux et permettra d’améliorer davantage la qualité des relations entre ces acteurs.
Je salue enfin la généralisation de l’expérimentation relative à la permanence des soins ambulatoires actuellement menée dans les Pays de la Loire. Je m’en félicite d’autant qu’elle fait suite à une recommandation du rapport de la mission d’information de la présidente de notre commission, Mme Lemorton, et de M. Door.
Ma première question concerne la création d’une couverture complémentaire santé à destination des plus de soixante-cinq ans. Cette mesure vise, trois ans après la loi de sécurisation de l’emploi, à généraliser l’accès des Français à une couverture complémentaire santé de qualité. Mais je m’interroge sur la prépondérance du critère « prix » dans la sélection des contrats au terme de la procédure de mise en concurrence. Donner la priorité au prix ne risque-t-il pas d’inciter les organismes complémentaires à développer une offre « low cost » pour les personnes âgées, au détriment de la qualité des prestations servies ?
Ma deuxième question concerne la maîtrise des dépenses de transport sanitaire. Dans son dernier rapport « charges et produits », la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés a proposé d’expérimenter une enveloppe fermée dédiée aux transports dans le cadre des contrats d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins. Qu’en pensez-vous ?
Dans un souci de responsabilisation du médecin, seul habilité à apprécier l’état du malade, que pensez-vous de la mise en place d’une mesure visant à subordonner la prise en charge des frais de transport à l’identification du prescripteur exerçant dans un établissement de santé ?
Ma troisième question porte sur l’expérimentation prévue par l’article 42. Le texte prévoit que seuls les enfants de trois à huit ans sont concernés. Or la prévalence du risque d’obésité concerne aussi des enfants plus âgés. Ne pourrait-on pas supprimer toute référence à une tranche d’âge pour ne garder simplement que le terme « enfant » ?
Ma quatrième question a trait à la prise en charge des consultations pluridisciplinaires dont la valorisation actuelle est peu incitative pour les experts qui y sont engagés comme pour les établissements. Êtes-vous favorable à une meilleure prise en charge de ces consultations qui génèrent, par ailleurs, des économies sur d’autres postes ?
Mme Joëlle Huillier, rapporteure pour le secteur médico-social. Le secteur médico-social est l’une des grandes priorités de ce quinquennat et l’année 2015 aura vu la poursuite de chantiers d’envergure, comme celle des plans de création de places dans les établissements pour personnes handicapées, et de la médicalisation des places dans les établissements pour personnes âgées. Dans le PLFSS pour 2015, nous avons choisi d’affecter une partie du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CASA) au soutien à l’investissement en faveur des établissements du secteur.
Par ailleurs, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement attribue directement les ressources de la CASA au financement des mesures de prise en charge de la perte d’autonomie, comme la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). C’est ce qui explique le nombre modeste de dispositions spécifiquement dévolues au secteur médico-social dans ce PLFSS.
En attendant l’adoption de ces dispositions, une grande partie du produit de la CASA a abondé cette année les réserves de la CNSA. Pourriez-vous nous indiquer ce que ces réserves ont vocation à financer, en 2016 et pour les années suivantes ? Il me semblerait positif de les mobiliser pour de l’investissement, notamment dans le secteur des personnes handicapées.
S’agissant de ce PLFSS, l’article 55 porte le sous-ONDAM médico-social à 18,2 milliards d’euros – 8,9 en faveur des établissements et services pour personnes âgées, 9,3 en faveur des établissements et services pour personnes handicapées –, en hausse par rapport à 2015. Je tiens à saluer la poursuite de l’effort pour un secteur dont les besoins croissent rapidement.
Les mesures proposées portent sur la modernisation du secteur des personnes handicapées. L’article 46 organise le transfert du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) du budget de l’État vers l’ONDAM. Une compensation est prévue en 2017 : qu’en sera-t-il les années suivantes ? L’article 47 généralise les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) aux établissements et services pour personnes handicapées. Quel régime s’appliquera aux établissements non visés par cet article, et notamment les ESAT et les FAM (foyers d’accueil médicalisé) jusqu’à présent visés par l’article L. 313-12-2 du code de l’action sociale et des familles ?
Au-delà de ce projet de loi, je souhaite me faire l’écho d’interrogations et d’attentes relevées au cours des auditions que j’ai menées.
S’agissant du plan « autisme », l’encouragement au dépistage précoce accroît la demande : comment le Gouvernement envisage-t-il de répondre à ces besoins supplémentaires ? Comment se concrétiseront les annonces de la secrétaire d’État sur le renforcement de la formation initiale et continue des personnels accompagnant les enfants souffrant d’autisme ? Comment améliorer l’accompagnement des parents, toujours très démunis face à ces situations ?
Nous devons aussi nous interroger sur le fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui rendent un service incomparable aux personnes handicapées et à leurs aidants, mais qui peinent à faire face à l’accroissement des demandes. Pourriez-vous nous indiquer quelles mesures de simplification le Gouvernement envisage afin d’alléger leur charge de travail ? Des crédits de la CNSA sont mobilisés pour le soutien aux systèmes d’information : y aura-t-il en 2016 une impulsion particulière en la matière, afin de sortir d’une situation dans laquelle nous ne parvenons pas à connaître les besoins au niveau national ?
Enfin, je souhaite vous faire part de notre tristesse de constater le nombre important de Français en situation de handicap accueillis dans des établissements en Belgique, faute de places en France. Cela concernerait 1 520 enfants et 4 500 adultes. L’assurance maladie alloue des centaines de millions d’euros chaque année aux établissements belges. Cette situation ne peut plus durer. Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement en la matière ? Nous devons proposer des solutions, places en établissements ou accompagnement à domicile, et il me semble qu’une partie de ces dépenses d’investissement pourrait être abondée, sur une base pluriannuelle, par les réserves de la CNSA.
M. Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Un mot sur ce soixante-dixième anniversaire de cette formidable sécurité sociale que tout le monde s’accorde à louer : le système de protection sociale française, on le sait, est un des plus performants au monde alors que 60 % des habitants de cette planète n’ont pas de système de retraite. Malgré ses quelques imperfections, notre système a du bon ! Le sort des retraités de notre pays s’améliore même constamment, et leur niveau de vie qui progresse depuis plusieurs années, est désormais équivalent, voire légèrement supérieur, à celui des actifs. Nous avons à cœur de stabiliser cette situation.
Votre rapporteur pour l’assurance vieillesse estime que 2016 est une très belle année : après avoir frôlé l’équilibre en 2015, nous le retrouvons. Ce n’était pas gagné si l’on considère les profondeurs abyssales qu’atteignait le déficit de la branche en 2010. C’est grâce à la réforme de 2014…
M. Denis Jacquat, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). Il y en avait eu d’autres auparavant !
M. Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse. C’est vrai, soyons beaux joueurs, même s’il faut saluer les recettes nouvelles générées par la réforme de 2014. Quoi qu’il en soit, cela prouve que les déficits ne sont pas inéluctables. Ils peuvent parfaitement être réduits si l’on s’attelle sérieusement à la tâche comme le Gouvernement le fait depuis 2012.
À ce jour, 91 % des décrets d’application de la réforme de 2014 sont en vigueur. Je rends hommage à notre collègue Christophe Sirugue qui a su trouver les bons ajustements pour la mise en œuvre des dispositions relatives à la pénibilité. Nous pouvons être fiers de cette belle mesure de justice dont la mise en œuvre ne semble plus poser problème. Le droit opposable à la retraite est en vigueur depuis la parution du décret du 19 août 2015 : les personnes ayant déposé un dossier complet quatre mois avant de cesser leur activité percevront leur pension dans le mois qui suit leur départ à la retraite. D’autres mesures prendront effet progressivement en faveur des jeunes, des femmes, des étudiants, des handicapés, ou des agriculteurs. Elles bénéficieront à chaque personne concernée au moment où elle liquidera sa retraite. Au 1er janvier 2017, la CNAV jouera son rôle de guichet unique permettant à chacun de disposer d’un seul interlocuteur. Le dernier employeur aura sans doute la mission de reconstituer la carrière du salarié, ce qui facilitera considérablement les démarches des polypensionnés contraints jusqu’à présent de s’adresser à toutes les caisses de retraites auxquelles ils ont cotisé.
Je me réjouis que le niveau des retraites soit maintenu, que l’on progresse en matière de simplification et que le versement des pensions se fasse plus tôt. Je m’inquiète cependant des incertitudes qui pèsent sur les négociations sur les retraites complémentaires des cadres (AGIRC) et des non-cadres (ARRCO).
Madame la ministre, la Cour des comptes constate « une aggravation préoccupante du déficit » du fonds de solidarité vieillesse qui, selon elle, ne bénéficie pas de ressources pérennes. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Enfin, sera-t-il possible d’avancer dans l’harmonisation des règles relatives aux pensions de réversion ?
M. Denis Jacquat, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un remerciement pour commencer à l’adresse de vos services : 91 % des questions que j’ai adressées à vos services au mois de juillet, et 100 % de celles posées en septembre ont reçu une réponse.
Cette année, le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a été fixé à 1 milliard d’euros, soit près de dix fois le montant du versement initial de 137 millions d’euros en 1997.
Lors des auditions, nombre des personnes entendues ont insisté sur la nécessité de rendre plus objectifs et plus transparents les critères utilisés pour déterminer le montant de ce versement, surévalué selon certains, tout en regrettant qu’il ne soit pas en partie utilisé au sein de la branche AT-MP pour développer des actions de prévention. Quelles sont les données précises, objectives et chiffrées qui vous ont conduit à fixer son montant à 1 milliard d’euros ?
Lors des débats en nouvelle lecture de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, notre excellent collègue Michel Issindou a défendu des amendements destinés à réformer la médecine du travail, dans le prolongement des propositions formulées en mai dernier dans le rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » auquel il appartenait. Ces amendements ont été déclarés irrecevables pour des motifs ayant trait aux règles de la procédure législative, et plus précisément à celle dite « de l’entonnoir ». M. François Rebsamen, alors ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, avait toutefois indiqué que le Gouvernement aurait soutenu ces amendements s’ils étaient venus en discussion. À quel horizon et par quel véhicule législatif le Gouvernement entend-il donner des suites aux réformes préconisées par ce groupe de travail, notamment celle relative au suivi de l’état de santé des salariés ?
Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, déposé sur le bureau du Sénat le 31 juillet dernier, comprend des mesures législatives pour regrouper les contentieux aujourd’hui traités par les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et ceux concernant l’incapacité
– traités par les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) – auprès des pôles sociaux des tribunaux de grande instance (TGI). Le Gouvernement peut-il dès aujourd’hui garantir que cette réforme ne remettra en cause ni le caractère écheviné et paritaire des juridictions amenées à connaître des litiges aujourd’hui tranchés par les TASS et les TCI ni le principe de gratuité du recours au tribunal en ces matières ?
Enfin, madame la ministre, je constate que, pour la première fois vous venez nous présenter un PLFSS sans vos secrétaires d’État, l’une d’entre elles se trouve d’ailleurs aujourd’hui même dans ma circonscription…
Mme la ministre. Ceci explique donc parfaitement cela ! (Sourires.)
Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la branche famille. L’année 2015 se caractérise par la mise en œuvre de réformes importantes pour la branche famille. Je pense en particulier à la modulation du montant des allocations familiales, dont les auditions que j’ai conduites indiquent qu’elle entre en vigueur sans difficulté. Les déplacements sur le terrain – je pense notamment à ma visite de la caisse d’allocations familiales (CAF) de Saint-Quentin dans l’Aisne – ont montré que nous étions effectivement parvenus à protéger les populations fragiles ainsi que les classes moyennes. Il faut s’en féliciter. Madame la ministre, quels sont les effets budgétaires de cette réforme attendus en 2016 ?
L’année 2015 est également marquée par des changements de périmètres pour la branche famille, qui résultent en particulier de la mise en place du pacte de responsabilité. Le Gouvernement honore strictement son engagement de compenser les mesures d’allégement de cotisations patronales : c’est ainsi que l’État a pris en charge le financement de l’aide personnelle au logement destinée aux familles. Pour 2016, l’article 21 du projet de loi de finances prévoit la prise en charge de l’allocation de logement familial par l’État. Pourriez-vous détailler l’ensemble des mesures de compensation des allégements de charges prévues pour 2016 ?
Plus généralement, je salue un PLFSS qui maintient l’effort de la nation pour la politique familiale. À périmètre constant, les crédits de la branche famille sont stables. Mis à part l’objectif de dépenses, plusieurs articles concernent directement les dépenses de la branche famille.
L’article 31 généralise le dispositif de garantie des impayés de pensions alimentaire. Il met en place le principe d’une allocation de soutien familial différentielle. Il s’agit d’une avancée majeure que nous serons unanimes à saluer. Elle sera un précieux secours pour les plus fragiles, notamment pour les femmes.
L’article 32 prévoit le transfert aux caisses d’allocations familiales de la gestion des prestations familiales versées aux fonctionnaires en poste dans les DOM. Il s’agit d’une mesure de simplification bienvenue dix ans après le transfert opéré vers les CAF pour les fonctionnaires en poste en métropole.
L’article 33 fait suite à un engagement précis du Président de la République qui permet d’étendre enfin à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon l’allocation de soutien familial et le complément de mode de garde. Il s’agit là encore d’une disposition dont nous nous réjouirons tous.
Le décalage de la date de versement de la prime de naissance semble entraîner un certain nombre de demandes d’avance. Les CAF y répondent, mais au cas par cas. Des dispositions sont-elles envisagées afin de proposer une solution unifiée ?
Concernant les modes de garde des jeunes enfants, quelles réponses pouvons-nous apporter à la situation des nombreuses assistantes maternelles qui peinent à trouver des enfants à garder ? Que pensez-vous du développement très dynamique des micro-crèches ? Considérez-vous qu’il faille renforcer les schémas départementaux des services aux familles ?
Une mission IGAS-IGF doit rendre ses conclusions relatives au fonctionnement du réseau des CAF afin d’analyser en particulier ses capacités à tenir les objectifs de la convention d’objectifs et de gestion (COG) en matière de ressources humaines. Il me semble que la pente de réduction des effectifs doit être « reprofilée » à court terme afin de permettre au réseau d’absorber les pics d’activité attendus en début d’année prochaine. Quel est le sentiment du Gouvernement sur cette question ? Pouvez-vous faire le point sur les mesures de simplification envisagées en la matière ? Elles seraient de nature à faciliter, à terme, la mise en œuvre de la COG.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Christophe Sirugue. Madame la ministre, comme vous le disiez en substance lors des questions au Gouvernement, il y a quelques instants : défendre la sécurité sociale, c’est assurer son avenir. Cet avenir sera d’autant plus ouvert que les déficits seront maîtrisés.
Un engagement avait été pris en ce sens ; c’est aujourd’hui une réalité. Le déficit du régime général a été réduit de 40 % en trois ans. Cette évolution, qui vaut pour l’ensemble des branches, montre qu’il est possible d’agir sans dérembourser et sans mettre en place des franchises supplémentaires. Il s’agit d’une réponse forte à ceux qui ne cessent de dénoncer le gouffre du déficit de la sécurité sociale, faussement engagés à le réduire pour, de fait, mieux remettre en cause notre modèle social.
L’avenir de ce dernier passe par une adaptation permanente aux besoins de nos concitoyens. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen se réjouit des mesures nouvelles et des avancées qui viennent d’être présentées sur l’extension et la généralisation de l’accès à une couverture complémentaire de santé, sur le renforcement de l’accès des mineurs à la contraception, sur la prévention de l’obésité chez l’enfant, sur l’augmentation des moyens médico-sociaux ou sur la généralisation d’une garantie contre les impayés de pension alimentaire. Nous nous réjouissons également de la poursuite du deuxième acte du pacte de responsabilité et de solidarité avec des engagements forts.
Si ces éléments sont encourageants, il n’en demeure pas moins que la progression de l’ONDAM fixée à 1,75 % constitue un choix d’exigence qui soulève des interrogations, notamment pour le secteur hospitalier dont chacun connaît les difficultés et les tensions. Dans de telles conditions, madame la ministre, quels éléments peuvent nous assurer que nous n’accroîtrons pas les tensions qui existent déjà dans de nombreux établissements ?
Le regroupement des revalorisations des prestations de sécurité sociale aux mois d’avril et d’octobre peut aussi nous inquiéter. Monsieur le secrétaire d’État, au-delà de votre engagement fort pour respecter le plan de lutte contre la pauvreté, pouvez-vous compléter ce que vous nous avez déjà dit sur cette évolution ? Quels impératifs amènent à faire de tels choix ? Il faut répéter ici combien on aurait tort d’y voir une remise en cause de l’accompagnement des plus précaires.
En matière de couverture complémentaire santé, la coexistence de contrats collectifs pour ceux qui disposent d’un emploi, et de contrats individuels pour les retraités et les personnes précaires pose aussi un problème. Le passage d’un régime à l’autre constitue un enjeu important. Cela étayant, madame la ministre, des inquiétudes se font jour sur les conditions de sélection des intervenants : mise en concurrence ou appel d’offres. Ces deux procédures ne sont pas équivalentes, et la charge que représentent ces complémentaires pour les mutuelles, les institutions de prévoyance ou les assurances n’est pas identique. Les craintes de notre rapporteure pour l’assurance maladie, Mme Michèle Delaunay, d’une éventuelle prépondérance du critère du coût pour la sélection des contrats sont partagées. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ?
Certes, il y a encore beaucoup de chemins à faire, mais il y a dans ce PLFSS de réelles avancées : nous tenons à la dire, et à vous soutenir dans votre démarche.
M. Jean-Pierre Door. Avec 472,8 milliards d’euros de recettes et 478,3 milliards de dépenses, les masses financières du PLFSS pour 2016 restent beaucoup plus importantes que celles du budget de l’État. Le déficit prévisionnel de 5,6 milliards monte à 9,3 milliards si l’on tient compte du déficit du FSV.
Cette année encore, la Cour des comptes nous rappelle les menaces qui pèsent sur notre système social. Le retour à l’équilibre est pourtant renvoyé à 2020 : nous sommes bien loin des promesses du Gouvernement ! Vous reportez sur vos successeurs la charge d’équilibrer les comptes et de faire les réformes structurelles nécessaires tant sur le plan du financement que de l’organisation.
Nous ne contestons ni la poursuite de la bonne prise en charge des assurés par la sécurité sociale ni la modestie du reste à charge dans notre pays, l’un des plus faibles d’Europe. Nous ne contestons pas non plus la bonne maîtrise médicalisée avec un ONDAM respecté qui confirme que les professionnels, en particulier les médecins de ville, prennent bien leurs responsabilités.
Nous estimons cependant que ce PLFSS, très peu ambitieux, est un PLFSS de renoncement, alors même que c’est le dernier de votre législature. La Cour des comptes souligne que l’équilibre des comptes ne pourra être atteint que par des efforts plus ambitieux et par des efforts structurels : ils ne viennent pas. Je rappelle que la commission des comptes de la sécurité sociale constate que l’amélioration de la situation de la branche vieillesse s’explique par le relèvement de l’âge légal du départ à la retraite voté dans la loi dite Fillon du 9 novembre 2010. Quant à affirmer que le déficit de la branche maladie se réduit, c’est aller assez vite en besogne car, s’il s’élève à 7,2 milliards d’euros en 2015, puis à moins de 7 milliards en 2016, il était de 5,9 milliards en 2012, et de 6,4 milliards en 2014 !
La moitié des 4,3 milliards d’euros d’économies que vous souhaitez réaliser proviennent du médicament. Vous mettez en danger l’industrie pharmaceutique française et vous voulez même taxer la croissance négative du chiffre d’affaires : du jamais vu ! Taxer une croissance négative, il fallait le faire, surtout après avoir déjà pris 1,4 milliard d’euros au secteur dans le PLFSS pour 2015 !
J’espère me tromper mais il me semble que vous souhaitez supprimer les exonérations sociales applicables aux zones de revitalisation rurale (ZRR). Si c’est bien le cas, cela posera un véritable problème pour les territoires ruraux.
Comme Gérard Bapt, je relève que l’article 39 ne comporte pas moins de seize pages : lecture indigeste pour le parlementaire que je suis !
Confirmez-vous l’absence d’effets négatifs de la suppression de la prise en charge par la CNAM des cotisations d’assurance maladie des médecins du secteur 1 ? Si ces médecins sont restés dans le secteur à honoraires fixes, c’est précisément en raison de cet avantage.
Des organisations syndicales et la mutualité s’inquiètent du nouveau dispositif d’accès à la complémentaire santé pour les personnes de plus de soixante-cinq ans, qui repose sur des appels d’offres. Nous sommes très loin de ce que nous appelions clause de désignation lors de nos débats sur l’accord national interprofessionnel (ANI). Que leur répondez-vous ?
Le transfert à la CADES d’une partie de la dette de l’ACOSS correspond seulement à ce qui a été financé sous la précédente majorité. J’imagine que ce qui reste des 30 milliards d’euros non financés sera une sorte de cadeau que vous laisserez à vos successeurs, ce qui augure d’un mouvement à venir sur la CRDS ou la CSG. Vous cachez sous le tapis les mauvaises nouvelles que devra annoncer le prochain gouvernement. Ce PLFSS ressemble parfois à une sorte d’exercice d’acrobatie budgétaire.
M. Francis Vercamer. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer le difficile exercice auquel vous venez de vous livrer devant nous. Nous avons assisté à une représentation très particulière…
Nous avons d’abord eu droit à un numéro de jonglage avec les chiffres, destiné à cacher deux décalages : l’un, entre les ambitions affichées et la réalité budgétaire, l’autre, plus inquiétant, entre les défis de la protection sociale et les réponses que vous y apportez.
Est venu ensuite un numéro de funambule autour de la sincérité budgétaire émaillé de tours de passe-passe entre les crédits, les gels budgétaires, et même les années budgétaires. Dans l’esprit de la discussion budgétaire et de la LOLF, il faudrait aujourd’hui davantage de transparence afin que les parlementaires assurent un meilleur contrôle du PLFSS.
Nous avons aussi assisté à numéro d’illusionniste sur la réduction des déficits pour tenter de faire oublier la promesse d’un retour à l’équilibre en 2017
– perspective repoussée à l’horizon 2020 ou 2021. Il faut bien avouer, madame la ministre, que, comme magicienne, vous êtes assez forte : pour 2017, vous sortez de votre chapeau les soins de suite sur lesquels aucune étude d’impact n’a été menée. Vous laissez évidemment vos successeurs subir les conséquences budgétaires de cette décision.
Mais vous êtes également contorsionniste, madame la ministre : vous prenez de façon originale le virage de l’ambulatoire en y consacrant seulement 500 millions d’euros, loin des préconisations de la Cour des comptes.
Je salue aussi votre numéro de voltige. (Sourires.) Il est vrai que l’équilibre était difficile à trouver car, en France, la croissance est atone en raison de la politique désastreuse menée par le Gouvernement. Sans croissance ni emplois, l’assiette des cotisations se rétrécit. La Cour des comptes a rappelé que la réduction du déficit était due à la hausse des prélèvements et non à vos choix. J’ai apprécié votre rétablissement à l’issue du saut périlleux relatif au retour à l’équilibre de la branche vieillesse… Je rappelle qu’il s’explique notamment par des mesures prises par l’ancienne majorité, comme la loi sur les retraites de 2010.
Malheureusement, vos numéros de dompteur concernent toujours les mêmes : le médicament, ses fabricants et ses prescripteurs qui sont une nouvelle fois malmenés par ce PLFSS. Pourtant les déserts médicaux sont aujourd’hui rattrapés par les déserts pharmaceutiques et, dans notre pays, une pharmacie ferme tous les deux jours, principalement en milieu rural. Ces déserts médicaux et pharmaceutiques, et l’absence de mesures en faveur de la permanence des soins font progresser les services de premier recours de l’hôpital de 6 % par an. Parce qu’ils sont beaucoup plus onéreux que les soins de ville, cette progression aggrave les déficits.
En ce soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale, votre spectacle n’a pas masqué l’absence de cap, l’absence de choix, l’absence de courage pour traiter les défis de notre protection sociale.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Il manquait que le numéro de comique, monsieur Vercamer… Vous l’avez joué, merci, le cirque est complet ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Roumegas. Dans un contexte de contraintes budgétaires et de crise sanitaire liée à l’explosion des maladies chroniques, la pérennité de notre modèle social constitue bien l’enjeu de ce PLFSS.
Le groupe Écologiste a soutenu la politique de réduction des déficits et de maîtrise des dépenses dans la mesure où elle était menée dans un souci de justice et où elle préservait les droits des plus fragiles. Mais la donne a changé depuis la mise en œuvre du pacte de responsabilité : le Gouvernement s’est engagé dans un politique de relance exonérant les entreprises de cotisations sociales à hauteur de 6,3 milliards d’euros sans aucune contrepartie ni condition. Nous avons contesté ces choix : selon nous, ils ne sont ni justes ni efficaces. Les enquêtes d’opinion montrent d’ailleurs que la majorité des Français partage notre avis. Ces mesures n’ont surtout à ce jour produit aucun résultat. Cette politique d’exonération se poursuit cette année. L’impact de la baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sera de 1 milliard d’euros pour la sécurité sociale, montant que l’État s’engage à compenser en ponctionnant sans aucun doute des budgets utiles aux politiques sociales de solidarité.
Les maladies chroniques grèvent durablement et de manière de plus en plus massive les comptes de l’assurance maladie. Il faut prendre en compte ces réalités sanitaires et les prévenir, y compris sur le plan comptable. Si nous n’en faisons rien, toutes les mesures prises pour faire des économies ne parviendront pas à compenser les surcoûts dus à la prise en charge de l’épidémie de maladies chroniques.
Nous devons tenir compte de l’impact des questions de santé environnementale. Je pense par exemple aux conséquences des choix de mode de transport. Le coût de la pollution de l’air a été évalué à 90 milliards d’euros par an. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) estime que le coût social de la pollution de l’air intérieur s’élève à 19 milliards d’euros. Pour la seule sécurité sociale, le coût des maladies causées par la pollution atmosphérique a été chiffré à 3 milliards d’euros. Ces réalités appellent des mesures concrètes qui exigent des moyens, y compris dans le budget de la sécurité sociale. Il est dommage que les choix budgétaires globaux du Gouvernement, au-delà de ce PLFSS, empêchent ces investissements qui seraient pourtant la seule solution pour résoudre la crise sanitaire, c’est-à-dire, in fine, pour réduire le déficit de l’assurance maladie.
Nous saluons certaines des mesures de ce PLFSS comme celles qui visent à lutter contre l’abus de médicaments, à promouvoir les génériques, à développer l’ambulatoire, à éviter la redondance des examens médicaux et des diagnostics, ou à favoriser l’autonomie des personnes handicapées. Sur le principe, nous réagissons positivement à la perspective d’une protection universelle annoncée par le Président de la République. Un débat est néanmoins nécessaire sur les moyens de mettre en œuvre une telle réforme. Nous prenons acte de votre volonté de faciliter l’accès à la contraception et de favoriser l’autonomie des femmes, notamment des mineures. La pérennisation du versement mensuel, par la CAF, de 100 euros aux mères isolées constitue à nos yeux une mesure de solidarité positive. Nous nous interrogeons sur les modalités du transfert du financement des aides personnalisées au logement (APL) vers le budget de l’État.
Malgré nos appréciations positives, nous abordons la discussion avec l’esprit pragmatique qui doit nous animer alors que nous commémorons la naissance d’un modèle qui doit certes évoluer mais dont nous devons préserver les acquis, le principal d’entre eux étant d’assurer une protection pour tous.
Mme la présidente Catherine Lemorton. La protection pour tous, c’est peu ou prou le sens de l’article 39… Je le résume, puisque M. Door a des difficultés pour le lire !
Mme Jacqueline Fraysse. Le PLF pour 2016 ne nous réserve malheureusement aucune surprise : la démarche comptable qui préside désormais à son élaboration est une nouvelle fois à l’œuvre. On peut sans doute se féliciter de la diminution du déficit mais l’on ne peut prétendre qu’elle a lieu sans un recul des droits. La réforme des retraites et celles des allocations familiales en sont autant d’exemples. (Protestations sur les bancs du groupe Socialiste, républicain et citoyen.) C’est pourtant une évidence ! J’entends dire que Mme la ministre serait une magicienne ; je regrette que cela ne soit pas le cas. Elle ne peut tout simplement pas faire de miracles !
Tout cela est d’autant plus regrettable que le déficit pourrait être assez aisément comblé en luttant résolument contre la fraude, et en mettant en place des recettes nouvelles que ce PLFSS ne propose absolument pas. Au contraire, les mesures prises dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et dans celui du pacte de responsabilité s’appliquent à élargir encore le champ des exonérations de cotisations sociales patronales, ce qui ne crée pas d’emplois et diminue les moyens dont dispose la collectivité, qu’il s’agisse du budget de l’État ou de la protection sociale.
La diminution du déficit et le retour à l’équilibre sont des objectifs légitimes, mais ils ne peuvent être atteints par les moyens que vous proposez à moins de réduire l’accès aux soins et les droits. Finalement, ce déficit est devenu un argument formidable pour justifier les restrictions imposées dans ce PLFSS. Non seulement ce texte ne propose aucune recette nouvelle, mais il prévoit 3,5 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie et il fixe la progression de l’ONDAM à 1,75 %, seuil historiquement bas. Ce dernier choix aggravera encore les difficultés que rencontrent nos concitoyens pour accéder aux soins ainsi que les problèmes de l’hôpital public, aujourd’hui à la limite de la rupture.
Quelques mesures positives peuvent toutefois être relevées, comme l’accès à l’assurance complémentaire santé pour les salariés en CDD court, la généralisation du dispositif de garantie contre les impayés de pension alimentaire, la prévention de l’obésité, la gratuité de consultation de prescription de contraceptif pour les jeunes filles, le soutien de l’accès à la complémentaire pour les retraités fragiles. Mais ces dispositions demeurent véritablement à la marge d’un texte dont ressortent avant tout les 10 milliards d’euros d’économies prévues en trois ans, dont 3,4 milliards en 2016.
Ainsi, plutôt que de raisonner en cherchant à répondre aux besoins de santé, vous commencez par poser des restrictions budgétaires, pour examiner ensuite quelle offre de santé peut être proposée avec ces moyens aussi réduits. Cette véritable spirale de régression ne permet pas d’aller de l’avant pour faire face aux grands défis de notre temps comme les besoins nouveaux liés au vieillissement ou au développement des soins palliatifs.
Le PLFSS pour 2015 prévoyait de récupérer 76 millions d’euros sur le montant des fraudes aux cotisations sociales. Où en sommes-nous ? Combien envisagez-vous de récupérer en 2016 ?
Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un certain nombre de députés souhaitent maintenant vous interroger.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. L’article 46 transfère le financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) de l’État à la sécurité sociale et permet une meilleure adaptation des ressources au sein des établissements en fonction des parcours de vie des personnes. Nous nous en félicitons ; cette mesure était attendue.
L’article 47 modifie le financement des services et établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), qui passe en dotation globale. La contractualisation entre les agences régionales de santé (ARS) et les ESMS par le biais des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) est une bonne mesure, nécessaire pour favoriser les parcours des personnes en situation de handicap. Elle s’inscrit dans le droit fil des préconisations du rapport intitulé Zéro sans solution, remis en juin 2014 par M. Denis Piveteau, ainsi que de celles d’autres travaux antérieurs. Elle constitue une étape préalable à la réforme de la tarification engagée par le Gouvernement depuis le mois de janvier 2015, sous la houlette de Mme Marie-Sophie Desaulle. Est-il possible d’aller plus loin dans l’assouplissement de ces modes de financement ? Une étape supplémentaire serait nécessaire afin d’assurer la fongibilité d’une partie des enveloppes médico-sociales consacrées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Elle permettrait de répondre, par exemple, aux besoins des personnes handicapées vieillissantes. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure une telle disposition pourrait compléter celles proposées dans le PLFSS ?
M. Gilles Lurton. Madame la ministre, le PLFSS traduit budgétairement les choix politiques de votre gouvernement en matière sociale. Pas plus tard que lundi après-midi, dans l’hémicycle, en réponse à une demande exprimée sur tous les bancs de l’Assemblée lors de la discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, vous avez pris des engagements très précis sur le développement des soins palliatifs qui doivent faire l’objet d’un plan national triennal. Pourtant je ne trouve nulle part, ni dans ce PLFSS ni dans la mission « Santé » du projet de loi de finances, la traduction financière de ces engagements, alors que, depuis trois ans, tous les projets dans ce secteur ont été suspendus au profit d’un débat mené, dans vos rangs, sur l’euthanasie active, débat que nous avons tranché cette semaine. Le compte n’y est pas !
Entre les premiers trimestres de 2014 et de 2015, le nombre de naissances est passé de 191 800 à 183 100. Près de 10 000 bébés en moins ce n’est pas forcément significatif en soi, mais cela aura pour conséquence une perte de 28 milliards d’euros de PIB dans les décennies à venir. Il est difficile de corréler cette baisse de la natalité avec les nombreux coups de rabots infligés à la politique familiale depuis 2012 mais, si nous voulons maintenir le taux de fécondité élevé qui était le nôtre depuis de nombreuses années, il nous appartient de nous interroger.
La possibilité pour les caisses d’allocations familiales et la mutualité sociale agricole (MSA) de verser les pensions alimentaires dues aux parents isolés qui ne parviendraient pas à l’obtenir de leur ex-conjoint constitue à mon sens une mesure juste. Trop de femmes, et d’hommes parfois, sont victimes de ces situations.
L’article 18 prévoit l’affiliation obligatoire à la sécurité sociale de marins résidant en France et travaillant à bord de navires immatriculés à l’étranger. Je suis heureux de voir se concrétiser la réponse qui m’avait été apportée à ce sujet, au mois de février, lors d’une séance de questions orales sans débat.
Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué le rapport sur le fonctionnement du régime social des indépendants (RSI) dans sa relation avec les usagers, que M. Fabrice Verdier et moi-même avons remis le 21 septembre dernier au Premier ministre. L’origine de la catastrophe industrielle du RSI remonte au décret créant ce régime, signé en 2006 par MM. Dominique de Villepin, Xavier Bertrand, Thierry Breton, Renaud Dutreil, Jean-François Copé et Philippe Bas.
Notre rapport comprend plusieurs propositions visant à une simplification, à l’enrichissement des prestations, à l’amélioration de la relation avec les usagers, ou à l’évolution des systèmes d’information. Nous surveillerons leur mise en œuvre. Je me réjouis que vous ayez déjà validé certaines de nos préconisations et que vous ayez annoncé une étude du système informatique du RSI qui pose de réels problèmes.
Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la nécessité d’instaurer un temps partiel thérapeutique pour les travailleurs indépendants comme cela existe déjà pour les salariés. Cette disposition constituerait une véritable mesure de justice sociale.
Mme Isabelle Le Callennec. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures prenez-vous dans ce PLFSS pour résister efficacement aux évolutions d’une démographie médicale aujourd’hui totalement défavorable aux zones rurales ?
Quel dispositif de ce texte serait à même de soutenir la médecine au travail, aujourd’hui en souffrance ?
Quels financements propose le PLFSS pour doter les maisons médicales de garde, dont la situation est très inégale d’une région à l’autre, des moyens nécessaires à leur contribution à la permanence des soins ?
Quel montant est dévolu dans ce texte aux soins palliatifs dont vous nous avez confirmé lundi, en séance publique, qu’ils feraient l’objet d’un plan national triennal ?
Quelles dotations du PLFSS permettent d’abonder les services de soins de suite et de réadaptation censés épauler les établissements de santé pénalisés par la tarification à l’activité ? Je pense aux ex-hôpitaux locaux, mais aussi aux hôpitaux de villes moyennes.
Quel est l’impact financier de la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité, pour le PLFSS et pour les bénéficiaires en termes de pouvoir d’achat ?
M. Gérard Sebaoun. Madame la ministre, comme vous, je veux me féliciter de la baisse du reste à charge. Même si elle est modeste, elle marque un fléchissement salvateur de l’évolution que nous avons connue ces dernières années.
L’article 23 aborde la question de la contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM), qui a permis de financer à hauteur de 150 millions d’euros par an de nouveaux modes de rémunération des médecins dans le cadre de l’avenant 8 de la convention médicale, et d’encadrer les dépassements d’honoraires. Les OCAM sont appelés à contribuer en 2016 jusqu’au terme de la convention médicale. J’imagine qu’ils ont donné leur accord ; Mme la ministre nous dira s’ils l’ont fait avec enthousiasme.
Afin de lutter contre l’obésité dès l’enfance, l’article 42 permet des expérimentations de prise en charge dans des centres et des maisons de santé qui bénéficient d’une rémunération forfaitaire. Comment intégrera-t-elle la diversité des statuts des intervenants : médecins, psychologues, diététiciens… ?
La présentation d’un taux de croissance du sous-objectif « soins de ville » corrigé pour atteindre +2 % s’apparente, de l’avis de certains syndicats médicaux, à un tour de passe-passe et à un pur effet d’affichage. Elle s’appuie, pour un montant de 270 millions d’euros, sur une réduction de la cotisation d’assurance maladie des professionnels de santé prise en charge par l’assurance maladie dans le cadre conventionnel, afin d’aligner leur taux de cotisation sur celui des autres travailleurs indépendants – cette mesure étant évidemment neutre pour les professionnels. Monsieur le secrétaire d’État, estimez-vous que cette niche sociale ancienne qui bénéficie aux médecins de secteur 1 est encore justifiée ? Que répondez-vous à ceux qui parlent d’un tour de magie, pour filer la métaphore utilisée par M. Vercamer ?
M. Bernard Perrut. Madame la ministre, vous avez évoqué « les quatre axes structurants » qui permettent de maîtriser les dépenses de l’assurance maladie. Nous partageons vos objectifs en matière de lutte contre les actes inutiles et redondants, de développement des médicaments génériques, d’efficience des dépenses hospitalières, et de virage ambulatoire.
Pour favoriser l’efficience de la dépense hospitalière, la mutualisation des ressources et les économies d’échelle à l’hôpital sont essentielles. Les futurs groupements hospitaliers de territoire contribueront à cette dynamique. Comment et quand seront-ils mis en place ? Où en sont les ARS dans leur relation avec les hôpitaux ? Combien d’entre elles se sont-elles déjà engagées dans l’application d’une loi qui n’est pas encore votée ?
Le virage ambulatoire doit permettre aux patients de rester moins longtemps à l’hôpital. L’objectif d’une intervention chirurgicale sur deux effectuée en ambulatoire sans hospitalisation de nuit sera-t-il atteint en 2016 ? Dans quelles conditions ?
Disposez-vous réellement des moyens de développer le programme d’accompagnement au retour à domicile (PRADO) pour organiser une coordination entre la ville et l’hôpital en appui du médecin traitant ? Quelle politique incitative menez-vous pour encourager le développement de la réhabilitation améliorée après chirurgie, qui garantit la sécurité et la qualité des soins ?
Vous attendez 160 millions d’euros d’économies du développement de la chirurgie ambulatoire. Disposez-vous d’un modèle d’organisation optimale intégrant les évolutions techniques chirurgicales et anesthésiques et ajustant les tarifs en conséquence ? Comment ce modèle d’organisation est-il défini ?
Pour conclure, je rappelle que l’UNAPEI, qui fédère des associations françaises de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles, vient de recenser 47 428 personnes handicapées auxquelles aucune solution n’est aujourd’hui offerte en termes d’accueil dans notre pays. Les 8 310 places qui doivent encore être créées dans le cadre du plan initié en 2008, selon les chiffres de CNSA, seront en conséquence insuffisantes pour répondre aux besoins. Madame la ministre, lancerez-vous un nouveau plan ? Aurez-vous les moyens réels qui permettront d’accueillir toutes les personnes handicapées, enfants et adultes, dans de meilleures conditions ?
Mme Annie Le Houerou. L’article 10 supprime un dispositif bénéficiant aux zones de revitalisation rurale (ZRR) qu’utilisent en particulier les organismes d’intérêt général (OIG) dont les exonérations de cotisations sociales ont progressivement été recentrées et réduites. Pour les entreprises, l’abrogation de l’article L. 131-4-3 du code de la sécurité sociale s’accompagne de la mise en place d’un dispositif d’extinction progressive, qui n’a pas été prévu pour les OIG.
Ces dispositions me semblent contradictoires avec l’exposé des motifs de l’article selon lequel : « L’exonération applicable aux organismes d’intérêt général installés en ZRR n’est pas modifiée par le présent article. » Le dossier de presse évoque « la rationalisation des dispositifs d’exonération zonée au bénéfice des allégements généraux de cotisation » que sont les exonérations de droit commun comme le CICE, mais ces dernières dispositions ne concernent que les entreprises et pas les organismes d’intérêt général. Tout cela mérite une clarification. Le dispositif d’exonération est-il maintenu pour les OIG ?
Si ce n’était pas le cas, les conséquences seraient catastrophiques pour certains organismes déjà fragilisés, par exemple, par les décisions relatives au financement des établissements de santé mentale, et il faudrait trouver un mécanisme de compensation. Ces organismes ne peuvent être écartés des réductions de charges. Dans ma circonscription, l’impact financier pour l’association hospitalière de Bretagne, pour ne prendre que cet exemple, serait considérable. Les répercussions sur l’emploi seraient inéluctables dans une zone dont la situation économique est déjà très fragilisée par les crises agricole et agroalimentaire, et dans laquelle le besoin de services rendus par les établissements médico-sociaux est très fort.
Le traitement différencié et incitatif des ZRR me paraît justifié, tant pour les entreprises que pour les OIG.
M. Jean-Pierre Barbier. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous demandez au secteur du médicament de faire 1,7 milliard d’euros d’économies et d’accomplir 50 % de l’ensemble des efforts demandés alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie.
Madame la ministre, vous venez de prononcer dans l’hémicycle, lors des questions au Gouvernement, un vibrant plaidoyer en faveur de l’innovation en santé et notamment de l’innovation thérapeutique. Comment comptez-vous la promouvoir alors que vous taxez la croissance négative de laboratoires qui finissent par fuir notre pays ? Comment comptez-vous la promouvoir alors que la recherche et le développement sont en berne et que le financement des produits innovants n’est pas plus assuré cette année que l’année dernière ? Parmi les trente-deux molécules innovantes produites dernièrement, seules huit sont issues de la recherche de laboratoires français.
Vous ne connaissez qu’un mode unique de financement de l’innovation : la baisse du prix du médicament. Or ces prix se trouvent aujourd’hui dans la moyenne basse des prix européens, ce qui a deux conséquences : des ruptures de stocks d’abord, parce que les laboratoires préfèrent vendre à nos partenaires européens, une désertification pharmaceutique ensuite. Nul doute que, d’ici à quelques années, nous serons amenés à subventionner l’installation de pharmaciens auxquels nous donnerons des primes pour qu’ils ne délivrent surtout pas de médicaments – les médicaments ne servent à rien, c’est bien connu !
Le plus inquiétant reste la situation significative de la CADES. J’ai le sentiment que l’on vide les caisses avant de partir. Dans ces conditions, comment financerez-vous, l’année prochaine, l’augmentation du découvert de l’ACOSS ? Peut-être laisserez-vous la tâche à vos successeurs d’augmenter la CRDS ou la CSG puisque ces deux contributions financent la CADES avec le fonds de réserve pour les retraites ?
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Barbier, les successeurs que vous évoquez pourraient être les mêmes que ceux qui sont aux manettes aujourd’hui. On ne sait jamais !
M. Jean-Pierre Barbier. Ne parlez pas de malheur ! (Sourires.)
Mme Françoise Dumas. L’accueil des jeunes enfants âgés de zéro à trois ans est un pilier de la politique familiale, dont il fait la force et la vitalité. Son développement est en effet essentiel pour faciliter la conciliation de la vie professionnelle, dans laquelle j’inclus la recherche d’un emploi, et la vie familiale, pour faciliter l’éveil et la socialisation des enfants mais aussi la réduction des inégalités. Je sais que vous faites beaucoup pour soutenir des solutions innovantes adaptées aux territoires et aux besoins des parents, et vous allez intensifier les efforts en ce sens. J’ai notamment retenu le développement des places de crèche à vocation d’insertion professionnelle qui permettent le plus souvent aux mères élevant seules leurs enfants d’accéder à un emploi. Depuis 2010, les assistantes ou assistants maternelles ont la possibilité de se regrouper en maison pour exercer leur profession en dehors de leur domicile. Ces maisons d’assistants maternels peuvent en accueillir de deux à quatre, chacun étant agréé pour l’accueil de quatre enfants au maximum. Pouvez-vous nous confirmer que ces lieux forts intéressants qui allient accueil individuel et un exercice collectif de cette activité seront soutenus et nous préciser selon quelles modalités ?
M. Denis Jacquat, rapporteur pour les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Je ne crois pas que l’on puisse accuser tel ou tel élu d’être responsable des dysfonctionnements du RSI. Pour avoir examiné cela ici même, nous savons qu’il y a eu, premièrement, un problème de gouvernance extrêmement important et, deuxièmement, un problème d’informatique plus qu’important. Et je rappellerai que la création du RSI répondait à une demande.
Ma deuxième remarque concerne la CNAV. J’ai noté avec satisfaction, madame la ministre, que vous prévoyiez le retour à l’équilibre des comptes. Il est évident que cela est principalement dû au texte législatif qui a repoussé l’âge de départ à la retraite, mais je me souviens de la vigueur avec laquelle vous le dénonciez. Est-ce à croire que vous vous en repentez ? Je voudrais le savoir.
Ma troisième remarque concerne la question des veuves. Même si nous n’en avons pas encore parlé, c’est un sujet extrêmement important. Dans cette salle même, nous, membres de cette commission des affaires sociales, nous avons toujours été contre la suppression de la demi-part dont elles bénéficiaient. En revanche, la commission des finances a toujours été majoritairement pour sa suppression. Malheureusement, nous ne l’avons jamais emporté. L’an dernier, dans cette salle même, certains nous ont annoncé qu’elle serait rétablie, mais cela n’a pas été le cas.
Hier, les veuves manifestaient devant l’Assemblée, avec la Fédération des associations de conjoints survivants et parents d’orphelins (FAVEC), pour que nous rétablissions cette demi-part. Dans l’ensemble, ces personnes ne sont pas riches, et elles ont besoin d’être considérées. Surtout, n’oublions pas, lorsque nous les désignons comme des « personnes isolées », qu’il faut les distinguer d’autres « personnes isolées » : on peut se retrouver seul à la suite d’un divorce, mais dans ce cas, il y a encore un papa et une maman, et des ressources financières ailleurs. Or dans le cas d’un veuvage, au drame moral incommensurable peut venir s’ajouter un drame financier, surtout si la veuve est jeune. Il est de notre devoir de nous pencher de nouveau sur cette question.
M. Jean-Louis Touraine. Je me limiterai à quelques réflexions sur le tabac. Tout d’abord, je félicite Mme la ministre pour sa détermination et la remercie pour les différentes actions menées pour limiter les drames provoqués, chaque jour, par le fléau du tabagisme. Ce n’est bien sûr que par une conjonction de mesures, dont plusieurs sont déjà prises, que nous pourrons aboutir aux résultats espérés.
Avec Mme Delaunay, je voudrais proposer deux mesures supplémentaires.
Premièrement, le bénéfice du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques pour aider au sevrage pourrait être étendu, notamment, aux personnes de moins cinquante ans ayant subi un accident vasculaire cérébral précoce ou un infarctus du myocarde. Nous savons en effet qu’en cas d’arrêt du tabagisme, les pathologies citées ne récidivent pas.
Deuxièmement, que pensez-vous, madame Touraine, monsieur Eckert, de la mesure que le Président de la République a présentée comme la plus efficace dans la lutte contre le tabagisme lors de son discours de présentation du plan cancer III en février 2014 ? C’est, bien sûr, l’augmentation forte du prix des cigarettes et du tabac à rouler. Sans elle, on ne peut espérer une quelconque efficacité des autres mesures. Cette augmentation peut survenir moins souvent, mais elle doit à chaque fois être très significative. La hauteur de la marche conditionne effectivement l’effet dissuasif. Ainsi pourrait-on plus efficacement et plus rapidement espérer limiter l’effroyable coût humain et le très important coût économique du tabac dans notre pays.
M. Fernand Siré. C’est bien de faire des projets pour la Sécurité sociale, pour la prise en charge des soins par la branche maladie, mais il y a quand même un gros malaise. On nous dit qu’il y a assez de médecins, mais allez sur le terrain : les jeunes diplômés ne veulent plus s’installer ! Et de l’autre côté, les médecins les plus âgés en ont marre et veulent se dépêcher de partir en retraite… Il serait temps d’y réfléchir et de se poser la question dans le cadre d’un dialogue social : pourquoi cette situation ? On peut faire tout ce qu’on veut avec de l’argent, mais faire de la médecine sans médecins, ce n’est pas possible.
Il en est de même pour les auxiliaires médicaux, souvent indispensables pour permettre le retour et le maintien à domicile. Toutes les agences de services pour le maintien à domicile, notamment les aides ménagères, sont en déficit.
Je reviens aux médecins. C’est déplorable : alors que nous connaissons une telle pénurie, on ne compte plus les fils de famille qui, voulant faire médecine, sont obligés, à cause d’un numerus clausus trop bas, de partir en Roumanie, en Espagne et en Belgique. Puisque certains ne veulent pas s’installer, formons donc plus de médecins, formons ceux qui ont la vocation et qui, eux, s’installeront, plutôt que de chercher à sélectionner des gens sur leurs aptitudes en mathématique, comme s’ils passaient Polytechnique ! Pour être médecin, il faut d’abord être humain, faire acte d’humanité. Il est dommage de se priver de tous ces gens qui essaient de se former à l’étranger, ces jeunes dont les familles consacrent des efforts considérables pour financer leur formation.
Réfléchissez donc. La médecine ne peut pas se faire sans les médecins et sans les organisations de santé, les professions paramédicales, ainsi que les pharmaciens. Vous êtes en train de détruire tout cela ! Vous nous présentez votre projet de budget de la Sécurité sociale, mais vous détruisez les médecins. Il faut dix ans pour former un médecin ! Tout cela est très dommage pour la France et pour l’avenir.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez parlé des fils de famille, mais n’oubliez pas les filles de famille, monsieur Siré. Elles sont de plus en plus nombreuses à faire médecine !
Mme Monique Orphé. Permettez-moi tout d’abord de saluer un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens.
Tout d’abord, deux mesures vont améliorer les conditions de vie des familles, notamment les plus touchées par la précarité. Je veux tout d’abord parler de la généralisation de la garantie contre les impayés des pensions alimentaires, qui va améliorer le pouvoir d’achat de ces familles. Il faut s’en féliciter car, lorsqu’on s’attaque à la pauvreté des familles, on s’attaque aussi à celle des enfants, dont je rappelle qu’un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté – à la Réunion, la proportion est de six sur dix. Je veux saluer également l’extension de l’allocation de soutien familial et du complément de libre choix de mode de garde à Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité ultramarine. Cette extension va dans le bon sens, dans le sens, en tout cas, de plus d’égalité entre les territoires français.
Deux autres mesures vont améliorer l’accès au droit et, en ce qui concerne mon département, contribuer à une meilleure prise en compte de deux problèmes de santé publique. La première, qui s’appliquera de fait et contribuera à la prévention des grossesses précoces, c’est la prise en charge des consultations faites en vue de la prescription d’un contraceptif ainsi que des examens de biologie pour les jeunes filles. Cette mesure ne peut qu’être accueillie favorablement dans mon département, où le nombre de grossesses précoces est très supérieur à la moyenne nationale. La deuxième, qui s’appliquera à titre expérimental, vise à lutter contre l’obésité infantile. Madame la ministre, La Réunion est le premier département touché par le diabète, avec un taux de prévalence de 8 %, contre 3 % en France métropolitaine. Les causes sont identifiées : le surpoids et l’obésité. Une étude menée conjointement par l’ARS et l’éducation nationale montre que les enfants âgés de cinq à quinze ans sont les plus touchés : à La Réunion, 27 % des enfants souffrent de surpoids ou d’obésité, contre 15 % dans l’Hexagone. Par conséquent, il est urgent de s’attaquer au problème. Ma demande est donc la suivante : La Réunion peut-elle faire partie des territoires d’expérimentation afin de prévenir ce fléau qu’est le diabète ?
Mme Bernadette Laclais. Comme beaucoup de mes collègues l’ont dit, ce PLFSS pour l’année 2016 présente de nombreux points positifs et permet de nombreuses avancées. Nous l’examinons au mois d’octobre, ce mois d’octobre rose, comme vous l’avez souligné en évoquant une mesure qu’il faut saluer, qui concerne les femmes présentant une prédisposition au cancer du sein.
Permettez-moi néanmoins d’insister sur la question des restes à charge pour les femmes. Les chiffres que révèle une étude de la Ligue contre le cancer parue au début de l’année 2015 doivent nous interroger : 228 euros de reste à charge en moyenne, pour les prothèses dites externes, 539 euros en moyenne pour la chirurgie postopératoire, 89 % de femmes qui ont eu un reste à charge – neuf femmes sur dix ! –, pour certaines d’entre elles toute leur vie. Compte tenu de l’espérance de survie qui, fort heureusement, s’allonge chaque année, on imagine les sommes que cela peut représenter pour certains publics très précaires !
La baisse du nombre de reconstructions doit aussi nous inciter à la réflexion. Elles étaient 5 % à y renoncer en 2007 pour des raisons financières, elles sont trois fois plus en 2014 ! Les chiffres peuvent être vérifiés auprès de nos caisses primaires d’assurance maladie. Je voudrais donc savoir, en ce mois d’octobre rose, s’il ne serait pas possible, comme le préconisait le rapport Grünfeld pour encourager la signature de conventions entre les établissements et certains chirurgiens plasticiens en vue d’arrêter des tarifs raisonnables et de fixer un prix limite de vente correspondant aux montants remboursés par l’assurance maladie – pour certaines prothèses, ils n’ont pas évolué depuis 1981, c’est-à-dire depuis plus de trente-trois ans.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Les questions étaient diverses, variées, nombreuses. Peut-être ne pourrez-vous répondre à toutes les questions aujourd’hui, madame la ministre ; je vous en excuse par avance, sachant que vous en aurez encore l’occasion dans l’hémicycle, où elles ne manqueront pas d’être réitérées.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je suis à la disposition de la commission, et je m’efforcerai, mesdames et messieurs les députés, de répondre à toutes vos questions. J’essaierai cependant d’être synthétique et laisserai peut-être certains points pour le débat en séance.
Tout d’abord, je ne suis pas magicienne, et pas davantage une adepte de la multiplication des pains ni de la repentance. Il y a quand même un certain nombre de contre-vérités qu’il est difficile d’entendre ! Je veux bien que l’on m’explique que, PLFSS après PLFSS, nous ne faisons pas assez bien, mais il faudra expliquer aux Français comment un déficit inférieur à 10 milliards d’euros 2016 est pire, « beaucoup plus pire » comme disent les enfants, qu’un déficit de plus de 21 milliards d’euros, comme celui que nous avons trouvé en arrivant aux responsabilités. Et la loi de 2010 est tellement magnifique qu’elle serait responsable de toutes les avancées ! Je ne nie pas qu’elle a eu un impact, ce n’est absolument pas la question, mais il faut que vous choisissiez votre terrain de jeu, mesdames et messieurs les députés du groupe Les Républicains : ou nous ne réduisons pas suffisamment le déficit, et les chiffres que nous donnons sont « pipeau », ou ces chiffres sont uniquement dus à la loi de 2010 ! Il faudra que vous choisissiez votre angle d’attaque : ce ne peut pas être les deux à la fois.
Nous rétablissons les comptes de la branche vieillesse grâce à un ensemble de mesures. La loi de 2010 a apporté des financements, et nous ne le contestons pas. Ce que nous critiquons, c’est la manière dont elle les apporte. Nous sommes cohérents avec la ligne que nous avons adoptée l’opposition, qui reste la nôtre dans la majorité, qui était la mienne dans l’opposition et qui reste la mienne, aujourd’hui, au Gouvernement. L’objectif de faire travailler les Français ou la majorité d’entre eux n’est pas en cause, puisque nous avons allongé la durée de cotisation ; ce qui est en cause, c’est la manière de le faire. Et la durée de cotisation est, quoi qu’en dise M. Jacquat, un critère plus juste que le report de l’âge légal. Quand vous commencez à travailler à vingt-deux ans et qu’on vous dit qu’il faut travailler quarante-trois ans, vous arrivez à soixante-cinq ans ; mais, avec votre système, celui qui commence à travailler à vingt ans ira jusqu’à soixante-cinq ans : au total, il aura travaillé quarante-cinq ans, contre quarante ans pour celui qui n’aura commencé qu’à vingt-cinq ans, et dans des métiers en général moins pénibles… C’est donc une question de justice.
Et je me permets de vous rappeler que notre loi, qui, selon vous, n’aurait rien apporté, a quand même procuré 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires au fonds vieillesse. À ce propos, comment peut-on dire que nous aurions « vidé les caisses » ? M. Barbier n’est plus là, mais c’est ce qu’il a prétendu. C’est quand même un peu fort de café ! Oui, c’est de la prestidigitation version Les Républicains, ça.
Dois-je rappeler ce qui est arrivé au fonds de réserve pour les retraites lorsque vous étiez au pouvoir ? Et la réforme de 2010, comment a-t-elle fonctionné ? Vingt-neuf milliards d’euros piqués, oui, piqués, à ce moment-là ! Le fonds de réserve pour les retraites était un excellent dispositif, et la réforme des retraites de 2010 a consisté à dériver les ressources de ce fonds de réserve des retraites et à dilapider au cours des années qui ont suivi une partie de l’argent accumulé.
M. Denis Jacquat. Les années qui ont suivi, cela ne fait que deux ans, madame la ministre…
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Nous, nous ne faisons pas cela, et le montant des actifs du fonds de réserve pour les retraites s’élève aujourd’hui à 35 milliards d’euros.
Je ne peux pas laisser dire que nous avons vidé les caisses. En ce qui concerne le fonds de réserve pour les retraites, les faits sont extrêmement limpides, mais s’il faut y aller bilan contre bilan, nous irons bilan contre bilan. Et je ne doute pas que nos successeurs seront convaincus de la pertinence de notre politique – à plus forte raison s’ils viennent de nos propres rangs, comme l’a souligné la présidente de la commission !
Je tiens donc à remettre un certain nombre de pendules à l’heure. Que vous disiez que cela ne va pas assez vite et que vous auriez souhaité que nous effacions en l’espace de quelques semaines la dette que vous aviez accumulée au cours de vos années de gouvernement, je peux le comprendre, mais de là à expliquer que nous ne rétablissons pas les comptes, franchement ! Puis-je vous rappeler que votre bilan à vous, c’est le creusement du déficit et l’augmentation des franchises médicales pour les Français ! Vous aurez du mal à expliquer que ce modèle-là est plus tentant, plus porteur d’avenir et plus digne de confiance que la réduction du déficit et l’amélioration du reste à charge pour nos concitoyens !
Vous le voyez : je ne suis pas fatiguée. Après l’examen de la loi de santé au Sénat et l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi fin de vie ici, je suis en forme au moment d’aborder ce PLFSS !
M. Denis Jacquat. Il y a de nombreux médecins dans la salle, qui pourront vous secourir en cas de problème !
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Si les médecins sont prêts à me soigner, c’est formidable… Cela prouve qu’on progresse ! (Sourires.)
Je vous parlerai donc, sans transition, des soins palliatifs. Oui, monsieur Lurton, les soins palliatifs figurent dans ce qu’on appelle la construction du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Je présenterai prochainement le plan triennal dans le détail, mais je peux d’ores et déjà vous indiquer que l’effort supplémentaire représentera, en 2016, 40 millions d’euros d’engagement de l’État, qui permettront de soutenir le développement des équipes mobiles de soins palliatifs pour intervenir en proximité. Au moins trente équipes seront financées au titre des ressources 2016. Nous avons également la volonté, dans le cadre de ce budget 2016, de développer le recours à une compétence infirmière, de développer la présence infirmière dans les EHPAD et de consacrer des ressources à de l’accompagnement à domicile pour éviter les hospitalisations de personnes en fin de vie. Enfin, bien sûr, pour réduire les inégalités territoriales, nous ferons en sorte de développer l’offre spécialisée en soins palliatifs prioritairement dans les territoires qui présentent des manques en la matière. Quant à la formation et à la recherche, elles ne relèvent pas directement du budget du PLFSS mais des actions en ce sens sont prévues. Je voudrais lever toute ambiguïté à cet égard : ce sujet, dont nous avons débattu il y a deux jours, est suffisamment grave pour que nous puissions nous rassembler.
Mme Huillier et Mme Carrillon-Couvreur m’ont interpellée sur le médico-social. Je n’y répondrai pas dans le détail, mais il est un point sur lequel je veux insister : il n’y a aucune raison – je dis bien : aucune – d’éprouver quelque inquiétude à propos des maisons départementales des personnes handicapées ou des maisons départementales de l’autonomie, selon la terminologie adoptée par les départements. Notre volonté est de faciliter leur travail, de simplifier les procédures, mais je veux rassurer ceux qui ont besoin d’être rassurés : notre projet n’emporte aucune remise en cause de ces structures institutionnelles.
Je vous confirme, madame Huillier, que la CASA sera intégralement affectée à la CNSA et viendra en particulier soutenir des priorités du secteur médico-social, comme l’investissement dans les établissements pour personnes handicapées. En ce qui concerne le transfert de financement des dépenses de fonctionnement des ESAT du budget de l’État vers l’ONDAM, mesure soutenue par l’ensemble du Gouvernement avec enthousiasme, l’objectif est de permettre aux différents types d’établissements gérés par un même organisme gestionnaire de bénéficier d’un seul financeur. Cette mesure entrera en vigueur en 2017 via un transfert de crédits – c’est donc une mesure financièrement neutre et la compensation est pérenne. La généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens permet que le financement des établissements et services passe en dotation globale annuelle, ce qui répond à une attente.
Autre question sensible, celle du soutien au système d’information : je vous confirme simplement que des travaux sont bien engagés. Ce système, dont la réalisation est prévue par la loi d’adaptation de la société au vieillissement, défendue par Laurence Rossignol, doit nous permettre une meilleure connaissance des publics et des orientations proposées. En 2016, le projet entrera dans sa phase de réalisation. Le déploiement de cet outil prendra du temps, mais le processus est engagé.
Je veux répondre sur la question douloureuse et sensible de l’accueil de personnes en situation de handicap dans des établissements en Belgique, qui concerne environ 1 500 enfants et 4 500 adultes handicapés, originaires de nombreux départements français, même si, à l’évidence, pour des raisons que chacun comprendra, le phénomène touche plus particulièrement les régions frontalières et l’Île-de-France. Avec Ségolène Neuville, nous avons pris l’engagement d’apporter des réponses en priorité, en proximité, en France afin de faire cesser ce mouvement. Notre volonté est de faire en sorte qu’il n’y ait aucun départ contraint. Des personnes peuvent souhaiter, pour des raisons diverses, aller en Belgique – ce choix leur appartient –, mais, en lien avec les associations de personnes handicapées et les gestionnaires, nous sommes en train de travailler à la mise en place d’un dispositif permanent d’orientation. Un amendement du Gouvernement au projet de loi de modernisation de notre système de santé lors de l’examen de ce texte au Sénat, prévoit, pour les MDPH précisément, d’offrir la possibilité aux personnes concernées ou leur famille de co-construire un plan d’accompagnement global avec les établissements, les services et les financeurs, et nous envisageons d’y consacrer une enveloppe financière spécifiquement dédiée.
Pour ce qui est de la branche vieillesse, je vous remercie, monsieur Issindou, d’avoir rappelé la mesure importante annoncée avant l’été, confirmée à la fin de l’été, et qui a fait l’objet d’un décret au début du mois de septembre : la mise en place d’un dispositif d’opposabilité pour le versement des retraites. Ainsi va l’actualité, une nouvelle en chasse une autre, mais c’est une avancée majeure. Désormais, toute personne qui part à la retraite et qui, comme c’est aujourd’hui prévu, a déposé son dossier complet quatre mois avant la date à laquelle elle souhaite arrêter de travailler est certaine de percevoir sa pension dès le premier mois de cessation d’activité. Et si, pour telles ou telles raisons, la caisse n’a pas pu traiter son dossier, elle versera une estimation du montant de la retraite, dont le montant sera calculé grâce à de nouveaux logiciels.
Le déficit du FSV est évidemment largement lié à la situation de l’emploi. Le FSV verse aujourd’hui plus de 10 milliards d’euros par an pour valider les trimestres pour la retraite des chômeurs, ce qui représente un gros effort de solidarité. Son redressement est sans doute trop lent, mais c’est directement lié au taux de chômage. Le Gouvernement veille à apporter de nouvelles recettes pérennes au FSV, à travers la CSG notamment.
Pour ce qui est des pensions de réversion, je reconnais votre constance et votre cohérence en la matière, et je comprends bien votre démarche. Les conditions d’âge et de ressources, ainsi que celles liées à la situation maritale de la personne veuve, peuvent notablement différer d’un régime à l’autre, si bien que le système est peu lisible. La réponse que je vais vous faire ne va sans doute pas vous satisfaire mais, à partir du moment où nous procédons à une remise à plat complète, il y aura – il faut l’assumer – des perdants et des gagnants. Dans un moment que nous pourrons qualifier de difficile, ce n’est pas toujours évident, parce que la pension de réversion joue encore un rôle important pour beaucoup de femmes. Nous parlons, en l’occurrence, de générations qui pour certaines dépendent encore beaucoup de la pension de réversion. Nous devons donc avancer avec prudence sur ce chemin, et je sais que vous y êtes tout à fait sensible.
Plusieurs questions ont porté sur la complémentaire santé pour les retraités et sur les cotisations des médecins.
Il n’y a aucun changement pour les médecins. Avouez qu’il était un peu paradoxal que l’assurance maladie supporte des coûts plus élevés pour les professionnels de santé que pour d’autres professions libérales – car c’est elle qui vient payer ou compenser aux médecins les cotisations que certains d’entre eux versent à la Sécurité sociale. Mais, pour le médecin lui-même, l’opération est neutre : dans la mesure où nous réduisons les cotisations prises en charge par l’assurance maladie, non les prestations, il n’y a aucun changement pour les cotisations qui ne sont pas prises en charge. Pour les médecins dont les cotisations ne sont pas prises en charge, par exemple en raison de dépassements d’honoraires, parce que tel était l’enjeu, il n’y a aucun changement. Deux cas de figure se présentent donc : si les cotisations sociales sont prises en charge par l’assurance maladie, il n’y a aucun changement pour le médecin ; simplement, la compensation par la sécurité sociale suit exactement l’évolution de ce qui est en théorie prélevé au médecin – je dis bien « en théorie », puisque, dans la pratique, c’est compensé. Et puis, pour les cotisations qui ne sont pas prises en charge, il n’y a aucun changement. Il n’y a donc pas matière à inquiétude, mais je suis prête à expliquer et à réexpliquer cela, comme nous l’avons déjà largement fait auprès des professionnels. Cela ne change rigoureusement rien pour eux.
Pour ce qui est de la complémentaire santé. Je veux quand même le rappeler : s’il y a une baisse du reste à charge pour les Français, la part prise en charge par l’assurance maladie a augmenté par rapport à la part prise en charge par les complémentaires santé. On m’a accusée de vouloir livrer le système de santé aux assureurs privés – c’est ce que j’ai entendu notamment pour justifier le refus du tiers payant généralisé. Mais les faits sont têtus et que les chiffres sont là : depuis 2012, la part des complémentaires a diminué. Cela veut donc dire qu’elles ont des marges de manœuvre. Je ne prétends pas qu’elles soient flamboyantes – elles varient d’ailleurs beaucoup selon les organismes – mais il est difficile de soutenir que leurs marges se sont réduites.
Quelle est la logique de la complémentaire santé pour les retraités ? C’est de proposer un appel d’offres ouvert. Nous ne postulons pas qu’un nombre donné de contrats sera retenu, contrairement à ce que nous avons fait pour l’aide à la complémentaire santé. Toute une série de critères seront posés, qui permettront aux contrats ainsi identifiés d’être labellisés et de bénéficier d’une baisse de fiscalité. Il sera donc plus facile de souscrire ou bien un contrat de complémentaire santé ou bien un contrat de meilleure qualité. Ce faisant, nous poursuivons deux objectifs différents : premièrement, permettre à des gens qui n’ont pas de couverture complémentaire d’en acquérir une – il faut savoir que le nombre de personnes sans couverture complémentaire augmente avec l’âge : 4 % des personnes âgées de plus de 65 ans et 6 % des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans sont dans ce cas, alors que c’est précisément à ces âges que l’on a le plus besoin d’une couverture santé. Deuxièmement, faire en sorte que la qualité des prestations réponde mieux aux attentes des personnes retraitées, autrement dit que le rapport qualité/coût ou prestation/coût soit amélioré.
Certains ont exprimé une préoccupation : le critère de labellisation ne doit pas être exclusivement financier. Le texte retient le qualificatif de « prépondérant », mais nous pouvons en discuter, je l’ai dit. L’enjeu n’est pas que la sélection se fasse exclusivement ou même principalement sur des enjeux de prix, même si personne ne peut concevoir que des gens qui n’adhèrent pas, pour des raisons financières, à une complémentaire santé soient totalement indifférents au prix. Cela étant, le prix ne peut pas être le seul critère. Si le terme « prépondérant » doit être modifié, nous le modifierons, je le confirme à Mme Delaunay, M. Bapt et M. Sirugue.
En ce qui concerne l’obésité, pourquoi avoir retenu, pour l’expérimentation que nous lançons, la tranche d’âge de trois à huit ans ? Parce que c’est à cet âge, nous le savons, que s’installe l’obésité. Cette tranche d’âge doit donc être l’objet d’efforts particuliers, mais je vous rappelle, madame Delaunay, qu’il s’agit d’une une expérimentation. Nous verrons bien ce qu’elle donnera ; je suis moi-même très ouverte. La construction du financement est aussi un sujet de l’expérimentation. C’est pourquoi je ne puis pas vous faire une réponse complète à ce stade.
En quoi consiste cette expérimentation ? Un médecin repère un risque, adresse l’enfant à tel et tel professionnel, et, à ce moment-là, les prestations seront prises en charge à 100 %. On peut même imaginer que soient prises en charge des prestations qui, aujourd’hui, ne font pas nécessairement l’objet d’une cotation. Il s’agira d’apprécier et de définir ce qu’est le protocole personnalisé de prise en charge. C’est à cela que nous devons travailler. Et, puisqu’il est prévu, madame Orphé, que l’expérimentation se déroule dans des régions, je ne vois que des avantages à ce qu’elle puisse également prendre place dans un département particulièrement touché, comme La Réunion.
Les délégations de gestion des mutuelles ne sont aucunement remises en cause. Je l’ai dit devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, je le redis devant vous : l’article 39 du PLFSS n’a aucunement pour objet de remettre en cause de manière unilatérale les délégations de gestion. Il s’agit de permettre de mettre fin à la délégation d’un gestionnaire qui serait défaillant, ce qui peut arriver, et non pas de mettre fin aux dispositifs de délégation dans leur ensemble. Pour lever toute ambiguïté, j’indique que je ne suis pas opposée à ce que le texte puisse être précisé si besoin est lors du débat parlementaire.
Monsieur Touraine, je suis extrêmement attentive à ce que dit le Président de la République en général, et sur ce qu’il a dit en particulier dans le cadre du plan cancer III. Vous pensez donc bien que le plan national de réduction du tabagisme que j’ai présenté a fait l’objet d’un examen très attentif de sa part, ce qui l’a amené à valider la proposition de paquet neutre et quelques autres. Je suis certaine que nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de tout cela dans l’hémicycle.
M. Jacquat aurait le sentiment d’être marginalisé, ostracisé, si je ne lui répondais pas, alors qu’il est un rapporteur fidèle et attentif de la branche AT-MP. Vous vous interrogez, monsieur le député, sur la raison pour laquelle nous avons fixé à 1 milliard d’euros le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration. Vous le savez, ce versement fait l’objet d’un réexamen régulier tous les trois ans, afin d’actualiser les dépenses effectivement supportées par la branche maladie au titre de la sous-déclaration : un rapport a été remis l’an dernier. L’augmentation en question tient à trois principaux facteurs : l’augmentation globale de l’effectif des asthmatiques, sur la base d’études plus approfondies, avec un quintuplement du nombre de cas identifiés ; l’augmentation des cas identifiés de cancer, qui résulte d’une détection plus précoce des maladies et de l’allongement de l’espérance de survie ; les affections du rachis lombaire enfin, dont le nombre a, cette fois, pu être évalué, ce qui n’avait pas été possible jusque-là.
Quant à la réforme de la médecine du travail, à laquelle M. Issindou avait travaillé, elle trouve une première traduction législative dans l’article 26 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi. La médecine du travail n’entre pas dans le champ du PLFSS, puisqu’elle ne relève pas du ministère de la santé.
Quant à la politique familiale, nous aurons l’occasion de revenir sur l’ensemble des questions qui ont été posées.
J’ai déjà été assez longue, sans être exhaustive, ce dont je m’excuse.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, le Gouvernement est toujours solidaire, même sur les questions compliquées.
M. Bapt nous a interpellés sur les allégements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises dans les outre-mer. Nous aurons, à l’évidence, cette discussion pendant l’examen en séance, mais je vous donne néanmoins quelques indications. En ce qui concerne les plus petites entreprises, celles de moins de onze salariés, le niveau d’alignement restera identique pour les plus bas salaires, qui représentent l’essentiel des enjeux en termes d’emploi. En ce qui concerne les secteurs exposés à la concurrence, qui bénéficient déjà d’une exonération renforcée, l’article en question permettra un gain d’exonération – il s’agit des secteurs de la recherche, de l’innovation, du tourisme, des technologies de l’information, de l’agroalimentaire et des énergies renouvelables. Cependant, comme je l’indiquais tout à l’heure, des dispositifs dits de droit commun deviennent parfois plus favorables que les exonérations spécifiques. Il s’agit donc de remettre un peu d’ordre dans tout cela, pour le dire d’une manière un peu familière. Je vous indique néanmoins que certaines des exonérations concernent des salaires de plus de 6 500 euros, ce qui me semble, en termes d’effets sur l’emploi, relativement contestable. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Pour ce qui est des exonérations dites « zonées » – ZRR, BER, ZRD –, je l’ai dit dans mon propos liminaire : seuls les dispositifs sociaux sont concernés. Les dispositifs fiscaux sont maintenus.
Plusieurs d’entre vous ont fait allusion à la question du niveau de compensation et des méthodes de compensation. J’irai un peu plus loin que dans mon propos liminaire. Les aides au logement familiales représentent 4,7 milliards d’euros ; ces dépenses sont transférées au budget de l’État. De même, les mesures de protection des majeurs vulnérables, qui représentent 400 millions d’euros, sont également transférées à l’État. Le solde est constitué par des reversements de TVA. Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail si vous le souhaitez. Cette compensation concerne aussi quelques mesures qui ont été prises dans la loi dite Macron, puisque certaines des mesures prises dans ce cadre entraînaient des pertes de recettes fiscales pour la Sécurité sociale.
Je ne veux pas trop revenir sur les polémiques. Qui a fait la dette ? Qui va la laisser aux autres ? À moins que vous n’insistiez, monsieur Jacquat…
M. Denis Jacquat. Non, non ! Nous avons perdu les élections, c’est bon !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Ce débat ne me gêne pas. M. Barbier est parti, j’aurais quand même voulu lui rappeler le montant du déficit de l’ACOSS en 2010 : 60 milliards d’euros ! Aujourd’hui, il n’est plus que de 30 milliards. Alors, je ne sais pas qui en laissera le plus… Je peux continuer sur la question, j’en ai quelques pages. En voulez-vous encore, monsieur Jacquat ?
M. Denis Jacquat. Non, merci, cela suffira !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. M. Sebaoun m’a interpellé assez directement sur cette affaire de la réduction de la cotisation d’assurance maladie des professionnels de santé prise en charge par l’assurance maladie en me demandant ce que j’en pensais. Pour commencer, il est bon de le rappeler, parce que je ne sais pas si beaucoup le savaient, en tout cas en dehors de ces murs : une partie des cotisations des médecins sont prises en charge par l’assurance maladie. Répétez-le autour de vous…
Est-ce que cette mesure aura un effet ? Soyons clairs. En ce qui concerne les médecins, Marisol Touraine a été claire, je n’y reviens pas. Pour la sphère publique, à l’évidence, cela facilitera un peu la réalisation de l’ONDAM, puisque nous allons, d’une certaine manière, supprimer des dépenses. Nous pouvons nous le dire entre nous, mais nous n’irons pas forcément le répéter bien fort ailleurs : voilà une mesure qui pourra faciliter un ONDAM dont chacun ici, même le secrétaire d’État au budget, reconnaît le caractère ambitieux.
En ce qui concerne la lutte contre la fraude, madame Fraysse, nous avons, en 2014, recouvré 850 millions d’euros correspondant à des cotisations non versées et à des prestations indûment perçues. Cela représente une progression de 30 % par rapport à 2013, et à l’intérieur de cette enveloppe, la lutte contre le travail illégal est en très nette augmentation, puisque nous avons recouvré 420 millions d’euros en 2014, soit environ la moitié des 850 que j’évoquais à l’instant.
Sur les revalorisations, j’ai bien entendu, monsieur Sirugue, vos questions, même si mon propos liminaire y répondait par anticipation. Il n’y a bien sûr aucune remise en cause du plan pauvreté. Vous l’avez souhaité, vous l’avez eu et maintenant vous pouvez vous en réjouir. Effectivement, l’harmonisation des dates n’est pas toujours défavorable, par exemple concernant l’AAH, dont la date de revalorisation est avancée. D’autres revalorisations sont repoussées, mais cela nous donnera quand même un peu plus de fiabilité et de lisibilité qu’auparavant.
Une question a été posée sur la suppression du dispositif applicable aux zones de revitalisation rurale. Je tiens à vous rassurer : les exonérations dont bénéficient les organismes d’intérêt général ne sont pas concernées. Cela ne vaut que pour les autres exonérations sociales. Nous aurons l’occasion, si vous le souhaitez, de préciser cela lors du débat budgétaire. Nous pourrons ainsi rassurer tout le monde.
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a été à peu près exhaustive, même si elle avait dit qu’elle ne le serait pas. À cette heure tardive, je m’en tiendrai donc là, et nous nous retrouverons dans l’hémicycle.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. J’ai oublié de répondre à Mme Bulteau sur l’instauration d’un temps partiel thérapeutique pour les travailleurs indépendants. Je lui indique d’ores et déjà que le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement qu’elle a prévu de déposer et fera en sorte qu’il franchisse l’obstacle de l’article 40 de la Constitution. Suis-je assez claire ?
Mme la présidente Catherine Lemorton. Tout à fait, madame la ministre.
J’ai deux remarques à faire. Nous ne nous sommes pas du tout arrêtés sur l’article 40 du PLFSS, qui me paraît quand même très important. Il porte sur la prise en charge des victimes d’un acte de terrorisme pendant les dix années qui suivent l’acte qui les a touchés. Elles auront deux années à choisir dans ces dix années et les ascendants et descendants de troisième degré par rapport aux victimes seront pris en charge. Je crois que c’est important, même si je préfère que nous n’ayons pas à utiliser ce mécanisme. On parle toujours des auteurs des actes de terrorisme, de la lutte contre le terrorisme, mais on ne pense pas assez aux victimes et à ce qu’elles vivent ensuite, ni à leurs ascendants et leurs descendants.
Ensuite, en ce qui concerne l’obésité, je me félicite de la reconnaissance du rôle de deux professions : les psychologues et les diététiciens. Je songe notamment au CHU de Toulouse, où le service du professeur Ritz, fait vraiment fonctionner ce couple psychologue-diététicien dans la prise en charge du patient à côté des médecins et des infirmières. À l’hôpital de Purpan, pour les tout-petits, dès l’âge de trois ans, sont en effet organisés des ateliers diététiques sur les troubles du comportement alimentaires, sous la forme de jeux, puisque ces enfants sont déscolarisés. Ce que vous faites, madame la ministre, est très important pour ces deux professions.
EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS
AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
La commission a procédé à l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 relatifs aux recettes et à l’équilibre général au cours de ses séances du mardi 13 octobre 2015.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous allons donc commencer l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016.
Concernant les amendements pour le débat en commission, 398 amendements ont été déposés. Sur ce total, dix ont été retirés avant publication et quatre-vingt-dix ont été déclarés irrecevables. Pour être plus précise, j’ajoute que, comme pour tous les textes examinés par notre commission, j’ai demandé à ce que la commission des finances procède à l’examen de la recevabilité financière de ces amendements, en application des articles 89 et 121-2 du règlement.
La commission des finances a donc procédé à l’examen des amendements au titre de l’article 40 de la Constitution : ont été déclarés irrecevables les amendements réduisant les recettes sociales lorsqu’ils n’étaient pas gagés, ainsi que les amendements augmentant une dépense d’un organisme de sécurité sociale.
Comme vous le savez, en ce qui concerne les lois de financement, le contrôle de recevabilité porte également sur le respect des dispositions organiques, au premier rang desquelles figure la définition du champ de ces lois. Ont donc été également déclarées irrecevables les dispositions qui n’ont pas d’effet direct ou qui ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Sur les 104 amendements renvoyés à la commission des finances, quatre-vingt-sept ont été déclarés irrecevables, dont vingt-trois pour non-respect des dispositions organiques précitées, les autres l’ayant été pour augmentation de charges ou diminution de recettes non ou mal gagées.
Par ailleurs, j’ai refusé trois amendements comportant une injonction au Gouvernement – qui constitue un cas d’irrecevabilité des amendements, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.
Il nous reste donc 298 amendements à examiner. Comme nous le faisons à chaque fois que nous sommes en présence d’un nombre élevé d’amendements, nous allons appliquer le dispositif prévu par l’article 100, alinéa 7 de notre règlement pour les discussions en séance publique. Ainsi, pour chaque amendement, ne pourront intervenir pour deux minutes chacun, outre l’auteur ou l’un des auteurs, que le rapporteur et un orateur contre.
Ces précisions étant apportées, nous allons sans plus attendre commencer l’examen des articles du PLFSS. Mme Delaunay, rapporteur pour l’assurance maladie, n’a pu se joindre à nous dès le début de cette séance, étant actuellement retenue au tribunal ayant été appelée à témoigner dans le cadre du procès du docteur Bonnemaison. Elle nous rejoindra ultérieurement et, entre-temps, M. Bapt la suppléera.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2014
Article 1er
Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2014
Conformément aux dispositions organiques, cet article tend à approuver :
– les tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes ;
– les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) constatées lors de cet exercice ;
– les montants correspondants aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette, c’est-à-dire les recettes affectées respectivement au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;
– le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).
En vertu de ces mêmes dispositions, la Cour des comptes a pour mission de présenter un avis sur les tableaux d’équilibre et de certifier les comptes des régimes et branches.
I. LA COHÉRENCE DES TABLEAUX D’ÉQUILIBRE DE L’EXERCICE 2014
L’avis de la Cour des comptes sur la cohérence des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos est présenté chaque année dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Comme pour les exercices précédents, elle estime que les tableaux d’équilibre pour 2014 « fournissent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde qui en découle » pour les organismes concernés, sous quatre réserves (5) :
– l’information donnée par les tableaux d’équilibre reste partielle, en raison de la présentation distincte des résultats du FSV de ceux des régimes obligatoires de base et du régime général ;
– des contractions de produits et de charges, excessives et contraires à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (principe de non-compensation), induisent des distorsions significatives dans l’évolution des montants figurant dans les tableaux d’équilibre ;
– l’information du Parlement reste insuffisante s’agissant de la nature et de l’évolution, d’un exercice sur l’autre, des produits et des charges, ce qui rend impossible toute comparaison de ces derniers d’une année sur l’autre ;
– la qualité perfectible des comptes sociaux, compte tenu de l’insuffisance des dispositifs de contrôle interne et des difficultés comptables, rejaillit sur la fiabilité des données des tableaux d’équilibre.
Conformément aux dispositions organiques, la Cour des comptes a arrêté le 22 juin dernier son rapport de certification des comptes du régime général.
Comme chaque année, elle se prononce sur les comptes des quatre établissements publics nationaux du régime général (Caisse nationale d’assurance maladie, Caisse nationale des allocations familiales, Caisse nationale d’assurance vieillesse, Agence centrale des organismes de sécurité sociale), des quatre branches (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, vieillesse) et de l’activité de recouvrement.
Pour la deuxième année consécutive, la Cour certifie avec réserves les comptes de la totalité des entités du régime général. Malgré la levée de certaines parties de réserve, d’autres sont accentuées « en raison de progrès limités en 2014 ».
● La Cour certifie les comptes combinés 2014 de l’activité de recouvrement sous quatre réserves et les comptes annuels de l’ACOSS sous trois réserves (comme en 2013).
L’année 2014 est marquée par le déploiement bénéfique du plan national de contrôle de l’ordonnateur par l’ACOSS. De même, la maîtrise des risques est renforcée par la mise en place d’un contrôle interne commun à l’ACOSS et au Régime social des indépendants (RSI). En revanche, des difficultés subsistent en matière d’estimations comptables et de contrôle interne des comptes des employeurs. Les prélèvements sociaux des travailleurs indépendants sont eux aussi toujours soumis à des incertitudes significatives.
● S’agissant de la branche maladie et de la CNAM, la Cour certifie respectivement leurs comptes avec quatre et deux réserves (comme en 2013).
À l’instar des recommandations pour 2013, la Cour estime que des améliorations doivent intervenir dans les dispositifs de contrôle interne afin de réduire l’incidence des erreurs qui affectent les règlements de prestations en nature aux professionnels de santé et aux assurés, au détriment de l’assurance maladie. La mise en place de tests nationaux en 2014 a permis de rendre compte d’une incidence portant sur environ 1,3 % des règlements concernés (entre 0,7 et 1,1 milliard d’euros) pour les prestations en nature.
● Pour la branche AT-MP, la Cour certifie les comptes pour 2014, avec toutefois cinq réserves (comme en 2013).
Des difficultés perdurent en matière de contrôle interne et d’évaluation des contentieux. Des incertitudes demeurent pour la détermination des taux et du recouvrement des cotisations AT-MP ; la liquidation et le paiement des rentes AT-MP sont également soumis à un risque élevé d’erreurs significatives.
● La Cour certifie les comptes 2014 de la branche famille sous six réserves et les comptes annuels de la CNAF sous trois réserves (comme en 2013).
La Cour estime que les résultats de 2014 sont insuffisants par rapport aux recommandations formulées en 2013 ; elle appelle donc à mettre en œuvre des mesures correctives fortes pour une amélioration rapide de la qualité des comptes. L’amélioration des dispositifs de contrôle interne est particulièrement visée afin de réduire les risques financiers et de renforcer l’exhaustivité et l’exactitude des comptes.
● Enfin, la Cour certifie les comptes combinés 2014 de la branche vieillesse sous quatre réserves et les comptes annuels de la CNAV sous deux réserves (comme en 2013).
Les erreurs qui affectent le calcul des pensions de retraite nouvellement attribuées ou révisées restent trop nombreuses en 2014 (7,6 %). La Cour appelle la CNAV à accentuer encore en 2015 les actions visant à réduire ces erreurs.
A. LE TABLEAU D’ÉQUILIBRE DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE DE SÉCURITÉ SOCIALE
Le 1° de cet article porte approbation du tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base, excluant donc les résultats des organismes concourant à leur financement, en l’occurrence le FSV.
Le tableau suivant rapproche les montants que l’article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales (article 22 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014) ou révisées (article 5 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015).
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2014 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
(en milliards d’euros)
Prévisions initiales (LFSS 2014) |
Prévisions révisées (LFSS 2015) |
Réalisé (PLSS 2016) |
||||||||||||||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||||||||||
Maladie |
188,0 |
194,0 |
– 6,0 |
186,4 |
193,8 |
– 7,4 |
186,7 |
193,2 |
– 6,5 | |||||||||
Vieillesse |
219,4 |
221,0 |
– 1,7 |
218,1 |
219,9 |
– 1,7 |
219,1 |
219,9 |
– 0,8 | |||||||||
Famille |
56,9 |
59,2 |
– 2,3 |
56,2 |
59,1 |
– 2,9 |
56,3 |
59 |
– 2,7 | |||||||||
AT-MP |
13,5 |
13,3 |
0,2 |
13,5 |
13,2 |
0,3 |
13,8 |
13,1 |
0,7 | |||||||||
Total* |
464,6 |
474,5 |
– 9,8 |
461,2 |
472,9 |
– 11,7 |
462,8 |
472,1 |
– 9,3 |
(*) Hors transferts entre branches.
Source : LFSS 2014, LFSS 2015 et PLFSS 2016.
Le résultat définitif pour 2014 fait apparaître un déficit de 9,3 milliards d’euros, contre 13,1 milliards d’euros en 2013, 15,1 milliards d’euros en 2012, 19,1 milliards d’euros en 2011 et 25,5 milliards d’euros en 2010. Le redressement des comptes sociaux, engagé par le Gouvernement et la majorité, se poursuit donc, en dépit d’un contexte économique peu favorable.
Selon le rapport présenté en septembre dernier à la Commission des comptes de la sécurité sociale (6), le déficit de l’ensemble des régimes s’est réduit de 5,8 milliards d’euros entre 2012 et 2014, dont 2 milliards imputables aux régimes autres que le régime général, et notamment à la réduction du déficit de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles (1 milliard d’euros).
Le régime général représente près des trois quarts des produits et des charges de l’ensemble des régimes obligatoires de base, et détermine ainsi par son poids la trajectoire de redressement des comptes de l’ensemble des comptes sociaux. En 2014, le déficit du régime général (– 9,7 milliards d’euros) est plus important de 0,4 milliard d’euros que celui de l’ensemble des régimes obligatoires de base en raison de l’excédent du même montant réalisé par les autres régimes.
Le régime général contribue à la réduction des déficits de nombreux autres régimes, soit par le biais de la compensation démographique généralisée, soit par des compensations bilatérales du risque maladie (7). Il prend également en charge l’intégralité des déficits des régimes financièrement intégrés (8).
Le rapport présenté en septembre dernier à la Commission des comptes de la sécurité sociale permet de disposer de données sur les régimes autres que le régime général, en excédent de 0,4 milliard.
Le solde du régime des exploitants agricoles est excédentaire en 2014, grâce à une situation démographique plus favorable pour le régime.
La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales montre également un bon résultat en 2014 avec un solde positif, grâce à l’augmentation des taux de cotisations, permettant une progression des recettes de 7,7 %.
La consolidation des chiffres rectifiés de l’ensemble des régimes obligatoires de base avec ceux du FSV permet d’appréhender la situation financière pour l’exercice 2014 de l’ensemble de la sécurité sociale au sens de la loi de financement. Si les dispositions organiques ne rendent pas obligatoire le calcul de ce total, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale indique ainsi que le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV a atteint 12,8 milliards d’euros en 2014, contre 16 milliards d’euros en 2013, 19,2 milliards d’euros en 2012 et 22,6 milliards d’euros en 2011.
B. LE TABLEAU D’ÉQUILIBRE DU RÉGIME GÉNÉRAL
Le 2° porte approbation du tableau d’équilibre du seul régime général ; comme pour l’ensemble des régimes, le tableau suivant rapproche les montants que l’article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales de la loi de financement pour 2014 ou rectifiées par la loi de financement pour 2015.
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2014 DE L’ENSEMBLE DU RÉGIME GÉNÉRAL
(en milliards d’euros)
Prévisions initiales (LFSS 2014) |
Prévisions révisées (LFSS 2015) |
Réalisé (PLSS 2016) |
||||||||||||||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||||||||||
Maladie |
163,8 |
169,8 |
– 6,0 |
161,4 |
168,8 |
– 7,3 |
161,9 |
168,4 |
– 6,5 | |||||||||
Vieillesse |
116,0 |
117,2 |
– 1,7 |
115,1 |
116,7 |
– 1,6 |
115,6 |
116,8 |
– 1,2 | |||||||||
Famille |
56,9 |
59,2 |
– 2,3 |
56,2 |
59,1 |
– 2,9 |
56,3 |
59 |
– 2,7 | |||||||||
AT-MP |
12,1 |
12,0 |
0,1 |
12,0 |
11,8 |
0,2 |
12,3 |
11,6 |
0,7 | |||||||||
Total* |
336,6 |
346,1 |
– 9,5 |
332,7 |
344,3 |
– 11,7 |
334,1 |
343,8 |
– 9,7 |
(*) Hors transferts entre branches.
Source : LFSS 2014, LFSS 2015 et PLFSS 2016.
Le déficit du régime général s’établit à 9,7 milliards en 2014, contre 12,5 milliards d’euros en 2013, 13,3 milliards d’euros en 2012, 17,4 milliards d’euros en 2011 et 23,9 milliards d’euros en 2010.
Les prévisions initiales ont finalement été en majorité réalisées pour l’année 2014 malgré la conjoncture économique peu favorable. La loi de financement pour 2015 avait revu à la hausse le déficit du régime général au regard des prévisions de croissance et d’inflation faibles. Ces prévisions étaient finalement plus basses que la réalité économique constatée pour 2014. Le déficit du régime général pour 2014 est finalement en hausse de seulement 0,2 milliard d’euros par rapport à la loi de financement pour 2014.
Pour les recettes (9), les produits des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et du forfait social ont été plus dynamiques que prévu. Leur croissance a été deux fois supérieure à celle de la masse salariale privée. Les produits ont notamment cru grâce aux recettes fiscales qui ont eu l’impact le plus important sur l’augmentation des recettes (+ 8,9 % en 2014 contre + 1,4 % en 2013) grâce aux mesures nouvelles inscrites dans la loi de financement. Les mesures antérieures ont également apporté 5,3 milliards de recettes supplémentaires.
Les dépenses (10) ont quant à elles été inférieures aux prévisions pour les prestations sociales, les charges de gestion courante et les dépenses d’action sociale. Elles s’établissent à 343,8 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 2,2 % par rapport à 2013, toujours supérieure à la croissance et à la masse salariale. Cette hausse est due en majorité à la progression des dépenses pour les branches maladie (+ 2,2 %) et vieillesse (+ 2 %).
● Le déficit de la branche maladie s’établit à 6,5 milliards d’euros, en hausse de 0,5 milliard par rapport à la loi de financement pour 2014, mais en baisse de 0,3 milliard par rapport à 2013. 94 % des charges de cette branche relèvent des prestations sociales qui ont crû de 2,8 % en 2014, soit 4,3 milliards d’euros. De mêmes, les dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM et celles hors ONDAM ont augmenté respectivement de 2,8 % et 2,4 % en 2014. Néanmoins, la progression des produits a été supérieure de 0,3 % à celle des charges pour s’élever à + 2,5 %, soit + 3,9 milliards d’euros.
● Après plusieurs années de déficits, la branche AT-MP est à nouveau excédentaire avec un solde supérieur à celui de l’année 2013 de 0,1 milliard, pour s’élever à 0,7 milliard en 2014.
● Le déficit de la branche famille s’est amélioré de 0,5 milliard en 2014 par rapport à 2013, pour atteindre 2,7 milliards. Outre le ralentissement de la croissance des charges, les produits ont progressé plus rapidement qu’en 2013 notamment par l’apport de 0,05 point de CSG supplémentaire à la branche famille (affectée auparavant à la branche maladie), soit 0,8 milliard d’euros en 2014.
● Enfin, le déficit de la branche vieillesse (1,2 milliard d’euros) est en net recul par rapport à 2013, et à son niveau le plus bas depuis dix ans. L’amélioration du solde est notamment portée par la diminution importante des charges en l’absence de revalorisation des pensions et dans un contexte de recul du nombre de départ en retraite (dû à la réforme de l’âge légal de départ). La hausse des produits est quant à elle due à l’augmentation des taux de cotisations pour les retraites (11).
C. LE TABLEAU D’ÉQUILIBRE DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
● Le 3° porte approbation du tableau d’équilibre du seul organisme de cette catégorie, à savoir le FSV.
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2014 DES ORGANISMES CONCOURANT
AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
(en milliards d’euros)
Prévisions initiales (LFSS 2014) |
Prévisions révisées (LFSS 2015) |
Réalisé (PLSS 2016) |
|||||||||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||||
FSV |
17,0 |
20,4 |
– 3,4 |
16,9 |
20,6 |
– 3,7 |
17,2 |
20,6 |
– 3,5 |
Source : LFSS 2014, LFSS 2015 et PLFSS 2016.
Le Fonds de solidarité vieillesse est largement déficitaire. Son déficit s’établit à 3,5 milliards d’euros en 2014 contre 2,9 milliards en 2013 et 4,1 milliards en 2012. Ce solde est supérieur de 0,6 milliard à celui réalisé en 2013, et de 0,1 milliard à celui prévu par la loi de financement pour 2014.
En 2014, si les charges nettes se maintiennent à un niveau quasi équivalent à celui de 2013, les produits enregistrent une baisse brutale par rapport à l’année précédente. Leur progression est limitée à 1,9 % contre 14,5 % en 2013.
Les deux tiers de la croissance des charges peuvent être expliqués par la hausse des prises en charge de cotisations au titre des périodes de chômage (+ 5,7 %) en 2014 due à la hausse du nombre de chômeurs, des taux de cotisations, et à celle de 1,06 % du SMIC. La prise en charge des prestations par le FSV a également augmenté en 2014 pour atteindre 7,5 milliards de dépenses. Cette progression s’explique pour partie par les effets de la mesure visant à assurer une prime exceptionnelle de 40 euros aux retraités percevant moins de 1 200 euros par mois, versée en 2015 mais provisionnée en 2014.
Malgré la baisse du nombre des retraités, le montant de prise en charge des prestations au titre du minimum vieillesse est resté stable du fait d’une hausse du niveau de pensions contributives et de la double revalorisation effectuée en 2014 (12).
Les impôts et taxes affectés au FSV ont augmenté de 0,9 milliard d’euros en 2014, de même que la part de CSG affectée au FSV (13) (0,4 milliard d’euros). Ces augmentations de ressources compensent la diminution des contributions sociales sous l’effet du transfert d’une fraction du forfait social à la branche vieillesse.
● Le 6° approuve le montant – nul – des recettes mises en réserve par le Fonds en 2014, conformément aux prévisions de la loi de financement pour 2014.
D. L’OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D’ASSURANCE MALADIE (ONDAM)
Le 4° porte approbation du montant des dépenses constatées en 2014 entrant dans le champ de l’ONDAM. Ce montant s’élève à 178 milliards d’euros, soit une sous-exécution d’environ 0,3 milliard d’euros par rapport à l’objectif rectifié en LFSS 2015, et de 1,1 milliard par rapport à l’objectif voté initialement. L’ONDAM progresse de 2,5 % par rapport au constat effectué en 2013, contre une progression annoncée de 3,1 %.
Les dépenses de soins de ville devraient s’élever à 80,9 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 3 % par rapport à 2013. Cette progression est néanmoins inférieure à celle prévue initialement par la loi de financement qui envisageait un montant de dépenses de 81,1 milliards. Les dépenses d’indemnités journalières, d’honoraires médicaux et de dispositifs médicaux progressent et étaient donc sous-provisionnées d’environ 90 millions d’euros. Les produits étaient quant à eux sous-estimés de 30 millions d’euros (traitement contre l’hépatite C). Ces estimations ont conduit à un relèvement de l’objectif de 60 millions d’euros, conduisant in fine à une sous-exécution de 40 millions de l’ONDAM rectifié en LFSS 2015.
Les dépenses hospitalières ont progressé de 1,8 % (74,8 milliards d’euros) en 2014. Elles seraient inférieures de 0,3 milliard d’euros à l’objectif révisé en LFSS 2015, et de 1,1 milliard par rapport à 2013. La sous-exécution de l’ONDAM hospitalier est due principalement aux mesures prises en 2014, visant le respect des objectifs : annulation de 250 millions de crédits et gels de 180 millions de la dotation annuelle de financement.
Dans le rapport précité sur l’application des lois de financement de septembre 2015, la Cour des comptes constate que des « progrès sensibles ont été réalisés dans la construction de l’ONDAM » afin de remédier à la surestimation répétée de l’objectif.
E. LES RECETTES AFFECTÉES AU FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES
Le 5° porte approbation du montant de la dotation au FRR, qui est nul depuis 2011.
En effet, en application de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée, tandis qu’il décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la CADES.
Au 31 décembre 2014, la valeur des actifs du FRR était de 37,2 milliards d’euros, contre 36,3 milliards d’euros en 2013, une fois déduit le quatrième versement à la CADES.
En 2014, le FRR a dégagé un résultat financier en baisse de 0,45 milliard par rapport à 2013, notamment dû à la dépréciation de l’euro face au dollar. Sa performance globale annuelle s’est élevée à 8,7 %, contre 5 % en 2013.
Le portefeuille du Fonds se composait, au 31 décembre 2014, de 46,9 % d’actifs de performance (actions, matières premières, immobilier, dette des pays émergents) et de 53,1 % d’actifs de couverture (actifs obligataires et de trésorerie).
F. LA DETTE AMORTIE PAR LA CAISSE D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE
Le 7° porte approbation du montant de la dette amortie par la CADES en 2014, à savoir 12,7 milliards d’euros.
Au cours de l’année 2014, la CADES a repris 10 milliards de dette sociale, conformément aux dispositions organiques et législatives, répartis comme suit :
– 3,3 milliards d’euros pour la branche vieillesse du régime général ;
– 2,7 milliards d’euros de déficit du FSV ;
– 4 milliards d’euros de déficit de la CNAM pour 2012.
Le montant total des dettes reprises depuis la création de la CADES s’élève donc à 226,9 milliards d’euros au 31 décembre 2014.
La Caisse a bénéficié de 16 milliards d’euros de recettes en 2014, permettant d’amortir 12,7 milliards sur l’année. La loi de financement prévoyait un amortissement de 12,8 milliards, tandis que la LFSS 2015 révisait la prévision à 12,7 milliards.
À la fin 2014, il restait à la Caisse 130,2 milliards d’euros de dette sociale à rembourser pour un montant total de dette amortie depuis sa création de 96,7 milliards d’euros.
*
La Commission adopte l’article 1er sans modification.
Article 2
Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2014 (annexe A)
Cet article prévoit l’approbation d’un rapport dont l’objet est désormais double :
– depuis 2012 (14), le rapport retrace la situation patrimoniale, au 31 décembre du dernier exercice clos – soit en l’espèce 2014 – des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement (Fonds de solidarité vieillesse – FSV), à l’amortissement de leur dette (Caisse d’amortissement de la dette sociale –CADES) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit (Fonds de réserve pour les retraites). Comme elle le fait pour l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au même exercice (cf. supra le commentaire de l’article 1er), la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence de ce tableau patrimonial ;
– le rapport décrit également les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés au titre du dernier exercice clos.
I. LE TABLEAU PRÉSENTANT LA SITUATION PATRIMONIALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
● Dans son Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2015, la Cour des comptes juge que le tableau patrimonial figurant à l’annexe A du présent projet « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2014 » (15).
En revanche, elle maintient deux réserves déjà exprimées les années précédentes :
– malgré les améliorations significatives constatées, les éléments de justification communiqués par le Régime social des indépendants à la Cour afin de distinguer les actifs et passifs de ses régimes de base – qui entrent dans le périmètre du tableau patrimonial – de ceux des régimes complémentaires de retraite et d’invalidité-décès – qui n’en relèvent pas –, restent insuffisants ;
– la Cour (pour le régime général) et les commissaires aux comptes (pour les autres régimes de base de sécurité sociale) continuent de souligner la qualité perfectible des comptes des régimes de sécurité sociale intégrés au tableau patrimonial, en raison des insuffisances des dispositifs de contrôle interne et de la persistance de difficultés comptables.
● L’endettement financier net de la sécurité sociale, soit la différence entre le passif et l’actif financiers, a continué à augmenter (121,4 milliards d’euros au 31 décembre 2014 contre 118 milliards d’euros fin 2013) et ce à un rythme plus élevé que lors de l’exercice précédent (+ 2,9 %, contre + 1,6 %).
Selon la Cour, cette évolution résulte à titre principal de la conjonction de trois facteurs :
– l’endettement financier net du régime général a fortement augmenté (34,6 milliards d’euros au 31 décembre 2014, contre 28,3 milliards un an plus tôt), sous l’effet :
o d’une part, d’une reprise seulement partielle par la CADES des déficits des branches accumulés ces dernières années, qui demeurent donc financés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ;
o d’autre part, du transfert à l’ACOSS du financement des déficits cumulés du régime agricole. Il s’agit là d’une réforme induite par l’article 31 de la loi de financement pour 2015 (16). Avant 2015 la Caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) finançait en effet ses besoins de trésorerie auprès des banques à des tarifs moins attractifs que ceux obtenus par l’ACOSS, du fait de volumes d’emprunts beaucoup moins élevés. Désormais, et il s’agit là d’une réforme bienvenue, la CCMSA est autorisée à se financer auprès de l’ACOSS à des taux d’intérêt beaucoup plus attractifs ;
– l’excédent de trésorerie net des autres régimes s’établit à 8,1 milliards d’euros, soit une progression de 2,2 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent, principalement sous l’effet de la réduction de l’endettement externe du régime agricole évoquée ci-dessus ;
– l’endettement financier net de la CADES a faiblement augmenté (133,3 milliards d’euros fin 2014, contre 132,9 milliards d’euros fin 2013).
● En dépit de cette augmentation de l’endettement financier, il est à noter que le passif net, de 110,7 milliards d’euros fin 2014, connaît une légère amélioration par rapport à l’exercice précédent (+ 0,1 milliard d’euros). Contrastant avec la forte dégradation enregistrée après la crise économique des années 2008-2009, cette tendance positive reflète essentiellement la poursuite de la réduction des déficits des régimes de base et du FSV (12,7 milliards d’euros en 2014, contre 16 milliards en 2013), et de l’amortissement de la dette portée par la CADES (12,7 milliards d’euros en 2014, contre 12,4 milliards en 2013). En conséquence de cette amélioration, on constate pour la première fois en 2014 un résultat net positif sur le périmètre concerné, avec un excédent de 1,4 milliard d’euros (contre un déficit de 1,6 milliard en 2013, soit une progression de 3,1 milliards).
II. LA DESCRIPTION DES MESURES PRÉVUES POUR LA COUVERTURE DES DÉFICITS CONSTATÉS
● Les déficits du régime général et du FSV ont respectivement atteint 9,7 milliards d’euros et 3,5 milliards d’euros en 2014.
En 2014, un montant total de 10 milliards d’euros de dette a été repris par la CADES, respectant ainsi le double plafond de 10 milliards d’euros transférés par an et de 62 milliards d’euros transférés au total au titre des déficits enregistrés entre 2011 et 2017. Comme le prévoit la loi de financement pour 2011, cette reprise concerne prioritairement les déficits de l’année 2013 de la branche vieillesse et du FSV (6 milliards d’euros). Par ailleurs, une partie du déficit 2012 de la branche maladie (4 milliards d’euros sur 5,9 milliards) est venue compléter cette somme, les déficits 2012 à 2017 des branches maladie et famille ayant été intégrés par la loi de financement pour 2014 dans le champ de la reprise en question.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 modifie le calendrier de reprise des dettes, en permettant de transférer à la CADES, dès 2016, l’intégralité du reliquat de déficits :
– de la branche vieillesse et du FSV, des exercices 2011 à 2017 (les déficits 2011 à 2013 ont déjà été transférés) ;
– des branches famille et maladie, des exercices 2012 à 2017 (une partie des déficits 2012 a déjà été transférée).
Au total, la dette à transférer en 2016 s’élèverait à 23,6 milliards d’euros, ce qui permettrait à la CADES d’élaborer une stratégie globale efficace de portage et d’apurement de la dette sociale, les conditions actuelles de financement sur les marchés étant particulièrement favorables (cf. infra le commentaire de l’article 17 pour une description détaillée de ces questions).
Le portage par l’ACOSS des déficits du régime général non transférés à la CADES a conduit à la fixation d’un plafond d’emprunt de 34,5 milliards d’euros pour l’exercice 2014, plafond qui a été respecté.
Il faut signaler que les excédents de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, de 0,6 milliard d’euros en 2014, ont été affectés à la réduction des déficits accumulés par cette branche, dont le montant s’est ainsi réduit de 1,7 à 1 milliard d’euros.
● S’agissant des autres régimes de base, la plupart d’entre eux présentent par construction des résultats annuels équilibrés, par intégration financière au régime général ou affectation de recettes dédiées. Toutefois, certains régimes ne bénéficiant pas de tels mécanismes d’équilibrage ont enregistré en 2014 des résultats déficitaires.
Le déficit de la branche retraite des exploitants agricoles, branche structurellement déficitaire, s’est réduit à 0,2 milliard d’euros en 2014, contre 0,6 milliard d’euros en 2013 ; les déficits antérieurs ayant été repris par la CADES, le montant des déficits cumulés depuis 2011 s’élève à 2,8 milliards d’euros. Conformément à l’article 31 de loi de financement pour 2015 précitée, ces déficits ont été financés par une avance rémunérée de trésorerie de l’ACOSS à hauteur de 2,5 milliards d’euros.
La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a enregistré, pour la première fois depuis cinq ans, un excédent de 0,4 milliard d’euros en 2014, soit une évolution positive de 0,5 milliard par rapport à 2013. Résultant principalement des hausses de cotisations décidées 2013 et 2014, cet excédent a été affecté aux réserves du régime, qui s’élèvent dorénavant à 1,6 milliard d’euros.
Quant au régime des mines, il est en déficit de l’ordre de 0,1 milliard d’euros fin 2014 (0,2 milliard d’euros en 2013), portant le montant cumulé de dette à 1 milliard d’euros. La loi de financement pour 2013 a permis le recours à des avances de trésorerie de l’ACOSS à hauteur de 250 millions d’euros, possibilité étendue jusqu’en 2017 par la loi de financement pour 2014.
*
La Commission adopte l’article 2 sans modification.
Elle adopte ensuite la première partie du projet de loi.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2015
Article 5
Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2015
● En application des dispositions organiques, cet article rectifie, pour l’année 2015, les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), désormais seul à concourir au financement des régimes obligatoires de base.
Cet article rectifie par ailleurs l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), les prévisions de recettes du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), ainsi que les recettes mises en réserve par le FSV.
● Au titre des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre, l’article 5 rectifie ainsi trois articles de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2015 (17) : l’article 36, approuvant les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base ; l’article 37, approuvant les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général ; et l’article 38, approuvant les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre du FSV.
S’agissant des objectifs de dépenses, sont modifiés, outre les articles 36 et 37 pour les tableaux d’équilibre, les articles 77 (branche maladie, maternité, invalidité et décès), 81 (branche vieillesse), 84 (branche accidents du travail et maladies professionnelles – AT-MP) et 94 (branche famille).
Concernant l’objectif d’amortissement de la CADES et les prévisions de recettes mises en réserve par le FRR et le FSV, cet article porte modification de l’article 38.
I. LES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
Le 1° de cet article arrête, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, les nouvelles prévisions de recettes, les objectifs de dépense afférents et le tableau d’équilibre. Ces données rectificatives sont mises en regard, dans le tableau ci-après, des prévisions et objectifs initiaux de la LFSS 2015.
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2015 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
(en milliards d’euros)
Prévisions initiales pour 2015 (LFSS 2015) |
Prévisions révisées pour 2015 (PLFSS 2016) |
|||||||||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||||||
Maladie |
191,0 |
198,0 |
-7,0 |
190,5 |
198,0 |
-7,5 | ||||||
Vieillesse |
222,7 |
224,0 |
-1,3 |
223,5 |
223,8 |
-0,2 | ||||||
Famille |
52,4 |
54,6 |
-2,3 |
52,8 |
54,4 |
-1,6 | ||||||
AT-MP |
13,7 |
13,5 |
0,3 |
13,9 |
13,2 |
0,6 | ||||||
Total (*) |
466,2 |
476,6 |
-10,3 |
467,3 |
475,9 |
-8,6 |
(*) Hors transferts entre branches.
Source : LFSS 2015 et PLFSS 2016.
L’année 2015 a été marquée par une diminution du rythme de réduction des déficits par rapport aux estimations prévues par la loi de financement rectificative pour 2014 (18). La Cour des comptes (19) estime que cette nouvelle trajectoire « reporte à un horizon indéfini l’objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux, fixé en 2014 à 2017 ».
A. DES PRÉVISIONS DE RECETTES STABLES
Les recettes des régimes obligatoires de base devraient croître de moins de 1 % en 2015 pour atteindre 467,3 milliards d’euros, soit une prévision stable par rapport à la loi de financement qui prévoyait une croissance de 0,7 % par rapport à 2014.
Les indicateurs économiques présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier (20) montrent une légère amélioration de l’économie nationale en 2015 avec une croissance estimée à 1 % du produit intérieur brut (PIB) et un déficit public ramené à 3,8 % du PIB. Cependant, l’inflation reste nulle et la masse salariale du secteur concurrentiel progresse moins que prévu : 1,7 % contre une prévision de 2 % en LFSS 2015. Néanmoins, cette nouvelle prévision est meilleure que celle figurant dans le programme de stabilité d’avril 2015 (21) (1,3 %), et devrait permettre une progression des recettes de cotisations sociales.
Celles-ci devraient connaître une hausse de 1,2 % en 2015 et atteindre 256 milliards d’euros. Cette progression s’explique par l’augmentation du salaire moyen par tête plus rapide que celle du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), base sur laquelle sont définis les allégements de charges patronales dans le cadre des mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Néanmoins, d’autres mesures prises en 2015 permettraient de compenser partiellement le manque à gagner, notamment les hausses des taux de cotisations aux régimes de retraite de base et complémentaires (+ 1,8 milliard (22)), prévues par le décret n° 2014-1531 du 17 décembre 2014.
Le rendement de la contribution sociale généralisée (CSG) devrait atteindre 93,8 milliards d’euros en 2015, soit une progression de 2,3 % par rapport à 2014. Cette tendance est plus dynamique que celle de l’année précédente (+ 1,2 %). Le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale estime que « la progression du rendement de la CSG est essentiellement déterminée par l’évolution de l’assiette des revenus d’activité et celle des pensions versées par les régimes de retraite, les revenus d’activité représentant 70 % de l’assiette de la CSG et les revenus de remplacement près de 20 % ».
Les recettes fiscales diminuent de façon significative en 2015 pour s’élever à 54 milliards d’euros (contre 57 milliards d’euros en 2014), soit une baisse de 5,3 %, due essentiellement aux effets du Pacte de responsabilité et de solidarité.
La hausse des contributions sociales s’accélère en 2015 pour atteindre 17,6 milliards, soit une augmentation de 11,7 % en un an. Elle diffère sensiblement entre les différents affectataires en application des mesures de rationalisation de la répartition des recettes décidées en 2013 et 2014.
B. DES DÉPENSES MAÎTRISÉES
Le montant total des dépenses de l’ensemble des régimes en 2015 est révisé à la baisse par rapport aux prévisions de la loi de financement (- 0,7 milliard d’euros, soit – 0,1 %). La progression des dépenses serait limitée à 0,8 % en 2015, notamment grâce au transfert à l’État de la part du financement de l’aide personnalisée au logement, anciennement supportée par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Sans ce transfert, la progression aurait été de 1,8 %.
La révision à la baisse porte sur les branches vieillesse, famille, et AT-MP. La légère diminution des dépenses pour les branches vieillesse et famille s’explique par l’absence de revalorisation des dépenses d’intervention de leur champ, due à une inflation nulle.
Les objectifs de dépense de la branche maladie restent stables entre la loi de financement et le présent projet. La croissance des dépenses de prestations serait limitée en 2015 à 2,5 % (2,7 % en 2014).
En 2015, les dépenses dans le champ de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) devraient connaître une sous-exécution de 450 millions d’euros par rapport à l’objectif voté en loi de financement, sous-exécution due à une dynamique moindre des dépenses du sous-objectif soins de ville (– 0,1 milliard d’euros). Par rapport à 2014, l’ONDAM progresse seulement de 2 % en 2015.
C. LE TABLEAU D’ÉQUILIBRE
Le déficit de 2015 de l’ensemble des régimes obligatoires de base devrait diminuer pour atteindre 8,6 milliards d’euros (contre 9,3 milliards en 2014). La loi de financement prévoyait une aggravation du déficit de 1 milliard d’euros, tandis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit au contraire un redressement de 0,7 milliard d’euros par rapport à 2014.
Le déficit de la branche maladie s’aggrave de 1 milliard d’euros par rapport à 2014, tandis que celui de la branche vieillesse diminue de 0,6 milliard, et celui de la branche famille se réduit de 1,1 milliard d’euros. Quant à la branche AT-MP, elle enregistre un résultat positif, juste en deçà de celui de l’année 2014, mais supérieur de 0,3 milliard d’euros à la prévision de loi de financement pour 2015.
II. LE RÉGIME GÉNÉRAL
Le 2° porte rectification, pour le régime général, des prévisions de recettes fixées par la loi de financement pour 2015, des objectifs de dépenses afférents et du tableau d’équilibre, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des corrections que propose d’y apporter cet article 5.
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2015 DU RÉGIME GÉNÉRAL
(en milliards d’euros)
Prévisions initiales pour 2015 (LFSS 2015) |
Prévisions révisées pour 2015 (PLFSS 2016) |
|||||||||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||||||
Maladie |
166,7 |
173,6 |
-6,9 |
166,6 |
174,1 |
-7,5 | ||||||
Vieillesse |
119,4 |
120,9 |
-1,5 |
119,9 |
120,5 |
-0,6 | ||||||
Famille |
52,4 |
54,6 |
-2,3 |
52,8 |
54,4 |
-1,6 | ||||||
AT-MP |
12,3 |
12,1 |
0,2 |
12,4 |
11,8 |
0,6 | ||||||
Total * |
338,1 |
348,6 |
-10,5 |
339,3 |
348,3 |
-9,0 |
(*) Hors transferts entre branches.
Sources : LFSS 2015 et PLFSS 2016.
Les principales tendances décrites pour les dépenses de l’ensemble des régimes valent aussi pour celles du régime général.
III. LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE, LA CAISSE D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE ET LE FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES
A. LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE
Le 3° porte rectification, pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base (c’est-à-dire le seul FSV), du tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 38 de la loi de financement pour 2015, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des corrections qu’il est proposé d’y apporter.
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2015 DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
(en milliards d’euros)
Prévisions initiales pour 2015 (LFSS 2015) |
Prévisions révisées pour 2015 (PLFSS 2016) |
|||||||||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||||||
FSV |
16,6 |
19,6 |
-2,9 |
16,5 |
20,3 |
-3,8 |
Sources : LFSS 2015 et PLFSS 2016.
Le déficit du FSV en 2015 serait supérieur de 0,9 milliard d’euros à l’objectif fixé en loi de financement pour 2015, et aggravé de 0,3 milliard d’euros par rapport à 2014. L’aggravation du déficit résulterait de la baisse des recettes
(– 4 %) plus forte que celle des dépenses (– 1,8 %), selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale(23). La baisse des recettes serait due en majorité à la réduction des ressources de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et de la fraction de la CSG versée au FSV.
En 2015, 5,3 milliards d’euros de déficit de 2014 ont été repris par la CADES (24).
La consolidation des chiffres rectifiés de l’ensemble des régimes obligatoires de base avec ceux des recettes et dépenses du FSV permet d’appréhender la situation financière prévisionnelle pour l’exercice 2015 de l’ensemble de la sécurité sociale au sens de la loi de financement. Si les dispositions organiques ne rendent pas obligatoire le calcul de ce total, le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ne manque pas de le présenter.
La somme du solde de l’ensemble des régimes (– 8,6 milliards d’euros) et de celui du FSV (– 3,8 milliards d’euros) révèle un déficit total de 12,4 milliards d’euros en 2015, soit un niveau inférieur à 2014. Ce niveau est à comparer à 11,2 milliards d’euros en 2008, 24,9 milliards d’euros en 2009, 29,6 milliards d’euros en 2010, 22,6 milliards d’euros en 2011, 19,2 milliards d’euros en 2012, 17,3 milliards d’euros en 2013, et 15,4 milliards d’euros en 2014.
Le 6° rectifie le montant des recettes mises en réserve par le FSV. À l’instar de la loi de financement, le PLFSS 2016 prévoit que ces recettes seront nulles pour 2015 (cf. infra).
B. LA CAISSE D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE
Le 4° prévoit que l’objectif d’amortissement fixé pour la CADES en 2015, soit 13,1 milliards d’euros, est légèrement revu à la hausse, à 13,6 milliards d’euros grâce notamment à des taux de refinancement favorables.
L’amortissement cumulé s’élèverait ainsi, fin 2015, à 110,3 milliards d’euros, soit 47 % de la dette reprise. L’ensemble des dettes sociales reprises par la CADES depuis sa création en 1996 s’élevant, à la même date, à 236,9 milliards d’euros, 126,6 milliards d’euros resteraient donc à amortir, soit près de 6 points de PIB.
Pour 2015, le programme de financement de la CADES devrait atteindre un montant de 24 milliards d’euros, dont 16 milliards d’euros d’émissions à moyen et long terme et 7 milliards d’euros d’encours d’émissions à court terme au 31 décembre. La CADES fait appel majoritairement au marché de l’euro, le reste de ses opérations étant réalisé en devises étrangères (très majoritairement en dollar américain, mais aussi, dans une stratégie de diversification géographique, en livre sterling ou en dollar australien par exemple).
Dans un contexte d’emprunt très favorable, le taux global de refinancement de la CADES se maintient à un niveau historiquement bas, à 2,1 %, inférieur au taux de l’année 2014 (2,44 %).
C. LE FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES
Depuis que la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites (25) a transformé le FRR en fonds fermé, aucune recette ne lui est affectée, ce que confirme le 5°.
La mission du FRR est désormais de verser à la CADES, en avril de chaque année, 2,1 milliards d’euros, de 2011 à 2024, soit un total de 29,4 milliards d’euros.
Au 10 juillet 2015, la valeur de marché du portefeuille du FFR s’élevait à 36,7 milliards, déduction faite du cinquième versement de 2,1 milliards d’euros à la CADES effectué le 27 avril 2015.
*
La Commission adopte l’article 5 sans modification.
Puis elle adopte la deuxième partie du projet de loi.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2016
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES,
AU RECOUVREMENT ET A LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier
Dispositions relatives au pacte de responsabilité et de solidarité
et évolutions de certains dispositifs particuliers en découlant
Article 7
(art. L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale)
Élargissement du champ de la réduction de cotisation patronale famille
Cet article met en œuvre la deuxième phase de l’allégement des cotisations patronales d’allocations familiales, prévue dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé par le Président de la République le 14 janvier 2014 et dont les principales mesures ont été détaillées par le Premier ministre le 8 avril suivant.
La première étape de cet allégement progressif a été franchie dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2014 (26). Son article 2 a réduit de 1,8 point le taux des cotisations familiales pour les salaires n’excédant pas 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
Cet article étend l’assiette de cette réduction aux salaires n’excédant pas 3,5 SMIC, à compter du 1er avril 2016. Ce léger décalage de l’entrée en vigueur du dispositif, initialement envisagée pour le 1er janvier prochain, tient compte de la nécessité d’équilibrer le financement du Pacte de responsabilité, dans un contexte où de nouvelles mesures favorables aux entreprises viennent d’être adoptées, en particulier dans le cadre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Le dispositif juridique de cet article est particulièrement simple. Pour plus d’informations, on pourra toutefois se reporter utilement au commentaire de l’article 2 du projet de LFRSS (PLFRSS) 2014, par le rapporteur (27).
I. LE DROIT EXISTANT
L’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale retrace l’ensemble des ressources affectées à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour couvrir les charges afférentes au service des prestations familiales. Figurent au premier rang de ces ressources les cotisations d’allocations familiales, à la charge des seuls employeurs, et assises sur les rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles et agricoles (1° de l’article L. 241-6) (28). Au 1er janvier 2014, le taux des cotisations familiales était fixé par voie réglementaire – comme c’est la règle en matière de cotisations sociales – à 5,25 %.
L’article 2 de la LFRSS 2014 a introduit dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 241-6-1, prévoyant à compter du 1er janvier 2015 une réduction de 1,8 point du taux des cotisations familiales (ramené, donc, à 3,45 %), pour les rémunérations n’excédant pas 1,6 SMIC. Cette mesure est réservée aux employeurs bénéficiant par ailleurs de l’allégement général de cotisations de sécurité sociale prévu par l’article L. 241-13, et significativement renforcé par le même article de la LFRSS, toujours dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité (cf. encadré suivant).
Présentation de la mesure dite « zéro charge au SMIC »
Le dispositif d’allégement général des cotisations patronales de sécurité sociale (dit « Fillon ») offre aux employeurs éligibles (pour l’essentiel, les employeurs privés) une réduction des charges pesant sur les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC.
Les cotisations concernées étaient historiquement celles de sécurité sociale proprement dites, à l’exclusion de celles couvrant le risque AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles). Les autres cotisations sociales n’entraient pas dans l’assiette exonérée (assurance chômage, retraites complémentaires, formation professionnelle, etc.).
Le taux global des cotisations de sécurité sociale proprement dites, hors AT-MP, est de 28,35 % depuis le 1er janvier 2015 (pour les entreprises de plus de 20 salariés). Il était de 28,1 % en 2012.
L’allégement général est dégressif : maximal au niveau du SMIC, il décroît pour s’annuler lorsque le salaire atteint 1,6 SMIC. Au niveau du SMIC, le taux de la réduction était de 26 % pour les entreprises de plus de 20 salariés et de 28,1 % pour les entreprises de moins de 20 salariés.
L’article 2 de la LFRSS 2014 a étendu, à compter du 1er janvier 2015, le champ des charges exonérées au niveau du SMIC :
– à une fraction de cotisations AT-MP, dans la limite de 1 % ;
– à certaines cotisations n’étant pas stricto sensu de sécurité sociale (contribution au Fonds national d’aide au logement et contribution de solidarité pour l’autonomie).
De plus, il a procédé à une sorte de « rattrapage » des augmentations de cotisations intervenues depuis 2012, à hauteur de 0,25 point (28,35 % – 28,1 %), toujours pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Au final, au niveau du SMIC, les charges recouvrées par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – hors assurance chômage – se trouvent annulées.
Le coût de cette mesure est d’environ 1,4 milliard d’euros par an.
Source : Commission des affaires sociales.
Comme l’indiquait le rapporteur dans son commentaire précité de l’article 2 du PLFRSS 2014, l’articulation des deux mesures de réduction, portant sur la même échelle salariale, impose d’appliquer d’abord la réduction forfaitaire de 1,8 point du taux de cotisations familiales, puis l’allégement général : « autrement dit, au lieu d’exonérer 5,25 points de cotisations […], la réduction dégressive n’a plus vocation qu’à exonérer 3,45 points de cotisations famille » (29).
L’allégement de cotisations familiales concerne le même public que celui éligible à l’allégement général, estimé à 1,56 million d’employeurs (et plus de 10 millions de salariés dans le champ). L’étude d’impact du PLFRSS 2014 estimait le coût de cette mesure – et donc le gain pour les entreprises – à 3 milliards d’euros en 2015, 3,1 milliards en 2016 et 3,4 milliards en 2017 (du fait de l’évolution attendue de la masse salariale).
II. LE DROIT PROPOSÉ
Cet article met en œuvre la deuxième étape du Pacte de responsabilité et de solidarité, en étendant jusqu’à 3,5 SMIC l’assiette des rémunérations éligibles à la réduction du taux des cotisations familiales, à compter du 1er avril 2016.
● Son I modifie l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, pour porter de 1,6 à 3,5 SMIC le montant maximal des rémunérations ouvrant droit à la réduction de 1,8 point des cotisations familiales.
Son II prévoit que cette extension d’assiette s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er avril 2016. Jusqu’à cette date, la réduction des cotisations familiales continuera donc à porter sur les seuls salaires n’excédant pas 1,6 SMIC.
Il est précisé à cet égard que c’est la rémunération annuelle qui sert de base à la réduction de taux, pour chacune des deux périodes de l’année (avant et après le 1er avril). Cela signifie qu’une éventuelle variation de salaire au cours de l’année 2016 serait en quelque sorte neutralisée, la réduction de 1,8 point n’ayant pas vocation à s’appliquer, jusqu’au 1er avril 2016, aux salaires excédant 1,6 SMIC. Pour le dire autrement, une entreprise qui déciderait d’augmenter à compter du 1er avril la rémunération d’un salarié de 1,6 SMIC à 2 SMIC serait éligible à la réduction à compter du 1er avril (car le salaire n’excéderait pas 3,5 SMIC), mais pas avant ; en effet, l’annualisation du salaire le fait sortir de l’assiette éligible à la réduction jusqu’au 1er avril (30). Inversement, la rémunération d’un salarié payé 2 SMIC tout au long de l’année, qui n’entre pas en l’état du droit dans l’assiette de la réduction, y entrerait pour 9 des 12 mois de l’année 2016 (à compter du 1er avril).
● Selon l’étude d’impact, le gain supplémentaire procuré aux entreprises serait de 3,1 milliards d’euros en 2016, 4,2 milliards en 2017, 4,4 en 2018 et 4,5 en 2019, du fait de l’évolution attendue de la masse salariale. Les pertes subies par la CNAF seront compensées dans le cadre général de financement du Pacte de responsabilité (cf. infra le commentaire de l’article 15).
Cette seconde tranche d’allégement bénéficierait, davantage que la première, aux secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, dans lesquels l’échelle des salaires est de fait plus étendue. L’étude d’impact cite à cet égard l’industrie manufacturière, les activités scientifiques et techniques et l’information et la communication. Le graphique suivant, extrait de la même source, montre également que le secteur du commerce représentera une part importante des gains procurés par l’extension de l’allégement.
RÉPARTITION DU GAIN ATTENDU PAR SECTEURS ÉCONOMIQUES
Source : étude d’impact.
Comme on l’a vu, l’extension de l’assiette de l’allégement s’appliquerait aux rémunérations versées à compter du 1er avril 2016, et non du 1er janvier comme le Gouvernement l’envisageait initialement. Cela s’explique par la nécessité d’assurer l’équilibre d’ensemble du financement du Pacte de responsabilité, dans un contexte renouvelé depuis son annonce ; en effet, de nouvelles mesures en faveur des entreprises ont été adoptées depuis l’année dernière, en particulier dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
L’étude d’impact évalue ainsi à 200 millions d’euros la réduction des prélèvements sociaux pour les entreprises résultant de certaines des dispositions de cette loi :
– simplification du régime social des attributions gratuites d’actions (article 135) :
o réduction de 30 % à 20 % de la contribution patronale ;
o suppression, au profit des salariés, de la contribution de 10 % et de l’assujettissement à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité (remplacé par un assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital) ;
– réduction de 20 à 16 % du forfait social sur les abondements des employeurs aux plans d’épargne pour la retraite collectifs, dits « PERCO + », dont plus de 7 % des actifs sont investis dans des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (article 149) ;
– suppression de la contribution applicable aux abondements des employeurs supérieurs à 2 300 euros par an et par salarié au titre d’un PERCO (article 148).
Des mesures fiscales favorables aux entreprises s’ajoutent à ces mesures sociales, au premier rang desquelles le « suramortissement » (31) des investissements industriels réalisés entre le 15 avril 2015 et le 16 avril 2016, pour un coût estimé à 500 millions d’euros par an sur cinq ans, soit 2,5 milliards au total (article 142).
*
La Commission examine les amendements identiques AS120 de Mme Jacqueline Fraysse et AS222 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article 7.
Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS120 vise à supprimer l’extension du dispositif d’exonération de cotisations patronales familiales découlant de la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Nous considérons qu’en élargissant le dispositif aux salaires représentant jusqu’à 3,5 SMIC, nous allons encore diminuer les recettes des organismes de la sécurité sociale – 4,5 milliards d’euros en année pleine – dans un contexte où le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse va atteindre 9,7 milliards d’euros en 2016, et le déficit de la branche famille 800 millions d’euros. Ces exonérations, mises en place pour redonner de la compétitivité aux entreprises, sont d’autant plus coûteuses qu’elles n’ont pas d’effet significatif sur l’emploi, comme l’attestent de nombreuses études.
De surcroît, nous craignons que cette disposition conduise à de nouvelles baisses des prestations familiales, déjà fortement altérées par la politique de modulation mise en place l’an dernier. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l’article 7.
M. Jean-Louis Roumegas. L’article 7 prévoit la deuxième étape de la mise en application du pacte de responsabilité en matière d’exonération de cotisations familiales. Pour ce faire, il étend jusqu’au seuil de 3,5 SMIC, soit plus de 5 000 euros bruts mensuels, la baisse de 1,8 point des cotisations familiales.
À ce niveau de salaire, on ne voit pas en quoi le montant des cotisations familiales pourrait représenter un frein pour l’emploi, la charge pour l’employeur étant quasi inexistante. En revanche, l’abaissement des cotisations sur plus de 90 % des salaires vient grever les ressources de la sécurité sociale : il s’agit, une fois de plus, d’un cadeau fait aux entreprises sans aucune contrepartie et, en l’espèce, sans aucun effet sur l’emploi.
Nous proposons par conséquent de supprimer l’article 7.
M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ces deux amendements identiques sont justifiés par des exposés des motifs distincts.
Mme Fraysse redoute une baisse des prestations sociales, notamment des prestations familiales. Je peux la rassurer sur ce point : avec l’appui de cette Commission, le Parlement a obtenu l’an dernier que toute baisse des cotisations sociales soit compensée à l’euro près par le budget de l’État.
Quant à M. Roumegas, il se préoccupe du niveau salarial auquel s’appliquerait désormais l’exonération supplémentaire de cotisations familiales, en affirmant qu’elle n’aurait pas d’effet sur l’emploi. Or, je rappelle que le rapport Gallois contenait justement des propositions visant à l’amélioration de la compétitivité des entreprises exportatrices – où le niveau de salaire moyen est plus élevé que dans les entreprises de main-d’œuvre ou de services.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
La Commission rejette les amendements identiques.
Elle est ensuite saisie d’un amendement AS320 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. L’amendement AS320 est un amendement d’appel, qui vise à remplacer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par la suppression des cotisations patronales familiales. Il s’agit en fait d’engager une réflexion au sujet du financement de la protection sociale. On ne peut pas développer la couverture maladie universelle (CMU) et d’autres avancées de la protection sociale en en faisant peser le financement uniquement sur le travail. Si nous voulons préserver l’emploi en France et éviter la fuite des entreprises en dehors de nos frontières, nous devons répartir différemment la charge de la protection sociale.
Notre amendement vise donc à supprimer le CICE – qui ne s’applique pas à toutes les entreprises, puisque celles de l’économie sociale et solidaire (ESS) ne sont pas concernées, ne payant pas d’impôts – et à le remplacer par une suppression des cotisations patronales familiales.
M. Gérard Bapt, rapporteur. On dit parfois que l’on a tort d’avoir raison trop tôt. Peut-être est-ce votre cas quand vous défendez une idée prise pour hypothèse dans la feuille de route définie par le Président de la République : sur ce point, une réflexion est en cours, qui ne saurait aboutir avant 2017.
Par ailleurs, en l’état actuel des choses et de la progression de l’exonération des cotisations sociales familiales, c’est à juste titre que votre amendement est gagé, puisqu’il se traduirait par une dépense supplémentaire de 3 milliards d’euros, mais je note que votre amendement ne prévoit rien de particulier pour obtenir des ressources supplémentaires équivalentes, si ce n’est la majoration habituelle des droits sur le tabac. Je propose donc de rejet cet amendement.
M. Francis Vercamer. Vous avez mal lu mon amendement, monsieur le rapporteur : celui-ci prévoit un gage portant sur la TVA.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Dont acte, cher collègue.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS370 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Je présenterai en même temps l’amendement AS366. L’exonération de charges sociales jusqu’à un certain niveau de salaire crée un effet de seuil important. À ce sujet, la Cour des comptes a d’ailleurs remarqué qu’un tel dispositif pouvait avoir pour conséquence la mise en place de trappes à bas salaires : ainsi, le fait de passer de 1,6 SMIC à 1,61 SMIC peut impliquer, pour l’entreprise concernée, de payer la totalité des charges, ce qui l’incite à maintenir ses salariés en dessous de 1,6 SMIC.
Le Gouvernement propose un seuil allant jusqu’à 3,5 SMIC, ce qui ne fait que repousser le problème à un niveau de charges plus élevé. Afin d’éviter l’effet de seuil, nous proposons avec l’amendement AS370 d’appliquer un abattement de 1,8 % de cotisations jusqu’à 3,5 SMIC et, au-delà de ce niveau de salaire, l’application du taux normal.
Quant à l’amendement AS366, il prévoit qu’au-delà de dix fois le SMIC, le taux de cotisations soit augmenté de 0,2 % pour la partie supérieure à ce niveau de salaire – une référence que Gérard Mulliez, fondateur du groupe Auchan et titulaire de l’une des plus grandes fortunes de France, estime raisonnable.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Pour lutter contre les effets de seuil, vous créez un nouvel effet de seuil – même si c’est à dix fois le SMIC. Ce que vous proposez, c’est en quelque sorte un abattement à la base : une telle mesure coûterait 4 milliards d’euros de recettes.
M. Francis Vercamer. Toute proposition destinée à éviter un effet de seuil coûtera de l’argent ! Mais le Gouvernement peut-il renoncer à suivre les avis de la Cour des comptes ? J’essaie, pour ma part, de régler un problème que la Cour a plusieurs fois soulevé. Bien sûr, nous pourrions aussi demander au Premier président de la Cour de ne plus venir à la commission…
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle se saisit de l’amendement AS115 de M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à ramener le niveau de rémunération concerné par les allégements de cotisation d’allocations familiales à la charge des employeurs de 3,5 SMIC à 2,5 SMIC. De nombreux économistes considèrent que plus on s’éloigne du SMIC, plus l’effet de ce type de mesure est faible ; il serait donc préférable de concentrer les allégements sur les bas salaires. Parallèlement, l’amendement tend à porter la modulation de cotisation de 1,8 point à 2,5 points.
Le Président de la République a confirmé qu’une transformation du CICE en allégements de cotisations était envisagée. Dès lors, il serait de bonne méthode de rapprocher les assiettes. Or le CICE concerne les salaires jusqu’à 2,5 SMIC.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous abordez là un débat fondamental, de façon rationnelle, en proposant une concentration de toutes les aides sur les bas salaires. Mais le rapport Gallois avait insisté, à l’inverse, sur le fait que le niveau des cotisations sociales constituait un élément essentiel de la compétitivité des entreprises exportatrices, surtout pour celles qui facturent en euros. Je vous suggère de retirer votre amendement, et de le déposer à nouveau en vue de la séance publique, afin que ce débat ait lieu avec le Gouvernement.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS366 de M. Francis Vercamer.
Elle se saisit alors de quatre amendements identiques, AS3 de M. Jean-Pierre Door, AS14 de M. Dominique Tian, AS64 de M. Lionel Tardy, AS319 de M. Francis Vercamer.
M. Bernard Perrut. Cet article met en œuvre la deuxième étape du pacte de responsabilité, en étendant le taux réduit de cotisations d’allocations familiales, déjà applicable aux salaires égaux ou inférieurs à 1,6 SMIC, aux rémunérations situées entre 1,6 et 3,5 SMIC. Mais le Gouvernement revient sur ses engagements en repoussant du 1er janvier au 1er avril 2016 ces nouveaux allégements de charges, au risque de casser la confiance dont ont besoin les entreprises pour investir et embaucher. Au vu de la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre pays, on ne peut que s’opposer à ce retard.
Cet article est d’autant plus incompréhensible que le Président de la République a regretté, il y a quelques semaines, la suppression de la TVA sociale qui aurait pourtant dû financer les mêmes allégements de charge. Quatre années ont déjà été perdues pour la compétitivité de nos entreprises, et le Gouvernement retarde encore l’application d’une mesure pourtant bonne pour l’emploi – même si, bien sûr, on pourrait s’interroger sur la pertinence de ces réductions de cotisations.
M. Dominique Tian. Il faut baisser les cotisations sur le travail parce que la France n’est plus compétitive : c’est du bon sens. Or cet article annule un quart des baisses de charges prévues en 2016. C’est un très mauvais signal, en contradiction avec les propos – étonnants, mais lucides – du Président de la République rappelés par M. Perrut. Il vient après un autre message source de confusion : l’annonce d’une couverture universelle, en contradiction totale avec la sécurité sociale imaginée à la Libération où ceux qui sont indemnisés sont ceux qui ont cotisé. On se demande où on va !
Les entreprises ont besoin de visibilité et sont une fois de plus mises en difficulté, ce qui est inacceptable.
M. Lionel Tardy. Comme je l’ai dit lors des questions au Gouvernement la semaine dernière, ce report de trois mois des allégements de charge est un très mauvais signal envoyé à nos entreprises. Celles-ci ont besoin de stabilité fiscale, et une mesure à laquelle elles tenaient est reportée, tout près de l’échéance – cette mesure devait entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Ces allégements ne régleront certes pas tout, mais ils apporteront un peu d’oxygène à nos entreprises, qui en ont bien besoin en ce moment.
Comme pour les montants accordés aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) dans le projet de loi des finances, le Gouvernement prend des engagements dont on se rend compte plus tard qu’il ne les tient pas. Que devient la crédibilité de la parole donnée ? Vos financements sont incomplets, je le comprends bien, mais il fallait y réfléchir avant !
Pouvez-vous nous préciser enfin, monsieur le rapporteur, quelles sont les économies attendues de cette mesure ? Les entreprises sauront ainsi combien leur coûte l’amateurisme budgétaire du Gouvernement. Dans tous les cas, elles n’ont pas – pas plus que les ménages d’ailleurs – à être considérées comme des variables d’ajustement.
M. Arnaud Richard. Les entreprises ont besoin de visibilité, et ce report constitue un signal extrêmement négatif. Ce sont 40 % des salariés français qui sont touchés, et les chefs d’entreprise vont s’interroger sur la valeur de la parole publique.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. L’adoption de ces amendements coûterait 1 milliard d’euros !
Mais le Gouvernement ne fait pas d’économies sur les mesures en faveur des entreprises : le report de l’extension de l’assiette de l’allégement de cotisations familiales permettra de financer différentes mesures qui figurent dans la loi Macron, ainsi que le suramortissement mis en place par le Gouvernement.
Il y a certes une remise en question du calendrier, mais pas du fond, l’objectif étant toujours d’améliorer la compétitivité des entreprises afin de créer des emplois. L’enveloppe globale prévue par le pacte de responsabilité sera respectée.
M. Jean-Pierre Barbier. Je ne reviens pas sur le mauvais coup porté aux entreprises. Mais où est le grand soir fiscal annoncé par François Hollande ? Ce phénomène de tuyauterie est invraisemblable. Nous nous réjouissons des exonérations de cotisations, mais elles seront compensées, nous dites-vous, par le budget de l’État : quelles recettes seront utilisées ? Personne ne nous le dit.
Or ce seront, j’en ai peur, ceux qui bénéficieront de quelques exonérations sur leurs cotisations sociales qui finiront par les payer quand même lorsqu’ils acquitteront leur impôt sur le revenu. Ce que vous mettez en place, c’est un cercle vicieux d’une fiscalité qui tourne en rond sans régler aucun problème.
La Commission rejette les amendements identiques.
Puis elle adopte l’article 7 sans modification.
Article 8
(art. L. 651-3 et L. 651-5-3 du code de la sécurité sociale)
Suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (étape 2 du Pacte de responsabilité et de solidarité)
Cet article met en œuvre la deuxième phase de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), prévue entre 2015 et 2017 dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé par le Président de la République le 14 janvier 2014 et dont les principales mesures ont été détaillées par le Premier ministre le 8 avril suivant.
La première étape de cette suppression progressive a été franchie dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2014 (32). Son article 3 a instauré un abattement d’assiette de C3S – c’est-à-dire de chiffre d’affaires – de 3,25 millions d’euros, permettant un gain global pour les redevables de 1 milliard d’euros, et ayant pour effet d’exonérer totalement 200 000 petites entreprises, soit près des deux tiers du nombre total de redevables. Cet article porte l’abattement à 19 millions d’euros, offrant aux entreprises un nouveau gain de 1 milliard d’euros, et réduisant d’environ 80 000 le nombre de redevables.
Le dispositif juridique de cet article est particulièrement simple, contrairement à celui de l’article 3 de la LFRSS 2014, qui organisait notamment l’adossement du Régime social des indépendants (RSI) au régime général, puisque la C3S constituait la recette d’équilibre du RSI. La bonne compréhension du dispositif proposé par cet article nécessite un rappel du droit préexistant à la LFRSS 2014 ; pour autant, la présentation en sera très simplifiée, le lecteur pouvant se reporter utilement au commentaire de l’article 3 du projet de LFRSS (PLFRSS) 2014, par le rapporteur (33).
I. LA C3S, IMPÔT CONTESTÉ DONT LA SUPPRESSION PROGRESSIVE A DÉJÀ ÉTÉ ENGAGÉE
A. L’ÉTAT DU DROIT ANTÉRIEUR À LA LFRSS 2014
● La contribution sociale de solidarité des sociétés, régie par les articles L. 651-1 à L. 651-9 du code de la sécurité sociale, est une imposition de toute nature créée en 1970 (34) pour financer le déficit des régimes des indépendants non agricoles, résultant de leur déséquilibre démographique structurel.
Après plusieurs modifications (seuil d’entrée dans l’imposition et taux, notamment), les règles de fonctionnement de la C3S se sont stabilisées à partir de 1995. La C3S était due par l’essentiel des sociétés (35) – et plus généralement des personnes morales, y compris de droit public, exerçant des activités à but lucratif – dont le chiffre d’affaires (CA) global hors taxes de l’année précédant celle de l’imposition excédait 760 000 euros. La contribution est assise sur ce même chiffre d’affaires, défini dans les conditions, assez complexes, fixées par l’article L. 651-5 (36). Le taux de la C3S est fixé par décret, dans la limite de 0,13 % (article L. 651-3) ; de fait, le taux est toujours fixé au plafond.
La C3S était affectée à titre principal au Régime social des indépendants (37), depuis sa création en 2005 (38). Auparavant, elle l’était aux branches maladie et vieillesse du régime des travailleurs non-salariés non agricoles. La C3S fonctionnait comme une véritable ressource d’équilibre du RSI, qui n’est pas autorisé à recourir à l’emprunt pour financer ses besoins de trésorerie ; l’article L. 651-2-1 prévoyait en effet l’affectation au RSI du produit de la C3S « au prorata et dans la limite du déficit comptable résultant de la couverture obligatoire de base gérée par chacune des branches du régime ». L’éventuel solde excédentaire, ainsi que le produit des placements de la C3S (39), étaient affectés au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
● Il existe une contribution additionnelle à la C3S, prévue par l’article L. 245-13 du code de la sécurité sociale (40). Assise comme la C3S sur le chiffre d’affaires, son taux est de 0,03 %, portant ainsi le taux « consolidé » de C3S à 0,16 %.
Depuis l’entrée en vigueur de l’article 19 de la LFSS 2011, le produit de la contribution additionnelle est affecté au FSV (il l’était antérieurement à la branche maladie du régime général de la sécurité sociale).
● Le produit de la C3S attendu pour 2015, à droit inchangé, était estimé, au milieu de l’année 2014, à près de 5,8 milliards d’euros. Le tableau suivant, extrait du rapport précité sur le PLFRSS 2014, ventile ce produit par taille d’entreprise.
RÉPARTITION DES ENTREPRISES ASSUJETTIES À LA C3S
Taille de l’entreprise |
Nombre de redevables de C3S |
Part dans l’ensemble des activités (en %) |
Montant estimé d’assiette |
Recettes estimées de C3S |
Micro-entreprises |
149 120 |
50,4 |
187 070 |
299 |
Petites entreprises |
110 520 |
37,3 |
461 400 |
735 |
Moyennes entreprises |
28 620 |
9,7 |
592 640 |
936 |
Grandes entreprises |
7 900 |
2,7 |
2 575 830 |
3 812 |
Ensemble |
296 170 |
100 |
3 816 950 |
5 782 |
Source : rapport précité sur le PLFRSS 2014, page 125.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LFRSS 2014
● La C3S est un impôt qui se caractérise, sur le plan économique, par des défauts majeurs, qui peuvent être résumés de la sorte :
– assise sur le chiffre d’affaires et non sur le bénéfice, elle ne reflète pas la capacité contributive des entreprises assujetties. Il s’agit donc d’un impôt peu intelligent sur le plan économique, qui pèse en proportion plus lourdement sur les entreprises dont les marges sont faibles ;
– elle peut générer des taxations en cascade de la même assiette, puisque la contribution acquittée en amont par une société A qui revend son produit à une société B, afin que celle-ci le transforme et le revende à son tour, n’est dans la généralité des cas pas déduite de la contribution due par la société B. Pour le dire autrement, la C3S pèse d’autant plus lourdement que la chaîne de production concernée se caractérise par l’importance des consommations intermédiaires ;
– intervenant très en amont dans les soldes intermédiaires de gestion, elle grève mécaniquement les capacités d’investissement, puisqu’aucune charge ou presque n’est déduite de son assiette, et notamment pas les dotations aux amortissements (qui traduisent sur le plan comptable le coût des investissements).
Sa suppression progressive est donc apparue comme une nécessité dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité.
● Ce processus a été engagé par l’article 3 de la LFRSS 2014, qui a instauré au profit des redevables de la C3S (« de base » et additionnelle), à compter du 1er janvier 2015, un abattement d’assiette d’un montant de 3,25 millions d’euros. Cela signifie qu’une entreprise dont le chiffre d’affaires est inférieur à ce montant est désormais exonérée de C3S (41). Pour les autres entreprises, l’assiette de C3S est réduite de 3,25 millions d’euros, générant ainsi une économie d’impôt maximale de 5 200 euros (soit 0,16 % de 3,25 millions).
Par ailleurs, le même article exonère totalement de C3S l’ensemble des coopératives agricoles, à compter de 2015.
● Afin de garantir la pérennité financière du RSI, dont la C3S assurait l’équilibre budgétaire, cet article a prévu « l’adossement » du RSI au régime général, comme c’est le cas de plusieurs autres régimes, et tout particulièrement celui des salariés agricoles. Cette « intégration financière » signifie que l’équilibre du RSI sera progressivement – en suivant le calendrier de suppression de la C3S – assuré par le régime général.
Par conséquent, le produit de la C3S est réaffecté – dans l’attente de la suppression complète de la contribution – entre les organismes suivants :
– la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (13,3 %) (42) ;
– la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (41,7 %) ;
– le FSV (14 %) ;
– les branches invalidité et maternité du régime des non-salariés agricoles (31 %).
Le bouclage de cette opération s’inscrit dans le cadre plus général de financement du Pacte de responsabilité, qui implique notamment l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée, dont une fraction est de longue date affectée aux organismes de sécurité sociale (cf. infra le commentaire de l’article 15).
● L’abattement instauré par la LFRSS 2014 a allégé le poids de la C3S de 1 milliard d’euros (43). 200 000 entreprises se sont trouvées totalement exonérées de cette contribution, sur un total de 296 000 redevables. Par construction, les gains ont été très concentrés sur les petites entreprises, les très petites entreprises se trouvant même de facto exonérées ; seuls 40 millions d’euros ont profité aux grandes entreprises (cf. graphique suivant). La concentration des gains parmi les petites entreprises s’accompagne, bien logiquement, d’une concentration des gains dans les secteurs composés majoritairement de ce type d’entreprises, notamment l’agriculture et la construction (avec une division par quatre, dans les deux cas, du nombre de redevables).
Source : rapport précité sur le PLFRSS 2014, page 129.
II. LE RELÈVEMENT DE L’ABATTEMENT À 19 MILLIONS D’EUROS, DEUXIÈME ÉTAPE VERS LA SUPPRESSION DE LA C3S
Cet article met en œuvre la deuxième phase de la suppression en trois temps de la C3S.
● Pour ce faire, le 1° du I modifie le premier alinéa de l’article L. 651-3 du code de la sécurité sociale, pour porter l’abattement de 3,25 à 19 millions d’euros.
Il résulte de l’extrapolation des données déclaratives des entreprises concernant la C3S acquittée en 2014 (sur le chiffre d’affaires de 2013, donc) que l’abattement doit être porté à ce niveau afin de réduire le produit la contribution de 1 milliard d’euros, afin de respecter la chronique annoncée dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.
Comme l’illustre le graphique suivant, issu de l’étude d’impact, ce nouvel abattement profitera une nouvelle fois essentiellement aux petites et moyennes entreprises (les très petites entreprises étant déjà exonérées, comme rappelé supra).
Source : étude d’impact.
79 000 redevables supplémentaires seraient exonérés du fait du relèvement de l’abattement, répartis de la sorte selon l’étude d’impact :
– la totalité des petites entreprises non encore exonérées (celles dont le CA est compris entre 3,25 et 10 millions d’euros, soit 63 000 entreprises) ;
– 43 % des moyennes entreprises (celles dont le CA est compris entre 10 et 19 millions d’euros, au nombre de 16 000).
L’économie maximale pour une entreprise sera de 25 200 euros, soit le produit correspondant à l’application du taux de 0,16 % à la fraction maximale de chiffre d’affaires exonérée, à savoir 15,75 millions d’euros (soit 19 – 3,25).
Aucune des 8 000 grandes entreprises ne serait exonérée – leur CA étant supérieur à 19 millions d’euros –, mais leur montant de C3S serait réduit de 190 millions d’euros.
Le nombre de redevables de la contribution serait ramené à 20 000 en 2016, soit les 8 000 grandes entreprises précitées et 12 000 moyennes entreprises. Leur montant moyen de C3S passerait, respectivement, de 470 900 à 446 200 euros (soit une baisse de 5,2 %), et de 28 500 à 7 400 euros (soit une baisse de 74 %).
Sur le plan sectoriel, l’abattement supplémentaire bénéficiera prioritairement au commerce, à l’industrie manufacturière et à la construction, à hauteur d’environ 700 millions d’euros, comme l’illustre le graphique suivant, issu de l’étude d’impact. L’exposé sommaire rappelle qu’il s’agit là de « secteurs clés pour la croissance et l’emploi ».
Source : étude d’impact.
● Le 2° du I de l’article modifie le premier alinéa de l’article L. 651-5-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit en l’état du droit que les redevables de la C3S sont tenus de s’en acquitter par voie électronique.
L’étude d’impact indique, de manière assez énigmatique, que « la suppression progressive de la C3S justifie de ne pas investir dans la mise en œuvre de la migration SEPA du télérèglement pour le 1er février 2016, comme l’impose la réglementation européenne ». Le télérèglement n’étant manifestement plus nécessaire, il convient de prévoir une autre voie de règlement, désormais définie comme « dématérialisée » et non plus « électronique », ce qui signifie concrètement que le paiement aura lieu par virement bancaire.
Par coordination, le même 2° supprime également, dans le même alinéa, la mention des services de télérèglement utilisables par les redevables pour se conformer à leurs obligations.
● Le II prévoit que ces dispositions entrent en vigueur pour la C3S due à compter du 1er janvier 2016.
● L’étude d’impact indique que « le RSI devra réaliser une adaptation mineure de ses procédures de recouvrement pour tenir compte du paiement par virement en lieu et place du télérèglement ». Sur les aspects administratifs, toujours, la même source précise que les agents du RSI chargés du recouvrement de la C3S (155 équivalents temps-plein) « sont accompagnés, dans le cadre d’actions de formation spécifiques, pour être redéployés sur d’autres activités, notamment de recouvrement, au sein du réseau RSI », et que ces éléments seront pris en considération dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion avec l’État (à compter de 2016).
*
La Commission examine d’abord deux amendements identiques, AS121 de Mme Jacqueline Fraysse et AS223 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article 8.
Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à supprimer la hausse d’abattement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cette mesure représentera un manque à gagner d’un milliard d’euros pour la sécurité sociale. Cette disposition, qui vient s’ajouter à toutes les mesures généreuses déjà prises en faveur des entreprises, réduit les recettes de la sécurité sociale sans que l’on ait le plaisir d’en constater le moindre effet positif pour la collectivité.
M. Jean-Louis Roumegas. La C3S est un impôt qui n’est pas satisfaisant, puisqu’il ne garantit pas que les entreprises soient imposées en fonction de leur rentabilité. Mais la solution retenue par le Gouvernement a entraîné, dès cette année, une réduction de 67 % du nombre d’entreprises imposées, et donc des pertes de recettes importantes pour la sécurité sociale dès 2014. En portant le montant de l’abattement à 19 millions d’euros, cet article entraînera une perte supplémentaire d’un milliard d’euros.
C’est surtout le principe même de cette mesure qui est contestable : le pacte de responsabilité la justifiait par la nécessité d’aider les TPE et les PME. Mais vous allez cette fois bien au-delà : cet abattement ne concerne plus seulement les TPE et les PME, ou les entreprises en difficulté ; il n’a pour condition aucune action sociale ou environnementale. Depuis le début, nous dénonçons d’ailleurs le fait que le pacte de responsabilité ne demande pas la moindre contrepartie aux entreprises.
Cette mesure est donc injuste et inefficace.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. L’extension de l’abattement permettra de toucher toutes les PME, mais aussi les établissements de taille intermédiaire (ETI) dont notre pays manque, par rapport notamment à l’Allemagne ; or c’est à partir de cette taille que les entreprises peuvent exporter.
De plus, les finances sociales ne seront pas pénalisées, puisque les effets de cette mesure seront intégralement compensés par le budget de l’État.
Monsieur Barbier, le projet de loi de finances, et donc les réformes fiscales prévues par le Gouvernement, sont en cours de discussion dans l’hémicycle. Bien sûr, il est difficile d’être à la fois ici et là-bas. Mais il est bien prévu une compensation à l’euro près pour les finances sociales des mesures du pacte de responsabilité.
La Commission rejette les amendements identiques.
Puis elle adopte l’article 8 sans modification.
Article 9
(art. L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale)
Modification du dispositif d’exonérations de cotisations sociales patronales dans les outre-mer (LODEOM)
Cet article prévoit deux séries de modifications au régime spécifique d’allégement des cotisations patronales de sécurité sociale applicable outre-mer : d’une part, il recentre ces aides sur les bas salaires, dans la généralité des cas ; d’autre part, et à l’inverse, il renforce le dispositif en faveur des entreprises réputées les plus exposées à la concurrence internationale. Cet article apporte pour la troisième fois en trois ans des modifications assez substantielles aux mécanismes d’allégement du coût du travail outre-mer, poursuivant une séquence de réforme assez complexe.
Inspiré par un rapport d’inspection non rendu public, cet article devrait générer une économie de 75 millions d’euros pour le budget de l’État, qui compense les allégements de cotisations aux organismes de sécurité sociale concernés.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA SITUATION PARTICULIÈRE DE L’OUTRE-MER A JUSTIFIÉ LA CRÉATION D’UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE D’ALLÉGEMENTS DE COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE
● La situation économique et sociale des départements d’outre-mer (DOM) est globalement plus dégradée que celle de la métropole. Ainsi, dans chacun des cinq DOM, le taux de chômage atteint ou dépasse 20 %, soit le double de celui de la métropole. En 2013, l’enquête « Emploi » de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) faisait ainsi apparaître un taux de chômage de 26,2 % en Guadeloupe, 22,8 % en Martinique, 21,3 % en Guyane, 29 % à La Réunion et 19,5 % à Mayotte. Les difficultés structurelles des DOM sont bien connues et judicieusement rappelées dans l’étude d’impact : éloignement (et donc nécessité de stockage), étroitesse des marchés (et donc difficultés à réaliser des économies d’échelle), forte exposition à des risques exogènes (notamment climatiques).
● Cette situation particulière a justifié la mise en place, dès 1994, d’un régime spécifique d’allégement des cotisations patronales de sécurité sociale, désormais codifié à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Ce dispositif s’applique en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion, mais aussi à Saint-Martin et Saint-Barthélémy, qui ne sont pas des DOM mais des collectivités d’outre-mer (COM) (44). De nombreuses réformes sont intervenues depuis : en 2000, 2003, 2007, 2008, 2009 et 2013. Ce régime spécifique n’est pas cumulable avec l’allégement général applicable en métropole.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009 (LODEOM) (45), trois catégories d’entreprises bénéficient du régime spécifique d’allégement de cotisations :
– toutes les entreprises de moins de 11 salariés ;
– les entreprises – quel que soit leur effectif – exerçant leur activité principale dans l’un des secteurs ouvrant droit au régime des zones franches d’activité (ZFA) (46), lui-même créé par la LODEOM ;
– les entreprises employant moins de 250 salariés, dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros et qui exercent leur activité principale dans un secteur ou une localisation prioritaires (47), et qui bénéficient d’un régime « bonifié » de ZFA (48), et par ricochet d’un régime bonifié d’allégement de cotisations.
B. LA MISE EN œUVRE DU CICE ET DU PACTE DE RESPONSABILITÉ A APPELÉ DES RÉFORMES RÉCENTES, DONT LA CHRONIQUE EST ASSEZ COMPLEXE.
1. Le resserrement des allégements spécifiques en compensation de la création du CICE
● La loi de finances pour 2014 (49) a introduit une différence de régime selon que les entreprises sont ou non éligibles au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), première dépense fiscale de l’État, dont les grands principes sont rappelés dans l’encadré suivant.
Principes de fonctionnement du CICE
En application de l’article 244 quater C du code général des impôts, créé par la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (50), les entreprises dont les bénéfices sont imposés selon un régime réel – via l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu – sont éligibles à un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, assis sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) versés au cours de l’année civile.
En 2013, première année d’application du dispositif, le taux du CICE était de 4 % ; il est de 6 % pour les rémunérations versées depuis le 1er janvier 2014. À titre d’exemple, une entreprise qui emploie sur toute l’année 2015 dix salariés rémunérés chacun 2 000 euros brut bénéficiera, au moment de la liquidation de son impôt sur les bénéfices, d’un crédit d’impôt de 1 200 euros (soit 6 % de 20 000 euros).
Si le montant du crédit d’impôt excède celui de l’impôt dû, le solde de la créance est imputé sur l’impôt des trois années suivantes et, le cas échéant, restitué au terme de cette période. Certaines entreprises, dont les petites et moyennes entreprises au sens du droit de l’Union européenne, bénéficient toutefois de la restitution immédiate de la créance. La créance « en germe », résultant d’une évaluation du montant de CICE sur la base de l’assiette de l’année N-1, peut par ailleurs être cédée ou nantie à un établissement de crédit dès l’année N ; ce mécanisme original de préfinancement est propre au CICE.
Source : Commission des affaires sociales.
Les entreprises non éligibles au CICE (51) continuent de bénéficier du régime antérieur d’allégement de cotisations :
– les entreprises de moins de 11 salariés sont exonérées de cotisations patronales de sécurité sociale (52) pour les salaires compris entre 1 et 1,4 SMIC. Pour les salaires compris entre 1,4 et 2,2 SMIC, le montant de l’allégement est égal à celui atteint pour un salaire de 1,4 SMIC (mécanisme dit « de palier »). Puis l’exonération décroît de manière linéaire à partir de 2,2 SMIC, pour s’annuler lorsque le salaire atteint 3,8 SMIC ;
– les entreprises de plus de 10 salariés exerçant leur activité dans un secteur éligible aux ZFA sont exonérées pour les salaires compris entre 1 et 1,4 SMIC, puis l’exonération décroît pour s’annuler à 3,8 SMIC ;
– les entreprises « prioritaires » sont exonérées jusqu’à 1,6 SMIC, puis bénéficient d’un palier jusqu’à 2,5 SMIC, avant de voir l’allégement décroître pour s’annuler à 4,5 SMIC.
En revanche, le régime est désormais plus restrictif pour les entreprises bénéficiant du CICE :
– s’agissant des entreprises de moins de 11 salariés, le palier auquel l’exonération est maintenue au niveau maximal atteint pour un salaire de 1,4 SMIC s’étend désormais jusqu’à 1,8 SMIC seulement, et l’exonération s’annule dès 2,8 SMIC ;
– s’agissant des entreprises de plus de 10 salariés, l’exonération s’annule dès 2,6 SMIC ;
– s’agissant des entreprises prioritaires, le palier s’étend jusqu’à 2 SMIC seulement, et l’exonération s’annule dès 3 SMIC.
MODALITÉS DE CALCUL DE L’ALLÉGEMENT DE COTISATIONS SOCIALES
(en multiples de SMIC)
Seuil |
Entreprises |
Entreprises |
Entreprises prioritaires | |||
Ne bénéficiant pas du CICE |
Bénéficiant du CICE |
Ne bénéficiant pas du CICE |
Bénéficiant du CICE |
Ne bénéficiant pas du CICE |
Bénéficiant du CICE | |
Seuil en deçà duquel l’exonération est totale |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,6 |
1,6 |
Palier pour lequel l’allégement est fixe en montant |
1,4 – 2,2 |
1,4 – 1,8 |
– |
– |
1,6 – 2,5 |
1,6 – 2 |
Seuils entre lesquels l’allégement est dégressif |
2,2 – 3,8 |
1,8 – 2,8 |
1,4 – 3,8 |
1,4 – 2,6 |
2,5 – 4,5 |
2 – 3 |
Seuils à partir duquel l’allégement s’annule |
3,8 |
2,8 |
3,8 |
2,6 |
4,5 |
3 |
Source : Commission des affaires sociales.
Cette mesure de restriction, adoptée dans une logique de « rattrapage » partiel des effets positifs du CICE, devait produire une économie d’une centaine de millions d’euros pour le budget de l’État. Les allégements de cotisations sont en effet compensés aux organismes de sécurité sociale par des crédits versés par l’État, depuis la mission Outre-mer : 1,1 milliard d’euros étaient ainsi inscrits à cette fin dans le projet de loi de finances pour 2015 (action 1 Soutien aux entreprises du programme 138 Emploi outre-mer), soit plus de la moitié des crédits demandés pour l’ensemble de la mission.
2. L’augmentation du taux du CICE outre-mer, en compensation du Pacte de responsabilité
Après la promulgation de la loi de finances pour 2014, qui a procédé à un resserrement des allégements de cotisations sociales spécifiques aux DOM, le Président de la République a annoncé un Pacte de responsabilité et de solidarité, dont l’axe principal est la baisse du coût du travail, grâce, d’une part, au CICE, et, d’autre part, à des allégements supplémentaires de charges sociales.
Certaines mesures du Pacte – outre le CICE qui désormais s’y inscrit – ont déjà trouvé une traduction législative dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (53), notamment le mécanisme dit « zéro charge » patronale au niveau du SMIC, et la réduction de 1,8 point des cotisations familiales jusqu’à 1,6 SMIC.
Le renforcement des allégements applicables en métropole ainsi opéré a eu pour effet mécanique de réduire l’avantage comparatif dont bénéficiaient antérieurement les entreprises des DOM du fait de leur régime spécifique d’allégements. Ce constat avait été notamment démontré par le rapport d’information de la Délégation aux outre-mer de notre Assemblée (54).
Le tableau suivant, qui compare les allégements antérieurs à la LFRSS 2014, les allégements issus de cette loi et les allégements applicables dans les DOM, atteste du resserrement des écarts entre les deux dispositifs. La comparaison portant sur la seule échelle des allégements généraux, il faut garder en tête que l’échelle des salaires bénéficiant d’un allégement est bien plus étendue dans les DOM.
COMPARAISON DES ALLÉGEMENTS DE COTISATIONS SOCIALES
APRÈS LA LFRSS 2014
(en euros)
Allégements « métropolitains » |
Allégements « métropolitains » |
Allégements « domiens » | |||||
– 20 |
+ 20 |
– 20 |
+ 20 |
– 11 |
+ 10 |
Prioritaires | |
1 SMIC |
4 873,83 |
4 509,60 |
5 160,02 |
5 229,4 |
4 822,68 |
4 822,68 |
4 822,68 |
1,1 SMIC |
4 061,53 |
3 758,00 |
4 383,27 |
4 441,08 |
5 304,96 |
5 304,96 |
5 304,96 |
1,2 SMIC |
3 249,22 |
3 006,40 |
3 606,52 |
3 652,77 |
5 787,24 |
5 787,24 |
5 787,24 |
1,3 SMIC |
2 436,92 |
2 254,80 |
2 829,77 |
2 684,46 |
6 269,52 |
6 269,52 |
6 269,52 |
1,4 SMIC |
1 624,61 |
1 503,20 |
2 053,02 |
2 076,15 |
6 751,8 |
6 751,8 |
6 751,8 |
1,5 SMIC |
812,31 |
751,60 |
1 276,27 |
1 287,84 |
6 751,8 |
6 189,12 |
7 234,08 |
1,59 SMIC |
81,23 |
75,16 |
577,20 |
578,35 |
6 751,8 |
5 626,44 |
7 716,36 |
Source : Commission des affaires sociales.
Soucieux de maintenir en faveur des entreprises des DOM un écart de compétitivité mécaniquement restreint par le Pacte de responsabilité, le Président de la République annonçait dès le 23 janvier 2014 la nécessité d’une adaptation : « La baisse des charges existe déjà outre-mer, donc, si je la propose pour toutes les entreprises, cela ne fera pas d’avantage significatif pour les entreprises ultramarines. […] Je suis prêt à adapter, avec les employeurs d’outre-mer, le Pacte de responsabilité à ces territoires. » (55)
C’est à cette adaptation qu’a procédé l’article 65 de la loi de finances pour 2015 (56), en majorant le taux du CICE lorsque les salaires qui en constituent l’assiette sont versés à des salariés affectés à des exploitations situées dans les DOM : 7,5 % pour les salaires versés en 2015, puis 9 % pour les salaires versés à compter de 2016.
II. LE DROIT PROPOSÉ
● Cet article propose une nouvelle réforme des allégements spécifiques aux DOM, consistant pour l’essentiel à recentrer le dispositif sur les plus bas salaires. Cette démarche s’inspire des conclusions, rendues en juin dernier, d’une mission de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales sur les exonérations et exemptions de cotisations sociales spécifiques. Si la presse s’est assez rapidement faite l’écho de ce rapport non rendu public (57), le rapporteur en a eu connaissance trop tardivement – à la fin du mois de septembre – pour pouvoir prétendre en exploiter utilement les 614 pages.
Le Gouvernement s’appuie néanmoins sur ce rapport, qui propose d’abaisser les points de sortie dans la généralité des cas, car ils se situeraient à des niveaux trop élevés, « où l’effet sur l’emploi est peu prononcé voire inexistant » selon les termes de l’exposé sommaire. Le recentrage sur les bas salaires implique également d’abaisser les seuils de rémunération en deçà desquels l’exonération est totale, pour les entreprises bénéficiant du CICE ; c’est en effet pour les salaires les plus proches du SMIC qu’ « il est établi qu’un dispositif d’exonération de cotisations est le plus efficace pour favoriser l’emploi » (étude d’impact).
À l’inverse, cet article renforce les allégements prévus en faveur des secteurs prioritaires, en élevant le seuil en deçà duquel l’exonération est totale, et, pour les entreprises éligibles au CICE, en étendant le palier et en repoussant le point de sortie. La priorité est ainsi donnée aux secteurs réputés les plus exposés à la concurrence, ce qui devrait avoir, selon l’étude d’impact, « un effet bénéfique pour l’emploi et la compétitivité des économies ultramarines ».
● Sur le plan juridique, les modifications proposées, quoiqu’assez longues, ne sont pas très nombreuses.
Le 1° du I concerne les entreprises bénéficiaires du CICE et comptant plus de 10 salariés. Il ramène de 1,4 à 1,3 SMIC le seuil en deçà duquel l’exonération est totale, et le seuil à partir duquel l’allégement s’annule (ou point de sortie) de 2,6 à 2 SMIC. Ce 1° procède au passage à une modification dans la formulation du texte : les multiples de SMIC ne sont plus dénommés comme tels (« 2,6 fois le salaire minimum de croissance »), mais par référence au taux de majoration (« salaire minimum de croissance majorée de 100 % », soit en l’espèce 2 SMIC). On retrouve cette subtilité formelle dans chaque modification apportée par cet article au droit existant.
Le 2° du I, qui procède à une rédaction globale du troisième alinéa du A du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, concerne les entreprises bénéficiaires du CICE et comptant moins de 11 salariés. Il ramène le seuil d’exonération totale de 1,8 à 1,6 SMIC, et le point de sortie de 2,8 à 2,3 SMIC. La rédaction globale de l’alinéa s’explique, outre par la modification formelle précédemment décrite, par une nouvelle formulation des personnes concernées : au seul terme « employeurs », sont substitués les termes « entreprises, employeurs et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2211-1 du code du travail », cette référence permettant de viser les employeurs privés mais également les établissements publics industriels et commerciaux ainsi que les établissements publics administratifs employant du personnel dans les conditions du droit privé.
Le 3° concerne les entreprises non bénéficiaires du CICE, dont le cas est actuellement réglé par le B du III de l’article L. 752-3-2. Ce B est intégralement réécrit, pour prévoir :
– que ces entreprises continuent de bénéficier d’une exonération totale pour les salaires inférieurs à 1,4 SMIC (1° nouveau) ;
– que le point de sortie pour les entreprises de plus de 10 salariés est ramené de 3,8 à 3 SMIC et que, s’agissant des entreprises de moins de 11 salariés, le palier est ramené de 2,2 à 2 SMIC, et le point de sortie de 3,8 à 3 SMIC également (2° nouveau).
Les 4° et 5° (58) du I procèdent à une rédaction globale des deux derniers alinéas du IV de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, prévoyant :
– de porter de 1,6 à 1,7 SMIC le seuil en deçà duquel les entreprises des secteurs prioritaires bénéficient d’une exonération totale ;
– de repousser le palier de 2 à 2,5 SMIC pour celles de ces entreprises qui bénéficient du CICE ;
– de repousser, pour ces mêmes entreprises, le point de sortie de 3 à 3,5 SMIC.
Le 6° modifie le VIII de l’article L. 752-3-2, qui renvoyait sobrement à un décret en Conseil d’État le soin d’appliquer les dispositions dudit article. Par souci de précision, à défaut de clarté, ce VIII prévoit désormais que le montant des exonérations dégressives est déterminé par une formule de calcul fixée par décret, mais surtout que « la valeur maximale du coefficient de dégressivité retenu pour cette formule est fixée, par décret, dans la limite de la somme des taux des cotisations mentionnées au I pour une rémunération égale au salaire minimum de croissance ». Une illustration de l’intention de cette disposition n’aurait sans doute pas été superflue.
Le II de cet article prévoit que ses dispositions entrent en vigueur pour les cotisations dues à compter du 1er janvier 2016.
● Les conséquences des modifications proposées étant à peu près incompréhensibles à la seule lecture de ce qui précède, le tableau suivant propose une comparaison de la situation avant et après réforme, selon les différents cas de figure.
MODALITÉS DE CALCUL DE L’ALLÉGEMENT DE COTISATIONS SOCIALES
Comparaison avant et après PLFSS 2016
(en multiples de SMIC)
Seuil |
Entreprises de moins de 11 salariés ne bénéficiant pas du CICE |
Entreprises de moins de 11 salariés bénéficiant du CICE |
Entreprises de plus de 10 salariés ne bénéficiant pas du CICE |
Entreprises de plus de 10 salariés bénéficiant du CICE |
Entreprises prioritaires ne bénéficiant pas du CICE |
Entreprises prioritaires bénéficiant du CICE | ||||||
Avant réforme |
Après réforme |
Avant réforme |
Après réforme |
Avant réforme |
Après réforme |
Avant réforme |
Après réforme |
Avant réforme |
Après réforme |
Avant réforme |
Après réforme | |
Seuil en deçà duquel l’exonération est totale |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,3 |
1,6 |
1,7 |
1,6 |
1,7 |
Palier pour lequel l’allégement est fixe en montant |
1,4 – 2,2 |
1,4 – 2 |
1,4 – 1,8 |
1,4 – 1,6 |
– |
– |
– |
– |
1,6 – 2,5 |
1,7 – 2,5 |
1,6 – 2 |
1,7 – 2,5 |
Seuils entre lesquels l’allégement est dégressif |
2,2 – 3,8 |
1,4 – 3 |
1,8 – 2,8 |
1,6 – 2,3 |
1,4 – 3,8 |
1,4 – 3 |
1,4 – 2,6 |
1,3 – 2 |
2,5 – 4,5 |
2,5 – 4,5 |
2 – 3 |
2,5 – 3,5 |
Seuils à partir duquel l’allégement s’annule |
3,8 |
3 |
2,8 |
2,3 |
3,8 |
3 |
2,6 |
2 |
4,5 |
4,5 |
3 |
3,5 |
Source : Commission des affaires sociales.
● Cet article produirait, selon l’étude d’impact, un rendement net de 75 millions d’euros, le coût de l’assouplissement des règles applicables aux entreprises des secteurs prioritaires étant donc plus que compensé par les économies résultant de la rationalisation des allégements offerts aux autres entreprises. Cette économie sera réalisée par le budget de l’État, qui compense les allégements aux organismes de sécurité sociale.
Plus de 10 000 salariés (6,7 % du total) sortiraient du champ des allégements, dont le niveau diminuerait pour près de 41 000. Plus du quart des salariés seraient affectés par la réforme, essentiellement dans les entreprises de plus de 10 salariés (12,3 % de leurs salariés exclus du dispositif, contre 3,6 % de ceux des entreprises de moins de 11 salariés).
*
La Commission adopte l’article 9 sans modification.
Article 10
(art. L. 131-4-2 et L. 131-4-3 du code de la sécurité sociale, article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 ; article 34 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008)
Suppression des dispositifs d’exonérations sociales applicables aux bassins d’emplois à redynamiser (BER), aux zones de restructuration de la défense (ZRD) et aux zones de revitalisation rurale (ZRR)
Cet article supprime trois exonérations « zonées » de cotisations patronales de sécurité sociale, en faveur des bassins d’emploi à redynamiser (BER), des zones de restructuration de la défense (ZRD) et des zones de revitalisation rurale (ZRR).
Ces suppressions tirent les conséquences convergentes de plusieurs rapports d’évaluation, et notamment des conclusions, rendues en juin dernier, d’une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les exonérations et exemptions de cotisations sociales spécifiques. Il s’agit du même rapport que celui qui fonde en partie l’article 9 de ce projet de loi, dont le rapporteur a eu connaissance trop tardivement pour en apprécier la pleine mesure.
La philosophie générale de cet article repose quelques idées clés :
– les exonérations en question sont trop peu efficaces au regard de leur coût, car elles recouvrent un nombre de salariés souvent restreint ;
– ce « saupoudrage » résulte notamment d’une grande complexité des dispositifs, qui engendre de nombreux redressements par les organismes de recouvrement ;
– les avantages comparatifs procurés par ces dispositifs ont tendance à se réduire depuis le renforcement de l’allégement général de cotisations patronales de sécurité sociale, dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, à telle enseigne que cet allégement général pourrait s’avérer plus favorable, pour les salaires les plus faibles, que les exonérations zonées.
Le rapporteur regrette le caractère parfois elliptique de l’étude d’impact, qui constitue pourtant, compte tenu des conditions d’examen de ce texte, la principale source d’information utilisable pour les besoins de ce commentaire. On relèvera notamment qu’aucune information n’est fournie sur le devenir des avantages fiscaux bénéficiant aux entreprises dont les avantages sociaux sont supprimés, alors même que le bénéfice des premiers commande, au plan économique si ce n’est juridique, celui des seconds. Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que les lois de finances rectificatives (LFR) de fin 2013 et fin 2014 (59) ont déjà procédé à des modifications, aussi nombreuses que techniques, d’une dizaine de dispositifs zonés, sans pour autant engager de réforme d’ensemble. Selon les informations recueillies par le rapporteur, il n’est pas envisagé de supprimer ces avantages fiscaux.
I. LA SUPPRESSION DE TROIS « NICHES SOCIALES ZONÉES » JUGÉES PEU EFFICACES
A. LES BASSINS D’EMPLOI À REDYNAMISER
● L’article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 (60), modifié à plusieurs reprises depuis (61), a instauré un régime fiscal et social favorable en faveur des entreprises créées dans les BER, à compter du 1er janvier 2007, et désormais jusqu’au 31 décembre 2017.
Les BER sont des zones caractérisées par un taux de chômage au 30 juin 2006 supérieur de trois points au taux national, une perte annuelle nette de population de plus de 0,15 % entre les deux derniers recensements connus et une perte annuelle nette d’emplois supérieure à 0,75 % entre 2000 et 2004. En pratique, il s’agit de deux bassins d’emploi : celui de la vallée de la Meuse dans les Ardennes (361 communes) et celui de Lavelanet dans l’Ariège (56 communes) (62).
Pour être éligibles au dispositif, les entreprises doivent exercer leurs activités dans l’industrie, le commerce, l’artisanat, le secteur non commercial, la location d’immeubles professionnels. Sont expressément exclues les activités agricoles, le crédit-bail mobilier, la location d’immeubles d’habitation et plus généralement les activités exclues du règlement de minimis (63).
Les avantages fiscaux consistent en une exonération d’impôt sur les bénéfices, de taxe sur le foncier bâti et de contribution économique territoriale.
L’avantage social consiste à exonérer les salaires versés par les entreprises éligibles de cotisations patronales de sécurité sociale, entendues au sens large (assurances sociales – maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse –, allocations familiales, versement transport et contribution au Fonds national d’aide au logement). L’exonération porte sur l’ensemble des salaires, quel qu’en soit le montant. Elle n’est en revanche totale qu’à hauteur de 1,4 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), et se transforme donc en franchise pour les salaires excédant ce montant. La durée de l’exonération (64) était de sept ans pour les entreprises créées jusqu’à fin 2013. Pour les entreprises créées depuis 2014, elle a été ramenée à cinq ans. L’exonération s’applique également pour les salariés embauchés pendant cette période, et pas seulement pour ceux présents dès le départ dans l’entreprise. Elle n’est pas cumulable avec d’autres avantages, et notamment l’allégement général.
● Le Gouvernement considère que « le maintien de cette niche sociale ne se justifie pas au regard des critères de pertinence et d’efficience » (étude d’impact), s’appuyant pour ce faire sur les conclusions du rapport précité de l’IGF et de l’IGAS.
Les critiques adressées au dispositif sont de trois ordres :
– le zonage est à la fois restreint (donc « source d’inégalité entre les territoires ») et fondé sur des critères jamais réactualisés depuis leur entrée en vigueur ;
– l’avantage est insuffisamment ciblé sur les bas salaires, en l’absence de « point de sortie » du fait du mécanisme de franchise décrit supra, ce qui crée au profit des salaires élevés « un effet d’aubaine important, sans nécessité économique » ;
– le coût budgétaire par emploi est élevé (21 millions d’euros pour 4 200 bénéficiaires en 2014, soit 5 000 euros par emploi, contre 1 900 euros pour l’allégement général).
● Le 1° du I de cet article propose par conséquent la suppression de l’exonération BER, par abrogation des VII et VIII de l’article 130 de la LFR 2006.
B. LES ZONES DE RESTRUCTURATION DE LA DÉFENSE
● L’article 34 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a instauré un régime fiscal et social favorable pour les entreprises créées dans une ZRD. Ces zones s’entendent des territoires fragilisés du fait de la réorganisation des unités militaires et établissements du ministère de la Défense sur le territoire national (perte de population et d’emplois, chômage élevé). Le classement en ZRD peut intervenir, par arrêté, entre 2009 et 2019.
Les entreprises créées au cours des trois années suivant ce classement (65) et exerçant leur activité dans les mêmes secteurs que les entreprises éligibles au dispositif BER bénéficient d’avantages fiscaux, en particulier d’une exonération de bénéfices pendant sept ans (totale pendant cinq ans, puis partielle les années suivantes, par abattement des deux tiers de l’assiette la sixième année et du tiers la septième et dernière année).
L’avantage social fonctionne sur un modèle proche : les employeurs sont totalement exonérés de cotisations d’assurances sociales et d’allocations familiales pendant trois ans, puis le montant d’exonération est réduit d’un tiers la quatrième année, et des deux tiers la cinquième et dernière année. L’exonération est totale pour les salaires n’excédant pas 1,4 SMIC, puis elle décroît linéairement pour s’annuler à 2,4 SMIC. Elle n’est pas cumulable avec l’allégement général.
● Le Gouvernement adresse au dispositif les critiques suivantes :
– son caractère « particulièrement diffus et complexe ». Le nombre de salariés bénéficiant de l’exonération s’avère en effet égal à celui des communes situées en ZRD, soit 2 000, tandis que la complexité des critères de définition des ZRD « conduit à une appropriation imparfaite de la réglementation » ;
– son coût élevé, estimé à 11 millions d’euros en 2014, soit 5 500 euros par salarié. Ce coût est d’autant plus problématique que d’autres dispositifs de soutien aux ZRD existent, outre les avantages fiscaux : l’étude d’impact fait ainsi mention de 300 millions d’euros de financement de l’État sur la période 2009-2015 pour les « contrats de site », destinés à accompagner la refonte de la carte militaire ;
– son caractère pérenne, alors que « la phase de restructuration des implantations militaires est par nature limitée dans le temps ». On doit constater qu’il s’agit là d’un raccourci, puisque c’est seulement jusqu’en 2019 que pourront être délimitées des ZRD, et que l’avantage social n’est ouvert qu’aux entreprises créées dans les trois ans suivant ladite délimitation, soit en l’état du droit jusqu’en 2022.
● Le 2° du I propose la suppression de cet avantage social, par abrogation du VI de l’article 34 de la dernière LFR 2008.
C. LES ZONES DE REVITALISATION RURALE
● Les ZRR sont des zones situées dans des espaces géographiques ruraux présentant des difficultés accentuées de développement. Définies à l’article 1465 A du code général des impôts, elles comprennent les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre incluses dans un arrondissement ou un canton caractérisé :
– soit par une très faible densité de population ;
– soit par une faible densité de population, assortie :
o soit d’un déclin général de la population ;
o soit d’un déclin de la population active ;
o soit d’une forte proportion d’emplois agricoles.
Les entreprises créées en ZRR entre début 2011 et fin 2015 (66) bénéficient d’une série d’avantages fiscaux, et en en premier lieu d’une exonération d’impôt sur les bénéfices pendant cinq ans, puis d’un abattement dégressif les trois années suivantes (75 %, 50 %, 25 %).
Le champ des activités éligibles est sensiblement le même que celui présenté supra pour les BER et les ZRD, à l’exception notamment – et bien logiquement – des activités agricoles ; pour bénéficier du dispositif ZRR, les entreprises doivent en outre respecter un critère de taille (moins de 10 salariés) et un critère d’indépendance capitalistique (ne pas être détenues à plus de 50 % par d’autres sociétés). L’éligibilité à cet avantage fiscal en commande d’autres, notamment en matière d’impôts locaux.
L’avantage social, prévu par l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale, consiste en une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale (assurances sociales et allocations familiales), totale pour les salaires n’excédant pas 1,5 SMIC, puis linéairement dégressive pour s’annuler à 2,4 SMIC. Chaque salarié embauché entre dans l’assiette de l’exonération, tant que le nombre de salariés de l’entreprise n’excède pas 50. L’exonération, valable pendant 12 mois, est conditionnée par quelques critères de « stabilité » de l’emploi (pas de licenciement l’année précédente, embauche en principe dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée). L’exonération ne peut être cumulée avec l’allégement général.
En application de l’article L. 131-4-3, l’exonération s’applique également, depuis le 1er novembre 2007, aux embauches réalisées en ZRR par des organismes d’intérêt général y ayant leur siège. Ces organismes sont définis par référence au 1 de l’article 200 du code général des impôts ; celui-ci dresse la liste des organismes auxquels la réalisation d’un don ouvre droit, pour le donateur, à une réduction d’impôt sur le revenu, à hauteur de 66 % du montant du don (fondations, associations reconnues d’utilité publique, établissements d’enseignement supérieur, etc.).
● Les critiques adressées au dispositif sont nombreuses :
– le renforcement des allégements généraux dans le cadre du Pacte de responsabilité rend l’allégement ZRR peu attractif pour les salaires les plus proches du SMIC, « là où se concentre l’essentiel de la masse salariale et où l’élasticité du coût du travail est la plus forte » (étude d’impact). Au final, selon la même source, « l’exonération ZRR […] demeure méconnue et finalement peu attractive ». Le Gouvernement appuie ce constat sur les conclusions d’une mission interministérielle d’évaluation des ZRR de juillet 2014 (67) ;
– les critères de zonage sont à la fois trop complexes et peu opérants, car plus réactualisés depuis 2005. L’étude d’impact note par exemple que « le déclin de la population, généralisé dans les zones rurales lors de la création des ZRR, n’est plus désormais un critère pertinent dans la mesure où ces territoires ont globalement connu une hausse de la population » ;
– enfin, le dispositif est coûteux (22 millions d’euros en 2014), pour un effet incertain sur l’emploi. Le Gouvernement s’appuie ici sur le rapport de nos collègues Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier, qui prône plus généralement une remise à plat du zonage (68).
● Le 3° du I propose donc la suppression de cet avantage social, par l’abrogation des articles L. 131-4-2 et L. 131-4-3 du code de la sécurité sociale.
L’exposé des motifs indique que « l’exonération applicable aux organismes d’intérêt général installés en ZRR n’est pas modifiée par le présent article ». Il n’est pas fait référence ici à l’article L. 131-4-3, qui est bien abrogé. Il est en fait question d’une exonération (69) spécifique applicable aux organismes en question (de moins de 500 salariés) au titre des contrats de travail conclus avant le 1er novembre 2007 (70), pour toute la durée des contrats. Le barème dégressif du droit commun des ZRR (cf. supra) s’applique aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014.
II. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR AMÉNAGÉE
● Le II prévoit que les abrogations prévues par le I prennent effet au 1er janvier 2016, y compris pour les rémunérations versées aux salariés recrutés avant cette date. En principe, les rémunérations versées à compter de cette date n’ouvriront donc plus droit aux allégements spécifiques de cotisations sociales.
● Mais le III prévoit un régime transitoire en faveur des entreprises profitant de ces exonérations au 7 octobre 2015 (date de la délibération en Conseil des ministres du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016), qui continueraient de bénéficier de l’état actuel du droit, au titre bien évidemment des seules rémunérations versées aux salariés embauchés avant le 7 octobre 2015. Ainsi, tout effet rétroactif se trouve évité.
III. DES EFFETS DÉLICATS À ESTIMER
L’étude d’impact indique qu’à droit constant, le coût cumulé pour les organismes de sécurité sociale des allégements spécifiques aux BER, ZRD et ZRR serait de 47,5 millions d’euros. Le rapport IGF-IGAS précité évaluait ce même coût à 39 millions d’euros en 2015.
Les abrogations prévues par cet article n’auront pas pour effet de procurer aux organismes de sécurité sociale un gain net équivalent au coût de ces trois dispositifs. En effet, les employeurs ne bénéficiant plus de ces allégements deviendront mécaniquement éligibles à l’allégement général. Le rapport IGF-IGAS estimait ainsi que la suppression en 2015 des trois dispositifs aurait entraîné un « déport » vers les allégements généraux, pour un coût global de 18 millions d’euros (3 millions pour les BER et pour les ZRD, 12 millions pour les ZRR). Le gain net pour les organismes de sécurité sociale aurait donc été de 21 millions d’euros.
L’étude d’impact évalue ce même déport à 19,6 millions d’euros pour 2016. La même source esquisse la chronique des économies nettes générées par cet article, compte tenu du déport vers les allégements généraux : 6,5 millions d’euros en 2016, 12 millions en 2017, jusqu’à atteindre progressivement 27,8 millions en 2021.
Sur le strict plan budgétaire, cet article est en tout état de cause sans effet sur les comptes sociaux, puisque les exonérations zonées dont il est question sont compensées par le budget de l’État.
*
La Commission se saisit de l’amendement AS325 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Vous supprimez ici des dispositifs destinés à des territoires en souffrance. Les zones de restructuration de la défense (ZRD), créées au moment de la fermeture de différentes implantations militaires, n’ont que six années d’existence, ce qui n’est pas suffisant pour réimplanter de l’activité économique : vous mettez en danger leur avenir. Vous supprimez également les avantages sociaux dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), ce qui est un signe négatif, alors que les habitants des zones rurales se sentent souvent délaissés. Quant aux bassins d’emplois à redynamiser (BER), les exonérations fiscales et sociales qui y sont prévues devaient de toute façon prendre fin au 31 décembre 2017 : les supprimer dès aujourd’hui est également surprenant ; cela risque de désorienter les entreprises, ainsi que les collectivités territoriales, qui ont pu investir.
Je propose donc de supprimer l’article 10.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Vous regrettiez tout à l’heure, monsieur Vercamer, que le Gouvernement ne suive pas les observations de la Cour des comptes : or voilà des années que la Cour, mais aussi l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF), dénoncent l’insuffisante efficience de ces dispositifs.
Cet article ne touche pas aux avantages fiscaux, mais seulement aux avantages sociaux, qu’il fige au niveau actuel. Autrement dit, on arrête le flux, mais on ne réduit pas le stock.
De plus, la progression du régime des allégements généraux rend ces dispositifs bien moins attractifs.
M. Dominique Tian. Nous avons eu le même débat à propos des zones franches l’an dernier : geler les avantages accordés aux entreprises ne va pas les inciter à investir dans ces zones… De plus, les rapports que vous citez regrettaient la trop grande complexité de ces dispositifs, et surtout la grande insécurité juridique subie par les entreprises : cette politique est donc contreproductive, et pour tout dire un peu absurde.
Mme Bérengère Poletti. Cet amendement est important : il est question ici de zones qui sont toutes en difficulté, qui ont toutes besoin d’aide, et qui avaient avec l’État une sorte de contrat. L’État n’honore pas ses engagements : les signaux de reniement de la parole de l’État sont nombreux dans ce PLFSS, ce qui détruit la confiance de nos concitoyens. C’est très préoccupant, et j’espère que cet amendement sera voté.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 10 sans modification.
La Commission se saisit de l’amendement AS4 de M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Cet amendement est très attendu de tous les particuliers employeurs, qui sont plus de 3 millions dans notre pays. Depuis trois ans, plus de 21 000 emplois équivalents temps plein ont disparu dans le secteur des services à la personne. L’an dernier, après de longs débats, nous avions adopté une réduction de cotisations, mais pour les seules activités de garde d’enfants de six à treize ans.
Nous demandons la généralisation de cette réduction de 1,50 euro. Vous devez l’accepter, car le développement des emplois de services à la personne est très attendu. C’est l’une des meilleures façons de lutter contre le chômage.
M. Gérard Bapt, rapporteur. L’an dernier, nous avions effectivement fait un grand progrès, en réduisant les cotisations pour la garde des enfants de six à treize ans. Cette mesure a pris effet au 1er janvier 2015, et les premiers chiffres sont prometteurs : il semble que le nombre d’heures ait augmenté.
Il serait toutefois judicieux d’attendre l’évaluation précise des mesures adoptées l’an dernier. J’ai reçu Mme Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), qui est plutôt partisane de la stabilité. Attendons l’année prochaine pour tirer des conclusions.
De plus, de telles mesures coûtent cher au budget de l’État : j’attends toujours des députés de l’opposition qu’ils nous proposent des économies. Vous parlez d’économiser 100 à 150 milliards d’euros, mais cet après-midi, vous ne nous proposez que des dépenses !
M. Élie Aboud. Dans une autre vie, monsieur le rapporteur, vous disiez que la prévention ne coûte jamais cher, puisqu’elle évite des accidents qui, eux, auraient coûté très cher !
La mesure que nous vous proposons créerait des emplois ; c’est donc bien une mesure positive pour la sécurité sociale. Elle ferait aussi reculer le travail au noir. Le Gouvernement a bien compris qu’un geste était nécessaire, puisqu’il nous a suivis l’année dernière, mais sur une toute petite partie des heures concernées. L’extension de cette mesure aux seniors à tout le moins serait très intéressante.
M. Bernard Accoyer. Eh bien, monsieur le rapporteur, je vais vous proposer une piste d’économies : permettez aux familles d’embaucher, cela fonctionne ! Il faut favoriser la déclaration, l’officialisation des emplois qui existent de toute façon dans les familles. Ainsi, des cotisations sont payées, et les personnes employées gagnent des droits sociaux.
La Commission rejette l’amendement.
Chapitre II
Simplification du recouvrement des cotisations dues
par les entreprises et les travailleurs non salariés
Article 11
(art. L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale [nouveau])
Proportionnalité du redressement
en matière de protection sociale complémentaire
Cet article permet sous conditions aux organismes de contrôle de proportionner les redressements qu’ils opèrent lorsqu’un régime de protection sociale financé par l’employeur ne répond pas parfaitement aux deux critères qui permettent d’exclure le financement patronal de l’assiette des cotisations sociales, à savoir le caractère obligatoire et collectif du régime. En l’état du droit, l’ensemble des versements est requalifié en rémunération, et donc assujetti aux cotisations sociales ; à l’avenir, seuls le seront les versements correspondants aux salariés qui auraient dû être inclus dans le champ du régime mais qui, du fait d’un manquement sans gravité, ne l’ont pas été. Cet article s’inscrit dans l’esprit des préconisations formulées par nos collègues Bernard Gérard et Marc Goua, en qualité de parlementaires en mission.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES CONTRIBUTIONS DES EMPLOYEURS AUX RÉGIMES DE PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE SONT SOUMISES À UN RÉGIME SOCIAL FAVORABLE.
● Si les organismes de sécurité sociale restent les principaux acteurs de la protection sociale, la quasi-totalité de la population française est également couverte par un régime de protection sociale complémentaire, individuel ou collectif, c’est-à-dire, dans ce dernier cas, organisé et pour partie financé par l’employeur.
L’article L. 911-2 du code de la sécurité sociale dispose que « [ces] garanties collectives ont notamment pour objet de prévoir, au profit des salariés, des anciens salariés et de leurs ayants droit, la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, des risques d’inaptitude et du risque chômage, ainsi que la constitution d’avantages sous forme de pensions de retraite, d’indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière ». On distingue donc deux grandes catégories de protection sociale complémentaire : la prévoyance (qui comprend le risque santé) et la retraite. Ces régimes, qui peuvent être institués par la loi ou le règlement, le sont en principe par accord de branche ou d’entreprise, voire par décision unilatérale du chef d’entreprise (article L. 911-1 du même code).
L’article L. 911-7, créé par la loi relative à la sécurisation de l’emploi (71), rend obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture de l’ensemble des salariés par une complémentaire collective en matière de santé, au sens large (maladie, maternité, accident) ; l’employeur doit assurer au moins la moitié du financement de cette couverture.
● Lorsqu’un régime de protection sociale complémentaire revêt un caractère à la fois obligatoire et collectif, son financement est aidé par les pouvoirs publics, notamment en excluant de l’assiette des cotisations sociales patronales la partie du financement incombant à l’employeur. Sans entrer dans un détail qui excède le champ de ce commentaire, on peut retenir qu’un régime est obligatoire si les salariés sont tenus d’y adhérer (des dispenses d’adhésion étant possibles, par exemple pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire), et collectif si tous les salariés sont couverts, ou à défaut si une ou plusieurs catégories objectives de salariés sont couvertes (par exemple, cadres et non-cadres) (72).
Le sixième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale exclut ainsi de l’assiette des cotisations patronales – en leur déniant la qualité de rémunération – les contributions des employeurs « au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit ». Ces contributions sont toutefois soumises au forfait social prévu par l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, aux taux de 8 % pour la prévoyance et de 20 % pour la retraite (article L. 137-16), taux nécessairement plus faibles que celui des cotisations sociales, estimé à 68 % par l’étude d’impact.
B. MAIS LES CONSÉQUENCES D’UN REDRESSEMENT PEUVENT APPARAÎTRE TRÈS LOURDES AU REGARD DES MANQUEMENTS CONSTATÉS
● Les organismes de recouvrement, dans la généralité des cas les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), peuvent, dans le cadre d’un contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, requalifier en rémunération des éléments indûment soustraits par l’employeur, et de ce fait exclus de l’assiette des cotisations sociales. Ainsi, lorsque l’URSSAF constate que ne sont pas vérifiés les critères permettant de qualifier un régime de protection sociale complémentaire d’obligatoire et collectif, elle procède à un redressement ayant pour effet de soumettre l’intégralité des contributions de l’employeur à ce régime aux cotisations sociales de droit commun, soustraction faite du montant acquitté au titre du forfait social.
L’étude d’impact fournit un exemple éclairant, reproduit dans l’encadré suivant. Il faut en outre avoir à l’esprit que le redressement peut porter sur l’année en cours et sur les trois précédentes, par application du principe général de prescription triennale.
Exemple de redressement en application du droit existant
Un employeur d’une entreprise de 100 salariés en couvre 96 au titre de la prévoyance santé. Cependant, la non-couverture des 4 salariés restants rend le financement du régime non compatible avec les exemptions.
Dans l’hypothèse où l’employeur participe à hauteur de 100 euros par mois pour chacun de ses salariés, soit à hauteur de 1 200 euros par an et par salarié, le financement patronal pour la couverture des 96 salariés représente donc 115 200 euros. Le financement patronal pour la couverture des 4 salariés représenterait quant à lui 4 800 euros par an (4 X 1 200 euros).
Dans la situation actuelle, le défaut de couverture des 4 salariés, à hauteur de 4 800 euros, aboutit à assujettir au premier euro l’intégralité du financement patronal et à réclamer, compte tenu d’un taux global de cotisations de 68 %, et du remboursement du forfait social, 69 120 euros [115 200 euros X (68 % - 8 %)]), soit près de 15 fois plus que les 4 800 euros cités ci-dessus.
Source : étude d’impact.
● Dans un rapport remis en avril dernier au Gouvernement en qualité de parlementaires en mission, nos collègues Bernard Gérard et Marc Goua ont proposé de « proportionner le redressement à la faute commise dans le cadre de la généralisation des complémentaires santé » (73). Cette proposition repose sur le constat qu’une simple erreur de l’employeur, ne traduisant pas une volonté manifeste de fraude – comme par exemple le défaut d’information d’un seul salarié, aboutissant de facto à une méconnaissance de l’obligation de caractère obligatoire et collectif –, peut avoir pour conséquence un redressement massif. Pour apporter une solution à ce problème, le rapport formule deux propositions alternatives, par ordre de préférence, présentées dans l’encadré suivant.
Propositions du rapport de MM. Bernard Gérard et Marc Goua
Proposition n° 1 : Si l’erreur est commise de bonne foi ou qu’elle résulte de l’application stricte d’un accord de branche, et qu’elle ne porte pas sur plus de 5 % du montant des exonérations accordées par ce dispositif, l’URSSAF n’opère pas un redressement mais adresse une liste de recommandations au cotisant l’incitant à se mettre en conformité dans un délai restreint. Au-delà du délai imparti, le redressement est opéré.
Proposition n° 2 : Lorsque l’erreur est commise de bonne foi ou qu’elle résulte de l’application stricte d’un accord de branche, la sanction s’applique à une assiette égale au maximum à 50 % des contributions versées l’année civile précédant l’envoi de la mise en demeure ainsi que celles exigibles au cours de l’année de son envoi.
Source : rapport de MM. Bernard Gérard et Marc Goua, précité, page 10.
● Le Gouvernement partage l’esprit des conclusions de ce rapport, constatant que l’assujettissement au premier euro de l’intégralité des contributions des entreprises participe d’une logique « très différente de celle généralement suivie par les URSSAF puisque, dans le cas général, les redressements réalisés par les URSSAF portent uniquement sur un champ circonscrit aux rémunérations concernées par la mauvaise application du droit » (étude d’impact). Selon la même source, « en conséquence, les règles sociales actuelles peuvent conduire à générer des redressements pour des montants importants, alors que le motif de redressement peut parfois être fondé sur une simple négligence (par exemple, une absence de justificatifs annuels permettant de fonder la dispense d’adhésion […]) ». Pour autant, la réforme proposée par cet article s’écarte des propositions du rapport précité, « notamment parce qu’elles seraient conditionnées à un critère de bonne foi qui peut paraître en pratique insuffisamment précis pour sécuriser les entreprises et garantir l’application équitable du dispositif ».
Avec cet article, le Gouvernement choisit d’ouvrir sous plusieurs conditions une possibilité de modulation des redressements, pour l’ensemble des versements aux régimes de protection sociale complémentaire ; « en pratique, le redressement des sommes calculées serait opéré sur une assiette correspondant à la situation des seuls salariés dont la couverture ne respecte pas les critères liés au caractère collectif et obligatoire, ou pour lesquels l’employeur n’est pas en mesure d’apporter les justificatifs demandés ».
II. LE DROIT PROPOSÉ
Le I de cet article, dont les dispositions entreront en vigueur pour les contrôles engagés à compter du 1er janvier 2016 (II), complète par un nouvel article L. 133-4-8 la section 3 du chapitre III du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale.
● Le I de ce nouvel article commence par rappeler le principe actuellement applicable : les redressements opérés dans le cadre d’un contrôle portant sur le respect du caractère obligatoire et collectif d’un système de garanties de protection sociale complémentaire (74) porte sur « le montant global des cotisations dues sur les contributions que les employeurs ont versées pour le financement ».
● Son II organise l’exception à ce principe, en prévoyant les cas dans lesquels l’agent chargé du contrôle « réduit » le redressement, « à hauteur d’un montant calculé sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif ».
Interrogé par le rapporteur sur les cas de versements excédentaires pouvant donner lieu à redressement, le Gouvernement a indiqué qu’ « un redressement peut être opéré sur des contributions excédentaires des employeurs qui traduisent un financement différencié au profit de certains salariés, sans que cette modalité soit justifiée par une différence de situation ou par la constitution d’une catégorie objective de salariés. Les sommes excédentaires ainsi versées sont celles constituant l’assiette proportionnelle. À titre d’exemple, un employeur qui aura couvert ses salariés non-cadres et les cadres touchant les rémunérations les moins élevées pourra se voir notifier un redressement sur la base du différentiel entre l’ensemble des contributions versées par l’employeur et celles versées aux non-cadres ».
Pour reprendre l’exemple cité supra, le redressement ne se ferait plus sur une base de 115 200 euros à laquelle appliquer le taux de cotisations sociales (réduit de celui du forfait social), mais il s’élèverait à 4 800 euros (cf. développements infra).
Le montant du redressement varie pour une même base, selon la nature du manquement :
– lorsque le manquement consiste en l’absence de production de tout justificatif permettant d’établir le caractère obligatoire et collectif du régime (notamment une demande de dispense, cf. supra), le redressement est égal à 1,5 fois les sommes faisant défaut ;
– lorsque le manquement résulte d’une autre cause (non précisée) et qu’il « ne révèle pas une méconnaissance d’une particulière gravité des règles prises en application du sixième alinéa de l’article L. 242-1 », le redressement est égal à 3 fois ces sommes.
L’article en question n’appelant pas expressis verbis de « règles », cette formulation renvoie nécessairement – puisque c’est l’objet de la mesure proposée ici – aux critères permettant de qualifier d’obligatoire et collectif un régime de protection sociale complémentaire.
La notion de « méconnaissance d’une particulière gravité » de ces règles n’est pas définie par le texte. L’étude d’impact apporte cependant quelques précisions : pour être d’une particulière gravité, la méconnaissance des textes réglementaires, tels qu’explicités par les circulaires ministérielles, doit être « claire et directe ». Il pourrait par exemple en être ainsi « d’un régime de retraite ne couvrant que les salariés dont les rémunérations sont supérieures à 8 fois la valeur du plafond de la sécurité sociale, cas explicitement exclu par l’article R. 242-1-1 [du code de la sécurité sociale] et la circulaire précitée [du 25 septembre 2013] ».
Le manquement ne relevant pas d’une particulière gravité, mais n’étant pas pour autant un simple défaut de production de justificatif – donc le manquement à l’origine d’un redressement égal à 3 fois les sommes faisant défaut – n’est pas d’une définition évidente. En réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement a indiqué qu’ « un manquement qui pourrait ne pas relever d’une particulière gravité pourrait porter sur l’appréciation du caractère justifié ou non de la différenciation faite en application du critère de catégorie de salariés issue des classifications professionnelles au regard des garanties en cause. Cette appréciation relève nécessairement du cas par cas (était-il justifié par exemple de moduler des garanties d’invalidité en fonction de l’appartenance ou non à telle ou telle catégorie de personnel, au regard des garanties invalidité en cause ?), et donc pas d’un manquement manifeste à la réglementation en vigueur qui révèlerait une gravité particulière de l’absence de conformité ».
C’est à l’employeur qu’il appartient de reconstituer, « de manière probante » les sommes faisant défaut, et servant donc de base au redressement réduit. Aucune précision n’est apportée dans le texte sur les voies et moyens de rendre probante la reconstitution des sommes en question. L’étude d’impact indique cependant à plusieurs reprises qu’il doit exister un accord entre l’employeur et l’agent de contrôle sur les sommes en question.
En tout état de cause – et bien logiquement –, le redressement ne peut être supérieur à celui qui résulterait de l’assujettissement au premier euro de l’ensemble des contributions de l’employeur.
Sur la base de l’exemple précédemment cité, l’étude d’impact fournit une illustration claire d’un redressement opéré selon le droit proposé.
Exemple de redressement en application du droit proposé
Le redressement proportionné tel que proposé consiste à calculer le montant de redressement à partir des sommes correspondant au financement patronal nécessaire à la couverture des 4 salariés qui ne sont pas couverts et dont l’absence fait obstacle au respect des critères relatifs au caractère collectif et obligatoire du système de garanties (soit une couverture financée par l’employeur à hauteur de 4 800 euros pour les [4] salariés), ce qui correspond à un redressement d’un montant de 7 200 euros (4 800 euros X 1,5), lorsqu’il s’agit d’une erreur de production de justificatifs soit 10 % du montant de redressement tel qu’il est calculé aujourd’hui, ou d’un montant de 14 400 euros dans le cas d’une erreur de fond, soit 21 % du montant de redressement tel qu’il est calculé aujourd’hui.
Source : étude d’impact.
● Le III de nouvel article L. 133-4-8 exclut explicitement certaines causes de redressement de l’application du mécanisme de réduction proposé :
– octroi d’un avantage personnel ;
– mesure discriminatoire, au sens de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptations au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (75) ;
– irrégularité ayant déjà fait l’objet d’une observation lors d’un précédent contrôle, au cours des cinq années précédentes ;
– constat, au cours de la même période, d’une situation de travail dissimulé (76) ;
– constat, au cours de la même période, d’une situation d’obstacle à contrôle (77) ;
– constat, au cours de la même période, d’une situation d’abus de droit (78).
● Le IV du nouvel article prévoit que, par dérogation à l’article L. 243-1, les employeurs ne peuvent demander aux salariés le remboursement des cotisations salariales dues sur ces contributions.
● L’étude d’impact évalue la réduction à venir des redressements à environ 10 % du montant total des redressements opérés pour méconnaissance du caractère obligatoire et collectif des régimes (45 millions d’euros). L’application du taux de 10 % est arrondie à 5 millions d’euros, soit la perte de recettes anticipée à compter de 2017. Mais pour 2016, cette perte serait de seulement 2,5 millions d’euros, ce que le Gouvernement explique par l’ « effet progressif lié à la montée en charge du dispositif ».
*
La Commission se saisit d’abord de l’amendement AS355 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement est, ainsi que les suivants, issu des propositions que Marc Goua et moi-même avons formulées dans notre rapport au Gouvernement, rapport qui cherche à établir un nouveau mode de relations entre l’URSSAF et les entreprises.
Le redressement infligé par l’URSSAF doit absolument être proportionnel à l’importance de la faute – parfois commise, d’ailleurs, en toute bonne foi – car les conséquences d’un redressement peuvent en effet être dramatiques.
Ce premier amendement est rédactionnel. Il s’agit de marquer que le recouvrement n’est pas effectué par un tiers, par un agent, par exemple, d’une société extérieure.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Je commence par remercier et féliciter MM. Gérard et Goua, puisque leur travail est à l’origine de l’article 11 que nous discutons, et qui impose une proportionnalité entre l’erreur, ou la faute, et l’importance du redressement.
Malheureusement, la notion d’agents de contrôle est plus large que celle d’inspecteur du recouvrement par laquelle vous proposez de la remplacer. Sur ce sujet rédactionnel de moindre importance, je vous demanderais de bien vouloir retirer votre amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS357 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Les termes utilisés par l’article de « méconnaissance d’une particulière gravité » sont très vagues. On peut toujours avoir tort, mais il faut savoir pourquoi on est condamné ! Il nous paraît donc nécessaire de prévoir un formalisme particulier et d’expliquer au cotisant ce qui lui est reproché.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement alourdit par trop la procédure administrative, notamment en prévoyant une contresignature systématique par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Mais c’est un détail.
En l’état du droit, une simple erreur a pour effet de soumettre l’intégralité des versements de l’employeur aux prélèvements sociaux, alors qu’ils en sont en principe exonérés. L’article 11 prévoit de proportionner le redressement aux seules sommes faisant défaut. C’est son grand mérite.
Si l’erreur est purement administrative – s’il s’agit, par exemple, d’un oubli de déclaration –, le redressement est égal à une fois et demie les sommes manquantes.
Si le manquement est d’une autre nature, sans être constitutif d’une méconnaissance d’une particulière gravité, le redressement est égal à trois fois les sommes manquantes.
Vous souhaitez que dans ce dernier cas, la nature du manquement soit précisée par courrier à l’employeur redressé. Je vous rejoins sur l’esprit de cet amendement, mais il présente des problèmes de rédaction. Je vous propose de retirer cet amendement, afin que nous en déposions ensemble une nouvelle version en séance.
L’amendement est retiré.
La Commission se saisit alors de l’amendement AS360.
M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à corriger une erreur juridique. La prescription doit courir à partir de l’avertissement ou de la mise en demeure, et non à partir du début du contrôle.
M. Gérard Bapt, rapporteur. De fait, les règles contentieuses usuelles du code de la sécurité sociale se réfèrent le plus souvent à la date de l’avertissement ou de la mise en demeure, et non à celle du début de contrôle.
Mais en pratique, il s’agit de la même année, puisqu’un contrôle ouvert au cours d’une année doit en principe être clos au cours de la même année. Si c’est bien le cas, votre amendement est satisfait. Je vous propose de retirer cet amendement, afin que nous effectuions les vérifications nécessaires et que nous déposions éventuellement un amendement en séance publique.
L’amendement est retiré.
La Commission se saisit alors de l’amendement AS358.
M. Bernard Gérard. Encore une fois, il convient d’expliquer au cotisant les mesures prises à son encontre, en l’occurrence la raison pour laquelle il entre dans l’un des cas d’exception au principe de proportionnalité. Il est intolérable que quelqu’un qui va être sanctionné ne sache pas ce qu’on lui reproche ! Je demande donc un courrier circonstancié.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces précisions sont d’ordre réglementaire. En tout état de cause, un agent de contrôle doit toujours motiver ses décisions, sans quoi elles tomberaient au contentieux. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte l’article 11 sans modification.
La Commission se saisit, en discussion commune, des amendements AS15 de M. Dominique Tian et AS351 de M. Bernard Gérard.
M. Dominique Tian. Je me réjouis de ce que M. Bapt a reconnu l’excellence du rapport parlementaire de nos deux collègues, et je laisse à M. Gérard le soin d’expliquer ces amendements, qui sont similaires.
M. Bernard Gérard. Merci, mon cher collègue.
Cet amendement vise à améliorer le processus de décision des commissions de recours amiable. Il paraît indispensable que le cotisant puisse présenter des observations, et s’exprimer s’il le souhaite. La commission Fouquet avait d’ailleurs formulé des propositions en ce sens, « l’explication orale éclairant les productions écrites lorsque les problèmes sont complexes ». C’est le but de cet amendement, qui permettrait de supprimer tout un contentieux parasite qui engorge les tribunaux des affaires de sécurité sociale. Aujourd’hui, on peut parfois attendre une décision pendant des années ! À Lille, le greffe ne suit pas, l’audiencement ne fonctionne plus.
Cet amendement va donc dans le sens d’une simplification et d’une amélioration considérable des relations entre l’URSSAF et l’entreprise.
Mme la présidente Lemorton. J’appelle votre attention sur le fait que ces amendements sont similaires, mais pas identiques.
M. Dominique Tian. Je retire le mien pour me rallier à celui de M. Gérard.
L’amendement AS15 est retiré.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS351.
La Commission examine l’amendement AS354 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement, qui reprend la proposition n° 43 de notre rapport, vise à améliorer la procédure d’annulation d’une décision de la commission de recours amiable par l’autorité de tutelle, et ce pour la bonne information du cotisant. En cas d’annulation, en effet, le cotisant n’est informé que du rejet du recours, et non des raisons qui l’ont motivé. Or, la charte sur le fonctionnement des recours amiables, adoptée par l’ensemble des membres du conseil d’administration de l’ACOSS et validée par la tutelle, prévoit que toute décision d’annulation doit être motivée. Pourtant, une lettre collective interne diffusée aux directeurs d’URSSAF précise qu’il ne faut en aucun cas faire mention des motifs de l’annulation. Ce n’est ni acceptable en droit ni conforme au principe du contradictoire. Pour respecter le cotisant en situation de redressement, il convient de l’informer des raisons ayant motivé la décision le concernant.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement présente l’inconvénient majeur de rompre l’unicité de la décision administrative. En effet, les délibérations de la commission de recours amiable n’ont d’existence que lorsqu’elles sont validées ou annulées par la mission nationale de contrôle. Elles ne peuvent donc pas être communiquées. Le requérant a naturellement la possibilité de déposer un recours pour faire invalider une décision qu’il estime défavorable, mais il ne faut pas mettre la commission de recours amiable en opposition avec une administration dont elle fait partie intégrante.
M. Bernard Accoyer. À quoi servent donc les rapports parlementaires ? M. le rapporteur n’a retenu aucune des propositions issues du rapport de MM. Gérard et Goua qui lui ont été présentées. Leur travail n’a-t-il été qu’une perte de temps ?
Mme la présidente. Tous les parlementaires auteurs de rapports ont connu la frustration, hélas…
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS345 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à ce que soit désigné au sein de chaque union de recouvrement un interlocuteur unique chargé de conseiller les entreprises et de faciliter leurs démarches sociales. Les plateformes téléphoniques, en effet, ne permettent pas toujours aux entreprises d’obtenir les renseignements adéquats, car leur dossier n’est pas forcément connu de l’interlocuteur qu’ils ont au bout du fil. La proposition n° 16 de notre rapport visait précisément à améliorer les rapports entre les URSSAF et les cotisants ; l’existence d’un interlocuteur unique y contribuerait.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. J’ai salué la qualité du rapport de MM. Gérard et Goua, qui est largement repris dans l’article 11. Il en est aussi résulté un certain nombre d’amendements cosignés par les auteurs dudit rapport : certains sont d’ordre réglementaire, d’autres ont été déclarés irrecevables, d’autres enfin partent d’une intention louable – c’est le cas de l’amendement AS345.
En effet, l’existence d’un interlocuteur unique pourrait sembler susceptible de faciliter les relations entre l’administration et les cotisants. Cela étant, il pose un problème de gestion, car l’interlocuteur en question ne pourra pas toujours être la même personne, notamment en période de congé et de maladie. D’autre part, il alourdirait la charge qui pèse sur les URSSAF – surtout de taille modeste – en les obligeant à augmenter leur effectif. Enfin, les liens entre une entreprise et un interlocuteur unique au sein de l’administration pourraient, s’ils devenaient privilégiés, évoluer de telle sorte qu’ils nuisent à l’objectivité de leur dialogue. Mieux vaut préférer l’existence d’un dossier unique par entreprise auquel les agents contactés puissent accéder aisément.
La Commission rejette l’amendement.
Elle passe à l’amendement AS346 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement, qui reprend la proposition n° 28 de notre rapport, vise à renforcer la sécurité juridique des cotisants. Lorsque les entreprises en font la demande explicite, les URSSAF doivent leur fournir une réponse précise, complète et argumentée ; or, ce n’est pas toujours le cas, loin s’en faut. Les réponses étant parfois lapidaires, les entreprises ne savent pas ce qu’elles ont à faire.
C’est la raison pour laquelle notre rapport préconise l’ouverture du rescrit non seulement au déclarant, mais aussi au tiers déclarant et aux organismes professionnels. Nul n’est censé ignorer la loi, nous dit-on : rien n’est plus faux. En réalité, il est de plus en plus difficile de s’y retrouver et les conséquences d’un redressement sont très lourdes. Les entreprises doivent donc à tout le moins obtenir une réponse précise sur leur cas.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette intention positive sera concrétisée par l’ordonnance qui sera publiée en application de la loi relative à la simplification des entreprises. Elle prévoira en effet que les réponses apportées à des questions précises le soient sous forme de rescrit social, même si les questions n’auront pas été posées sous cette forme. Le rescrit a pour effet d’engager le réseau de recouvrement dans son ensemble à apporter une réponse identique aux mêmes cas de figure. De ce fait, il est plus efficace encore qu’une réponse individuelle, aussi circonstanciée soit-elle. L’objectif de l’amendement étant non seulement atteint mais élargi, j’en propose donc le retrait.
M. Bernard Gérard. Je le maintiens.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS344 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. En cas de contrôle, certaines décisions sont explicites et d’autres implicites. Lorsqu’un inspecteur ne fait aucune observation sur tel ou tel sujet, il est anormal que l’un de ses collègues estime quelques années plus tard qu’il y a pourtant matière à recours – avec toutes les conséquences dramatiques qui en découlent pour l’entreprise. La jurisprudence de la Cour de cassation ne permet pas de tenir compte des décisions dites implicites. C’est pour remédier à cette anomalie que je propose d’en faire mention à l’article L. 243-6-4 du code de la sécurité sociale.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Le code de la sécurité sociale permet à un cotisant ayant changé d’organisme de recouvrement de se prévaloir d’une décision explicite rendue en sa faveur par son précédent organisme de rattachement. L’amendement vise à étendre cette possibilité aux décisions implicites, mais comment se prévaloir d’une décision qui, par définition, n’a pas été formulée par écrit ? Cela reviendrait à permettre aux cotisants de se prévaloir devant une URSSAF de ce qu’un autre organisme aura toléré sans le préciser de manière explicite. Dès lors, l’amendement aurait un effet inverse à son objectif : les organismes de recouvrement auraient tendance à adopter des positions plus sévères à l’égard des entreprises pour éviter, dans le doute, la validation implicite de certaines pratiques. Il serait plus logique que ces positions soient exprimées de manière explicite. Je propose donc de rejeter cet amendement qui risque de nuire à l’intérêt des entreprises concernées.
M. Bernard Gérard. C’est précisément l’inverse ! C’est à la fois une cause d’insécurité juridique et un facteur d’injustice que d’exiger d’une entreprise qu’elle s’acquitte d’une amende alors que lors d’un contrôle effectué plusieurs années auparavant, rien ne lui a été demandé concernant telle ou telle cotisation. Les URSSAF sont destinées à percevoir des cotisations, et non des pénalités ! Or, avec une telle mesure, les entreprises seront tenues de payer des pénalités pour des fautes qu’en toute bonne foi, elles n’ont jamais voulu commettre ! Ce serait faire œuvre utile que d’inclure les décisions implicites dans le texte.
La Commission rejette l’amendement.
Elle se saisit ensuite de l’amendement AS350 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à améliorer le fonctionnement de la commission de recours amiable. L’amélioration consistant à suspendre les majorations de retard en cas de saisine de cette commission par le cotisant va de soi. Il serait tout à fait anormal que l’organisme de recouvrement puisse profiter de ses propres délais. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude : il n’y a aucune raison pour que les URSSAF perçoivent des pénalités parce qu’elles tardent à décider du montant d’une majoration. C’est une question de justice.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Avec cet amendement, les commissions de recours amiable risqueraient l’embolie et ploieraient sous la charge, car les cotisants les saisiraient systématiquement afin de suspendre le cours des majorations. De surcroît, les majorations, qui peuvent être remises une fois les cotisations acquittées, ont précisément pour objet d’éviter les retards de paiement ; le mécanisme proposé, au contraire, les favoriserait. Enfin, il est toujours possible de demander au juge l’interruption du cours des majorations. Il n’est pas souhaitable de transférer ce pouvoir aux commissions de recours amiable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS347 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à donner une base légale à l’avis amiable.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement permet de substituer un avis amiable à un avertissement ou à une mise en demeure. À la différence de la mise en demeure, néanmoins, l’avis amiable ne sécurise pas les créances : c’est comme si aucune procédure de recouvrement n’avait été enclenchée. En effet, seule une mise en demeure permet d’interrompre le délai de prescription. Une procédure similaire existe déjà pour les recouvrements d’un montant inférieur à 76 euros. En l’espèce, les montants visés sont bien supérieurs, puisqu’il s’agit du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit plus de 3 000 euros – de ce point de vue, je m’interroge même sur la recevabilité financière de cette proposition.
La Commission rejette l’amendement.
Article additionnel après l’article 11
(art. L. 244-2 du code de la sécurité sociale)
Motivation de l’avertissement ou de la mise en demeure en cas poursuite pour méconnaissance de la législation de sécurité sociale
La Commission passe à l’amendement AS349 de M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à clarifier le contenu de la mise en demeure, de sorte qu’il soit précis et motivé.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Lors d’un précédent amendement, j’ai convenu de la nécessité que les cotisants soient informés de manière précise de la motivation des décisions qui les concernent. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.
Article 12
(art. L. 133-6-2, L. 611-20 et L. 652-3 du code de la sécurité sociale)
Délégation aux URSSAF du recouvrement
des cotisations d’assurance maladie des professions libérales
Cet article confie aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) le recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales, jusqu’alors délégué par le Régime social des indépendants (RSI) à des « organismes conventionnés » (assurances et mutuelles), moyennant rétribution. Outre la simplification administrative qu’il apporte aux cotisants – en réduisant le nombre de leurs interlocuteurs –, cet article permet donc une économie de gestion au RSI, à hauteur de 16 millions d’euros par an (79). Compte tenu de la nécessité d’aménager une transition qui ne sera pas sans effet pour les organismes conventionnés, l’entrée en vigueur est différée, à une date comprise entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018.
I. LE DROIT EXISTANT
● L’essentiel des membres des professions libérales (80) font face à une pluralité d’interlocuteurs pour la déclaration et le recouvrement de leurs cotisations de sécurité sociale :
– les URSSAF pour la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, les cotisations d’assurance famille et la contribution à la formation professionnelle (81) ;
– le RSI pour les cotisations d’assurance maladie et maternité ;
– la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ou, s’agissant des avocats, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), pour les cotisations d’assurance vieillesse (de base et complémentaire obligatoire), invalidité et décès.
À ce paysage institutionnel touffu s’ajoute le fait qu’en application de l’article L. 611-20 du code de la sécurité sociale, la Caisse nationale du RSI délègue à des assurances et mutuelles, communément appelés organismes conventionnés, l’encaissement et le contentieux des cotisations d’assurance maladie des professions libérales (82).
Selon l’étude d’impact, 20 organismes sont conventionnés au total ; ils sont organisés en délégations régionales, au nombre de 98 pour le réseau mutualiste AROCMUT (Association de représentation des organismes conventionnés mutualistes) et de 30 pour le réseau assurantiel ROCA (Réseau des organismes conventionnés assureurs). Au sein de ces réseaux, 4 organismes assurent le recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales.
● Cet état du droit se caractérise par deux inconvénients majeurs :
– il est facteur de complexité pour les professions libérales, qui doivent faire face à une multitude d’interlocuteurs et d’échéanciers. Comme l’indique l’étude d’impact, il « oblige par ailleurs les intéressés à multiplier leurs démarches chaque fois qu’ils doivent solliciter un renseignement, une attestation ou une modulation de leurs cotisations, obtenir un remboursement en cas de baisse de revenus, demander des mesures d’étalement des paiements, etc. » ;
– il génère un surcoût pour le RSI, puisque la gestion déléguée lui est facturée par les organismes conventionnés, à hauteur de 16 millions d’euros par an (83). Ces « remises de gestion » versées aux organismes conventionnés le sont, pour reprendre les termes employés dans l’étude d’impact, « sans plus-value en termes de qualité de service pour le cotisant ».
II. LE DROIT PROPOSÉ
A. ÉCONOMIE GÉNÉRALE DU DISPOSITIF
● Cet article entend simplifier la situation actuelle, en supprimant l’intervention des organismes conventionnés dans le processus de déclaration et de recouvrement des cotisations d’assurance maladie et maternité des professions libérales. Le RSI déléguerait à l’avenir ces missions aux URSSAF, ce qui réduirait le nombre d’interlocuteurs pour les cotisants (CNAVPL ou CNBF pour la vieillesse au sens large, URSSAF pour les autres risques). La simplification ainsi acquise pourrait être poursuivie, selon l’étude d’impact, par le lancement de travaux tendant à « harmoniser à moyen terme les dates d’envoi des échéanciers de cotisations et les modalités de calcul, d’appel provisionnel, de régularisation et de recouvrement des cotisations entre risques ».
● Cette simplification s’accompagnerait d’un gain financier de 16 millions d’euros par an, du fait de la suppression des remises de gestion aux organismes conventionnés. L’étude d’impact indique en effet que « les URSSAF pourront absorber à coût constant cette mission, de manière simple pour les assurés : les [professions libérales] possédant déjà un compte en URSSAF, l’ensemble des processus de recouvrement en URSSAF existent, seul le champ des cotisations recouvrées serait étendu ».
● En revanche, la mesure proposée par le Gouvernement n’est pas neutre pour les organismes conventionnés. L’étude d’impact indique ainsi que 160 équivalents-temps plein (ETP) participent, en tout ou partie, aux opérations de recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales.
Le sort de ces ETP pourrait être réglé de deux façons :
– ceux qui ne se consacrent que partiellement à ces tâches au sein des organismes conventionnés « pourront donc se concentrer sur les autres activités qu’ils effectuent » ;
– ceux qui s’y consacrent exclusivement pourront, s’ils ne retrouvent pas d’autre emploi au sein de l’organisme conventionné, et s’ils le souhaitent, « poursuivre l’exercice d’une activité de gestion des cotisations des travailleurs indépendants au sein de l’URSSAF la plus rapprochée de leur lieu actuel de travail ». Aucune précision n’est apportée sur les conséquences financières et statutaires de cette option (84).
● Compte tenu des implications de la réforme proposée, il apparaît nécessaire de ménager un délai de transition suffisant. C’est pourquoi l’entrée en vigueur est prévue entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018. Cela devrait laisser aux acteurs un temps suffisant pour organiser le transfert de délégation, des assurances et mutuelles vers les URSSAF. L’étude d’impact indique que « la mesure doit être cependant définie dès le 1er janvier 2016 du fait des négociations qui vont s’ouvrir en 2016 » dans le cadre des outils de gestion conventionnelle, entre l’État et le RSI d’une part (convention d’objectifs et de gestion), et entre le RSI et les organismes conventionnés d’autre part (conventions nationales d’objectifs et de moyens RSI-AROCMUT et RSI-ROCA).
B. DÉTAIL DU DISPOSITIF JURIDIQUE
● Le I de l’article L. 133-6-2 du code de la sécurité sociale permet au RSI de déléguer par convention tout ou partie de la collecte et du traitement des déclarations de ses membres, obligatoires pour le calcul de leurs cotisations et contributions sociales :
– aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4, c’est-à-dire, respectivement :
o les URSSAF, chargées du recouvrement pour le compte du régime général ;
o les caisses générales de sécurité sociale (CGSS), chargées du recouvrement dans les départements d’outre-mer ;
– s’agissant des cotisations d’assurance maladie et d’assurance maternité des seuls travailleurs indépendants relevant du c du 1° de l’article L. 613-1 (c’est-à-dire les professions libérales), aux organismes de recouvrement mentionnés à l’article L. 611-20 (c’est-à-dire les organismes conventionnés).
Le 1° du I du présent article ôte au RSI la possibilité de déléguer à des sociétés d’assurance ou à des mutuelles la collecte et le traitement des déclarations des professions libérales en matière d’assurance maladie et maternité.
● Le II de l’article L. 133-6-2 prévoit que les URSSAF et les CGSS transmettent à la CNAVPL (85) les données lui permettant de servir les prestations qui lui incombent (c’est-à-dire les retraites) (86). S’agissant des données relatives à l’assurance maladie et maternité des professions libérales, les URSSAF et les CGSS les transmettent aux caisses nationale et de base du RSI (87).
Le 2° du I de cet article procède à une rédaction globale du II de l’article L. 133-6-2, en application de laquelle le RSI – ou par délégation les URSSAF et le CGSS – transmettent :
– les données relatives à l’assurance vieillesse des professions libérales à la CNAVPL (comme en l’état du droit, donc) ;
– à la CNBF (88), chargée de la gestion des risques vieillesse, invalidité et décès des avocats, les données relatives à ses ressources (89), en particulier les cotisations de ses membres.
Il n’est en revanche plus prévu que les URSSAF et les CGSS transmettent au RSI les données relatives à l’assurance maladie et maternité des professions libérales, puisqu’elles seront à l’avenir les seules à intervenir dans le processus de recouvrement.
● Le II de cet article constitue le cœur de la réforme ; compte tenu de l’ordre du texte, qui suit celui du code, il apparaît pourtant presque comme une coordination avec le 1° du I. Il modifie l’article L. 611-20 du code de la sécurité sociale, en application duquel la Caisse nationale du RSI délègue aux assurances et mutuelles l’encaissement et le contentieux des cotisations d’assurance maladie des professions libérales.
Il confie en revanche au RSI le soin de déléguer ces compétences aux URSSAF et aux CGSS, dans les conditions de droit commun dans lesquelles elles procèdent au recouvrement des cotisations et contributions sociales ; il faut bien remarquer qu’il ne s’agit pas d’une faculté pour le RSI, mais d’une obligation. Le champ de la délégation, circonscrit pour les assurances et mutuelles à l’encaissement et au contentieux, serait élargi, pour les URSSAF et les CGSS, au calcul et au recouvrement amiable.
● Le III de cet article procède à une mesure de coordination à l’article L. 652-3 du code de la sécurité sociale, relatif à la procédure d’opposition à tiers détenteur pour le recouvrement des cotisations d’assurance maladie, maternité et vieillesse des indépendants. Il y est notamment question des conditions dans lesquelles les caisses de RSI et les organismes conventionnés peuvent recouvrer, par cette méthode, les cotisations d’assurance maladie. Ces organismes conventionnés ne pouvant plus désormais être délégataires de cette mission pour le compte du RSI, il convient d’en supprimer la mention à l’article L. 652-3, et d’y ajouter en revanche une référence aux URSSAF et aux CGSS, qui, elles, assureront à l’avenir cette mission par délégation du RSI.
● Le IV prévoit une possibilité d’indemnisation des organismes conventionnés, s’ils subissent du fait des modifications apportées par cet article un préjudice anormal et spécial (90). Les conditions et le montant de l’indemnité devront alors être fixés par décret, après « constat établi à la suite d’une procédure contradictoire ».
Aucune précision n’est apportée sur le coût potentiel de cette indemnisation.
● Le V prévoit les modalités d’entrée en vigueur du nouveau dispositif prévu par cet article, à la fois différées et glissantes. En effet, la date d’entrée en vigueur devra être fixée par décret, pour les cotisations dues à compter d’une date comprise entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018.
*
La Commission adopte l’article 12 sans modification.
Article 13
(art. L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22-1 du code rural et de la pêche)
Renforcement des options de lissage des revenus professionnels des non-salariés agricoles soumis à cotisations sociales
Cet article vise à adapter les options permettant aux non-salariés agricoles de lisser leurs revenus professionnels soumis à cotisations et contributions sociales. Trois mesures sont prévues :
– tenir compte, pour le calcul des cotisations sociales de l’exercice, de l’option fiscale d’étalement des revenus exceptionnels ouvertes aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole (1) ;
– permettre au conjoint repreneur, dans le cas d’un transfert entre époux suite au décès du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, d’opter pour l’application de l’assiette forfaitaire applicable à un nouvel installé pour le calcul des cotisations et contributions sociales (2) ;
– augmenter le plafond d’à-valoir des cotisations et contributions sociales (3).
Deux de ces mesures font suite à de préconisations issues de travaux parlementaires. Dans son rapport sur la fiscalité agricole (91), le député François André, rapporteur pour information de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, a mis en lumière le caractère de plus en plus variable des revenus agricoles. Il a notamment préconisé d’élargir les mesures d’étalement des revenus exceptionnels pour les cotisations sociales ainsi que d’augmenter le plafond d’à-valoir des cotisations et contributions sociales. Il s’agit de mesures d’étalement, très peu voire non coûteuses pour les finances publiques.
Extraits du rapport pour information de M. François André sur la fiscalité agricole
Le rapporteur a souligné que la fiscalité était en partie inadaptée à la variabilité des revenus agricoles. Il a ainsi relevé que « les principes de progressivité et d’annualité de l’impôt sur le revenu pénalisent l’activité agricole, soumise par nature à une variabilité importante de son résultat. Il ne serait pas juste que, sous prétexte qu’ils exercent dans un secteur d’activité où le revenu est cyclique, les agriculteurs paient un taux moyen d’imposition plus élevé que ceux qui perçoivent des revenus stables.
Les mécanismes de lissage et d’étalement ne sont donc pas des avantages fiscaux octroyés aux agriculteurs mais des correctifs nécessaires pour rétablir une équité fiscale entre cette catégorie socioprofessionnelle et les autres. Outre le système du quotient de droit commun, les agriculteurs soumis au réel disposent de deux possibilités pour atténuer la variabilité de leur résultat imposable : l’étalement du revenu exceptionnel (article 75-0 A du CGI) et la moyenne triennale (article 75-0 B du CGI). »
La mission d’information a donc recommandé, entre autres mesures « le maintien de ces dispositifs, avec quelques aménagements à la marge pour introduire davantage de souplesse dans leur utilisation ».
L’application de l’option de lissage fiscal à l’assiette sociale ainsi que l’augmentation de l’à-valoir sont à « assiette fiscale constante ». Autrement dit, elles ne réduiront en rien la base taxable de l’exploitant agricole. « Tout au plus permettraient-elles à cet exploitant de mieux lisser son revenu fiscal, et donc de bénéficier d’un taux moyen d’imposition qui se rapprocherait de celui d’un autre contribuable qui – placé dans la même situation – aurait perçu un revenu identique, mais stable, sur la durée du cycle ».
I. TENIR COMPTE DE L’OPTION FISCALE D’ÉTALEMENT DES REVENUS EXCEPTIONNELS DES CHEFS D’EXPLOITATION OU D’ENTREPRISE AGRICOLE POUR LE CALCUL DES COTISATIONS SOCIALES
A. L’OPTION FISCALE D’ÉTALEMENT : UN DISPOSITIF ADAPTÉ À LA FLUCTUATION DES REVENUS AGRICOLES
Lorsqu’un exploitant agricole est soumis à un régime réel d’imposition, il peut étaler une hausse subite de son résultat sur sept exercices, par fractions égales.
Le revenu fiscal exceptionnel éligible est précisément défini à l’article 75-0 A du code général des impôts. Il peut s’agir du montant correspondant à la différence entre les indemnités perçues en cas d’abattage des troupeaux pour raisons sanitaires et la valeur en stock (ou en compte d’achats) des animaux abattus. Il peut aussi s’agir d’une fraction du bénéfice, qui dépasse 25 000 euros ou une fois et demie la moyenne des résultats des trois exercices précédents. Cela peut également correspondre à l’intégration dans le bénéfice d’une indemnité versée au titre d’un sinistre. Sont enfin concernés certains versements très spécifiques perçus au titre de la politique agricole commune.
L’étalement peut porter sur les six années suivant l’année de perception du revenu exceptionnel.
Extraits de l’article 75-0 A du code général des impôts
1. Le revenu exceptionnel d’un exploitant agricole soumis à un régime réel d’imposition peut, sur option, être rattaché, par fractions égales, aux résultats de l’exercice de sa réalisation et des six exercices suivants.
(…)
2. Pour l’application du 1, le revenu exceptionnel s’entend :
a. Soit, lorsque les conditions d’exploitation pendant l’exercice de réalisation du bénéfice sont comparables à celles des trois exercices précédents et que l’exploitant réalise un bénéfice supérieur à 25 000 euros et excédant une fois et demie la moyenne des résultats des trois exercices précédents, de la fraction de ce bénéfice qui dépasse 25 000 euros ou cette moyenne si elle est supérieure. Pour l’appréciation des bénéfices de l’exercice considéré et des trois exercices antérieurs, les déficits sont retenus pour un montant nul et il n’est pas tenu compte des bénéfices soumis à un taux proportionnel ainsi que des reports déficitaires ;
b. Soit du montant correspondant à la différence entre les indemnités prévues par l’article L. 221-2 du code rural et de la pêche maritime et la valeur en stock ou en compte d’achats des animaux abattus ;
c. Soit du montant des aides attribuées en 2007 au titre du régime des droits à paiement unique, créés en application du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, pour les exploitants clôturant leur exercice entre le 31 mai et le 30 novembre 2007 et ayant comptabilisé lors de cet exercice des aides accordées en 2006 à ce même titre.
(…)
Ce dispositif existe sur le plan fiscal mais seulement partiellement sur le plan social. Ainsi, sur un exercice, l’assiette des cotisations sociale prend en compte l’ensemble des revenus exceptionnels. Cependant, les revenus exceptionnels liés à l’abattage des troupeaux sont partiellement exclus de l’assiette des cotisations et contributions sociales.
En somme, ce système favorise les plus grandes exploitations qui peuvent organiser l’abattage régulier d’un nombre comparable de têtes de troupeau. L’exploitation qui connaît un abattage important une année doit exercer l’option de lissage qui ne s’applique que partiellement pour les contributions et cotisations sociales. D’où la proposition de prendre en compte ce dispositif dans la détermination de l’assiette sociale. Cela permettra un lissage complet des revenus exceptionnels sur sept ans (soit l’année du revenu exceptionnel plus les six concernées par l’étalement).
B. UNE EXTENSION AU COÛT QUASI-NUL POUR LES FINANCES PUBLIQUES
Cette mesure répond à une des préconisations du rapporteur M. François André. Elle permettra une véritable concordance du traitement fiscal et social des revenus exceptionnels.
L’étude d’impact jointe au projet de loi démontre par l’exemple le très faible coût de la mesure. Elle décrit le cas d’un chef d’exploitation avec un revenu professionnel de 20 000 euros. En 2014, il bénéficie d’un revenu exceptionnel de 15 000 euros. Ce revenu étant pris en compte dans l’assiette des cotisations de l’année 2015. Le tableau ci-après illustre le fonctionnement du dispositif social : si l’on regarde les totaux, sur les sept années concernées, les montants déclarés et les cotisations versées sont sensiblement les mêmes.
(en euros)
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Total | |
Sans étalement | ||||||||
Assiette sociale |
35 000 |
15 080 |
20 000 |
20 000 |
20 000 |
20 000 |
20 000 |
150 080 |
Avec étalement | ||||||||
Assiette sociale |
22 143 |
21 440 |
21 671 |
21 595 |
21 620 |
21 612 |
21 614 |
151 694 |
Sans étalement | ||||||||
Cotisations |
11 480 |
4 946 |
6 560 |
6 560 |
6 560 |
6 560 |
6 560 |
49 226 |
Avec étalement | ||||||||
Cotisations |
7 263 |
7 032 |
7 108 |
7 083 |
7 091 |
7 089 |
7 089 |
49 756 |
Source : étude d’impact.
La comparaison des totaux de l’assiette ou des cotisations avec ou sans option de lissage montre que l’option permet simplement aux intéressés d’étaler dans le temps les décaissements. Le seul coût potentiel pour les finances publiques est un coût de trésorerie, d’autant plus faible que le Gouvernement évoque un nombre de 200 bénéficiaires du dispositif en 2008. L’effet sur les comptes sociaux sera donc particulièrement limité. La mise en œuvre de cette disposition nécessitera un décret d’application, annoncé pour le premier trimestre 2016.
C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le I modifie les dispositions relatives au mode de calcul de l’assiette des cotisations sociales finançant la protection sociale des personnes non-salariées des professions agricoles. Pour ce faire, il modifie l’article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime. Les deux premiers alinéas de cet article décrivent les revenus pris en compte dans l’assiette sociale. Le troisième alinéa décrit les revenus dont il n’est pas tenu compte tels que les reports déficitaires, les plus-values et les moins-values professionnelles à long terme. Surtout, il n’est pas tenu compte des « modalités d’assiette résultant d’une option du contribuable ».
Or, l’objectif du Gouvernement est précisément de faire en sorte que le calcul de l’assiette sociale tienne compte des modalités de calcul de l’assiette fiscale lorsque les cotisants choisissent d’exercer l’option d’étalement fiscal.
Pour ce faire, le 1° insère une exception aux exclusions de l’assiette décrites au troisième alinéa : « à l’exception de l’option mentionnée au 1 de l’article 75-0 A du code général des impôts s’agissant des revenus exceptionnels définis au a du 2 ». Cette disposition technique aura pour effet d’inclure dans le calcul de l’assiette sociale l’option fiscale, le 1 de l’article 75-0 A du code général des impôts prévoyant que « le revenu exceptionnel d’un exploitant agricole soumis à un régime réel d’imposition peut, sur option, être rattaché, par fractions égales, aux résultats de l’exercice de sa réalisation et des six exercices suivants ». Cet aménagement tiendra totalement compte des conséquences de l’option sur l’assiette, en intégrant également les modalités d’application – et notamment de calcul – de cette option. Elles sont prévues au 2 de l’article 75-0 A (cité supra), à savoir la prise en compte :
– en a : du niveau de bénéfice exceptionnel considéré (excédant une fois et demi le bénéfice des trois dernières années et réalisant un bénéfice supérieur à 25 000 euros) ;
– en b : du montant correspondant à la différence entre l’indemnisation versée au titre de l’abattage intervenu sur ordre de l’administration et la valeur en stock ou en compte d’achats des animaux abattus ;
– en c : du montant des aides attribuées en 2007 au titre du régime des droits à paiement unique dans le cadre de la politique agricole commune pour les exploitants clôturant leur exercice entre le 31 mai et le 30 novembre 2007 et ayant comptabilisé lors de cet exercice des aides accordées en 2006 à ce titre.
À ce jour, seul le lissage des revenus exceptionnels tirés du cas visé en 2 c, il est vrai très spécifique, était pris en compte dans l’assiette sociale. Le 2° met donc en cohérence la rédaction du troisième alinéa de l’article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime en y supprimant la dernière phrase, devenue sans objet, qui prévoit que : « les contribuables qui ont exercé l’option mentionnée au c du 2 de l’article 75-0 A du code général des impôts peuvent demander à bénéficier de cette option pour la détermination des revenus mentionnés au présent article. » Le maintien de cette phrase serait en effet superfétatoire : la rédaction insérée en 1° vise l’ensemble des cas mentionnés au 2 de l’article 75-0 A du code général des impôts.
II. PERMETTRE AU CONJOINT SURVIVANT D’OPTER POUR L’APPLICATION DE L’ASSIETTE FORFAITAIRE APPLICABLE À UN NOUVEL INSTALLÉ
A. UNE MESURE DE SOLIDARITÉ PEU COÛTEUSE
Lorsque la durée d’assujettissement du non salarié agricole ne permet pas de connaître les revenus professionnels servant de base au calcul des contributions et cotisations sociales, le droit fiscal prévoit la possibilité de calculer l’assiette, à titre provisoire, à partir d’une assiette forfaitaire, sur une base triennale ou annuelle. Les assiettes correspondent aux assiettes minimales de cotisations et contributions sociales.
Conformément aux dispositions de l’article L. 731-16 du code rural et de la pêche maritime, ce cadre s’applique aux nouveaux installés. Toutefois, deux cas de figure en sont exclus : le cas de la co-exploitation entre époux et le cas du transfert entre époux. Ce transfert peut impliquer, en particulier, le transfert de la qualité de chef d’exploitation. Or, cela signifie que le conjoint repreneur poursuit la mise en valeur de l’exploitation. En conséquence, l’assiette du nouvel installé rassemble l’intégralité des revenus professionnels agricoles du foyer fiscal.
Il est ici proposé d’ouvrir la possibilité au conjoint repreneur d’opter pour l’application de l’assiette forfaitaire applicable à un nouvel installé dans le cas précis d’un transfert entre époux à la suite du décès du chef d’exploitation. Il pourra choisir cette option, à titre provisoire, la régularisation intervenant à l’issue de cette option.
L’objectif est de mieux accompagner les conjoints repreneurs dans des situations difficiles sur le plan humain et financier. Ce dispositif permettra de lisser l’impact financier des revenus exceptionnels liés à la cessation d’activité. Cette mesure correspond à une préconisation du médiateur de la MSA. Elle aura elle aussi un impact financier limité, générant une moindre recette de court terme, rapidement régularisée à l’issue de l’option.
Hormis des variations de trésoreries de court terme, le coût d’ensemble de ces mesures est décrit comme « neutre à moyen terme » par l’étude d’impact.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le II ouvre au conjoint survivant de l’exploitant la possibilité d’opter pour l’application de l’assiette forfaitaire applicable à un nouvel installé pour le calcul des cotisations et contributions sociales.
Il modifie pour cela l’article L. 731-16 du code rural et de la pêche maritime. Cet article prévoit les modalités de calcul des cotisations de l’assiette forfaitaire provisoire (alinéa premier) ainsi que les deux cas dans lesquels cette option n’est pas possible et qui sont rappelés supra : installation du conjoint en qualité de coexploitant (alinéa 2) ; le transfert de la qualité de chef d’exploitation au conjoint (alinéa 3).
Le II complète la rédaction du troisième alinéa de l’article L. 731-16. Tout en maintenant l’exclusion du cas de transfert entre époux, il insère une exception à ce principe général : en cas de décès du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, le conjoint poursuivant la mise en valeur de l’exploitation pourra opter pour le dispositif prévu au premier alinéa de l’article, à savoir celui du calcul des cotisations et contributions sociales sur une assiette forfaitaire. Les modalités de mise en œuvre de cette disposition seront précisées par décret.
III. AUGMENTER LE PLAFOND D’À-VALOIR DES COTISATIONS ET CONTRIBUTIONS SOCIALES
A. UNE MESURE DE SOUPLESSE PEU COÛTEUSE
Le dispositif de l’à-valoir a été instauré par l’article 36 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche et mis en place à compter de l’exercice 2011. Il s’adresse aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Il leur permet de s’acquitter par avance, en complément des cotisations de l’année, d’une partie des cotisations sociales exigibles l’année suivante en versant un à-valoir sur le montant versé l’année en cours. Il s’agit d’un autre moyen de lisser dans le temps les variations de revenus lorsqu’ils connaissent une année meilleure que les autres en termes de revenus. Il leur permet de payer par anticipation le surplus de cotisations sociales généré par les revenus exceptionnels.
Son montant ne peut excéder 50 % du montant des dernières cotisations appelées. Il s’agit des cotisations dues par le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole pour lui-même et pour les membres de sa famille. En sont exclues la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et les cotisations conventionnelles.
L’intéressé doit procéder à la demande et au paiement de façon simultanée, avant le 31 décembre de l’année en cours (année N). Cette opération prend effet au cours de l’année suivante (année N+1). Ce montant vient alors en déduction des sommes dues au titre de l’année N+1.
Il est ici proposé d’élever le plafond, qui passerait de 50 % du montant des dernières cotisations appelées à un niveau de 75 %.
Cette mesure répond à une des préconisations du rapport de M. François André précité. Elle ne correspond pas à une diminution de charge fiscale, mais bien à une possibilité d’ajuster le calendrier de paiement d’une charge plus importante qu’aujourd’hui. Le Gouvernement fournit une évaluation de l’impact de la mesure qui se fonde sur les statistiques de recours au dispositif actuel, plafonné à 50 %. Elle est décrite dans le tableau ci-après :
2011 |
2012 |
2013 | |
Nombre d’exploitants ayant opéré un versement |
3 174 |
2 991 |
3 846 |
Montant total des versements |
12 537 000 € |
16 832 076 € |
15 918 496 € |
Montant moyen des versements |
3 950 € |
5 627 € |
4 139 € |
Source : étude d’impact.
Le nombre d’exploitants concernés est limité (entre 3 000 et 4 000), tout comme le montant des versements (entre 3 950 euros et 5 627 euros) sur la période 2011-2013. Au regard de ces statistiques, le coût en trésorerie pour les finances publiques sera donc très faible. La disposition pourrait même générer un gain de trésorerie de 8 millions d’euros pour la première année, un gain qui s’annulera mécaniquement dès la deuxième année.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le III relève le plafond d’à-valoir des cotisations et contributions sociales de 50 % à 75 % du montant des dernières cotisations appelées.
Pour ce faire, il substitue le montant 75 % à celui de 50 % à l’article L. 731-22-1 du code rural et de la pêche maritime. Il s’agit d’un article simple, dont l’alinéa unique sera ainsi libellé : « Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole soumis au régime réel d’imposition peuvent demander à verser, en complément des cotisations appelées au titre de l’année en cours, un à-valoir sur le montant des cotisations exigibles l’année suivante. Cet à-valoir ne peut excéder 75 % du montant des dernières cotisations appelées. La demande des intéressés doit être formulée auprès de la caisse de mutualité sociale agricole dont ils relèvent ».
C. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE DÈS LE 1ER JANVIER 2016
Le IV comporte une disposition non codifiée, portant sur la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article : elles porteront sur les cotisations et contributions de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2016.
*
La Commission adopte l’article 13 sans modification.
Article 14
(art. L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale)
Report à 2020 de l’obligation de bascule au régime micro-social des personnes relevant du régime micro-fiscal au 31 décembre 2015
Cet article repousse de quatre ans l’application d’une disposition d’origine gouvernementale adoptée voilà 15 mois. L’article 24 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite « ACTPE ») prévoit qu’à compter du 1er janvier 2016, les travailleurs indépendants soumis aux régimes « micro » d’imposition de leurs bénéfices basculent automatiquement – et non plus sur option – dans le régime « micro-social » pour le paiement de leurs contributions et cotisations. Dictée par une volonté de simplification des régimes sociaux-fiscaux des travailleurs indépendants, cette mesure pose une série de problèmes techniques, financiers et administratifs, qui selon le Gouvernement rendent nécessaire la pérennisation pour quatre ans du caractère optionnel du basculement.
I. LE DROIT EXISTANT
● Les travailleurs indépendants non agricoles dont le chiffre d’affaires ou les recettes n’excèdent pas certaines limites peuvent de longue date bénéficier de modalités dérogatoires d’imposition des revenus tirés de leur activité, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (régime dit « micro-BIC ») ou des bénéfices non-commerciaux (« micro-BNC »). Par exception au principe d’imposition des bénéfices réels, les régimes micro permettent une imposition forfaitaire, assise sur le chiffre d’affaires et non sur le résultat net ; permettant parfois d’alléger l’impôt dû, cette facilité est surtout administrative, rendant plus aisée la liquidation de l’impôt.
Prévu par l’article 50-0 du code général des impôts, le régime micro-BIC est ouvert aux exploitants individuels dont le chiffre d’affaires hors taxes de l’année précédente ne dépasse pas, dans la généralité des cas :
– 82 200 euros pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement (entreprises dites de la première catégorie) ;
– 32 900 euros pour les autres entreprises de prestation de services (entreprises dites de la deuxième catégorie).
Le bénéfice imposable est alors calculé sur la base du chiffre d’affaires, après application d’un abattement représentatif des charges (71 % pour les entreprises de la première catégorie, 50 % pour les entreprises de la deuxième catégorie).
Le régime micro-BNC, prévu par l’article 102 ter du code général des impôts, permet aux exploitants individuels d’activités non commerciales de bénéficier, sous réserve que leurs recettes de l’année précédente n’excèdent pas 32 900 euros, d’une imposition forfaitaire desdites recettes, après application d’un abattement de 34 %.
● L’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit, pour les bénéficiaires du micro-BIC ou du micro-BNC, un régime dit « micro-social », qui permet de soumettre à un taux forfaitaire global l’essentiel des contributions et cotisations sociales. Il s’agit donc d’un régime dérogatoire du droit commun des travailleurs indépendants, régi par l’article L. 131-6-2 du même code, qui assoit ces contributions et cotisations sur les revenus d’activité de l’année précédente.
Dans le régime micro, le chiffre d’affaires ou les recettes du dernier mois ou du dernier trimestre – au choix du redevable – sont frappés d’un taux fixé par décret, mais qui ne saurait être inférieur au taux moyen acquitté par les indépendants non éligibles au régime micro-social. Le taux applicable en 2015 varie selon la nature de l’activité exercée : 13,3 % pour les entreprises de la première catégorie du micro-BIC, 22,9 % pour les entreprises de la deuxième catégorie et pour celles relevant du micro-BNC. Le principal avantage du régime micro-social est d’ajuster les charges au chiffre d’affaires, jusqu’à exonérer les exploitants dont le chiffre d’affaires est nul.
● Avant l’entrée en vigueur de la loi ACTPE, les bénéficiaires du micro-BIC ou du micro-BNC pouvaient choisir de ne pas opter en faveur du micro-social.
L’option en faveur des deux régimes micro (fiscal et social) était constitutive du statut d’auto-entrepreneur, prévu par l’article 151-0 du code général des impôts. Celui-ci, ouvert aux bénéficiaires des régimes micro dont le montant des revenus nets du foyer fiscal de l’année N-2 n’excède pas un certain plafond (92), permet de s’acquitter en un seul versement libératoire, auprès d’un seul réseau de recouvrement (celui chargé des cotisations sociales), à la fois de l’impôt sur le revenu et de l’ensemble des cotisations et contributions sociales. Le taux du versement libératoire varie selon la nature de l’activité : 1 % pour les entreprises de la première catégorie du régime micro-BIC, 1,7 % pour les entreprises de la deuxième catégorie et 2,2 % pour les entreprises relevant du micro-BNC.
Entre autres modifications, dont la présentation excède le cadre de ce commentaire, l’article 24 de la loi ACTPE a supprimé, dans un souci de simplification, le caractère optionnel du régime micro-social pour les bénéficiaires du micro-BIC ou du micro-BNC. Pour le dire autrement, le bénéficie d’un régime micro-fiscal entraînera mécaniquement, à compter du 1er janvier 2016, le basculement de l’exploitant dans le régime micro-social ; en conséquence, le régime de l’auto-entrepreneur est remplacé par le régime du micro-entrepreneur, qui se caractérise par une cohérence mécanique entre le régime micro-fiscal et un régime micro-social.
II. LE DROIT PROPOSÉ
● En complétant le II de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi ACTPE, cet article permet aux travailleurs indépendants bénéficiant d’un régime micro-social mais relevant jusqu’au 31 décembre 2015 du régime social de droit commun des indépendants, de ne pas basculer dès le 1er janvier 2016 dans le régime micro-social. Le statu quo pourrait être maintenu jusqu’au 31 décembre 2019, sauf demande contraire (permettant donc un basculement volontaire entre 2016 et 2020).
● L’étude d’impact justifie cette mesure conservatoire par les conséquences négatives que pourrait avoir un basculement immédiat.
Du point de vue des travailleurs indépendants concernés, dont le nombre est chiffré dans une fourchette large entre 100 000 et 200 000, le basculement immédiat pourrait poser trois problèmes :
– la substitution d’assiette – du revenu réel vers le chiffre d’affaires – n’est pas nécessairement favorable au cotisant. De fait, l’option en faveur d’un régime forfaitaire et non réel est pour partie dictée par des considérations de simplicité administrative, pas nécessairement par une volonté d’optimiser les charges sociales ;
– les modalités de déclaration de l’assiette dans le régime micro sont plus contraignantes que dans le régime réel, car mensuelles (ou trimestrielles) dans le premier cas, et annuelles dans le second ;
– l’année de basculement pourrait créer une charge de trésorerie, du fait de la nécessité de s’acquitter en 2016 de l’éventuelle régularisation des cotisations et contributions de 2015, ainsi que des versements forfaitaires au titre de 2016.
On notera qu’aucune de ces difficultés n’est en soi soluble par le seul effet du temps ; l’exposé des motifs entend toutefois « laisser un délai suffisant aux intéressés pour entrer dans le nouveau régime ».
Du point de vue des organismes de sécurité sociale, les problèmes sont d’ordre technique, comme l’indique l’étude d’impact : « Une bascule automatique dès le 1er janvier 2016 se heurterait à des difficultés techniques liées à l’absence de données sur le régime fiscal des assurés dans le système d’information tant de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) que du Régime social des indépendants (RSI). […] Cette bascule automatique supposerait donc nécessairement pour les régimes concernés une opération lourde en gestion, afin d’identifier ces redevables, de les alerter en amont, de procéder à leur bascule et de répondre à leurs demandes éventuelles. »
Sans méconnaître aucunement la réalité de ces difficultés, on peut toutefois s’étonner qu’elles n’aient pas été identifiées depuis la publication de la loi ACTPE, voici plus de 15 mois, alors même que les dispositions dont il est désormais question de repousser l’application sont d’origine gouvernementale.
● Les travailleurs indépendants dont les revenus d’activité sont nuls ou insuffisants sont néanmoins tenus de s’acquitter de cotisations minimales au profit de l’assurance maladie, de l’assurance vieillesse et de la retraite complémentaire, afin de s’assurer un socle minimum de droits à prestations. L’article 26 de la loi ACTPE a toutefois prévu que pour les indépendants relevant des régimes micro, la soumission aux cotisations minimales est optionnelle. En permettant aux bénéficiaires d’un régime micro-fiscal de ne pas basculer automatiquement dès le 1er janvier 2016 dans le régime micro-social, cet article permet de maintenir, en tout ou partie en fonction des choix opérés par les travailleurs concernés, le versement de cotisations minimales.
En faisant l’hypothèse que seuls 50 % des travailleurs indépendants concernés par le basculement automatique feront le choix du micro-social dès 2016, l’étude d’impact évalue à 5 millions d’euros la recette supplémentaire ainsi générée au profit des organismes de sécurité sociale. La même source note à juste titre que cette recette sera en partie minorée, à l’avenir, par le versement des prestations auxquelles elle ouvre droit (indemnités journalières et droits à retraite) : en conséquence, le rendement attendu se réduit à hauteur de 1 million d’euros par an jusqu’en 2019.
*
La Commission adopte l’article 14 sans modification.
Article additionnel après l’article 14
(art. L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale)
Sécurisation de la procédure de redressement forfaitaire
en cas de travail dissimulé
La commission examine l’amendement AS387 du rapporteur Gérard Bapt.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement technique vise à sécuriser une procédure de contrôle. Le code de la sécurité sociale prévoit un redressement forfaitaire en cas de constat de travail dissimulé si la situation réelle ne peut pas être reconstituée. Sauf preuve contraire apportée par l’employeur, les rémunérations versées ou dues au titre d’un travail dissimulé sont évaluées à six fois le SMIC, assiette à laquelle s’appliquent les prélèvements sociaux.
Cette rédaction a pu donner lieu à des confusions sur l’intention du législateur, certains juges estimant que si l’employeur apporte la preuve que le salarié employé illégalement l’est depuis moins de six mois, l’assiette doit être ramenée au nombre de SMIC correspondant au nombre de mois d’emploi, même si aucune preuve n’est donnée de la rémunération réelle de l’employé en question. De ce fait, un employeur salariant illégalement depuis quatre mois une personne dont la rémunération mensuelle atteint deux SMIC – soit une assiette réelle de huit SMIC – peut subir un redressement calculé sur la base de quatre SMIC seulement, soit moins que l’intention du législateur, c’est-à-dire six SMIC.
Afin de sécuriser les actions de lutte contre la fraude et d’appliquer pleinement la logique forfaitaire du redressement, cet amendement vise à apporter deux corrections au dispositif en vigueur. D’une part, il précise que la preuve contraire, qui peut toujours être apportée par l’employeur pour que le redressement s’effectue « au réel », doit concerner non seulement la durée réelle d’emploi mais aussi le niveau réel de salaire. D’autre part, afin d’éviter toute réduction de la sanction forfaitaire en fonction du temps passé dans l’entreprise, il substitue à une sanction forfaitaire correspondant à six SMIC une autre exprimée en fraction du plafond annuel de la sécurité sociale – en l’occurrence 25 %, ce qui correspond peu ou prou à six SMIC. Calculée en fraction du plafond annuel de sécurité sociale, la sanction forfaitaire s’élève à 9 510 euros, soit légèrement plus que si elle équivalait à six SMIC – 8 742 euros.
M. Bernard Accoyer. Je note la constance avec laquelle notre rapporteur, la majorité et le Gouvernement appliquent une logique punitive faite de sanctions, au détriment de toute mesure d’incitation. Vous avez ainsi repoussé nos amendements encourageant à déclarer certains emplois, notamment familiaux. Aucun texte ne pourra donc être examiné sous cette législature sans qu’il y soit ajouté des sanctions en tous genres !
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle passe à l’amendement AS338 de Mme Chaynesse Khirouni.
Mme Chaynesse Khirouni. Un amendement initial ayant été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, cet amendement de repli prévoit la remise d’un rapport. L’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a instauré un droit temporaire à l’affiliation au régime général de la sécurité sociale pour les personnes exerçant une activité réduite. Plusieurs conditions sont requises : l’activité doit être déclarée, les revenus annuels qui en sont tirés ne doivent pas dépasser 4 875 euros et les bénéficiaires doivent bénéficier du soutien d’une association agréée pour leurs démarches administratives et financières.
Ce dispositif devait prendre fin en 2012, mais la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 l’a prolongé jusqu’à la fin 2014. Il est souhaitable de le pérenniser, car il contribue à l’insertion des personnes exerçant une activité économique réduite et à la diminution du secteur informel de l’économie. Le Gouvernement étant favorable à cette mesure, il convient d’envisager les pistes permettant d’avancer.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Le problème est réel, à telle enseigne que nous avons déjà décidé de proroger le dispositif jusqu’à la fin 2014. Cela étant, vous proposez qu’un rapport soit remis avant le 15 décembre mais, à cette date, le PLFSS aura déjà été voté. Je vous propose donc de retirer cet amendement et de suggérer au Gouvernement de reprendre en séance celui que vous aviez initialement déposé, ce qui permettra en outre de résoudre la question du gage.
Mme Chaynesse Khirouni. Soit, je retire cet amendement en attendant que la proposition initiale soit examinée en séance.
L’amendement est retiré.
Chapitre III
Dispositions relatives aux recettes et à la trésorerie
des organismes de sécurité sociale
Article 15
(art. L. 131-7, L. 131-8, L. 135-1, L. 135-2, L. 135-3, L. 135-3-1, L. 135-4, L. 136-8, L. 137-17, L. 223-1, L. 245-16 et L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale, art. 1600-0 S du code général des impôts, art. L. 14-10-4 et L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, art. 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, art. 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, art. 2 de l’ordonnance n° 2015-896 du 23 juillet 2015 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon)
Transferts de recettes entre organismes et branches de la sécurité sociale
Cet article poursuit un triple objectif :
– tirer les conséquences d’une récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) (93), en application de laquelle les prélèvements sociaux sur les revenus du capital ne sauraient désormais être affectés à des organismes de sécurité sociale servant, dans une logique assurantielle, des prestations contributives. La mise en conformité de notre droit avec celui de l’Union européenne (UE) appelle à ce titre la réaffectation au sein de la sphère des administrations de sécurité sociale (ASSO) de près de 19 milliards d’euros de recettes, alors que les montants remis en cause par la décision dite « De Ruyter » s’élèvent à environ 250 millions d’euros par an ;
– assurer pour les organismes de sécurité sociale la neutralité de la compensation par le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 des pertes de recettes résultant de la mise en œuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité et de certaines mesures de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (94). Pour résumer à grand traits, cette compensation implique la prise en charge par l’État d’environ 5 milliards de dépenses aujourd’hui assumées par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui se trouverait donc « surcompensée » au détriment des autres organismes de sécurité sociale, qui seraient quant à eux « perdants nets ». Il est donc nécessaire de réaffecter des recettes au sein des ASSO, afin d’éviter cette conséquence ;
– profiter de ces différents mouvements pour rationaliser les modalités de financement de certains organismes, par exemple en retirant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) la fraction de contribution sociale généralisée (CSG) qu’elle perçoit aujourd’hui, et dont la finalité originelle – se substituer à des cotisations sociales ouvrant droit à des prestations – est peu en adéquation avec les missions de solidarité nationale de la CNSA. Plus généralement, l’article procède à plusieurs ajustements de même inspiration, ainsi qu’à de nombreux « toilettages » légistiques, voire cosmétiques.
Il est très malaisé, pour ne pas dire impossible, de séparer en trois blocs aussi clairs les huit pages de texte de cet article, qui comptent 104 alinéas. C’est pourquoi le commentaire commence par une description des enjeux et des principaux transferts impliqués par chacune des trois problématiques qui viennent d’être brièvement présentées, avant de procéder à une analyse « bloc par bloc », c’est-à-dire quasiment alinéa par alinéa, du dispositif proposé. Autant que faire se peut, le rapporteur tente de rattacher à cet inventaire légistique l’une ou l’autre des trois problématiques, et de préciser les montants en jeu. Mais ce « jeu de piste » n’étant pas toujours possible dans le maquis législatif de cet article, il est apparu nécessaire d’en illustrer les implications par plusieurs tableaux et schémas.
Le rapporteur tient à remercier pour leur collaboration active les cabinets ministériels et la Direction de la sécurité sociale, qui auront permis de lever de nombreuses zones d’ombre. Pour autant, dans les délais impartis pour l’analyse d’un dispositif d’une telle ampleur, il serait hasardeux de prétendre avoir une vision parfaitement claire de l’ensemble de ses implications. Il n’est notamment pas possible de s’attarder longuement sur la genèse et la nature de chacune des recettes évoquées par la suite, pas davantage que sur les missions exercées par les différents organismes concernés. Et ce d’autant moins que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) compte plusieurs articles dont la longueur et la technicité n’ont rien à envier à celles de l’article 15.
En tout état de cause, indépendamment de ces circonstances, le commentaire inspirera peut-être au lecteur la même réflexion que celle suscitée chez le rapporteur par sa rédaction, à savoir le caractère parfois presque totalement inintelligible des modalités de financement de notre sécurité sociale.
I. UN ARTICLE POURSUIVANT TROIS OBJECTIFS
A. METTRE EN CONFORMITÉ LE DROIT NATIONAL AVEC LA DÉCISION DE RUYTER DE LA CJUE
● La bonne compréhension de cette première problématique nécessite un bref rappel des différences juridiques entre cotisations et contributions sociales, des conséquences qu’elles emportent et des problèmes posés à cet égard par les divergences d’appréciation entre le juge national et le juge européen. Pour ce faire, les développements qui suivent s’appuient pour beaucoup sur l’analyse produite par M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes au Conseil d’État, dans le dernier rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS) (95).
Les recettes de la sécurité sociale, nombreuses et diverses, peuvent néanmoins être regroupées, pour l’essentiel, en deux catégories juridiques : les cotisations sociales d’une part, les impositions de toute nature d’autre part (souvent qualifiées de contributions sociales).
La définition juridique des cotisations sociales, qui ne résulte d’aucun texte, a été façonnée par le juge. Pour que celui-ci reconnaisse leur existence, « il faut qu’il y ait, en contrepartie de leur payement, ouverture d’un droit à prestation ou avantage servi par un régime de sécurité sociale » (96). Ce critère commun de définition est partagé par les trois juridictions suprêmes françaises, à savoir le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation (97). La qualification de cotisation sociale attribuée à un prélèvement a des conséquences procédurales très importantes : la jurisprudence considère que s’il revient au législateur (98) de déterminer le champ des assujettis, le principe des exonérations et l’assiette des cotisations, le pouvoir réglementaire est en revanche compétent pour déterminer le taux des cotisations et les montants des exonérations.
À la différence des cotisations sociales, les impositions de toute nature ont pour caractéristique de n’ouvrir aucun droit à prestation ; elles poursuivent une finalité de solidarité nationale, assurée non seulement par l’État mais également par la sécurité sociale, qui se voit donc affecter des recettes à cette fin. La compétence du législateur à leur égard est plus étendue, l’article 34 de la Constitution imposant à la loi d’en fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement. Les impositions de toute nature affectées aux organismes de sécurité sociale sont nombreuses, mais les développements qui suivent concernent celles qui frappent les personnes physiques potentiellement affiliées à un régime de sécurité sociale en France, car c’est le champ de la question qui doit être résolue par cet article.
● La principale contribution sociale est bien sûr la CSG, qui en réalité n’est pas un impôt unique, mais un impôt « cédulaire », frappant dans des conditions similaires quatre catégories de revenus :
– les revenus d’activité et de remplacement (articles L. 136-1 à L. 136-5 du code de la sécurité sociale), au taux de droit commun de 7,5 % (99) ;
– les revenus du patrimoine, comme par exemple les revenus fonciers ou les revenus de capitaux mobiliers (article L. 131-6 du même code), au taux de 8,2 % ;
– les produits de placement, comme par exemple les intérêts des comptes sur livret (article L. 131-7), au même taux ;
– les produits des jeux (article L. 136-7-1), au taux de 6,9 % pour les jeux exploités par la Française des jeux (100).
La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, est construite sur le même modèle que la CSG, avec une cinquième contribution, assise sur les ventes de métaux précieux et objets d’art notamment. Le taux de la CRDS est de 0,5 %, sauf pour les produits des jeux (3 %).
Pèsent également, sur les mêmes assiettes que la CSG sur les revenus du patrimoine et la CSG sur les produits de placement (101), respectivement :
– un prélèvement social sur les revenus du patrimoine (article L. 245-14 du code de la sécurité sociale), au taux de 4,5 % (article L. 245-16), et un prélèvement de solidarité au taux de 2 % (article 1600 -0-S du code général des impôts) ;
– un prélèvement social sur les produits de placement (102) (article L. 245-15 du code de la sécurité sociale), au taux de 4,5 %, et un prélèvement de solidarité au taux de 2 % (article 1600 -0-S du code général des impôts) (103).
Enfin, plusieurs contributions acquittées par les ménages concourent au financement de la CNSA, en application de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles :
– la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) sur le capital, composée en fait de deux contributions additionnelles au prélèvement social, au taux de 0,3 % ;
– la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), due par les bénéficiaires d’une pension de retraite ou d’invalidité non assujettis à la CSA, et assise sur lesdites pensions au taux de 0,3 %.
● En droit interne, la qualification de l’ensemble de ces prélèvements ne faisait pas de doute pour le Conseil constitutionnel (104) : il s’agit bien d’impositions de toute nature, qu’il s’agisse de la CSG (105), de la CRDS, du prélèvement social, de la CSA (106), et plus généralement de l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital (107). Le raisonnement fondant cette décision repose sur l’idée clé qu’aucun de ces prélèvements n’ouvre de droits à prestation.
Le juge européen n’a pas eu exactement la même lecture, s’agissant au départ de la CSG et de la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement, auxquelles étaient originellement assujetties les personnes ayant leur résidence fiscale en France. La Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE, devenue CJUE en 2009) a en effet jugé qu’un prélèvement affecté à un régime de sécurité sociale français ne saurait être acquitté par une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d’un autre État-membre, en application d’un règlement (108) interdisant par principe la double cotisation, constitutive d’une entrave à la liberté de circulation (109). La Cour n’a donc pas fondé son raisonnement sur la qualification donnée par le droit interne au prélèvement, mais sur son affectation : dès lors qu’il finance un régime de sécurité sociale, il ne peut être acquitté par une personne déjà couverte par un autre régime européen, en application du principe d’unicité de législation en matière d’affiliation à un régime de sécurité sociale.
Depuis cette décision, la législation française a été adaptée : désormais, sont assujettis à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement les résidents fiscaux affiliés à un régime obligatoire français d’assurance maladie. Cela ne porte pas atteinte à la cohérence de la cédule de CSG concernée, qui s’est substituée à compter de 1998 à des cotisations d’assurance maladie, et a donc vocation à financer prioritairement des régimes de sécurité sociale servant des prestations contributives. Les juridictions nationales continuent en outre de considérer ces prélèvements comme des impositions de toute nature, puisque ce n’est pas cette qualification qui a été remise en cause par la CJUE.
● Mais le critère d’assujettissement est demeuré le même – la résidence fiscale en France – pour les prélèvements sur les revenus du capital (110). Cela signifie donc qu’un résident fiscal en France y percevant des revenus du capital doit s’acquitter, entre autres, de la CSG et de la CRDS sur ces revenus, alors même qu’il serait affilié à un régime de sécurité sociale d’un autre État de l’Union, dans lequel il exerce son activité professionnelle. Saisie par le Conseil d’État d’une question préjudicielle sur la compatibilité de cet état du droit national avec celui de l’Union, la CJUE a appliqué en 2015 dans sa décision De Ruyter le même raisonnement que celui qu’elle avait appliqué en 2000, « dès lors qu’il n’est pas contesté que le produit de ces prélèvements est affecté directement et spécifiquement au financement de certaines branches de sécurité sociale en France ou à l’apurement des déficits de ces dernières ».
● La question qui se pose dès lors est de savoir comment mettre la législation française en conformité avec le droit de l’Union, tel qu’il résulte de la décision de la Cour ; trois options ont été à cet égard écartées (111).
Une première option consisterait à appliquer aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital les mêmes critères d’assujettissement que ceux applicables à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement (résidence fiscale et affiliation à un régime français de sécurité sociale). Cette option présente trois inconvénients selon l’étude d’impact :
– un risque constitutionnel de rupture d’égalité devant les charges publiques, la différence de traitement entre affiliés et non affiliés ne se justifiant pas, du strict point de vue du droit interne, au regard du caractère d’impositions de toute nature des prélèvements concernés (112) et au regard du fait qu’ils ont vocation à financer, au-delà des seules prestations contributives, des dépenses de solidarité nationale ;
– des lourdeurs de gestion, par exemple en cas de changements d’affiliation en cours d’année ;
– une perte financière pour les administrations publiques, estimée à plus de 250 millions d’euros par an.
Une deuxième option consisterait à affecter le produit des prélèvements concernés à l’État, à charge pour ce dernier de compenser la perte de recettes à la sécurité sociale (le plus logiquement par l’affectation d’une part supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée, canal désormais habituel des relations financières entre l’État et la sécurité sociale). L’étude d’impact indique que cette option « doit être écartée au regard des contraintes constitutionnelles liées à l’unité de la CSG et de la CRDS (113). C’est en effet en grande partie leur caractère global et leur affectation à la sécurité sociale qui, lors de la création de ces prélèvements puis à plusieurs reprises lors de leurs évolutions, ont conduit le Conseil constitutionnel à valider leur architecture actuelle ». Pour le dire autrement, affecter la CSG et la CRDS à l’État pourrait contrevenir au principe de nécessité de l’impôt, posé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (114) : caricaturalement, un impôt créé pour financer la sécurité sociale n’aurait plus de raison d’être s’il était à l’avenir affecté à l’État.
Une troisième option consisterait à affecter à l’État le seul produit des prélèvements pesant sur les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre État-membre. Outre le même questionnement constitutionnel que celui qui vient d’être évoqué, ce choix risquerait, selon l’analyse précitée produite pour le HCFi-PS, « d’être perçu comme un détournement de procédure, surtout si la sécurité sociale se voyait rétrocéder par l’État, sous une autre forme, le produit correspondant » (115).
● Le Gouvernement s’est donc engagé dans une quatrième option. Elle consiste à maintenir dans la sphère sociale le produit des prélèvements sur les revenus du capital, mais à l’affecter hors des régimes de sécurité sociale au sens du droit de l’Union, c’est-à-dire aux organismes qui servent des prestations non contributives, non conditionnées à l’affiliation à un régime français.
Le rapporteur ne justifiera pas mieux le choix du Gouvernement qu’en citant, longuement, l’étude d’impact : « Il ressort des dispositions combinées des articles 11 et 70 du règlement que tout résident en France, y compris lorsqu’il est affilié à un régime de sécurité sociale d’un autre État membre, peut prétendre bénéficier d’une "prestation spéciale en espèce à caractère non contributif" (PSNC). Le texte même du règlement précise que ces prestations sont attribuées aux personnes qui résident dans chaque État (et non qui relèvent de la sécurité sociale de chaque État), qu’elles sont financées par des contributions fiscales obligatoires et il induit que le principe d’une unicité de législation applicable doit être apprécié distinctement sur l’ensemble du champ couvert par le règlement en autorisant une appréciation différenciée entre les prestations "ordinaires" d’une part et les PSNC d’autre part. Il est dès lors proposé […] d’affecter le produit des […] contributions sociales sur les revenus du capital […] au financement de prestations sociales non contributives, principalement sous forme d’affectation à une partie des dépenses du [Fonds de solidarité vieillesse (FSV)] ».
De fait, l’article 11 du règlement pose le principe de l’unicité de législation, stipulant que « les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre ». Ce principe s’applique aux « personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l’exercice de son [sic] activité salariée ou non salariée ». L’article 70, quant à lui, « s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif », qui sont notamment destinées à « garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance [,] à assurer la protection spécifique des personnes handicapées [et] qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d’attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires ». Ces prestations « sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à sa législation ».
La solution retenue par le Gouvernement semble donc en première analyse compatible non seulement avec la lettre du règlement, mais également avec l’interprétation que pourrait en faire la Cour. Celle-ci a en effet jugé que le lien entre le minimum vieillesse (116) – servi par le FSV – et la CSG – dont le produit est partiellement affecté à ce Fonds – « ne paraît pas suffisamment identifiable pour que cette allocation puisse être qualifiée de prestation à caractère contributif » (117). Cela signifie donc, en creux, que des prestations non contributives servies par le FSV peuvent être financées par des prélèvements sociaux acquittés par des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre. En pratique, il sera tout de même nécessaire de scinder le FSV en trois sections, pour séparer les prestations contributives des prestations non contributives, afin d’ajuster son financement dans le respect du droit de l’Union (cf. infra).
En conséquence, il est nécessaire de compenser les effets de cette réaffectation pour les organismes en question, ce qui implique les principaux mouvements suivants, très grossièrement dessinés :
– la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et la CNAF voient le produit des prélèvements sociaux sur le capital qui leur est aujourd’hui affecté être transféré au FSV, qui percevrait à l’avenir 15,5 milliards à ce titre, contre 1 milliard aujourd’hui ;
– en échange, le FSV « rend » aux branches du régime général une partie des recettes qu’il perçoit aujourd’hui :
o à la CNAM : sa fraction de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, sa fraction de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et une partie de sa fraction de taxe sur les salaires (118) ;
o à la CNAV : une autre partie de sa fraction de taxe sur les salaires ;
o à la CNAF : sa fraction de forfait social.
Une partie des mouvements rendus nécessaires par la mise en conformité avec le droit de l’UE affecte donc d’autres prélèvements sociaux que ceux pesant sur le capital, afin d’assurer la neutralité de ces mouvements pour les organismes concernés. Cela illustre bien l’impossibilité, évoquée en introduction, d’isoler ces mouvements de ceux rendus par ailleurs nécessaires par la compensation des mesures du Pacte de responsabilité et de la loi croissance et activité (cf. infra).
Les tableaux ci-après comparent l’affectation actuelle des prélèvements sociaux sur le capital (au taux global de 15,5 %) et l’affectation qui découlerait de l’adoption de cet article. Ils illustrent clairement le fait qu’à l’issue de la réforme, le produit de ces prélèvements ne sera plus affecté à des organismes servant des prestations contributives.
AFFECTATION DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LE CAPITAL : SITUATION EXISTANTE
Total |
CNAM |
CNAF |
CNAV |
CNSA |
CADES |
FSV | ||||||||
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros | |
CSG |
8,2 |
9,4 |
5,90 |
6,7 |
0,87 |
1,0 |
0,1 |
0,1 |
0,48 |
0,5 |
0,85 |
1,0 | ||
CRDS |
0,5 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
||||||||||
Prélèvement social |
4,5 |
5,3 |
2,05 |
2,5 |
1,15 |
1,3 |
1,3 |
1,5 |
||||||
CSA |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
||||||||||
Prélèvement de solidarité |
2,0 |
2,3 |
2,0 |
2,4 |
||||||||||
Préciput d’assurance-vie* |
0,7 |
- 0,4 |
0,7 |
0,0 |
0,0 |
- 0,1 |
- 0,1 | |||||||
Total |
15,5 |
18,6 |
9,95 |
11,6 |
0,87 |
1,0 |
1,15 |
1,3 |
0,4 |
0,5** |
2,28 |
2,6 |
0,85 |
1,0 |
Source : Commission des affaires sociales, sur la base des données de l’annexe 6 du PLFSS.
* Cf. infra pour une description précise du mécanisme. À ce stade, il suffit de retenir que cette ressource particulière de la CNAF n’affecte pas le solde des régimes, ce qui explique qu’elle ne soit pas comptabilisée dans le tableau, mais seulement mentionnée pour mémoire.
** Par arrondi
AFFECTATION DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LE CAPITAL : SITUATION FUTURE
Total |
CNAM |
CNAF |
CNAV |
CNSA |
CADES |
FSV | ||||||||
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros |
En % |
En milliards d’euros | |
CSG |
8,2 |
9,9 |
0,6 |
0,7 |
7,6 |
9,1 | ||||||||
CRDS |
0,5 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
||||||||||
Prélèvement social |
4,5 |
5,4 |
1,15 |
1,4 |
3,35 |
4,0 | ||||||||
CSA |
0,3 |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
||||||||||
Prélèvement de solidarité |
2,0 |
2,4 |
2 |
2,3 | ||||||||||
Total |
15,5 |
18,6 |
1,45 |
1,8 |
1,1 |
1,3 |
12,95 |
15,5 |
Source : Commission des affaires sociales, sur la base des données de l’annexe 6 du PLFSS.
B. TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA COMPENSATION PAR L’ÉTAT DES PERTES DE RECETTES RÉSULTANT DE LA MISE EN œUVRE DU PACTE DE RESPONSABILITÉ ET DE LA LOI CROISSANCE ET ACTIVITÉ
● En 2016, les organismes de sécurité sociale verraient spontanément leurs recettes diminuer d’environ 5,3 milliards d’euros par rapport à 2015, toutes choses égales par ailleurs.
Cette réduction s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs :
– la mise en œuvre de la deuxième phase du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui génère :
o une perte de 1 milliard d’euros du fait de la réduction de l’assiette de la C3S, l’abattement étant porté de 3,25 à 19 millions d’euros de chiffre d’affaires (cf. supra le commentaire de l’article 8) ;
o une perte de 3,1 milliards d’euros du fait de l’élargissement de l’assiette de l’exonération des cotisations patronales d’allocations familiales, jusqu’aux rémunérations n’excédant pas 3,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (cf. supra le commentaire de l’article 7) ;
– la mise en œuvre de certaines mesures de la loi croissance et activité, qui génère une perte estimée par l’étude d’impact à 193 millions d’euros (119) ;
– le moindre rendement d’une mesure adoptée en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2015 (120), consistant à ce que les entreprises affiliées à des caisses de congés payés versent directement aux organismes de recouvrement les prélèvements sociaux sur les droits à congés payés de leurs salariés, prélèvements jusqu’alors conservés en trésorerie par les caisses, jusqu’à perception effective des droits à congés par les salariés. Cette mesure « one shot » de trésorerie devait procurer 1,52 milliard d’euros de recettes supplémentaires aux organismes de sécurité sociale en 2015, afin de compenser, déjà, la première phase du Pacte de responsabilité. Ce besoin de financement étant pérenne, il est nécessaire de le satisfaire, alors même que la mesure adoptée l’année dernière produira seulement 500 millions d’euros de recettes en 2016, et plus aucun rendement à compter de 2017.
● L’article 21 du PLF 2016 prévoit de compenser ces pertes de recettes :
– en transférant à l’État des dépenses actuellement prises en charge par la sécurité sociale :
o pour l’essentiel, l’allocation de logement familiale (ALF), actuellement financée par la branche famille (4,7 milliards d’euros) ;
o certaines mesures de protection juridique des majeurs (400 millions d’euros) ;
o des dépenses diverses (121), pour un coût total de 65 millions d’euros ;
– en affectant à la sécurité sociale une fraction supplémentaire de TVA (0,09 point, soit environ 140 millions d’euros), afin de boucler le financement.
● Cette compensation globale auprès des organismes de sécurité sociale appelle une réaffectation de recettes entre eux, sans laquelle, pour reprendre les termes de l’étude d’impact, « des déséquilibres seraient apparus entre certaines branches excessivement compensées […] et symétriquement, de [sic] branches et organismes sous-compensées [sic] ». Le principal déséquilibre résulte de ce que la compensation des pertes de recettes passe pour l’essentiel par une réduction des dépenses de la CNAF, organisme qui serait donc « surcompensé » à hauteur de 1,7 milliard d’euros en l’absence des transferts auxquels procède cet article.
C. « CLARIFIER », AU PASSAGE, LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
● Le Gouvernement a décidé de profiter de cet article fleuve pour procéder à certaines clarifications, et notamment « rationaliser le financement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) » (étude d’impact).
Concernant la CADES, il s’agit de limiter son financement à deux recettes (CSG et CRDS), en lui retirant la part du prélèvement social sur les revenus du capital qu’elle perçoit aujourd’hui, et qui sera demain affecté au FSV. Cela permettrait de rendre « de la lisibilité au financement de la CADES par rapport au dispositif général voulu initialement », dont on peut toutefois noter qu’il n’incluait pas de fraction de CSG, mais la seule CRDS.
Concernant la CNSA, il s’agit de lui retirer la fraction de CSG qu’elle perçoit aujourd’hui, car il s’agit d’une « imposition conçue dès l’origine comme consubstantiellement liée à un financement solidaire des prestations de sécurité sociale au sens strict, champ par rapport auquel les politiques publiques conduites par la caisse apparaissent légèrement distinctes ». Cette fraction de CSG serait réaffectée au régime général, à la CADES et au FSV. La CNSA percevrait une fraction du prélèvement social, aujourd’hui affectée à la CNAV, et représentant la participation de la branche vieillesse au financement des dépenses d’aide ménagère pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
● Par ailleurs, le forfait social est intégralement affecté à la CNAV. La logique de ce mouvement réside dans le caractère fortement contributif des prestations servies par la branche vieillesse, qui sont, selon les explications fournies par le Gouvernement au rapporteur, « aujourd’hui encore les plus directement conditionnées aux revenus des affiliés durant leur vie active ». Or, le forfait social s’apparente dans son esprit à des cotisations, puisqu’il pèse justement sur des revenus qui en sont exonérés.
● Enfin, le produit de la C3S est réparti pour l’essentiel entre la CNAM et la CNAF (122), le FSV n’en étant plus affectataire. Cela apparaît logique à la suite de l’adossement du Régime social des indépendants (RSI) au régime général, du fait de la suppression progressive de la C3S (123), jusqu’alors recette d’équilibre du RSI.
D. APERÇUS GRAPHIQUES DES CONSÉQUENCES DE CET ARTICLE
Les tableaux et le schéma suivants résument les différents mouvements opérés par cet article :
– le premier tableau, version simplifiée de celui figurant à l’annexe 6 du PLFSS (124), présente, pour les différents organismes concernés, les pertes de recettes causées par la mise en œuvre du Pacte de responsabilité et de la loi croissance et activité, les mesures prévues par le PLF 2016 pour compenser ces pertes, ainsi que l’ensemble des transferts internes à la sécurité sociale, résultant des trois objectifs de cet article développés ci-dessus. Il montre que l’ensemble des mouvements opérés permet d’atteindre une neutralité quasi-totale pour les organismes de sécurité sociale. Le commentaire des dispositions de cet article s’efforcera, autant que possible (125), d’indiquer les montants transférés présentés dans le tableau, permettant in fine d’aboutir à cette situation de neutralité ;
– le schéma, directement repris de l’annexe 6, retrace de manière aussi didactique que possible les transferts de recettes au sein des organismes de sécurité sociale ;
– le second tableau détaille la nouvelle affectation des différentes recettes affectées par ces mouvements, et notamment la CSG ; pour l’ensemble des prélèvements sociaux sur le capital, le même exercice a déjà été fait dans les premiers tableaux de ce commentaire.
COMPENSATION DES PERTES DE RECETTES ET TRANSFERTS INTERNES À LA SÉCURITÉ SOCIALE
(en milliards d’euros)
Régime général |
FSV |
CNSA |
CADES |
ASSO | |||||
Maladie |
AT-MP |
Vieillesse |
Famille |
Toutes branches | |||||
Extinction progressive de la recette « caisse de congés payés » |
- 0,4 |
0,0 |
- 0,4 |
- 0,1 |
- 1,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
- 1,0 |
Mesures de la loi croissance et activité |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
- 0,1 |
- 0,2 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
- 0,2 |
Mesures du Pacte de solidarité et de responsabilité (phase 2) |
- 0,4 |
0,0 |
- 0,4 |
- 3,1 |
- 3,9 |
- 0,1 |
0,0 |
0,0 |
- 4,1 |
Augmentation de l’abattement sur la C3S |
- 0,4 |
- 0,4 |
- 0,9 |
- 0,1 |
- 1,0 | ||||
Réduction du taux de cotisations familiales |
- 3,1 |
- 3,1 |
- 3,1 | ||||||
Mesures budgétaires de compensation (PLF) |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
5,1 |
5,1 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
5,2 |
Prise en charge de l’ALF par l’État |
4,7 |
4,7 |
4,7 | ||||||
Transfert du financement de la protection juridique des majeurs |
0,4 |
0,4 |
0,4 | ||||||
Création de l’AFRS |
0,0 |
0,1 |
0,1 | ||||||
Ajustement de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale (PLF) |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
SOLDE |
- 0,7 |
0,0 |
- 0,8 |
1,7 |
0,2 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Transferts internes à la sécurité sociale |
0,8 |
0,0 |
0,7 |
- 1,8 |
- 0,2 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
CSG sur les revenus du capital |
- 7,1 |
- 1,0 |
- 8,1 |
8,5 |
- 0,1 |
0,1 |
0,4 | ||
Prélèvement de solidarité |
- 2,3 |
- 2,3 |
2,4 |
0,1 | |||||
Prélèvement social |
- 2,4 |
- 1,3 |
- 3,8 |
4,1 |
1,4 |
- 1,5 |
0,2 | ||
C3S |
0,5 |
0,5 |
- 0,5 |
0,0 | |||||
Taxe sur les salaires |
2,3 |
1,0 |
0,2 |
3,6 |
- 3,6 |
0,0 | |||
CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, et les produits des jeux |
9,9 |
- 0,2 |
9,7 |
- 9,9 |
- 1,2 |
1,4 |
0,0 | ||
Suppression du préciput |
- 0,7 |
- 0,7 |
- 0,7 | ||||||
Forfait social |
0,1 |
0,1 |
- 0,1 |
0,0 | |||||
Suppression de la participation des régimes vieillesse au financement de la CNSA |
1,0 |
1,0 |
- 1,0 |
0,0 | |||||
Effet net des transferts PLF/PLFSS |
0,1 |
0,0 |
- 0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Source : Commission des affaires sociales, sur la base des données de l’annexe 6 du PLFSS.
TRANSFERTS DE RECETTES OPÉRÉS PAR L’ARTICLE 15
Note de lecture : Ce schéma retrace les différents transferts de recettes entre organismes et régimes de sécurité sociale. Afin de mieux les visualiser, les réaffectations de CSG sont représentées dans les cadres en pointillé. Ce schéma souligne le fait que l’ensemble des recettes de CSG assise sur les revenus du capital (inscrites gras) sont désormais affectées exclusivement au FSV et à la CADES, tandis que les recettes du FSV issues de la CSG assise sur les revenus d’activité et de remplacement (inscrites en italique) sont réaffectées à la CNAM. Les autres items, cadres grisés sans pointillés, représentent les transferts de contributions et taxes autres que la CSG.
Source : annexe 6 du PLFSS.
ÉVOLUTION DE L’AFFECTATION DES RECETTES
(en % et par cédule pour la CSG)
2015 |
2016 | |
Évolution de l’affectation du produit de la C3S |
||
Régimes agricoles |
31 |
31 |
FSV |
14 |
0 |
CNAM |
13,3 |
27,3 |
CNAV |
41,7 |
41,7 |
Total |
100 |
100 |
Évolution de l’affectation de la taxe sur les salaires |
||
CNAV |
53,5 |
61,1 |
CNAF |
18 |
19,2 |
FSV |
28,5 |
2,5 |
CNAM |
0 |
17,2 |
Total |
100 |
100 |
Évolution de l’affectation du forfait social |
||
CNAV |
80 |
100 |
CNAF |
0 |
0 |
FSV |
20 |
0 |
CNAM |
0 |
0 |
Total |
100 |
100 |
Évolution de l’affectation des fractions de taux de CSG |
||
Revenus d’activité |
||
Maladie |
5,2 |
6,05 |
Famille |
0,87 |
0,85 |
FSV |
0,85 |
0 |
CNSA |
0,1 |
0 |
CADES |
0,48 |
0,6 |
Total |
7,5 |
7,5 |
Allocations chômage |
||
Maladie |
3,9 |
4,75 |
Famille |
0,87 |
0,85 |
FSV |
0,85 |
0 |
CNSA |
0,1 |
0 |
CADES |
0,48 |
0,6 |
Total |
6,2 |
6,2 |
Pensions de retraite et d’invalidité |
||
Maladie |
4,3 |
5,15 |
Famille |
0,87 |
0,85 |
FSV |
0,85 |
0 |
CNSA |
0,1 |
0 |
CADES |
0,48 |
0,6 |
Total |
6,6 |
6,6 |
Revenus du capital |
||
Maladie |
5,9 |
0 |
Famille |
0,87 |
0 |
FSV |
0,85 |
7,6 |
CNSA |
0,1 |
0 |
CADES |
0,48 |
0,6 |
Total |
8,2 |
8,2 |
Source : Direction de la sécurité sociale.
II. PRÉSENTATION DÉTAILLÉE DU DISPOSITIF JURIDIQUE PROPOSÉ
Faute de pouvoir parfaitement rassembler les dispositions de l’article en blocs cohérents correspondant aux trois objectifs poursuivis, le commentaire détaillé du dispositif suit sauf exception l’ordre du texte, en essayant autant que possible de rappeler l’inspiration des modifications proposées, et d’en chiffrer les effets. Cela n’est pas toujours possible, compte tenu du caractère parfois inextricablement mêlé de ces dispositions.
A. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
1. L’actualisation de la liste des exceptions au principe de compensation des exonérations sociales
● L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale (126) pose le principe de la compensation par l’État des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations sociales. Le dernier alinéa de cet article prévoit un certain nombre d’exceptions :
– l’exonération des gains tirés des stock-options et des attributions gratuites d’actions ;
– la réduction de 1,8 point des cotisations d’allocations familiales pour les salaires n’excédant pas 1,6 SMIC (en l’état du droit, et 3,5 SMIC en application de l’article 7 du PLFSS) (127) ;
– l’exonération spécifique de cotisations familiales pour les agents non statutaires de régimes spéciaux, instaurée par la loi de finances pour 1996 (128) ;
– les allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale, prévus par l’article L. 245-13 (129) ;
– l’exonération spécifique de cotisations familiales pour les travailleurs indépendants, créée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2014 (130) ;
– la réduction de C3S (en fait, l’abattement d’assiette), instaurée elle aussi dans le cadre du Pacte de responsabilité, et accrue par l’article 8 du PLFSS (131).
La rédaction actuelle du dernier alinéa de l’article L. 131-7 prévoit que les cinq premières dérogations sont applicables aux mesures d’allégement dans leur rédaction en vigueur au 1er janvier 2015 (132), la dernière étant applicable à la réduction de C3S résultant de la LFRSS 2014. Compte tenu notamment des modifications apportées à deux de ces mesures par les articles 7 et 8 de ce PLFSS, le A du I de l’article 15 toilette la rédaction actuelle, pour :
– substituer, pour l’ensemble des mesures, la référence au droit en vigueur au 1er janvier 2016 à la référence au droit en vigueur au 1er janvier 2015 (133) ;
– viser plus clairement l’abattement de C3S, en mentionnant explicitement l’article L. 651-3, qui le prévoit.
Il faut préciser que cela ne signifie pas que les mesures en question ne sont pas compensées sur le plan financier, puisque cet article a précisément pour objet, entre autres, de tirer les conséquences de la compensation opérée en PLF… Il s’agit simplement d’une précaution juridique indispensable : les allégements « de droit commun », doivent être compensés « à l’euro l’euro », en clair par l’affectation de crédits budgétaires ; dès lors que la compensation passe par l’affectation pérenne de recettes, et non par le versement d’un quantum précis, elle sort mécaniquement d’une logique « à l’euro l’euro », et confère ainsi à l’allégement un caractère dérogatoire qui doit être expressément prévu.
● Le VII de cet article 15 prévoit que le principe de compensation posé par l’article L. 137-7 ne s’applique pas aux allégements décidés dans le cadre de la loi croissance et activité. Ces allégements étant de faible ampleur, il a été décidé de prévoir une disposition législative ad hoc, non codifiée à l’article précité.
2. De nouvelles clés de répartition de la taxe sur les salaires et des droits de consommation sur les tabacs
L’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale prévoit que les organismes de sécurité sociale auprès desquels sont compensés les allégements généraux perçoivent à cette fin des recettes fiscales.
● Le 1° de cet article ventile à ce titre le produit de la taxe sur les salaires (134) entre différents affectataires. En l’état du droit, la branche vieillesse du régime général en perçoit 53,5 %, la branche famille 18 % et le FSV 28,5 %.
Le 1° du B du I modifie cette ventilation :
– en portant les taux qui viennent d’être mentionnés à respectivement 61,1 % (a du 1°), 19,2 % (b), et 2,5 % (c). La branche vieillesse récupérerait ainsi 1 milliard d’euros, la branche famille 200 millions et le FSV perdrait 3,6 milliards ;
– en prévoyant désormais l’affectation de 17,2 % de la taxe sur les salaires (2,3 milliards) à la branche maladie du régime général (c également), en compensation du montant de prélèvement social sur le capital, qu’elle ne percevra plus à l’avenir (135).
● La modification apportée au 7° de l’article L. 131-8, qui ventile le produit du droit de consommation sur les tabacs entre neuf affectataires, est sans lien direct avec les lignes directrices principales de cet article.
La problématique, assez complexe, peut être résumée de la sorte. La CNAF assure les dépenses de prestations familiales de régimes spéciaux, qui ne perçoivent donc plus de recettes à cette fin. En revanche, certains de ces régimes (Société nationale des chemins de fer français et Régie autonome des transports parisiens) continuent de recevoir une fraction des droits sur les tabacs afin de compenser les allégements spécifiques de cotisations familiales, instaurés en leur faveur en même temps que les allégements généraux, dont ils ne bénéficient pas. Le produit reçu à ce titre par ces régimes, par construction inutile pour eux, est reversé à la CNAF. Il est donc proposé de mettre fin à cette tuyauterie absurde, en affectant directement les droits en question à la CNAF.
En l’état du droit, le b du 7° prévoit que la branche famille du régime général perçoit 8,97 % du produit des droits. Le a du 2° porte ce taux à 9,19 %.
En l’état du droit, le f du 7° prévoit l’affectation de 0,6 % du produit des droits entre une série de régimes spéciaux, la fraction de 0,6 % devant être répartie entre ces régimes par arrêté. Les régimes concernés sont l’Établissement national des invalides de la marine, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, les régimes de sécurité sociale d’entreprise de la SNCF et de la RATP et la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines. Le b du 2° apporte deux modifications à ce f : les régimes de la SNCF (136) et de la RATP sont supprimés de la liste précitée, et le taux de 0,6 % est ramené à 0,38 %.
Les modifications apportées par les a et b du 2° se compensent et sont donc sans effet sur les autres affectataires : en effet, la somme des taux actuels (8,97 + 0,6) est égale à la somme des taux futurs (9,19 + 0,38), soit 9,57 %.
3. Une mesure de toilettage
Le troisième alinéa de l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale prévoit la gestion transitoire de la CNSA par le FSV, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2005. Cette disposition étant devenue obsolète par le seul passage du temps, le C du I en prévoit donc la suppression.
4. La réorganisation en trois sections du FSV
a. Les charges
L’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale (137) dresse la liste des dépenses prises en charge par le FSV. Le D du I procède à une rédaction globale de cet article, réorganisant le FSV en trois sections et apportant quelques clarifications rédactionnelles. Le principal objet est d’isoler au sein de la première section du FSV les prestations non contributives, qu’il s’agira de faire financer à l’avenir par les prélèvements sociaux sur le capital, afin de tirer les conséquences de la décision De Ruyter.
● Le I de la nouvelle rédaction de l’article L. 135-2 prévoit que la première section retrace :
– 1°) (138) le financement des dispositifs de « minimum vieillesse » : allocation aux vieux travailleurs salariés, allocation de solidarité aux personnes âgées, et différentes allocations de solidarité vieillesse mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse (139). La prise en charge de ces dépenses par le FSV est déjà prévue, en l’état du droit, par le 1° de l’actuel article L. 135-2 ;
– 2°) les sommes représentatives de la prise en compte, par le régime général, le régime des salariés agricoles et les régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales, de périodes au cours desquelles les assurés n’ont pas cotisé, à savoir (140) :
o a) les périodes d’inactivité ouvrant néanmoins droit à pension, en application des 1°, 3° et 8° de l’article L. 351-3 : périodes de perception des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, accident du travail), périodes de chômage non indemnisé pour les chômeurs âgés, périodes de stage. La référence à ces périodes est actuellement prévue, respectivement, aux f, c et g du 4° de l’article L. 135-2 ;
o b) les périodes pendant lesquelles les assurés ont bénéficié d’allocations ou rémunérations prévues par le code du travail (141) : allocation servie par Pôle Emploi en application d’un contrat de sécurisation professionnelle (dans le cadre de l’accompagnement social des procédures de licenciement), allocation d’assurance, allocation de solidarité spécifique versée aux chômeurs en fin de droits, allocation temporaire d’attente (versée notamment aux demandeurs d’asile), allocation de conversion des salariés, allocation versée au-delà du congé de conversion ;
o c) les périodes pendant lesquelles l’assuré a bénéficié, en cas d’absence complète d’activité, d’un revenu de remplacement de la part de son entreprise en application d’un accord professionnel national dans le cadre des aides aux actions de reclassement et de reconversion professionnelle (d de l’actuel 4°) ;
– 3°) les sommes correspondant à la prise en compte par les mêmes régimes des réductions de la durée d’assurance des personnes ayant combattu pendant la guerre d’Algérie (actuel 5°) ;
– 4°) les dépenses mentionnées à l’article 49 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. En application de cet article, le FSV verse chaque année aux régimes de retraite complémentaire des salariés les sommes nécessaires à la couverture de cotisations dues au titre de certaines périodes d’inactivité, par exemple des périodes de perception des allocations spéciales du Fonds national pour l’emploi (142). Il s’agit là d’un ajout prévu par le texte ; il s’agit de « rapatrier » dans l’article L. 135-2 une dépense assumée par le FSV mais non codifiée jusqu’alors ;
– 5°) les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d’assurance vieillesse de base des périodes de volontariat du service national de leurs assurés (actuel 7°) ;
– 6°) certaines dépenses spécifiques à Mayotte : allocation spéciale pour les personnes âgées dépourvues de pensions de retraite et sommes représentatives de périodes non cotisées, notamment en cas de bénéfice des assurances sociales (actuel 9°) ;
– 7°) les sommes représentatives de la prise en compte des indemnités journalières dans le salaire de base, servant de base de calcul de la pension (actuel 10°) ;
– 8°) les compléments d’assurance vieillesse permettant aux apprentis de valider des trimestres au cours de leur contrat (actuel 11°) ;
– 9°) le remboursement à la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon de certains avantages non contributifs d’assurance vieillesse précédemment mentionnés (actuel 13°) ;
– 10°) le financement d’avantages non contributifs instaurés au bénéfice des retraités de l’ensemble des régimes, lorsque les dispositions les instituant le prévoient (actuel 12°).
Il est prévu que les sommes mentionnées aux 2°, 5° et 7° soient calculées sur une base forfaitaire (143), dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
La nouvelle rédaction introduit une simplification procédurale des modalités de calcul forfaitaire des sommes correspondant aux périodes de chômage non indemnisé des chômeurs âgés, qui sont en l’état du droit déterminées non par décret en Conseil d’État, comme les autres, mais par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, après avis du conseil d’administration de la CNAV.
Les dépenses de la première section du FSV s’élèveraient à environ 15,6 milliards d’euros en 2016, pour environ 15,5 milliards de recettes.
● Le II de la nouvelle rédaction de l’article L. 135-2 prévoit que la deuxième section du FSV retrace :
– 1°) la fraction du minimum contributif (144), déjà prise en charge en application de l’actuel 2°, dont le texte serait donc transféré vers la nouvelle deuxième section ;
– 2°) la prise en charge des sommes correspondant au service des majorations de pension pour conjoint à charge (actuellement prévue par le b du 3°).
Les majorations de pensions en fonction du nombre d’enfants à charge sont aujourd’hui financées par la CNAF, mais servies par la CNAV après un détour par le FSV. Constatant la rationalité toute relative de ce circuit, le Gouvernement propose d’en retirer le FSV, et de faire en sorte que la CNAF rembourse directement la CNAV (145).
Les dépenses de la deuxième section du FSV s’élèveraient à environ 3,5 milliards d’euros en 2016, pour environ 1 milliard de recettes.
● Le III de la nouvelle rédaction de l’article L. 135-2 prévoit que la troisième section du FSV retrace ses versements aux différents régimes, pour compenser le maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou les parents d’enfants handicapés, à la suite de la réforme des retraites de 2010 (146).
Il s’agit en fait d’une reprise, allégée sur le plan rédactionnel, de l’actuel article L. 135-3-1 du code de la sécurité sociale (cf. infra), qui prévoit l’existence d’une deuxième section du FSV, créée précisément pour mettre en réserve des recettes pour le financement des mesures qui viennent d’être décrites. Cette deuxième section devient donc troisième en application du présent article.
Le texte apporte cependant une simplification procédurale, prévoyant que le montant annuel des versements opérés au titre de cette section par le FSV est fixé par décret, et non plus par la LFSS.
● Le IV de la nouvelle rédaction de l’article L. 135-2 prévoit qu’un décret fixe les conditions de répartition des frais de gestion administrative du FSV entre chacune des trois sections. Il s’agit d’une adaptation de l’actuel 8° à la nouvelle division du FSV en trois sections.
b. Les recettes
Le E procède à une rédaction globale de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, qui dresse la liste des recettes affectées au FSV. Ces modifications ont pour objet de tenir compte de la future séparation du Fonds en trois sections, et d’affecter à la première l’essentiel des prélèvements sociaux sur le capital, à la suite de la décision De Ruyter.
● Le nouveau I prévoit les recettes de la première section, à savoir :
– 1°) une fraction de la CSG sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement, fixée par le IV bis de l’article L. 136-8 (147) (représentant 8,5 milliards d’euros). Ce 1° du I résulte de la modification de l’actuel 1° de l’article L. 135-3, qui, en plus des recettes précitées, affecte en l’état du droit au FSV une fraction de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement et de la CSG sur les produits des jeux (– 9,9 milliards d’euros) ;
– 2°) une fraction du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement (4,1 milliards d’euros). Ce 3° résulte de la renumérotation de l’actuel 7° ;
– 3°) le produit du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Il s’agit là d’une recette nouvellement affectée au FSV (2,4 milliards), bénéficiant antérieurement à la CNAM.
● Le nouveau II de l’article L. 135-3 prévoit l’affectation à la deuxième section du FSV des recettes suivantes :
– 1°) une fraction du produit de la taxe sur les salaires, dans les conditions fixées au 1° de l’article L. 131-8. Ce 1° reprend, dans une rédaction différente sur la seule forme, l’actuel 2° de l’article L. 135-3. Mais la quotité de taxe sur les salaires est en revanche significativement réduite (cf. infra le commentaire des modifications apportées à l’article L. 136-8 par le G du I) ;
– 2°) le produit des contributions sur les régimes de retraite à prestations définies (148). Ce 2° résulte de la renumérotation de l’actuel 10° de l’article L. 135-3 ; les 3° à 7° décrits immédiatement après résultent de la même renumérotation ;
– 3°) des sommes consignées à la Caisse des dépôts et consignations, notamment en application des dispositions du code du travail relatives à la participation, à l’intéressement et à l’épargne salariale (actuel 10° bis) ;
– 4°) le produit de l’amende acquittée par les entreprises de 50 salariés ou plus non couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (actuel 11°) ;
– 5°) les sommes acquises à l’État par effet de la prescription trentenaire, s’agissant par exemple des assurances-vie non réclamées (actuel 10° ter) ;
– 6°) et 7°) une part des redevances payées pour l’utilisation des fréquences hertziennes (actuels 10° quater et 10° quinquies).
● Le nouveau III de l’article L. 135-3 retrace les recettes de la future troisième section (actuelle deuxième), reprenant logiquement les dispositions prévues à l’article L. 135-3-1 (cf. supra). Les recettes de la troisième section seront donc constituées, outre celles mises en réserve du fait même de sa mission, des produits financiers résultant du placement des disponibilités excédant les besoins de trésorerie de la section. Comme en l’état du droit, il est prévu que les excédents constatés chaque année sont automatiquement reportés sur les exercices suivants.
● Il résulte de cette nouvelle rédaction de l’article L. 135-3 que certaines recettes aujourd’hui affectées au FSV ne le seront plus à l’avenir, à aucune des trois sections. Il s’agit :
– d’une fraction de CSG sur les revenus d’activité et sur les produits des jeux (actuel 1°) ;
– d’une part du forfait social (actuel 3°) ;
– d’une fraction du produit de la C3S et de sa contribution additionnelle (actuel 4°) ;
– du remboursement, par la CNAF, des dépenses assumées par le FSV pour la prise en charge des majorations de pensions pour enfant (actuel 6°) (149) ;
– des fonds consignés au 31 décembre 2003 au titre de la compensation démographique généralisée des régimes obligatoires d’assurance vieillesse (actuel 8°) ; il s’agit là d’une mesure de toilettage.
La rédaction retenue a également pour effet de supprimer la dernière phrase de l’actuel article L. 135-3, qui dispose aussi inutilement qu’inefficacement que « les recettes et les dépenses du fonds de la première section doivent être équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale ».
5. L’abrogation de deux articles devenus inutile
Le F du I abroge les articles L. 135-3-1 et L. 135-4 du code de la sécurité sociale :
– le premier, car son contenu a été redéployé dans la nouvelle rédaction de l’article L. 135-3 (cf. supra) ;
– le second car il est inutile. Il dispose en effet, de manière assez tautologique, que les organismes collecteurs des recettes du FSV, à savoir l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et l’État, les lui reversent. On ne saurait craindre qu’à la faveur de la suppression de cet article, ces organismes, dont la probité ne fait guère de doute, conservent par devers eux les montants ainsi récoltés. Au surplus, le FSV ne percevra plus la recette que lui versait l’ACOSS après collecte, à savoir la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement.
6. La modification des clés d’affectation de la CSG
Le G du I modifie l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.
● Son 1° modifie le IV, qui répartit le produit de la CSG entre ses différents affectataires.
La première modification concerne les cédules de CSG affectées. En l’état du droit, la clé de répartition définie par le IV concerne la CSG sur les revenus d’activité, sur les revenus du capital et sur les produits des jeux. Le a du 1° exclut de cette répartition la CSG sur les revenus du capital, dont les clés d’affectation
– pour l’essentiel au FSV – seront prévues par le IV bis, créé par cet article (cf. infra).
Le b réduit de 0,87 % à 0,85 % la fraction (150) affectée à la CNAF, affectation prévue par l’actuel 1° du IV (– 200 millions d’euros). Il s’agit là, selon les informations fournies au rapporteur, d’une préoccupation quasi-esthétique, consistant à arrondir le chiffre figurant après la virgule (151).
Le c abroge les 2° et 3° du IV, qui prévoient respectivement l’affectation de 0,85 % de CSG au FSV (– 9,9 milliards d’euros) et de 0,1 % à la CNSA
(– 1,2 milliard). Ce mouvement s’explique :
– par l’affectation à la future première section du FSV de la CSG sur les revenus du capital, la désaffectation des autres cédules de CSG en étant la conséquence ;
– par la volonté de rationaliser les modalités de financement de la CNSA.
Le d apporte plusieurs modifications au 4°, qui en l’état du droit affecte des fractions de CSG aux régimes obligatoires d’assurance maladie, variablement selon les cédules concernées.
La première modification apportée par le d est en réalité sans lien direct avec les dispositions de l’article 15, mais résulte des mesures proposées par l’article 20. En l’état du droit, l’affectation de la « CSG maladie » se fait dans les conditions prévues à l’article L. 139-1, c’est-à-dire avec une centralisation du produit par l’ACOSS, chargée de répartir ledit produit entre les différents régimes. Le d substitue à cette référence à l’article L. 139-1 une formulation en apparence énigmatique, dont il résulte que les modalités de répartition du produit de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement devront être déterminées par décret, « en proportion des contributions sur les revenus d’activité acquittées par les personnes affiliées dans chaque régime ».
L’article 20 du PLFSS abroge l’article L. 139-1, qui ne permet pas de répartir « équitablement » le produit de la CSG entre les différents affectataires, comme l’explique l’étude d’impact de cet article, dans des termes qu’il est inutile de paraphraser : « le mécanisme de répartition de la "CSG maladie", né du remplacement progressif à partir de 1998 des cotisations d’assurance maladie dues par les salariés et titulaires de revenus de remplacement ou de substitution par la CSG visait à garantir à l’ensemble des régimes la stabilité de leurs ressources en leur affectant des montants correspondant à l’estimation des pertes de cotisations subies du fait de la CSG. Ces montants sont depuis revalorisés chaque année en fonction de l’évolution constatée de l’assiette de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement au niveau de l’ensemble des régimes, sans tenir compte de l’évolution respective de l’assiette réelle de chacun d’entre eux depuis l’origine. Cette répartition demeure donc déterminée par la situation démographique respective des régimes telle qu’en 1998, alors qu’elle devrait logiquement, ainsi qu’en équité, reposer sur les sommes effectivement recouvrées sur les affiliés ».
La modification proposée devrait donc permettre de remédier à cette situation, en tenant mieux compte de la réalité démographique des régimes affectataires.
Par ailleurs, le d porte :
– de 5,2 % à 6,05 % la fraction de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement affectée aux régimes d’assurance maladie (actuel a du 4° du IV) ;
– de 4,8 % à 5,75 % cette même fraction pour la CSG sur les produits des jeux « Française des jeux » (actuel b du 4°).
Il abroge ensuite l’actuel c du 4°, qui prévoit l’affectation à l’assurance maladie de 5,9 % du produit de la CSG sur les revenus du capital, affecté à l’avenir au FSV.
Le d porte ensuite :
– de 3,9 % à 4,75 % la fraction de CSG sur les allocations chômage et les indemnités journalières, revenus de remplacement imposés à un taux dérogatoire du taux de droit commun, soit 6,2 % contre 7,5 % (actuel d du 4°) ;
– de 4,3 % à 5,15 % la fraction de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité, également imposés à un taux dérogatoire, de 6,6 % (actuel e du 4°).
Ces différentes augmentations correspondent au transfert à la CNAM des 0,85 % de ces cédules de CSG, dont le produit est actuellement perçu par le FSV (+ 9,9 milliards pour la première, – 9,9 milliards pour le second).
Le e augmente les fractions de CSG actuellement affectées à la CADES, de 0,48 % à 0,6 % pour les revenus d’activité et de remplacement, et de 0,28 % à 0,3 % pour les produits des jeux, transférant ainsi 1,4 milliard d’euros (modification de l’actuel 5°). Cela s’inscrit dans la logique, déjà plusieurs fois évoquée, de rationalisation du financement de la CADES.
● Le 2° du G insère un IV bis à l’article L. 136-8, prévoyant l’affectation de fractions du produit de CSG sur les revenus du capital, au FSV à hauteur de 7,6 % (1° du nouveau IV bis) et à la CADES à hauteur de 0,6 % (2° du nouveau IV bis). Le transfert serait de 100 millions d’euros en faveur de la CADES, et de 8,5 milliards en faveur du FSV. Par affectation au FSV, il faut bien sûr entendre affectation à la première section du FSV, conformément à la logique longuement présentée supra, tendant à affecter le produit des prélèvements sociaux sur le capital à des organismes servant des prestations non contributives. La même remarque vaut pour toutes les dispositions affectant au FSV ce type de produit.
● Le 3° du G modifie le V de l’article L. 136-8, qui prévoit l’affectation de la CSG sur les produits des jeux de casino : 18 % à la CNAF (1°), 14 % au FSV (2°), 2 % à la CNSA (3°) et 66 % aux régimes obligatoires d’assurance maladie (4°) :
– le a du 3° abroge les 2° et 3° du V ;
– le b réécrit le 4° pour affecter à la seule CNAM 82 % du produit.
7. Les nouvelles règles d’affectation du forfait social
Le H du I modifie l’article L. 137-17 du code de la sécurité sociale, affectant à la CNAV la totalité du produit du forfait social, réparti en l’état du droit entre la CNAV (80 %) et le FSV (20 %). La CNAV y gagne 100 millions d’euros, le FSV y perdant la même somme.
8. La prise en charge directe des majorations de pension pour enfants par la CNAF
En l’état du droit, le 5° de l’article L. 223-1 du code de la sécurité sociale charge la CNAF de verser au FSV un montant égal à celui que le Fonds prend en charge au titre des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d’enfants.
Le I du I réécrit ce 5°, pour prévoir que la CNAF rembourse directement aux régimes d’assurance vieillesse de base les sommes correspondant au service, par ces régimes, des majorations pour enfants (cf. supra).
9. Les nouvelles règles d’affectation du prélèvement social sur les revenus du capital
L’article L. 245-16 du code de la sécurité sociale fixe le taux (4,5 %) et la répartition du produit du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement : 1,3 % à la CADES, 1,15 % à la CNAF et 2,05 % à la CNAM.
Le J du I :
– supprime l’affectation à la CADES (1°, – 1,5 milliard) ;
– affecte à la CNSA la part jusqu’ici affectée à la CNAF (2°), en compensation du fait qu’elle ne percevra plus de CSG ni la participation des régimes obligatoires de base de l’assurance vieillesse aux dépenses d’aide ménagère à domicile pour les personnes âgées dépendantes ;
– affecte le solde (3,35 %) au FSV, excluant donc la CNAM du champ des affectataires (3°).
10. Les nouvelles règles d’affectation de la C3S
Le K du I modifie l’affectation du produit de la C3S et de la C3S additionnelle, déterminée à l’article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale. La CNAM, qui perçoit aujourd’hui 13,3 % de ce produit, en percevra à l’avenir 27,3 % (1°). En conséquence, le FSV qui en perçoit 14 %, n’en sera plus affectataire à l’avenir (2°). Le mouvement représente 500 millions d’euros, bien logiquement dans un sens comme dans l’autre.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES À D’AUTRES CODES, LOIS ET ORDONNANCES
1. L’affectation au FSV prélèvement de solidarité sur le capital
Le II de cet article modifie le IV de l’article 1600-0-S du code général des impôts, qui affecte à la CNAM le produit du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Le texte prévoit d’affecter désormais ce produit au FSV, dans la logique commandée par la décision De Ruyter.
2. La modification des ressources de la CNSA
● Le A du III modifie l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, qui dresse la liste des produits affectés à la CNSA.
L’actuel 3° de cet article affecte à la Caisse 0,1 point du produit de chaque cédule de CSG. Ce 3° est réécrit, pour affecter en lieu et place de cette fraction de CSG une fraction du prélèvement social sur le capital (1° du A, + 1,4 milliard).
Le 2° abroge en conséquence l’actuel 4°, qui affecte à la CNSA la participation des régimes obligatoires de base de l’assurance vieillesse aux dépenses d’aide ménagère à domicile pour les personnes âgées dépendantes.
● Le B modifie l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles (152), qui prévoit que la CNSA retrace ses ressources et ses charges en six sections distinctes.
Le 1° du B abroge les a bis des 1 et 2 du I de l’article, devenus obsolètes. Ils fixent en effet, pour les années 2012 à 2014, la fraction du produit de deux contributions affectées aux première et deuxième sous-sections de la première section de la CNSA (à savoir la CSA, qui se décompose en une cédule « activité » (153) et une cédule « capital » (154)).
Le 2° modifie le a du II, qui prévoit l’affectation à la deuxième section, pour le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie :
– de 20 % du produit des deux contributions qui viennent d’être citées ;
– de la participation des régimes obligatoires de base de l’assurance vieillesse aux dépenses d’aide ménagère à domicile pour les personnes âgées dépendantes (cf. supra) ;
– du produit correspondant au 0,1 point de CSG, également mentionné supra, « diminué du montant mentionné au IV de l’article ». Il s’agit en fait du produit de CSG affecté à la quatrième section de la CNSA, fixé par arrêté entre 5 % et 12 % du 0,1 point de CSG affecté à la CNSA en l’état du droit.
Du fait de la réécriture de ce a, les ressources de la deuxième section de la CNSA seront dorénavant constituées :
– sans changement, de 20 % du produit des deux contributions précitées ;
– de la fraction du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, substituée au 0,1 point de CSG par le 1° du A du III du présent article. Ce produit resterait diminué de sa fraction affectée à la quatrième section, dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.
Les 3° et 4° du B abrogent des dispositions devenues obsolètes.
3. La modification des recettes de la CADES
Le IV modifie l’article 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale :
– le 1° modifie le 2°, qui prévoit que la fraction de CSG affectée à la CADES est fixée par le IV de l’article L. 136-8 du même code. Par coordination avec la création à cet article d’un IV bis (2° du G du I), il y est fait référence ;
– le 2° abroge le 3°, qui prévoit l’affectation à la CADES d’une fraction du produit du prélèvement social sur le capital.
4. La suppression du préciput d’assurance-vie
Le V abroge le VI de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011. Il s’agit du mécanisme dit de « préciput assurance-vie », en application duquel la CNAF se voit affecter, pour chaque année comprise entre 2011 et 2019, le rendement prévisionnel du prélèvement « au fil de l’eau » des contributions sociales sur la part en euros des stocks de contrats d’assurance-vie multi-supports de l’époque (155). Recette « sur stock », le préciput a donc naturellement vocation à se réduire avec le passage du temps.
Les contributions sociales en question (CSG sur les produits de placement, prélèvement social sur les produits de placement, notamment) n’étant pas toutes affectées à la CNAF, la logique du préciput suppose que les organismes affectataires ponctionnent une partie de leurs recettes pour la reverser à la CNAF, afin que celle-ci perçoive in fine, chaque année, le montant prévu par l’article 22 de la loi de finances pour 2011.
Pour ajouter un élément de complexité à un tableau qui n’en avait guère besoin, certains organismes affectataires de recettes sur lesquelles devait s’imputer le préciput ont perdu, entre 2011 et 2015, l’affectation desdites recettes. Afin que les montants de préciput soient néanmoins servis à la CNAF, la LFSS 2015 a permis, dans ce cas, d’imputer la fraction de préciput sur d’autres recettes. Ainsi, le FSV a pu imputer sa part de préciput sur sa part de CSG sur le capital, puisqu’il n’était plus affectataire du prélèvement social, sur lequel il avait été prévu d’imputer sa part de préciput en 2011, époque où il bénéficiait de cette recette.
L’existence du préciput est remise en cause par la décision De Ruyter, car la CNAF – organisme servant des prestations contributives – ne saurait être affectataire d’un prélèvement social sur le capital, qu’est par essence le préciput. Par ailleurs, suivant la même logique, la CNAM, qui jusqu’alors percevait le produit de prélèvements sur le capital sur lesquels elle pouvait imputer sa part de préciput, n’en percevra plus à l’avenir, et ne pourra par construction plus imputer sur quoi que ce soit ladite part.
Il est donc heureux que le Gouvernement ait décidé, pour éviter de surcompenser à la CNAF les conséquences du Pacte de responsabilité et de la loi croissance et activité, et pour assurer la conformité de notre droit à celui de l’Union européenne, de supprimer ce mécanisme à peu près parfaitement incompréhensible.
Le montant du préciput prévu pour 2016 étant d’environ 700 millions d’euros, le V a donc pour effet de minorer les recettes de la CNAF à la même hauteur.
Le Gouvernement a fourni au rapporteur une « note de lecture » qui permettra – peut-être – de mieux comprendre les effets de la prise en compte du préciput dans les tableaux présentés dans ce commentaire.
Note de lecture sur la prise en compte du préciput
Le [tableau d’équilibre financier]* présente (entre autres) les réaffectations de recettes entre les attributaires de la sphère ASSO. Par convention, la suppression du préciput a été matérialisée ainsi :
– les montants correspondant à des pertes de recettes (exemple : la perte de 7,1 milliards d’euros de CSG capital de la CNAM) sont exprimés « net de préciput », c’est-à-dire, minoré du montant reversé par ces affectataires à la CNAF ;
– en revanche, les montants correspondants à des gains de recettes (exemple : + 8,5 milliards d’euros de CSG capital pour le FSV) sont exprimés « brut de préciput » (puisqu’on prévoit sa suppression) ;
– en conséquence, la ligne ne somme pas à 0 (cf : + 400 millions d’euros sur la ligne CSG capital dans la colonne ASSO). En effet, les nouveaux affectataires « reçoivent plus que les anciens affectataires ne rendent » ;
– le tout boucle grâce à la ligne suppression du préciput qui supprime la recette pour la CNAF (700 millions d’euros).
Source : Direction de la sécurité sociale.
* Dont le troisième tableau présenté dans ce commentaire est en partie issu.
5. Une abrogation de coordination
Le VI abroge l’article 2 de l’ordonnance n° 2015-896 du 23 juillet 2015 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont les dispositions sont codifiées à l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale.
C. L’ENTRÉE EN VIGUEUR
Le VIII prévoit les modalités d’entrée en vigueur des dispositions de cet article.
● Le A prévoit que les B, G, J et K du I, ainsi que les II, III et IV s’appliquent aux produits des impositions assises sur les opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016.
Par exception, les dispositions relatives aux impositions des revenus du patrimoine s’appliquent aux produits recouvrés par la voie des rôles émis à compter du 1er janvier 2016.
Il s’agit, classiquement, de s’assurer que les recettes réaffectées puissent être prises en charge en comptabilité selon le principe des droits constatés qui s’applique aux organismes de sécurité sociale, et non selon le principe de caisse.
● Le B prévoit l’application des autres dispositions à compter du 1er janvier 2016.
*
La Commission examine l’amendement AS5 de M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Cet article laisse accroire que les allégements de charges votés en loi de financement rectificative pour 2014 sont compensés ; c’est parfaitement faux ! Des réaffectations de taxes renvoyant sans nouvelles ressources le coût de la mesure vers le budget de l’État ne constituent en rien une compensation. M. Eckert l’a d’ailleurs reconnu lors de son audition le 7 octobre dernier, en indiquant que la réduction du budget de l’État serait moindre cette année en raison du coût des allégements de charges. Il confirme ainsi que ces mesures sont financées par la dette et qu’elles ne sont pas compensées. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article qui s’apparente à une véritable tuyauterie !
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article est d’une lecture assez ardue, je le concède, mais il est le fruit de l’imagination créative de notre administration
– la même que sous la précédente législature. Toutefois, ne pas le voter entraînerait une conséquence double. Tout d’abord, nous nous mettrions en contradiction avec le droit de l’Union européenne qui interdit d’affecter à des organismes servant des prestations contributives le produit de prélèvements sur le capital acquittés par des personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale en France. D’autre part, nous créerions un vaste déséquilibre dans les comptes sociaux car il faut tirer les conséquences de la compensation par le projet de loi de finances du pacte de responsabilité – compensation effectuée pour l’essentiel via la reprise par l’État de dépenses aujourd’hui couvertes par la branche famille. Faute de modification de cette « tuyauterie », ladite branche serait surcompensée au détriment des autres organismes. Je propose donc le rejet de cet amendement.
M. Jean-Pierre Barbier. Je constate qu’avec cet article, vous ôtez à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), 1,5 milliard de recettes provenant des prélèvements sociaux. Vous compensez cette diminution par un apport de 1,4 milliard provenant de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, et les produits des jeux, ainsi que 100 millions tirés de la CSG sur les revenus du capital. Or, ces sommes affectées à la CADES feront bien défaut quelque part ! Avec quelles recettes financerez-vous ce mouvement de fonds ?
M. Gérard Bapt, rapporteur. Le dispositif est certes complexe, mais il simplifie le financement de la CADES, qui ne reposera plus que sur les ressources tirées de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), supprimant le troisième mode de financement qui existait. D’autre part, les pertes de recettes et les transferts internes à la sécurité sociale sont bien compensés, et l’équilibre est garanti.
M. Jean-Pierre Barbier. Certes, on revient à l’équilibre en transférant à la CADES un montant de 1,5 milliard, mais il sera prélevé ailleurs. D’autre part, la CADES était jusqu’à présent financée à hauteur de 13,1 % par le fonds de réserve des retraites, et cela n’apparaît plus dans les données qui nous sont communiquées. Qu’en est-il ?
Cette question du financement de la CADES me semble très préoccupante. À l’article 17, monsieur le rapporteur, vous présenterez un amendement visant à transférer une partie du déficit de l’ACOSS aux comptes de la CADES. Vous supprimez des recettes tout en alourdissant le budget de la CADES ! Comment ferez-vous donc l’an prochain ?
M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous reparlerons de l’an prochain en temps voulu. Pour cette année, le transfert de la dette de l’ACOSS à la CADES est d’ores et déjà préfinancé.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS356 de M. Bernard Accoyer.
Mme Claudine Schmid. Cet amendement vise à éviter le transfert du produit de la CSG sur les revenus du capital au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Ce transfert a été décidé malgré l’arrêt du 26 février 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne et celui du 27 juillet 2015 du Conseil d’État, qui a considéré que l’imposition des prélèvements sociaux sur les revenus du capital des non-résidents n’est pas conforme à la législation européenne, ce dont M. le rapporteur a d’ailleurs convenu par écrit. Il est étonnant que le Gouvernement contourne par cet article les décisions de ces juridictions. Le rejet du présent amendement nous engagerait donc à nouveau sur la voie de trois années de contentieux. Du même coup, l’argument selon lequel l’adoption de l’amendement précédent nous mettrait en contradiction avec le droit européen n’est pas recevable. D’autre part, l’affectation du produit de la CSG sur les revenus du capital à une prestation sociale non contributive constitue selon moi la première étape de la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu, que M. Ayrault vient de présenter en séance publique. Enfin, hormis les réserves exprimées ci-dessus, un tel article a davantage sa place en projet de loi de finances.
M. Philip Cordery. Avant 2012, les non-résidents ne s’acquittaient ni de la CSG ni de la CRDS ; en 2012, nous avons mis un terme à cette inégalité. Certes, la Cour de justice de l’Union européenne y a vu un problème de conformité avec le droit européen, mais seul le mécanisme est en cause, et non le principe d’égalité devant l’impôt. Le Gouvernement propose de réaffecter le produit de ces prélèvements au FSV et, pour partie, à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Ces prestations n’étant pas liées à l’appartenance à un régime de sécurité sociale, la mesure est conforme au droit européen. En outre, elle est juste et cohérente, car il est essentiel que tous les contribuables participent de la même manière à l’effort national. Je m’étonne que Mme Schmid défende son amendement avec tant d’ardeur car, si tous les députés agissaient ainsi sous la pression des électeurs afin de supprimer des prélèvements impopulaires, la solidarité disparaîtrait dans notre pays ! De surcroît, le véritable problème ne tient pas aux prélèvements sociaux, que chacun paie, mais à l’inégalité qui subsiste en matière d’impôt sur le revenu, puisque les non-résidents paient un forfait de 20 %. Cette question, toutefois, relève du projet de loi de finances.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Par cet amendement, vous contestez la conformité de l’article 15 à la jurisprudence européenne. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que des prélèvements sociaux sur le capital acquittés par des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre ne peuvent pas être affectés à des organismes servant des prestations sociales contributives. Au passage, j’insiste sur le fait que l’on peut être non-résident tout en étant affilié ou, inversement, non affilié tout en étant résident.
Le Gouvernement a choisi de réaffecter ces prélèvements sociaux à la première section d’un FSV réorganisé, section qui ne servira que des prestations non contributives, dont les personnes non affiliées pourront, le cas échéant, bénéficier si elles se trouvent en situation de chômage à leur retour sur le territoire national. Mon rapport expose longuement les arguments juridiques permettant de penser que la solution retenue par le Gouvernement est conforme au droit de l’Union. En outre, il me semble que la Commission réfléchit à l’interprétation rigide de la règle qui a inspiré l’arrêt Ruyter. Je ne peux donc qu’être défavorable à cet amendement qui remet en cause le principe même de l’article 15 sans proposer de solution alternative.
M. Bernard Accoyer. Monsieur Cordery, l’amendement de M. Le Borgn’ est le même que celui que Mme Schmid et moi-même avons signé, si bien que je suis surpris de votre attaque contre un député représentant les Français de l’étranger qui se montre fidèle à ses électeurs, injustement traités par cette mesure inique. Inique, car l’opacité du texte de l’article 15 – que vous avez vous-même reconnue, monsieur le rapporteur – illustre ce système de tuyauteries infernales et pernicieuses qu’est devenu le PLFSS : cette illisibilité crée un problème de sincérité.
Nous assistons à un bal d’hypocrites, car on contourne une décision de justice, attitude dilatoire qui engendrera le lancement d’une nouvelle procédure et qui nous conduira à la même situation. Le Gouvernement pose des bombes à retardement pour le cas, fort probable, où une alternance se produirait dans deux ans. Il a déjà agi de la même manière pour le transfert du revenu de solidarité active (RSA) aux départements.
Vous avez également ponctionné le fonds de solidarité vieillesse, qui se retrouve maintenant gravement déficitaire. Il n’y a aucune sincérité puisque les cotisations pour la vieillesse des chômeurs ont été remplacées par d’autres cotisations, comme l’exige la nature même du FSV. L’article 15 constitue un arrangement malsain et une insulte pour les Français expatriés qui ont investi en France. Une fois de plus, la majorité incite à désinvestir, ce qui créera du chômage.
M. Denys Robiliard. Nous devons respecter la décision de justice de l’Union européenne (UE) qui nous oblige à rembourser des contributions prélevées. Le besoin de financement reste identique, et l’on affirme que la contribution sociale généralisée (CSG) est, en droit français, un impôt. Celui-ci, créé par Michel Rocard, vise à refuser de faire supporter au seul travail le financement de la sécurité sociale. L’instauration de la CSG répond donc au souhait de fiscaliser une partie des recettes de la sécurité sociale, la part de ce mode de financement pouvant être débattue.
Rien ne justifie que des revenus générés en France échappent à l’impôt ; on peut discuter de la conformité de cette disposition au droit de l’Union, mais on ne peut pas faire de procès d’intention. Monsieur Accoyer, allez voir au ministère de l’agriculture les conséquences de décisions prises par le précédent gouvernement, et dont la présente majorité a dû assurer le financement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 15 sans modification.
La Commission examine l’amendement AS363 de M. Bernard Accoyer.
Mme Claudine Schmid. Le Gouvernement estime pouvoir contourner des décisions de justice en affectant la recette de la CSG prélevée sur les non-résidents à des prestations non-contributives comme celles du FSV. La sécurité juridique de ce montage pose question au regard du droit européen.
Cet amendement vise donc à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport sur l’ensemble des conséquences de l’application de ce nouveau dispositif pour les non-résidents.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Schmid, vous demandez un rapport sur un sujet qui n’existe pas ; en effet, vous souhaitez évaluer les conséquences pour les non-résidents de l’attribution au FSV de la CSG et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Or, ce n’est pas ce que prévoit l’article 15 ! Celui-ci affecte l’essentiel du produit des prélèvements sociaux sur le capital à la première section d’un FSV rénové, servant uniquement des prestations non contributives, et pas seulement la CSG et la CRDS, dont l’ensemble du produit n’est d’ailleurs pas mobilisé. En outre, il ne s’agit pas des non-résidents, mais des non-affiliés. Ainsi, même si votre amendement était mieux rédigé, je ne vois pas ce qu’il pourrait apporter comme information. Si vous êtes si sûre que l’article 15 n’empêchera pas de nouveaux contentieux, le juge dira le droit ! Vous préjugez de décisions qui dépendent, entre autres, des explications apportées par les autorités françaises à la Commission européenne. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Article 17
(art. 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale)
Aménagement du calendrier de reprise des déficits par la CADES
Cet article permet d’anticiper un transfert de déficits à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).
Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2011 et 2014 ont prévu le transfert progressif à la CADES des déficits accumulés entre 2011 et 2017 par la branche maladie du régime général de sécurité sociale, la branche famille, la branche vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Ce transfert est possible dans le respect d’un double plafond, global et annuel : son montant total ne saurait excéder 62 milliards d’euros, et il doit se faire par tranches annuelles de 10 milliards au maximum. Dans l’attente de leur transfert à la CADES, les déficits sont portés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui octroie en conséquence aux organismes concernés des lignes de trésorerie, qu’elle finance en empruntant sur les marchés.
Les conditions d’emprunt étant particulièrement favorables aujourd’hui, le Gouvernement juge opportun de transférer en totalité à la CADES la fraction des 62 milliards non encore transférée, soit 23,6 milliards. Cette fraction serait ainsi « couverte » contre le risque de remontée des taux d’intérêt, la CADES pouvant l’amortir dans des conditions très vraisemblablement plus favorables qu’à l’avenir, et l’ACOSS se trouvant allégée d’une charge qu’elle n’a pas vocation à supporter durablement.
Cet article ne nécessite pas d’octroyer de nouvelles recettes à la CADES, car l’enveloppe de 62 milliards, dont les modalités de financement ont été prévues par la LFSS 2011, n’est pas augmentée. Pour les mêmes motifs, il ne nécessite pas davantage de prolonger la durée de vie de la CADES. Il empêche en revanche la reprise des déficits des années 2016 et 2017, puisque le plafond de 62 milliards sera saturé par la reprise des déficits 2015. La reprise des éventuels déficits ultérieurs appellera donc d’autres mesures législatives.
I. LE DROIT EXISTANT
● La CADES a été créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative à l’amortissement de la dette sociale, afin de financer – c’est-à-dire in fine de rembourser aux créanciers – la dette sociale qui lui est transférée par la loi, et qui résulte elle-même des déficits du régime général de sécurité sociale.
Ces déficits contreviennent au principe d’équilibre du régime général (156), dont il résulte que l’ACOSS ne consent que des « avances de trésorerie » infra-annuelles, et ne finance pas l’endettement pérenne des branches. La création d’un établissement public dédié est donc apparue comme la réponse adaptée à l’amortissement d’une dette constituée en dépit du principe d’équilibre, et contre la pure logique économique qui voudrait que l’endettement public serve à financer des dépenses d’investissement et non des prestations sociales.
Concrètement, la CADES reprend les déficits portés par l’ACOSS et emprunte sur les marchés financiers, au moyen d’instruments variés, les montants nécessaires à l’amortissement du capital de la dette et au paiement de ses intérêts. Ces emprunts sont eux-mêmes remboursés progressivement par les ressources propres affectées à la Caisse, au premier rang desquelles la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), créée par la même ordonnance. Initialement prévue jusqu’en 2009, la durée de vie de la CADES a été progressivement allongée, du fait de l’élargissement en plusieurs étapes du champ de ses missions (c’est-à-dire des reprises de déficits). Parallèlement, le panel de ses ressources propres s’est diversifié, au-delà de la seule CRDS.
● Sans entrer dans un détail qui excède le champ de ce commentaire, et que l’on peut au demeurant retrouver en annexe 8 du PLFSS, il faut retenir les éléments suivants :
– jusqu’en 2005, les reprises de déficits successives ont eu pour conséquence des allongements de la durée de vie de la CADES, de 2009 initialement à 2021 ;
– l’article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) a modifié l’ordonnance de 1996, en prévoyant que tout nouveau transfert de déficits à la CADES soit accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale ;
– l’article 1er de la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale a dérogé au principe posé par la LOLFSS, en permettant d’allonger de quatre ans la durée d’amortissement de la dette, soit jusqu’en 2025 ;
– dans sa décision relative à la LFSS 2011, qui a de fait procédé à cet allongement, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d’interprétation, jugeant cet allongement conforme à la Constitution à condition que les transferts ultérieurs de ressources à la CADES n’aient pas pour conséquence « une dégradation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale » (157). Autrement dit, le transfert de nouveaux déficits à la CADES devra être neutre pour le régime général et les organismes concourant à son financement.
● Pour la bonne compréhension des modifications proposées par cet article, il est en revanche nécessaire de s’attarder davantage sur les mesures adoptées en LFSS 2011 et 2014.
L’article 9 de la LFSS 2011 (158) a procédé à la dernière reprise de déficits par la CADES, qui s’est vue transférer un maximum de 130 milliards d’euros (159) :
– 68 milliards au plus dès 2011, correspondant au déficit cumulé en 2009 et 2010 du régime général (hors branche accidents du travail et maladies professionnelles) et du FSV, ainsi qu’au déficit prévisionnel des branches famille et maladie pour 2011 ;
– 62 milliards au plus entre 2011 et 2018, dans la limite de 10 milliards par an, correspondant au déficit prévisionnel de la branche vieillesse et du FSV au titre de ces années.
Le financement de chacun des deux volets de ce transfert est assuré par, respectivement :
– l’affectation à la CADES de 0,28 point de contribution sociale généralisée (CSG), bénéficiant antérieurement à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ;
– la combinaison de deux recettes provenant du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) :
o d’une part, l’affectation de 1,3 point du prélèvement social sur les revenus du capital ;
o d’autre part, un versement annuel de 2,1 milliards d’euros, jusqu’en 2024.
L’article 16 de la LFSS 2014 (160) a tiré les conséquences positives attendues de la réforme des retraites, intervenue immédiatement après avec la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Cette réforme devrait en effet avoir pour conséquence un quasi-équilibre de la branche vieillesse à horizon 2020, contre un déficit attendu de près de 8 milliards d’euros (pour cette seule année) avant réforme.
Les marges de manœuvre ainsi dégagées permettaient d’envisager, dans le respect du double plafond de 62 milliards sur la période et de 10 milliards par an, de faire reprendre à la CADES d’autres déficits que ceux de la branche vieillesse et du FSV.
La LFSS 2014 a donc procédé à un élargissement du champ des déficits pouvant être repris dans ces limites, à ceux des branches maladie et famille (161). Elle a par ailleurs tenu compte de l’évolution des perspectives financières depuis l’entrée en vigueur de la LFSS 2011, et donc ramené de 2018 à 2017 la dernière année de reprise de déficits, afin de s’assurer que soit bien respecté le plafond de 62 milliards.
Le tableau suivant indique, pour chaque année d’application du mécanisme de reprise issu de la LFSS 2014, le montant et l’origine des dettes transférées à la CADES.
PROJECTION DE REPRISE DES DÉFICITS DU RÉGIME GÉNÉRAL ET DU FSV
MÉCANISME DE LA LFSS 2014
(en milliards d’euros)
Année de reprise Déficits repris |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
Total |
Assurance maladie 2012 |
4 |
1,9 |
5,9 | |||||
Assurance maladie 2013 |
1,2 |
6,4 |
0,1 |
7,7 | ||||
Assurance maladie 2014 |
4,5 |
1,6 |
6,1 | |||||
Famille 2012 |
2,5 |
2,5 | ||||||
Famille 2013 |
2,8 |
2,8 | ||||||
Vieillesse N-1 |
6 |
4,8 |
3,3 |
1,2 |
0,6 |
15,8 | ||
FSV N-1 |
3,4 |
4,1 |
2,7 |
3,2 |
3,1 |
2,6 |
2 |
21,2 |
Total régime général et FSV |
9,5 |
8,9 |
10 |
10 |
10 |
10 |
3,6 |
62 |
Source : rapport du rapporteur sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, n° 1470, XIVème législature, 14 octobre 2013, page 145 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r1470-tI.pdf
II. LE DROIT PROPOSÉ
● Cet article transfère à la CADES, dès 2016, les déficits qui, en l’état du droit, lui auraient été transférés sur la période 2016-2018.
Sur le plan juridique, les modifications à apporter sont très simples : il suffit de supprimer, au II quinquies de l’article 4 de l’ordonnance de 1996, le plafond annuel de 10 milliards d’euros, résultant de la LFSS 2011. C’est à cette suppression que procède le 1°.
Le même 1° prévoit par ailleurs que la dernière année dont les déficits peuvent être repris est 2015, et non plus 2017 : c’est en effet la condition sine qua non du respect du plafond global de 62 milliards d’euros, qui n’est pas modifié.
Cet article se contente d’anticiper la reprise par la CADES de déficits que la loi prévoyait de lui transférer ultérieurement, sans augmenter le montant total de reprise. Il n’appelle donc pas l’affectation à la CADES de ressources supplémentaires. Bien évidemment, la durée de vie de la Caisse ne s’en trouve pas non plus prolongée, ce qui nécessiterait au demeurant une disposition organique.
Le 2° procède à une modification de conséquence, s’agissant de l’ordre de priorité des reprises, détaillé supra. En l’état du droit, cet ordre de priorité s’applique au sein des deux plafonds ; la suppression du plafond de 10 milliards appelle donc un ajustement de la rédaction de l’ordonnance.
● En 2016, ce sont donc 23,6 milliards d’euros qui seraient transférés à la CADES : outre les 10 milliards prévus par le mécanisme issu de la LFSS 2014, seraient également transférés les 10 milliards prévus en 2017 au titre des déficits 2016, et les 3,6 milliards prévus en 2018 au titre des déficits 2017, permettant de saturer dès 2016 le plafond global de 62 milliards.
Le rapporteur a sollicité la remise d’un tableau actualisé, sur le modèle du précédent, sans l’obtenir à ce jour.
● Les 13,6 milliards transférés dès 2016 allégeraient d’autant les avances de trésorerie consenties par l’ACOSS pour le financement de ce qui est en réalité une dette pérenne. Dans son rapport de 2015 sur l’application des LFSS, la Cour des comptes rappelle qu’en l’état du droit et des projections, ces avances s’élèveraient à 30 milliards d’euros fin 2018, atteignant 32,5 milliards en 2016 (soit environ 20 % de la dette sociale) (162). Or, la fraction de dette ainsi financée par l’ACOSS l’est au moyen d’instruments de court terme, alors que la CADES amortit la dette qui lui est transférée par une combinaison d’instruments de court, moyen et long terme, par construction moins volatils.
Les taux d’intérêt atteignent en ce moment des niveaux historiquement bas, parfois même négatifs à court terme. Le taux global de refinancement de la CADES était ainsi de seulement 2,1 % au 31 juillet dernier, en décrue constante depuis le 31 décembre 2010 (3,56 %, puis, pour chacune des années suivantes, 2,84 %, 2,7 %, 2,52 % et 2,42 %) (163). Mais, ainsi que le relève la Cour des comptes, « le programme de stabilité 2015-2018 se fonde sur une remontée progressive des taux courts et longs d’ici à 2018 » (164) ; selon la même source, ces risques de taux « peuvent être estimés à 6 milliards à fin 2018 » (165) (5 milliards sur la dette portée par l’ACOSS et 1 milliard sur celle portée par la CADES).
La Cour recommande donc, comme elle le fait de manière constante, « d’organiser rapidement la reprise par la CADES de la part des déficits actuellement financés par l’ACOSS qui ne sont couverts par aucun mécanisme d’amortissement » (166). Cette proposition va au-delà de ce que prévoit cet article, puisqu’il s’agit non pas d’anticiper une reprise de déficits déjà prévue, mais de prévoir la reprise de déficits ultérieurs. Pour ce faire, il conviendrait donc – sauf à prolonger la durée de vie de la CADES au-delà de 2024 (167) – d’accroître les recettes de la Caisse, à hauteur de 3 milliards d’euros selon la Cour, soit 0,23 point de CRDS.
Dans l’étude d’impact, le Gouvernement justifie le fait de n’avoir pas retenu cette option en soulignant que la mesure qu’il propose à la place « réduirait de manière très significative l’endettement de l’ACOSS au titre des années 2016 et 2017, et donc son exposition au risque, sans avoir d’impact financier significatif pour la CADES ni l’effet défavorable pour les ménages qu’aurait une hausse de la CRDS ». Il faut signaler que l’impact de la mesure envisagée
– nécessairement positif en cas de remontée des taux –n’est pas chiffrable, car il dépendra de la stratégie de financement retenue par la CADES, dont les effets ne peuvent pas être simulés ex ante.
Il n’en demeure pas moins qu’une solution d’amortissement devra être trouvée pour les déficits prévisionnels dont le transfert à la CADES n’est pas organisé, à savoir ceux nés à compter de 2016. Sur la base des prévisions de la LFSS 2015, la Cour évalue à 18,7 milliards d’euros le montant de ces déficits, pour le régime général et le FSV (10,2 milliards au titre de 2016, 5,7 au titre de 2017 et 2,9 au titre de 2018, année au-delà de laquelle les comptes sociaux sont supposés tendre à l’équilibre).
*
La Commission a adopté un amendement technique du rapporteur, mettant en cohérence avec les dispositions de cet article le calendrier de reprise de dette par la CADES.
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La Commission étudie l’amendement AS385 du rapporteur Gérard Bapt.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement, technique, a pour objet de mettre en cohérence le calendrier annuel de reprise de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) avec les dispositions de l’article 17 du projet. L’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale prévoit que les déficits sont repris à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre des années 2011 à 2017 avant le 30 juin de chaque année. Cette reprise de dette est encadrée par un double plafond : 62 milliards d’euros sur la période et 10 milliards par an.
L’article 17 ouvre la possibilité de reprendre dès 2016 le solde permettant de saturer le plafond de 62 milliards d’euros, en faisant sauter la limite annuelle de 10 milliards. En 2016, la CADES reprendra donc 23,6 milliards d’euros à l’ACOSS, et non 10 milliards.
Afin d’étaler dans le temps cette opération et d’éviter de concentrer au premier semestre l’appel aux marchés, il serait souhaitable de supprimer l’obligation de reprise au 30 juin. L’article 29 prévoit d’ailleurs un plafond d’emprunt de l’ACOSS majoré jusqu’à fin août, afin qu’elle puisse porter la dette de la CADES jusqu’à cette date.
M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur Robiliard, vous récoltez ce que vous avez semé, car les « plans de campagne » couvraient la période allant de 1992 à 2002.
La CADES a été créée en 1996 dans le but louable d’amortir et d’étaler la dette sociale. Dans ses premières années, elle fut financée exclusivement par la CRDS, avant que la CSG et le fonds de réserve des retraites ne viennent l’alimenter. Le déficit de l’ACOSS s’élève aujourd’hui à 36 milliards d’euros. M. François Fillon, alors Premier ministre, avait préfinancé 62 milliards d’euros, et il reste 23,6 milliards dont vous prélevez entre 10 et 15 milliards d’euros pour réduire le découvert de l’ACOSS. Parallèlement, vous diminuez les recettes de la CADES, et l’ACOSS conservera une dette de 10 milliards d’euros. L’année prochaine, les déficits sociaux de l’année 2016 devront être intégrés, soit une nouvelle dizaine de milliards d’euros, si bien que le déficit cumulé de l’ACOSS se situera entre 26 et 27 milliards d’euros. Monsieur le rapporteur, comment le découvert de l’ACOSS, qui sera plafonné car on ne pourra pas déplafonner à nouveau, pourra être repris alors que la CADES connaîtra une baisse de ses recettes ? Deux solutions s’offriront à vous : allonger le délai de remboursement de la CADES au-delà de 2024 ou augmenter la CRDS. J’avais déjà alerté Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur ce sujet ; en fait, juste avant de quitter le pouvoir, vous dépouillez la CADES de ses 23,6 milliards d’euros, et vous laissez à vos successeurs le soin de régler la situation. Vous l’écrivez d’ailleurs dans le rapport annexé au projet de loi. Qu’allez-vous faire après 2016 ?
M. Gérard Bapt, rapporteur. Notre démarche n’est pas insincère, puisque nous l’écrivons dans le rapport, comme vous venez de le souligner, monsieur Barbier. À chaque année budgétaire suffit sa peine ! Nous devrons résoudre ce problème dans le PLFSS pour 2017, mais, pour l’année 2016, nous vous proposons une mesure de bonne gestion. L’ACOSS supporte à l’heure actuelle une part de la dette sociale, en la finançant à des conditions avantageuses par des taux d’intérêt négatifs, le ralentissement économique américain pouvant inciter la Réserve fédérale (Fed) à maintenir sa politique de taux bas.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 17 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement AS173 de M. Rémi Delatte.
M. Rémi Delatte. Cet amendement a pour but d’étendre aux établissements de santé le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable à la fourniture de logement et de nourriture dans les maisons de retraite et les logements-foyers.
La restauration en milieu hospitalier ne peut être assimilée à la celle d’entreprise et il n’y a pas lieu d’appliquer, comme aujourd’hui, le même taux de TVA. Elle s’avère humainement et techniquement beaucoup plus proche, sinon identique parfois, de la restauration effectuée dans les établissements médico-sociaux pour les personnes âgées et les handicapés.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Delatte, si ces établissements profitaient d’une baisse de la TVA, le Gouvernement en tiendrait probablement compte en diminuant ses dotations. Par ailleurs, la TVA étant un impôt intégralement affecté à l’État, vous devriez proposer d’amender le projet de loi de finances (PLF) et non le PLFSS. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement AS227 de M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. Nous proposons de créer une taxation qui aura pour effet d’augmenter progressivement le prix de l’huile de palme. Notre démarche poursuit un objectif sanitaire et environnemental. On attend des États se réunissant en France dans quelques semaines pour la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP-21) des mesures de réduction des gaz à effet de serre (GES) et d’arrêt de la déforestation, celle-ci constituant l’une des causes principales du dérèglement climatique. Pour des raisons économiques, les pays occidentaux s’avèrent de grands consommateurs d’huile de palme, dont les industriels abusent car elle est bon marché et facile à produire. Elle représente un facteur majeur du processus de déforestation, et la consommation excessive de ses acides gras saturés contribue aux maladies cardio-vasculaires.
Nous avons donc une responsabilité dans le développement de l’huile de palme et il nous revient d’augmenter progressivement sa taxation, aujourd’hui très faible, afin d’inciter les industriels à la délaisser. Il ne s’agit pas d’interdire l’huile de palme, car ce produit n’est pas dangereux s’il est modérément consommé et cultivé de manière durable.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Mon avis est défavorable, car le Gouvernement ne souhaite pas instaurer de nouvelles taxes, même sur le Nutella ! L’huile de palme ne contient pas d’acides gras trans qui s’avèrent les plus agressifs pour les mécanismes d’athérogenèse.
L’huile de palme importée dans l’UE obéit à des exigences environnementales et sociales strictes, dont le respect est contrôlé sur place par des organisations non-gouvernementales (ONG) ; si ces huiles ne partaient plus vers l’UE, la demande des pays émergents pourrait être satisfaite par la production chinoise qui n’est soumise à aucun contrôle. En outre, on peut douter qu’une taxe fasse baisser la consommation. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le rapporteur, vous avez défendu l’instauration de taxes spécifiques sur les boissons énergisantes et vous connaissez bien les questions de santé environnementale, si bien que je m’étonne de votre position.
Vous méconnaissez le marché de l’huile de palme, car il n’arrive pas que de l’huile durable et artisanale en Europe. Votre réponse ne me satisfait donc pas.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement AS242 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Joëlle Huillier. Les Français sont nombreux à croire que les fumeurs rapportent plus qu’ils ne coûtent à l’État, du fait de la fiscalité du tabac. Au contraire, le coût des dégâts du tabagisme, en hausse constante, pèse lourdement sur les comptes publics et ampute la sécurité sociale de toute marge de manœuvre. Dans la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), parue en septembre 2015, le coût global du tabac est évalué à 120,4 milliards d’euros par an, soit dix fois le déficit de la sécurité sociale, qui s’élève à 13 milliards d’euros en 2015. Ce document révèle également que le coût s’élève à 25,9 milliards d’euros par an pour les seules dépenses sanitaires.
Notre amendement vise à exercer une forte pression fiscale sur les prix des cigarettes, qui constituent un élément essentiel de la lutte contre le tabac, comme l’a lui-même rappelé le président de la République par ces mots : « L’évolution des prix nous enseigne que les seules baisses significatives – elles ont été rares – de la consommation de tabac se sont produites après des augmentations fortes du prix des cigarettes ». En outre, une augmentation du prix accroît les rentrées fiscales et permet de compenser partiellement le coût sanitaire et social du tabac qui pèse sur les comptes de la sécurité sociale.
Il s’avère urgent de prendre des mesures fortes et courageuses. Le tabac tue aujourd’hui 220 personnes par jour et 79 000 par an. L’objectif, à terme, est d’atteindre le seuil psychologique de 10 euros le paquet de cigarette. L’amendement a pour objet d’augmenter le taux proportionnel frappant les cigarettes de 49,7 % à 52,9 % et le minimum de perception de 210 à 247 euros pour 1 000 cigarettes, afin d’accroître le prix du paquet de cigarettes.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement est le premier d’une série visant à augmenter la fiscalité sur les produits du tabac. Étant cardiologue, je ne contesterai pas les méfaits du tabac, qui ne sont d’ailleurs pas uniquement vasculaires. Néanmoins, le projet de loi de modernisation du système de santé comporte une mesure qui s’intègre dans le programme national de réduction du tabagisme (PNRT), présenté par Mme la ministre en septembre dernier, et qui établit le paquet neutre.
Nous devons demander au Gouvernement s’il est opportun, au moment où l’on souhaite déployer le paquet neutre, d’augmenter le prix du tabac et, comme le proposent les amendements suivants, d’aligner le prix du tabac roulé sur celui du transformé et celui pratiqué en Corse sur celui du continent. Ce débat sera utile, car la hausse du prix du tabac s’est montrée efficace pour réduire la consommation de tabac chez les jeunes, qui sont plus sensibles au coût des cigarettes qu’à leur présentation. Le Gouvernement n’ayant pas arbitré sur la concomitance de la mise en circulation du paquet neutre et de l’augmentation du prix du tabac, je demande aux auteurs de ces amendements de les retirer. Ils pourront les redéposer en vue de la discussion en séance publique, qui sera éclairée par les arbitrages du Gouvernement.
M. Francis Vercamer. Je salue la volonté de combattre le tabagisme qui provoque tant de drames. Néanmoins, issu d’une région frontalière, je constate que la vente de tabac se développe de l’autre côté de la frontière, si bien que c’est l’UE qui devrait se pencher sur l’opportunité d’augmenter la fiscalité sur le tabac.
Dans ma région, on voit arriver, parfois dans des semi-remorques, des quantités massives de tabac ne devant pas toujours obéir aux réglementations ; cette situation crée davantage de menaces pour la santé que le tabac vendu légalement en France. En outre, le PLF diminue les crédits affectés aux services des douanes et supprime des postes dans cette administration. Si on laisse le tabac entrer frauduleusement dans notre pays, on ne réglera pas le problème de santé publique. En l’absence de réflexion européenne sur le sujet, je ne soutiendrai pas ces amendements.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure pour l’assurance maladie. Cet amendement complète le PNRT présenté par Mme la ministre et ne le contredit aucunement. Le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré que la mesure la plus efficace contre le tabagisme était l’augmentation du prix, si bien qu’il nous faut l’introduire dans ce PLFSS. L’augmentation de prix décidée l’année dernière a constitué un rattrapage utile après une période de gel.
Un plan doit être complet pour réussir : nous devons donc utiliser toutes les armes à notre disposition, et celle du prix possède l’impact le plus fort.
M. Gérard Sebaoun. Nous sommes tous inquiets de l’augmentation des cas de cancer dans notre pays, cette maladie représentant la première cause de mortalité ; or 30 % des décès par cancer sont dus au tabac en France. Il faut donc savoir ce que l’on veut ; si nous souhaitons agir pour la santé publique, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur l’intoxication mortelle induite par ce combustible.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Par souci de cohésion, je retire cet amendement que nous réintroduirons en séance publique. J’invite chacun à nous rejoindre et à en cosigner la prochaine version ; en effet, dans dix ans, notre action contre le tabac sera évaluée sans mansuétude, car toutes ses conséquences nous sont connues. Nous parlons là de la drogue la plus puissante et du tueur le plus efficace.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement AS243 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Cet amendement vise à aligner la fiscalité pesant sur le tabac à rouler sur celle des cigarettes, le prix de celui-là étant aujourd’hui inférieur de 30 % à celui de celles-ci. Cet écart fait que beaucoup de jeunes entrent dans le tabagisme par ce mode de consommation sur lequel nous devons donc agir. Par cohérence, je retire néanmoins l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement AS244 de Mme Michèle Delauany.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Nous souhaitons que le prix du tabac en Corse devienne identique à celui du continent. Les buralistes ne soutiennent pas cet alignement, alors qu’ils le demandent pour l’Espagne où le prix est le même qu’en Corse ; nous nous interrogeons donc sur la logique de ces professionnels, le prix pratiqué en Corse favorisant les ventes illicites.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Là encore, je demande le retrait de cet amendement.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je le retire.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement AS245 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je le retire.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement AS238 de M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. L’affaire des mesures biaisées de la pollution induite par le diesel des véhicules Volkswagen a fait tomber le mythe, alimenté par les constructeurs, d’un diesel propre. L’OMS a d’ailleurs jugé que les particules fines des moteurs diesel étaient un cancérigène probable, et nous savons maintenant qu’elles causent des maladies cardio-vasculaires et des cancers.
Deux tiers du parc automobile français marche au gazole ; cette proportion découle de choix opérés par les constructeurs et soutenus par les pouvoirs publics, qui isolent aujourd’hui l’industrie automobile française en Europe et dans le monde. Cette singularité joue un rôle dans les faibles résultats enregistrés à l’exportation et dans le marasme de la filière automobile de notre pays qui a raté le virage du véhicule propre.
Nous devons sortir de cette situation pour des raisons économiques et sanitaires, et cet amendement propose de créer une taxe sur les immatriculations de voitures neuves livrées à partir du 1er juillet 2016. Il ne s’agit pas de pénaliser ceux qui ont déjà acquis un véhicule diesel, mais d’inciter les futurs acheteurs à privilégier d’autres voitures. Cela permettra de rééquilibrer la demande et de modifier la composition du parc français d’ici dix à quinze ans, période nécessaire au renouvellement d’un parc automobile.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Je rejoins l’argumentation sanitaire développée par M. Roumegas. Cependant, la fiscalité énergétique fait actuellement l’objet d’un grand débat qui trouvera sa concrétisation législative dans le prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR). La mesure que vous défendez, monsieur Roumegas, doit s’intégrer dans un ensemble de dispositions plus large, et il conviendrait que vous déposiez cet amendement lors de l’examen du PLFR. Tout en partageant votre objectif, je vous demande de retirer votre amendement.
M. Gérard Sebaoun. Je partage l’exposé des motifs développé par M. Roumegas, mais si la mortalité par cancer due au tabac s’élève à 30 %, celle due à l’alcool à 10 %, celle due à toutes les formes d’exposition professionnelle à 4 %, et celle découlant de la pollution à 2 %. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas lutter contre la pollution, mais il faut s’attaquer au tabac et avoir un débat argumenté sur le diesel.
M. Francis Vercamer. Je veux bien comprendre que si on élève les taxes sur le tabac, le prix augmentera et la consommation diminuera peut-être – même si la réflexion doit être conduite à l’échelle européenne. En revanche, une taxe de 500 euros sur la carte grise n’aura pas d’impact sur la demande de véhicules. Si le diesel est dangereux pour la santé, exigeons plutôt des constructeurs des aménagements permettant d’éliminer ses effets néfastes. L’exposé des motifs cite l’OMS qui estime que les particules fines sont cancérigènes : il serait plus opportun de lutter contre ces particules que d’instaurer une taxe !
M. Jean-Louis Roumegas. Je maintiens mon amendement. Monsieur Vercamer, la taxe sur la carte grise vise à dissuader l’acquisition de véhicules neufs diesel et à renouveler progressivement le parc automobile. La convergence des taxations sur les carburants constitue une autre disposition qui relève, comme l’a indiqué M. le rapporteur, du PLFR.
Monsieur Sebaoun, je me méfie de vos chiffres car les causes du cancer s’avèrent de plus en plus entremêlées. Des expositions cumulées – au tabac, à l’alcool et à la pollution – renforcent les risques d’avoir un cancer, mais il est difficile d’identifier le facteur déclenchant la maladie.
Monsieur le rapporteur, il est opportun de déposer cet amendement dans le cadre de la discussion du PLFSS, car nous proposons d’affecter le produit de cette taxe à l’assurance maladie, qui a bien besoin de ressources nouvelles.
M. Bernard Accoyer. Je suis contre cet amendement.
Tout d’abord, effectivement, il se dit beaucoup de choses, notamment des choses fausses. Les nouveaux diesels polluent très peu, et ce grâce à une technologie française. Ainsi, en empruntant la direction souhaitée par M. Roumegas, nous nous tirerions une balle dans le pied. Compte tenu de la situation économique et sociale de notre pays, ce n’est pas le moment !
Ensuite, s’il est une qualité qu’on ne peut dénier à la majorité, c’est son imagination fertile en matière de fiscalité. Cependant, la pollution a bien d’autres causes que les moteurs diesels. La première, c’est le chauffage domestique, notamment le chauffage au bois – sauf dans certaines conditions particulières. Nous en faisons la douloureuse expérience en Haute-Savoie.
Enfin, arrêtons de dire que tout va mal en matière de santé publique ! L’espérance de vie en France est une des plus longues au monde et elle continue de s’allonger chaque année de près de trois mois. Avancer tous ensemble, c’est bien, mais il faut aussi savoir s’arrêter. Or notre collègue propose d’instaurer une taxe dont le montant, initialement de 500 euros, serait ensuite allègrement porté à 3 000 euros. Soyons sérieux !
Nous nous opposons à cet amendement.
Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Chacun sait que c’est, dans 80 % des cas, sur des sujets dont les poumons sont altérés par le tabac, que les dégâts pulmonaires de la pollution – les pires dégâts de la pollution – sont particulièrement graves. Si l’on peut parler d’effet cumulatif, le primum movens, c’est le tabac.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Je souhaite apporter une précision. Le produit de la taxe que cet amendement tend à instaurer serait affecté non à l’assurance maladie, comme vous l’avez prétendu, monsieur Roumegas, mais au FSV.
La Commission repousse l’amendement.
Chapitre IV
Dispositions relatives à l’architecture financière de la sécurité sociale
Article 18
Intégration au régime général du régime spécial d’assurance maladie, maternité et décès du grand port maritime de Bordeaux
Cet article vise à transférer au régime général de la sécurité sociale, à une date fixée entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018, la couverture des risques maladie, maternité et invalidité des agents relevant du régime spécial du grand port maritime de Bordeaux (GPMB).
I. DES INTERROGATIONS QUANT À LA PERTINENCE DU MAINTIEN DU RÉGIME SPÉCIAL DU GPMB
Le port maritime de commerce de Bordeaux a été créé par un décret du 13 novembre 1924. Suite à la loi n°2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire qui visait à moderniser la gouvernance de sept des neuf ports autonomes français, un décret du 9 octobre 2008 a transformé le port de Bordeaux en « grand port maritime ». Le régime spécial d’assurance maladie du GPMB couvre aujourd’hui les risques maladie, maternité, invalidité et décès. Les risques invalidité et le risque vieillesse sont, eux, couverts par le régime général depuis 1952 (168).
Ce régime spécial est géré par une mutuelle d’entreprise, la Caisse de prévoyance du port de Bordeaux (CPPB). Il protège à peine plus d’un millier de bénéficiaires, dont 410 agents et 611 ayants droit, pour un montant de prestations délivrées de 590 000 euros en 2014, ce qui en fait le régime spécial le plus modeste, à la fois en termes de bénéficiaires et de prestations servies.
À l’inverse, le coût moyen des charges de gestion d’un bénéficiaire du régime du GPMB est très élevé, à 345,1 euros par bénéficiaire contre 96 euros en moyenne pour l’ensemble des régimes de sécurité sociale et 90,9 euros pour le régime général (169). Ce régime spécial prend en effet en charge les prestations en nature dans des conditions identiques au régime général, mais il sert également quelques prestations supplémentaires telles que la prise en charge intégrale du forfait hospitalier ou des forfaits spécifiques en dentaire, optique et acoustique, pour un montant qui s’est élevé à 120 000 euros en 2012.
Ce régime se caractérise également par une absence de cotisation salariale, depuis le 1er janvier 1998, et par une cotisation employeur particulièrement faible de 4,65%, alors que les autres ports maritimes relèvent tous du régime général et s’acquittent à ce titre de la cotisation maladie de droit commun de 12,80 %, ce qui est susceptible de porter atteinte à la concurrence loyale entre les établissements portuaires français.
Dans un contexte où la volonté des pouvoirs publics s’exprime clairement en faveur d’une rationalisation du paysage des opérateurs afin d’améliorer l’efficience du service public, en particulier s’agissant des petits opérateurs « dont les ratios entre activité et dépenses sont les plus élevés », les justifications au maintien du régime spécial du GPMB sont dès lors très fragiles.
Dans le domaine de la sécurité sociale, la préoccupation de rationalisation des pouvoirs publics s’illustre principalement par la démarche d’intégration progressive des régimes spéciaux au régime général ; la refonte de l’architecture financière de la branche maladie, proposée à l’article 20 du présent projet de loi, s’inscrit pleinement dans cette perspective.
Cet article définit par conséquent les modalités du transfert du régime spécial du GPMB vers le régime général.
II. LE TRANSFERT DE LA GESTION DU RISQUE MALADIE DU RÉGIME SPÉCIAL DU GPMB AU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Le 1° du I propose de transférer la gestion des risques maladie, maternité et décès du régime spécial du GPMB au régime général de la sécurité sociale « à compter d’une date fixée par décret comprise entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018 inclus ».
Seules les prestations en nature seront transférées ; les prestations en espèces prévues respectivement au 5° de l’article L. 321-1 − indemnités journalières en cas d’arrêt maladie − et à l’article L. 331-3 du code de la sécurité sociale − indemnités journalières en cas de maternité − continueront d’être versées par le GPMB.
Il est précisé par ailleurs que le premier alinéa de l’article L. 131-9 du même code demeure applicable : en vertu de cet article, les personnels du GPMB ne sont pas redevables de la cotisation salariale d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès du régime général. Cette cotisation salariale a vocation à financer les prestations en espèces du régime général, dont ne bénéficient pas les salariés du GPMB ; il est donc logique qu’ils soient dispensés de cette cotisation.
Le 2° du I organise la disparition de ce régime spécial. Il est précisé que le montant de la part des réserves de ce régime spécial qui doit être transféré à la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sera fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget compte tenu « de la part de ces réserves affectée au régime obligatoire constatée au 31 décembre de l’année précédant [la date effective du transfert] ».
III. LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DU TRANSFERT
Le premier alinéa du II renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités de mise en œuvre du transfert, « notamment les adaptations des règles relatives aux droits à prestations des assurances sociales fixées aux titres Ier à III et VI du livre III du code de la sécurité sociale rendues nécessaires par ce transfert ».
L’étude d’impact précise que les dispositions retenues sont similaires à celles mises en œuvre dans le cadre de l’intégration au régime général du régime spécial d’assurance maladie du personnel de la chambre de commerce et d’industrie de Paris par l’article 28 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (170).
Après le transfert au régime général de la gestion des prestations en nature actuellement servies par le GPMB, les prestations seront réparties de la manière suivante :
− le régime général servira les prestations en nature et le capital décès ; en pratique, le service des prestations sera assuré par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du lieu de résidence de l’assuré ;
− la prise en charge des prestations spécifiques servies par le régime spécial sera garantie, en vertu du principe de maintien des droits servis en cas de transformation d’un régime spécial posé à l’article R. 711-24 du code de la sécurité sociale.
Le second alinéa du II renvoie également à un décret le soin de fixer, « pour une période transitoire ne pouvant excéder sept ans » à compter de la date du transfert, le taux des cotisations dues chaque année par le grand port maritime de Bordeaux afin d’atteindre de manière progressive le taux de cotisation applicable aux fonctionnaires de l’État mentionné à l’article L. 712-9, c’est-à-dire 9,70 %. Les fonctionnaires de l’État ne sont en effet assurés au régime général que pour les prestations en nature.
Selon l’hypothèse d’une intégration au régime général au 1er janvier 2017, la cotisation employeur serait augmentée, selon l’étude d’impact, de 0,72 point chaque année pendant sept ans pour les agents déjà affiliés au régime spécial. Pour les salariés recrutés après la date du transfert, en revanche, la cotisation de 9,70 % sera pleinement applicable dès leur embauche. Le surcoût lié au relèvement progressif de la cotisation employeur dans le cadre du transfert du régime spécial au régime général pour les prestations en nature représentera, selon l’étude d’impact, quelques 113 000 euros lors de la première année de montée en charge. Mais il est précisé que ce surcoût sera « partiellement compensé par l’application du taux réduit des cotisations d’allocations familiales » prévu par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (171), pour les rémunérations annuelles n’excédant pas 3,5 fois le montant annuel du SMIC brut.
Le produit de ces cotisations bénéficiera directement à la CNAMTS ; s’y ajouteront les ressources liées au transfert des recettes de la CPPB issues de la contribution sociale généralisée (CSG), qui s’élevaient à un million d’euros en 2014. La CNAMTS devra toutefois supporter le coût des prestations en nature servies aux assurés nouvellement affiliés au régime général ; elle devra également assurer les prestations supplémentaires servies par le régime spécial du GPMB et les charges liées à la reprise de la dotation aux établissements hospitaliers.
Selon l’étude d’impact, cette mesure aura in fine un impact positif sur les comptes de la CNAMTS, avec un excédent de recettes attendu en 2017 (172) à 0,95 million d’euros, à 1,08 million d’euros en 2018 et à 1,22 million d’euros en 2019. L’augmentation de ces recettes s’explique, comme il a été dit, par le relèvement progressif des cotisations dues par le GPMB ; elle permettra de couvrir la charge des prestations délivrées par le régime général, y compris des prestations supplémentaires accordées par le régime spécial, aux agents du GPMB et à leurs ayants droit.
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La Commission adopte l’article 18 sans modification.
Article 19
(art. L. 311-3 du code de la sécurité sociale)
Affiliation au régime général des gens de mer employés à bord de navires étrangers
Cet article vise à pallier l’absence de couverture sociale :
– pour les marins qui résident en France et qui travaillent à bord de navires immatriculés dans un État étranger avec lequel la France n’a pas de dispositif de coordination de la sécurité sociale ;
– pour les marins qui sont employés à bord de navires étrangers faisant du cabotage dans les eaux territoriales françaises.
Les gens de mer qui résident en France et qui travaillent à bord de navires immatriculés dans un État étranger avec lequel la France n’a pas de dispositif de coordination en matière de sécurité sociale peuvent ne pas disposer de couverture sociale.
En effet, quand un marin est employé à bord d’un navire étranger, il est en principe affilié à la sécurité sociale de l’État dans lequel est immatriculé ce navire.
Or, en dehors des pays membres de l’Union européenne et de certains pays avec lesquels la France a conclu des accords internationaux de sécurité sociale, certains États ne disposent pas d’un régime de couverture sociale pour les gens de mer.
Toutefois, la Convention du travail maritime de l’Organisation internationale du Travail (OIT), signée à Genève le 7 février 2006, impose aux États signataires d’assurer une couverture sociale pour les gens de mer qui résident sur leur territoire, en complément de celle prévue par l’État d’immatriculation du navire sur lequel travaillent ces gens de mer, afin que la protection de ces derniers ne soit pas moins favorable que celle des résidents qui travaillent à terre.
Or, en l’état du droit, il n’est pas prévu d’affiliation pour les gens de mer qui résident en France et qui sont employés sur un navire battant pavillon étranger dont l’État d’immatriculation ne propose pas de couverture sociale.
Par ailleurs, si le principe de l’affiliation des gens de mer qui sont employés à bord des navires qui font du cabotage dans les eaux territoriales françaises est posé à l’article L. 5563-1 du code des transports, dans l’hypothèse où ces navires sont immatriculés dans un État membre de l’Union européenne (UE) ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), ce n’est pas le cas pour les gens de mer qui sont employés à bord de navires qui pratiquent le cabotage dans nos eaux et qui ne sont pas immatriculés dans un pays membre de l’UE ou de l’EEE.
L’article 19 a pour objet de fixer les modalités d’affiliation au régime général de la sécurité sociale des gens de mer :
– qui résident en France de manière stable et régulière et qui sont employés à bord d’un navire immatriculé à l’étranger qui ne pratique pas le cabotage dans nos eaux territoriales ;
– qui sont employés à bord d’un navire immatriculé à l’étranger qui pratique le cabotage dans nos eaux territoriales.
À cette fin, il est proposé de compléter l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale qui énumère diverses catégories de personnes rattachées au régime général.
En effet, au sein du titre Ier du livre 3 du code de la sécurité sociale, qui contient des dispositions relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au régime général, figure un chapitre 1er qui délimite le champ d’application des assurances sociales.
Au sein de ce chapitre, l’article L. 311-1 prévoit que « les assurances sociales du régime général couvrent les risques ou charges de maladie, d’invalidité, de vieillesse, de décès, de veuvage, de maternité, ainsi que de paternité, dans les conditions fixées par les articles suivants » et l’article L. 311-2 dispose que « sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ».
L’article L. 311-3 dresse la liste des personnes qui sont inclues « parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation [d’affiliation] prévue à l’article L. 311-2, même s’ils ne sont pas occupés dans l’établissement de l’employeur ou du chef d’entreprise, même s’ils possèdent tout ou partie de l’outillage nécessaire à leur travail et même s’ils sont rétribués en totalité ou en partie à l’aide de pourboires ». Il s’agit notamment des travailleurs à domicile, des employés d’hôtels, cafés et restaurants, des ouvreuses de théâtres, cinémas et autres établissements de spectacles, des journalistes professionnels et assimilés, des avocats salariés, des dirigeants de sociétés ou d’associations, etc.
Le présent article propose d’ajouter à cette liste un 33° et un 34°.
Le 34° étend l’obligation d’affiliation au régime général aux gens de mer salariés qui sont employés à bord d’un navire mentionné à l’article L. 5561-1 du code des transports, autrement dit d’un navire qui pratique le cabotage.
L’article L. 5561-1 précité prévoit en effet que le titre VI du livre V de la cinquième partie du code des transports, relatif aux conditions sociales du pays d’accueil des gens de mer, s’applique aux navires : « 1° ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage continental et de croisière d’une jauge brute de moins de 650 ; 2° ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage avec les îles, à l’exception des navires de transport de marchandises d’une jauge brute supérieure à 650 lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à destination d’un autre État ou à partir d’un autre État ; 3° utilisés pour fournir une prestation de service réalisée à titre principal dans les eaux territoriales ou intérieures françaises ».
Toutefois, le 34° qu’il est suggéré d’introduire à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale exclut l’obligation d’affiliation au régime général pour les gens de mer qui, employés à bord d’un navire pratiquant le cabotage dans les eaux territoriales françaises, sont :
– soit affiliés au régime de protection sociale d’un État (autre que la France) qui est membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, en application de l’article L. 5563-1 du code des transports, qui prévoit que ces gens de mer bénéficient alors du régime de protection sociale de l’État membre de l’UE ou partie à l’accord sur l’EEE et que ce régime comprend nécessairement le risque santé (maladie, invalidité, accident du travail et maladie professionnelle), le risque maternité-famille, le risque emploi et le risque vieillesse ;
– soit assujettis à un régime spécial en tant que travailleurs salariés détachés à l’étranger, en application de l’article L. 761-5 du code de la sécurité sociale, qui renvoie à des décrets en Conseil d