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N
° 3302

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 décembre 2015

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

PAR M. Jean-louis DESTANS

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 675 (2013-2014), 334, 335 et T.A. 81 (2014-2015).

Assemblée nationale : 2671.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’OBJET PRINCIPAL DU PROTOCOLE : AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA COUR ET DE L’EFFICAITÉ DU DISPOSITIF 5

II. LES DISPOSITIONS DU PROTOCOLE N°15 6

1. Les dispositions améliorant l’efficacité du système 6

2. Une disposition relative au fonctionnement interne de la Cour 7

3. Une modification du préambule affirmant le principe de subsidiarité 8

4. Les dispositions finales 8

CONCLUSION 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

ANNEXES 13

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 13

ANNEXE N° 2 : ETAT DES SIGNATURES ET RATIFICATIONS 15

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 17

INTRODUCTION

La Cour européenne des droits de l’homme instituée par la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 à Rome et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, doit faire face à un volume de requêtes considérables qui nuit à l’efficacité de la procédure. Quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe en sont en effet parties, ouvrant une possibilité de recours par chacun ou directement par les plus de 800 millions de justiciables couverts, ces requêtes individuelles étant en augmentation continue.

Le protocole n°15 portant amendement à la Convention a pour objet d’améliorer le fonctionnement de la Cour en traduisant les travaux conduits à cet effet depuis la Conférence de haut niveau sur l’avenir de la Cour tenue à Interlaken les 18 et 19 février 2010. Ce protocole donne ainsi effet à certaines dispositions de la Déclaration de la Conférence de Brighton réunie les 19 et 20 avril 2012. Il a essentiellement pour objet de désencombrer la Cour en complétant les précédents amendements à la Convention affectant le mécanisme juridictionnel et la procédure d’examen des requêtes.

Les amendements à la Convention qu’il comporte ont été élaborés, avec une participation active de la France, au sein du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), qui les a adoptés lors de sa réunion des 27 au 30 novembre 2012. Le Comité des ministres a adopté le projet de Protocole en tant que Protocole n°15 lors de sa session du 16 mai 2013, après que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe eut adopté un avis le 26 avril 2013.

I. L’OBJET PRINCIPAL DU PROTOCOLE : AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA COUR ET DE L’EFFICAITÉ DU DISPOSITIF

Environ 65.000 requêtes sont introduites chaque année devant la CEDH et au 31 décembre 2013, environ 99.900 affaires étaient pendantes devant une formation judiciaire de la Cour, la Cour ayant rendu, cette année 2013, 916 arrêts concernant 3 659 requêtes, pour 89 738 décisions d’irrecevabilité. L’élargissement du Conseil de l’Europe aux pays de l’Est a eu un impact massif en termes de nombre de requêtes, pour la très grande majorité irrecevables, qui ont nécessité des aménagements dont le résultat demeurait insatisfaisant.

Plusieurs procédures ont déjà instituées par la Cour pour améliorer son fonctionnement :

– la Cour a instauré une politique de traitement des requêtes en fonction des priorités, qui permet de tenir compte de l’importance et de l’urgence des questions soulevées pour déterminer l’ordre d’examen, ainsi qu’une procédure d’arrêt pilote, tendant à examiner une ou quelques requêtes et à reporter l’examen d’une série d’affaires similaires (1;

– la Cour a aussi créé en janvier 2011 une nouvelle instance de filtrage des requêtes en provenance de Russie, Turquie, Roumanie, Ukraine et Pologne, constituant plus de la moitié des affaires pendantes.

Ces mesures devraient permettre de purger progressivement les affaires pendantes tout en assurant un traitement différencié pertinent, notamment en termes de délais.

Néanmoins, précisément en termes de délais, la garantie des droits fondamentaux des justiciables ne peut être assurée efficacement dans les conditions actuelles, qui voient un délai moyen de jugement des affaires, toujours en 2013, de 21 mois et 7 jours et de 5 ans pour les affaires non prioritaires.

Le Protocole a donc pour objet premier d’amender la Convention dans le sens d’une plus grande efficacité, sans attenter au principe du droit de recours.

Le Protocole contient d’autres dispositions de clarification ou de modification proposées par les travaux de la Cour elle-même et des Conférences de haut niveau précitées.

II. LES DISPOSITIONS DU PROTOCOLE N°15

Le Protocole comporte 9 articles qu’il est possible de regrouper en trois catégories : les dispositions portant sur l’efficacité du système, un ajustement portant sur le fonctionnement interne de la Cour et un amendement au préambule réaffirmant le principe de subsidiarité. S’y ajoutent naturellement des dispositions finales.

1. Les dispositions améliorant l’efficacité du système

Trois articles proposent d’amender la convention pour améliorer l’efficacité du système et réduire les délais de traitement des affaires recevables.

– L'article 3 modifie l'article 30 de la Convention relatif au renvoi d’une affaire en Grande chambre par une chambre de la Cour, lorsque cette dernière estime que l'affaire à trancher soulève une question grave d'interprétation de la convention ou si la solution à une question peut conduire à une contradiction avec la jurisprudence de la Cour. Une partie à l’affaire portée devant la Cour européenne des droits de l'Homme pouvait jusqu’alors s’opposer à un tel renvoi. C’est cette possibilité qui est supprimée par l’article 3.

Cette disposition bienvenue contribuera à la cohérence de la jurisprudence de la Cour (2).

L'article 8, paragraphe 2, exclut l’application de ces nouvelles dispositions aux affaires dans lesquelles une des Parties s'est opposée, avant l'entrée en vigueur du protocole, à un renvoi devant la Grande chambre ;

– L'article 5 modifie l'article 35, paragraphe 3, alinéa b de la Convention. Celui-ci prévoit l'irrecevabilité d'une requête en l'absence de préjudice important à la condition que l'affaire ait été dûment examinée par un tribunal interne. L’article 5 du Protocole supprime cette condition.

Cela vise théoriquement à éviter que la Cour ne soit encombrée d'affaires de peu d'importance, même si en réalité celle-ci a développé une interprétation très restrictive de l’application de l’article 35 ;

– L'article 4 amende l'article 35, paragraphe 1 de la Convention en réduisant de six à quatre mois le délai suivant la date de la décision interne définitive dans lequel une requête doit être introduite devant la Cour.

Il s’agit de tenir compte des évolutions technologiques et des délais existant dans les États pour introduire des recours devant les juridictions supérieures, conformément au souhait émis par la Conférence de Brighton précitée.

L'article 8, paragraphe 4, prévoit une entrée en vigueur différée de cet article, à savoir à compter de l’expiration d’une période de six mois après l’entrée en vigueur du Protocole, afin de préserver les droits des requérants en laissant aux parties le temps de prendre connaissance de la réduction du délai de recours.

2. Une disposition relative au fonctionnement interne de la Cour

L'article 2 du protocole modifie les articles 21 et 23 de la convention relatifs aux conditions d'âge des juges. Aujourd’hui une limite d'âge de soixante-dix ans est posée pour l’exercice des fonctions. L’article 2 propose de la remplacer par la condition que les candidats aux postes de juges soient âgés de moins de soixante-cinq ans.

Cette nouvelle rédactions autorisera certes des juges à exercer cette fonction au-delà de soixante-dix ans, mais l’objet principal n’est pas celui-là : il est de garantir que les juges nommés puissent effectuer l'intégralité de leur mandat de neuf ans non renouvelable, alors qu’aujourd’hui, compte tenu de l’âge qu’on les candidats aux postes, les mandats sont souvent interrompus. Une limite d’âge applicable aux candidats et non plus aux juges en fonction constituera un gage de cohérence et de stabilité de la jurisprudence. Cette proposition émane de la Conférence de Brighton précitée.

L’article 8, paragraphe 1 du protocole restreint l’application de cette modification aux examens des candidatures postérieurs à l’entrée en vigueur du Protocole.

3. Une modification du préambule affirmant le principe de subsidiarité

L’article 1er modifie le préambule de la Convention en ajoutant un paragraphe comportant des références aux principes de subsidiarité et de marge d'appréciation des États.

Il s’agit de rappeler que les États parties à la convention sont les premiers garants des droits et libertés définis par la convention et qu'ils disposent à cette fin d'une certaine marge d'appréciation.

Cette réaffirmation qui serait inscrite uniquement dans le préambule est néanmoins encadrée. D’une part, ce principe de subsidiarité doit être interprété au regard de l’effectivité des droits des justiciables, notamment de recours. D’autre part, la marge d’appréciation laissée aux États s'exerce in fine sous le contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme, de telle sorte que cette marge a une amplitude variable en fonction du droit concerné. Ainsi, il n’y a pas de marge d’appréciation lorsqu’il s’agit de droits « indérogeables » comme la torture ou les traitements inhumains ou dégradants.

Il convient de souligner que l’article 1er n’affecte absolument pas le droit de recours individuel. Il eut été préférable qu’une déclaration interprétative soit adoptée pour écarter toute polémique à ce sujet comme le souhaitait la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

4. Les dispositions finales

Conformément à l'article 7, le protocole entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après que l'ensemble des États parties aura signé et ratifié le protocole.

L'article 8 prévoit des dispositions spécifiques d'entrée en vigueur des articles 2, 3 et 4, qui sont présentées infra dans les commentaires de ces articles.

Les articles 6 et 9 reprennent les clauses habituelles relatives à la signature, la ratification et la notification.

CONCLUSION

A la date du 17 juillet 2015, 41 États partie à la Convention avaient signé le Protocole. N’avaient toujours pas signé le Protocole : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Grèce, la Lettonie, Malte et la Russie.

Parmi les signataires, 22 États l’avaient ratifié, à savoir : l’Allemagne, Andorre, l’Azerbaïdjan, Chypre, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, l’Irlande, le Liechtenstein, la Lituanie, la Moldavie, Monaco, le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, Saint-Marin, la Serbie et la Slovaquie.

Le Sénat a adopté le présent projet de loi. Si l’Assemblée nationale fait de même, la France, qui a signé le protocole le jour de son ouverture à signature, pourrait être le vingt-troisième État à déposer son instrument de ratification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 2 décembre 2015 à 16h30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Thierry Mariani. Avec François Rochebloine, je suis membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et je vote donc régulièrement pour élire les juges. Ces derniers devaient à l’origine maîtriser la langue française et notre système juridique. Ce n’est plus cas des candidats présentés par les nouveaux Etats membres, notamment ceux des Balkans, ce qui est un vrai recul.

M. François Rochebloine. Je confirme les propos de Thierry Mariani sur le français. C’est pourtant une langue officielle du Conseil de l’Europe au même titre que l’anglais ! Il est arrivé que Jean-Claude Trichet, l’ancien président de la Banque centrale européenne, commence une intervention en anglais jusqu’à ce que nous intervenions pour l’interrompre. François Loncle en a été le témoin.

M. Thierry Mariani. Nous attendons de notre ambassadeur qu’il rappelle certaines obligations. De peur de vexer, on accepte des gens qui n’ont absolument pas les qualifications requises et sont essentiellement centrés sur le droit anglo-saxon.

M. Jean-Louis Destans, rapporteur. Je ne peux qu’aller dans votre sens, chers collègues. Pour autant, formons-nous suffisamment de juges ? Par ailleurs, les procédures de sélection nationale sont-elles bien transparentes ?

M. Thierry Mariani. Le problème ne vient pas de la France. Il y a deux juges par pays. Certains pays voient tous leurs candidats retoqués car ils n’ont pas le niveau.

M. Jean-Louis Destans, rapporteur. Le problème de la maîtrise et de l’emploi du français se pose aussi au sein de l’Union européenne. Pour avoir siégé au comité des régions, je peux vous dire qu’il est difficile de maintenir la place du français.

M. Jean-Pierre Dufau, président. Au nom de la commission des affaires étrangères, nous pourrions peut-être adresser un courrier rappelant que le français est une langue officielle, comme l’anglais, et que nous souhaiterions que les juges soient, dans la mesure du possible, bilingues.

M. Thierry Mariani. C’est même une obligation. De mémoire, il faut maîtriser l’anglais et le français ou avoir une connaissance approfondie de notre système juridique.

M. Jean-Pierre Dufau, président. Il faut donc une piqure de rappel. Le président de la section française de l’Assemblée parlementaire de la francophonie que je suis signerait un tel courrier avec vous.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 2671).

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Néant

ANNEXE N° 2 : ETAT DES SIGNATURES ET RATIFICATIONS

 

Signature

Ratification

Albanie

11/02/2014

 

Allemagne

24/06/2013

15/04/2015

Andorre

24/06/2013

27/05/2015

Arménie

24/06/2013

 

Autriche

25/06/2013

 

Azerbaïdjan

18/12/2013

03/07/2014

Belgique

07/10/2013

 

Bosnie-Herzégovine

 

 

Bulgarie

05/11/2013

 

Chypre

24/06/2013

16/06/2015

Croatie

 

 

Danemark

24/06/2013

 

Espagne

24/06/2013

 

Estonie

22/10/2013

30/04/2014

Finlande

24/06/2013

17/04/2015

France

24/06/2013

 

Géorgie

19/06/2014

06/07/2015

Grèce

 

 

Hongrie

09/07/2015

 

Irlande

24/06/2013

24/06/2013

Islande

09/07/2013

 

Italie

24/06/2013

 

Lettonie

 

 

L'ex-République yougoslave de Macédoine

21/11/2013

 

Liechtenstein

24/06/2013

26/11/2013

Lituanie

10/06/2014

02/09/2015

Luxembourg

24/06/2013

 

Malte

 

 

Moldova

18/11/2013

14/08/2014

Monaco

13/11/2013

13/11/2013

Monténégro

08/11/2013

08/11/2013

Norvège

24/06/2013

17/06/2014

Pays-Bas

22/10/2013

01/10/2015

Pologne

09/04/2014

10/09/2015

Portugal

24/06/2013

 

République tchèque

05/11/2013

18/03/2015

Roumanie

24/06/2013

28/05/2015

Royaume-Uni

24/06/2013

10/04/2015

Russie

 

 

Saint-Marin

24/06/2013

06/11/2013

Serbie

13/12/2013

29/05/2015

Slovaquie

24/06/2013

07/02/2014

Slovénie

24/06/2013

 

Suède

25/06/2013

 

Suisse

20/03/2015

 

Turquie

13/09/2013

 

Ukraine

20/06/2014

 

http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?NT=213&CM=8&DF=17/07/2015&CL=FRE

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, signé à Strasbourg le 24 juin 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de la ratification figure en annexe au projet de loi (n° 2671)

© Assemblée nationale

1 () Ces deux procédures ont fait l’objet d’une modification du règlement de la Cour, respectivement en 2009 et 2011.

2 () La Cour a modifié son règlement intérieur pour que les chambres soient tenues de se dessaisir en faveur de la Grande chambre lorsqu'elles envisagent de prendre une décision en contradiction avec la jurisprudence de la Cour.