N° 3564 rectifié
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, modifié par le Sénat, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3442).
PAR Mme Geneviève GAILLARD
Députée
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TOME I
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1re lecture : 1847, 2064 et T.A. 494.
2e lecture : 3442.
Sénat : 1re lecture : 359, 607, 608, 549, 581 (2014-2015) et T.A. 69 (2015-2016).
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Pages
Article 1er (article L. 110-1 du code de l’environnement) : Actualisation des principes généraux du droit de l’environnement 33
Article 2 (articles L. 110-1 du code de l’environnement, article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) : Actualisation des principes de préservation et de reconquête de la biodiversité 37
Article 2 bis A (article L. 110-1 du code de l’environnement) : Inscription de la sauvegarde des services fournis et des usages se rattachant à la biodiversité parmi les engagements fondant la recherche du développement durable (supprimé) 56
Article 2 bis (articles 1386-19 à 1386-21 [nouveaux] du code civil) : Inscription de la réparation des atteintes à l’environnement dans le code civil 58
Après l’article 2 bis 71
Article 3 (article L. 110-2 du code de l’environnement) : Intégration de la lutte contre les nuisances lumineuses dans le droit environnemental 72
Article 3 ter (articles L. 371-3, L. 411-1-A [nouveau], L. 411-3, L. 411-5 [supprimé], titre Ier du Livre III [supprimé] du code de l’environnement) : Contribution des maîtres d’ouvrage à l’inventaire national du patrimoine naturel par le versement des données brutes de biodiversité et diffusion des données 73
Article 4 (articles L. 110-3 et L. 414-9 du code de l’environnement) : Élaboration des stratégies nationale et régionales pour la biodiversité 83
Article 4 bis (article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle) : Non brevetabilité des produits obtenus par procédés essentiellement biologiques 90
Article 4 ter (articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle) : Limitation de la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique 93
Article 4 quater (article L. 623-2 du code de la propriété intellectuelle) : Condition complémentaire à la définition de l’obtention végétale, relative au caractère reproductible de la semence (supprimé) 96
Article 4 quinquies (article L. 315-5 du code rural et de la pêche maritime) : Extension des possibilités d’entraide entre les agriculteurs (supprimé) 97
TITRE II – GOUVERNANCE DE LA BIODIVERSITÉ 102
Article 5 A (article L. 421-1 A [nouveau] du code de l’environnement) : Définition dans la loi des fonctions du CNCFS 102
Article 5 (articles L. 134-1 et L. 134-2 [nouveaux] du code de l’environnement) : Instances de gouvernance de la biodiversité 105
Article 6 (articles L. 371-2 et L. 134-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Intégration des missions du comité national « trames verte et bleue » 110
Article 7 (articles L. 213-13, L. 213-13-1, L. 213-14, L. 213-14-1, L. 213-14-2, L. 371-3 et L. 515-3 du code de l’environnement, article 10 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) : Substitution des comités régionaux de la biodiversité aux comités régionaux « trames verte et bleue » 110
Article 7 ter A : Demande de rapport relatif à l’opportunité du transfert aux régions de la compétence départementale sur les espaces naturels sensibles 118
Article 7 ter (article L. 421-1 du code de l’environnement) : Gouvernance de l’ONCFS 119
TITRE III – AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ 124
Article 9 (articles L. 131-8 à L. 131-13 [nouveaux] du code de l’environnement) : Création de l’Agence française pour la biodiversité : définition, missions, gouvernance et ressources 124
Article 11 bis : Rapport relatif au périmètre de l’agence française pour la biodiversité 144
Article 11 ter : Rapport relatif à l’élargissement du périmètre de l’agence française pour la biodiversité à l’établissement public du marais poitevin 146
Article 14 : Dispositions transitoires : représentation des personnels au conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité 148
Article 15 : Élection des représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’Agence française pour la biodiversité 148
Article 15 bis (articles L. 213-8-1, L. 213-9-2, L. 213-9-3 du code de l’environnement) : Extension du périmètre d’intervention des agences de l’eau 149
Article 16 (articles L. 132-1, L. 172-1, L. 213-2, L. 213-3, L. 213-4, L. 213-4-1, L. 213-5, L. 213-6, L. 213-9-1, L. 213-9-2, L. 213-10-8, L. 213-12-2, L. 331-29, L. 334-1, L. 334-2, L. 334-4, L. 334-5, L. 334-7, L. 414-10, L. 437-1 du code de l’environnement, article L. 942-1 du code rural et de la pêche maritime) : Organisation de l’intégration des différents opérateurs de l’État fusionnant dans l’Agence française pour la biodiversité 152
Article 16 bis (article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales) : Amélioration de l’information des citoyens sur le prix et la qualité des services de l’eau potable et de l’assainissement 154
Article 17 : Entrée en vigueur 154
Article 17 bis : Audition préalable du candidat à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité 156
TITRE III BIS – GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE L’EAU 157
Article 17 ter (article L. 213-8 du code de l’environnement) : Modification de la composition des comités de bassin 157
Article 17 quater (article L. 213-8-1 du code de l’environnement) : Représentation des usagers non économiques dans les conseils d’administration des agences de l’eau 161
Article 17 quinquies (articles L. 213-8-3 et L. 213-8-4 [nouveau] du code de l’environnement) : Création d’une commission des aides au sein des agences de l’eau et d’un régime d’incompatibilités de fonctions pour les membres des conseils d’administration 165
TITRE IV – ACCÈS AUX RESSOURCES GÉNÉTIQUES ET PARTAGE JUSTE ET ÉQUITABLE DES AVANTAGES 168
Article 18 (articles L. 412-2-1 à L. 412-18 [nouveaux] du code de l’environnement) : Accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, partage des avantages en découlant, traçabilité et contrôle de l’utilisation 168
Article 25 (article L. 331-15-6 du code de l’environnement) : Abrogation du dispositif d’accès et de partage existant pour le territoire du Parc amazonien de Guyane 202
Article 26 bis : Rapport sur l’évaluation des modalités d’application des dispositifs régissant les accès aux ressources génétiques (suppression maintenue) 203
Article 26 ter : Ratification du protocole de Nagoya 203
TITRE V – ESPACE NATURELS ET PROTECTION DES ESPÈCES 208
Article 27 A (section X du chapitre III du titre III de la première partie du Livre premier et article 564 quater B [nouveaux] du code général des impôts) : Taxe additionnelle sur l’huile de palme 208
Chapitre Ier – Institutions locales en faveur de la biodiversité 221
Section 1 : Parcs naturels régionaux 221
Article 27 (article L. 333-1 du code de l’environnement) : Modalités de création et de renouvellement du classement d’un parc naturel régional 221
Article 27 bis (article L. 141-10 du code de l’urbanisme) : Inscription de dispositions des chartes de parcs naturels régionaux dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) (suppression maintenue) 226
Article 28 (article L. 333-3 du code de l’environnement) : Missions du syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc 226
Article 28 bis (article L. 333-4 [nouveau] du code de l’environnement) : Inscription de la « Fédération des parcs naturels régionaux de France » dans la loi 229
Article 29 (article L. 581-14 du code de l’environnement) : Règlements locaux de publicité sur le territoire d’un parc naturel régional 230
Article 31 : Prorogation du classement de certains parcs et modalités d’intégration de certaines communes au syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc 233
Section 1 bis : Réserves naturelles de France 234
Article 31 ter (article L. 332-1 du code de l’environnement) : Inscription de « Réserves naturelles de France » dans la loi 234
Section 2 : Établissements publics de coopération environnementale 235
Article 32 (Intitulé du titre III du livre IV de la première partie et articles L. 1431-1 à L. 1431-8 du code général des collectivités territoriales) : Établissements publics de coopération environnementale 235
Article 32 bis AA (article L. 332-3 du code de l’environnement) : Principe de libre exercice des activités humaines dans les réserves naturelles, leur restriction étant l’exception (supprimé) 238
Section 2 bis : Espaces naturels sensibles 241
Article 32 bis A (article L. 113-9 du code de l’urbanisme) : Compatibilité entre la politique des espaces naturels sensibles (ENS) avec le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) 241
Article 32 bis BA (article L. 215-21 du code de l’urbanisme) : Incorporation automatique dans le domaine public des sites « espaces naturels sensibles » acquis par préemption 242
Article 32 bis B (article L. 215-21 du code de l’urbanisme) : Généralisation des plans de gestion des espaces naturels sensibles 243
Article 32 bis C (article L. 213-8-2 du code de l’environnement) : Possibilité pour les agences de l’eau de déléguer leur droit de préemption aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) 244
Section 3 : Établissements publics territoriaux de bassin 245
Article 32 bis (article L. 213-12 du code de l’environnement) : Missions des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) 247
Article 32 ter AA (article L. 5421-7 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) : Possibilité de transformer un organisme interdépartemental en syndicat mixte 249
Article 32 ter A (articles L. 5215-22, L. 5216-7 et L. 5217-7 du code général des collectivités territoriales et article 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) : représentation-substitution des EPCI aux communes au sein des syndicats 250
Article 32 ter B (article L. 151-36 du code rural et de la pêche maritime et article 56 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) : dispositions de coordination relatives à la « taxe GEMAPI » 252
Article 32 ter C (article 1530 bis du code général des impôts) : Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) : possibilité pour les communes et les EPCI de lever la « taxe GEMAPI » même s’ils ont transféré la compétence à un syndicat mixte 253
Section 4 : Réserves de biosphère et zones humides d’importance internationale 255
Article 32 ter : (chapitre VI du titre III du livre III et articles L. 336-1 et L. 336-2 [nouveaux] du code de l’environnement) Réserves de biosphère et zones humides d’importance internationale 255
Section 5 : Agence des espaces verts de la région Île-de-France 256
Article 32 quater (articles L. 215-2, L. 215-5, L. 215-6, L. 215-7 et L. 215-13 du code de l’urbanisme) : Droit de préemption pour l’Agence des espaces verts de la région d’Île-de-France au titre des espaces naturels sensibles 256
Article 32 quinquies (article L. 113-21 du code de l’urbanisme) : Consultation de l’Agence des espaces verts de la région Île-de-France 257
Article 32 sexies : Inscription de la mission des parcs zoologiques dans la loi (supprimé) 259
Chapitre II – Mesures foncières et relatives à l’urbanisme 260
Section 1A : Obligations réelles environnementales 260
Article 33 AA (article L. 411-2 du code de l’environnement) : Évaluation par une tierce expertise de l’absence d’autre solution satisfaisante pour une dérogation à une espèce protégée 260
Article 33 A (articles L. 163-1 à L.163-5 [nouveaux] du code de l’environnement) : Obligations de compensation des atteintes à la biodiversité par un maître d’ouvrage 262
Article 33 BA : Inventaire national des espaces naturels à fort potentiel de gain écologique 281
Article 33 BB (article L. 122-3 du code de l’environnement) : Contenu de l’étude d’impact 285
Section 1 : Obligations de compensation écologique 286
Article 33 (article L. 132-3 [nouveau] du code de l’environnement) : Possibilité pour le propriétaire d’un immeuble d’y créer une obligation réelle environnementale 286
Article 33 bis : Rapport sur les moyens de renforcer l’attractivité des obligations réelles environnementales (suppression maintenue) 293
Articles 33 ter : Rapport sur la mise en œuvre du mécanisme des obligations réelles environnementales (suppression maintenue) 293
Section 2 : Zones prioritaires pour la biodiversité 294
Article 34 (article L. 411-1 du code de l’environnement) : Création de zones prioritaires pour la biodiversité (suppression maintenue) 294
Section 3 : Assolement en commun 297
Article 35 (article L. 411-39-1 du code rural et de la pêche maritime) : Finalité environnementale des assolements en commun 297
Section 3 bis : Protection des chemins ruraux 299
Article 35 bis (article L. 161-6-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Recensement communal des chemins ruraux 299
Article 35 ter : Suspension du délai de prescription 305
Article 35 quater (article L. 161-10-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime, article L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques) : Modification d’assiette et continuité d’un chemin rural 306
Article 35 quinquies : Révision du plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée 308
Section 4 : Aménagement foncier agricole et forestier 309
Article 36 (article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime) : Finalité environnementale des actions de remembrement parcellaire (supprimé) 309
Article 36 bis AA (article L. 121-4 du code de l’urbanisme) : Consultation du Centre national de la propriété forestière (suppression maintenue) 310
Article 36 bis A (articles L. 151-23 et L. 421-4 du code de l’urbanisme) : Protection des espaces boisés 312
Section 5 : Conservatoires régionaux d’espaces naturels 314
Article 36 quater AA (article L. 2222-10 du code général de la propriété des personnes publiques) : Possibilité pour les conservatoires régionaux d’espaces naturels agréés de gérer des biens domaniaux par convention 314
Article 36 quater A (article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Cession à titre gratuit d’immeubles du domaine privé de l’État à un conservatoire régional d’espaces naturels (suppression maintenue) 315
Article 36 quater B (article 885-0 V bis A du code général des impôts) : Imputation sur l’impôt de solidarité sur la fortune des dons à des conservatoires régionaux d’espaces naturels agréés (suppression maintenue) 316
Article 36 quater C (article L. 414-11 du code de l’environnement) : Missions des conservatoires régionaux d’espaces naturels 317
Section 6 : Espaces de continuités écologiques 318
Article 36 quater (articles L. 113-29 et L. 113-30 [nouveaux] du code de l’urbanisme) : Création d’espaces de continuités écologiques 318
Section 6 bis : Biodiversité en milieux urbain et péri-urbain 321
Article 36 quinquies A (article L. 111-19 du code de l’urbanisme) : Incitation à l’exploitation des toitures des zones commerciales et à la perméabilisation des places de stationnement 321
Article 36 quinquies B (article L. 229-26 du code de l’environnement) : Rôle de la biodiversité urbaine pour lutter contre le changement climatique pris en compte dans le PCET 325
Article 36 quinquies C (article L. 141-8-1 [nouveau] du code de l’urbanisme Mention dans les documents d’orientation et d’objectifs des schémas de cohérence territoriale de la notion de permaculture (supprimé) 326
Article 36 quinquies D (article L. 141-11 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Promotion de la permaculture (supprimé) 328
Section 7 : Associations foncières pastorales 329
Article 36 sexies Rapport sur l’opportunité de classer le frelon asiatique dans la catégorie des organismes nuisibles (supprimé) 329
Section 8 : Vergers 331
Article 36 septies (article L. 415-9 du code rural et de la pêche maritime) : Suppression des dispositions facilitant l’arrachage des pommiers à cidre et des poiriers à poiré 331
Article 36 octies (ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme) : Ratification de l’ordonnance portant nouvelle rédaction, à droit constant, du code de l’urbanisme (supprimé) 332
Après l’article 36 octies 334
Article 37 (article L. 414-4 du code de l’environnement) : Activités de pêche professionnelle en zone Natura 2000 335
Section 2 : Aires marines protégées 338
Article 38 (articles L. 332-8 et L. 640-1 du code de l’environnement et articles L. 912-2, L. 912-3 et L. 912-7 du code rural et de la pêche maritime) : Gestion des réserves naturelles en mer par les acteurs socio-économiques 338
Section 3 : Autorisation des activités sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive 342
Article 40 (articles 1er, 2, 4 et 5 et articles 6 à 14 [nouveaux] de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République) : Organisation des activités sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive 342
Section 4 : Encadrement de la recherche en mer 356
Article 41 (articles L. 251-1 et L. 251-2 et L. 251-3 [nouveaux] du code de la recherche) : Sanction des activités de recherche non autorisées et transmission des données collectées aux autorités publiques 356
Section 5 : Protection des ressources halieutiques et zones de conservation halieutiques 357
Article 43 (articles L. 911-2 et L. 924-1 à L. 924-5 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) : Intégration de la politique de la pêche dans un cadre écosystémique et mise en place des zones de conservation halieutiques 357
Article 43 bis : Rapport relatif aux activités d’extraction de granulats marins 360
Article 44 (articles L. 942-1, L. 942-4, L 942-10, L. 945-4-1 [nouveau] et L. 945-5 du code rural et de la pêche maritime) : Dispositions de coordination 361
Article 45 (article L. 334-1 du code de l’environnement) : Attribution du statut d’aire marine protégée aux zones de conservation halieutique 362
Article 46 bis (article L. 321-2 du code de l’environnement) : Perception de la taxe sur le transport de passagers 364
Section 6 : Protection des espèces marines 365
Article 46 quater : Équipement des navires avec un dispositif anticollision avec les cétacés 365
Chapitre IV – Littoral 369
Article 47 (articles L. 322-1, L. 322-8 et L. 322-9 du code de l’environnement) : Compétences du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres en matière de patrimoine culturel 369
Article 49 (articles 713 du code civil et articles L. 1123-3 et L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques) : Transfert de biens sans maître au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres 371
Article 50 (articles L. 113-27 et L. 215-2 du code de l’urbanisme) : Sécurisation des interventions du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres en cas de superposition de zones de protection 374
Article 51 ter A : Programme d’actions de protection des mangroves et plan d’action pour la protection des récifs coralliens 375
Chapitre IV bis – Lutte contre la pollution 376
Article 51 quater AA (article L. 77-10-1 du code de justice administrative) : Création d’une action de groupe spécifique pour les dommages environnementaux 376
Article 51 quater A (article 8 du code de procédure pénale) : Prescription de l’action publique pour les délits de pollution des eaux marines et fluviales 382
Article 51 quater B (article L. 142-2 du code de l’environnement) : Ouverture de la possibilité pour les associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d’inobservations d’obligations non pénalement sanctionnées (supprimé) 384
Article 51 quinquies (article L. 253-7-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Traitement des fonds de cuve et résidus de produits phytopharmaceutiques 386
Article 51 octies (articles L. 212-1 et L. 212-2-2 du code de l’environnement) : Échéances d’atteinte du bon état chimique des eaux, surveillance de la matrice biote, et agrément des laboratoires d’analyse 388
Article 51 nonies (article L. 213-10-8 du code de l’environnement) : Soutien aux projets territoriaux visant la suppression des néonicotinoïdes dans le cadre du plan Ecophyto (suppression maintenue) 390
Article 51 decies A (article L. 257-3 du code rural et de la pêche maritime) : Amélioration de la diffusion des données sur l’utilisation des produits phytosanitaires par les agriculteurs produisant des végétaux destinés à la consommation humaine ou animale (supprimé) 391
Article 51 undecies A (article 214-17 du code de l’environnement) : Articulation entre la continuité écologique des cours d’eau et la préservation des moulins (supprimé) 398
Article 51 undecies B (article 214-17 du code de l’environnement) : Délai de trois ans accordé aux propriétaires de bonne foi pour la réalisation des travaux sur les moulins permettant l’amélioration de la continuité écologique 402
Article 51 undecies (articles L. 218-83, L. 218-84, L. 218-86, L. 612-1, L. 622-1, L. 632-1 et L. 640-1 du code de l’environnement) : Contrôle et gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires 405
Article 51 duodecies A (article 167 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte) : Abrogation d’une habilitation à légiférer par ordonnance 408
Article 51 duodecies (articles L. 219-1 à L. 219-6 du code de l’environnement) : Régime d’opposabilité des documents stratégiques de façade et des documents stratégiques de bassin maritime et transposition de la directive du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime 409
Article 51 terdecies A (articles L. 541-10 et L. 541-10-5 du code de l’environnement) : Interdiction des cotons-tiges à tige en plastique et création de sanctions pour le non-respect de l’interdiction des sacs, verres, gobelets, assiettes et cotons-tiges en plastique 414
Article 51 terdecies (article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales) : Modulation de la dotation de solidarité rurale pour les communes qui maîtrisent leur éclairage public 421
Article 51 quaterdecies (article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime) : Restriction de l’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes 422
Article 51 sexdecies A Interdiction de la distribution gratuite de magnets publicitaires (supprimé) 435
Article 51 sexdecies : Rapport sur les plantes invasives 436
Article 51 septdecies (articles L. 512-18, . 512-21, L. 516-1, L. 556-1 du code de l’environnement et article L. 642-2 du code de commerce) : Assouplissement du cadre juridique régissant les carrières, les stockages de CO2 et les sites industriels à reconvertir 438
Chapitre V – Sanctions en matière d’environnement 442
Article 52 (articles L. 415-3, L. 415-6, L. 624-3 et L. 635-3 du code de l’environnement) : Sanctions applicables à certaines infractions en matière d’environnement (supprimé) 442
Article 53 (article L. 415-2 du code de l’environnement et article 59 octies [nouveau] du code des douanes) : Échanges de données visant à améliorer la protection des espèces menacées 444
Article 53 bis (article 29 du code de procédure pénale) : Harmonisation du délai de transmission des procès-verbaux par les gardes particuliers assermentés 445
Article 53 ter A (article L. 428-21 du code de l’environnement) : Saisie par les gardes-chasse particuliers et les agents des fédérations départementales des chasseurs des armes de chasse et autres objets ayant servi à commettre une infraction (supprimé) 447
Article 53 ter (articles L. 362-5 et L. 415-1 du code de l’environnement ) : Rétablissement de l’habilitation des agents des collectivités territoriales à constater les infractions relatives à la circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels et à la faune et la flore protégée 450
Article 54 bis (article L. 432-10 du code de l’environnement) : Absence de sanctions pénales pour certaines pratiques de pêche 450
Article 54 ter (article L. 431-7 du code de l’environnement) : Protection de la truite et pisciculture (suppression maintenue) 451
Article 56 (articles L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime) : Sanctions applicables en cas de pêche d’espèces en danger 452
Article 57 bis : Rapport évaluant la mise en œuvre de la convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction 460
Chapitre VI – Simplification des schémas territoriaux 462
Article 58 (article L. 122-1 du code forestier, Section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre IV [abrogée], articles L. 141-2, L. 142-1, L. 421-1, L. 421-13, L. 425-1 et L. 433-4 [nouveau], Section 2 du chapitre III du titre III du livre IV [abrogée], et intitulé de la Section 3 du chapitre III du titre III du livre IV du code de l’environnement) : Orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats, schémas départementaux de vocation piscicole et plans départementaux de protection du milieu aquatique et de gestion des ressources piscicoles 462
Article 58 bis AA (article L. 430-1 du code de l’environnement) : Pêche de loisir 464
Article 58 bis A (article L. 425-1 du code de l’environnement) : Prolongation de la validité du schéma départemental de gestion cynégétique 464
Chapitre VII – Habilitations à légiférer par ordonnance et dispositions diverses 465
Article 59 (articles L. 211-3, L. 211-12, L. 212-5-1, L. 310-1 à L. 310-3, L. 331-3, L. 331-3-1 et L. 331-3-2 [nouveaux], L. 411-5, L. 412-1, L. 424-10 et L. 421-12 du code de l’environnement) : Demande d’habilitations sur huit sujets différents (suppression maintenue) 465
Article 59 bis AA (articles L. 211-3, L. 212-5-1, L. 300-4 [nouveau], L. 331-3, L. 331-3-1 et L. 331-3-2 [nouveaux] du code de l’environnement) : Simplification des règles de fonctionnement des parcs nationaux, rectification d’une erreur matérielle et coordination entre codes 467
Article 59 bis AB (articles L. 411-3, L. 411-4, L. 411-5, L. 411-6, L. 411-7 et L. 411-8, L. 411-9, L. 411-10 et L. 411-11 [nouveaux], L. 414-9, L. 415-2 [nouveau], L. 415-3, L. 624-3, L. 635-3 et L. 640-1 du code l’environnement) : Lutte contre les espèces exotiques envahissantes 469
Article 59 bis AC (articles L. 424-1 et L. 424-10 du code de l’environnement) : Dérogations à l’interdiction de destructions d’œufs d’oiseaux 472
Article 59 bis A (article L. 421-12 du code de l’environnement) : Régime des fédérations interdépartementales des chasseurs 475
Article 59 bis B (article L. 422-4 du code de l’environnement) : Maintien des associations de chasse en cas de fusion de communes 476
Article 59 bis (articles L. 412-1, L. 415-3, L. 624-2 et L. 635-2 du code de l’environnement) : Simplification des procédures nécessaires pour la protection de certaines espèces 479
Article 59 ter (articles L. 413-6, L. 413-7 et L. 413-8 [nouveaux] du code de l’environnement, article L. 212-10 du code rural et de la pêche maritime) : Encadrement de la détention d’espèces non domestiques protégées 480
Article 59 quater (article L. 413-1 du code de l’environnement) : Établissements détenant des espèces invertébrées 487
Article 59 quinquies (nouveau) (ordonnance n° 2015–1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme) : Ratification de l’ordonnance portant nouvelle rédaction, à droit constant, du code de l’urbanisme 488
Après l’article 59 quater 489
Article 60 (articles L. 331-10, L. 427-6, L. 427-8, L. 33-10-4, L. 422-2, L. 422-15, L. 424-10, L. 427-8, L. 427-10, L. 423-16, L. 424-15, L. 427-11, L. 428-14, L. 428-15 du code de l’environnement ; article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales) : Substitution de la notion d’« espèce déprédatrice » à celle d’« espèce nuisible et malfaisante » 491
Article 61 (articles L. 2213-30 et L. 2213-31 du code général des collectivités territoriales) : Dissociation des mares de la notion d’insalubrité publique 498
Article 62 (articles L. 212-1, L. 219-9, L. 321-17 [nouveau] et L. 414-2 du code de l’environnement ; article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Extension de certains espaces naturels protégés au-delà des 12 milles marins, mise en cohérence des plans d’action pour le milieu marin avec les autres outils existants, protection du domaine public maritime à Mayotte 499
Article 62 bis (articles L. 331-1, L. 332-1 et L. 334-3 du code de l’environnement) : Extension des espaces protégés aux eaux sous juridiction de l’État et aux espaces du plateau continental 502
Article 62 ter (article L. 212-2 du code de l’environnement) : Consultation du Centre national de la propriété forestière sur le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 503
Article 64 : Habilitation à prendre des ordonnances pour clarifier et simplifier l’application de la politique Natura 2000 (suppression maintenue) 504
Article 64 bis (articles L. 414-1 et L. 414-2 du code de l’environnement) : Dispositions relatives aux sites Natura 2000 505
Article 65 : Habilitation à procéder par ordonnance pour définir le cadre juridique applicable aux réserves biologiques 506
Article 66 (articles L. 171-2, L. 171-8, L. 172-4, L. 172-13 et L. 173-5 du code de l’environnement) : Harmonisation des dispositions relatives à la police de l’environnement 508
Article 67 : Habilitation à procéder par ordonnance pour réaliser une expérimentation visant à simplifier la gestion des espaces naturels protégés (suppression maintenue) 511
Article 68 : Habilitation à procéder par ordonnance pour refondre le droit applicable aux espaces maritimes (suppression maintenue) 512
Article 68 ter B (article L. 332-25 du code de l’environnement) : Rétablissement de la nature contraventionnelle des infractions à la réglementation des réserves naturelles (supprimé) 514
Chapitre VIII – Biodiversité terrestre 516
Article 68 quater (article L. 424-2-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Interdiction de la chasse des mammifères pendant les stades de reproduction et de dépendance (suppression maintenue) 516
Article 68 quinquies (article L. 424-4 du code de l’environnement) : Interdiction de la chasse à la glu ou à la colle (suppression maintenue) 521
Article 68 sexies (articles L. 341-2, L. 341-6 et L. 341-10 du code forestier ; article L. 146 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux) : Ajustement de la compensation des opérations de défrichement 529
TITRE VI – PAYSAGE 539
Chapitre Ier – Sites 539
Article 69 (articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-9, L. 341-10, L. 341-12, L. 341-13 du code de l’environnement, article L. 341-1-1 [nouveau] du code de l’environnement, articles L. 143-8, L. 630-1 et L. 641-1 du code du patrimoine) : Réforme de la procédure d’inscription des monuments naturels et des sites 539
Article 71 (article L. 341-19 du code de l’environnement) : Coordination 543
Chapitre II – Paysages 544
Article 72 (articles L. 350-1 AA, L. 350-1 A et L. 350-1 B [nouveaux] du code de l’environnement) : Atlas de paysages et objectifs de qualité paysagère 544
Article 72 bis AA (article L. 350-3 [nouveau] du code de l’environnement) : Protection des allées et des alignements d’arbres (supprimé) 548
Article 72 bis A (article 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Mission paysagère des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement 550
Article 72 bis : Paysagistes concepteurs 551
Article 74 (article L. 621-29-8 du code du patrimoine) : Interdiction de la publicité sur les bâches d’échafaudages installées sur les immeubles classés (suppression maintenue) 552
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 555
Le projet de loi relatif à la biodiversité (1) a été déposé par le Gouvernement, le 26 mars 2014, il y a deux ans. Alors que notre commission avait examiné ce texte dès juin 2014, le projet de loi, pourtant présenté comme très important par le Gouvernement, n’a été inscrit à l’ordre du jour de notre Assemblée qu’en mars 2015, il y a juste un an. Le calendrier d’examen parlementaire s’est brusquement accéléré puisque le Sénat a examiné le projet en séance publique, en janvier 2016, et que notre commission se réunit, un mois après l’adoption par le Sénat, pour l’examen, en seconde lecture, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Si la longueur des travaux parlementaires a de quoi nous faire douter sur les réels engagements des uns et des autres, votre rapporteure se réjouit, non seulement de cette accélération du calendrier qui peut laisser espérer une adoption définitive avant la suspension estivale des travaux parlementaires, mais surtout que le Gouvernement se soit enrichi d’une secrétaire d’État chargée spécifiquement de la biodiversité.
Le texte que votre commission examine en seconde lecture comprend 160 articles restant en discussion dont une centaine d’articles, adoptés par notre Assemblée en première lecture mais modifiés par le Sénat, et une soixantaine d’articles ajoutés par le Sénat et que l’Assemblée nationale, ne s’étant pas prononcée auparavant, examine comme s’il s’agissait d’une première lecture : c’est dire si un long chemin reste à parcourir pour que ce texte soit adopté et s’il est impossible qu’il sorte conforme de nos travaux.
Ce n’est pas tant la complexité des dispositions sur les plans technique comme politique qui alimente nos débats que la multiplicité des acteurs de la société concernés par le projet de loi et dont les intérêts divergent souvent. Entre les entrepreneurs, les chasseurs, les pêcheurs, les protecteurs de la nature, les citoyens dans leur ensemble voire certains groupes de pression, les approches paraissent parfois inconciliables.
Or, votre rapporteure a toujours considéré, au long de ses travaux, qu’il y avait une seule priorité – la défense de la biodiversité, des espaces naturels et des écosystèmes, au nom des générations futures et de leur pérennité sur notre planète – et que, dans le droit fil de l’élan responsable dont la COP21 a fait démonstration, il fallait maintenir des objectifs ambitieux et affirmer nos convictions, renoncer à une politique de petits pas et convaincre ceux qui restent tentés par l’immobilisme ou sensibles aux arguments de certains lobbies.
Si nos débats, qui ont duré près de 27 heures afin d’examiner près d’un millier d’amendements, ont été marqués de sérieux et ne peuvent faire douter de la qualité de nos travaux, ils ont été aussi quelquefois difficiles. Car toutes les modifications apportées par le Sénat ne sont pas à retenir, soit parce qu’à l’exemple des obligations réelles environnementales – que votre rapporteure conçoit comme un engagement volontaire unilatéral et non un contrat – ou le périmètre de l’Agence française pour la biodiversité, elles ne suivent pas la logique des grands défis à relever, soit parce qu’elles auraient comme conséquence de dénaturer le texte en y introduisant des dispositions qui doivent alors être rectifiées.
Les travaux de la commission ont permis de consolider le texte ou de l’améliorer sans prendre le risque de l’amoindrir. Car le projet de loi comporte des rendez-vous à ne pas manquer : la solidarité écologique, dans sa double dimension ; le triptyque « éviter, réduire, compenser » qu’il faut réaffirmer avec force mais dont les modalités méritent d’être précisées ; la réparation du préjudice écologique qui doit être inscrit dorénavant dans la loi ; la création de l’Agence française pour la biodiversité, aux missions d’expertise, de conseil et d’appui aux opérateurs reconnues et qui, si elle dotée des moyens humains et financiers nécessaires, constituera un outil efficace et fonctionnel au service de tous les acteurs de la biodiversité ; la transposition et la mise en œuvre du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages ; l’interdiction des néonicotinoïdes — une décision qui exige du courage, mais qui profitera aux agriculteurs, aux populations, aux acteurs économiques et aux espèces animales et végétales. Tous ces rendez-vous témoignent de la volonté de notre pays d’atteindre ses objectifs et de tendre vers l’exemplarité.
Votre rapporteure regrette que certaines de ses propositions n’aient pas été retenues, notamment en ce qui concerne la protection des espèces ou la place de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) : l’avenir confirmera qu’il s’agit d’une occasion manquée sur laquelle il faudra revenir. Elle est persuadée qu’il conviendra de débattre à nouveau de certains thèmes, toujours avec des approches et des sensibilités différentes. Elle regrette enfin que les règles de la deuxième lecture, en particulier l’application de la théorie de « l’entonnoir », aient empêché d’aborder des idées nouvelles, qui ne manquaient pas de pertinence et qui étaient issues des réflexions engagées depuis deux ans ou de la mise en place de l’AFB : mais elle s’est pliée à la règle.
La dernière ambition de votre rapporteure sur ce texte passionnant est la nécessité que l’Assemblée nationale soit fière de ce qu’elle votera à l’issue de ses travaux.
La commission a examiné, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la biodiversité (n° 3442), au cours des séances du mardi 1er mars 2016, après-midi et soir, du mercredi 2 mars, matin et après-midi, du lundi 7 mars au soir, du mardi 8 mars, après-midi et soir, et du mercredi 9 mars, matin et après-midi.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous commençons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et, pour avis, de la proposition de loi organique relative à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) — deux textes dont la rapporteure est Mme Geneviève Gaillard. Je suis ravi d’accueillir Mme Barbara Pompili, nouvelle secrétaire d’État chargée de la biodiversité, qui va participer à nos travaux.
La procédure a débuté il y a deux ans avec le dépôt du projet de loi par le Gouvernement, le 26 mars 2014. L’Assemblée nationale a examiné le projet, en commission du 24 au 26 juin 2014, puis en séance publique du 16 au 24 mars 2015. Le texte que nous avons adopté a été discuté au Sénat, en commission, début juillet 2015, puis en séance publique du 19 au 26 janvier 2016. À l’Assemblée nationale, aucune commission ne s’est saisie pour avis et le Gouvernement n’a pas déclenché la procédure accélérée, ce qui explique la nécessité d’une deuxième lecture.
À l’issue du délai de dépôt, vendredi 26 février dernier, le secrétariat de la Commission a enregistré 1 054 amendements. Six doivent être déclarés irrecevables au titre de l’article 40 : ce sont les amendements CD497 de Mme Laurence Abeille, CD313 de M. Dino Cinieri et CD355 de M. Julien Aubert, CD353 de M. Julien Aubert, CD941 de M. Gérard Menuel et CD946 de M. André Chassaigne. Cent quarante-trois amendements ont été retirés par leurs auteurs ou déclarés irrecevables au nom de la « règle de l’entonnoir » ; leurs auteurs ont été prévenus par message électronique. Il nous reste donc 911 amendements à examiner.
Lors d’une deuxième lecture, la jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit les cavaliers législatifs, ainsi que toute nouvelle mesure sous forme d’article additionnel. C’est ce qui explique que certains amendements aient été déclarés irrecevables au titre de ce qu’on appelle « l’entonnoir ». Par ailleurs, la logique de la deuxième lecture empêche d’examiner les amendements identiques à des amendements déjà rejetés lors de la première lecture, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Cette règle peut apparaître un peu sévère, mais elle a été appliquée avec le plus d’impartialité possible. Ont notamment été gardés des amendements portant sur des articles ou des alinéas modifiés par le Sénat. Il nous reste suffisamment de dispositions à examiner sans reprendre le débat sur celles qui ont déjà été rejetées, quelquefois à plusieurs reprises. De toute façon, les auteurs de ces amendements peuvent les redéposer pour la séance publique, comme les y autorise l’article 88 du règlement.
M. Martial Saddier. Pour mettre un peu plus de chaleur dans nos échanges, mieux vaut éviter la froideur des courriels pour nous informer du rejet d’un amendement !
Je me permets un rappel au règlement. Je vous fais confiance, Monsieur le président, quant à l’impartialité qui a présidé au rejet des amendements déposés par les députés de sensibilités différentes ; mais je m’interroge sur les motifs d’irrecevabilité invoqués – amendement identique à un amendement examiné en première lecture au Sénat ou rejeté en première lecture à l’Assemblée nationale. En effet, en vertu de l’article 108 de notre règlement et de la règle dite de « l’entonnoir », il n’est possible, en deuxième lecture, d’amender que les articles pour lesquels nos deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord, et il est interdit de créer de nouvelles dispositions. La décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2006 précise que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ». Il semblerait pourtant que certains de nos amendements, déclarés irrecevables – par exemple le CD243 –, répondaient parfaitement à la règle et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous serons obligés de les redéposer en séance ; mais les commissions doivent servir à nourrir le débat afin de simplifier la procédure en séance publique. Nous regrettons ces rejets apparemment non conformes au règlement.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous pouvez redéposer ces amendements, que nous examinerons dans le cadre de l’article 88, mais je suis prêt à revoir le sort de l’amendement CD243.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Mesdames et Messieurs les députés, j’allais dire « chers collègues », non seulement par la force de l’habitude, mais également parce que, bien que secrétaire d’État depuis le 11 février, je n’en reste pas moins considérée par votre assemblée pour quelques jours encore comme « députée non votante, membre du Gouvernement ». Cet état de fait illustre la nouveauté que représente pour moi cet exercice essentiel de l’examen en commission, vu de ce côté de la barrière. Avant que votre commission n’entame, en deuxième lecture, l’examen de ce projet de loi sur la biodiversité, ainsi que du texte qui permettra de créer cette Agence française pour la biodiversité dans laquelle nous plaçons tant d’espoirs, je vous dirai quelques mots sur la manière dont je conçois mon rôle aux côtés de Ségolène Royal, les relations que j’entends établir avec vous et les raisons qui m’ont amenée à accepter la fonction qui m’a été confiée par le Président de la République.
Vous en avez fait l’expérience au cours des années passées, je suis écologiste. Cela signifie que, à mes yeux, les deux enjeux principaux auxquels nous sommes confrontés sont la lutte pour le climat et la réponse aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, qu’il s’agisse de la préservation d’espaces naturels indispensables à la vie ou du maintien d’espèces animales ou végétales dont la vitesse d’extinction atteint des niveaux inégalés du fait, pour l’essentiel, de l’activité humaine. Parce que je suis écologiste, j’ai la conviction que répondre à ces enjeux n’est pas qu’une nécessité, mais véritablement une opportunité de vivre mieux, de développer de nouvelles activités et de nouveaux projets, et de créer des emplois. Sur ces deux questions essentielles et intimement liées du climat et de la biodiversité, nous avons accompli un chemin déterminant dans la prise de conscience collective, et obtenu des avancées qu’il s’agit désormais de concrétiser.
L’année 2015 a permis de grandes réalisations en matière de climat : l’accord obtenu lors de la conférence de Paris, en décembre dernier, mais également la loi de transition énergétique et pour la croissance verte, que Ségolène Royal a portée et que votre assemblée a adoptée. De la même manière que 2015 fut l’année des grandes décisions sur le climat, 2016 doit être celle d’avancées majeures en matière de biodiversité. Au plan international, la fin de l’année verra l’organisation de la COP13 de la convention sur la biodiversité biologique. Au plan national, nous allons faire aboutir ensemble la loi sur la biodiversité – un texte dont Philippe Martin avait pris l’initiative, qui a été consolidé et porté par Ségolène Royal en première lecture ici même et au Sénat, et dont le pilotage de la fin du parcours législatif m’a été confié.
Chacun conçoit la responsabilité qui est la nôtre, et en premier lieu la vôtre, dans la lutte pour la conservation de la biodiversité. La France, notamment grâce à ses outre-mer, abrite un patrimoine considérable. Nous sommes comptables de la préservation d’un espace maritime majeur, le deuxième du monde après celui des États-Unis, et de zones naturelles uniques. Pour un pays qui tire du tourisme tant d’activités et d’emplois, et dont les habitants puisent leur force dans leur qualité de vie, les paysages, la faune et la flore constituent un enjeu à proprement parler existentiel.
La première lecture du texte, dans votre assemblée, avait permis d’enrichir le projet de loi, de le préciser sur de nombreux sujets et de trouver des points d’équilibre. Le texte issu des travaux du Sénat, voté à une écrasante majorité, par-delà les frontières partisanes, en a modifié ou affiné certaines dispositions, tout en en conservant l’esprit.
Permettez-moi de rappeler quelques points saillants. L’AFB, lieu d’expertise et de pilotage, pourra être opérationnelle dès la promulgation de la loi. Les modalités d’organisation de la future agence ont été précisées, en particulier en matière de partenariats avec les collectivités territoriales. Elles joueront un rôle clé dans le succès de la reconquête de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique dans les territoires. L’AFB rassemblera des réseaux de professionnels de haut niveau qui pourront s’appuyer sur les agents de terrain de l’agence. J’ai rencontré hier, avec Ségolène Royal, l’ensemble des membres des conseils d’administration des quatre organismes amenés à fusionner au sein de l’AFB. Cette démarche de préfiguration, voulue par la ministre, est un gage de succès, car, au-delà des mesures législatives et réglementaires, il y a les réalités humaines. Le nouveau secrétariat d’État à la biodiversité jouera un rôle de facilitateur, accompagnant les structures et les agents dans la création de l’AFB.
Le préjudice écologique sera inscrit dans la loi. Il conviendra de préciser encore et d’affiner les conditions de ce principe fondamental. Le Gouvernement vous propose un amendement en ce sens, qu’il nous faudra clarifier. Je suis sûre que le débat parlementaire permettra d’aboutir à une rédaction consensuelle.
La ratification du protocole de Nagoya dès l’adoption de la loi concrétisera un engagement international pris en 2010. La France se donnera ainsi les moyens d’innover sans piller. Si une société exploite une molécule issue de la recherche sur des plantes, des animaux ou des bactéries, et que son exploitation lui permet de développer un marché commercial, elle devra partager avec ceux qui ont contribué à préserver les ressources génétiques une partie des avantages qu’elle en retirera. C’est un retour juste et plus équitable qui permettra d’éviter la biopiraterie. Ce dispositif, sur lequel vous aviez beaucoup travaillé en première lecture, a été enrichi au Sénat pour inciter à la création d’emplois locaux par les sociétés qui utilisent la biodiversité, à la sensibilisation du public et à la formation des professionnels locaux, en étant davantage à l’écoute des communautés d’habitants qui ont des connaissances traditionnelles, notamment dans les outre-mer.
Le principe impliquant d’éviter les atteintes à l’environnement, à défaut, de les réduire, et dans le pire des cas, faute d’autres options, de les compenser sera inscrit dans le code de l’environnement. Le système de compensation en sortira consolidé ; chacun mesure à quel point c’est essentiel. C’est une condition à la fois de notre capacité à atteindre les objectifs que nous nous fixons en matière de biodiversité et à établir la confiance avec les populations, qui bien souvent doutent de l’efficacité de ces compensations.
Le brevetage des gènes natifs est interdit dans ce projet de loi, pour lever le frein à l’innovation que constitue la multiplication des dépôts de brevets sur le vivant et la concentration croissante des détenteurs de ces brevets.
Afin de limiter les effets négatifs des pesticides de la famille des néonicotinoïdes sur les abeilles et autres pollinisateurs, le Sénat a décidé que l’utilisation de ces pesticides serait encadrée par un arrêté ministériel, conformément au récent avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Il reviendra à l’Assemblée d’examiner cette disposition qui s’inscrit par ailleurs dans le plan national « France, terre de pollinisateurs » lancé par Ségolène Royal en 2015.
La protection de la biodiversité marine est renforcée avec notamment l’introduction, dans notre corpus législatif, des dispositions permettant la création de la cinquième plus grande réserve marine du monde dans les eaux des terres australes françaises, la création des zones de conservation halieutique pour une gestion durable de la faune et de la flore marines, et l’obligation d’une autorisation pour les activités de recherche ou d’extraction en haute mer en zone économique exclusive et sur le plateau continental.
De nouvelles mesures sur les paysages viendront compléter les dispositifs actuels, avec la généralisation des plans de paysage et des atlas, et le soutien à la reconnaissance des paysagistes.
J’ajoute enfin que vos travaux sont très suivis par les entreprises de la croissance verte et bleue, et par les chercheurs qui innovent et permettent les créations d’emplois dans le domaine du vivant, des technologies vertes et de la nature. Pour ces acteurs, le vote de ce projet de loi constituera un signal clair de soutien à leur développement.
Cette liste de points saillants est loin d’être exhaustive et n’épuise pas l’apport du texte que nous nous apprêtons à examiner ensemble, riche de dispositions qui permettront de mieux préserver la biodiversité. Je veux surtout vous dire l’état d’esprit qui m’anime, et qui anime le Gouvernement, en ouverture de vos travaux. J’entends faire preuve tout à la fois d’écoute, de sagesse et d’humilité. La sagesse se traduit par un nombre réduit d’amendements du Gouvernement : nous considérons en effet que l’équilibre issu de la première lecture, s’il peut être peaufiné et précisé – c’est votre rôle –, doit être globalement préservé afin de permettre l’adoption la plus large et la plus rapide possible. C’est nécessaire pour que la loi soit promulguée avant l’été et pour que l’AFB soit créée selon le calendrier annoncé. Je sais, Madame la rapporteure, votre vigilance sur ce dernier point. Nous entendons également faire preuve d’humilité : l’immensité de la tâche et de l’enjeu nous y invite, mais également l’histoire législative de notre pays. Nous nous devions d’intégrer dans notre droit les grands principes développés par la communauté internationale et les obligations juridiques internationales auxquelles notre pays a souscrit, en particulier la Convention sur la diversité biologique ; avec cette loi, ce sera chose faite. Mais n’oublions pas que ce texte n’est pas le premier qui traite, sciemment ou de manière implicite, de la biodiversité : il s’inscrit dans une histoire législative marquée notamment par la loi de 1976 sur la protection de la nature et sur celle de 1993 sur les paysages, présentée – déjà – par Ségolène Royal.
Les grandes lois sont souvent le fruit de consensus larges. Ce texte sur la biodiversité n’est pas le premier et ne sera pas le dernier. Il constituera une réussite dès lors qu’il sera le plus ambitieux que l’on puisse élaborer et faire adopter aujourd’hui. Il ne clora pas certains débats qui continueront de traverser la société française et qui trouveront sans doute ultérieurement de nouvelles traductions législatives, mais il permettra d’avancer concrètement, de manière pragmatique, efficace, et – je le souhaite – la plus consensuelle possible. C’est en tout cas l’état d’esprit qui est le mien au début de vos travaux.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Un an après la première lecture dans notre assemblée, nous sommes à nouveau réunis pour un examen, en seconde lecture, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Un an représente un délai long, d’autant que l’examen en commission avait eu lieu en juin 2014 et surtout pour un texte qui nous avait toujours été présenté comme très important pour le Gouvernement. La longueur de nos débats a de quoi nous faire douter ; mais je suis heureuse qu’il y ait enfin dans ce Gouvernement une secrétaire d’État qui s’occupe précisément de la biodiversité.
Un long chemin reste à parcourir pour que ce texte soit adopté, mais nous espérons comme vous qu’il pourra l’être rapidement. Toutefois, il ne sortira pas conforme de nos débats, car nous avons bien des choses à dire. Ce projet de loi est complexe parce qu’il est technique et politique, et parce qu’il concerne tous les acteurs de la société, aux intérêts souvent divergents. Entre les entrepreneurs, les chasseurs, les pêcheurs, les protecteurs de la nature et les autres séducteurs – la séduction ne devrait jamais aller jusqu’à la pression… – (Murmures divers), les différences de points de vue paraissent parfois inconciliables. Nous devons en priorité défendre la biodiversité, les espèces, les espaces et les écosystèmes ; remplir notre mission implique donc de trouver un seuil en deçà duquel nous ne pouvons pas descendre.
Dans le droit fil de l’élan responsable dont nous avons fait la démonstration lors de la COP21, il nous faut nous engager sur des objectifs ambitieux. Nous devrons accepter de nous bousculer au lieu de ronronner dans une politique de petits pas. Il nous faut du courage et de la conviction pour avancer ; ne vous laissez donc pas influencer par les pressions dont les auteurs n’ont d’autre volonté que de nous amener à ne rien faire. Vous connaissez tous le vieil adage : qui n’avance pas recule. Montrons donc que les représentants de la Nation sont capables de défendre l’intérêt général, au nom des générations futures et de la pérennité de l’espèce humaine sur notre planète, qui que l’on soit et où que l’on se trouve.
Le Sénat a examiné le texte il y a quelques semaines. Les débats y ont été sérieux, quelquefois un peu durs. Je salue le rapporteur Jérôme Bignon qui a fait tout ce qu’il a pu pour ne pas se laisser déborder, même s’il n’a pas toujours réussi. Ce travail a permis des avancées qui nous permettront d’améliorer encore le texte sans prendre le risque de l’amoindrir.
Le projet de loi comporte des rendez-vous à ne pas manquer : la solidarité écologique, dans sa double dimension ; le triptyque « éviter, réduire, compenser » déjà présent dans la loi de 1976, mais dont nous devons réaffirmer l’ordre avec force ; le préjudice écologique qui permettra de ne plus nous contenter de la jurisprudence ; l’interdiction des néonicotinoïdes — une décision qui exige du courage, mais qui profitera aux agriculteurs, aux populations et aux espèces animales et végétales, ainsi qu’aux micro-organismes du sol ; la création de l’AFB, un outil efficace et fonctionnel au service de tous les acteurs, qui, sans être une usine à gaz, démultipliera les moyens alloués à la biodiversité.
Je regrette que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) n’y participe pas, car c’était pour cette structure une formidable opportunité de voir consacrer ses compétences. L’avenir saura nous démontrer, en particulier au niveau local, la pertinence d’une telle intégration. Nous pourrons à nouveau débattre de tous ces thèmes avec nos approches et nos sensibilités respectives ; j’espère néanmoins que nos débats iront toujours dans le sens d’une volonté farouche d’atteindre nos objectifs et de tendre vers l’exemplarité.
Mais les apports du Sénat ne sont pas tous positifs. Certains amendements ne suivent pas la logique des grands défis que nous devons relever et nous aurons à cœur de rectifier les dispositions qui auraient pour conséquence de dénaturer le texte. Ainsi, le Sénat a transformé les obligations réelles environnementales — que nous concevons comme un engagement volontaire unilatéral — en contrats, sans que cela apparaisse nécessaire.
Nous devons examiner 911 amendements ; la règle de « l’entonnoir » nous empêche d’en considérer quelques autres, qui seraient pourtant pertinents. En effet, l’étalement dans le temps nous a permis de gagner en recul, donc en idées ; il est dommage d’en abandonner certaines, car le sujet est transversal et nous n’en avions pas traité toutes les facettes en première lecture. Mais nous devons nous plier à la règle. Malgré sa complexité et ses imperfections, ce texte nous passionne. J’espère que nous pourrons en être fiers.
Mme Viviane Le Dissez. Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été adopté au Sénat à une très large majorité. Plus d’une centaine d’articles nouveaux y ont été introduits. Bien que l’équilibre du texte et ses principales dispositions aient été maintenus, des ajustements sont encore nécessaires.
L’examen du texte par la Haute Assemblée a permis d’enrichir les débats sur plusieurs points. Les sénateurs ont conforté la création de l’Agence française pour la biodiversité qui sera la première agence de pilotage, de suivi et d’expertise au monde. Elle sera opérante dès la promulgation de la loi.
La protection et la valorisation de la biodiversité et de ses ressources passent par la connaissance de ce milieu complexe, mais aussi par la participation active des territoires. Ainsi, les partenariats de l’Agence avec les collectivités territoriales, les territoires d’outre-mer ou le monde de la recherche — qui est au cœur de ses missions — sont justement représentés et reflètent les choix de sa gouvernance.
Le Sénat a avalisé la transposition dans notre droit national du protocole de Nagoya en autorisant sa ratification. Ce protocole, outil indispensable de lutte contre la biopiraterie, met en place un instrument juridique afin de promouvoir une utilisation durable des ressources et de garantir un partage juste et équitable des avantages. Ainsi le texte concrétise-t-il des engagements ambitieux envers les populations des pays qui ont déjà ratifié le protocole comme envers les experts, les muséums et les laboratoires, notamment de recherche pharmaceutique et de cosmétologie, qui attendent aussi cette manière de travailler.
Ce nouveau cadre juridique allie d’ailleurs une meilleure gestion des ressources naturelles et de protection du monde de la recherche avec la mise en œuvre de procédures encadrées relevant soit du régime de la déclaration, soit de l’autorisation, avec un juste retour envers les communautés d’habitants, dès lors qu’elles découlent de l’utilisation des connaissances traditionnelles.
Enfin, la notion de préjudice écologique entre dans la loi. Il nous appartient de finaliser et d’encadrer cette disposition majeure attendue depuis bien longtemps qui, je le pense, fait consensus sur tous les bancs. En tant que Costarmoricaine, je n’oublie pas le désastre écologique causé par le naufrage de l’Erika : il a durablement marqué les esprits et, bien sûr, la faune et la flore de notre littoral. Les mécanismes d’une responsabilité civile, fondée sur les dommages causés à l’environnement, doivent être encore précisés et affinés. Nos décisions quant à la définition de ce cadre juridique seront décisives pour les décennies à venir.
Alors que la filière agricole est confrontée à une crise sans précédent, il est important d’intégrer l’agriculture dans le champ de la biodiversité. Ce texte doit être l’occasion de mieux protéger et soutenir les initiatives durables. Les agriculteurs font partie des acteurs majeurs de la reconquête de la biodiversité. La disposition introduite par le Sénat et qui vise à interdire le brevetage des gènes natifs est à considérer comme un soutien du secteur agricole.
Ce texte primordial affermit nos engagements, notamment à travers le triptyque « éviter, réduire, compenser » – éviter avant de réduire, et réduire avant de compenser.
Son dernier volet conforte les sites protégés inscrits sur nos territoires et préservera les allées d’arbres, l’image de notre patrimoine aussi bien rural qu’urbain.
Il nous faudra revenir sur quelques sujets controversés, tels que la chasse, certaines mesures concernant l’agriculture et le chalutage en eaux profondes – il nous appartiendra de trancher dans le respect de la biodiversité pour les années à venir. Nous devons aboutir à un texte clair et applicable dès sa promulgation.
Notre responsabilité est grande, face au défi de la préservation et de la gestion durable de la biodiversité, qui est mouvante : les termes de la loi devront pouvoir évoluer et s’adapter aux changements qu’elle rencontrera.
J’espère que les échanges qui auront lieu dans cette commission seront toujours aussi riches et courtois.
M. Martial Saddier. Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous féliciter pour votre nomination – mais, par les temps qui courent, ces félicitations doivent être assorties d’encouragements. (Sourires)
Ce texte revient devant notre commission après y avoir été examiné il y a deux ans et après que l’Assemblée l’a adopté en première lecture il y a un an : ces faits doivent tempérer l’enthousiasme de Mme la secrétaire d’État et de ceux qui prétendent qu’il constitue une priorité absolue de la majorité et du Gouvernement.
En première lecture, nous nous étions interrogés sur l’objet même du texte, notamment sur l’Agence française pour la biodiversité. J’espère que la deuxième lecture nous fournira des réponses plus précises. Nous sommes plusieurs à penser que cette agence, qui sera nationale, nous fera courir un risque de recentralisation. Nous ne savons toujours pas quelle sera son articulation avec les territoires et nous n’avons toujours pas vraiment compris où est la rationalisation et quels moyens supplémentaires seront dégagés en faveur de la biodiversité de manière homogène sur l’ensemble des territoires.
Nous saluons les travaux du Sénat. En première lecture, nous avions défendu diverses mesures sur l’agriculture, sur la gouvernance des agences de l’eau – laquelle a évolué en 2014, puisqu’elle a été ouverte à la société civile – et sur la chasse. Sur ces trois points, le Sénat est plus ou moins parvenu à un équilibre que nous défendrons. Toutefois, nous désapprouvons la notion de préjudice écologique et la manière dont elle serait inscrite dans le code civil, les mesures concernant les chemins ruraux et l’abattage des arbres, ainsi que la taxe sur l’huile de palme.
Comme d’habitude, les députés du groupe Les Républicains abordent l’examen de ce texte avec un esprit constructif, mais ils ne manqueront pas de revenir sur les questions qu’il soulève depuis deux ans.
M. Bertrand Pancher. Madame la secrétaire d’État, vos propos nous ont presque attendris (Sourires) : nous avons parfois eu l’impression d’entendre Ségolène Royal – ce qui n’est pas vraiment un compliment. (Rires et murmures divers)
Cela dit, je tiens à saluer votre enthousiasme.
Sans doute pourrait-on dire que ce texte est un grand projet de loi sur la biodiversité des escargots (Sourires), car son examen avance avec lenteur. Il aura mis trois ans à cheminer ! Cela complique notre travail, même si nous nous adaptons et reprenons assez facilement nos notes.
S’agit-il vraiment de la grande loi sur la biodiversité qu’on nous avait annoncée lors de la conférence environnementale ? Non. Nous attendions la création d’une « grande » agence de la biodiversité : nous aurons une « petite » agence, qui s’occupera essentiellement de la biodiversité des milieux aquatiques, puisque l’ONCFS et l’Office national des forêts ont fait comprendre qu’il était hors de question qu’ils y soient associés – et on comprend leurs réserves. Cette agence sera-t-elle dotée de nouveaux moyens ? Non. Nous sommes dans un contexte de réduction généralisée des budgets.
Certes, Mme la rapporteure avait introduit en première lecture des dispositions astucieuses, mais certaines ont été remises en cause par le Sénat. Que ressortira-t-il de nos travaux en deuxième lecture ? Les décrets d’application seront-ils publiés, sachant que nous nous rapprochons de plus en plus des prochaines échéances électorales ?
Nous présenterons des amendements qui visent à améliorer ce texte. Du sort qui leur sera réservé dépendra le vote final de notre groupe.
Mme Laurence Abeille. Comme mes collègues, je déplore la lenteur avec laquelle ce texte est examiné. Nous attendions ce projet de loi avec impatience. Nous sommes aujourd’hui à une nouvelle étape ; espérons que les suivantes seront plus rapides.
Nous ne nous satisfaisons pas du tout des mesures qui ont été adoptées au Sénat. Si la Haute Assemblée a voté ce texte à une large majorité, il l’a profondément abîmé. Il va donc falloir revenir sur un certain nombre de dispositifs.
L’une des dispositions phares concerne le refus du Sénat d’interdire les néonicotinoïdes. Faut-il rappeler à quel point ces produits sont nocifs pour la biodiversité, pour les pollinisateurs, pour les sols, pour les eaux ?
Il nous faudra également revenir sur les dispositifs adoptés concernant les modes de chasse nuisibles à la biodiversité. Il est parfois bon de rappeler des évidences : ce que nous souhaitons, c’est protéger les espèces protégées. La chasse à la glu n’est pas admissible, puisqu’elle permet d’attraper des espèces d’oiseaux protégées. Nous reviendrons également sur la question de la chasse en période de reproduction.
Je suis très attachée aux mesures favorisant la biodiversité en milieu urbain, dont ce texte ne parle pas assez, comme les toitures végétalisées et les revêtements perméables sur les parkings. Ces dispositifs, qui peuvent sembler anodins, sont extrêmement importants. La densité urbaine fait que nous avons créé des îlots de chaleur. La question climatique en ville est devenue importante, tout comme la lutte contre la pollution et l’évacuation des eaux.
Enfin, s’agissant du triptyque « éviter, réduire, compenser », on ne dira jamais assez qu’il faut évidemment favoriser l’évitement, puis la réduction, la compensation devant intervenir en dernier ressort. Ce sujet a fait l’objet de peu de discussions en première lecture à l’Assemblée nationale. Il faudra trouver les moyens de l’encadrer plus fermement.
L’interdiction du chalutage en eaux profondes est un sujet qui me tient à cœur. On sait à quel point les milieux marins sont fragiles et combien la biodiversité en milieu marin est riche. Il est donc important d’interdire ce mode de pêche, inintéressant d’un point de vue économique et qui a des conséquences graves sur la biodiversité.
Nous reviendrons peu sur la question de la gouvernance de l’Agence française pour la biodiversité, car nous en avons déjà longuement débattu. Bien évidemment, nous continuons de regretter l’absence de l’ONCFS au sein de l’AFB. Comme le dit Bertrand Pancher, en l’état, il s’agit davantage d’une agence des milieux aquatiques.
M. Bertrand Pancher. Si même les écologistes le disent ! (Rires)
Mme Laurence Abeille. La question des moyens de cette agence est essentielle ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
La notion de préjudice écologique a été introduite au Sénat. La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement nous inquiète grandement : elle ne doit surtout pas constituer une régression par rapport au droit de l’environnement. Au contraire, il faut prendre sérieusement en main ce dossier et avancer.
L’interdiction des néonicotinoïdes ou celle du chalutage en eaux profondes sont des mesures concrètes qui peuvent donner du corps à cette loi. Nous avons envie de nous occuper de la protection de la nature, et nous nous adressons aussi aux générations futures. La destruction de la biodiversité est massive et n’a jamais été aussi rapide. Bien sûr, cette loi ne réglera pas tout, mais nous espérons qu’elle constituera un jalon important.
M. Guillaume Chevrollier. Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité continue son long cheminement. Cela fait presque deux ans qu’il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il revient aujourd’hui devant nous après avoir été profondément modifié et enrichi au Sénat. Nous pouvons saluer la Haute Assemblée pour sa sagesse qui a permis d’améliorer considérablement le texte. Il est toutefois à craindre que cette sagesse ne gagne pas les bancs de l’Assemblée nationale et que la deuxième lecture ne malmène le texte.
Si la préservation de la biodiversité doit être notre ligne de conduite, nous ne pourrons la tenir qu’en respectant les agriculteurs et les chasseurs qui jouent un rôle important en la matière. Les premiers, dont le mécontentement et l’inquiétude grandement justifiés n’ont échappé à personne, sont en effet très concernés par ce texte. Or qu’y trouvent-ils ? Des contraintes, des interdictions et des complications. Certes, le Sénat a amoindri ces difficultés, mais certains articles doivent encore être améliorés.
Parmi les sources d’inquiétudes des agriculteurs, on peut citer l’obligation environnementale dont la portée doit être encadrée, les chemins ruraux et l’abattage des arbres pour lesquels le recensement ne doit pas avoir des conséquences préjudiciables pour eux, les associations environnementales dont le rôle doit être bien défini, sans oublier les produits phytosanitaires dont l’utilisation doit être encadrée et non fustigée.
Quant aux chasseurs, ils demandent une reconnaissance de leur rôle en tant que protecteurs de la biodiversité et refusent d’être stigmatisés comme ils le furent lors de la première lecture à l’Assemblée nationale qui a vu l’adoption d’amendements anti-chasse. Les chasseurs, même si des corrections sont encore à apporter au texte adopté au Sénat, veulent le maintien de l’équilibre trouvé. Il me reste à espérer que le texte issu du Sénat ne sera pas dénaturé en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
M. Serge Letchimy. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à de très nombreuses reprises et de contribuer, avec mes collègues de l’outre-mer, à l’amélioration du texte. L’examen du projet de loi au Sénat suscitait de grandes inquiétudes de ma part. Or je dois reconnaître qu’il n’a pas été trop modifié. Contrairement à Bertrand Pancher, je tiens à féliciter la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, pour avoir porté ce texte. Que Barbara Pompili prenne aujourd’hui le relais me semble être une très bonne chose. Ce projet de loi est une grande initiative française. Il est très facile de parler d’écologie et d’environnement ; il est plus difficile – et pourtant essentiel – d’atteindre un haut niveau de reconnaissance, de valorisation et de protection de la nature.
Cette question est d’une importance extrême pour l’outre-mer, qui concentre 80 % de la biodiversité française. Nous avons beaucoup œuvré pour ne pas être dans un système contemplatif de la biodiversité, dans une posture géopolitique de domination de la biodiversité, des récifs coralliens aux richesses naturelles de la Guyane, mais dans une approche de réappropriation collective par nous-mêmes de la biodiversité et de valorisation de sa protection. C’est essentiel pour l’équilibre de la nature. À ce titre, je tiens beaucoup à ce que certaines des dispositions adoptées soient maintenues, notamment les délégations de l’Agence. Le Sénat a adopté une formule qui me paraît bizarre, puisqu’elle remplace le mot « délégation » par l’expression « organisme de collaboration pérenne ». Je ne sais pas ce que cela veut dire. En tout cas, ce n’est pas crédible.
Enfin, l’accès et le partage des ressources me paraissent essentiels, notamment par la reconnaissance des pratiques et des savoirs traditionnels. L’expression de « communauté d’habitants » conduit à intégrer le maximum de personnes. Je souhaite que soit engagée une analyse juridique très précise pour voir si les retombées des savoirs et des pratiques traditionnelles utilisées dans le cadre d’une valorisation sont aussi profitables à des pays comme la Martinique ou la Guadeloupe, qui n’ont pas de communautés d’habitants telles qu’on les conçoit. Le pillage de la richesse biologique ayant été constaté, il faut entrer dans un processus de valorisation, car ce sont des filières de croissance économiques essentielles pour l’avenir.
J’en viens aux moyens de l’Agence française pour la biodiversité et au cas précis de l’intégration, dans l’Agence, du comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR). Quels seront les moyens mis en œuvre, sachant que, l’IFRECOR ayant un modèle de gouvernance propre, sa dynamique pourrait être compromise si l’on n’y prend garde ?
M. François-Michel Lambert. Nous devons faire de la défense de la biodiversité une priorité législative et politique. La création du secrétariat d’État chargé de la biodiversité nous en donne l’occasion. Le moment est venu de régler définitivement la question des éléments qui détruisent réellement la biodiversité – je pense notamment aux néonicotinoïdes et à la pêche en eaux profondes.
Mais ne nous trompons pas de combat : nous devons œuvrer à rassembler, à plus ou moins long terme, tous les acteurs de la nature dans une gouvernance partagée. Agriculteurs et chasseurs devront trouver leur place dans un pilotage partagé de la gestion de la biodiversité.
M. Arnaud Leroy. Depuis quelques heures, la question du préjudice écologique suscite beaucoup d’émoi. Vous le savez, j’ai animé, avec Geneviève Gaillard, un petit groupe de travail pour donner au dispositif un peu plus d’efficacité, de stabilité et de visibilité, notamment pour les entreprises. Je dois avouer que je suis surpris de la dernière mouture du texte. Il est important de ne pas revenir en arrière par rapport à la rédaction issue du Sénat et de ne pas abandonner le principe pollueur-payeur inscrit dans les traités de l’Union européenne.
La notion de préjudice écologique est aussi importante et novatrice pour notre droit civil que la loi sur la biodiversité car c’est une véritable révolution juridique. Aussi convient-il de ne pas se tromper. Avec Geneviève Gaillard, nous avons essayé de trouver une rédaction juridiquement solide. Peut-être n’est-elle pas parfaite, peut-être faudra-t-il la revoir, mais il faut surtout éviter d’adopter l’amendement du Gouvernement qui prévoit que « n’est pas réparable, sur le fondement du présent titre, le préjudice résultant d’une atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application », car il est extrêmement dangereux pour le droit de l’environnement dans notre pays.
M. Jean-Marie Sermier. Madame la secrétaire d’État, vous représentez ici le Gouvernement de la France. Or, à deux reprises au début de votre intervention, vous avez rappelé votre engagement écologiste. Je souhaite que votre engagement s’adresse avant tout à tous les Français.
Mme la secrétaire d’État. C’est une évidence !
M. Jean-Marie Sermier. Vous avez rappelé les enjeux essentiels de la planète sur le dérèglement climatique et le maintien de la biodiversité. Ces enjeux, nous les partageons, sur tous les bancs de l’Assemblée. C’est un souci permanent qui a trouvé une première réponse en 2010, à Nagoya. Tous les gouvernements qui ont ratifié l’accord ont travaillé ensemble. La France a joué un rôle essentiel d’entraîneur. Mais, quand on est un entraîneur, l’essentiel n’est pas de courir vite tout seul devant, mais d’associer toute l’équipe pour que nous puissions courir ensemble au même rythme et faire avancer les moins performants.
Si la France joue le rôle essentiel d’une nation qui possède une biodiversité exceptionnelle et un périmètre non moins exceptionnel, puisqu’elle est présente dans le monde entier, comme l’a rappelé à l’instant Serge Letchimy, elle a aussi le devoir de préserver ceux qui font son pays, ses traditions, son économie. Je pense aux agriculteurs qui n’ont pas besoin de surtransposition ni de normes supplémentaires. Ce débat sera l’occasion d’envoyer un signal très fort à nos agriculteurs. Ainsi, ils sauront si on les emmène dans une réserve ou si l’on compte sur eux pour qu’ils produisent demain une agriculture de qualité.
Plusieurs intervenants ont évoqué la lenteur du parcours législatif de ce projet de loi. Effectivement, la vitesse n’est pas au rendez-vous. Souhaitons que la précipitation ne le soit pas non plus. Les débats seront importants. Le brevetage du vivant est compliqué, y compris pour les petites entreprises françaises. La question de l’utilisation des néonicotinoïdes est également complexe, et l’avis rendu par l’ANSES au mois de janvier dernier laisse penser que ce dossier n’est pas aussi simple qu’on voudrait nous le faire croire. Quant à la taxation de l’huile de palme, il ne faut pas confondre les politiques d’affichage et les politiques réalistes sur la déforestation.
De beaux débats nous attendent en tout état de cause. J’espère, Madame la secrétaire d’État, que vous serez ouverte au dialogue avec les diverses corporations françaises.
Mme la secrétaire d’État. Avec les Français, pas avec les corporations !
M. Philippe Plisson. Nous arrivons au terme d’un long cheminement législatif qui aboutira à l’adoption du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité.
Le Sénat a amendé le projet de loi et le texte qui nous revient aujourd’hui a été voté à l’unanimité des groupes politiques. C’est assez rare pour être souligné. Or j’ai entendu tout à l’heure des propos qui vont ranimer les polémiques, en particulier en ce qui concerne la chasse. Je souhaite que nos débats se focalisent sur ce qui nous rassemble et non sur ce qui nous divise, afin que nous votions, nous aussi à l’unanimité, une loi relative à la biodiversité — j’allais dire : une loi sur la chasse. (Sourires)
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il fut un temps où le Parlement votait chaque année une loi sur la chasse. La dernière en date, en 2011, est la proposition de loi de Jérôme Bignon, que l’opposition d’alors avait votée.
M. Yves Nicolin. Ce projet de loi cherche à atteindre des objectifs multiples et importants, que nous pouvons partager, mais qui sont parfois contradictoires. Certains ont parlé de la sagesse du Sénat. Mais, tandis que notre agriculture est en plein désarroi, certaines mesures adoptées par le Sénat ne font qu’aviver l’inquiétude, car elles auraient des conséquences désastreuses pour certaines professions, en particulier pour la profession agricole. Alors que le principe de complémentarité entre l’agriculture et l’environnement devrait prévaloir, on a parfois le sentiment que ce texte les oppose.
Certains amendements votés au Sénat frisent l’extravagance. Ainsi, l’article 72 bis vise à interdire purement et simplement l’abattage de certains arbres, notamment « les allées d’arbres et alignements d’arbres, qui constituent un patrimoine culturel et une source d’aménités ». Est donc interdit « le fait d’abattre, de porter préjudice à l’arbre ou à son domaine vital, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres ».
Il paraîtrait logique de demander que l’Agence française de la biodiversité ne vienne pas contredire, voire perturber le rôle d’autres instances, comme l’ANSES ou l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Il faudra faire cohabiter tout ce petit monde en bonne intelligence.
Nous souhaitons que la création des réserves d’eau ne soit plus soumise à la réglementation des carrières, comme cela peut être le cas aujourd’hui. En ce qui concerne les débits réservés, il pourrait être demandé de permettre de déroger aux obligations, notamment en zone de montagne ou de piémont méditerranéen, pour permettre l’irrigation. Dino Cinieri, député de la Loire, est tout particulièrement concerné par cette question.
Si ce texte a permis à la sagesse du Sénat de s’exprimer, il me semble que le bon sens de l’Assemblée peut à son tour apporter une contribution intéressante et positive.
Mme Valérie Lacroute. Je veux évoquer les dispositions afférentes à l’activité agricole. En première lecture, le groupe Les Républicains avait voté contre ce texte, car il comptait de nombreuses dispositions qui préoccupaient le monde agricole. Les débats ont parfois été très durs à l’encontre des agriculteurs. Pourtant, l’agriculture contribue aussi à la préservation de la biodiversité. Les agriculteurs sont en contact avec le vivant tous les jours, sur leurs exploitations.
Face à la crise que traverse l’agriculture française, il serait suicidaire d’imposer à nos agriculteurs de nouvelles contraintes environnementales qui vont au-delà des exigences européennes. Au tout réglementaire, il vaut mieux privilégier la contractualisation et les partenariats avec les agriculteurs. Il est primordial de trouver le juste équilibre entre développement durable et compétitivité de notre agriculture.
Je voudrais saluer nos collègues sénateurs pour le travail qu’ils ont effectué. Ils ont répondu aux interrogations du monde agricole en modifiant substantiellement certaines dispositions trop contraignantes. J’en veux pour preuve que l’interdiction, à compter du 1er janvier 2016, de l’usage des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes a été supprimée, au motif que le législateur français n’est pas habilité à interdire l’usage d’une famille de produits phytosanitaires. Une telle disposition relève en effet du législateur européen.
Je soutiendrai donc, pour ma part, le texte tel qu’il a été adopté par les sénateurs, tout en m’opposant à certains articles qui augmentent les contraintes, telles que le renforcement des missions de l’AFB ou l’obligation de transmission systématique par les agriculteurs de leur registre de produits phytosanitaires.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3442).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il nous reste à examiner 754 amendements. Nous lèverons la séance à vingt heures et reprendrons nos travaux lundi prochain, 7 mars 2016, à vingt heures trente. Nous n’avons aucune autre possibilité.
M. Martial Saddier. Il est surprenant que nos travaux ne puissent pas se poursuivre demain alors que chacun savait que nous ne pourrions pas achever l’examen du texte aujourd’hui. Nous pourrions nous réunir ce soir.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je ne me sens pas le droit d’annoncer maintenant que nous poursuivrons nos travaux ce soir.
M. Philippe Plisson. En effet, certains ont pris d’autres engagements pour ce soir et demain. Par contre, peut-être pourrions-nous reprendre nos travaux dès lundi après-midi.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Non. Mme la secrétaire d’État ne sera pas disponible. Je propose de reprendre nos travaux sans plus tarder.
TITRE IER
PRINCIPES FONDAMENTAUX
Article 1er
(article L. 110-1 du code de l’environnement)
Actualisation des principes généraux du droit de l’environnement
Le présent article actualise les principes généraux du droit de l’environnement définis à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
1. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale
Le présent article, tel qu’il a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, permet notamment de préciser que :
– les ressources et milieux naturels qui font partie du patrimoine commun de la nation sont terrestres ou marins ;
– les êtres vivants et la biodiversité, et non plus les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent, font partie du patrimoine commun de la nation ;
– le patrimoine commun de la nation inclut les paysages diurnes et nocturnes ;
– les processus biologiques, les sols et la géo-diversité concourent à la constitution de ce patrimoine.
La biodiversité a été définie, suite aux travaux en commission, conformément aux termes de la Convention sur la diversité biologique de 1992 et du Protocole de Nagoya de 2010.
2. Les modifications apportées par le Sénat
En commission, les sénateurs ont adopté :
– un amendement présenté par le rapporteur, M. Jérôme Bignon, tendant à revenir aux notions d’espèces animales et végétales ;
– un amendement présenté par le rapporteur, supprimant la référence aux sols comme concourant au patrimoine commun de la nation ;
– un amendement présenté par le rapporteur, modifiant la définition de la biodiversité et tendant à intégrer la notion d’interactions (la biodiversité est entendue comme « l’ensemble des organismes vivants ainsi que les interactions qui existent, d’une part, entre les organismes vivants eux-mêmes, d’autre part, entre ces organismes, leurs habitats naturels et leurs milieux de vie ») ;
– un amendement présenté par le rapporteur, supprimant la mention des paysages diurnes et nocturnes comme faisant partie du patrimoine commun de la nation.
3. La position de votre commission en deuxième lecture
Votre commission a adopté, en deuxième lecture, deux amendements présentés par votre rapporteure :
– le premier tendant à réintroduire la mention des paysages diurnes et nocturnes, ainsi que des êtres vivants et de la biodiversité ;
– le second tendant à revenir à la notion de la biodiversité telle qu’elle était issue des travaux de l’Assemblée nationale, en insérant la notion d’interactions entre les organismes vivants issue des travaux du Sénat.
*
* *
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CD172 rectifié de la rapporteure et les amendements identiques CD493 de Mme Laurence Abeille, CD568 de M. Bertrand Pancher et CD749 de M. Joël Giraud.
Mme la rapporteure. L’amendement CD172 rectifié vise à rétablir les dispositions issues des travaux de l’Assemblée nationale incluant les paysages diurnes et nocturnes, les êtres vivants et la biodiversité dans le patrimoine commun de la Nation.
Mme Laurence Abeille. Je retire l’amendement CD493 au profit de celui de Mme la rapporteure, dont la rédaction s’avère plus exhaustive.
M. Bertrand Pancher. L’amendement CD568 est défendu.
M. Olivier Falorni. De même que l’amendement CD749.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements proposent de réintroduire les notions de paysages diurnes et nocturnes ; la biodiversité englobe des espaces, des ressources et des milieux naturels terrestres et marins, ainsi que les sites et les paysages diurnes et nocturnes. Des paysages nocturnes, la biodiversité et des insectes se trouvent affectés par la pollution induite par l’excès de lumière artificielle. Je suis favorable à l’adoption de ces amendements.
M. Martial Saddier. Insérer ces précisions dans la loi nous semble inutile. Le texte évoquait les sites et les paysages, et leur qualification de diurnes et de nocturnes entraînera d’importantes conséquences quand on connaît l’ampleur des débats portant sur la luminosité entre les zones très urbaines, périurbaines, rurales et d’infrastructures.
L’amendement CD493 est retiré.
À la demande du président Jean-Paul Chanteguet, les amendements CD568 et CD749 sont également retirés.
La Commission adopte l’amendement CD172 rectifié.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CD494 de Mme Laurence Abeille, CD750 rectifié de M. Jacques Krabal et l’amendement CD173 de la rapporteure.
Mme Laurence Abeille. Il s’agit de rétablir une disposition, adoptée par l’Assemblée nationale et supprimée par le Sénat, qui vise à reconnaître la biodiversité des sols. Celle-ci n’est pas immédiatement visible, mais elle a toute sa place dans ce projet de loi qui réaffirme l’importance de la biodiversité ordinaire. Les sols jouent un rôle primordial dans les équilibres écosystémiques pour l’agriculture et dans le cycle du carbone.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD750 rectifié est défendu.
Mme la rapporteure. L’amendement CD173 défend l’idée selon laquelle les sols concourent à la constitution du patrimoine commun de la Nation. Ils sont le support d’un patrimoine génétique fondamental et assurent des fonctions de première importance.
Mme la secrétaire d’État. Les sols remplissent une fonction essentielle, car une grande partie de la biodiversité s’y trouve nichée. Néanmoins, l’introduction de cette notion suscite des craintes pour l’agriculture, alors que les sols sont déjà inclus dans le terme de géodiversité. L’objet de ces amendements étant déjà satisfait, je vous propose de les retirer.
M. Jean-Marie Sermier. Vous avez parfaitement raison, Madame la secrétaire d’État. Le texte n’a pas à rappeler que le sol fait partie de la biodiversité, puisqu’il s’agit d’un élément minéral. N’effectuons pas de transposition inutile envoyant un mauvais signal à l’agriculture française.
M. Jean-Yves Caullet. Le sol résulte d’un élément géologique minéral et d’interactions vivantes, végétales et animales. Dès lors que l’on protège la biodiversité végétale et animale, on protège les sols avec la géodiversité ; le texte inclut donc déjà cette notion.
Mme Laurence Abeille. L’Assemblée nationale avait adopté cette disposition en première lecture ; il me semble essentiel de réintégrer les sols dans le texte pour ne pas les oublier. Les sols ne sont pas des minéraux, mais des corps vivants dont la biodiversité se révèle primordiale.
Mme la rapporteure. Le sol est constitué d’éléments minéraux, mais aussi de bactéries et de germes qui ont leur importance. L’Union européenne nous demande de nous pencher sur la question des sols, et une convention sur leur biodiversité se tiendra prochainement. L’insertion de cette notion dans le texte n’enlève ni n’impose rien aux agriculteurs, car on se contente de constater que les sols concourent à la biodiversité.
M. Julien Aubert. Lorsque l’on élabore un projet de loi sur la biodiversité, il semble opportun de s’entendre sur le périmètre du texte ; après deux années de navette parlementaire, on ne s’accorde toujours pas sur l’acception du terme de biodiversité, ce qui devrait nous faire réfléchir.
Les sénateurs ont sans doute supprimé la notion de sol dans l’article 1er pour de bonnes raisons. Il serait intéressant de les connaître. Sont-elles de forme ou obéissent-elles à une conception différente de la biodiversité ? L’existence de deux chambres devrait nous permettre de mener un débat sur le fond.
Mme la rapporteure. L’amendement de Mme Laurence Abeille affirme que les sols font partie du patrimoine de la Nation, alors que le mien explique que les sols concourent à la biodiversité et à la constitution de ce patrimoine. Madame Abeille, accepteriez-vous de retirer votre amendement ?
Mme Laurence Abeille. Oui.
M. Gilbert Sauvan. Je suis sceptique quant à la pertinence d’introduire dans le texte la notion de sol, qui ne touche pas qu’à l’agriculture, mais également à l’urbanisme. Nous ne devons pas contrarier les vocations agricoles ou d’accueil de constructions des sols.
Les amendements CD494 et CD750 rectifié sont retirés.
La Commission rejette l’amendement CD173.
Puis elle en vient à l’amendement CD174 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Tout en intégrant certaines modifications votées par le Sénat, cet amendement propose de définir la biodiversité à partir du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui s’appuyait lui-même sur la Convention sur la diversité biologique (CDB).
Mme la secrétaire d’État. La définition de la CDB, enrichie par la notion d’interactions entre les organismes vivants, est complète et précise. Les sénateurs sont parvenus à un accord consensuel établissant une caractérisation plus simple et acceptée par les associations. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.
Article 2
(article L. 110-1 du code de l’environnement, article L. 1 du code rural et de la pêche maritime)
Actualisation des principes de préservation et de reconquête de la biodiversité
Le présent article a trait aux principes gouvernant la protection et la gestion de la biodiversité.
1. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale
L’article introduit la notion de connaissance de la biodiversité, le triptyque « éviter, réduire, compenser » et de nouveaux principes, tels que le principe de solidarité écologique et le principe de complémentarité entre l’agriculture et l’environnement.
Les travaux en commission avaient permis, à l’initiative de votre rapporteure, de définir la compensation comme ne devant intervenir qu’en dernier ressort, après l’évitement et la réduction des atteintes à la biodiversité, de préciser les éléments de biodiversité affectés (en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées) et de définir le principe de solidarité écologique pour toute décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires (directement ou indirectement concernés précisera le texte à l’issue de la séance publique). Votre commission avait également introduit le principe nouveau de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture.
En séance, l’Assemblée nationale a précisé que le triptyque « éviter, réduire, compenser » vise un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire doit tendre vers un gain de biodiversité, et que le principe de complémentarité est étendu à la sylviculture.
Un rapport a été demandé, dans un délai de deux ans, sur l’opportunité d’inscrire dans le code de l’environnement le principe de non-régression.
2. Les modifications apportées par le Sénat
En commission, les sénateurs ont adopté :
– sept amendements identiques, dont l’un présenté par le rapporteur, supprimant l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur tendant à supprimer la mention des territoires indirectement concernés dans la définition du principe de solidarité ;
– un amendement présenté par le rapporteur déplaçant à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime le principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la sylviculture, et remplaçant la notion de fonctionnalités écologiques par celle de services environnementaux qui utilisent les fonctions écologiques d’un écosystème pour restaurer, maintenir ou créer de la biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur précisant que le rapport sur l’opportunité d’inscrire dans notre droit le principe de non-régression porterait également sur la valeur du principe lui-même et serait remis dans un délai d’un an au lieu de deux ans ;
– un amendement tendant à ajouter que le patrimoine commun de la nation génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage. Votre rapporteure souligne que la notion de valeurs d’usage peut soulever des difficultés de définition (2) ;
– deux amendements identiques, tendant à modifier la définition du triptyque éviter, réduire, compenser : « Ce principe implique d’éviter les atteintes significatives à l’environnement ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin en dernier lieu, de compenser les atteintes résiduelles qui n’ont pu être évitées et réduites. » Ce principe porterait sur les atteintes, qui seraient définies comme significatives, à l’environnement, et non plus à la biodiversité. La précision des différents éléments affectés et nécessitant la mise en œuvre d’une compensation a été supprimée.
En séance, le Sénat a adopté :
– trois amendements identiques, tendant à ce que l’article L. 110-1 du code de l’environnement précise que les mesures prises en faveur des espaces, ressources et milieux naturels, sites et paysages, de la qualité de l’air, des espèces animales et végétales, et de la diversité et des équilibres biologiques (mesures de protection, mise en valeur, restauration, remise en état et gestion) prennent en compte « les valeurs intrinsèques ainsi que les différentes valeurs d’usage de la biodiversité reconnues par la société » ;
– trois amendements identiques, visant à supprimer le rapport sur le principe de non-régression ;
– trois amendements identiques, tendant à ajouter « le principe de la conservation par l’utilisation durable, selon lequel la pratique des usages est un instrument au service de la conservation de la biodiversité ».
3. La position de votre commission
Votre commission a adopté :
– un amendement tendant à supprimer les nouveaux alinéas 1 et 2 de l’article relatifs à la mention que le patrimoine commun génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage ;
– un amendement présenté par votre rapporteure tendant à rétablir la définition du triptyque « éviter, réduire, compenser » telle qu’elle résultait des travaux de l’Assemblée ;
– un amendement présenté par votre rapporteure visant à réintroduire la mention des territoires indirectement concernés dans la définition du principe de solidarité ;
– un amendement présenté par votre rapporteure, complété par un amendement présenté par Mme Anne-Yvonne Le Dain, visant à modifier le principe de conservation par l’utilisation durable pour lui substituer le principe de l’utilisation durable, selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la conservation de la biodiversité ;
– un amendement tendant à réinscrire le principe de complémentarité, dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, au sein du code de l’article L. 110-1 du code de l’environnement et un amendement de coordination supprimant les alinéas 15 et 16 de l’article ;
– deux amendements identiques, dont l’un a été présenté par votre rapporteure, tendant à réintroduire la remise, dans un délai de six mois, du rapport sur l’inscription dans le droit du principe de non régression.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CD823 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je propose souvent de supprimer des dispositions bavardes, et cet amendement s’inscrit dans cette démarche. Le code de l’environnement définissant déjà la biodiversité et son caractère prioritaire, il s’avère inutile de préciser que le patrimoine commun de la Nation « génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage ».
Mme la rapporteure. J’approuve cette proposition de supprimer les deux premiers alinéas de l’article 2 et émets donc un avis favorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CD175, deuxième rectification, de la rapporteure et CD901 de Mme Marie Le Vern n’ont plus d’objet.
La Commission étudie les amendements identiques CD176 de la rapporteure et CD541 de Mme Laurence Abeille.
Mme la rapporteure. Nous souhaitons supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 2, car nous nous opposons à ce que la protection des espaces, des ressources et des milieux naturels, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et des services qu’ils fournissent doivent prendre « en compte les valeurs intrinsèques ainsi que les différentes valeurs d’usage de la biodiversité reconnues par la société ». Contrairement au Sénat reprenant une proposition de chasseurs, il ne nous semble pas pertinent d’insérer dans l’un des premiers articles du texte et dans la partie du code de l’environnement relative au développement durable la notion de valeur d’usage, qui est d’essence économique. On sait ce qu’est la valeur intrinsèque, mais celle d’usage peut recouvrir beaucoup de choses.
Mme Laurence Abeille. Mon amendement a le même objet que celui de Mme la rapporteure.
M. Philippe Plisson. Il m’apparaît utile de reconnaître que le patrimoine commun de la nature est constitué par les espaces et les milieux naturels, et se trouve valorisé et entretenu par les chasseurs et les agriculteurs ; il convient de prendre en compte les valeurs intrinsèques et d’usage de la nature dans l’action pour la biodiversité. Je souhaite donc le maintien de ces deux alinéas.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements visent à supprimer du projet le fait que les mesures prises en faveur de la biodiversité doivent prendre en compte les valeurs intrinsèques et d’usage de la nature. Il existe un ensemble de valeurs reconnu par la société aux écosystèmes, mais la loi n’a pas à dresser une liste qui pourrait s’avérer incomplète, voire créer des opposabilités. Je suis donc favorable à l’adoption de ces amendements.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle aborde l’amendement CD177 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Le présent amendement reprend la définition du triptyque « éviter, réduire, compenser » adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement propose de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale. Les deux définitions de la séquence « éviter, réduire, compenser » retenues par les deux chambres du Parlement en première lecture sont acceptables, si bien que je m’en remets à la sagesse de la Commission.
Mme Laurence Abeille. Je préfère la rédaction de mon amendement CD515 à celle du vôtre, Madame la rapporteure, car elle précise que la compensation apparaît comme une dérogation au principe de précaution.
Mme la rapporteure. Il faut se montrer prudent : insérer les mots « par dérogation au principe de précaution » peut ouvrir des débats inutiles, car la Charte de l’environnement a permis d’atteindre un équilibre fragile mais efficace qu’il convient de ne pas rompre.
Le texte du Sénat dispose que « ce principe implique d’éviter les atteintes significatives », alors que nous pensons préférable d’écrire que « ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité ». Dans un texte de loi consacré à la biodiversité, il y a lieu de se concentrer sur celle-ci et non sur l’environnement. Par ailleurs, qu’est-ce qu’une atteinte significative à la biodiversité ? La rédaction sénatoriale s’avère des plus confuses.
M. Jean-Marie Sermier. Madame la rapporteure, vous nous dites que l’on ignore ce que recouvre la qualification de « significatives », mais cette remarque vaut également pour les atteintes portées à l’environnement. En revanche, l’expression d’« atteintes significatives » permet le développement de l’activité économique et la construction d’infrastructures. Si l’on inclut dans la loi toute atteinte à un habitat naturel, on ne pourra plus enlever le moindre arbre ! Votre amendement va trop loin et crée une norme supplémentaire, si bien que nous préférons la rédaction adoptée par le Sénat.
M. Julien Aubert. Toute activité humaine porte atteinte, de manière significative ou non, à l’environnement, et, dès que l’on construit, on heurte la biodiversité. La formulation du Sénat s’avère bien préférable, votre amendement, Madame la rapporteure, pouvant ouvrir la voie à des contentieux et à des dérives. Des projets ont été interrompus parce que la vie de deux espèces de scarabées était en jeu ! (Murmures) On ne peut pas bloquer toute activité humaine au prétexte qu’elle porterait atteinte à la biodiversité. On comprend néanmoins ce que signifie l’objectif d’éviter une « atteinte significative à l’environnement », à savoir que nos actions ne doivent pas conduire à détériorer la qualité environnementale. Il faut introduire une notion de seuil. Pourquoi n’avez-vous pas proposé la formulation d’« atteinte significative à l’environnement » ?
M. Jean-Louis Bricout. Il importe de qualifier les atteintes, afin de limiter les risques de dérives.
M. Gérard Menuel. La rédaction proposée engendrera de la jurisprudence et de la confusion. On a empêché un projet parce qu’une pie-grièche avait pondu quelques œufs en 1930. Je suis donc opposé à l’adoption de cet amendement.
Mme Delphine Batho. L’article L. 110-1 du code de l’environnement définit les principes généraux. Madame la rapporteure, vous avez raison de souligner le caractère inopérant et même dangereux de la rédaction adoptée par le Sénat. Le terme « significatives » créera immanquablement des problèmes d’application et d’interprétation de la loi. Votre formulation s’avère donc la meilleure.
L’absence de distinction entre la prévention et la réparation pose un problème de fond, et il aurait été plus clair de les séparer pour assurer une meilleure effectivité au principe « éviter, réduire, compenser ».
Mme la rapporteure. Cet amendement s’insère en effet dans les grands principes énoncés par le code de l’environnement. La loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement évoquait déjà le principe « éviter, réduire, compenser », mais aucun progrès n’a été enregistré depuis trente ans puisque la biodiversité continue de diminuer. La séquence d’évitement, de réduction et de compensation s’est avérée inefficace, et l’on empirerait la situation en utilisant l’expression d’« atteintes significatives », cette qualification étant sujette à diverses interprétations.
Je reprends l’exemple : toute construction d’équipement porte atteinte à la biodiversité ; on évite de la mener à bien et, à défaut, on en réduit les externalités négatives, voire on les compense. Il faut dresser le bilan des trente dernières années afin de progresser. La rédaction sénatoriale porte la promesse du statu quo, si bien que nous devons supprimer le terme « significatives ».
M. Julien Aubert. Le juge évalue le caractère proportionné d’une atteinte. Même si la loi parle d’« atteintes à la biodiversité », la jurisprudence découlant des contentieux nés de son application mesurera le caractère significatif ou non de l’atteinte portée. Est-ce au législateur ou au juge de fixer le seuil ? Cette question renvoie à la conception que l’on se fait de la répartition des pouvoirs entre le législatif et le juridictionnel ; pour ma part, je souhaite que la loi soit précise, afin d’éviter le gouvernement des juges.
Mme Viviane Le Dissez. Je soutiens les propos de Mme la rapporteure, car le terme « significatives » complexifiera l’application de la loi. Puisqu’une jurisprudence ne manquera pas de se développer, le mot « atteinte » suffit, et il n’y a pas lieu de la qualifier.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CD515 de Mme Laurence Abeille et CD268 de M. Dino Cinieri tombent.
Puis la Commission examine, en discussion commune, les amendements CD178 de la rapporteure, CD540 de Mme Laurence Abeille et CD751 de M. Jacques Krabal.
Mme la rapporteure. L’amendement CD178 vise à rétablir le principe d’absence de perte nette et de recherche de gain de biodiversité. Je tiens à rappeler que l’objet de ce texte de loi est la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le terme de « reconquête » implique de regagner du terrain par rapport à la perte de biodiversité.
Mme Laurence Abeille. L’amendement CD540 a pour objet de définir le principe de compensation et d’inscrire plusieurs garde-fous dans la loi. Ainsi, l’absence de perte nette exige une compensation intégrale, la non-substitution interdit de recourir à la compensation lorsque les opérations d’évitement et de réduction sont possibles, et le respect de l’équivalence écologique oblige les résultats de la compensation à être équivalents écologiquement et non financièrement aux pertes induites par les impacts du projet. La compensation doit être effective pendant toute la durée des externalités, un aménageur étant chargé de s’en assurer. Il convient d’effectuer la compensation in situ et non à des centaines de kilomètres ou à l’étranger. Il faut également éviter le morcellement, et il ne doit pas être possible d’aménager quinze parcelles d’un hectare pour compenser la dégradation d’un lieu de quinze hectares. Enfin, l’obligation de résultat importe d’autant plus qu’il s’avère compliqué de définir a priori celui de la compensation, et l’aménageur doit modifier son projet de compensation pour obtenir le résultat escompté.
M. Jacques Krabal. L’amendement CD751 est défendu.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas favorable à l’adoption des amendements CD540 et CD751, car l’article L. 110-1 du code de l’environnement énonce des grands principes, alors que ces amendements définissent et encadrent la compensation de manière précise. L’article 33 A du projet de loi a trait à ces sujets, et nous devrons en débattre lorsque nous examinerons cet article. Madame Laurence Abeille et Monsieur Jacques Krabal, je vous demande de retirer vos amendements.
Mme Laurence Abeille. La compensation constitue un thème fondamental de ce texte relatif à la biodiversité, et il s’avère essentiel de la définir. Je maintiens donc mon amendement.
M. Julien Aubert. Madame la rapporteure, l’absence de perte ou la recherche d’un gain sont des notions quantitatives. Comment les mesurez-vous ? Comptez-vous le nombre d’espèces ? Il est important de connaître l’intention du législateur.
Mme la rapporteure. Des organismes de recherche sont capables d’apprécier l’évolution de la biodiversité. Mon amendement adopte une perspective globale : constate-t-on une absence de perte nette en matière de biodiversité ?
Mme Delphine Batho. Madame la rapporteure, Madame la secrétaire d’État, j’ai défendu la notion de perte nette, mais sa portée normative pose problème. Je me demande si la rédaction précisant que l’absence de perte s’entend quantitativement et qualitativement n’est pas la meilleure. Ces dispositions devraient en revanche figurer dans la partie du texte traitant de la mise en œuvre des mesures de compensation.
Mme la secrétaire d’État. L’article 2 pose le principe essentiel d’éviter, de réduire et de compenser, un autre titre de la loi développant la réalisation de la compensation. La loi doit être lisible, et nous devrions en rester ici au niveau des principes. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de ces trois amendements.
M. Guy Bailliart. Si l’on veut qualifier la perte, il ne faut pas écrire « quantitative et qualitative », mais « quantitative ou qualitative » pour ne pas réduire la portée de l’article. Une autre solution consisterait à supprimer tous les qualitatifs.
Mme la rapporteure. Mme la secrétaire d’État a eu raison de rappeler que l’article 2 s’insérait dans la partie définissant les grands principes. Nous pourrons les qualifier plus loin dans le texte. Nous examinons un projet de loi de reconquête de la biodiversité, et nous devons proclamer les principes sur lesquels il repose.
M. Jacques Krabal. Je retire mon amendement CD751.
L’amendement CD751 est retiré.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Madame Laurence Abeille, vous maintenez toujours votre amendement CD540 ?
Mme Laurence Abeille. Oui !
La Commission rejette alors successivement les amendements CD178 et CD540.
L’amendement CD269 de M. Dino Cinieri est retiré.
La commission examine les amendements identiques CD55 de M. Guillaume Chevrollier, CD92 de M. Jean-Marie Sermier, CD108 de Mme Sophie Rohfritsch, CD216 de M. Martial Saddier, CD317 de M. Dino Cinieri, CD382 de M. Julien Aubert, CD784 de M. Gérard Menuel, CD844 de Mme Valérie Lacroute et CD863 de M. Jean-Louis Bricout.
M. Guillaume Chevrollier. Le principe de complémentarité entre l’agriculture, la sylviculture et l’environnement, introduit par l’Assemblée nationale en première lecture, repose sur l’idée que les surfaces agricoles et forestières sont porteuses d’une biodiversité spécifique.
Il convient donc que ce principe figure dans le code de l’environnement, ainsi qu’il était prévu initialement, et non dans le code rural et de la pêche maritime.
M. Jean-Marie Sermier. Ce principe de complémentarité est un principe extrêmement important. Deux solutions s’offrent à nous : soit nous l’inscrivons dans le code rural, comme le fait le projet de loi dans son état actuel, soit nous le gravons dans le code de l’environnement, comme je le propose par mon amendement, identique à ceux de nombre d’autres collègues.
L’article L. 110-1 du code de l’environnement édicte en effet les principes sur lesquels repose la protection de l’environnement : le principe de précaution, le principe de l’action préventive, le principe « pollueur-payeur », le droit à l’accès à l’information, le droit à la participation. Alors que nous y ajoutons deux nouveaux éléments, il serait dommage de ne pas compléter cette liste par un huitième principe, à savoir la complémentarité entre l’agriculture et l’environnement. Si les agriculteurs de France sont réellement les « jardiniers de l’espace » en même temps que les producteurs d’une alimentation de qualité, ce serait leur donner un bon signal que de faire ce choix.
M. Jean-Louis Bricout. Je partage l’argumentation de mes collègues.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis défavorable. J’appelle votre attention sur le fait que la rédaction de l’alinéa tel qu’adopté par le Sénat est moins claire que celle que nous avions votée, et je pense que nous ferions preuve d’intelligence en inscrivant dans les deux codes, comme je le propose par mon amendement CD181 rectifié, le principe de complémentarité entre l’agriculture et l’environnement, car cette complémentarité va de pair avec la transversalité des actions nécessaires en faveur de la biodiversité, laquelle souffre du cloisonnement vertical des activités.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Le code de l’environnement n’a pas vocation à identifier les pratiques agricoles et sylvicoles favorables à la biodiversité. Comme l’a dit Ségolène Royal lors de la première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, « le fait de reconnaître la complémentarité entre l’environnement et l’agriculture incitera encore davantage la profession à se remettre en cause, surtout dans ses pratiques les plus intensives, et à envisager une réflexion collective sur l’avenir de notre planète, et donc a toute sa place dans le code rural ». Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.
Mme Laurence Abeille. J’ai beaucoup critiqué les modifications apportées par le Sénat, mais je trouve celle-ci plutôt opportune. Nous avions eu des échanges en séance sur la complémentarité, difficile à organiser entre une agriculture conventionnelle et intensive, qui utilise des intrants chimiques – dont je souhaite pour part que l’usage soit réduit, voire supprimé – et la biodiversité des sols. En consacrant le principe de complémentarité dans le code rural, nous saluons les efforts réalisés et adoptons une attitude positive vis-à-vis des agriculteurs. C’est pourquoi, à l’instar du Gouvernement, je suis opposée à son inscription dans le code de l’environnement.
M. Jean-Yves Caullet. Depuis la première lecture, nous avons adopté la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a bel et bien inscrit dans le code rural le principe de la triple performance économique, sociale et environnementale. Je souligne au passage que le livre préliminaire du code rural où l’insertion est demandée ne comporte aucune référence à la forêt, et je défendrai tout à l’heure l’amendement CD649 à ce propos.
Je ne suis pas opposé à un « effet miroir » entre les deux codes, mais je préférerais que le code de l’environnement précise seulement que la sylviculture et l’agriculture ont, sur un plan général, une complémentarité avec l’environnement, en réservant au code rural la consécration du principe de la triple performance.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient à l’examen de l’amendement CD243 de M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Je remercie le président Chanteguet d’avoir tenu compte de mon intervention de cet après-midi et veillé à ce que mon amendement vienne en discussion.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Nous nous réjouissons que le principe de solidarité écologique, qui dérive d’un principe jusqu’à présent circonscrit aux parcs nationaux et énoncé à l’article L. 331-1 du code de l’environnement, soit inscrit à l’article L. 110-1 du même code. J’insiste sur la double dimension de ce principe, qui consacre l’interdépendance et l’interaction du vivant, des espèces, des milieux et des fonctionnalités, mais aussi des territoires et de leur gestion, parfois lourde à assumer – aspect qui nécessitera sans nul doute un prolongement budgétaire de cette reconnaissance.
En effet, les collectivités riches d’une vaste biodiversité, sous forme de mares ou de zones humides par exemple, rencontrent de ce fait une vraie difficulté à attirer des entreprises ou des constructions neuves. Si nous arrivons à faire voter une disposition en ce sens en loi de finances, la solidarité territoriale pourra s’exprimer à travers la participation de collectivités voisines, qui bénéficient de cette biodiversité sans en subir le contrecoup économique. Il est donc important de maintenir dans la présente loi le principe de solidarité écologique.
Mme la secrétaire d’État. Ce principe existe déjà pour les bassins-versants, au titre de la solidarité entre amont et aval dans la gestion de l’eau, ainsi que pour les parcs nationaux, au titre de la solidarité entre la zone-cœur et l’aire d’adhésion. Il convient donc de préserver, et même de généraliser, ce qui est l’une des innovations importantes de ce projet de loi, et je fais mien l’avis défavorable de la rapporteure.
M. Martial Saddier. Nous débattons, depuis cet après-midi, de problèmes posés par la précision, ou plutôt l’imprécision juridique, du texte. Le Sénat l’a amélioré sur ce point, mais nous risquons fort de nous défausser sur l’autorité judiciaire de la résolution des questions laissées pendantes au terme d’un examen législatif qui aura pourtant duré deux ans.
J’apprécie l’honnêteté intellectuelle de la rapporteure, qui convient que le texte mériterait plus de précision. Nos amendements ne visent pas à remettre en cause des principes, mais à éviter que des définitions trop larges créent des nébuleuses juridiques, ouvrant un champ très large à l’interprétation, en amont de toute décision publique. Si nous restons trop peu rigoureux, n’importe quel dossier pourra, demain, être retardé ou même arrêté. Nous sommes naturellement opposés à toute atteinte à la biodiversité, mais il ne faut pas qu’il soit possible d’invoquer n’importe quel motif, n’importe quand et n’importe où, car aucun projet d’aménagement ne serait plus possible.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je ne suis pas sûr que vous ayez tous deux la même interprétation de ce qu’est le principe de solidarité écologique.
M. Julien Aubert. C’est bien ce qui nous inquiète ! Nous avons pourtant l’occasion d’en donner une définition unique. Or, lorsque je lis, dans la nouvelle rédaction proposée de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, que le principe de solidarité écologique « appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires directement concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés », je trouve que la mention des territoires introduit une forme d’ambiguïté, l’idée d’une solidarité territoriale que je peine à distinguer d’une solidarité purement écologique.
Si nous, législateur, ne savons pas donner de ce principe une définition précise, nous ne pourrons nous étonner de la manière dont pourront l’interpréter nos concitoyens demain. Saisissons l’occasion qui nous est donnée de définir clairement le principe. Comment l’interpréter, par exemple, dans le cas du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
M. Michel Heinrich. Notre discussion met bien en évidence le problème. S’il n’y a pas d’interprétation univoque du principe de solidarité écologique, c’est le juge qui devra trancher en cas de litige, car nous n’aurons pas réussi à élaborer un texte compréhensible et applicable.
Mme la rapporteure. Il ne s’agit pas d’une simple divergence d’interprétation, puisque notre collègue Saddier veut tout bonnement supprimer l’alinéa. Nous n’avons pas du principe une interprétation différente : c’est lui qui n’en veut pas. Ce n’est pas la même chose !
Nous en sommes au stade de la définition des grands principes du code de l’environnement. Le code rural en compte dix-sept, similaires à celui-ci. Vous n’allez pourtant pas revenir dessus ! Une fois posés les principes, les choses se développeront au fil du temps. Dans ce contexte, la définition que nous proposons peut être intéressante à la fois pour les écosystèmes et pour les territoires.
Il y a quelques années, j’ai commis avec l’un de nos collègues un rapport sur cette question, dont il ressortait que les communes riches d’une vaste biodiversité, étant obligées de protéger leur territoire, ne pouvaient engager autant de projets que les communes des environs, qui profitaient pourtant de cette biodiversité proche sans participer à son maintien ni à sa gestion. Nous pouvons corriger cette situation, grâce à l’alinéa 13 que M. Martial Saddier propose de supprimer, Si nous ne le faisons pas, nous continuerons à porter atteinte à la biodiversité au motif qu’il faut construire, se développer, etc. Il serait dommage de laisser la biodiversité passer en dernier lieu.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Martial Saddier, ne proposez-vous pas vous-même la prise en compte du patrimoine naturel des communes dans le calcul de leur dotation globale de fonctionnement (DGF) ? Vous aurez d’ailleurs tout loisir de réécrire cet alinéa d’ici l’examen en séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD884 de M. Christophe Bouillon et CD752 de M. Jacques Krabal.
M. Christophe Bouillon. Cet amendement vise à expliciter le principe de solidarité écologique, de façon à le placer dans une logique de territoire et de planification.
M. Olivier Falorni. L’amendement est défendu.
Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’un comme à l’autre amendement, au demeurant fort différents. Tandis que notre collègue Christophe Bouillon tend à restreindre à la définition des plans et programmes publics la prise en compte du principe de solidarité écologique, ce qui me paraît trop étroit, l’autre amendement vise à l’étendre à toute décision, qu’elle soit publique ou privée, ce qui me paraît trop large.
Mme la secrétaire d’État. Même avis. L’amendement CD884, qui réserve l’application du principe de solidarité écologique aux seuls plans et programmes faisant l’objet d’une décision publique, restreint considérablement sa portée, puisqu’il ne pourrait s’appliquer pas à des projets particuliers. J’en demande donc le retrait, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement CD752, en revanche, va trop loin en étendant sa portée aux décisions privées.
Par ailleurs, d’autres amendements tendent à insérer le mot « indirectement » dans l’alinéa 13 afin de revenir à la rédaction initiale, mais leurs auteurs pourront recevoir satisfaction d’une autre façon.
M. Martial Saddier. Ces deux amendements, déposés par des membres de la majorité, montrent que mon amendement précédent était justifié. Il faut que la rapporteure, la secrétaire d’État et la majorité travaillent davantage sur la définition juridique de la solidarité écologique. Je déplore le flou juridique dans lequel nous nous mouvons.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CD495 de Mme Laurence Abeille, CD902 de Mme Marie Le Vern et CD1040 de M. Jacques Krabal et les amendements identiques CD179 de la rapporteure et CD621 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Laurence Abeille. Nous proposons de supprimer l’adverbe « directement », qui peut être source d’imprécision. Mieux vaut se contenter d’évoquer les territoires sur l’environnement desquels une décision peut avoir une incidence notable, sans préciser s’ils sont « directement » ou « indirectement » concernés.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je propose, pour ma part, d’ajouter plutôt « indirectement », ce qui reviendra au même.
Mme la secrétaire d’État. Je partage la position de la rapporteure. Je demande le retrait de ces amendements.
M. Julien Aubert. Nous nous trouvons dans un écosystème global où tout dépend de tout : le battement d’ailes d’un papillon à un bout du monde peut déclencher une tempête à l’autre bout… (Sourires) Dans ces conditions, il me semble nécessaire de borner un périmètre précis. Pour reprendre l’exemple de Notre-Dame-des-Landes, le Gouvernement entend demander l’avis des habitants des territoires « directement » concernés, mais on pourrait considérer que les citoyens « indirectement » concernés soient consultés aussi. Ce serait plus cohérent même si je ne comprends toujours pas ce que recouvre concrètement, financièrement, le principe de solidarité écologique…
Les amendements CD495, CD902 et CD1040 sont retirés.
Mme Viviane Le Dissez. À l’appui de mon amendement CD621 qui, comme celui de la rapporteure, tend à la prise en considération de tous les territoires concernés, directement ou indirectement, je voudrais rappeler que la biodiversité est mouvante : tenons-en compte !
M. Martial Saddier. Je prendrai, pour ma part, l’exemple de la qualité de l’air. Nous avons voté des dispositions selon lesquelles l’État établit des plans de protection de l’atmosphère, mais l’air ne connaît pas les frontières ! Quand ces plans sont adoptés ou révisés, faut-il organiser la consultation des citoyens à l’intérieur du seul périmètre couvert par les plans, ou également au-delà ? En Île-de-France, 30 % des polluants atmosphériques viennent de zones extérieures à la région. Faudra-t-il élargir l’enquête publique à la moitié de la France, voire à l’étranger ?
L’imprécision juridique est telle que nous ouvrons un champ béant à toutes les interprétations, et la multiplication des amendements de la majorité ne peut qu’alimenter notre méfiance. Je rappelle que cette commission a dans ses compétences, outre le développement durable, l’aménagement du territoire.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est le Sénat, je le rappelle, qui a supprimé le mot « indirectement ». Il ne s’agit donc que de rétablir ce que nous avons adopté en première lecture.
Mme la rapporteure. Certes, nous pouvons faire le choix de l’immobilité, mais la biodiversité a besoin d’actions fortes. Ce souci commun devrait nous amener à travailler plus collectivement, sans chercher de problèmes juridiques là où il n’y en a pas. La population et les élus sont plus raisonnables que vous ne le laissez entendre.
M. Yves Nicolin. Le manque de sérieux de vos propos est quasi criminel, madame la rapporteure. (Murmures)
La loi a besoin d’être interprétée, dès lors qu’elle n’est pas suffisamment claire, car d’abusifs procéduriers ne manqueront pas de s’engouffrer dans les brèches ouvertes par l’imprécision du texte. Loin de protéger la biodiversité, vous aurez créé les conditions d’un blocage généralisé, compte tenu de l’état d’engorgement de nombre de nos juridictions.
La commission adopte les amendements identiques CD179 et CD621.
Puis elle examine l’amendement CD819 de M. Joël Giraud.
Mme la rapporteure. Je souhaite le retrait de cet amendement, car il n’a guère sa place à cet endroit du texte.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CD542 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 14, relatif à la valeur d’usage de la biodiversité, qui est inutile.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Plutôt que de supprimer cet alinéa, il me paraît préférable d’en modifier la rédaction, ainsi que je le propose par l’amendement CD180 rectifié que je présenterai dans un instant.
Mme la secrétaire d’État. L’alinéa 14 de l’article 2 introduit le principe de la conservation par l’utilisation durable, qui est appliqué dans le cadre des conventions internationales. Je propose donc à Mme Laurence Abeille de retirer son amendement au profit de celui de la rapporteure.
L’amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CD180 rectifié de la rapporteure, CD271 de M. Dino Cinieri et CD882 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme la rapporteure. Comme je viens de l’indiquer, l’amendement CD180 rectifié vise, d’une part, à remplacer le « principe de la conservation par l’utilisation durable », qui n’existe pas dans les conventions internationales, par le « principe de l’utilisation durable » et, d’autre part, à préciser que la pratique des usages « peut être » – plutôt que « est » – un instrument au service de la conservation de la biodiversité.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. La rédaction de l’alinéa 14 me semble par trop complexe. L’amendement de la rapporteure contribue à la simplifier, mais je suggère de le compléter par l’amendement CD882, qui tend à préciser que « la pratique des usages est un instrument qui contribue à la conservation de la biodiversité », plutôt qu’un « instrument au service de la conservation de la biodiversité ». Celle-ci est en effet, par nature, évolutive ; elle n’est pas figée dans le temps. L’homme a contribué à la façonner, et il a vocation à la modifier, y compris en l’augmentant, dans le respect de sa préservation. Il me paraît important d’introduire cette précision à l’article 2, qui énonce des principes.
Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CD271. En revanche, je ne vois pas de difficulté à ce que l’amendement CD882 soit également adopté.
Mme la secrétaire d’État. Je suis également défavorable à l’amendement CD271. Quant aux amendements CD180 rectifié et CD882, ils sont tous deux intéressants, mais la rédaction proposée par la rapporteure me paraît préférable.
M. Philippe Plisson. La nature ne se suffit pas toujours à elle-même ; son entretien et sa régulation sont, sinon indispensables, du moins bénéfiques à la biodiversité et doivent être reconnus en tant que tels. Je suis donc opposé à la modification de l’alinéa 14.
M. David Douillet. L’alinéa 14 est en effet très clair et n’a pas besoin d’être modifié. On protège mieux ce que l’on connaît et ce que l’on utilise, à condition que cette utilisation soit durable ; tout cela est simple. Pourquoi vouloir introduire des notions subjectives sujettes à interprétation, en particulier de la part des juges ? J’ai le sentiment qu’en modifiant cet alinéa, on fragiliserait le texte.
M. Jean-Yves Caullet. Je rappelle que l’article L. 110-1 du code de l’environnement énonce des principes. Si je suis sensible aux arguments qui viennent d’être exposés, il me semble que l’amendement de la rapporteure apporte une clarification dans la mesure où il précise que, si les usages humains apportent une contribution positive, tous ne doivent pas forcément être conservés. Au demeurant, je doute que les avocats s’attaquent en premier lieu à un article qui, encore une fois, énonce des principes.
Mme Laurence Abeille. À ce stade du débat, je me demande si nous n’aurions pas dû adopter l’amendement CD852 (Sourires). Il aurait été en effet plus simple de supprimer cet alinéa, inutile à cet endroit du texte.
La commission adopte l’amendement CD180 rectifié, puis rejette l’amendement CD271 et adopte l’amendement CD882.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CD649 de M. Jean-Yves Caullet et CD254 de M. Martial Saddier.
M. Jean-Yves Caullet. Mon amendement vise à replacer le principe de complémentarité de l’environnement, de l’agriculture et de la sylviculture dans le code de l’environnement, comme le prévoyait le texte voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Introduire ce principe dans le code rural modifierait en effet l’équilibre de ce texte tel qu’il est issu de l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF), laquelle précise, du reste, que les exploitations agricoles doivent s’inscrire dans une triple performance environnementale, économique et sociale. Il s’agit donc d’une clarification.
Mme la rapporteure. J’ai dit quel était mon point de vue sur cette question ; j’estime qu’il serait dommage que ce principe ne figure pas dans les deux codes. Néanmoins, je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme la secrétaire d’État. J’ai indiqué tout à l’heure les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ces amendements.
La commission adopte successivement les deux amendements.
En conséquence, les amendements CD181 rectifié de la rapporteure, CD953 de Mme Viviane Le Dissez et CD270 de M. Dino Cinieri tombent.
La commission est saisie des amendements identiques CD182 de la rapporteure et CD574 de M. Bertrand Pancher.
Mme la rapporteure. Je propose de rétablir l’alinéa 17, qui prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur l’opportunité d’inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement.
M. Bertrand Pancher. Si nous avons compris qu’il était difficile d’inscrire dans le code de l’environnement le principe de non-régression – dont je précise qu’il est reconnu dans un certain nombre de pays anglo-saxons – en raison des difficultés techniques et juridiques que peut poser son application, il nous semble néanmoins intéressant de réfléchir à cette question. Je rappelle que ce principe juridique, qui exclut tout abaissement du niveau d’exigence de la protection de l’environnement, garantit une sorte de non-retour en arrière dans les politiques publiques de l’environnement. J’ajoute qu’il est déjà présent en droit international, notamment dans la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Un rapport nous permettrait d’évaluer les incidences juridiques et économiques de l’application de ce principe, et donc de nous prononcer sur l’opportunité de l’inscrire un jour dans notre code de l’environnement.
Mme la secrétaire d’État. Je suis naturellement très favorable à ces deux amendements.
Mme Delphine Batho. Si nous appliquions le principe de non-régression à ce projet de loi – je pense en particulier à son article 2 bis, relatif au préjudice écologique –, ce serait déjà un premier pas important… Par ailleurs, je rappelle qu’en 2013, j’avais fait de ce principe un des principes fondamentaux de la modernisation du droit de l’environnement. Or, depuis, nous n’avons guère progressé. Je m’interroge donc sur le calendrier proposé par ces amendements. De fait, si l’on prévoit que la remise du rapport doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, on le renvoie aux calendes grecques, puisque la législature actuelle prendra fin dans un peu plus d’un an.
M. Arnaud Leroy. Je me demande également quel peut être l’intérêt de remettre un tel rapport deux ans après la promulgation de la loi, d’autant, madame la secrétaire d’État que de nombreux groupes de travail consacrés à la modernisation du droit de l’environnement ont été constitués. Pouvez-vous nous dire comment s’articulent ces différentes initiatives ?
M. David Douillet. L’application du principe de non-régression aurait des conséquences extrêmement graves pour la biodiversité, puisqu’il ne permettrait plus de revenir sur la protection d’une espèce devenue invasive. Or, une espèce prolifère toujours au détriment d’une autre, de sorte que ce principe risque, en supprimant la régulation, de provoquer la disparition de certaines espèces. Il faut donc traiter ce sujet à part pour éviter une catastrophe annoncée.
M. Martial Saddier. L’amendement me paraît beaucoup trop précis. En effet, il s’agit d’examiner l’opportunité d’inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement, principe dont l’application peut avoir des incidences sur le code de la santé ou sur le code rural.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il s’agit uniquement du principe et d’une opportunité.
M. Martial Saddier. Certes, mais l’amendement anticipe sur le résultat du rapport, puisque seul le code de l’environnement y est mentionné. Or, je le répète, l’application de ce principe pourrait avoir des conséquences non seulement sur certaines espèces animales, comme l’a dit David Douillet, mais aussi sur la santé humaine. Chacun sait en effet qu’on s’interroge aujourd’hui sur des produits dont on nous disait en toute bonne foi, il y a vingt ou trente ans, qu’ils pouvaient être consommés sans danger. Il me semble donc utile de préciser que la réflexion ne doit pas être limitée au code de l’environnement.
Mme Laurence Abeille. Nous discutons de grands principes, et je regrette que l’on se perde dans des détails et des raisonnements oiseux sur la protection des espèces. La question qui se pose est de savoir comment nous pouvons préserver « ce qui reste », si je puis dire. La perte de biodiversité est massive, au point que l’on peut s’interroger sur l’utilité de ce que nous faisons. La moindre des choses serait donc de ne pas régresser dans ce domaine. Le principe de non-régression du droit de l’environnement devait d’ailleurs être inscrit dans le projet de loi. Hélas ! nous n’en sommes plus là, puisqu’il s’agit maintenant de demander un rapport sur le sujet. Qu’au moins le Gouvernement remette ce rapport au Parlement le plus rapidement possible.
M. Bertrand Pancher. Je suis peiné que l’on s’engage dans une controverse sur un principe simple, qui a été théorisé, sous le nom de standstill, dans de nombreux pays anglo-saxons bien plus libéraux que le nôtre. Ce principe, je le rappelle, exclut tout abaissement du niveau d’exigence de la protection de l’environnement. Il ne s’agit donc pas de figer l’évolution de telle ou telle espèce : cela n’a pas de sens. S’opposer au principe de non-régression donne une image rétrograde de notre action dans le domaine de la protection de l’environnement. Il ne s’agit que d’un rapport !
M. Martial Saddier. Qu’un pays anglo-saxon où l’exploitation du gaz de schiste est autorisée et où l’on tue n’importe quelle espèce protégée applique le principe de non-régression, soit. Mais, en France, nous n’en sommes pas là. Notre pays – et c’est notre fierté – est le champion du monde toutes catégories de la protection des espèces animales. Comparons ce qui est comparable.
Par ailleurs, on a présenté à plusieurs reprises la situation de la France comme catastrophique du point de vue de la consommation des espaces agricoles et de la diminution de la biodiversité. Je m’inscris en faux contre une telle affirmation. Certes, il existe une marge de progression, mais je rappelle que, depuis quelques années, ont été votées, sous deux majorités différentes, les lois « Grenelle » 1 et 2, la loi de modernisation agricole et la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Seuls les parlementaires qui n’ont jamais participé de près ou de loin à l’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou d’un plan local d’urbanisme (PLU) peuvent imaginer que l’on consomme l’espace et que l’on détruit la biodiversité comme on le faisait il y a vingt ou trente ans. La situation de notre pays n’est tout de même pas tout à fait la même que celle du Royaume-Uni, des États-Unis ou de pays dont la densité de population est particulièrement faible.
Mme la rapporteure. Je regrette que nous tergiversions au moment de voter des amendements qui concernent uniquement un rapport sur l’opportunité d’inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement. Attendons que ce rapport nous soit remis, et nous en débattrons. Il est inutile de faire peur en invoquant je ne sais quelle prolifération des espèces. En tout état de cause, je suis plutôt d’accord avec Mmes Batho et Abeille pour que le délai dans lequel ce rapport doit être remis au Parlement soit réduit.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je m’étonne, monsieur Martial Saddier, que vous teniez de tels propos, vous qui avez été, je le rappelle, rapporteur pour avis du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte pour l’environnement.
Mme la secrétaire d’État. M. Arnaud Leroy m’a interrogée sur les groupes de travail qui ont été créés pour réfléchir à la modernisation du droit de l’environnement. Sur certains sujets, notamment la participation du public, l’évaluation environnementale et le permis environnemental unique, leurs travaux ont bien avancé. Mais tel n’est pas le cas sur le principe de la non-régression. Ce rapport, qui est un bon compromis, est donc nécessaire : il faut non seulement réfléchir à cette question, mais inscrire, à terme, ce principe dans le code de l’environnement. Toutefois, il est vrai que le délai prévu est un peu long. Je suis donc favorable à ce qu’il soit réduit au moins de moitié.
M. Arnaud Leroy. Il est important que nous nous efforcions de canaliser l’ensemble des initiatives relatives à la modernisation du droit de l’environnement. À ce propos, je rappelle que le Parlement a été écarté des groupes de travail consacrés à cette question, ainsi que de l’élaboration de certaines dispositions de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », qui ont fait l’objet d’une ordonnance. À force de multiplier les rapports sur le sujet, nous n’aboutirons jamais ! Je partage l’objectif, mais je tiens à appeler votre attention sur la méthode utilisée : prenons garde à ne pas prendre nous-mêmes des mesures dilatoires. Si un rapport doit être remis au Parlement, je pense qu’il peut l’être dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
M. Martial Saddier. La majorité doit assumer ses positions : si elle veut un tel rapport, il doit être remis au Parlement d’ici à la fin de l’année 2016. Je vous promets, monsieur le président, que, si je me suis trompé, je ferai amende honorable.
Mme la secrétaire d’État. Il est légitime que vous souhaitiez que ce rapport soit remis avant la fin de la législature. Un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi me paraît acceptable.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les amendements sont donc ainsi rédigés : « Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement. »
La commission adopte les amendements ainsi rectifiés.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. M. Martial Saddier, pour une explication de vote du groupe Les Républicains.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, j’ai bien compris que vous aviez souhaité, en faisant référence à la Charte de l’environnement, rendre hommage à l’actuelle opposition, qui est à l’origine de la première inscription du droit de l’environnement dans notre loi suprême. Je rappelle d’ailleurs que Mme Geneviève Gaillard fut alors la seule députée de l’opposition à voter cette charte, en dépit des pressions amicales qu’ont dû exercer sur elle les responsables de son groupe.
Au plan juridique, outre l’article 5 de la Charte de l’environnement, relatif au principe de précaution, la question de savoir si la protection de l’environnement, le progrès social et le développement économique devaient être mis sur un pied d’égalité avait suscité de longs débats. À cet égard, nous tenons à exprimer les plus grandes réserves sur l’article 1er et l’article 2 du présent projet de loi, qui accordent une priorité à la protection de l’environnement sur le pilier social et le pilier économique. C’est pourquoi nous voterons contre l’article 2.
La commission adopte l’article 2 ainsi modifié.
Article 2 bis A
(article L. 110-1 du code de l’environnement)
Inscription de la sauvegarde des services fournis et des usages se rattachant à la biodiversité parmi les engagements fondant la recherche du développement durable
(supprimé)
Le présent article, introduit en séance au Sénat par trois amendements identiques, vise à compléter le deuxième engagement par lequel l’objectif de développement durable est recherché (préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources) avec l’ajout de la sauvegarde des services que la biodiversité, les milieux et les ressources fournissent ainsi que des usages qui s’y rattachent. De nouveau, la question des usages serait immédiatement accolée à la préservation de la biodiversité.
En commission, le présent article a été supprimé par l’adoption de cinq amendements de suppression de l’article, dont l’un a été présenté par votre rapporteure.
*
* *
La commission est saisie des amendements identiques CD183 de la rapporteure, CD543 de Mme Laurence Abeille, CD825 de M. Lionel Tardy et CD970 de M. Gérard Menuel, tendant à supprimer l’article.
Mme la rapporteure. Je demande la suppression de l’article 2 bis A, qui n’apporte strictement rien sur le plan des grands principes. Les usages n’ont pas à figurer à cet endroit du texte ; nous les évoquerons ultérieurement.
M. Lionel Tardy. Cet article étend l’objectif de préservation de la biodiversité à la sauvegarde des services et des usages qui s’y rattachent. Or une telle extension n’est pas souhaitable : elle ajoute de la complexité et nous fait perdre de vue l’objectif global, qui est celui du développement durable. Du reste, on peut craindre que, s’il est maintenu, cet article ne se traduise par des contraintes supplémentaires, car il est difficile de mesurer et de prendre en compte dans les faits les services et les usages dont il est question. C’est pourquoi je propose également la suppression de l’article 2 bis A.
M. Gérard Menuel. Cet article nuit en effet à la lisibilité du texte et le complique excessivement. Il est donc souhaitable de le supprimer.
Mme la secrétaire d’État. L’article 2 bis A complexifie en effet beaucoup la prise en compte de la biodiversité par l’ensemble des acteurs locaux. Je suis donc favorable à ces amendements de suppression.
M. Philippe Plisson. Je suis, quant à moi, opposé à la suppression de cet article. Il s’agit de faire de la préservation des services écosystémiques et des usages de la nature une des finalités du développement durable, dans la mesure où, précisément, l’usage et l’entretien de la nature sont souvent une condition du maintien de la biodiversité.
M. Daniel Fasquelle. L’article 2 bis A énonce un principe, puisqu’y est affirmée la nécessité de préserver tous ceux qui participent au développement des services écosystémiques et des usages de la nature. Il a donc toute sa place à cet endroit du texte. Il serait bon, en effet, que soit enfin reconnu le rôle des chasseurs, qui sont également des protecteurs de la nature dans la mesure où ils régulent les espèces et protègent les espaces naturels. Supprimer cet article serait une erreur.
M. David Douillet. Il est évident que, sans l’intervention des chasseurs, certaines espèces auraient disparu de nos plaines, notamment en Ile-de-France. Mais ils ne sont pas les seuls à protéger la faune et la flore ; je pense, par exemple, aux amateurs de plongée sous-marine. Or, cette activité touristique, qui est également importante au plan économique, a disparu des côtes françaises. Supprimer l’article 2 bis A, c’est fragiliser l’action de celles et ceux qui concourent à faire de notre pays un véritable territoire de biodiversité.
M. Julien Aubert. Les chasseurs sont les horlogers de la biodiversité (Rires et murmures). Je rappelle, du reste, que Mme Ségolène Royal a indiqué que ce projet de loi n’a rien à voir avec la chasse et qu’elle a estimé nécessaire de l’expurger de tous les éléments qui pouvaient laisser croire qu’il s’agissait d’un texte anti-chasse. Maintenir l’article 2 bis A, c’est montrer que l’on peut parfaitement concilier biodiversité et respect des usages et des services rendus notamment par les chasseurs. Je partage donc l’opinion de mes collègues Fasquelle et Douillet.
M. Jean-Yves Caullet. Parmi les grands principes énoncés dans le code de l’environnement figure celui de l’épanouissement des êtres humains, ce qui signifie bien que ces derniers peuvent légitimement profiter des bienfaits de la biodiversité. Les chasseurs, dont je suis, ne sont pas les seuls concernés : pensons à d’autres pratiques, telles que la cueillette ou le pâturage. Si nous affirmons, au cours de nos débats, que les principes énoncés reconnaissent bien la légitimité des usages humains des services de la biodiversité, cela suffit. Il est inutile d’en rajouter, dès lors que l’on a explicitement indiqué que l’on n’est pas contre une activité particulière.
M. Gérard Menuel. Je suis moi-même chasseur, mais il y va de la lisibilité du texte, qui énonce ici des principes généraux. Je retire donc l’amendement CD970.
M. Lionel Tardy. Je retire également l’amendement CD825.
Mme la rapporteure. Tout à l’heure, nous avons adopté un amendement qui inscrit dans le texte le « principe de l’utilisation durable, selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la conservation de la biodiversité ». Pourquoi faudrait-il mentionner de nouveau, ici, les usages ? Je vois bien ce qui inspire ces interventions, mais soyez responsables ! Comme l’a dit Jean-Yves Caullet, ces usages sont nombreux, et il n’est pas question de les nier.
Mme la secrétaire d’État. Monsieur Julien Aubert, puisque vous avez salué la position équilibrée adoptée par Mme Ségolène Royal lors de l’examen du texte au Sénat, je vous rappelle, pour information, qu’elle avait émis un avis défavorable à l’amendement visant à créer cet article additionnel, au motif qu’il complexifiait inutilement le texte.
Les amendements CD825 et CD970 sont retirés.
La commission adopte les amendements identiques CD183 et CD543.
En conséquence, l’article 2 bis A est supprimé.
Article 2 bis
(articles 1386-19 à 1386-21 [nouveaux] du code civil)
Inscription de la réparation des atteintes à l’environnement dans le code civil
En commission, les sénateurs ont adopté un amendement présenté par le rapporteur et M. Bruno Retailleau, tendant à inscrire le principe de la réparation des atteintes à l’environnement dans le code civil, selon les termes proposés par M. Bruno Retailleau dans sa proposition de loi n° 546 rectifiée bis, adoptée par le Sénat, le 16 mai 2013. Cet article additionnel permettra fort opportunément d’inscrire la réparation du préjudice écologique dans le code civil, ce qui constituera une avancée importante.
Comme l’ont rappelé les auteurs de l’amendement lors des travaux au Sénat, cette proposition de loi adoptée par le Sénat faisait suite à l’arrêt « Erika » de la Cour de cassation du 25 septembre 2012 (3), qui avait consacré la notion de préjudice écologique ainsi que la nécessité de réparer l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement après la catastrophe de 1999. La proposition de loi ne permet cependant pas de trancher l’ensemble des questions soulevées, et notamment ne définit pas ce qu’est le préjudice écologique mais dispose que toute personne « qui cause un dommage grave et durable à l’environnement est tenue de le réparer », ni ne fixe la liste des personnes autorisées à intenter une action en réparation, ni ne précise de régime de prescription, ni ne spécifie de régime d’articulation avec les systèmes de réparation au titre de la police administrative prévus par le code de l’environnement, notamment le régime des articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement définissant le régime de responsabilité environnementale, qui est fondé sur le principe du pollueur-payeur.
Sans reprendre ici l’historique des travaux de référence entrepris suite à l’arrêt précité de la Cour de Cassation pour réfléchir aux modalités d’inscription du préjudice écologique dans le code civil, il convient de renvoyer aux travaux ayant abouti au rapport dit « rapport Jégouzo » (Pour la réparation du préjudice écologique, rapport du groupe de travail installé par Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, remis le 17 septembre 2013). Votre rapporteure souhaite également rappeler l’adoption de la proposition de loi dite « Retailleau » (4) au Sénat le 16 mai 2013 et l’engagement de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, en faveur du dépôt d’un projet de loi. Le Gouvernement n’a pas déposé de projet de loi.
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, a soutenu l’article additionnel au Sénat.
Les conditions sont donc réunies pour voir consacrée cette notion et il convient donc que l’Assemblée complète les dispositions adoptées au Sénat.
Votre commission n’a pas adopté d’amendement relatif à cet article, compte tenu du dépôt de plusieurs amendements qui n’étaient pas identiques, des délais contraints d’examen des propositions et des questions restant à trancher, afin qu’un amendement soutenu aussi largement que possible puisse être déposé en séance.
Votre rapporteure a défendu la définition du préjudice écologique comme « résultant d’une atteinte grave aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes, ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Elle a souhaité qu’un article de principe rappelle que toute personne qui cause un dommage environnemental en est responsable.
Votre rapporteure n’a pas retenu l’idée que ne devait pas être réparable le préjudice résultant d’une atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application.
Elle a souhaité que l’ouverture de l’action soit large.
Elle a également souhaité que le délai de prescription soit fixé à dix ans, à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage, dans le cadre d’un délai butoir de cinquante ans. Ce délai de prescription ne pourrait ainsi être porté au-delà de cinquante ans à compter du fait générateur. Par mesure de cohérence, les mêmes délais de prescription auraient été introduits dans le code de l’environnement pour les obligations financières liées aux dommages causés à l’environnement par certaines activités.
Votre rapporteure n’a pas souhaité que le dispositif soit rétroactif et a souhaité, enfin, que ces actions puissent être tranchées par des juridictions spécialisées.
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* *
Mme Delphine Batho. Avant que nous n’abordions les amendements à l’article 2 bis, notamment ceux de la rapporteure et d’Arnaud Leroy, qui ont beaucoup travaillé sur la question du préjudice écologique, je souhaite débattre de l’aspect politique du sujet.
En 2012, un jugement de la Cour de cassation, rendu après plus de dix ans de procédures engagées à la suite de la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika, a reconnu le préjudice écologique. C’était un grand jour pour le droit de l’environnement, cette décision jurisprudentielle impliquant qu’il n’y ait plus d’impunité en la matière. Le Gouvernement de l’époque – je m’en souviens bien puisque c’était par ma voix – avait annoncé sa volonté d’inscrire dans le code civil le préjudice écologique.
Par la suite, la Chancellerie a été chargée de préparer un projet de loi et, à cet effet, différents groupes de travail ont été conduits par Christiane Taubira, composés entre autres de juristes reconnus, spécialisés dans le droit de l’environnement. Puis une proposition de loi a été déposée au Sénat par Bruno Retailleau, qui n’a jamais été mise à l’ordre du jour des travaux de cette assemblée, si bien que c’est par voie d’amendement au présent texte que le dispositif a été introduit.
La ministre de l’environnement a annoncé, au cours du débat au Sénat, que l’article 2 bis serait récrit, et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a exprimé sa vive opposition à cette disposition.
Ce matin-même, nous avons découvert un amendement du Gouvernement qui récrit en effet entièrement cet article, amendement que j’ai dû relire deux fois pour en avoir le cœur net puisqu’il prévoit une impunité généralisée, remet en cause le principe pollueur-payeur, remet en question le principe même de la responsabilité de celui qui est à l’origine de la pollution dès lors qu’il aurait bénéficié, dans une vie antérieure, d’une quelconque autorisation administrative, et déclare irrecevable le principe des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés par les victimes. Il s’agirait d’une régression très grave, au point que je me suis demandé s’il n’y avait pas une « loi des séries » si l’on songe à ce qui s’est passé avec la loi sur le travail récemment – j’espère que non et j’espère, madame la secrétaire d’État, que, sur cette question politique plus que juridique, vous allez nous annoncer soit le retrait de l’amendement du Gouvernement, soit sa modification sur les deux points que je viens d’évoquer.
Mme la secrétaire d’État. Delphine Batho a bien rappelé l’histoire de notre volonté d’inscrire dans notre droit le principe du préjudice écologique après en avoir déterminé les conditions et le périmètre d’application. Le Sénat, après de nombreux débats, y a en effet procédé à l’initiative d’un sénateur du groupe Les Républicains qui, par ailleurs, a dû faire face au drame de l’Erika. Il n’est évidemment pas question, contrairement à ce que j’ai pu entendre, d’attenter de quelque manière que ce soit au principe pollueur-payeur qui, je vous le rappelle, est un principe constitutionnel.
Il était prévu de créer un groupe de travail après l’examen du texte par le Sénat. Le temps a manqué ; aussi le Gouvernement a-t-il proposé un amendement dont la rédaction suscite des interprétations divergentes et pas seulement sur le plan juridique – je suis d’accord avec vous, Delphine Batho. Ségolène Royal et moi-même n’entendons ni dramatiser ni ignorer ces questions ; c’est pourquoi nous avons travaillé avec la rapporteure, aujourd’hui, afin de rédiger un amendement certes encore imparfait, mais qui permet d’avancer et de débattre. Le Gouvernement va retirer par conséquent son amendement en faveur de celui de la rapporteure. Il nous reste quinze jours avant l’examen en séance pour travailler tous ensemble, dans la sérénité, à une rédaction plus explicite et qui réponde aux objections et aux interrogations. Nous continuerons d’autant plus de pratiquer cette méthode que nous poursuivons tous le même objectif.
M. Martial Saddier. Les députés de l’opposition, par définition, disposent de moins de moyens et sont plus tardivement informés que leurs collègues de la majorité. Aussi pouvez-vous imaginer combien il nous est difficile d’interpréter un amendement de quatre pages, éminemment juridique, et qui ne nous est parvenu que ce soir. C’est même impossible si l’on tient compte des implications du dispositif proposé, que l’on en donne une interprétation maximaliste ou minimaliste. Si nous souhaitons sacraliser le principe de préjudice écologique, il ne serait peut-être pas inintéressant de demander son avis, même informel, à la commission des lois. Les députés du groupe Les Républicains souhaitent donc que des précisions soient apportées, notamment en ce qui concerne la portée du dispositif ; en effet, les conséquences du vote de cet amendement pourraient se révéler catastrophiques.
Mme Delphine Batho. Je prends acte avec satisfaction du retrait par le Gouvernement de son amendement au profit de celui de Geneviève Gaillard. Je ne souhaite toutefois pas que les dispositions en question, après avoir été sorties par la porte de la commission du développement durable, reviennent par la fenêtre en séance publique. Je rappelle que les différents principes qui auraient été écornés renvoyaient explicitement à la loi et donc étaient dépourvus de garantie absolue. Enfin, au cours de la discussion des amendements, je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous précisiez votre position sur le fond.
En effet, l’amendement que vous retirez disposait : « N’est pas réparable, sur le fondement du présent titre, le préjudice résultant d’une atteinte autorisée par les lois, règlements, et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application. » Selon cette disposition, par exemple, pour une industrie qui aurait bénéficié d’une autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en 1980 et qui serait victime d’une pollution grave en 2015, le préjudice écologique ne pourrait être reconnu.
De la même manière, plus loin, votre amendement disposait que « toute demande formée aux fins d’octroi de dommages et intérêts [était] irrecevable ». Autrement dit, seule une réparation en nature était prévue ou alors, certes, des dommages et intérêts versés à l’Agence française pour la biodiversité (AFB). Ainsi, ce que la Cour de cassation a décidé à l’encontre du groupe Total dans le cadre du procès de l’Erika ne serait plus possible. Les opposants à votre amendement n’ont donc pas mal interprété le texte mais l’ont décodé avec précision.
M. Arnaud Leroy. Je fais partie de ceux qui ont milité pendant très longtemps pour que la loi reconnaisse le préjudice écologique ou le dommage environnemental. Martial Saddier l’a dit avec raison, et il ne faut pas minorer l’enjeu, pas plus qu’il faudrait en avoir peur : nous sommes face à une vraie révolution juridique. Nous complétons, modernisons un système de responsabilité conçu en 1804 en l’élargissant à la protection d’une nature menacée.
Il faut par ailleurs savoir, monsieur Martial Saddier, que votre groupe, au Sénat, a adopté la reconnaissance du principe du préjudice écologique par la loi.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Martial Saddier ne le conteste pas !
M. Arnaud Leroy. Certes, je rappelle seulement que le Sénat a introduit le principe dans le texte.
L’idée est néanmoins de clarifier la rédaction sénatoriale. Il y a en effet, en France, une concurrence des régimes de responsabilité. La reconnaissance du préjudice écologique complétera par conséquent des systèmes en vigueur qu’il ne s’agit pas de remettre en cause. Il faudra également réfléchir à l’articulation juridique du dispositif – la question du sursis à statuer est importante et concurrence ou complète le régime prévu par la loi de 2008 relative à la responsabilité environnementale (LRE), régime qui n’est toujours pas appliqué.
Enfin, où ira le produit des amendes ? De nombreux opérateurs craignent que le préjudice écologique ne soit utilisé pour financer, en tout cas en partie, l’Agence française pour la biodiversité.
M. Bertrand Pancher. J’avoue trouver le pavé qu’on nous a donné à lire difficilement digeste. Je suis d’autant plus surpris que j’ai été alerté par l’importance de ce débat non par les rapports, mais par le réseau Twitter : j’ai bien reçu, en cinq ou six heures, une cinquantaine de tweets. Il serait bon d’apaiser le débat et d’aboutir à une version qui nous rassemble plus, je n’y verrais que des avantages.
Mme la secrétaire d’État. Nous sommes bien d’accord.
M. Bertrand Pancher. Par pitié, cessons de travailler ainsi. Je n’aurai pas la cruauté, chers collègues, d’insister sur le fait que vous réfléchissez sur cette loi depuis trois ans ! « Déposer » un tel amendement à la dernière minute n’est pas très sérieux.
Mme la rapporteure. Je tiens à remercier Viviane Le Dissez qui a participé à nos travaux sur le préjudice écologique.
J’entends bien les remarques de Martial Saddier et de Bertrand Pancher sur la difficulté d’analyser au dernier moment quatre ou cinq pages d’amendement, surtout pour des gens qui, comme moi, n’ont jamais fait de droit sinon un peu de droit rural. Mais Mme la secrétaire d’État nous propose justement de travailler ensemble pour essayer de trouver un terrain d’entente sur l’amendement CD943 rectifié, que je présente et qui, je le rappelle, n’est pas identique à celui du Gouvernement et n’en a pas les défauts. (Sourires) Nous disposons de quinze jours. Moi-même j’ai obtenu l’amendement du Gouvernement ce matin à onze heures et demie… (Murmures)
La commission examine l’amendement CD888 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 bis car il me paraît étrange de transférer dans le code civil ce qui relève actuellement du code de l’environnement, la justice n’ayant jamais été empêchée pour autant de statuer sur des dommages graves – ainsi, dans l’affaire Erika, le groupe Total a-t-il été sévèrement condamné. Il est donc bon que les codes techniques conservent leur valeur profonde, à moins d’entrer dans une logique de culpabilité en ayant recours au civil puis au pénal. Je souhaite donc que nous en restions au code de l’environnement.
M. Martial Saddier. C’est intéressant !
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à cet amendement, puisque nous avons choisi de faire référence au code civil. Au passage, je ne trouve pas que le groupe Total ait été trop sévèrement condamné pour le préjudice qu’il a causé aux côtes françaises.
Mme la secrétaire d’État. Je suis défavorable également à cet amendement : l’article 2 bis est important puisqu’il met en place le principe du préjudice écologique que nous voulons introduire dans le droit. Autant nous devons modifier considérablement le dispositif, autant je pense que nous ne devons pas le supprimer.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. J’entends bien, mais je pense qu’il est bon de conserver au code de l’environnement sa puissance. La tentation d’une logique punitive me paraît quelque peu dangereuse et le recours à une logique de prise en compte me semble préférable. Néanmoins, je retire mon amendement.
M. Martial Saddier. C’est dommage.
Mme Viviane Le Dissez. Le préjudice écologique nous paraissait initialement devoir figurer dans le code de l’environnement mais il nous est apparu opportun, au fil des auditions d’avocats et de juristes auxquelles nous avons procédé, de l’introduire finalement dans le code civil.
L’amendement est retiré.
L’amendement CD1048 du Gouvernement est retiré. En conséquence, les sous-amendements CD1049 et CD1050 de Mme Delphine Batho n’ont plus d’objet.
La commission examine, en discussion commune, l’amendement CD943 rectifié de la rapporteure, qui fait l’objet du sous-amendement CD1056 de Mme Delphine Batho, les amendements CD516 de Mme Laurence Abeille, CD666 et CD1053 rectifié de M. Arnaud Leroy.
Mme la rapporteure. La rédaction de l’amendement CD943 rectifié s’inspire du rapport d’Yves Jegouzo, mais aussi de l’avis d’éminents spécialistes.
Il est proposé de créer un régime de responsabilité civile environnementale et de réparation du préjudice écologique, qui serait défini comme le préjudice résultant d’une atteinte grave aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. Les actions en réparation du préjudice seraient ouvertes à l’État, au ministère public, à l’Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi qu’aux établissements publics, fondations reconnues d’utilité publique et associations agréées ou ayant au moins cinq années d’existence, ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement.
La réparation du préjudice écologique s’effectuerait en priorité en nature. En cas d’impossibilité, des dommages et intérêts seraient versés à l’Agence française pour la biodiversité, qui les affecterait à la protection de l’environnement exclusivement.
L’action serait prescrite après un délai de dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage environnemental, sans que ce délai puisse être porté au-delà de cinquante ans à compter du fait générateur du dommage. Le choix du délai de dix ans s’imposait. Quant au délai de cinquante ans, il a été fixé entre deux extrêmes : trente ans pour les uns, cent ans pour les autres. La spécificité de la matière concernée impose d’explorer des voies inédites et il conviendra bien de ne pas caricaturer le délai de cinquante ans qui ne trouvera à s’appliquer que pour des pollutions diffuses et lentes qui se caractériseront après un temps long et dont nous savons qu’elles existent.
Par conséquent, ces délais de dix et cinquante ans seraient également ceux fixés par l’article L. 152-1 du code de l’environnement, qui prévoit un délai de prescription particulièrement long, trente ans, pour les obligations financières liées aux dommages causés à l’environnement par certaines activités par rapport au droit commun de cinq ans ; mais ce délai court à partir du fait générateur du dommage, ce qui ne nous semble pas très protecteur.
Les présentes dispositions s’appliqueraient dès la publication de la loi. Le choix a été fait de ne pas créer d’amende civile en cas de faute grave dans la mesure où la pénalisation des comportements les plus graves est à même de garantir une dissuasion et une répression efficaces.
Le choix a été fait de ne pas créer de régime de sursis à statuer pour articuler les dispositions du présent article avec celles des articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement, créés par la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale. Le juge, en effet, ne pourra pas ordonner de deuxième réparation pour le même préjudice qui aurait déjà été réparé. Il a déjà, en outre, la possibilité de surseoir à statuer, aux termes de l’article 377 du code civil, pour un motif de bonne administration de la justice. Cela viserait les cas dans lesquels le préfet et le juge agiraient de façon concomitante. La procédure judiciaire serait alors temporairement arrêtée.
Telle est, présentée de manière succincte, la teneur du présent amendement. Bien entendu le débat est ouvert tant le sujet est difficile. Il importe en tout cas que ce dispositif soit introduit dans le code civil, faute de quoi nous affaiblirions la portée du texte.
Ensuite, nous demandons en priorité une réparation en nature et, dans les cas exceptionnels, j’y insiste, où une telle réparation serait impossible, une réparation financière serait envisageable.
Nous avons tâché de tirer les conséquences de la très longue procédure concernant l’affaire Erika.
Nous avons par ailleurs beaucoup discuté de la question du sursis à statuer. On nous a expliqué qu’un tel dispositif n’était pas nécessaire puisque figurant déjà dans le code civil. Or j’ai tendance à croire ce que me disent d’éminents juristes même si le débat, je le répète, reste ouvert.
Quoi qu’il en soit, nous devons nous efforcer d’aboutir à une rédaction simple.
Je remercie ceux qui, en l’espace de quelques heures ont pu nous aider à mettre au propre les grandes lignes de ce que nous souhaitions. Enfin, je remercie la secrétaire d’État d’avoir retiré son amendement qui, en effet, n’était pas très heureux.
Mme Delphine Batho. Je constate que l’une des dispositions de l’amendement de Mme Geneviève Gaillard est rédigée exactement de la même manière que l’une des dispositions prévues par l’amendement que le Gouvernement vient de retirer : « Toute demande formée aux fins d’octroi de dommages et intérêts est irrecevable, sous réserve des dispositions prévues au présent article. » Ainsi que l’a indiqué la rapporteure, la réparation serait en priorité en nature et, sinon, prendrait la forme de dommages et intérêts versés à l’Agence française pour la biodiversité. Cela signifie que les parties civiles – collectivités locales, associations, État… – ne pourraient pas être indemnisées et ne pourraient pas demander de dommages et intérêts pour cause de préjudice écologique.
Je suis en total désaccord avec cette disposition, et mon sous-amendement CD1056 vise à supprimer la phrase que j’ai citée.
M. Martial Saddier. J’imagine que, si l’amendement de Mme Geneviève Gaillard était adopté, un certain nombre d’autres tomberaient, y compris les nôtres.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. En effet.
M. Martial Saddier. Vous comprendrez, étant donné le flou juridique des dispositions que nous sommes amenés à examiner, dans des délais qui plus est restreints, que nous ne puissions que nous opposer au texte, sur la forme et sur le fond. Nous sommes tout de même en train de récrire le droit de l’environnement, issu de la Charte de l’environnement, sans que la commission des lois, je le répète, ait donné son avis – or nous avons pu constater que la remarque d’un de ses membres, Mme Le Dain, ici présente, n’était pas dénuée de bon sens juridique.
Personne n’a relevé, par exemple, que l’amendement « bricolait » la carte judiciaire. Une disposition prévoit en effet une spécialisation des tribunaux. Nous souhaitons donc que le garde des Sceaux vienne en séance nous expliquer sa conception de la spécialisation des tribunaux en matière de droit de l’environnement.
Mme la rapporteure. C’est en effet un sujet de débat.
M. Martial Saddier. Le site du Mont Blanc, l’un des joyaux environnementaux de notre pays, se trouve dans le ressort d’un tribunal situé dans ma circonscription. Si, demain, ce site subissait une catastrophe écologique, sera-t-elle jugée par un tribunal de Marseille, de Lyon, de Lille, de Paris ? Voilà qui est de nature à m’inquiéter.
Je nous invite donc à la plus grande sagesse et à faire attention à ce que nous allons voter.
M. Jean-Marie Sermier. Je ne comprends pas, moi non plus, un certain nombre d’éléments de ce texte, qui paraît prévoir une possible rétroactivité. Quand survient une catastrophe naturelle, on connaît en général le fait générateur de façon assez claire, comme ce fut le cas pour l’Erika. En revanche, en cas de pollution diffuse, tant qu’on ne dépasse pas certains seuils, il n’y a pas pollution. Dans ce dernier cas, le fait générateur est-il le moment du dépassement de la norme ou bien le moment où les opérateurs ont commencé de produire ce qui sera considéré comme pollution ? Dans ce dernier cas, on pourrait remonter dix ans, voire cinquante ans en arrière, ce qui présente pour de nombreux opérateurs, notamment dans le secteur agricole, une certaine insécurité juridique. Qu’en est-il ?
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le code de l’environnement répond à votre question.
Mme la rapporteure. Je souhaite que nous constituions un petit groupe de travail afin d’examiner un certain nombre de points. Nous devrions notamment nous efforcer de présenter, quant au préjudice écologique, un dispositif sur lequel nous soyons tous d’accord, tant l’enjeu est important. Il nous faut dépasser les considérations idéologiques et faire preuve de plus de pragmatisme, faute de quoi ce serait une bataille perdue pour l’environnement en général et pour la biodiversité en particulier.
Mme la secrétaire d’État. Le sous-amendement CD1056 touche à un principe sur lequel nous devons bien nous mettre d’accord. Nous considérons tous que la réparation doit en priorité s’effectuer en nature. Delphine Batho souhaite supprimer la possibilité d’une demande d’une réparation sous forme de dommages et intérêts. En fait, l’idée est que cette demande ne soit permise qu’en cas d’impossibilité d’obtenir une réparation en nature qui, je le répète, doit être la priorité absolue.
Ensuite, l’idée que le produit de ces dommages et intérêts soit versé à l’Agence française de la biodiversité peut être discutée. C’est pourquoi je suis d’avis que nous en débattions ensemble – le sujet est passionnant. Il est proposé de verser cet argent à l’Agence plutôt que de le répartir entre des associations ou des collectivités, parce qu’elle aura pour mission, précisément, de mettre sur pied des actions en faveur de la biodiversité là où elle aura été détériorée. Reste, j’y insiste, que nous devons prendre le temps d’examiner cette disposition. En attendant, puisque nous ne pourrons pas avancer beaucoup plus ce soir, je vous suggère de voter l’amendement de la rapporteure, quitte à le retravailler en profondeur d’ici à l’examen en séance. J’ajoute être ouverte à toute autre méthode.
M. Bertrand Pancher. Je suis d’accord avec votre proposition, madame la rapporteure, consistant à nous donner le temps de la réflexion. Le texte est suffisamment important pour que nous en analysions plus avant l’impact. Ensuite, je souhaite connaître la position des différentes parties prenantes, au-delà des seules organisations environnementales, que je soutiens. Enfin, nous devons tenir compte du fait que la valeur de la nature n’est pas un débat mineur et varie en fonction de la jurisprudence, du vécu de chaque pays – en d’autres termes, tenir compte du fait que nous nous engageons dans une voie difficile.
Mme Viviane Le Dissez. Je suis d’avis que nous prenions l’amendement de la rapporteure pour base de discussion, puisqu’il est le fruit d’un travail de trois ou quatre semaines. Il y a certes lieu de le retravailler, mais avec prudence. Et si, comme le demande Mme Delphine Batho, les collectivités, les associations, doivent pouvoir recouvrer le produit de la réparation des dommages subis, l’Agence française pour la biodiversité doit être le garant de l’impartialité de sa répartition vers les différents sites.
M. Philippe Plisson. Ma position est quelque peu identique : nous devons partir de l’amendement de la rapporteure et voter le sous-amendement de Delphine Batho, car il me semble important qu’une réparation financière, lorsqu’une réparation en nature n’est pas possible, bénéficie au territoire qui a subi le préjudice. Si, par exemple, les dommages et intérêts versés à la suite d’un accident écologique dans l’estuaire de la Gironde, sont confiés à l’Agence française pour la biodiversité, il ne faudrait pas qu’elle le redistribue aux collectivités riveraines de celui de la Seine…
M. Arnaud Leroy. Je serai plus radical (Sourires) : nous devrions ne rien voter ce soir. Je m’explique. Je ne fais pas sécession : j’ai travaillé sur le sujet avec la rapporteure et avec Viviane Le Dissez. La question des tribunaux, par exemple, mérite débat : on a entendu, lors des questions au Gouvernement, cet après-midi, la polémique liée à la spécialisation des tribunaux de commerce.
En outre, jusqu’à ce soir, madame la secrétaire d’État, je ne savais pas qu’il était prévu qu’une partie des réparations liées à un préjudice écologique viendrait abonder, sous une forme qui reste à définir, l’Agence française pour la biodiversité !
Ensuite, la question reste posée de savoir qui pourra ester en justice. Les amendements que je propose visent à élargir la capacité à agir alors que l’amendement de la rapporteure me paraît assez restrictif en la matière.
Nous avons par ailleurs travaillé sur les notions de suivi, d’acte attestant que les réparations ont été effectuées, de réparation-protection… La protection de l’environnement n’en reste pas moins un concept très flou et l’argent des réparations, à mon sens, ne doit pas servir à la fabrication, par exemple, de films de promotion... Aussi devons-nous nous concentrer sur la question de la réparation, d’une éventuelle compensation sur une échelle territoriale à déterminer.
Nos positions sont proches, madame la rapporteure, mais je vous invite à examiner les amendements que je propose car nous devons clarifier les notions que nous employons.
Nous ne sommes pas tout nus puisque nous disposons du texte sénatorial qui introduit le préjudice écologique dans le droit. Nous devrions toutefois, j’y insiste, reprendre l’ensemble des questions soulevées par Delphine Batho ou d’autres afin d’établir la liste des sujets à approfondir et des notions à préciser afin de nous entendre sur leur définition. Par exemple, en ce qui concerne la rétroactivité, les gens doivent comprendre que la notion de préjudice écologique viendra en sus de régimes déjà en vigueur, notamment de régimes de police administrative.
Il nous reste un gros travail à réaliser pour aboutir à un texte simple, lisible et applicable dès promulgation.
M. Martial Saddier. Très bien !
Mme Laurence Abeille. La situation est assez complexe, en effet, et nous devons garder à l’esprit que les médias comme les réseaux sociaux sont attentifs à notre travail en commission ce soir.
Je trouve très positif que le Gouvernement ait décidé de retirer son amendement. Il nous est proposé de nous « rabattre » sur l’amendement de la rapporteure qui, on le voit, n’est pas parfait car rédigé rapidement. Je souscris pour ma part totalement au sous-amendement de Delphine Batho : elle montre du doigt un élément important. Je suggère donc que nous adoptions, ce soir, l’amendement de la rapporteure, sous-amendé par Mme Batho, sous réserve de la création d’un groupe chargé de revoir la rédaction du texte dans le sens d’une clarification, ainsi que nous y invite Arnaud Leroy. Nous partageons le même objectif, mais il nous reste à préciser les modalités pour y parvenir. La réparation en nature est évidemment prioritaire et indispensable, mais la question des dommages et intérêts à accorder aux victimes se pose.
Mme Chantal Berthelot. Nous avons évoqué la catastrophe de l’Erika, survenue il y a un certain nombre d’années, mais je rappelle que nous avons organisé, la semaine dernière, une table ronde sur l’orpaillage illégal en Guyane qui, lui, est un phénomène bien actuel. Or le texte ne peut présenter d’intérêt pour la Guyane, dans ce contexte, qu’à la double condition que l’on précise la notion de réparation en nature et que les dommages et intérêts éventuels résultant du dommage subi bénéficient au seul territoire concerné. Cela peut paraître évident mais l’évidence ne vaut pas loi, aussi devons-nous nous montrer très clairs. C’est pourquoi je serai très vigilante, quand nous récrirons l’amendement de la rapporteure, sur la destination des dommages et intérêts – d’autant que, plus encore que de préjudice écologique, la Guyane subit un véritable meurtre écologique.
Mme la secrétaire d’État. L’idée est que l’Agence française de biodiversité utilise les montants dont elle aura été destinataire pour exercer une action réparatrice sur les territoires pollués, en lien avec les différentes collectivités. Cela mérite certainement des précisions, et nous allons approfondir le sujet.
Il me semble toutefois qu’une confusion est en train de s’installer. Le préjudice écologique n’est absolument pas exclusif d’autres procédures civiles, pour des dommages aux personnes ou des dommages économiques. Dans l’affaire de l’Erika, par exemple, les conséquences sur le tourisme représentent des pertes économiques. Si la rédaction devait conduire à une confusion de cette nature, il faudrait absolument la corriger.
Mme la rapporteure. Il est écrit au deuxième alinéa : « indépendamment des préjudices réparés suivant les modalités du droit commun ». Ce ne sont pas les mêmes procédures et elles n’ont pas les mêmes conséquences.
Mme Delphine Batho. Il existe aujourd’hui une jurisprudence de la Cour de cassation ; l’enjeu est de la graver dans le marbre. Si la loi devait être en recul par rapport à la décision de la Cour, j’y serais opposée, comme je suis opposée au fait que les victimes d’un préjudice écologique ne puissent plus demander de dommages et intérêts.
La proposition d’Arnaud Leroy, consistant à en rester ce soir au texte du Sénat et à conduire un travail collectif d’ici à la séance publique, me paraît sensée. Le débat au fond reviendra de toute façon en séance. Ce n’est pas un hasard si ce texte annoncé depuis trois ans par le Gouvernement n’a jamais trouvé sa place dans le calendrier parlementaire, car il va à l’encontre d’intérêts de très grandes firmes.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je vous proposerais bien, si cela était possible, de reprendre mon amendement de suppression… (Sourires.)
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Considérez-vous, madame Laurence Abeille, monsieur Arnaud Leroy, que l’amendement de la rapporteure soit amendable de votre point de vue ?
M. Arnaud Leroy. Je ne le crois pas.
Mme Laurence Abeille. Je serais moins négative, mais je ne suis pas aussi au fait des questions juridiques qu’Arnaud Leroy. (Sourires)
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Compte tenu des réponses qui ont été faites, j’invite les auteurs des amendements à les retirer, afin que nous en restions pour le moment à la rédaction du Sénat, à charge pour nous de parvenir ensemble, d’ici la réunion que nous tiendrons au titre de l’article 88 du Règlement, à une solution acceptable pour le plus grand nombre.
Mme la rapporteure. Soit, mais je crains que, ce faisant, nous n’enterrions le préjudice écologique, car nous n’aurons pas le temps, en quinze jours à peine, d’entrer dans le détail. Nous avons, Viviane Le Dissez et moi, mis de longs mois à comprendre certaines choses, qui exigent le regard de juristes chevronnés. Je crains que nous ayons quelques surprises d’ici au 15 mars.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de votre président. Nous avons peu de temps devant nous, mais nous ne partons pas d’une feuille blanche : le travail de la rapporteure est un bon travail, qui offre une base de discussion solide. Il existe entre nous des différences d’appréciation sur le principe même du préjudice écologique, et nous devrons avoir ce débat, mais sur des bases qui soient un peu plus claires. Je ferai en sorte que nous nous rencontrions très rapidement pour travailler ensemble et faire mentir ceux qui pensent que nous ne parviendrons pas à instituer le préjudice écologique.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si les auteurs de tous les amendements en discussion commune sont d’accord pour les retirer, la cohérence voudrait que les amendements qui suivent soient également retirés ou, en tout cas, ne soient pas votés.
M. Martial Saddier. Je souhaite, pour ma part, soumettre au vote les trois amendements que j’ai déposés.
Les amendements CD943 rectifié, CD516 et CD666 sont retirés, de même que les amendements CD575 et CD576 de M. Bertrand Pancher, CD517 et CD518 de Mme Laurence Abeille ? CD1053 et CD623 de M. Arnaud Leroy.
La commission rejette successivement les amendements CD 260, CD258 et CD259 de M. Martial Saddier.
Puis elle adopte l’article 2 bis sans modification.
La Commission examine l’amendement CD677 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit d’insérer à cet endroit l’article 51 quater AA sur l’action de groupe introduit par le Sénat, afin d’améliorer la cohérence de la loi en plaçant l’article dans le code de l’environnement.
Mme la secrétaire d’État. Je préfère, pour ma part, que nous traitions cette question à l’article 51 quater AA et vous invite donc à retirer l’amendement.
L’amendement est retiré.
Article 3
(article L. 110-2 du code de l’environnement)
Intégration de la lutte contre les nuisances lumineuses dans le droit environnemental
Le présent article vise à prévoir que les lois et règlements contribuent à la préservation des continuités écologiques, le Sénat ayant ajouté en commission la préservation de l’utilisation durable des continuités écologiques.
Un nouvel alinéa introduit en séance au Sénat vise à ce que l’article L. 110-2 dispose qu’il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement, « y compris nocturne ».
Votre commission a adopté deux amendements identiques tendant à supprimer les mots « et l’utilisation durable » afin que les lois et règlements contribuent à la préservation des continuités écologiques.
*
* *
La commission examine l’amendement CD496 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Nous proposons de supprimer les termes « et l’utilisation durable », ajoutés par le Sénat. C’est une notion extrêmement vague, qui soulève la question des moyens employés pour assurer cette durabilité.
L’amendement tend par ailleurs à harmoniser la rédaction de l’alinéa 3 avec les dispositions du code de l’environnement relatives à la trame verte et bleue et les objectifs assignés à cette politique publique par les articles L. 371-1 et suivants dudit code.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable. L’article 3 érige les continuités écologiques en élément fondamental de la protection de la biodiversité. La notion d’utilisation durable, en revanche, est difficile à définir et ne constitue pas un élément fondamental. En outre, les outils de la trame verte et bleue concernent toutes les échelles de planification et sont destinés à identifier les usages qui profitent à la biodiversité et à les valoriser.
M. Philippe Plisson. Cette notion vise à préserver les usages vertueux dans les continuités écologiques. Cela peut paraître évident, mais cela va mieux en le disant. Je suis donc favorable à son maintien, et défavorable à l’amendement.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD826 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. L’ajout des mots « y compris nocturne » à la fin du deuxième alinéa de l’article n’apporte rien. C’est l’environnement dans son ensemble qui doit être protégé, qu’il soit diurne ou nocturne ; une telle distinction n’a pas lieu d’être.
Mme la secrétaire d’État. Certains travaux récents montrent que la fragmentation des continuités écologiques est également le fait des éclairages urbains et routiers. Leur contribution à cette fragmentation est très importante et induit des modifications de comportement chez certaines espèces. Compte tenu de l’impact de la pollution lumineuse sur les espèces, je suis très défavorable à cet amendement.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 3 ainsi modifié.
Article 3 ter
(articles L. 371-3, L. 411-1-A [nouveau], L. 411-3, L. 411-5 [supprimé], titre Ier du Livre III [supprimé] du code de l’environnement)
Contribution des maîtres d’ouvrage à l’inventaire national du patrimoine naturel par le versement des données brutes de biodiversité et diffusion des données
L’article 3 ter, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, a été supprimé et intégré dans l’amendement gouvernemental introduit en séance au Sénat. Il visait à inclure les richesses pédologiques dans l’inventaire du patrimoine naturel.
1. Les nouvelles dispositions issues des travaux du Sénat
Le nouvel article 3 ter réécrit l’article L. 411-5 du code de l’environnement relatif à l’inventaire national du patrimoine naturel, en introduisant deux novations majeures :
– la contribution obligatoire des maîtres d’ouvrages publics et privés à l’inventaire national ;
– la libre mise à disposition et la libre réutilisation des données brutes (principe de l’open data).
Le présent article est issu d’un amendement gouvernemental, le Gouvernement ayant renoncé à demander l’autorisation de légiférer par ordonnance sur cette question. Il impose la contribution des maîtres d’ouvrage, publics ou privés, « à cet inventaire national par la saisie ou, à défaut, le versement des données brutes de biodiversité acquises à l’occasion des études d’évaluation préalable ou de suivi des impacts, réalisés dans le cadre de l’élaboration des plans et programmes » faisant l’objet d’une étude environnementale.
Les données brutes sont définies comme « les données d’observation de taxons, d’habitats d’espèces ou naturels obtenues par observation directe, par bibliographie ou par acquisition de données auprès d’organismes détenant des données existantes. »
La saisie ou le versement de données s’effectuerait au moyen d’une application informatique mise gratuitement à la disposition des maîtres d’ouvrage par l’État.
Les collectivités territoriales pourraient contribuer par la réalisation d’inventaires locaux et d’atlas de la biodiversité, ayant notamment pour objet de réunir les connaissances nécessaires à l’élaboration du schéma régional de cohérence écologique ou à la mise en œuvre des articles relatifs à la procédure d’autorisation ou de déclaration pour l’accès aux ressources génétiques lorsque la collectivité ou région d’outre-mer concernée a adopté la délibération prévue à l’article L. 412-12-1.
Hormis dans les cas prévus à l’article L. 124-4 du code de l’environnement, « les données brutes contenues dans les inventaires mentionnés au présent article sont diffusées comme des données publiques, gratuites, librement réutilisables ». L’article L. 124-4 fixe les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut rejeter une demande d’information relative à l’environnement, pour la protection de l’environnement ou pour d’autres motifs (document non communicable pour des motifs tenant au secret des délibérations du Gouvernement, à la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’État, au déroulement de procédures juridictionnelles). Certains documents ne sont communicables qu’à l’intéressé (protection de la vie privée et respect du secret en matière commerciale ou industrielle).
2. La position de votre commission
Votre rapporteure soutient la disposition proposée et souligne son caractère novateur. Votre commission a adopté :
– quatre amendements de coordination avec l’article 59 bis AB, déposés par votre rapporteure, ainsi que trois amendements rédactionnels. L’article relatif à l’inventaire serait le nouvel article L. 411-1 A du code de l’environnement ;
– un amendement tendant à prévoir que les modalités de collecte des données feront l’objet d’une concertation avec les personnes morales concernées ;
– deux amendements tendant à réinscrire dans l’article L. 411-1 A les actuels II et II de l’article L. 411-5 supprimés par erreur dans l’article 3 ter (dispositions relatives au conseil scientifique régional du patrimoine naturel et dispositions sur les dommages causés à la propriété privée) ;
– un amendement présenté par votre rapporteure tendant à prévoir que le rôle du Muséum national d’histoire naturelle est limité, comme c’est le cas actuellement, à la responsabilité scientifique de l’inventaire ;
– un amendement présenté par votre rapporteure tendant à prévoir que les conditions dans lesquelles la diffusion des données est restreinte pour des motifs de protection de l’environnement sont précisées par décret.
*
* *
La commission adopte successivement les amendements de coordination CD185, CD186 et CD187 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CD200 de M. Jean-Marie Sermier.
M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 7 à 9, qui prévoient la mise à disposition gratuite de toutes les données recueillies dans le cadre des évaluations environnementales. Il est surprenant que des entreprises qui travailleront sur un projet et constitueront de ce fait des données sur la biodiversité dans tel ou tel secteur soient obligées de les mettre à disposition gratuitement, par un outil informatique, et que de surcroît les personnes qui souhaiteraient faire des recours contre les projets puissent les utiliser.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je suis certes sensible à la nécessité d’encadrer l’open data mais cet amendement va directement à l’encontre de notre volonté d’un véritable open data en matière de biodiversité.
Mme la secrétaire d’État. Même avis. Il est important de maintenir la notion de données brutes, qui rend possible l’open data sans pour autant emporter de droits de propriété intellectuelle. Il est par ailleurs important que les données brutes qui fondent les interprétations et conclusions des études d’impact puissent être portées à la connaissance des acteurs, administration et public, et pas seulement les analyses qui en découlent.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle se penche sur l’amendement CD399 de Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. Cet amendement porte sur la démarche d’inventaire du patrimoine naturel institué pour l’ensemble du territoire national, qu’il vise à compléter par la géodiversité. L’expression de « données brutes de biodiversité » introduite dans le présent article est insuffisante car l’inventaire ne porte pas uniquement sur le patrimoine vivant mais également sur les richesses géologiques, pédologiques, minéralogiques et paléontologiques.
Il n’apparaît pas non plus opportun que les données issues de la bibliographie ainsi que celles acquises auprès d’organismes détenant des données existantes soient saisies par les bureaux d’études, dont ce n’est pas le rôle, au risque de créer des doublons et d’autres difficultés.
Mme la rapporteure. L’intention est louable, mais ce n’est malheureusement pas possible : nous ne sommes pas prêts, nous n’avons pas les outils qui nous permettraient d’inventorier tout notre sous-sol. Une solution serait de renvoyer le sujet à ce « serpent de mer » qu’est la réforme du code minier...
Mme Florence Delaunay. L’inventaire national du patrimoine naturel est déjà en cours de réalisation, notamment par les conservatoires botaniques nationaux. Des données doivent être échangées entre le Muséum national d’histoire naturelle et ces conservatoires. J’ai déposé un autre amendement portant sur la validation de ces données : elles existent déjà.
Mme la rapporteure. C’est dans la transmission par les maîtres d’ouvrage que réside la difficulté.
Mme Viviane Le Dissez. Je comprends les difficultés qui peuvent exister pour enregistrer toutes ces données, même si elles ne sont pas aussi pléthoriques qu’on peut le penser. La géologie est souvent oubliée, alors que ces connaissances sont importantes. Nous manquons par exemple de données sur les sous-sols du milieu marin, en vue de permettre ou non l’extraction de ces fonds, qui ne sont pas des milieux morts mais vivants. Espérons que le code minier ne restera pas indéfiniment un serpent de mer.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CD188, l’amendement de cohérence CD189 et l’amendement rédactionnel CD190 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CD827 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet article prévoit une sorte d’open data pour les données de la biodiversité. Plus précisément, il oblige les maîtres d’ouvrage à partager leurs données en la matière. Une telle disposition, qui concerne à la fois les acteurs publics et privés, me rappelle l’article 12 du projet de loi pour une République numérique visant à recueillir les données des entreprises dès lors qu’elles ont un intérêt public, et je m’interroge sur l’articulation entre ces deux textes. Il est louable de prévoir que le versement des données se fasse sans coût supplémentaire pour les entreprises, mais des précisions sont à apporter sur les modalités de collecte et d’enregistrement temporaire des données. Il faut prévoir ces modalités par décret, comme c’est le cas dans le projet de loi pour une République numérique.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement CD961 de M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Il s’agit de reconnaître la présence et l’action positive des fédérations de chasseurs et de pêcheurs comme acteurs de la nature. Les structures de la chasse et de la pêche contribuent à la connaissance des espèces et des espaces. Les études scientifiques qu’elles réalisent apportent des éléments positifs pour la connaissance de notre biodiversité. La ministre et le Conseil national de la transition écologique (CNTE) encouragent déjà ces acteurs à participer au développement des connaissances sur la biodiversité, par le biais de l’open data. Il apparaît donc légitime de prévoir que ces structures puissent, le cas échéant, contribuer directement à la connaissance du patrimoine naturel.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il faudrait, dans cette logique, dresser une liste à la Prévert de tous ceux qui peuvent contribuer à la connaissance du patrimoine naturel : organisations non gouvernementales (ONG), associations de protection de l’environnement, etc.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement créerait dans la loi une forme d’exclusivité à l’égard des chasseurs et des pêcheurs. Or le système d’information tel qu’il existe aujourd’hui permet déjà à quiconque d’y participer : personnes physiques et morales, fédérations des conservatoires botaniques, réseaux des conservatoires d’espaces naturels, associations locales ou nationales, établissements publics… Il n’y a pas de raison de cibler telle fédération ou tel réseau plutôt que tel autre : l’inventaire national s’adresse à tous, y compris aux pêcheurs et aux chasseurs. Je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Mme Delphine Batho. Les fédérations de pêcheurs ou de chasseurs ne sont pas des établissements publics. C’est l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui en est un. Il est important de reconnaître le rôle de sentinelle et d’alerte de ces fédérations.
M. Martial Saddier. Je soutiens cet amendement. Les pêcheurs et les chasseurs ont un rôle important dans les commissions locales de l’eau. Une association communale de chasse agréée (ACCA) est une association et non un établissement public. Par le passé, ces associations ont été parfois montrées du doigt, mais tout le monde reconnaît aujourd’hui que ce sont des acteurs qui jouent un rôle extrêmement positif, contribuant à la recherche scientifique et aux alertes.
M. Philippe Plisson. Ces fédérations de chasseurs et de pêcheurs sont des acteurs importants et une reconnaissance les inciterait à une démarche plus professionnelle, qui ne s’est pas encore développée partout de manière uniforme sur le terrain.
M. Jean-Yves Caullet. Je soutiens également l’amendement. Les fédérations de pêcheurs ont longtemps été les seules à pouvoir ester en justice en cas de pollution aquatique dans les milieux d’eau douce, et l’on fait appel aux chasseurs en cas d’épizootie et autre. Je propose que nous adoptions l’amendement tout en prévoyant d’élargir la rédaction d’ici à la séance.
Mme Laurence Abeille. Depuis le début de l’examen de cette loi, nous avons entendu à de multiples reprises les demandes des chasseurs et des pêcheurs, et vous savez ce que j’en pense... Je ne comprends pas pourquoi ces fédérations n’ont pas accepté d’entrer dans l’Agence française de la biodiversité. Il y a une contradiction très grande entre les grands discours sur la contribution du monde de la chasse au maintien de la biodiversité et cette attitude de refus. Je ne voterai pas l’amendement.
M. Jean-Yves Caullet. Les pêcheurs sont entrés dans l’Agence !
Mme la rapporteure. Cet alinéa concerne les collectivités territoriales, qui « peuvent contribuer à la connaissance du patrimoine naturel par la réalisation d’inventaires locaux ou territoriaux ou d’atlas de la biodiversité ». Avec qui pensez-vous que les collectivités réalisent des atlas de la biodiversité, sinon avec les pêcheurs, les chasseurs, les agriculteurs, les ONG… ? Quel est l’intérêt d’un tel ajout, venant qui plus est de ceux qui nous mettent en garde contre les lois « bavardes » ?
Mme la secrétaire d’État. Il y a d’une part les maîtres d’ouvrage de cet inventaire, qui sont, conformément aux textes, l’État et les régions, et d’autre part ceux qui y contribuent. L’amendement donnerait aux chasseurs et aux pêcheurs un statut supérieur aux autres contributeurs, en les plaçant au même niveau que les régions et l’État. Les autres contributeurs – forestiers, agriculteurs, naturalistes…– ne sont pourtant pas moins respectables.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je me retrouve pleinement dans les explications de la rapporteure et de la secrétaire d’État. Donner le sentiment qu’il faudrait faire allégeance aux pêcheurs et chasseurs serait tomber dans l’excès. (Approbations diverses)
M. François-Michel Lambert. Je n’ai pas la même lecture de l’alinéa que la secrétaire d’État. J’ai choisi les fédérations de pêcheurs et de chasseurs car ce sont des personnes qui sont au contact direct de la biodiversité. D’autres structures tout aussi spécifiquement consacrées à la biodiversité peuvent exister. Ce n’est pas le cas des agriculteurs. Ce serait le cas des chasseurs de papillons (Sourires), s’ils étaient organisés en fédérations locales ! Les fédérations de chasseurs, comme l’a rappelé Philippe Plisson, sont de plus en plus professionnelles ; elles recourent à des doctorants pour produire des bases de données, dont nous nous priverions.
Mme Delphine Batho. Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec le président Chanteguet (Sourires). Il serait bon d’arrêter de caricaturer les positions des uns et des autres quand on parle des fédérations de chasseurs ou de pêcheurs. Le problème de cet article, c’est que la société civile en est absente. Il est dommage de ne pas prévoir que les fédérations de chasseurs, les fédérations de pêcheurs, les ONG, etc., peuvent contribuer à l’inventaire.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CD191 de la rapporteure et CD402 de Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. Cet amendement a été repris par la rapporteure et je m’en félicite. Il apparaît indispensable de rétablir la référence aux conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN) créés par la loi du 27 février 2002.
Mme la rapporteure. Il convient en effet de rétablir ces dispositions effacées par erreur.
Mme la secrétaire d’État. Je suis favorable au rétablissement, dans l’article L. 411-5 du code de l’environnement, cette mention malencontreusement supprimée par le Sénat ; et je remercie la rapporteure et Mme Delaunay de leur vigilance.
M. Martial Saddier. Une structure de plus, au moment où la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est censée faire œuvre de rationalisation ! J’observe au passage que nous avons la fâcheuse habitude de voter en cours d’année des textes dont le financement est renvoyé à la loi de finances à venir... Enfin, la nomination des membres par le préfet de région exclusivement n’augure pas d’une bonne coopération avec les nouvelles régions, compétentes en matière d’environnement à travers les schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire (SRADT).
La commission adopte les amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CD744 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à ce que l’inventaire national soit établi sous la responsabilité du Muséum national d’histoire naturelle, sans que ce dernier ait en outre à le valider ou à le diffuser. La centralisation proposée nous apparaît excessive.
La commission adopte cet amendement.
Puis elle étudie l’amendement CD400 de Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. Cet amendement consiste à ajouter la phrase suivante : « Les données recueillies font l’objet d’une validation scientifique, en lien avec les structures et instances d’experts, existantes ou créées à cet effet. » Il apparaît en effet contradictoire de confier aux régions la qualité de chef de file pour la compétence « biodiversité » tout en les dessaisissant de tout rôle dans la validation et l’assemblage des données, qu’elles assurent pourtant de longue date avec l’appui de partenaires locaux. Au surplus, l’article méconnaît les missions déjà confiées par le législateur à certains acteurs reconnus, comme par exemple les conservatoires botaniques nationaux, eux-mêmes en charge d’une mission de diffusion des données qu’ils recueillent.
Mme la rapporteure. Il me semblait que l’adoption de l’amendement CD744 faisait tomber celui-ci. J’en demande le retrait.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement précise que la validation scientifique des données effectuée par le Muséum national d’histoire naturelle se fait en lien avec d’autres structures. Cette disposition, que je partage sur le fond, n’est pas du domaine législatif, et l’amendement CD744 que nous venons de voter supprime en effet la référence à la validation et à la diffusion des données qui avait été confiée au Muséum par le Sénat. Je demande, moi aussi, le retrait de l’amendement.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis rassurée par la précision apportée par la secrétaire d’État. En matière d’écologie et de biodiversité, nous avons intérêt à ce que beaucoup de formations soient créées dans toute la France. Le blocage au niveau du Muséum, même s’il s’agit d’une instance prestigieuse, ne va pas dans le bon sens.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CD745 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit de faire préciser par décret les conditions dans lesquelles certaines données, pour des motifs liés à la protection de l’environnement, ne sont pas diffusées. Leur diffusion pourrait en effet inciter trafiquants et pillards à se précipiter sur les lieux ainsi désignés à l’attention du public.
Mme Chantal Berthelot. C’est ce qui s’est passé lorsque le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réalisé, voici trente ans, un état des lieux de la recherche aurifère en Guyane, apprenant ainsi aux orpailleurs où se trouvaient les filons.
Mme la rapporteure. L’objectif est de faire le maximum pour nous prémunir de ces agissements. Y réussirons-nous ? Je l’espère.
La commission adopte l’amendement.
Elle discute ensuite l’amendement CD1024 de M. Jean-Marie Sermier.
M. Jean-Marie Sermier. La mise à disposition de données brutes met à mal la sécurité juridique des projets et peut en outre avoir pour effet, comme vient de le rappeler notre rapporteure, que ces données tombent en de mauvaises mains. Le présent amendement est un amendement de repli par rapport à mon précédent amendement CD200 : je propose de remplacer les termes « données brutes » par « informations ».
Mme la rapporteure. Avis défavorable. En termes de propriété intellectuelle, le terme « informations » n’a guère de sens. C’est l’expression « données brutes » qui est reconnue.
Mme la secrétaire d’État. Il est important de conserver dans la loi la notion de données brutes d’inventaire. L’observation des espèces, des espaces ou des habitats est considérée comme la transcription d’une réalité physique ; il ne s’agit pas d’une création originale et la notion de plagiat ne s’applique pas. Ainsi, il n’existe pas de propriété intellectuelle sur les données brutes d’observation de biodiversité. Par contre, en visant des informations, l’amendement proposé peut avoir des incidences sur le droit de propriété intellectuelle. J’en demande le retrait.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD401 de Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. La mention relative à la gratuité de la diffusion des données paraît contraire aux dispositions de l’article L. 127-9 du code de l’environnement selon lesquelles « les autorités publiques peuvent soumettre l’accès ou le partage des séries et services de données géographiques visés à l’article L. 127-8 à une redevance ou une licence d’exploitation dans les conditions définies par les dispositions des articles 14 à 16 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public ».
De même, l’article L. 414-10 du code de l’environnement dispose que les conservatoires botaniques nationaux « assurent l’accès aux données recueillies à toute personne qui en fait la demande […] moyennant, le cas échéant, une contribution financière ».
Je propose donc de supprimer la mention de la gratuité et d’ajouter, après le mot « diffusées », les mots « conformément aux dispositions des articles L. 127-4 à L. 127-9 ».
Mme la rapporteure. Il me semble que cet amendement aurait pour effet de supprimer de facto l’open data. Mon avis est donc défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis. L’open data suppose la mise à disposition gratuite des données.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD828 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec la formulation commune à tous les textes traitant de l’open data, à savoir que les données sont diffusées « gratuitement et dans un format librement réutilisable ».
Mme la rapporteure. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. La rédaction proposée est moins sûre juridiquement, car elle laisse entendre que la liberté d’utilisation des données est liée à leur format. Avis défavorable également.
M. Lionel Tardy. Ce sont les termes même qui figurent dans le projet de loi pour une République numérique !
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement l’amendement de coordination CD192 de la rapporteure et son amendement CD193 tendant à rectifier une erreur matérielle.
Puis elle examine l’amendement CD1025 de M. Jean-Marie Sermier.
M. Jean-Marie Sermier. Il convient que nous disposions, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, d’une étude d’impact de la mise à disposition gratuite des données, afin de nous assurer que celle-ci ne compromet pas la sécurité juridique des projets.
Mme la rapporteure. Un rapport de plus ! Je ne suis pas contre a priori, mais cela dépend des possibilités du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. La saisie et le versement des données brutes d’observation de biodiversité permettent d’alimenter l’inventaire en continu. S’agissant des données issues des évaluations environnementales, ce sera également un processus continu. Dès lors, un rapport dans un délai de six mois après la loi ne sera probant que si l’application informatique permettant la saisie et le versement des données fonctionne. Dans ces conditions, je vous invite à retirer l’amendement, en m’engageant à faire une communication lorsque l’application informatique sera opérationnelle.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 3 ter ainsi modifié.
Mme la secrétaire d’État. Je me félicite de l’adoption de cet article relatif à l’open data. C’était un engagement du Président de la République : il est tenu.
Article 4
(articles L. 110-3 et L. 414-9 du code de l’environnement)
Élaboration des stratégies nationale et régionales pour la biodiversité
1. Le projet d’article à l’issue des travaux du Sénat en première lecture
Le présent article, portant sur la stratégie nationale pour la biodiversité, a fait l’objet de plusieurs modifications au Sénat. En commission, les sénateurs ont adopté :
– un amendement présenté par le rapporteur Jérôme Bignon déplaçant en début d’article l’alinéa selon lequel les stratégies nationale et régionales doivent contribuer à la cohérence des politiques publiques en matière de préservation de la biodiversité ;
– deux amendements présentés par le rapporteur Jérôme Bignon, supprimant la référence à la convention sur la diversité biologique adoptée à Nairobi ainsi que la mention, parmi les acteurs avec lesquels l’État doit engager la concertation, des petites et moyennes entreprises et des associations de naturalistes, qui avait été introduite par un amendement présenté par votre rapporteure ;
– un amendement présenté par le rapporteur disposant que l’agence française pour la biodiversité apporte son soutien à l’État pour élaborer la stratégie nationale et assure le suivi de sa mise en œuvre ;
– un amendement présenté par le rapporteur précisant le rôle des délégations territoriales de l’agence française pour la biodiversité en tant que soutien aux régions (ces délégations étant toutefois supprimées plus loin à l’article 9, qui crée les organismes de coopération pérenne) ;
– un amendement précisant que la stratégie nationale devrait couvrir deux périodes successives de cinq ans (sauf celle établie en 2015 couvrant « deux périodes successives de, respectivement, trois et cinq ans ») et qu’elle « définit les objectifs quantitatifs et qualitatifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité, de la programmation et l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisées pour les atteindre. Cette enveloppe est fixée en engagements et en réalisations » ;
– enfin, un amendement ajoutant un alinéa à cet article, selon lequel « chacune des espèces classées sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature [UICN] présente sur le territoire français fait l’objet d’un plan d’action spécifique en vue d’assurer sa préservation, intégré à la stratégie nationale pour la biodiversité prévue à l’article L. 110-3 du code de l’environnement. »
En séance, le Sénat a adopté :
– des amendements tendant à la suppression de l’alinéa selon lequel la stratégie nationale pour la biodiversité fixe des objectifs qualitatifs et quantitatifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité, de la programmation et l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisées pour les atteindre ;
– des amendements pour restreindre la portée du dernier alinéa relatif aux plans d’actions devant être menés pour les espèces menacées figurant sur la liste rouge de l’UICN. Sont dorénavant visées les espèces figurant dans les catégories « en danger » et « en danger critique », présentes sur le territoire, les plans d’actions ou les mesures de protection renforcées pouvant être mis en œuvre par espèce ou groupe d’espèces.
2. La position de votre commission
Votre commission a adopté des amendements présentés par votre rapporteure :
– tendant à réintroduire la référence à la convention sur la diversité biologique, ainsi que les petites et moyennes entreprises et les associations de naturalistes parmi les personnes consultées ;
– supprimant l’alinéa précisant de rôle de l’AFB dans l’élaboration de la stratégie nationale, que votre rapporteure a souhaité transférer au sein de l’article 9 plutôt que de l’inscrire à l’article 4 ;
– déplaçant après l’alinéa 6 le premier alinéa, complété sur le fait que les stratégies nationale et régionales contribuent à l’intégration des objectifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité dans les politiques publiques et à la cohérence de ces dernières en ces matières ;
– supprimant la disposition relative à la définition de la stratégie nationale comme devant couvrir deux périodes successives de cinq ans ;
– substituant aux dispositions introduites au Sénat sur les espèces menacées (relevant des catégories « en danger » ou « en danger critique » de la liste rouge de l’UICN) des dispositions pour renforcer, à l’article L. 414-9 du code de l’environnement, les mesures législatives applicables en matière de plans nationaux d’action pour les espèces protégées afin que ces dernières fassent l’objet de plans d’action opérationnels, par espèce ou par groupe d’espèces, et qui soient fondés, non seulement sur les données des instituts scientifiques comme c’est le cas aujourd’hui, mais également sur les données des organisations de protection de l’environnement. L’article L. 414-9 vise à la conservation et au rétablissement des espèces protégées ainsi que des espèces d’insectes pollinisateurs.
*
* *
La Commission examine l’amendement CD194 rectifié, de la rapporteure et de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous proposons de revenir à la définition de la stratégie nationale pour la biodiversité adoptée par l’Assemblée nationale, qui renvoie à la convention de Nagoya, référence en la matière.
Cet amendement prévoit également de déplacer un alinéa, ce qui ne devrait pas transformer totalement le texte.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. La stratégie nationale pour la biodiversité constitue la mise en œuvre de l’engagement de la France au titre de la convention sur la diversité biologique.
Il peut être intéressant de faire référence à la convention internationale dans la loi, je m’interroge cependant sur le retour de la mention aux petites et moyennes entreprises au sein des acteurs économiques, ainsi que des associations de naturalistes au sein des organisations de protection de l’environnement.
En dépit de ces réserves, cet amendement me paraît très positif, j’émets donc un avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD892 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement propose une modification rédactionnelle qui est loin d’être cosmétique. La rédaction actuelle de l’alinéa 3 prévoit : « la stratégie nationale pour la biodiversité est élaborée par l’État en concertation avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, de la communauté scientifique, d’acteurs socio-économiques et d’organisations de protection de l’environnement. »
Il me semble préférable de faire mention aux « membres de la communauté scientifique » plutôt qu’à la seule communauté scientifique, car celle-ci ne saurait être considérée comme un tout homogène. La liberté du scientifique est un principe fondamental : il ne saurait donc exprimer le point de vue de l’université de Bordeaux, du Centre national de la recherche scientifique, de l’Institut national de la recherche agronomique ou du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, il ne pourra donner que son avis d’expert.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Malheureusement, votre amendement est tombé, du fait de l’adoption de l’amendement précédent, qui a réécrit les alinéas 2 et 3.
Mme la rapporteure. Au demeurant, il est satisfait par la nouvelle rédaction, qui fait bien mention des « membres de la communauté scientifique ».
La Commission en vient à l’amendement CD195, présenté par la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 4, qui trouverait mieux sa place à l’article 9 du projet de loi.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD197 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement tend à mieux insérer cette disposition au sein de l’article L. 110-3 du code de l’environnement et à préciser que les stratégies nationale et régionales contribuent à l’intégration des objectifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité dans les politiques publiques.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable à cet amendement qui permettra une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les politiques publiques.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD198 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7, ajouté par le Sénat, selon lequel la stratégie nationale pour la biodiversité devrait porter sur deux périodes de cinq ans. Or cette stratégie constitue un tout ; prévoir deux périodes de cinq ans nous paraît étonnant au regard des objectifs poursuivis.
Mme la secrétaire d’État. La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 couvre bel et bien une période de dix ans. Même si une évaluation à mi-parcours est prévue cette année, il n’a jamais été prévu d’établir une nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité en 2015, car la stratégie actuelle est cohérente avec la stratégie de l’Union européenne et le plan stratégique mondial, qui tous deux couvrent la même période, de 2011 à 2020.
Je suis donc favorable à cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD184 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de renforcer les plans d’action et de prévoir la prise en compte des données des organisations de protection de l’environnement pour leur élaboration. Cette disposition importante ne remet aucunement en cause les plans stratégiques.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement propose des ajustements de nature à renforcer le caractère opérationnel des plans nationaux d’action. Avis favorable.
M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement pourrait entraîner l’apparition de normes ou de contraintes supplémentaires. Des scientifiques sont chargés de nous faire des propositions ; vous proposez d’y ajouter des organisations de protection de l’environnement que nous ne connaissons pas toutes, qui ne sont pas listées, sachant que l’objectif de certaines d’entre elles est de contraindre sérieusement l’agriculture traditionnelle et conventionnelle.
Cette logique va aboutir à imposer de nouvelles contraintes très fortes sur l’agriculture.
M. Martial Saddier. Cet amendement pourrait presque tomber sous le coup de l’article 40, car il entraîne indéniablement une dépense supplémentaire. Il prévoit la réalisation de plans opérationnels, j’aimerais que la rapporteure ou la secrétaire d’État nous éclairent sur l’ampleur de ces plans : combien coûteraient-ils, qui va les payer ? S’agit-il, comme l’État a l’habitude de le faire, de plans nationaux dont la réalisation sera laissée à la charge des collectivités territoriales, notamment les régions qui ont reçu une nouvelle compétence environnementale ?
Cet amendement a une portée beaucoup plus lourde que la quiétude matinale de notre réunion ne peut le laisser croire. Je pense que nous en parlerons longtemps dans les territoires. Pourriez-vous nous éclairer sur la portée concrète de cet amendement ?
M. Jean-Pierre Vigier. Comme mes collègues, je pense que cet amendement va ajouter une couche au millefeuille administratif et compliquer encore le système. Nos agriculteurs n’ont vraiment pas besoin de cela en ce moment. Il faut être réalistes, efficaces, et prévoir des procédures simples. Je suis fortement opposé à cet amendement.
Mme Catherine Quéré. Je suis très réservée sur cet amendement, qui exprime presque une défiance vis-à-vis des scientifiques et risque de créer des contraintes inutiles. Il existe toute sorte d’organisations de protection de l’environnement ; la rédaction n’est pas assez précise.
Mme la rapporteure. Je pense que vous n’avez pas lu l’alinéa proposé par le Sénat que cet amendement a pour objet de remplacer. (Sourires) Nous proposons simplement de renforcer les plans d’action opérationnels.
Il n’y a pas que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui pourrait fournir des informations, mais aussi des organisations de protection de l’environnement de toutes sortes.
Il y a un problème de compréhension de votre part : il n’est pas question d’ajouter quelque chose qui coûtera « la peau des fesses » (Sourires), mais simplement d’opérer une substitution pour renforcer la protection des espèces et les plans d’action opérationnels. Il ne faut pas considérer que seule l’UICN peut nous donner des informations : les associations de chasseurs et de pêcheurs, par exemple, peuvent également fournir des données utiles. Vous ne mesurez pas combien cet amendement permet d’ouvrir la procédure d’élaboration de ces plans d’action.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Et l’article 40 ne fait pas référence à la « peau des fesses », me semble-t-il… (Sourires)
Mme la secrétaire d’État. Rappelons que les plans d’action nationaux consistent avant tout à prévoir des actions de la part de toutes les parties dont l’activité a un impact sur l’espèce ou les espèces concernées. Ils ne constituent pas du tout un surcroît de dépenses publiques, ce sont des plans volontaires, et qui font l’objet d’un consensus.
M. Gérard Menuel. L’amendement prévoit bien d’insérer les mots « organisation de protection de l’environnement ». Qu’entend-on exactement par ces termes, quelles associations sont concernées ? Il y a beaucoup trop d’incertitudes à ce niveau, et cet amendement exprime aussi une défiance à l’égard des scientifiques, dont les travaux doivent rester à la base de nos réflexions.
Mme Martine Lignières-Cassou. Peut-être le trouble de mes collègues tient-il au fait que nous n’avons pas sous les yeux le texte de l’article L. 414-9 du code de l’environnement que cet amendement tend à modifier… Il suffit de le relire pour comprendre que cet amendement n’ajoute aucune contrainte supplémentaire.
M. le président. Je vous rappelle les termes de l’article L. 414-9 du code de l’environnement :
« Des plans nationaux d’action pour la conservation ou le rétablissement des espèces visées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 ainsi que des espèces d’insectes pollinisateurs sont élaborés et, après consultation du public, mis en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents lorsque la situation biologique de ces espèces le justifie.
« Ces plans tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que des impératifs de la défense nationale.
« Les informations relatives aux actions prévues par les plans sont diffusées aux publics intéressés ; les informations prescrites leur sont également accessibles pendant toute la durée des plans, dans les secteurs géographiques pertinents.
« Un décret précise, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article. »
Mme la rapporteure. L’amendement CD184 rectifié prévoit de préciser que les plans d’action sont « opérationnels »…
M. Gérard Menuel. C’est précisément cela, le problème…
Mme la rapporteure. S’ils ne sont pas opérationnels, ce n’est pas la peine d’en faire… Il faut savoir ce que l’on veut !
De plus, nous ajoutons que ces plans d’action sont mis en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents « et des organisations de protection de l’environnement. » Ces dernières sont effectivement nombreuses, il n’y a pas que l’UICN ; il ne faut pas nier le travail que font de nombreuses associations, ainsi, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pourrait y contribuer.
M. Jean-Marie Sermier. Hier vous étiez contre !
Mme la rapporteure. Ne mélangez pas tout ! Nous n’avons jamais dit que l’ONCFS ne s’intéressait pas à la biodiversité terrestre, la preuve en est que nous voulions l’inclure dans l’agence de la biodiversité : j’ai moi-même dit hier qu’il était dommage qu’il n’en fasse pas partie.
M. le président. On peut imaginer que les associations concernées sont les associations de protection de l’environnement agréées.
Mme la rapporteure. Je suis tout à fait prête à ajouter ce mot si cela peut contribuer à rassurer mes collègues.
M. Jean-Marie Sermier. L’article L. 414-9 du code de l’environnement est clair : Il s’appuie sur des instituts scientifiques pour élaborer les plans. Si l’on y ajoute les organisations de protection de l’environnement – agréées ou pas, nous n’en savons rien – il faut en faire de même avec tout un pan d’autres activités professionnelles : chambres consulaires, chambres d’agriculture, et j’en passe. On me dit que l’ONCFS pourrait en faire partie, mais ce n’est pas le cas, pas plus que l’Office national des forêts. Si l’on commence à faire une liste à la Prévert, il ne faudra rien oublier.
M. le président. Je vous invite à relire l’alinéa 8 du projet de loi. Cet amendement propose de le remplacer par quelques modifications à l’article L. 414-9, dont je viens de vous donner lecture.
Effectivement, l’amendement propose de spécifier que plans d’action sont « opérationnels » – ce qui peut choquer, mais trouve pour ma part cette précision tout à fait utile. Et en ce qui concerne les organisations de protection de la nature, si nous indiquons qu’il s’agit d’organisations de protection de l’environnement « agréées », il n’y aura plus de problème.
Si vous préférez l’alinéa 8 dans sa version actuelle, je vous invite à le relire avec attention.
Mme Laurence Abeille. Cette proposition d’ajouter le mot « agréées » me paraît restrictive. Je trouve que la rédaction de la rapporteure est plus intéressante, et je ne pense pas que nous devions la modifier, cela nous priverait de nombreuses expertises intéressantes sur le sujet.
M. Guy Bailliart. Si le mot « agréées » n’est pas ajouté au texte de l’amendement, je ne le voterai pas.
M. le président. Nous aurons l’occasion d’en discuter à nouveau en séance, ou lors de la réunion de notre commission en application de l’article 88 du règlement. Je vous propose de passer au vote.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 4 ainsi modifié.
Article 4 bis
(article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle)
Non brevetabilité des produits obtenus par procédés essentiellement biologiques
1. Le dispositif introduit au Sénat
Le présent article, issu d’un amendement, dont une partie provient d’un amendement présenté par le Gouvernement et portant article additionnel, vise à compléter les dispositions du code de la propriété intellectuelle (article L. 611-19) selon lequel ne sont pas brevetables « les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux ; sont considérés comme tels les procédés qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection ».
Le Gouvernement a initialement souhaité viser également les produits qui sont issus des procédés essentiellement biologiques. Toutefois, l’amendement adopté au Sénat vise, outre les produits issus de ces procédés, les parties et les composantes génétiques des produits.
L’idée principale de cet article et de l’article 4 ter est d’interdire la brevetabilité de végétaux et d’animaux obtenus uniquement par des procédés biologiques, la brevetabilité des parties d’animaux ou de végétaux qui seraient dotées, du fait des sélections effectuées, de certaines propriétés ainsi que la brevetabilité des traits natifs, présents à l’état naturel dans certaines espèces et présentant des fonctions particulières dès lors que les animaux ou végétaux portant les gènes sont uniquement issus de procédés biologiques.
2. Les travaux de votre commission
Votre rapporteure souscrit pleinement à l’objectif général de cet article. Elle a toutefois souhaité, afin d’en assurer la sécurité juridique, que les termes employés soient bien ceux définis par la directive 98/44/CE (5) et le code de la propriété intellectuelle qui la transpose. Elle souligne également que l’insertion du mot « produits » pouvait laisser penser qu’il s’agirait des produits issus des animaux et végétaux, ce qui n’est pas le sens recherché. Par ailleurs, la notion de parties et de composantes génétiques ne renvoie pas à une définition clairement établie au niveau juridique ou scientifique.
Votre commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteure selon lequel ne sont pas brevetables les produits (c’est-à-dire les animaux et végétaux) exclusivement obtenus par des procédés essentiellement biologiques, y compris les éléments qui constituent ces produits et les informations génétiques qu’ils contiennent. Les termes « éléments » et « informations génétiques » sont déjà employés par la directive précitée (article 5 relatif au corps humain et article 9 relatif au brevet sur un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique). Ne seraient visés que les animaux et végétaux exclusivement obtenus par procédé essentiellement biologique.
Ainsi, seraient protégés les exploitants qui auraient, par leur travail de reproduction et de sélection, obtenu des végétaux ou des animaux présentant des caractéristiques identiques à celles protégées par un brevet (brevet relatif à un élément des animaux ou végétaux ou brevet relatif à une information génétique).
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La Commission examine en présentation commune l’amendement de suppression CD903 de Mme Anne-Yvonne Le Dain, l’amendement CD692 de la rapporteure ainsi que les amendements identiques CD253 de M. Martial Saddier et CD650 de M. Jean-Yves Caullet.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je propose de supprimer purement et simplement cet article ajouté par le Sénat. J’ai bien lu l’amendement proposé par Mme Geneviève Gaillard, et je comprends l’inquiétude sur l’utilisation des gènes et de leurs produits, mais les différentes rédactions proposées interdisent toute extraction naturelle ou par voie chimique ou physique de principes actifs à partir de la nature, ce qui constitue pourtant la base de toute la pharmacopée, de la cosmétique et de nombreux procédés industriels.
La rédaction actuelle de l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle est conforme au droit européen, qui s’applique à tous les pays d’Europe. Avant de le modifier, il faut être d’une prudence de chat : en adoptant la rédaction proposée, nous risquons de nous interdire toute utilisation de ce qui n’a pas été découvert. Or la nature est immensément vaste et inexplorée.
Cette angoisse risque d’aboutir à un blocage complet de l’exploration, et donc de réduire les possibilités d’exploiter la biodiversité qui existent en métropole et dans les DOM, pourtant à la base de bien de ce dont nous vivons aujourd’hui.
Mme la rapporteure. Cet article ajouté par le Sénat introduit des éléments extrêmement importants sur la brevetabilité, permettant de protéger les agriculteurs du risque que des brevets soient déposés sur les découvertes qu’ils ont réalisées. Parfois, des entreprises déposent des brevets sur des éléments issus du vivant contenant des informations génétiques, interdisant aux agriculteurs de les reproduire pour continuer leur culture.
C’est une demande de longue date des agriculteurs, qui souhaitent pouvoir cultiver des espèces qu’ils ont eux-mêmes découvertes par leur travail. Nous vous proposons donc une réécriture de l’article 4 bis afin d’en préciser les termes conformément au droit existant.
Nous devrions trouver un consensus sur ce point et améliorer la rédaction du Sénat, car cette disposition est tout à fait pertinente en ce qu’elle permettra aux agriculteurs et aux éleveurs de continuer à travailler avec des espèces qu’ils ont eux-mêmes obtenues par mutagenèse spontanée. Je vous propose donc de repousser l’amendement de suppression de Mme Le Dain et d’adopter l’amendement CD692 que je vous soumets.
M. Martial Saddier. Mon amendement CD253 est dans le même esprit.
M. Jean-Yves Caullet. Mon amendement CD650 est identique à celui de M. Martial Saddier : il tend à préciser la disposition introduite à juste titre par le Sénat, de telle sorte que l’on ne puisse pas interdire à un agriculteur, par un brevet qu’il ne peut pas déposer lui-même, d’utiliser le résultat de son travail.
Mme la secrétaire d’État. Je me rends complètement aux arguments de notre rapporteure, qui a été assez claire. Je suggère donc à Mme Le Dain et à MM. Saddier et Caullet de retirer leurs amendements au profit de celui de la rapporteure.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je ne partage pas les analyses qui viennent d’être développées. Je vais travailler mon amendement en vue de la séance publique.
Il est une chose dont personne n’a parlé : le catalogue officiel français des espèces et variétés, institution française extrêmement puissante qui s’impose progressivement dans le reste du monde et qui permet de qualifier les semences, tout en offrant de grandes libertés d’interprétation. L’année dernière, le Gouvernement a ouvert le catalogue aux semences paysannes ; autrement dit, il y a eu des évolutions importantes. Or nous risquons d’aboutir ni plus ni moins à la suppression du catalogue, et donc des autorisations de cultures. Cela risque d’inhiber fortement l’agriculture française.
Je retire pour l’instant mon amendement, mais j’y reviendrai en séance.
Les amendements CD903, CD253 et CD650 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CD692.
En conséquence, l’article 4 bis est ainsi rédigé et les amendements CD121, CD528 et CD931 tombent.
Mme la rapporteure. Au nom des agriculteurs, je tiens à vous remercier car nous réalisons une grande avancée pour les protéger. Cette mesure était très attendue, notre commission peut être fière d’avoir voté cet amendement.
Article 4 ter
(articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle)
Limitation de la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique
1. Le dispositif introduit au Sénat
Le présent article additionnel, issu d’un amendement adopté en séance au Sénat, vise à préciser que « la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées ne s’étend pas aux matières biologiques dotées ou pouvant être dotées desdites propriétés déterminées, par procédé essentiellement biologique, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication ».
En application de l’article L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle « la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées s’étend à toute matière biologique obtenue à partir de cette matière biologique par reproduction ou multiplication et dotée de ces mêmes propriétés.
La protection conférée par un brevet relatif à un procédé permettant de produire une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées s’étend à la matière biologique directement obtenue par ce procédé et à toute autre matière biologique obtenue, à partir de cette dernière, par reproduction ou multiplication et dotée de ces mêmes propriétés. »
2. Les travaux de votre commission
Votre rapporteure a proposé d’instituer, dès l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle, la non brevetabilité des éléments et des informations génétiques qui auraient été obtenus par procédés biologiques. Elle a également estimé nécessaire de préciser cette disposition, à la fois au sein de l’article L. 613-2-2 du code (brevet portant sur un produit contenant ou consistant en une information génétique) et au sein de l’article L. 613-2-3 (brevet sur les matières biologiques dotées de certaines propriétés du fait d’une invention). Le Sénat n’a pas adopté de modification de l’article L. 613-2-2 relatif à la protection conférée par un brevet portant sur un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique.
Comme pour l’article 3 ter, votre rapporteure a souhaité rester au plus près des définitions figurant déjà dans le code de la propriété intellectuelle.
Ainsi :
– la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique ne s’étend pas aux matières exclusivement obtenues par des procédés essentiellement biologiques, dans lesquelles l’information génétique est contenue et exerce la fonction indiquée et
– la protection conférée par un brevet sur les matières biologiques dotées de certaines propriétés ne s’étend pas aux matières biologiques exclusivement obtenues par des procédés essentiellement biologiques.
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La Commission examine l’amendement CD693 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 4 ter introduit par le Sénat et qui modifie les articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle, afin de protéger les personnes qui ont obtenu, par leur propre sélection, des espèces aux mêmes propriétés que celles protégées par un brevet.
La modification de l’article L. 613-2-2 permet de restreindre la portée des protections accordées par un brevet portant sur un produit contenant une information génétique. Une matière obtenue par procédé biologique qui contient les mêmes informations génétiques ne sera pas soumise au brevet. Les termes employés sont repris du droit européen applicable et de sa transposition en droit français.
Le même raisonnement est appliqué aux brevets protégeant une matière biologique dotée de certaines propriétés du fait d’une intervention. La protection ne s’étend pas aux matières obtenues par des procédés biologiques.
Cet amendement amplifie la portée de ceux que nous avons déjà votés, et permettra de protéger les agriculteurs qui ont, dans le cadre de leur activité, obtenu des produits aux qualités identiques à des produits protégés par un brevet. Ils n’auront pas à payer un brevet ou à acheter les droits pour les utiliser.
Mme la secrétaire d’État. Je partage l’objectif de limitation du champ de brevetabilité du vivant, mais je trouve que les amendements identiques CD122 et CD529 ont une rédaction plus précise, ils ont donc ma préférence.
M. Guy Bailliart. L’amendement mentionne des procédés « essentiellement biologiques » ; je voudrais savoir quel est le sens donné en droit à cette expression.
M. Jean-Marie Sermier. J’aimerais savoir si l’amendement proposé s’applique également aux ferments, ces micro-organismes utilisés notamment dans la production fromagère. Un certain nombre de fromagers ont isolé et élevé ces ferments depuis plusieurs décennies, il ne faudrait pas qu’ils soient ensuite contraints de déposer un brevet. Il serait donc positif pour eux que cet amendement couvre ce cas de figure.
Mme la rapporteure. Cet amendement concerne exactement ce type de situations.
En réponse à M. Guy Bailliart, le code de la propriété intellectuelle n’emploie pas les termes : « de manière naturelle ». L’expression reconnue est celle de procédés biologiques. C’est donc pour rester cohérents avec la terminologie du code de la propriété intellectuelle que nous utilisons cette expression. Nous y avons veillé pour être sûrs d’être « dans les clous », car c’est un sujet difficile : si nous utilisons des termes qui ne sont pas reconnus, nous risquons d’obtenir l’effet contraire à celui qui était recherché.
Je maintiens donc ma préférence à l’amendement que j’ai présenté plutôt qu’aux amendements suivants.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Si cet amendement était voté, l’amendement CD904 que je dois présenter ensuite tomberait. Je souhaite pouvoir le défendre.
De nouveau, nous allons vers une spécification compliquée. J’aurais souhaité que la protection conférée par un brevet ne s’applique pas aux autres matières biologiques qui acquerraient ces propriétés par d’autres voies, ni à leurs descendances ou aux produits qui en sont issus par reproduction ou multiplication.
Ce n’est pas qu’une question de brevet. Nous constatons une tendance en France à ne délivrer que des licences d’exploitation, au cas par cas, ce qui limite profondément l’utilisation des avancées scientifiques dans ces domaines.
Je suis inquiète des bouleversements que nous sommes en train d’introduire, et je compte donc retravailler cet amendement en vue de la séance publique.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 4 ter est ainsi rédigé et les amendements CD904, CD122, CD529 et CD933 tombent.
Article 4 quater
(article L. 623-2 du code de la propriété intellectuelle)
Condition complémentaire à la définition de l’obtention végétale, relative au caractère reproductible de la semence
(supprimé)
Le présent article est issu d’un amendement adopté au Sénat visant à fixer un nouveau critère pour le certificat d’obtention végétale (COV) tenant au caractère reproductible de la semence en milieu naturel de la variété nouvelle créée.
Votre rapporteure souligne que les semences strictement non reproductibles, que sont les semences dites « terminator », ne sont pas autorisées et que, si l’objectif était d’interdire les semences dites hybrides, alors il convient de rappeler que ces dernières ne sont pas reproductibles à l’identique mais peuvent tout de même être reproduites de façon non homogène et en perdant leurs qualités. Il convient également de rappeler que ces semences sont à l’origine de l’immense majorité de notre production.
Enfin, ajouter une condition complémentaire à la définition de l’obtention végétale pose problème au regard de nos engagements au titre de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales.
Votre commission a supprimé cet article, quatre amendements de suppression ayant été déposés, dont l’un l’a été par votre rapporteure.
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La Commission examine les amendements de suppression CD255 de M. Martial Saddier, CD651 de M. Jean-Yves Caullet, CD694 de Mme Geneviève Gaillard et CD924 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Martial Saddier. Tel qu’il est rédigé, l’article 4 quater semble aller à l’encontre des normes actuellement en vigueur, qui satisfont tout le monde et ont été établies en conformité avec les règles de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, dont la France est un membre fondateur. Mon amendement CD255 a donc pour objet de le supprimer.
M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit d’un problème qui tient notamment aux semences dites « hybrides F1 », reproductibles en milieu naturel mais qui tomberaient sous le coup de cet article s’il était maintenu.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis ravie de constater que tout le monde envisage la suppression de cet article, qui risque de mettre en péril une grande partie de l’agriculture française, notamment les cultures de colza, de tournesol et éventuellement de maïs. Il faut être d’une prudence de chat dans ce domaine, d’autant que les semences dont nous discutons ont une capacité à se reproduire en milieu naturel extrêmement faible, voire nulle.
Mme la rapporteure. Je suis entièrement d’accord avec les orateurs précédents, puisque je propose également de supprimer cet article, qui me semble rater sa cible. Il peut viser non seulement les semences dites « terminator » – mais cela n’a pas de sens – et ensuite les hybrides, qui sont reproductibles. Si cet article était adopté, 90 % de la production française serait mise à mal. Je crois donc que nous avons intérêt à supprimer cet article qui n’est pas de nature à améliorer les choses.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression.
La Commission adopte ces amendements.
En conséquence, l’article 4 quater est supprimé.
Article 4 quinquies
(article L. 315-5 du code rural et de la pêche maritime)
Extension des possibilités d’entraide entre les agriculteurs
(supprimé)
Le présent article additionnel, introduit par un amendement en séance publique au Sénat, élargit le périmètre pour le droit d’échange de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale, et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication. Le droit actuel dispose que ce droit d’entraide n’est ouvert qu’aux membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE). La condition tenant à l’appartenance à un GIEE a été supprimée.
Votre commission a supprimé cet article, contre l’avis de votre rapporteure.
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La Commission examine les amendements de suppression CD256 de M. Martial Saddier, CD652 de M. Jean-Yves Caullet et CD928 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Martial Saddier. La loi d’avenir pour l’agriculture a autorisé l’échange de produits au sein des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Il semble que cet article élargisse considérablement le périmètre de l’échange dit « entre voisins », au point de le faire exploser. Je souhaite revenir à l’esprit de la loi d’avenir pour l’agriculture ; c’est pourquoi je propose la suppression de cet article.
M. Jean-Yves Caullet. Mes arguments sont les mêmes. Il est pertinent, dans le cadre d’un groupement qui se reconnaît un intérêt mutuel et qui fonctionne sur une relation de confiance, de permettre ces échanges pour que tout ne soit pas du domaine marchand. Mais sortir de ce cadre ferait courir un risque sur la sincérité des échanges.
Je pense donc qu’il convient de s’en tenir au champ de l’échange « entre voisins » dans le cadre des GIEE.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas favorable à ces amendements de suppression. Hormis pour les semenciers qui les ont soutenus, je ne vois pas quel problème il y aurait à autoriser les agriculteurs à se transmettre des semences en dehors des GIEE. Je pense que vous voulez trop restreindre le champ de l’échange.
Au contraire, il faut permettre aux agriculteurs d’échanger des semences. Il est vrai que cela échappe pour partie aux semenciers, mais rassurez-vous : ceux-ci feront quand même des affaires ! (Murmures) Et les agriculteurs ne se porteront que mieux s’ils peuvent échanger un certain nombre de semences, même en dehors des groupements.
Je préfère donc laisser en l’état cette rédaction introduite, rappelons-le, par le Sénat et je suis défavorable à ces amendements.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je maintiens mon amendement de suppression. Nous allons mettre en péril le certificat d’obtention végétale (COV) qui représente un acquis immense et ancien pour notre pays. La filière semencière est exportatrice nette et représente l’un des secteurs économiques les plus puissants ; ses acteurs paient des impôts et attirent des capitaux pour notre pays. Le COV est un outil formidable pour lutter contre la brevetabilité du vivant, puisqu’il qualifie une réalité concrète et non un potentiel.
Le catalogue, instrument puissant mais trop longtemps verrouillé à cause d’une complicité entre le ministère de l’agriculture et le monde des semenciers, s’est développé grâce à des dispositifs scientifiques et juridiques. Je suis très circonspecte à la lecture de cet article rédigé par le Sénat, car la loi doit permettre de valoriser l’expertise et la puissance économique françaises : dans le domaine des semences, nous sommes non seulement vaillants, mais puissants et reconnus dans le monde entier. Les agriculteurs n’utilisent pas des semences génériques, mais systématiquement des variétés adaptées au milieu, à la culture et aux habitudes alimentaires. Le système actuel fonctionne parfaitement ; autoriser une ouverture totale des échanges en dehors d’un cercle restreint de proximité – qui bénéficie du reste d’une grande tolérance de la part de l’administration : on peut s’envoyer des semences par colis postal à cinq cents kilomètres… – mettrait en péril une filière majeure de l’économie française.
M. Gérard Menuel. Madame la rapporteure, les mesures législatives adoptées depuis vingt-cinq ans étaient nécessaires et la loi relative à l’avenir de l’agriculture, vieille de seulement quelques mois, était parvenue à un équilibre en matière d’échange de produits. Pourquoi revenir sur ce texte aujourd’hui ?
M. Jean-Marie Sermier. Les semences échangées entre voisins ne font l’objet d’aucun contrôle sanitaire ou génétique ; ainsi, il est parfaitement possible d’échanger des semences contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM). Maintenons l’échange entre voisins, mais restons très vigilants sur le reste.
M. Jean-Yves Caullet. Il ne s’agit pas de protéger les semenciers, mais la qualité et la sincérité de l’échange ; or celle-ci suppose une relation de confiance entre les deux parties de l’échange. Si la confiance se distend, les risques de dérives dans la production augmentent. Il convient donc de maintenir la proximité entre les acteurs ou tout du moins un accord fondamental sur les objectifs, ce que traduit bien le groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Sans cela, ce type d’échanges et de semences en pâtira et pourrait être interdit à la suite de scandales ou d’escroqueries. Le mieux est l’ennemi du bien : tenons-nous en au système actuel, qui a fait la preuve de sa vertu.
M. Martial Saddier. Madame la rapporteure, vous avez salué hier M. Lionel Tardy qui s’attachait à ce que l’on n’écrive pas dans la loi le contraire de ce que l’on avait adopté six mois auparavant. Les Français ne supportent plus de voir qu’un dispositif n’a pas fini d’être mis en route qu’il est modifié par une nouvelle loi. Le ministre actuel de l’agriculture a porté une loi, datant du 13 octobre 2014, qui a donné lieu à de nombreux débats sur la notion d’échange. Celle-ci a été grandement élargie au sein des GIEE, et nous évaluerons cette évolution dans quelques années. N’allons pas bouleverser dès maintenant un dispositif qui vient tout juste d’être déployé !
Enfin, madame la rapporteure, je connais votre engagement, mais comprenez qu’il est assez désagréable d’entendre que chacun de nos amendements a été préparé par un lobby. (Murmures divers) Les députés sont capables d’avoir des idées personnelles et de conduire leur propre expertise.
M. Jean-Pierre Vigier. Comment sont effectués les contrôles des échanges ? Quelle est la place de la recherche dans ce contexte ?
M. Bertrand Pancher. La brevetabilité de la nature est un débat très intéressant qui renvoie à la nécessité de concilier le refus de laisser le monde uniquement dans les mains des intérêts économiques avec le développement de la recherche. Le texte initial était équilibré ; prenons garde à ne pas adopter de position jusqu’au-boutiste qui paralyserait toute perspective de développement.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. M. Jean-Yves Caullet a raison : à laisser tout un chacun faire ce qu’il veut chez lui et échanger librement avec ses voisins et ses amis plus lointains, nous nous exposons à un risque tout simple, et inévitable : celui d’une dérive génétique. Voilà pourquoi le contrôle et la certification importent tant : c’est tout le principe de l’agronomie et la sélection variétale, depuis l’aube de l’humanité.
Mme la rapporteure. De quoi parlons-nous ? Je vous relis les termes de l’article L. 315-5 du code rural : « Les actions menées dans le cadre de leur projet pluriannuel par les agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental au bénéfice d’autres agriculteurs membres sont présumées relever de l’entraide au sens de l’article L.325-1. Il en est de même sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable des échanges entre agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés ».
On restreint considérablement le champ, puisque l’on en exclut les produits destinés à l’alimentation et les COV. Vos arguments n’ont pas de raison d’être, puisque nous parlons ici de variétés qui ne sont pas protégées. Cet article ne présente aucun danger et je ne comprends pas les amendements proposant sa suppression. Les dérives que vous dénoncez peuvent tout aussi bien se produire dans le cadre d’un GIEE. Les agriculteurs sont tout de même des gens responsables…
Mme Catherine Quéré. Pas tous !
Mme la rapporteure. Je maintiens : des gens responsables, qui savent ce qu’ils veulent et ce qu’ils font, et j’ai confiance en eux. Arrêtons de répandre des choses inexactes, sinon des mensonges : nous parlons de variétés non protégées.
Mme la secrétaire d’État. L’article 4 quinquies vise effectivement à garantir le droit d’échange des semences qui n’appartiennent pas à une variété protégée par un COV et qui sont produites sur une exploitation n’ayant pas signé de contrat de multiplication. Le projet de loi souhaite étendre ce droit d’échange à tous les agriculteurs, y compris à ceux qui ne sont pas regroupés dans un GIEE, au demeurant peu nombreux. Cette disposition constitue une avancée, notamment pour des variétés anciennes, typiques ou locales. Le Gouvernement s’oppose donc à ces amendements de suppression.
M. Jean-Yves Caullet. L’argumentation de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État confirme mes propos : nos amendements ne représentent pas une garantie pour les obtenteurs officiels et ne sont pas destinés à protéger les semenciers puisque les champs des dispositifs diffèrent.
Les GIEE ont été créés pour favoriser le développement d’une agriculture plus collaborative, et tout ce qui contribuera à l’augmentation de leur nombre s’avérera vertueux. Le problème tient au fait que, dans la mesure où nous sommes hors du champ des COV, il n’existe aucune garantie de la sincérité de l’échange ; nous ne devons pas accepter une évolution qui semble opportune, mais qui, au premier incident sanitaire, viendra miner toute idée d’échange de semences paysannes et ira à l’encontre de notre objectif. Il ne s’agit pas de protéger les semenciers, mais bien les échanges paysans. (Approbations diverses)
M. Philippe Plisson. Dans le contexte de crise agricole, deux agricultures s’affrontent : l’agriculture industrielle et intensive et l’agriculture paysanne. L’échange de grains fait partie de l’agriculture de proximité. Je suis donc favorable à ces amendements.
M. le président. Nous en venons au vote.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence l’article 4 quinquies est supprimé.
TITRE II
GOUVERNANCE DE LA BIODIVERSITÉ
Article 5 A
(article L. 421-1 A [nouveau] du code de l’environnement)
Définition dans la loi des fonctions du CNCFS
Le présent article additionnel, introduit par amendement en séance publique au Sénat, et qui n’a pas été examiné par l’Assemblée nationale, vise à définir dans la loi le rôle du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) selon ces termes : il « exerce une fonction consultative auprès des ministres chargés respectivement de la chasse et de l’agriculture. Il se prononce sur l’ensemble des textes relatifs à l’exercice de la chasse et la gestion de la faune sauvage, et à la protection de la nature lorsqu’ils ont une incidence directe ou indirecte sur l’exercice de la chasse. »
Ses missions seraient étendues par rapport aux prérogatives actuelles, qui figurent dans la partie réglementaire du code de l’environnement. Le CNCFS est en effet défini comme un organisme consultatif, chargé de donner au ministre de la chasse son avis sur les moyens propres à préserver la faune sauvage, développer le capital cynégétique dans le respect des équilibres biologiques, et améliorer les conditions d’exercice de la chasse. Le conseil est consulté sur les projets de loi et de décret modifiant les dispositions législatives et réglementaires relatives à la chasse.
Votre rapporteure regrette la définition élargie, au niveau législatif, des missions du CNCFS et souligne que cet article ne participe pas de la logique globale du projet de loi. Elle a déposé un amendement de suppression de l’article.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
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* *
La Commission examine les amendements identiques CD482 de Mme Laurence Abeille, CD695 de la rapporteure et CD829 de M. Lionel Tardy.
Mme la rapporteure. L’article 5 A transfère les dispositions relatives au rôle du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) de la partie réglementaire à la partie législative du code de l’environnement. Il ne poursuit pas la même logique d’association du CNCFS que le reste du projet de loi puisque ce dernier prévoit que le Conseil national constitue une commission permanente sur la chasse du Conseil national de la biodiversité. Le Conseil national se prononcerait sur l’ensemble des textes relatifs à la chasse et à la protection de la nature lorsque ceux-ci ont une incidence directe ou indirecte sur l’exercice de la chasse. Ces missions apparaissent trop étendues, car sa fonction consultative s’exercerait auprès des ministres chargés de la chasse et de l’agriculture, alors que l’article 7 ter du projet de loi place l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) sous la tutelle des ministres chargés de l’écologie et de l’agriculture. Cet article est inutile, ses dispositions étant de nature réglementaire. C’est pourquoi je propose de le supprimer.
Mme Laurence Abeille. Il ne semble effectivement pas opportun d’intégrer dans la loi la disposition réglementaire prévoyant la consultation obligatoire du CNCFS, afin de garantir la simplification et la qualité de la législation. D’où mon amendement de suppression CD482.
M. Lionel Tardy. Le CNCFS conduit une activité réelle, attestée par le « jaune » pour 2016 ; il se réunit régulièrement et son coût de fonctionnement s’avère limité. Son maintien se justifie, mais les dispositions régissant un tel comité sont toujours d’ordre réglementaire, comme le dispose le décret de juin 2006 relatif au fonctionnement des commissions administratives. Il n’y a aucune raison d’inscrire dans la loi l’existence du CNCFS, pas plus que celle de l’ensemble des autres comités. Je propose également de supprimer cet article.
M. Philippe Plisson. Soit le CNCFS a un rôle reconnu, soit il ne sert à rien. La consultation du CNCFS comme celle du Conseil national de la biodiversité est nécessaire, ces deux instances accueillant des scientifiques reconnus ; je soutiens donc le maintien de cet article rédigé par le Sénat.
M. Martial Saddier. J’approuve les propos de mon collègue Philippe Plisson. Madame la rapporteure, nous avons réaffirmé hier, jusque tard dans la nuit, la nécessité de mentionner les pollutions diurnes et nocturnes dans la loi ; vous avez tranché. De même, vous avez insisté pour que les associations environnementales agréées soient associées. Et maintenant, vous refusez cette reconnaissance aux associations de pêcheurs et de chasseurs ! La loi doit explicitement définir le rôle des millions de chasseurs et de pêcheurs à qui on reconnaît la fonction de protection de l’environnement.
Madame le secrétaire d’État, monsieur le président, quelle est la cohérence entre ces amendements de suppression et le CD1042 déposé par le Gouvernement expliquant dans son exposé sommaire qu’« il est nécessaire de préciser dans la loi quels sont les textes devant faire l’objet d’une consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage » ? Cela prouve en tout cas que certains interlocuteurs sont incontournables ; le monde de la chasse et de la pêche entre dans cette catégorie et doit donc trouver sa place dans la loi.
M. Bertrand Pancher. Ce projet de loi se débat dans de nombreuses contradictions. Il instaure une agence de la biodiversité à côté du CNCFS ; il aurait été complexe de regrouper ces deux instances, mais on aurait dû prévoir un rôle accru pour le CNCFS, ne serait-ce que pour la police de la chasse – ce n’est pas rien. Nos amis chasseurs souhaitent être davantage associés à la mise en œuvre de la réglementation dans le domaine de la biodiversité et soutiennent le maintien de cet article. Il ne me paraît pas illogique d’accepter leur demande.
Mme Viviane Le Dissez. Le CNFS est déjà présent au sein du Conseil national de la biodiversité à travers une commission permanente : il n’y a donc aucune raison de détailler son rôle comme le propose l’article 5 A, alors que c’est plutôt de nature réglementaire. Je soutiens donc la suppression de cet article.
M. Jean-Marie Sermier. Certains symboles méritent d’être défendues, et le rôle des chasseurs reconnus dans la préservation de la biodiversité : ils ont besoin d’être rassurés, notamment pour tout ce qui touche à la formation des jeunes à la biodiversité.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
Mme la rapporteure. Vous semblez sous-entendre que nous ne souhaitons pas donner de rôle au CNCFS, ce qui est faux. Il sera consulté et fera partie du Conseil national de la biodiversité. Quel est l’intérêt de l’insérer à cet endroit de la loi, comme un OVNI qui superviserait toute action en matière de biodiversité ?
Lors de l’examen du texte en première lecture, nous avons tous reconnu l’importance du rôle des chasseurs en matière de biodiversité. Ils ne souhaitent pas entrer dans l’Agence française pour la biodiversité, mais ils veulent bénéficier d’une place prééminente. Je ne m’explique pas cette contradiction. Le règlement prévoit que les associations de chasseurs et le CNCFS sont agréés en tant qu’associations de protection de l’environnement, soyons raisonnables : il n’y a pas besoin d’inscrire de telles dispositions dans la loi.
M. Lionel Tardy. Dès que l’on peut éviter d’inscrire l’existence et le rôle d’un comité dans la loi, il faut le faire. Cela vaut pour le CNCFS, qui a une activité très fournie, mais qui n’entre pas dans le domaine de la loi.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis en plein accord avec les propos de Mme la rapporteure et de M. Lionel Tardy. Nous sommes en train de faire une loi bavarde ; cette disposition n’a rien à faire dans ce texte, d’autant qu’il ne traite pas de la chasse mais de la biodiversité. Il ne s’agit pas d’une loi relative à la chasse ! M. Jérôme Bignon a déposé une proposition qui est devenue loi le 7 mars 2012 avec le soutien du groupe socialiste alors dans l’opposition ; il s’agit de la dernière loi portant sur la chasse.
Le nombre de chasseurs s’élève à 1,2 million et diminue tous les ans. Croyez-vous que l’insertion d’une telle disposition dans la loi permettra d’endiguer cette baisse ? Bien sûr que non ! Il convient de s’interroger sur cet effritement régulier, qui est appelé à continuer. Les chasseurs seront bientôt moins d’un million en France. C’est un réel problème, mais qui se pose au monde rural et à celui de la chasse.
La Commission rejette les amendements.
L’amendement CD1042 du Gouvernement est retiré.
La Commission adopte l’article 5A sans modification.
Article 5
(articles L. 134-1 et L. 134-2 [nouveaux] du code de l’environnement)
Instances de gouvernance de la biodiversité
Le présent article définit le comité national de la biodiversité (CNB) ainsi que le conseil national de la protection de la nature (CNPN).
1. Le projet d’article à l’issue des travaux du Sénat en première lecture
En commission, les sénateurs ont adopté :
– un amendement présenté par le rapporteur tendant à fixer la composition du CNB dans la loi et à élargir son rôle : ainsi, il serait obligatoirement saisi par le Gouvernement sur tout projet de texte relatif à la biodiversité et il donnerait son avis sur les orientations stratégiques de l’Agence française pour la biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur renvoyant à un décret la définition des conditions dans lesquelles la composition du CNPN concourt à (et non assure) une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. La précision selon laquelle le décret porte sur la répartition des désignations prévues par l’article par sexe est supprimée.
En séance, le Sénat a adopté :
– trois amendements identiques tendant à souligner que les compétences du CNB s’appliquent sans préjudice de celles de l’ONCFS nouvellement définies, à l’article 5 A du projet de loi ;
– un amendement selon lequel le CNB peut être saisi pour avis par la commission concernée de l’Assemblée nationale ou du Sénat de toute proposition de loi déposée sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées parlementaires, avant l’examen du texte en commission, concernant, à titre principal, la biodiversité ;
– un amendement de cohérence présenté par le Gouvernement ;
– deux amendements identiques selon lesquels le décret relatif au conseil national de la protection de la nature assure aux sciences du vivant et aux sciences humaines une représentation équilibrée. Il fixe également les règles de transparence applicables aux experts du CNPN.
2. Les travaux de votre commission
Votre commission a adopté trois amendements présentés par votre rapporteure :
– le premier tendant à revenir à la définition des compétences du CNB adoptées par l’Assemblée nationale, tout en maintenant l’avis sur les orientations stratégiques de l’AFB et la composition issue des travaux du Sénat. Votre rapporteure a toutefois précisé que les représentants des propriétaires fonciers, et non des propriétaires, font partie du CNB ;
– le deuxième selon lequel la composition du CNB doit assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes ainsi qu’une représentation de chaque département et collectivité d’outre-mer, en tenant compte de la richesse de leur biodiversité ;
– le troisième selon lequel la composition du CNPN concourt à une représentation équilibrée des femmes et des hommes, d’une part, ainsi que des sciences du vivant et des sciences humaines, d’autre part.
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La Commission est saisie de l’amendement CD830 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je m’étais étonné, lors de l’examen du texte en première lecture, de la création du Comité national de la biodiversité et du Conseil national de la protection de la nature. Mme Ségolène Royal m’avait expliqué que ces deux comités remplaçaient plusieurs structures. Je salue cet effort de rationalisation, mais, là encore, je maintiens que les dispositions prévoyant l’existence, les missions et la composition de ces comités relèvent du domaine réglementaire.
Mme la rapporteure. Monsieur Lionel Tardy, je comprends votre logique, mais le Comité national de la biodiversité n’existe pas encore : il est nécessaire que la loi qui le crée définisse son rôle. Je ne suis donc pas favorable à l’adoption de votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Le titre II du projet de loi, dont relève l’article 5, traduit la feuille de route adoptée par le Gouvernement lors de la conférence environnementale de 2012, qui se fixait comme objectif de mettre en œuvre une nouvelle gouvernance de la biodiversité. Cette réforme vise à simplifier les instances administratives nationales pour les rendre plus lisibles et plus efficientes, en distinguant les structures d’expertise scientifique et technique des lieux de débat et de discussion. La création du chapitre IV portant sur les institutions relatives à la biodiversité constitue une innovation majeure et nécessaire, incarnée par l’instauration de deux grandes institutions chargées des questions liées à la biodiversité. Le Comité national de la biodiversité intégrera plus d’une dizaine de comités existants, dont le comité national trames verte et bleue actuellement régi par l’article L. 371-2 du code de l’environnement ; pour ce comité en particulier, une reprise simplement réglementaire ne serait pas acceptable juridiquement. La loi a institué le Conseil national de protection de la nature en 1946, même si les dispositions qui l’ont fait évoluer figurent dans le code de l’environnement.
En outre, le code des relations entre le public et l’administration prévoit en outre que les commissions administratives consultatives non prévues par la loi sont créées pour une durée limitée, mais renouvelable. C’est donc à la loi de prévoir la naissance du Comité national de la biodiversité. C’est la raison pour laquelle, monsieur Tardy, je vous demande de retirer votre amendement.
M. Lionel Tardy. Je le maintiens.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CD696 rectifié de la rapporteure, CD385 et CD386 de Mme Chantal Berthelot.
Mme la rapporteure. Le projet de loi modifie plusieurs aspects de la gouvernance de la biodiversité. Cet amendement propose de corriger certaines locutions employées dans les alinéas 5 à 8 de l’article 5.
La saisine pour avis du Comité national de la biodiversité par les commissions du développement durable de l’Assemblée et du Sénat sur tout projet de texte législatif ou réglementaire relatif à la biodiversité n’apparaît pas indispensable, contrairement à ce que souhaite le Sénat. Cette consultation doit être une faculté et non une obligation.
Il importe, en revanche, de prévoir que le Comité donne son avis sur les orientations stratégiques de l’Agence française pour la biodiversité. Il doit exister un lien entre ces deux instances.
Enfin, nous ne modifions pas la composition du Comité national de la biodiversité.
Mme la secrétaire d’État. J’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement.
Mme Chantal Berthelot. Si l’on rétablit la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, la Commission peut adopter mon amendement CD385 qui s’inscrit dans sa logique en prévoyant que la composition du Comité national de la biodiversité prend en compte la richesse de la biodiversité du patrimoine naturel des collectivités d’outre-mer.
Mme la rapporteure. Madame Berthelot, votre proposition devrait amender un autre alinéa de cet article.
Mme Chantal Berthelot. Dans la version adoptée par l’Assemblée, cet amendement trouve bien sa place dans l’alinéa 8 de l’article 5.
Mme la rapporteure. J’ai déposé un amendement CD697, qui dispose que la composition du Comité national de la biodiversité assure la représentation de chaque département d’outre-mer en tenant compte notamment de la richesse de leur biodiversité. L’objet de nos amendements est identique, mais on ne place pas cette disposition au même alinéa de l’article.
Mme Chantal Berthelot. Je retire mes amendements.
M. Bertrand Pancher. Madame la rapporteure, je regrette que M. Jacques Krabal ne soit pas là pour défendre son amendement car je le trouve astucieux. Il suggérait de rétablir la possibilité pour les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat de saisir pour avis le Comité national de la biodiversité. Cela aurait permis de renforcer le rôle du Parlement et de notre Commission, notamment dans leur fonction d’initiative et d’évaluation législatives. Madame la rapporteure, pourquoi n’avez-vous pas retenu cette proposition ?
Mme la rapporteure. Je ne l’ai pas retenue, car nous ne rencontrons jamais de difficulté pour auditionner une personne de notre choix : il suffit de le demander aux intéressés. Cette mesure me semble donc inutile.
M. Bertrand Pancher. Nos invitations reçoivent toujours en effet des réponses positives, mais entre venir répondre à des questions et venir travailler sur un sujet, il y a une marge… Dans les pays voisins, les organismes d’expertise travaillent pour les parlements, ce qui n’est pas le cas en France. Cet amendement renforcerait les moyens d’investigation de notre Commission, même si le Comité national de la biodiversité ne dispose peut-être pas des moyens pour accomplir cette mission.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’adoption de l’amendement déposé par MM. Jacques Krabal et Olivier Falorni ne compenserait malheureusement pas l’absence de pouvoirs de l’Assemblée nationale… Nous ne pouvons que le regretter.
Les amendements CD385 et CD386 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CD696 rectifié.
Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements CD697 de la rapporteure et CD625 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Viviane Le Dissez. Nous souhaitons que la composition du Comité national de la biodiversité respecte le principe de la parité, comme toutes les organisations.
Mme la rapporteure. Mon amendement CD697 vise à rétablir les règles relatives à la parité et à la représentation de chaque département d’outre-mer.
Mme Chantal Berthelot. Madame la rapporteure, il faudrait, dans votre amendement, ajouter le terme « collectivité » après celui de « département » et avant « outre-mer », afin d’assurer la représentation de chaque territoire.
Mme la rapporteure. Je me propose de rectifier mon amendement en ce sens.
Mme Viviane Le Dissez. Je retire mon amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
L’amendement CD625 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CD697 tel qu’il vient d’être rectifié.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD698 rectifié de la rapporteure et CD626 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Viviane Le Dissez. Mon amendement CD626 vise à assurer la parité entre les femmes et les hommes au Conseil national de protection de la nature.
Mme la rapporteure. Mon amendement CD698 rectifié propose de renforcer les obligations en matière de représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein du Conseil national de protection de la nature et de procéder à des modifications rédactionnelles.
Mme la secrétaire d’État. On ne peut pas renforcer l’obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein du Conseil national de protection de la nature dans la mesure où il s’agit d’une instance d’expertise. La création d’une telle structure constitue l’une des rares exceptions à l’obligation d’un strict respect de la parité. Madame la rapporteure, si vous acceptez de ne pas remplacer le terme « concourt » par le mot « assure », je soutiendrais l’adoption de votre amendement.
Mme la rapporteure. J’accepte votre requête, madame la secrétaire d’État, et je me propose de supprimer le troisième alinéa de mon amendement.
Mme Florence Delaunay. Je maintins qu’il est dommage que la parité ne s’applique pas obligatoirement aux structures d’expertise. Cela me paraît quelque peu méprisant…
Mme Viviane Le Dissez. Je retire mon amendement.
L’amendement CD626 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CD698 2e rectification.
Puis elle adopte l’article 5 ainsi modifié.
Article 6
(articles L. 371-2 et L. 134-1 [nouveau] du code de l’environnement)
Intégration des missions du comité national « trames verte et bleue »
Le présent article vise à intégrer les missions du comité national « trames verte et bleue » dans le comité national de la biodiversité.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
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La Commission adopte l’article 6 sans modification.
Article 7
(articles L. 213-13, L. 213-13-1, L. 213-14, L. 213-14-1, L. 213-14-2, L. 371-3 et L. 515-3 du code de l’environnement, article 10 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République)
Substitution des comités régionaux de la biodiversité aux comités régionaux « trames verte et bleue »
Le présent article vise à substituer aux « comités régionaux trames verte et bleue » les comités régionaux de la biodiversité. La dénomination ainsi que la composition et les missions des organismes sont adaptées.
1. Le projet d’article à l’issue des travaux du Sénat en première lecture
En commission, les sénateurs ont adopté :
– deux amendements identiques visant à préciser que le comité est associé à l’élaboration de la stratégie régionale pour la biodiversité ;
– un amendement tendant à préciser que le comité représente les parties prenantes avec une représentation équilibrée par collège ;
– un amendement présenté par le rapporteur visant à renommer les comités de bassin dans les départements d’outre-mer « comités de l’eau et de la biodiversité » ;
– un amendement présenté par le rapporteur, visant à prévoir que les comités régionaux de la biodiversité émettent un avis sur les orientations des délégations territoriales de l’Agence française pour la biodiversité.
En séance, le Sénat a adopté :
– deux amendements identiques tendant à prévoir la consultation du comité régional de la biodiversité préalablement à l’élaboration du schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ;
– deux amendements de coordination présentés par le rapporteur.
2. Les travaux de votre commission
Votre commission a adopté :
– un amendement rédactionnel présenté par votre rapporteure ;
– un amendement présenté par votre rapporteure visant à ce que le schéma régional des carrières prenne en compte le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD699 de la rapporteure.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CD700 de la rapporteure.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’amendement vise à supprimer la notion de représentation équilibrée par collège au sein des comités régionaux de la biodiversité dans la mesure où leur composition et leur fonctionnement sont fixés par décret. La loi définit les principaux représentants des acteurs qui font partie du comité.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Cette disposition a été introduite par le Sénat. Il s’agit d’un principe fondamental des comités régionaux comme nationaux, qui mérite d’être inscrit dans la loi et explicité dans le décret. Aussi, je demande le retrait de cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD701 rectifié de la rapporteure et CD758 de M. Jacques Krabal.
Mme la rapporteure. L’amendement CD701 rectifié vise à modifier la disposition selon laquelle le comité régional de la biodiversité donne son avis sur les orientations stratégiques prises par les organismes de collaboration pérenne, tels qu’ils seraient désormais dénommés, institués entre l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et les régions. Ces organismes de collaboration pérenne ne sont pas des antennes de l’AFB. Nous leur laissons la liberté de définir leurs orientations stratégiques.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD758 est défendu.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement de Mme la rapporteure, qui propose des ajustements rédactionnels.
Je suis favorable sur le fond à l’amendement CD758 puisqu’il vise à améliorer la cohérence avec une modification intervenue à l’article 9. En revanche, la suppression de la dernière phrase de l’alinéa 7 priverait les outre-mer d’un principe très important. Aussi, je demande le retrait de cet amendement.
M. Serge Letchimy. En première lecture, c’est le principe de délégation qui a été retenu, à la suite d’un séminaire sur les possibilités de décentralisation des politiques de l’Agence, dont le rapport a été remis à Mme la ministre Ségolène Royal. Aujourd’hui, on entérine le principe d’un organisme de collaboration pérenne – expression que je n’avais jamais vue dans le droit français –, c’est-à-dire d’une structure autonome par rapport à l’agence de base, dont les relations contractuelles ne sont pas celles d’une délégation.
On remet ici en cause la structuration même du financement de ces délégations ou organismes puisque les remontées des ressources et des bénéfices du mécanisme d’accès et de partage des avantages (APA) vont à l’Agence et non pas à la délégation. Il y a donc là deux philosophies très différentes qui bouleversent le principe fondateur que nous avions retenu. Alors que 80 % de la biodiversité française se trouve outre-mer, il importe d’accorder la place qui leur revient à ces territoires.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pourquoi, en effet, remplacer les délégations territoriales de l’Agence française pour la biodiversité par des organismes de collaboration pérenne ?
M. Serge Letchimy. C’est une invention philosophique !
Mme la rapporteure. C’est le Gouvernement qui a modifié l’appellation.
Mme la secrétaire d’État. Je peux juste vous confirmer que l’outre-mer bénéficiera des personnels et des moyens de l’Agence. Ces organismes de collaboration ne sont pas autonomes, ils dépendent des collectivités et de l’AFB.
M. Serge Letchimy. Madame la secrétaire d’État, vos propos ne me rassurent pas du tout. Les réalités du bassin océanique de la Polynésie, celles de La Réunion ou de la Caraïbe ne sont absolument pas les mêmes. Il avait été décidé de permettre la plus grande liberté d’expression, de telle sorte que la dynamique liée à la biodiversité serait conçue localement par les populations elles-mêmes, en relation avec l’AFB. On nous avait même laissé la possibilité de travailler de manière autonome sur la préfiguration, qui pourrait être très différente selon les bassins, et surtout de fixer les modalités d’association des instances qui pourraient intégrer cette délégation.
Je ne voterai aucun amendement qui reviendrait sur le principe de la délégation par département, que nous avons préféré à la délégation par bassin océanique prévue à l’origine. Vous imaginez bien que Chantal Berthelot risque de se fâcher si je lui dis que la réalité de la biodiversité de la Guyane est la même que celle de la Martinique. (Sourires)
Vous défédérez le système, tant sur la relation financière que sur les mécanismes d’organisation. Si c’est le Gouvernement qui a inventé ce terme d’organisme de collaboration pérenne, je dois dire qu’il a fait un très mauvais choix.
Mme Chantal Berthelot. Je vois de moins en moins de cohérence dans ce texte : tantôt il faut revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, tantôt il faut conserver la rédaction issue du Sénat. Je ne comprends pas ce que l’on nous propose aujourd’hui : si les deux termes veulent dire la même chose, pourquoi ne pas conserver celui qui a été adopté en première lecture ?
Je voterai contre l’amendement CD701 rectifié. Je crains que bien d’autres amendements ne reviennent sur les décisions qui ont été prises concernant les outre-mer.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les délégations territoriales de l’AFB n’étaient-elles pas inscrites dans un autre article ?
M. Serge Letchimy. À l’article 9. Je présenterai, d’ailleurs, un amendement visant à restituer la délégation territoriale.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les délégations territoriales ont donc disparu à l’article 9 ainsi qu’à l’article 7.
M. Serge Letchimy. Il faut les rétablir dans un souci de cohérence.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas du tout opposée au maintien du terme de « délégations territoriales ». Il appartient au Gouvernement de nous dire pourquoi il a décidé de le remplacer.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je tiens à rappeler qu’un accord avait été trouvé entre Ségolène Royal et les représentants des outre-mer, Chantal Berthelot et Serge Letchimy.
Mme Viviane Le Dissez. L’alinéa 16 de l’article 9, tel qu’il a été adopté par les sénateurs, mentionne les « organismes de collaboration pérenne ». C’est dans un souci de cohérence avec un article qui a fait l’objet de longs débats au Sénat qu’il est proposé ici de faire référence aux organismes de collaboration pérenne.
Mme la secrétaire d’État. Les organismes de collaboration pérenne ont ceci d’important qu’ils peuvent intervenir dans le cadre d’une collaboration entre les délégations de l’AFB sur le territoire et les collectivités ; ils marquent un moment où l’on se rencontre pour se parler. Quant aux délégations territoriales de l’AFB, ce sont des antennes de l’Agence. À l’article 7, je ne vois pas d’objection à ce que l’on s’en tienne à l’appellation de délégations territoriales, mais, plus loin dans le texte, il faut garder ce principe d’organismes de collaboration pérenne.
M. Serge Letchimy. Ces organismes de collaboration pérenne sont prévus d’une manière générale. Concernant l’outre-mer, je dis clairement que nous préférons la formulation de « délégations territoriales » qui a d’ailleurs été consacrée dans le rapport que Victorin Lurel et moi-même avions remis à Mme la ministre. À moins que vous ne vouliez nous donner tout de suite l’autonomie de fonctionnement institutionnel et politique… (Sourires)
Aujourd’hui, vous créez un lien dans la connaissance, la préservation et la valorisation de la biodiversité, y compris dans les mécanismes de l’APA, assez rigide sur la question du financement des politiques liées à la préservation de la biodiversité. Mais, dans le même temps, vous coupez ce lien par un organisme qui serait déconnecté de l’Agence. Si c’est le cas, allez jusqu’au bout de votre logique et donnez-nous tous les avantages de l’APA, toutes les retombées et toutes les possibilités de décision sans que l’Agence puisse intervenir. Mais ce n’est pas ce qui avait été convenu. Je précise que je parle de l’outre-mer et non des autres régions de l’hexagone qui pourraient revendiquer autre chose.
Mme la rapporteure. Il n’est pas question de revenir sur ce qui avait été décidé.
J’appelle simplement votre attention sur le fait qu’il n’y a pas de définition précise de ce que sont les délégations territoriales de l’AFB. Il serait donc utile d’avoir davantage d’informations.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. On sait encore moins ce que sont les organismes de collaboration pérenne. (Sourires)
Je pense qu’il faut respecter les engagements qui ont été pris, donc maintenir le terme de « délégations territoriales de l’Agence française pour la biodiversité », tant à l’article 7 qu’à l’article 9.
Mme Chantal Berthelot. Je remercie le président pour sa sagesse.
J’ajoute que je ne comprends pas l’intérêt de supprimer, à la deuxième phrase de l’alinéa 7, le mot « réflexion ». En fait, pourquoi ne pas tout simplement voter l’article 7 en l’état ?
M. le président Jean-Paul Chanteguet. On oublie trop souvent l’outre-mer, et les parlementaires qui les représentent mènent des combats difficiles. Dans les lois, ce sont toujours les derniers articles qui concernent l’outre-mer. La ministre Ségolène Royal avait confié une mission à Serge Letchimy et à Victorin Lurel, à l’issue de laquelle un accord a été obtenu. Cet accord doit être respecté.
Je demande donc à notre rapporteure et à Olivier Falorni de retirer leurs amendements.
Les amendements CD701 rectifié et CD758 sont retirés.
L’amendement CD1044 du Gouvernement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD702 rectifié de la rapporteure et CD759 de M. Jacques Krabal.
Mme la rapporteure. L’amendement CD702 rectifié vise à imposer que le schéma régional des carrières (SRC), qui est élaboré par l’État, prenne en compte le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) dans lequel la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a intégré le schéma régional de cohérence écologique (SRCE). Il faut éviter que ce dernier soit mis à mal par un schéma des carrières qui n’en tiendrait pas compte.
L’amendement CD759 diffère un peu en ce qu’il vise le schéma régional de développement économique, qui ne relève que de la région. On ne peut pas imposer de telles obligations à la région, qui est libre de construire, dans de bonnes conditions, son schéma économique. Le schéma régional des carrières, lui, est élaboré par le préfet, qui peut se moquer complètement du schéma de cohérence écologique si l’on n’y prend pas garde. Le travail d’identification des continuités écologiques et des réservoirs de biodiversité effectué par la trame verte et bleue est trop important pour qu’un schéma des carrières vienne tout faire tomber à l’eau.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD759 vise à faire du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires un document central en matière d’aménagement du territoire. Les orientations pour les différentes activités économiques doivent être compatibles avec les objectifs de ce schéma afin de permettre de les réaliser.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement travaille sur l’absorption du schéma régional de cohérence écologique dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. C’est dans cette perspective que Mme la rapporteure souhaite rétablir l’opposabilité actuelle du SRCE sur le SRC. Je suis donc favorable à l’amendement CD702 rectifié.
Quant à l’introduction d’un rapport d’opposabilité entre le SRADDET et le schéma régional de développement économique, elle ne semble pas cohérente dans la mesure où ces deux schémas stratégiques sont élaborés par le même acteur. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement CD759.
M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président, hier, vous nous avez expliqué que la loi ne devait pas être bavarde. Aujourd’hui, on nous demande d’y inscrire une disposition obligeant les préfets à respecter le code de l’environnement. C’est ubuesque !
Mme la rapporteure. Pourtant, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela aujourd’hui : un schéma régional des carrières peut tout à fait être élaboré sans tenir compte des travaux relatifs aux continuités écologiques et aux réservoirs de biodiversité. C’est pourquoi il importe de souligner la nécessité d’un rapport de compatibilité. La loi n’est donc pas trop bavarde : elle ne fait que rappeler ce que l’État doit respecter.
M. Michel Heinrich. Pourrait-on avoir un bilan de l’existence des SRADDET sur le territoire ?
Mme la rapporteure. La loi créant les SRADDET est encore trop récente pour que nous disposions d’informations.
M. Michel Heinrich. Je trouve l’amendement présenté par Olivier Falorni intéressant. Il serait bon, en effet, de prévoir un lien entre les SRADDET et les schémas de développement économique.
M. Martial Saddier. La loi NOTRe est d’application récente puisqu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Cette loi prévoit l’élaboration par les régions de deux grands schémas d’aménagement dans lesquels les carrières ne sont pas incluses. Néanmoins, les schémas des carrières ne sont pas de la seule compétence des préfets puisqu’ils sont coécrits et délibérés par les assemblées départementales. À l’instar de Jean-Marie Sermier, je ne vois pas comment on pourrait élaborer un SRADDET qui ne respecterait pas les autres points de la loi, qu’ils figurent dans le code de l’environnement ou dans le code rural.
Mme la secrétaire d’État a dit ne pas vouloir créer d’opposabilité entre les deux grands schémas régionaux, mais c’est ce qui se passera avec l’amendement de la rapporteure. Allez plutôt jusqu’au bout de la logique et confiez aux régions le soin d’inscrire les carrières dans le schéma régional d’aménagement. Alors que nous n’avons pas été capables de trancher ce débat, il y a deux mois, lors de l’examen de la loi NOTRe, il ressurgit aujourd’hui, au beau milieu d’un texte sur la biodiversité avec laquelle les liens sont tout de même ténus.
M. Jean-Yves Caullet. Épargnons-nous un débat sur le chaînage dans le temps : tout schéma en cours d’élaboration doit tenir compte de celui en vigueur. Toutefois, en cette période de transition, il me semble que la mention en question serait utile. Dans l’instruction d’une autorisation de carrière, l’ensemble des paramètres doit être pris en compte, dont tous les éléments environnementaux connus. Mentionner que le schéma régional des carrières prend en compte le SRADDET participe à éclairer les porteurs de projet sur le fait qu’il existe deux schémas avec lesquels leur projet doit être compatible.
M. Michel Heinrich. J’ai cru comprendre que l’élaboration des SRADDET ne sera obligatoire qu’après les prochaines élections régionales, c’est-à-dire dans six ans. Bien sûr, cela n’empêche pas ceux qui le veulent d’en élaborer un.
Mme la rapporteure. Monsieur Martial Saddier, je vous renvoie à l’article L. 515-3 du code de l’environnement qui dispose que le schéma régional des carrières est élaboré par le préfet de région, après consultation du plan régional de l’agriculture durable et des schémas départementaux ou interdépartementaux des déchets de chantier du bâtiment et de travaux publics. Je peux comprendre, vu l’importance de la matière, que l’État veuille garder la compétence sur le schéma des carrières.
Aujourd’hui, le SRADDET a « absorbé » les SRCE, dont le rôle est extrêmement important pour assurer les continuités écologiques et les réservoirs de biodiversité définis dans les trames verte et bleue. Si le schéma des carrières élaboré par l’État n’est pas compatible avec le SRADDET, tout le travail mobilisé pour l’élaboration des SRCE depuis des années risque d’être mis à mal. Or on sait bien que la biodiversité n’est pas toujours le problème de l’État. C’est pourquoi il est bon que la loi souligne la nécessaire compatibilité des différents schémas.
M. Jean-Marie Sermier. Je ne peux pas laisser dire que les préfets ne prennent pas en compte la biodiversité. Qui a suivi l’élaboration d’un schéma des carrières peut dire que c’est extrêmement contraignant : il faut plusieurs mois, voire des années, pour évaluer les risques, pour chercher les moyens de les éviter, de les réduire, et mettre en place une compensation. La législation est bien en place et ce n’est pas la peine d’ajouter une obligation supplémentaire. Un bon schéma des carrières doit être compatible avec le SRADDET ; le préciser revient à nier que l’État élabore ses schémas de façon légitime et logique, ou à considérer que les textes encadrant les schémas des carrières sont mal faits.
Mme la rapporteure. Si tout le monde prenait bien en compte la biodiversité, on n’en serait pas là !
Puisque le schéma régional des carrières prend en compte le schéma régional de cohérence écologique, lui-même complètement fondu dans le SRADDET, il est cohérent de préciser dans la loi que le schéma régional des carrières prend aussi en compte le SRADDET. C’est important pour pouvoir continuer à travailler dans de bonnes conditions.
L’amendement CD759 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CD702 rectifié.
Puis elle adopte l’article 7 ainsi modifié.
Article 7 ter A
Demande de rapport relatif à l’opportunité du transfert aux régions de la compétence départementale sur les espaces naturels sensibles
Le présent article, adopté en séance publique à l’Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’opportunité de transférer aux régions la compétence départementale relative aux espaces naturels sensibles.
En commission, les sénateurs ont supprimé cet article, ayant estimé que les départements avaient fait la démonstration de leur efficacité dans leur gestion de proximité et souligné que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, avait écarté un tel transfert.
Votre commission a adopté un amendement visant à rétablir la demande de rapport telle qu’elle était issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, votre rapporteure ayant pour sa part proposé que le sujet du rapport soit centré sur les recettes de la part départementale de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles, définie à l’article L. 331-3 du code de l’urbanisme, et sur les dépenses auxquelles celle-ci a été affectée depuis sa création.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CD352 de M. Julien Aubert, CD512 de Mme Laurence Abeille et CD926 de M. Gérard Menuel, et les amendements CD743 de M. Olivier Falorni et CD703 de la rapporteure.
M. Julien Aubert. L’amendement CD352 tend à réintégrer, en la modifiant, une proposition de l’Assemblée nationale visant à étudier une évolution de la taxe d’aménagement. Il s’agirait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité d’un élargissement ou d’un transfert aux régions de cette compétence départementale. Le but est de mieux articuler les relations avec les conseils départementaux, sachant que la loi NOTRe a redistribué les cartes et que l’on a parfois du mal à s’y retrouver.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD743 vise à réintégrer l’article 7 ter A, supprimé par le Sénat. Il s’agit d’étudier l’évolution de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles, afin de la transférer ou d’en élargir l’assiette au bénéfice des régions.
Mme la rapporteure. Mon amendement CD703 est très légèrement différent. Avant d’envisager le transfert de la part de la taxe destinée à financer les espaces naturels, il me semble plus judicieux de recentrer l’objet du rapport demandé au Gouvernement sur le montant des recettes de la taxe d’aménagement et sur les dépenses auxquelles celle-ci a été affectée depuis sa création. Aujourd’hui, je suis en effet incapable de le dire.
Mme la secrétaire d’État. Les amendements identiques ont déjà fait l’objet d’une discussion, en première lecture, à l’Assemblée nationale, puis la mesure a été retirée au Sénat. Mme Ségolène Royal avait émis un avis de sagesse, considérant qu’il appartient aux parlementaires de débattre de cette question au moment où une répartition des compétences est décidée par la loi NOTRe. J’émets donc un avis de sagesse.
L’amendement d’Olivier Falorni ne suggère pas, contrairement aux amendements précédents, d’étudier les conditions pour garantir l’action des conseils départementaux. Je m’en remets également à la sagesse de votre commission.
Enfin, compte tenu du renforcement de la compétence des collectivités territoriales sur la biodiversité, la proposition de la rapporteure de mieux comprendre l’affectation des recettes et dépenses de la taxe d’aménagement dans le cadre du fonctionnement de la politique des espaces naturels sensibles est bienvenue. Je suis donc favorable à l’amendement CD703.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. La seule région qui bénéficie de la taxe départementale des espaces naturels et sensibles (TDENS) est l’Île-de-France. La cohérence voudrait que cette compétence soit transférée aux régions. Demander au Gouvernement qu’il remette un rapport me paraît une bonne idée. Quant à connaître le montant de la TDENS et son utilisation, c’est une bonne question.
La Commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l’article 7 ter A est ainsi rétabli et les amendements CD743 et CD703 tombent.
Article 7 ter
(article L. 421-1 du code de l’environnement)
Gouvernance de l’ONCFS
Le présent article visait, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, à ce que la tutelle du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage soit exercée par le ministre en charge de l’écologie et par celui en charge de l’agriculture et à ce que neuf membres du conseil, sur un total de vingt-deux, soient des représentants issus des milieux cynégétiques. À l’heure actuelle, la moitié des membres du conseil d’administration doivent être des représentants issus des milieux cynégétiques.
En commission, les sénateurs ont rétabli que la moitié des membres du conseil d’administration de l’ONCFS devaient être issus du monde de la chasse et modifié le nombre total de ses membres, qui passera de 22 à 26, le conseil d’administration devant comporter trois représentants nouveaux : un représentant des régions, un représentant des départements et un représentant des communes (6).
Votre commission a décidé d’adopter cet article sans modification, votre rapporteure ayant proposé de supprimer cet article afin de maintenir le droit actuellement en vigueur.
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La Commission est saisie de l’amendement CD1051 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer l’article 7 ter.
En première lecture, j’avais défendu, sur la proposition du directeur de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), un amendement présentant une nouvelle composition, plus ouverte, du conseil d’administration (CA) dans la perspective d’un travail plus complet. Cela me paraissait intéressant et intelligent. Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’avoir été manipulée de façon éhontée. (Murmures)
Au Sénat, le poids et la force des chasseurs ont permis de faire adopter un amendement différent leur donnant la majorité, c’est-à-dire revenant à la situation antérieure à l’amendement qui m’avait été suggéré par le directeur de l’ONCFS.
Je n’apprécie pas du tout la manœuvre, et je trouve insupportable qu’on nous prenne pour des imbéciles, des marionnettes. Les parlementaires ont des capacités de réflexion ; ils écoutent ce que leur disent les parties prenantes. J’ai écouté l’ONCFS et je m’aperçois que c’était une cabale. C’est pourquoi je propose d’en revenir à la situation ante.
Mme la secrétaire d’État. La discussion initiale sur cet article portait sur l’intégration de trois représentants des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration de l’ONCFS. C’est une bonne idée, car les collectivités ont de réelles compétences dans la sauvegarde et la reconquête de la biodiversité. Toutefois, le texte modifie la composition actuelle du conseil d’administration en portant le nombre de membres de vingt-deux à vingt-six, avec une parité entre chasseurs et non-chasseurs. Cette nouvelle composition implique la suppression d’un membre dans la catégorie des non-chasseurs, ce qui ne sera pas facile à déterminer.
L’amendement proposé ne vise qu’à réduire la représentation des chasseurs et des personnalités qualifiées ayant des compétences en matière de chasse et de faune sauvage pour ramener leur nombre de onze à neuf sans ouvrir le conseil d’administration aux collectivités territoriales. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. Philippe Plisson. Le conseil d’administration de l’Office national de la chasse était à parité entre chasseurs, ONG et personnalités qualifiées. Dès lors qu’on y a intégré trois représentants des collectivités territoriales, les chasseurs ne sont plus à parité. Le Sénat a souhaité rétablir cette parité tout en maintenant la représentation des communes et des intercommunalités dans le conseil d’administration. Pour cela, il fallait bien augmenter le nombre de membres.
Je vous demande de ne pas supprimer cet article qui est essentiel à l’équilibre du conseil d’administration. Les chasseurs ne doivent pas perdre une partie de leur influence dans l’Office national de la chasse. J’ajoute que, au Sénat, la ministre de l’écologie a donné un avis favorable sur cet article.
M. Julien Aubert. En première lecture, la première version de l’amendement visait à réduire la proportion des chasseurs de la moitié du conseil d’administration de l’ONCFS à neuf membres. Mme Ségolène Royal avait soutenu qu’ils représentaient toujours la moitié du conseil d’administration – or, sur un conseil de vingt-deux membres, avoir neuf représentants n’assure pas la majorité. Puisque l’on parle de manipulation, nous avions alors eu le sentiment que l’on avait essayé de diminuer le nombre des représentants des milieux cynégétiques sans le dire. Pourtant, dès lors qu’une grande partie des ressources de l’ONCFS provient des redevances cynégétiques, il n’est pas absurde que le monde de la chasse soit bien représenté au conseil d’administration de l’office qui lui est dédié.
N’oublions pas qu’en toile de fond, il y a la création de l’Agence nationale de la biodiversité et la question de la fusion en son sein de l’ONCFS. Les chasseurs y sont hostiles. Il ne faudrait donc pas que, profitant de la modification de la composition de son conseil d’administration, l’ONCFS prenne la décision de rejoindre l’ANB sans que les chasseurs, devenus minoritaires, puissent s’y opposer.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis opposé à l’amendement de suppression de l’article 7 ter.
Mme Laurence Abeille. Mon amendement CD481, que nous allons examiner ultérieurement, pourrait satisfaire le Gouvernement, car il s’agit, dans le même esprit, de retrouver l’équilibre du texte adopté par l’Assemblée en première lecture. Toutefois, s’il n’était pas retenu, je soutiendrais la proposition de la rapporteure.
En effet, selon la présentation qui en est faite sur son site internet, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage est un établissement public de référence en matière de gestion durable de la faune sauvage et de ses habitats. Rien n’indique que les chasseurs doivent y être majoritaires. Il est donc important – et tel était notre objectif en première lecture – qu’intervienne un rééquilibrage qui traduise la prise en compte des spécificités de l’ONCFS, à savoir la protection des habitats, la gestion de la faune sauvage et la préservation de la biodiversité de nos territoires.
M. David Douillet. Le produit de la redevance payée par 1,1 million de chasseurs français, qui permet à plus de 3 000 professionnels d’agir au quotidien au service de la biodiversité et de la chasse à travers les fédérations départementales et l’ONCFS, représente 70 % des recettes de cet office ; il n’est donc pas anormal que les chasseurs composent la moitié de son conseil d’administration. J’ajoute que ces derniers sont au service de la biodiversité, qu’ils connaissent mieux que quiconque. Si, comme nous le pressentons, on déséquilibre la composition du conseil d’administration de l’ONCFS, on commettra une grave injustice.
Mme la rapporteure. La suppression de l’article 7 ter ne ferait que maintenir la situation actuelle. Aujourd’hui, le conseil d’administration de l’ONCFS est composé de quatre représentants de l’État, de sept présidents de fédérations départementales ou interdépartementales de chasseurs, de deux présidents d’associations de chasse spécialisée, de deux personnes qualifiées dans le domaine de la chasse et de la faune sauvage, de deux représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières, d’un représentant d’organisme de propriétaires ruraux et de deux représentants d’organismes de protection de la nature. Cela fonctionne bien ainsi.
L’amendement que m’avait présenté l’ONCFS me paraissait intelligent et me semblait témoigner d’une ouverture ; je l’ai donc présenté tel quel. Or je m’aperçois que l’on a encore modifié le texte au Sénat. Je n’aime pas beaucoup les manipulations et je préfère donc que nous en restions aux dispositions actuelles.
M. Philippe Plisson. Nous avons tous pour objectif de maintenir une proportion de 50 % de chasseurs au sein du conseil d’administration de l’ONCFS. Ces derniers et les collectivités territoriales ont souhaité que trois élus locaux y siègent également, de façon à ce que la ruralité soit représentée. Mais, de ce fait, les chasseurs devenaient minoritaires, ce qu’ils ne souhaitent pas. Comme ils ne veulent pas non plus renoncer à la représentation des collectivités territoriales, ils demandent que l’on conserve les trois élus locaux et que l’on augmente de trois le nombre des sièges au conseil d’administration, afin de revenir à la parité. Il n’y a là rien de dramatique ; nous ne sommes pas loin d’être d’accord. Pourquoi remettre en cause aujourd’hui l’équilibre fragile qui a été voté, au Sénat, par la droite et la gauche, avec l’avis favorable de la ministre de l’écologie ?
L’article 7 ter me semble consensuel ; je propose donc que nous rejetions cet amendement de suppression et que nous nous en tenions à la rédaction adoptée par le Sénat.
Mme la rapporteure. Je précise que le II de l’article 7 ter créerait deux catégories de membres du conseil d’administration de l’ONCFS : celle des membres actuels, qui percevraient une rémunération ou une indemnité, et celle des nouveaux membres, qui ne le pourraient pas. Or il me semble qu’au sein d’un conseil d’administration, tout le monde doit être traité de la même façon. Encore une fois, il me paraît plus intelligent d’en rester à la situation actuelle.
M. Martial Saddier. La navette parlementaire présente l’avantage de permettre d’aboutir à un consensus sur un problème qui paraît, à l’origine, insoluble. Le groupe Les Républicains estime ainsi qu’il ne faut pas revenir sur l’équilibre qui a été trouvé au Sénat. Par ailleurs, Madame la rapporteure, le bénévolat n’a jamais tué personne. Au demeurant, les élus désignés par une collectivité territoriale pour siéger au conseil d’administration d’une structure telle que l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France ou l’Association des régions de France ne perçoivent aucun jeton de présence, et la structure peut parfaitement leur rembourser leurs frais si elle le souhaite. Il s’agit donc d’un faux problème.
Comme beaucoup au sein de la Commission, nous sommes attachés à ce que les représentants des chasseurs composent la moitié du conseil d’administration de l’ONCFS et nous estimons nécessaire que les collectivités y soient également représentées. Actuellement, en France, le nombre des chasseurs diminue, y compris au sein des conseils municipaux, et la population est de plus en plus urbaine. La représentation des collectivités territoriales au conseil d’administration de l’ONCFS permettrait de pallier cette évolution et faciliterait les discussions lorsque des conflits opposent les chasseurs et la population à propos d’éventuels dégâts ou de la fréquentation d’un chemin, par exemple. Cela nous paraît sain. Nous souhaitons donc que l’équilibre auquel nous sommes parvenus au terme de deux années de débats ne soit pas remis en cause par l’amendement de suppression ; c’est pourquoi nous nous y opposerons.
M. Julien Aubert. Nous avons souhaité introduire des représentants des communes, des départements et des régions au conseil d’administration de l’ONCFS considérant que cela apporterait une véritable plus-value. Et voilà qu’on devrait y renoncer au motif qu’il faudrait augmenter le nombre des représentants des chasseurs pour que ceux-ci continuent de représenter la moitié du conseil d’administration. C’est un faux débat ! La véritable question qu’il faut se poser, c’est celle de savoir si la présence de représentants des collectivités territoriales apporte ou non une réelle plus-value. Manifestement, la réponse est oui. Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait supprimer cet article, à moins que l’on ne pense que nous faisons fausse route depuis le début.
Mme Viviane Le Dissez. Pour ma part, je souhaite l’apaisement. En conséquence, si vous souhaitez maintenir le texte du Sénat, je me rallierai à cette option.
La Commission rejette l’amendement CD1051.
Les amendements CD627 et CD481 sont retirés.
Puis la Commission adopte l’article 7 ter sans modification.
TITRE III
AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ
Article 9
(articles L. 131-8 à L. 131-13 [nouveaux] du code de l’environnement)
Création de l’Agence française pour la biodiversité : définition, missions, gouvernance et ressources
Le présent article vise à créer l’Agence française pour la biodiversité, établissement public de l’État à caractère administratif. Le nouvel article L. 131-8 du code de l’environnement définit les compétences de l’agence. Le nouvel article L. 131-9 détaille ses missions. Le nouvel article L. 131-10 porte sur la composition du conseil d’administration, l’article L. 131-10-1 sur le conseil scientifique, l’article L. 131-11 sur les comités d’orientation, l’article L. 131-11-1 sur la nomination du directeur général, l’article L. 131-12 sur les ressources de l’agence et l’article L. 131-13 prévoit un décret d’application de la nouvelle section 2 du chapitre 1er du titre III du livre 1er ainsi créée.
1. Le projet d’article à l’issue des travaux du Sénat en première lecture
En commission, les sénateurs ont adopté :
– un amendement présenté par le rapporteur visant à permettre une mutualisation des missions de police de l’environnement, dans le cadre d’unités de travail communes entre l’agence et les organismes déjà compétents en matière de police administrative et de police judiciaire de l’environnement ;
– un amendement présenté par le rapporteur tendant à prévoir que la mission de conduite et de soutien de programmes de recherche de l’agence doit s’effectuer en lien avec la Fondation française pour la recherche sur la biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur tendant à ajouter une mission de suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur prévoyant, s’agissant des actions de formation, que l’agence ait une mission de structuration des métiers de la biodiversité et des services écologiques ;
– six amendements identiques, dont l’un a été présenté par le rapporteur, visant à ce que l’agence apporte un appui et une expertise techniques à tous les acteurs socio-économiques qui engagent des actions en faveur de la biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur prévoyant que l’agence apporte son soutien technique pour lutter contre l’introduction des plantes invasives et contre leur maintien dans le milieu naturel ;
– un amendement de précision présenté par le rapporteur sur le fait que l’agence assure le suivi des actions françaises dans le cadre de l’agenda des solutions de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques dans le domaine de l’impact du changement climatique sur la biodiversité ;
– un amendement présenté par le rapporteur modifiant la composition du conseil d’administration telle que l’avait établie l’Assemblée nationale. Les sénateurs ont défini une répartition des membres entre quatre collèges, sans fixer le nombre total des membres. Le premier collège, représentant au moins la moitié des membres, est constitué par des représentants de l’État, des représentants d’établissements publics nationaux œuvrant dans le champ des compétences de l’agence et des personnalités qualifiées ; le deuxième collège comprend des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, des représentants des gestionnaires d’espaces naturels ainsi qu’un représentant de chacun des cinq bassins écosystémiques ultramarins ; le troisième collège comprend deux députés et deux sénateurs ; le quatrième collège est composé des représentants élus du personnel de l’agence. La composition prévue par l’Assemblée nationale était différente et détaillait le nombre de personnes membres pour chaque catégorie (7).
– un amendement présenté par le rapporteur visant à instituer un second comité d’orientation permanent de la biodiversité ultramarine ainsi qu’un amendement modifiant la dénomination des comités thématiques pouvant être créés par le conseil d’administration, qui deviennent des comités d’orientation, et un amendement étendant aux littoraux les fonctions du comité d’orientation pour la biodiversité ultramarine ;
– deux amendements identiques, dont l’un a été déposé par le rapporteur, afin de rendre obligatoire la création des délégations territoriales de l’agence ;
– un amendement présenté par le rapporteur précisant qu’un établissement public rattaché à une collectivité territoriale peut constituer un établissement public de coopération environnementale formant une délégation territoriale de l’agence ;
– un amendement présenté par le rapporteur selon lequel le conseil scientifique doit être placé auprès du conseil d’administration et non pas sous son autorité.
En séance, le Sénat a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur ainsi que :
– un amendement ajoutant, parmi les compétences de l’agence, une compétence d’information et de conseil sur l’utilisation des produits phytosanitaires ;
– deux amendements identiques précisant que l’agence intervient dans les eaux placées sous la souveraineté ou la juridiction de l’État, ainsi que sur les espaces appartenant au domaine public maritime ou au plateau continental ;
– un amendement présenté par le Gouvernement prévoyant que l’agence coordonne ses actions avec celles menées par les collectivités territoriales dans des domaines d’intérêt commun. Elle peut mettre en place à la demande des régions des organismes de collaboration pérenne avec celles-ci. Ces organismes peuvent être constitués en établissements publics de coopération environnementale. Dans les départements et collectivités d’outre-mer, ces organismes peuvent être constitués à la demande de plusieurs collectivités et exercent alors leurs compétences sur tout ou partie du territoire des collectivités demanderesses. Cet amendement a également supprimé la disposition relative aux délégations territoriales. Toutefois, cet amendement n’a pas modifié les références aux délégations territoriales dans le reste du reste ;
– deux amendements identiques prévoyant que la création de services communs avec d’autres établissements publics ne peut intervenir qu’à la demande du conseil d’administration de l’établissement public intéressé, statuant à la majorité des deux tiers ;
– un amendement ajoutant une mission d’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées ;
– deux amendements identiques ajoutant une mission d’accompagnement de la mobilisation citoyenne et du développement du bénévolat ;
– deux amendements identiques modifiant la composition du conseil d’administration pour prévoir un collège spécifique pour les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, portant le nombre de collèges à cinq ;
– un amendement présenté par le Gouvernement relatif à la nomination du directeur général ;
– un amendement précisant que le conseil scientifique comprend une proportion significative d’experts de l’outre-mer.
2. La position de votre commission
Votre commission a adopté :
– sept amendements identiques supprimant la compétence d’information et de conseil sur l’utilisation des produits phytosanitaires ;
– un amendement présenté par votre rapporteure visant à inscrire dans cet article 9 la précision insérée au Sénat à l’article 4, selon laquelle l’agence apporte son soutien à l’État pour l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité, assure le suivi de sa mise en œuvre et inscrit son activité dans le cadre de cette stratégie et des objectifs définis à l’article L. 211-1 ;
– un amendement présenté par votre rapporteure précisant que l’agence française pour la biodiversité et les collectivités territoriales coordonnent leurs actions dans les domaines d’intérêt commun ;
– deux amendements prévoyant que l’agence met en place, en tant que de besoin, des délégations territoriales et non des organismes de collaboration pérenne ;
– deux amendements identiques, dont l’un a été présenté par votre rapporteure, supprimant la mission d’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées ;
– un amendement précisant que le conseil d’administration doit respecter la parité de manière à ce que l’écart entre le nombre d’hommes, d’une part, et le nombre de femmes, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et le nombre des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées ;
– deux amendements de précision déposés par votre rapporteure portant sur les alinéas 40 et 53.
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La Commission est saisie des amendements identiques CD69 de M. Jean-Marie Sermier, CD217 de M. Martial Saddier, CD381 de M. Julien Aubert, CD416 de Mme Sophie Rohfritsch, CD653 de M. Jean-Yves Caullet, CD785 de M. Gérard Menuel et CD847 de Mme Valérie Lacroute.
M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de supprimer l’alinéa 10 de l’article 9, qui tend à inclure dans les missions de l’Agence française de la biodiversité un rôle d’information et de conseil sur l’utilisation des produits phytosanitaires. Cette disposition nous paraît inutile, dans la mesure où un certain nombre de structures sont déjà chargées de cette mission, qu’il s’agisse de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ou des chambres d’agriculture.
M. Martial Saddier. Rappelons que, pour qu’une matière active soit exploitée, l’entreprise doit obtenir l’autorisation de la mettre sur le marché, le distributeur celle de la mettre en vente et l’agriculteur celle de l’utiliser. La commercialisation et l’utilisation de produits phytosanitaires sont donc aujourd’hui très strictement encadrées. Dès lors, je ne vois pas l’utilité de confier une telle mission à l’AFB, qui n’aura de toute façon pas les moyens de la remplir. Mieux vaut que cette mission soit exercée par les structures compétentes en la matière.
M. Gérard Menuel. Les organismes chargés de conseiller les agriculteurs dans ce domaine sont si nombreux qu’il est inutile d’en ajouter, d’autant que l’AFB n’a pas vocation à s’y substituer.
M. Jean-Yves Caullet. Le rôle de l’AFB est, en premier, lieu de gérer, de préserver et de restaurer la biodiversité, en apportant son appui scientifique, technique et financier à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements. L’Agence est donc parfaitement habilitée à délivrer des informations et des conseils sur les conséquences de l’utilisation de pesticides sur la biodiversité. En revanche, l’autorisation et les modalités techniques d’utilisation de ces produits relèvent bien des organismes compétents dans ce domaine, notamment l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Supprimer l’alinéa 10 contribuerait à clarifier les rôles respectifs des différentes agences sans pour autant ôter à l’AFB sa compétence en matière d’évaluation des conséquences de l’usage ainsi que des méthodes et des autorisations d’utilisation des pesticides.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas défavorable à ces amendements. (Sourires)
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable. Cet ajout par le Sénat est superflu, car les missions de l’Agence lui permettent déjà, par exemple, de financer les actions de lutte contre les produits phytosanitaires et de diffuser des informations sur les bonnes pratiques. En outre, je confirme que l’Agence n’a pas vocation à se substituer aux organismes de conseil agricole.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient à l’amendement CD705 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit d’inscrire à l’article 9 un ajout inséré au Sénat à l’article 4.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle passe à l’amendement CD706 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit de bien faire apparaître qu’il appartient aux régions et à l’Agence de se coordonner.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements CD979 et CD981 de M. Serge Letchimy.
Mme la rapporteure. Je suis un peu ennuyée, car le débat que nous avons eu tout à l’heure sur la notion de délégation territoriale était plus général. En outre, il conviendrait de supprimer l’expression : « en tant que de besoin », qui est inutile. Je suggère donc à Serge Letchimy de retirer ces amendements afin que l’on réfléchisse à une solution d’ici à la prochaine lecture.
Mme la secrétaire d’État. L’objectif des organismes de collaboration pérenne est bien de mettre en commun les moyens apportés par l’État à travers l’AFB et ceux des collectivités territoriales pour qu’ils agissent ensemble de façon plus efficace en faveur de la biodiversité. Cela dit, je conçois qu’il puisse être nécessaire d’améliorer la rédaction de l’article afin que chacun s’y retrouve. Je propose donc à M. Serge Letchimy de retirer ces deux amendements de manière à ce que nous puissions élaborer ensemble une rédaction optimale en vue de la discussion en séance publique.
M. Jean-Yves Caullet. Je souhaiterais m’assurer, Madame la secrétaire d’État, qu’il s’agit bien d’imaginer une organisation particulière pour tenir compte de la spécificité des outre-mer.
Mme la secrétaire d’État. Un alinéa de cet article est déjà consacré aux outre-mer. De toute façon, il ne s’agit que de possibilités et, pour que ces options soient définies le plus clairement possible, il est souhaitable de prendre le temps de rédiger un amendement ensemble.
Mme Sophie Rohfritsch. J’ai dû rater une étape. Nous nous sommes mis d’accord, à l’issue d’un débat fort intéressant, pour que les articles 7 et 9 soient cohérents. Si nous n’adoptons pas les amendements de M. Serge Letchimy, peut-être faut-il que nous reprenions l’examen de l’article 7… (Murmures)
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous allons faire preuve de cohérence jusqu’au bout : je demande que ces amendements soient adoptés. Si ce vote ne vous convient pas, Madame la secrétaire d’État, vous avez la possibilité de déposer un amendement dans le cadre de la procédure de l’article 88 et, à tout moment, en tant que représentante du Gouvernement. Mais je tiens à ce que nous soyons transparents. Je me suis exprimé sur l’article 7, et je pense que nous devons aller jusqu’au bout de notre logique.
M. Martial Saddier. Nous vous soutenons, Monsieur le président, d’autant plus que nous avons joué le jeu tout à l’heure.
Madame la secrétaire d’État, entre le début de l’examen de ce texte et aujourd’hui, sont tout de même intervenus le vote de la loi NOTRe et le nouveau découpage des régions. Or se pose la question de savoir si l’Agence nationale de la biodiversité est un outil de recentralisation ou si elle aura une présence territoriale. Nous souhaiterions donc que vous nous éclairiez sur votre vision de la présence territoriale de l’Agence, notamment au regard des nouvelles régions et des autres structures étatiques ou para-étatiques, telles les agences de l’eau, puisqu’il est évident, comme l’a dit Mme la rapporteure, que tout cela doit déboucher sur des rationalisations.
Enfin, puisqu’il a été question d’un rapprochement avec les collectivités territoriales, nous souhaiterions également savoir si, selon vous, les délégations territoriales impliquent une sorte de transfert aux collectivités, en l’espèce – pourquoi ne pas le dire ? – aux nouvelles régions. Ces questions ne sont pas anodines ; en tout cas, nombreux sont ceux qui seront attentifs à votre réponse.
M. Serge Letchimy. Le président Chanteguet a fait une bonne proposition. Je rappelle qu’une ministre d’État a pris un engagement et a confié à deux parlementaires une mission qui a nécessité six mois de travail durant lesquels ils ont réfléchi à la manière dont les pays d’outre-mer, qui représentent 80 % de la biodiversité française, peuvent contribuer à la richesse nationale dans le respect de leur différence. Dans leur rapport, ils concluent que le principe de la délégation est la réponse la plus appropriée. À l’article 7, il a été décidé de maintenir ce principe ; il faut donc rester cohérent et adopter les amendements CD979 et CD981 à l’article 9.
Néanmoins, je suis évidemment très favorable à ce que nous travaillions ensemble, Madame la secrétaire d’État, à un amendement de cohérence que vous pourriez présenter. Je propose donc que nous adoptions ces amendements, sachant que j’accepterai volontiers leur modification en séance publique.
Mme la secrétaire d’État. Monsieur Martial Saddier, j’apporterai des réponses très précises, assorties de chiffres, aux questions que vous m’avez posées. Sachez cependant que nous ne touchons pas aux agences de l’eau. Par ailleurs, il n’est pas question que l’AFB soit déconnectée des territoires ; le projet de loi poursuit l’objectif inverse. L’Agence doit, au contraire, être très proche de leurs caractéristiques.
La Commission adopte successivement les amendements CD979 et CD981.
Puis elle est saisie de l’amendement CD397 de Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. Il s’agit de reconnaître au plan législatif la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (FCBN), à laquelle le législateur a confié, en 2010, une mission de coordination technique des CBN et de représentation auprès des pouvoirs publics. Or le projet de loi prévoit de transférer la mission de coordination technique à l’AFB et de supprimer la mission de représentation. Ainsi, les nombreux services actuellement rendus par la FCBN à ses membres ne pourront tous être maintenus. En outre, les scenarii envisagés jusqu’à présent n’apportent pas de réponses satisfaisantes aux problèmes que soulèverait un transfert dès 2017 de l’équipe de la FCBN : problème d’organisation, puisque la structure serait bicéphale et deviendrait illisible pour les partenaires des CBN ; problème politique, puisque se posera la question de la légitimité de l’AFB pour coordonner des syndicats mixtes ; problème posé par une inégalité de traitement manifeste des différentes têtes de réseaux.
L’amendement CD397 vise donc à supprimer, à l’alinéa 23, la référence à la coordination technique des conservatoires botaniques nationaux.
Mme la rapporteure. Cet amendement soulève une question de fond : que veut-on faire de l’Agence française de la biodiversité ? Si chacun défend son pré carré, nous ne parviendrons jamais à modifier l’organisation de ce secteur. Je suis donc plutôt défavorable à cet amendement, sachant que nous examinerons ultérieurement un amendement tendant à préciser que la Fédération des conservatoires botaniques nationaux garde un rôle d’animation du réseau.
Mme la secrétaire d’État. Je souscris aux arguments de Mme la rapporteure ; je suggérerai donc à Mme Delaunay de retirer son amendement.
Mme Florence Delaunay. Depuis 2012, le texte a connu de nombreuses modifications, qu’il s’agisse de la gouvernance de l’AFB ou des structures qu’elle doit regrouper. Il semble que les conditions ne soient pas réunies pour envisager un transfert de l’équipe salariée de la FCBN. Je plaide donc pour le maintien de cette équipe au sein de la fédération afin que celle-ci puisse continuer à assurer les nombreux services qu’elle rend à ses membres. Par ailleurs, je souhaiterais que soit privilégié un partenariat renforcé avec l’AFB, à l’instar de ce qui est prévu pour les autres têtes de réseau, notamment la Fédération des conservatoires d’espaces naturels (FCEN), Réserves naturelles de France (RNF), Fédération des parcs naturels régionaux de France (FPNR), qui ne sont plus concernées par un transfert de personnels et qui bénéficient par ailleurs d’une reconnaissance législative.
Je maintiens donc l’amendement.
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement CD708 de la rapporteure est retiré.
La Commission discute de l’amendement CD527 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. La création de services communs avec les autres établissements publics en charge de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels permettra à l’Agence française pour la biodiversité de conclure les partenariats nécessaires à l’exercice de sa mission d’appui technique et administratif. Ces services communs pourront être notamment développés en matière de police avec l’ONCFS ou les parcs nationaux ainsi qu’en matière de connaissance de la biodiversité avec le Muséum national d’histoire naturelle ou d’autres établissements scientifiques. Dans le cadre de démarches partenariales en régions, des services communs pourront également être créés avec des établissements publics locaux en charge de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels. Or l’exigence, introduite par le Sénat, que les conseils d’administration des établissements publics intéressés statuent à la majorité des deux tiers sur la demande de création de services communs risque d’être source de blocage et donc d’entraver la conclusion des partenariats nécessaires à une bonne gouvernance de la biodiversité. Cet amendement vise à supprimer ce blocage.
Mme la rapporteure. Ayant retiré à l’instant un amendement analogue, je ne peux qu’être défavorable à celui-ci.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer l’obligation, pour le conseil d’administration de l’établissement public intéressé par la création de services communs avec l’AFB, de se prononcer à une majorité des deux tiers. Au Sénat, le Gouvernement s’était déclaré favorable à l’introduction de cette condition afin de rassurer ceux qui s’inquiétaient d’une éventuelle fusion forcée entre l’AFB et l’ONCFS. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
M. Julien Aubert. La règle des deux tiers présente un avantage : elle oblige à prendre cette décision lourde de conséquences de manière consensuelle. En outre, nous l’avons vu tout à l’heure, un conseil d’administration peut être composé pour moitié de représentants d’une même activité. Certes, cette règle ralentit le processus, mais elle le renforce, car elle implique que l’engagement pris sera pérenne. Enfin, l’Agence française de la biodiversité ne peut pas naître dans un contexte de méfiance généralisée.
Mme Laurence Abeille. Je maintiens l’amendement, et je regrette que la rapporteure ait retiré le sien. Nous avons besoin de fluidité, de simplification et de confiance. Or la règle de la majorité des deux tiers instaure, de fait, une sorte de blocage et risque de figer les choses. Je le déplore d’autant plus que l’Agence aura besoin, dans les années à venir, de souplesse pour être opérationnelle et agir, avec tous les partenaires qui l’accepteront, en faveur de la reconquête et de la protection de la biodiversité.
M. Philippe Plisson. La majorité des deux tiers est celle qui est requise, par exemple, pour l’adhésion d’une commune à une intercommunalité. Cette règle permet de garantir des choix réfléchis.
M. Jean-Yves Caullet. J’appelle votre attention sur le fait que la composition des conseils d’administration des différents établissements publics avec lesquels peut être conclue une convention de ce type n’est pas homogène. L’impact de la règle de la majorité qualifiée variera en fonction de cette composition. Appliquer une règle uniforme à des conseils d’administration dont la composition est diverse aura des résultats divers.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD545 de Mme Laurence Abeille et CD711 de la rapporteure.
Mme Laurence Abeille. Le Sénat a confié à l’Agence française pour la biodiversité une mission d’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées. Toutefois, une telle évaluation ne relève pas spécifiquement de l’Agence ; elle devrait être réalisée en commun avec l’ONCFS et l’ONF, établissements publics qui ne sont pas intégrés à l’AFB. Il n’est pas utile de surcharger l’AFB de missions qu’elle ne pourra pas remplir, compte tenu de ses moyens limités en l’état actuel des choses.
Mme la rapporteure. J’ajoute qu’il ne faudrait pas que certains établissements, comme l’ONCFS, par exemple, se déchargent de leurs missions sur l’AFB tout en refusant d’intégrer celle-ci. On ne peut pas vouloir le beurre et l’argent du beurre.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable. La mission dont il est question étant déjà assumée par l’ONCFS, il est inutile de la confier également à l’AFB.
M. Jean-Yves Caullet. Je suis également favorable à ces amendements, même si la question n’est pas tant de savoir qui va évaluer ces dégâts que de savoir qui va payer leur réparation.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD900 de Mme Marie Le Vern et CD925 de M. Gérard Menuel.
M. Christophe Bouillon. La mise en œuvre des mesures compensatoires doit être renforcée par de nouveaux outils créés par le projet de loi, notamment les réserves d’actifs naturels ou les opérateurs de la compensation. Cet amendement vise à confier à l’Agence française de la biodiversité une mission d’appui technique aux opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces mesures.
Mme la rapporteure. Si l’on multiplie les missions confiées à l’Agence, elle risque de ne pas pouvoir toutes les remplir. En outre, il est déjà prévu qu’elle suive les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, ce qui est extrêmement important. Par ailleurs, il ne faudrait pas que les opérateurs publics et privés chargés de la mise en œuvre des compensations se déchargent de leur mission sur l’Agence. Avis défavorable.
M. Christophe Bouillon. L’amendement fait référence à une mission d’appui technique et d’expertise ; c’est ce que l’on attend d’une telle agence. Vous avez rappelé la responsabilité des opérateurs de la compensation, qui figure dans le texte. Il s’agit, en l’espèce, non pas de les décharger leur mission, mais de renforcer leur rôle en leur permettant de profiter de l’expertise de l’Agence de manière à ce que tout se déroule dans les meilleures conditions possible.
Mme la secrétaire d’État. La précision n’est pas utile au regard des missions d’appui technique et d’expertise auprès d’acteurs publics et privés que confie déjà le projet de loi à l’Agence. L’amendement étant ainsi satisfait, je suggère à M. Bouillon de le retirer.
Mme Florence Delaunay. Cette mission d’appui technique et d’expertise facilitera le suivi des mesures compensatoires.
La Commission rejette successivement les amendements CD900 et CD925.
L’amendement CD712 de la rapporteure est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD674 de M. Martial Saddier et CD713 de la rapporteure.
M. Martial Saddier. Madame la secrétaire d’État, je profite de l’examen de cet amendement pour vous demander où en est le dialogue social entre les personnels de l’ONEMA et le Gouvernement. On sait, en effet, que ce projet de loi a créé des tensions, liées à la future intégration de ces personnels dans l’Agence française de la biodiversité.
Ceux qui participent à l’élaboration de schémas d’aménagement et de gestion des eaux ou de contrats de rivière connaissent le rôle fondamental que jouent les agents de l’ONEMA sur le terrain. Or nous craignons, et notre inquiétude est largement partagée, que les agents incorporés à l’Agence aient moins de temps à consacrer à leurs activités antérieures, notamment celles qui sont directement liées à la qualité de l’eau. Que sera, selon vous, l’ONEMA de demain ?
Mme la rapporteure. L’amendement CD713 tend à préciser à l’alinéa 40, comme c’est le cas à l’alinéa 41, que les missions visées sont bien relatives à l’eau et à l’environnement.
Quant à l’amendement de CD674 de M. Martial Saddier, il vise notamment à supprimer les mots : « dans le cadre d’unités de travail communes ». Or il est important que l’on puisse commencer à créer des unités de travail communes entre les polices de l’eau et de l’environnement, à l’instar de ce qui se fait dans les départements d’outre-mer. Peut-être pourra-t-on ainsi convaincre l’ONCFS qu’il peut être intéressant pour lui d’intégrer l’Agence française de la biodiversité. C’est pourquoi je ne suis pas forcément favorable à l’amendement CD674.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement de M. Martial Saddier vise à préciser que l’AFB assurera des missions relatives à la police de l’eau, des milieux aquatiques, de la pêche et de la biodiversité. Ces précisions sont superflues puisque la police de l’environnement englobe tous ces aspects. L’amendement de la rapporteure, qui n’évoque que l’eau et l’environnement me paraît suffisant. Je propose donc à M. Saddier de retirer son amendement et je soutiens celui de la rapporteure.
M. Martial Saddier. Dieu sait si, depuis hier après-midi, nous nous efforçons de faire preuve de cohérence, dont vous avez estimé, Madame la secrétaire d’État, qu’elle était d’autant plus claire qu’elle est inscrite dans la loi. Je vais pousser la clarté jusqu’à la caricature. Un service aujourd’hui dédié à la police de l’eau sera incorporé demain dans une agence nationale. La question est : fera-t-il encore de la police de l’eau ? Or vos propos ne sont pas de nature à rassurer les agents. En effet, si, parmi les compétences de l’AFB, la police de l’eau n’est pas mentionnée explicitement et que l’on se contente de la notion de police de l’environnement, mon amendement n’est pas infondé.
Mme la secrétaire d’État. Évidemment, la police de l’eau sera maintenue.
Vous vous êtes interrogé sur la manière dont la fusion était en train de s’opérer : avec Ségolène Royal, nous avons réuni les conseils d’administration des agences lundi dernier ; des travaux sont en cours, des réunions mensuelles sont organisées avec les organisations syndicales. Bref, le travail de rapprochement entre les équipes progresse et s’effectue dans la concertation. Je me rendrai moi-même dans les différentes agences pour discuter avec leurs personnels. Tout cela va se faire en bonne intelligence et de façon que les agents eux-mêmes deviennent les premiers défenseurs de la nouvelle agence. Chaque organisme a certes son histoire et il faut procéder avec patience, car l’enjeu en vaut vraiment la peine.
M. Philippe Plisson. La police de l’eau est notoirement insuffisante, on peut même considérer que, de fait, elle n’existe plus. Les agents sont très peu nombreux et l’ONEMA n’a plus les moyens de remplir ses fonctions.
Il faut rassurer les agents, certes, mais je crois qu’à terme, dans le cadre de la reconfiguration des différents organismes, la police de l’eau pourrait incomber à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui dispose de tous les moyens et personnels nécessaires, sur le territoire, pour pouvoir assurer les deux activités. (Rires)
Mme Laurence Abeille. Et allons-y, formidable !
Mme la rapporteure. C’est incroyable d’entendre cela !
M. Philippe Plisson. Les agents de l’ONEMA seraient ainsi intégrés à l’ONCFS. (Murmures)
Mme la secrétaire d’État. L’ONCFS compte 900 agents et l’ONEMA en déploie pour sa part 600 sur le terrain ; on ne peut donc pas raisonnablement avancer qu’il n’y a pas de police de l’eau. Ensuite, que les différents organismes cherchent à mieux coordonner leur action, voilà un souhait que nous partageons tous.
Mme la rapporteure. Il y a quelques années, un rapport du conseil général de l’environnement assurait que les polices de l’environnement, nombreuses, faisaient bien leur travail. Il est vrai que, dans certains départements, il y a moins d’agents de l’ONEMA que dans d’autres, mais de là à vouloir charger l’ONCFS de la police de l’eau, il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités ! Nos débats sont pollués par des revendications très puissantes venues de l’extérieur, qui nous empêchent de prendre du recul. Je regrette les propos de M. Philippe Plisson. Je vous ferai observer que, dans les départements d’outre-mer, des coordinations se mettent en place entre les polices de l’eau et l’ONCFS et qui fonctionnent très bien. Il faut encourager ce type de coordinations sur le territoire métropolitain et ne pas mélanger les choses.
M. Jean-Yves Caullet. Il convient, en effet, d’éviter les propositions caricaturales.
M. Philippe Plisson. Ma proposition n’a rien de caricatural ! Elle est en discussion et vous verrez que les choses se passeront comme je l’indique.
M. Jean-Yves Caullet. Nous sommes en train de passer d’une organisation en tuyaux d’orgue – par milieu, par activité – à une organisation plus globale. Il y aura forcément un temps d’adaptation, d’autant que des activités en milieu naturel se développent, que nous ne connaissions pas forcément au départ. Le milieu forestier est fréquenté par des gens qui se promènent à vélo, d’autres qui chassent, d’autres encore qui cueillent des champignons, et personne, de façon globale, n’est à même de faire respecter les règles dans chacune de ces activités. Les coopérations qui se mettent en place sont très saines et préfigurent sans doute une réflexion sur la police des activités en milieu naturel plus que sur la police des milieux.
M. David Douillet. L’ONCFS dresse entre 60 et 70 % des procès-verbaux en matière de police judiciaire, alors que l’ONEMA est davantage spécialisé dans la police administrative. C’est pourquoi les deux organismes ont passé des contrats entre eux – bon sens oblige ! Ils travaillent donc déjà conjointement. C’est là la réalité du terrain
La Commission rejette l’amendement CD674 et adopte l’amendement CD713.
Elle discute de l’amendement CD119 de M. Arnaud Leroy.
M. Arnaud Leroy. Des élus se consacrent à la présidence de certains conseils – Conseil national de la mer et des littoraux, Conseil national de la montagne, Comité national de l’eau. Je souhaite que les présidents de ces organismes, qui sont souvent des députés ou des sénateurs, participent à la vie de l’AFB.
Mme la rapporteure. Nous en sommes à la composition du conseil d’administration de l’AFB, que tout le monde veut intégrer. Le Sénat a modifié notre texte, et il me semble plus sage de s’en tenir là, faute de quoi nous allons continuer d’en discuter pendant des heures. Les petites différences entre le texte que nous avons transmis au Sénat et le texte tel qu’il nous en revient seront à régler par le Gouvernement par voie de décret. Et si la configuration ici prévue devait être maintenue, l’Agence fonctionnerait tout de même.
Mme la secrétaire d’État. Les propos de la rapporteure sont d’une grande sagesse. Nous sommes parvenus, en effet, à un équilibre et, en l’occurrence, le mieux serait l’ennemi du bien. Je propose également d’en rester à la rédaction sénatoriale ; c’est pourquoi je suis défavorable à tous les amendements qui visent à modifier cette composition.
M. Martial Saddier. Par tradition, quand nous créons des collèges territoriaux, il est souvent précisé qu’ils comprendront au moins un représentant de la montagne, de la mer, de l’outre-mer ou autre. Retrouverons-nous cette représentation à l’issue des deux navettes ?
Mme la secrétaire d’État. Dans un premier temps, le conseil d’administration transitoire sera formé de la fusion des quatre conseils d’administration actuels. Ensuite, nous nous sommes engagés auprès des organismes concernés à prendre le temps de régler ces questions en concertation. Je ne peux donc pas répondre à votre question puisque la composition du conseil d’administration n’est pas encore décidée.
M. Arnaud Leroy. Je rejoins Martial Saddier sur la nécessité que soient représentés le Conseil national de la mer et des littoraux, celui de la montagne ainsi que le Comité national de l’eau. Il faut s’assurer, Madame la secrétaire d’État, qu’au moment de la rédaction des décrets, on prenne en considération les travaux réalisés par ces conseils qui n’ont pas vocation à amuser la galerie. Aussi faut-il leur accorder la place qui leur est due.
Mme la rapporteure. Nous recommençons donc les mêmes débats qu’en première lecture. Je dirai seulement que le conseil d’administration est un organe de gestion chargé d’appliquer les décisions concernant la biodiversité et de gérer l’AFB. De mon point de vue, il est plus important d’être membre du Conseil national de la biodiversité, car c’est là que seront prises les décisions. C’est donc au sein de ce dernier que chacun devrait veiller à être représenté.
M. Arnaud Leroy. Je vais retirer mon amendement qui est, en fait, un amendement d’appel. Je souhaite seulement obtenir un engagement du Gouvernement que la rédaction du décret définira une articulation de travail entre l’AFB et le Conseil national de la mer et des littoraux, le Conseil national de la montagne et le Comité national de l’eau. Je conviens que cela ne relève pas du domaine législatif, mais nous devons pouvoir dire demain quel est l’esprit de la loi que nous avons votée.
Mme la secrétaire d’État. L’esprit du travail en cours, c’est la concertation. Et celle-ci ne doit pas se limiter à la discussion en amont du texte ; nous devons pouvoir également travailler ensemble, avec les parlementaires mais aussi avec les représentants des organismes concernés, au moment de la rédaction des décrets d’application.
M. Julien Aubert. Tout cela ne me paraît pas très net. Le conseil d’administration ne serait, selon la rapporteure, qu’une structure de gestion. Dès lors, pourquoi y siégeraient des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement ou de l’éducation à l’environnement ; pourquoi y seraient représentés les cinq bassins écosystémiques ultramarins ? Si le conseil d’administration gère l’Agence et doit donc être composé de gestionnaires, il faut revoir totalement l’articulation des futurs articles L. 131-10 et L. 131-11 du code de l’environnement, avec, d’un côté, un comité d’orientation représentatif des différents écosystèmes et, de l’autre, un conseil d’administration décisionnel. Si l’on en reste au texte tel qu’il est rédigé, on se demande pourquoi la montagne ou la mer ne sont pas représentées dès lors que le sont les cinq bassins susmentionnés ou des associations de protection de l’environnement.
Mme Sophie Rohfritsch. Au fond, ce que doit être l’AFB n’a pas été du tout préparé, alors qu’il s’agit apparemment de la pièce maîtresse de ce texte. Si la composition de cet organisme n’est pas d’emblée inclusive et détaillée, on n’obtiendra pas le résultat recherché, à savoir la protection ou en tout cas la « reconquête », si je reprends le titre du texte, de la biodiversité. Je rappelle au passage qu’il existe un Conseil national supérieur du patrimoine naturel et de la biodiversité qui émet très régulièrement des avis qui ne sont pas du tout suivis par la ministre.
Donc, nous discutons depuis deux ans d’un projet d’organisme sans que soient définies ses compétences ni sa composition. C’est franchement grotesque. (Murmures divers)
Mme la secrétaire d’État. Ce n’est pas parce que nous prenons le temps de discuter qu’il faut parler d’impréparation. Un organe est d’ores et déjà associé à la préparation des décrets relatifs à la composition du CA de l’AFB : il s’agit de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui suit les travaux de préfiguration de l’AFB. Cette commission spécialisée comprend les représentants de toutes les parties prenantes, y compris les élus – parlementaires comme représentants de collectivités. Les membres des CA des quatre agences amenées à fusionner sont également associés.
La composition proposée par le Sénat me paraît constituer une bonne base. On peut certes continuer de palabrer, mais nous n’avancerons pas.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si vous considérez que certains organismes ou collectivités territoriales ne sont pas assez bien représentés au sein du CA de l’AFB, vous avez la possibilité de déposer des amendements qui seront examinés dans le cadre de l’article 88 du règlement avant d’être discutés en séance.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CD498 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Je souhaite que soient représentées au sein du CA de l’AFB les fondations reconnues d’utilité publique dont l’objet principal est la protection de l’environnement. Il ne s’agit pas de modifier la composition du CA, mais d’introduire la possibilité de cet ajout.
Mme la rapporteure. Voilà l’illustration de ce que je disais tout à l’heure : tout le monde veut être membre du CA de l’AFB. Je rappelle que nous avons créé la possibilité pour l’Agence d’être pourvue de comités d’orientation spécialisés sur certains thèmes de son choix, afin de tenir compte du fait, précisément, que tout le monde ne pourrait pas faire partie du CA. Cette ouverture a été maintenue par le Sénat. Ainsi les représentants de territoires particuliers pourront-ils travailler en concertation avec l’Agence tout en jouissant d’une certaine autonomie. Je campe donc sur ma position et ne souhaite pas qu’on touche à la version sénatoriale.
Mme la secrétaire d’État. Je suis défavorable à l’amendement pour les raisons que j’ai précédemment exposées et non sur le fond. Reste que, a priori, rien ne s’oppose à ce que ces fondations siègent au sein du CA.
Mme Laurence Abeille. Il ne s’agit pas, je le répète, de modifier la composition du CA, mais de ne pas oublier les fondations. Sans cette précision, les fondations ne pourront pas intégrer le CA. Leur offrir cette possibilité, tel est l’esprit de l’amendement.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous pensez à WWF ?
Mme Laurence Abeille. En effet, mais aussi à la fondation Nicolas-Hulot.
M. Jean-Marie Sermier. En attendant que soit constitué le futur conseil d’administration de l’AFB, un CA transitoire est prévu, agrégeant les quatre CA des organismes qui rejoindront l’Agence. Nous souhaitons, Madame la secrétaire d’État, avoir un engagement de votre part sur la date de la mise en place du futur CA.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement présentera, à l’article 17, un amendement prévoyant la date de mise en place du nouveau CA.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD387 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Nous nous sommes battus pour que soient reconnus les cinq bassins écosystémiques ultramarins parce que la réalité de chacun d’eux est totalement différente. En outre, il ne s’agissait pas seulement de faire acte de présence mais de faire valoir que, pour nous, la biodiversité offre aussi des perspectives en matière d’emploi. Or, je l’ai souligné hier soir, cette biodiversité, en Guyane, est pillée. Nous souhaitons donc, à travers la prise en compte de ces bassins, orienter l’action de l’AFB, qui doit s’approprier la biodiversité dans sa dimension territoriale à la fois nationale et particulière. En ce sens, la nation doit s’imprégner des réalités ultramarines pour en faire un atout.
J’en viens à mon amendement. Déjà, en première lecture, nous demandions que la composition du CA concoure à une représentation équilibrée des enjeux, en particulier ultramarins, liés à la biodiversité. Le rapporteur du texte au Sénat, M. Jérôme Bignon, a souhaité la création d’un second comité d’orientation dédié aux territoires ultramarins. C’est très bien, mais il est tout aussi important que nous soyons représentés au CA. Ne nous renvoyez pas toujours en annexe ! Nous faisons partie d’un tout dont chacun doit avoir conscience de la diversité.
Mme la rapporteure. Le texte prévoit la présence de représentants des collectivités ultramarines un peu partout. C’est bien ce que nous avons voulu en première lecture pour répondre précisément à vos demandes. Il ne me paraît donc pas nécessaire d’en rajouter. L’alinéa 46 prévoit que le deuxième collège comprenne un représentant de chacun des cinq bassins écosystémiques ultramarins ; par ailleurs, il est prévu la création d’un « comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par la biodiversité ultramarine et de tous les départements et collectivités d’outre-mer », entre autres exemples. Sachez, Madame Chantal Berthelot, que nous sommes conscients de l’importance de la biodiversité de vos territoires et qu’il ne saurait être question de la mettre de côté.
Mme la secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons qu’exposées précédemment, je suis défavorable à cet amendement. L’outre-mer dispose déjà d’une base de cinq garanties, et je confirme ce que j’ai déclaré lors du séminaire de préfiguration de l’AFB : les territoires ultramarins, quels qu’ils soient, sont extrêmement importants pour notre biodiversité, et il est hors de question qu’ils soient sous-représentés, oubliés. Je prends l’engagement que tant que j’occuperai ces fonctions, je m’emploierai à montrer à quel point la biodiversité de l’outre-mer est une richesse que nous devons, non seulement préserver, mais également mettre en valeur. Et nous ne l’oublierons pas au moment de définir la composition du CA.
Mme Chantal Berthelot. Compte tenu des propos rassurants de la secrétaire d’État de sa volonté de faire de la biodiversité ultramarine un enjeu national, et étant donné que, par votre intermédiaire, Monsieur le président, la commission est déjà sensibilisée à cette question, je retire mon amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CD628 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Viviane Le Dissez. Il importe de rappeler que la parité doit bien être assurée au sein du conseil d’administration de l’AFB.
Mme la rapporteure. Évidemment, nous sommes tous d’accord ici pour considérer qu’il faut garantir la parité au sein du conseil d’administration, mais nous nous sommes dotés d’un texte de loi disposant que la parité doit être. Pour nous assurer qu’elle est bien réelle, Mme la secrétaire d’État pourrait s’engager à nous transmettre le texte du décret d’application avant qu’il ne soit publié.
Mme la secrétaire d’État. Je suis très attentive à ces questions. Je ne peux pas vous promettre la transmission du décret d’ici à l’examen du texte en séance, mais je peux prendre l’engagement d’y introduire l’obligation de parité, ce qui du reste ne revient qu’à respecter la loi votée en 2014, qui s’applique à tous les conseils d’administration des établissements publics.
Mme Viviane Le Dissez. En effet, l’alinéa 50 tel qu’il est rédigé prévoit que « la composition du conseil d’administration concourt à une représentation équilibrée des femmes et des hommes », et non à une représentation paritaire.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD715 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit de préciser, à l’alinéa 53, que le conseil scientifique de l’AFB comprend une proportion significative de spécialistes de la biodiversité ultramarine plutôt que d’experts de l’outre-mer.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD832 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Il est prévu de créer, au sein de l’AFB, des comités d’orientation. Si je comprends bien la création d’un comité d’orientation relatif à la biodiversité ultramarine, étant donné les spécificités de l’outre-mer, je comprends moins celle d’un comité d’orientation sur les milieux marins et littoraux, dont le rôle m’apparaît proche de celui du Conservatoire du littoral. Évitons donc de multiplier les structures.
Mme la rapporteure. Ce comité d’orientation a vocation à éclairer l’Agence et n’a rien à voir avec le Conservatoire du littoral.
Mme la secrétaire d’État. Le Conservatoire du littoral est un établissement public chargé de la préservation des milieux littoraux, et non du milieu marin, par l’acquisition et la gestion foncière. Le comité d’orientation, lui, vise à répondre, pour le compte de la future Agence, aux enjeux très forts et spécifiques de ces milieux. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD654 de M. Jean-Yves Caullet et CD939 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Jean-Yves Caullet. Dans la mesure où nous avons estimé qu’il y avait une nécessaire complémentarité, dans la défense de la biodiversité, des secteurs naturels, agricoles et forestiers, il importe que le directeur général de l’AFB soit nommé par un arrêté conjoint des ministères chargés respectivement de l’environnement et de l’agriculture – à quoi, si vous en êtes d’accord, on peut ajouter la forêt, attribution de ce dernier ministère.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Mon amendement va dans le même sens, la préservation de la biodiversité touchant également à des parties importantes de la production agricole. Puisque le ministère de la santé est chargé de vérifier que tout produit issu des secteurs agricole et agroalimentaire que nous consommons est exempt de tout risque sanitaire, je propose que l’AFB soit placée sous la triple tutelle du ministère de l’environnement, du ministère de l’agriculture et de la forêt et du ministère de la santé.
Mme la rapporteure. La reconquête de la biodiversité est en effet très transversale. Quand j’ai proposé d’introduire, dans le code rural et dans le code de l’environnement, les grands principes entérinant cette transversalité, vous ne l’avez pas accepté. Aujourd’hui, il vous arrangerait que le directeur général de l’Agence soit nommé conjointement par deux ministères, voire trois. Je vous renvoie à vos incohérences. Le ministère de tutelle de l’AFB est celui de l’environnement, et je ne vois pas pourquoi on ajouterait la signature de tel ou tel ministre, en fonction de l’intérêt du moment, au bas du décret de nomination du directeur général.
Mme la secrétaire d’État. Les missions de l’AFB relèvent bien principalement du ministère de l’environnement. Faire nommer le directeur général de l’Agence conjointement par le ministre de l’agriculture reviendrait à considérer que l’AFB aurait à traiter les questions agricoles et forestières de façon particulière par rapport à l’impact sur l’environnement d’autres secteurs, telle l’industrie que nous n’avons pas évoquée. Or ce n’est pas le cas. Par ailleurs, aucun des directeurs des quatre établissements qui vont être intégrés au sein de l’AFB n’est nommé conjointement avec le ministère de l’agriculture ou celui de la santé. Avis défavorable.
La Commission rejette successivement les amendements CD654 et CD939.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CD668 de M. Arnaud Leroy et CD995 de M. Christophe Bouillon, et l’amendement CD120 de M. Arnaud Leroy.
M. Arnaud Leroy. Au Sénat, un amendement gouvernemental a introduit, en séance publique, le poste de directeur général de l’AFB. Le présent amendement s’inscrit dans la logique de la proposition de loi relative à l’économie bleue que j’ai défendue, et part du constat que notre administration et, au-delà, la sphère publique en général, a du mal à prendre en compte l’enjeu maritime. Aussi, étant donné la réalité physique selon laquelle 70 % de la terre est couverte de mers et d’océans, je ne trouverais pas totalement incongru que quelqu’un, au sein de la direction de l’AFB, soit chargé des questions relatives aux milieux marins.
Quand vous voulez faire avancer un dossier, selon qu’il relève du domaine de la recherche ou du secteur économique, vous avez affaire à des interlocuteurs totalement différents, qui n’ont pas les mêmes programmes, les mêmes stratégies, les mêmes crédits que pour l’ensemble des autres éléments de biodiversité. Même si le portage public des questions maritimes dans notre pays est un vrai sujet, il ne s’agit pas d’un premier pas vers la création d’un ministère de la mer – le général de Gaulle n’en voyait pas la nécessité puisqu’il n’y avait pas de ministère de la terre. Mais si l’on veut relever le défi de la pêche, de l’aquaculture, de la préservation des fonds océaniques et des coraux, de l’outre-mer, la création d’un poste de directeur adjoint de l’AFB spécialement affecté à la question maritime m’apparaît indispensable.
Mme la rapporteure. Il me semble qu’on entre un peu trop dans le détail de la composition du CA de l’AFB. Je suis plutôt défavorable à cet amendement. Le ministère de l’environnement doit prendre ses responsabilités et nous n’avons pas à le faire à sa place.
Mme la secrétaire d’État. Je partage complètement le point de vue de M. Leroy : une place essentielle doit être accordée, au sein de l’AFB, aux questions maritimes. En revanche, en se mêlant de l’organisation interne de l’Agence, l’amendement me paraît dépasser la compétence du législateur qui définit les objectifs, les missions de l’établissement – et la préservation des milieux marins et littoraux en fait évidemment partie. C’est donc uniquement parce qu’il ne revient pas au législateur de traiter de cette matière que j’y suis défavorable.
Le Gouvernement sera très attentif à cette question. Un comité d’orientation chargé des questions marines est déjà placé auprès du conseil d’administration de l’AFB, ce qui n’empêche pas que l’idée d’un directeur général adjoint chargé des questions maritimes puisse être retenue.
M. Bertrand Pancher. Dans les faits, l’AFB ne va donc plus s’occuper que des milieux aquatiques. Si l’on flanque son directeur général d’un directeur général adjoint chargé des questions relatives aux milieux marins, l’Agence va vraiment finir par prendre l’eau ! (Rires)
Mme Florence Delaunay. Lors de l’examen en commission de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, nous avons « neutralisé » tous les titres : « président-directeur général » a été remplacé par l’expression « présidence-direction générale », le mot « président » par celui de « présidence », etc. Par souci de cohérence, nous devrions parler de « direction adjointe » plutôt que de « directeur adjoint ». Sinon, nous serons bien étonnés de voir une femme arriver à un poste de responsabilité au sein de l’AFB ! (Sourires)
M. Arnaud Leroy. Compte tenu des engagements de la secrétaire d’État et de la remarque de notre collègue Florence Delaunay, je retire mon amendement, ainsi, d’ailleurs, que l’amendement CD120.
L’amendement CD668 est retiré, de même que l’amendement CD995.
L’amendement CD120, de M. Arnaud Leroy, est également retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CD764 de M. Jacques Krabal.
Mme la rapporteure. Cet amendement est déjà satisfait.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 9 ainsi modifié.
Article 11 bis
Rapport relatif au périmètre de l’agence française pour la biodiversité
Le présent article prévoit que le Gouvernement remette un rapport sur l’élargissement du périmètre de l’agence et l’opportunité d’intégrer d’autres établissements publics nationaux pour une meilleure prise en compte de la biodiversité terrestre.
En commission, les sénateurs ont adopté trois amendements identiques de suppression de cet article.
Votre commission a adopté trois amendements identiques de rétablissement de l’article, dont l’un a été présenté par votre rapporteure.
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La Commission examine les amendements identiques CD716 de la rapporteure, CD525 de Mme Laurence Abeille et CD629 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme la rapporteure. Nous souhaitons rétablir l’article 11 bis afin que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l’élargissement du périmètre de l’AFB. Je rappelle que cet article avait été adopté sur votre proposition, Monsieur le président.
Mme Laurence Abeille. L’AFB, telle qu’envisagée, risque d’être très déséquilibrée en défaveur de la biodiversité terrestre. Il faut donc rétablir cette demande de rapport qui nous permettra de savoir ce qu’il est opportun de décider en ce qui concerne le rattachement éventuel à l’AFB d’opérateurs de l’État compétents dans différents domaines comme l’ONCFS ou l’ONF.
Mme Viviane Le Dissez. Je vais dans le même sens de ce qu’a très bien exprimé la rapporteure.
Mme la secrétaire d’État. Je crois sage de prendre le temps de la réflexion, d’observer comment les choses se passent sur le terrain et d’en tirer les conclusions dans un rapport. Sagesse.
M. Jean-Marie Sermier. Un certain nombre de personnes souhaitent que l’ONCFS rejoigne l’Agence. Le Sénat a eu la sagesse de ne pas contraindre les relations entre les uns et les autres et de laisser les choses se faire naturellement. L’amendement n’apporte rien, n’engage personne, mais c’est un mauvais signal envoyé à nos amis chasseurs.
M. David Douillet. C’est un énième rapport, alors que les choses fonctionnent bien au sein de l’ONCFS – car c’est bien d’un début de remise en question de cet organisme qu’il s’agit. Nous avons cette fâcheuse tendance, dans notre pays, à vouloir changer ce qui marche. L’ONCFS fait du bon travail, mais vous entendez créer une brèche par laquelle le monde de la chasse sera une nouvelle fois attaqué. (Murmures divers)
M. François-Michel Lambert. Le monde de la chasse n’est pas attaqué. Le monde évolue, et l’ONCFS, comme toutes les autres structures, doit aussi tenir compte du nouvel environnement, avec l’arrivée de l’Agence française pour la biodiversité. Cette création offre une opportunité de placer chacun dans le rôle le plus performant. Je crois que les chasseurs y gagneront beaucoup. Hier soir, nous avons été nombreux à rappeler la qualité du travail des fédérations de chasseurs, en termes de recherche ou de mise à disposition de moyens et d’indicateurs. Ce sera aussi l’occasion de contrer les raccourcis qui peuvent exister vis-à-vis de ces fédérations et de l’ONCFS, et de mieux faire comprendre le rôle positif qu’ils jouent. Il ne faut pas avoir peur d’un rapport.
Mme Françoise Dubois. Dans le cadre du travail que Jean-Pierre Vigier et moi-même avons conduit sur les continuités écologiques, nous avons constaté que les strates étaient trop nombreuses et qu’il convenait de regrouper tous les organismes publics de façon qu’ils ne se contredisent pas. Les acteurs de terrain voient des personnes différentes qui leur donnent des consignes différentes et souvent contradictoires.
M. Martial Saddier. Deux choses sont profondément choquantes dans ces amendements. La première, c’est qu’après avoir échoué à intégrer l’ONCFS, vous remettez le couvert. La seconde, alors qu’il a fallu deux ans entre la première lecture et la seconde, et qu’il reste à franchir les étapes de la commission mixte paritaire, du Conseil constitutionnel et de la promulgation, c’est qu’à treize mois de la fin de la législature, au lieu d’essayer de terminer ce travail du mieux possible, vous déposez des amendements qui parlent de ce qui sera fait dans deux ans.
Mme la rapporteure. Le rapport ne devrait pas concerner que l’ONCFS. Les personnels de l’établissement public du marais poitevin (EPMP) ont décidé d’entrer dans l’AFB ; l’ONCFS l’aurait fait, nous n’aurions pas demandé un tel rapport.
M. David Douillet. L’ONCFS est financé à 70 % par les chasseurs, des gens qui défendent la biodiversité et son équilibre. Je ne suis pas sûr qu’ils continuent si l’ONCFS est absorbé par l’AFB.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 11 bis est ainsi rétabli.
Article 11 ter
Rapport relatif à l’élargissement du périmètre de l’agence française pour la biodiversité à l’établissement public du marais poitevin
En séance, le Sénat a adopté ce nouvel article selon lequel, dans un délai de deux ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’élargissement du périmètre de l’Agence française pour la biodiversité à l’établissement public du marais poitevin.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
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La Commission est saisie des amendements identiques CD717 de la rapporteure et CD833 de M. Lionel Tardy.
Mme la rapporteure. Je retire mon amendement, car l’établissement public du marais poitevin a décidé d’intégrer l’AFB et il n’y a donc pas de problème.
L’amendement CD717 est retiré.
M. Lionel Tardy. Cet article prévoit un rapport du Gouvernement relatif à l’élargissement du périmètre de l’AFB au marais poitevin. Je n’ai rien contre le marais poitevin mais plutôt contre les demandes de rapport. Ce serait, en l’occurrence, un rapport pour connaître le périmètre d’une agence qui n’est pas encore créée. C’est au Gouvernement de définir ce périmètre, dès maintenant, et cela aurait même dû être déjà fait. Je demande la suppression de cet article.
Mme la secrétaire d’État. L’article est satisfait par l’amendement qui vient d’être adopté.
Mme Delphine Batho. L’établissement public du marais poitevin, établissement public d’État, a été créé par une disposition législative. Nous n’aurons pas, dans un délai proche, de nombreuses occasions de revenir sur une disposition législative. Ce que souhaitent les acteurs du marais poitevin, c’est qu’une décision soit prise, non qu’elle soit renvoyée à un ou deux ans, après un hypothétique rapport. Je suis plutôt favorable à l’intégration de l’établissement dans l’AFB, à condition que soit garantie la pérennité de son action très importante, notamment en matière de politique de l’eau sur le territoire. Je souhaiterais que l’on aille au bout de cette discussion et que cette intégration soit décidée par un amendement en séance. Les acteurs nous disent : « C’est maintenant ou jamais. » Ils souhaitent faire partie de l’Agence dès sa création.
Mme la secrétaire d’État. Je suis tout à fait d’accord pour que nous ayons cette discussion d’ici à la séance.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il vaut donc mieux que l’article soit maintenu et, pour cela, que M. Tardy retire son amendement de suppression.
L’amendement CD833 est retiré.
La Commission adopte l’article 11 ter.
Article 14
Dispositions transitoires : représentation des personnels au conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité
Le présent article, sur lequel le Sénat a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur, fixe les modalités de représentation des personnels au sein du conseil d’administration de l’agence française pour la biodiversité, ainsi que celles applicables dans l’attente de la tenue des élections au sein du nouvel établissement.
Compte tenu du fait que les prochaines élections générales de la fonction publique devront se tenir en décembre 2018, votre commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteure visant à ce que le texte de l’article 14 prévoie la tenue d’élections des représentants du personnel dans un délai de trente mois, et non deux ans, suivant la promulgation de la loi, afin que des élections n’interviennent pas à quelques mois d’intervalle si la loi était promulguée pendant l’été 2016.
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La Commission est saisie de l’amendement CD718 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Le présent amendement vise, compte tenu de la date estimée de promulgation de la loi, à éviter que deux séries d’élections de représentants du personnel au conseil d’administration de l’Agence ne se tiennent à quelques mois d’intervalle, des élections étant prévues en décembre 2018. Nous souhaitons donc substituer aux mots « deux ans » les mots « trente mois ».
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 14 ainsi modifié.
Article 15
Élection des représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’Agence française pour la biodiversité
Votre commission a adopté, sur cet article adopté sans modification par le Sénat, un amendement de coordination présenté par votre rapporteure, fondé sur la même logique que l’amendement adopté à l’article 14. Cet amendement vise également, s’agissant de l’élection des représentants du personnel au comité technique de l’Agence française pour la biodiversité, à porter le délai dans lequel les élections doivent intervenir à trente mois, au lieu de deux ans, car les prochaines élections générales de la fonction publique devront se tenir en décembre 2018.
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La Commission examine l’amendement CD719 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Amendement de coordination. C’est la même modification que précédemment.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 15 ainsi rédigé.
Article 15 bis
(articles L. 213-8-1, L. 213-9-2, L. 213-9-3 du code de l’environnement)
Extension du périmètre d’intervention des agences de l’eau
Le présent article, inséré par un amendement du Gouvernement adopté en séance publique, étend le périmètre d’intervention des agences de l’eau. Les agences mettront en œuvre les SDAGE et les SAGE en favorisant une gestion non pas économique mais durable et équilibrée de la ressource en eau et elles pourront contribuer à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine ainsi que du milieu marin. La coopération entre les agences de l’eau et l’Agence française pour la biodiversité fera l’objet de conventions passées sur le modèle d’une convention type fixée par arrêté du ministre chargé de l’environnement.
Les agences de l’eau pourront apporter une aide financière aux personnes réalisant des actions d’intérêt commun visant une gestion équilibrée et durable du milieu marin et de la biodiversité. Enfin les contributions de l’agence de l’eau à l’AFB pourront être utilisées pour des interventions dans les départements d’outre-mer.
C’est donc une meilleure intégration des politiques de l’eau, de la biodiversité et du milieu marin qui est visée.
En commission, les sénateurs ont adopté un amendement présenté par le rapporteur précisant que l’action des agences de l’eau s’exerce, concernant la biodiversité terrestre, dans le cadre de la stratégie nationale et des stratégies régionales pour la biodiversité. Il convient de rappeler que, pour le milieu marin, le document de référence est le plan d’action pour le milieu marin.
Votre commission a adopté un amendement de précision présenté par votre rapporteure, portant sur cette même question, et tendant à préciser que l’action des agences de l’eau en faveur de la biodiversité terrestre et marine s’inscrit, en particulier mais pas uniquement, dans le cadre de ces stratégies et de ce plan d’action.
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La Commission discute des amendements identiques CD246 de M. Martial Saddier et CD978 de Mme Valérie Lacroute.
M. Martial Saddier. Il s’agit d’un amendement fondamental. Nous avons fêté l’an dernier les cinquante ans des agences de l’eau, qui ont permis de flécher le produit des taxes sur l’eau douce sur des actions en faveur de l’eau douce. Tout le monde s’accorde à dire, même si des progrès restent à faire, que le système a été bien sécurisé, alors qu’en général, quand une taxe voit le jour, dix ans plus tard, elle sert à tout sauf à ce pour quoi elle a été créée. Les agences ont permis de sacraliser et de bien flécher l’argent de l’eau.
L’an dernier, 75 millions d’euros ont été prélevés sur leur budget pour le fonctionnement de l’AFB, qui n’a toujours pas été mise en route. Le projet de loi étend la redistribution de l’argent de l’eau douce au-delà du seul périmètre de l’eau douce, au secteur marin et ultramarin. Cela diminuera mathématiquement la quote-part du financement de l’eau douce. Nous demandons la suppression des alinéas 4, 5, 7, 8 et 9. C’est un amendement d’appel de manière à garantir le financement de l’AFB à la fois sur l’eau douce et la partie marine.
Mme Valérie Lacroute. Les agences de l’eau ont perdu 75 millions d’euros l’an dernier. L’extension au-delà des problématiques d’eau douce pose question.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je trouve au contraire intéressant de s’écarter du principe « l’eau paie l’eau », car les agences de l’eau ont des relations avec le milieu marin et mènent d’autres actions que la potabilisation ou la création de conduites. Elles ont, c’est vrai, de moins en moins d’argent ; Jean Launay devrait présenter un amendement répondant au problème sans augmenter la fiscalité existante, prévoyant que les agences de l’eau perçoivent des taxes nouvelles, liées notamment au milieu marin. Puisque leurs missions sont étendues, il est nécessaire que leurs ressources s’élargissent.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Ces amendements visent à ne pas élargir les missions des agences de l’eau à la biodiversité et au milieu marin, alors qu’il leur est déjà possible d’intervenir en matière de biodiversité aquatique et de zones humides. Une telle proposition ne permettrait pas à l’AFB de financer ses missions en expansion en matière de biodiversité et de milieu marin à partir de la contribution financière des agences de l’eau.
Le Gouvernement considère que le financement de la biodiversité terrestre permet de renforcer la capacité de résilience des milieux, qui bénéficie aussi à la préservation des masses d’eau, et que le financement des milieux marins est nécessaire à l’atteinte des objectifs fixés par la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin ». L’extension du périmètre d’intervention des agences à la biodiversité et au milieu marin ne remet pas en cause les principes fondateurs de la fiscalité des agences : pollueur-payeur et « l’eau paie l’eau ». Plusieurs redevances perçues par les agences de l’eau visent des atteintes à la biodiversité – pollution diffuse, en particulier par les pesticides, des milieux aquatiques – et justifient que les agences financent les actions de préservation de la biodiversité.
Enfin, l’élargissement des missions des agences de l’eau à la biodiversité terrestre et au milieu marin permet une complémentarité des interventions des établissements publics de l’État dans les domaines de l’eau et de la biodiversité.
M. Bertrand Pancher. Nous ne ferons pas l’impasse sur une discussion sur les moyens apportés aux collectivités par les agences de l’eau et sur la stratégie des pouvoirs publics en matière de prélèvement et d’affectation de cette fiscalité. En trois ans, 30 % ont été prélevés sur le budget des agences de l’eau. Quid de la stratégie du Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2017, avec l’arrivée des nouvelles conventions des agences ? Va-t-on prélever des sommes supplémentaires sur elles ? Quid de la loi NOME et des conséquences pour les collectivités en termes de tarifs de l’eau et de l’assainissement ? Les travaux sur les dessertes vont énormément peser sur les budgets des usagers.
Au cours du précédent mandat, je disais aux collectivités avec lesquelles j’étais en relation de ne pas réaliser de travaux s’ils devaient conduire à des tarifs supérieurs à 3 euros le mètre cube. La moyenne nationale en est actuellement à 3,80 euros. Avec les nouvelles missions confiées aux agences, cela va devenir une véritable folie, les 4 euros au mètre cube seront allègrement dépassés ! L’agence de l’eau de ma communauté d’agglomération s’est organisée pour ne plus avoir de trésorerie, à cause de la lourdeur des prélèvements de l’État et du manque de visibilité.
M. Guy Bailliart. Je suis également préoccupé par cette mesure. Nous vivons une période très difficile en ce qui concerne le financement de l’alimentation en eau potable et l’assainissement. En milieu rural, beaucoup de territoires ont des circuits d’eau potable d’une cinquantaine d’années, qu’il va falloir changer, et nous allons dans le mur à très brève échéance. Avons-nous les moyens de faire participer les agences de l’eau à des actions autres que sur l’eau douce ?
Ces agences fonctionnent selon une logique de bassin. Qu’en sera-t-il de cette logique ? Dans la Manche, une logique de bassin qui intégrerait les milieux marins n’a rien d’évident.
Le programme national d’aide aux personnes en assainissement non collectif a permis une amélioration de ces systèmes, mais cela a été très difficile à mettre en place et dépend totalement des subventions. Où va-t-on trouver l’argent pour de nouvelles missions ?
M. Michel Lesage. Il n’est pas possible de s’accrocher au principe de « l’eau paie l’eau », qui est déjà obsolète : les redevances étant appliquées sur le prix du mètre cube payé par les usagers, l’eau est payée par les usagers, et à 85 % par les usagers domestiques. En outre, la politique de l’eau nécessite une gestion intégrée des petits cycles et des grands cycles, terre et mer, car l’usager paie aussi les conséquences des problèmes de pollution, d’inondation et autres. Il est donc pertinent de se diriger vers une conception globale de la politique de l’eau et de réfléchir à un financement global de cette politique.
Mme la secrétaire d’État. Le système va devoir évoluer. Un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui va bientôt m’être remis et a déjà été présenté ce matin au Comité national de l’eau, doit faire la lumière sur le prix de l’eau, le coût des services de l’eau et les moyens de limiter la facture des ménages, qui est en moyenne de 3,50 euros par mètre cube aujourd’hui. Un second rapport a été commandé en début d’année par Ségolène Royal, au même CGEDD, sur le financement de la biodiversité. Ces rapports nous aideront à travailler sur ces questions essentielles.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite les amendements identiques CD218 de M. Martial Saddier et CD849 de Mme Valérie Lacroute.
Mme Valérie Lacroute. Cet amendement vise à retirer aux agences de l’eau la mission « biodiversité terrestre » et donc à cibler ses nouvelles missions sur la biodiversité aquatique.
M. Martial Saddier. Je suis administrateur d’une agence de l’eau depuis de nombreuses années. Suivant les décisions qui seront prises, et qui consisteront, nous l’avons compris, à partager le gâteau, des programmes d’investissement devront être arrêtés.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CD720 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 15 bis ainsi modifié.
Article 16
(articles L. 132-1, L. 172-1, L. 213-2, L. 213-3, L. 213-4, L. 213-4-1, L. 213-5, L. 213-6, L. 213-9-1, L. 213-9-2, L. 213-10-8, L. 213-12-2, L. 331-29, L. 334-1, L. 334-2, L. 334-4, L. 334-5, L. 334-7, L. 414-10, L. 437-1 du code de l’environnement, article L. 942-1 du code rural et de la pêche maritime)
Organisation de l’intégration des différents opérateurs de l’État fusionnant dans l’Agence française pour la biodiversité
Le présent article organise l’intégration des établissements publics devant être fusionnés avec l’Agence française pour la biodiversité.
1. Les travaux du Sénat en première lecture
En commission, les sénateurs ont adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur ainsi qu’un amendement présenté par le rapporteur selon lequel c’est à l’AFB qu’il revient d’être responsable de l’inventaire national du patrimoine naturel pour l’État.
En séance, le Sénat a adopté :
– un amendement présenté par le Gouvernement modifiant la gouvernance du plan Ecophyto actuellement définie par l’article L. 213-4-1 du code de l’environnement. La révision du plan Ecophyto conduit en effet à modifier les dispositions législatives mentionnant ce plan afin de tenir compte des évolutions apportées. Le comité consultatif de gouvernance et le comité national d’orientation et de suivi du plan sont fusionnés et remplacés par le comité d’orientation stratégique et de suivi du plan, composé, et c’est une évolution importante, de l’ensemble des parties prenantes du plan. Ce comité donne son avis sur les orientations stratégiques et financières du plan. Le programme annuel et le budget prévisionnel correspondant lui sont en particulier soumis pour avis. Actuellement, l’article L. 213-4-1 du code de l’environnement dispose que les aides sont attribuées après avis d’un comité consultatif de gouvernance dont la composition est fixée par décret et qui comprend notamment des représentants des professions agricoles ;
– deux amendements de coordination et rédactionnels présentés par le rapporteur.
2. La position de votre commission
Votre commission a adopté quatre amendements identiques, dont l’un a été présenté par votre rapporteure, supprimant l’alinéa 24 selon lequel l’AFB, et non l’État, est responsable de l’inventaire national du patrimoine naturel car il est préférable que cette compétence reste du ressort de l’État, comme le prévoit par ailleurs l’article 3 ter du projet de loi qui procède à la réécriture de l’article L. 411-5, devenu L. 411-1-A.
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La Commission est saisie des amendements identiques CD219 de M. Martial Saddier, CD722 de la rapporteure, CD862 de Mme Valérie Lacroute et CD864 de M. Jean-Louis Bricout.
Mme la rapporteure. Il s’agit de conserver à l’État la mission d’animer l’inventaire national du patrimoine naturel.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l’article 16 ainsi modifié.
Article 16 bis
(article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales)
Amélioration de l’information des citoyens sur le prix et la qualité des services de l’eau potable et de l’assainissement
Le présent article, introduit en commission à l’Assemblée nationale à l’initiative du Gouvernement, vise à améliorer l’information des citoyens sur le prix et la qualité des services de l’eau potable et de l’assainissement en améliorant la transmission dématérialisée des données.
Le Sénat a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur en séance publique.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
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La Commission adopte l’article 16 bis sans modification.
Le présent article définit le conseil d’administration transitoire de l’agence ainsi que l’entrée en vigueur des articles du titre III.
En séance, le Sénat a adopté, à l’initiative du Gouvernement, un amendement précisant que :
– jusqu’à l’installation du conseil d’administration de l’AFB, un conseil d’administration transitoire, composé des membres des quatre conseils d’administration des établissements publics qui composent l’Agence française pour la biodiversité, règle par ses délibérations les affaires de l’établissement ;
– les articles 11, 12 et 16 de la présente loi entrent en vigueur à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article 9.
Votre commission a adopté deux amendements présentés par le Gouvernement visant à :
– faire référence aux organismes publics, au lieu des établissements publics, pour pouvoir prévoir l’association du conseil d’administration du groupement d’intérêt public ATEN au conseil d’administration transitoire de l’agence ;
– fixer un délai d’un an à l’autorité administrative pour permettre d’installer le conseil d’administration de l’agence ;
– prévoir que les articles 11, 12 et 16, à l’exclusion du b du 3° quater de cet article 16 (relatif à la gouvernance du plan Ecophyto qui entrerait donc en vigueur avec la promulgation de la loi), entrent en vigueur à la date fixée dans le décret en Conseil d’État prévu à l’article 9 et au plus tard le 31 décembre 2017.
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La Commission est saisie de l’amendement CD1000 rectifié du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. L’article 17 a été revu pour introduire un conseil d’administration provisoire et retoucher l’entrée en vigueur opérationnelle de l’Agence française pour la biodiversité. Il mérite encore quelques ajustements rédactionnels. Le présent amendement permet au paragraphe I de prévoir l’association du conseil d’administration du groupement d’intérêt public Atelier public des espaces naturels (ATEN), qui n’est pas un établissement public, au conseil d’administration transitoire de l’AFB, et fixe un délai à l’autorité administrative pour prendre le décret en Conseil d’État qui rendra l’Agence totalement opérationnelle.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD571 de M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Les reports successifs du projet de loi ont contraint les sénateurs à créer un conseil d’administration transitoire pour l’AFB. Ce conseil devrait, selon nous, être composé non seulement, comme dans la rédaction actuelle, des membres des conseils d’administration des établissements composant l’AFB, mais aussi des membres du Comité national « trame verte et bleue ».
Mme la rapporteure. En qualité de présidente du Comité national « trame verte et bleue », je pense que le Comité n’a pas sa place dans le conseil d’administration de l’AFB, même pendant la période transitoire. Ce n’est pas du tout la même chose qu’un établissement public. Cela n’empêche que je salue le travail des membres de ce comité, qui a permis des avancées formidables sur les continuités écologiques et les réservoirs de biodiversité.
Mme la secrétaire d’État. Je m’associe à cet hommage.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CD1013 rectifié du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à différer l’entrée en vigueur des articles 11, 12 et 16 de manière à ne pas faire disparaître les organismes intégrant l’AFB avant la création de cette dernière, qui sera effective à la publication du décret prévu à l’article 9, lequel doit être pris au plus tard un an après la promulgation de la loi, sans toutefois différer l’entrée en vigueur d’une disposition de l’article 16 faisant évoluer la gouvernance du plan Ecophyto suite à sa révision en octobre 2015.
Cette disposition met, en effet, en place un comité d’orientation stratégique et de suivi du plan qui a vocation à se réunir dès l’entrée en vigueur de la loi.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 17 ainsi modifié.
Article 17 bis
Audition préalable du candidat à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité
Le présent article permet d’effectuer les coordinations nécessaires, dans la loi du 23 juillet 2010 (8), à l’audition préalable par les commissions parlementaires compétentes du candidat à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, prévue par la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 2055 rectifié).
En séance publique, le Sénat a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement de coordination avec la loi organique n° 2015-911 du 24 juillet 2015 relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
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La Commission adopte l’article 17 bis sans modification.
TITRE III BIS
GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE L’EAU
Article 17 ter
(article L. 213-8 du code de l’environnement)
Modification de la composition des comités de bassin
Le présent article, introduit en séance publique à l’Assemblée nationale, vise à modifier la composition des comités de bassin.
1. Les travaux de l’Assemblée nationale en première lecture
Actuellement, en application de l’article L. 213-8 du code de l’environnement, le comité de bassin est formé :
– pour 40 %, d’un premier collège composé de représentants des conseils départementaux et régionaux et, majoritairement, de représentants des communes ou de leurs groupements compétents dans le domaine de l’eau ;
– pour 40 %, d’un deuxième collège composé de représentants des usagers de l’eau et des milieux aquatiques, des organisations socioprofessionnelles, des associations agréées de protection de l’environnement et de défense des consommateurs, des instances représentatives de la pêche et de personnes qualifiées ;
– pour 20 %, d’un troisième collège composé de représentants de l’État ou de ses établissements publics concernés.
Le président est élu par les représentants des deux premiers collèges (représentants des collectivités locales et des usagers).
Le comité de bassin est notamment consulté sur l’opportunité des actions significatives d’intérêt commun au bassin. Il définit les orientations de l’action de l’agence de l’eau et participe à l’élaboration des décisions financières de l’agence de l’eau.
Le décret n° 2014-722 du 27 juin 2014 relatif aux comités de bassin et l’arrêté du 27 juin 2014 relatif à la représentation des usagers aux comités de bassin ont fait évoluer la composition des comités de bassin. Ainsi, le collège des usagers de l’eau a été divisé en trois sous-collèges (article D 213-17 du code de l’environnement) :
– le sous-collège des « usagers non professionnels » ;
– le sous-collège des usagers professionnels « Agriculture, pêche, aquaculture, batellerie et tourisme » ;
– et le sous-collège des usagers professionnels « Entreprises à caractère industriel et artisanat ».
L’article D 213-19 prévoit que le président du comité de bassin est un représentant des collectivités territoriales ou une personnalité qualifiée du deuxième collège. Les vice-présidents sont au nombre de trois et sont issus de chacun des trois sous-collèges d’usagers. Ils sont élus par les représentants des collectivités territoriales et par les représentants des usagers.
La Cour des comptes a, dans son rapport public annuel 2015, estimé que la réforme n’avait pas suffisamment amélioré la représentation des usagers non professionnels car les représentants du deuxième collège comprennent encore une trop forte proportion de représentants des usagers professionnels.
L’Assemblée nationale a donc modifié la composition des comités de bassin en scindant le deuxième collège en deux collèges, afin d’assurer que 20 % des membres des comités de bassin seraient des représentants des usagers non économiques. Ainsi, le comité de bassin serait composé :
– pour 40 %, d’un premier collège composé de représentants des conseils départementaux et régionaux et, majoritairement, de représentants des communes ou de leurs groupements compétents dans le domaine de l’eau ;
– pour 20 %, d’un deuxième collège composé de représentants des usagers non économiques de l’eau et des milieux aquatiques, des associations agréées de protection de l’environnement et de défense des consommateurs, des instances représentatives de la pêche et de personnes qualifiées ;
– pour 20 %, d’un troisième collège composé de représentants des usagers économiques de l’eau et des milieux aquatiques et des organisations socioprofessionnelles ;
– pour 20 %, d’un troisième collège composé de représentants de l’État ou de ses établissements publics concernés.
Le président serait élu par les trois premiers collèges.
2. Les travaux du Sénat en première lecture
En commission, les sénateurs ont adopté un amendement présenté par le rapporteur, tendant à consacrer, dans la partie législative du code, la réforme mise en œuvre par le décret de 2014 précité et prévoyant que chaque sous-collège peut élire son vice-président en son sein (ce qui n’est pas le cas actuellement). Par ailleurs, le collège des usagers comprend des représentants des milieux marins et de la biodiversité.
En séance publique, les sénateurs ont adopté trois amendements :
– deux amendements identiques tendant à inclure les représentants des sylviculteurs au sein des comités de bassin ;
– le dernier, présenté par le rapporteur, visant à ce que le premier collège comprenne au moins un parlementaire et à mieux représenter les groupements de collectivités compétents dans le domaine de l’eau (le terme groupements de collectivités se substituant à celui de groupements de communes).
3. La position de votre commission
Votre commission a pris acte du caractère récent de la réforme intervenue en 2014 ainsi que de l’ensemble des modifications proposées par le présent projet de loi, s’agissant notamment des actions des agences de l’eau, et a estimé que la réforme proposée par l’Assemblée nationale pourrait utilement être reportée au prochain renouvellement des représentants élus ou désignés des comités de bassin. La durée de leur mandat est fixée à six ans. Votre commission n’a donc pas adopté d’amendement sur cet article, au bénéfice d’un travail à mener en séance publique sur la gouvernance de l’eau.
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La Commission est saisie des amendements identiques CD519 de Mme Laurence Abeille et CD630 de Mme Delphine Batho.
L’amendement CD519 est retiré.
Mme Viviane Le Dissez. L’amendement CD630 tend à modifier les collèges au sein des agences de l’eau, afin notamment de garantir une juste représentation entre collectivités, usagers professionnels et non professionnels.
Mme la rapporteure. J’y étais favorable en première lecture mais une réforme est intervenue en 2014, qui a bousculé les agents. Leur imposer une réforme supplémentaire maintenant me paraît compliqué, d’autant plus que leurs missions sont lourdes, dans un contexte pas franchement favorable.
Mme la secrétaire d’État. La gouvernance de la politique de l’eau a été réformée en juillet 2014 par Mme Ségolène Royal, après une longue concertation de tous les acteurs de l’eau dans le cadre du Comité national de l’eau, à la suite de la Conférence environnementale. Cette nouvelle organisation, qui a permis de renforcer la représentation des usagers non économiques et leur a offert une vice-présidence de comité de bassin, est en train de se mettre en place, et cela a l’air de se passer plutôt bien. Je demande le retrait de l’amendement.
M. Martial Saddier. Je soutiens la position sage de la rapporteure. Une vraie évolution a eu lieu dans les agences. Le vice-président est en voie d’être élu. Il ne faut pas tout remettre à plat maintenant, cela risquerait d’être une marche en arrière plutôt qu’une marche en avant.
Mme Martine Lignières-Cassou. Je ne comprends pas en quoi la modification de la composition des agences perturberait les agents qui y travaillent.
Mme la rapporteure. Vous avez raison. C’est simplement une question de réorganisation.
M. Michel Lesage. Une réponse purement conjoncturelle et ponctuelle à la question de la gouvernance de l’eau et de la démocratie de l’eau, au motif que le Comité national de l’eau, où les lobbies économiques sont très présents, s’est prononcé, serait ignorer que cette réflexion est demandée depuis dix ans par la Cour des comptes et les associations de protection de l’environnement et de consommateurs. Le collège des usagers représente les usagers à la fois domestiques et non domestiques, et les représentants associatifs sont parfois même des représentants de chambres d’agriculture ou d’industriels. Alors que les usagers domestiquent payent 85 % des redevances, ils peuvent ne représenter que 30, 20, voire 10 % des membres des conseils d’administration ; c’est une injustice fondamentale. Les associations demandent depuis longtemps à ne pas être associées au monde industriel, qui joue les rapports de force et défend par définition des intérêts privés. Cet amendement, dont je suis le deuxième signataire, est extrêmement important.
M. Bertrand Pancher. Nous sommes atteints de « diarrhée législative » (Sourires), les textes changent tout le temps. Je partage l’avis de M. Michel Lesage dans l’absolu, mais nous passons notre temps à changer le fonctionnement des agences. Faisons une pause !
M. Jean-Louis Bricout. Nous avons besoin de stabilité. Les usagers sont aussi représentés par les élus.
M. Michel Lesage. Les élus sont, en effet, censés représenter l’intérêt général, et ils le font souvent, mais leur taux d’absentéisme est malheureusement très élevé dans les conseils d’administration. C’est une réalité dont témoignent les rapports d’experts.
Mme Martine Lignières-Cassou. L’amendement ne propose pas de révolution. Il s’agit seulement de scinder en deux la représentation des usagers – non économiques, d’un côté, économiques, de l’autre –, car leurs intérêts ne sont pas forcément convergents.
Mme la rapporteure. Prévoir cela à la date de renouvellement serait moins impactant. Nous pouvons y travailler d’ici à la séance.
Mme la secrétaire d’État. Comme souvent, les débats parlementaires permettent d’avancer. Nous pouvons aboutir à quelque chose d’intelligent en séance.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mme Viviane Le Dissez, retirez-vous l’amendement CD630 ? Ainsi d’ailleurs que le CD631 ?
L’amendement CD630 est retiré, ainsi que l’amendement CD631 de Mme Delphine Batho.
La Commission adopte l’article 17 ter sans modification.
Article 17 quater
(article L. 213-8-1 du code de l’environnement)
Représentation des usagers non économiques dans les conseils d’administration des agences de l’eau
Le présent article vise à modifier la composition du conseil d’administration d’une l’agence de l’eau, compte tenu de l’évolution de la composition des comités de bassin prévue par l’article 17 ter.
1. Les travaux de l’Assemblée nationale en première lecture
L’agence de l’eau est administrée par un conseil d’administration, qui comprend, outre son président, 34 membres, et est composé :
– de onze représentants désignés par le premier collège des comités de bassin en leur sein (collectivités territoriales) ;
– de onze représentants désignés par le deuxième collège des comités de bassin en leur sein (usagers) ;
– de onze représentants de l’État ou de ses établissements publics ;
– d’un représentant du personnel de l’agence.
Les représentants désignés par le premier collège, ceux désignés par le deuxième collège et les représentants de l’État disposent d’un nombre égal de sièges.
En première lecture, l’Assemblée nationale avait adopté une modification de l’article L. 213-8-1 visant à ce que le conseil d’administration des agences de l’eau comprenne des représentants des usagers non économiques de l’eau et des représentants des usagers économiques de l’eau. Toutefois, le dispositif adopté comportait une erreur de référence.
2. Les travaux du Sénat en première lecture
Une nouvelle rédaction de l’article 17 quater a été adoptée en commission au Sénat, en cohérence avec la rédaction de l’article 17 ter issue des travaux du Sénat. Un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur a été adopté en séance publique. Chaque sous collège du deuxième collège des usagers aura un nombre égal de représentants et un siège sera ajouté pour les organisations socio-professionnelles ainsi qu’un siège pour une personnalité qualifiée (ce qui aboutit à prévoir trois sièges pour les représentants de chaque sous-collège).
3. La position de votre commission
Votre commission a adopté un amendement visant à prévoir que chaque sous-collège des usagers désigne ses représentants en son sein et à ce que, parmi les représentants des usagers, au moins trois personnes appartiennent au sous-collège des usagers non professionnels (sur les onze représentants). Elle a également rappelé son souhait de voir intervenir une réforme de la gouvernance de l’eau lors du prochain renouvellement des comités de bassin.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD874 de M. Jean Launay, CD520 de Mme Laurence Abeille, et CD632 de Mme Delphine Batho.
Les amendements CD520 et CD632 sont identiques.
M. Jean Launay. Depuis que ce projet de loi a commencé son cheminement, les instances de bassin qui gèrent la politique de l’eau ont eu le temps de se renouveler en 2014. En première lecture, nous avions déjà évoqué la question de la représentation dans le collège des usagers où l’on retrouve les trois contributeurs aux redevances : les usagers domestiques et les deux usagers dits « professionnels », agriculteurs et industriels. De nombreux débats traversent ces instances ainsi que le Comité national de l’eau que j’ai l’honneur de présider à l’instigation de l’ancienne ministre de l’écologie, Mme Delphine Batho.
Ces débats portent sur la gouvernance et la représentation. Certains soutiennent que les usagers domestiques, qui supportent l’essentiel des redevances, que ce soit au titre du prélèvement sur la ressource ou de la pollution, n’ont pas le poids qui leur correspond dans le collège des usagers. Au moment où nous mettons en place l’Agence française de la biodiversité, alors que les redevances de l’eau seront très probablement appelées à payer pour la biodiversité – et pas seulement pour la diversité aquatique ou marine –, cette situation risque de créer un déséquilibre au sein des instances telles qu’elles existent actuellement et telles qu’elles seront amenées à évoluer.
Même si je comprends leur motivation, les amendements qui viseraient à porter la seule voix des usagers domestiques risqueraient de fragiliser le système des agences de l’eau alors qu’il est déjà difficile de faire accepter le principe de l’extension des interventions en faveur de la biodiversité au milieu marin. Je ne voudrais pas que la diminution du poids des acteurs économiques – que ce soit les agriculteurs, les industriels, ou les pêcheurs professionnels – remette en cause leur consentement à payer.
Mon amendement CD874 vise à garantir une représentation suffisante du sous-collège des usagers non professionnels au sein des conseils d’administration des agences de l’eau, tout en permettant une représentation des sous-collèges des usagers professionnels adaptée au territoire : c’est la raison pour laquelle nous avons prévu que l’équilibre entre les représentants des agriculteurs et assimilés et des industriels et assimilés pourra varier en fonction du caractère plus ou moins rural ou industriel du bassin. La désignation de personnalités qualifiées ou de représentants socioprofessionnels reste également possible.
Mme Laurence Abeille. J’entends qu’il est difficile de revenir dès aujourd’hui sur les évolutions qu’ont connues les agences de l’eau il y a relativement peu de temps. Cela étant, nous sommes réunis pour trouver un équilibre afin que les usagers puissent s’y sentir réellement représentés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Je comprends la complexité de la situation, mais je maintiens mon amendement CD520 tout en étant prête à accepter que la représentation des usagers n’évolue que lors du prochain renouvellement des conseils d’administration des agences. À la veille d’un nouveau bouleversement, nous donnerions aux acteurs un signe de notre volonté politique en précisant les choses dès aujourd’hui dans le texte de la loi.
Mme Delphine Batho. Monsieur le président, je vous présente mes excuses pour n’avoir pu assister à la fin des débats de la commission, mercredi dernier : je pensais naïvement que la séance serait levée à vingt heures… (Sourires)
Mon amendement CD632 est de cohérence avec les amendements CD630 et CD631 à l’article 17 ter qui ont été retirés mercredi.
Le rapport accablant de la Cour des comptes impose au législateur de prendre ses responsabilités.
Il n’est pas proposé de fixer une représentation proportionnelle à la redevance versée : la part des usagers économiques est donc pleinement respectée.
J’ajoute que, pour ma part, je refuse complètement la notion de « sous-collège » introduite au Sénat : les usagers non professionnels ne sont pas des sous-usagers. Il faut en revenir à des choses simples, c’est-à-dire à un principe d’égalité entre les professionnels et les autres.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La semaine dernière, nous avons décidé que, dans la mesure où des bouleversements ont déjà eu lieu en 2014 et où le nouveau système commence à fonctionner, les prochaines modifications ne seraient effectives que lors des prochains renouvellements des instances. Je suis donc plutôt favorable à l’amendement CD874 qui propose une solution d’attente dans la perspective de la réforme que nous appelons de nos vœux.
Les choses sont plus compliquées s’agissant des amendements CD520 et CD632, même si nous abondons dans le sens de Mme Batho : il n’y a pas de sous-usagers.
Je rappelle que le projet de loi élargit les missions des agences de l’eau. Je signale aussi que je soutiendrai en séance publique un amendement que M. Jean Launay n’a pas pu présenter la semaine dernière, et qui vise à alléger les redevances dues par les usagers. Ajoutons que le programme d’intervention des agences de l’eau se met en place pour 2018 : il me paraît en conséquence judicieux d’attendre que ces trois éléments trouvent une traduction dans la réalité pour avancer. Je suggère le retrait des amendements identiques.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Je suis favorable à l’amendement CD874 de M. Jean Launay, qui améliore le texte adopté au Sénat en autorisant une représentation des usagers professionnels adaptée aux caractéristiques du bassin.
Nous avons la volonté de ne pas déstabiliser dès aujourd’hui une réforme engagée il y a très peu de temps, en concertation avec les différents acteurs. Les conseils d’administration se mettent actuellement en place et les usagers ont obtenu une vice-présidence ; les acteurs commencent à peine à s’y retrouver dans une nouvelle organisation qui suscite plutôt des retours positifs.
Certaines attentes s’expriment cependant ; je les entends. Mais il faut aussi prendre garde à certains écueils. Le fameux rapport de la Cour des comptes, cité par Mme Delphine Batho, notait également la nécessité de renforcer la position de l’État dans les conseils d’administration, que les amendements CD520 et CD632 conduiraient pourtant à l’affaiblir – l’État ne détiendrait plus que 25 % des sièges contre 33 % actuellement –, en même temps qu’ils renforceraient la représentation des usagers économiques, qui passerait de moins de 20 % à 25 %.
Nous sommes parvenus à un compromis auquel il me semble que nous devons nous tenir. La réforme que les amendements de Mme Laurence Abeille et Mme Delphine Batho proposent sera envisagée, mais pour le prochain renouvellement, en 2020. En attendant qu’un autre amendement soit préparé en ce sens, je suggère leur retrait.
Mme Delphine Batho. Nous ne faisons que proposer de revenir à ce que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture et que le Sénat a modifié. Les amendements que nous avions alors défendus ne touchaient pas à l’équilibre entre l’État et les collectivités territoriales, et cela était délibéré car, sur ce sujet, nous ne partageons pas le point de vue de la Cour des comptes. Nos amendements visaient l’égalité entre les usagers économiques et non économiques.
Je ne comprends pas bien la position qui consiste à accepter l’amendement de M. Jean Launay modifiant la composition du conseil d’administration des agences et entérinant de fait la notion de sous-collège, tout en refusant des amendements qui ne font que rétablir le texte adopté par l’Assemblée qui modifiait également la composition de ce conseil.
D’ici à la séance, je travaillerai, quoi qu’il en soit, à un ajustement pour le prochain renouvellement des conseils d’administration puisque la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », soulève un certain nombre de problèmes en matière de désignation des représentants des collectivités territoriales, en particulier pour ce qui concerne les communautés de communes. À mon sens, cela pose la question d’un renouvellement général des conseils d’administration des agences pour 2017 ou 2018.
Pour toutes ces raisons, je ne souhaite pas retirer mon amendement CD632.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je constate que les trois amendements en discussion commune sont maintenus. Je rappelle que notre rapporteure et le Gouvernement ont émis un avis favorable à l’amendement CD874.
La Commission adopte l’amendement CD874.
En conséquence, les amendements CD520 et CD632 tombent.
La Commission adopte ensuite l’article 17 quater ainsi modifié.
Article 17 quinquies
(articles L. 213-8-3 et L. 213-8-4 [nouveau] du code de l’environnement)
Création d’une commission des aides au sein des agences de l’eau et d’un régime d’incompatibilités de fonctions pour les membres des conseils d’administration
Le présent article, inséré par l’Assemblée nationale en première lecture, vise à instituer une commission des aides au sein des conseils d’administration des agences de l’eau ainsi qu’un régime d’incompatibilité de fonctions.
1. La disposition adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture
Les agences de l’eau mettent en œuvre les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, attribuent des aides financières dans le cadre d’un programme pluriannuel, perçoivent les redevances des utilisateurs et mènent une politique foncière de sauvegarde des zones humides.
L’article 17 quinquies dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée visait à ce que :
– chaque conseil d’administration mette en place une commission des aides, qui se prononce sur l’attribution des aides financières attribuées par l’agence de l’eau. Cette commission est composée de représentants des différents collèges siégeant au conseil d’administration. Ses délibérations et décisions sont rendues publiques ;
– les fonctions de membre du conseil d’administration d’une agence de l’eau définie à l’article L. 213-8-1 soient incompatibles avec les fonctions définies par décret en Conseil d’État. Quiconque se trouve dans ce cas d’incompatibilité doit démissionner des fonctions ou du mandat qu’il détenait antérieurement ;
– les membres du conseil d’administration de l’agence de l’eau souscrivent une déclaration publique d’intérêts ;
– un membre du conseil d’administration directement intéressé par une délibération comme représentant d’une entreprise, d’une collectivité territoriale ou d’une association bénéficiant d’une subvention en discussion ne participe pas au débat.
2. Les travaux du Sénat en première lecture
En commission, les sénateurs ont adopté un amendement présenté par le rapporteur substituant au régime d’incompatibilité de fonctions une charte de déontologie visant à prévenir les conflits d’intérêts. Les membres du conseil d’administration souscriraient une déclaration publique d’intérêts.
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement présenté par le Gouvernement visant à supprimer le renvoi à un décret pour la définition des règles de déontologie.
3. La position de votre commission
Votre commission a souhaité revenir à la rédaction de cet article telle qu’elle était issue des travaux de l’Assemblée nationale et a donc rétabli le régime d’incompatibilité.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CD633 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. L’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un amendement identique, avec l’avis favorable du Gouvernement, afin de mettre en place un régime de prévention des conflits d’intérêts dans la gouvernance des agences de l’eau. Nous proposons de revenir à ce texte que le Sénat a modifié.
Mme la rapporteure. Je suis favorable à cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Il s’agit de prévoir des cas d’incompatibilité de la fonction de membre du conseil d’administration d’une agence de l’eau avec certaines fonctions définies par décret ainsi qu’une règle de fonctionnement visant à prévenir les conflits d’intérêts.
Il me paraît dommage de ne pas adopter la version du Sénat qui a amélioré la lisibilité du texte en supprimant les dispositions qui n’étaient pas de nature législative ou celles qui étaient inopérantes. Le Gouvernement avait de surcroît proposé par amendement de ne pas recourir à un décret, ce qui n’était pas indispensable. Aucune fonction ne paraît justifier une incompatibilité avec celle d’administrateur d’une agence de l’eau, à l’exception de celles qu’exercent les agents en exercice dans cette dernière, représentants du personnel exclus. Par ailleurs, à la demande de Mme Ségolène Royal, tous les conseils d’administration des agences ont adopté ou adoptent actuellement des chartes de déontologie homogènes et beaucoup plus complètes que ce que prévoit la loi, afin de prévenir tout conflit d’intérêts.
Toutefois, s’agissant de cet amendement, je m’en remets à la sagesse de votre commission.
Mme Delphine Batho. Le texte que nous avions adopté en première lecture était meilleur que le condensé qu’en a fait le Sénat : il prévoyait la mise en place d’une commission des aides dans chaque conseil d’administration, et il ne se contentait pas de poser des règles de déontologie : il mettait bel et bien en place un régime d’incompatibilités.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 17 quinquies est ainsi rédigé.
TITRE IV
ACCÈS AUX RESSOURCES GÉNÉTIQUES ET PARTAGE JUSTE ET ÉQUITABLE DES AVANTAGES
Article 18
(articles L. 412-2-1 à L. 412-18 [nouveaux] du code de l’environnement)
Accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, partage des avantages en découlant, traçabilité et contrôle de l’utilisation
1. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale
a. Un dispositif d’APA national
L’article 18 crée un dispositif dit « d’APA » (accès et partage des avantages) pour l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées, avec des dispositifs de déclaration et de contrôle, afin de transposer dans le droit national les dispositions du Protocole de Nagoya à la Convention de Nairobi sur la diversité biologique, et d’adapter le droit national aux dispositions du règlement européen n° 511/2014 du 16 avril 2014.
L’article 18 introduit dans le code de l’environnement une section relative à ce dispositif, qui sera applicable sur l’ensemble du territoire français et vient donc se substituer aux dispositifs d’APA antérieurs qui étaient spécifiques à la Guyane, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.
Le Protocole de Nagoya a été adopté en 2010, la France l’a signé en 2011, et l’article 26 ter du présent projet de loi permet la ratification de ce traité.
Le nouvel article L. 412-3 du code de l’environnement définit les notions suivantes : « utilisation de ressources génétiques », « utilisation de connaissances traditionnelles associées », « partage des avantages » (en précisant en quelles actions ce partage peut consister), « communauté d’habitants », « connaissances traditionnelles associées à une ressource génétique », « espèce domestiquée ou cultivée », « espèce sauvage apparentée » et « collection ».
La notion juridique de « communauté d’habitants »
L’article 18 du projet de loi s’attache notamment à établir un lien juridique entre les connaissances traditionnelles et les communautés d’habitants qui les détiennent. La définition proposée de « communauté d’habitants » respecte à la fois la Convention sur la diversité biologique (voir commentaire de l’article 26 ter), le Protocole de Nagoya et les principes constitutionnels français. Ceux-ci, en particulier l’indivisibilité de la République, l’unité du peuple français et l’égalité des citoyens, interdisent de reconnaître des droits collectifs (en l’occurrence, la capacité juridique de consentir à l’accès et à l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles et de contracter en vue du partage des avantages) à des groupes sur des fondements ethniques – la représentation des intérêts de certaines communautés pouvant toutefois être assurée en se basant sur des critères objectifs, par exemple géographiques.
Le Gouvernement français va formuler, au moment de la ratification du Protocole de Nagoya, une déclaration interprétative relative à l’expression « communautés autochtones et locales » qui est employée par la Convention sur la diversité biologique et par le Protocole. Comme l’a fait le Gouvernement lors de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, cette déclaration interprétative visera à rappeler qu’en vertu des principes à valeur constitutionnelle d’indivisibilité de la République et d’unité du peuple français, le peuple français est constitué de tous les citoyens français sans aucune distinction d’origine, de race ou de religion. La notion de « communauté autochtone et locale » est en conséquence traduite en droit national par celle de « communauté d’habitants ».
Le champ d’application du dispositif d’APA est défini par le nouvel article L. 412-4. Il concerne à la fois les utilisateurs des ressources génétiques, c’est-à-dire les chercheurs publics et privés, et les fournisseurs de ces ressources et de connaissances traditionnelles associées à ces ressources. Le propriétaire et fournisseur des ressources génétiques est l’État ; les fournisseurs des connaissances traditionnelles associées sont les communautés d’habitants.
Les ressources agricoles ne sont pas dans le champ couvert par le dispositif d’APA, soit parce qu’elles sont régies par un traité international, soit parce qu’elles seront régies par une ordonnance que l’article 26 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre.
b. L’APA pour les ressources génétiques
Deux procédures sont prévues :
1° Si la recherche n’a pas de visée commerciale, l’utilisation ne nécessite qu’une procédure de déclaration (nouvel article L. 412-5) :
● l’organisme de recherche fait une déclaration auprès de l’autorité administrative, qui lui remet un récépissé de déclaration ;
● il conclut une convention de partage des avantages non monétaires ;
● l’autorité administrative fait enregistrer le récépissé de déclaration en tant que certificat international de conformité au Centre d’échange des Nations Unies sur l’accès et le partage des avantages créé dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique.
2° Si la recherche a un objectif de développement commercial, l’utilisateur doit se soumettre à une procédure d’autorisation (nouvel article L. 412-6) :
● l’organisme de recherche dépose un dossier de demande d’autorisation auprès de l’autorité administrative ;
● il conclut une convention de partage des avantages avec l’autorité administrative ; ce partage peut comprendre des avantages financiers, mais ce n’est pas systématique (le Protocole de Nagoya prévoit seulement que le partage doit être « juste et équitable ») ;
● l’autorité administrative délivre l’autorisation d’accès à la ressource génétique en vue de son utilisation spécifique dans le cadre du projet présenté (le délai d’instruction de la demande d’autorisation ne peut excéder deux mois, et le refus d’autorisation doit être motivé) ;
● l’autorité administrative fait enregistrer l’autorisation comme certificat international de conformité auprès du Centre d’échange sur l’accès et le partage des avantages.
Une liste des motifs pouvant justifier le refus de l’autorisation figure dans le nouvel article L. 412-6. Trois motifs sont prévus : l’absence d’accord sur le partage des avantages ; un partage des avantages qui ne correspond manifestement pas aux capacités techniques et financières du demandeur ; un risque que l’activité ou ses applications potentielles affectent la biodiversité de manière significative, restreignent son utilisation durable, ou épuisent la ressource génétique concernée. Un décret en Conseil d’État définira une procédure de conciliation pouvant être mise en œuvre quand le demandeur et l’administration ne parviennent pas à un accord sur le partage des avantages.
c. L’APA pour les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques
Pour l’accès à ces connaissances, qui sont détenues par des communautés d’habitants, la procédure d’autorisation (nouveaux articles L. 412-8 à L. 412-12) exige qu’une personne morale de droit public désignée par décret en Conseil d’État organise une consultation de la communauté d’habitants qui détient le savoir traditionnel.
Cette personne morale peut être un « établissement public de coopération environnementale » (EPCE) – nouvelle catégorie d’établissements publics, créée par l’article 32 du projet de loi –, ou, à défaut d’EPCE, l’État ou un établissement public national compétent en matière d’environnement (nouvel article L. 412-8).
À l’issue de cette consultation, la personne morale de droit public dresse un procès-verbal qui relate le déroulement de la consultation et qui constate l’accord, ou l’absence d’accord, sur l’utilisation de la connaissance. Au vu de ce procès-verbal, l’autorité administrative accorde ou refuse l’autorisation des connaissances ; sa décision est notifiée au demandeur et publiée (nouvel article L. 412-10).
S’il y a accord constaté par le procès-verbal, l’organisme de recherche signe un contrat de partage des avantages avec la personne morale de droit public.
À l’initiative de votre rapporteure, l’Assemblée nationale a précisé que les innovations font partie des connaissances traditionnelles associées faisant l’objet du dispositif d’APA.
d. Les règles applicables aux avantages financiers
Le partage « juste et équitable » des avantages exigé par le Protocole de Nagoya peut consister en différentes menées par l’utilisateur des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées. Le nouvel article L. 412-3 tel qu’adopté par l’Assemblée nationale dresse une liste de cinq types d’actions possibles :
– l’enrichissement ou la préservation de la biodiversité in situ ou ex situ ;
– la préservation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques (création de bases de données, avec le consentement préalable des communautés concernées) et des autres pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité ;
– la contribution au développement local de filières associées à l’utilisation des ressources et connaissances concernées ou de filières permettant la valorisation de la biodiversité ;
– la collaboration, la coopération ou la contribution à des activités de recherche, d’éducation, de formation, de transfert de compétences ou de technologies ;
– le versement de contributions financières.
Lorsque la dernière possibilité est utilisée, le nouvel article L. 412-6 dispose que les contributions financières versées par les utilisateurs au titre du partage des avantages sont calculées sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxe réalisé et des autres revenus perçus grâce aux produits ou procédés obtenus à partir des ressources génétiques faisant l’objet de l’autorisation. Ce pourcentage a été plafonné à 5 % par adoption d’un amendement du Gouvernement. Un décret fixera un seuil en dessous duquel aucune contribution financière ne sera demandée.
Le produit de ces contributions financières est affecté à l’Agence française pour la biodiversité (dont la création est prévue par l’article 9 du projet de loi), qui devra l’utiliser exclusivement pour financer des actions relevant des autres types d’action énumérés par l’article L. 412-3. Il est précisé que l’AFB « tient compte de la part importante de la biodiversité des outre-mer dans la biodiversité nationale lors de la redistribution des avantages financiers ».
e. Quelle est l’autorité administrative compétente ?
Le Protocole de Nagoya prévoit que des autorités compétentes au niveau national pour délivrer les autorisations et négocier les accords de partage des avantages devront être désignées et communiquées au secrétariat de la Convention sur la diversité biologique. Plusieurs autorités compétentes peuvent être désignées pour un pays.
Le nouvel article L. 412-12-1, introduit par l’Assemblée nationale, donne la possibilité aux assemblées délibérantes de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte d’exercer la fonction d’autorité administrative compétente pour la procédure de déclaration et pour la procédure d’autorisation. Dans les autres régions et départements, l’autorité compétente est l’État.
2. Les modifications apportées par le Sénat
a. Sur les actions pouvant être menées au titre du partage des avantages
En séance publique, avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, le Sénat a adopté un amendement de M. Jacques Cornano pour ajouter à la liste des actions pouvant être menées pour opérer le partage des avantages (article L. 412-3) une sixième catégorie : le maintien, la conservation, la gestion, la fourniture ou la restauration de services écosystémiques (9) sur un territoire donné.
Il a également adopté un amendement du même auteur donnant une priorité aux catégories d’actions autres que le versement de contributions financières (le Gouvernement et le rapporteur s’en étant remis à la sagesse du Sénat sur ce point).
S’agissant des contributions financières, le Sénat, en séance publique, a adopté des amendements de Mme Corinne Imbert, M. Gilbert Barbier et Mme Sophie Primas, avec l’avis favorable du Gouvernement, pour ramener de 5 % à 1 % le taux plafond pour le calcul de la part de revenus à appliquer. Le Sénat a également adopté un amendement de M. Jacques Cornano précisant que l’Agence française pour la biodiversité doit prendre en compte la part importante de la biodiversité des outre-mer « de manière proportionnelle » lors de la redistribution des avantages financiers (avis de sagesse du Gouvernement).
b. Sur la procédure de déclaration
En séance publique, le Sénat a adopté des amendements identiques du groupe Écologiste et du groupe Socialiste et Républicain, avec l’avis favorable du Gouvernement, pour créer une obligation, pour l’autorité administrative, d’informer les communautés d’habitants lorsque l’accès aux ressources génétiques pour des recherches sans but commercial a lieu sur le territoire où elles sont présentes. Cette obligation d’informer les communautés d’habitants vient se substituer à l’obligation, adoptée par l’Assemblée nationale, d’informer l’établissement public du parc national concerné lorsque l’accès aux ressources implique un prélèvement in situ à l’intérieur du parc.
c. Sur les motifs pouvant justifier un refus d’autorisation
Le texte adopté par l’Assemblée nationale disposait que seuls trois motifs peuvent justifier un refus d’autorisation ; le troisième motif était le risque que l’activité ou ses applications potentielles affectent la biodiversité de manière significative, restreignent son utilisation durable, ou épuisent la ressource génétique concernée. Un amendement du rapporteur adopté par la commission du Sénat a reformulé ce motif : au lieu des trois impacts possibles (« affecte », « restreint » ou « épuise »), c’est l’affectation de la biodiversité qui se trouve définie comme la restriction de l’utilisation durable de la ressource ou l’épuisement de celle-ci.
d. Sur la possibilité, pour certaines assemblées territoriales d’outre-mer, de délivrer les autorisations d’accès concernant leur territoire
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement pour prendre en compte l’évolution institutionnelle des collectivités territoriales concernées, où les « assemblées délibérantes » sont désormais des conseils régionaux (Guadeloupe, Réunion), un conseil départemental (Mayotte) et les assemblées de Guyane et de Martinique.
Le Sénat a également adopté un sous-amendement du groupe Écologiste, avec l’avis favorable du rapporteur mais un avis défavorable du Gouvernement, obligeant lesdites assemblées à créer un « comité territorial d’accès et de partage des avantages liés aux ressources génétiques représentant les parties prenantes concernées qui a pour mission de les appuyer dans ces fonctions ».
e. Sur la propriété intellectuelle
La commission du Sénat a adopté des amendements présentés par les groupes Communiste et Écologiste qui imposent aux bénéficiaires d’une autorisation française sur des ressources génétiques de s’engager à ne revendiquer aucun droit de propriété intellectuelle limitant l’accès à ces ressources pour la recherche, la conservation, l’utilisation durable, la valorisation ou l’exploitation commerciale.
Le Sénat a supprimé ces dispositions en séance publique, en adoptant des amendements identiques de Mme Corinne Imbert et du Gouvernement, avec l’avis favorable du rapporteur.
f. Une obligation de restitution pour les travaux de recherche sans objectif commercial
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du groupe Écologiste, avec l’avis favorable du Gouvernement, complétant les dispositions de l’article L. 412-5 (procédure de déclaration) pour instaurer une obligation, pour le demandeur, de « restituer auprès des communautés d’habitants (…) les informations et connaissances acquises à partir des ressources génétiques prélevées sur le territoire (…) où une ou plusieurs communautés d’habitants sont présentes. ». Le demandeur devra consulter l’autorité administrative sur les modalités de cette restitution.
g. Sur les modalités d’entrée en vigueur et d’application
La commission du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur pour préciser les modalités d’entrée en vigueur de l’article 18, en ce qui concerne les collections de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles constituées avant l’entrée en vigueur de la future loi (nouvel article L. 412-4-1) :
Pour les projets de recherche sans objectif commercial, le dispositif d’APA ne s’appliquera qu’aux accès ultérieurs à la promulgation de la loi.
Pour les recherches ayant un « objectif direct de développement commercial »,
– le nouveau dispositif s’appliquera aux accès aux ressources ultérieurs à la promulgation de la loi ;
– pour les personnes ayant obtenu l’accès à une ressource avant la promulgation de la loi, le nouveau dispositif ne s’appliquera qu’aux « nouvelles utilisations », c’est-à-dire aux activités de recherche et de développement dont les objectifs et le contenu se distinguent de celles précédemment menées par le même utilisateur avec la même ressource ou la même connaissance traditionnelle.
En séance publique, le Sénat a remplacé, dans cette définition de la nouvelle utilisation, l’expression « les objectifs et le contenu » par « le domaine d’activité (…) précédemment couvert » (amendement de M. Daniel Dubois, avec l’avis favorable du Gouvernement).
Le Sénat a également adopté en séance publique un amendement du Gouvernement précisant que les conditions d’application de l’ensemble du dispositif de l’article 18 seront définies par un décret en Conseil d’État, pris après avis, lorsqu’elles sont concernées, des collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution (les départements d’outre-mer et les régions d’outre-mer).
Enfin, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement permettant la mise en conformité du droit national avec le règlement européen n° 511/2014 et son règlement d’application n° 2015/1866, pour prévoir qu’un décret désignera une ou plusieurs autorités administratives compétentes chargées de l’application de ces règlements.
3. La position de votre commission
Outre cinq amendements rédactionnels ou de coordination de votre rapporteure, la commission a adopté des amendements portant sur les sujets suivants :
a. Les définitions
● un amendement de Mme Chantal Berthelot modifiant la définition de la notion de communauté d’habitants pour que cette notion inclue également les « communautés autochtones et locales » ;
● un amendement de M. Ary Chalus ajoutant une définition supplémentaire, celle de l’« espèce sauvage », correspondant à toutes les espèces dont l’évolution n’a pas été influencée par l’homme ;
● un amendement de Mme Danielle Auroi modifiant la définition de la notion de nouvelle utilisation, pour revenir à la rédaction qu’avait adoptée la commission du Sénat (« objectifs et contenu ») ;
b. La procédure de déclaration
● un amendement du Gouvernement complétant la rédaction issue du Sénat pour préciser que l’information des communautés d’habitants est assurée, non pas par l’autorité administrative qui reçoit la déclaration, mais par la personne morale de droit public désignée pour organiser, par ailleurs, les consultations des communautés d’habitation détentrices de connaissances traditionnelles associées ;
● un amendement de votre rapporteure, pour modifier l’obligation de restitution introduite par le Sénat : au lieu de devoir restituer les informations et connaissances auprès des communautés d’habitants, le demandeur les restituera auprès de la personne morale de droit public précitée ; d’autre part, la rédaction du Sénat faisait entrer en application l’obligation de restitution « à l’issue des travaux de recherche », expression que votre rapporteure a proposé de supprimer ;
c. La procédure d’autorisation d’accès aux ressources génétiques
● des amendements identiques de Mmes Chantal Berthelot et Danielle Auroi créant une procédure obligatoire d’information des communautés d’habitants organisée par la personne morale de droit public précitée ;
● un amendement de Mme Chantal Berthelot créant une obligation de restitution identique à celle qui a été introduite dans la procédure de déclaration ;
d. Les motifs pouvant justifier un refus d’autorisation
● un amendement de votre Rapporteure visant à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture pour le troisième motif, pour que les risques d’atteinte à la biodiversité soient entendus de manière plus large ;
e. Les contributions financières
● des amendements identiques de votre Rapporteure et de Mme Danielle Auroi pour que le pourcentage plafond soit relevé de 1 % à 5 % (retour au texte adopté par l’Assemblée en première lecture) ;
● un amendement de votre rapporteure supprimant la mention « de manière proportionnelle » ajoutée par le Sénat s’agissant de la méthode de redistribution des avantages financiers par l’Agence française pour la biodiversité ;
f. La procédure d’autorisation pour l’utilisation des connaissances traditionnelles associées
● un amendement de Mme Chantal Berthelot visant à ce que le conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge de Guyane puisse être, sur ce territoire, la « personne morale de droit public » mentionnée à l’article L. 412-8 ;
● un amendement de Mme Danielle Auroi précisant que cette personne morale de droit public ne doit pas seulement organiser une information des communautés concernées selon des modalités qu’elle détermine, mais également une participation de ces communautés ;
● un amendement de Mme Chantal Berthelot modifiant la portée du procès-verbal attestant du consentement préalable de la communauté d’habitants : l’autorité administrative devra prendre la décision d’autoriser ou de refus l’autorisation « conformément au consentement préalable et aux conditions consignés » dans ce procès-verbal, et non pas seulement « au vu » de ce procès-verbal ;
g. La possibilité, pour certaines assemblées territoriales d’outre-mer, de délivrer les autorisations d’accès concernant leur territoire
La commission a adopté des amendements identiques de votre Rapporteure et de Mme Chantal Berthelot supprimant le « comité territorial » que devraient instaurer ces assemblées si elles décidaient d’exercer elles-mêmes la fonction d’autorité de délivrance des autorisations d’accès.
*
* *
La Commission examine l’amendement CD775 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. La définition de l’utilisation des connaissances traditionnelles est particulièrement large, dans la mesure où les modalités d’études et de valorisation ne sont pas précisées. L’amendement CD775 tend à remédier à ce problème.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cette précision restreint à mon sens le champ du texte. Il est de plus préférable de ne pas trop nous écarter du protocole de Nagoya sur lequel nous nous sommes appuyés.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Les notions de patrimoine matériel et immatériel, mises en avant dans cet amendement, ne figurent pas dans le protocole de Nagoya alors que le projet de loi vise à mettre en œuvre ce protocole de la manière la plus fidèle possible.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CD776 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. La biodiversité ayant une assise territoriale, cet amendement vise à permettre aux régions et collectivités territoriales de bénéficier du partage des avantages, aux côtés de l’utilisateur et, selon le cas, de l’État ou des communautés d’habitants.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je rappelle que l’État est l’unique propriétaire des ressources : il n’est pas vraiment souhaitable de prévoir un partage avec les collectivités territoriales. Les retours se feront vers elles, mais le partage des avantages ne peut être prévu dans ces dispositions relatives aux grands principes qu’avec le propriétaire des ressources ou les communautés d’habitants, comme cela est prévu dans le projet de loi.
Mme la secrétaire d’État. Avis également défavorable. Je rappelle que le protocole de Nagoya impose que le partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques se fasse exclusivement avec les communautés détentrice de ces connaissances.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD728 de la rapporteure.
M. le président Jean-Paul Chanteguet L’amendement CD729 de Mme la rapporteure est également rédactionnel.
Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, qu’un amendement soit rédactionnel ne signifie pas que l’on doive être automatiquement d’accord avec sa rédaction ! (Rires) Le français se cache derrière les détails…
Madame la rapporteure, vous allez très loin en invoquant des motifs rédactionnels pour supprimer certaines précisions adoptées par le Sénat. Ce dernier a indiqué que le partage des avantages permettait de contribuer à la création d’emplois « pour la population », faisant ainsi de la biodiversité une filière de développement locale. Pourquoi supprimer cette précision ? Elle ne me dérangeait pas…
Mme la rapporteure. La contribution à la création d’emplois se fait au niveau local : cela est déjà inscrit dans le texte. Pourquoi ajouter que ces emplois sont « pour la population » ? C’est une évidence ! À qui d’autres pourraient-ils être destinés ? De toute évidence, aux populations, pas aux oiseaux ni aux chiens ! (Sourires) Mon amendement est purement rédactionnel.
Mme Chantal Berthelot. Le Sénat a pris la peine d’apporter une précision ; je me disais que si elle avait un sens, il pouvait être utile de ne pas la supprimer.
Mme la rapporteure. Si vous ne voulez pas de cet amendement, je n’en ferai pas une affaire. Je trouvais que le texte était ainsi moins lourd, mieux rédigé en faisant disparaître ce que je considérais comme une évidence.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement de la rapporteure me semble typiquement d’ordre rédactionnel. J’y suis plutôt favorable parce que je n’aime pas les lois bavardes, mais je ne vois aucun problème si vous souhaitez conserver le texte en l’état. Je crois surtout que nous aurons à traiter des sujets plus importants. (Approbations diverses)
Mme Chantal Berthelot. Je ne me battrai pas davantage contre cet amendement… Nous serons plus bavards sur les suivants. (Murmures)
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement de précision CD730 de la rapporteure.
Mme Chantal Berthelot. Vous proposez un amendement de « précision » mais c’est justement le Sénat qui a précisé que les activités énumérées concernaient « le public et les professionnels locaux », ce que justement votre amendement tend à supprimer… Sans cette indication, introduite à l’initiative de sénateurs ultramarins, nous ne saurions pas quelle cible vise l’alinéa 18. Je veux bien qu’on collabore, mais avec qui et comment ?
Mme la rapporteure. Pour éviter que nous ne débattions trop longuement de ce sujet, je retire mon amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CD731 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’amendement CD731 vise à supprimer l’alinéa 19 tendant à inclure la restauration ou la fourniture de services écosystémiques en tant que mesures de partage des avantages, car un service écosystémique peut ne pas avoir d’impact positif sur la biodiversité. La mesure pourrait alors être contre-productive.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable. Dans la mesure où les modalités de partage des avantages au bénéfice des services écosystémiques sont déjà possibles, cet alinéa ne me paraît pas du tout indispensable.
Mme Chantal Berthelot. Cet alinéa, introduit au Sénat, ne se limite pas à la restauration et la fourniture des services écosystémiques : nous parlons de leur maintien, leur conservation, et leur gestion. Sa portée est donc beaucoup plus large que ce qui nous est dit. Il permet de revenir au protocole de Nagoya et au projet du Gouvernement qui s’était déclaré, crois-je savoir, favorable à cette disposition au Sénat.
M. Jean-Yves Caullet. Un service écosystémique sera nécessairement positif pour la biodiversité s’il est durable. L’inconvénient souligné par la rapporteure serait éliminé si nous apportions cette précision. Il y a des tas de choses dans un service écosystémique, qui parfois peuvent être exploitées de façon un peu « minière », sans souci de durabilité.
Mme la secrétaire d’État. Monsieur le député, un écosystème évolue toujours. Le service doit évoluer en conséquence… Je ne sais pas si le terme « durable » est vraiment adapté.
Mme la rapporteure. Je veux bien retirer mon amendement. Franchement, cela ne change pas grand-chose sur le fond !
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CD732 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Je propose de supprimer l’alinéa 21 qui vise à donner la priorité aux actions autres que le versement de contributions financières, ce que ne prévoit notamment pas le protocole de Nagoya.
Mme la secrétaire d’État. Je suis plutôt favorable à cet amendement. Le dispositif de l’alinéa 21 n’est pas imposé par le protocole de Nagoya.
Mme Chantal Berthelot. Cet amendement touche au cœur du sujet. Les alinéas a à e du texte proposé pour l’article L. 412-3 du code de l’environnement proposent une série de définitions sur ce que peut être le partage des avantages. Les accords issus de la Conférence mondiale sur la biodiversité, tenue à Nagoya en 2010, ne comportent pas de dispositions particulières en cette matière.
Dans les territoires concernés par le champ de l’article 18, la biodiversité et l’accès aux ressources génétiques doivent à notre sens devenir des filières de développement économique. Autrement dit, il faut nous inscrire dans la durabilité. Il est de loin préférable de structurer des activités – par exemple en formant des jeunes à la cueillette – plutôt que de se contenter de donner un chèque. L’alinéa 21 montre en quoi la biodiversité constitue une ressource et une voie de développement dans les territoires, notamment ultramarins. Il est trop facile d’acheter, d’entrer dans une marchandisation des savoir-faire. C’est pour moi une forme de pillage. Nous avons des ressources génétiques et du savoir-faire ; il ne s’agit pas de les vendre, mais d’en faire de vraies filières de développement dans nos territoires. Il ne s’agit pas d’empêcher les financements, mais de faire une place à la connaissance dans le partage. Nous voulons faire en sorte que les ressources nationales perdurent sur le territoire national, avec les connaissances qui y sont liées.
Mme la rapporteure. N’étant pas de Guyane, je n’ai pas tout saisi des implications de votre propos, madame Berthelot. (Rires)
Constatant que certains refusaient de contribuer financièrement, j’ai déposé cet amendement afin de ne pas donner la priorité aux autres actions. On ne doit pas considérer le transfert financier comme la dernière option.
Je sais par ailleurs que certains souhaiteraient voir cet argent aller à l’Agence française pour la biodiversité (AFB). J’ai conscience que c’est une affaire assez compliquée, notamment chez nos compatriotes ultramarins. Cela pourrait aller totalement à l’inverse de ce qu’était l’intention des auteurs de ces amendements, comme l’esprit du protocole de Nagoya… Et l’on ne s’en aperçoit qu’après. Je sais que bon nombre d’entreprises n’ont absolument aucune envie de verser de l’argent.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mme Chantal Berthelot souhaite que l’on privilégie les autres actions que la contribution financière dans le partage des avantages.
Mme la rapporteure. C’est ce que j’ai dit.
M. Michel Heinrich. Non, vous avez dit le contraire !
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Effectivement. L’alinéa 21 indique que les actions mentionnées aux a à d sont examinées en priorité, autrement dit, qu’on les privilégie par rapport au versement d’une contribution financière.
Mme la rapporteure. Cela ne veut pas dire, à mon sens, que l’idée d’une contribution financière doive être examinée en dernier. Cela étant, je ne vis pas dans le territoire que représente Mme Berthelot ; je veux bien retirer mon amendement, si cela peut lui faire plaisir.
Mme Chantal Berthelot. Gardons notre sérénité… (Rires)
Au-delà du fait que je suis élue de Guyane et que cet alinéa résulte d’un amendement présenté par des sénateurs ultramarins, ce n’est pas une question de connaissance des territoires. Le savoir-faire des peuples autochtones de Guyane, comme celui de tous les peuples d’Amérique du Sud, repose qu’on le veuille ou non sur un lien spirituel, chamanique, à la terre. Nous souhaitons que les ressources génétiques et le savoir-faire des populations autochtones et locales permettent de développer de vraies industries dans nos territoires. D’autres pays ont été pillés après avoir reçu un chèque donnant à des acteurs extérieurs l’autorisation d’utiliser des ressources pour développer une activité qui n’a eu aucune retombée sur le territoire concerné. Nous ne souhaitons pas empêcher le versement de contributions financières ; nous disons seulement que les discussions avec les demandeurs doivent donner la priorité au développement local de filières économiques.
C’est dans cette logique que se sont inscrits tous les autres pays, Canada et autres. On ne peut pas se référer aux accords de Nagoya quand cela nous arrange et les mettre de côté quand on le désire.
Mme la rapporteure. Je retire mon amendement.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il conviendra de déposer un autre amendement en séance publique pour rendre cohérente la rédaction de cet alinéa et la mention du d) bis.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CD778 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. La référence à la communauté d’habitants tend à évincer le principe fondamental selon lequel les droits des autochtones résultent de leur lien à leur terre.
Depuis l’accord de Nouméa de 1998, le peuple kanak est reconnu en Nouvelle-Calédonie. Cela s’accompagne d’un statut civil coutumier régissant les rapports de nature civile entre les Kanaks, mais aussi les terres coutumières. Par ailleurs, dans des arrêts récents, les juridictions ont reconnu aux structures coutumières traditionnelles la personnalité juridique.
Cet amendement vise à insérer une référence aux communautés autochtones et locales à l’alinéa 22 de l’article 18 après la seconde occurrence du terme « habitants ».
Mme la rapporteure. Monsieur Olivier Falorni, nous avons longuement discuté de ce sujet lors de l’examen du texte en première lecture. Pour des motifs de conformité à la Constitution, je ne peux pas donner un avis favorable à l’adoption de cet amendement, je vous demande donc de le retirer.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement a choisi l’expression de « communautés d’habitants » pour transcrire en droit français la notion onusienne de « communautés autochtones et locales » et il ne souhaite pas l’abandonner. Le Conseil constitutionnel interdit de mentionner les populations autochtones. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CD388 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Les accords de Nagoya utilisent l’expression de « communautés autochtones et locales », vis-à-vis de laquelle le droit français se montre réfractaire. Au-delà du droit, prenons en compte, mes chers collègues, l’Histoire de la Guyane ! Les Amérindiens furent les premiers à habiter cette terre et ils forment bien un peuple autochtone.
Depuis la première lecture de ce texte, le Gouvernement a confié à une sénatrice, Mme Aline Archimbaud, et à une députée, Mme Marie-Anne Chapdelaine, la mission d’étudier les raisons expliquant que le taux de suicide chez les Amérindiens de Guyane soit dix fois supérieur au niveau de la métropole. Lorsque l’on déclare sa fierté de posséder en France le premier parc national en Europe, on oublie de rappeler que les Amérindiens vivent dans ce parc et l’entretiennent depuis des siècles grâce à leurs savoir-faire. Ces personnes demandent aujourd’hui une reconnaissance de leur travail et de leur culture. Le rapport de nos collègues montre très clairement que nous n’avons pas reconnu les droits de ces populations.
Nous, parlementaires, pourrions utiliser ce texte de loi, pour reconnaître, grâce aux accords de Nagoya, ces peuples autochtones. Les Français sont fiers de la biodiversité de leur parc naturel, mais ceux qui y vivent ne peuvent pas l’être, car on les a catalogués comme sauvages : c’est toute l’histoire de la colonisation. Or, aujourd’hui, on se tourne vers eux car leurs savoir-faire pourraient s’avérer très utiles. M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, part demain en Guyane où il rencontrera notamment les peuples autochtones et les chercheurs de l’institut recherche développement (IRD) pour régler le différend qui les oppose sur le couachi.
La France est diverse et un peuple premier, les Amérindiens de Guyane, vit en son sein. Il est nécessaire de le reconnaître.
M. Michel Heinrich. Très beau plaidoyer !
Mme la rapporteure. Madame Berthelot, il n’est pas question de nier l’importance des populations autochtones, mais nous nous sommes mis d’accord lors de l’examen du texte en première lecture, après en avoir débattu fort longtemps, pour ne pas retenir l’expression de « communautés autochtones », afin de ne risquer la censure du Conseil constitutionnel. Cela ne nous empêche pas de considérer ces populations avec respect et de prendre en compte leur apport dans le maintien de la biodiversité de notre territoire. Je vous demande de retirer votre amendement, car une décision négative du Conseil constitutionnel aurait des conséquences particulièrement dommageables pour le texte.
Mme la secrétaire d’État. Madame Chantal Berthelot, vous avez dit, avec vos tripes, des choses justes et touchantes. Les Amérindiens ont toujours joué un rôle dans la préservation de la biodiversité de ces territoires et dans le développement d’une connaissance et d’une culture dont la richesse est attestée au point que certains cherchent à se les approprier – en omettant d’ailleurs de rendre hommage à ces populations. Le texte reconnaît leur apport et cherche à leur conférer des droits. J’entends ce que vous dites, mais je refuse de prendre le risque d’une inconstitutionnalité qui les empêchera de bénéficier de ces avantages. Vous pourriez, en revanche, défendre plus tard une modification de la Constitution pour que l’inscription de tels termes dans la loi ne soit plus contraire à la norme suprême. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme Danielle Auroi. Je suis un peu étonnée par ce que j’entends : le protocole de Nagoya, norme de droit international reconnue par l’Union européenne (UE), évoque les peuples autochtones, et la loi française refuserait d’employer ces termes ? Il serait intéressant de connaître l’avis du Conseil constitutionnel avant de proclamer qu’une telle disposition est contraire à la Constitution. Afin de ne pas maintenir un néocolonialisme culturel, encore plus indécent lorsque l’on travaille contre la biopiraterie et que l’on souhaite valoriser l’apport et les connaissances des populations amérindiennes, il importe de reconnaître ces dernières comme des peuples autochtones et non pas simplement comme des communautés d’habitants.
Mme Chantal Berthelot. L’art de la répétition est une bonne chose, y compris dans cette maison… (Sourires)
Il n’est heureusement pas besoin d’être un constitutionnaliste ou un juriste distingué pour être un bon législateur, et c’est heureux. Lors de la création du parc amazonien de Guyane, le Gouvernement était conscient de la nécessité de prendre en compte la biodiversité. La loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux comporte une partie spécifique dédiée au parc amazonien de Guyane. Le Conseil d’État, dans une décision du 28 novembre 2013, n’a pas contesté l’emploi de l’expression « communautés autochtones et locales » dans la charte du parc amazonien de Guyane, où il est écrit « […] la mission de protection des patrimoines culturels revêt ici une dimension bien particulière. En effet, le patrimoine culturel, loin d’être réduit à un ensemble de patrimoines matériels à conserver, est constitué de cultures vivantes, de représentations de l’environnement et de modes de vie et de gouvernance que les communautés autochtones et locales ont développés en interaction avec leur environnement ». Autrement dit, lorsqu’il s’agit pour le Gouvernement, ou pour l’État français, de trouver des artifices pour mettre au point un statut particulier du parc de Guyane et un dispositif expérimental pour intégrer l’APA dans la charte, la notion de communauté autochtone n’a rien d’inconstitutionnel !
Au regard de la Constitution, le problème réside dans le mot « peuple » et non dans le terme « autochtone » ; mon amendement propose donc d’insérer l’expression de « communautés autochtones et locales » et non de « peuples autochtones et locaux ». Les Amérindiens revendiquent le statut de « peuple autochtone » : le peuple français est un, mais on peut reconnaître sa diversité et sa richesse liées à l’existence de plusieurs peuples et de plusieurs communautés.
La Commission adopte alors l’amendement CD388.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’indique qu’il y a eu neuf voix pour cet amendement et trois contre.
Puis elle en vient à l’amendement CD389 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Je retire cet amendement, monsieur le président.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CD779 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Le texte définit les connaissances par le fait qu’elles sont détenues « de manière ancienne et continue », ce qui ne s’avère pas satisfaisant car l’origine de leur émergence et leurs modes de transmission importent davantage que leur ancienneté. Cet amendement vise à remplacer ces termes par celui de « traditionnel », qui permet de renvoyer aux modes de constitution et de transmission des savoirs intergénérationnels.
Mme la rapporteure. Le terme de « traditionnel » renvoie au caractère ancien et continu des connaissances, si bien que cette substitution n’apporte rien, d’autant plus que votre amendement, monsieur Falorni, ne définit pas le mot « traditionnel ». Autrement dit, on ne fait que répéter la même chose… Il me paraît plus judicieux de dire qu’une connaissance traditionnelle est une connaissance détenue de manière « ancienne et continue ». J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement n’améliore pas la définition prévue par le texte, simple et facile à comprendre. J’émets un avis défavorable à son adoption.
L’amendement est retiré.
La Commission aborde l’amendement CD780 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Cet amendement vise à définir la notion d’« espèces sauvages », qui ne figure dans aucun texte juridique alors que l’alinéa 23 caractérise celle d’« espèces sauvages apparentées ». Cela est très important dans les outre-mer, où plusieurs espèces sauvages sont utilisées et valorisées dans l’agriculture.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD781 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 41 de l’article 18 pour ne pas exclure du régime d’accès et de partage des avantages (APA) les connaissances traditionnelles que l’on ne peut attribuer à une ou plusieurs communautés d’habitants.
Mme la rapporteure. Il serait dommage de supprimer l’alinéa 41 ; en effet, il arrive de ne pas connaître l’identité des communautés ayant fait émerger certaines connaissances, ce qui complexifie les négociations et le partage de ces savoirs. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Le protocole de Nagoya n’impose aux États parties la création d’un dispositif sur ce sujet car sa mise en œuvre serait très ardue. Cette question de la prise en compte des connaissances traditionnelles qui ne peuvent être attribuées et de la redistribution des avantages retirés des exploitations en matière de recherche et de développement s’avère intéressante ; la France pourra la porter dans le cadre des travaux des parties au protocole de Nagoya portant sur l’article 10, qui traite du mécanisme multilatéral mondial de partage des avantages. Je suis donc défavorable à l’adoption de cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie l’amendement CD782 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. L’alinéa 42 met fin à des revendications pourtant légitimes sur les connaissances, qui ont été partagées par les communautés et qui ont été versées dans le domaine public sans de justes compensations. Il valide ainsi le rapport de force et les abus qui ont permis aux chercheurs d’utiliser de longue date et de façon répétée ces connaissances en dehors des communautés. Nous proposons de le supprimer.
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à conserver dans le champ d’application du dispositif les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont bien connues et qui ont été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d’habitants qui les partagent. Parmi les usages de ces connaissances figure la tisanerie de nombreuses plantes comme le tilleul ou la verveine. Votre amendement représente plutôt une source d’insécurité juridique, et j’émets un avis défavorable à son adoption.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD391 de Mme Chantal Berthelot et CD783 de M. Ary Chalus.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD391 est défendu.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD783 également.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle en vient aux amendements identiques CD316 de M. Dino Cinieri, CD687 de M. Jacques Krabal et CD733 de la rapporteure.
M. Dino Cinieri. Amendement de cohérence rédactionnelle avec l’alinéa 24 de l’article 18.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD687 est défendu.
Mme la rapporteure. L’amendement CD733 également.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle est saisie de l’amendement CD287 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 49 qui prévoit deux dispositions engendrant une application rétroactive des règles relatives au partage des avantages des ressources génétiques. Outre l’insécurité juridique qu’elles induisent, ces mesures mettent en péril la compétitivité des organismes de recherche français qui se voient imposer une réglementation plus contraignante que leurs concurrents européens.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CD530 de Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement propose de revenir à la rédaction initiale du texte en substituant au critère de changement d’activité celui de changement d’objectifs et de contenu. M. Jérôme Bignon, rapporteur du texte au Sénat, a souligné à juste titre combien cette modification introduite par ses collègues de droite allait vider ce dispositif de toute portée.
Supposons que, après avoir mené une étude reposant sur la pharmacopée des populations locales d’un territoire d’outre-mer, un institut de recherche dépose avant la date d’entrée en vigueur de cette loi un premier brevet sur l’utilisation d’une molécule active d’une plante connue pour ses vertus médicinales – anticancéreuses, par exemple. L’institut de recherche déciderait par la suite d’exploiter cette molécule pour la commercialisation d’un autre médicament. Il s’agirait bien du même domaine d’activité, celui de la recherche médicale, de la même ressource génétique et de la même étude de savoirs traditionnels des populations locales, mais l’utilisation différerait et ne serait plus soumise au dispositif d’APA. En outre, la procédure est simplement déclarative, la demande d’autorisation ne s’avérant nécessaire que pour la poursuite d’un objectif de développement commercial. La première rédaction est nettement plus claire et nous devrions la rétablir.
Mme la rapporteure. Je suis favorable au retour au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et donc à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Je ne souhaite pas revenir sur un amendement voté par le Sénat pour lequel le Gouvernement avait émis un avis favorable. La rédaction du Sénat s’avère plus simple et moins sujette à interprétation, si bien que je suis opposée à l’adoption de cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CD288 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Le dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages repose sur un système dual de déclaration-autorisation.
Le fait générateur de l’application du régime d’autorisation est l’accès aux ressources génétiques en vue de leur utilisation à des fins de connaissance sur la biodiversité, de conservation en collection ou de valorisation avec objectif direct de développement commercial. Cette notion d’objectif direct de développement commercial nécessite d’être définie par un décret en conseil d’État afin de garantir une sécurité juridique aux utilisateurs.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : je ne suis pas sûre qu’il faille renvoyer systématiquement à un décret spécifique.
Mme la secrétaire d’État. J’y suis défavorable également.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD1046 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. À la suite de l’amendement adopté en première lecture au Sénat, le présent amendement vise à préciser la procédure d’information des communautés d’habitants sur les déclarations d’accès aux ressources génétiques. Afin de garantir à cette disposition toute son efficacité, il est proposé de communiquer cette information aux populations concernées par le biais de la personne morale de droit public prévue dans le dispositif d’accès aux connaissances traditionnelles. Je proposerai, par ailleurs, un amendement CD1047 portant sur l’alinéa suivant. Ces deux amendements garantissent la constitutionnalité de l’alinéa 61 et du suivant, la rédaction sénatoriale comportant, en effet, un risque en la matière.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas défavorable à cet amendement, d’autant que j’aborde moi-même le sujet dans l’amendement CD734 rectifié, que nous allons examiner dans un instant et qui vise à modifier la nouvelle obligation, instituée par le Sénat, de restitution aux communautés d’habitants des informations et connaissances acquises à partir des ressources génétiques prélevées.
Il apparaît que cette nouvelle obligation n’est pas stabilisée en l’état. Il sera donc proposé de supprimer les mots « à l’issue des travaux de recherche » qui rendent le terme de cette disposition incertain et de prévoir que la restitution se fait auprès de la personne morale de droit public compétente, ce qui est une meilleure solution.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CD734 rectifié de la rapporteure et CD1047 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Je retire l’amendement du Gouvernement au profit de celui que la rapporteure vient de défendre.
L’amendement CD1047 est retiré.
Puis la commission adopte l’amendement CD734 rectifié.
Elle en vient aux amendements identiques CD392 rectifié de Mme Chantal Berthelot et CD531 rectifié de Mme Danielle Auroi.
Mme Chantal Berthelot. Nous souhaitons que soit respecté le parallélisme des formes : l’obligation préalable étant déjà prévue à l’alinéa 68 pour les déclarations relatives à l’accès aux ressources génétiques à des fins non commerciales, il s’agit ici de l’étendre aux autorisations relatives à l’accès aux ressources génétiques à des fins commerciales.
Mme Danielle Auroi. Au cours de la discussion du texte au Sénat, il a été montré que certaines communautés ne vivaient pas forcément dans des parcs ; c’est le cas à Mayotte, à Wallis-et-Futuna ou dans certains endroits de Guyane, à l’extérieur du parc national. C’est pourquoi le présent amendement vise à faire en sorte que la personne morale de droit public mentionnée à l’article L. 412-8 organise l’information de toutes les communautés d’habitants concernées, y compris quand la déclaration concerne l’exploitation commerciale des ressources génétiques.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte ces amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD393, deuxième rectification, de Mme Chantal Berthelot et CD532 rectifié de Mme Danielle Auroi.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD393, deuxième rectification, tend à créer une obligation de restitution aux communautés d’habitants des informations acquises à partir des ressources génétiques prélevées.
Mme Danielle Auroi. Puisque les communautés concernées participent à la préservation des ressources génétiques, elles ont le droit de recevoir les informations scientifiques qui en sont issues et le droit de savoir à quelles fins commerciales seront utilisées les molécules. Mon amendement CD532 rectifié est d’une grande cohérence.
Mme la rapporteure. Je souhaite m’assurer que ces amendements visent bien l’utilisation commerciale des ressources génétiques. Car j’ai du mal à imaginer qu’une entreprise produisant des cosmétiques vienne avec sa bouteille de shampoing pour montrer aux habitants ce qui a été fabriqué à l’aide des ressources. Je vois mal comment vos amendements pourraient se traduire dans les faits. Vous rendez-vous compte de ce qu’ils impliquent ? Une fois que l’entreprise en question aura effectué ses recherches, conçu des produits cosmétiques et autres, que viendrait-elle donc restituer aux populations ?
Mme Danielle Auroi. Il est prévu que la restitution soit faite auprès de la personne morale.
Mme la rapporteure. Certes, mais, quinze ans après les recherches engagées et la création d’un produit – admettons que ce soit une crème de jour – (Sourires), je vois très mal la manière dont cela peut se passer. Après, si vous pensez qu’il s’agit d’une disposition importante, je n’y vois pas d’inconvénient, mais, je le répète, je pense qu’il sera très compliqué d’appliquer ce que vous demandez.
Mme la secrétaire d’État. Vous souhaitez imposer aux chercheurs qu’ils restituent aux communautés d’habitants les résultats de leur travail quand ils ont une visée commerciale. Je partage votre préoccupation mais je m’interroge sur l’opportunité de l’inscrire dans la loi. Il me semble en effet que, dans le cas de recherches donnant lieu à la commercialisation d’un produit, la restitution des résultats de la recherche a plutôt vocation à faire partie des modalités de partage des avantages non monétaires qui pourraient être traitées dans les textes d’application à venir. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
Mme Viviane Le Dissez. Je vois difficilement, moi aussi, comment une telle disposition pourra s’appliquer et, au-delà, comment une entreprise pourra communiquer son savoir-faire tout en respectant les critères de confidentialité liés à la fabrication de son produit, comment, donc, elle conciliera l’obligation prévue avec le secret professionnel.
Mme Danielle Auroi. Certes, chère collègue, mais le savoir-faire en question est celui, précisément, des populations traditionnelles. Par exemple, le Brésil, estimant que les populations concernées étaient pillées, a bloqué toute recherche menée sur les ressources d’Amazonie par les grands laboratoires de cosmétique – je pense plus précisément à la plus grande entreprise du monde dans ce secteur. Par conséquent, il est plus intelligent, me semble-t-il, dans le cadre du protocole de Nagoya qui vise tout de même, il ne faut pas l’oublier, à lutter contre la biopiraterie, de faire confiance à la personne morale qui servira d’interface, et de reconnaître et les savoir-faire et leurs utilisations.
Du reste, plusieurs laboratoires mettent déjà en pratique ce que nous préconisons : c’est le cas d’au moins deux en Guyane et de deux autres au Pérou. Le dispositif dont nous souhaitons la mise en place fonctionne donc pour peu que la volonté politique ne fasse pas défaut.
Mme Chantal Berthelot. La restitution est déjà prévue quand l’accès aux ressources génétiques est réalisé à des fins non commerciales. Pourquoi ne serait-ce pas le cas si ces fins sont commerciales ? Nos amendements visent donc à équilibrer le texte, à établir un rapport de confiance.
Mme la rapporteure. Je reste très réservée.
La commission adopte l’amendement CD393, deuxième rectification.
En conséquence, l’amendement CD532 rectifié tombe.
La commission examine l’amendement CD814 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Parallèlement à l’article 412-10-II, la précision relative à l’interdiction d’utiliser des ressources génétiques à d’autres fins que celles mentionnées dans l’autorisation figure au paragraphe 4 concernant la décision portant sur les connaissances traditionnelles. Il n’y a aucune raison pour qu’elle ne soit pas aussi mentionnée concernant la décision relative à l’accès aux ressources génétiques.
Mme la rapporteure. Cet amendement me paraît inutile puisqu’il est déjà prévu que l’autorisation fixe les conditions d’utilisation des ressources génétiques.
Mme la secrétaire d’État. L’idée énoncée par l’amendement est inhérente à tout acte administratif autorisant une activité ; et si cette mention a en effet été intégrée dans la procédure relative aux connaissances traditionnelles associées, c’était uniquement pour des raisons pédagogiques Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CD735 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est proposé d’en revenir à la rédaction de l’Assemblée qui ne définissait pas strictement les moyens par lesquels la biodiversité est significativement affectée, alors que le Sénat propose de les définir : la biodiversité serait significativement affectée « en restreignant l’utilisation durable de la ressource génétique pour laquelle un accès est demandé ou en l’épuisant ». Ces dispositions constituent un des motifs pour lesquels une demande d’accès à une ressource génétique peut être refusée.
Mme la secrétaire d’État. La modification introduite par le Sénat risque de nous conduire à des situations où la France accorderait l’accès à ces ressources génétiques pour des activités qui nuiraient à la biodiversité. Je suis donc favorable au présent amendement.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD314 de M. Dino Cinieri et CD815 de M. Ary Chalus.
M. Dino Cinieri. La prise en compte du chiffre d’affaires revient à ne pas tenir compte de tous les frais de recherche et développement et de production qui ont précédé la commercialisation des produits et qui imputent en grande partie le bénéfice généré par le produit. Mon amendement CD314 propose donc, à l’alinéa 75, de remplacer les mots : « chiffre d’affaires » par les mots : « bénéfice net ».
M. Olivier Falorni. Dans la mesure où le fait de calculer les contributions financières susceptibles d’être versées par les utilisateurs sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires annuel mondial se révélerait particulièrement préjudiciable aux petites et moyennes entreprises, notamment locales, – ce qui va à l’encontre de l’économie du projet de loi –, il est proposé dans l’amendement CD815 de prendre le bénéfice pour base de calcul.
Mme la rapporteure. Je ne vois pas comment une entreprise, sur un produit particulier, peut calculer le bénéfice net. Adopter l’un de ces deux amendements reviendrait à créer une usine à gaz épouvantable. C’est pourquoi il me paraît plus raisonnable de garder le chiffre d’affaires comme base de calcul.
Mme la secrétaire d’État. Le protocole de Nagoya impose un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées ; il ne précise pas si le terme « avantages » correspond au chiffre d’affaires ou au bénéfice. Par souci de simplicité, et je rejoins la rapporteure, et pour faciliter l’instruction des dossiers, le Gouvernement estime préférable d’asseoir le calcul sur le chiffre d’affaires du ou des produits développés à partir de la ressource génétique ou de connaissances traditionnelles associées, élément facilement identifiable dans les comptes de l’utilisateur. Par contre, il serait beaucoup plus délicat d’isoler du bénéfice net la part relevant d’un produit ou d’un procédé découlant de l’usage de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles. J’ajoute que je donnerai des instructions de manière à favoriser un partage des avantages sous une forme non monétaire. Je suis donc défavorable aux deux amendements.
M. Gérard Menuel. Le système prévu par votre texte est sans doute simple, mais il est particulièrement injuste et très préjudiciable en matière de recherche et très préjudiciable aux PME et aux TPE du secteur. La comptabilité analytique existe, par ailleurs…
M. Dino Cinieri. Chiffre d’affaires et bénéfice net sont deux éléments totalement différents. Quand on investit à l’extérieur, notamment dans la recherche, dans l’immobilier, dans le personnel, et quand on a un produit commercial à développer, encore faut-il que l’on puisse disposer d’une marge pour pouvoir réinvestir.
M. Michel Heinrich. Le bénéfice net sert en général de base de calcul dans les autres pays : ainsi, le Brésil taxe le bénéfice à hauteur de 1 %. Votre dispositif défavoriserait les entreprises françaises.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle en vient à l’amendement CD315 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. La disposition qui fixe un plafond maximum de 5 % du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes réalisé est disproportionnée au regard des montants d’avantages pratiqués aujourd’hui par les utilisateurs de ressources génétiques. De surcroît, le calcul de ce pourcentage ne permet pas de prendre en compte les sommes considérables investies en recherche et développement. Enfin, cette disposition, sans équivalent dans d’autres pays européens, aurait comme effet pervers de détourner les acteurs de la recherche des ressources présents sur le territoire national et particulièrement dans les territoires d’outre-mer.
Mme la rapporteure. Vous proposez que le chiffre d’affaires en fonction duquel la contribution sera calculée ne soit pas le chiffre d’affaires mondial mais celui réalisé en France. Je ne vois pas pourquoi…
Mme la secrétaire l’État. Avis défavorable : cet amendement n’est pas dans l’esprit du protocole de Nagoya.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les deux amendements identiques CD533 de Mme Danielle Auroi et CD736 de la rapporteure.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du Gouvernement, qui prévoyait que les contributions financières susceptibles d’être versées par les utilisateurs ne pouvaient dépasser un plafond à 5 % du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes réalisé et des autres revenus. Les sénateurs l’ont ramené à 1 %. En outre, le taux de 5 % auquel nous souhaitons revenir est modulable puisque le pourcentage retenu peut être inférieur.
Mme la secrétaire d’État. Je suis favorable à ces amendements.
M. Michel Heinrich. La position de la secrétaire d’État est étonnante puisque contraire à celle de Ségolène Royal au Sénat, qui estimait le taux de 1 % raisonnable, ajoutant : « Le Gouvernement tient compte du débat démocratique et prend en considération les bonnes idées qui émergent. Nous faisons un travail de coconstruction législative, notre objectif commun étant l’amélioration du texte. » Pour le reste, le taux initial de 5 % est vraiment prohibitif, d’autant que vous décidez de taxer le chiffre d’affaires et non le bénéfice net.
M. Gérard Menuel. On s’écarte complètement de la real économy : un taux de 5 %, vous ne vous rendez pas compte !
Mme la rapporteure. Il s’agit d’un plafond.
M. Gérard Menuel. Peut-être, mais il n’empêche que même 1 % du chiffre d’affaires, c’est déjà énorme pour des entreprises qui vont faire 0,5 % ou 1 % voire 2 % de résultat – citez-moi des entreprises qui réalisent 5 à 10 % de résultat au niveau mondial !
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement avait en effet entendu un certain nombre d’arguments au Sénat. Mais nous entendons également ceux de votre rapporteure : elle ne propose rien d’autre que d’en revenir à une proposition initiale du Gouvernement qui, très « realpolitiquement » parlant, s’alignait sur la pratique de l’Australie, pays comparable à la France en matière de biodiversité et de développement économique.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte ces amendements.
Elle en vient à l’amendement CD816 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Comme le soulignait le texte initial, « la biodiversité est […] une force économique pour la France. […] Elle assure des services qui contribuent aux activités humaines [et au bien-être des populations], dits services écosystémiques ».
La prise en compte par l’utilisateur de ces services doit donc pouvoir apparaître comme une alternative au versement d’une contribution financière, et ce d’autant plus que la promotion des services écosystémiques figure au deuxième rang des missions imparties à l’Agence française pour la biodiversité. À l’alinéa 77, après la référence : « L. 412-17 », il est donc proposé d’insérer les mots : « ou lorsque l’activité ou ses implications participe au maintien, à la conservation, à la gestion, à la fourniture ou à la restauration des services écosystémiques, ».
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable, car je comprends qu’il s’agirait de supprimer la possibilité d’une contribution financière si l’activité participe à la conservation des services écosystémiques. Cela me paraît malvenu…
Mme la secrétaire d’État. Je rappelle que le versement d’une contribution financière pour le partage des avantages n’est pas systématique. Le texte prévoit de nombreuses autres modalités de partage qui pourront s’avérer pertinentes pour ce type d’utilisateur. Par ailleurs, l’amendement fait référence aux services écosystémiques. Le lien entre l’état de la biodiversité et la fourniture de services écosystémiques n’est pas établi scientifiquement. Par exemple, un milieu dégradé par des espèces exotiques envahissantes peut produire de nombreux services écosystémiques : stockage de carbone, production de biomasse, aménité paysagère… Cet amendement ne serait pas du tout opérationnel et de surcroît contraire à l’esprit du protocole de Nagoya.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD737 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. À l’alinéa 79, je propose de supprimer les mots : « , de manière proportionnelle, ». En effet, comment calculer la part importante de la biodiversité des outre-mer dans la biodiversité nationale lors de la redistribution des avantages financiers ? Disposons-nous de données suffisamment exactes ?
Mme la secrétaire d’État. Même si Je suis attachée à ce que l’AFB tienne compte de la part importante de la biodiversité des outre-mer, je suis d’accord avec la rapporteure, et donc favorable à son amendement : il est impossible d’en mesurer la proportion exacte.
Mme Chantal Berthelot. Je suis surprise de l’avis exprimé par la secrétaire d’État : je pensais qu’elle serait favorable à la prise en compte de façon proportionnelle de la biodiversité des outre-mer. Si le mot « proportionnelle » ne convient pas, on aurait pu rédiger un amendement gardant l’idée d’une prise en compte plus précise.
Mme la rapporteure. Nous le savons tous pour l’avoir dit et répété cent fois : les outre-mer participent pour une grande part à la biodiversité française et il ne saurait donc être question, en votant cet amendement, de ne plus le reconnaître.
Mme Chantal Berthelot. Votre force de conviction me trouble, madame la rapporteure, si bien que je me range à vos arguments. (Sourires)
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD396 rectifié de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. En 2006, le Gouvernement a compris qu’il fallait prendre en compte la réalité des Amérindiens et des Bushinengue et, par un décret du 17 juin 2008, a créé le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge de Guyane (CCPAB).
Le présent texte prévoit qu’une personne morale organise la consultation des populations autochtones. Je vous propose, dans ce cadre, de faire sinon un grand pas, du moins de faire un pas en donnant toute sa place au CCPAB dans le recueil du consentement de ces populations.
Mme la rapporteure. Bien entendu, nous pouvons être favorables à cet amendement. J’appelle cependant votre attention, chère collègue, sur le fait que le CCPAB n’est pas une personne morale de droit public. Dès lors, si nous adoptons votre amendement, ce à quoi je ne vois aucun inconvénient, il faudra impérativement que le CCPAB change de statut car il ne pourrait, en l’état actuel, remplir la mission que vous entendez lui donner.
Mme la secrétaire d’État. En effet, votre amendement entend renforcer le rôle du CCPAB ; mais, comme l’a très bien rappelé Geneviève Gaillard, ce conseil étant une commission administrative de nature consultative dépourvue de la personnalité morale, il ne peut pas, par définition, remplir le rôle ici prévu de la personne morale de droit public : pour mémoire, il est important, pour cette dernière, d’avoir la capacité d’ester en justice afin de défendre les droits des communautés d’habitants qui auraient été lésés.
Pour que votre proposition soit opérationnelle, il vous faudra donc prendre les dispositions nécessaires pour doter le CCPAB de la personnalité morale ; mais je crois que c’est votre intention et c’est pourquoi je suis favorable à votre amendement.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD289 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Le texte ne prévoit pas d’associer les communautés d’habitants à la négociation et à la signature du contrat de partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. Leurs représentants doivent être partie au contrat.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : c’est l’État qui est propriétaire des ressources génétiques. On ne peut, pour des motifs constitutionnels, donner une forme de souveraineté à certaines communautés sur certaines ressources. C’est donc bien la personne morale de droit public qui organise la bonne tenue des négociations et c’est elle, donc l’État, qui signe le contrat.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CD390 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Cet amendement de précision vise, à l’alinéa 89, à insérer, après le mot « pertinentes », les mots : « , coutumières ou traditionnelles, ».
Mme la rapporteure. J’ai l’impression que l’ajout de ces deux adjectifs ferme un peu l’horizon du texte. Si vous pensez le contraire et comme je ne souhaite pas qu’on discute de cet amendement pendant trois heures, j’y serai favorable, mais faites attention : à croire croit bien faire, il arrive parfois qu’on se trompe… (Sourires)
Mme la secrétaire d’État. En effet, êtes-vous certaine, madame Chantal Berthelot, que les représentations pertinentes des communautés d’habitants se réduisent toutes, selon les contextes, aux seules structures coutumières ou traditionnelles ? C’est pourquoi je ne vois pas bien l’intérêt de cette précision.
Mme Chantal Berthelot. Je ne peux pas retirer mon amendement puisque j’y précise ma pensée. Nous ne supprimons pas le mot « pertinentes », mais nous lui ajoutons les mots « , coutumières ou traditionnelles, ».
Mme la rapporteure. On a compris ! (Murmures et rires)
Mme Chantal Berthelot. En effet, il y a des revendications coutumières et traditionnelles en Guyane. Il s’agit donc de donner la possibilité aux communautés d’habitants en question d’être représentées. Or, dans ce contexte, le mot « pertinentes », justement, est bien large. N’est-ce pas ?
Mme la rapporteure. Je ne suis pas sûre de partager votre point de vue. (Rires)
Mme la secrétaire d’État. L’interprétation peut être sujette à caution, je vous parle d’expérience. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme la rapporteure. Je reste, quant à moi, très réservée.
La commission rejette l’amendement.
La Commission en vient à l’amendement CD534 de Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement a pour objet de définir les modalités de participation des communautés autochtones.
J’avais proposé en première lecture un amendement permettant d’assurer que les modes de consultation seront bien adaptés aux modes de vie des communautés. La rapporteure avait alors répondu que cette préoccupation était satisfaite par l’alinéa 90, qui prévoit que la personne morale de droit public détermine des modalités d’information adaptées aux communautés d’habitants concernées.
Or cet alinéa 90 prévoit que la personne morale de droit public détermine des modalités d’information des communautés d’habitants concernés, mais pas les modalités de leur participation, alors même que la personne morale de droit public doit s’en assurer. Organiser une telle participation effective à la démarche consultative peut présenter de nombreuses difficultés : pratiques coutumières différentes, barrières culturelles et linguistiques, méthodes de communication, les obstacles sont nombreux.
Il faut donc faire preuve de cohérence, en précisant clairement les différentes étapes du processus. Certes, il faut faire confiance aux acteurs de terrain pour mettre en place des procédures adaptées, mais il est important de spécifier qu’il appartient in fine à la personne morale de droit public de déterminer, au même titre que les modalités d’information, les modalités de participation qu’elle estime les mieux adaptées à chaque territoire en tenant compte des spécificités locales.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Nous considérons toujours cet amendement comme satisfait, et nous suggérons son retrait.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CD535 de Mme Danielle Auroi et CD817 de M. Ary Chalus, ainsi que l’amendement CD394 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Danielle Auroi. L’amendement CD535 vise à renforcer l’obligation de recueillir un consentement préalable des communautés d’habitants, donné en connaissance de cause, pour toute utilisation de leurs connaissances traditionnelles, conformément à l’article 7 du Protocole de Nagoya.
La terminologie « au vu », que cet amendement propose de remplacer, est imprécise et n’implique pas la conformité, mais un simple visa. Or la décision de l’autorité administrative doit tenir compte de l’ensemble des étapes du processus de consultation notifiées dans le procès-verbal, et en particulier du recueil du consentement préalable en connaissance de cause.
Pour que le consentement préalable et les conditions d’utilisation posées par les communautés d’habitants soient dûment respectés, le contrat doit être conforme au contenu du procès-verbal, et non pas simplement y faire référence. Cette nouvelle terminologie permet de combler cette lacune.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD817 a exactement le même objet. « Au vu » est une terminologie imprécise qui n’implique pas la conformité mais un simple visa. Pour que le consentement préalable et les conditions d’utilisation posées par les communautés d’habitants à l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles soient respectés, le contrat doit être conforme au contenu du procès-verbal, et non pas simplement y faire référence. L’article 7 du protocole de Nagoya prévoit bien que : « l’accès aux connaissances traditionnelles […] soit soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause ou à l’accord et à la participation de ces communautés autochtones et locales […] ».
Il est important que les conditions d’utilisation demandées par les communautés soient bien reprises dans l’autorisation, car c’est elle qui déterminera les conditions dans lesquelles pourront être utilisées les connaissances traditionnelles.
Mme Chantal Berthelot. Mon amendement CD394 est défendu.
Mme la rapporteure. Ce n’est pas un sujet facile, il faut faire extrêmement attention. Les ressources génétiques appartiennent à l’État.
Il m’apparaît donc que l’autorité administrative peut accorder ou refuser l’utilisation de ces ressources au vu du procès-verbal, mais elle n’est pas obligée de faire exactement ce que veulent les communautés.
Il faut laisser une certaine autonomie à l’autorité publique, conformément au fonctionnement normal de notre démocratie. Il est des moments où il faut faire des choix. Nous laissons donc à l’autorité administrative le soin de prendre sa décision, après avoir pris connaissance d’un certain nombre d’éléments. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements tendent à contraindre l’autorité administrative à se conformer aux résultats et aux conditions consignées dans le procès-verbal établi par la personne morale de droit public suite à la consultation des communautés d’habitants.
Je comprends cette préoccupation, mais le texte donne déjà beaucoup de garanties en ce sens et je ne souhaite pas en alourdir davantage la rédaction. Je partage les réflexions de la rapporteure et je suggère donc le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Auroi. Je suis étonnée : Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, avait indiqué en séance au Sénat que remplacer l’expression « au vu » par les termes « conformément au consentement » – comme il est proposé par ces amendements – est d’autant plus acceptable que l’article 7 du protocole de Nagoya dispose bien que l’accès aux connaissances traditionnelles est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause.
Mme Chantal Berthelot. Permettez-moi un instant de sérieux. (Rires) Il faut être attentif aux réponses que l’on donne.
Madame la rapporteure, je suis désolée de reprendre vos propos. Vous avez dit que l’État est propriétaire du sol et du sous-sol, ce qui est vrai. Mais l’alinéa 98 de cet article 18 porte sur les « connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ». Je ne vois pas en quoi l’État est propriétaire de ces connaissances.
Cet article 18 concerne de vastes populations dans de nombreux territoires d’outre-mer, faisons bien attention à ce que nous disons.
Mme la rapporteure. Vous relirez mes propos, madame, je n’ai jamais dit que l’État était propriétaire des connaissances traditionnelles. J’ai fait mention des seules ressources génétiques. Je sais bien qu’il n’est pas propriétaire du reste !
La Commission rejette les amendements identiques CD535 et CD817.
Puis elle adopte l’amendement CD394.
La Commission en vient à l’examen de l’amendement CD290 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Il s’agit de renforcer l’obligation du consentement préalable des communautés d’habitants à l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles.
Actuellement, le texte du projet de loi n’affirme pas expressément cette obligation, car il permet différentes interprétations et laisse à l’autorité administrative le pouvoir de décider seule d’accorder ou refuser, en partie ou en totalité, l’utilisation des connaissances traditionnelles, au vu du procès-verbal dressé par la personne morale de droit public chargée de recueillir le consentement des communautés d’habitants.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Dans les cas où il y a consentement, cet ajout est redondant avec les dispositions prévues au 6° de l’article L. 412-9.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement a déjà été présenté, et rejeté, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. Il tend à préciser que le procès-verbal établi par la personne morale de droit public à l’issue de la consultation des communautés d’habitants exprime bien le consentement de ces dernières. Cette précision n’est pas utile au texte.
Par ailleurs, cet amendement pourrait soulever un problème de constitutionnalité. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD536 de Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement tend à rendre obligatoire la divulgation de l’origine de la ressource génétique ou du savoir traditionnel associé lors du dépôt d’un brevet, et à conditionner la recevabilité de la demande de brevet à cette obligation.
Permettez-moi de donner un exemple. France Libertés a demandé le rejet d’une demande de brevet de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) devant l’Office européen des brevets en octobre dernier. Le brevet en question, également déposé devant l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), porte sur une molécule antipaludique contenue dans l’acacia amara, plante largement utilisée dans les remèdes traditionnels guyanais.
L’étude des chercheurs se fonde clairement sur la pharmacopée des populations locales. Quarante-sept recettes traditionnelles ont été observées, puis reproduites par les chercheurs, pour déterminer leur potentiel antipaludique. L’acacia amara a été identifié comme la plante la plus prometteuse. Les populations locales, interrogées sur leurs connaissances traditionnelles, n’ont pas été informées et n’ont pas consenti au dépôt du brevet. Leur apport en termes de recherche et développement n’est donc clairement pas reconnu dans le brevet, alors que les chercheurs de l’IRD ont publié des articles scientifiques y faisant référence. Or la brevetabilité repose sur trois critères : la nouveauté, l’inventivité et l’application industrielle. L’INPI doit pouvoir octroyer ou non les brevets en toute connaissance de cause. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de systématiquement fournir à l’INPI toutes les informations nécessaires à la prise de décision, et pas seulement à l’initiative du déclarant.
Mme la rapporteure. Dans la logique du texte, le devoir d’information pèse sur l’utilisateur. Il ne faut pas transférer cette charge à l’autorité administrative, mais maintenir la même logique que dans le règlement européen. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Votre amendement tend à imposer à l’autorité compétente pour la procédure d’accès aux connaissances traditionnelles associées de transmettre les informations du dossier du demandeur à l’INPI.
Vous citez un article du règlement n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil, relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya. Toutefois, rien dans ce règlement n’impose une telle obligation, et cette obligation qui pèserait sur l’autorité administrative – et non sur l’utilisateur – serait même contraire à ce règlement.
Pour cette raison, je vous propose de retirer votre amendement, à défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Auroi. Je ne retire pas mon amendement. C’est la moindre des choses, alors que le protocole de Nagoya reconnaît les connaissances traditionnelles, que ceux qui en sont les porteurs puissent savoir si elles sont brevetées !
Je ne comprends pas l’argumentaire en vertu duquel des gens pourraient profiter des connaissances des populations autochtones sans que ces dernières n’aient le droit d’être au courant, ni avoir leur mot à dire sur le sujet. C’est une ignorance des connaissances des populations autochtones, et un mépris qui m’étonne beaucoup. (Murmures)
Mme la rapporteure. Je ne pense pas qu’il y ait de mépris, puisque les populations seront informées de toute façon. Simplement, les obligations au moment du dépôt du brevet ne doivent pas peser sur l’autorité publique, mais sur l’utilisateur. Tout peut faire l’objet d’interprétations, mais je reste défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CD395 de Mme Chantal Berthelot, CD537 de Mme Danielle Auroi et CD818 de M. Ary Chalus.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD395 est défendu.
Mme Danielle Auroi. L’amendement CD537 également.
M. Olivier Falorni. Ainsi que l’amendement CD818.
Mme la rapporteure. Nous avons débattu de cette question dans des termes presque identiques il y a quelques minutes. Je maintiens l’avis défavorable que j’avais alors donné.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques CD738 de Mme la rapporteure et CD983 de M. Serge Letchimy.
Mme la rapporteure. Il me semblait un peu excessif d’obliger les collectivités d’outre-mer à créer des comités. Toute liberté est laissée aux territoires et départements d’outre-mer ; il ne paraît pas opportun d’imposer la création de ces comités. Je propose donc leur suppression.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD983 est défendu.
Mme la secrétaire d’État. J’estime également qu’il ne faut pas imposer un format figé de consultation des parties prenantes, mais plutôt laisser le soin aux collectivités ultramarines d’identifier la formule la plus adaptée. Avis favorable aux amendements.
Les amendements sont adoptés.
La Commission examine ensuite l’amendement CD739 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est proposé de supprimer la quatrième sous-section intitulée « dispositions diverses », afin d’inclure les articles L. 412-7 et L. 412-18 au sein de la sous-section 3.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 18 ainsi modifié.
Article 25
(article L. 331-15-6 du code de l’environnement)
Abrogation du dispositif d’accès et de partage existant pour le territoire du Parc amazonien de Guyane
L’article L. 331-15-6 du code de l’environnement prévoit un dispositif d’APA spécifique pour le parc amazonien de Guyane :
L'accès aux ressources génétiques des espèces prélevées dans ce parc national ainsi que leur utilisation sont soumis à autorisation. Sur proposition de l'assemblée de Guyane, la charte du parc définit les orientations relatives aux conditions d'accès et d'utilisation de ces ressources, notamment en ce qui concerne les modalités du partage des bénéfices pouvant en résulter. Les autorisations sont délivrées par le président de l'assemblée de Guyane, après consultation de l'établissement public du parc national.
Puisque l’article 18 du projet de loi crée un dispositif national d’APA, l’abrogation de l’article L. 331-15-16 mettra fin à ce dispositif spécifique à la Guyane. Cette abrogation prendra effet à compter de l’entrée en vigueur des décrets d’application de l’article 18.
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de son rapporteur pour préciser que cette abrogation sera effective au plus tard le 1er janvier 2018.
*
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La Commission adopte l’article 25 sans modification.
Article 26 bis
Rapport sur l’évaluation des modalités d’application des dispositifs régissant les accès aux ressources génétiques
(suppression maintenue)
1. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture
En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté, en commission, un amendement de votre rapporteure demandant que le Gouvernement remette au Parlement, dans les trois ans suivant la promulgation de la loi, un rapport sur l’évaluation des modalités d’application des dispositifs d’APA.
2. Les modifications apportées par le Sénat
La commission du Sénat a supprimé cet article, à l’initiative de son rapporteur, jugeant préférable d’avoir un retour d’expérience annuel dans le cadre du rapport d’activité de l’Agence française pour la biodiversité plutôt qu’un rapport ponctuel.
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La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 26 ter
Ratification du protocole de Nagoya
Le présent article, inséré par l’adoption d’un amendement présenté par le rapporteur en séance publique au Sénat, permet à la France de procéder à la ratification du protocole de Nagoya à la convention des Nations Unies sur la diversité biologique.
1. La Convention sur la diversité biologique
En février 1991, un comité intergouvernemental de négociation a été créé dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Ses travaux ont abouti à la Conférence de Nairobi en mai 1992, par la présentation du texte de la Convention sur la diversité biologique. La convention a été ouverte à la signature le 5 juin 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (le « Sommet planète Terre » de Rio), et est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Ce traité est le seul instrument international complet sur la diversité biologique, et regroupe 168 parties dont l’Union européenne. La France a signé le traité le 13 juin 1992 et a déposé son instrument de ratification le 1er janvier 1994.
La Convention a trois objectifs : la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. Elle pose plusieurs définitions au niveau mondial, notamment les notions de « ressources génétiques », d’ « écosystème », de « pays fournisseur de ressources génétiques » et d’ « utilisation durable ». Le principe fondamental affirmé par la Convention comporte un droit et un devoir pour les États :
– le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement ;
– le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans d'autres États ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale.
L’article 8 de la Convention dispose que les États parties doivent adopter un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l’établissement d’un système de zones protégées, une réglementation ou une gestion des ressources biologiques présentant une importance pour la conservation de la diversité biologique (à l'intérieur comme à l'extérieur des zones protégées), la remise en état et la restauration des écosystèmes dégradés… L’article 8 prévoit également que chaque partie au traité « sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques ».
L’article 15 de la Convention est relatif à l’accès aux ressources génétiques. Il réaffirme le droit de souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, droit qui leur confère le pouvoir de déterminer l’accès aux ressources génétiques par des règles fixées par la législation nationale. Il est toutefois prévu que les parties doivent s’efforcer de « créer les conditions propres à faciliter l’accès aux ressources génétiques aux fins d’utilisation écologiquement rationnelle par d’autres parties » au traité.
En particulier, l’article 15 impose aux parties de prendre les mesures législatives et administratives appropriées pour « assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant de l’utilisation commerciale et autre des ressources génétiques avec la partie contractante qui fournit ces ressources ». Il n’est ainsi plus possible d’utiliser les ressources génétiques d’un pays sans obtenir son consentement préalable et sans lui offrir une contrepartie monétaire ou non monétaire, négociée d’un commun accord. C’est le mécanisme d’accès et de partage des avantages (APA), destiné à introduire plus d’équité et de sécurité juridique.
C’est sur le fondement de cet article qu’ont été introduites en droit français les dispositions spécifiques au parc amazonien de Guyane (voir le commentaire de l’article 25 du projet de loi) et les dispositifs d’APA établis en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
2. Le Protocole de Nagoya
Les obligations créées par la Convention sont entrées en vigueur en 1993. Mais les États parties ne les ont pas totalement mises en œuvre : il manquait un mécanisme juridiquement contraignant pour assurer le respect de ces obligations, permettant d’engager la responsabilité des États, de les sanctionner, le cas échéant, et de lutter contre la « biopiraterie » (l’accès et l’utilisation illégales des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées).
Le protocole de Nagoya, signé par la France le 20 septembre 2011, est entré en vigueur le 12 octobre 2014, mais la France ne l’a pas encore ratifié. À ce jour, 91 États et l’Union européenne ont signé le Protocole, et 69 parties (dont l’Union européenne, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Mexique, l’Inde…) l’ont ratifié. Parmi eux, une trentaine ont mis en place un dispositif législatif et réglementaire.
Il complète la convention sur la diversité biologique. Comme l’expliquait votre rapporteure dans son rapport relatif au projet de loi sur la biodiversité, du 26 juin 2014, le protocole de Nagoya organise l’accès et le partage des avantages permettant à l’État fournisseur et aux communautés d’habitants de profiter des bénéfices qu’un tiers pourrait retirer des ressources et des connaissances traditionnelles. Il prévoit :
– des obligations en matière d’accès (articles 6, 7 et 8) : pour libéraliser l’accès à ses ressources génétiques, un pays adhérant au Protocole doit assurer la sécurité juridique et la transparence des exigences internes imposées aux acquéreurs potentiels de ressources génétiques en établissant une procédure de consentement préalable et des termes mutuellement convenus claire, en adoptant des procédures d’accès justes et non arbitraires, en prévoyant la délivrance de permis une fois l’accès accordé, tout en tenant dûment compte des cas d’urgence actuel ou imminent qui menace l’homme, la santé animale ou végétale ainsi que de l’importance des ressources génétiques liées à l’alimentation et l’agriculture pour la sécurité alimentaire ;
– des obligations en matière de partage des avantages (articles 5, 9, 10 et 11) : les États utilisateurs doivent en particulier prendre des mesures garantissant un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation au sens large des ressources génétiques, incluant les bénéfices liés à leur commercialisation ou à la commercialisation des applications issues de la recherche et du développement, avec les pays fournisseurs, et notamment avec les communautés d’habitants en matière de connaissances traditionnelles ;
– des obligations en matière de respect des obligations, c’est-à-dire de « conformité » (articles 13, 15, 16, 17 et 18) : les parties contractantes devront vérifier que les ressources génétiques utilisées dans leur juridiction auront bien été obtenues à la suite d’un consentement préalable en connaissance de cause et dans le cadre de conditions convenues d’un commun accord, organiser les possibilités de recours en cas de différend lors de ladite utilisation, et surveiller cette dernière, notamment en désignant des points de contrôle efficace à tous les stades de la chaîne de valeur (recherche, développement, innovation, pré-commercialisation ou commercialisation).
Il convient de relever que seule la transposition du troisième volet est obligatoire dans les États ayant ratifié le protocole. Le Titre IV du présent projet de loi vise à effectuer cette transposition.
Ce que le Protocole apporte de plus par rapport aux articles 8 et 15 de la Convention sont les dispositions relatives à la manière dont les parties à ce traité devront traiter les cas de non-respect de la législation nationale par leurs ressortissants (obligation de contrôler, poursuivre et infliger des sanctions).
3. La mise en œuvre au niveau européen
Le règlement (UE) n° 511/2014 du 16 avril 2014 du Parlement européen et du Conseil relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, a été adopté le 16 avril 2014.
Comme le soulignait votre rapporteure dans son rapport de première lecture : « bien que d’application directe, [le règlement n° 511/2014] implique toutefois un certain nombre de mesures nationales de mise en œuvre en matière :
– de contrôle de la conformité des utilisateurs français, au premier rang desquels la définition des sanctions pénales en cas de non-respect des obligations qui leur incombent ;
– de transcription de la notion de « communautés autochtones ou locales » détenant les connaissances traditionnelles présentant un intérêt pour l’utilisation des ressources génétiques, le règlement précité ne la précisant pas dans son article 3 ;
– d’application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, les dispositions du règlement ne s’appliquant dans les territoires d’États-membres faisant l’objet d’une décision d’association avec l’Union européenne qu’à la condition d’une « transposition » en droit interne. »
Le règlement est entré en vigueur en même temps que le Protocole, le 12 octobre 2014, mais un délai d’un an était prévu pour permettre aux États membres de l’Union européenne de prendre les mesures nationales nécessaires pour mettre en œuvre ses dispositions.
*
* *
La Commission adopte l’article 26 ter sans modification.
TITRE V
ESPACE NATURELS ET PROTECTION DES ESPÈCES
Article 27 A
(section X du chapitre III du titre III de la première partie du Livre premier et article 564 quater B [nouveaux] du code général des impôts)
Taxe additionnelle sur l’huile de palme
1. Le droit en vigueur
L’article 1609 vicies du code général des impôts crée une « taxe spéciale sur les huiles végétales (…) destinées, en l’état ou après incorporation dans tous produits alimentaires, à l’alimentation humaine ». Les tarifs de cette taxe sont révisés chaque année, par arrêté du ministre chargé du budget. Son produit est affecté à la mutualité sociale agricole (MSA), comme ressource pour le financement de la protection sociale des non-salariés agricoles. Elle est due pour les huiles fabriquées en France métropolitaine et pour les huiles importées.
La taxe est recouvrée selon des taux réels pour les huiles brutes, et des taux forfaitaires pour les huiles incorporées dans des produits alimentaires. S’agissant des huiles brutes, les tarifs applicables en 2016 (10) sont, notamment, d’environ 190 euros par tonne pour l’huile d’olive, d’environ 170 euros/tonne pour l’huile d’arachide, d’environ 113 euros/tonne pour les huiles de coprah et de palmiste, d’environ 104 euros/tonne pour l’huile de palme et d’environ 87 euros/tonne pour l’huile de colza et l’huile de pépins de raisin. Ainsi, les huiles de palme, de coprah et de palmiste font partie des huiles végétales les moins taxées.
2. Les dispositions adoptées par le Sénat
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du groupe Écologiste visant à créer une taxe additionnelle spécifique aux huiles de palme, de coprah et de palmiste, en introduisant un article 564 quater B dans le code général des impôts.
Cette contribution additionnelle aura la même assiette que la taxe existante sur les huiles végétales, mais présente deux caractéristiques différentes de celle-ci :
● son produit sera affecté au fonds de solidarité vieillesse et non à la MSA ;
● son tarif est précisément fixé par l’amendement et serait donc défini au niveau législatif pour les premières années d’application (ensuite son tarif serait fixé, comme celui de la taxe « générale », par arrêté ministériel) : 300 euros/tonne en 2017, 500 euros/tonne en 2018, 700 euros/tonne en 2019 et 900 euros/tonne à partir de 2020.
L’amendement a été adopté malgré l’avis défavorable du rapporteur du Sénat, le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse des sénateurs.
3. La position de votre rapporteure et de la commission
Votre rapporteure observe que, contrairement à ce que certains sénateurs ont affirmé lors de l’examen en séance au Sénat, cet article additionnel ne vise pas à opérer un simple « rattrapage » entre les niveaux de taxation des différentes huiles, ni à un « rééquilibrage » analogue à celui qui a été engagé entre fiscalité du diesel et fiscalité de l’essence : le dispositif adopté par le Sénat amènera à ce que les huiles de palme, de coprah et de palmiste soient trois fois plus taxées que les autres huiles végétales.
On peut estimer que l’objectif des auteurs de l’amendement, qui était de rendre la taxation dissuasive pour le recours à ces huiles, pourra certainement être atteint avec des tarifs beaucoup moins lourds que ceux que le Sénat a proposés. Votre rapporteure a donc proposé à la commission de conserver le principe de cette taxe additionnelle, mais en fixant son tarif à 90 euros pour que l’huile de palme se trouve globalement taxée au même niveau que l’huile actuellement la plus taxée.
La commission a adopté cet amendement de votre rapporteure, ainsi qu’un amendement de M. Martial Saddier visant à exempter de cette taxe additionnelle les redevables qui apportent la preuve que les huiles qu’ils utilisent répondent à des « critères de durabilité environnementale », et un amendement rédactionnel de votre rapporteure.
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La Commission examine deux amendements de suppression, CD872 de M. Christophe Bouillon et CD881 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Christophe Bouillon. L’amendement CD872 vise à supprimer cet article, introduit par le Sénat, qui relève de la fiscalité. Si une réflexion peut être utilement menée sur la taxation des huiles, elle devrait aboutir dans le projet de loi de finances. Je signale par ailleurs que notre collègue Razzy Hammadi mène actuellement un travail sur la taxation des produits alimentaires ; nous serions bien avisés d’attendre ses conclusions avant de légiférer en la matière.
Nous percevons tous les motifs de cette taxation punitive : personne n’ignore la question de la déforestation, mais j’ai le sentiment que cette disposition est disproportionnée. Elle n’encourage pas, en tout cas, celles et ceux qui souhaitent la production d’huile de palme durable.
La France a signé la déclaration de New York sur les forêts en septembre 2014, puis la déclaration d’Amsterdam du 7 décembre 2015, en marge de la COP 21, afin de soutenir l’engagement du secteur privé à s’approvisionner à 100 % en huile de palme durable en Europe d’ici à 2020. Ces engagements traduisent une démarche incitative qui doit amener l’ensemble du secteur privé à être exemplaire en la matière.
La déclaration d’Amsterdam va permettre d’accélérer significativement la transformation de la filière de l’huile de palme et faire basculer l’ensemble de la production vers une huile de palme durable. Le développement de cette huile durable est un élément clé pour lutter contre la déforestation et le réchauffement climatique.
Une augmentation de la fiscalité mettrait en danger la compétitivité des entreprises de la filière alimentaire qui utilisent l’huile de palme durable, puisqu’aucune différence n’est faite, et pénaliserait les industries qui se sont engagées, avec la France, au respect de la déclaration d’Amsterdam pour l’utilisation d’une huile de palme durable.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’huile de palme est une production qui a été massivement introduite en Indonésie et en Malaisie par les pays coloniaux, notamment européens, et nous en avons tiré un immense bénéfice pendant très longtemps. Aujourd’hui, la Malaisie et l’Indonésie tirent une grande partie de leurs ressources de l’exportation de cette huile de palme. La production d’huile de palme a effectivement entraîné la destruction de forêts et de jungles il y a plus d’un siècle, voire il y a plus longtemps encore. Mettre ces économies en péril est donc une décision difficile.
Les arbres utilisés pour produire l’huile de palme – par cette expression, nous entendons les huiles de palme, de palmiste et de coprah – ont de grandes qualités de productivité. Les palmiers sont cultivés en vergers et produisent chaque mois. En Afrique, après le drame survenu en Sierra Léone, une partie des terres qui avaient été incendiées et détruites a été replantée avec des palmiers à huile.
Aujourd’hui, la croissance de la production mondiale d’huile de palme est importante et permet d’apporter une partie des graisses alimentaires consommées par la population mondiale. Et elle ne cause pas plus d’obésité que les huiles de colza, d’arachide ou de tournesol.
Il ne serait donc pas pertinent de mettre en péril des filières économiques qui ne sont pas présentes sur le territoire national – il n’y a pas de palmiers à huile sur le territoire national – au motif que cette huile serait entachée des souffrances nées du colonialisme (Murmures divers), de guerres, ou qu’elle porterait atteinte à la biodiversité. Il y a plus d’un siècle que la biodiversité de la Malaisie ou des Philippines est en grande partie perdue, alors qu’une telle décision mettrait en péril des partenaires économiques importants et en pleine croissance.
En France, l’exploitation des huiles de palme, de palmiste et de coprah emploie à peu près 1 200 personnes dans les entreprises françaises qui, au total, emploient 3 300 personnes dans le monde.
Par ailleurs, cette mesure crée une taxe alors que le Gouvernement a décidé qu’il n’y en aurait plus d’autres. La création de taxes doit intervenir dans une loi de finances, et il serait pertinent d’équilibrer le niveau de taxation des différentes huiles comme l’huile de colza, l’huile d’olive, l’huile de tournesol, l’huile d’arachide et d’autres encore qui sont aujourd’hui taxées à des niveaux très différents, sans que l’on ne comprenne bien pourquoi.
Je rejoins notre collègue Christophe Bouillon dans son souhait que le ministère des finances réalise un travail de fond sur cette question. Je m’inquiète de voir arriver au Sénat le projet de cette taxe, qui me semble liée à la polémique autour du Nutella, et qui met en péril beaucoup de monde. Alors que personne ne cherche à stigmatiser l’arachide, par exemple, qui contribue pourtant beaucoup à l’obésité en France et dans le monde.
Cet amendement de suppression est donc extrêmement réfléchi, d’autant que la France et les industriels se sont engagés vers la production d’huile de palme durable et responsable, notamment dans le cadre de la COP 21.
Mme la rapporteure. Le Sénat a introduit cet article pour créer une taxe additionnelle sur l’huile de palme, de coprah et de palmiste, actuellement soumise une taxation de 10,371 euros pour cent kilogrammes alors que l’huile d’olive, par exemple, est taxée à 18,896 euros. Il est donc apparu intéressant au Sénat de taxer l’huile de palme, parce que l’on connaît les effets négatifs de sa culture sur les forêts, et les avis très controversés quant à ses effets sur la santé publique.
Aujourd’hui, des efforts de certification sont réalisés dans les pays producteurs – Indonésie et Malaisie en particulier – mais ces certifications n’ont strictement rien d’officiel. C’est uniquement un moyen d’aider les petits agriculteurs, parce que les grosses entreprises s’en sortiront toujours. Il n’est donc pas question pour moi de mettre un terme à ces efforts de certification, je crois d’ailleurs qu’une mission est en cours sur ce point.
J’ai préparé un amendement CD130 pour réduire le niveau de taxation proposé par le Sénat, parce qu’il apparaît beaucoup trop élevé et signifierait un arrêt pur et simple de cette importation. Je vous proposerai donc de limiter la taxe additionnelle au taux de l’huile d’olive. J’en ai discuté avec l’ambassadeur d’Indonésie et des représentants de Malaisie, ainsi qu’avec les associations qui sont au côté des petits agriculteurs dans ces pays, et ils ne considèrent pas que ce soit irréalisable. Je pense donc que nous pouvons taxer l’huile de palme au niveau de l’huile d’olive.
Par ailleurs, en étudiant le tableau de taxation des huiles, j’ai été choquée de découvrir que nous cautionnions toujours l’utilisation d’huile d’animaux marins dont le commerce et l’utilisation sont soumis aux règles internationales ou nationales relatives aux espèces protégées. J’ai cherché des informations, j’ai demandé ce que devenaient ces huiles, sans réponse. Ces huiles sont aujourd’hui taxées au niveau de l’huile d’olive, je vous proposerai, par un amendement CD1072, de les taxer plus lourdement car je ne peux pas imaginer que l’on encourage l’utilisation de ces huiles, alors que notre pays se veut exemplaire dans la protection des espèces menacées.
Je vous demande donc de repousser les amendements de suppression présentés par nos collègues, ce qui permettra d’adopter l’amendement CD130 que je vous ai présenté ainsi que l’amendement CD1072 sur les huiles provenant d’animaux marins protégés.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement, comme beaucoup d’entre vous, est très mobilisé sur ce sujet. Cette question a des conséquences sur la biodiversité de notre planète, sur notre climat, et comme l’a bien montré la COP 21, sur la déforestation.
La production mondiale de ces huiles, actuellement de 50 millions de tonnes par an, est en forte croissance. Les prévisions font état d’un doublement de la production d’ici à 2030. La France en consomme 150 000 tonnes par an à des fins alimentaires.
Par rapport aux autres huiles alimentaires, ces huiles sont soumises à une fiscalité à l’importation très avantageuse, au point que l’on pourrait l’apparenter à une niche fiscale. Même si les filières d’approvisionnement, française et européenne, s’organisent pour réduire les effets néfastes de ces productions sur l’environnement, j’estime important de donner un signal pour encourager une industrie plus vertueuse.
Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression ; en revanche, je serai favorable à l’amendement de la rapporteure qui propose un niveau de taxation plus raisonnable, aligné sur celui de l’huile d’olive, en faisant disparaître l’avantage énorme dont bénéficiait l’huile de palme jusqu’à présent.
S’agissant des filières durables, nous souhaitons travailler avec les pays producteurs à une meilleure certification, qui permettrait de les aider à développer une production durable. Le ministère prépare dans ce cadre un plan d’action cohérent sur ce sujet, afin de garantir une labellisation sérieuse d’une huile de palme durable et à assurer autant que possible une taxation favorable adaptée à cette filière durable.
M. Jean-Yves Caullet. Cette thématique pourrait valoir pour d’autres produits, tel le caoutchouc, qui a connu les mêmes histoires ; du coup, l’économie circulaire qui se trouve désavantagée par rapport à des pneus à bas coût, produits dans le Sud-Est asiatique, avec lesquels nous roulons tous.
Ce qui m’interroge, c’est la limitation de la mesure à l’alimentation humaine : en m’intéressant à la fiscalité sur les carburants, j’ai découvert que l’huile de palme allait être importée afin de fabriquer une catégorie de biocarburant. Nous devrions y réfléchir d’ici l’examen en séance publique.
Mme Laurence Abeille. L’article 27 A introduit par le Sénat porte sur un problème grave : celui des dégâts causés à la biodiversité par la culture des palmiers à huile. La taxation proposée constitue une occasion pour la France d’affirmer sa position vis-à-vis de ce type de culture particulièrement destructrice. Et même si ce projet de loi sur la biodiversité ne concerne pas directement la santé, rappelons que l’huile de palme est souvent décriée pour ses effets sur le système cardio-vasculaire. Enfin, l’argument de Jean-Yves Caullet est tout à fait intéressant.
Autant de raisons pour lesquelles il ne faut surtout pas supprimer cet article ; de même, il serait tout à fait dommage de baisser le montant de taxation proposé par le Sénat. Je rappelle que la mesure prendrait effet en 2020, ce qui laisserait le temps de s’y préparer.
Méfions-nous enfin des discours présentant cette culture comme durable : elle recourt massivement à des produits chimiques, ce qui est peu compatible avec la notion de biodiversité.
Mme Delphine Batho. La remarque de Jean-Yves Caullet au sujet d’importations massives d’huile de palme à des fines énergétiques est importante. Si l’objectif, dans le projet de loi que nous examinons, est de prendre en compte l’impact de la production et de l’exploitation de l’huile de palme sur la biodiversité, cette question ne saurait être mise de côté, tant au regard des volumes concernés que de son impact sur l’agriculture française, du fait de la concurrence déloyale que représente ce type d’importation.
Rappelons aussi qu’il n’y a pas d’équivalence entre l’huile d’olive et l’huile de palme, ni en termes d’incidences sur la biodiversité ni en termes sanitaires ; on ne saurait se fonder sur une telle comparaison pour justifier la suppression de l’avantage fiscal dont bénéficie l’huile de palme.
Enfin, plusieurs amendements qui n’ont pas encore été examinés proposent le maintien du texte du Sénat en excluant du dispositif l’exploitation de l’huile de palme durable ; Mme la secrétaire d’État peut-elle nous indiquer si cette filière est mûre en termes de certification et de traçabilité, de sorte que nous pourrions poser, dès à présent, dans la loi un principe général de taxation des huiles, sans niche fiscale, et d’exemption des filières dites vertueuses ?
Mme la secrétaire d’État. La question des biocarburants ne saurait être négligée, le Premier ministre a d’ailleurs chargé mon ministère de préparer un plan d’action. Je souhaite qu’un signal clair soit émis au sujet de l’huile de palme. Le Sénat s’est borné au domaine alimentaire : je souhaite que les aspects environnementaux et sanitaires soient, eux aussi, pris en compte. Au demeurant, la taxe proposée par cet article paraît relativement exorbitante ; nous préférons qu’elle soit ramenée à un niveau plus raisonnable.
À l’heure actuelle, madame Batho, il n’existe pas de filière certifiée sérieusement vérifiable ; l’idée est de travailler avec les pays producteurs — l’Indonésie et la Malaisie étant les premiers concernés — qui ont besoin de solutions pour pouvoir travailler, afin de mettre ces filières en place.
J’entends que l’on puisse vouloir appeler l’attention en signifiant que la taxe ne concernera pas les filières vertueuses, mais cela n’est pas applicable pour l’heure ; je m’en remets à vous si vous souhaitez adresser ce message – qui peut être signe de bonne volonté – aux pays producteurs dont l’économie dépend fortement de l’huile de palme.
Mme la rapporteure. L’ambassadeur d’Indonésie, que nous avons rencontré, Viviane Le Dissez et moi-même, a évoqué des volumes de production de l’ordre de 25 000 tonnes…
Mme Delphine Batho. La France importe 110 000 tonnes…
Mme la rapporteure. Une bonne part des importations provient de Malaisie, et d’autres des Pays-Bas, qui sont le fait de grandes entreprises.
Mme Viviane Le Dissez. Les chiffres qui nous ont été communiqués sont les suivants : l’Indonésie produit 22 millions de tonnes par an ; 62 000 tonnes d’huile destinée à la consommation et 4 000 tonnes de carburant sont importées par la France. La Malaisie produit 15 millions de tonnes dont 500 000 passent par les Pays-Bas, qui font office de plateforme européenne par laquelle transite la majeure partie des huiles provenant de ces territoires.
Il est vrai qu’aucune comparaison ne peut être établie entre l’huile d’olive et l’huile de palme, alors que la première est taxée à plus de 18 % et la seconde à environ 10 %. Il me semble qu’au minimum, il conviendrait d’harmoniser ces taux, d’autant plus que la tonne d’huile de palme est vendue aux environs de 260 dollars et plus sur les marchés ; vouloir affecter une taxe de 300 euros me paraît très exagéré.
M. Christophe Bouillon. Je salue la démarche de la rapporteure et de Mme Le Dissez, qui ont rencontré des représentants des pays producteurs. La rédaction du Sénat posant problème, Mme la rapporteure propose un autre montant ; en défendant mon amendement, j’ai indiqué que les travaux de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires de nos collègues Véronique Louwagie et Razzy Hammadi étaient en cours. J’aimerais savoir s’il y a urgence ou non : souhaitons-nous avoir une approche globale d’une question qui ne se limite pas à la seule huile de palme ? On recense sept huiles qui connaissent des niveaux de taxations très différents.
Je partage les préoccupations de Mme Delphine Batho, et ils me confortent dans l’idée qu’il s’agit d’une question plus vaste devant trouver sa solution en loi de finances : allez-vous nous demander de voter un montant pour, demain, à la lumière des conclusions des travaux de la mission d’information, nous proposer une autre approche ?
J’ai déposé un deuxième amendement, CD871, qui opère une distinction en faveur des entreprises qui s’approvisionnent en huile de palme certifiée durable. J’ai entendu les doutes de la ministre au sujet des possibilités actuelles de certification de cette filière, mais j’aimerais comprendre : en décembre 2015, la France a signé la convention d’Amsterdam avec l’objectif de 100 % d’huile de palme durable d’ici à 2020 ; j’espère qu’elle considère que la certification est une réalité, sinon, ce ne sont que des mots.
La démarche de certification est bien plus sérieuse que ce que j’en ai entendu dire à l’instant ; les sociétés qui s’y engagent sont évidemment au fait des exigences qu’emporte cette notion. C’est pour cela que mon amendement CD871 vise à promouvoir une démarche incitative, afin d’encourager le plus grand nombre d’entreprises utilisant l’huile de palme en France à s’engager dans des démarches de certification afin d’éviter les dégâts environnementaux qui ont été évoqués et qui, pour la plupart, relèvent du passé.
Je pose donc deux questions : comment nous déterminerons-nous à l’égard des travaux de la mission d’information ; s’il existe un doute sur la certification, pourquoi prendre au niveau international des engagements tels que cet objectif de 100 % d’huile de palme durable à l’horizon 2020 ?
M. Gérard Menuel. À première vue, la proposition du Sénat pourrait paraître séduisante, mais elle semble ignorer les efforts fournis depuis plusieurs années par plusieurs entreprises pour développer une filière durable et lutter contre la déforestation au bénéfice de planteurs dont la plupart sont indépendants. Elles s’approvisionnent uniquement en huile de palme durable et sont porteuses, avec leurs homologues européennes, d’un vrai projet environnemental.
La proposition du Sénat annihilerait leurs efforts alors même que ces entreprises sont unanimement reconnues et soutenues par des ONG et les experts scientifiques qui présentent l’huile de palme durable comme l’une des solutions susceptibles au défi de nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec un impact environnemental minimal.
Cette taxation pourrait être contraire à l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), à l’accord de New York sur les forêts, signé par la France en 2004 ; mais surtout, elle irait à l’encontre de l’accord d’Amsterdam dans lequel la France s’est engagée, il y a quelques semaines, à soutenir les entreprises vertueuses.
M. Dino Cinieri. Nous sommes confrontés à un enjeu économique et fiscal, car notre huile d’olive est plus taxée que l’huile de palme alors qu’elle n’a pas un impact négatif sur l’environnement. Cependant, une taxation spécifique de l’huile de palme n’est pas la bonne solution : il ne s’agit pas d’un produit toxique, et ses qualités nutritionnelles sont avérées à la condition de la consommer avec modération, comme c’est le cas pour le beurre.
Le véritable enjeu est la transformation de cette filière qui, directement ou indirectement, fait vivre plusieurs millions de familles en Asie et en Afrique ; il faut développer les filières durables et lutter contre la déforestation. Des progrès ont été réalisés, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), par exemple, travaille depuis des années au développement de semences améliorées afin d’augmenter la productivité et limiter la déforestation. Une démarche globale est entreprise depuis dix ans, à la fois par les industriels, les Gouvernements, les ONG les raffineurs, les entreprises utilisatrices, les distributeurs, les utilisateurs finaux et les producteurs locaux pour changer les pratiques culturales et, aujourd’hui, 90 % environ de l’huile de palme produite dans le monde est couverte par des engagements de zéro déforestation. L’adoption de cet article 27 A fragiliserait les efforts réalisés par l’ensemble des acteurs de la filière – producteurs, ONG, gouvernements, raffineurs, entreprises utilisatrices, distributeurs et utilisateurs finaux – pour développer des solutions collaboratives permettant de mettre un terme à la déforestation.
M. Jean-Louis Bricout. Les enjeux environnementaux et de santé publique ne sauraient être ignorés ; pour autant, arbitrer une question de fiscalité dans le cadre d’un débat concernant la biodiversité ne me paraît pas opportun. Il conviendrait, pour le moins, de disposer au préalable d’une étude de l’impact économique d’une telle mesure sur nos entreprises et de savoir si une harmonisation fiscale est prévue à l’échelle européenne ; par ailleurs, il serait préférable de disposer des conclusions du rapport de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires. Cette disposition relève plutôt de la loi de finances.
M. Philippe Plisson. Cela fait des années que nous entretenons ce débat au sujet de l’huile de palme, de la déforestation et des problèmes que soulèvent ces questions. Aujourd’hui, alors que nous sommes sur le point d’adopter de bonnes mesures, on trouve des raisons de ne pas les prendre. Je conçois qu’il soit nécessaire d’en mesurer les effets, mais la proposition de la rapporteure me semble équilibrée : elle permettrait au moins de mettre la fiscalité applicable à l’huile de palme au même niveau que les autres huiles que nous consommons. Ce serait la moindre des choses.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je persiste à penser qu’une nouvelle taxe relève de la loi de finances, et pas d’un texte relatif à la biodiversité.
La culture d’huile de palme représente 39 % de la production mondiale d’huile végétale en occupant 7 % seulement de la surface agricole. Cela est bien plus faible que la culture du soja, du colza ou du tournesol qui occupent respectivement 61 %, 18 % et 14 % de cette surface.
Cette manière que nous avons de nous décharger de notre culpabilité coloniale m’inquiète quelque peu… (Murmures)
Mme la secrétaire d’État. Cela n’a rien à voir !
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cela a totalement à voir. L’implantation de ces palmeraies en Indonésie et en Malaisie est directement liée à l’implantation coloniale hollandaise, portugaise et anglaise. Et les Français portent la même responsabilité en d’autres lieux : on ne se pose pas la question au sujet de l’arachide ou de la disparition de la forêt primaire en Europe à laquelle le blé est venu se substituer ! (Murmures)
Notre point de vue ne peut pas se fonder sur notre confort français et européen ; nous ne pouvons pas être les seuls au monde à l’adopter en donnant l’image d’une France qui rétrécit et donne des leçons de morale. En revanche, l’harmonisation du régime fiscal pesant en France sur les diverses huiles me paraît raisonnable : c’est le travail de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires.
Aujourd’hui, le revenu moyen d’une palmeraie à huile est de 2 100 euros à l’hectare, contre 200 pour une rizière. C’est cela, la réalité économique ! Et prétendre que nous allons accompagner et aider l’Indonésie et la Malaisie se développer de manière intelligente – car c’est bien ce qu’on voulait dire – a un petit relent d’attitude coloniale quelque peu condescendante. Ce sont des gens tout à fait intelligents et formés, qui vivent dans un pays situé là où il est, en zone intertropicale, et où poussent des palmiers qui produisent de l’huile de palme, ce qui en fait une culture tout à fait pertinente. Arrêtons de nous poser en donneurs de leçons !
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ces amendements sont-ils maintenus ?
La Commission rejette successivement les amendements CD872 et CD881.
La Commission examine ensuite, en présentation commune, les amendements CD436 de M. Martial Saddier, CD1072 de la rapporteure et CD871 de M. Christophe Bouillon.
Mme la rapporteure. J’ai par avance défendu tout à l’heure l’amendement CD1072. Le but est de taxer un peu plus les huiles provenant d’animaux marins protégés, notamment la baleine ; c’est un signal que nous pouvons adresser.
Mme la secrétaire d’État. L’intention est louable ; toutefois, dans la mesure le commerce et l’utilisation des produits provenant de ces animaux sont interdits, le texte visé me semble obsolète…
Mme la rapporteure. Certes, mais si l’on supprime la mesure alors qu’il reste encore du commerce de ces huiles, elles ne seront plus taxées du tout. Ce serait embêtant…
Mme la secrétaire d’État. Effectivement, s’il reste malgré tout des importations, c’est une vraie question, et je remercie Mme la rapporteure de l’avoir soulevée. Afin d’éviter toute erreur éventuelle, je propose de mûrir la réflexion jusqu’à la séance publique, car nous parlons là d’un commerce interdit.
Mme la rapporteure. Je retirerai volontiers mon amendement, il me semblait important de souligner cette incongruité et de lever un certain nombre de doutes ; si nous pouvions le faire d’ici à la séance publique, je serais totalement d’accord.
M. Jean-Yves Caullet. Je réitère ma remarque sur les huiles alimentaires : la situation n’est pas meilleure pour les animaux marins.
L’amendement CD1072 est retiré.
M. Gérard Menuel. Vous disiez tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que vous partagiez l’idée d’adresser un signal. C’est précisément ce que nous proposons avec l’amendement CD436 en conditionnant la contribution additionnelle à la taxe spéciale sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l’alimentation humaine à des critères de durabilité environnementale. Une telle disposition permettra d’encourager les progrès, d’accélérer la transformation de la filière et de répondre ainsi aux enjeux actuels de la déforestation.
Mme la rapporteure. L’intention de favoriser la culture de l’huile de palme réalisée dans les meilleures conditions environnementales possibles est louable ; certains acteurs de la filière ont engagé des démarches allant dans ce sens, et leurs efforts doivent être salués. Mais il existe trois démarches de certification au sein des pays producteurs bénéficiant du soutien des autorités nationales et, pour l’une d’entre elles, d’un soutien non gouvernemental.
Certaines certifications semblent n’être que de façade ; il convient d’attendre les conclusions de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires ainsi que le plan d’action commandité par le Premier ministre afin de disposer de plus d’éléments relatifs à la certification. Aussi, à ce stade je demande le retrait de cet amendement au profit de mon amendement CD130 dont je vous ai déjà parlé et qui vous sera soumis dans un instant.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement CD436 entraînerait une baisse de recettes pour l’État, il est surprenant qu’il ait passé le barrage de l’article 40 de la Constitution…
Sur le fond, nous ne pouvons plus nous satisfaire de certifications non contrôlées. C’est dans ce contexte qu’un plan d’action a été demandé à mon ministère ; il prendra naturellement en compte les conclusions des travaux de la mission d’information conduite par Razzy Hammadi sur la taxation des produits alimentaires et nous essaierons d’avancer avec les pays producteurs afin de déterminer une méthode de certification sérieuse qui ne laissera plus la place au doute.
Prévoir dès aujourd’hui d’adresser un message à la profession en indiquant que ceux qui peuvent prouver que leur huile provient d’une production durable bénéficieraient d’une réduction ou d’une exonération de la taxe serait pour l’heure inopérant. Cela étant, si les députés tiennent à envoyer un message de caractère symbolique, cela relève de leur responsabilité ; je m’en remettrais à leur sagesse.
M. Christophe Bouillon. Mon amendement CD871 procède du même esprit, il s’agit d’adresser un message aux producteurs.
La Commission adopte l’amendement CD436.
L’amendement CD871 est retiré.
La Commission étudie ensuite l’amendement CD130 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Je l’ai déjà défendu.
La Commission adopte cet amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CD131 de la rapporteure.
Elle est saisie des amendements identiques CD305 de M. Dino Cinieri, CD513 de Mme Laurence Abeille et CD929 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Le projet de loi crée une Agence française pour la biodiversité ambitieuse dont le périmètre est très large, or aucune disposition particulière ne prévoit de moyens adaptés à cette ambition.
La question des moyens de cette agence a fait l’objet de « l’appel de Strasbourg » le 22 mai 2015 à l’occasion de la conférence nationale intitulée « L’Agence française pour la biodiversité, quel projet commun ? »
Le Sénat ayant instauré une taxe sur l’huile de palme en prenant pour principal argument que cette production constitue une atteinte majeure à l’environnement, l’amendement CD305 vise à affecter le produit de cette taxe à l’Agence française pour la biodiversité. Les 150 millions d’euros apportés par cette taxe à l’horizon 2020 constituent une réponse proportionnée aux ambitions affichées.
Mme Laurence Abeille. L’amendement CD513 a le même objet.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD929 également.
Mme la rapporteure. Avis favorable à l’adoption de ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. Vous savez à quel point l’Agence française pour la biodiversité me tient à cœur… Je dois toutefois rappeler que la taxe sur les huiles végétales est affectée à la mutualité sociale agricole (MSA), rien ne justifierait qu’une taxe additionnelle assise sur les mêmes mécanismes de marché soit affectée à une autre politique nationale, sachant que l’affectation d’une taxe doit demeurer chose exceptionnelle ; mon avis est donc défavorable.
Mme la rapporteure. Peut-être me suis-je mal exprimée : la taxe est affectée à la MSA, mais nous parlons ici de la surtaxe, et c’est elle qui, dans la logique de mon amendement précédemment adopté, pourrait être affectée à la biodiversité. De fait, retirer la taxe de base à la mutualité sociale agricole risquerait de déstabiliser le régime.
M. Gérard Menuel. Je retire l’amendement CD929 à la faveur des arguments développés.
M. Jean-Yves Caullet. Ce type de taxe peut concerner d’autres produits, on l’a vu, et préfigurer une fiscalité écologique sur les matières premières.
Le principe est celui de la non-affectation des taxes. Les moyens de l’agence de la biodiversité doivent s’inscrire dans le cadre budgétaire. Si nous commençons par lui affecter une petite recette, qui peut être vertueuse, chaque fois que nous allons améliorer la fiscalité écologique des matières premières d’origine végétale, nous serons contraints d’en affecter le produit de la même manière. Je préfère que nous nous en tenions à la non-affectation de cette surtaxe.
Mme la rapporteure. Sachant que la taxe elle-même est affectée, en l’espèce à la Mutualité sociale agricole, pourquoi la surtaxe ne le serait-elle pas ?
M. Jean-Yves Caullet. La taxe est affectée à la MSA. Affecter la surtaxe au même objet ne pose pas de problème conceptuel. Mais donner une ressource affectée à l’agence, et celle-là précisément, s’apparente selon moi à un préciput sur son financement qui devrait relever du budget de l’État. Ce serait adresser un signal bizarre et dommageable, à terme, sur les modalités de financement de l’agence de la biodiversité.
Mme la rapporteure. Je ne tiens pas à créer de problème : l’agence devra effectivement pouvoir voler de ses propres ailes. J’entends l’argument de M. Jean-Yves Caullet et je propose à chacun des auteurs de retirer leur amendement.
M. Dino Cinieri. Je retire mon amendement CD305.
Mme Laurence Abeille. Je maintiens le mien.
Les amendements CD305 et CD929 sont retirés. La Commission rejette l’amendement CD513.
La Commission adopte l’article 27 A ainsi modifié.
Chapitre Ier
Institutions locales en faveur de la biodiversité
Section 1
Parcs naturels régionaux
Article 27
(article L. 333-1 du code de l’environnement)
Modalités de création et de renouvellement du classement d’un parc naturel régional
L’article 27 améliore la rédaction de l’article L. 333-1 du code de l’environnement, relatif aux missions et aux modalités de création et de renouvellement des parcs naturels régionaux (PNR). En première lecture, l’Assemblée a apporté des modifications rédactionnelles et de coordination proposées par votre rapporteure, et a complété l’article par l’adoption d’un amendement du Gouvernement.
I. LES MISSIONS DES PARCS NATURELS RÉGIONAUX
Le I de l’article L. 333-1 définit les missions des PNR. L’article 27 du projet de loi y ajoute la possibilité de créer un PNR sur un territoire dont le patrimoine naturel et culturel ainsi que les paysages présentent un intérêt particulier. La dimension paysagère des PNR, qui n’était jusqu’alors mentionnée qu’au niveau réglementaire, se trouve ainsi valorisée.
Le Sénat a adopté ces dispositions de l’article 27 sans modification.
II. LE CONTENU DE LA CHARTE DU PARC NATUREL RÉGIONAL
Le II de l’article L. 333-1 régit les chartes de PNR, qui déterminent les orientations de protection, de mise en valeur et de développement des territoires considérés, les mesures permettant de mettre en œuvre ces orientations, et les orientations et principes de protection des structures paysagères. Ce paragraphe comporte la liste des documents que doit obligatoirement comporter une charte de PNR. L’article 27 du projet de loi restructure ce paragraphe pour établir plus clairement les catégories de documents que doit inclure la charte : un rapport définissant les orientations et les mesures, un plan indiquant les différentes zones, des annexes comportant notamment le projet des statuts du syndicat mixte d’aménagement et de gestion (SMAG) du parc. Les objectifs de qualité paysagère sont ainsi intégrés dans la charte, et les annexes relatives au financement sont supprimées.
En première lecture, l’Assemblée nationale n’a apporté à ces dispositions que des modifications rédactionnelles, et le Sénat n’a pas adopté de modifications.
III. LA PROCÉDURE DE CRÉATION ET LA PROCÉDURE DE RÉVISION
Le III de l’article L. 333-1 porte sur les modalités de création d’un PNR (élaboration du projet par la région avec des modalités de consultation et de concertation, avis motivé de l’État, enquête publique, approbation par les collectivités concernées, et adoption par décret), et le IV, sur le renouvellement de son classement.
A. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Aux termes de l’article 27 du projet tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, les principales étapes de la procédure de création sont les suivantes :
1° Une délibération de la région définit le périmètre d’étude ;
2° Cette délibération fait l’objet d’un avis motivé de l’État sur l’opportunité du projet, dans un délai fixé par décret ;
3° Le cas échéant, la région modifie le périmètre d’étude retenu, compte tenu de l’avis de l’État ; puis une nouvelle délibération de la région prescrit l’élaboration de la charte ;
4° La région élabore le projet de charte initial, avec l’ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) concernés, en associant l’État et en concertation avec les partenaires intéressées ;
5° Le projet de charte est soumis à une enquête publique ;
6° Le projet de charte est transmis par la région aux collectivités et EPCI-FP concernés, pour approbation ; l’approbation du projet de charte par une collectivité emporte demande d’adhésion au SMAG du parc ;
7° Si les communes ayant approuvé la charte représentent une majorité qualifiée (définie par décret) des communes comprises dans le périmètre d’étude, la région peut approuver le projet de charte ; elle approuve alors également le périmètre de classement (constitué du territoire des communes comprises dans le périmètre d’étude et qui ont approuvé la charte) ; la région peut aussi, à ce stade, proposer un périmètre de classement potentiel, constitué du territoire de communes comprises dans le périmètre d’étude et qui n’ont pas approuvé la charte ;
8° Enfin, la charte est adoptée par décret portant classement en PNR du territoire des communes comprises dans le périmètre de classement approuvé par la région. Ce décret inclut également, le cas échéant, la définition du périmètre de classement potentiel proposé par la région. La durée du classement sera désormais de quinze ans (au lieu de douze).
Postérieurement à la création du PNR, peuvent se produire :
– le classement du territoire d’une commune comprise dans le périmètre de classement potentiel : ce classement est opéré par arrêté du préfet de région, sur proposition du SMAG du parc, après approbation de la charte par la commune concernée ;
– la révision de la charte du PNR : la procédure de révision suit les mêmes étapes que la procédure de création, à la différence que c’est le SMAG du parc qui élabore le projet de charte révisée.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT
1. En commission
La commission du Sénat a adopté deux amendements de son rapporteur, l’un concernant la procédure d’élaboration ou de révision de la charte du PNR, et l’autre concernant la procédure de classement d’une commune du périmètre de classement potentiel :
1° Lors de la quatrième étape de la procédure décrite précédemment, pour l’élaboration du projet de charte initial ou de charte révisée, la commission du Sénat a souhaité que les chambres d’agriculture soient associées au même rang que l’État à cette élaboration ;
2° Le classement, postérieur à la création d’un PNR, d’une commune du périmètre potentiel de classement sera valable « pour la durée de classement du parc (…) restant à courir ».
2. En séance publique
Le Sénat a adopté un amendement du rapporteur, avec avis favorable du Gouvernement, afin de préciser qui agit au nom de l’État pour délivrer l’avis motivé sur l’opportunité du projet de création ou de renouvellement du classement d’un PNR : il s’agira du « représentant de l’État dans la région ».
S’agissant de l’élaboration de la charte, le statut d’« associé à l’élaboration » accordé en commission aux chambres d’agriculture a été supprimé en séance, mais un amendement du rapporteur l’a remplacé par la mention explicite des « chambres consulaires » parmi les partenaires qui doivent prendre part à la concertation. Sur ce point, le Gouvernement s’en est remis à la sagesse des sénateurs.
IV. L’ARTICULATION ENTRE LES INTERVENTIONS DES PARTIES PRENANTES ET ENTRE LES DOCUMENTS DE PLANIFICATION
Le V de l’article L. 333-1 précise la manière dont s’articulent les interventions des différentes parties prenantes. L’État et les collectivités territoriales qui ont adhéré à la charte du PNR doivent appliquer les orientations de celle-ci dans l’exercice de leurs compétences respectives, et prendre les mesures qu’elle prévoit. Ils doivent également assurer la cohérence de leurs actions. Dans le cadre des contrats de plan État-région, l’État et les régions peuvent conclure un contrat avec le SMAG du parc. Les règlements locaux de publicité et les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec les dispositions de la charte.
Le VI de l’article L. 333-1 donne un pouvoir consultatif au SMAG du parc sur plusieurs catégories de documents de planification et de gestion (relatifs à l’air, aux transports, à la forêt, à l’eau, à la chasse, au tourisme…), lors de leur élaboration ou de leur révision, et en tant qu’ils s’appliquent au territoire du parc.
A. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Sur l’articulation des actions des parties prenantes, la rédaction de l’article 27 issue des travaux de l’Assemblée intègre les EPCI dans la liste des collectivités ayant approuvé une charte et qui doivent donc appliquer les dispositions de celle-ci. D’autre part, il est ajouté que l’État, les collectivités et les EPCI devront périodiquement évaluer la mise en œuvre de la charte et faire un suivi de l’évolution du territoire du parc.
S’agissant du lien de compatibilité que les documents d’urbanisme doivent respecter dans leur articulation avec les chartes de PNR, l’Assemblée a adopté sans modification les dispositions posant le principe selon lequel tous les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec ces chartes, accompagné d’une disposition spécifique pour certaines catégories de documents d’urbanisme : les schémas de cohérence territoriale (SCOT), lorsqu’ils existent, doivent être compatibles avec les chartes de PNR ; mais les plans locaux d’urbanisme (PLU), les documents tenant lieu de PLU et les cartes communales n’ont l’obligation d’être directement compatibles avec les chartes qu’en l’absence de SCOT.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT
Sur le lien de compatibilité entre chartes de PNR et documents d’urbanisme, la commission du Sénat a adopté des amendements de MM. Alain Duran et Roland Courteau pour inverser l’ordre d’énonciation, afin de mentionner d’abord le cas spécifique de certaines catégories de documents d’urbanisme, puis le cas général. En séance, un amendement du rapporteur a été adopté pour corriger une référence erronée aux articles du code de l’urbanisme.
Le VI de l’article L. 333-1 comporte une liste des documents qui doivent recueillir, lors de leur élaboration ou de leur révision, l’avis du SMAG du parc naturel régional s’ils s’appliquent au territoire du parc. Le Sénat a adopté en commission un amendement du rapporteur pour ajouter à cette liste les documents de planification, d’aménagement de l’espace et de gestion des ressources naturelles relatifs à la gestion des milieux aquatiques ou à la prévention des risques.
V. LA POSSIBILITÉ D’INTÉGRATION DE COMMUNES DANS UN PARC NATUREL RÉGIONAL DÉJÀ CLASSÉ
L’amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale en séance, en première lecture, avec l’accord de votre rapporteure, prévoit que, pour les PNR dont le classement ou le renouvellement de classement a été opéré par décret avant la promulgation de la future loi pour la reconquête de la biodiversité, ou lorsque l’avis motivé de l’État sur l’opportunité du projet est intervenu avant l’entrée en vigueur de cette loi, une ou plusieurs communes n’ayant pas approuvé la charte du PNR au départ peuvent être classées dans le territoire du parc. Ce cas de figure concerne en particulier les communes qui auraient initialement refusé la constitution du parc, et qui pourraient ainsi y adhérer ultérieurement, à leur demande et sur proposition du SMAG du parc.
Le Sénat a précisé, en commission, par adoption d’un amendement du rapporteur, que ce classement « de rattrapage » serait valable pour la durée de classement du PNR restant à courir.
VI. LA POSITION DE LA COMMISSION
La commission a adopté un amendement de M. Christophe Bouillon pour revenir au texte de l’Assemblée s’agissant de la désignation de l’autorité qui émet un avis motivé sur l’opportunité du projet de création d’un PNR, et quatre modifications rédactionnelles proposées par votre rapporteure.
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La Commission examine l’amendement CD634 de M. Christophe Bouillon.
Mme Viviane Le Dissez. Cet amendement supprime la mention de l’autorité de l’État compétente pour rendre l’avis motivé sur l’opportunité des projets de parcs naturels régionaux car cette précision ne relève pas du niveau législatif.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD1, CD2, CD3 et CD4 de la rapporteure.
La Commission adopte l’article 27 ainsi modifié.
Article 27 bis
(article L. 141-10 du code de l’urbanisme)
Inscription de dispositions des chartes de parcs naturels régionaux dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT)
(suppression maintenue)
Le code de l’urbanisme dispose que le document d’orientations et d’objectifs (DOO) de chaque schéma de cohérence territoriale (SCOT) « transpose à une échelle appropriée les dispositions pertinentes des chartes de parcs naturels régionaux ».
En première lecture, l’Assemblée nationale a introduit un article 27 bis visant à ce que le DOO transpose également les dispositions des chartes des parcs régionaux à une échelle appropriée. La commission du Sénat a supprimé cet article. Votre rapporteure a proposé de maintenir cette suppression.
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La Commission maintient la suppression de l’article 27 bis.
Article 28
(article L. 333-3 du code de l’environnement)
Missions du syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc
1. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale
L’article L. 333-3 du code de l’environnement prévoit que l’aménagement et la gestion d’un parc naturel régional (PNR) sont confiés à un syndicat mixte. Les statuts de celui-ci sont annexés à la charte du parc. Le syndicat mixte d’aménagement et de gestion (SMAG) est l’un des acteurs chargés de mettre en œuvre la charte ; il a également un rôle consultatif puisqu’il doit être saisi pour avis lors de l’élaboration de certains documents de planification dont le périmètre couvre totalement ou partiellement le territoire du parc.
L’article 28 du projet de loi, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, renforce le rôle du SMAG :
À l’initiative de votre rapporteure, l’article L. 333-3 a été complété pour reconnaître au SMAG un statut de « partenaire privilégié » de l’État, des collectivités territoriales et des EPCI concernés dans le domaine de la biodiversité et des paysages, sur le territoire du parc.
D’autre part, le SMAG a reçu une triple mission :
● « assurer la cohérence des engagements » des collectivités locales, des EPCI et de l’État ;
● coordonner la mise en œuvre de ces engagements, « notamment par une programmation financière pluriannuelle et des propositions d’harmonisation des schémas de cohérence territoriale » ;
● coordonner l’évaluation de la mise en œuvre de ces engagements et le suivi de l’évolution du territoire du parc ; cette coordination vient compléter l’article 27 du projet de loi qui prévoit une évaluation périodique de la mise en œuvre de la charte et un suivi de l’évolution du territoire par l’État et les collectivités.
2. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, et, en commission, des amendements de MM. Jean-François Husson et Roland Courteau supprimant la possibilité, pour le SMAG, de formuler des propositions d’harmonisation des SCOT.
3. La position de la commission
La commission a rétabli, à l’initiative de votre rapporteure, la possibilité, qu’avait introduite l’Assemblée en première lecture, pour un SMAG de faire des propositions d’harmonisation des différents SCOT dont le périmètre recoupe le territoire du PNR. Elle a également adopté deux modifications rédactionnelles.
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La Commission est saisie de l’amendement CD77 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est juridiquement inexact de parler de communes « signataires » de la charte de parc naturel. Les communes peuvent approuver la charte ou y adhérer, mais elles n’en sont pas signataires. Il est donc préférable de faire référence au territoire des communes « classées ».
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement ainsi que l’amendement rédactionnel CD5 de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement CD23 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement propose de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, permettant aux syndicats d’aménagement et de gestion des parcs de proposer des harmonisations des différents SCOT dont le périmètre recoupe le périmètre de leur parc – plusieurs SCOT peuvent en effet coexister sur le territoire d’un parc naturel. Il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
M. Michel Heinrich. Cette disposition me paraît inutile et pose de nombreuses questions tant sur la forme que sur le fond.
Sur le fond, les périmètres des parcs naturels régionaux (PNR) ne correspondent jamais à un périmètre complet de SCOT. En outre, la nature juridique de ces propositions d’harmonisation et leur caractère obligatoire restent flous. Cette disposition crée une rupture d’égalité entre les personnes publiques associées, notamment avec l’État et la région. Enfin, les PNR ont déjà la possibilité de présenter des propositions, soit en qualité de personnes publiques associées, soit lors de la consultation obligatoire, avant l’enquête publique, sur l’élaboration ou la révision du projet de schéma.
L’obligation de compatibilité du SCOT à la charte du PNR apporte de surcroît la garantie que les propositions du parc sont prises en compte.
J’avoue ne pas comprendre l’utilité de cet amendement. Le directeur de la fédération des parcs naturels régionaux de France que j’ai rencontré partage ma perplexité.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 28 ainsi modifié.
Article 28 bis
(article L. 333-4 [nouveau] du code de l’environnement)
Inscription de la « Fédération des parcs naturels régionaux de France » dans la loi
Le chapitre III du titre III du livre III du code de l’environnement régit les parcs naturels régionaux. En première lecture, le Sénat a adopté un amendement du groupe Socialiste et Républicain visant à compléter ce chapitre par un article L. 333-4 qui inscrit au niveau législatif la Fédération des parcs naturels régionaux de France et son rôle. Cet amendement a été adopté en séance avec un avis favorable du rapporteur, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse du Sénat.
Les auteurs de l’amendement ont fait valoir que d’autres associations bénéficient d’une reconnaissance au niveau législatif, notamment la Fédération des conservatoires régionaux d’espaces naturels (article L. 414-11 du code de l’environnement) et la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (article L. 414-10 du même code). Actuellement, la Fédération des parcs naturels régionaux et son rôle consultatif figurent déjà dans le code de l’environnement, mais dans sa partie réglementaire.
Votre rapporteure a proposé à la commission de conserver cet article, mais en le modifiant pour préciser que la Fédération n’a pas vocation à « regrouper » mais à « représenter » l’ensemble des parcs naturels régionaux, pour harmoniser la rédaction de cet article avec celle de l’article additionnel introduit également par le Sénat relatif à Réserves naturelles de France (article 31 ter). La commission a adopté cet amendement, ainsi qu’un amendement rédactionnel.
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La Commission examine l’amendement CD6 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’expression « a vocation à regrouper l’ensemble des parcs » pourrait être interprétée comme créant une obligation pour tous les parcs régionaux d’adhérer à la fédération des parcs naturels régionaux. Il est préférable d’employer le terme « représenter », qui figure dans l’article 31 ter pour une autre association, les réserves naturelles de France.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement ainsi que l’amendement rédactionnel CD7 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l’article 28 bis ainsi modifié.
Article 29
(article L. 581-14 du code de l’environnement)
Règlements locaux de publicité sur le territoire d’un parc naturel régional
1. Le droit en vigueur
L’article L. 581-4 du code de l’environnement pose un principe d’interdiction de toute publicité « dans les cœurs des parcs nationaux et les réserves naturelles ».
L’article L. 581-8 du même code dispose que, à l’intérieur des agglomérations, la publicité est « interdite (…) dans les parcs naturels régionaux (…) [et] dans l’aire d’adhésion des parcs nationaux ». Le même article prévoit toutefois la possibilité de déroger à cette interdiction « dans le cadre d’un règlement local de publicité ».
Sous réserve des dispositions de ces articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité à l’intérieur des agglomérations est en principe « admise » (article L. 581-9), mais doit respecter des prescriptions fixées par décret en Conseil d’État.
En revanche, en dehors des agglomérations, la publicité est en principe interdite (article L. 581-7), même si des exceptions sont prévues ; il est notamment possible d’autoriser, hors agglomération, la publicité « à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation », par un règlement local de publicité (RLP).
L’article L. 581-14 du code de l’environnement dispose que les EPCI compétents en matière de plan local d’urbanisme (PLU) ou, à défaut, les communes peuvent élaborer un règlement local de publicité applicable sur l’ensemble de leur territoire. Le RLP a pour objet d’adapter les dispositions générales qui concernent la publicité. Le RLP doit définir une ou plusieurs zones dans lesquelles s’appliquent des règles plus restrictives. L’article L. 581-14 précise que, le cas échéant, le RLP doit être compatible :
● avec les orientations de protection, de mise en valeur et de développement durable de la charte applicables à l’aire d’adhésion d’un parc national,
● et avec les orientations et mesures de la charte d’un parc naturel régional (ce lien de compatibilité figure également dans l’article L. 333-1 du code de l’environnement).
Les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s’il existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le maire au nom de la commune (article L. 581-14-2).
2. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale
L’article 29 du projet de loi vise à modifier l’article L. 581-14 pour limiter la possibilité de déroger, par un RLP, à l’interdiction de publicité dans les parcs naturels régionaux (PNR). Dans sa rédaction initiale, que l’Assemblée nationale n’a modifiée que par des amendements rédactionnels, l’article 29 prévoit qu’un RLP dérogeant à l’interdiction de publicité dans un PNR ne sera désormais possible que si des dispositions spécifiques à ce sujet existent dans la charte du parc. Ainsi, le RLP pourra autoriser la publicité lorsque la charte du parc contient des orientations ou des mesures relatives à la publicité, après avis du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc.
D’autre part, l’article 29 réaffirme le lien de compatibilité entre le RLP et la charte du parc, et indique que cette obligation de compatibilité sera opposable aux RLP applicables sur le territoire d’un parc naturel régional dont le projet de charte a fait l’objet d’une enquête publique ouverte après l’entrée en vigueur de la loi pour la reconquête de la biodiversité, dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret approuvant la charte.
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission du Sénat a supprimé l’article 29, le rapporteur ayant jugé la contrainte excessive pour les communes et intercommunalités. En séance publique, le Sénat a rétabli cet article, en adoptant un amendement du groupe Écologiste, dans une rédaction différente de celle adoptée par l’Assemblée, avec l’avis favorable du Gouvernement.
Il résulte de la rédaction issue du Sénat que, sur le territoire d’un PNR, le RLP ne peut déroger à l’interdiction de publicité que si deux conditions sont réunies : il faut que la charte du PNR comporte des dispositions relatives à la publicité, et il faut que le RLP soit compatible avec ces dispositions. La formulation diffère donc du texte de l’Assemblée, mais sans changement sur le fond.
Il est également prévu que cette double condition soit aussi réunie pour que le RLP puisse autoriser la publicité hors agglomération à proximité immédiate des établissements des centres commerciaux exclusifs de toute habitation.
Le texte adopté par le Sénat traite également le cas des RLP adoptés avant l’entrée en vigueur de la future loi, en distinguant deux cas :
● lorsqu’une charte comportant des dispositions relatives à la publicité est approuvée après l’approbation d’un RLP, et si ce RLP n’est pas compatible avec ces nouvelles dispositions, le RLP doit être rendu compatible avec la charte dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de cette charte ;
● un RLP adopté dans le périmètre d’un PNR avant l’entrée en vigueur de la future loi doit, dans les trois ans qui suivront la publication de cette loi, être abrogé ou être mis en compatibilité avec la charte du PNR.
4. La position de la commission
La commission a adopté cet article dans la rédaction issue des travaux du Sénat avec une modification rédactionnelle proposée par votre rapporteure.
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La Commission est saisie des amendements de suppression CD415 de M. Dino Cinieri et CD971 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Le projet de loi précise qu’en l’absence d’orientations et de mesures relatives à la publicité dans la charte de parc naturel régional, il serait impossible aux collectivités compétentes d’élaborer les règlements locaux de publicité. Cette disposition porte de facto atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales puisque la faculté des collectivités compétentes est subordonnée à l’accord du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc naturel régional.
Par conséquent, il convient de maintenir la rédaction actuelle de l’article L. 581-14 du code de l’environnement qui impose la compatibilité des règlements locaux de publicité avec les chartes de parcs naturels régionaux.
M. Gérard Menuel. Je souhaite également le maintien de la rédaction actuelle de l’article L. 581-14 du code de l’environnement.
Si, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’obligation de compatibilité avec un document de rang supérieur est parfaitement compatible avec le principe de la libre administration des collectivités territoriales, il n’est en revanche pas acceptable sur le plan constitutionnel qu’une collectivité publique, en l’espèce, un syndicat de parc naturel régional, dispose d’un droit de veto sur les décisions d’une autre collectivité, en l’espèce, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de règlements locaux de publicité.
Mme la rapporteure. Les règlements locaux de publicité doivent être compatibles avec les chartes de parc. Cette règle a été introduite à l’article L. 333-1 du code de l’environnement par la loi ALUR. L’article 29 ne crée donc pas une contrainte nouvelle, ni un droit de veto. J’émets donc un avis défavorable à ces deux amendements.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CD8 de la rapporteure.
La Commission adopte l’article 29 ainsi modifié.
Article 31
Prorogation du classement de certains parcs et modalités d’intégration de certaines communes au syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc
L’article 31 vise à traiter deux situations spécifiques :
1. Les parcs naturels régionaux déjà classés pour douze ans
Le droit en vigueur fixe à douze ans la durée maximale du classement d’un parc naturel régional (PNR). L’article 27 du projet de loi porte cette durée de validité à quinze ans, qu’il s’agisse du classement initial ou du renouvellement d’un classement.
Le premier alinéa de l’article 31, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, permet aux PNR classés en application du droit en vigueur (pour douze ans) de bénéficier d’une prorogation de ce classement pour trois ans.
Cette prorogation sera opérée par décret, à la demande de la région, sur proposition du syndicat mixte d’aménagement et de gestion (SAMG) du parc. La procédure sera très simple puisqu’il ne sera pas nécessaire, pour obtenir cette prorogation, de faire une enquête publique, ni de procéder aux consultations préalables prévues dans la procédure de classement.
Toutefois, les PNR dont la durée de classement avait déjà été prorogée de deux ans par la loi dite « Grenelle I » du 12 juillet 2010 ne pourront pas faire l’objet de cette nouvelle prorogation.
Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.
2. Les communes dont l’adhésion à un P.N.R a été bloquée par leur E.P.C.I
Le second alinéa de l’article 31, dans sa rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, concerne deux catégories de parcs naturels régionaux et une catégorie de communes :
– les PNR dont le classement ou le renouvellement de classement ont été prononcés par décret avant l’entrée en vigueur de la future loi pour la reconquête de la biodiversité,
– et les PNR dont le projet de charte a été transmis par la région aux communes et aux EPCI concernés avant cette entrée en vigueur.
Dans ces deux cas, il peut y avoir des communes qui ont approuvé la charte mais qui n’ont pourtant pas été incluses dans le classement en PNR en raison du refus de l’EPCI dont elles sont membres d’approuver la charte. L’article 31 prévoit qu’une commune se trouvant dans cette situation peut demander à être classée malgré ce refus, pour la durée restant à courir du classement du parc, sur proposition du SMAG et après que la commune ait une deuxième fois approuvé la charte. Comme pour la prorogation du classement des PNR prévue par le premier alinéa de l’article 31, le classement de ces communes est rendu le plus simple possible : pas d’enquête publique, ni de consultations préalables.
Le Sénat a adopté un amendement de coordination du rapporteur.
3. La position de la commission
La commission a adopté cet article avec une modification rédactionnelle proposée par votre rapporteure.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD9 de la rapporteure puis elle adopte l’article 31 ainsi modifié.
Section 1 bis
Réserves naturelles de France
Article 31 ter
(article L. 332-1 du code de l’environnement)
Inscription de « Réserves naturelles de France » dans la loi
L’article L. 332-1 du code de l’environnement définit les territoires qui peuvent donner lieu à la création d’une réserve naturelle classée. Le Sénat a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur visant à insérer, dans cet article, un paragraphe consacrant au niveau législatif l’existence et le rôle de l’association Réserves naturelles de France.
La commission a adopté cet article sans modification.
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La Commission adopte l’article 31 ter sans modification.
Section 2
Établissements publics de coopération environnementale
Article 32
(Intitulé du titre III du livre IV de la première partie et articles L. 1431-1 à L. 1431-8 du code général des collectivités territoriales)
Établissements publics de coopération environnementale
L’article 32 crée une nouvelle catégorie d’établissements publics réunissant plusieurs collectivités territoriales et, le cas échéant, l’État et des établissements publics de l’État. Ils sont dénommés « établissements publics de coopération environnementale » (EPCE), et leur régime juridique est aligné sur celui des « établissements publics de coopération culturelle » (EPCC), créé par la loi du 4 janvier 2002 (11) et défini par les articles L. 1431-1 à L. 1431-9 du code général des collectivités territoriales.
L’objectif de cet article est de créer un statut juridique unique pour les conservatoires botaniques nationaux (dont l’existence est reconnue par le code de l’environnement mais qui ont actuellement des formes juridiques diverses), notamment pour pouvoir intégrer l’État à leur gouvernance. Toutefois, la forme « EPCE » pourra également être utilisée pour d’autres structures. Les EPCE pourront être des établissements publics administratifs ou des établissements publics industriels et commerciaux, selon l’objet de leur activité.
Comme pour un EPCC, la création d’un EPCE sera décidée par l’État mais nécessitera l’accord de l’ensemble des collectivités territoriales ou des groupements intéressés.
I. LES MISSIONS POUVANT ÊTRE CONFIÉES À UN E.P.C.E
A. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, l’EPCE est chargé :
– d’accroître et d’améliorer les connaissances sur l’environnement et leur diffusion ;
– d’accroître et d’améliorer la sensibilisation et l’information des publics ;
– d’apporter un concours scientifique et technique aux pouvoirs publics (cette mission a été ajoutée par l’adoption d’un amendement de votre rapporteure) ;
– d’assurer la conservation d’espèces ou la mise en place d’actions de restauration des milieux.
Il convient de rappeler que l’article 18 du projet de loi prévoit qu’un EPCE pourra être la « personne morale de droit public » visée par le nouvel article L. 412-8 du code de l’environnement, chargée d’organiser la consultation des communautés d’habitants détentrices de connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT
Le rapporteur du Sénat a souhaité reformuler la présentation des missions des futurs EPCE, en alignant celles-ci sur les missions confiées à l’Agence française pour la biodiversité par l’article 9 du projet de loi (nouvel article L. 131-9 du code de l’environnement), en excluant toutefois les pouvoirs de police que cet article prévoit d’attribuer à l’Agence.
Ainsi, les missions pouvant être confiées à un EPCE seraient beaucoup plus nombreuses, puisqu’elles incluraient par exemple, en vertu de la rédaction de l’article L. 131-9 issue des travaux du Sénat et en plus des quatre missions prévues par l’Assemblée nationale : l’attribution d’aides financières à des projets en faveur de la biodiversité ; la garantie de la solidarité financière entre les bassins hydrographiques ; des actions de formation, de « structuration des métiers de la biodiversité » ; l’accompagnement et le suivi du dispositif d’accès aux ressources génétiques ; le suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité… (voir commentaire de l’article 9).
Le Sénat a également prévu que, dans les départements d’outre-mer, un EPCE puisse être créé à la place de l’office de l’eau. L’office de l’eau est un établissement public local administratif créé dans chaque DOM et dont les missions et la composition sont définies par l’article L. 213-13 du code de l’environnement.
II. LA COMPOSITION DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’E.P.C.E
Du texte adopté par l’Assemblée en première lecture il résulte que le conseil d’administration de l’EPCE est ainsi composé :
– la majorité de ses membres sont des représentants des personnes publiques qui ont constitué l’EPCE,
– le conseil d’administration comporte aussi des personnalités qualifiées désignées par ces personnes publiques, des représentants du personnel, et, le cas échéant, des représentants de fondations.
À l’initiative du rapporteur, le Sénat a ajouté la possibilité de nommer des représentants d’associations au conseil d’administration de l’EPCE.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION
Votre rapporteure a proposé à la commission de revenir à la définition des missions pouvant être confiées aux EPCE qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée. Elle a également proposé deux modifications rédactionnelles. La commission a adopté ces trois amendements.
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La Commission est saisie de l’amendement CD82 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l’Assemblée en première lecture, prévoyant d’élargir les missions qui pourront être confiées à des établissements publics de coopération environnementale (EPCE) afin de doter les conservatoires botaniques nationaux et le futur conservatoire écologique de Guyane d’un statut juridique adapté.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission en vient aux amendements identiques CD304 de M. Dino Cinieri et CD927 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Compte tenu de leur très forte implication dans les politiques territoriales en faveur de la biodiversité́, mon amendement vise à̀ permettre aux conservatoires d’espaces naturels agréés au titre du L. 414-11 du code de l’environnement d’être associés à la création et à la gouvernance des EPCE.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD927 est défendu.
Mme la rapporteure. La décision de création d’un EPCE ne relève pas des associations mais des collectivités publiques. En revanche, les représentants des associations peuvent siéger au conseil d’administration et participer activement à la gouvernance des EPCE, grâce la précision introduite par le Sénat. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
L’amendement CD927 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CD304.
Puis elle adopte les amendements rédactionnels CD10 et CD84 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l’article 32 ainsi modifié.
Article 32 bis AA
(article L. 332-3 du code de l’environnement)
Principe de libre exercice des activités humaines dans les réserves naturelles, leur restriction étant l’exception
(supprimé)
1. Le droit en vigueur
L’article L. 332-1 du code de l’environnement prévoit que « des parties du territoire d’une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu’il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader ». La création d’une réserve naturelle classée est soumise à enquête publique, et nécessite l’accord de l’ensemble des propriétaires concernés.
L’article L. 332-3 du même code dispose :
– d’une part, dans son premier alinéa, que l’acte de classement d’une réserve naturelle « peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire à l’intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore, au patrimoine géologique et, plus généralement, d’altérer le caractère de ladite réserve. ».
À ce titre, l’alinéa 2 indique que peuvent notamment être réglementés ou interdits la chasse, la pêche, les activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives et touristiques, l’exécution de travaux publics ou privés, l’utilisation des eaux, la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux ;
– d’autre part, dans son dernier alinéa, que l’acte de classement « tient compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles » avec les considérations qui justifient le classement en réserve naturelle (préservation d’espèces, reconstitution de populations animales ou végétales, préservation de biotopes, constitution d’étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage…).
2. Les dispositions adoptées par le Sénat
En séance, le Sénat a adopté un amendement de M. Jean-Noël Cardoux (LR) tendant à poser un principe de libre exercice des activités humaines (chasse, pêche, sport, activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives, touristiques, travaux publics ou privés, utilisation des eaux, circulation ou stationnement des personnes et des véhicules) dans les réserves naturelles classées. L’amendement prévoit une exception à ce principe : ces activités peuvent toutefois être limitées ou interdites après concertation « avec les utilisateurs habituels des territoires ».
L’auteur de l’amendement entendait lutter contre la volonté de faire de la réserve naturelle « un sanctuaire dans lequel l’homme n’a pas sa place », en posant le principe que toutes les activités sont a priori permises, sauf à apporter la preuve de leur nocivité.
L’amendement introduit une nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de l’article L. 332-3.
3. La position de la commission
La commission a adopté les amendements de suppression de l’article présentés par votre rapporteure, Mme Laurence Abeille, MM. Gérard Menuel et Jean-Yves Caullet.
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La Commission est saisie des amendements de suppression CD24 de la rapporteure, CD514 de Mme Laurence Abeille, CD940 de M. Gérard Menuel et CD949 de M. Jean-Yves Caullet.
Mme la rapporteure. L’article 32 bis AA, introduit au Sénat, pose le principe du libre exercice, sans restriction, de toutes les activités humaines dans les réserves naturelles, qu’il s’agisse de la chasse, du sport, de la circulation des véhicules, des travaux, les éventuelles limitations ou interdictions n’étant que des exceptions à ce principe. Cette logique va trop loin. Je vous propose donc de supprimer cet article. La rédaction actuelle de l’article L. 332‑3 du code de l’environnement prévoit d’ores et déjà que, dans les réserves naturelles qui sont des territoires d’excellence en matière de préservation de la diversité biologique, les activités humaines peuvent être limitées ou interdites et que l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes est pris en compte.
Mme Laurence Abeille. Mon amendement CD514 vise également à supprimer cet article qui introduit une ambiguïté en posant comme principe que les activités susceptibles d’avoir un fort impact sur le patrimoine naturel s’exercent dans le respect des objectifs de protection de la réserve. Les réserves naturelles sont des territoires d’excellence pour la préservation de la biodiversité et les règles qui s’y appliquent doivent être respectées, d’autant que l’acte de classement d’une réserve naturelle tient déjà compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêts définis à l’article L. 332-1 du code de l’environnement.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD940 est défendu.
M. Jean-Yves Caullet. Mon amendement CD949 procède de la même lecture. Les dispositions actuelles indiquent clairement que l’acte de classement tient compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes et que celles-ci peuvent être réglementées ou interdites. Je ne saisis pas ce qu’apporte cet article en cherchant à dire la même chose en sens inverse… Les situations existantes, qui semblent donner satisfaction, ne sont pas remises en cause, bien au contraire, si l’on conserve le texte actuel.
Mme la secrétaire d’État. Les réserves naturelles sont des territoires d’excellence pour la préservation de la diversité biologique et géologique. C’est ce qui justifie la possibilité donnée par le code de l’environnement de réglementer ou d’interdire dans ces espaces toute action susceptible de nuire au patrimoine naturel.
Il n’est pas souhaitable de poser le principe que toutes les activités humaines peuvent s’exercer dans les réserves. Le code de l’environnement permet déjà de prendre en compte l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes. Il garantit également la participation de l’ensemble des parties prenantes au travers de l’enquête publique et par diversions consultations.
En outre, la notion d’utilisateur habituel des territoires concernés, introduite par cet article, paraît ambiguë et insuffisante pour couvrir l’ensemble des parties concernées.
Je suis donc favorable à l’adoption de ces amendements.
M. Philippe Plisson. L’article 32 bis AA vise à inverser la charge de la preuve en posant le principe que la pratique des activités dans les réserves est la règle et non l’exception. Il permet ainsi de supprimer un certain nombre de contentieux, nés d’interprétations très diverses sur le territoire.
Prenons le cas, par exemple, des palombières, qui sont des équipements à poste fixe qu’on ne peut pas déplacer. Les réserves de chasse étant, elles, souvent mobiles, une palombière peut se retrouver au milieu d’une réserve, et la règle veut que l’on continue à y chasser. L’application de la disposition que vous défendez suscite souvent des controverses et peut conduire à la fermeture d’un équipement.
La rédaction proposée pour l’article L. 332‑3 du code de l’environnement n’empêche pas les interdictions, ni les discussions. Mais elle fixe comme postulat de départ que les activités traditionnelles peuvent continuer à être exercées dans les réserves naturelles.
La Commission adopte ces amendements.
En conséquence, l’article 32 bis AA est supprimé et les amendements rédactionnels CD11 et CD12 de la rapporteure tombent.
Section 2 bis
Espaces naturels sensibles
Article 32 bis A
(article L. 113-9 du code de l’urbanisme)
Compatibilité entre la politique des espaces naturels sensibles (ENS) avec le schéma régional de cohérence écologique (SRCE)
1. Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale
L’article L. 142-1 du code de l’urbanisme (dans sa numérotation antérieure à l’ordonnance de codification de septembre 2015) dispose que la politique du département en matière d’espaces naturels sensibles doit être compatible avec :
– les orientations des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des chartes intercommunales de développement et d’aménagement, lorsqu’ils existent ;
– les directives territoriales d’aménagement ou, en l’absence de ces directives, les « lois d’aménagement et d’urbanisme prévues » à l’article L. 111-1-1 (ancienne numérotation) du code de l’urbanisme.
L’Assemblée nationale a adopté en séance des amendements identiques de MM. Martial Saddier et Gilbert Sauvan, afin de compléter l’article L. 142-1 du code de l’urbanisme en prévoyant que les actions départementales en matière d’espaces naturels sensibles doivent également être compatibles avec le schéma régional de cohérence écologique (prévu par l’article L. 371-3 du code de l’environnement, le SRCE est un document-cadre relatif aux continuités écologiques, élaboré conjointement par la région et l’État).
2. Les modifications apportées par le Sénat
Sans en modifier le fond, le Sénat a modifié l’article 32 bis A pour teni