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N
° 3579

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mars 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION, tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (n° 3523)

PAR Mme Jeanine DUBIÉ

Députée

——

Voir le numéro : 3523

Mesdames, Messieurs,

M. le député Olivier Falorni a déposé, le 24 février 2016, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

En application de l’article 140 du Règlement de l’Assemblée nationale, « les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont renvoyées à la commission permanente compétente ». Il appartient donc à la commission des affaires économiques de se prononcer sur cette proposition.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, a choisi d’utiliser le pouvoir confié à certains présidents de groupe à l’article 141 du Règlement, qui prévoit que « chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête ».

Dans le cadre de ce « droit de tirage », comme le prévoit l’article 140 du Règlement, la commission compétente doit uniquement vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies, sans se prononcer sur l’opportunité de la commission d’enquête. Aucun amendement au texte de la proposition de résolution n’est recevable.

Par la suite, si la commission estime que les conditions requises pour cette création sont réunies, la conférence des présidents devra prendre acte de la création de la commission d’enquête.

Ces conditions sont au nombre de trois :

Tout d’abord, l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose, à son I, que « les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales ». Cette condition est réitérée à l’article 137 du Règlement, qui prévoit que les commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ».

Dans le cas présent, la proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête sur « les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français », afin d’« établir un état des lieux précis de la situation » et de « procéder à l’analyse de l’efficacité des moyens de contrôle des règles sanitaires et des conditions de mise à mort ». Elle définit donc précisément les faits sur lesquels la commission d’enquête porterait ;

Ensuite, l’article 138 du Règlement prévoit l’irrecevabilité de « toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre ».

En l’occurrence, aucune commission d’enquête ni aucune mission d’information n’ont été créées sur ce sujet au cours des années récentes ;

Enfin, le I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 précitée dispose qu’ « il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ».

L’application de cette disposition est précisée de la manière suivante par l’article 139 de notre règlement :

« Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice.

« Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. »

Interrogé par le Président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir que plusieurs procédures étaient en cours sur le thème envisagé par la proposition de résolution :

– Deux plaintes ont été déposées par l’association L. 214 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Alès : la première, déposée en octobre 2015, met en cause le fonctionnement des abattoirs municipaux d’Alès, des chefs d’actes de cruauté, de mauvais traitements à animaux et d’infractions à la réglementation sur l’abattage ; la seconde, déposée en février 2016, concerne les abattoirs du Vigan.

– De plus, par réquisitoire introductif du 27 juin 2013, une information judiciaire a été ouverte au pôle santé publique de Marseille, des chefs de faux, usage de faux, abus de confiance, tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal, suppression, modification ou altération d’un élément d’identification de marchandises et échange intracommunautaire d’animaux vivants, de leurs produits ou sous-produits ou d’aliments pour animaux non conformes aux conditions sanitaires ou de protection.

– Enfin, une information judiciaire est en cours au pôle santé publique de Marseille depuis le 13 janvier 2014, concernant la commercialisation de chevaux en provenance des abattoirs de Narbonne. Le juge d’instruction est saisi des chefs suivants : falsification de documents, tromperie, modification d’éléments d’identification, escroquerie en bande organisée et abus de confiance.

Le garde des sceaux indique laisser à la commission « le soin d’apprécier si l’existence de ces procédures est de nature à faire obstacle à la création de la commission d’enquête envisagée ». Votre rapporteure estime que ces procédures ne font pas obstacle à la création de cette commission d’enquête, pour autant que celle-ci s’abstienne, tout au long de ses travaux, de faire porter ses investigations sur des faits qui font déjà l’objet de procédures judiciaires.

En conséquence, et sous cette réserve, votre rapporteure juge que la proposition de résolution répond aux conditions fixées par l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et par les articles 137 à 139 du Règlement de l’Assemblée nationale, et que les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 15 mars 2016, la commission a examiné, sur le rapport de Mme Jeanine Dubié, la proposition de résolution de M. Olivier Falorni tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (n° 3523).

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous abordons l’examen de la proposition de résolution de M. Olivier Falorni tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Le président du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), M. Roger-Gérard Schwartzenberg, a indiqué, lors de la conférence des présidents du 8 mars dernier, qu’il ferait usage pour cette proposition du « droit de tirage » que l’article 141, alinéa 2, de notre Règlement reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire. Ce droit de tirage sera exercé lors de la prochaine conférence des présidents, mardi 22 mars, ce qui impose à notre commission de se prononcer très rapidement.

Je vous rappelle que le champ d’intervention de la commission compétente chargée d’examiner une proposition de résolution faisant l’objet d’un droit de tirage est très limité. La commission ne peut que vérifier si les conditions juridiques requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. En revanche, elle ne peut pas se prononcer sur son opportunité et aucun amendement n’est recevable.

Je précise enfin que si les conditions requises sont effectivement considérées comme réunies par notre commission, la conférence des présidents se bornera à prendre acte de la création de la commission d’enquête. Il n’y aura pas de vote par l’Assemblée en séance publique.

Après l’exposé de la rapporteure, une discussion a lieu.

M. Éric Straumann. Nous avons tous vu ces images qui montrent un traitement tout à fait inacceptable des animaux.

Pour ma part, j’habite dans une région frontalière. Mon département gère lui-même un abattoir car il n’y a plus d’abattoir privé. La commission des affaires économiques pourrait étendre le champ de la commission d’enquête aux prix pratiqués dans ces abattoirs afin de regarder ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, en Allemagne ou en Espagne. Nous verrons comment les prix s’y forment et quelles y sont les conditions d’abattage, dans un marché particulièrement concurrentiel.

Sur le principe, je suis favorable à la création de cette commission d’enquête, même si je considère que les pratiques dénoncées ici restent isolées. Cela dit, la transparence est nécessaire dans ce domaine en ce qui concerne le prix et les conditions d’abattage.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mon cher collègue, je vous rappelle que nous n’avons pas à nous prononcer sur le fond.

M. Éric Straumann. Certes, mais je souhaiterais que ces sujets soient abordés si la commission d’enquête est créée.

Mme la présidente Frédérique Massat. Il appartiendra à la commission d’enquête de décider la manière dont elle souhaite travailler. Pour l’heure, notre commission ne peut que vérifier si les conditions juridiques requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies, et nous n’avons pas la possibilité d’en modifier le format.

Cela dit, j’ai bien compris que vous n’étiez pas opposé à la création de cette commission d’enquête.

M. Jean-Claude Mathis. Je pourrais difficilement m’opposer à la création de cette commission d’enquête puisqu’une quarantaine de députés du groupe Les Républicains ont déposé, à l’initiative du député Philippe Vitel, une proposition de résolution similaire tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

Toutefois, comment se fait-il que les règles prévues par l’arsenal juridique concernant les abattoirs, pourtant suffisamment précises, ne sont pas appliquées ?

Mme Laure de la Raudière. Si chacun reconnaît que les faits révélés par les médias sont proprement épouvantables, il me paraît regrettable de créer une commission d’enquête à partir d’un fait divers. Au vu de tous les outils juridiques qui existent, le Gouvernement avait sans doute la possibilité d’effectuer les contrôles nécessaires dans tous les abattoirs de France.

En proposant la création d’une commission d’enquête, je crains que le Parlement ne jette le discrédit sur cette filière qui connaît déjà de grandes difficultés.

M. Lionel Tardy. Pour ma part, j’avais cosigné, avec une quarantaine de députés de l’opposition, la proposition de résolution que notre collègue Philippe Vitel avait déposée sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Je ne puis donc qu’y être favorable, même si le problème aurait pu être traité plus tôt.

Je reste persuadé que les pratiques qui ont été révélées ne sont le fait que d’une minorité d’abattoirs. J’espère que la commission d’enquête saura le montrer, et surtout qu’elle fera cesser les dérives observées. Au-delà des images, je crois que l’agriculture française, compétitive et dynamique, est tout à fait compatible avec des pratiques respectueuses des animaux.

M. Frédéric Roig. Je me suis occupé pendant vingt ans de la filière viande dans le département de l’Hérault, et plus particulièrement d’un abattoir de proximité, un de ces petits équipements qui ne traitent pas plus de 5 000 tonnes. Il ne faut pas stigmatiser cette filière en se basant sur le triste et catastrophique exemple du Vigan qui a été relayé sur les réseaux sociaux.

La semaine dernière, j’ai visité, avec mon collègue Kléber Mesquida, l’unique abattoir de l’Hérault. Nous étions accompagnés par le sous-préfet. Nous avons pu vérifier que les services vétérinaires et ceux de l’agence régionale de santé (ARS) étaient régulièrement présents, y compris pendant les périodes de tue. Cela fait plusieurs années que le bien-être des animaux à l’arrivée dans les abattoirs et avant la tue est pris en considération. Le président du syndicat mixte qui gère l’abattoir et le directeur de l’abattoir, que nous avons rencontrés, souhaitent trouver le moyen d’informer la population sur le travail qui y est effectué. Il faut être conscient qu’ils ne peuvent pas être tenus systématiquement responsables d’actes ou de comportements isolés – ce qui a probablement été le cas à l’abattoir du Vigan.

Les éleveurs, en amont, comme les bouchers et les entreprises de transformation, en aval, aimeraient que cet aspect soit appréhendé. L’abattoir est le lieu où l’on garantit la traçabilité des animaux et leur sécurité sanitaire. C’est grâce à cela que l’on évite les dérives. Quand on ferme les abattoirs, on voit bien ce qui peut se passer, à commencer par les trafics de viande foraine. Je souhaite que cet aspect soit mis en avant. S’il est difficile de communiquer sur ce que l’on fait dans un abattoir, il est possible de parler de la traçabilité. Le savoir-faire des professionnels et les conditions dans lesquelles les métiers de l’abattage sont exercés doivent être pris en considération afin de lever le doute sur cette filière.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, je sais que l’on a toujours envie de parler du fond, mais pour l’heure, il s’agit de nous prononcer sur la forme.

Je rappelle que tous les groupes minoritaires ou d’opposition peuvent exercer un droit de tirage sur les commissions d’enquête, quel que soit le sujet. Et, comme je vois que ce sujet vous intéresse tous, je précise qu’il y aura un appel à candidatures auprès de tous les groupes pour faire partie de la commission d’enquête. Je vous invite donc à vous y inscrire.

Mme la rapporteure. Je vous remercie, mes chers collègues, de l’intérêt que vous portez à ce sujet, comme le montrent vos interventions.

Ainsi que vient de le rappeler Mme la présidente, les textes prévoient que tout groupe minoritaire ou d’opposition bénéficie d’un droit de tirage. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste en a fait usage en proposant la création d’une commission d’enquête.

Une fois que cette proposition de résolution aura été soumise à la conférence des présidents, un appel à candidatures sera lancé. Vous aurez donc l’occasion de faire entendre vos arguments sur le fond.

Je vous invite donc à constater la recevabilité de la présente proposition de résolution.

Se prononçant en application de l’article 140, alinéa 2, du Règlement, la commission constate que sont réunies les conditions requises pour la création de la commission d’enquête demandée par le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (n° 3523).

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application de l’article 51-2 de la Constitution, de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblée parlementaires et des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français visant à établir un état des lieux précis de la situation, procéder à l’analyse de l’efficacité des moyens de contrôle des règles sanitaires et des conditions de mises à mort.

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