Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 3840

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 3500), ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense,

PAR M. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 803 (2013-2014), 362, 363 et T.A. 90 (2015-2016).

Assemblée nationale : 3845.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN PARTENAIRE IMPORTANT POUR LA STABILITÉ DES BALKANS 7

II. LA POLITIQUE DE DÉFENSE CROATE 9

A. LES FORCES CROATES ET L’INDUSTRIE DE DÉFENSE 9

1. Les armées 9

2. L’industrie de défense croate 10

B. UNE COOPÉRATION BILATÉRALE MODESTE APPELÉE À SE DÉVELOPPER 11

1. Une chaire de français à l’Académie de défense de Zagreb 11

2. La formation d’officiers croates 11

3. Un audit de la marine de guerre croate 11

4. La réunion des états-majors à Zagreb 12

5. La participation d’un fonctionnaire croate au programme personnalité d’avenir défense 12

6. La remise des insignes de commandeur de l’ordre national de la Légion d’honneur au chef d’état-major croate 12

7. L’escale de l’Adroit et le séminaire « Actions de l’état en mer » 12

8. La réunion des états-majors à Paris 13

C. LA PARTICIPATION DE LA CROATIE À DES OPÉRATIONS INTERNATIONALES 13

D. LES PERSPECTIVES 14

1. En matière de coopération 14

2. En matière industrielle 15

III. L’ACCORD DE DÉFENSE 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 21

INTRODUCTION

Cet accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense a été signé à Paris le 14 juillet 2013. Il s’inscrit dans le cadre de la revalorisation des relations de défense de la France avec l’ensemble des pays d’Europe centrale et orientale depuis leur stabilisation et l’affirmation de leur ancrage occidental.

La France et la Croatie entretiennent d’excellentes relations, marquées par une très grande proximité entre le président français et le précédent président croate, qui ont beaucoup contribué à l’amélioration de la visibilité de la France en Croatie au cours des dernières années. La dynamique semble appelée à se poursuivre avec le nouveau Gouvernement croate, notamment grâce à l’actuel ministre croate des Affaires étrangères qui était précédemment ambassadeur à Paris.

Initiées en 1997, les relations en matière de défense entre les deux pays suivent la même courbe ascendante. Si la coopération militaire ne peut être évaluée à l’aune du volume des actions mises en œuvre, qui demeurent modestes, elle est en revanche très liée à des intérêts communs et à de nombreuses convergences stratégiques.

Face aux défis que représentent les migrations trans-méditerranéennes et l’instabilité au proche et au moyen orient, la France et la Croatie, qui participent toutes deux à la lutte contre Daech en Irak, font état d’une grande communauté de vue.

À la suite des sommets de Berlin en 2014, et de Vienne en août 2015, Paris accueillera le 4 juillet 2016 le sommet des Balkans auquel participeront les pays des Balkans occidentaux qui n’appartiennent pas à l’Union européenne, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro, l’Albanie et la Serbie, ainsi que l’Allemagne, l’Autriche, la Croatie, l’Italie et la Slovénie, membres de l’Union. Après un bilan de la mise en œuvre des décisions prises lors du précédent sommet, le sommet de Paris se consacrera à deux grands thèmes :

– le développement des connexions en matière de transports et d’énergie, afin de faciliter le désenclavement de la région et de favoriser les échanges économiques ;

– les initiatives en faveur de la mobilité de la jeunesse, acteur du rapprochement des différents pays et le lancement de l’office régional de coopération pour la jeunesse (RYCO) que les six pays des Balkans occidentaux s’étaient engagés à créer lors du sommet de Vienne.

Les problèmes que constituent pour les pays des Balkans et de l’Union européenne la crise des réfugiés et la lutte contre le terrorisme seront également abordés lors de ce sommet.

Le rapporteur pour avis se félicite de l’approbation de cet accord qui représente un signal fort avant ce sommet, la France étant le dernier des grands États européens à avoir conclu un accord de défense avec la Croatie. Il y voit également une possibilité de rapprochement des pays et des régions du pourtour méditerranéen, qui lui tient particulièrement à cœur.

I. UN PARTENAIRE IMPORTANT POUR LA STABILITÉ DES BALKANS

En dépit de la mémoire des conflits et de différends subsistant toujours entre l’ensemble des pays d’ex-Yougoslavie, notamment en matière de délimitation des frontières et de statut des minorités, la Croatie entretient de bonnes relations avec ses voisins. Le pays se positionne en tant qu’acteur central d’une stabilisation régionale durable.

La Croatie porte des initiatives régionales, dont le processus de Brdo-Brijuni (1), et soutient activement les négociations d’adhésion de ses voisins à l’Union européenne en mettant à leur disposition son expertise et la documentation dont elle dispose.

Le pays est très actif au travers d’accords bilatéraux ou régionaux tels que la Charte adriatique, par exemple, l’Initiative adriatique-ionienne et la Central european defence cooperation. Les échanges inter-régionaux, qui restent sous une forte influence américaine, semblent s’intensifier depuis le second semestre 2013.

La charte adriatique

La Charte adriatique est une instance créée en 2004 par les États-Unis pour accélérer l’intégration atlantique de pays des Balkans. Son but est également d’atteindre l’interopérabilité pour des déploiements communs en mission. Ses membres sont la Croatie, la Bosnie - Herzégovine, l’Albanie, le Monténégro, l’Ancienne république yougoslave de Macédoine ; la Serbie a un statut d’observateur.

L’initiative adriatique – ionienne (IAI)

Elle regroupe la Grèce, l’Albanie, la Bosnie–Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, la Croatie, la Slovénie et l’Italie. Instituée en 2000, elle a permis de créer une macro-région européenne qui rassemble des pays qui ne sont pas nécessairement membres de l’Union européenne mais présentent des similitudes, en raison de leurs caractéristiques ou des problèmes auxquels ils doivent faire face. L’IAI a été approuvée par la Commission européenne qui a élaboré une stratégie adriatico-ionienne.

La central european defence cooperation (CEDC)

Il s’agit d’une coopération de défense créée en 2010 regroupant des pays d’Europe centrale : la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, l’Autriche, la Slovénie et la Croatie. La Pologne bénéficie d’un statut d’observateur. Il semble que des résultats positifs aient été atteints en matière d’entraînement et de développement capacitaire. La crise des migrants est un sujet majeur dans cette enceinte.

Poursuivant l’objectif d’une stabilisation durable, la Croatie s’est déclarée en faveur de l’entrée dans l’Alliance atlantique du Monténégro, invité le 2 décembre 2015 à débuter les pourparlers d’adhésion. La Croatie soutient également une future entrée dans l’Alliance de l’Ancienne république yougoslave de Macédoine, qui sera invitée à devenir membre dès qu’une solution acceptable par les deux Gouvernements aura été trouvée avec la Grèce à la question de la dénomination du pays. La Croatie soutient naturellement la candidature de la Bosnie-Herzégovine, dont la stabilité est vitale pour la région dans son ensemble et la Croatie en particulier, invitée à participer au plan d’action pour l’adhésion ; la Bosnie Herzégovine devra avoir préalablement réglé la question de la propriété des biens immobiliers militaires.

La normalisation des relations entre la Croatie et la Serbie est une autre composante déterminante pour la stabilité régionale ; les deux pays, qui multiplient les gestes de réconciliation, ont signé un accord de défense et la Croatie ne fait pas obstacle à l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne.

Indépendante depuis le 25 juin 1991 et reconnue par la France dès le 15 janvier  1992, la République de Croatie est un territoire de quelque 56 500 km2 partageant des frontières avec la Slovénie (501 km), la Hongrie (329 km), la Bosnie-Herzégovine (932 km), la Serbie (241 km) et le Monténégro (25 km) ainsi qu’une frontière maritime avec l’Italie.

Une des particularités géographiques de la Croatie est son littoral sinueux totalisant une longueur de 1 177 km. S’y ajoutent ses quelque mille îles qui portent le littoral croate à un total de 5 835 km. La Croatie est donc bien une nation à la vocation maritime affirmée, aux avant-postes des frontières de l’espace européen. Un espace auquel la Croatie, qui est devenue le 1er juillet 2013, le 28État membre de l’Union européenne, veut assurer son ancrage, souhaitant à terme intégrer l’espace Schengen, et adhérer à la zone euro lorsque le permettra sa situation économique

La signature de cet accord de défense indique par ailleurs que la France, qui a signé un accord de défense avec la Serbie, et a été longtemps soupçonnée, à tort ou à raison, de nourrir un tropisme pro-serbe, met les deux pays sur un pied d’égalité.

II. LA POLITIQUE DE DÉFENSE CROATE

La Croatie concentre sa politique de défense sur la défense du territoire, à l’instar des pays du sud-est de l’Europe. Cette tendance s’est encore renforcée avec la « crise des migrants » qui a vu, entre octobre 2015 et mars 2016, plus de 600 000 entrées sur le sol de la Croatie, laquelle a adopté une loi ad hoc permettant à l’armée de mener des actions de police aux frontières.

Après la Slovénie en 2004, la Croatie est devenue membre de l’OTAN le 1er avril 2009, à la même date que l’Albanie. La politique de défense croate est de fait profondément marquée par son appartenance à l’OTAN et par sa relation privilégiée et prédominante avec les États-Unis qui en font le pivot de leurs actions de défense dans le sud-est européen. Les États-Unis sont le premier bailleur de la Croatie en équipement par des dons et des cessions ainsi que le premier pourvoyeur pour les entraînements et la préparation opérationnels, notamment via un partenariat avec la Garde nationale.

Dans le cadre juridique d’accords de défense, les partenaires importants de la Croatie sont, loin devant la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche, qui sont des partenaires traditionnels, et le Royaume-Uni et la Suède, qui le sont moins. La Croatie a d’ailleurs conclu des accords avec tous les pays membres de l’Alliance atlantique, hormis le Portugal, l’Islande et le Luxembourg.

La Croatie, qui aime à se présenter comme la façade méditerranéenne de l’Europe centrale, œuvre par ailleurs à la création d’un axe sud-nord allant de l’Adriatique à la Mer du nord.

Hors la défense de son territoire, la Croatie est essentiellement préoccupée par la stabilité régionale et entretient des relations de défense avec ses voisins dans le cadre d’accords bilatéraux. Son partenaire le plus proche est sans aucun doute la Slovénie avec laquelle la Croatie entretient d’excellentes relations en dépit d’un différend territorial concernant l’accès de la Slovénie aux eaux internationales dans la baie de Piran.

A. LES FORCES CROATES ET L’INDUSTRIE DE DÉFENSE

1. Les armées

Les armées croates comptent environ 16 230 personnels dont 1 600 civils. Le service militaire ayant été suspendu, il s’agit d’une armée professionnelle.

L’armée de terre compte 8 300 hommes et comporte deux brigades, la brigade sud de 3 300 hommes et la brigade est de 2 600 hommes.

La marine de guerre (1 600 hommes) est dotée de cinq bâtiments équipés de missiles et inclut une garde côtière. La marine sera dotée de cinq patrouilleurs modernes actuellement en construction dans les chantiers navals de la côte adriatique.

L’armée de l’air, également de 1 600 hommes, répartis sur deux bases, doit relever le défi que représente l’entretien de sa dizaine d’avions de chasse, MIG21, vieillissants et dont la vie a été prolongée une première fois grâce à une modernisation effectuée en Ukraine.

D’après les informations transmises au rapporteur par la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), une seconde et ultime revalorisation est prévue afin de prolonger leur emploi jusqu’en 2020. La question centrale d’une possible disparition des capacités aériennes de la Croatie se pose donc avec acuité et fait l’objet d’un débat interne. La volonté de conserver une capacité, modeste, semble toutefois dominer. Les modalités, achat, don, leasing, ne sont pas déterminées. La France ne semble pas avoir de proposition réaliste à formuler dans ce domaine.

L’armée de l’air croate possède également des hélicoptères de transport russes modernisés.

Les armées croates semblent globalement souffrir d’un manque de moyens, de la dégradation de leurs infrastructures et d’un format inadapté. Un plan de développement, dont le terme est fixé à 2024, a d’ores et déjà été prévu pour 2017 avec la réduction de 10 % des effectifs et un rééquilibrage en faveur des unités destinées à la projection.

Le budget de la défense qui représentait 1,4 % du produit intérieur brut en 2015 devrait atteindre 1,2 % en 2017.

2. L’industrie de défense croate

La Croatie possède une industrie de défense de bon niveau héritée à la fois d’une tradition ancienne et des usines d’armement d’ex-Yougoslavie présentes sur son sol. Ses compétences se concentrent sur les secteurs terrestre et naval. L’industrie d’armement croate fabrique notamment des chars, des systèmes de roquettes, des lance-grenades et des systèmes de déminage.

La Croatie possède de nombreux chantiers navals et se classe autour de la quatrième place des fabricants de navires en Europe. Cette industrie est toutefois en surcapacité et son avenir semble conditionné à une rationalisation.

En matière d’équipement de protection, il convient de souligner le succès de la société Šestan Busch qui fabrique des casques de renommée mondiale, dont un modèle modulaire, destinés tant aux militaires qu’aux forces spéciales et à la police, exportés vers plus de 50 pays.

À noter également, les productions de la société HS Produkt qui est en lice pour le renouvellement du fusil d’assaut de l’armée française, dans le cadre du marché lancé par la direction générale de l’armement.

B. UNE COOPÉRATION BILATÉRALE MODESTE APPELÉE À SE DÉVELOPPER

Si une coopération relativement active a bien débuté en 1997, son intensité a varié dans le temps atteignant un niveau historiquement bas à la suite de l’entrée de la Croatie dans l’OTAN, avant qu’un dialogue stratégique ne s’instaure. En effet, l’accès de la Croatie aux programmes de formation et d’entraînement de l’OTAN avait fait chuter mécaniquement la coopération bilatérale ; mais la France s’avère un partenaire de premier plan, et entend le rester, pour les actions organisées dans le cadre de la PSDC auxquelles la Croatie a décidé de prendre part.

Des actions stratégiques ou à valeur symbolique ont néanmoins marqué cette coopération.

1. Une chaire de français à l’Académie de défense de Zagreb

Cette chaire a été ouverte en 1998 afin de constituer un vivier de locuteurs susceptibles de s’engager avec des contingents ou en zone francophones. L’élargissement des missions militaires possibles avec l’entrée de la Croatie dans l’UE, ainsi que les postes à l’étranger proposés dans le cadre de l’OTAN ou de l’UE, a attiré un public désirant compléter sa pratique de l’anglais. La mission défense y assure un cours hebdomadaire de terminologie militaire. La présence d’un lecteur de français de septembre à décembre 2016 a été financée par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des Affaires étrangères et du développement international.

2. La formation d’officiers croates

Entre 2000 et 2012, ont été formés des officiers dans plusieurs écoles : collège interarmées de défense, école d’état-major, écoles de spécialités de l’armée de terre et école nationale des sous-officiers d’active. Ce type de coopération a pris fin avec l’entrée de la Croatie dans l’OTAN et l’obligation pour elle de financer ces stages. Des liens qui perdurent ont néanmoins été créés.

3. Un audit de la marine de guerre croate

La marine nationale a effectué en 2005 un audit de la marine croate qui a débouché sur une restructuration devenue nécessaire pour s’adapter au nouveau contexte, à l’issue de la période de guerre. Cet audit a notamment conduit à l’intégration des garde-côtes dans la marine croate.

Une autre conséquence de cet audit est la naissance d’une coopération active dans le domaine de la guerre des mines et de la formation des plongeurs-démineurs. Au fil des escales des bâtiments français croisant dans l’Adriatique, se sont déroulés des exercices et des séminaires autour du concept de l’action de l’État en mer que la Croatie a la volonté de faire sien : surveillance maritime en surface et aérienne, lutte contre la pollution, contre les trafics et l’immigration clandestine, contrôle des approches. De plus en plus consciente de son rôle dans la surveillance des frontières européennes, la Croatie, qui a pour objectif l’intégration de l’espace Schengen dans quelques années, fait porter ses efforts sur sa spécificité marine.

4. La réunion des états-majors à Zagreb

Les principales conclusions de cette réunion qui s’est déroulée le 3 juin 2014 ont été les suivantes :

– l’analyse convergente du volet militaire des questions portant sur la réforme de l’OTAN, le renforcement de la PSDC et la sécurité maritime de l’Europe ;

– la satisfaction réciproque d’une coopération militaire bilatérale a minima ;

– le souhait de la France d’un engagement opérationnel accru dans les missions de l’UE et dans la sécurité de l’espace euro-atlantique.

5. La participation d’un fonctionnaire croate au programme personnalité d’avenir défense

Le chef du département de la coopération internationale du ministère de la Défense croate a suivi le programme personnalité d’avenir défense de la division des affaires stratégiques en septembre 2014.

6. La remise des insignes de commandeur de l’ordre national de la Légion d’honneur au chef d’état-major croate

Cette distinction a été remise le 23 février 2016 au général d’armée Drago Lovrić, chef d’état-major des armées croates. La cérémonie s’est déroulée en présence de la présidente de la République croate, Mme Kolinda Grabar-Kitarović. Il s’agit de la plus haute distinction étrangère jamais remise en Croatie depuis 1995. Ce geste, fort apprécié, a eu un retentissement très positif.

7. L’escale de l’Adroit et le séminaire « Actions de l’état en mer »

Le patrouilleur de haute mer Adroit a fait escale à Split du 2 au 6 mai 2016. L’ambassade de France a organisé, à cette occasion, un séminaire autour de l’action de l’État en mer dans une perspective d’approche régionale de la sécurité maritime et de la lutte contre la piraterie, auquel ont été conviés la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro. Cette manifestation a, elle aussi, rencontré un écho très favorable.

Un militaire croate a embarqué quelques jours à bord de l’Adroit.

8. La réunion des états-majors à Paris

Les états-majors se sont réunis le 31 mars 2016 selon le rythme biennal adopté. Outre les sujets d’actualité tels que le prochain sommet de Varsovie, et la réaffirmation de la stabilité régionale en tant que priorité de la défense croate, des thèmes intéressant spécifiquement la coopération bilatérale ont été abordés :

– la concentration des efforts sur la coopération maritime et l’action de l’État en mer, dans un premier temps, en Adriatique ;

– la nécessité de poursuivre l’enseignement du français ;

– l’intérêt de la Croatie pour l’organisation territoriale interarmées de défense de la France, avec pour objectif la mise en place d’un état-major interarmées de zone de défense et de sécurité en 2017 nécessitant le déplacement d’experts français en phase préparatoire.

C. LA PARTICIPATION DE LA CROATIE À DES OPÉRATIONS INTERNATIONALES

L’année 2015 a vu les deux premiers mandats de la Croatie sous drapeau européen.

Une équipe de protection embarquée de 12 hommes a participé à l’opération EUNAVFOR Atalante de décembre 2014 à avril 2015, soutenue par une aide logistique des Forces françaises stationnées à Djibouti. Une nouvelle équipe, de 16 hommes, sera envoyée dans les mêmes conditions durant le second semestre 2016.

Un bâtiment croate a été engagé dans l’opération Triton durant le second semestre 2015.

La Croatie a répondu, avec quelque délai, à la demande de contribution de la France dans le cadre de l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne par un don de matériel et d’équipement à l’armée malienne que la France aidera à acheminer.

La Croatie participe aux opérations de maintien de la paix de l’ONU : la FINUL au Liban, l’UNICYP à Chypre, la MINUL au Libéria et l’UNMOGIP en Inde et au Pakistan. Elle participe également à la KFOR au Kosovo et étudie également la participation en novembre 2016 d’une section de génie infrastructure à la MINUSMA au Mali.

Dans le cadre de l’OTAN, la Croatie a engagé 91 militaires en Afghanistan, en collaboration avec des contingents allemands et américains, pour des missions de protection et de police militaire.

La DGRIS a toutefois indiqué au rapporteur que si la Croatie déclare vouloir intensifier sa participation à la PSDC, il semble en tout état de cause que l’OTAN reste sa priorité, ainsi que l’illustre le nombre de militaires déployés en 2015, soit 145 dont 127 pour des actions dans le cadre de l’OTAN.

D. LES PERSPECTIVES

Si un accord de défense ne crée pas la coopération, qui le précède souvent, il constitue un environnement propice à son développement. Le rapporteur pour avis estime que ce cadre, juridiquement sûr et suffisamment souple, représente pour nos deux pays une occasion de relancer leurs actions communes

1. En matière de coopération

Le rapporteur pour avis ne pense pas faire erreur en affirmant que la France est prête, compte tenu de la disponibilité de ses moyens, fort sollicités actuellement, à saisir toutes les possibilités qui s’ouvriront à la Croatie dans le cadre des missions et des opérations de la PSDC.

L’axe principal de la coopération demeure le domaine maritime et l’intérêt manifesté par la Croatie pour le concept d’action de l’État en mer semble une piste de coopération prometteuse.

La Croatie manifeste également un vif intérêt pour l’opération Sentinelle, et ses conséquences sur nos forces armées, ainsi que pour l’organisation de la chaîne territoriale interarmées de défense.

Le plan de coopération pour 2017 est en cours d’élaboration et devrait demeurer dans un volume identique à celui de 2016, c’est-à-dire modeste. Des déplacements pourraient être organisés dans la perspective de la mise en place d’un état-major interarmées de zone de défense et de sécurité, pour lequel la Croatie a manifesté son intérêt.

Des visites en Croatie du chef d’état-major des armées et du commandant en chef pour la Méditerranée devraient avoir lieu respectivement en septembre 2016 et durant le second semestre 2016.

Le rapporteur pour avis relève toutefois que malgré leur désir de participer à la PSDC, un sentiment de frustration se fait jour chez les « petits pays » face à la concentration des efforts de l’Union européenne et de l’Agence européenne de défense sur les grands programmes, peu adaptés à leurs besoins et à leurs capacités, par-delà la complexité des mécanismes européens.

2. En matière industrielle

L’embargo sur la livraison d’armements à la Croatie a été levé en 2000. La France n’a, depuis cette date, pas conclu de contrat significatif avec la Croatie qui reste liée, d’une part, à la Russie pour l’entretien de ses matériels soviétiques vieillissants, et, d’autre part, aux États-Unis qui sont omniprésents avec de très gros moyens. L’estimation des dons de matériel américain à la Croatie depuis 2008 oscille entre 200 et 300 millions de dollars.

Le secteur naval est certainement celui qui offre le plus de perspectives. La Croatie a manifesté son intérêt pour le système embarqué de surveillance et de défense maritime Polaris de DCNS.

La Croatie a également manifesté son intérêt pour les missiles et notamment le missile sol-air Mistral de MBDA, dont sont équipés deux pays importants d’Europe centrale, la Hongrie et l’Autriche.

Peu d’opportunités existant en matière d’exportation d’armement vers la Croatie, le rapporteur pour avis estime qu’il est indispensable que la France soutienne activement ces deux domaines d’excellence pour lesquels un intérêt a été déclaré.

Thales est présent en Croatie depuis 2009 tant dans le secteur civil que dans celui de la défense au travers d’une joint-venture avec une société d’État croate. Ses activités s’exercent notamment dans les domaines du contrôle aérien et de la signalisation ferroviaire. Dans le domaine de la défense, Thales est notamment candidat au remplacement du radar côtier de défense aérienne figurant au plan de modernisation du ministère de la Défense croate.

Par ailleurs, une société de Thales Raytheon Systems, Air Command Systems International (ACSI), est le principal maître d’œuvre du système de commandement et de contrôle aériens de l’OTAN (ACCS) appelé à remplacer au sein de l’Alliance atlantique un vaste ensemble de systèmes nationaux et otaniens. Son déploiement est prévu en Croatie. Ce système permettra à terme la gestion d’opérations aériennes au-dessus du territoire des pays européens membres de l’OTAN et lors de déploiements hors zone. À terme ce système devrait couvrir un espace aérien de 10 millions de km² et relier plus de 20 centres militaires de contrôle aérien.

Dans le domaine civil, Thales propose des solutions dans la protection des frontières et la préparation de la Croatie à l’intégration dans l’espace Schengen, dans la gestion du trafic aérien, aide à la navigation et radars, et dans la signalisation ferroviaire dans le cadre du projet européen EU core network corridors.

III. L’ACCORD DE DÉFENSE

L’accord dont il est proposé aujourd’hui d’autoriser l’approbation est un accord de facture classique entre deux pays membres de l’OTAN et de l’Union européenne. Il ne comporte donc aucune clause d’assistance mutuelle, les stipulations de l’article 5 du traité de Washington et de l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne s’appliquant en cas d’agression extérieure. Il a pour vocation essentielle de fournir à la coopération existante un cadre juridique dans lequel elle pourra s’intensifier. Les principaux articles de cet accord sont les suivants.

– L’introduction indique que l’objectif de cette coopération est la contribution au maintien de la paix et de la stabilité en Europe par le rapprochement des institutions militaires et la multiplication des relations dans le domaine de la sécurité et de la défense.

– L’article 1 précise que cette coopération prend la forme de relations bilatérales entre les services des ministères de la défense et les forces armées des parties.

– L’article 3 énonce quinze domaines dans lesquels peut s’exercer la coopération, tout en ménageant aux parties la possibilité d’étendre ce spectre.

– Dans l’article 4 sont énumérées les formes que peut prendre la coopération dans les domaines définis au précédent article. Elles comprennent des visites, des échanges, des rencontres, des entraînements et exercices communs, des manifestations artistiques et sportives, des accords et des arrangements spécifiques pouvant être nécessaires, le cas échéant.

– L’article 5 est consacré à la coopération en matière d’armement, dans des domaines reconnus d’intérêt mutuel ; elle peut consister en des contacts, des échanges d’informations et des rencontres sur des sujets identifiés.

– L’article 6 traite des exercices et entraînements communs dont le but est de renforcer l’interopérabilité des capacités dans le cadre de l’OTAN et de l’UE. Ils sont inscrits dans le plan annuel de chacune des parties.

– L’article 7 établit le principe de rencontres régulières des états-majors se déroulant alternativement dans l’un et l’autre pays. Lors de ces réunions, un bilan de la coopération durant l’année écoulée est dressé et le plan de coopération pour l’année à venir est établi. Les attachés de défense sont désignés comme les correspondants privilégiés pour toute action de coopération.

– L’article 8 traite du financement de la coopération. La partie d’envoi prend à sa charge les frais de transport, d’hébergement et de restauration ; la partie d’accueil met gracieusement à disposition les moyens d’exercice des fonctions administratives et peut, le cas échéant, assumer des frais de transport et de communications de service à l’intérieur de son territoire. Le financement de frais de scolarité par la partie d’accueil est étudié au cas par cas. Les dispositions du SOFA OTAN régissent la prise en charge médicale par le service de santé militaire de la partie d’accueil.

– Le statut des personnels et de leur famille sur le territoire de l’autre partie fait l’objet de l’article 10. Les personnels conservent leur statut militaire ou civil, et continuent à relever de leur pays d’origine via leur ambassade respective. Les autorités de la partie d’envoi conservent leur pouvoir disciplinaire. Les personnels doivent respecter l’ordre juridique et les règlements internes de la partie d’accueil. Ce statut est également régi par le SOFA OTAN.

– L’article 11 traite du décès d’un membre du personnel militaire ou civil de la partie d’envoi lors d’un exercice ou d’un entraînement commun sur le territoire de la partie d’accueil. Les formalités, déclaration et établissement de l’acte de décès sont effectuées selon les règles de la partie d’accueil. Il en va de même pour l’autopsie, à laquelle peut assister un médecin de la partie d’envoi, si la législation de la partie d’accueil le permet. Les frais de rapatriement du corps sont à la charge de la partie d’envoi.

– L’article 13 renvoie l’échange et la protection des informations et des matériels classifiés à l’Accord de sécurité entre le Gouvernement de la République de Croatie et le Gouvernement de la République française sur la protection mutuelle des informations classifiées, signé le 25 janvier 2011.

– Ainsi que le précise l’article 14, les différends portant sur l’application et l’interprétation de cet accord sont réglés exclusivement par voie de consultation et de négociation entre les parties.

– Le dernier article évoque l’entrée en vigueur, la durée, indéterminée, ainsi que les modes d’amendement et de dénonciation de l’accord.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Sauveur Gandolfi-Scheit, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3500), au cours de sa réunion du mardi 14 juin 2016.

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Ø Direction du développement international de la direction générale de l’armement (DGA) : M. Hubert L’Ebraly, ingénieur général de l’armement, sous-directeur Europe centrale et orientale-Amérique du sud ;

Ø Ambassade de la République de Croatie en France – M. le colonel Ivo Martinić, attaché militaire ;

Ø Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) – M. le colonel Fabien Mandon, adjoint au chef du service Europe, Amérique du Nord, action multilatérale, et M. Renaud Dorlhiac, chargé de mission, bureau relations bilatérales Europe, service Europe, Amérique du Nord et action multilatérale ;

Ø État-major des armées – M. le lieutenant-colonel Flavien Garrigou-Grandchamp, division « Euratlantique », bureau du pôle relations internationales militaires.

© Assemblée nationale

1 () Il s’agit d’un sommet de chefs d’État portant sur la situation des Balkans occidentaux en matière de politique et de sécurité. La France est, dès le départ en juillet 2013, associée à ce forum.