N° 1863

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805),

TOME II

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR M. JEAN-LOUIS BIANCO,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir le numéro 1861 (annexe n° 1)

                      Lois de finances

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I – UNE EMBELLIE BUDGÉTAIRE 9

    A – LE FONCTIONNEMENT 9

    1) Le personnel 9

    2) L’organisation et les moyens des services 14

    3) Les subventions de fonctionnement 17

    B – LES CRÉDITS D’INTERVENTION ET LES DÉPENSES EN CAPITAL 19

    1) L'aide au développement 19

    2) La coopération culturelle, scientifique et technique 20

    3) La coopération militaire 22

    4) L'action audiovisuelle extérieure 22

    5) La participation à des dépenses internationales 23

    6) L'assistance aux Français de l'étranger 24

    7) L'équipement 24

II - LE KOSOVO 25

    A - L’ACTION DIPLOMATIQUE AVANT LE CONFLIT 26

    1) La conférence de Rambouillet 26

    2) Le rôle du Conseil de sécurité 29

    B - LA GUERRE 30

    1) Les erreurs d'appréciation des alliés 30

    2) Le rôle de la France 32

    C – RÉUSSIR L’APRÈS-GUERRE 34

    1) La reconstruction du Kosovo 34

    2) L'avenir des Balkans 37

CONCLUSION 41

EXAMEN EN COMMISSION

I. Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et de
M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie,
sur les crédits des Affaires étrangères pour 2000
(mardi 26 octobre 1999) 43

II.
Examen pour avis des crédits des Affaires étrangères pour 2000
(jeudi 4 novembre 1999)
47

Mesdames, Messieurs,

La dotation réservée au ministère des Affaires étrangères par le projet de loi de finances pour 2000 s’élève à 20,945 milliards de francs soit une progression en francs courants de 0,64% par rapport au budget voté en 1999 (20,811 milliards) et de 0,8% par rapport au projet de loi de finances pour 1999.

Cette augmentation rompt avec l’évolution des années antérieures. Comme l'illustre le tableau ci-dessous, depuis 1995, le budget du ministère des Affaires étrangères baisse d'une année sur l'autre et l'évolution des années antérieures à 1995 n'a pas été plus favorable. Cette baisse continue tranche avec celle du budget de l'Etat.

Evolution comparée des budgets de l'Etat et

du Ministère des Affaires étrangères

Années

Budget de l'Etat

(en milliards de francs)

Budget MAE

(en millions)

% évolution

du MAE

1990

1220

19185

 

1991

1280

20939

+ 9,14

1992

1322

22239

- 9,4

1993

1370

22995

+ 3,4

1994

1430

22469

- 2,34

1995

1470

22921

+ 2

1996

1552

22321

- 2,6

1997

1564

21186

- 5,35

1998

1585

20921

- 1,2

1999

1671

20811

- 0,5

2000

1686

20945

+ 0,6

On remarquera aussi que les budgets votés pour 1998 et 1999 ont subi une moindre diminution. Compte tenu de ces précédents, l'augmentation obtenue pour 2000 grâce à l'arbitrage du Premier ministre est tout à fait exceptionnelle et de bon augure pour les prochains exercices. Le Gouvernement tient ainsi l’engagement qu’il avait pris d’arrêter cette dégradation puis d’orienter le budget à la hausse.

Bien entendu, l’ampleur de cette embellie budgétaire suppose que la prévision sur le change s’avère exacte, ce qui n’a hélas jamais été le cas au cours des dernières années. S’agissant des rémunérations et des contributions internationales, cet écart est sans importance puisque la correction est automatique mais il n’en va pas de même pour les dépenses de fonctionnement et d’intervention effectuées en devises. De 1994 à 1999, ces effets ont été défavorables au budget des Affaires étrangères car les tendances inflationnistes sont plus fortes à l’étranger qu’en France et car on assiste depuis 1995 à un hausse du dollar. Le budget est fondé sur un dollar à 5,83F, en baisse de 24 centimes par rapport à l’hypothèse 1999.

Pour bien apprécier l’évolution de ce budget, il convient également d’en analyser les évolutions internes.

On remarquera tout d’abord que la forte progression du titre V, qui augmente de 120 millions de francs en crédits de paiement, fausse l’appréciation globale car elle correspond à des dépenses qui étaient auparavant inscrites en loi de finances rectificative. Si l’on raisonne hors titre V, le budget 2000 est en fait globalement stable.

En revanche, le budget est entraîné vers le bas par la baisse tendancielle des crédits concourant à l’aide au développement.

Ces crédits s’élèvent à 3,9 milliards de francs au lieu de 4 milliards en 1999, soit une baisse de 100 millions de francs, moins importante que celle enregistrée en 1999. Comme les années précédentes, cette diminution est justifiée par le rétablissement de la situation macro-économique des pays africains qui entraîne une baisse mécanique des concours financiers à l’ajustement structurel. Par ailleurs, la déflation des effectifs de l’assistance technique se poursuit. En revanche, les crédits destinés à l’aide projet augmentent ce qui correspond à une adaptation aux prévisions de dépenses de l’Agence française de développement.

On pourrait sans doute déplorer que les marges dégagées sur les concours financiers ne soient pas utilisées au profit d’autres chapitres. Cependant, la France privilégie l’allégement de la charge de la dette de ces pays afin qu’ils puissent se passer des aides. La baisse des crédits ne correspond donc pas à un désengagement de la France mais à une réorientation des moyens de sa politique.

L’aspect le plus positif de ce budget est le coup d’arrêt porté à la déflation des effectifs. Grâce à l’harmonisation des emplois budgétaires des anciens services de la Coopération avec ceux du ministère des Affaires étrangères, le nombre d’emplois budgétaires reste stable et 92 emplois sont dégagés. Ces derniers seront redéployés en priorité au bénéfice de l’administration centrale mais également des postes.

L’évolution des rémunérations est elle aussi favorable aux agents. Outre la revalorisation du point de la fonction publique, les agents de l’administration centrale bénéficient d’un régime de primes plus favorable consécutif à la fusion. Par ailleurs, à budget constant, le régime des majorations familiales a été poursuivi ce qui profitera essentiellement aux catégories C. Quelques mesures nouvelles permettront aussi d’améliorer la situation des recrutés locaux.

Combinées avec une réforme des statuts, ces évolutions devraient permettre un bon accompagnement de la réforme de la Coopération qui est sans nul doute l’orientation la plus ambitieuse du ministère.

Parmi les points forts de la politique menée, il convient aussi de mentionner la modernisation des services de l’état civil à Nantes et une adaptation mesurée de la carte diplomatique et consulaire. Après deux années de statu quo, la carte diplomatique a été retouchée en 1999 : cinq consulats ou chancelleries détachées ont été fermés et notre ambassade à Kingston a été rouverte.

Par ailleurs, le budget prolonge les efforts des années antérieures dans un certain nombre de domaines.

Les contributions volontaires augmentent de 30 millions de francs. En 1999, elles avaient bénéficié en loi de finances de 50 millions de francs de mesures nouvelles et de 20 millions de francs en cours d’exercice pour le programme de l’ONU en faveur du Kosovo. Cette hausse est satisfaisante mais on est encore loin d’atteindre le niveau de 1992 (653MF).

La promotion de l’enseignement supérieur français fait l’objet d’une attention particulière avec 40 millions de mesures nouvelles au profit du programme Eiffel de bourses d’excellence et des activités d’Edufrance.

Les crédits en faveur des bourses versées par l’AEFE augmentent de 15 millions de francs, prolongeant l’augmentation de 20 millions décidée en 1999.

L’action audiovisuelle extérieure bénéficie de mesures nouvelles positives à hauteur de 25 millions de francs.

L’assistance aux Français de l’étranger bénéficie d’une hausse de crédits modeste.

Dans ce tableau positif, il convient de souligner une zone d’ombre : 300 millions de francs ont été ouverts sur le budget 1999 pour financer l’aide d’urgence au Kosovo. Cette ouverture sera entièrement financée par le ministère des Affaires étrangères. A cet effet, 235 millions de francs ont été bloqués sur divers chapitres, notamment 82 sur le fonds d’aide et de coopération et 72,5 sur les crédits de coopération technique et de développement. Même si des marges de manœuvre existent, il est douteux que ce financement soit sans effets sur les autres actions du ministère.

Ce budget a également deux mérites : il s’accompagne d’un profond effort de réforme et il prend en compte des préoccupations sociales.

La réforme a pour objet d’utiliser au mieux la dépense budgétaire en l’adaptant à l’évolution des missions multiples du ministère des Affaires étrangères. Tout au long de ce rapport, il apparaîtra que la mission de ce ministère ne se limite pas à l’action diplomatique au sens classique de l’expression mais s’étend aussi à des missions administratives : état civil, assistance aux Français de l’étranger, enseignement, etc. Le ministère se modernise et rationalise sa gestion, ce qui lui a permis de faire face aux contraintes d’une politique budgétaire rigoureuse mais la demande qui lui est adressée est en augmentation continue.

Le ministère des Affaires étrangères s'efforce de remédier à des situations inégalitaires qui sont liées le plus souvent à l’expatriation. Ces situations concernent les Français de l’étranger, qui ne bénéficient pas toujours des mêmes droits que leurs compatriotes dans le domaine des frais de scolarité ou de l’assistance sociale par exemple, ou bien le personnel du ministère qu’il s’agisse des recrutés locaux ou des agents dont les rémunérations ne sont pas toujours adaptées aux contraintes liées à leurs postes de résidence.

Au fil de ce rapport, votre Rapporteur examinera dans quelle mesure le budget traduit ces orientations.

I – UNE EMBELLIE BUDGÉTAIRE

A – Le fonctionnement

Le titre III du budget du ministère des Affaires étrangères est doté de 9,062 milliards de francs, soit une progression de 113 millions de francs par rapport au budget voté pour l’année 1999. Cette progression est en partie la conséquence de changements d'imputations budgétaires mais correspond surtout à des mesures nouvelles positives qui s'élèvent à 88 millions de francs.

Ce titre est consacré aux rémunérations et pensions (4,98 milliards), au matériel et fonctionnement des services (1,45 milliard), aux subventions de fonctionnement versées à l’AEFE et à l’OFPRA (2,09 milliards) et à des dépenses diverses, notamment aux établissements culturels, de coopération et de recherche à l’étranger.

1) Le personnel

Le personnel est l’une des priorités de ce budget, qu’il s’agisse des effectifs, des rémunérations ou des réformes. Cette orientation est justifiée par des considérations sociales mais aussi par la nécessité d’accompagner la réforme de la coopération qui suppose un important effort d’adaptation du personnel. Il s’agit aussi de mettre un terme à la politique de déflation des effectifs qui a été imposée au ministère des Affaires étrangères ces six dernières années.

a) Les effectifs

Tous les précédents rapports de la Commission des Affaires étrangères sur les budgets antérieurs ont abondamment souligné la contribution du ministère des Affaires étrangères à la politique de maîtrise des effectifs de la fonction publique. Votre Rapporteur rappelait ainsi dans son précédent avis que le Quai d’Orsay avait perdu près de 8% de ses effectifs depuis 1993, soit une baisse sans équivalent par rapport aux autres administrations. Cette politique a été imparfaitement compensée par le développement du recrutement local et ne pouvait pas se poursuivre alors que les tâches de l’administration, notamment les activités consulaires, allaient croissant et que le ministère devait être bientôt privé d’une partie de ses ressources humaines avec la disparition des coopérants du service national. L’année dernière, les observations des parlementaires n’avaient pas été entendues puisque le budget prévoyait la suppression de 124 emplois alors que le schéma d’adaptation des réseaux était arrivé à son terme l’année précédente.

Par ailleurs, les services de l'ancienne Coopération avaient également subi une forte érosion se traduisant par la suppression de 94 emplois sur la période 1994-1999.

Au total, l'ensemble MAE-Coopération avait perdu 782 emplois.

Pour le budget 2000, le ministère des Affaires étrangères bénéficiera de 92 emplois supplémentaires mais ses effectifs budgétaires demeureront stables, au niveau de 9 475 emplois.

En effet, cette réserve a été dégagée par des mesures de reclassement subtiles. Tout d’abord, le budget procède à une harmonisation de l’imputation des dépenses de rémunération des agents servant dans les établissements culturels et des directeurs d’alliances françaises car les ministères des Affaires étrangères et de la Coopération avaient des doctrines différentes. En conséquence, le budget supprime 230 emplois budgétaires sur le chapitre 31-90 correspondant aux directeurs d’alliance française du réseau des affaires étrangères avant la fusion et crée 230 emplois non budgétaires sur le chapitre 37-95. Par ailleurs, 90 emplois non budgétaires sur le chapitre 37-95, correspondant aux agents des établissements culturels du réseau de la coopération avant fusion sont transformés en 84 emplois budgétaires sur le chapitre 31-90.

Ce double reclassement aurait pu se traduire par la suppression de 146 emplois budgétaires mais le ministère des Affaires étrangères a obtenu de conserver ces emplois. Une partie sera utilisée pour régulariser la situation de 39 militaires servant à la direction de la coopération militaire et de défense et de 15 gendarmes affectés à l’administration centrale. Au total, 92 emplois budgétaires seront donc disponibles.

Ces nouveaux emplois devraient être affectés, pour 70 d’entre eux environ, à l’administration centrale. En effet, les moyens humains demeurent insuffisants pour assurer les nouvelles missions du ministère (adoption internationale, PESC) ainsi que pour appliquer dans de bonnes conditions les dispositions prévues par la nouvelle législation sur l’entrée et le séjour des étrangers : avis sur les demandes d’asile territorial, instruction des dossiers de regroupement familial, motivation des refus de visas. Par ailleurs, le recrutement de personnel contractuel n’a pas suffi à satisfaire les besoins dans le domaine de l’audiovisuel, de l’internet et de l’intranet. Enfin, la suppression du service national contraint à remplacer les appelés recensés dans les services en 1998.

Le solde de ces nouveaux emplois sera affecté au réseau à l’étranger afin de renforcer l'encadrement dans les services des visas, de compenser partiellement la suppression du service national et de renforcer la sécurité de certaines représentations.

La présentation de ces mesures indique bien qu’il ne s’agit pas de rétablir purement et simplement une partie des 782 emplois supprimés au cours des six dernières années. Pour le réseau, notamment, la situation des effectifs demeurera tendue.

Par ailleurs, comme l’indique déjà l’exercice en cours, la suppression du service national posera un problème car le futur statut du volontariat civil ne pourra compenser intégralement la perte de ressources en effectifs. Le projet sur le volontariat civil a été adopté en première lecture par le Sénat et devrait être examiné par l’Assemblée nationale en janvier 2000. Il crée un statut unique pour l’ensemble des volontaires civils internationaux ou non. Ouvert aux jeunes âgés de 18 à 30 ans, le statut prévoit une indemnité mensuelle uniforme de l’ordre de 3.000 francs qui pourra être complétée par une indemnité prenant en compte le coût de la vie. Il est peu probable que ce régime de rémunération, moins favorable que celui des coopérants du service national, parvienne à attirer un nombre suffisamment important de volontaires dans les secteurs à haute qualification (informatique, enseignement dans le réseau).

b) Les statuts

La fusion conduit à une gestion unifiée du personnel.

S’agissant des réformes statutaires, l’intégration des personnels de la Coopération dans les corps homologues du département, s’accompagne d’une réflexion approfondie sur le regroupement des personnels de centrale et de chancellerie, en particulier au niveau des agents de catégorie A. L’enjeu est d’assouplir la gestion du personnel en permettant une plus grande mobilité entre les métiers diplomatiques mais aussi entre le service en poste et celui à l’administration centrale, sans supprimer la spécificité des métiers et des vocations.

Ainsi, les administrateurs civils de la Coopération pourront demander leur intégration dans le corps des conseillers et secrétaires des Affaires étrangères, ce qui leur permettra d'accéder aux plus hauts grades.

Le Comité technique paritaire du ministère des Affaires étrangères a adopté, à une large majorité, la fusion des corps de secrétaires-adjoints et des attachés d’administration centrale dans un corps de secrétaires des Affaires étrangères. Les agents contractuels de catégorie A, titularisés en 1999 au titre de la loi du 11 janvier 1984, devraient être nommés également dans ce nouveau corps. Au sein de ce dernier, trois cadres spécifiques (cadre d’Orient, cadre général et cadre d’administration) seront maintenus, garantissant l’autonomie et la pérennité des différents modes de recrutement. Cette réforme, qui n'était pas acquise il y a un an, témoigne de la capacité d'adaptation du personnel et de ses représentants syndicaux.

Dans la même perspective, la démarche applicable aux catégories B et C demeure à l’étude mais se heurte à l’hostilité des syndicats majoritaires. Ces derniers y voient en effet une menace contre les spécificités respectives des corps de chancellerie et des corps de centrale. Ils ne comprennent pas l’intérêt d’une fusion alors que les règles relatives à la mobilité permettent déjà une souplesse de gestion en incitant les agents de centrale à accomplir une partie de leur service en poste et les agents de chancellerie à servir périodiquement à l’administration centrale. Une voie intermédiaire serait de pérenniser les corps actuels pour les agents en fonction et à proposer un nouveau corps unique pour les agents intéressés et les nouveaux venus.

L’administration est également engagée dans une réforme de la filière communication. L’ancien chiffre en effet n’a plus de raison d’être à l’heure du développement des nouvelles technologies. Un décret du 27 octobre 1998 a créé le corps des attachés des systèmes d’information et de communication, de catégorie A, dont l’effectif atteindra 74 en 2000. La création d’un corps de secrétaires des systèmes d’information et de communication, de catégorie B, est en bonne voie. Ce corps, plus ramassé que le corps actuel des chiffreurs (150 agents au lieu de 230), bénéficiera d’une revalorisation de sa grille indiciaire eu égard aux contraintes particulières (permanence, service minimum) qui seront encadrées par un statut spécial.

c) Les rémunérations

Outre les revalorisations dont bénéficieront tous les fonctionnaires, le budget comporte également des mesures positives spécifiques aux rémunérations du personnel du ministère des Affaires étrangères. La fusion s’est traduite, dès le 1er janvier 1999, par l’harmonisation, sur le régime le plus favorable, des montants des primes servies aux agents de l’administration centrale. Pour les agents en poste à l’étranger, l’harmonisation consiste à aligner le régime des agents de l’ancienne Coopération sur celui des agents du ministère des Affaires étrangères. Dans ce ministère, un agent titulaire « emporte son statut avec lui » alors que dans les services de l’ancienne Coopération la logique était strictement fonctionnelle, sans distinction du statut des personnels.

Par ailleurs, une réforme des majorations familiales a été engagée en septembre 1998 ; elle doit aboutir, le 1er septembre 2000, à un groupe unique afin de verser la même majoration aux agents affectés dans la même zone géographique quel que soit leur grade alors que le système initial attribuait des majorations progressives avec le grade. Cette réforme se fait à budget constant.

Enfin, la révision des montants des bases des indemnités de résidence a été engagée cette année afin de prendre en compte les changements profonds intervenus dans différents pays depuis la fixation en 1967 des taux de base. Ces modifications, opérées à coût constant, ont été déterminées après analyse comparative des indemnités versées par pays, prenant en compte les conditions de vie, le coût de la vie et l’éloignement. Afin de limiter l’impact des corrections qui seront mises en œuvre cette année, les diminutions ont été plafonnées à 15%. Trois taux de réduction seront appliqués (5, 10 et 15%) à une cinquantaine de pays permettant le financement de la revalorisation des indemnités versées dans une soixantaine de pays.

d) Les recrutés locaux

L’administration prépare un plan d’action visant à rénover la gestion des recrutés locaux en s’appuyant sur le rapport remis par M. Patrick Amiot. La philosophie générale de ce rapport est de considérer comme nécessaire le recrutement local sur des contrats à durée déterminée soumis au droit du travail local, et de limiter par la loi les effets de la jurisprudence Berkani qui a conféré la qualité d’agents publics aux recrutés locaux. Par ailleurs, le rapport propose une série d’orientations destinées à améliorer le statut de ce personnel : aménager des grilles d’emploi et de salaires, préserver les rémunérations contre l’effet-change, permettre le paiement des heures supplémentaires, exempter ou compenser la CSG, améliorer la couverture sociale, instituer deux contrats-types (afin de distinguer les ressortissants de l’Union européenne et les autres), ne plus conclure de contrat d’un an, ouvrir le recrutement au niveau de la catégorie A.

Le ministère des Affaires étrangères a déjà réorienté sa politique de recrutement local en réduisant le nombre de recrutés locaux dans le réseau diplomatique, consulaire ou culturel.

Cependant, ce type de recrutement reste indispensable et il n’est pas possible d’envisager la titularisation générale des recrutés de nationalité française. Le nombre de recrutés locaux employés par le ministère des Affaires étrangères s'élève à 10 700 dont 2 600 sont de nationalité française ; parmi ces derniers, 1 200 sont affectés dans le réseau diplomatique et consulaire et 1 400 dans le réseau culturel. Titulariser ces agents représenterait une charge supplémentaire que le budget ne peut supporter. En outre, les emplois pourvus par la voie du recrutement local sont en grande partie des emplois stables. Les licenciements sont rares. Enfin, la titularisation soumettrait les intéressés à l'obligation de mobilité.

Aussi, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le Gouvernement a présenté un amendement visant notamment à permettre le recrutement local sur des contrats soumis au droit local lorsque les nécessités du service le justifient et à exclure les recrutés locaux du bénéfice de la loi de 1984 (loi Le Pors). Cette disposition a été rejetée par le Sénat.

Il est clair que les recrutés locaux doivent être considérés désormais comme des collaborateurs à part entière du ministère des Affaires étrangères et non plus comme de simples supplétifs. D’ailleurs, à la suite d’une décision du Conseil d’Etat, ils font désormais partie du corps électoral qui permet d’apprécier la représentativité des organisations syndicales pour les nominations aux Comités techniques paritaires du ministère. En 1999, un certain nombre de mesures ont pu être prises grâce à la diminution du nombre de recrutés et à l’augmentation des crédits. Les rémunérations, gelées depuis deux ans, ont été ajustées et des dispositifs complémentaires de protection sociale ont été mis en place.

2) L’organisation et les moyens des services

Les structures du Quai d’Orsay ont connu cette année un important changement avec la création de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID). Il est trop tôt pour établir un bilan de cette création mais l'on peut d'ores et déjà avancer qu'elle génère des gains de productivité importants.

Par ailleurs, la carte diplomatique et consulaire a connu en 1999 quelques modifications qui paraissent raisonnables. Le consulat général de Leipzig a été fermé ce qui est justifié par l’ouverture de la nouvelle ambassade de France à Berlin. La fermeture du consulat général de Mayence est la conséquence logique du retrait des troupes françaises stationnées en Allemagne puisque ce poste avait pour raison d’être essentielle la gestion des soldes. Trois chancelleries détachées ont été fermées : Calcutta, Bâle et Belem. Dans presque tous les cas, des structures d’accueil ont été maintenues ou créées. Sept consulats ont également été transformés soit en chancellerie consulaire, soit en section consulaire d’ambassade ou bien ont été fusionnés avec un institut culturel ou un poste d’expansion économique. En revanche, l’ambassade de France a Kingston a été rouverte.

Pour 2000, aucun plan n’est arrêté mais les perspectives restent ouvertes, notamment s’agissant de nos implantations en Algérie.

Les contraintes budgétaires et la baisse des effectifs ne sont sans doute pas étrangères à ces mesures mais l’adaptation de la carte est de toute façon nécessaire. La France a toujours le deuxième réseau diplomatique au monde et ses consulats accomplissent des tâches administratives beaucoup plus étoffées que celles des consulats étrangers. Son réseau est particulièrement dense en Afrique francophone et dans les pays du Maghreb où il n’est pas rare qu’elle dispose de consulats généraux dans les capitales qui « doublonnent » quelque peu les ambassades. Dans l’Union européenne, les activités consulaires sont en augmentation constante en dépit de l’harmonisation des législations et du développement des moyens de communication ; cependant, les activités d’assistance aux ressortissants français sont en diminution. Les consulats développent en outre dans cette zone un travail très utile d’observation, de contact et de communication qui justifient pleinement leur existence mais il conviendrait de développer les synergies avec le réseau du ministère de l’Economie et des Finances. La coopération entre les services des Etats membres de l’Union européenne mériterait aussi d’être développée.

Loin d'organiser un déclin des services consulaires, l’adaptation de la carte doit s’accompagner au contraire d’une amélioration des services rendus. A ce titre, la nouvelle réglementation relative aux visas doit améliorer les relations entre les étrangers et les consulats qui sont, bien souvent, la première vitrine de la France à l’étranger. Les conditions de délivrance des visas ont été assouplies, en particulier pour les ressortissants algériens. Le nombre de visas délivrés à cette dernière catégorie était tombée de 376.000 en 1992 à 47.600 en 1996 ; il a sensiblement augmenté en 1997 et 1998 et beaucoup plus fortement entre 1998 et 1999 (probablement 150.000 en 1999). Toutes catégories de demandeurs confondues, l’augmentation du nombre de visas de court séjour délivrés a été de 11% en 1998 en dépit de la levée de l’obligation pour les Australiens qui constituaient un contingent important. Mais cette progression doit beaucoup aussi à la Coupe du monde de football. En outre, la réglementation relative à l’obligation de motiver certains refus de visas, pour légitime qu’elle soit, s’est traduite par un nombre important de dossiers à traiter et par une forte augmentation des recours contentieux.

Cette politique s'accompagne d’un renforcement des effectifs dans certains postes et à l’administration centrale Les services chargés des visas, tant dans les postes qu'à l'administration centrale, seront les premiers servis dans l'attribution des 92 emplois dégagés. Cela permettra de commencer à remédier à une situation critique dénoncée par le rapport d'information (n°1803) de notre collègue Yves Tavernier.

Le plan de modernisation du service de l'état civil à Nantes porte ses fruits. En particulier, la numérisation des actes permet de traiter dès à présent plus de 60% des demandes d'actes de manière automatique. Nous devrions atteindre 80% dans le courant de l'année prochaine. Cela signifie concrètement que les délais sont passés, pour la plupart des demandeurs, de plusieurs semaines à quelques jours.

Reste la longueur des délais de transcription des actes. Elle n'est pas liée à une carence du service, mais au fait que, pour lutter contre la fraude, il est de plus en plus souvent demandé aux administrations étrangères d'authentifier les actes remis par les particuliers. C'est le traitement de ces demandes qui peut durer parfois plusieurs mois.

Les moyens de fonctionnement courant s’élèvent pour 2000 à 1,294 milliard de francs et subissent une économie nette de 35 millions de francs gagée essentiellement par les économies permises par la fusion.

De nombreuses réformes en cours ou à l’étude visent à donner davantage d’autonomie aux postes. La procédure d’élaboration de leurs budgets a été modifiée afin de permettre une meilleure analyse. La globalisation des crédits de fonctionnement, a été achevée en 1995 mais doit désormais être étendue au réseau de l’ancienne Coopération. La déconcentration des crédits pourrait être étendue aux crédits locatifs, aux crédits de déplacements et aux crédits de rémunération des recrutés locaux. Dans certains pays, l’Ambassadeur pourra, à titre expérimental, transférer les crédits d’un consulat à l’autre en cours d’exercice. Toujours à titre expérimental, certains ambassadeurs sont désormais ordonnateurs secondaires uniques des dépenses de l’Etat dans leur pays de résidence ce qui leur permet d’avoir une vue d’ensemble. Il apparaît également nécessaire de constituer dans les postes des cellules de gestion. Enfin, la nouvelle politique immobilière vise à une prise en compte plus rigoureuse des coûts de fonctionnement des nouvelles acquisitions.

Cette modernisation des méthodes de gestion est une bonne réponse à certains reproches qui sont parfois adressés aux diplomates, réputés peu soucieux du bon emploi des deniers de l’Etat, et permet d’espérer que les réductions de crédit n’affecteront pas gravement la vie des postes.

Cependant, à un titre au moins, l’évolution des crédits paraît préoccupante : il s’agit de l’informatisation. En 1997 et 1998, elle a été compensée par l’augmentation du produit du fonds de concours sur les droits de chancellerie affecté en partie au schéma directeur pour la modernisation et le développement du système d’information et de communication du ministère des Affaires étrangères. Or, passé l’effet « coupe du monde de football », ce produit est à nouveau à la baisse.

3) Les subventions de fonctionnement

La subvention versée à l'Office universitaire et culturel français pour l'Algérie (OUCFA) est fixée à quatre millions de francs.

Des perspectives nouvelles s'ouvrent pour notre coopération avec l'Algérie. Toutefois, il n'est pas envisagé dans un avenir proche, de réouverture d'établissement scolaire français en Algérie. Seul, le Centre Culturel Français d'Alger doit rouvrir ses portes à un public limité au début de l'an 2000.

Les autorités algériennes souhaiteraient engager une négociation sur la situation des établissements de l'OUCFA (3 lycées, 14 écoles ou collèges), notamment en raison des difficultés immobilières que connaît le système national éducatif.

Depuis leur fermeture, les établissements se sont beaucoup dégradés, en particulier toitures et corniches, ce qui peut mettre gravement en cause la responsabilité civile de l'OUCFA. Des crédits importants s'avéreront nécessaires pour maintenir le patrimoine immobilier en état.

Une réflexion est engagée au sein du ministère des Affaires étrangères, pour l'utilisation de certains établissements de l'OUCFA comme Consulats, annexes des Centres culturels Français, voire logements.

La dotation du budget à l’OFPRA est reconduite en 2000 au niveau de 101,5 millions de francs. Les moyens en personnel de l’Office ont été affectés par le départ d’une dizaine d’officiers de protection alors que le demande d’asile augmente, en particulier le nombre de dossiers lourds.

Les demandes d’asile sont à nouveau en augmentation depuis 1997 (17.405 demandes en 1996, 21.416 en 1997, 22.375 en 1998 et 12.842 sur les six premiers mois de 1999) mais les évolutions sont contrastées d’une nationalité à l’autre. Ainsi la demande roumaine a quasiment disparu alors qu’elle représentait le quart des demandes en 1997. La demande kosovare a beaucoup augmenté ainsi que la demande moldave, turque et surtout chinoise. On observe une forte hausse de la demande malienne et un niveau élevé de demandes en provenance de la République du Congo, du Congo Brazzaville et de l’Angola.

Si l’Office a réglé ses problèmes de fonctionnement et de personnel, il convient de rester vigilant car il n’est jamais à l’abri d’une augmentation brutale des demandes d’asile.

La subvention versée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est fixée pour 2000 à 1,99 milliard de francs, soit une progression de 1,3%.

Le schéma d’adaptation du réseau consistera pour l’essentiel à remplacer 100 postes de coopérants du service national en 100 postes de résidents. Il sera mis un terme à la transformation des postes d’expatriés en postes de résidents car il s’avère de plus en plus difficile de trouver des candidats sur place ce qui oblige les établissements à faire venir des professeurs de France en leur proposant des avantages similaires à ceux attribués aux expatriés.

Par ailleurs, l’effort en faveur des bourses sera poursuivi avec 15 millions de francs de mesures nouvelles qui s’ajoutent aux crédits nouveaux accordés dans les années récentes : 20 millions attribués en 1999, 12 millions en 1998 et 50 millions en 1995.

B – Les crédits d’intervention et les dépenses en capital

Le titre IV du budget pour 2000 s’élève à 9,574 milliards de francs, soit une diminution de 194 millions de francs par rapport au budget voté pour 1999. Le titre V passe de 278,054 millions de francs en crédits de paiement en 1999 à 398 millions de francs. Le titre VI, pour sa part, progresse de 120 millions de francs.

Pour apprécier ces évolutions, votre Rapporteur les présentera en regroupant les différents chapitres selon leur fonction.

Tableau récapitulatif (en millions de francs)

 

1998

1999

2000

Aide au développement

     

Chap. 41-43 - Concours financiers

Chap. 42-12 - Coopération technique et au développement

Chap. 42-26 - Transports et dépenses diverses au titre de l'aide
alimentaire

Chap. 68-80 - Action extérieure et aide au développement

(subventions)

Chap. 68-91 - Fonds de solidarité prioritaire

Chap. 68-93 – Dons finançant les projets de l'AFD (nouveau)

570

1 976

105

26

2 027

0

265

1 887

105

17

1 798

0

160

1 711

95

17

972

922

Coopération culturelle et scientifique,
technique

     

Chap. 42-11 - Coopération culturelle et scientifique

Chap. 42-13 - Appui à des initiatives privées ou décentralisées

1 737

221

1 747

222

1 858

219,3

Coopération militaire

     

Chap. 42-29 - Coopération militaire

780

780,5

754,75

Action audiovisuelle extérieure

     

Chap. 42-14 - Action audiovisuelle

968

1 039

1 065

Participation à des dépenses internationales

     

Chap. 42-31 - Contributions obligatoires

Chap. 42-32 - Contributions volontaires

Chap. 42-37 - Interventions

3 180

228

100

3 156

298

94

3 138

307

118

Français à l'étranger

     

Chap. 46-91 - Frais de rapatriement

Chap. 46-94 - Assistance aux français à l'étranger

4

127

4

141

4

141

Equipement

     

Chap. 57-10 - Equipements

299

278

398

1) L'aide au développement

Les crédits concourant à l'aide au développement s'élèvent à 3,877 milliards de francs, soit une forte baisse qui confirme celles enregistrées en 1998 et 1999 (4070 milliards en 99, 4704 milliards en 98).

Les concours financiers diminuent à nouveau en raison de la réussite des plans d’ajustement structurels. Depuis cinq ans en effet, les pays d’Afrique, et notamment ceux de la zone franc, ont enregistré une croissance soutenue et redressé leurs équilibres au point que ce chapitre dégage d’importants reports qui suffiraient à financer les soutiens de l’année suivante. On pourrait regretter que les crédits affectés à ce soutien ne soient pas réorientés mais la France, sans doute avec raison, privilégie l’allégement des charges de la dette des pays de cette zone.

La diminution des crédits de la coopération technique correspond à une nouvelle déflation des effectifs de l’assistance technique (40 suppressions en 2000), politique constante depuis quelques années qui correspond à la volonté de substituer des cadres locaux à des cadres français. Le rapport déposé par M. Jean Nemo invite à une réflexion de fond sur cette assistance. Il déplore que les assistants techniques soient devenus des permanents et ne renouvellent leur expérience par des allers retours entre leur fonction de conseil et leur profession d’origine. Selon lui, il conviendrait soit de supprimer cette assistance et de recourir, comme la plupart des institutions internationales, à des cabinets d’expertise privés, soit de la moderniser considérablement en renouvelant et rajeunissant les cadres.

Les crédits du Fonds d’aide et de coopération sont scindés en deux chapitres, l’un, dénommé « Fonds de solidarité prioritaire », regroupe les dons gérés par la DGCID et finançant des projets de développement, l’autre, dénommé « Dons destinés à financer des projets mis en œuvre par l’Agence française de développement ». L’ensemble de ces deux lignes de crédits est en augmentation de 97 millions de francs par rapport à 1999 alors que ces crédits avaient baissé en 1999. En effet, les crédits sont ajustés sur les prévisions de décaissements de l’Agence française de développement.

2) La coopération culturelle, scientifique et technique

Les crédits affectés à ces actions dépassent cette année 2 milliards de francs (2,077 milliards). Le chapitre 42-11 a bénéficié de transferts de crédits en provenance du chapitre 42-12 qui avait été mal calibrés au moment de la fusion.

Les Rapporteurs sur les relations culturelles décriront en détail les actions financées sur ce chapitre. Votre Rapporteur, pour sa part, soulignera l’effort important consenti en faveur de la promotion de l’enseignement supérieur à travers deux programmes : le développement des bourses d’excellence et Edufrance.

Depuis 1997, une réflexion s’est engagée pour redéfinir les programmes de bourses et d’accueil des étudiants étrangers en France. Les parlementaires ont contribué à cette réflexion, à travers notamment un rapport de la Commission des Affaires étrangères présenté par Mme Michèle Alliot-Marie le 22 octobre 1997 (n°384) et un rapport de la Commission des Finances présenté par M. Alain Claeys (n°1806). Cette évaluation a abouti à la conclusion qu’il convenait de promouvoir notre enseignement supérieur car les étudiants étrangers s’orientait de plus en plus vers le monde anglo-saxon et que les programmes de bourse devaient être réorientés pour mieux jouer leur rôle de formation des élites étrangères.

Alors que le nombre de boursiers a peu varié depuis dix ans, le budget a décru de 17% entre 1988 et 1998 pour atteindre 595 millions de francs ce qui s’est traduit par une réduction de la durée moyenne des bourses. La répartition géographique s’est un peu modifiée en raison de l’augmentation importante du nombre de boursiers en provenance de l’Europe de l’Est, de la moindre croissance de la part de l’Afrique du nord et de l’Asie et de la nette décroissance des autres régions, Afrique, Amérique du Nord et du Sud et Europe occidentale.

Le programme de bourses d’excellence « Eiffel » est destiné à former les élites étrangères et à soutenir le promotion des grandes écoles françaises à l’étranger. Mis en place en 1999, il disposait en loi de finances 1999 de 50 millions de francs ce qui devait permettre l’attribution de 300 bourses. Le budget 2000 prévoit une mesure nouvelle en faveur de ce programme de 35 millions de francs qui devrait conforter sa montée en puissance.

Par ailleurs l’année 1998 a été marquée par une création originale, celle de l’Agence Edufrance, groupement d’intérêt public associant le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Education nationale, qui a pour mission de promouvoir l’offre française d’enseignement supérieur. Ses activités consistent à participer aux forums internationaux, à répondre aux appels d’offre internationaux et à mettre en place une prestation globale pour l’accueil des étudiants étrangers. L’agence est encore trop jeune pour que l’on puisse établir un bilan de ses activités. Cependant, comme le soulignait M. Alain Claeys dans son rapport d’information, ses ressources apparaissent encore trop modestes. Les deux ministères lui ont alloué chacun 10 millions de francs en 1998 et 5 millions en 1999 ; le budget 2000 du Ministère des Affaires étrangères prévoit une mesure nouvelle de 5 millions de francs.

Cette politique s’est accompagnée, on le sait, d’un assouplissement des conditions d’entrée et de séjour des étudiants et des chercheurs étrangers.

3) La coopération militaire

Les crédits du chapitre 42-29 sont en légère régression – 754,756 millions de francs au lieu de 780,534 millions de francs en 1999 – en raison de transferts de crédits sur d’autres chapitres.

Ces crédits sont par ailleurs réorientés à raison de 28 millions par an d’Afrique sub-saharienne vers les zones de plus forte priorité dans le reste du monde.

4) L’action audiovisuelle extérieure

L’action audiovisuelle extérieure bénéficie d’une mesure nouvelle de 25 millions de francs au bénéfice exclusif de TV5 qui porte à 1,065 milliards de francs la contribution du ministère des Affaires étrangères au soutien de ce secteur.

Cette mesure peut paraître modeste si on la compare à l’effort budgétaire consenti en 1999, qui s’élevait à 130 millions de francs, et aux ambitions du plan quinquennal adopté en 1994.

Cependant, l’ensemble des dotations publiques à la télédiffusion internationale ont augmenté depuis 1997, passant de 489,9 millions de francs en 1997 à 661,3 en 2000. La subvention du ministère des Affaires étrangères s’élèvera à 580,7 millions en 2000. Par ailleurs, les réformes engagées pour clarifier les compétences de TV5 et CFI et améliorer les programmes commencent à porter leurs fruits. Grâce aux moyens nouveaux accordés à TV5 (80 millions de francs en 1999) et au dynamisme de son président, M. Jean Stock, l’audience de cette chaîne a augmenté de 25 % en un an. Ce résultat justifie pleinement que TV5 reçoive en 2000 une subvention accrue de 25 millions de francs.

En réalité, dans ce domaine, la politique des pouvoirs publics est encore hésitante. L’avenir de la diffusion internationale passe nécessairement par le développement des chaînes numériques. Celles-ci ont pris un très bel essor en France mais hésitent à s’engager à l’étranger. Jusqu’à présent les pouvoirs publics ont soutenu leur développement par la prise en charge partielle des frais de diffusion et par une aide nettement plus modeste à l’achat des droits de diffusion. S’orienter plus résolument dans cette dernière voie supposerait des moyens budgétaires beaucoup plus importants.

Le soutien public à la radiodiffusion paraît beaucoup moins volontaire en termes d’évolution des crédits. Cependant, le budget 2000 est moins avare qu’il ne paraît puisqu’il rétablit au profit de RFI 20 millions de francs qui avaient été supprimés en 1999. D’autre part, RFI s’est engagé vers le tout numérique et a fermé la moitié de ses stations en ondes courtes en 1999. Cette dernière décision génère une économie annuelle de 80 millions de francs qui a été utilisée en 1999 à l’apurement financier de la radio. Sur ces nouvelles bases, on peut croire à l’avenir de RFI qui a conforté sa position de 3ème ou 4ème diffuseur international et compterait 42 millions d’auditeurs réguliers dans le monde.

5) La participation à des dépenses internationales

Les contributions obligatoires de la France sont à l’évidence sous-évaluées. En 1999, le budget prévoyait un crédit de 3,156 milliards mais les contributions versées s’élèveront à 3,549 milliards. Certes, on ne pouvait pas prévoir en 1998 l’ampleur que prendrait l’opération de maintien de la paix au Kosovo. En revanche, le crédit prévu pour 2000 - 3,138 milliards - sera certainement insuffisant pour couvrir les dépenses liées à notre participation à la MINUK. On estime le besoin de financement de la MINUK à 500 millions de dollars en 1999 et à 700 millions voire 1 milliard de dollar en année pleine.

L’évolution des contributions volontaires prolonge, quoiqu'avec moins d’amplitude, l’effort consenti en 1999. Cette dernière année, ces contributions ont été augmentées de 50 millions de francs en loi de finances puis de 20 millions au titre de la participation à l’action humanitaire au profit du Kosovo. Une mesure nouvelle positive de 30 millions de francs porte à 307 millions de francs le niveau du chapitre 42-32.

Cet effort est positif mais notre participation reste très inférieure à ce qu’elle était dans un passé récent. Sans doute, cette évolution n’est pas le signe d’un désengagement global de la France qui paye rubis sur l'ongle ses contributions obligatoires et participe plus que beaucoup d’autres aux opérations de maintien de la paix pour lesquelles elle est très imparfaitement remboursée de ses frais. Il est également compréhensible qu’un pays qui dispose d’un réseau national étendu, notamment pour l’aide au développement, ait plus de difficultés à financer les institutions spécialisées de l’ONU que d’autres pays qui consacrent l’essentiel de leur aide au multilatéral. Mais ceci n’est pas sans conséquences quant à notre présence dans certaines organisations comme le programme alimentaire mondial ou le PNUD. La France, quatrième contributeur obligatoire des Nations Unies, plafonne entre le 10ème et le 16ème rang des contributeurs volontaires et est dépassée par le Royaume Uni, l’Italie et les pays nordiques.

Les crédits du fonds humanitaire d’urgence sont inscrits au chapitre 42-37, article 10. Il s’agit d’une ligne qui peut subir en cours d’exercice de fortes variations. En 1999, le crédit initial de 55 millions de francs a du être abondé de 215 millions pour répondre à la crise survenue au Kosovo. Contrairement au mécanisme retenu en cas de sous-évaluation des crédits pour les contributions obligatoires, ces aléas ne sont pas couverts par le budget des charges communes. En 1999, le ministère des Affaires étrangères a financé ces dépenses par des redéploiements internes.

6) L’assistance aux Français de l’étranger

Sous cette rubrique, sont inscrits, non pas tous les crédits qui participent de l’action du ministère en faveur de la population française expatriée, mais ceux qui permettent de délivrer des aides ponctuelles, sociales notamment, à ceux de nos compatriotes qui se trouvent dans une situation critique. La dernière loi de finances avait augmenté cette ligne de 10% ; cette année, les crédits nouveaux s’élèvent à 4,7 millions de francs alors que le budget ne reconduit pas 2,5 millions de francs qui avaient été inscrits au titre de la réserve parlementaire.

7) L’équipement

Comme il a été dit en introduction de ce rapport, ces crédits augmentent fortement en raison de l’inscription en loi de finances de dépenses qui étaient traditionnellement inscrites en collectif.

Les principales opérations sont la construction de l’ambassade à Berlin (coût total de 385 millions de francs), la construction de la résidence et de logements à Abuja (coût total de 109 millions de francs), la construction d’un lycée à Milan (coût total de 60 millions de francs).

La politique immobilière est en cours de réforme avec la création d’un nouveau service de l’équipement intégrant une mission du patrimoine et celle d’un comité de politique immobilière (CPI).

Le CPI a une composition diversifiée intégrant les directeurs géographiques et des conseils extérieurs, techniques et financiers. Il s’agit de créer un inventaire informatisé du patrimoine, de définir une programmation pluri-annuelle et de maîtriser les coûts de maintenance dès l’élaboration d’un projet immobilier.

II - LE KOSOVO

Votre Rapporteur souhaiterait saisir l'occasion de cette discussion budgétaire pour livrer quelques réflexions personnelles sur le conflit du Kosovo et l'avenir des Balkans.

Même si l’intervention militaire engagée le 24 mars 1999 a été jugée par beaucoup d'entre nous nécessaire et a trouvé une issue positive, elle soulève des interrogations multiples.

Une partie de ces interrogations ne seront levées que le jour où les historiens auront achevé leur analyse des motivations qui ont conduit les autorités de Belgrade à pratiquer au Kosovo une politique qui a mené leur pays au désastre.

Sans doute, chacun connaît aujourd’hui le poids affectif du Kosovo dans la mémoire serbe depuis la défaite contre les Turcs au Champ des Merles (Kosovo Polje) en 1389. Il ne fait aucun doute aussi que la question du Kosovo a été instrumentalisée par un régime qui avait pour principal objectif de se perpétuer.

Cependant, en analysant l’historique de cette crise – du 28 mars 1989, date de la suppression de l’autonomie du Kosovo, au 24 mars 1999, date de l’engagement de la campagne aérienne contre la RFY -, on est frappé par la très grande rigidité de la politique serbe.

Cette rigidité s’est manifestée contre la population albanaise du Kosovo qui s’est trouvée placée dès 1989 sous un joug particulièrement pesant. Elle s’est manifestée aussi par le refus de toute concession véritable et a largement contribué à convaincre les dirigeants occidentaux que seule la force pouvait amener la RFY à cesser de pratiquer l'épuration ethnique, conviction confortée par les leçons tirées des précédentes crises yougoslaves.

De ce point de vue, la responsabilité de Milosevic est écrasante.

Pourtant, ce constat ne dispense pas d’examiner les erreurs d’appréciation que la communauté internationale a pu commettre avant et pendant ce conflit, ni surtout de s’interroger sur la politique qu’il convient désormais de mettre en œuvre dans les Balkans.

Jusqu’à présent, l’information et l’association du Parlement a été presque parfaite. Les diverses commissions permanentes, en particulier, ont auditionné fréquemment les ministres compétents au cours de la crise. On peut seulement regretter que la décision de participer aux opérations n’ait pas fait l’objet d’un débat préalable au Parlement, assorti d’un vote sur une déclaration du Gouvernement comme cela avait été le cas lors de la guerre du Golfe.

Le suivi parlementaire sur ce dossier doit continuer à s’exercer. La Commission de la Défense poursuit actuellement une mission d’information sur le conflit et l’Assemblée nationale organisera le 24 novembre un colloque sur la stabilité et la reconstruction des Balkans. C’est dans cet esprit rétrospectif et prospectif que votre Rapporteur livrera les observations qui suivent.

A - L’action diplomatique avant le conflit

1) La conférence de Rambouillet

Face à des protagonistes particulièrement rigides, qu’il s’agisse des autorités de la RFY ou des combattants de l’UCK, l’action purement diplomatique a fini par trouver ses limites.

Pourtant, on peut se demander si la communauté internationale n’a pas contribué à durcir les positions des uns et des autres en ne mettant pas plus tôt en œuvre les outils dont elle disposait.

Cette perception a pu être confortée par la longue indifférence des Occidentaux à l’égard du Kosovo. Il a fallu attendre le 9 mars 1998 pour que le Groupe de contact définisse une ligne politique et décide des premières sanctions. Auparavant, les initiatives isolées des diplomaties européennes (celle notamment des ministres Védrine et Kinkel en novembre 1997) n’avaient suscité aucun écho. Lors de la conférence de paix sur la Bosnie, en novembre 1995, la question du Kosovo n’était pas à l’ordre du jour. Les autorités de la RFY ont pu penser que la communauté internationale finirait par oublier le Kosovo.

Le recours à la force était devenu inéluctable probablement parce que les Serbes n’ont pas cru que les Occidentaux pouvaient prendre des risques pour le Kosovo. Il s’agit sans doute d’une loi universelle, vérifiée lors de la guerre du Golfe et en d’autres occasions plus anciennes : aux yeux des dictatures, les démocraties ont la réputation d’être molles et velléitaires…

Ainsi, alors que tous les experts – y compris gouvernementaux – estimaient dès 1989 que le Kosovo était un baril de poudre, cette analyse n’a pu déboucher sur aucune initiative collective d’envergure avant le premier massacre qui ensanglanta la vallée de la Drenica en mars 1998.

Inversement, les dirigeants serbes ont pu être surpris par le volontarisme des Occidentaux après le massacre de Racak le 15 janvier 1999 et le début de l'exode des Kosovars.

Auparavant, à partir de mars 1998, le Groupe de contact (France, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Russie) avait conduit une politique ferme et mesurée, combinant la définition de conditions à remplir par tous les protagonistes et, à partir de septembre, la menace du recours à la force. Cette politique intelligente de "dissuasion diplomatique" avait atteint certains résultats : le retrait partiel des forces serbes après les offensives de l’été 1998, la suspension de la répression, le déploiement d’une mission de l’OSCE au Kosovo et des contacts entre les autorités serbes et les dirigeants kosovars modérés.

Cependant, à aucun moment, on n'était parvenu à rétablir la paix et à briser l’enchaînement de la répression et des provocations qui mettait aux prises les forces serbes et l’UCK.

Après le massacre de Racak le Groupe de contact a décidé de franchir une nouvelle étape et de changer de méthode. Ce fut l’idée, déjà envisagée précédemment par la France, d’intimer aux parties l’ordre de se réunir avec comme impératif celui de parvenir dans un bref délai (deux semaines) à un accord comportant un volet politique (un statut d’autonomie substantielle) et un volet militaire (le déploiement d’une force civile et militaire). Cet ordre était assorti, de la part de l’OTAN, d’une menace de recours à la force contre la Serbie si elle refusait de s’y plier.

La conférence de Rambouillet s’est ouverte le 6 février 1999. Le Groupe de contact avait pour objectif de faire accepter par les parties un statut de très large autonomie du Kosovo qui aurait été mis en œuvre pendant une période intérimaire de trois ans au terme de laquelle une réunion internationale aurait défini un statut définitif. Par ailleurs, il s’agissait d’obtenir le retrait partiel et rapide de l’armée fédérale yougoslave, le retrait total de la police serbe, la démilitarisation de l’UCK, la mise en place d’une mission internationale de mise en œuvre de l’accord et le déploiement d’une force militaire internationale sous commandement OTAN.

Le 20, les ministres du Groupe de contact décident de prolonger la conférence de trois jours car un accord semble encore possible. En effet, la délégation kosovare a accepté les deux volets sous la réserve importante et inacceptable que l’accord mentionne le droit à l’auto-détermination de la population kosovare sous la forme d’un référendum. Par ailleurs, la délégation serbe a refusé le volet militaire mais a accepté, moyennant un toilettage, le volet politique. Pendant ces trois jours, la situation sur le terrain se tend : les provocations de l’UCK se multiplient et les forces serbes s’accumulent au Kosovo. Le 23 février, le Groupe de contact décide de convoquer une ultime réunion trois semaines plus tard, au centre Kleber. La délégation kosovare accepte alors le volet politique sans aucune disposition sur un référendum. La délégation serbe, en revanche, revient en arrière en précisant qu’elle n’a aucunement accepté le volet politique. Toutes les démarches diplomatiques auprès de Milosevic échouent. La guerre est devenue inévitable car les pays occidentaux ne peuvent admettre que leur crédibilité soit remise en cause ni que les forces serbes accroissent leurs actions répressives au Kosovo comme semblait l’indiquer leur nouvelle mobilisation.

Les exigences posées par l'accord de Rambouillet étaient-elles inacceptables ? Non, si l’on considère l’équilibre du statut proposé pour le Kosovo (autonomie substantielle sans remise en cause de son appartenance à la RFY et sans perspective d'indépendance). Non plus quant au volet militaire, car il prévoyait une résolution du Conseil de Sécurité en application du chapitre VII de la Charte, confiant à l'OTAN la mise en place d'une force internationale.

En revanche, le délai fixé pour les négociations de Rambouillet peut paraître court. Peut-être la diplomatie américaine, à partir d'un certain stade, a-t-elle voulu que la Serbie porte la responsabilité de l’échec des négociations, avec l'illusion qu'une courte campagne de bombardements conduirait ensuite à une issue conforme aux objectifs de Rambouillet. Il semble bien qu'elle ait porté tous ses efforts sur la partie kosovare, notamment le représentant de l’UCK, et ait négligé les négociations avec la partie serbe, notamment ses objections à l’égard d’une force essentiellement composée de soldats de l’OTAN. Mais les ministres français et britanniques ont, eux, tenté de négocier sur ce point avec les Serbes, sans succès.

Peut-on affirmer en outre que les Européens, emportés par la pugnacité des Etats-Unis, se sont laissé entraîner ? D'après les indications données par les autorités françaises, les Européens partageaient au contraire dans leur grande majorité l'analyse selon laquelle on ne pouvait plus attendre.

Prolonger indéfiniment les négociations, c’était aussi s’engager dans une longue crise avec sa succession de massacres, ses « conférences de paix » sans lendemains et ses reculs honteux. L'action militaire devait suivre inévitablement une année de démarches diplomatiques intensives et dix ans de répression massive.

2) Le rôle du Conseil de sécurité

Il est clair que la base juridique de l'intervention était pour le moins fragile, car les résolutions du Conseil de Sécurité du 23 septembre et du 24 octobre 1998, même si elles ont été adoptées en vertu du chapitre VII de la Charte qui prévoit le recours à la force, ne donnaient pas explicitement mandat à l'OTAN d'intervenir. On sait bien qu'un tel mandat se serait heurté à un veto chinois et, très probablement, russe.

Cette question n'était pas purement formelle, car elle comportait deux enjeux.

Le premier était que la Russie se trouvait mise devant le fait accompli, ce qui affaiblissait la capacité de persuasion des alliés à l'égard de Milosevic et surtout conduisait inéluctablement à de sérieuses difficultés entre la Russie et les Occidentaux.

Il est vrai qu'au cours de la phase militaire de la crise bosniaque, la coopération OTAN-Russie n'avait pas été parfaite, la Russie s'opposant à toutes les initiatives militaires de l'OTAN qui se sont avérées par la suite indispensables à une solution politique. La Russie n'avait ainsi pas approuvé les bombardements de l'automne 1995 et ce n'est qu'après la signature des accords de Dayton qu'elle s'est associée à l'IFOR.

Fort de ce précédent et peut-être convaincus que l'intervention serait de courte durée, les alliés ont pu penser que le désaccord de la Russie n'aurait pas de graves conséquences, la Russie partageant par ailleurs leurs objectifs politiques.

Néanmoins, le conflit se prolongeant, il devenait encore plus nécessaire d'associer étroitement la Russie - avec qui la France avait toujours gardé le contact - à une solution. Lorsque cet objectif a pu être atteint, il a certainement contribué à l'acceptation par Milosevic des conditions des alliés.

Peut-on en déduire que les alliés auraient dû prolonger les négociations de Rambouillet afin de se donner le temps de convaincre la Russie du bien-fondé de leur action ? A Rambouillet, la Russie était représentée par M. Boris Maïorski, qui était l'un des trois négociateurs du Groupe de contact. Cette présence était logique puisque la Russie soutenait les objectifs des autres pays membres de ce groupe, y compris le déploiement d'une force militaire au Kosovo. En revanche, elle avait clairement annoncé dès septembre 1998 qu'elle était hostile au recours à la force. Il est peu probable que les Occidentaux seraient parvenus à convaincre la Russie.

Aujourd’hui, cette crise est loin d'être surmontée, malgré le soutien financier des Occidentaux à la Russie et bien que celle-ci ait repris sa coopération avec l’OTAN, suspendue pendant le conflit. Après les prochaines élections, on peut penser que les relations connaîtront de nouveaux développements plus positifs.

Le second enjeu était que les Etats-Unis entendaient faire de cette intervention un précédent qui aurait été entériné formellement lors du Sommet de Washington. Ils nourrissaient en effet le projet que l'OTAN puisse, dans certains cas, se saisir d'une situation de ce type et intervenir sans mandat du Conseil de Sécurité.

Pour la France, il s'agissait au contraire de faire en sorte que le Kosovo demeure une exception, justifiée par la situation humanitaire. Elle s'est donc employée, avec succès, à ce que le Conseil de Sécurité se ressaisisse réellement du dossier du Kosovo et à ce que le nouveau concept stratégique de l'Alliance, adopté au Sommet de Washington, ne comporte pas la faculté d'auto-saisine de l'OTAN.

Ce résultat ne peut naturellement nous dispenser d’une réflexion sur le problème posé : peut-on à l'avenir espérer légitimer par l'ONU une "ingérence humanitaire", appuyée le cas échéant par la force, compte tenu du risque de veto d'un et peut-être deux membres permanents, lesquels songent surtout à l'application éventuelle d'une tel principe sur leur propre territoire ? C'est tout le débat entre droit d’ingérence et principe de souveraineté exposé par Kofi Annan à l'occasion de l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations Unies. Il faudra bien un jour réexaminer la question du droit de veto des membres permanents du Conseil de Sécurité. La récente proposition du ministre allemand des Affaires étrangères de modifier le système du droit de veto en introduisant l’obligation de justifier un tel veto devant l’Assemblée générale des Nations Unies est à cet égard intéressante. Il faudrait aussi que l’ONU dispose d’un force d’intervention rapide directement sous son contrôle, de manière à ce qu’elle ne soit pas dépendante du bon vouloir des grandes puissances.

B - La guerre

1) Les erreurs d'appréciation des alliés

La première leçon que l’on peut tirer de ce conflit est que rien ne s’est passé exactement comme on l’avait prévu, au point que l’on peut s’interroger encore sur les raisons de cette victoire.

Personne ne semble avoir vraiment anticipé l’afflux massif de réfugiés vers la Macédoine, l’Albanie et les autres pays de la région. Le HCR, par exemple, paraissait surtout se préparer à une opération humanitaire au Kosovo dans l’hypothèse d’un succès de la conférence de Rambouillet.

Néanmoins, il est surprenant que rien ne semble avoir été vraiment prévu pour faire face à un afflux important de réfugiés. Ceci est d’autant plus regrettable que la mobilisation des moyens d’action humanitaire a par la suite été remarquable et a permis d’éviter le pire, notamment le développement des épidémies, toujours à craindre dans ce type de situation.

Il conviendrait aussi de réexaminer une proposition que Bernard Kouchner avait faite en son temps : la création d’un véritable service d’action humanitaire. En effet, la cellule d’urgence a effectué un remarquable travail mais on peut penser qu’il serait utile de disposer d’un service plus étoffé, capable par exemple d’évaluer rapidement les données logistiques de l’acheminement des secours.

Les alliés semblent avoir surestimé l’impact à court terme de leur action, qu’il s’agisse de son impact politique ou de son efficacité strictement militaire.

D’une part, la population de la RFY, dont l’assurance aurait pu être immédiatement ébranlée par les bombardements, a dans l’ensemble fait bloc autour de Milosevic, à l’exception des dirigeants et d’une partie de la population du Monténégro. L’armée yougoslave, qui aurait pu forcer Milosevic à un compromis pour éviter une destruction que l’on disait assurée, n’a apparemment manifesté aucun état d’âme.

D’autre part, l’action engagée a rencontré une limite due au souci de l’Alliance d’épargner le plus possible les populations civiles serbes ou kosovares. Le recours aux frappes aériennes, sous de telles conditions politiques, contre des forces conventionnelles dispersées, camouflées ou protégées, s’est révélé d’une efficacité difficile à vérifier.

Il était difficile, voire impossible, de mesurer avec précision les effets des attaques aériennes sur les forces conventionnelles serbes. Récemment, l’OTAN a publié une évaluation selon laquelle auraient été touchés 181 chars, 317 véhicules blindés de transport de personnel, 600 véhicules militaires et 857 pièces d’artillerie et mortiers. Ces chiffres sont conséquents et, s’ils sont exacts, expliquent en partie le dénouement du conflit mais, au plus fort de la crise, les estimations les plus contradictoires pouvaient être avancées car l’OTAN était en réalité dans l’incapacité de mesurer ou de prouver son efficacité, ce qui n’était pas sans conséquences sur le plan politique. Par ailleurs, l’arme aérienne était impuissante contre les agissements des forces paramilitaires ou militaires à l’encontre des populations civiles. On n’arrête pas des tueurs à l’arme blanche avec des armes guidées au laser.

Pour ces raisons, l’intervention a pu paraître inefficace sur le plan militaire, alors que les populations civiles serbes et kosovares ne pouvaient être complètement préservées.

La Serbie a donc adopté la même stratégie que l’Irak pendant la guerre du Golfe  : attendre en espérant que les alliés ne se résoudraient jamais à une intervention terrestre coûteuse et aléatoire.

Si les alliés l’ont emporté, c’est probablement pour une série de raisons s'ajoutant à l’efficacité proprement militaire  de leur action : le soutien d’une opinion publique scandalisée par les exactions contre les Kosovars, la solidité politique de la coalition qui a su finalement rallier la Russie, l’effet d’usure de la campagne sur la population et le régime, et, in fine, la croyance de plus en plus forte qu’une intervention terrestre était inéluctable.

2) Le rôle de la France

La prépondérance américaine a été abondamment soulignée au cours de la phase militaire de ce conflit.

Selon l’OTAN, les Etats-Unis ont fourni 80% des avions engagés et ont largué plus de la moitié de l’ensemble des bombes utilisées. La France, pour sa part, a fourni 10% des avions, ce qui n’était pas négligeable, et a assuré près de 13% des missions offensives. Mais la prépondérance américaine s’est manifestée surtout dans le domaine des renseignements, de l’information, des communications. Le conflit ayant mis en évidence certaines insuffisances, l’OTAN a lancé une initiative sur les capacités de défense (DCI) qui devrait améliorer ses capacités.

Sur le plan politique, la France a pleinement exploité le fait que l’Alliance atlantique donne à chacun de ses membres un pouvoir de blocage. Dans le choix des cibles qui lui était soumis au sein de l’Alliance, elle a contrôlé rigoureusement le passage d’une phase à l’autre, veillé à préserver le plus possible le Monténégro et les cibles serbes qui n’étaient pas directement liées au régime ou à son appareil militaire. Les missions de ses forces ont fréquemment été annulées quand les conditions météo ne garantissaient pas absolument contre le risque de « bavures ». Ses conceptions quant au contrôle de l’embargo allaient dans le même sens. Pour ces raisons, la presse américaine n’a pas manqué de la critiquer, lui reprochant d’avoir retardé l’issue du conflit, alors que sa politique avait pour souci de préserver le plus possible les chances d’une paix juste.

Cette analyse est contestée par l’affirmation répandue selon laquelle 90% des frappes américaines auraient échappé au contrôle politique de l’Alliance sans toutefois être effectuées sur des cibles sensibles. Ce point reste à vérifier.

La crise du Kosovo représente sans aucun doute un tournant majeur dans l'évolution du système international. Au moins du côté européen, car les motivations américaines étaient plus ambiguës, l'intervention militaire, pour protéger une minorité, sur le territoire d'un Etat souverain, a été décidée avant tout au nom de raisons morales, sans que soit directement en jeu un intérêt purement national ou économique. Bien entendu, cette préoccupation morale a été comme souvent aiguillonnée par les informations diffusées par les médias. Tout se passe comme si certains massacres ne devenaient vraiment insupportables que lorsque l'opinion occidentale en découvre les images à la télévision. Bien entendu aussi, cette préoccupation morale a trouvé pour une part sa source dans le souci des occidentaux de ne pas apparaître, devant leurs propres opinions publiques, une fois de plus impuissants face à un drame qui se déroulait "à nos portes". On se demande d'ailleurs pourquoi, à l'époque d'un monde global, et alors que l'on prétend agir au nom d'une morale universelle, le caractère insupportable des crimes serait inversement proportionnel à la distance qui nous sépare des lieux où ils sont commis.

Quoiqu'il en soit, une nouvelle étape a été franchie dans l'usage très délicat du principe d'ingérence. Le premier pas avait été franchi pour la protection des Kurdes d'Irak au nord du 32ème parallèle (Résolution 688 du 5 avril 1991). Le deuxième, à l'occasion de l'intervention des Nations unies en Somalie (Résolution 794 du 3 décembre 1992).

On voit bien les difficultés considérables que soulève l'application de cette notion d'ingérence. Difficultés de fond : la souveraineté des Etats est le principe fondateur de l'ordre international. Elle est d'ailleurs affirmée par la Charte de l'ONU. Difficultés pratiques, dès lors qu'au moins deux membres permanents du Conseil de Sécurité répugnent à porter atteinte à la souveraineté des Etats, quels que soient les principes invoqués, et ceci avant tout pour leur auto-protection. Du point de vue moral, le cas de la Tchétchénie est-il vraiment fondamentalement différent de celui du Kosovo ?

La difficulté est d'autant plus grande que l'Assemblée générale des Nations Unies comprend pour les deux tiers des pays du Tiers-Monde, généralement favorables à ce qu'on pourrait appeler un "domaine réservé" des Etats. La difficulté d'agir est accrue par le fait qu'une intervention ne conduit pas nécessairement à une situation meilleure. C'est la crainte "d'ajouter la guerre à la guerre" qu'évoquait, à propos de la crise yougoslave, François Mitterrand. D'autant que les démocraties répugnent à faire la guerre et voudraient des guerres sans victimes dans les rangs de leurs propres armées.

Les réticences à l'exercice du principe d'ingérence trouvent aussi un point d'appui dans le fait que les motifs d'une intervention sont rarement "chimiquement purs". En 1991, la libération du Koweit a-t-elle été seulement la "guerre du droit ?" N'a-t-elle pas été tout autant l'affirmation de la puissance américaine et l'action d'une coalition soucieuse d'éviter que Saddam Hussein s'approprie d'énormes réserves pétrolières ?

A l'avenir, la mise en œuvre du principe d'ingérence suppose une clarification internationale sur la question des valeurs. Les Nations Unies peuvent légitimer une guerre juste au nom des droits de l'Homme. Rien ne peut légitimer une guerre sainte au nom du Djihad (pour reprendre une distinction introduite par Nicole Gnesotto).

Elle implique aussi d'admettre l'idée selon laquelle un nouvel ordre international conforme à des valeurs universelles ne pourra se construire sans une remise en cause de la souveraineté absolue des Etats. Cela vaut pour la reconstruction de l'Europe, comme le disait déjà Jean Monnet en 1950 : "ce n'est pas l'addition des souverainetés réunies dans des conseils qui crée une entité. Il faut véritablement créer l'Europe." Cela vaut aussi pour un nouvel ordre international plus protecteur des minorités.

C – Réussir l’après-guerre

La communauté internationale, en particulier l'Union européenne et la France, s'est engagée dans une action ambitieuse pour rétablir une paix juste et durable au Kosovo et conforter la stabilité des Balkans.

1) La reconstruction du Kosovo

La résolution 1244 a fixé les principes généraux d’un règlement politique de la crise du Kosovo dont la philosophie consiste toujours à appliquer les accords de Rambouillet. L’annexe 1 de la résolution retient en effet parmi ces principes « un processus politique menant à la mise en place d’un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte des Accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale de la RFY et des autres pays de la région, et de la démilitarisation de l’UCK ».

Par rapport aux Accords de Rambouillet, la résolution ne comporte qu’une seule différence : le retrait total de l’armée fédérale alors que les accords prévoyaient que l’armée de la RFY continueraient à surveiller les frontières. Cependant, la résolution prévoit « qu’un effectif convenu de personnel yougoslave et serbe sera autorisé à revenir… » afin d’accomplir certaines tâches, notamment une présence aux principaux postes frontières.

Par ailleurs, la résolution prévoit la mise en place d’une administration intérimaire, la MINUK, - chargée d’organiser et de superviser la mise en place d’institutions « d’auto-administration démocratiques provisoires » - et d’une force de maintien de la paix de 53.000 hommes, la KFOR. Jamais auparavant l'ONU ne s'était vue confier une mission aussi vaste et complexe.

Les principales responsabilités de la présence internationale civile sont les suivantes :

. faciliter, en attendant un règlement définitif, l'instauration au Kosovo d'une autonomie et d'une autodétermination substantielle ;

. exercer les fonctions d'administration civile de base là où cela sera nécessaire et tant qu'il y aura lieu de le faire ;

. organiser et superviser la mise en place d'institutions provisoires pour une administration autonome et démocratique, notamment la tenue d'élections ;

. faciliter la reconstruction des infrastructures essentielles et le relèvement de l'économie ;

. en coordination avec les organisations internationales à vocation humanitaire, faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et des secours aux sinistrés ;

. maintenir l'ordre public, notamment en mettant en place des forces de polices locales et, entre temps, en déployant du personnel international de police servant au Kosovo.

Toutes les activités de la MINUK sont menées d'une manière intégrée dans le cadre d'une structure hiérarchique bien définie. Ainsi, le Représentant spécial du Secrétaire général (M. Kouchner) est assisté de quatre représentants spéciaux adjoints en charge d'une des grandes composantes de la Mission confiées chacune à une organistion chef de file :

- Administration civile intérimaire : ONU (M. Koenigs, Allemagne)

- Affaires humanitaires (y compris le déminage) : Haut Commissariat pour les Réfugiés (M. Denis McNamara, Nouvelle-Zélande)

- Création d'institutions (mise en valeur des ressources humaines, démocratisation et gouvernance, élections, droits de l'Homme) : OSCE (M. Dean Everts, Pays-Bas)

- Reconstruction : Union européenne (M. Joly Dixon, Royaume-Uni).

Au début du mois de septembre, 772.000 réfugiés étaient revenus au Kosovo, dont 55.000 qui s’étaient réfugiés en dehors des Balkans. Ils ont retrouvé un pays dont la moitié des habitations a été endommagée et 50.000 détruites. La Commission européenne a évalué à 1,2 milliards d’euros le coût de la reconstruction de l’habitat mais la remise à niveau de l’économie devrait coûter encore plus cher car la guerre a été précédée d’une longue période de déclin économique alors que le Kosovo a les caractéristiques d’un pays en développement.

La conférence des donateurs réunie en juillet a permis de réunir 2 milliards de dollars d’engagements. L’Union européenne a engagé 137 millions d’euros en 1999 et prévoit une aide de 500 millions d’euros pour 2000. Elle a également mis en place une agence pour la reconstruction du Kosovo. La France s’est engagée à verser 2,5 milliards pour le Kosovo en 2000 (1,5 au titre de sa participation à la KFOR, 603 millions pour l’aide humanitaire, 206 millions pour l’aide économique et 278 millions pour la MINUK). Les Etats-Unis sont également très engagés dans cette action ; l’US Aid dispose au Kosovo d’une soixantaine d’experts et d’un budget de 160 millions de dollars.

La MINUK a déjà établi certaines bases nécessaires au rétablissement d’une vie normale. Le Kosovo a désormais un budget, alimenté par des droits de douane et une monnaie, le deutsch mark. La distribution des cartes d’identité et la constitution des listes électorales sont en cours. Les contributions des Etats ont pris du retard, notamment s’agissant de l’envoi de policiers (3000 étaient promis, 1500 sont sur place).

Quant à la KFOR, les difficultés de sa mission n'échappent à personne, tout particulièrement s'agissant du secteur confié au contingent français qui a la lourde responsabilité de s'interposer quotidiennement entre les communautés serbe et albanaise à Mitrovica.

La principale difficulté consiste bien entendu à pacifier le Kosovo. D'abord assurer la sécurité pour tous, ensuite construire patiemment les conditions d'une co-existence, plus tard d'une coopération, plus tard encore d'une réconciliation pour un jour peut-être aboutir à un Kosovo multi-ethnique. Compte tenu de ce qui s'est passé au Kosovo pendant le conflit, cela paraît une entreprise impossible. Pourtant, contrairement à ce que l'on pouvait craindre, une part significative de la communauté serbe est restée au Kosovo ; ils seraient encore 97.000 selon la KFOR, soit un peu moins de la moitié de son importance estimée avant le conflit. Par ailleurs, la KFOR a pu rassembler 10.000 armes dans ses opérations de désarmement et l'UCK a en principe accepté de se transformer en force politique. Le pire n'est donc pas encore certain.

Une décision essentielle devra être prise dans les prochains mois : la fixation de la date des prochaines élections municipales. Tout le monde convient que les élections ne doivent survenir ni trop tôt, ni trop tard. Leur enjeu est de donner la parole, dans de bonnes conditions, à la majorité silencieuse des citoyens du Kosovo qui n'est peut-être pas habitée par les mêmes passions que les minorités agissantes. N'oublions pas que les diverses nationalités des Balkans qui se sont trop souvent déchirées ont su aussi coexister pendant des siècles.

2) L'avenir des Balkans

S'agissant de la reconstruction des Balkans, la communauté internationale a engagé une action visant à aider ces pays et à réussir leur transition économique et politique. Sur le plan financier, la France participe à cet effort.

Le tableau ci-après retrace, hors coût de la participation française à la KFOR, le bilan de l'effort français pour la reconstruction du Kosovo, de la Macédoine et de l'Albanie.

en millions de francs

MONTANT *

1) Kosovo

a) Aide humanitaire

Aide bilatérale

Aide des collectivités locales

Aide européenne

Aide internationale

a) Aide économique

Aide bilatérale

Aide européenne

Institutions financières internationales

Administration du Kosovo

TOTAL KOSOVO

631

282

50

274

25

374

70

152

18

134

1005

2) Macédoine

Aide bilatérale française

Aide européenne

Institutions financières internationales

TOTAL MACÉDOINE

118

234

31

383

3) Albanie

Aide bilatérale française

Aide européenne

Institutions financières internationales

TOTAL ALBANIE

77

350

21

448

TOTAL

1836

* Crédits bilatéraux et parts françaises des crédits multilatéraux

L'Union européenne a également défini une nouvelle politique pour les Etats des Balkans qui souhaitent tous - officiellement ou non - en devenir des membres à part entière.

Personne ne peut ignorer que l'adhésion à l'Union européenne n'est pas une simple formalité d'adhésion à un club mais suppose une lente adaptation. Les pays d'Europe centrale les plus avancés en font l'expérience. Il s'agit surtout de définir une perspective politique suffisamment claire et perceptible par les opinions publiques.

Le Conseil européen de Cologne, en juin 1999, a donc proposé à ces Etats un "nouveau type de relation contractuelle" : les accords de stabilisation et d'association.

Ce type d'accord ressemble beaucoup aux accords d'association que l'Union a conclus avec les pays d’Europe centrale et orientale comme première étape avant leur adhésion. Ils prévoient d’un dialogue politique, la constitution de zones de libre-échange, la mise en œuvre des dispositions relatives au marché unique, et couvrent un vaste champ de coopération.

Cependant, ces accords, à la différence des accords d'association, ne définiront pas explicitement une perspective d'adhésion.

En effet, l'Union subordonne implicitement une telle définition à une condition : que les Etats des Balkans développent entre eux une coopération régionale de même nature que celle instituée avec l'Union européenne. Les accords de stabilisation et d'association prévoiront que chaque Etat des Balkans signataire engagera une négociation en vue de conclure une convention de coopération régionale avec les autres Etats des Balkans liés à l'Union par un accord de même type.

L'Union européenne entend ainsi éviter que ses relations avec les Etats des Balkans soient purement bilatérales. Mais cette globalisation présente un risque : celui de pénaliser les "bons élèves"…

Par ailleurs, la politique de l'Union se trouve placée devant un dilemme. On ne peut rien faire sans la RFY mais on ne peut rien faire non plus avec Milosevic. De ce fait, la levée des sanctions se limite à ce jour à la suppression de l'embargo sportif, alors qu'il est essentiel que l'Union participe à la reconstruction et à la réforme économique de ce pays. Il existe un risque sérieux que les Etats-Unis maintiennent indéfiniment la RFY sous un régime de sanctions très pénalisant pour la population mais qui n'aura guère plus d'effets positifs sur le régime de Milosevic. On a vu aussi les difficultés d'apporter une aide aux seules municipalités "démocratiques".

CONCLUSION

La progression du budget des Affaires étrangères, même modeste, est une bonne nouvelle.

Il est heureux que ce budget enraye le processus de déflation des effectifs et prolonge l'effort consenti en faveur de priorités telles l'action audiovisuelle extérieure, les contributions volontaires ou la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger.

Ce budget vient en soutien d'une réforme décisive – celle de notre dispositif de coopération – qui suppose de la part des agents du ministère un effort d'adaptation important.

Il s'accompagne également d'une volonté de rationalisation de la gestion des deniers publics.

Il faut souhaiter qu'à cette embellie succèdent plusieurs années de beau temps car, comme ce rapport croit l'avoir démontré, de nombreux secteurs d'activité du ministère des Affaires étrangères mériteraient des augmentations de crédits beaucoup plus importantes.

Votre Rapporteur songe en particulier à l'audiovisuel extérieur, dont le développement est le meilleur vecteur du rayonnement de la culture française, ou au niveau des contributions volontaires.

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des Affaires étrangères pour 2000.

EXAMEN EN COMMISSION

I. Audition, le mardi 26 octobre 1999, de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et de M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, sur les crédits des Affaires étrangères pour 2000.

Le Président Jack Lang a rappelé que l’examen du budget du ministère des Affaires étrangères était cette année l’objet d’une nouvelle procédure. Le 4 novembre, la Commission des Affaires étrangères tiendra une réunion élargie aux autres commissions et ouverte à la presse au cours de laquelle les ministres pourront présenter les grandes lignes de leur budget et répondre en détail aux questions des parlementaires.

M. Charles Ehrmann s’est interrogé sur la pertinence de cette nouvelle procédure qui ne lui semble pas digne de l’importance du ministère des Affaires étrangères.

Le Président Jack Lang a estimé qu’il s’agissait au contraire d’une excellente initiative.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la Commission des Finances sur les crédits des Affaires étrangères, a exposé qu’après une érosion constante des moyens accordés au ministère des Affaires étrangères, on assistait enfin à une stabilisation qui devrait déboucher ultérieurement sur un rattrapage. Le budget paraît en progression car il intègre 150 millions de francs, destinés à financer l’ouverture de la nouvelle ambassade de France à Berlin, alors que ce type de dépense était jusqu’à présent inscrit dans la loi de finances rectificative. Par ailleurs, le chapitre des contributions obligatoires diminue alors que le financement de la MINUK devra sans doute conduire à une réévaluation en cours d’exercice. Le fonds d’urgence humanitaire est chroniquement sous-évalué. Quant au taux de change retenu, il paraît en dessous de la réalité ce qui obligera à un réajustement.

M. Yves Tavernier a demandé si l’on pouvait espérer une réévaluation du taux de retour sur le fonds de concours alimenté par les droits de chancellerie. Auteur d’un rapport d’information sur les services consulaires, il a estimé que le ministère des Affaires étrangères devrait bénéficier du même dispositif que celui du ministère de l’Economie et des Finances et obtenir que 50% des droits de chancellerie lui reviennent au bénéfice de ses services consulaires.

Il a relevé qu’en 1992 le ministère des Affaires étrangères ne gérait que 17% des crédits concourant à l’action extérieure de la France contre 30% aujourd’hui alors que la part du ministère de l’Economie et des Finances était passée de 37,3% à 24,5%.

M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères sur les crédits des Affaires étrangères, a déclaré partager les observations et les souhaits de M. Yves Tavernier. Le budget 2000 permet de stopper l’érosion des effectifs mais sa progression globale est liée à l’augmentation du titre V grâce à l’inscription en loi de finances de crédits qui apparaissaient jusqu’ici en collectif budgétaire.

Il a souhaité savoir quel était et quel serait l’impact des dépenses induites par le Kosovo sur les autres actions du ministère des Affaires étrangères.

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères sur les crédits de la Coopération, a observé que le Nigeria ne figurait pas sur la liste des pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) arrêtée en janvier 1999 par le Comité de la coopération internationale et du développement (CICID) mais que ce pays y avait été intégré en mars. Il a demandé des éclaircissements sur cette procédure d’inscription.

Il a observé que la création d’un chapitre spécial, le chapitre 68-93, pour les dons destinés à financer des projets mis en œuvre par l’Agence française de développement (AFD) aura pour conséquence de diminuer le contrôle parlementaire sur des sommes qui transitaient auparavant par le Fonds d’action de coopération (FAC), où siègent des parlementaires. Or, le conseil de l’AFD, où le Parlement est également représenté, n’est saisi que des projets supérieurs à 10 millions de francs.

Il a souhaité des explications sur la future réforme du FAC qui deviendra le Fonds de solidarité prioritaire. Le contrôle parlementaire sera-t-il maintenu ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur les crédits des Relations culturelles internationales, a souhaité savoir quel bilan l’on pouvait tirer de la réforme de l’audiovisuel extérieur engagée en avril 1998 et quels avaient été les résultats du sommet de Moncton.

M. Hubert Védrine a rappelé que le ministère des Affaires étrangères avait subi de fortes réductions de ses moyens et de ses effectifs au cours des six dernières années. Il est très important que les arbitrages du Premier Ministre aient permis de stopper cette érosion constante - en particulier la baisse des effectifs - même si ce n’est pas encore suffisant. La bonne gestion de la fusion a permis de dégager 92 emplois qui seront pour une part importante affectés à l’administration consulaire. C’est un geste traduisant la considération à l’égard de cette administration et de ses agents.

Les crédits progressent de 0,6 %. Il existe de nouvelles charges – 160 millions de francs pour l’ambassade à Berlin et 20 millions liés à la modification du mode de rémunération des gendarmes - mais celles-ci auraient dues être financées de toute façon. Un tableau retraçant l’évolution du budget à structure constante sera distribué aux parlementaires.

Ce budget a été élaboré sur l’hypothèse d’un dollar à 5,83 francs. Si un écart apparaît, il sera sans conséquences sur les rémunérations et sur les contributions obligatoires qui font l’objet d’ajustements automatiques. Pour les dépenses de fonctionnement et d’intervention libellées en devises, il en va autrement.

Le taux de retour sur les fonds de concours dont bénéficie le ministère des Affaires étrangères est passé de 20% à 30% pour la période 1997-2000. Le porter à 50% de manière pérenne serait certainement très intéressant.

La contribution de la France au budget de la MINUK s’élève à 140 millions de francs et le ministère des Affaires étrangères a redéployé 300 millions de francs pour contribuer au plan humanitaire en faveur du Kosovo. Le fonds d’urgence humanitaire bénéficie de 6 millions de mesures nouvelles.

M. Charles Josselin a précisé que le fonds d'urgence humanitaire était abondé au fur et à mesure des besoins et que le financement des 140 millions de francs pour le Kosovo sera assuré en partie par la Coopération.

En ce qui concerne l'inscription du Nigeria sur la liste de la zone de solidarité prioritaire, la question avait été évoquée par le CICID dès le 28 janvier 1999. Le Nigeria, à l'époque, n'avait pas été retenu car sa transition démocratique n'était pas encore achevée. Les élections présidentielles s'étant déroulées dans des conditions satisfaisantes, il a été jugé que le Nigeria devait être inscrit sur la ZSP sans attendre. Cette décision sera officialisée lors de la prochaine réunion du CICID.

S'agissant de la création d'un chapitre spécifique pour les dons destinés à financer des projets mis en œuvre par l'AFD, M. Charles Josselin a reconnu que se posait le problème du maintien du contrôle parlementaire, déjà soulevé par le Sénateur Michel Charasse. Il a souligné que les ambassadeurs étaient associés en amont aux projets de l'AFD.

Le FAC doit se transformer en fonds de solidarité prioritaire avec un conseil d'orientation auquel seront associés les parlementaires et un conseil d'examen des projets. Les rapporteurs budgétaires des assemblées seront-ils associés à ce dernier conseil ? La question n'est pas encore tranchée.

M. Hubert Védrine a souligné les succès d'audience de TV5 à la suite de la mise en œuvre du plan préparé par M. Jean Stock. TV5 touche aujourd'hui 111 millions de foyers, ce qui représente une progression de 25% en un an. L'audience est en hausse dans la quasi-totalité des pays. Le seul point noir est l'échec du lancement de TV5 aux Etats-Unis.

M. Jean Stock, qui accomplit un travail formidable, continue son plan de modernisation de TV5, notamment en créant un service d'annonces des programmes hebdomadaires sur Internet et en développant le sous-titrage.

_______

II - Au cours de sa réunion du jeudi 4 novembre 1999, la Commission a examiné pour avis les crédits des Affaires étrangères pour 2000, dans le cadre d'une nouvelle procédure.

M. Jack Lang, président de la Commission des affaires étrangères - Nous nous réunissons aujourd’hui pour examiner le budget du ministère des Affaires étrangères. Nous allons entendre deux ministres, sept rapporteurs et six orateurs de groupe, et nous disposons de quatre heures au maximum. L’exploit sera réussi si chacun apporte sa contribution, à commencer par nos rapporteurs, qui seront exemplaires par leur concision comme par leur talent…

Nous remercions les responsables de la Commission des Finances, en particulier le président Bonrepaux et le rapporteur général Didier Migaud, qui, en liaison avec le Président de l’Assemblée nationale, ont imaginé cette formule ingénieuse qui nous permettra d’examiner ces budgets dans une atmosphère sereine. Je remercie aussi les deux ministres qui ont accepté que leur budget soit soumis, à titre expérimental, à la nouvelle procédure. Les interventions des députés après les orateurs ne devront comprendre qu’une seule question.

M. Charles Ehrmann - Rappel au Règlement ! Je voudrais signaler que, d’une part, cette nouvelle formule ne me plaît pas, et que, d’autre part, on nous a demandé d’envoyer nos questions avant le 22 octobre ; on devait nous répondre le mardi 9 novembre, et nous n’avons toujours rien reçu ((Interruptions sur divers bancs).

Plusieurs députés – Le 9 novembre, c’est la semaine prochaine !

M. le Président de la Commission – Les réponses pourront vous être données ici même, avant la séance plénière. Vous avez le droit de répéter vos questions ce matin, et même de vous contredire !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - En conformité avec la nouvelle procédure, qui me paraît une heureuse innovation, je vais vous présenter le budget des Affaires étrangères pour 2000. J’ai pu mesurer, cette année encore, l’intérêt soutenu que vous attachez à la politique étrangère de la France, dans ses aspects les plus concrets.

Cette année le Gouvernement a voulu inverser la tendance à la réduction des effectifs et des moyens de ce ministère. Le projet de budget nous permettra donc de développer notre action, de moderniser nos services et leurs relais dans le monde et de disposer ainsi d’un réseau diplomatique efficace et cohérent.

Je voudrais vous épargner les propos excessifs que l’approche de l’an 2000 suscite chez certains commentateurs, qui ont oublié le système décimal : nous ne rentrerons dans le XXIème siècle, et donc dans le troisième millénaire, qu’en 2001. Il y a là une erreur collective mais, pour des raisons commerciales, il est difficile de revenir en arrière. Défions-nous des prévisions aventureuses sur le prochain siècle car nos prédécesseurs en 1899 n’avaient pas vraiment annoncé ce qui allait arriver.

Dans ce monde, affecté par des mutations profondes et traversé par des mouvements plus ou moins ordonnés, nous cherchons à défendre à la fois nos valeurs et nos intérêts fondamentaux, qui sont la sécurité, la liberté et la prospérité de notre pays. Notre diplomatie doit y contribuer dans les grandes négociations internationales, comme celle de l’OMC, et aussi par une concertation constante avec nos partenaires –je pense notamment aux questions de défense européenne. Nous devons aussi prévenir ou infléchir les évolutions qui nous seraient défavorables, avec l’objectif d’assurer une influence forte de notre pays en Europe et de faire entendre une voix alternative dans un monde qui tend à l’uniformisation.

Pendant le second semestre de l’an 2000 nous allons présider l’Union européenne. L’Union s’est dotée en 1999 de nouveaux instruments, dont l’euro. Elle a renouvelé la composition de la Commission, et M. Solana a été désigné secrétaire général du Conseil pour les questions de politique extérieure et de sécurité.

Le chantier de la réforme institutionnelle nous attend ; les pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne comprennent maintenant, je crois, la nécessité de procéder à cette réforme avant tout élargissement. Une conférence intergouvernementale va être lancée au début de l’année et il n’est pas exclu qu’elle soit conclue sous la présidence française : nous ferons tout en ce sens. A défaut, c’est la présidence suédoise qui conclura la CIG. Cette conférence devra régler les problèmes laissés ouverts par la précédente CIG et le traité d’Amsterdam, à savoir la composition et le fonctionnement de la Commission, la pondération des voix des Etats membres, le vote à la majorité qualifiée. Nous travaillons étroitement avec nos partenaires allemands pour parvenir à une position commune sur ces points avant l’ouverture de la CIG.

L’élargissement de l’Union européenne est le deuxième enjeu majeur : le Conseil des ministres qui se tient à Helsinki le mois prochain décidera probablement de lancer les négociations d’adhésion avec les douze pays candidats, et non plus seulement quelques uns d’entre eux. Nous devrons les faire avancer sérieusement et au cas par cas, car leurs situations sont différentes. Nous espérons que l’amélioration des relations entre la Grèce et la Turquie donnera à l’Union les moyens d’accompagner la démocratisation et la modernisation de ce dernier pays et de réexaminer la question de sa candidature.

Il faut poursuivre le travail d’organisation du continent européen, en instaurant des partenariats stratégiques entre l’Union et des pays comme la Russie et l’Ukraine.

La France va exercer en même temps la présidence de l’Union européenne et celle de l’UEO. Je rappelle l’objectif formulé par le Président de la République de doter l’Europe d’une autonomie de décision et d’action dans le domaine de la défense, et de disposer de capacités militaires propres. La France insistera aussi sur la concertation économique, sur l’harmonisation fiscale et sur une stratégie coordonnée pour l’emploi.

En se renforçant l’Europe pourra peser davantage sur les négociations en matière de commerce international. Le monde a besoin de règles, comme l’a déclaré le Premier ministre, et l’Union européenne doit pouvoir promouvoir le modèle de développement spécifique sur lequel elle est fondée. C’est dans cet esprit que nous aborderons les négociations de l'OMC qui se poursuivront tout au long de l’année 2000 et au-delà. Notre objectif est de faire bénéficier l’économie européenne de l’intensification des échanges mondiaux, tout en préservant nos équilibres sociaux, culturels et alimentaires. Nous voulons renforcer les règles multilatérales accompagnant l’ouverture des échanges et mieux y insérer les pays en voie de développement.

L’année 1999 a été marquée par des décisions préoccupantes dans le domaine du désarmement : le vote négatif du Sénat américain sur le traité d’interdiction des essais nucléaires et l’annonce par l’administration américaine d’un projet de défense antimissiles du territoire américain, risquent de relancer la course aux armements. Pour notre part, nous poursuivrons nos efforts en faveur du désarmement, contre la prolifération des armes nucléaires et pour l’interdiction complète des essais nucléaires. Nous estimons que le démarrage de négociations en vue d’un traité d’interdiction de production des matières fissiles nucléaires est un point de passage obligé. J’ajoute que même si le traité d’interdiction des essais nucléaires ne recueille pas le nombre de ratifications nécessaires, rien n’empêche les pays signataires de l’appliquer.

La France attache, vous le savez, une importance primordiale au rôle de régulation mondiale du Conseil de sécurité de l’ONU. Les problèmes rencontrés ont été parfaitement résumés par le secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de son allocution de septembre dernier. Il a évoqué la relation compliquée entre le principe de la souveraineté nationale et le droit d’intervention.

Mais appliquer ce droit d’intervention revient à contourner le Conseil de sécurité et donc remettre en cause en quelque sorte la souveraineté des Etats. Or c’est leur faiblesse qui est source de bien des drames. Il faut donc rechercher un meilleur équilibre et nous y travaillons.

C’est avec ce souci que la France a pris des responsabilités dans plusieurs crises graves. Nous sommes impliqués dans la gestion de la crise ouverte au Kosovo et nous veillons à faire respecter la résolution 1244. Il est certain que la présence internationale sera durable dans cette zone. S’agissant de la Serbie, s’il faut maintenir les sanctions qui touchent le régime, celles qui touchent la population sont désormais contre-productives et empêchent toute évolution. L’opposition serbe est unanime sur ce point. Je me suis engagé clairement à travailler à une adaptation des sanctions et j’ai écrit à mes collègues européens en ce sens. L’européanisation des Balkans est bien l’objectif à long terme mais l’on ne parviendra pas à mettre en place un pacte de stabilité si la situation reste bloquée à Belgrade.

L’évolution est plus encourageante au Proche-Orient. Les négociations ont repris entre Israël et les Palestiniens mais pas encore entre Israël et la Syrie. Je me suis rendu dans la région et je poursuivrai le travail diplomatique par des visites au Liban, en Syrie et en Égypte. Que peut faire la France ? Avant tout être disponible, se rendre utile aux partenaires qui le demandent, les encourager et les aider à surmonter les obstacles et apporter des idées pour le règlement du statut final. Nous pouvons, par exemple, assister la formation d’un véritable État palestinien, ce qui suppose de renforcer le dialogue avec Israël. Notre présence au Liban restera forte, dans des formes adaptées. Il nous faut dès à présent penser à ce que sera la coopération avec un Proche-Orient en paix et nous plaidons pour que toute l’Union européenne lui apporte son aide.

Des changements significatifs ont également eu lieu au Maghreb, que nous accueillons avec espérance. Nous accompagnons la relève dynastique au Maroc qui se présente sous les meilleurs augures et nous souhaitons répondre aux aspirations euro-méditerranéennes de ce pays. Nous sommes disponibles pour une relance des relations avec l’Algérie et pour participer à la reconstruction dans tous les domaines.

Sur le reste du continent africain, fidélité, adaptation et ouverture sont les mots clés de notre politique. Nous voulons renforcer la bonne gouvernance et assurer le renouvellement de la convention de Lomé. Nous suivons avec intérêt le retour de la paix en Afrique centrale et dans la région des Grands lacs où M. Josselin s’est rendu en visite, ainsi que la situation de la Corne de l’Afrique qui reste préoccupante. Au-delà des anciennes rivalités nous développons la coopération et le dialogue avec la Grande-Bretagne, la Belgique et le Portugal ainsi qu’avec les États-Unis.

L’Asie est la zone du monde où la multipolarité est la plus évidente. Nous travaillons à ce que ce monde multipolaire soit le plus équilibré possible et pratique la coopération. Nous voulons créer ou renforcer des liens avec les différents pays, ce qui n’exclut pas les débats sur les points de désaccord. En particulier les problèmes de non-prolifération nucléaire se posent désormais surtout en Asie. Je pense au conflit indo-pakistanais, à la Corée du Nord et à la volonté des États-Unis d’associer certains alliés asiatiques à leurs initiatives. L’Asie doit donc prendre de plus en plus de place dans notre réflexion stratégique. Outre les relations bilatérales, nous voulons favoriser l’émergence d’unités régionales. C’est également le cas en Amérique latine où d’importants changements politiques ont eu lieu dans plusieurs pays. Nous encourageons le Mercosur même si les négociations présentent quelques difficultés.

Pour poursuivre ces objectifs, l’action du ministère doit constamment s’adapter. A côté de la diplomatie classique, la diplomatie culturelle devient une dimension de plus en plus fondamentale de l’action extérieure. Nous privilégions la coopération, la formation des élites, l’audiovisuel, le développement des instituts et centres français. Face aux risques d’uniformisation des idées en raison de celle des images, et de simplification des enjeux, la France et l’Europe doivent faire entendre leur voix pour affirmer la diversité culturelle –dont l’exception culturelle n’est qu’un des aspects. C’est le message que nous portons en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

J’en viens aux moyens du ministère pour l’an 2000. La caractéristique essentielle de ce budget c’est de mettre fin à la baisse constante des moyens depuis 1995. L’augmentation de crédits de 170 millions, soit 0,6 %, est minime. Mais le renversement de tendance est fondamental, notamment aux yeux de nos agents qui comprenaient mal comment, face à la multiplication des enjeux et des attentes, on réduisait les moyens et surtout les effectifs.

La chute des effectifs est en effet enrayée. L’achèvement de la fusion avec le ministère de la coopération a permis de dégager 92 emplois qui serviront notamment à renforcer l’administration consulaire. Plusieurs membres de la commission ont joué un rôle important pour parvenir à ce résultat et je les en remercie.

Notre objectif pour 2000 est de poursuivre la modernisation du ministère engagée depuis deux ans. L’accélération de la mondialisation nous oblige à mobiliser des moyens pour assurer une présence partout dans le monde et participer à de nombreuses négociations internationales. La présidence de l’Union européenne au second semestre 2000 représente une lourde responsabilité. Nous sommes aussi sollicités au Kosovo, au Timor, et les autres foyers de tension sont nombreux.

Il nous faut aussi adapter l’administration consulaire à l’évolution des communautés françaises à l’étranger, dont nous assurons notamment la sécurité.

La modernisation passe également par la fusion complète avec la Coopération sur le plan budgétaire. Nous poursuivons la déconcentration des moyens ainsi que des réformes comptables. Des expériences seront menées pour mieux décentraliser encore l’attribution de l’aide sociale. J’ai indiqué aux ambassadeurs qu’il convenait de donner plus de responsabilités aux chefs de poste.

En ce qui concerne l’immobilier, toutes les opérations sont inscrites en loi de finances initiale. Il nous faudra améliorer la prévision, la programmation et le suivi.

Nous nous efforçons également de renforcer la présence française dans le monde. Ce budget maintient nos engagements pour favoriser la diversité culturelle et défendre la francophonie. Les crédits d’aide humanitaire sont en hausse. Le redressement de notre contribution aux organisations internationales est en bonne voie. Nos versements qui, de 450 millions en 1993, étaient tombés à 225 millions en 1998 seront de 307 millions en 2000, soit 30 millions de mieux que cette année.

Nous renforçons l’action consulaire en augmentant de 25 % les crédits pour l’accès de nos ressortissants à l’enseignement français à l’étranger ainsi que l’aide aux personnes en difficulté. Le service central de l’état civil achève sa mue qui était bien nécessaire. J’ai mis un terme au développement du recours aux «recrutés locaux». Comme je l’ai indiqué, j’entends pourvoir un certain nombre de postes grâce aux emplois dégagés. Je peux annoncer la réouverture de notre consulat à Annaba. Nos efforts pour l’accueil des étrangers portent leurs fruits. Les travaux menés dans les consulats grâce au fonds de concours ont permis de l’améliorer. Je suis favorable à la proposition de M. Tavernier de porter le fonds de concours à 100 % des droits de chancellerie. Dans deux ans nous serons privés des coopérants du service national. Je forme donc le vœu que le projet de loi sur le volontariat civil adopté au Sénat le soit rapidement à l’Assemblée.

Notre action se heurte bien sûr à un certain nombre de contraintes. Celle qui portait sur les effectifs a été desserrée, mais les besoins d’encadrement des consulats sont très importants. Aussi avons-nous engagé la réflexion sur le réseau diplomatique de l’Union européenne. La contrainte budgétaire ne doit pas être le seul élément à prendre en compte pour faire évoluer notre réseau. Il faut l’adapter à un environnement mouvant en tenant compte à la fois de ressources limitées et de l’action de nos partenaires.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je me bornerai à passer en revue les tâches essentielles qui incombent à mon département, mais vos questions vont m’aider à préciser les points qui vous intéressent, spécialement sous ces différentes rubriques.

Le nouveau dispositif de coopération a été rendu effectif au cours de cette année. L’appareil administratif était prêt au 1er janvier. Les questions essentielles touchant aux statuts des personnels et à leur régime de rémunération avaient été réglées au préalable dans leur principe. Le comité interministériel –le CICID– s’est réuni et a fixé les contours de la solidarité prioritaire.

D’autre part, comme l’a indiqué Hubert Védrine, le budget des affaires étrangères pour l’an 2000 rompt avec une décroissance régulière : les crédits mis en œuvre par la DGCD progressent de 0,1 %, passant de 9 232 à 9 240 millions. Cela nous permettra d’assumer les priorités que nous nous sommes fixées, notamment en matière de coopération culturelle et de coopération au développement ; nous pourrons exercer une plus grande influence grâce à une meilleure présence diplomatique, médiatique et géographique.

L’une des premières tâches qui nous attend en 2000 est le renouvellement de la convention de Lomé : l’échéance est fixée à la fin de février et nous essayons de convaincre les pays africains de faire le nécessaire afin qu’un accord intervienne ; c’est la condition pour surmonter l’hostilité que suscite chez certains cette convention et pour arracher, dans le cadre des négociations avec l’OMC, la dérogation nécessaire au principe de libre-échange.

La mise en œuvre de l’initiative de Cologne sur la dette est aussi un dossier considérable. Nos partenaires sont ici la Banque mondiale et le FMI et nous nous félicitons que ces deux institutions entretiennent maintenant des relations plus étroites, ce qui permettra à la première de n’être plus seulement l’infirmière chargée de remédier aux conséquences des politiques d’ajustement imposées par le second. La France se réjouit de ce changement auquel elle a contribué.

Nous aurons, bien sûr, à continuer d’appuyer les processus de paix, notamment dans la région des Grands Lacs, et à répondre aux situations de crise, qu’elles résultent de catastrophes naturelles ou de guerres. Cependant, la spécialité de la coopération française est de fournir un appui institutionnel aux pays avec lesquels nous sommes en relation. Nous n’oublions pas pour autant la lutte contre la pauvreté et le soutien au développement, mais nous avons l’ambition d’identifier et de fidéliser les élites futures chez nos partenaires en les aidant à se doter de services de douanes, de police et de justice. Les crédits destinés à l’aide publique au développement seront cependant préservés.

Pour ce qui est de nos partenaires, nous devons tirer les conséquences de l’intensification des relations multilatérales. Bien entendu, l’Europe y tient une place importante et nos efforts visent à mieux coordonner l’activité de l’Union avec celle de nos postes. Ce travail est ardu et ne fait que commencer mais nous nous y consacrons avec détermination. Pour ce qui est de l’ONU, l’augmentation de notre contribution devrait nous aider à conforter le partenariat.

Nous attachons également une grande importance à la coopération «hors l’Etat», en particulier à la coopération décentralisée, dans laquelle nous essayons simplement de mettre un peu plus de cohérence, afin que les collectivités n’aident pas toujours les mêmes pays. Les ONG sont aussi des partenaires essentiels que nous voulons aider à se restructurer. Si elles sont nombreuses et efficaces dans le domaine médical et paramédical, elles souffrent d’un certain retard pour ce qui est de l’aide au développement et il convient par conséquent d’y remédier.

Dans le domaine culturel, à côté de l’Université culturelle, notre principal outil est l’audiovisuel extérieur : nous nous attacherons à développer TV 5, au service de la francophonie.

Comme vous, j’observe une montée en puissance de «l’International», dont témoigne la place que les médias lui accordent. Notre souci sera d’y répondre par notre action.

M. le Président de la Commission – Je vous remercie de votre concision, et j’appelle les rapporteurs à respecter de même strictement leur temps de parole : cette demande s’adresse tout spécialement à M. Tavernier qui, en tant que rapporteur spécial, a obtenu le privilège de parler un peu plus longtemps que les autres.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la Commission des finances - Je ferai de mon mieux pour vous être agréable, Monsieur le président.

Le budget des affaires étrangères n’est pas, à l’évidence, un budget prioritaire. Après intégration des crédits de la coopération, il se montera à 20 945 480 000 F, soit 1,25 % seulement du budget général. Il marque certes un arrêt dans la réduction drastique des moyens constatée depuis 1994, mais il faut rappeler qu’en 1993, sa part dans le budget de l’Etat était de 1,68 %, soit quelque 2 milliards de plus qu’aujourd’hui.

Il n’en reste pas moins que votre action, Monsieur le ministre, a permis d’arrêter une hémorragie préjudiciable aux intérêts de la France. Les rapporteurs des deux Assemblées ne vous ont pas ménagé leur appui pour que notre action extérieure dispose enfin de moyens plus conformes à ses ambitions. Le temps n’est plus où M. de Charette pouvait se réjouir de l’amputation de ses crédits !…

M. Pierre Lequiller – Caricature !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - …La diplomatie ne se nourrit pas de discours, elle a besoin d’argent et de fonctionnaires qualifiés pour tenir son rang.

La première difficulté tient à l’approche purement comptable qui est celle du ministère des finances et dont témoigne notamment le sort fait à notre réseau diplomatique et consulaire, pourtant le deuxième du monde. Nous avons en outre à tenir notre place au Conseil de sécurité et il serait bon que Bercy montre la même compréhension, s’agissant de notre contribution volontaire à l’ONU que lorsqu’il s’est agi d’accroître la dotation au FMI.

Pour juger du bien fondé des demandes budgétaires présentées par le ministre des affaires étrangères, j’ai entrepris une enquête approfondie auprès de nos services consulaires et j’ai pu constater qu’ils n’avaient pas les moyens de remplir correctement leur mission. J’en ai conclu que les demandes du Quai d’Orsay étaient justifiées et l’évolution des crédits pour 2000 montre que l’effort d’explication et de persuasion commence à porter ses fruits. Je me réjouis de leur stabilisation à 1,25 % des charges nettes, en espérant qu’elles préludent à un redressement d’autant plus nécessaire que le ministère a consenti un effort de rationalisation important : fusion des administrations de la coopération et des affaires étrangères, réorganisation de l’administration centrale, modernisation de la gestion… La vertu mérite d’être enfin récompensée.

Les crédits des affaires étrangères ne représentent qu’une part réduite de ceux qui sont consacrés à l’action extérieure de la France. Ceux-ci s’élèveront en 2000 à 54,44 milliards, soit une réduction de 2,03 % par rapport à 1999. Cette baisse demande des explications, pour le moins.

Je me suis également intéressé à la répartition des crédits de cette action extérieure entre les différents ministères. En 1992, le ministère de l’économie et des finances en gérait, hors comptes spéciaux, plus de 37 %, tandis que la part du Quai d’Orsay et de la rue Monsieur était d’à peine 27 %. Pour la première fois en 2000, ces parts passeront respectivement à environ 20 % et 38,47 %. Cette évolution est révélatrice de la place qu’occupe désormais le Quai dans notre politique extérieure. Cela étant, les crédits soumis par le Gouvernement au vote du Parlement ne sont pas exactement ceux qui seront mis en œuvre, notamment en raison des effets de change. Or ce projet de budget fixe le cours prévisionnel du dollar à 5,83 F, alors que la Direction de la prévision de Bercy l’arrête à 6,18 F : ce décalage aussi mérite explication et impliquera des ajustements le moment venu.

La principale nouveauté de ce projet réside dans la création d’emplois après la chute ininterrompue des effectifs constatés entre 1991 et 1998. Le ministère a alors perdu 892 agents, soit 8,6 % de ses effectifs. Certes, on n’enregistrera en 2000 que fort peu de créations nettes d’emplois, mais des mouvements internes permettront d’en dégager 92 et de renforcer notamment les services des visas. Je note cependant, Monsieur le ministre, que vous utilisez là un fusil qui ne tire qu’un coup : il conviendrait de prendre vos précautions pour que la progression ne s’arrête pas là.

Les crédits destinés aux moyens matériels de fonctionnement diminuent légèrement : de 1,95 %. Cette baisse témoigne de l’effort fait pour réaliser des économies par une rationalisation de la gestion. Les crédits d’investissement permettront de construire les ambassades de Berlin et de Pékin, de réhabiliter le Palais Farnèse et de rénover le consulat d’Annaba. L’augmentation des crédits de paiement servira à la réhabilitation ou à la construction des établissements d’enseignement. Par ailleurs, la contribution obligatoire à l’ONU diminue légèrement, les besoins des missions au Kosovo n’étant malheureusement pas pris en compte ; en revanche, pour la deuxième année consécutive, notre contribution volontaire sera sensiblement accrue, passant de 278 à 307 millions. Je m’en réjouis car l’effondrement de 67 % enregistré entre 1990 et 1998 était au détriment des intérêts de la France.

Je note avec plaisir que les crédits d’assistance aux Français en difficulté à l’étranger s’accroissent également pour la deuxième fois. Il en est de même pour ceux qui sont destinés à faciliter la vie de nos compatriotes expatriés, ainsi que des crédits de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger ainsi que des crédits de bourses.

Dans nos rapports de 1998 sur la politique de coopération au développement, j’avais demandé qu’un rapport soit soumis chaque année au Parlement et qu’un débat soit organisé. Le CICID qui s’est tenu le 28 janvier a ratifié cette demande. J’aimerais donc savoir quand nous recevrons ce rapport et quand nous pourrons tenir le débat prévu.

Ce projet de budget renverse la tendance au déclin mais cette stabilisation ne doit être qu’un prélude au redressement. Pour y contribuer, j’ai proposé que les droits de chancellerie soient désormais affectés au budget des affaires étrangères. Comme leur produit se montait en 1998 à 322 millions, si le Quai en recevait seulement 50 %, comme Bercy, avec la ristourne sur les missions économiques et financières, cela lui procurerait 161 millions bien utiles, d’autant que le fonds de concours va disparaître en juin 2000. La République est une et indivisible et ce qui est légitime sur la rive droite de la Seine devrait l’être aussi sur la rive gauche. La comptabilité publique ne saurait avoir des règles à géométrie variable.

M. le Président de la commission – Je ne doute pas que la commission des finances et vous-même saurez militer auprès du ministère de l’économie et des finances pour assurer le succès de cette proposition ingénieuse.

M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères Ne disposant que de cinq minutes, je résumerai mon rapport en style télégraphique.

Appréciation globale : bien, mais il faut continuer, comme M. Tavernier l’a démontré. La hausse des crédits est apparente plus que réelle, puisque le titre V progresse de 120 millions.

Crédits d’aide au développement : baisse tendancielle, mais c’est plutôt le signe d’un succès des plans d’ajustement.

Effectifs : arrêt de la déflation. C’est plutôt positif.

Contribution volontaire aux Nations Unies : en augmentation de 30 millions après une forte croissance en 1999.

Appréciation également positive en ce qui concerne la promotion de l’enseignement supérieur, les crédits de bourses et l’audiovisuel extérieur. En revanche, comme M. Tavernier, je regrette l’oubli du financement des actions d’urgence au Kosovo.

Autre point positif : l’effort pour remédier aux inégalités entre expatriés. De même, la fusion, appréciée par les syndicats.

La réforme pour donner plus d’autonomie aux postes est excellente, à condition que ceux-ci aient les moyens d’assurer une formation. En revanche, je suis préoccupé par l’évolution des crédits destinés à l’informatisation.

J’ai parlé moins de trois minutes afin de laisser le temps à nos collègues de s’exprimer (Applaudissements).

M. le Président de la Commission – Vous donnez un excellent exemple de concision !

M. Georges Hage, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les crédits des relations culturelles La direction générale de la coopération internationale et du développement –DGCID–, créée au 1er janvier, ne fait plus aucune référence à l’action culturelle. Cet oubli me paraît fâcheux, car nous devons saisir l’opportunité de la création de cette direction pour favoriser notre action culturelle internationale.

Les concours financiers en faveur de l’action culturelle extérieure de la France restent globalement stables. Je me félicite que la promotion de l’enseignement supérieur, la langue française et l’audiovisuel extérieur restent des priorités.

Je ne me livrerai pas à une défense-illustration de la langue française, parlée occasionnellement par 250 millions de personnes environ, mais dont l’originalité est d’être liée à des valeurs, une culture et des projets de société de portée universelle.

La promotion du français doit s’inscrire dans un plurilinguisme bien compris, qui inclut notre capacité à enseigner la langue des autres. Il faut aussi améliorer l’accueil des étudiants étrangers en France. Je vous renvoie, sur ce point, au remarquable rapport de M. Alain Claeys de la commission des finances.

D’autre part, je salue la création d’Edufrance, qui manifeste la volonté du Gouvernement de renforcer l’ouverture internationale des universités françaises et je souhaiterais qu’une attention particulière soit portée à la place du français sur le Net.

S’agissant des négociations internationales sur le maintien de l’exception culturelle, bien que les fondements juridiques de ce concept soient fragiles, j’approuve ceux qui plaident en faveur de la diversité culturelle, laquelle suppose un monde multipolaire, ce qu’on oublie trop souvent comme on oublie que la langue qui sera dominante est celle de l’impérialisme dominant. Je fais mienne l’opinion de Bourdieu selon laquelle la culture ne peut être traitée comme un produit commercial : la défense de la langue française doit prendre la forme d’une résistance culturelle, n’en déplaise au commissaire européen Leon Brittan, de fâcheuse mémoire.

Les mécanismes d’aide publique à la création sont indispensables pour préserver la diversité des sources de créativité européenne.

Nous nous félicitons que le plan d’entreprise présenté par le nouveau président de TV5 ait permis d’accroître l’audience de cette chaîne sur tous les continents, à l’exception toutefois de l’Amérique. Je veux croire que cet échec n’est que temporaire. Je me réjouis que le Gouvernement ait fait un geste particulier en faveur de TV5 dans ce budget que je vous demande de voter.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales  Marqué par la continuité, le budget de la DGCID qui s’élève à 9,2 milliards permettra de financer certaines mesures nouvelles correspondant aux priorités assignées à la direction générale réunifiée.

S’agissant de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger –AEFE– je me réjouis que 15 millions supplémentaires soient affectés aux bourses, tout en appelant à la vigilance sur la dérive inflationniste des frais de scolarité.

Les 35 millions affectés au programme Eiffel, qui s’ajoutent aux 50 millions déjà mobilisés l’an dernier, permettront de financer 850 bourses, l’objectif étant d’en financer 1 500 en 2002. Cette évolution illustre notre nouvelle politique d’accueil des étudiants étrangers, qui devrait nous permettre de rattraper notre retard sur les pays anglo-saxons.

En ce qui concerne l’audiovisuel extérieur, 25 millions de mesures nouvelles sont principalement affectées à TV5, dont je salue le remarquable travail effectué par son président, M. Jean Stock. J’espère que nos rencontres avec nos amis québécois permettront de débloquer rapidement le dossier TV5 Amérique. La France est le premier contributeur de cette chaîne, mais n’en assure pas le contrôle.

Je me réjouis également des 20 millions de dotation supplémentaires affectés à RFI, tout en souhaitant que le ministère de la culture fasse un effort significatif pour stabiliser cette radio en pleine phase de transition.

Je voudrais, maintenant, aborder trois points particuliers. Tout d’abord, M. Védrine a signalé les problèmes que pose la disparition progressive des coopérants du service national. Outre le futur projet de loi sur le volontariat civil, il conviendra d’approfondir la réflexion sur le rôle décisif des coopérants dans les postes diplomatiques et consulaires, en particulier pour la maintenance d’Internet. Ensuite, je signale l’excellent travail du nouveau directeur de l’association française d’action artistique, M. Poivre d’Arvor, qui en fait une véritable agence internationale d’ingénierie culturelle, intervenant dans des domaines nouveaux, tels que les arts appliqués, le design, la mode ou le tourisme culturel. Cette association a créé des événements culturels de grande qualité tels que «Le temps du Maroc» et j’espère que nous pourrons accueillir un jour prochain «Une saison algérienne en France». Enfin, pour ce qui est de la francophonie, à la lumière de mon séjour à Moncton, je forme le vœu que l’enjeu linguistique reste au cœur de la francophonie. La grande leçon à tirer du huitième sommet des pays ayant le français en partage est que la francophonie ne doit plus apparaître comme une forteresse assiégée par l’anglais. A cet égard, l’intitulé du prochain sommet qui aura lieu à Beyrouth, «Dialogues entre les cultures» est révélateur, de même que la création à Moncton d’un observatoire de la démocratie et des droits de l’homme. Tout ceci est très directement lié à la bataille qui se livrera prochainement à Seattle : Moncton a permis d’associer de nouveaux pays à la défense de la diversité culturelle.

En conclusion, outre les négociations de l’OMC, des négociations ont lieu au sein de l’Union européenne ainsi qu’entre celle-ci et les Etats-Unis. La France y joue un rôle moteur notamment sur le plan juridique grâce à son droit bien adapté aux enjeux d’Internet. Elle est très présente sur la thématique de la diversité culturelle.

M. le Président de la Commission – Nous abordons les crédits de la coopération.

M. Maurice Adevah-Pœuf, rapporteur spécial de la Commission des finances  Je ferai une observation préliminaire : alors que j’ai envoyé mon questionnaire budgétaire au début du mois de juillet, je n’ai pas encore obtenu à ce jour le tiers des réponses aux questions que je posais ! Si une telle situation devait se reproduire, mes protestations prendraient une autre forme car il s’agit des prérogatives du Parlement et de sa capacité à travailler efficacement.

M. Arnaud Montebourg – Très bien !

M. Maurice Adevah-Pœuf, rapporteur spécial – Cela dit, bien que les comparaisons soient difficiles, parce que nous ne raisonnons pas à structures constantes, le présent budget de l’aide publique au développement paraît convenable.

Toutefois, au titre III, je ne m’explique pas la baisse de près de 50 % des crédits de l’Office universitaire et culturel français pour l’Algérie. Au titre IV, le chapitre 41-43 relatif aux concours financiers n’appelle pas d’observation particulière. Sa baisse de 105 millions, soit près de 40 %, s’explique par l’amélioration de la situation économique de la zone franc, qui requiert de moindres crédits d’ajustement structurel. En revanche, je vous interroge une nouvelle fois sur le chapitre 42-12, en particulier sur la baisse de plus de 180 millions, soit 14,9 %, des crédits d’assistance technique. A quelle logique, autre que celle des économies budgétaires, la déflation continue des moyens financiers et des effectifs de l’assistance technique obéit-elle ? Que faites-vous pour faciliter la reconversion des personnels concernés ?

Au total, les crédits du titre VI préservent notre capacité d’intervention.

Dans la nouvelle nomenclature, apparaît un chapitre 68-93, qui comporte 1 milliard en autorisations de programme et 922 millions en crédits de paiement pour un opérateur unique : l’Agence française du développement. Siégeant à son conseil de surveillance, je me porte garant du sérieux de son travail. Mais cette présentation budgétaire pose le problème du contrôle a priori des engagements de crédits. Y a-t-il une justification technique à la création d’un tel chapitre ? Si ce n’était pas le cas, je défendrai devant la commission des finances un amendement de suppression, afin de réintégrer ces crédits dans le chapitre 68-91.

La réforme des instruments de notre politique de coopération a donné lieu à de nombreuses déclarations. Il faut certes du temps pour réorienter notre politique d’aide publique au développement, mais le temps passe et nous n’observons aucune évolution substantielle. Certains pays demeurent privilégiés et d’autres sont négligés. En outre, je sais que les paradis fiscaux ne bénéficient pas de l’aide bilatérale, mais ils profitent de l’aide multilatérale. Je souhaite que la France, qui représente 24 % des crédits du Fonds européen de développement, fasse en sorte que l’argent du contribuable ne serve pas à favoriser le développement d’économies fondées sur la fraude. Je souhaite en outre la ratification rapide de la convention de l’OCDE contre la corruption.

De nombreuses voix s’élèvent pour nous expliquer que la démocratie ne peut pas fonctionner de la même manière dans le tiers-monde que chez nous. Un personnage éminent vient d’ailleurs de l’écrire à propos d’un pays méditerranéen ami de la France… Cependant, la démocratie n’est pas une mode, mais une condition du développement, parce qu’elle garantit la représentation des minorités, la dénonciation des abus ainsi que la libre circulation des biens, des personnes et des idées.

Nous connaissons votre rôle dans la renégociation des Accords de Lomé et nous vous demandons de vous montrer ferme auprès de nos amis ACP.

Nous ne pouvons accepter que Djibouti et le Congo bénéficient d’une aide bilatérale par habitant de, respectivement, 449 F et 472 F en 1997, alors que le Bénin et le Mali ne reçoivent que 26 et 37 F par habitant. Les premiers disposent pourtant de ressources importantes, tandis que les seconds, qui n’ont rien, font des efforts de démocratisation que personne ne conteste.

M. le Président de la Commission – Les deux rapporteurs de la commission des finances, on le voit, soutiennent la cause des deux ministères qui nous intéressent aujourd’hui.

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères, sur le budget de la coopération – Préparé par une administration unique, le budget de la coopération nous permet de tirer les premières leçons de la fusion de l’ancien ministère délégué à la coopération et du ministère des affaires étrangères. A cet égard, je vous renvoie à mon rapport écrit.

Les crédits de la direction générale de la coopération internationale et du développement augmenteront de 0,85 %, ce qui est comparable à l’évolution totale des crédits des affaires étrangères, qui sera de 0,82 %. Les moyens de l’aide au développement sont donc globalement préservés.

Il a été mis fin à la dégradation du budget des affaires étrangères. J’espère que l’année prochaine, celui-ci augmentera, compte tenu de la diversification des tâches.

J’approuve l’augmentation significative des aides à l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger. Je note aussi un effort en faveur des bourses scolaires, des bourses d’excellence et des bourses d’enseignement supérieur. J’espère que ce mouvement s’amplifiera l’année prochaine, afin d’enrayer la diminution du nombre des étudiants étrangers, notamment africains, en France.

Malgré une légère baisse de 300 000 F, les crédits de la coopération décentralisée s’élèvent à 1 milliard. Comme l’année dernière, je souhaite que les collectivités locales puissent coordonner leur action car certains pays recueillent de nombreuses aides et d’autres quasiment rien. La mise à disposition d’une base de données pourra aider ces collectivités à mieux répartir les financements.

Je me réjouis de voir qu’augmente la subvention aux opérateurs de l’action audiovisuelle, dont l’importance n’est plus à démontrer.

En matière de coopération militaire, les crédits baissent en apparence à cause d’un certain nombre de transferts, mais en réalité ils sont stables en francs constants. Seuls diminuent les crédits des forces françaises prépositionnées, mais ce mouvement est compensé par un effort spécial d’équipement et de formation en direction des armées africaines, de façon que celles-ci puissent conduire les opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU ou de l’OUA. C’est le sens du programme RECAMPE.

S’agissant des crédits de l’assistance technique, j’ai déjà regretté l’année dernière qu’ils servent de variable d’ajustement. Je n’ai rien à ajouter aux propos de mon collègue Adevah-Pœuf.

Sur le sujet délicat des droits de l’Homme, comment concilier persuasion et coopération ? On ne doit, en tout cas, jamais renoncer à protéger ces droits. C’est pourquoi il est bien que la France, en 1999, ait suspendu toute activité avec les Comores, la Guinée-Bissau, le Niger et le Togo.

Composante essentielle de notre politique étrangère, l’aide au développement doit se faire plus efficace et plus transparente, d’autant que la politique de coopération est de plus en plus soumise à la critique. Je me réjouis que le Gouvernement ait accepté d’organiser un débat parlementaire annuel sur ce sujet. J’espère que la date sera fixée rapidement.

Ce budget va dans le bon sens et je vous invite à l’adopter.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis de la Commission de la défense Une fois de plus, les crédits du chapitre 42-31 vont permettre à la France d’être le premier membre permanent du Conseil de sécurité à régler sa cotisation à l’ONU. Il s’agit de conforter celle-ci au moment où la première puissance de la planète accumule les retards de manière délibérée, afin de pouvoir faire pression sur l’organisation.

Notre politique vise aussi à conforter l’action de l’OTAN au Kosovo, dans les limites des résolutions 1199 et 1203, et à permettre à l’ONU de reprendre l’initiative, par la résolution 1244. Dans la même logique, des initiatives ont été prises pour améliorer la capacité d’action du département des opérations de la paix. Celle de la MINURCA en Centrafrique se solde par un bilan très positif.

La France est aussi présente dans neuf opérations placées sous l’autorité du DOMP, dont la FINUL qui dure depuis 1978, et dans nombre d’opérations déléguées par le Conseil de sécurité. En tout, plus de 11 000 militaires français y participent, dont 3 500 au sein de la SFOR en Bosnie-Herzégovine et 6 500 dans la KFOR au Kosovo.

Il faut approuver sans réserve la politique suivie sans réserve au sein de l’OTAN, qui se fait dans le respect de notre doctrine politique internationale.

A l’initiative de la France, le nouveau concept stratégique fait référence à la charte des Nations Unies. S’agissant des frappes au Kosovo, chaque changement de phase n’a été décidé que par le Conseil Atlantique. La France a conservé le contrôle politique des forces qu’elle avait engagées, notre commandement étant demeuré en contact permanent avec le chef d’état-major des armées, lui-même en référant aux autorités politiques, conformément à un dispositif mis au point en Bosnie. Dans ce contexte, la participation de la France aux GFIM, les états-majors projetables, ne fait que traduire une meilleure connaissance par nos forces des procédures de l’OTAN, ce dont il faut se féliciter.

De même, la croissance régulière de notre participation au budget de l’OTAN, qui atteindra 660 millions en 2000 contre 422 en 1997, ne fait que traduire cette évolution et ne signifie nullement que nos forces sont passées sous le contrôle d’une autorité extérieure.

La politique menée dans le cadre de la PESC doit être approuvée, tout particulièrement la possibilité d’intervenir militairement sous le timbre européen. La procédure de l’abstention constructive, qui permet à un pays de ne pas faire participer ses forces tout en laissant l’opération se dérouler, est tout à fait adaptée à ce type d’action, et l’on sait que la France avait longuement tenté de l’introduire dans les mécanismes de décision de l’UEO. L’intégration annoncée de celle-ci dans la structure de l’Union européenne, l’adoption des premières stratégies communes, la progression à cet effet des crédits d’engagement consacrés à la PESC sont des éléments positifs.

Je veux aussi saluer le soutien de la France à l’OSCE, dont le budget a été multiplié par 8 en cinq ans. Aux cinq sixièmes, il finance les opérations mises en place en Bosnie, en Albanie et au Kosovo.

La réforme de la coopération militaire est profonde. La nouvelle direction de la coopération militaire travaille désormais en liaison avec les états-majors. Les missions ont été reformulées et déclinées par zones géographiques. Pour la deuxième année consécutive, j’observe qu’a été respectée la règle fixée par le Conseil de défense en 1998 et selon laquelle 3 % au moins des crédits doivent être redéployés chaque année au profit de l’ex-zone «hors champ».

Les crédits consacrés à ces pays passent de 86,1 millions de francs en 1998 à 132,3 millions de francs en 2000. Ils représentent désormais 21 % des crédits réservés aux pays du champ contre 17 % en 1999 et 12 % en 1998.

Je voudrais souligner l’efficacité du projet RECAMP et le travail très positif effectué dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique, véritables écoles militaires françaises décentralisées. Au total, la France a 427 coopérants militaires en Afrique.

La politique française de défense est donc, désormais, cohérente. La commission de la défense l’approuve et a donné un avis favorable à ce budget.

M. le Président de la Commission – Nous allons maintenant entendre les porte-parole de chaque groupe, à raison de cinq minutes chacun. Les ministres leur répondront et, ensuite, les députés pourront intervenir.

M. Jean-Bernard Raimond - Le budget du ministère des Affaires étrangères est globalement stable. On ne peut pas parler d’une réelle augmentation mais plutôt d’une pause après le déclin inadmissible des dernières années. La baisse des effectifs est stoppée grâce à la fusion avec le ministère de la coopération. Mais je crains que l’année prochaine de nouvelles difficultés ne se révèlent.

Personnellement j’ai toujours été un partisan résolu de la fusion, mais la création d’un fonds prioritaire pour 61 pays et la répartition des crédits avec l’Agence française de développement laissent craindre que les ex-pays du champ ne souffrent de la réforme. Il faudra faire l’an prochain le bilan de ce rééquilibrage.

Quelques mots sur la situation internationale et notamment sur le conflit du Kosovo. Ce n’est pas un hasard si l’intervention au Kosovo et les progrès dans le concept de défense européenne ont eu lieu simultanément. En ce qui concerne le Kosovo, Milosevic est le dernier avatar du communisme en Europe : pour conserver son pouvoir il s’est lancé dans une guerre nationaliste et dans une purification ethnique, mais il est en fait isolé et faible. Tous les problèmes des Balkans seront résolus quand Belgrade aura cessé d’être communiste, ce qui signifie le départ de Milosevic. Pensez-vous que la meilleure méthode pour provoquer ce départ est d’exclure la Serbie de l’aide promise aux Balkans par le pacte de stabilité ? Je sais que vous avez essayé d’apporter des correctifs à cette politique de sanctions, qui pèse surtout sur le peuple serbe.

Point positif, la Kfor a profité de l’expérience passée, notamment en Bosnie : son commandement est unifié et ne dépend pas du secrétaire des Nations Unies. D’autre part la France a contribué à rendre aux Nations Unies le rôle qui leur revient sur le plan juridique : la situation actuelle s’appuie sur une résolution de Conseil de sécurité. Toutefois deux questions restent ouvertes. Faut-il modifier la composition du Conseil de sécurité pour éviter que les décisions concernant des pays extra-européens ne soient pas contestées par la communauté internationale ? Que faire en cas de blocage du Conseil de sécurité, comme il s’en est produit sur le Kosovo ?

En ce qui concerne la défense européenne, jamais les conceptions n’ont été aussi réalistes. Le sommet de Saint-Malo, en décembre 1998, s’est voulu beaucoup plus concret et on assiste à un changement radical de ton sur cette question. Le conseil européen de Cologne du 3 juin a repris les mêmes formules. Le 29 mai, en pleine crise de Kosovo, le sommet franco-allemand de Toulouse a proposé la création d’un corps européen de réaction rapide.

La conjonction de la crise du Kosovo et d’ambitions nouvelles en matière de défense européenne met en lumière la nécessité pour l’Europe de se doter de moyens militaires crédibles par rapport au partenaire américain, ce qui est loin d’être le cas actuellement. En revanche, il faut se féliciter de l’unité parfaite manifestée par les Européens membres de l’Alliance atlantique pendant cette crise, ce qui leur a permis de jouer un rôle décisif, par exemple dans le choix des cibles. De leur côté, les pays de l’Europe centrale et orientale ont eu un comportement remarquable. Tout cela devrait amener les États-Unis à mieux prendre en considération la force que représente l’Europe.

Au cours du deuxième semestre 2000, la France assurera la présidence de l’Union et aura donc un rôle déterminant à jouer pour faire avancer la défense européenne et la réforme des institutions.

Pour conclure, le groupe RPR, préoccupé par les conséquences peu lisibles de la fusion des ministères et par la stagnation du budget, en dépit de vos efforts appréciables, Monsieur le ministre, votera contre l’adoption de ces crédits.

M. le Président de la Commission - Si je comprends bien, c’est un vote négatif constructif. (Sourires)

M. François Loncle – Ce budget marque-t-il un mieux par rapport aux précédents ? Oui, car l’érosion des crédits et des effectifs est stoppée, ce qui permettra de poursuivre la modernisation du ministère, et il reflète les priorités de notre politique étrangère. Non, car l’effort de redressement est insuffisant et doit être accentué. Notre groupe a d’ailleurs travaillé avec vous, Monsieur le ministre, pour inverser la courbe et nous nous félicitons des moyens nouveaux prévus pour l’audiovisuel et la coopération dans l’enseignement supérieur, du renforcement de l’effort de solidarité pour les Français de l’étranger, de l’augmentation des contributions volontaires aux organisations internationales et du maintien de l’aide au développement. Le déploiement recherché en matière de coopération commence à produire ses effets dans un certain nombre de nouveaux pays. On peut toutefois regretter que cette redistribution se fasse aux dépens de l’Afrique francophone. La réforme de la coopération devrait également permettre une meilleure lisibilité de la politique en ce domaine et une mobilisation des acteurs locaux.

Vous avez défini les objectifs de la politique extérieure de la France : nous les partageons. Nous célébrons actuellement le dixième anniversaire de la chute du mur de Berlin, qui est un des événements majeurs du siècle. Dans un monde dominé par la superpuissance américaine, les derniers mois ont été marqués par l’intervention au Kosovo, la reprise des pourparlers de paix israélo-palestiniens, les événements du Timor et de la Tchétchénie, la poursuite de la construction européenne.

Un mot sur les Balkans. Nous approuvons vos efforts pour que les sanctions infligées à la Serbie pèsent moins sur le peuple serbe. Je m’étonne d’ailleurs du silence des médias et des intellectuels sur les événements inquiétants qui se déroulent actuellement au Kosovo : je lisais hier dans un article signé par quelques universitaires que les Serbes et les Roms restés sur place sont victimes d’exactions allant jusqu’au meurtre et que la Kfor est contrainte de protéger les monastères orthodoxes de la destruction. Nous saluons les efforts entrepris par nos militaires, par Bernard Kouchner et par la diplomatie pour éviter que ne se reproduisent les mêmes événements en sens inverse.

Le deuxième semestre de l’année 2000 sera marqué par la présidence française de l’Union européenne. Nous souhaitons que cette opportunité soit utilisée pour faire progresser l’Europe des citoyens, l’Europe des libertés, l’Europe de la sécurité, l’Europe de la politique étrangère commune et que l'ouverture à l'Est ne freine pas la vocation méditerranéenne de l’Union.

Parce que vos moyens sont confortés et que nous approuvons votre conduite de la politique extérieure de la France, le groupe socialiste votera ce budget.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Monsieur le ministre, j’ai écouté votre présentation avec beaucoup d’intérêt et je voudrais vous poser quelques questions.

Je me réjouis que les 85 millions économisés sur les postes de coopérants servent à soutenir des projets locaux, dans la même ligne que votre prédécesseur Alain Juppé. Mais sur les 92 postes créés dans votre ministère, seuls 20 seront à l’étranger : comment vont faire nos ambassades pour remplacer les coopérants ?

Je vous remercie d’avoir créé l’an dernier de nouveaux postes pour la Mission d’adoption internationale : les demandes d’information qui lui sont adressées sont passées de 79 000 à 95 000 en un an. Mais compte tenu de la réduction du budget des services consulaires, comment la surveillance des visas demandés pour les enfants adoptables pourra-t-elle être exercée ? Et pourquoi avoir réduit de 300 000 francs le budget social de la mission ? Enfin, où en est la signature de l’accord Vietnam-France sur l’adoption ?

Sur l’article 4, pourquoi la bonification d’intérêt des prêts d’ajustement structurel est-elle réduite de moitié, alors que le PNB de l’Afrique ne cesse de diminuer ? Pour les dons en faveur de l’ajustement structurel, la France s’aligne-t-elle sur la politique du FMI ?

Comment va être répartie l’augmentation de 25 millions des crédits de TV5 ?

Pourquoi la contribution obligatoire de la France à l’ONU reste-t-elle de 30 millions, alors que sa participation volontaire augmente de 30 millions ? S’agit-il d’un simple jeu d’écritures ?

Enfin, si je me réjouis des concours attribués à Strasbourg en tant que capitale européenne, est-il normal que l’État continue à financer la desserte aérienne de cette ville, alors que beaucoup d’autres ne bénéficient pas d’une telle manne ?

La position du groupe UDF sera celle d'une abstention favorable.

Mme Marie-Hélène Aubert – Je voudrais à mon tour souligner la faiblesse de ce budget. Avoir mis fin à la baisse ne doit pas porter au triomphe, si l’on considère l’importance des enjeux de la mondialisation et des problèmes auxquels il faut faire face. Si l’on veut s’y attaquer résolument, la faiblesse de ce budget paraît paradoxale.

Je vous poserai trois questions qui portent autant sur les finances ou les aspects sociaux que sur les affaires étrangères proprement dites, tant aujourd’hui il n’est plus de politique cloisonnée.

D’abord, nous sommes nombreux à demander un bilan de l’impact de la libéralisation des échanges et des accords de Marrakech sur tous les plans –économie, société, environnement– et chez nos voisins ou dans les pays du Sud comme en France. Il semble en effet qu’on se lance dans un nouveau cycle de négociations sans avoir dressé un bilan clair. Nous avons obtenu d’en débattre au Parlement et nous recevons plus d’informations des ministères, mais nous sommes encore loin du compte. Je souhaite donc savoir quel est le mandat de la France, dans le cadre de l’Union européenne, dans la perspective des négociations de l’OMC ? Chacun proclame son attachement aux normes sociales et environnementales. En pratique, on a peine à voir ce qui va dans ce sens. En particulier comment, avec des effectifs si peu nombreux, faire un bilan satisfaisant, des propositions et mener à terme des négociations aussi complexes ? Comment aussi faire progresser le droit international dans les domaines du commerce et de la lutte contre la corruption et faire respecter les conventions internationales qui ont été signées ?

Ma seconde question porte sur l’environnement et le développement durable. La cinquième conférence sur l’effet de serre se tient actuellement à Bonn. Des conventions importantes ont déjà été signées sur l’effet de serre, la désertification, les forêts ou les océans. Nous sommes nombreux à déplorer l’extrême lenteur –plusieurs années parfois– avec laquelle elles sont présentées pour ratification. On nous les soumet quelquefois un ou deux mois seulement avant l’échéance ! Cela jette le discrédit sur nos intentions face à des problèmes aussi urgents. Et j’y insiste de nouveau, pour que ces conventions aient une traduction concrète, il faut du personnel, comme il en faut pour répondre aux questions des parlementaires. Je regrette donc la faiblesse des effectifs face à l’importance des enjeux. Il y a là une véritable question politique car la gestion de l’eau et des ressources naturelles fait partie intégrante de la lutte contre la pauvreté et de l’aide au développement.

En troisième lieu, il faut repenser l’aide publique au développement. Elle n’a pas diminué en volume, mais reste largement insuffisante. Rationaliser, lutter contre les doubles emplois, l’absence de transparence, c’est bien. Il ne faut pas considérer pour autant que les crédits ne doivent pas augmenter. En réalité, rationalisation et augmentation de l’aide doivent aller de pair tant les chantiers sont immenses. Or, nous sommes très loin de l’objectif de 0,7 % du PIB avancé par l’ensemble des partenaires de la majorité, pour ne pas parler du 1 % qui serait souhaitable.

Trop d’acteurs répartis dans différents ministères s’ignorent. Il n’existe pas de base de données permettant d’avoir une vision claire de l’utilisation de ces crédits dans l’ensemble des pays concernés. Certaines situations sont scandaleuses. Des pays dotés de richesses pétrolières ou minières reçoivent des aides injustifiées sans qu’en contrepartie les droits de l’homme soient respectés ou que l’état de droit progresse. Or les objectifs essentiels de l’aide publique au développement doivent être de favoriser la mise en place d’un état de droit et le développement durable. Il faudrait poser ces conditions de façon plus exigeante. En outre, une aide publique au développement bien pensée serait un outil de prévention des conflits, de même que le recours au volontariat civil, et permettrait d’éviter certaines interventions militaires.

Enfin, il faut mieux associer les parlementaires, la société civile et les ONG à la mise en œuvre des politiques définies. M. Josselin a manifesté ce souci en ce qui concerne les ONG. Il reste vraiment beaucoup à faire et elles s’étonnent de l’accueil méfiant, voire glacial, qu’elles reçoivent dans certaines administrations.

Le groupe RCV déterminera son vote sur ce budget en fonction du débat et des réponses qui lui seront apportées.

M. Pierre Lequiller - Dans un contexte nouveau où la globalisation s’accélère et où la France assumera en 2000 la présidence de l’Union européenne, on a insisté à juste titre sur l’importance des missions du ministère des affaires étrangères pour assurer la sécurité et l’influence de la France et éviter que notre monde ne soit unipolaire.

Votre budget passe de 20,812 milliards à 20,945 milliards, soit une hausse de 0,64 % qu’il faut relativiser puisque l’on n’a pas tenu compte d’une inflation de 0,9 %. Il n’y a donc pas inversion, mais stabilisation de la baisse. D’autre part, de quelles marges de manœuvre disposez-vous pour corriger la sous-estimation de 24 % du taux de change avec le dollar ?

S’agissant de l’aide au développement, les subventions d’investissement restent identiques. La contribution à l’action humanitaire augmente, cette hausse étant de 10 % pour le fonds d’urgence. Votre ministère contribuera pour 300 millions au plan d’action humanitaire au Kosovo. Au détriment de quelles autres actions opère-t-on ce redéploiement ? Les concours financiers aux budgets des Etats les plus démunis sont passés de 590 millions en 1998 à 265 millions en 1999 et 160 millions en l’an 2000. A quelles actions servent les crédits ainsi dégagés ?

Les crédits destinés aux actions en faveur des Français de l’étranger augmentent légèrement, de 0,68 %. Nous aurions souhaité une hausse plus importante, notamment pour le fonds d’action sociale. D’autre part, même si cela ne relève pas strictement de votre ministère, j’appelle votre attention sur l’avenir de la caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger. Actuellement elle est excédentaire. Un projet de réforme risque de la mettre en déficit. Un rapport de l’IGAS est défavorable à ce projet. Je vous demande d’en faire valoir les conclusions auprès de Mme Aubry.

Je me réjouis du développement de l’audiovisuel extérieur et de TV 5 ainsi que de son expansion en Amérique, j’espère. Mais je m’inquiète devant la situation du réseau d’enseignement français à l’étranger qui est pourtant fondamental pour la francophonie et pour cette offensive culturelle que vous appelez de vos vœux. Les établissements conventionnés ou en gestion directe ont de plus en plus de mal à remplir leur mission. Alors que les effectifs augmentent, les moyens de l’Agence diminuent en postes et en crédits. Le taux d’encadrement en personnel titulaire baisse et les frais de scolarité augmentent. Cette augmentation affecte les familles étrangères qui ne perçoivent pas de bourse ainsi que les familles françaises les plus modestes, le nombre de bourses ayant diminué. Pour que notre réseau d’enseignement joue pleinement son rôle, il doit aussi accueillir de plus en plus d’élèves étrangers. Or leur nombre diminue depuis trois ans tandis que celui des élèves français augmente. Que comptez-vous faire pour enrayer ce phénomène ? Enfin, dans le rapport sur l’enseignement à l’étranger que j’ai rédigé, j’indiquais la nécessité de redéployer les établissements, notamment vers l’Amérique du Nord et l’Asie. Quelles sont vos intentions dans ce domaine pour l’an 2000 ?

La coopération militaire et de défense comporte un volet d’aide en matériel. Ses crédits ne cessent de diminuer et passent de 789 millions à 754 millions dans ce budget. De même, le nombre de coopérants et d’assistants militaires techniques sera de 660 en 2000 contre 808 il y a deux ans. Il y a là un effet de la professionnalisation des armées qui était prévisible, mais rien n’a été fait. Comment pallier la disparition de ces postes ?

Enfin, je m’inquiète de la diminution de l’assistance technique de coopération et notamment de celle de l’aide au développement pour les pays du champ, en particulier les pays francophones. J’insiste à mon tour pour que l’aide soit assortie de conditions plus fortes en ce qui concerne la démocratie.

Etant donné la faiblesse de ce budget face aux missions à accomplir dans un environnement nouveau, le groupe DL votera contre.

M. Jean-Claude Lefort - Après la fusion des administrations des Affaires étrangères et de la Coopération, ce budget enraye enfin la compression des dépenses et la réduction des effectifs. Cela étant, il subsiste à nos yeux un décalage important entre ce qu’exigerait la nouvelle donne mondiale et les moyens affectés à notre politique étrangère. Le redressement engagé ne doit donc être qu’une première étape et nous serons vigilants à l’avenir.

La marginalisation, voire la tétanisation de l’ONU à l’occasion de la guerre du Kosovo, l’importance donnée à l’OMC et ses liens avec les institutions onusiennes montrent bien à quel point le système mondial évolue. En même temps, le rapport du PNUD souligne l’aggravation des inégalités dans le monde. Dans un tel contexte, c’est le concept même de sécurité qui se modifie pour inclure une dimension sociale, économique et les préoccupations de démocratie et d’environnement.

Cette situation détermine une demande accrue de démocratie qu’il convient de prendre en compte. Or je constate que le sommet d’Istanbul de l’OSCE se prépare actuellement dans l’opacité, ce qui ne peut qu’affaiblir le rôle pourtant majeur de cette organisation. M. Tavernier a également rappelé le projet d’organiser un débat parlementaire annuel sur la politique de coopération, à partir d’un document recensant clairement les interventions par institution, par pays et par secteur d’activité. Or, ce projet ne se concrétise toujours pas, mais on pourrait faire la même observation s’agissant des perspectives de l’Union et de la situation au Kosovo.

Il est positif que le ministère de la coopération ait défini des zones de solidarité prioritaire, élargi les compétences de l’Agence française de développement et installé le Haut conseil de la coopération internationale. Reste à lever les incertitudes entourant le contrôle parlementaire du fonds de solidarité.

On ne peut parler de l’aide au développement sans évoquer les menaces que les décisions de l’OMC font peser sur la politique commerciale préférentielle que mène l’Union à l’égard des pays de la convention de Lomé. La France doit impérativement œuvrer au maintien de ce soutien spécifique à 71 Etats qui sont pour elle autant d’alliés importants. Il y va de la construction d’un monde réellement multipolaire.

Pour marquer son encouragement vigilant aux efforts en cours, le groupe communiste votera ce budget.

M. le Président de la Commission – Les ministres vont maintenant répondre aux rapporteurs, avant que nous en venions aux questions individuelles. En accord avec tous deux, et comme il a été beaucoup question de la réforme du ministère de la coopération et de l’aide au développement, je donnerai d’abord la parole à M. Josselin.

M. le Ministre délégué – Je vous remercie de vos questions nombreuses, qui sont le signe de l’intérêt que vous portez à la coopération, et je m’efforcerai d’y répondre de façon complète et précise.

Pour ce qui est du débat parlementaire, puis-je vous proposer un calendrier ? Le Haut conseil, que doit présider votre collègue Jean-Louis Bianco, sera installé le 26 novembre. Il pourra alors se consacrer à l’élaboration d’un rapport qui sera à la fois un bilan et un document d’orientation. Le prochain CICID devrait quant à lui se réunir vers le mois d’avril : si l’on veut que vos suggestions servent son travail, votre débat pourrait se tenir en mars, ce qui laisserait trois mois pour l’élaboration du rapport. En outre, vous interviendriez au moment où l’on définira les orientations budgétaires pour 2001 : inutile d’insister sur l’intérêt de cette coïncidence.

M. Védrine et moi-même sommes, bien entendu, favorables à ce que le Parlement exerce son contrôle dans sa plénitude. Cependant, je ne puis que regretter l’amendement que se propose de déposer cet après-midi M. Adevah-Poeuf, amendement qui vise à supprimer le chapitre 68-93 : il est d’autres moyens de marquer votre volonté de préserver votre contrôle que de supprimer des crédits. S’agissant de la réforme du fonds de solidarité prioritaire et de l’Agence de développement, je suis prêt à me réunir avec vous pour examiner les moyens propres à préserver vos prérogatives.

M. Maurice Adevah-Poeuf – Ma proposition de supprimer le 68-93 ne vise pas à priver le ministère des affaires étrangères d’un milliard de crédits mais, l’article 40 ne s’appliquant pas à l’Assemblée avec les nuances dont bénéficie le Sénat, je n’avais pas d’autre moyen à ma disposition. Vous avez cependant tout loisir de déposer vous-même un amendement pour réintroduire ces crédits au chapitre 68-91.

M. le Président de la Commission – Dans un système cadenassé, les moyens de forcer le dialogue sont en effet peu nombreux. Il conviendrait certainement de déverrouiller et je suis sûr qu’un démocrate comme vous le comprend, Monsieur le ministre délégué.

M. le Ministre délégué – La commission des finances est souveraine et le vieux parlementaire que je suis ne peut que comprendre votre point de vue.

MM. Tavernier, Bianco et Lequiller ont soulevé la question du financement de l’aide d’urgence destinée au Kosovo. Nous avons consacré 300 millions à l’aide humanitaire et à la reconstruction en mettant à contribution les crédits de la coopération technique et culturelle et le FAC notamment. Cependant, M. Kouchner, que j’ai rencontré hier à Strasbourg, m’a confié que, si les ministres des finances étaient favorables aux programmes présentés sur projet, ils comprenaient moins bien la nécessité où il se trouvait de payer les fonctionnaires indispensables pour faire fonctionner écoles et hôpitaux.

De notre côté, nous étions comme tous les autres ministères confrontés à une demande de régulation budgétaire. Notre seul choix était entre financer cette aide au Kosovo ou être victimes de cette régulation. Finalement l’opération s’est révélée intéressante pour nous puisqu’elle nous a permis de garder la maîtrise de cette assistance. Pour 2000, l’évaluation des besoins de reconstruction est en cours et les bailleurs bilatéraux et multilatéraux seront sollicités. Pour l’instant, la position de la France serait plutôt d’exercer une pression sur l’Union européenne pour qu’elle prenne sur les moyens mis à sa disposition. Restera bien sûr à financer le fonctionnement des administrations : nous avons renforcé nos équipes en leur adjoignant des spécialistes, car il nous faut, avant tout, bien utiliser les crédits disponibles.

L’Afrique a-t-elle été sacrifiée dans la réforme ? Certains ont cru comprendre que le Quai d’Orsay avait saisi l’occasion qu’il attendait depuis longtemps de mettre la main sur les crédits de la coopération. Certes, les redéploiements vont permettre une présence accrue de la France en Amérique du sud et en Asie, mais la diminution des crédits destinés à l’Afrique, notamment à l’Afrique francophone, s’explique pour une bonne part par l’amélioration de la situation financière dans plusieurs pays de ce continent –puisque le taux de croissance est, pour plusieurs, quoi qu'on dise, supérieur à 5 %- ainsi que par les situations de crise qui ont interdit de consommer les crédits prévus pour le Congo, le Togo, le Niger ou la Guinée-Bissau. Pour ce qui est de la coopération technique, la déflation des effectifs était commencée depuis longtemps puisque le nombre des coopérants était tombé de près de 30 000 à 2 000. Il convenait de fait d’abandonner ce qu’on pourrait appeler la coopération de substitution, car il apparaît à tous égards préférable de former dans chacun des pays concernés des gens qualifiés. Comme le montre un rapport en cours de rédaction, nous avons davantage besoin d’experts que de coopérants. La coopération change donc de nature et nous pouvons par conséquent continuer à organiser sans trop de difficulté une réduction maîtrisée des effectifs de coopérants techniques.

Edufrance, Monsieur Hage, rencontre déjà un très grand succès comme le prouve l’afflux d’étudiants. L’accueil des étudiants étrangers en France a naturellement fait l’objet de discussions très serrées avec le ministère de l’Education nationale. Dans ce cadre, la question de la gratuité a été posée. Autant il est clair que cette gratuité doit s’appliquer à l’accès à nos universités, autant on peut en débattre s’agissant des services annexes : logement, activités culturelles et sportives, insertion sociale. Nous nous sommes demandé s’il ne serait pas envisageable de mettre au point une prestation globale, qui pourrait être payante. L’exemple de ce qui se fait à l’étranger prouve que la gratuité n’est pas toujours attractive et nous devons réfléchir à des modes d’accueil nouveaux.

Le montant des bourses a, par ailleurs, été accru dans des proportions notables. Quant aux bourses d’excellence évoquées par Mme Isaac-Sibille, une centaine sont gérées par l’AEFE et 850 par la Bourse Eiffel, qui disposera de 85 millions l’an prochain. Les premières sont destinées aux étudiants les plus brillants, les secondes aux étudiants des deux premiers cycles se destinant à des carrières d’ingénieur ou d’administrateur.

La résistance culturelle à laquelle incite M. Hage s’exprime notamment par la francophonie. Je n’y reviendrai pas, sauf pour rappeler qu’à Hanoï, il a été décidé d’accorder une forte priorité à la réalisation d’autoroutes de l’information en français, en coopération avec nos partenaires du Sud. Nous nous efforçons aussi d’encourager la pratique de notre langue dans toutes les enceintes internationales et de former au français les jeunes diplomates des pays du Sud. Notre souhait est que, partout où le français est reconnu comme une langue de travail, nos compatriotes usent de cette faculté. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas et cela incite les francophones des autres pays à s’exprimer à leur tour en anglais. En revanche, j’ai pu constater hier à Strasbourg que les ministres russe, ukrainien, bulgare et grec étaient disposés à recourir à notre langue, une fois que je me fus moi-même exprimé en français.

M. Bloche a souligné l’effort accompli en faveur des bourses et de TV5. Sur ce dernier point, les discussions se poursuivent entrent les «Canado-Québécois» et les Français pour améliorer la qualité du signal qui concerne à la fois l’Amérique du Nord et l’Amérique latine. La conférence ministérielle qui devait avoir lieu sur ce sujet a été reportée, mais un nouveau patron a été nommé à la tête du consortium Canada-Québec. D’autre part, comme vous, Monsieur Bloche, nous sommes très attentifs à l’augmentation des moyens de RFI et à sa restructuration.

Pour employer une métaphore marine, Monsieur Adevah-Poeuf, je dirai qu’une partie de votre questionnaire a été victime d’un coup de vent. En effet, le taux de réponse à vos questions n’a été que de 55 % au lieu de plus de 85 % à 98 % pour les autres rapporteurs. Soyez sûr que des têtes vont tomber ! (Sourires)

En ce qui concerne l’office universitaire franco-algérien, les crédits inscrits à ce budget ne sont que résiduels, puisque cet organisme n’a plus aucune activité en Algérie. Ces crédits sont uniquement consacrés à l’entretien des bâtiments dont l’office est propriétaire. Bien entendu, si la coopération avec l’Algérie redémarrait, nous redonnerions à cet office les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions.

D’autre part, vous avez observé une baisse des crédits du chapitre 42-12 au bénéfice du 42-11. C’est le résultat d’un arbitrage qui a été rendu en faveur de la coopération culturelle et au détriment de la coopération technique. Le partage qui avait été effectué par approximation à l’été 1998 a été revu au cours de l’année 1999, une fois connu l’organigramme définitif. En ce qui concerne les crédits de l’Agence Française de Développement, c’est après le sommet de La Baule qu’ont été identifiés dans des chapitre budgétaires distincts le Fonds de solidarité prioritaire, d’une part, l’AFD de l’autre dont les compétences sont élargies à la maîtrise d’œuvre des infrastructures en matière de santé et d’éducation. Nous veillerons à ce que cette réforme ne porte pas atteinte à l’exercice du contrôle parlementaire.

M. Loncle a parlé de l’Afrique sacrifiée. Je croyais avoir répondu sur ce point. Cela dit, le partage très inégal des ressources au bénéfice de certains pays africains s’explique par des situations particulières comme par exemple, la présence d’une de nos bases militaires très importante à Djibouti. Si certains pays riches en ressources naturelles telles que le pétrole semblent être mieux dotés que d’autres, c’est parce que les chiffres qui apparaissent correspondent à des prêts que ces pays peuvent rembourser.

M. Maurice Adevah-Poeuf – Ils le font avec l’argent que nous leur prêtons !

M. le Ministre délégué - Alors que les pays les plus pauvres reçoivent des dons, ceux qui sont capables de rembourser obtiennent des prêts et les sommes en jeu ne sont pas les mêmes. Toutefois nous sommes en train de rectifier le tir, et j’observe que les chiffres que vous avez cités datent de 1997. Le rapport du Haut Conseil nous éclairera sur les redistributions à opérer au bénéfice ou au détriment de certains pays.

Mme Marie-Hélène Aubert s’est préoccupée du traitement des questions sociales et environnementales par l’OMC. J’ai rencontré le nouveau patron de l’OMC à Genève : les Etats-Unis viennent de présenter un texte qui fait référence à ces questions. La France et l’Allemagne avaient déjà fait une proposition comparable. Nous attendons que la Commission européenne la reprenne, mais nous savons les résistances très fortes des pays en voie de développement sur ces deux points. J’ai cependant rappelé la volonté de la France que les négociations qui s’ouvrent intègrent les préoccupations sociales et environnementales. En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, l’idée est que les marges de manœuvre dégagées grâce à l’effacement de la dette publique des pays en voie de développement servent à atteindre cet objectif. Cela dit, la progression vers la démocratie, indissociable de la lutte contre la pauvreté, suppose des Etats construits. Aussi devons-nous aider les Etats concernés à se doter par exemple d’une police ou d’une justice, même si la société civile n’est pas toujours sensible à cette nécessité. S’agissant du volontariat civil, le Sénat a adopté à l’unanimité le projet de loi que nous lui avons présenté il y a quelques semaines, pour remédier aux effets de la suppression du service national. Cette loi introduit des innovations, notamment en ce qui concerne l’aide au développement.

Il est exact, Monsieur Lequiller, que la qualité de l’enseignement du français à l’étranger est très inégale selon les Alliances françaises et les pays concernés. Nous en sommes très conscients. Nous veillerons à éviter que la baisse de la qualité de l’enseignement n’affaiblisse notre influence. Pour ce qui est de l’accueil des étudiants étrangers, nous avons dynamisé le CIES pour augmenter l’attrait des universités et des grandes écoles françaises auprès des pays étrangers.

M. Charles Ehrmann - Une nouvelle fois je tiens à rappeler au ministre des affaires étrangères que l’Union européenne, c’est la paix. C’est une question politique et les perspectives que vous avez évoquées, Monsieur le ministre, m’inquiètent. M. Prodi a réuni un comité de trois sages dont la France ne faisait pas partie. Or il est vital de trouver une solution institutionnelle satisfaisante. A défaut, l’Europe ne sera que commerciale et non politique.

S’agissant de la défense de la langue française, la responsabilité incombe à chacun de nous. Le rapport du Haut conseil de la francophonie de janvier 1999 fait apparaître une dégradation de l’emploi du français. Mais j’observe qu’au Conseil de l’Europe, où l’anglais et le français sont les deux langues officielles, la plupart des intervenants s’expriment en anglais. Ainsi, quand le Premier ministre roumain, ancien député du Conseil de l’Europe, a remercié à Strasbourg ses anciens collègues en français, la présidente allemande, pourtant professeur de français, l’a remercié comme elle l’avait accueilli, en anglais. J’ai envoyé une lettre de protestation. La francophonie n’est pas une forteresse assiégée par l’anglais : elle a les moyens de se défendre. Nous devons notamment ouvrir nos universités aux étudiants étrangers et augmenter les crédits destinés aux instituts, lycées et alliances françaises qui font un travail admirable. Disposez-vous, Monsieur le ministre délégué, des moyens nécessaires à cette fin ?

Le groupe DL votera contre ce budget, mais personnellement j’ai décidé de le voter, estimant que la politique étrangère est bien conduite par M. Védrine. Du reste, depuis dix-huit ans que je siège à la commission des affaires étrangères, je n’ai jamais vu de changement de politique que le ministre soit de gauche ou de droite ! (Applaudissements et sourires)

M. le Président de la Commission – Je ne sais si votre remarque sera prise comme un éloge ou comme une critique…

M. Arnaud Montebourg – Ma question a trait à la politique de la France à Djibouti, et s’adresse à M. le ministre délégué. Certes, il convient de soutenir les efforts de démocratisation de certains pays, mais je tiens à rappeler les atteintes gravissimes aux libertés publiques commises par la République de Djibouti à l’égard de ses opposants politiques, et dont ont été notamment victimes des militants syndicaux, des avocats et des journalistes. De l’avis concordant des organisations non gouvernementales, la République de Djibouti est dans une situation qui mérite un traitement aussi particulier que celui que vous semblez lui appliquer au regard des droits de l’homme.

Les atteintes aux libertés publiques se doublent d’atteintes aux intérêts français. On déplore en effet des violations répétées de la convention d’entraide judiciaire qui permettait aux avocats français de plaider à Djibouti, les avocats locaux ne pouvant plus le faire. Des avocats, mais aussi des journalistes français ont été reconduits à la frontière. Ainsi, une équipe de France 2 qui enquêtait sur l’utilisation de l’argent public français à Djibouti a été expulsée après saisie de ses documents de travail.

Nous n’avons pas entendu le Quai d’Orsay à ce propos et son silence me paraît singulièrement original… Par ailleurs, des soupçons planent sur le meurtre d’un magistrat français en poste à Djibouti, qui fait l’objet d’une information judiciaire. La discrétion de notre diplomatie est difficilement acceptable, d’autant que nos contribuables financent un effort surhumain pour ce territoire minuscule : 30 millions en 1998 et 65 millions en 1999.

Monsieur le ministre délégué à la coopération, je veux au moins vous remercier d’avoir assisté à une réunion du groupe d’amitié France-Djibouti. Son activité se limite au contrôle parlementaire de nos liens avec ce pays depuis que j’en ai été expulsé manu militari.

Le 23 mars 1999, vous nous aviez promis un rapport sur les crédits alloués à Djibouti. Sur les 65 millions prévus pour 1999, 10 millions étaient sans affectation. Nous attendons toujours ce rapport. J’ajoute qu’à mon égard, le taux de non réponse de votre administration est voisin de 100 %. Je ne suis, il est vrai, qu’un député de base…

Je ne voterai pas ce budget en l’état. Le ralliement de M. Ehrmann compensera ma défection. J’ai demandé à mon groupe l’autorisation de déposer un amendement visant à retrancher du budget de la coopération 95 millions de crédits, c’est-à-dire l’équivalent des sommes versées depuis deux ans à Djibouti sans aucune contrepartie.

M. Jean-Louis Bianco – Je voudrais savoir si le Gouvernement partage l’analyse que j’ai faite dans mon rapport de la crise au Kosovo.

M. Jacques Myard - Contrairement à ce qui a été dit, le budget des affaires étrangères diminue en francs constants puisqu’il n’augmente que de 0,64 %, alors que l’inflation est de 0,9 %. Comme le disait le général de Gaulle d’un pays d’Amérique latine, c’est un budget d’avenir, mais il le restera longtemps…

Le manque de moyens de ce ministère n’a rien de nouveau. Nous devions prendre une initiative à cet égard, Monsieur le président de la commission, mais vous n’avez pas répondu à ma lettre du mois d’août.

M. Védrine prend parfois des accents gaulliens, à tel point que je lui ai proposé un jour de rallier le parti gaulliste…

Plusieurs députés – Lequel ?

M. Jacques Myard - Le seul. Pourtant, la France continue d’aliéner sa liberté d’action. De procédure en procédure, elle s’étiole. Nous rentrons dans le rang, à la plus grande satisfaction de certains de nos partenaires, longtemps agacés par des prises de position qui les tiraient de leur torpeur.

La politique étrangère a pour finalité de garantir la sécurité du pays. Or, le 24 avril dernier, à Washington, l’Alliance atlantique a défini un nouveau concept stratégique. Les points 25, 29 et 43 autorisent l’OTAN à intervenir pour résoudre des crises ne relevant pas de l’article 5 du Traité. Quand le Parlement sera-t-il consulté ? Quand pourra-t-il se prononcer sur cette nouvelle définition de l’Alliance atlantique ?

S’agissant de la francophonie, je m’associe aux propos du camarade Hage et de notre doyen. Nous sommes des citoyens en colère. L’irresponsabilité de certains hauts fonctionnaires dépasse les bornes et nous demandons des sanctions. Quant au journal télévisé en langue anglaise que France 3 nous a délivré cet été, j’attends encore la réponse du ministère de la culture.

Par ailleurs, j’ai écrit au Premier ministre pour demander la création d’un institut culturel en Rhénanie sur le lieu que notre ambassade quitte pour s'installer en Brandebourg. Nous sommes en train de rater une occasion. De même, je ne comprends pas votre décision de fermer notre consulat à Leipzig. La Saxe est un grand land de l’Est et la France doit y être présente.

M. Jacques Godfrain – Avant d’interroger M. Josselin, je veux préciser que j’apprécie l’énergie qu’il déploie en Afrique. Sa tournée dans la région des Grands lacs a été fructueuse.

Il y a deux ans, on nous a annoncé de manière tonitruante qu’on lierait désormais le contrôle des phénomènes migratoires à l’aide au développement. Un délégué a même été nommé, mais M. Sami Naïr ayant été élu au Parlement de Strasbourg, il a quitté son poste sans nous remettre son rapport. Nous restons sur notre faim, alors que le Premier ministre avait annoncé des mesures importantes au cours de son déplacement au Mali.

J’ai lu beaucoup de choses, exactes ou inexactes, dans les différents rapports. Je ne peux accepter, par exemple, qu’on parle de «paternalisme» à propos de notre politique de coopération. En revanche, je n’ai rien vu sur le lien entre phénomènes migratoires et développement. Je sais que le Haut conseil, sous la présidence de M. Bianco, va ouvrir un débat sur cette question et je m’en félicite. Mais le Gouvernement doit aussi respecter ses engagements.

Pas plus que la démocratie, notre diplomatie en Afrique ne doit obéir à des effets de mode. Récemment à l’UNESCO a été remis le prix Houphouët-Boigny, en présence du président sénégalais et de M. Kissinger. Le gouvernement français n’était même pas représenté. Il y a dix ans, le président Mitterrand a participé en personne à cette cérémonie. Montrons davantage de considération à l’égard de nos partenaires africains.

M. Loïc Bouvard – Dans certains pays francophones ou francophiles, comme la Moldavie, les moyens de notre politique de coopération culturelle, déjà faibles, continuent de diminuer. La situation est particulièrement critique en Albanie. En revanche, l’Allemagne, l’Italie, les Etats-Unis renforcent leur coopération bilatérale avec ces pays, où leur influence devient de plus en plus prépondérante.

Monsieur Védrine, je vous ai interrogé l’année dernière sur le nombre insuffisant de nos attachés commerciaux à l’étranger. Dans les anciens pays communistes, où je me rends régulièrement du fait de mon rôle au sein de l’Assemblée du Traité de l’Atlantique Nord, la situation ne s’est pas améliorée. Il faut agir. Il en va de l’influence française dans une région en plein bouleversement.

M. Bernard Schreiner – Monsieur le ministre des affaires étrangères, en tant que rapporteur du budget de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je souhaite appeler votre attention sur la situation financière particulièrement préoccupante de cette organisation. Pour la troisième année consécutive, son budget stagnera en termes réels, sauf si la France accepte de lui apporter des ressources supplémentaires.

Le Conseil de l’Europe n’est pas en mesure de faire face aux dépenses additionnelles liées au fonctionnement de la nouvelle Cour européenne des droits de l’homme, à la création du poste de Commissaire aux droits de l’homme et aux programmes d’assistance technique aux pays d’Europe de l’Est.

Je vous demande donc avec insistance de créer une ligne budgétaire spécifique pour le Conseil de l’Europe et aussi de modifier le calendrier budgétaire en reportant à octobre la fixation du plafond de cette contribution : cela permettrait aux parlementaires de faire des suggestions et laisserait une marge de manœuvre pour des arbitrages.

M. René Mangin - L’élection de Ehud Barak a ouvert un nouveau champ diplomatique à la France dans les pourparlers de paix, comme vous l’avez souligné, Monsieur le ministre. J’aimerais que vous nous exposiez concrètement vos intentions et initiatives.

Ma seconde question concerne la position que pourrait adopter la France en ce qui concerne l’embargo contre l’Irak. Le peuple irakien est en train de mourir à petit feu et il me semble qu’il faudrait être beaucoup plus incisif pour faire prendre en compte ce drame.

M. Yves Dauge - En ce qui concerne la coopération, je crois urgent que vous expliquiez davantage vos intentions aux personnels concernés, sinon la réforme se fera dans un mauvais climat. La notion d’expertise ne doit pas se développer au détriment de l’appui institutionnel.

Par ailleurs, je vous alerte sur la baisse des autorisations de programme en faveur de l’Agence française pour le développement, au moment même où l'on étend son champ d’intervention : en dix ans ces crédits sont passés de deux milliards à un milliard !

Enfin, je regrette la baisse des crédits affectés à la coopération décentralisée. Vous avez évoqué la possibilité de prévoir une ligne budgétaire spécifique dans les contrats de plan. Je pense que ce serait une très bonne chose.

M. Bernard Cazeneuve - Les prérogatives du Parlement se sont peu exercées jusqu’à présent sur les accords de coopération militaire, en particulier avec les pays africains du champ. Des accords de coopération militaire ont-ils été récemment signés ou négociés sans que notre commission en soit informée ? Quel est le statut des accords de défense signés avec certains pays où la situation des droits de l’homme pose problème – je pense en particulier au Togo ? Ces accords ont été signés dans les années soixante dans un contexte très différent, ils devraient être revus. L’accord de coopération militaire technique avec le Togo est actuellement en cours de réexamen, avez-vous précisé : selon quels critères s’opérera ce réexamen ? Nous ne souhaitons pas nous retrouver dans la même situation qu’avec le Rwanda, avec lequel un accord de coopération militaire avait été signé dans les années soixante-dix et renégocié en 1983 et 1992 sans que nous soyons réellement informés.

Lors d’un Conseil de la défense de 1998, il a été décidé d’affecter 3 % des crédits de coopération militaire consacrés aux pays du champ aux États d’Europe centrale et d’Asie du sud-est. Mais il n’a pas été précisé à quel type d’actions ils seraient affectés. Autant je trouve souhaitable que la part de l’Afrique diminue, notamment en substituant le soutien aux écoles militaires régionales à une intervention directe de nos forces, autant il faut accentuer la coopération militaire avec l’Europe centrale et orientale, compte tenu des enjeux de la coopération européenne et aussi dans l’intérêt de nos industries de défense.

Mme Odette Trupin - Je me réjouis des propos encourageants des ministres et des rapporteurs concernant le développement de l’effort français en matière de francophonie. Mais ayant eu à intervenir à l’étranger dans le cadre de l’assemblée parlementaire francophone, j’ai pu sentir chez nos interlocuteurs une attente impatiente, voire un certain découragement : les réponses françaises manquent de lisibilité. Comment allez-vous remédier à cette difficulté ?

Deuxième question, comme l’a souligné M. Tavernier, bien que le français soit langue officielle et langue de travail dans les organisations internationales, il a du mal à conserver son statut. L’anglais a assis sa suprématie aux Nations Unies et est en passe de le faire dans l’Union européenne. Le danger est sournois mais réel. Quelles actions comptez-vous entreprendre pour y réagir ?

M. Rudy Salles - Ma question concerne la situation des retraités français ayant cotisé aux caisses locales africaines. Certains ne perçoivent pas les pensions dues, notamment au Congo, et les autres subissent les effets de la dévaluation du CFA. La compensation décidée en 1994 est insuffisante et n’a pas été reconduite. Pourquoi ne pas envisager une compensation intégrale et le paiement des arriérés de retraites non versées par les caisses africaines ? L’État français pourrait récupérer ces montants ultérieurement. Environ 3 000 personnes sont concernées.

M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères De très nombreuses questions précises ont été posées. Compte tenu du peu de temps qui nous reste, il m’est matériellement impossible de répondre à toutes maintenant. Je vous propose de revenir sur les grands sujets évoqués notamment par les rapporteurs et les présidents de groupe, étant entendu que répondrai par écrit aux autres questions.

J’apprécie beaucoup le soutien et les appréciations généralement positives que vous avez portés sur notre action. Même s’il serait logique qu’ils s’accompagnent du vote de ce budget, je comprends la situation de ceux qui n’ont pas cru devoir apporter leur concours.

Plusieurs orateurs ont insisté sur le dilemme que connaît actuellement l’Union européenne du fait de la contradiction entre renforcement et élargissement. Les deux objectifs sont impératifs, il faut arriver à les concilier. Cela implique de bien négocier, de façon à ce que les pays candidats entrent dans l’Union européenne au moment où ils sont en état d’y entrer et où l’Union européenne est en état de les accueillir. Un consensus se dessine pour ouvrir les négociations à tous les pays candidats, mais sans annoncer de date de conclusion. En revanche, en ce qui concerne la réforme institutionnelle, nous avons accepté à Helsinki de fixer des dates d’objectifs. La conférence intergouvernementale devra apporter des réponses aux trois questions non réglées à Amsterdam : la modification de la pondération des voix, élément clé pour élargir le vote à la majorité qualifiée, qui est le second point, et enfin la réforme de la composition et du fonctionnement de la Commission pour qu’elle reste gérable et efficace. Si l’Europe ne réforme pas ses institutions, elle sera paralysée par l’élargissement. Nos partenaires l’ont compris et les pays candidats également. La démagogie en la matière est inopportune et je crois que nous sommes en train de surmonter les polémiques du passé sur ce sujet.

Un mot sur la présidence française : vous dites que nous allons régler la question de la politique de défense européenne et terminer la réforme institutionnelle –pourquoi pas aussi éteindre le paupérisme ? (Sourires). Restons prudents. Nous ferons de notre mieux, nous irons aussi loin que possible, mais nous ne pouvons pas décider à la place des autres gouvernements, de la Commission, du Parlement européen et des parlements nationaux. Si nous réussissons à achever la réforme institutionnelle, tant mieux, mais si ce n’est pas le cas nous passerons le relais à la présidence suédoise.

En ce qui concerne la politique de défense, nous essaierons de donner corps à la notion de pilier européen de défense. La crise du Kosovo a ouvert les esprits à cette perspective mais jusqu’à présent elle ne se traduit pas dans les décisions budgétaires, ce que ne manque pas de nous faire remarquer notre partenaire américain. Cela ne nous empêche pas d’avancer, d’autant que les pays qui étaient auparavant hostiles à cette idée ressentent aujourd’hui une certaine gêne.

En ce qui concerne la PESC, il n’y aura pas, Monsieur Myard, d’harmonisation à la baisse. D’ailleurs, l’Europe n’a pas décidé de se doter d’une politique étrangère unique. Nous voulons renforcer la partie commune qui vient s’ajouter aux politiques étrangères nationales. Mais ce n’est pas en réduisant celles-ci, surtout lorsqu’elles sont fortes comme l’est celle de la France, que nous ferons progresser une politique étrangère européenne.

A propos du sommet de Washington, Monsieur Myard, nous partageons votre vigilance mais non vos conclusions. Il faut citer les articles que nous avons obtenus dans le traité pour rappeler le rôle du Conseil de sécurité, notamment en ce qui concerne l’emploi de la force. Nous avons réussi à ce que la gestion de la crise du Kosovo par l’OTAN constitue une exception et non un précédent. L’OTAN conserve une liberté d’action qui ne met pas en cause les prérogatives définies par la Charte.

M. Jacques Myard - Et les prérogatives du Parlement ?

M. le Ministre – Il n’y a pas là de contradiction. En tous cas le sommet de Washington n’a pas constitué une révolution stratégique.

L’OMC constitue, bien sûr, une de nos grandes préoccupations puisque nous voulons un monde multipolaire, un monde de la diversité. Dans cet esprit, mieux vaut qu’il existe une enceinte comme l’OMC où l’on négocie en permanence. Auparavant, la loi du plus fort l’emportait et le comportement du Sénat américain en offre une illustration caricaturale. Il est bon qu’existe un organe de règlement des différends. Nous sommes mécontents lorsqu’il ne nous donne pas raison, mais les Etats-Unis le sont plus encore, au point qu’il y a chez eux un courant militant pour sortir de l’OMC.

L’OMC traite des questions commerciales, ce qui est déjà vaste. Il y a évidemment contradiction entre désir de générosité, de solidarité, d’aide au développement et une ouverture absolue des échanges. Nous voulons continuer à affirmer l’exception culturelle nationale avec pour objectif la défense de la diversité. Sur le plan purement commercial, nous avons énormément à gagner au développement des échanges qui a joué un rôle déterminant dans la croissance française de ces trente dernières années. Mais dans le domaine de la culture, il nous faut des protections, notamment face au progrès technologique.

En ce qui concerne les aspects sociaux et le développement, dans ces négociations nous sommes demandeurs. Pour les normes sociales, le clivage passe entre les pays développés et les autres, qui disent que si nous avions respecté les mêmes contraintes au moment de notre décollage économique, nous serions toujours dans la même situation qu’en 1750. Il faudra donc discuter pour aboutir à un compromis, en essayant d’agir progressivement. Par exemple, il faut s’attaquer d’abord aux formes les plus intolérables du travail des enfants. Jusqu’où pourra-t-on aller dans l’imposition des normes sociales ? On peut penser à établir un lien entre les travaux de l’OMC et de l’OIT, mais il faut éviter que l’ensemble des pays en développement y voient un calcul pour empêcher leur croissance.

S’agissant de l’environnement, nos demandes sont légitimes et la question du climat notamment est essentielle. Mais nous sommes pris en étau entre les Etats-Unis qui sont les pays les plus pollueurs et les moins disciplinés, et les pays en voie de développement qui disent que nous avons déjà pollué pendant deux siècles et que eux ont encore besoin de le faire pendant une centaine d’années. On ne peut évidemment accepter la situation telle qu’elle est et il nous faut trouver des alliés qui, comme vous le voyez, ne sont pas les mêmes selon les questions en jeu.

Nous sommes favorables à l’élargissement du Conseil de sécurité. Il doit être représentatif de l’ensemble du monde et non constituer le syndicat des pays riches de l’hémisphère nord. Cependant pour qu’il soit efficace, il faut conserver le droit de veto. Sa réforme est inséparable des efforts que nous faisons pour que l’ONU retrouve sa légitimité.

On débat beaucoup actuellement des rapports entre souveraineté nationale et droit d’ingérence, pour utiliser un terme très populaire en Europe mais très impopulaire à l’ONU où il rappelle le colonialisme. Ceux qui y défendent cette idée parlent plutôt de droit d’intervention. L’équilibre actuel entre souveraineté et intervention n’est pas satisfaisant. Il faut procéder à une réforme sans jeter la souveraineté par-dessus les moulins.

M. Jacques Myard - Bravo !

M. le Ministre – Quand le pouvoir des Etats recule, le plus souvent ce n’est pas l’état de droit qui s’instaure, mais la loi de la jungle ou des mafias. Il faut certes remplacer des Etats déficients ou répressifs par des Etats modernes, mais dans état de droit il y a la notion d’Etat. Travaillons à un transfert «d’ingénierie démocratique» sans tomber dans la naïveté libérale de croire que tout recul de la souveraineté aboutirait à un progrès. La débâcle de l’URSS avec tous les problèmes qu’elle a posés est là pour le montrer. On ne peut pas regretter le passage à la liberté, mais il faut gérer la suite. En édictant de nouvelles règles, il ne faut pas brader la souveraineté nationale, mais limiter l’utilisation abusive que peuvent en faire des régimes incapables d’évoluer. Sur ce problème, il faut trouver un nouveau consensus, en préservant le Conseil de sécurité.

Je n’ai pas le temps de traiter du Proche-Orient. Nous sommes heureux de voir les négociations redémarrer même si elles seront très difficiles. La France se rend utile en incitant au dialogue et en apportant ses idées aux uns et aux autres en fonction de leurs demandes et de leur réceptivité. Nous sommes, bien entendu, très présents. En ce qui concerne l’Irak, nous ne cessons pas notre pression et nous avons fait des propositions il y a dix mois environ au Conseil de sécurité pour sortir de la situation actuelle en établissant un système de contrôle correct, dont même les Etats-Unis et les pays voisins de l’Irak reconnaissent le besoin, et pour lever un embargo destructeur de la société irakienne et qui n’a plus d’intérêt stratégique ni de sécurité. On peut même dire qu’il est inefficace et hypocrite puisqu’il est tourné par le régime et par ses hommes.

Je le répète, j’ai bien noté la trentaine de questions de détail que vous m’avez posées. Il sera répondu à chacune de façon précise.

M. le Président de la Commission – Si vous voulez bien m’en remettre copie, je les transmettrai aux membres de la commission.

M. le Ministre délégué - Je répondrai moi aussi à de nombreuses questions par écrit pour n’aborder maintenant que les points les plus importants.

M. Montebourg, M. Adevah-Poeuf, Mme Aubert ont souhaité que l’on affirme plus fortement que le respect des droits de l’homme et des libertés publiques, la démocratie sont des conditions de la coopération. Le sujet est délicat. Dans le cadre des accords de Lomé, nous aurons cette fois un dialogue politique sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. On devrait donc pouvoir franchir une étape significative. Dans le cadre de la francophonie, un symposium sur la démocratie et les droits de l’homme est en préparation. Il se tiendra vraisemblablement à Bamako, en l’an 2000. On y abordera les relations entre la politique et l’argent, qui sont plus difficiles dans les pays en voie de développement, ainsi que le statut de l’opposition. Cela étant, les actions du Gouvernement ne sont pas toujours rendues publiques. Ainsi nous exerçons des pressions pour libérer des journalistes ou pour faire instruire des procès comme celui de Alfa Condé en Guinée. Si les opposants djiboutiens ont bénéficié de la grâce présidentielle et s’il y a eu une enquête sur les prisons, nous n’y sommes pas pour rien, même si cela n’a pas toujours plu à la presse de Djibouti.

Les paradis fiscaux ont été évoqués par le Président Chirac lors de la conférence de Rio. Un chef d’Etat présent qui se sentait certainement visé a répondu qu’il n’était pas tout à fait sûr que l’Europe soit exempte de tout reproche. Il faut en effet s’en préoccuper.

M. Dauge a soulevé l’importante question de l’expertise. Depuis quarante ans que nous assurons la formation, les cadres africains existent. Le problème est plutôt de savoir comment les utiliser au mieux et les payer. Le Canada ou les pays nordiques utilisent mieux que nous les capacités d’expertise locale. Nous devons utiliser nos propres experts, mais aussi recourir davantage aux ressources de ces pays. Cela doit se faire dans une logique de partenariat et non pas d’offre de coopération.

M. Montebourg a regretté que l’on ait versé 65 millions à Djibouti lors du renouvellement de la convention sur la base française. Je peux lui indiquer que nous avons eu des justifications sur l’utilisation des 55 millions affectés initialement et que les 10 millions supplémentaires ont fait l’objet d’une affectation.

M. Godfrain a abordé le problème des relations entre développement et migrations. Ceux qui ont compris que le codéveloppement réglerait l’affaire des sans-papiers se trompaient. Le développement n’empêchera pas l’émigration. Il peut aider à l’organiser, à la fluidifier. Le nouveau délégué interministériel sera nommé prochainement. On peut aussi envisager de mieux impliquer les associations de migrants, notamment pour le Mali et le Sénégal.

M. Bouvard a mentionné la diminution des crédits culturels pour l’Albanie. Mais il n’était pas évident de les utiliser. Nous allons reconstruire l’hôpital de Tirana, l’avant-projet est en cours de réalisation et 30 millions sont engagés. 20 millions seront également mobilisés au titre du FAC. L’Albanie bénéficie aussi de nombreuses opérations de coopération décentralisée. Ainsi si Tirana a eu de l’eau cet été, c’est grâce à la ville de Marseille en association avec le département et la région.

Mme Trupin s’est inquiétée du sort du français. Il existe un programme spécifique pour préserver l’usage du français dans les instances multilatérales. Mais cela ne règle pas la question des comportements.

M. Salles a appelé l’attention sur les rentes non versées à certains ressortissants français. Il se pose deux problèmes, celui des arriérés et celui de la dévaluation. S’agissant des arriérés, une mission de l’IGAS est allée apprécier la trésorerie et les problèmes structurels des caisses concernées. Un système de protection sociale a été proposé. Cela ne règle pas le problème des arriérés mais constitue une solution pour l’avenir. Le dispositif mis en place en 1994 et 1995 pour solder les arriérés n’a pas suffi. Seuls le Mali et la Côte d’Ivoire ont fait les efforts demandés ; la réflexion continue au Gabon et devrait aboutir dans les prochains mois. Pour le Congo, auquel M. Salles a fait allusion en particulier, une mission d’évaluation de l’IGAS, de l’inspection des affaires étrangères et des finances doit fixer le montant des arriérés et proposer des recommandations applicables immédiatement.

M. le Président de la Commission - Il est juste treize heures, je vous félicite de votre ponctualité. Cependant, je demanderai encore un moment d’attention à la commission, car le Ministre souhaite ajouter un mot.

M. le Ministre – Je partage, bien entendu, le souci de tous ceux qui souhaitent défendre le français et il serait sans doute bon que nous trouvions une autre occasion de débattre largement de cette question, devenue lancinante. Nous devons aborder le problème avec lucidité : après tout, n’est-ce pas Clemenceau qui a accepté qu’il y ait une version anglaise du traité de Versailles ? D’autre part, avec la domination de l’anglais, nous sommes devant un phénomène de civilisation massif auquel il est bien difficile d’opposer des politiques efficaces. Il nous faudra donc essayer d’évaluer exactement la situation et dresser un véritable plan de bataille pour mobiliser l’ensemble des institutions dont nous disposons en tenant compte du monde tel qu’il est. Il conviendra notamment de lutter contre le complexe dont souffre les élites françaises : je ne vois en effet aucun autre pays au monde qui, disposant d’une grande langue de communication et de civilisation, entretienne ce complexe qu’on pourrait appeler le «complexe du béret basque». Ni les Espagnols, ni les Allemands, ni les Russes, ni les Chinois, les Arabes ou les Indiens ne sont affectés de ce mal.

Il nous faut, par conséquent, à la fois nous montrer ouverts en faisant apprendre à nos enfants deux ou trois langues et en acceptant que nos films soient sous-titrés, et chercher à résorber ce handicap. Cela suppose que nous sachions bâtir une véritable politique et c’est pourquoi je disais que nous devrions bien nous rencontrer à nouveau pour parler de ce sujet, au lieu d’en rester à un constat de souffrance (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs bancs).

M. le Président de la Commission – Il reste à la commission à se prononcer sur les crédits.

Mme Marie-Hélène Aubert – Je m’abstiendrai.

Les crédits des Affaires étrangères, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président de la Commission – A l’unanimité moins trois voix !

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N°1863-II. - Avis de M. Jean-Louis Bianco, au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Affaires étrangères.

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Selon le ministre délégué à l’action humanitaire, la France a engagé 603 millions de francs pour les réfugiés, 250.000 d’entre eux étaient hébergés dans des zones sous la responsabilité des forces françaises et 1300 tonnes de fret ont été transportées par les soins de la France.