N° 1864 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999. AVIS PRÉSENTÉ
DÉFENSE PAR M. BERNARD GRASSET, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : 1861 (annexe n° 40) Lois de finances. La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, INTRODUCTION 7 PREMIÈRE PARTIE : LE CONTRASTE DUN BUDGET CONTRAINT AVEC DES AMBITIONS SPATIALES NÉCESSAIRES 11 I. UNE RÉDUCTION DU BUDGET SPATIAL MILITAIRE PLUS SUBIE QUE VOULUE 11
II. DES DIFFICULTÉS PERCEPTIBLES DANS LA CONDUITE ET LA RELANCE DES PROGRAMMES SPATIAUX ESSENTIELS 27
DEUXIÈME PARTIE : LES MOYENS DE COMMUNICATION, DE RENSEIGNEMENT ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS 43 I. LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT : UN DOMAINE BUDGÉTAIREMENT PRIVILÉGIÉ 43
II. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT : UN ENJEU DE PLUS EN PLUS CRUCIAL MAIS PAS ENCORE PRIORITAIRE 48
CONCLUSION 57 TRAVAUX EN COMMISSION 59 I. AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF DÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 59 II. EXAMEN DE LAVIS 68 MESDAMES, MESSIEURS, Lutilisation de lespace est devenue un élément essentiel de la politique militaire des grandes nations, tant sur le plan stratégique, y compris pour le contrôle des traités et la maîtrise des armements, quau niveau tactique le plus modeste, celui de la mise en uvre des systèmes darmes. En complément dautres moyens, les applications spatiales permettent de donner aux plus hautes autorités civiles et militaires les informations nécessaires à la conduite dune politique de sécurité et de défense. Elles présentent également un pouvoir multiplicateur de lefficacité des moyens militaires qui peut constituer un différentiel de puissance décisif dans les engagements. Cette conviction sous-tend, depuis plusieurs années déjà, leffort entrepris par la France en matière dutilisation militaire de lespace. A cet égard, la participation budgétaire de notre pays dans le domaine spatial reste sans comparaison en Europe, les crédits réellement dépensés par le ministère de la Défense avoisinant les 3 milliards de francs au cours des derniers exercices. Certes, le décalage des dotations de lÉtat par rapport à lannuité de la loi de programmation militaire pour la période 1997-2002 est incontestable. En effet, les crédits déquipement de la Défense consacrés à lespace ont régressé de façon sensible en 1998 et 1999. La tendance ne semble pas devoir sinverser pour lannée à venir, puisque le montant des autorisations de programme devrait être inférieur à celui des crédits de paiements et dépasser à peine les deux milliards de francs courants. Cependant, cette évolution est davantage subie que voulue. En effet, le ralentissement qui affecte le secteur spatial résulte pour une large part des difficultés rencontrées dans les négociations avec nos partenaires européens sur les programmes en coopération, notamment à cause des réorientations de leurs priorités budgétaires. Par ailleurs, le lancement dHélios I-B prévu pour le dernier trimestre 1999 doit se traduire par une diminution des besoins budgétaires nécessaires à son maintien en condition opérationnelle, ce qui se répercute automatiquement sur le volume des crédits inscrits dans le projet de budget pour lannée 2000. Dune manière générale, les programmes français destinés à la prévention des crises restent prioritaires. À cet égard, la crise du Kosovo a justifié la pertinence dune politique spatiale volontariste. Plus que jamais, laccès à lespace, la maîtrise des communications et de linformation se sont révélés être des atouts indispensables à lindépendance de la France. Sans la mise en uvre du satellite dobservation optique Hélios, il semble probable que les responsables politiques et militaires français nauraient pas pu peser de la même manière sur lappréciation de la situation et la conduite des opérations de lOTAN. Ainsi, en démontrant la maturité opérationnelle des moyens spatiaux nationaux, cette guerre a validé un certain nombre de choix réalisés dans les années quatre-vingts. Dailleurs, si les synergies entre les projets civils et militaires ont sans conteste favorisé les résultats techniques obtenus, rien naurait cependant été acquis sans un soutien significatif de la puissance publique. Néanmoins, les enjeux, les coûts et limportance des moyens à mettre en uvre pour pallier les carences qui subsistent dans le dispositif spatial national ne sont plus totalement à la mesure de notre pays. Lespace en général est donc appelé à devenir un domaine fédérateur et de coopération privilégiée en matière de défense, tout particulièrement entre les pays membres de lUnion européenne. Il y va en effet de la prise de conscience dune identité européenne de sécurité et de défense. Dans cette perspective, la France peut, une fois encore, jouer un rôle moteur du fait de lexpérience et des savoir-faire acquis par ses industriels en un temps très court. Les satellites de communication relevant du programme Télécom-Syracuse à usage dual, les satellites dobservation optique de la famille Hélios que devraient compléter plus tard lobservation radar puis lécoute électromagnétique, sont autant détapes amorcées par notre pays pour jalonner progressivement lémergence de lespace militaire européen. Une telle entreprise sinscrit dans une perspective de long terme, mais dores et déjà, certaines ambitions européennes se concrétisent dans le domaine des réseaux de télécommunications et de navigation par satellites, mettant ainsi en exergue la rapidité des évolutions possibles. Dans un tel contexte, le projet de budget pour 2000 de lespace militaire consolide les acquis dans lattente du développement des coopérations européennes. À cette fin, il assure la continuité de la conception dHélios II ainsi que la définition dun programme de télécommunications spatiales successeur de Syracuse II. Par ailleurs, il permet le renouvellement partiel des systèmes de communication des armées. Reste à savoir comment interpréter la diminution marquée des crédits de paiement (-15,26 %) et plus encore celle des autorisations de programme (-23,78 %) par rapport au projet de loi de finances initiale pour 1999. Sagit-il dun ajustement ponctuel, de la conjonction deffets mécaniques ou dune véritable réorientation de nos priorités budgétaires en matière de Défense ? La question mérite dêtre posée, eu égard à la vitalité des programmes initiés par certaines nations aspirant à la reconnaissance dans le domaine spatial, voire celle des projets conduits par des pays désireux de conserver les premiers rôles en la matière. Dans le prolongement de cette interrogation, il est légitime de se demander si le niveau du budget reste en adéquation avec la cohérence du programme spatial militaire, laquelle a été bâtie sur un ensemble de moyens peu dissociables (imageries optique et radar, écoute électronique, surveillance de lespace, alerte avancée ). Le déroulement des projets nimplique-t-il pas dans ces conditions une révision des modalités de la coopération européenne ? Certaines missions dévolues aux satellites ne peuvent-elles pas être remplies par des moyens qui, à limage des drones, sont plus rudimentaires mais moins onéreux ? De même, lalternative du recours aux moyens civils pour compenser les manques constatés en systèmes dédiés à la défense est-elle envisageable en dehors des transmissions non sécurisées, de limagerie optique à résolution métrique et de certains objectifs de surveillance de lespace ? * Mais le présent avis a également vocation à sintéresser aux différents systèmes de communication et de renseignement des Armées. Support de leur action au même titre que les équipements plus classiques, ces moyens sont tout autant indispensables. A ce titre, il convient de souligner que les systèmes de recueil de renseignement continuent de recevoir une attention particulière sur le plan budgétaire, même sil faut bien convenir que le volume global des crédits qui y sont destinés reste relativement faible. Les systèmes de communication, quant à eux, font lobjet dun traitement budgétaire plutôt privilégié. Ainsi, larmée de Terre prolonge-t-elle la mise en uvre du SCIF. Larmée de lAir poursuit la mise en place du SCCOA. Toutes deux, avec la Marine, bénéficient également dune modernisation de leurs moyens de transmission. Néanmoins, au delà de cette évolution positive dans le projet de budget pour 2000, on ne peut sempêcher de sinterroger sur létalement du renouvellement des systèmes de communication des forces. Par ailleurs, eu égard au fort potentiel que recèlent des moyens de renseignement tels que les drones, il semble que les crédits de recherche en la matière soient insuffisants. Par conséquent, il est légitime de se demander si les orientations poursuivies dans ces domaines répondent aux besoins exprimés sur les théâtres dopérations. * Votre rapporteur tentera de répondre à ces différentes questions qui ne se limitent pas quau seul budget spatial et donnera un aperçu des programmes relatifs à lespace, aux communications et à la conduite des opérations, qui lui semblent essentiels à lactivité de nos forces armées. * * * PREMIÈRE PARTIE : La loi de programmation militaire 1997-2002 inscrivait initialement lévolution pluriannuelle du budget de lespace militaire dans la perspective dune réalisation de trois programmes denvergure, sur la base dune coopération européenne. Cet équilibre est rompu depuis plusieurs années déjà. La revue des programmes de 1997 avait conduit au choix dun report de la conception dun satellite radar. Le projet de budget 2000, quant à lui, est marqué par une diminution sensible des crédits qui suscite à bon droit quelques inquiétudes même si elle ne remet pas directement en cause les deux programmes majeurs qui restent prioritaires. I. UNE RÉDUCTION DU BUDGET SPATIAL MILITAIRE PLUS SUBIE QUE VOULUE Avec un niveau dinvestissement global (civil et militaire) équivalent à celui de tous ses partenaires européens réunis, la France est le premier acteur européen dans le secteur spatial. Cependant, devant lampleur des besoins opérationnels et lextrême sophistication des équipements spatiaux, elle peut difficilement rester seule en Europe à consacrer un effort significatif à lespace militaire. Les coopérations européennes sont donc indispensables à la poursuite dune politique spatiale nationale ambitieuse. Or, le contexte ny semble pas favorable pour le moment, soit parce que nos partenaires stratégiques se sont engagés dans une politique dassainissement budgétaire, soit parce quils cherchent à valoriser avant tout leurs industries nationales par le financement de programmes qui ne répondent pas nécessairement à nos besoins immédiats. Un tel environnement conduit automatiquement à revoir temporairement le format budgétaire pour lespace militaire et à redéfinir nos priorités autour de la continuité des programmes majeurs et de la veille technologique dans le but de préserver les compétences nationales. Le projet de budget 2000 est donc la traduction de contraintes subies, et non une réorientation délibérée de la politique spatiale française. Dailleurs, si ces difficultés en matière de coopération européenne ont un effet significatif sur le volume des crédits inscrits, cette incidence est amplifiée par la diminution mécanique de certains besoins budgétaires. Lappréciation du projet de budget doit en tenir compte. A. UN PROJET DE BUDGET REDIMENSIONNÉ Compte tenu des annulations et des transferts de crédits en exécution des lois de finances initiales de ces dix dernières années, le niveau réel des dépenses exécutées na pas dépassé 2,5 milliards de francs au cours des quatre derniers exercices. Cependant, alors même que les crédits votés ont toujours atteint ce seuil jusquà présent, le projet de budget pour 2000 provoque une rupture puisquil prévoit une baisse de près de 15,3 % des crédits de paiement. Cette diminution sexplique par limpossibilité de réaliser les coopérations prévues, mais aussi par des effets mécaniques. Les études amont sont épargnées par cette réduction, préservant ainsi les compétences et le potentiel acquis. CRÉDITS PAR CATÉGORIES DE COÛT
1. Une baisse des dotations budgétaires essentiellement mécanique Par rapport à la loi de finances initiales pour 1999, le secteur de lespace est particulièrement affecté par la réduction des crédits déquipement de la Défense dans le projet de budget pour lannée 2000. En effet, alors que les crédits de paiement des titres V et VI diminuent de 3,54 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 1999, ceux du secteur de lespace militaire subissent une contraction de 15,26 %. Le contraste est plus saisissant encore sagissant des autorisations de programme, puisque celles de lensemble des titres V et VI augmentent de 1,7 % tandis que les autorisations de programme pour lespace militaire régressent de 23,78 %. En valeur absolue, le projet de loi de finances pour lannée 2000 situe le budget de lespace militaire à un niveau à peine supérieur aux deux milliards de francs dautorisations de programme (2 071 millions de francs très exactement), le volume des crédits de paiement étant un peu plus important (2 294 millions de francs). ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES AFFECTÉS À LESPACE
Une telle évolution, contradictoire par rapport aux orientations générales du projet de budget de la Défense pour lannée 2000, est la traduction dun ralentissement tendanciel des investissements devant labsence de perspectives en matière de coopération. Linfléchissement significatif du montant des autorisations de programme révèle le caractère mécanique de cette évolution qui, même si votre rapporteur ne peut que la regretter, na rien de délibéré. Ainsi, la réduction des dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) dHélios I due au lancement dHélios I-B en novembre 1999, les incidences budgétaires du report du lancement dHélios II en 1998, ainsi que le faible niveau des crédits destinés à la définition dun satellite successeur de Syracuse II dû au retrait britannique du projet de coopération Trimilsatcom la même année, sont autant deffets conjugués qui accentuent lampleur de la réduction du projet de budget pour 2000 de lespace militaire. Ce faisant, lanalyse des crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires ne doit pas sapprécier uniquement à travers des chiffres biaisés par le cumul ponctuel de difficultés ou de retards dans la réalisation des équipements spatiaux majeurs. Il est au contraire nécessaire de mettre le projet de budget pour lannée 2000 en perspective. 2. Une évolution acceptable malgré les apparences Plusieurs éléments invitent à nuancer lappréciation des équilibres budgétaires de lespace militaire dans le projet de loi de finances pour lannée 2000. Tout dabord, le niveau des crédits de paiement des études amont consacrées à ce secteur progresse de 8 %. Ainsi, alors même que les autorisations de programme se maintiennent à leur niveau de 1999, soit 271 millions de francs, les crédits de paiement atteignent 237 millions de francs. Cette donnée mérite dêtre soulignée, dans la mesure où les études amont consacrées au domaine de lespace couvrent lensemble des études préparatoires aux programmes futurs, notamment lacquisition de nouvelles technologies ainsi que des études darchitecture de systèmes. Concernant de nombreux domaines essentiels, elles portent en priorité sur linterception des télécommunications terrestres par satellite (démonstrateur dun essaim de micro-satellites découte Comint), lobservation du sol par mini-satellite radar, loptique haute résolution et le traitement dimages provenant de capteurs multiples, la réduction du coût des futurs systèmes. Par ailleurs, le taux de consommation des crédits votés pour le budget du ministère de la Défense progresse, conformément aux objectifs de la réforme initiée en 1997. Le secteur spatial ne fait pas exception en ce domaine, ce qui atténue leffet de réduction des crédits sur le plan réel. COMPARAISON DES CRÉDITS VOTÉS ET DES DÉPENSES RÉALISÉES
Par conséquent, les perspectives davenir des programmes spatiaux futurs ne sont pas pénalisées par les contraintes qui ont conduit au redimensionnement budgétaire pour lannée 2000. Cependant, il faut souhaiter que la situation présente ne perdure pas car, dans lhypothèse inverse, les ambitions de la France nécessiteraient dêtre revues. Le projet de budget pour 2000 nest acceptable que parce quil est supposé sinscrire dans un contexte particulier, voire exceptionnel. Pérenniser la diminution des crédits dans un secteur de très haut niveau technologique et requérant des investissements importants, conduirait à redéfinir la politique spatiale française en matière de Défense. 3. Le problème de limputation des crédits duaux Si le niveau des transferts du ministère de la Défense au titre des crédits de recherche duale du BCRD a diminué de 1997 à 1998, une tendance inverse semble sêtre instaurée depuis 1999, puisque le projet de loi de finances pour lannée 2000 prévoit un transfert de 1,5 milliards de francs (soit 600 millions de francs de plus que lannée dernière) en autorisations de programme et en crédits de paiement destinés essentiellement aux recherches civiles dans le domaine spatial et affectés au budget du CNES. ÉVOLUTION DU MONTANT DES CRÉDITS DUAUX TRANSFÉRÉS AUX BUDGETS DES MINISTÈRES CIVILS (Autorisations de programme et crédits de paiement globalisés(1), en millions de francs)
De tels transferts de crédits militaires vers les programmes civils ne sont pas contestables dans leur principe car ils sont supposés bénéficier aux études amont des programmes militaires. Mais en fait, ce nest que partiellement le cas. En effet, si 75 des 900 millions de francs inscrits dans la loi de finances initiale pour 1999 ont permis de financer des études aux répercussions militaires indéniables en matière de haute résolution stéréo et doptique embarquée sur SPOT V, le reste a essentiellement constitué un appoint au budget du CNES. Or, lampleur de ces transferts suscite quelques interrogations, notamment quant à leur conformité avec lesprit de la convention signée entre le Centre National des Études Spatiales (CNES) et la Délégation Générale pour lArmement (DGA). En effet, la participation des crédits du ministère de la Défense aux dépenses spatiales civiles représente un simple abondement du budget du CNES. Les crédits transférés sont affectés par le ministère de lÉconomie et des Finances au budget des organismes civils concernés et ne sont pas gérés par le ministère de la Défense. Ainsi, non seulement les crédits présentés comme duaux sont comptabilisés deux fois puisquils sont affichés dans la présentation des deux budgets, permettant de maintenir de manière quelque peu artificielle le niveau des crédits consacrés à lespace militaire, mais il nest pas établi, de surcroît, de comptabilité séparée de ces crédits dont il devient par conséquent impossible de connaître lutilisation précise. B. UN INFLÉCHISSEMENT DÛ À UN CONTEXTE EUROPÉEN EN DÉCALAGE AVEC LES POLITIQUES DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DANS LE MONDE Si le niveau des dépenses budgétaires ainsi que la priorité accordée à certains programmes confirment la prépondérance de la politique spatiale américaine et témoignent de lambition de certains États asiatiques de devenir des acteurs majeurs, les principaux pays membres de lUnion européenne ne semblent pas consacrer un effort à la hauteur de leurs ambitions pour lEurope spatiale de la Défense. A terme pourtant, des opportunités existent et la France, seul pays du continent à consacrer un effort significatif dans le domaine spatial, ne pourra pas en être tenue à lécart. LEFFORT BUDGÉTAIRE GLOBAL (CIVIL ET MILITAIRE) DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DU MONDE EN FAVEUR DE LESPACE EN 1998 COMPARAISONS INTERNATIONALES*
1. Les ambiguïtés de la coopération européenne De manière générale, la coopération en matière déquipement présente un triple intérêt. Tout dabord, elle permet un partage des coûts de développement et dindustrialisation, leffet sur les prix de série restant toutefois limité par le faible nombre de satellites produits. Elle présente également lavantage de rapprocher les armées des pays coopérants en raison de lélaboration dun besoin opérationnel commun et du renforcement de linteropérabilité des moyens. Enfin, elle a un effet structurant sur les pôles industriels dexcellence qui sont amenés à se regrouper, à limage de Matra Marconi Space avec DASA (et bientôt Alenia Spazio) dans lentité Astrium, afin dexploiter leurs synergies. Les difficultés ne doivent pas être négligées pour autant. Il est souvent nécessaire de préserver les intérêts industriels nationaux. Or, lobligation du « juste retour » représente une contrainte, surtout si elle nest pas appréciée globalement, cest-à-dire sur lensemble des programmes en coopération. Mais le principal écueil résulte des aléas sur les ressources financières accordées par chaque participant au projet commun ainsi que de lurgence et lévolution des besoins opérationnels. Les programmes spatiaux néchappent pas à ces règles et les difficultés rencontrées sur le plan de la coopération européenne ont directement affecté léconomie générale du projet de budget pour lannée 2000. a) Des évolutions budgétaires différenciées chez les partenaires de la France Lespace bénéficie en Europe dun effort cinq fois inférieur à celui existant aux États-Unis pour les applications civiles et quatorze fois inférieur pour les programmes militaires (à peine plus dun milliard de dollars pour les cinq principales puissances spatiales européennes contre 14 milliards de dollars aux États-Unis). Dune manière générale, lévolution différenciée des budgets des pays européens perturbe lensemble des coopérations dans le domaine spatial, les partenaires de la France nayant pas les mêmes priorités et ne pouvant sengager en même temps sur plusieurs programmes, alors que la plupart des systèmes concernés sont soumis à des impératifs calendaires de continuité de service. · La politique britannique est marquée par le souhait de limiter lengagement financier public, limité à 181 millions de livres en 1998, et de confier les initiatives en matière spatiale au secteur privé. Elle se traduit par une faible implication dans les grands programmes civils européens, la Grande Bretagne ne contribuant quà hauteur de 8,1 % au financement des projets de lAgence Spatiale Européenne (ASE), les grands programmes européens dinfrastructure orbitale tels Ariane V nen bénéficiant même pas. Lessentiel des efforts budgétaires du Royaume-Uni concerne plus particulièrement lobservation de la Terre. Le budget spatial militaire, quant à lui, est assez difficile à identifier. Il semble néanmoins rester stable, à en juger le maintien depuis douze ans des moyens affectés au système de télécommunications dédiées Skynet aux alentours de 80 millions de livres. En matière de programmes, les priorités du ministère de la Défense sarticulent autour du renouvellement de lactuelle génération de Skynet (Skynet IV-E a été lancé par Ariane au début de 1999), de laccès aux données météorologiques au travers du programme METOP, et de linsertion des capacités spatiales dimagerie et dobservation au cur des systèmes dinformation et de communication. Pour y parvenir, les coopérations internationales avec les nations alliées sont recherchées. Néanmoins, loption européenne nest pas toujours privilégiée, comme en témoigne le retrait en 1998 de la Grande Bretagne du projet de satellite de télécommunications pour les besoins de défense Trimilsatcom, programme reposant initialement sur une coopération avec la France et lAllemagne. Le Royaume-Uni semble depuis préférer lalternative dune coopération avec les États-Unis. · La participation de lAllemagne à lensemble des grands projets spatiaux européens depuis vingt ans sest appuyée sur un engagement financier qui a connu une croissance régulière jusquen 1993 et a permis à ce pays dêtre le premier contributeur à lASE en sengageant à hauteur de 22 % du financement dAriane V et en sappropriant la maîtrise duvre de lélément Colombus de la station spatiale internationale. Stabilisé aux alentours de 1,4 milliards de deutschemark sur la période 1994-1998, le budget géré par la DARA, agence fédérale qui gère toutes les activités civiles, a connu une forte croissance en 1999, portant son niveau à 1,6 milliards de deutschemark. Néanmoins, au delà de cette apparente dynamique, lAllemagne a décidé de réorienter ses priorités spatiales autour des initiatives industrielles et de la recherche scientifique. Si le « concept spatial » élaboré au printemps 1997 a reconnu que les télécommunications et lobservation de la Terre prennent un rôle croissant dans la sécurité du pays, force est de constater que ce postulat ne sest pas traduit par un développement des filières spatiales en coopération. Les événements du Kosovo pourraient néanmoins inciter les pouvoirs publics allemands à relancer cette problématique. Cette évolution semble compromise pour 2000 (le Ministre allemand des Finances ayant présenté des mesures déconomies de lordre de 3,2 milliards de deutschemark pour le budget de la Défense), mais une coopération engagée lannée suivante permettrait à des programmes comme Hélios II ou un satellite dobservation radar de se concrétiser. · LItalie cherche depuis quelques années déjà à affirmer sa présence sur la scène spatiale européenne. Une agence spatiale italienne, lASI, a été créée à cet effet en 1998. Un plan spatial national à cinq ans a été également défini. Des moyens budgétaires non négligeables ont été débloqués. Ainsi, lASI disposait dun budget global de 520 millions deuros en 1999. Ce dernier devrait connaître une progression significative de 23 % en 2000, conformément aux prévisions du plan spatial national. Certes, cette augmentation vise autant à apurer la dette de lASI quà permettre le développement de programmes spatiaux denvergure. Il nempêche que lItalie na pas uniquement des ambitions spatiales aux applications civiles. Sa participation à Hélios I, sa maîtrise des télécommunications spatiales à vocations civile et militaire (le premier satellite du programme SICRAL, équivalent à Syracuse, devant être mis en orbite fin 1999), ses investissements dans le domaine de lobservation radar en font un acteur crédible. Elle cherche donc à simpliquer dans le développement déquipements militaires, ce qui peut constituer une opportunité en vue de coopérations européennes, même limitées. b) La persistance dopportunités réelles pour des projets denvergure En apparence, les principaux projets denvergure dans le domaine spatial militaire sont affectés à des titres divers par labsence de coordination des efforts budgétaires entrepris par les partenaires européens de la France. En effet, lItalie privilégie le développement du programme de satellite radar Cosmos-Skymed où elle disposerait dune maîtrise duvre, au détriment dHélios II qui présente pour ses forces un intérêt opérationnel plus immédiat. La Grande Bretagne sest, quant à elle, retirée du programme Trimilsatcom alors même que la convergence des besoins de renouvellement de Skynet IV et de Syracuse II était une conjoncture idéale pour une coopération européenne productive. Enfin, lAllemagne affiche pour priorité son assainissement budgétaire, obérant par là sa participation au financement dHélios II. Ceci étant, cette situation pourrait évoluer pour plusieurs raisons : tout dabord, le conflit du Kosovo a démontré que la possession dun satellite dobservation optique, quand bien même les conditions météorologiques de son emploi ne sont pas optimales, constitue un gage dautonomie vis à vis des États-Unis dans lappréciation du théâtre et lévaluation des opérations. LAllemagne semble avoir pris conscience de son intérêt à disposer dun accès aux renseignements de la filière optique française, dautant que les États-Unis ne lui ont pas donné toutes les informations quelle espérait ; ensuite, lexemple américain montre que la redondance des moyens constitue une force. Cette duplication nest supportable quà léchelle européenne. Or les difficultés actuelles éprouvées par la France dans la conduite de certains de ses programmes sont ressenties de la même manière par ses partenaires. Ainsi, la Grande Bretagne envisage-t-elle un système exploité et financé par un opérateur privé pour assurer ses besoins militaires en matière de télécommunications. De même, lItalie doit toujours trouver 35 % des financements nécessaires pour le programme Cosmos-Skymed. De ce fait, lidée de coopérations pourrait à nouveau simposer. Dans lensemble, si la France rencontre quelques réticences de la part de ses partenaires pour recueillir leur participation à ses programmes majeurs, le principe même des coopérations européennes nest pas pour autant véritablement remis en cause. · En ce qui concerne le satellite dobservation optique successeur dHélios I, lAllemagne na pas formellement dénoncé les accords de Baden-Baden, et conformément à la demande de létat-major des Armées français, la composante sol utilisateur (CSU) dHélios II reste susceptible daccueillir lAllemagne. Des discussions ont été également nouées avec la Belgique, lEspagne et lItalie. Il ny a pas eu daccord pour linstant, mais lItalie a tout de même décidé dadopter la version améliorée de la CSU dHélios I, compatible avec les options Hélios II installées pour la France. Une solution identique serait envisagée par lEspagne. · Dans le domaine des autres filières dobservation, lItalie apparaît comme le partenaire européen avec lequel la probabilité de coopération reste la plus forte. Un groupe de travail binational a été constitué pour examiner les schémas de coopération envisageables en matière dobservation spatiale à base de petits satellites. Il remettra son rapport à lautomne 1999. Les modalités de cette coopération pourraient reposer sur un engagement français minoritaire dans la poursuite du projet italien de satellites radar (donnant ainsi à la France un accès à faible coût à une filière radar complémentaire de ses moyens optiques) en contrepartie duquel les Italiens participeraient au financement dHélios II, confortant ainsi leur accès à lobservation optique. · Sagissant des télécommunications spatiales militaires, les possibilités de poursuite de la coopération avec lAllemagne sont toujours en discussion. Même si le satellite successeur de Syracuse II sera défini sur la base dune maîtrise duvre nationale dans un premier temps, la totalité de la constellation nécessaire pourrait être réalisée sur la base dun programme binational. c) Des programmes européens à vocation duale plutôt préservés Le conseil ministériel de lAgence spatiale européenne des 11 et 12 mai 1999 a adopté le budget spatial de lEurope pour les prochaines années. A cette occasion, les programmes majeurs de dimension duale ont été préservés puisquont été affectés 462 millions deuros aux améliorations dAriane V, 759 millions deuros à lobservation de la Terre et 58,4 millions deuros à la phase de développement dun système européen de navigation par satellites, Galileosat. Programme de lanceurs commerciaux, Ariane fonde lindépendance spatiale des principaux pays européens. Alors quAriane IV arrive en fin de vie et quAriane V vient juste dêtre homologuée, la famille de lanceurs européens doit faire lobjet dajustements techniques. Pour y parvenir, le conseil ministériel de lASE a fixé un certain nombre dobjectifs pour lévolution dAriane V. Fin 2001-début 2002, la fusée (Ariane V « plus ») sera équipée dun nouvel étage supérieur à propulsion cryotechnique de manière à lui permettre de lancer une charge utile de 9 tonnes contre 6 actuellement. Dans une seconde étape, cest-à-dire à lhorizon 2004-2005, le moteur Vulcain II actuellement mis au point par la SNECMA devrait permettre à la fusée (Ariane V « évolution ») demporter 11 tonnes de charge utile en orbite géostationnaire. La raison de ces adaptations essentielles est que le volume des satellites commerciaux augmente (près de 4 tonnes aujourdhui contre 2,5 il y a quelques années), et que la rentabilité du programme implique le lancement de deux satellites à chaque tir. A cet égard, lobjectif affiché par Arianespace est la diminution de 50 % du coût de lancement dun satellite par Ariane V dans les quatre ans à venir. Eu égard à limportance des enjeux économiques et stratégiques, la réussite de cette démarche paraît primordiale. Lenveloppe affectée à lobservation de la Terre comprend un volet scientifique et des aspects commerciaux. Cependant, dans ce domaine, les applications sont le plus souvent duales, lobservation météorologique et topographique participant à linformation des forces sur leur environnement. Le lancement de la phase de définition de Galileosat constitue une première étape dans la réalisation dun système européen de navigation par satellite. Conformément aux recommandations du conseil « transport » du 17 juin 1999, la Commission européenne devra fournir lensemble des détails financiers de lavancement des travaux au conseil des Ministres des transports de lUnion européenne fin 2000, afin que celui-ci prenne une décision sur la conception de cette constellation de 24 à 45 satellites en orbite moyenne couplés à des satellites en orbite géostationnaire. Entre 2000 et 2005, près de 460 millions deuros supplémentaires devraient en effet être apportés par lASE. La Communauté européenne financera un montant équivalent, alors que les industriels participeront également. Au total, près de trois milliards deuros devraient être investis dans le projet qui pourrait être opérationnel en 2008 et générer 90 milliards deuros (585 milliards de francs) dapplications entre 2005 et 2025, pour 100 000 emplois créés. Les incidences militaires dun tel projet sont également importantes puisquil permettra aux forces des pays européens de recourir à un système de navigation autonome par rapport au GPS et au Glonass, donc de sabstraire du contrôle indirect des états-majors américains et russes. 2. La réorientation des priorités spatiales américaines Depuis 1994, les États-Unis ont réorienté leur politique de lespace afin de conforter leur suprématie technique et daffirmer leur présence dans toutes les applications spatiales. Pour ce faire, un effort tout particulier a été consenti sur le plan budgétaire, en contrepartie dune rationalisation des structures et dimportantes réductions deffectifs. Dici 2005, ce poids pourrait devenir hégémonique dans tous les secteurs militaires et civils du domaine spatial. a) Une puissance spatiale incontestée La suprématie américaine dans le domaine spatial, mise en exergue à loccasion de nombreux succès commerciaux, scientifiques et militaires (en raison du conflit du Kosovo), devrait se maintenir dans les prochaines années. En 1999, les Etats-Unis devraient encore rester à la première place du nombre de satellites lancés avec le remplissage des constellations de télécommunications civiles Globalstar et Orbcomm ainsi que la mise en uvre de Teledesic. Les programmes dimagerie satellitaire de haute résolution retardés par divers problèmes techniques voire financiers, devraient aboutir en 1999. Léchec de la société Earthwatch, survenu en 1997 lors de la mise en fonctionnement du satellite Early-Bird-I, a ralenti tous les programmes basés sur le principe de « faire simple, vite et pas cher ». Après les télécommunications civiles, les Américains semblent décidés à conquérir le marché de limagerie en imposant un marché dimages à haute résolution. Le développement de nouveaux types de lanceurs, classiques ou récupérables, pour lorbite géostationnaire et les lancements multiples de petits satellites, est indispensable pour combler une tranche de marché non dominée par les Américains. Les Etats-Unis, qui ne disposent pas encore de moyens suffisamment fiables et rentables, font appel aux lanceurs européens et russes pour lorbite géostationnaire, et aux lanceurs chinois et russes pour les satellites à charges multiples. Laboutissement des programmes Evolved Expendable Launch Vehicle (lanceurs consommables) et Small Expendable Launch Vehicle Services II, entre les années 2000 et 2006, renforcera la stratégie américaine. Dans lintervalle, les coopérations internationales sur le plan industriel et commercial constituent, à limage du consortium Sea Launch conduit par Boeing et utilisant le lanceur ukrainien Zenith, un support de la politique spatiale américaine pour consolider les programmes en cours et préserver une domination bien établie. Globalement, cette stratégie développée depuis 1994 conforte la suprématie américaine et conduit les États-Unis vers une position hégémonique à brève échéance. b) Des ambitions fortes et soutenues sur le plan budgétaire La stabilisation du budget de la NASA, malgré une légère baisse à 13,7 milliards de dollars pour lexercice 1999, confirme les choix stratégiques qui ont été opérés entre les activités et les systèmes spatiaux : choix de moyens spatiaux plus légers et disponibles plus rapidement , part prépondérante de la station spatiale internationale et des vols habités qui absorbent 40 % du budget civil, intérêt des programmes dexploration planétaire et de recherche sur les origines de la vie, comme Pathfinder ou Mars Global Surveyor, dont le succès profite à limage de la NASA. Le maintien du budget spatial militaire à un niveau équivalent de 14 milliards de dollars pour 1999 masque néanmoins la priorité accordée aux investissements non classifiés (+20 %), à la recherche (+19 %) et aux programmes dalerte avancée (+15 %), tandis que les programmes de communication sont en forte diminution. La politique en matière de lanceurs repose toujours sur un objectif de réduction du coût dexploitation et sur la rationalisation des responsabilités. Le Département de la Défense reste chargé de lamélioration des lanceurs lourds ou semi-lourds existants (Delta-IV de McDonnell Douglas, Atlas-IIA et Titan de Lockheed Martin Marietta). La NASA est responsable de la recherche et de la préparation de lanceurs futurs, en particulier le lanceur monoétage réutilisable Delta Clipper. A linitiative privée revient la charge du développement des lanceurs de moyenne puissance (Taurus, Pegasus ou LLV de Lockheed). Malgré quelques difficultés de lancement, il apparaît dores et déjà que les États-Unis disposeront vers 2001-2002 dune flotte de lanceurs modernisée et très concurrentielle par rapport à Ariane. La réorientation de la défense antimissiles et anti-satellites est spectaculaire. Alors que près de 40 milliards de dollars ont déjà été dépensés depuis le lancement de lIDS, les moyens financiers consacrés à la défense antimissiles ne cessent daugmenter : 2,7 milliards de dollars en 1994, 2,9 milliards en 1996, environ 3,55 milliards en 1997 et une rallonge de 6,6 milliards de dollars décidée en 1999 portant à 11 milliards de dollars les crédits disponibles pour la période 2000-2005. Le système de défense du territoire (NMD : National Missile Defense), réduit un moment à une veille technologique, a bénéficié dun accord entre la majorité républicaine du Congrès et le Président des Etats-Unis. Une étape de « préparation au déploiement » a été menée. La phase de tests a été inaugurée avec succès le 3 octobre 1999 (un missile exoatmosphérique ayant décollé de latoll Kwajalein, dans les îles Marshall, pour détruire à 6 800 kilomètres un missile balistique simulant une attaque nucléaire contre les États-Unis). Une décision opérationnelle devrait être prise en juin 2000. Dimportants efforts ont été concentrés sur la défense du théâtre dans le cadre du programme TMD (Theater Missile Defense) mais les récents échecs des essais du programme essentiel THAAD ont amené à une révision des financements. En ce qui concerne la défense anti-satellites, des essais de neutralisation de mini-satellites au laser (MICRAL) ont été réalisés avec succès. 3. Laffirmation de la compétence des pays asiatiques Trois pays dAsie affichent depuis une dizaine dannées de sérieuses ambitions dans le domaine de lespace. Longtemps relégués à un rang secondaire, ils ont démontré par leurs récents succès techniques quune politique volontariste sappuyant sur des investissements soutenus peut rapidement déboucher sur une compétence réelle en matière spatiale. a) Les réelles perspectives du programme chinois La politique spatiale de la Chine répond à trois objectifs classiques : le renforcement de son indépendance nationale, laffirmation de son rôle régional et lintégration des technologies spatiales dans son développement économique. Après plusieurs échecs, la République populaire de Chine semble améliorer de façon significative la fiabilité de ses lanceurs. Les récents succès des fusées Longue Marche LM-IIIB qui ont placé sur orbite plusieurs satellites, dont certains de la constellation Iridium, ont renforcé la crédibilité du plus puissant des lanceurs chinois et ont relancé la crainte dune offre à des prix de dumping. Pour résoudre les difficultés techniques rencontrées, par exemple dans le développement dun réseau propre de satellites de météorologie, ou pour satisfaire des besoins spécifiques, notamment en télécommunications, la Chine est décidée à poursuivre un effort denvergure et à recourir plus largement à la coopération internationale. Toutefois, dans lattente dune autonomie technique complète qui nest pas acquise à lheure actuelle, la République populaire de Chine doit acheter plusieurs satellites sur étagère aux Américains (Chinasat VII, Chinastar) et aux Européens (Sinosat). LAllemagne, le Brésil (avec lequel la Chine a signé un programme de quatre satellites dobservation de la Terre CBERS) et la Russie constituent des partenaires privilégiés de la coopération chinoise. Les accords avec des sociétés américaines se heurtent quant à eux à la question des transferts de technologies sensibles. b) Laboutissement de la politique spatiale indienne Afin de soutenir une ambitieuse politique de présence sur la scène mondiale, lInde a quasiment triplé son budget spatial entre 1991 (1,1 milliards de francs) et 1999 (2,9 milliards de francs). Plus de la moitié de ce budget est destinée à renforcer lindépendance du pays en matière de lanceurs, les générations en service (PSLV) ou en développement (GSLV) sappuyant sur des coopérations avec la France ou la Russie. Quatre familles de satellites ont été développées depuis vingt ans dans les domaines de la science, des télécommunications et de lobservation optique. Les progrès opérés laissent à penser que lInde sera capable doffrir des services commerciaux de lanceurs, même si cet objectif nest pas affiché. Des discussions ont commencé entre lagence indienne ISRO et Arianespace pour le lancement de petits satellites. La commercialisation dimages produites par le satellite indien IRS depuis 1995 concurrence directement Spot-Images. Par ailleurs, bien que le programme spatial soit orienté vers les applications civiles, il ny a pas de doute que les connexions avec les applications militaires sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les missiles balistiques et les satellites dobservation. Dailleurs, le 29 décembre 1998, le chef détat-major de larmée de lAir indienne a officiellement reconnu lutilisation à des fins militaires, des satellites civils dimagerie IRS-I B, IRS-I C, IRS-I D et IRS-P III. c) Un programme japonais cohérent et substantiel Laugmentation régulière du budget spatial (12,8 milliards de francs en 1996, 14,5 milliards de francs en 1998 et 15 milliards de francs en 1999) correspond au souhait de développer une base industrielle et technologique avancée grâce à un programme complet dapplications spatiales. Trois programmes de lanceurs coexistent : alors que la NASDA (National Space Development Agency) avait réussi en février 1994 le premier tir du lanceur lourd H-II, léchec du 21 février 1998, dû à un arrêt prématuré du moteur du deuxième étage, semble mettre en doute les chances de la société Rocket Corporation de commercialiser une version améliorée HII-A à un coût moindre dès 2000, année de son premier tir. Mais la politique de réduction des coûts et daccroissement des performances permettra une offre à tarifs compétitifs dans un délai inférieur à dix ans. La société Hughes Electronic Corporation a dores et déjà pris une option pour le lancement de 10 satellites ; le lancement avec succès en février 1996 dun petit lanceur J-I place également le Japon dans la compétition pour les satellites de taille moyenne (environ une tonne) à placer sur orbite basse ; depuis février 1997, le premier vol du M-V, fusée à trois étages à poudre qui peut lancer en orbite basse une charge utile de 2 tonnes ou envoyer 400 kg dans lespace plus éloigné, alimente les soupçons dune application militaire en raison dun double emploi évident avec le J-I et de sa possible transformation en un missile balistique dune portée de 8 000 km. Avec un budget spatial inférieur à celui de la France, la NASDA développe des satellites scientifiques ou dapplication (dans les domaines des télécommunications, de la météorologie ou de la télédétection) et reste présente sur les programmes liés aux vols habités, portant notamment sur le module JEM qui devrait se raccorder en 2000 à la station orbitale internationale. II. DES DIFFICULTÉS PERCEPTIBLES DANS LA CONDUITE ET LA RELANCE DES PROGRAMMES SPATIAUX ESSENTIELS Le récent conflit du Kosovo a révélé limportance des moyens satellitaires de renseignement et de communication. A cette occasion, les États-Unis ont démontré leur supériorité incontestable en alignant près dune quarantaine de satellites dobservation. LEurope a pu néanmoins bénéficier dune relative autonomie dappréciation de la situation à travers les informations recueillies par le satellite dobservation optique Hélios I-A, et dans une moindre mesure, les satellites SPOT I, II et IV. Plusieurs pays du continent ont également mis à contribution leurs satellites de communication à vocation militaire. Dans lensemble, le conflit a souligné la grande fiabilité des équipements utilisés, et notamment celle dHélios I-A et de Syracuse II. Par conséquent, tant les choix passés des pouvoirs publics dans le domaine de lespace militaire que les priorités retenues par le plan pluriannuel spatial se sont trouvés justifiés. Mais le conflit du Kosovo a aussi confirmé les insuffisances des moyens satellitaires de la France. Les grandes lignes du projet de budget pour 2000 ne remettent pas fondamentalement en cause les améliorations prévues. Cependant, force est de constater quelles se conjuguent à un cumul de réductions des crédits de lespace militaire, ce qui ne va pas sans créer certaines difficultés dans la conduite ou la relance des programmes spatiaux essentiels. A. LA PERTINENCE DES GRANDES ORIENTATIONS NATIONALES DANS LE DOMAINE DE LESPACE MILITAIRE À LAUNE DU CONFLIT DU KOSOVO Les décisions prises par les pouvoirs publics au cours des années quatre-vingts en faveur de la conception de charges utiles militaires intégrées à des satellites civils de télécommunication et dun satellite dobservation optique ont montré toute leur pertinence lors de la participation française à lopération « Force alliée » contre la République fédérale de Yougoslavie. Grâce à ces équipements, la France a pu disposer de lautonomie technique suffisante pour peser réellement dans la conduite opérationnelle de lintervention alliée. Néanmoins, le conflit du Kosovo a également souligné limportance des programmes destinés à succéder à ces équipements, (notamment dans le cadre de lobservation optique), ou à les compléter (plus particulièrement dans le domaine de lobservation radar). 1. La réussite technique et opérationnelle des équipements militaires spatiaux engagés par la France Avant même le déroulement des opérations alliées contre la République fédérale de Yougoslavie, la France a eu recours à Hélios I-A pour observer le comportement des belligérants kosovars et yougoslaves et accumuler des renseignements dordre tactique. Tout au long du conflit, elle en a fait un usage plus stratégique, ce à quoi le satellite sest prêté de façon plutôt satisfaisante. Par ailleurs, il a été nécessaire dactiver les charges utiles de trois satellites Télécom II pour satisfaire le besoin croissant des armées en liaisons « moyens débits ». Dans lensemble, les équipements impliqués se sont bien comportés. Leur utilité politique na pas été négligeable non plus. a) Lutilité avérée dHélios I : un engagement à forte signification politique Le programme trinational Hélios I qui associe la France, lItalie et lEspagne porte sur la réalisation de deux satellites dobservation optique dont le contrôle seffectue à partir dun centre principal sur la base de Francazal Toulouse, et dinstallations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception (Colmar, Iles Canaries et Lecce) et un centre de traitement des images (Creil, Torrejõn et près de Rome). Le satellite Hélios I-A a été mis en orbite le 7 juillet 1995 par une fusée Ariane 40 et le système est entré en phase opérationnelle depuis le 11 octobre 1995. Le deuxième satellite, Hélios IB, dont la réalisation a débuté en janvier 1994, a été mis en condition de stockage et sera placé en orbite à la fin de 1999 pour assurer le relais avec le satellite Hélios I-A dont la durée de vie a été fixée de manière contractuelle à cinq ans. Lors du conflit du Kosovo, le programme Hélios I a confirmé son aptitude au renseignement documentaire et à linformation politique. Les images reçues sont dune excellente qualité et, après traitement, donnent entière satisfaction aux différents services de renseignement. Il est à noter que les autorités politiques françaises ont pu influencer le choix des cibles de lAlliance atlantique lors des soixante-dix-huit jours de frappes aériennes contre la République fédérale de Yougoslavie grâce à la capacité autonome dobservation de la France. Il sagit là de la principale différence que lon peut relever avec les opérations menées dans le Golfe en 1991. Le partage entre les trois pays des temps dutilisation en fonction des financements initiaux est globalement satisfaisant malgré sa complexité. Il est respecté de manière statistique sur le long terme depuis quatre ans. Il na pas posé de problème majeur lors de la crise du Kosovo. Des protocoles ont permis détendre la coopération à la phase dexploitation du programme et au maintien en condition opérationnelle. En avril 1993, un protocole de fourniture rémunérée des images Hélios I a été signé entre le Secrétaire général de lUEO et les Ministres de la Défense des trois pays coopérant au programme. La première fourniture au centre satellitaire de Torrejòn en Espagne est intervenue en mai 1996. La mise en place du centre dinterprétation des images satellitaires à Torrejòn a été décidée par le Conseil de lUEO en 1990 dans la perspective dun système spatial de renseignement propre à lorganisation. Le centre dispose également dimages prises par les satellites SPOT, ERS et LANDSAT, ou de produits commerciaux disponibles. Un nouveau concept demploi, défini en mai 1997 par le Conseil des Ministres de lUEO, confie au centre une mission de surveillance générale dans le domaine de la sécurité. Lors de lopération « Force alliée », la France, lItalie et lEspagne ont permis la fourniture dimages en provenance dHélios I-A au centre de Torrejòn à titre gracieux. Toutefois, cette coopération est encore relativement limitée, le centre de Torrejòn nayant pas accès à la programmation des satellites par lesquels il obtient ses images. De plus, le budget de ce centre est assez faible puisquil sélevait à 57 millions de francs seulement en 1999. Sur le coût total incluant la réalisation du système, les améliorations, les charges additionnelles et le maintien en condition opérationnelle, la part du programme Hélios I à la charge de notre pays est estimée à 9,8 milliards de francs (1997). Le montant des dépenses réalisées de 1985 à 1997 atteint 8,8 milliards de francs. Afin dassurer le maintien en condition opérationnelle des deux satellites Hélios I, des crédits de paiement à hauteur de 220 millions de francs courants sont inscrits en faveur du programme dans le projet de loi de finances pour 2000 (contre 459 millions de francs lan passé). Les autorisations de programme destinées au maintien dHélios I en condition opérationnelle sélèvent, quant à elles, à 223 millions de francs courants (contre 417 millions de francs pour 1999). b) Lapport fondamental des supports satellitaires en matière de télécommunications Les communications spatiales militaires reposent depuis le milieu des années quatre vingts sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires. La première génération Syracuse I a compris trois satellites : Télécom I-A lancé en août 1984, Télécom I-B en mai 1985 et Télécom I-C en mars 1988. La deuxième génération Télécom II-Syracuse II a assuré la continuité du service grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom II-A), en avril 1992 (Télécom II-B), en décembre 1995 (Télécom II-C) et le 8 août 1996 (Télécom II-D). Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre lécoute, lintrusion et les brouillages. Elles permettent également détendre les capacités du système par la réalisation dun ensemble complet de stations, terrestres ou navales : près de 77 nouvelles stations ont été installées (16 navales, 22 terrestres, 10 sous-marines et 29 sur véhicules légers) entre 1991 et 1997 pour les stations de série. Le parc final atteint ainsi une centaine de stations. Ces satellites ont été mis à contribution lors de lopération « Trident », volet français de lopération « Force alliée », afin dassurer les besoins opérationnels des forces françaises engagées au sein de la coalition alliée. Ainsi, trois charges utiles ont été activées afin dassurer les liaisons « moyens débits ». Aucun problème particulier dinteropérabilité na été décelé. Les forces utilisatrices ont par ailleurs exprimé leur satisfaction vis-à-vis du système actuel dont le caractère dual ne semble pas avoir constitué un handicap. Au contraire, les choix techniques retenus pour larchitecture du système Syracuse ont permis des adaptations au coup par coup pour satisfaire les évolutions du besoin opérationnel. Des compléments au programme initial et des améliorations visent à prolonger la durée de vie de la composante spatiale jusquen 2005 et à améliorer son interopérabilité avec les autres systèmes de télécommunications. Sur un coût total du programme Syracuse II et de ses compléments estimé à 14,17 milliards de francs, près de 10 milliards de francs ont déjà été consommés. La loi de programmation militaire 1997-2002 y a affecté 2,254 milliards de francs de crédits de paiement. Les crédits inscrits dans le projet de budget 2000 pour ce programme et ses compléments sélèvent à 80 millions de francs courants en crédits de paiement et autant en autorisations de programme. 2. Des carences manifestes aux enseignements révélateurs Létendue des limites techniques dHélios I était déjà connue. Néanmoins, la phase opérationnelle du conflit a rappelé que labsence de capacités dobservation infrarouge rend le satellite inopérant par temps nuageux et de nuit, alors même quil sagissait de paramètres essentiels dans le déroulement des bombardements alliés. De ce fait, la possession dun satellite dobservation radar aurait permis déviter une trop grande dépendance des Alliés européens à légard des satellites radar américains de type Lacross. Sur ce dernier point, lévolution technologique permet denvisager désormais un programme bien moins coûteux quHorus, pour peu quil soit mené en coopération. A propos de ces deux volets de lobservation, domaine essentiel sur les plans tactique et opératif, le conflit du Kosovo est source denseignements susceptibles dorienter lélaboration des prochains projets de budget pour lespace militaire. a) La nécessité dassurer la relève dun programme dobservation optique encore limité Dans sa définition actuelle, le satellite Hélios I emporte une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques spécialisés EMS, destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Il comprend aussi un système découte électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. Lorbite polaire héliosynchrome et les capacités de manuvre garantissent une possibilité dobservation dun site donné tous les deux jours (à léquateur). Les capacités sont limitées à lobservation de jour et par temps clair. Le satellite ne repasse exactement à la verticale dun point donné que tous les vingt-six jours. Certes, des améliorations ont déjà été incorporées au système Hélios I-B : lemport dune mémoire de masse à la place des MES va accroître les capacités et permettra une utilisation plus souple des images ; les modifications apportées aux composantes sol les rendra aptes à recevoir les images civiles (SPOT, ERS ou LANDSAT) ; la station de théâtre transportable sera mise au point à partir dun démonstrateur dune station de réception et de traitement des images. Enfin, il est prévu dadjoindre une composante dobservation infrarouge de façon à permettre lobservation de nuit et la détection dindices dactivité apportant une information complémentaire. Toutefois, lexpérience acquise lors de la conduite des opérations au Kosovo souligne le besoin de disposer dune capacité de surveillance « tous temps » aux niveaux stratégiques et tactiques et, si possible, dune transmission des données en « temps réel » afin daccroître la réactivité des forces en opération. La nécessité de relever sur orbite le satellite Hélios I (dont lespérance de vie ne peut dépasser 2002-2003) et daméliorer les capacités techniques a conduit dès 1994 à définir une nouvelle génération, dite Hélios II, qui répond partiellement à ces exigences. Celle-ci doit valoriser les acquis du programme précédent en rentabilisant leurs investissements, en modernisant les installations à mi-vie et en bénéficiant de synergies avec les programmes civils. Elle doit également intégrer les améliorations technologiques dans les domaines de la capacité de prises de vues, de la réduction des délais daccès aux informations recueillies et de la résolution des images. Néanmoins, force est de constater que ces améliorations ne pallient pas labsence de moyens satellitaires dobservation radar, dont Hélios I et II gagneraient à être complétés. b) Lintérêt dun programme dobservation radar qui fait défaut Les estimations prévisionnelles du coût dun système radar comprenant trois satellites et une composante sol sélevaient dans la loi de programmation militaire à 6,5 milliards de francs (valeur 1996), et ce, dans les hypothèses dune participation allemande de près de 40 %, dun investissement français équivalent au tiers du programme et dune contribution italienne de lordre de 20 %. Les difficultés budgétaires relatives à la participation allemande ont conduit le Gouvernement, dans le cadre de la revue des programmes, à arrêter le projet Horus sans pour autant renoncer à lacquisition dune capacité dobservation radar sur la période pluriannuelle spatiale. Or si la volonté de la France dacquérir un système radar demeure, les hypothèses technologiques initiales sont remises en cause. La précédente solution datait des années quatre-vingts et était orientée vers un projet de gros satellite. La maturité croissante du concept de petits satellites radars oriente le débat et oblige à un réexamen des projets de recherche et des capacités des systèmes. En effet, labandon dHorus ne fait pas disparaître le besoin opérationnel daccéder à limagerie radar et ne ferme pas toute perspective dacquisition dun système dobservation de ce type. Les progrès technologiques permettent dès aujourdhui denvisager la réalisation de petits satellites dune masse denviron une tonne pour un coût denviron 2,5 milliards de francs. Par ailleurs, il apparaît que le concept de constellation à base de petits satellites radars constitue dorénavant une solution crédible et attractive aux niveaux des performances, de son potentiel de croissance et douverture permanente à la coopération avec des pays tiers comme lItalie (projet Cosmos-Skymed) ou même lAllemagne (suite à la fusion annoncée entre DASA et Aérospatiale-Matra), ainsi que sur le plan financier. Pour préserver lacquis des travaux réalisés au titre du programme Horus et en vue de préparer la relance dun programme radar, de nombreuses études dans le domaine de limagerie se poursuivent à travers la réalisation du démonstrateur du satellite radar Graves et lanalyse dynamique du fonctionnement dune antenne radar notamment. Néanmoins, le manque dexpérience des armées européennes à légard des images radar pose le problème de la maîtrise de la chaîne image dun satellite radar de haute résolution. Dans le cas de lobservation optique, lexpérience acquise à travers le programme SPOT sest révélée déterminante dans lexploitation du potentiel dHélios I par les forces. Dans le domaine de lobservation radar, les images ERS constituent une base dexpérimentation utile, mais leur résolution est trop grande par rapport à celle dun satellite radar à vocation militaire. Cest pourquoi, lacquisition dun démonstrateur radar peu onéreux et à vocation pré-opérationnelle semble un préalable bienvenu au lancement dun véritable programme, fut-il moins coûteux que le projet Horus. Ceci, dautant plus que la plus grande incertitude règne sur la satisfaction quun tel programme pourrait apporter aux militaires (ces derniers sattendant à une résolution dimages que le produit fini ne leur permettra peut être pas davoir), et que le démonstrateur réalisé à peu de frais pourrait se révéler opérationnel moyennant quelques adaptations marginales (à limage de lhélicoptère Horizon utilisé avec succès au Kosovo). De manière générale, un satellite dobservation radar constitue un instrument dobservation complémentaire du dispositif dobservation optique qui est dautant plus utile quil permet un meilleur balayage de la zone à couvrir sans même basculer sur lui-même, ce qui évite les mécanismes de stabilisation. B. UNE RELATIVE INCERTITUDE SUR LE DÉROULEMENT DES PROGRAMMES ESSENTIELS En attendant que les partenaires européens sengagent sur des projets, la France assure le déroulement des programmes majeurs quelle a engagés seule et prépare leur renouvellement. Il devient donc nécessaire de recourir aux moyens civils pour satisfaire des programmes de cohérence et éviter la réalisation de systèmes nationaux trop coûteux ou trop ambitieux. 1. La consolidation des acquis pour la réalisation dHélios II En 1998, la décision a été prise de décaler le lancement dHélios II, notamment en raison des difficultés rencontrées pour établir des partenariats européens. Néanmoins, la phase de réalisation du programme a été finalement initiée afin dassurer la continuité du service dobservation optique au début du siècle prochain, même en cas dimprévu sur le programme Hélios I. Aujourdhui, la France conduit seule ce programme dont lobjectif est de rendre le premier exemplaire disponible au lancement en 2003. a) Une conception engagée Malgré les incertitudes que fait peser labsence de coopération européenne sur son déroulement, le programme Hélios II reste une des priorités essentielles du volet défense de la politique spatiale française. Pour preuve, si sa phase de définition a été prolongée jusquen mars 1997, sa fiche de caractéristique militaire a été approuvée le 21 avril de la même année et sa phase de développement a été lancée il y a deux ans. Le coût total du programme Hélios II pour notre pays a été estimé à près de 11 milliards de francs (valeur 1996) pour deux satellites ainsi que pour ladaptation nécessaire des installations au sol, et à 13,4 milliards de francs dans lhypothèse où un troisième satellite serait lancé dans la continuité des deux premiers pour assurer une permanence de deux satellites en orbite. Plus de 4 milliards de francs ont déjà été dépensés. Le Ministre de la Défense a approuvé le dossier de lancement de la réalisation du programme, prévu par la loi de programmation militaire, le 7 juillet 1998. La DGA sest placée dans un contexte de maîtrise des coûts sans transiger sur les capacités opérationnelles. Le dialogue avec les industriels passe également par le CNES qui assure la maîtrise douvrage. Sur larticle 69 du chapitre 51-61, le projet de budget a inscrit 1 088 millions de francs dautorisations de programme et 1 112 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme qui représentera donc encore à lui seul près de la moitié des crédits consacrés à lespace en 2000. Parallèlement, les coopérations européennes sont activement recherchées. Mais aucun partenariat nest acquis à ce jour. b) Des partenariats pas encore assurés Limportance des flux financiers nécessaires a incité à rechercher un partenariat européen depuis le début de la phase de définition. LItalie aurait souhaité retarder la mise en orbite dHélios I B afin de prolonger le service de la première génération de satellites. Elle a demandé à sassocier au programme mais na toujours pas fait connaître sa décision. Des dispositions sont prises pour que ce pays puisse rejoindre le programme en cours de développement. Des discussions ont également eu lieu avec la Belgique qui a fait part de son intérêt et avec lEspagne qui a envisagé une participation à un niveau de 3 %. Un accord technique et administratif franco-espagnol avait été signé à lété 1998 mais, depuis la fin de cette même année, lEspagne a engagé un réexamen de sa politique spatiale. Dans lattente des conclusions de sa revue de programmes, elle ne sest pas engagée dans le projet Hélios II. Les négociations avec la Belgique ont, quant à elles, achoppé sur le montant de lengagement, le taux de 1 % dans le programme envisagé par les autorités belges ne permettant pas dobtenir au moins une image par jour et le taux dutilisation de 2,5 % souhaité par les partenaires franco-espagnols étant supérieur aux possibilités financières belges. Sestimant satisfait de sa coopération avec les Etats-Unis, même au détriment de son indépendance de décision, le Royaume-Uni manifeste un intérêt moindre pour les satellites dobservation militaire. En effet, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont constitué des structures intégrées de renseignement au niveau de lOTAN qui excluent les autres partenaires de lAlliance atlantique en raison de leurs liens avec la dissuasion. Un raisonnement analogue a pour linstant persuadé les chefs détat-major des armées allemandes que la fourniture dimages satellitaires par les Etats-Unis était suffisante : elle est surtout moins coûteuse à lheure où les budgets déquipement militaire sont contraints. On peut croire que les Allemands trouveront un équilibre entre leur culture liée à lOTAN et une frustration grandissante due à une trop grande dépendance, notamment dans le prolongement du conflit du Kosovo. La participation allemande sest heurtée à plusieurs difficultés, dune part, la réduction importante des dotations budgétaires du ministère de la Défense, dautre part, limpossibilité de régler les questions opérationnelles, industrielles ou financières. Une participation à Hélios II supposait un apport financier de lAllemagne dau moins 10 % pour compenser les investissements déjà réalisés par les autres pays et un partage opérationnel dès la mise en uvre du premier satellite. Les décisions de Baden-Baden, le 7 décembre 1995, et de Dijon, en juin 1996, avaient pourtant confirmé la volonté politique commune et permis de négocier un accord intergouvernemental sur lobservation spatiale ainsi quun protocole particulier pour la phase de définition du programme Hélios II. Les sommets de Nuremberg, en décembre 1996, et de Poitiers, en juin 1997, ont réaffirmé lengagement politique de la France et de lAllemagne et aménagé la participation de chacun. À cette occasion, ont été liées les négociations sur le projet dobservation optique et celles sur un système radar. La situation de ses finances publiques ayant incité lAllemagne à différer son entrée dans ces programmes, la France a accepté un décalage de six mois du premier satellite Hélios II et, afin déviter une discontinuité dans le système Hélios, elle a dû augmenter son effort financier pour compenser le retrait partiel de son partenaire. Cette opération explique le niveau des dotations pour Hélios II en 1998 (1 700 millions de francs dautorisations de programme et 1 420 millions de francs de crédits de paiement) et leur maintien dans le projet de budget pour 1999 (1 644 millions de francs dautorisations de programme et 1 417 millions de francs de crédits de paiement). Mais la décision allemande de ne plus participer au programme dobservation optique oblige la France à engager seule sa réalisation en ménageant les possibilités dimplication des autres partenaires européens lorsque la situation aura évolué. 2. Vers une solution transitoire pour la relève de Syracuse II Le système Syracuse II couvrira les besoins essentiels en matière de communications spatiales militaires jusquà la fin de la programmation. La durée de vie des satellites, fixée initialement à dix ans, limitait à 2001 la continuité du service, mais les actions de complément permettront de prolonger le système jusquen 2005. Cependant, il convient de préparer la nouvelle génération de satellites de télécommunications à partir de 2005 et de développer une meilleure interopérabilité avec les Alliés. Aussi, la loi de programmation militaire a-t-elle inscrit près de 4 milliards de francs de crédits de paiement pour le développement de cette troisième génération de satellites dont le premier exemplaire devrait être commandé avant 2002 et pourrait être lancé en 2005, en fonction de la solution retenue. La recherche dune coopération européenne se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux en service, britannique Skynet IV et français Syracuse II, et par la convergence des besoins opérationnels avec lAllemagne. Selon le schéma retenu, il pouvait être envisagé un projet binational (Bimilsatcom) ou trinational (Trimilsatcom). Une solution regroupant quatre autres pays est toujours apparue peu probable (Eumilsatcom) en raison de linsuffisance des études préparatoires et de la complexité dun tel système (absence de maîtrise des coûts, instauration dun « juste retour » industriel...). Lannonce, le 12 août 1998, par la Grande Bretagne quelle ne prendrait pas part à la phase de définition de la coopération montre quelle a privilégié une solution nationale en raison de différences dapproche sur le recours aux techniques EHF et de considérations industrielles. Aucun pays européen ne maîtrise encore cette technique et on peut supposer quune entente a eu lieu avec les Etats-Unis. Même si officiellement une compétition a été lancée entre Matra Marconi Space (MMS) et Lockheed Martin pour la définition du futur système de télécommunications, la Grande Bretagne a fait le pari de léchec de la coopération européenne et de lachat « sur étagère » des techniques EHF. De plus la solution nationale permet de retrouver le groupe industriel britannique MMS-UK soit en maître duvre, sil remporte le contrat, soit en maître douvrage sous-traitant dun consortium auquel participerait Lockheed Martin. La France ne souhaite pas renoncer à la coopération mais, dans limmédiat, une solution intermédiaire pour attendre la réalisation dun système commun savère nécessaire. En fait, la démarche actuellement privilégiée pour la réalisation du système successeur de Syracuse II sarticule en deux étapes : la première, sous maîtrise duvre nationale, devrait permettre à la France de mettre en orbite un satellite de nouvelle génération fin 2003 ; la seconde, reposant sur le principe dune coopération franco-allemande, compléterait dici à 2006, fin de vie de Télécom II-D, la constellation de satellites nécessaires à la satisfaction du besoin opérationnel de la France et de lAllemagne et conduirait à la conception de nouvelles stations ainsi quà la mise en uvre dun nouveau système de gestion de lensemble. Sur cette base, 309 millions de francs dautorisations de programme et 307 millions de francs de crédits de paiement ont été inscrits dans le projet de budget pour 2000 sur les articles 36 et 74 du chapitre 51-61, afin que se poursuivent les études de faisabilité. C. LE CARACTÈRE INDISPENSABLE DES APPROCHES COMPLÉMENTAIRES Bien quils ne fassent pas partie des quatre objectifs prioritaires poursuivis par la politique spatiale française, les programmes complémentaires de lobservation optique et radar précisent les informations recueillies par ce biais. En effet, les satellites découte électromagnétique permettent de détecter et localiser les moyens adverses. Les programmes de cohérence, quant à eux, ont plus particulièrement vocation à affiner le cadre dintervention des forces. Limportance de ces approches complémentaires nest pas mésestimée car elles bénéficient dun effort dapplication maintenu à travers la réalisation de démonstrateurs ou le recours à des moyens civils. 1. Lécoute électromagnétique Lécoute électromagnétique par des moyens spatiaux correspond à un besoin opérationnel complémentaire de lobservation optique, infrarouge et radar, car elle est nécessaire à la connaissance des activités militaires et des caractéristiques des matériels mis en uvre chez ladversaire. En effet, un système découte permet de localiser les sources démission, de surveiller les déplacements et les variations significatives dintensité. A linverse des moyens aériens (DC 8 Sarigue) ou maritimes (composante MINREM embarquée sur un navire) qui seront présentés dans la seconde partie de cet avis, un satellite découte a lavantage de nêtre ni visible, ni intrusif, et de constituer de manière continue des bases de référence. Des études préparatoires avaient débuté dès juillet 1992. Mais la loi de programmation militaire (1995-2000) navait pas retenu le projet Zénon, et seule une veille technologique a été financée. Dans une première étape, deux micro-satellites scientifiques denviron 50 kilogrammes ont été développés à titre exploratoire et financés au titre des études amont spatiales : lun, Cerise, a été lancé en même temps quHélios IA le 7 juillet 1995. Il est chargé deffectuer des mesures dimpulsion électromagnétique dans certaines gammes de fréquences. Il contribue ainsi à une meilleure connaissance de lenvironnement radioélectrique et prépare linsertion des futurs satellites dobservation dans un spectre de fréquences actuellement encombré. La collision dont il a été victime en juillet 1996 a endommagé le mât de stabilisation mais la charge utile fonctionne normalement. Il a été remis dans une attitude favorable pour poursuivre sa mission à lété 1997. Le coût de sa réalisation et de son lancement sest élevé à 82 millions de francs. Son maintien en condition opérationnelle représente une dépense denviron 1 million de francs chaque année ; un projet analogue, Clémentine, porte sur des bandes de fréquences différentes et sera lancé avec Hélios I-B dici la fin de cette année. Le coût total de lopération est estimé à 90 millions de francs. La maîtrise duvre de ces deux programmes est assurée par Alcatel Espace, Thomson-CSF et Surrey Satellite Technology Limited. La réalisation dun système complet ne semble pouvoir être envisagée que dans un cadre multinational. Les premières discussions avec lAllemagne montrent à lévidence que ses responsables privilégient le cadre de lO.T.A.N. dans la mesure où des accords secrets de défense lient déjà la République fédérale aux Etats-Unis pour lanalyse des signaux électromagnétiques. 2. Les programmes de cohérence La météorologie est considérée comme un élément majeur de la planification des opérations militaires. Les besoins actuels sappuient sur les données des satellites civils METEOSAT qui suffisent aux forces armées en terme dinfrastructures. Un meilleur accès aux informations est en cours détude afin de recevoir et de traiter les données sur site. La mission de surveillance de lespace constitue un facteur essentiel de sécurité car elle permet dapprécier les menaces des systèmes adverses en service et de se prémunir contre elles. A la suite de la revue de programmes, il a été décidé darrêter le programme de système de surveillance de lespace (SSE) mais den conserver les acquis. Cest pourquoi le projet de démonstrateur radar Graves, proposé par lONERA mais financé sur crédits de la DGA, sera achevé. Les études, qui ont fait lobjet dun moratoire dun an, ont repris et permettront dacquérir une capacité pré-opérationnelle à lhorizon 2002. Cette capacité donnera un certain niveau dautonomie en matière de détection mais devra être ultérieurement complétée par un moyen didentification pour constituer véritablement un premier ensemble opérationnel. La revue de programmes a également mis fin au projet de télescope Solstice pour photographier les satellites et les identifier, et a conduit à dénoncer le contrat avec Spot-Images pour lobtention dimages de satellites en orbite. La navigation et le positionnement ne cessent de prendre de limportance dans la conduite des opérations militaires. Le système américain de navigation par satellite GPS (Global Positioning System), dont laccès est gratuit, est de plus en plus utilisé par les forces armées. Celles-ci ont également eu recours au système russe Glonass, dans de moindres proportions toutefois. La réflexion portant sur lutilisation des systèmes actuels et léventuelle constitution dune constellation concurrente a finalement débouché sur la décision, prise concomitamment par le Conseil des Ministres de lAgence spatiale européenne et par celui de lUnion européenne, de lancer la phase de définition de Galileosat, système de navigation par satellite indépendant du GPS. En effet, la situation est ambiguë car un réel problème dautonomie et de sécurité existe. Actuellement, les États-Unis peuvent refuser dans certains cas lutilisation du service sans préavis et sans motivation. Par conséquent, Galileosat permettra aux armées européennes de disposer de moyens de navigation de haute qualité sans dépendre de laccord dune puissance étrangère pour les utiliser. Cette autonomie est dautant plus importante que le système de navigation par satellites est primordial pour les futurs systèmes de missiles de croisière et de bombes guidées par satellites (et donc efficaces par tous temps). Les ministères français de la Défense, des Affaires étrangères, des Transports, de lÉducation et de la Recherche évaluent actuellement les modalités de mise en uvre dun tel système et réfléchissent surtout sur les spécificités à y apporter pour permettre un usage sécurisé par les forces armées. Les contraintes techniques ne posent pas de réel problème car les solutions reposent peu ou prou sur des mécanismes similaires à ceux en vigueur sur le GPS. Par contre, la gratuité du service doit être assurée, de manière à ne pas engendrer un effet dissuasif par déventuels surcoûts pour les forces utilisatrices. La surveillance et le contrôle du départ des missiles balistiques paraissent hors de portée dun seul pays. Les études préalables ont montré que, pour détecter un signal infrarouge et déterminer (par calcul) la trajectoire ainsi que le point dimpact dun missile, le système devrait sappuyer sur deux à trois satellites en orbite basse, observant en permanence une région donnée. Le projet MEADS a été élaboré au sein de lOTAN. Mais, dans le cadre de la programmation, la France a renoncé à poursuivre sa collaboration à ce programme en raison du coût prohibitif qui serait à sa charge. La phase de définition ne réunira donc que les Etats-Unis, lAllemagne et lItalie. Cela nempêche pas que des réflexions relatives à la défense antimissiles et à la détection infrarouge des tirs aient lieu au niveau national. DEUXIÈME PARTIE : LES MOYENS DE COMMUNICATION, DE RENSEIGNEMENT ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS La programmation militaire a été construite autour du concept de cohérence interarmées. En effet, lanalyse stratégique a montré que, dans les conflits auxquels la France devra participer ou auxquels elle sera associée, lefficacité opérationnelle densemble reposera sur la conjugaison des capacités propres à chaque armée et sur la maîtrise de toutes les fonctions interarmées. Cest pourquoi, une attention croissante a été portée aux moyens qui relèvent des fonctions de commandement, de communication, de conduite des opérations et de renseignement. I. LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT : UN DOMAINE BUDGÉTAIREMENT PRIVILÉGIÉ Les systèmes de communication en service dans les armées sont marqués par la période de guerre froide pendant laquelle ils ont été conçus. Lobsolescence de certains systèmes a imposé leur refonte complète. Celle-ci prend en compte lévolution du concept stratégique et intègre les contraintes liées à la projection des forces et au caractère interarmées des opérations. La refonte des systèmes fait appel à la complémentarité des moyens civils et militaires, même si elle préserve toujours un noyau militaire ; elle privilégie les réseaux et les services interarmées ; elle confère aux autorités organiques la responsabilité de leurs moyens ; elle cherche à renforcer la confidentialité, la sécurité et la fiabilité des systèmes au sein des forces mais aussi entre les forces et les différents échelons de commandement. La mise en uvre des nouveaux systèmes crée ainsi un noyau homogène et plus cohérent sur lequel se greffent les réseaux de desserte et les réseaux tactiques de chaque armée. A. LES PROGRAMMES AU NIVEAU INTERARMÉES Hormis le système de radiocommunications par satellite Syracuse, les moyens de communication de niveau interarmées et du haut commandement incluent trois systèmes : RIMBAUD (Réseau interministériel de base uniformément durci) est un système interministériel au service des plus hautes autorités civiles et militaires, impliquées dans la défense nationale. Bien quils sappuient sur des concessions civiles de France Télécom, les matériels utilisés sont durcis aux impulsions électromagnétiques. Le Secrétariat général pour la défense nationale SGDN qui gère le système a lancé fin 1997 un programme de valorisation afin de louvrir à de nouveaux services sécurisés (téléphones cellulaires GSM sécurisés, par exemple) ; RETIAIRE (Réseau interarmées dinfrastructure) est principalement orienté vers les unités nucléaires spécialisées. Il supporte aussi certaines applications de létat-major des armées. Comme le réseau RIMBAUD, il est durci à limpulsion électromagnétique et assure un niveau de confidentialité secret-défense. Mais ses fonctions seront progressivement transférées au système SOCRATE au fur et à mesure de sa montée en puissance ; compte tenu de lobsolescence ou de linsuffisance des réseaux de transit propres à chaque armée, essentiellement RITTER pour larmée de Terre, RA 70 pour larmée de lAir et réseaux en concessions pour la Marine, un seul système interarmées SOCRATE devrait remplacer les services existants. Une partie, environ 25 % du réseau cible, est opérationnelle depuis le début de 1998 mais le déploiement complet ne sera achevé quen 2005, soit plus de deux ans après le délai prévu par la programmation militaire. Le nouveau réseau fournira des services modernes de téléphonie, de télégraphie et de transmission de données. Par ailleurs, SOCRATE offrira des possibilités de transit aux réseaux de desserte locale des armées et pourra sinterconnecter aux principaux systèmes, nationaux ou alliés, en offrant un niveau de protection suffisant. Alors que plus de 4,9 milliards de francs ont déjà été consommés depuis lorigine, le projet de budget prévoit 16 millions de francs dautorisations de programme (contre 283 millions de francs inscrits dans la loi de finances initiale en 1999) et 341 millions de francs de crédits de paiement (contre 347 millions de francs de dotations en 1999) pour ce programme, sur larticle spécifique 63 du chapitre 51-61. Cette évolution budgétaire indique que la réalisation du réseau SOCRATE reste prioritaire, à linstar du domaine des communications militaires. Cependant, la forte contraction des autorisations de programme dont le montant est divisé par quatre, suscite quelques interrogations dans la mesure où le programme nest pas encore dans sa phase de finition. En tout état de cause, tout retard supplémentaire dans son déploiement serait préjudiciable. B. LES PROGRAMMES DINFORMATION ET DE COMMANDEMENT La maîtrise des moyens de commandement, de contrôle de linformation et de gestion des données a révélé toute son importance au cours des crises récentes à la gestion desquelles la France était partie prenante. Ces moyens connaissent donc un développement significatif. A cet égard, les systèmes dinformation, de télécommunication et de commandement font lobjet dun traitement budgétaire favorable qui est bienvenu : léquipement de larmée de lAir par le nouveau système de transmission MBTA se traduit par des autorisations de programme en très forte hausse (680 millions de francs inscrits dans le projet de budget 2000 contre 25 millions de francs seulement lannée passée) ainsi que par une croissance importante des crédits de paiement (passant de 290 millions de francs en 1999 à 423,5 millions de francs dans le projet de budget 2000) ; larmée de Terre bénéficie également de cette priorité puisque 903,7 millions de francs dautorisations de programme et 639 millions de francs de crédits de paiement sont affectés aux systèmes dinformation, de télécommunication et de commandement ; la Marine nationale, quant à elle, profite dune augmentation sensible des abondements destinés à ses équipements en matière de systèmes de télécommunication et despace, les autorisations de programme sélevant dans le projet de budget 2000 à 284,5 millions de francs alors que les crédits de paiement progressent à 281,8 millions de francs. PRINCIPALES COMMANDES ET LIVRAISONS
Parallèlement, le système informatique de commandement des armées de première génération SICA doit doter les forces dun outil moderne dinformatique de commandement et de gestion des situations, dont la sécurité sera renforcée et la vulnérabilité réduite. Il regroupe des aides à lexploitation des données et des outils de gestion des informations. Il sera prolongé par les systèmes compatibles de chacune des armées, SICF/SIR pour larmée de Terre, SCCOA pour larmée de lAir et SYCOM pour la Marine. Lobjectif est de disposer darchitectures flexibles, modulaires et interopérables. 1. Le SCCOA de larmée de lAir Le SCCOA est un système dinformation et de commandement destiné au recueil, à la gestion, au traitement et à la diffusion de linformation pour lensemble des missions opérationnelles conventionnelles de larmée de lAir. Il regroupe des études et fabrications relatives à des capteurs (radars principalement), à des centres dopérations associés aux différents échelons de commandement et à des moyens de transmission. Le financement de certains capteurs devrait être assuré par lOTAN dans le cadre de son programme interopérable ACCS (Air Control and Command System) dont le SCCOA est la partie française. Le programme a été scindé en trois phases dont la première a été lancée en février 1993 et sera opérationnelle en 2001. Le coût total du programme est aujourdhui estimé à environ 15,5 milliards de francs, celui de la première phase à 5,18 milliards de francs. Les crédits inscrits pour la période 1997-2002 dans la loi de programmation militaire dépassent 5,8 milliards de francs. Le projet de budget pour 2000 prévoit quant à lui 673,4 millions de francs de crédits de paiement et 566 millions de francs dautorisations de programme, soit un léger infléchissement par rapport à la loi de finances initiale pour 1999 qui coïncide avec le bon déroulement du programme. 2. Le SICF de larmée de Terre Le programme SICF a pour objectif de constituer le système global dinformation et de commandement des PC de division et de fournir tous les éléments de stockage et de traitement de linformation. Il est destiné à améliorer la cohérence et le rendement de la chaîne de commandement par automatisation des manipulations, transferts et traitements réalisés avec les autres systèmes dinformation de larmée de Terre, des autres armées et des Alliés. Larmée de Terre devrait être dotée au cours des prochaines années densembles dinformation et de commandement des forces (SICF) dont la mise en service opérationnel interviendra en septembre 2000 pour la première brigade. · la première version comprend deux PC de niveau brigade, deux plates-formes dentraînement et une plate-forme de référence. Son coût total de réalisation sélève à 412 millions de francs (valeur 1999) ; · la seconde version doit équiper douze PC de différents niveaux. Son coût total estimé est de 375 à 600 millions de francs (valeur 1999). Parallèlement, pour assurer le commandement des régiments et unités élémentaires lors de leur engagement, des systèmes modulaires dinformation sur véhicules (programme SIR) ont été commandés. Leur livraison pourrait intervenir elle aussi à partir de 2000. Une cible de 441 véhicules de série a été retenue pour un coût total de 826 millions de francs (1998). Les autorisations de programmes du projet de budget 2000 concernant le SCIF sélèvent à 182,81 millions de francs (dont 71,15 millions de francs pour la fabrication) et les crédits de paiement atteignent 110,35 millions de francs (dont 39,41 millions de francs pour la fabrication). II. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT : UN ENJEU DE PLUS EN PLUS CRUCIAL MAIS PAS ENCORE PRIORITAIRE La loi de programmation militaire comme la revue de programmes ont confirmé lintérêt porté au renseignement stratégique qui assiste les autorités politiques dans leurs prises de décision. En dehors des programmes spatiaux, dautres moyens, aériens ou maritimes, sinscrivent dans le cadre national de recueil de ce renseignement. Les moyens tactiques en soutien des unités engagées sur le terrain se développent peu à peu. Mis à contribution lors des opérations menées contre la République fédérale de Yougoslavie au printemps 1999, ils ont donné pleinement satisfaction aux forces qui les ont employés. A. LES PROGRAMMES STRATÉGIQUES DÉCOUTE Le projet de satellite découte a été abandonné par la précédente programmation militaire et seule une veille technologique a été organisée dans le cadre de programmes de micro-satellites expérimentaux. Par conséquent, les moyens découte sont mis en uvre par les forces elles-mêmes. 1. La composante aéroportée : Sarigue nouvelle génération Le système aéroporté Sarigue a pour mission essentielle le recueil dinformations électromagnétiques à vocation opérationnelle. Décidé en 1993 pour remplacer le système actuel mis en service en 1977, le programme de nouvelle génération, comprend un segment aéroporté et une composante sol devant entrer en fonction en lan 2000. Les difficultés liées à la définition du porteur DC 8 remotorisé ont conduit à ce retard. Sur un coût total estimé à 1,57 milliard de francs (valeur 1999), le projet de budget affecte à ce programme 4 millions de francs dautorisations de programme et 127 millions de francs de crédits de paiement. 2. La composante navale : le MINREM Le MINREM constitue un ensemble déquipements découte pour linterception et la goniométrie de signaux électromagnétiques. Ceux-ci sont financés au titre de létat-major des armées et embarqués sur un bâtiment de 3 000 tonnes environ qui assure la présence de longue durée à la mer. La programmation, qui a inscrit près de 333 millions de francs (valeur 1997) en faveur de ce programme, prévoit la rénovation du système dont la charge utile sera transférée en 2001 sur le Bougainville afin dassurer la continuité du service jusquà la livraison du nouveau système qui pourrait intervenir fin 2004. Le projet de budget pour 2000 y consacre 147 millions de francs dautorisations de programme. B. LES MOYENS À VOCATION TACTIQUE Le conflit du Kosovo a illustré limportance que revêt la possession des moyens de renseignement tactique pour la gestion de lemploi des forces et de leurs équipements. Le recours aux hélicoptères Horizon ainsi que lutilisation de drones ont été loccasion de démontrer lefficacité du dispositif français. Pour autant, dans ce domaine aussi les évolutions technologiques sont rapides. Cest pourquoi un effort budgétaire minimal doit être consenti. 1. Laviation de patrouille maritime Les avions de patrouille maritime Atlantique II, qui ont remplacé les Atlantic I, ont deux missions prioritaires : la sûreté des SNLE pour la mise en uvre de la FOST et le soutien des forces, notamment dans la lutte anti-sous-marine. La cible du programme, réduite par la loi de programmation militaire 1995-2000 de 42 à 28 appareils aujourdhui commandés, a été maintenue. Les trois derniers appareils ont été livrés en 1998. Cependant, le modèle comprenant seulement 22 appareils en parc, il a été prévu de maintenir sous cocon les 6 exemplaires excédentaires par rapport à la série de 28 afin de réduire les besoins dentretien programmé. 2. La surveillance du champ de bataille · Le programme héliporté Horizon de surveillance du champ de bataille est adapté aux besoins interarmées dans le domaine du recueil et de la circulation du renseignement tactique. Chaque système comprend deux hélicoptères Super Puma équipés de radar Doppler (dune portée de 150 km) et dune station au sol. Le premier hélicoptère a été livré en juin 1996 et est opérationnel depuis deux ans. Les deux systèmes prévus ont été livrés, lun en décembre 1996, lautre en mars 1998. Quelque 833 millions de francs ont déjà été dépensés depuis le début du programme. Au cours du conflit du Kosovo, la surveillance de théâtre a fait appel à ces deux systèmes dhélicoptères Horizon. Capables dassurer de jour comme de nuit la détection, la localisation et la reconnaissance des mobiles terrestres et des hélicoptères dans un rayon de 150 kilomètres, ils ont été utilisés en temps réel en liaison avec des systèmes américains JSTARS. A cette occasion, leur fiabilité opérationnelle a été démontrée puisquils auraient permis de détecter des cibles non vues par les JSTARS. Néanmoins, quelques améliorations semblent nécessaires concernant leur capacité à distinguer entre différentes catégories de véhicules (camions, chars ou aéronefs). · Concourt également à lacquisition du renseignement sur le champ de bataille, le radar de contre batterie COBRA, installé sur un véhicule de dix tonnes, qui permet de localiser les moyens de tir adverses avec une grande précision. La France prévoit dacquérir 10 systèmes pour un montant total de 2,44 milliards de francs. Développé depuis 1988, ce programme est entré en phase de production et les dix systèmes seront livrés de 2001 à 2005. · Enfin, lavion de reconnaissance Hawkeye permet, grâce à ses moyens de détection lointaine, de guider les aéronefs au cours de leurs missions dassaut et de les informer des menaces aériennes. Il assure également la sûreté de la force navale en détectant et identifiant tout aéronef ou bâtiment de surface à une distance suffisante pour favoriser leur neutralisation éventuelle. Il contrôle aussi les avions dinterception. Deux appareils ont été livrés à la France à ce jour, de sorte que le système est devenu opérationnel en 1999. Sur un coût total estimé à 6,1 milliards de francs, plus de 2,5 milliards de francs de crédits ont déjà été consommés. Le projet de budget pour 2000 prévoit 882 millions de francs dautorisations de programme et 175 millions de francs de crédits de paiement. 3. La mise en uvre de drones Les armées françaises témoignent dun intérêt croissant pour les drones en raison des avantages quils présentent dans le nouveau contexte dintervention des forces. Le bilan de lutilisation des premiers systèmes en service lors du conflit du Kosovo incite à développer ce nouveau vecteur de recueil de renseignement pour en diversifier les aptitudes. Par ailleurs, le degré de complémentarité de ces moyens peu onéreux avec les supports spatiaux présente de nombreux avantages. Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, il est en effet légitime de se demander dans quelle mesure les drones peuvent partiellement suppléer à des satellites dans le domaine de lobservation. a) Un concept demploi éprouvé Les drones sappuient sur un système regroupant des composants articulés (un vecteur, une charge utile, un système de liaison des données, un segment-sol dexploitation et de conduite, un ou plusieurs opérateurs), afin de remplir une mission donnée. Il sagit donc de systèmes réutilisables par principe, télépilotés ou programmés à partir du sol, dune plate-forme aérienne ou navale. La politique à légard des drones a suivi lévolution du contexte dans lequel les armées sont amenées à intervenir et qui privilégie les missions de projection et dintervention dans un cadre international. Le renseignement et linformation deviennent ainsi des facteurs essentiels dans la gestion et la conduite des crises et incitent à développer une capacité dobservation permanente et continue au-dessus du champ de bataille ou de la zone dintervention. Les intérêts des drones sont nombreux : dune part, ils répondent aux nouvelles exigences pour le recueil de linformation car ils offrent une capacité continue dobservation et dinvestigation dans la profondeur du dispositif, devenant indispensables à la manuvre aéroterrestre ; dautre part, ils présentent une souplesse demploi intéressante, en particulier lorsque les conditions dexécution dune mission font plus appel à la programmation quà lintelligence humaine pour les tâches routinières (relais, surveillance, cartographie). Ils allient en effet une réactivité immédiate à une endurance certaine, ce qui en fait des moyens de renseignement utiles. Ils permettent également la préservation de personnels pour les missions dévaluation des dommages après destruction dun objectif ; enfin, par leur mobilité et leur faible coût unitaire, ils constituent un moyen complémentaire du renseignement tactique par voie aérienne ou spatiale. Leur emploi autorise un niveau de prise de risque plus élevé. Certes, les drones présentent aussi des inconvénients qui limitent leur utilisation. Labsence dintelligence à bord réduit leur cadre demploi et leurs capacités dadaptation. Leur utilisation reste peu compatible avec la réglementation internationale de la navigation aérienne. Enfin, leurs caractéristiques de vitesse et daltitude rendent les appareils sensibles à une agression dans une zone adverse. Toutefois, le bilan de leur utilisation dans des conflits récents milite clairement en leur faveur. b) Un bilan plutôt positif concernant les drones en service La place des drones est aujourdhui limitée au niveau tactique, en soutien des unités sur le terrain. Plusieurs systèmes sont en service dans larmée de Terre au 7ème régiment dartillerie. Ils ont été utilisés lors du conflit du Kosovo. · Destiné au renseignement dans la profondeur, le CL 289 est constitué : dun missile préprogrammé, de portée moyenne (150 kilomètres) et évoluant à grande vitesse (720 km/h) et à faible altitude (de 125 à 1 000 mètres). Il emporte un appareil photographique et une caméra thermique dont les informations peuvent être recueillies en temps réel par une station dexploitation. Une version « dégradée » de la charge utile peut être transportée dans une nacelle par hélicoptère ; dun système au sol qui assure le lancement par rampe, la récupération du missile par parachute, la réception des informations et la maintenance. Le système a été développé dans le cadre dune coopération tripartite (Canadair, Dornier et SAT) et Aérospatiale a réalisé les travaux dadaptation aux besoins opérationnels français. Larmée de Terre est équipée de six stations de lancement dotés de 48 missiles. Le système CL 289 a été déployé au Kosovo dans le cadre de lopération « Trident », davril à juin 1999. Il a été utilisé dans les opérations de reconnaissance de colonnes de réfugiés, didentification de matériels ou dinstallations serbes, dévaluation des dommages après frappes alliées. À cette occasion, il sest avéré particulièrement performant : il a permis une bonne identification des cibles dans la profondeur ; il sest montré adapté au contexte européen (géographie, nébulosité) ; il a toujours suivi des trajectoires extrêmement précises. Seulement deux exemplaires français ont été perdus. · Le Crécerelle sapparente à un petit avion téléprogrammable qui évolue à faible vitesse (180 km/h) et à moyenne altitude (300 à 3 000 mètres). Les informations saisies par la caméra à très haute définition et par la caméra thermique peuvent également être transmises en temps réel à une station. La maîtrise duvre est assurée par Sagem. Deux systèmes à six drones ont été livrés en mai 1995 et en mai 1996. Chacune de ces deux sections opérationnelles mises en uvre par larmée de Terre est composée dun centre de contrôle et dexploitation, dun dispositif de lancement et de tir, dun dispositif de récupération et de reconditionnement. Une section a été déployée en Bosnie de novembre 1998 à mars 1999, puis en Macédoine davril à juillet 1999. A cette occasion, la vulnérabilité de ce drone lent a été mise en exergue, de même que sa sensibilité systématique au brouillage de la télécommande et ses limites dans le domaine de la transmission dinformations en temps réel. Trois exemplaires ont été perdus. LEFFICACITÉ TECHNIQUE DES DRONES FRANÇAIS EMPLOYÉS LORS DU CONFLIT DU KOSOVO
Il est nécessaire de souligner que lAlliance atlantique a perdu 21 drones au cours du conflit du Kosovo. c) Des perspectives de développement importantes sur le plan opératif Compte tenu des évolutions des besoins des forces pour la maîtrise de linformation, du combat et du soutien aux opérations, les perspectives de développement des systèmes de drones revêtent une importance toute particulière sur le plan opératif. A cette fin, la France sest lancée dans plusieurs programmes détudes et de développement concernant : le drone Brevel, tout dabord, qui a été défini comme un petit avion télépiloté, relativement lent (120 à 180 km/h), évoluant à moyenne altitude (300 à 3 500 mètres) mais endurant (3h30 dautonomie). Il a été développé en coopération avec lAllemagne dans le cadre du GIE franco-allemand Eurodrone (Matra Bae Dynamics France et STN Atlas Electronik). Si le comité stratégique de 1996 a décidé dinterrompre le programme à la fin du développement, 47 millions de francs de crédits sont néanmoins prévus à cette fin pour lan 2000, ce qui constitue la plus grosse dépense du ministère de la Défense en matière de drones. La loi de programmation militaire na pas prévu dacquisition dici 2002 ; le drone Sperwer, petit avion lent (165 km/h) mais endurant (5 heures extensibles à 8) et évoluant à moyenne altitude (300 à 5 000 mètres), destiné à lacquisition de jour comme de nuit des objectifs dans la zone de responsabilité dune division. Développé par Sagem au profit de larmée de Terre néerlandaise, il a également été acquis par la Suède et semble envisagé par larmée de Terre française comme lun des successeurs du Crecerelle en 2005 ; le drone Hunter, système polyvalent de surveillance et daction (désignation optique et laser), fabriqué par Israël Aircraft Industries et TWR aux Etats-Unis. La France a fait lacquisition, pour 200 millions de francs, dune section de quatre drones israéliens Hunter dont lévaluation opérationnelle sur la base de Mont-de-Marsan, commencée en janvier 1998, sest achevée mi-1999. Lobjectif est de préciser les spécifications des futurs systèmes de drones de moyenne altitude longue endurance, car le Hunter vole à plus haute altitude (jusquà 6000 mètres) et dispose dune endurance plus longue (environ 10 heures) que ceux dont disposent les forces actuellement. Ces perspectives de développement concernent donc aussi bien les drones tactiques dont la durée de vol est inférieure à 12 heures, que les drones endurants ou moyennement endurants dont les durées de vol sont respectivement supérieures à 24 et 12 heures, ces derniers relevant du niveau interarmées. Lobjectif est de diversifier la vocation des drones, en leur attribuant des missions de désignation de cibles, voire de mise en uvre darmements. Dans le domaine du renseignement et de lobservation, les drones semblent également amenés à suppléer partiellement aux satellites en embarquant des capteurs optiques ou radars. Certes, ces équipements sinscrivent avant tout dans un dispositif complet comprenant des satellites et des vecteurs pilotés. Néanmoins, ils peuvent pallier temporairement certains manques, notamment lorsque, comme cest le cas actuellement, les équipements satellitaires dobservation opérationnels (cest-à-dire la filière optique) ne peuvent être secondés par des équipements dont la réalisation est retardée pour des raisons budgétaires (en loccurrence, la filière radar). A la différence des satellites, les drones présentent un coût supportable. Or, les crédits qui ont permis le développement des drones dans les dernières années sont en régression. La DGA ne participe plus au financement des recherches mais seulement aux études amont à caractère technico-opérationnel. Les compétences existent chez les différents industriels (SAGEM, Aérospatiale-Matra, Dassault-Aviation et Thomson-CSF) mais elles sont dispersées. Le montant investi par lÉtat et les industriels dans la recherche en la matière ne représentent que 30 à 35 millions de francs annuels. Il existe donc un risque de repli préjudiciable à la préparation de lavenir. Les États-Unis ont, pour leur part, fait le choix inverse et financent dambitieux programmes (drones à haute altitude et longue endurance Global Hawk et Darkstar) sur lesquels sappuie notamment le succès du Predator qui est équipé de capteurs optroniques et dun radar SAR transmettant leurs données en temps réel par satellite. CONCLUSION Si, à la différence des systèmes de communication des forces, les dotations prévisionnelles pour lespace militaire prennent plus que leur part de la régression globale des moyens mis à disposition de nos armées, les aléas de la coopération européenne en sont la raison principale. A cet égard, le projet de loi de finances initiale pour 2000 apparaît déterminé par des contraintes exogènes qui invitent à reconsidérer la réalité de lengagement européen dans la prévention et la gestion des crises. Certes, le conflit du Kosovo est source denseignements trop récents pour quils reçoivent une traduction budgétaire immédiate. Cependant, les difficultés de la coopération européenne sappuient davantage sur des conflits dintérêts industriels que stratégiques. En cela, il est à craindre que leffort budgétaire européen en faveur de lespace militaire reste dispersé, donc non optimal. Dans un tel contexte, notre pays se voit contraint dassurer presque seul la mise en uvre des systèmes de nouvelle génération afin de maintenir la continuité de service des équipements actuels. Or, compte tenu de la capacité de la France à continuer leffort quelle a entrepris jusquà présent, certaines remises en cause de ses ambitions spatiales semblent inévitables. Une telle évolution, si elle devait se confirmer, serait préjudiciable à lindépendance dappréciation des autorités politiques de notre pays. Elle serait surtout contraire aux objectifs essentiels de la programmation militaire. La France ne peut donc pas faire léconomie de coopérations. Cest pourquoi le ministère de la Défense doit poursuivre ses efforts de manière à rallier nos partenaires à certains de nos projets et à participer à certains des leurs. Cest aussi de cette manière quune identité européenne de sécurité et de défense verra le jour. TRAVAUX EN COMMISSION I. AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF DÉTAT-MAJOR DES ARMÉES La Commission de la Défense a entendu, le 20 octobre 1998, le Général Jean-Pierre Kelche, Chef détat-major des Armées, sur le projet de loi de finances pour 2000. Accueillant le Général Jean-Pierre Kelche, le Président Paul Quilès a rappelé les conditions délicates dans lesquelles il exerçait sa mission puisquil avait à veiller à la capacité opérationnelle de forces qui se trouvent elles-mêmes en profonde restructuration dans le cadre de la professionnalisation. Soulignant que léquipement des armées était de haut niveau si lon en juge par la contribution de la France au conflit du Kosovo, mais quil appelait un effort continu de modernisation et de développement des capacités, en particulier dans les domaines de la frappe de précision à distance de sécurité ainsi que du renseignement, il a indiqué que laudition du Chef détat-major pouvait être pour la Commission loccasion de mieux évaluer lincidence prévisible du projet de budget de la Défense pour 2000 sur létat de préparation et les capacités opérationnelles des forces françaises. Le Général Jean-Pierre Kelche a exposé que le projet de loi de finances pour 2000 formait la quatrième annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002. Il la caractérisé, au titre III, par un respect des engagements de la professionnalisation, voire peut-être un arrêt de la dégradation du fonctionnement, mais, au titre V, par un niveau dautorisations de programme contraint, non optimisé et susceptible davoir des conséquences sur les capacités de la future armée professionnelle et un niveau de crédits de paiement qui, pour être explicable, nen est pas moins préoccupant. Sagissant dabord de la professionnalisation, le Chef détat-major des Armées a considéré quaux deux tiers du parcours, le constat était positif. Dores et déjà, la Marine, larmée de lAir et la Gendarmerie sont très proches de leur format final, larmée de lAir nen étant éloignée que de 1 % seulement. Dans larmée de Terre, les départs des cadres et la création de postes dengagés se déroulent favorablement. Le Général Jean-Pierre Kelche sest néanmoins déclaré en accord avec les préoccupations du Chef détat-major de larmée de Terre en ce qui concerne la décrue de la ressource en appelés, le sous-effectif devenant chronique, de lordre de 15 à 20 %, ce qui, combiné avec linsuffisance de recrutements des personnels civils, créait une tension forte, larmée de Terre étant encore très dépendante de la conscription. Il a rappelé que lan dernier, il estimait que la hausse des rémunérations et charges sociales comprimait de façon excessive, dans la loi de finances pour 1999, les crédits de fonctionnement et jugé que, dans le projet de budget, la situation était différente puisque la moindre progression des coûts de personnel aboutissait à diminuer la pression sur les dépenses de fonctionnement, qui ne sont réduites que de 1,8 % par rapport aux crédits votés de 1999. Il a néanmoins ajouté que, depuis le début de la programmation, les crédits de fonctionnement avaient diminué de 21,5 % alors que la loi de programmation militaire avait prévu une réduction de 20 % seulement et ce, à lhorizon 2002. Il a ajouté que lavance ainsi réalisée avait permis de prendre en 2000 des mesures palliatives pour restaurer un peu les conditions dentraînement. Il a expliqué que, dans les conditions actuelles, seul le volume important dopérations extérieures en cours permettait dassurer un niveau dactivités acceptable, mais a souligné que laction menée en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, quelle que soit sa qualité, ne pouvait se substituer à un entraînement au combat. Sagissant des rémunérations et charges sociales, il a relevé que le projet de loi de finances prévoyait des évolutions limitées des crédits pour les indemnités, un glissement vieillesse-technicité négatif, sur lequel il sest interrogé, et un développement de la sous-traitance en contrepartie de postes supprimés ou non honorés. Il a, à ce propos, observé que le transfert dactivités à la sous-traitance ne pourrait être immédiat, ce qui pourrait soulever le problème de lexécution des crédits correspondants. Il a ajouté que pour la première fois certains chefs détat-major avaient décidé de présenter des mesures de « dépyramidage », des postes de sous-officiers étant supprimés au profit de postes de militaires du rang. Il a indiqué enfin que, si le titre III progressait dun milliard de francs, cette évolution incluait lintégration au sein du ministère de la Défense du secrétariat aux Anciens combattants, la progression à périmètre constant nétant que de 300 millions de francs. Il a conclu que le titre III du projet de budget de la Défense était convenable, mais que son niveau devrait être relevé pour les exercices à venir de manière à éviter des pertes de compétence des forces (entraînement opérationnel). Sagissant des crédits déquipement, le Chef détat-major des Armées sest déclaré nettement moins optimiste. Il a souligné que les réductions cumulées causées essentiellement par la revue des programmes, les « encoches », les annulations, elles-mêmes dues en majeure partie à la nécessité de financer les opérations extérieures, le transfert progressif au titre V des crédits dentretien programmé du matériel et linscription au budget de la défense de dépenses civiles de recherche et de développement (dépenses du BCRD) représentaient 59 milliards de francs, soit 11 % du montant des dotations déquipement initialement prévu par la loi de programmation. Il a fait valoir que cette situation avait obligé les armées à opérer des choix difficiles, notamment en matière dapprovisionnement en munitions, de sorte quà loccasion du conflit du Kosovo on avait été amené à constater que les stocks étaient à la limite de la rupture, ce qui avait obligé à les recompléter durgence. Le Général Jean-Pierre Kelche a précisé que les crédits prévus par la loi de programmation militaire nintégraient pas de contribution au BCRD dans le cadre des dépenses en faveur de lespace, alors quavaient été inscrits à cet effet au titre V 500 millions de francs en 1998, 900 millions de francs en 1999, et 1,5 milliard de francs en 2000. Il a fait remarquer également que cette contribution au BCRD comportait peu de dépenses de nature réellement duale, leur montant pouvant être estimé à 75 millions de francs seulement pour 2000. Il sest toutefois réjoui des efforts du Ministre de la Défense pour donner un véritable caractère de dualité aux dépenses du BCRD financées par les crédits militaires dans le domaine spatial. Il a ajouté, que si le niveau des crédits de paiement paraissait compatible avec les engagements réalisés et prévus, on constatait en revanche dans le projet de budget une déconnexion entre les autorisations de programme et les crédits de paiement qui risquait de provoquer à terme des retards dans le déroulement des programmes. Il a ajouté que le niveau des autorisations de programme, tout en excédant de 4,5 milliards de francs celui des crédits de paiement, restait insuffisant pour lancer lensemble des commandes globales prévues, et quil avait fallu de ce fait reculer la passation de certaines dentre elles après lannée 2000. Remarquant que si le décalage, effectué dans ces conditions, de la seconde commande globale davions Rafale navait pas eu de conséquences sur les conditions de livraison, tel ne serait pas le cas pour dautres si cette politique était maintenue. Il a cependant fait observer que le ministère des Finances avait dû sans doute se persuader que le ministère de la Défense ne disposait plus guère dun surplus dautorisations de programme disponibles puisque le dernier arrêté dannulation navait porté que sur les crédits de paiement. En tout état de cause, les montants prévus dautorisations de programme ne permettent pas de couvrir les engagements prévus au titre des programmes M 51 et NH 90, pour ce qui concerne son industrialisation et sa fabrication. Les besoins éventuels dautorisations de programme pour lATF ne sont pas prévus. Malgré ces insuffisances, le projet de budget pour 2000 nentraîne pas de rupture dans le domaine de la politique déquipement qui conserve sa cohérence. Plusieurs livraisons relevant des programmes majeurs seront au rendez-vous de 2000 : 4 Rafale, 12 Mirage D, 3 Mirage 2000-5, 3 Transall rénovés, 34 chars Leclerc, des missiles Eryx, Mistral, Mica Ainsi, aux deux tiers de la loi de programmation militaire, les armées disposeront de 227 Leclerc sur les 307 qui doivent être acquis dici 2002 et de 90 avions de combat de dernière génération sur les 300 prévus à lhorizon 2002. Par ailleurs, le Charles de Gaulle entrera en service au troisième trimestre 2000 et la Marine alignera quatre des cinq frégates furtives La Fayette inscrites en programmation. Les 21 programmes menés en coopération européenne absorberont 8 % des crédits de paiement du titre V en 2000 alors quils nen représentaient que 5,4 % en 1997. En 2002, ils consommeront 11 % des ressources prévisibles. Dans le domaine de lespace, la coopération européenne connaît des difficultés. En matière de télécommunications spatiales, la France qui poursuit seule, après le retrait des Britanniques, la définition du programme qui succédera à Syracuse II négocie toujours la possibilité dune coopération avec lAllemagne. En matière dobservation, la revue de programmes de 1998 a conduit, après le retrait de lAllemagne, à linterruption du programme de satellite radar. Enfin, lEspagne a renoncé à sa participation au programme de satellite Hélios II dont le lancement est prévu en 2003. Depuis le début de la loi de programmation militaire, les armées ont consenti un important effort de clarification dans la gestion des crédits du titre V (nouvelle nomenclature, développement de linformatisation, suivi de la consommation des crédits en temps réel ). Abordant les activités des armées en 1999, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que les opérations extérieures avaient coûté environ 4,5 milliards de francs, soit un peu moins que prévu il y a quelques mois, en raison notamment de la réduction de la participation française à la KFOR rendue possible par larrivée de troupes dautres pays. Le conflit du Kosovo qui a coûté globalement 2,8 milliards de francs a donné lieu à des dépenses particulièrement lourdes au titre V (1,6 milliard de francs) en raison des consommations de munitions. Le Général Jean-Pierre Kelche a conclu en soulignant que le projet de budget pour 2000 ne remettait pas en cause les objectifs de la loi de programmation militaire, alors que le conflit du Kosovo avait démontré que chacune des trois armées conservait une réelle capacité opérationnelle conformément à lengagement pris pour la période de restructuration. Ainsi, malgré une légère érosion en nombre dappelés et grâce au déroulement satisfaisant des processus de restructuration, le projet darmée professionnelle conserve une bonne crédibilité au sein de linstitution militaire. Le Général Jean-Pierre Kelche a néanmoins attiré lattention de la Commission sur la nécessité dêtre vigilant pour les budgets des années postérieures à 2000. Interrogeant le Général Jean-Pierre Kelche sur les enseignements tirés du conflit du Kosovo, le Président Paul Quilès a demandé si des aménagements des priorités et du rythme dexécution des programmes lui paraissaient nécessaires au vu de cette expérience. Il a souhaité savoir si, dans le domaine aérien, ce conflit pourrait donner lieu à une révision des doctrines demploi et en conséquence des spécifications des matériels. Il a également demandé quelle politique il jugeait souhaitable dans le domaine des munitions, eu égard aux insuffisances constatées. Souhaitant que soit communiqué à la Commission létat des personnels militaires présents dans les représentations diplomatiques françaises à létranger, M. Didier Boulaud a attiré lattention du Général Jean-Pierre Kelche sur limportance de leurs effectifs dans certains postes et sest interrogé sur les critères daffectation de ces personnels expatriés et donc coûteux. M. Guy-Michel Chauveau a dabord interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur une éventuelle évolution de la doctrine française vers un emploi civilo-militaire de nos forces, notamment à la lumière de lexpérience du Kosovo. Puis, notant que les armées européennes appartenant à lOTAN étaient numériquement bien plus nombreuses que celle des Etats-Unis, mais sensiblement plus pauvres en moyens budgétaires, il a demandé si un meilleur effort de complémentarité des dépenses militaires en Europe ne permettrait pas déviter des redondances et daméliorer les capacités opérationnelles. Il sest également interrogé sur le ratio entre les effectifs et les dépenses déquipement dans les armées européennes et américaines. Il a enfin interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur la coopération européenne en matière de recherche et de développement ainsi que sur le pouvoir dimpulsion et dorientation des Etats dans ce domaine face aux groupes industriels de plus en plus puissants qui se constituent. M. Pierre Lellouche a demandé au Général Jean-Pierre Kelche sil nétait pas possible denvisager un système de financement des opérations extérieures qui nobère pas les crédits disponibles pour lentraînement des forces et la modernisation de leurs équipements. Il sest demandé si une dotation ne pouvait pas être créée pour financer la partie constante, dune année sur lautre, des dépenses dopérations extérieures. De la même manière, il a demandé si le surcoût en munitions du conflit du Kosovo réduirait les ressources des programmes en cours. Puis il a demandé au Général Jean-Pierre Kelche sil était en mesure de chiffrer les corrections nécessaires pour les budgets des deux prochaines années. Enfin, constatant que les Etats-Unis avaient refusé de ratifier le Traité dinterdiction totale des essais nucléaires et avaient décidé dengager des négociations pour modifier le Traité ABM de 1972, il a demandé quelles implications cette politique pourrait avoir à terme sur la dissuasion nucléaire française. Remarquant que les armées et en particulier, larmée de Terre, éprouvaient des difficultés dans le recrutement des appelés, M. Charles Cova a souligné que, sur une ressource annuelle de plus de 250 000 jeunes, nos forces nen avaient besoin que de 90 000 en 2000 et 60 000 en 2001. Désireux de proposer de nouvelles mesures pour assouplir les règles du report du service militaire, il a demandé au Général Kelche si les déficits constatés ne concernaient que certaines spécialités ou lensemble des postes encore occupés par les appelés. Le Général Jean-Pierre Kelche a apporté les éléments de réponse suivants : soulignant que les objectifs de lintervention contre la République fédérale de Yougoslavie nétaient pas dinfliger un maximum de dommages, ni de détruire un pays mais plutôt dobtenir par une action progressive et mesurée un effet de découragement afin de faire céder le pouvoir yougoslave, il a estimé que lutilisation de larme aérienne dans ce cadre ne constituait quun exemple parmi dautres. Sa progressivité, son caractère prévisible pour ladversaire, le souci de limiter dans toute la mesure du possible les dommages infligés aux populations civiles étaient contraires aux canons habituels de lart de la guerre aérienne. Les contraintes spécifiquement militaires ne concernaient que la recherche de lefficacité dans les tirs et la sécurité demploi qui conditionnait la durée de lintervention. Lemploi des forces aériennes pourrait être différent dans le cadre dun autre conflit où nos appareils auraient, par exemple, à appuyer des forces terrestres. Il serait donc hasardeux de revoir de manière radicale la doctrine demploi des forces aériennes sur la base dun conflit qui peut être considéré, à certains égards, comme atypique. Lessentiel est de disposer dun outil militaire aussi ouvert que possible dans ses capacités ; sagissant des munitions, la France ne sest pas trouvée en rupture de stock. Néanmoins, les stocks constitués pour certaines catégories darmements se sont révélés très limités, au point que des commandes de recomplètement aux Etats-Unis ont été nécessaires. La certitude quil était possible de racheter certaines munitions, si nécessaire, expliquait ce faible niveau des stocks ; des informations peuvent être communiquées aux parlementaires sur les effectifs et la répartition des postes de personnels à létranger, question à laquelle le Chef détat-major des Armées porte une attention soutenue. LEtat-major des Armées est confronté en ce domaine à un problème de pénurie, notamment lorsquil sagit de nommer des officiers dans les GFIM de lOTAN ; larmée de Terre adapte ses doctrines demploi à la nature des engagements dans lesquels elle est amenée à intervenir. Ainsi, les capacités de mobilité et de puissance de feu du char Leclerc, initialement conçu dans la perspective de laffrontement des deux blocs, ont permis de faire la démonstration de la force de la présence militaire alliée à légard des populations locales. Conjointement avec lartillerie, le Leclerc contribue aussi à un dispositif permettant de dissuader les Serbes de toute action armée éventuelle ; la comparaison du rapport entre effectifs et budget dinvestissement en Europe et aux Etats-Unis doit être faite avec prudence. Ce type de raisonnement peut être fallacieux, comme lexemple du Kosovo la montré : si lEurope na assuré que 20 % des missions de frappe aérienne, cest par choix et non du fait de capacités limitées. Le fait que son niveau de participation à la force terrestre déployée au Kosovo soit bien supérieur à celui des Etats-Unis résulte dailleurs tout autant dun choix ; en matière de complémentarité des systèmes de défense européens, il existe actuellement une volonté commune des Européens de passer des décisions politiques symboliques, telles que la constitution de la brigade franco-allemande, de lEurocorps, de lEuromarfor, etc. à la mise en uvre de systèmes opérationnels, que la France propose dailleurs depuis longtemps déjà. Tel est le sens de lévolution de lEurocorps vers une force de réaction rapide et de la décision de doter lEuromarfor dune structure permanente nécessaire à sa crédibilité. La prochaine loi de programmation militaire devra prendre en compte ces perspectives de complémentarité intereuropéenne accrue. Elle devra cependant tout autant tenir compte du fait que la complémentarité a ses limites : dune part, les coalitions dEtats ad hoc qui se forment peuvent différer selon la nature de la crise ; dautre part, la persistance dintérêts exclusivement nationaux nécessite le maintien de capacités daction autonomes pour la France ; en matière de recherche et développement, la démarche adoptée est celle dune sélection, au niveau national, des créneaux jugés prioritaires, qui sont ensuite présentés à nos alliés européens en vue de la constitution de partenariats de compétences croisées. Dans cette perspective, un pas important a été franchi avec la présentation au Royaume-Uni et à lAllemagne du plan prospectif à trente ans, document de référence pour léquipement à long terme de nos forces. Létape du décloisonnement des planifications nationales, que la France a proposé à ces mêmes partenaires, na pas encore rencontré leur adhésion ; la question du provisionnement des crédits nécessaires au financement des opérations extérieures est depuis longtemps objet de débats. Lorthodoxie budgétaire commanderait dévaluer le socle de dépenses reconduit dannée en année et de le provisionner en loi de finances initiale. Faute dune telle démarche, et le titre III ne pouvant assumer cette dotation sous enveloppe constante, le ministère de la Défense en est réduit aux deux expédients que sont le provisionnement minimal de crédits dans un article en loi de finances initiale (160 millions de francs en rémunérations et charges sociales dans le projet de loi de finances pour 2000) et lannulation, en cours dannée, de crédits sur le budget dinvestissement qui retarde dautant la modernisation des équipements militaires, afin de gager des ouvertures de crédits pour financer les surcoûts en dépenses ordinaires. M. Pierre Lellouche a alors estimé nécessaire de créer un titre nouveau dans le budget de lEtat, distinct des titres III, V et VI pour y inscrire les crédits destinés au financement des opérations extérieures. Des procédures seraient alors mises en place pour permettre la consommation des crédits de ce titre en fonction des besoins. M. François Lamy a fait observer que le problème du financement des opérations extérieures était régulièrement discuté à loccasion des débats sur la loi de finances rectificative. Il a ajouté quaux termes dune décision du Conseil de défense de mars 1997 distinguant les opérations extérieures normales et exceptionnelles, les secondes devraient être financées sans prélèvement sur les ressources de la Défense. M. Arthur Paecht sest demandé sil ne fallait pas faire appel au financement de lorganisation internationale sur le mandat de laquelle les opérations extérieures étaient exécutées. M. Pierre Lellouche a objecté que la pénurie des ressources de lONU rendait ce système difficilement praticable et que lOTAN disposait déjà de procédures particulières de financement. Le Président Paul Quilès a rappelé que M. François Lamy préparait un rapport dinformation sur la question du contrôle parlementaire des opérations extérieures, dans lequel il traiterait également des procédures permettant leur financement. Il a souligné que la Commission de la Défense reprendrait ce débat à loccasion de lexamen de ce rapport dinformation et du prochain projet de loi de finances rectificative. Le Général Jean-Pierre Kelche a alors indiqué que les majorations de crédits prévues pour les munitions dans le projet de loi de finances pour 2000 avaient réduit dautant les dotations destinées à la modernisation de léquipement des armées. Sagissant du niveau des autorisations de programme demandées dans le projet de budget, il a constaté quil se traduirait par un report de certaines commandes globales, qui pèserait sur les dotations déquipement de 2001. A cet égard, il a estimé nécessaire daugmenter le montant des autorisations de programme dans le budget de 2001, afin de passer ces commandes globales. Il a indiqué que, pour les commandes globales prévues dès 2001 dans le cadre des trois programmes NH 90, M 51 et Rafale, environ 18 milliards de francs dautorisations de programme seraient nécessaires. Évoquant enfin le refus du Sénat américain dapprouver le traité dinterdiction complète des essais nucléaires, il a estimé quil aurait un impact considérable sur lopinion mondiale et risquait de constituer un encouragement à la prolifération des armes nucléaires. Le Général Jean-Pierre Kelche a toutefois indiqué que les orientations de la politique américaine nétaient pas de nature à entraîner une modification de la doctrine de dissuasion française, en vertu de laquelle larmement nucléaire de la France était dimensionné afin de faire face tant à une agression majeure quà celle dun trublion de dimension régionale. On peut toutefois craindre que les trublions régionaux ne se multiplient après la décision du Sénat américain. De même, il a jugé grave la décision américaine de remettre en cause le traité ABM, tout en notant que la position française, pourtant rationnelle, nétait pas reçue par des interlocuteurs américains, qui ne comprennent pas que puisse être contesté aux Etats-Unis le droit de défendre leur territoire et leur population contre des Etats voyous (rogue states). Il a estimé que largumentaire français devait mettre laccent sur le caractère inacceptable de la démarche bilatérale actuellement suivie par les Etats-Unis. Il a ajouté que ces initiatives risquaient dalimenter la course aux armements dans certaines régions, telles que le Golfe, le sous-continent indien ou le sud-est asiatique, qui constituaient autant de zones où pouvaient apparaître des menaces de nature balistique. Rappelant que la doctrine classique française de dissuasion nucléaire conduisait à faire limpasse sur les moyens de défense antibalistique, M. Pierre Lellouche sest interrogé sur les conséquences stratégiques de lévolution de la position américaine. M. René Galy-Dejean a souligné que le coût dun programme de défense antibalistique avoisinait les 300 milliards de francs. Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé que la dissuasion offrait une garantie de sécurité crédible contre les menaces de tirs balistiques nucléaires. Il a par ailleurs exprimé ses doutes sur la possibilité dédifier un bouclier antibalistique parfaitement étanche à léchelle de lEurope, ajoutant que vouloir suivre la voie des États-Unis en ce domaine reviendrait à sengouffrer dans un piège financier similaire à celui qui avait été fatal aux Soviétiques lorsquavait été lancée linitiative de défense stratégique. Il sest néanmoins prononcé en faveur dune vigilance accrue en matière de lutte contre la prolifération. La priorité nen restait pas moins de construire un outil capable de faire face aux crises survenant en Europe. Revenant sur létat des ressources en appelés, il a insisté sur la difficulté à prévoir le comportement des jeunes bénéficiant dun report dincorporation. Le déficit actuellement constaté porte sur de multiples emplois, pour lesquels des palliatifs partiels de sous-traitance sont étudiés. A une question de M. Arthur Paecht sur les problèmes deffectifs du service de santé des Armées liés à la diminution du nombre dappelés, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que la situation demeurait difficile aux niveaux de la sélection et du recrutement des personnels employés sur contrats civils. II. EXAMEN DE LAVIS La Commission de la Défense sest réunie le 27 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 2000 consacrés à lEspace, à la communication et au renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis. M. Bernard Grasset a estimé que le récent conflit du Kosovo avait illustré la pertinence dune politique spatiale volontariste. Plus que jamais, laccès à lespace, la maîtrise des communications et de linformation sétaient révélés être des atouts indispensables à lindépendance de la France puisque, sans la mise en uvre du satellite dobservation optique Hélios, les responsables politiques et militaires français nauraient pas pesé de la même manière sur lappréciation de la situation ainsi que sur la conduite des opérations de lAlliance atlantique. Le rapporteur pour avis a rappelé que, pour parvenir à cette maturité technique et opérationnelle, la France avait longtemps consenti un effort budgétaire sans équivalent en Europe. A lappui de ce constat, il a indiqué que les dotations annuelles avaient dépassé le chiffre symbole de 4 milliards de francs courants dans les lois de finances initiales pour 1993, 1995 et 1996 et que la programmation militaire, qui reste une référence pour 1997-2002, avait prévu 20,7 milliards de francs (valeur 1995) pour assurer la réalisation des programmes spatiaux militaires. M. Bernard Grasset a alors exprimé ses inquiétudes face à linversion de cette tendance depuis deux ans, le projet de budget pour 2000 accentuant les inflexions amorcées en 1998. Il a souligné à cet égard que les dotations demandées pour lespace militaire prenaient plus que leur part de la diminution globale des ressources de la Défense dans le projet de budget. Les crédits de paiement affectés aux dépenses déquipement dans le domaine de lEspace connaissaient une baisse de 15,26 %, contre 3,54 % pour lensemble des titres V et VI de la Défense. Quant aux autorisations de programme leur réduction atteignait 23,78 %, par contraste avec leur augmentation globale de 1,7 % pour les titres V et VI du budget de la Défense. Il a attiré lattention de la Commission sur le fait que cette tendance, si elle se poursuivait, conduirait à une rupture contraire aux ambitions françaises dans le domaine spatial. Présentant plus en détail le projet de budget, le rapporteur pour avis a regretté une nouvelle imputation des dotations duales sur les crédits spatiaux demandés pour 2000. Indiquant que ce transfert, essentiellement destiné au CNES, sélevait à 1,5 milliard de francs en autorisations de programme et crédits de paiement, il a rappelé quil entrait en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la Défense au budget civil de recherche-développement (BCRD). Il a précisé à ce sujet que seulement 75 des 900 millions de francs inscrits au titre de la recherche duale dans la loi de finances initiale pour 1999 avaient financé des études dintérêt militaire en matière de haute résolution stéréo et doptique embarquée sur SPOT-V, le reste constituant principalement un appoint pur et simple au budget du CNES. M. Bernard Grasset a cependant ajouté que plusieurs indicateurs budgétaires montraient que le cadre retenu par le projet de budget pour 2000 préservait lavenir tout en consolidant les acquis dans le domaine de lespace militaire. Il a ainsi souligné que le niveau des dotations du projet de budget pour 2000 restait proche des prévisions de la programmation militaire et que le montant des crédits de paiement consacrés à la recherche amont connaissait une hausse de 8 %. Il sest également félicité de laugmentation du taux de consommation des crédits de lEspace. M. Bernard Grasset a en outre observé que, même redimensionné, le projet de budget pour 2000 permettait dassurer la continuité des programmes spatiaux majeurs. Il a relevé à cet égard que la France apparaissait comme le seul pays européen qui maintenait un niveau dengagement financier conséquent en faveur de lEspace. En effet, depuis quelle avait été confrontée aux défections allemande sur le programme Hélios II et britannique pour la réalisation du satellite successeur de Syracuse et Skynet (Trimilsatcom), la France était contrainte dassumer seule la poursuite et le renouvellement des programmes majeurs définis par le plan pluriannuel spatial militaire. Il a souligné que lenjeu était dimportance à un moment où les Etats-Unis affichaient leur ambition de dominer tous les créneaux du domaine spatial dici 2005, alors que, dans le même temps, plusieurs pays asiatiques confirmaient leur aptitude à concurrencer à terme les programmes européens. Reconnaissant que les pays européens nétaient pas totalement inactifs puisquils avaient doté lAgence Spatiale Européenne des moyens suffisants pour adapter Ariane V à la concurrence et pour engager une réflexion sur Galiléosat, système de navigation par satellites équivalent au GPS américain et au Glonass russe, le rapporteur pour avis a souligné que la coopération européenne dans le domaine de lespace militaire restait insuffisante alors même que sa nécessité avait été mise en exergue par le conflit du Kosovo. Considérant quun bref aperçu du déroulement des programmes spatiaux majeurs donnait la mesure de ce problème, il a tout dabord remarqué quaucune participation des partenaires italien et espagnol nétait acquise à ce jour pour le financement dHélios II, alors même quHélios I-A arrivait en fin de vie. Constatant que la politique de rigueur budgétaire en Allemagne obérait pour linstant toute perspective de participation de ce pays au programme, il en a déduit que la France devait assumer un financement qui mobilisait près de la moitié du total des crédits de paiement destinés à lEspace pour 2000, soit 1,112 milliard de francs. M. Bernard Grasset a ensuite indiqué que le système de télécommunications militaires spatiales Syracuse II, reposant sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom II, devait lui aussi faire lobjet dune relève dès 2002-2003. Rappelant que la Grande-Bretagne, privilégiant une solution nationale, sétait retirée du projet Trimilsatcom le 12 août 1998 en raison de considérations industrielles et de ses différences dapproche sur le recours aux techniques EHF, il sest félicité que la France nait pas pour autant renoncé à une coopération avec lAllemagne. Précisant que laccord de cette dernière nétait pas encore acquis et que, par conséquent, notre pays devra vraisemblablement réaliser un satellite sous maîtrise duvre nationale dans lintervalle, il a indiqué que 307 millions de francs de crédits de paiement étaient inscrits dans le projet de budget pour 2000 afin que se poursuivent les études de faisabilité. Relevant enfin que le système dobservation radar faisait à nouveau lobjet dun intérêt croissant de la part de lAllemagne et de lItalie qui ont mené des études assez approfondies à ce sujet, il a estimé que la maturité croissante du concept de petit satellite radar rendait le coût dacquisition dun tel système bien plus abordable que les prévisions de la loi de programmation militaire ne le laissaient initialement envisager. Indiquant que le ministère de la Défense avait engagé la réalisation dun démonstrateur dici 2002, il sest prononcé en faveur dune coopération sur la base de participations budgétaires croisées avec le programme Hélios II. Attirant lattention de la Commission sur le fait que lItalie était dès à présent susceptible de se rallier à un projet de cette nature, il na pas exclu que la fusion annoncée entre DASA et Aérospatiale-Matra puisse également inciter lAllemagne à sengager avec la France dans un programme auquel lentreprise issue de cette fusion serait partie prenante. Mais au-delà de ces grands programmes, le rapporteur pour avis a souhaité mentionner la poursuite des efforts de la France dans les programmes de cohérence ainsi que de lécoute électromagnétique, le second micro-satellite scientifique Clémentine devant être lancé avec Hélios I-B dici à la fin de 1999. Il sest félicité de lattention accordée à cet aspect de la politique spatiale française qui, bien que moins visible, nen est pas moins important. Abordant ensuite les programmes relatifs au renseignement de théâtre, il a estimé quune fois encore le conflit du Kosovo avait été révélateur de lefficacité des moyens mis en uvre, notamment en ce qui concerne les systèmes de recueil à vocation tactique. Citant plus particulièrement le programme héliporté de surveillance du champ de bataille Horizon, il a insisté sur sa fiabilité opérationnelle, alors même que le prototype navait pas fini ses tests expérimentaux ainsi que sur sa complémentarité avec le système américain JSTARS. Il a ajouté que les drones avaient également fait la preuve de leurs qualités pour un coût très modéré. Si deux CL 289 et trois Crécerelle parmi les dix-sept drones français engagés au Kosovo avaient été perdus, deux dentre eux avaient été détruits en raison de problèmes à latterrissage. Il sest néanmoins étonné que le projet de budget pour 2000 ne prévoie pas le renouvellement des vecteurs perdus et sest déclaré favorable à un accroissement de leffort budgétaire de recherche-développement en faveur de ces systèmes, eu égard à leur potentiel. Sagissant des communications militaires, il a souligné avec satisfaction le traitement budgétaire relativement privilégié de ce domaine essentiel, indiquant notamment que lintroduction du nouveau système de transmission MBTA dans larmée de lAir se traduisait par une forte augmentation de lenveloppe des autorisations de programme qui sélevaient pour 2000 à 680 millions de francs contre 25 millions de francs inscrits dans le budget voté de 1999, ainsi que par une croissance importante des crédits de paiement, qui passent de 290 millions de francs pour la loi de finances pour 1999 à 423,5 millions de francs dans le projet de budget pour 2000. Il sest réjoui que larmée de Terre bénéficie elle aussi de cette priorité puisque 903,7 millions de francs dautorisations de programme et 639 millions de francs de crédits de paiement étaient affectés aux systèmes dinformation, de télécommunications et de commandement. Il a également remarqué que la Marine bénéficiait dun abondement sensible des dotations destinées à son équipement en matière de systèmes de télécommunications et despace, les autorisations de programme demandées à ce titre sélevant dans le projet de budget pour 2000 à 284,5 millions de francs alors que les crédits de paiement progressaient à 281,8 millions de francs. En conclusion, M. Bernard Grasset a qualifié le projet de budget pour 2000 de globalement redimensionné. Tout en estimant que les difficultés liées aux coopérations invitaient à réfléchir sur la volonté réelle de nos partenaires européens à acquérir une véritable autonomie dappréciation dans la prévention et lanalyse des crises, il a considéré que le conflit du Kosovo était source denseignements trop récents pour recevoir une traduction budgétaire immédiate. Doutant que la France puisse faire léconomie de coopérations sans remettre en cause ses ambitions, il a invité le ministère de la Défense à poursuivre ses efforts de manière à rallier nos partenaires européens à certains de nos projets et à participer en retour à certains des leurs. Il a fait valoir que cette démarche participait à lémergence dune identité européenne de sécurité et de défense. Le rapporteur a enfin souhaité indiquer à la Commission que le Directeur de la Direction du Renseignement militaire navait pas donné suite à ses demandes de rencontre qui navaient pour objet que de tirer les conclusions du conflit du Kosovo en matière de renseignement. Il sest étonné de cette méconnaissance de la mission constitutionnelle dinformation et de contrôle de laction du pouvoir exécutif qui incombe au Parlement. Le Président Paul Quilès a regretté que le projet de budget pour 2000 prévoie une diminution des autorisations de programme et des crédits de paiement en faveur de lEspace après les opérations du conflit du Kosovo qui avaient au contraire souligné le rôle fondamental des moyens de renseignement spatial et lécart de capacité entre lEurope et les Etats-Unis en ce domaine. Il a également indiqué que les industriels avaient récemment expliqué devant la mission dinformation sur le conflit du Kosovo lintérêt spécifique des drones pour la conduite des opérations dobservation et de renseignement. Dautres auditions de la Commission avaient livré des informations concordantes. Il sest alors demandé pourquoi il nétait pas prévu de remplacer les drones qui avaient été perdus lors du conflit du Kosovo. M. Guy-Michel Chauveau sest demandé dans quelle mesure le plan prospectif à trente ans de la DGA consacré à la recherche-développement allait être adapté en fonction des leçons tirées des opérations militaires récentes. Il a souhaité savoir si le programme Hélios II ne pouvait pas tirer parti de la création de la société ASTRIUM. Il sest enfin interrogé sur les financements européens dont pourraient bénéficier les programmes spatiaux présentant un intérêt pour la Défense. M. Robert Poujade, après avoir félicité le rapporteur pour avis de la qualité de son exposé, a considéré que lanalyse des crédits consacrés à lEspace faisait non seulement apparaître les difficultés de la coopération mais également des manques graves dans les dotations budgétaires. Il a précisé que le groupe RPR, ne comprenant pas que les leçons du conflit du Kosovo naient pas été tirées sur le plan budgétaire, ne pourrait pas donner un avis favorable à ladoption de ces crédits. M. Bernard Grasset a considéré quil devenait de plus en plus difficile de justifier la baisse des crédits de lEspace par les incertitudes de la coopération, notamment avec le Royaume-Uni ou lAllemagne. Il a regretté que le succès des drones français nait pas été suffisamment pris en compte dans le projet de budget. Il a également rappelé quaucun pays européen ne pouvait mener seul un programme spatial alors que les Etats-Unis proposaient toutes sortes de satellites « sur étagère ». Enfin, après avoir souligné que, pour tirer des enseignements militaires pertinents du conflit du Kosovo, il fallait du temps, il a estimé quil ne pourrait y avoir de véritable Europe de la Défense tant quil ny aurait pas de coopération européenne dans le domaine du renseignement et de lespace militaire. * La Commission de la Défense a procédé le 3 novembre 1999, dans laprès-midi, au vote sur les crédits de la défense pour 2000 (). La Commission a successivement donné un avis favorable à ladoption des crédits consacrés à la dissuasion nucléaire, à lespace, à larmée de lAir, à larmée de Terre, à la Marine, à la Gendarmerie, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste sabstenant. Elle a également donné un avis favorable à ladoption des crédits consacrés aux Services communs, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste ainsi que M. Michel Meylan sabstenant. Enfin, elle a donné un avis favorable à ladoption de lensemble des crédits du titre III et des titres V et VI du ministère de la Défense ainsi que des articles 40 et 41 du projet de loi de finances pour 2000, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste sabstenant. N°1864-03. - Avis de M. Bernard Grasset, au nom de la commission de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Défense : Espace, communication et renseignement - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires - Cliquez ici pour retourner à la liste des discussions budgétaires
() Cette réunion a été précédée, le 3 novembre 1999 au matin, de laudition de M. Alain Richard, Ministre |