N° 1864

      ——

      ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

      AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805)

      TOME VIII

DÉFENSE

CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT

PAR M. Jean MICHEL,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir les numéros : 1861 (annexe n° 40)

      Lois de finances.

      La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

      M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier,
      vice-présidents
       ; MM. Robert Gaïa,
      Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

    INTRODUCTION 7

    CHAPITRE PREMIER : LA RÉDUCTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT : UNE INFLEXION RÉALISTE ET SOUS CONDITIONS 9

    I. — L’ÉROSION CONFIRMÉE DES DOTATIONS EN CAPITAL 9

    A. LE BILAN NUANCÉ DES DEUX PRÉCÉDENTS EXERCICES 9

    B. LES INCERTITUDES DU PROJET DE BUDGET D’ÉQUIPEMENT POUR 2000 10

      1. Une évolution dans le prolongement des réductions précédentes 10

      2. Un déséquilibre relatif entre les titres du budget de la Défense 15

      3. Une évolution différenciée des dépenses d’équipement 16

    II. — L’AMÉLIORATION DES MÉTHODES DE GESTION DES CRÉDITS ET DE CONDUITE DES PROGRAMMES 18

    A. LES AXES MAJEURS DE LA REMISE EN ORDRE 18

      1. L’amélioration des méthodes de gestion 18

      a) La nouvelle nomenclature budgétaire 18

      b) Les opérations budgétaires d’investissement 19

      c) La comptabilité spéciale des investissements 20

      2. La conduite des programmes 20

      a) La réduction du coût des programmes 20

      b) Les commandes pluriannuelles globales 22

    B. LES AMÉLIORATIONS À POURSUIVRE 23

      1. Eviter le retour de la régulation budgétaire 23

      a) Le changement de signification des annulations de crédits 24

      b) Le maintien d’un niveau acceptable de reports de charges et de reports de crédits 25

      2. Poursuivre l’adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement 29

      a) La remise en ordre du stock des autorisations de programme 29

      b) Les incertitudes pour l’avenir 30

      3. Améliorer la prévision budgétaire 31

      a) La diminution des charges mal programmées : l’exemple des dépenses liées aux opérations extérieures 31

      b) Un contrôle parlementaire plus systématique 33

    CHAPITRE DEUX : L’ADÉQUATION DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT AUX OBJECTIFS GLOBAUX DE LA PROGRAMMATION 35

    I. — L’ANALYSE PAR OBJECTIF DES PROGRAMMES MAJEURS 37

    A. LA MODERNISATION DES COMPOSANTES DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE 37

      1. La programmation militaire a confirmé le choix de deux composantes 37

      2. L’inflexion des crédits reflète le calendrier des programmes majeurs 38

      a) La force océanique stratégique FOST 38

      b) La composante aéroportée 40

    B. LA PROJECTION DES FORCES ARMÉES 40

      1. Le renouvellement des flottes d’avions de combat et de transport 40

      a) Le programme de Mirage 2000 D et les missiles de croisière associés 41

      b) Le programme Rafale 42

      c) La flotte de transport future 44

      2. Des capacités accrues de combat terrestre 45

      a) La poursuite du programme de chars Leclerc 46

      b) Les programmes d’accompagnement du char Leclerc 47

      c) Les hélicoptères de combat 48

      3. Les programmes d’équipement de la Marine centrés autour du groupe aéronaval 49

      a) La constitution d’un nouveau groupe aéronaval 50

      b) Le renouvellement de la flotte de surface 52

    C. LA PRÉVENTION ET LA GESTION DES CRISES 53

      1. La justification des programmes spatiaux 53

      a) Le redimensionnement de la politique spatiale 54

      b) Les programmes d’observation optique 55

      c) Les satellites de télécommunications Syracuse 56

      2. Des satisfactions certaines sur le budget d’équipement de la Gendarmerie 57

    D. LES PRÉOCCUPATIONS SUR L’EFFORT DE RECHERCHE 58

      1. La stabilisation des crédits de recherche 58

      2. La réforme de la politique des études amont 60

    II. — LA CONDUITE DIFFICILE DES PROGRAMMES EN COOPÉRATION 62

    A. LA COOPÉRATION AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS 62

      1. Les avantages supposés de la coopération pour les programmes d’armement 62

      2. L’accent mis dans les projets de budget 63

    B. LA REMISE EN CAUSE DE PROGRAMMES MAJEURS 64

      1. L’exemple des frégates antiaériennes Horizon 64

      a) L’origine ancienne des difficultés 64

      b) Le retrait du Royaume Uni du projet 65

      c ) La réorientation du projet en coopération franco-italienne 66

      2. La difficile recherche de partenaires pour les programmes spatiaux 67

      a) La nouvelle génération de satellite d’observation 67

      b) L’exemple du système spatial radar 68

      c) Une solution transitoire pour les communications satellitaires 69

    CONCLUSION : UNE INFLEXION RÉALISTE ET NÉCESSAIRE DE LA REVUE DE PROGRAMME ET DE LA PROGRAMMATION 71

    TRAVAUX EN COMMISSION 75

    I. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 75

    II. — AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 84

    III. — AUDITION DE M. JEAN-YVES HELMER, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 94

    IV. — EXAMEN DE L’AVIS 103

    V. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE, SUR LES CRÉDITS DE SON MINISTÈRE EN SÉANCE OUVERTE AU PUBLIC ET À LA PRESSE 108

      MESDAMES, MESSIEURS,

      Pour la seconde année consécutive, la Commission de la Défense de notre assemblée présente un avis budgétaire sur les crédits d’équipement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2000. Son objectif demeure de marquer à la fois l’intérêt de l’analyse globale et transversale des dotations en capital de la défense et de réfléchir, non seulement à la politique d’acquisition de matériels militaires mais à l’amélioration des procédures comptables et financières qui permettent de rallier dans de meilleures conditions le modèle de la programmation.

      En crédits de paiement, les dotations d’équipement ont été marquées en 1998 par « l’encoche » qui a opéré une réduction de 10 % par rapport à celles prévues pour l’exercice précédent. Au contraire, le budget d’équipement pour 1999 a rétabli les crédits de paiement à un niveau de 86 milliards de francs, certes inférieur à celui de l’annuité normale de programmation (89,7 milliards de francs valeur 1998) mais cohérent avec les engagements financiers de la revue des programmes de 1998. La première remarque qui peut être faite est que le projet de budget d’équipement pour 2000 (87,5 milliards de francs d’autorisations de programme et 82,9 milliards de francs de crédits de paiement) correspond au niveau voté en 1998.

*

      L’une des premières questions que la Commission de la Défense nationale s’est posée a été de savoir si l’équipement des forces armées françaises s’inscrivait toujours dans le cadre de la programmation militaire pour la période 1997-2002 et de la révision opérée au printemps 1998 par la revue des programmes.

      Le second thème sur lequel la Commission s’est interrogée est l’adéquation de la diminution des crédits de paiement et du niveau des autorisations de programme pour 2000 avec le processus de modernisation des équipements militaires.

      Son analyse des crédits d’équipement inscrits au projet de budget pour 2000 la conduit à estimer qu’il n’entrent dans le cadre fixé par la revue des programmes que si sont confirmés les résultats liés à la mise en place de nouvelles méthodes de gestion et d’exécution des dotations.

CHAPITRE PREMIER

LA RÉDUCTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT :
UNE INFLEXION RÉALISTE ET SOUS CONDITIONS

      I. — L’ÉROSION CONFIRMÉE DES DOTATIONS EN CAPITAL

        A. LE BILAN NUANCÉ DES DEUX PRÉCÉDENTS EXERCICES

      ·  Hors charges de pensions, les crédits de paiement se sont élevés à 184,72 milliards de francs dans le budget voté de 1998 dont 103,72 milliards de francs pour le fonctionnement et 81 milliards de francs pour l’équipement.

      L’encoche de 8,3 milliards de francs en francs courants par rapport au niveau de l’annuité de la programmation correspondait à une réduction de 8,1 % des crédits de paiement. L’écart était encore plus important à structure budgétaire constante car plusieurs mouvements avaient affecté la présentation des crédits pour 1998 (transfert de charges d’entretien programmé des matériels du titre III au titre V, dotation de 500 millions de francs relative à la recherche duale). La Commission des Finances avait alors considéré que les dotations d’équipement pour 1998 atteignaient seulement 79,9 milliards de francs à structure constante. L’écart par rapport à l’annuité de programmation aurait atteint selon son analyse près de 9,8 milliards de francs (soit environ 10,4 %).

      ·  Le budget pour 1999 a porté les crédits de paiement à 86 milliards de francs pour les titres V et VI. Après la réduction de 3,25 % en francs courants de 1997 à 1998, la dotation annuelle était en augmentation globale de 2,9 % en francs courants ou 1,7 % en francs constants. La remontée à 86 milliards de francs correspondait à une rupture du mouvement continu de baisse et respectait les engagements de la revue des programmes qui fixait à 85 milliards de francs (valeur 1998) l’enveloppe annuelle moyenne des crédits de paiement des titres V et VI pour la fin de la période de programmation.

      Ÿ La présentation du projet de budget pour 1999 a été perturbée par des mouvements de structure qui ont porté sur près de 1 400 millions de francs. Ces mouvements ne facilitent pas à court terme les comparaisons et les analyses de budget. De plus, ils sont reconduits sur le restant de la période de programmation et constituent ainsi un ajustement budgétaire récurrent. Mais ils contribuent à clarifier la présentation des crédits budgétaires et à renforcer leur lisibilité. En 1999, ils ont concerné le transfert de 400 millions de francs d’entretien programmé des matériels du titre III vers le titre V (ce qui a obligé à comprimer d’un montant égal les dotations en capital), le transfert de 900 millions de francs de crédits d’études destinés au BCRD et des opérations mineures de changement de périmètre (pour environ 100 millions de francs).

      La gestion 1998 s’est caractérisée par un niveau d’engagement hors transferts de 64,5 milliards de francs et par un taux d’engagement des crédits de l’ordre de 96 %. La DGA estime que l’engagement des crédits atteindra 78 milliards de francs en 1999, dont 30 % de commandes globales, et que la consommation des crédits d’équipement hors transferts de crédits augmentera de quatre milliards de francs en 1999 par rapport à l’exercice précédent.

      Comme votre rapporteur l’expliquera plus loin, l’amélioration de l’exécution budgétaire en 1998 mais surtout en 1999 conditionne fortement la préparation du projet de loi de finances et modifie de manière considérable le cadre de l’exécution budgétaire du prochain exercice.

        B. LES INCERTITUDES DU PROJET DE BUDGET D’ÉQUIPEMENT POUR 2000

        1. Une évolution dans le prolongement des réductions précédentes

      Ÿ Avec 87,5 milliards de francs d’autorisations de programme et 82,9 milliards de francs de crédits de paiement, le projet de budget pour 2000 se situe en léger décalage par rapport à l’objectif de la revue des programmes.

      La réduction des crédits de paiement atteindra 3,5 % en francs courants et 4,4 % en francs constants par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Elle reste mesurée si on la compare à l’annuité de la revue des programmes puisqu’elle se situe en retrait de 1,1 % en francs courants soit près de 2 % en francs constants. Le niveau des dépenses d’équipement en 2000 sera du même ordre qu’en 1998. Ainsi, on peut considérer que, dans un mouvement global d’érosion, les hausses des dépenses d’équipement observées en 1996 et 1999 s’analysent comme un rattrapage exceptionnel par rapport aux exercices 1995 et 1998.

      Certes, la gestion des crédits d’équipement est plus dynamique depuis deux ans. Le taux de consommation des crédits reste irrégulier. De 90,28 % en 1993, il était tombé à 86,82 % en 1995 (exercice particulièrement « catastrophique » pour le titre V), mais était remonté à 93,7 % en 1996. La gestion 1997 était en retrait de deux points (taux de 91,8 %), celle de 1998 en amélioration. Les reports de charge ont été ramenés de 3,2 milliards de francs en 1997 à 2,2 milliards de francs fin 1998 et il est prévu une nouvelle réduction des coûts et l’amélioration des méthodes de gestion se font sentir.

      Le niveau des crédits de paiement peut être admis si tous les reports de crédits sont utilisés l’année prochaine. Mais l’écart des autorisations de programme par rapport aux besoins a obligé à différencier les programmes d’équipement en listant ceux à caractère prioritaire et ceux dont la commande pouvait être revisée. L’ombre portée des évolutions en « à coups » des dotations depuis 1995 se fait ressentir et oblige à proposer des étirements sur les programmes de cohérence (maintien en condition opérationnelle, entretien programmé des personnels, entretien programmé des matériels, infrastructures), voire à écarter des décisions sur des programmes majeurs, comme celui de l’avion de transport futur, dont les engagements ne sont pas couverts par le projet de budget.

      Enfin, la croissance des crédits affectés au BRCD, de 900 millions de francs en 1999 à 1 500 millions de francs, réduit encore la marge de manœuvre des gouverneurs de crédit.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS MILITAIRES EN LOI DE FINANCES INITIALE (HORS PENSIONS)

A. —  RÉPARTITION PAR GOUVERNEUR DE CRÉDITS

          (crédits de paiement en milliards de francs)

             

          Air

          Terre

          Marine

          Gendarmerie

          Services communs

          Total

          1997

          Titre III

          15,28

          29,60

          13,21

          19,15

          24,95

          102,22

           

          Titres V et VI

          21,62

          19,45

          22,31

          2,16

          23,16

          88,7

           

          Total

          36,9

          49,05

          35,53

          21,32

          48,12

          190,92

          1998

          Titre III

          15,71

          30,59

          13,08

          19,97

          24,36

          103,72

           

          Titres V et VI

          19,16

          17,35

          19,55

          2,09

          22,83

          81,0

           

          Total

          34,87

          47,94

          32,64

          22,07

          47,19

          184,72

           

          Évolution 1998/1997 en %

          - 5,6 %

          - 2,3 %

          - 8,2 %

          + 3,4 %

          - 2 %

          - 3,25 %

          1999

          Titre III

          15,56

          30,7

          12,91

          20,5

          24,3

          103,96

           

          Titres V et VI

          20,24

          18,49

          21,026

          2,16

          24,08

          86

           

          Total

          35,80

          49,19

          33,936

          22,66

          48,38

          190

           

          Évolution 1999/1998 en %

          + 2,67 %

          + 2,54 %

          + 3,95 %

          + 2,67 %

          + 2,52 %

          + 2,9 %

          Projet de

          budget

          pour 2000

          Titre III

          15,68

          30,916

          12,897

          20,892

          24,606

          105

           

          Titres V et VI

          18,84

          17,82

          20,11

          2,27

          23,91

          82,9

           

          Total

          34,52

          48,736

          33

          23,162

          44,516

          187,9

           

          Évolution 2000/1999 en %

          - 6,22 %

          - 3,64 %

          - 4,37 %

          + 5,22 %

          - 0,7 %

          - 1,1 %

      B. —  PAR CHAPITRE (ancienne nomenclature)

        Parties et chapitres (1)

        1996
        Dépenses réelles

        1997

        Loi de finances

        initiale

        1998

        Loi de finances

        initiale

        Evolution
        1998/1997

        1999
        Projet de budget

        Evolution
        1999/1998

        51-60 Espace

        3,563

        3,298

        3,112

        - 12,7 %

        2,618

        - 15,9 %

        51-70 Nucléaire

        12,131

        11,948

        10,944

        - 9,8 %

        11,502

        + 5,9 %

        51-80 Autres études

        12,055

        13,605

        11,020

        - 8,6 %

        12,543

        + 13,8 %

        52-70 Investissements

            techniques et industriels

        1,321

        1,335

        1,329

        + 0,6 %

        1,2

        - 9,7 %

        53-70 Fabrications

            Services communs,

            Gendarmerie

        2,278

        3,136

        3,004

        + 31,8 %

        3,257

        + 8,4 %

        53-80 Fabrications Air, Terre, Mer

        43,658

        47,628

        43,679

        - 8,3 %

        45,827

        + 4,9 %

        Infrastructures

        6,68

        6,552

        6,031

        - 9,8 %

        6,533

        + 8,3 %

        Sous-total titre V

        81,686

        88,699

        79,122

        - 3,2 %

        83,48

        + 5,5 %

        Titre VI

        0,798

        1,194

        1,879

        + 57,4 %

        2,52

        + 34,11 %

        Total équipement

        82,484

        88,705

        81

        - 8,6 %

        86

        + 6,2 %

         

      C. PAR CHAPITRE (nouvelle nomenclature)

    Chapitres

    CP 1999

    PLF 2000

    Évolution
    2000/1999

    PLF 2000
    AP 2000

    51-61 Espace – Systèmes d’information et de communication

    7 201

    6 924

    - 3,85 %

    6 823

    51-71 Forces nucléaires

    16 080

    15 529

    - 3,43 %

    18 162

    52-81 Études

    3 230

    3 135

    - 2,94 %

    3 062

    53-71 Équipements communs, interarmées et de la Gendarmerie

    10 658

    10 328

    - 3,09 %

    9 353

    53-81 Équipements des armées

    21 787

    18 683

    - 14,25 %

    21 891

    54-41 Infrastructure

    7 641

    7 671

    + 0,39 %

    7 727

    55-11 Soutien des forces

    5 992

    6 996

    + 16,75 %

    6 002

    55-21 Entretien programmé des matériels

    10 891

    10 740

    -1,39 %

    11 189

    Sous-total titre V

    83 480

    79 736

    - 4,49 %

    84 209

    66-50 Equipement culturel et social

    1 849

    2 474

    + 33,80 %

    2 494

    67-10 Equipements administratifs et divers

    670

    742

    + 10,7  %

    761

    Sous-total titre VI

    2 520

    3 217

    + 27,6  %

    3 254

    TOTAL POUR LES DÉPENSES EN CAPITAL

    86 000

    82 953

    - 3,54 %

    88 572

        2. Un déséquilibre relatif entre les titres du budget de la Défense

      L’une des premières conséquences budgétaires de la diminution des dotations d’équipement sur moyenne période est la divergence des parts des titres III, V et VI dans le budget de la Défense.

      Même s’il est difficile de comparer les titres entre eux en raison des modifications de structures et des transferts, et même si des logiques différentes d’évolution affectent les dépenses ordinaires et les dotations en capital, leur déséquilibre relatif paraît révélateur de l’évolution des forces armées.

      L’expérience des pays comme le Royaume-Uni qui ont très tôt mené la professionnalisation de leurs forces armées montre que la disparition des appelés, la professionnalisation et l’embauche de personnels civils s’accompagnent d’une pression très forte sur les dépenses de fonctionnement en particulier sur les rémunérations et charges sociales. Par compensation, lorsque l’ensemble du budget de la Défense est contraint dans une enveloppe financière et que les dotations initiales de fonctionnement sont globalement préservées, ce sont les dotations en capital qui subissent une érosion en valeur absolue comme en valeur relative.

      L’analyse sur longue période est intéressante comme le montre l’évolution du PIB et des dépenses ordinaires et en capital de la Défense depuis 1962. Le titre III a globalement conservé son niveau depuis vingt ans (indice 113 en 1999 pour une base 100 en 1962). Par contre, les titres V et VI ont suivi une histoire mouvementée :  une croissance exceptionnelle dans les années 60 (indice 184 en 1968) suivie d’une lente dégradation de la fin des années 60 au milieu des années 70 (indice 152 en 1976), une nouvelle croissance jusqu’en 1982 (indice 223) suivie d’un alignement sur l’évolution du PIB pendant une dizaine d’années, enfin un décrochage par rapport à la croissance du PIB depuis le début des années 90 (indice 186 en 1998).

      Depuis le début des années 1990, la part des dépenses en capital dans le budget de la Défense s’est réduite. Comme le montre le diagramme ci-après, elle est passée de 53,89 % du budget initial hors pensions en 1990 à 46,91 % en 1996, à 46,45 % en 1997, puis à 43,85 % en 1998. Si le mouvement a été interrompu en 1999 (45,26 %), la tendance à la baisse se confirmera en 2000 (44,1 %).

      Une telle évolution est encore plus nette pour les dépenses effectives, imputées au budget de la Défense et constatées dans les lois de règlement, du fait en particulier des transferts au budget du CEA et du financement complémentaire des opérations extérieures. La part des dépenses en capital ne représentait plus que 42,06 % du budget exécuté en 1996, 41 % en 1997 et 38,62 % en 1998.

    ÉVOLUTIONS COMPARÉES DES DÉPENSES ORDINAIRES ET DES DÉPENSES EN CAPITAL EN LOIS DE FINANCES INITIALES

    (en pourcentage)

    (Courbes établies à partir des lois de finances initiales et du projet de loi de finances pour 2000)

        3. Une évolution différenciée des dépenses d’équipement

      Ÿ La baisse des dotations prévues en loi de finances initiale n’est pas uniforme. Elle a concerné de manière prioritaire les dépenses nucléaires par rapport aux dépenses d’armement classique et a affecté les programmes de cohérence et de soutien (munitions, entretien programmé des personnels et des matériels) ainsi que la préparation de l’avenir.

      Ainsi, dans le budget 1998, la diminution globale de 8,6 % a masqué celle plus importante de crédits d’études (- 12,7 % pour les études espace ou - 9,8 % pour les études nucléaires), une stabilisation des investissements (+ 0,6 %), ainsi qu’une forte réduction des fabrications
      (- 8,3 %) et des crédits d’infrastructures (- 9,8 %).

      De même, la croissance globale de 5,5 % dans le budget pour 1999 a recouvert une évolution différenciée :

      — l’augmentation sensible des chapitres 53-71 (équipements communs, interarmées et de la Gendarmerie) et 55-91 (Soutien des forces) ;

      — une évolution légèrement inférieure à la moyenne pour les études relatives à l’espace ou aux systèmes d’information et de communication (+ 4,65 %), les crédits en faveur des forces nucléaires (+ 4,66 %) ou des infrastructures (+ 4,5 %) ;

      — une stabilisation des dotations relatives à l’équipement des armées au chapitre 53-81 (+ 1,67 %) ;

      — une diminution de 5,5 % des études inscrites au chapitre 52-81.

      Ÿ Le projet de budget pour 2000 retrace des évolutions par module qui suivent des contraintes du même ordre :

      — l’effort sur les munitions atteint 76,92 % pour les autorisations de programme et 21,23 % pour les crédits de paiement ;

      — l’entretien programmé des matériels subit une légère augmentation de 1,62 % en autorisations de programme et 3,25 % en crédits de paiement ;

      — les infrastructures et les développements restent stables en crédits de paiement (respectivement - 0,61 % et - 0,25 %) mais les ouvertures correspondantes d’autorisations de programme (respectivement 10,23 % et 32,03 %) retracent notamment le lancement de nouveaux programmes ;

      — les études amont ont été globalement préservées à un niveau de 3,6 milliards de francs qui, même s’il paraît insuffisant, constitue un signe important pour répondre aux inquiétudes face aux fortes baisses récentes ;

      — par contre, les fabrications connaissent une diminution très sensible (- 16,02% en autorisations de programme et - 11,08 % en crédits de paiement).

      II. — L’AMÉLIORATION DES MÉTHODES DE GESTION DES CRÉDITS ET DE CONDUITE DES PROGRAMMES

        A. LES AXES MAJEURS DE LA REMISE EN ORDRE

      Les dépenses en capital du ministère de la Défense représentent à elles seules près de 55 % de l’effort d’investissement de l’Etat. La gestion de sommes aussi importantes, qui implique plus de 10 000 fournisseurs et donne lieu à plus de 70 000 marchés ou contrats, nécessite des procédures à la fois transparentes et efficaces.

      L’amélioration des méthodes de gestion des crédits et de conduite des programmes est donc un facteur essentiel de l’efficacité budgétaire.

      Plusieurs objectifs ont été parallèlement assignés : améliorer l’efficacité des procédures financières, assurer un suivi comptable plus transparent et plus rigoureux, réformer la conduite des programmes.

        1. L’amélioration des méthodes de gestion

      La réforme des procédures de gestion, commencée en 1994, s’est poursuivie au cours du dernier exercice. Le 24 avril 1997, les ministères de la Défense, de l’Economie et des Finances, et de l’Industrie ont signé une instruction interministérielle sur la gestion des crédits d’équipement du ministère de la Défense, véritable protocole qui a renouvelé la gestion des crédits militaires et a commencé à mettre fin aux particularismes de ce ministère.

          a) La nouvelle nomenclature budgétaire

      Ce premier volet du protocole interministériel de 1997 est entré en vigueur pour le budget 1999. La précédente réforme de la nomenclature avait eu lieu en 1993. A la suite de la suppression des sections budgétaires, le nombre de chapitres était passé de seize à sept. Le plus important d’entre eux regroupait plus de la moitié des crédits du Titre V.

      Trois axes ont guidé la réforme de la nomenclature :

      — une répartition plus homogène des crédits entre les chapitres  ;

      — le regroupement des ressources d’un même programme, les crédits concernant le développement et la fabrication n’étant plus dissociés ;

      — une meilleure identification de vingt-cinq programmes majeurs dont le financement est présenté dans un article spécifique.

      La contrepartie d’une meilleure clarté et du caractère plus lisible des dotations est une certaine rigidité dans la gestion des crédits. Mais la réforme actuelle de la nomenclature semble fondée sur un équilibre entre transparence et rigidité. Il semble nécessaire de stabiliser cette évolution, même si des modifications à la marge sont concevables, afin de pouvoir effectuer des comparaisons dans le temps et d’éviter de multiplier les réformes comptables qui sont induites par le changement de nomenclature.

      La nomenclature n’a été modifiée qu’à la marge dans le projet de loi pour 2000. Trois articles nouveaux ont été identifiés pour les programmes AC3GLP, Cobra et Valorisation Roland. Par ailleurs, la création du service de la flotte, destiné à retracer les opérations de petit entretien des bâtiments de la Marine, a nécessité la création de cinq articles dans trois chapitres.

          b) Les opérations budgétaires d’investissement

      Avant 1997, 9 chapitres et 300 articles constituaient le cadre d’exécution des crédits de paiement et près de 7 000 opérations budgétaires retraçaient l’exécution des autorisations de programme.

      Un nouveau concept, celui d’opération budgétaire d’investissement (OBI) a été mis en place au début de la gestion 1998. Il a permis de disposer d’un référentiel unique de gestion et de comptabilité pour tous les crédits d’équipement militaire. Environ 950 opérations structurent désormais l’exécution des autorisations de programme comme des crédits de paiement. Ce référentiel unique de gestion et de comptabilité constitue un outil de planification et de programmation et participe au resserrement du lien entre autorisations de programme et crédits de paiement.

      Un catalogue des opérations budgétaires a été parallèlement établi pour 1999. Même s’il est conçu au départ comme un instrument de gestion interne au ministère de la Défense (avec un codage informatique qui relie opérations budgétaires d’investissement et comptabilité spéciale), votre rapporteur avait estimé nécessaire qu’il soit porté à la connaissance de la Commission de la Défense car la simple lecture des chapitres et des articles ne suffit pas toujours à une juste appréciation des crédits affectés à chaque programme.

      Un système informatique global, budgétaire et comptable, laissera désormais à chaque service gestionnaire la possibilité de suivre le rythme de consommation des crédits.

          c) La comptabilité spéciale des investissements

      La comptabilité spéciale des investissements (CSI) est une procédure appliquée depuis longtemps dans les administrations civiles et qui retrace les différentes phases de l’utilisation des autorisations de programme. L’intérêt d’une telle procédure réside :

      — dans sa déconcentration, puisqu’elle est tenue par des contrôleurs financiers déconcentrés. Une fiche d’affectation primaire, qui se réfère à chaque opération CSI et sert de cadre aux délégations d’autorisations de programme et de crédits de paiement, est associée à un seul ordonnateur secondaire et à un seul comptable ;

      — dans son caractère contradictoire, l’ordonnateur secondaire et le contrôleur financier de rattachement assurant la comptabilité d’exécution des opérations d’investissement.

      La circulaire interministérielle du 25 février 1999 a étendu l’application de la procédure aux dépenses d’investissement du ministère de la Défense. La CSI doit cependant être adaptée aux particularités de l’organisation territoriale de l’administration de la défense et à la nature des dépenses militaires. La réforme a été introduite progressivement. Après avoir été appliquée à l’ensemble des services du ministère de la Défense hors DGA, elle a concerné trois établissements de la DGA à titre expérimental puis étendue en 1997 à la moitié des établissements de celle-ci avant d'être généralisée au cours de l’exercice 1998. Elle concerne donc à présent tous les ordonnateurs et les difficultés qui s’étaient manifestées dans le cas de certains services ont été progressivement résolues.

        2. La conduite des programmes

          a) La réduction du coût des programmes

      · Trois modalités générales permettent de réduire le coût des programmes :

      — la limitation des besoins au juste nécessaire et l’adaptation des moyens à l’exécution des missions sont assurées par le travail en équipes intégrées et pluridisciplinaires, regroupant des représentant des états-majors, de la DGA et des entreprises industrielles ;

      — l’amélioration de la conduite des programmes fait également appel aux équipes de programme intégrées ;

      — l’instauration de nouvelles relations avec les industriels s’appuie notamment sur la « contractualisation » dans le cadre d’une mise en concurrence élargie et d’une globalisation des contrats.

      · Par ailleurs, des objectifs de réduction de coût ont été fixés à chaque programme, entre 30 % pour ceux entrant en phase de faisabilité et 10 % (au plus) pour ceux déjà en production. La progression vers les coûts objectifs est examinée mensuellement et ne prend en compte que les réductions réellement acquises. La délégation générale à l’armement estime qu’au 30 juin 1999, les réductions obtenues sur les 85 programmes ou opérations placés sous contrôle de gestion représentaient 8,9 % des dépenses qu’il restait à engager sur ces programmes à partir de l’été 1999.

      · Le maintien en condition opérationnelle (MCO) d’un matériel ou d’un système représentant souvent la moitié du coût global d’acquisition et de possession de ce matériel, il est apparu nécessaire de maîtriser les coûts correspondants. Or, ces coûts découlent de manière directe des options prises dans la définition du programme et de ses caractéristiques (fiabilité ou « maintenabilité » par exemple).

      C’est pourquoi, pour les matériels à réaliser, la DGA a souhaité appliquer une démarche de soutien logistique intégré (SLI) qui conduit à intégrer les contraintes d’entretien et de réparation dès la phase de conception. Par contre, pour les matériels déjà en service, le ministère de la Défense a proposé de réformer les modalités actuelles de façon à clarifier les responsabilités : des organismes mixtes devraient être créés entre la DGA et les états-majors pour intégrer les activités de soutien au sein de structures communes et de confier celles-ci à une responsabilité opérationnelle unique. La création du service de la flotte, qui sera effective l’année prochaine, répond à cet objectif ; celle du service de maintenance des matériels aéronautiques est également prévue mais se révèle plus complexe à mettre en œuvre.

Réductions obtenues sur les coûts des programmes
et grâce aux opérations de gestion

     

    1996

    1997

    1998

    1999
    (prévisions)

    Réductions obtenues

    14,4

    15,9

    16,7

    10

    Cumul

    14,4

    30,3

    47

    57

    (Source : DGA)

          b) Les commandes pluriannuelles globales

      Bien avant 1997, la DGA pratiquait de façon courante les commandes pluriannuelles, par exemple pour des ensembles cohérents (développement d’un matériel prototype, fabrication d’un système complet), dont la réalisation prenait plusieurs années. En 1997, la DGA a passé les premières commandes pluriannuelles globales, qui correspondaient à l’option de réunir à l’engagement plusieurs tranches de fabrication d’un matériel de série, ou plusieurs annuités du développement. L’objectif est d’obtenir des prix plus intéressants en contrepartie de l’engagement à plus long terme à l’égard de l’industriel.

    (en millions de francs)

    Année

    Programme

    Commande

    Date de notification

    Montant

    Gain estimé sur devis annuel (%)

    1997

    Apache anti-piste

    100 missiles anti-piste

    28.10.97

    1 564

    10

     

    Vesta

    Conception, réalisation et essais

    29.10.97

    930

    9

     

    Mica

    225 missiles

    17.12.97

    1 180

    10

     

    MU 90

    300 torpilles

    23.12.97

    1 819

    8

     

    Scalp EG

    500 missiles

    29.12.97

    4 208

    10

    1998

    MTBA

    Équipement de bases aériennes 18 systèmes fixes et 6 déployables

    31.12.97

    1 400

    9,7

     

    PAAMS

    Cinq années de développement

    23.06.98

    1 100

    8

     

    Dépanneur
    Leclerc

    15 dépanneurs

    27.07.98

    700

    7

     

    Missile M51

    Deux années de développement

    05.08.98

    3 800

    3,3

     

    MTGT

    99 systèmes de transmission des garnisons de l’armée de terre

    28.10.98

    500

    11

     

    Char Leclerc

    Regroupement des commandes de 88 chars de 1997 et 1998

    30.10.98

    5 000

     

    1999

    Rafale

    28 avions de combat

    juin 1999

    9 600

    10

     

    Tigre

    80 hélicoptères de combat

    juin 1999

    12 700

    10

      La nouvelle procédure a concerné tout d’abord cinq programmes : les missiles de croisière air-sol Apache anti-piste et Scalp EG, la torpille en coopération franco-italienne MU 90, le missile air-air Mica et le développement du statoréacteur Vesta destiné au successeur de l’ASMP et au missile anti-navire futur. En 1998, la procédure des commandes globales a été étendue à six programmes : le système de combat de la frégate Horizon (PAAMS), les moyens de transmission des bases aériennes (MTBA), les moyens de transmission des garnisons de l’armée de terre (MTGT), les chars et dépanneurs Leclerc ainsi que le missile stratégique M51 (le Chef d’état-major des Armées a contesté qu’il y ait eu commande globale sur le M51). Les commandes du Rafale et du Tigre en 1999 ont été négociées de manière directe sous la forme globale. Il est prévu d’étendre le dispositif à la modernisation des chasseurs de mines tripartites et à la réalisation de l’ANF.

      Les effets attendus des commandes globales sont une économie comprise entre 5 % et 10 % par rapport au mode de commande classique. La part des commandes globales dans les engagements annuels a progressé de 13 % en1997 à 19,6 % en 1999.

      Le débat entre l’Etat-major des armées, la DGA et le ministère de l’Economie et des Finances montre que la limite des commandes pluriannuelles globales sera bientôt atteinte.

        B. LES AMÉLIORATIONS À POURSUIVRE

        1. Eviter le retour de la régulation budgétaire

      Sur les exercices les plus récents jusqu’en 1997, les modalités de régulation budgétaire, qui ne sont pas propres au budget de la Défense mais s’imposent aussi à lui, ont conduit à une large remise en cause des dotations initiales, non seulement par le biais des annulations de crédits, mais aussi par la difficulté d’engager et de consommer les crédits ou par le jeu des reports en fin d’exercice.

      Le budget de la Défense en exécution n’a parfois qu’un lointain rapport avec les dotations votées. Il a été imaginé, dans le passé, de présenter les dotations en termes de moyens disponibles. La Commission de la Défense nationale a de nombreuses fois dénoncé le caractère fictif de cette notion et ses conséquences néfastes sur la lisibilité du budget. Elle s’est donc félicitée de l’abandon de ce concept en 1996.

      La fin des excès de la régulation budgétaire s’est manifestée dans le changement de signification des annulations de crédits comme dans le retour à un niveau acceptable de reports de charges et de reports de crédits.

          a) Le changement de signification des annulations de crédits

      La pratique des annulations de crédits, prévue par l’article 13 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, découle de la constatation qu’un crédit “ devient sans objet en cours d’année ”. Mais est devenue un mode de régulation budgétaire. Or, le caractère systématique et massif des annulations de crédits militaires a des conséquences préoccupantes.

      En huit ans, de 1990 à 1998, près de 47 milliards de francs de crédits de paiement du titre V ont été annulés en exécution budgétaire. Le tableau suivant montre l’importance de telles annulations, qui doivent être considérées comme les gages des ouvertures de crédit sur les dépenses de fonctionnement.

      A hauteur de 21,632 milliards de francs pour les autorisations de programme et 11,765 milliards de francs pour les crédits de paiement en 1995, les annulations de crédits ont porté encore sur 8,507 milliards de francs en autorisations de programme comme en crédits de paiement en 1996. Elles se sont élevées à 10,010 milliards de francs en autorisations de programme et 5,010 milliards de francs en crédits de paiement en 1997. Ces mouvements ont représenté près de 9,56 % des crédits votés et 10,91 % des dépenses nettes de l’exercice en 1996, environ 2,14 % des crédits votés en 1997.

      L’importance des annulations a encore été confirmée en 1998, puisque celles-ci ont porté sur 12,536 milliards de francs d’autorisations de programme (soit 15,48 % des dotations initiales) et 7,349 milliards de francs de crédits de paiement (soit 9,07 % des crédits votés).

      Les annulations visent les armées de manière à peu près homogène et ont fait l’objet, en 1996 comme en 1997 ou en 1998, d’un calcul au prorata des ressources initiales (et non au prorata des crédits non encore dépensés).

      Une comparaison entre ministères fait apparaître la part prépondérante du budget de la Défense dans la régulation budgétaire globale. Alors que les crédits militaires représentent environ 10 % du budget de l’Etat, les annulations de crédits sur le budget de la Défense ont représenté le tiers de l’ensemble des annulations du budget général en 1993 et plus de 40 % en 1995 comme en 1996.

    ANNULATIONS DE CRÉDITS AU COURS DES DERNIERS EXERCICES

    (en milliards de francs)

     

    1995

    1996

    1997

    1998

    Autorisations de programme

    21,792

    8,506

    10,010

    12,536

        en % des crédits votés

    22,95 %

    9,56 %

    5,65 %

    15,48 %

    Crédits de paiement

    11,892

    8,506

    5,010

    7,349

        en % des crédits votés

    12,53 %

    9,56 %

    2,14 %

    9,07 %

        en % des dépenses nettes

    15,91 %

    10,91 %

      La régulation budgétaire semble cependant changer de signification :

      — si les annulations ont contribué dans le passé pour partie à l’effort de réduction du déficit budgétaire pour un montant significatif, elles portent désormais davantage, comme l’exige l’article 13 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, sur des « crédits devenus sans objet ». Tel est le cas notamment des annulations intervenues sur les crédits qui reflètent l’abandon ou le retard de certains programmes dans leur forme actuelle ou des crédits ne pouvant matériellement être consommés à cause des perturbations induites par la réforme comptable du ministère de la Défense ;

      — l’impact physique de ces réductions sur les programmes a été circonscrit. Les conséquences des annulations de 8 milliards de francs d’autorisation de programme et de 3,8 milliards de francs de crédits de paiement intervenues le 21 août 1998, ont été atténuées par leur imputation au volant d’autorisations de programme non affectées en 1998 et, s’agissant des crédits de paiement, aux reports de la gestion précédente. Ces annulations induisent toutefois, à terme, un décalage des livraisons des matériels et un retard dans le développement des programmes, par rapport à une situation dans laquelle ces crédits seraient restés disponibles.

          b) Le maintien d’un niveau acceptable de reports de charges et de reports de crédits

      ·  Même si les crédits d’équipement peuvent faire l’objet de reports de droit, le ministère de la Défense est contraint à la fois par l’autorisation de consommer les reports de l’exercice précédent et par les reports qui lui sont imposés en cours de gestion.

      Les reports de crédits budgétaires, qui avaient atteint 11,37 milliards de francs de 1994 à 1995 et 11,09 milliards de francs de 1995 à 1996, sont revenus à un niveau moindre, quoique encore élevé, de 5,273 milliards de francs de 1996 à 1997, de 6,77 milliards de francs de 1997 à 1998, enfin de 5,088 milliards de francs de 1998 à 1999.

      Les arrêtés de report autorisant la consommation des crédits de reports avant la fin de l’exercice ont longtemps été pris tardivement dans l’année (en novembre 1995 par exemple pour ceux de l’exercice 1994), ce qui empêchait en pratique cette consommation et contraignait à de nouveaux reports. Cette procédure a été nettement améliorée et il faut s’en féliciter.

      ·  Les reports de charges peuvent être définis comme l’ensemble des dettes impayées à la fin d’un exercice et qui seront imputées sur l’exercice suivant. Ils correspondent soit à des retards effectifs de paiement dans les délais prévus par le code des marchés publics (pour des raisons matérielles ou financières), soit à des factures non encore mandatées au 31 décembre de l’année.

      Le gonflement spectaculaire des reports de charges (3,2 milliards de francs à la fin de 1994, 11,9 milliards de francs à la fin de 1995, 1 milliard de francs à la fin de 1996) s’explique par l’importance des annulations de crédits durant ces exercices qui n’ont pas pu être compensées par une réduction comparable des engagements de dépenses. La diminution très nette des reports de charge (3,2 milliards de francs à la fin de 1997 et 2 milliards de francs à la fin de 1998) est imputable aux efforts entrepris pour réduire les délais de traitement des factures et pour consommer les crédits à la fin de l’année.

      Du point de vue technique, un minimum de reports de charges est inévitable compte tenu des masses financières en jeu. A titre d’exemple, pour des crédits d’équipement de 82,9 milliards de francs, une semaine moyenne de paiement correspond à environ 1,6 milliard de francs. C’est pourquoi, les reports de charges sur la gestion actuelle n’ont que peu d’incidences financières dans la mesure où les montants ne provoquent pas de tensions particulières sur la trésorerie.

      Ÿ Le second avantage de la réduction des reports de charge est la diminution des intérêts moratoires versés aux entreprises en compensation des retards de paiement. Le ministère de la Défense a versé 316 millions de francs en 1995, 717 millions de francs en 1996 et 308 millions de francs en 1997 au titre des intérêts moratoires. Pour 1996, 257 millions de francs d’intérêts moratoires étaient dus au titre des retards constatés en 1995 et le reste était lié à la gestion de 1996.

      Si l’amélioration des modalités d’exécution budgétaire en 1997 a permis de limiter le montant des reports, plusieurs autres phénomènes ont participé à une nette réduction du montant des intérêts moratoires.

      D’une part, les conditions encadrant les intérêts moratoires ont été modifiées : suppression de la TVA sur les intérêts moratoires, modification du taux des intérêts moratoires applicable aux marchés passés antérieurement au 19 décembre 1993, baisse du taux d’intérêt légal (de 6,65 % en 1996 à 3,87 % en 1997).

      D’autre part, un paragraphe dédié à l’imputation des intérêts moratoires a pu être créé sur les principaux chapitres concernés (chapitres du titre V et chapitre 34-20 du titre III). Le recensement comptable des intérêts moratoires a non seulement permis de remédier aux défauts d’un recensement extracomptable, en assurant la fiabilité des données collectées et une plus grande rapidité de leur exploitation, mais aussi de mettre fin aux divergences d’estimation en nomenclature budgétaire, entre la direction des services financiers et l’Agence comptable des services industriels de l’armement (ACSIA).

      DES DOTATIONS INITIALES EN CAPITAL
      AUX DÉPENSES NETTES

    (crédits de paiement en millions de francs)

       

    1995

     

    1996

     

    1997

    1998

    Crédits votés en loi de finances initiale

     

    94 939,0

     

    88 947,6

     

    88 699,0

    81 002

    Crédits annulés en cours d’exercice

     

    - 11 892,0

     

    - 8 507,1

     

    - 5 010,4

    - 7 349

    Crédits votés

    (après loi de finances rectificative)

     

    83 047,0

     

    80 440,5

     

    83 695

     

    Mouvements de crédits en cours d’exercice

               


    + 6 771

    - 7 515

        — Reports de l’exercice précédent
        — Fonds de concours
        — Transferts et répartitions

     

    + 11 370,0
    + 1 554,0
    - 9 901,0

     

    + 11 089,7
    + 1 607,8
    - 9 866,7

     

    + 5 273,0
    + 1 132,4
    - 7 336,8

     

    Solde des crédits ouverts

     

    86 069,0

     

    83 271,3

     

    82 764,1

     

    Reports à la gestion suivante

     

    - 11 340,0

     

    - 5 273,4

     

    - 6 770,8

     

    Situation avant loi de règlement

     

    74 729,0

     

    77 997,9

     

    75 993,3

     

    Ajustement du projet de loi de règlement

     

     

     

    DÉPENSES NETTES

     

    74 729,0

     

    77 997,9

     

      ÉVOLUTION DES DÉPENSES MILITAIRES EFFECTIVES
      (au sens de la loi de règlement)

    (en milliards de francs courants)

     

    Dépenses ordinaires(1)

    Dépenses en capital

    Total

     

    Montant

    Évolution

    Montant

    Évolution

    Montant

    Évolution

    1991

    95,490

    + 5,35 %

    93,39

    - 2,2 %

    188,88

    + 1,5 %

    1992

    95,946

    + 0,48 %

    93,885

    + 0,5 %

    189,831

    + 0,5 %

    1993

    100,401

    + 4,6 %

    88,666

    - 5,6 %

    189,067

    - 0,4 %

    1994

    103,705

    + 3,29 %

    88,476

    - 0,2 %

    192,181

    + 1,6 %

    1995

    105,236

    + 1,5 %

    74,729

    - 15,5 %

    179,965

    - 6,4 %

    1996

    107,455

    + 2,1 %

    77,997

    + 4,4 %

    185,452

    + 3,0 %

    1997

    106,260

    - 1,11 %

    75,99

    - 2,5 %

    182,253

    - 1,72 %

    1998

    109,546

    + 3,09 %

    68,935

    - 9,28 %

    178,480

    - 2,07 %

    (1) Hors pensions

        2. Poursuivre l’adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement

          a) La remise en ordre du stock des autorisations de programme

      ·  Dans son rapport sur l’exécution du budget pour 1996, la Cour des comptes attribuait l’importance des intérêts moratoires versés par le ministère de la Défense aux décalages entre autorisations de programme et crédits de paiement correspondants, c’est-à-dire entre les autorisations d’engagements de dépenses dans la durée et les dotations annuelles pour couvrir ces engagements. De même, le rapport particulier de la Cour des comptes « sur la gestion budgétaire et la programmation au ministère de la Défense » comme le rapport d’enquête de l’Inspection des finances et du Contrôle général des armées, ont souligné la difficulté de gestion des autorisations de programme.

      Plusieurs raisons expliquent ces décalages. D’une part, la réduction de cible des programmes a laissé une part d’autorisations de programme inemployées. D’autre part, s’est constitué au fil des exercices budgétaires un excédent structurel d’autorisations de programme, véritable fonds de roulement. A titre d’exemple, on estime que le « stock » d’autorisations de programme atteint 79 milliards de francs c’est-à-dire l’équivalent d’une année budgétaire.

      Or, selon l’article 12 de l’ordonnance organique de 1959, les autorisations de programme « demeurent valables sans limitation de durée, jusqu’à ce qu’il soit procédé à leur annulation ». Par ailleurs, le suivi comptable et la nomenclature étant différents, la divergence entre autorisations de programme et crédits de paiement s’est accentuée avec le temps au point que la masse des dotations disponibles non affectées à des engagements précis atteindrait 35 milliards de francs, selon la Cour des comptes, ou 120 milliards de francs pour l’Inspection générale des finances et le Contrôle Général des Armées.

      Ÿ Le souci de renforcer le lien entre autorisations de programme et crédits de paiement s’appuie autant sur la réforme de la nomenclature que sur le renouveau du suivi comptable. Il vise à revenir à la fonction initiale des autorisations de programme qui est, aux termes de l’article 12 de l’ordonnance organique de 1959, de « couvrir une tranche d’opération en capital constituant une unité individualisée formant un ensemble cohérent et de nature à être mis en service sans adjonction » et à éviter que le volume des dotations disponibles ne soit supérieur aux capacités de financement.

      L’annulation de 21,8 milliards de francs d’autorisations de programme au cours de la gestion 1995 a permis de réduire l’écart entre autorisations de programme et crédits de paiement considéré comme l’un des facteurs les plus préoccupants de l’exécution budgétaire.

          b) Les incertitudes pour l’avenir

      Pour la première fois depuis cinq ans, le montant des autorisations de programme dépasse celui des crédits de paiement dans le projet de budget. Il s’agit de la conséquence de la politique de commandes globales qui nécessite de mobiliser toutes les autorisations de programme disponibles pour le lancement d’un programme, c’est-à-dire celles ouvertes en lois de finances et celles restées sans emploi. Mais cette politique conduit à des variations importantes dans les dotations en autorisations de programme d’un exercice à l’autre. Il n’est donc pas étonnant que les demandes de dotations en autorisations de programme diminuent dès qu’une tranche de commandes a été passée ou que les besoins en crédits de paiement se réduisent selon les aléas du déroulement des programmes.

      Cependant, la gestion des autorisations de programme au plus près, couplée à l’importance croissante de l’approche pluriannuelle, conduit à s’interroger sur les conséquences dans l’avenir. Comme l’ont souligné les chefs d’état-major, les autorisations de programme annulées depuis 1997 correspondaient à des contenus physiques précis et il est inexact de prétendre qu’elles étaient devenues inutiles. La meilleure preuve en est que l’engagement des forces au Kosovo a nécessité des programmes prioritaires qui correspondaient pour certains à des programmes décalés faute d’autorisations de programme.

      Selon le ministère de la Défense, l’insuffisance du stock des autorisations de programme ne remet pas en cause, à ce stade, ni la cohérence, ni le calendrier des opérations. Mais elle réduit les marges de manœuvre dans les différentes armées et fausse les perspectives pour les crédits de paiement. Les gouverneurs de crédits éprouvent le besoin de reconstruire des modèles selon les deux types d’autorisations de programme à leur disposition, celles liées à des commandes pluriannuelles et les autres. Pour le ministère de l’Economie et des Finances, le « stock » disponible d’autorisations de programme atteindrait 79 milliards de francs dont 43 milliards de francs seraient déjà délégués à des ordonnateurs secondaires mais ne pourraient pas être utilisés. Ce stock serait compatible avec les besoins les plus immédiats et le montant des autorisations de programme dites « libres » pourrait même être réduit.

      Cependant, il est nécessaire de trouver un compromis entre ces deux approches car de nouvelles diminutions ou un niveau insuffisant du stock des autorisations de programme ne pourront se traduire que par un recul des programmes.

      Ainsi, à titre d’exemple, le Chef d’état-major de l’armée de l’Air a estimé que la mobilisation de deux milliards de francs d’autorisations de programme sur le titre V au profit d’autres priorités avait pour conséquence de décaler certaines opérations du programme 2000 D, notamment l’étude et la mise au point des missiles Scalp et AASM sur cet appareil. De même, était reportée à 2001 la deuxième tranche des commandes de Rafale.

      En d’autres termes, même si elle est souhaitable, une gestion plus ajustée des autorisations de programme n’est sans doute pas réalisable à court terme.

        3. Améliorer la prévision budgétaire

          a) La diminution des charges mal programmées : l’exemple des dépenses liées aux opérations extérieures

      Même si depuis 1996 le total des surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) baisse fortement, la part des opérations est prépondérante pour justifier les ouvertures de crédits de fonctionnement en cours d’exécution budgétaire. En effet, la multiplication des OPEX depuis 1992 a entraîné un surcroît de dépenses. Or seuls les surcoûts liés au fonctionnement ont été compensés (à hauteur de 100 % pour les rémunérations et 62 % pour le fonctionnement courant en 1999), les dépenses d’équipement n’ont jamais fait l’objet d’un apurement puisqu’il est difficile de déterminer a priori exactement le montant imputable aux opérations extérieures. On peut en effet considérer que ces charges nouvelles se substituent à celles qui auraient pu être constatées (au cours des entraînements, par accident ou par obsolescence) et n’ont pas à être compensées.

      Par ailleurs, à l’exception de l’exercice 1996, l’ouverture de crédits de fonctionnement dans le cadre de la loi de finances rectificative a été gagée par des annulations de crédits d’équipement.

      Une grande partie des dépenses liées aux engagements internationaux des forces armées ne peut être prévue lors du vote de la loi de finances initiale et l’abondement en collectif budgétaire des chapitres concernés a toujours constitué un palliatif. Mais certains engagements revêtent un caractère permanent qui rend leur coût prévisible, justifiant ainsi l’ouverture de crédits dans les dotations initiales. Il en est ainsi, pour les opérations Epervier, menées au Tchad pour 1986, Carymbe dans le Golfe de Guinée, Hélianthe au Liban. Depuis six ans, la Commission de la Défense nationale et des Forces armées a souhaité de manière répétée que le projet de budget inclue des crédits destinés aux OPEX et a vivement regretté que la loi de programmation militaire 1997-2002 n’ait pas permis de progrès en ce sens.

      A la suite des travaux de la programmation militaire 1997-2002, le Conseil de défense de mars 1997 a classé les OPEX en deux catégories, relevant de modalités différentes de financement : les opérations extérieures courantes, prises en charge par le budget de la Défense en construction budgétaire, et les opérations extérieures à caractère exceptionnel qui font l’objet d’un financement extérieur au budget de la Défense. Le partage est effectué au cas par cas par le Gouvernement avec l’accord du Président de la République. Cette première réforme reste insuffisante dans la mesure où aucun critère objectif n’a été dégagé pour distinguer les deux catégories.

      Une autre étape a été franchie dans le budget 1998. Une dotation de 260 millions de francs a été inscrite pour couvrir les dépenses supplémentaires versées aux personnels militaires, notamment pour les troupes basées au Tchad ou en République Centrafricaine, c’est-à-dire pour des dépenses directement liées aux accords de défense de la France avec certains pays africains.

      DÉPENSES LIÉES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
      ET CRÉDITS SUPPLÉMENTAIRES OBTENUS

    (crédits de paiement en millions de francs)

     

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    Total Titre III

    4 427

    4 057

    3 060

    3 933

    2 545

    1 870

    Equipements

    301

    348

    361

    239

    134

    63

    Fabrications

    566

    533

    406

    610

    360

    68

    Munitions

    744

    672

    289

    190

    139

    125

    Infrastructures

    36

    25

    29

    172

    131

    8

    Total Titre V

    1 647

    1 579

    1 119

    1 213

    764

    234

    Total surcoûts

    6 074

    5 636

    4 179

    5 146

    3 309

    2 104

    Ouverture de crédits

               

    au Titre III

    3 973

    2 736

    2 948

    3 238

    1 300

    1 642

    au Titre V

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    Total

    3 973

    2 736

    2 948

    3 238

    1 300

    1 642

      ·  L’un des meilleurs moyens de pallier les surcoûts liés aux opérations extérieures consiste certainement à réduire les dépenses induites. C’est ainsi qu’une réforme entreprise depuis 1997 permet de jouer sur les deux variables des rémunérations et des effectifs des personnels militaires engagés dans ces opérations. Un décret du 1er octobre 1997 a révisé le régime des soldes à l’étranger. De plus, le dispositif des forces françaises prépositionnées en Afrique a été réduit, les effectifs stationnés passant de 8 000 à 5 500 hommes environ en 1997.

          b) Un contrôle parlementaire plus systématique

      · Les interrogations relatives à la définition et au financement des opérations extérieures conduisent à s’interroger sur les voies de réforme d’un système inadapté. C’est pourquoi la Commission de la Défense a mis en place, en 1998, un groupe de travail chargé d’élaborer des propositions sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures. Certains principes ont, d’ores et déjà, été dégagés :

      — il convient tout d’abord de clarifier la définition du concept d’opération extérieure. Tel est d’ailleurs le sens de la réflexion menée sur l’opération Epervier, conduite par la France au Tchad depuis 1986. Les opérations de maintien de l’ordre dans les DOM-TOM doivent cesser d’être enregistrées, en termes budgétaires, comme des opérations extérieures.

      Ne seront plus désormais considérées comme opérations extérieures que la projection d’hommes à l’étranger, pour une durée limitée, à partir du territoire métropolitain ou d’un dispositif prépositionné, pour contribuer à la gestion d’une crise.

      — en ce qui concerne le financement des opérations extérieures, il est nécessaire de prévoir, en loi de finances initiale, les dépenses prévisibles, du moins partiellement, les éventuels surcoûts étant financés par des ouvertures de crédits nettes en cours d’année. Seraient concernées les opérations de maintien de l’ordre dans les DOM-TOM et celles poursuivies d’année en année.

      Votre rapporteur estime depuis deux ans qu’il conviendrait d’aller au delà et, par exemple, de prévoir en loi de finances initiale, des provisions destinées à couvrir les surcoûts prévisibles des opérations extérieures. Certains chefs d’état-major expriment cependant la crainte que la détermination en loi de finances initiale de crédits à caractère prévisionnel pour les opérations extérieures :

      — soit effectuée au détriment des autres dotations de fonctionnement, l’enveloppe globale du titre III ne progressant pas, ce qui induirait une concurrence entre les objectifs de la politique de défense ;

      — empêche une régularisation a posteriori en cours d’exercice, le budget de la Défense devant alors supporter les écarts par rapport à la prévision.

      Une autre limite est liée à la méconnaissance de la réalité des surcoûts et à l’absence de comptabilité analytique qui permettrait de les identifier.

      Ces différents inconvénients ne doivent pas cependant faire obstacle à la recherche d’une solution pour un problème complexe dont les répercussions sur l’exécution budgétaire sont loin d’être neutres.

CHAPITRE DEUX

L’ADÉQUATION DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT
AUX OBJECTIFS GLOBAUX DE LA PROGRAMMATION

      L’analyse des dotations en capital par armée, dont le tableau ci-après récapitule l’évolution pour 2000, est effectuée dans les avis budgétaires qui reprennent la division du budget de la Défense en sections. Votre Rapporteur présentera donc les crédits d’équipement dans le projet de loi de finances par fonction afin de mieux situer la mise en œuvre de la loi de programmation militaire.

      Une proportion croissante des programmes d’armement est réalisée en coopération. Si la plupart d’entre eux se déroulent conformément aux prévisions, même révisées par le revue des programmes de 1998, certains connaissent des aléas qui soulignent la difficile construction de l’Europe de la défense dans le domaine des équipements militaires.

ÉVOLUTIONS DES DOTATIONS BUGÉTAIRES DES ARMÉES
PRÉVUES PAR LE PROJET DE BUDGET

    (crédits de paiement en millions de francs)

     

    Air

    Terre

    Marine

    Gendarmerie

    DGA

    Titre III PLF 2000

    15,679

    30,916

    12,892

    20,897

    2,829

    Évolution 1999/2000 en %

    + 0,8  %

    + 0,7 %

    - 0,08 %

    + 1,97 %

    - 40 %

    Titres V et VI PLF 2000

    18,837

    17,816

    20,106

    2,279

    11,694

    Évolution 1999/2000 en %

    - 6,9 %

    - 3,64 %

    - 4,4 %

    + 5,22 %

    + 0,61 %

    Total des crédits PLF 2000

    34,517

    48,732

    33,003

    23,172

    11,694

    Évolution 1999/2000 en %

    - 3,6  %

    - 0,92 %

    - 2,7 %

    + 2,27 %

    - 9,25 %

      PRINCIPALES COMMANDES ET LIVRAISONS EN 2000

    Modules

    Commandes

    Livraisons

    Espace-communication-renseignement

       

    Poste de radio de 4ème génération PR4G

    1 816

    2 436

    MTBA

    21

    8

    Rubis (Équipement groupements / Relais)

    0 / 0

    12 / 50

    MTGT

    0

    50

    Opérations maritimes

       

    Bâtiment hydrographique et océanographique

    1

    0

    Rafale

    0

    3

    Missiles/torpilles

       

    Crotale naval

    0

    33

    PAAMS missiles Aster 15/Aster 30

    60

    0

    SATCP MISTRAL (missiles)

    20

    80

    Opérations aériennes

       

    Mirage 2000 D

    0

    12

    Mirage 2000 5 (Rénovation Mirage 2000 DA)

    0

    3

    Rafale

    0

    1

    Rénovation C 160 Transall

    0

    3

    CN 235

    0

    2

    Hélicoptères Cougar SAR

    1

    0

    Missiles

       

    SATCP MISTRAL Postes de tir/missiles

    0/430

    15/340

    ACCP ERYX

    0/0

    0/1 200

    Anti blindé léger (roquettes)

    24 000

    0

    MICA

    170

    50

    Armement air-sol modulaire

    750

    0

    AS 30 laser

    0

    40

    Opérations terrestres

       

    Chars de bataille AMX LECLERC

    44

    22

    Munitions LECLERC

    1 000

    1 200

    Remotorisation AMX 30 B2

    0

    110

    Artillerie sol-sol et sol-air

       

    Obus ACED

    2 500

    0

    MARTHA

    10

    0

    Valorisation ROLAND Postes de tir/missiles

    16/0

    0/0

    Engin porte blindé (EPB 40 tonnes)

    0

    30

    VBL Long

    80

    44

    Sécurité et soutien—Gendarmerie

       

    Constructions (équivalent unités logement)

    925

    883

    Véhicules de brigade et police de la route

    2 242

    2 242

    Véhicules de transport en commun

    41

    41

    Motos

    1 200

    1 303

    Hélicoptère biturbine

    2

    2

      I. — L’ANALYSE PAR OBJECTIF DES PROGRAMMES MAJEURS

      Dans la lignée du Livre Blanc sur la défense de 1994, la loi de programmation militaire était fondée sur une analyse des grandes fonctions opérationnelles assignées aux forces armées : dissuasion nucléaire, capacités de projection, de prévention et de gestion des crises, permanence de la protection du territoire. Elle prenait également acte de la décision de professionnaliser les armées et de la nécessité de poursuivre, dans le cadre d’une planification à l’horizon de 2015, les grands programmes de renouvellement des matériels qui structurent les budgets d’équipement.

        A. LA MODERNISATION DES COMPOSANTES DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE

      Alors que la loi de programmation militaire a placé la dissuasion en tête des quatre grandes fonctions opérationnelles des forces armées dans le cadre du modèle d’armées 2015, les programmes nucléaires ont connu depuis dix ans une importante révision qui se manifeste dans la part toujours décroissante des crédits qui leur sont attribués.

        1. La programmation militaire a confirmé le choix de deux composantes

      Plusieurs décisions majeures méritent d’être rappelées pour souligner la phase de transition dans laquelle est entrée la dissuasion :

      — le démantèlement du plateau d’Albion et le retrait des missiles Hadès après celui des missiles Pluton, sont tous deux achevés ce qui consacre le maintien d’une dissuasion à deux composantes, aérienne et sous-marine ;

      — l’arrêt définitif des essais nucléaires après la dernière campagne de 1995 a entraîné le démantèlement du site de tir en Polynésie française et donné toute son importance au programme de simulation nucléaire. Celui-ci qui constitue un enjeu considérable bénéficiera de 808 millions de francs pour le laser mégajoule et l’installation Airix ;

      — le démantèlement de l’usine de Marcoule (production de plutonium de qualité militaire) durera jusqu’en 2001, celui de l’usine de Pierrelatte (uranium très enrichi), décidé en février 1996, se prolongera jusqu’en 2004. Ces deux opérations nécessitent encore d’importants crédits comme en témoigne l’inscription de près de 705 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 2000.

        2. L’inflexion des crédits reflète le calendrier des programmes majeurs

      La réorientation de la politique de dissuasion explique la réduction drastique des efforts financiers dans le domaine nucléaire. Le niveau de ressources prévu en programmation 1997-2002 est de 20 % inférieur à celui de la précédente période de programmation (1995-2000). En fait les crédits des forces nucléaires ont amorcé un déclin rapide depuis le début de la décennie et ont été divisés par deux en francs constants de 1990 à 1998. La diminution de 17 % des autorisations de programme et de 13 % des crédits de paiement entre 1997 et 1998 a prolongé cette tendance.

      Le calendrier de modernisation des équipements explique que la diminution des crédits de paiement dans le projet de budget reste mesurée (- 4,5 %) alors que les d’autorisations de programme connaissent une hausse sensible (+ 38 %) en raison de l’effet des commandes pluriannuelles prévues pour les programmes de missiles M 51 et ASMP-A.

      Sur le nouvel article 51-71 « Forces nucléaires », le projet de budget prévoit une dotation de 18,422 milliards de francs d’autorisations de programme et 15,855 milliards de francs de crédits de paiement qui permettront la modernisation des deux composantes sous-marine et aéroportée selon des calendriers optimisés.

          a) La force océanique stratégique FOST

      Les crédits affectés par le projet de budget 2000 à la force océanique stratégique (FOST) s’élèvent à 3 253,5 millions de francs en autorisations de programme et 3 851,5 millions de francs en crédits de paiement. La réduction des crédits de paiement de 6,6 % en francs courants fait suite à celle constatée en 1998 (25,6 % par rapport à l’exercice précédent) et en 1999 (3,7 %). La part de la FOST dans le titre V continue à se réduire mais à un rythme plus faible puisqu’elle ne représente plus que 19,16 % de l’ensemble des dotations en crédits de paiement.

      Ÿ Le programme de SNLE-NG, lancé en 1987, se poursuit sur la base d’une cible de quatre sous-marins dans le cycle opérationnel, c’est-à-dire d’une capacité de maintenir un et, si nécessaire, deux sous-marins en permanence à la mer. Le Triomphant, commandé en 1987, a été admis au service actif le 21 mars 1997 et est équipé des missiles M 45. Le Téméraire, commandé en octobre 1989, a débuté ses essais officiels en août 1998 et son admission au service actif est prévue à l’automne de cette année.

      La revue de programmes a entraîné, d’une part, le retard de six mois de l’admission au service actif du Vigilant (ce qui suppose la prolongation du maintien en service de deux SNLE de la génération précédente), d’autre part, l’accélération de deux années de l’adaptation des SNLE-NG au missile M 51 et la livraison du dernier de la série en 2008, directement dans la version M 51.

      CALENDRIER DES COMMANDES ET DES LIVRAISONS
      DES SNLE-NG

    SNLE-NG

    Commande

    Essais

    Service actif

    Le Triomphant

    18 juin 1987

    1er juillet 1994

    21 mars 1997

    Le Téméraire

    18 octobre 1989

    1er août 1998

    novembre 1999

    Le Vigilant

    27 mai 1993

    1er juillet 2003

    juillet 2004

    N° 4

    2000

    1er juillet 2007

    juillet 2008

      Le projet de budget pour 2000 inscrit, sur l’article 31 du chapitre 51-71, 1,485 milliard de francs d’autorisations de programme et 1,771 milliard de francs de crédits de paiement pour les dépenses liées aux SNLE-NG.

      Ÿ Le programme de modernisation des missiles balistiques vise à équiper les SNLE-NG de la version M 45 dès leur entrée en service. Les missiles M 45 diffèrent du modèle M 4 par les aides à la pénétration et par la nature de la tête nucléaire (TN 75). La première mise en service est intervenue en 1997 sur Le Triomphant.

      La nécessité de remplacer les M 45 pour crédibiliser la FOST a conduit en 1992 à lancer le développement d’un nouveau missile, le M 5 qui a été réorienté vers une version M 51 dans le cadre du concept de stricte suffisante. Le dernier SNLE-NG sera livré dans une configuration M 51 et les trois premiers exemplaires seront mis au même standard à partir de 2008.

      Le coût total du développement du programme pour trois dotations de seize missiles est estimé à près de 30 milliards de francs (valeur 1999), y compris les dépenses déjà effectuées au titre du programme M 5. Une baisse de près de 22 % par rapport au coût envisagé pour le développement du M 5 a été obtenue grâce à une simplification de la logique de développement et à un engagement des principaux industriels (Aérospatiale et SNPE). La forte augmentation des dotations dans le projet de budget pour 2000 (1 980 millions de francs de crédits de paiement soit une hausse de 36,5 % et près de 5 milliards de francs d’autorisations de programme) s’explique par la montée en puissance du développement de ce programme et par la notification d’une commande à l’industriel Aérospatiale-Matra.

          b) La composante aéroportée

      La composante aéroportée repose sur les Super Etendard du groupe aéronaval et sur les deux escadrons de Mirage 2000 N de l’armée de l’Air équipés de missiles ASMP.

      Ÿ Le programme de missile supersonique à statoréacteur ASMPA est destiné à assurer la continuité du missile ASMP qui devrait arriver en fin de vie opérationnelle vers 2007. La phase de définition préliminaire s’achèvera en 1999 et le développement commencera en 2000. Le missile sera disponible à partir de 2008 et équipera les Rafale et les Mirage 2000 N.

      Le projet de budget pour 2000 a inscrit 399 millions de francs de crédits de paiement et 745 millions de francs d’autorisations de programme dans le cadre du développement de l’ASMPA et du statoréacteur Vesta qui lui est destiné.

        B. LA PROJECTION DES FORCES ARMÉES

      La loi de programmation militaire a accordé une très grande priorité à la fonction de projection des forces armées sur les théâtres extérieurs. De nombreux programmes de modernisation des équipements et d’acquisitions mobilisent l’essentiel des crédits conventionnels.

        1. Le renouvellement des flottes d’avions de combat et de transport

      La participation des armées à la projection de puissance s’appuie, d’une part, sur les avions de combat de l’armée de l’Air et de la Marine, d’autre part, sur la flotte de transport mise en œuvre par l’armée de l’Air.

          a) Le programme de Mirage 2000 D et les missiles de croisière associés

      Ÿ Le programme Mirage 2000 D, lancé en décembre 1988 pour replacer les Jaguar, se termine. A la fin de l’année, 69 appareils auront été livrés. Ce programme bénéficiera de 559 millions de francs d’autorisations de programme et de 957,6 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 2000. 12 Mirage 2000 D et quatre pods de désignation laser avec caméra thermique seront livrés en 2000 portant les dotations respectives à 81 appareils (conformément à la cible fixée par la loi de programmation militaire) et 31 pods.

      Plusieurs catégories de missiles tactiques sont prévues pour équiper les Mirage 2000 D et les Rafale.

      Ÿ Les missiles de croisière à turboréacteur Apache sont conçus en deux versions :

      — la version antipiste a bénéficié d’une commande pluriannuelle de 100 exemplaires en 1997 mais les livraisons n’interviendront qu’entre 2001 et 2003. Le projet de budget prévoit 395,7 millions de francs de crédits de paiement au chapitre 53-81, article 21 ;

      — la version d’interdiction de zone, pourtant complémentaire de la première, a été abandonnée par la revue de programmes.

      Ÿ Dérivé de l’Apache, le missile SCALP est destiné à la destruction des infrastructures à distance de sécurité. Le programme, lancé en mai 1997, prévoit l’acquisition de près de 450 exemplaires et des premières livraisons de série en 2003. La convergence de besoins et de conception entre les armées françaises et britanniques (qui ont choisi en juillet 1996 le missile Storm Shadow) a abouti à un programme commun SCALP/EG (emploi général) dont la maîtrise d’œuvre est assurée par Matra BAe Dynamics. Il s’agit là d’un excellent exemple de l’interaction entre les restructurations industrielles des groupes européens et le choix de programmes d’équipement militaire communs part les armées des différents pays.

      Sur un coût total de programme voisin de 5,42 milliards de francs, le projet de budget pour 2000 prévoit 64,5 millions de francs d’autorisations de programme et 434 millions de francs de crédits de paiement pour le développement répartis sur deux articles.

      DOTATIONS DES PROGRAMMES DE MISSILES
      DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2000

    (en millions de francs)

    Missile

    Chapitre et article

    Crédits de paiement

    Autorisations
    de programme

    Apache

    53-81

    21

    395,7

    16

    SCALP

    53-71

    16(air)

    429,130

    57

     

    53-71

    37(marine)

    5

    7,5

     

    Sous-total

     

    434,130

    64,5

    MICA

    53-71

    13(air)

    368,770

    876

     

    53-71

    35(marine)

    93,5

    175,2

     

    Sous-total

     

    462,27

    1 051,2

    FSAF

    53-71

    12 (SAMP/T)

    244,29

    426

     

    53-71

    22 (SAMP/T)

    220,35

    271,97

     

    53-71

    36 (SAAM)

    272

    327

          b) Le programme Rafale

      Ÿ Le programme d’avion polyvalent Rafale est certainement l’un des plus importants au point de vue financier et industriel. Le coût global pour 294 avions (dont 234 pour l’armée de l’Air et 60 pour la Marine) est estimé à plus de 200 milliards de francs. Près de 30 milliards de francs ont déjà été engagés par l’armée de l’Air pour le développement du programme. Trois exemplaires ont été commandées mais aucun n’a été livré.

      ARMEMENTS ET SYSTÈMES D’ARMES DU RAFALE

    Armements

    Systèmes d’armes

    missiles air-sol et air surface
    Ÿ
     Apache antipiste
    Ÿ
     SCALP-EG
    Ÿ
     AASM

      Ÿ système de contre-mesures SPECTRA

    Missiles air-air
    Ÿ
     MICA
    Ÿ
     Magic 2

    Ÿ radar à balayage électronique RBE2

    Missiles nucléaires
    Ÿ
     ASMP-A

    Ÿ capteur optronique frontal OSF

      De multiples décalages ont retardé le programme de plusieurs années :

      — la Marine a besoin de la version navalisée le plus tôt possible car le Rafale doit remplacer trois types d’avions en service (Crusader, Super-Etendard et Etendard IV PM). En raison de son coût, il a été particulièrement touché par la programmation militaire qui a abaissé la cible de 86 à 60 exemplaires et par la revue de programmes qui a revu la politique d’industrialisation et a lissé le calendrier. Le premier appareil de série sera livré à la Marine en 2001 et la première flottille de 10 appareils en standard F1 (antiaérien) sera constituée fin 2002, deux autres appareils étant différés mais livrés directement au standard F2 (antiaérien et air-sol en partie). Les essais du prototype sur le Foch puis sur le Charles de Gaulle se sont parfaitement déroulés comme votre rapporteur l’a constaté au cous de l’une de ses missions. Trois autres appareils seront livrés à la Marine l’année prochaine pour la poursuite des essais.

      Le projet de budget pour 2000 (chapitre 53-71, article 31) a inscrit au bénéfice de ce programme 307,730 millions de francs d’autorisations de programme et 2 215 millions de francs de crédits de paiement (dont respectivement 343  pour le développement et 1 872 pour la production).

      — la mise en place du premier escadron pour l’armée de l’Air au standard F 2 (défense aérienne) est confirmée pour 2005, ce qui signifie que les avions devront être « rétrofités » pour devenir polyvalents. Le premier vol de l’avion de série est intervenu cette année. Un second Rafale sera livré à l’armée de l’Air en 2000 pour continuer les essais des équipements, notamment de tirs de missiles Mica et Apache, qui se sont déroulés normalement jusqu’à présent.

      Sur le chapitre 53-71, article 15, le projet de budget pour 2000 prévoit 3 028 millions de francs et 3 186,93 millions de francs d’autorisations de programme de crédits de paiement.

      Le principe d’une commande pluriannuelle a été retenu. D’abord fixée à 48 appareils (dont 15 Rafale Marine), elle a été ramenée par la revue de programmes à 28 appareils en commande ferme (dont 7 Rafale Marine) et 20 autres en option (dont 8 Rafale Marine). La décision a été notifiée par le Ministre de la Défense en juin dernier. Son plus grand mérite est de confirmer un programme sur lequel l’Etat a déjà engagé des sommes importantes et d’obtenir de meilleures conditions de prix de la part de Dassault Aviation. La commande pluriannuelle de la seconde tranche de Rafale est repoussée à 2001 afin de ne pas mobiliser avec excès des d’autorisations de programme dans le budget 2000.

      ·  Le missile d’interception, de combat et d’autodéfense Mica est destiné à équiper les avions de défense aérienne Mirage 2000-5 et les Rafale, en remplacement de deux types de missiles qui ne sont plus ni fabriqués ni livrés, le Super 530D pour l’interception et le Magic 2 pour le combat aérien rapproché. Lancé en 1987, le programme Mica a été retardé de deux ans par la loi de programmation militaire et la cible initiale réduite à 1 000 exemplaires. Au titre de la commande globale effectuée en 1997 pour les premiers 225 exemplaires, une dotation de 50 missiles destinés aux Mirage 2000-5 sera livrée en 2000. Une deuxième commande portant sur 220 missiles interviendra également l’année prochaine.

      La loi de finances initiale pour 2000 prévoit 1 051,2 millions de francs autorisations de programme et 462 millions de francs de crédits de paiement. Le programme est individualisé sur les articles 13 (pour l’armée de l’Air) et 35 (pour la Marine) du chapitre 53-71.

          c) La flotte de transport future

      Pour assurer ses missions de transport, de liaison et d’entraînement, l’armée de l’Air dispose actuellement de 67 Transall C 160, de 14 Hercules C 130 et de 8 CASA CN 235. Une rénovation du système de navigation des C 160 a été entreprise depuis 1991 et se termine avec la livraison des derniers exemplaires modernisés. Les capacités limitées d’emport et la faiblesse des rayons d’action ne sont plus adaptées aux nouvelles missions de projection des forces en dehors du théâtre européen. C’est pourquoi, à plusieurs reprises dans le cadre d’opérations extérieures, la France a eu recours à la location d’avions russes ou ukrainiens.

      Pour répondre aux besoins exprimés et assurer à longue distance des flux importants de déploiement de forces et de ravitaillement, trois solutions sont à l’étude, soit l’achat sur étagère d’avions américains C 130 J et C 17 comme s’apprête à le faire le Royaume-Uni pour renouveler en partie sa flotte de transport ; soit une coopération autour d’un avion russo-ukrainien Antonov 70 ; soit le lancement d’un programme d’avion de transport futur ATF en coopération européenne.

      Huit pays partenaires ont accepté en juillet 1997 une fiche commune de caractéristiques militaires (notamment pour déterminer les capacités d’emport de matériels terrestres et aériens) et ont fixé une cible d’environ 300 appareils, dont une cinquantaine pour la France à livrer de 2005 à 2015. Le GIE Airbus a répondu à l’appel d’offres par le projet A 400 M.

      L’état-major de l’armée de l’Air est sceptique sur la réussite de l’hypothèse Antonov pour des raisons techniques, car l’intégration d’une avionique moderne, la tenue des prix et le service après-vente sur une période de plus de trente ans paraissent plus qu’incertains. Pour de multiples raisons à caractère budgétaire ou industriel, l’Allemagne semble privilégier la coopération avec l’industrie russo-ukrainienne pourtant déclinante. Le retrait de l’Allemagne du projet d’avion A 400 M bouleverserait l’équilibre de ce programme alors que les retombées industrielles, technologiques et sociales du choix d’un Airbus militarisé comme avion de transport futur méritent d’être soulignées.. Les mouvements de restructuration dans l’industrie aéronautique, en particulier l’annonce de la prochaine fusion des groupes Aérospatiale-Matra et DASA, confortent ce projet.

      Le coût du programme ATF pour la France est estimé à plus de 30 milliards de francs comme l’a confirmé le rapport Lelong. La loi de programmation militaire n’a inscrit aucun financement sur ce programme car elle ne prévoit les premières commandes nationales qu’en 2002. Le projet de budget pour 1999 avait cependant prévu 44 millions de francs de crédits de paiement au titre de l’étude de faisabilité.

        2. Des capacités accrues de combat terrestre

      La loi de programmation militaire a restructuré l’armée de Terre vers la constitution d’une capacité de projeter, soit une force de 50 000 hommes pour une courte période dans le cadre d’un engagement majeur au sein d’une alliance, soit une force de 30 000 hommes pendant un an conjointement avec l’envoi de 5 000 hommes pour une seconde mission d’intervention, ce qui correspond à une potentialité renouvelable de 15 000 hommes avec les relèves.

      L’accroissement des capacités opérationnelles est conditionné par le remplacement des matériels par des systèmes d’armes modernes dans une logique de moyens. La mise en œuvre du concept de modularité des forces conduit par ailleurs à considérer les matériels en dotations comme des stocks susceptibles d’équiper des forces selon les besoins et les missions.

      ÉQUIPEMENT DE L’ARMÉE DE TERRE

     

    Situation en 1995

    Horizon 2015

    Organisation

    9 divisions

    4 forces

     

    129 régiments

    85 régiments

    Equipements

       

    Chars lourds

    927

    420 (dont 250 Leclerc)

    Chars légers

    350

    350

    Hélicoptères

    340

    180

    Engins porte-blindés

    220

    200

      Les crédits d’équipement de l’armée de Terre resteront marqués en 2000 par les conséquences des perturbations antérieures qui expliquent la réduction des crédits de paiement (-3,64 % en francs courants) et ne devraient cependant pas créer de nouveaux retards grâce à l’augmentation des autorisations de programme (+11,74 %) en raison des commandes globales. L’évolution entre les dotations de fonctionnement (63,4 % des crédits d’équipement) et des dotations en capital (36 ,6 %) est stabilisée. Mais si le niveau des crédits de paiement retrouve celui de 1998, la signification n’est pas la même. Elle est avant tout la conséquence des sous engagements des années précédentes et pose donc la question de la remontée à venir du niveau de crédits de paiement. En attendant, les programmes majeurs liés à la projection sont préservés.

          a) La poursuite du programme de chars Leclerc

      Décidé à la fin des années 70, c’est-à-dire avant la modification du contexte stratégique et tactique en Europe, le programme de chars lourds Leclerc a subi plusieurs modifications de cible et de calendrier tout au long des années 90. La cible initiale de 1 400 a été réduite à 650 puis à 406 exemplaires par la loi de programmation militaire 1997-2002 afin d’être en cohérence avec le nouveau format de l’armée de Terre en 2015. Ses caractéristiques techniques en font le char le plus moderne de sa génération, capable notamment de détruire en marche des chars adverses jusqu’à 1 800 mètres.

      Le programme a donné un nouveau souffle au maître d’œuvre Giat-Industries qui a vu, depuis une dizaine d’années, se réduire le marché des armements terrestres. Il lui a permis d’acquérir des compétences qui le placent parmi les premiers constructeurs européens. Mais le contrat à l’exportation de 390 chars et de 46 dépanneurs aux Emirats arabes unis l’a fragilisé financièrement ce qui retarde la restructuration du groupe et a tendance à le laisser à l’écart du mouvement de restructuration en Europe. Or, l’avenir de Giat-Industries passe par des alliances européennes dans les deux domaines des munitions et des blindés. Le statut d’entreprise nationale est une tentation facile pour exclure le groupe français des consortiums en création. Les efforts de réduction des effectifs et des frais de fonctionnement restent insuffisants pour améliorer la compétitivité du groupe français et doivent être prolongés. C’est l’ambition du nouveau plan économique et social qui succédera au plan de retour à l’équilibre de 1996. Mais les besoins en recapitalisation sont déraisonnables car ils ont obligé à plusieurs reprises à gager la recapitalisation de Giat-Industries sur les dotations en capital de la défense.

      Le projet de budget, qui inscrit 3 308 millions de francs d’autorisations de programme et 2 064 millions de francs de crédits de paiement, prévoit un niveau de commandes de 44 chars, 5 dépanneurs et un millier de munitions ainsi que la livraison de 22 chars et 1 200 munitions. A la fin de cette année, 310 chars auront été commandés et 205 livrés. Pour la première fois, les chars ont été employés de manière opérationnelle au Kosovo et ont montré leur efficacité (la puissance est un facteur très dissuasif) même si les conditions d’emploi ne correspondaient pas tout à fait à celles d’un char lourd de combat.

          b) Les programmes d’accompagnement du char Leclerc

      Parallèlement, l’armée de terre s’équipe de dépanneurs aptes à accompagner les chars en zone hostile. Ces engins sont montés sur un châssis dérivé de celui du char et comportent une grue et un treuil. Sur 30 exemplaires prévus, 15 ont déjà été livrés. Ils ont été également utilisés au Kosovo. Le projet de budget permettra une commande supplémentaire de cinq dépanneurs en 2000.

      Le déploiement des chars lourds nécessite l’accompagnement par des véhicules blindés de moyen tonnage. Depuis 1993, la France a exprimé le besoin de renouveler les AMX 10 P de conception ancienne. C’est ainsi qu’à partir du concept de véhicule blindé modulaire (VBM) est né le projet VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie) en coopération avec l’Allemagne, le Royaume Uni et les Pays Bas (depuis 1997). La loi de programmation militaire a fixé à 600 le nombre d’engins à acquérir dont 450 dans une version de combat dite VTT et 150 dans une version poste de commandement dite VPC.

      De profondes divergences sont apparues entre les pays coopérants non seulement sur le plan opérationnel (seule la France privilégiant un véhicule de combat doté d’une tourelle canon de moyen calibre) mais aussi sur le plan industriel. En effet, notre pays s’est déclaré prêt à rejoindre le concept élaboré par le consortium germano-britannique ARGE (regroupant Krauss-Maffei, Wegmann et GKN Defence) sous réserve d’engagements de partage industriel équilibré. Giat-Industries a été alors intégré dans le consortium rebaptisé ARTEC.

      Mais, en décembre 1998, la France a décidé de ne plus participer au projet en coopération que pour la version poste de commandement et a lancé un nouvel appel d’offres pour le véhicule blindé VCI. Des négociations ont été ouvertes avec les deux candidats retenus, d’un côté, Giat-Industries associé à Vickers et Mowag, de l’autre, Renault véhicules industriels associé à Panhard et à Henschel-Kuka. Le choix définitif ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année.

          c) Les hélicoptères de combat

      Ÿ Le programme Tigre en coopération franco-allemande concerne deux versions, l’une destinée à la lutte antichars (HAC), l’autre de lutte contre les hélicoptères (HAP). Cette deuxième version est devenue prioritaire compte tenu de l’évolution de la menace. La France a retenu un besoin final de 215 appareils dont 115 en version HAP et 100 en version HAC. L’Allemagne avait initialement fixé une cible de 212 hélicoptères en version multirôle mais la révision du budget d’équipement pourrait modifier la cible précédente.

      Le contrat d’industrialisation a été signé par les deux partenaires le 20 juin 1997, en même temps que le contrat d’industrialisation des moteurs MTR 390, et l’arrangement pour le lancement de la production le 20 mai dernier. Une commande globale pluriannuelle de 160 appareils (80 pour chaque pays) a été notifiée à l’industriel Eurocopter en juin dernier à l’occasion du salon du Bourget. Les premières livraisons pour la France interviendront en 2003 pour la version HAP, soit avec deux ans de retard par rapport au calendrier prévu en 1994, et en 2011 pour la version HAC.

      Sur un coût total de près de 45 milliards de francs (soit un coût unitaire compris entre 103 et 120 millions de francs selon le niveau des commandes), le projet de budget pour 2000 affecte à ce programme 527 millions de francs d’autorisations de programme et 773 millions de francs de crédits de paiement (dont 532 millions de francs pour les fabrications et 240,9 millions de francs pour le développement).

      Le programme de missile antichar de troisième génération AC3G est destiné en priorité au Tigre. La maîtrise d’œuvre pour la version longue portée est assurée par le GIE Euromissile Dynamics group (EMDP) regroupant Aérospatiamle Matra, DASA et British Aerospace. La France a décidé de ne pas prendre part à la phase d’industrialisation et de procéder à une compétition pour l’acquisition ultérieure du missile. La coopération franco-allemand se poursuit cependant pour l’industrialisation et la production du poste de tir de l’hélicoptère Tigre.

      Ÿ Le même industriel franco-allemand Eurocopter assure la maîtrise d’œuvre du programme d’hélicoptère NH 90. Ce programme réalisé en coopération concerne huit armées de quatre pays (Allemagne, France, Italie et Pays Bas). Mais les besoins diffèrent pour les armées françaises, les premières livraisons à la Marine intervenant près de dix ans avant celles de l’armée de Terre. Ce décalage oblige à financer très en amont des développements, la part de l’armée de Terre représentant 60 % du coût d’industrialisation pour la France. La loi de programmation militaire a ramené la cible initiale à 133 appareils pour l’armée de Terre et 27 pour la Marine (dont 14 en version combat pour la lutte anti-sous-marine et 13 en version soutien pour le transport et le sauvetage).

    DOTATIONS DU PROGRAMME NH 90

    (en millions de francs)

     

    Chapitre et article

    1999 (crédits votés)

    2000 (projet de budget)

       

    Autorisations de programme

    Crédits de paiement

    Autorisations de programme

    Crédits de paiement

    Terre

    53-71 21

    474,4

    347,1

    124,5

    160,6

    Marine

    53-71 34

    335,9

    160,7

    320,07

    220,5

    Total

    810,3

    507,8

    344,57

    381,1

      Ce programme est en phase de développement et cinq prototypes continuent leurs essais en vol. Les quatre pays participants n’ont pas encore signé le memorandum of understanding car le calendrier des livraisons a été révisé dans certains cas. Il est cependant regrettable que les Etats n’affichent pas davantage leurs choix en exprimant une volonté claire d’acquisitions ce qui conforterait l’industriel face à la concurrence américaine dans la prospection de marchés intéressants (comme l’appel d’offres des quatre pays scandinaves sur l’acquisition d’une centaine d’hélicoptères) ou éviterait à certains partenaires comme les Pays-Bas de se retourner vers un producteur américain pour connaître sa nouvelle offre.

        3. Les programmes d’équipement de la Marine centrés autour du groupe aéronaval

      En raison de la diminution des menaces, notamment en Atlantique Nord, et de la maîtrise des mers par les flottes de l’OTAN, la loi de programmation militaire a réduit le format de la Marine de 20 % en matière d’effectifs, de navires et de dotations d’équipement. Les décisions prises à l’occasion de la revue de programmes se traduisent par une économie de près de 4 milliards de francs sur le titre V de la Marine de 1999 à 2002. Les mesures essentielles sont rappelées dans le tableau suivant.

      ÉCONOMIES RÉALISÉES SUR LES PROGRAMMES DE LA MARINE
      DANS LE CADRE DE LA REVUE DES PROGRAMMES

    (en millions de francs)

    Programmes concernés

    Economies réalisées

    Aménagement du calendrier des programmes de la FOST

    653

    Retrait définitif de service du Foch dès 1999

     

    Désarmement de la flottille Alizé

    235

    Aménagement du programme Hawkeye

    194

    Nouvelle politique d’acquisition du NTCD

    616

    Retrait du programme Milas à l’issue de son développement

    214

    Abandon du développement de la future torpille lourde

    228

    Retard du programme BHO

    71

    Retard de la livraison du standard F2 du Rafale

    369

    Réduction des crédits d’EPM et d’infrastructures de l’ordre de 5 %

    1 317

          a) La constitution d’un nouveau groupe aéronaval

      Le groupe aéronaval constitue l’élément majeur de la capacité de projection et d’action de la Marine.

      Ÿ L’une des décisions les plus importantes de la loi de programmation militaire 1997-2002 puis de la revue de programmes a été de confirmer la mise en service opérationnel du Charles-de-Gaulle. Celle-ci aura lieu à l’été 2000 après la période de remise à niveau après essais (RANAE) et la traversée de longue durée.

      Sur un coût total estimé à près de 19,5 milliards de francs valeur 1998 (développement et industrialisation compris), plus de 16,5 milliards de francs de crédits de paiement ont déjà été consommés. Hors développement, le Charles-de-Gaulle aura coûté 13 milliards de francs.

      Le projet de budget pour 2000 a inscrit 51,5 millions de francs d’autorisations de programme et 362,1 millions de francs de crédits de paiement (chapitre 53-81, article 71) pour l’achèvement du programme.

      Ÿ Le modèle retenu par la planification à long terme comporte deux porte-avions. Comme les réductions budgétaires de 1996 et de 1997 ont contraint à retirer le Clemenceau du service actif et que les retards dans la construction du Charles-de-Gaulle ont prolongé le Foch jusqu’en 2000, la Marine avait envisagé de mettre le Foch « en veilleuse », ce qui supposait un entretien constant et la présence d’un équipage à bord, et de le réactiver pour la première indisponibilité de longue durée du porte-avions nucléaire en 2004 ou 2005. La décision de la construction d’un second porte-avions ressort de la prochaine loi de programmation militaire. Le Ministre de la Défense a rappelé que se poursuivaient des études permettant de le commander « le cas échéant » après l’actuelle loi de programmation militaire, pour une admission au service actif en 2012, mais il a pris soin de souligner que la commande n’interviendrait que « si les conditions économiques le permettent », selon les termes mêmes de la loi de programmation militaire 1997-2002.

      En fait plusieurs questions sont posées :

      — la disponibilité à la mer ne pourra pas être assurée par un seul porte-avions. La revue des programmes du printemps 1998, même si elle a renoncé provisoirement à l’option de deux porte-avions en annulant la prolongation de la durée de service du Foch, a confirmé le besoin de ce second porte-avions. Pour la première fois depuis 1963, la Marine a dû renoncer au concept de permanence à la mer lors de la première IPER du Charles-de-Gaulle en 2004-2005 ainsi que pendant la deuxième IPER majeure qui retiendra le bâtiment deux ans en réparation vers 2010-2011de plus, pendant deux années, de 2000 à 2002, le groupe ne pourra pas intervenir dans des zones où existe une menace aérienne forte en raison du retard de la livraison de la première flottille Rafale en version intercepteurs ;

      — le coût d’un second porte-avions, estimé à au moins 15 milliards de francs, obligerait la Marine à des choix difficiles entre programmes majeurs et risquerait de déséquilibrer la cohérence de l’ensemble des forces maritimes. Un puissant groupe aéronaval existerait ainsi au détriment des programmes de renouvellement des navires de surface (frégates et TCD de nouvelle génération) ;

      — le choix du mode de propulsion, classique ou nucléaire, n’est pas acquis. Les inconvénients de la propulsion nucléaire, du fait de coûts d’entretien élevés, pourraient inciter à choisir une propulsion diesel ce qui nécessiterait de réviser l’architecture du bâtiment et d’entreprendre des études pour un montant d’au moins un milliard de francs ;

      — la perspective de mise en commun des capacités au niveau européen, en particulier avec le Royaume-Uni, est une hypothèse à ne pas négliger. Le Ministre français de la Défense a rappelé que les interventions de la France s’intégreraient à l’avenir dans un contexte multinational et qu’il convenait d’attendre les résultats des réflexions britanniques avant toute décision majeure. Devant la Commission de la Défense, le Président de la Commission de la Défense de la Chambre des Communes a évoqué cette possibilité et en a traduit les conséquences sur les programmes concernant les groupes aéronavals des deux pays. Les conclusions de la Strategic Defense Review, menée par le Ministère britannique de la Défense, ont conforté la mission de projection de la Marine et ont préconisé la constitution d’un groupe aéronaval à deux porte-avions. La Grande-Bretagne semblait plutôt envisager un système rustique doté d’un équipage réduit mais l’inadaptation aux missions air-sol du porte-aéronefs britannique qui a quitté rapidement l’Adriatique ne sera pas sans conséquence sur l’évolution des réflexions britanniques dans ce domaine.

          b) Le renouvellement de la flotte de surface

      Après la fin du programme de six frégates légères Floréal et la livraison en 1998 du TCD Sirocco, les derniers programmes importants permettant de renouveler la flotte de surface concernent les frégates de souveraineté La Fayette; les frégates antiaériennes Horizon (sujet sur lequel votre rapporteur reviendra en évoquant les aléas de la coopération européenne) et le programme de TCD de nouvelle génération.

      Ÿ Dans le domaine de la prévention et du contrôle des crises, après la livraison de la dernière frégate de type Floréal en 1994, l’effort de renouvellement des capacités de vigilance et de souveraineté s’appuie sur le programme de frégates légères type La Fayette. Le premier bâtiment a été admis en 1996 au service actif ; le Surcouf et le Courbet ont rallié les forces en 1997 ; la frégate n °4 Aconit a été admise au service actif début 1999.

      La réduction des ressources prévues par la loi de programmation militaire a conduit à limiter à cinq le nombre d’exemplaires de la série et à renoncer au sixième. Le maintien de la frégate n° 5 Guépratte a conservé à l’établissement de Lorient un plan de charges qui, sinon, aurait été catastrophique. Mais les retards de six mois pour la frégate n° 4 et de deux ans pour la frégate n° 5 qui ne sera admise au service actif qu’en 2002 obligeront à maintenir en service plus longtemps les plus anciens des avisos A 69.

      Le projet de loi de finances initiale pour 2000 prévoit 92 millions de francs d’autorisations de programme et 174 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme sur l’article spécifique 69 du chapitre 53-81.

      Ÿ Le concept de « transports de chalands de débarquement » a évolué et les TCD sont devenus des bâtiments polyvalents capables de transporter et de mettre à terre des forces d’intervention. Le modèle de Marine 2015 comprend quatre bâtiments de ce type. Le Sirocco livré en mai dernier est venu compléter la série de type Foudre. Mais les deux unités les plus anciennes, l’Ouragan et l’Orage, devront être remplacées respectivement en 2004 et 2006. C’est pourquoi la commande de deux bâtiments supplémentaires a été programmée.

      Les futurs navires seront cependant d’une conception différente de celle de la Foudre. Les études de définition ont été guidées par deux objectifs :

      — l’adaptation aux doctrines amphibies. Le nouveau bâtiment, d’un tonnage de l’ordre de 16 000 tonnes et capable d’embarquer 450 hommes, devra avoir une capacité de commandement (c’est-à-dire accueillir un état-major interarmées), être interopérable et s’intégrer dans une force amphibie. Mais l’Etat-major de la Marine ne s’est pas encore prononcé sur la capacité en hélicoptères (au mois six) ou de chalands de débarquement ;

      — la limitation des coûts. L’enveloppe budgétaire a été fixée à 3,65 milliards de francs pour deux unités, y compris les frais de développement, contre 1,945 milliard de francs valeur 97 pour le Sirocco. La réalisation se fera sous la contrainte des coûts objectifs. La démarche comparative a pour objectif d’étudier les solutions techniques et industrielles susceptibles de générer des gains. Elle cherche à analyser la réalisation de bâtiments similaires, notamment en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas et à prendre en compte des éléments de comparaison nationale, un chantier civil privé ayant effectué une proposition de prix intéressante.

        C. LA PRÉVENTION ET LA GESTION DES CRISES

      ·  Les programmes liés à la prévention des crises concernent de manière majoritaire les domaines du renseignement (système héliporté Horizon, système d’écoute électomagnétique sur navire Minrem, Sarigue, F1CR, avions de patrouille maritime,...), des communications et de la gestion de l’information (SIC des forces). La revue de programmes leur a accordé une vraie priorité mais force est de reconnaître qu’un ralentissement se manifeste, notamment pour les programmes spatiaux.

        1. La justification des programmes spatiaux

      La politique spatiale s’appuie sur le plan pluriannuel spatial militaire PPSM sur quinze ans dont la version la plus récente de 1996 a orienté la loi de programmation militaire 1997-2002. A ce titre, quatre objectifs prioritaires avaient été fixés : continuité des services de télécommunications Syracuse II et d’observation optique Hélios I ; accession à une capacité d’observation tout temps ; recherche de solutions en coopération européenne ; réduction du coût des programmes.

      Le récent conflit du Kosovo a révélé l’importance des moyens satellitaires de renseignement et de communication. A cette occasion, les Etats-Unis ont démontré leur supériorité incontestable en alignant près d’une quarantaine de satellites d’observation. L’Europe a pu bénéficier d’une relative autonomie d’appréciation de la situation à travers les informations recueillies par le satellite d’observation optique Hélios I A, et dans une moindre mesure, les satellites SPOT. Plusieurs pays européens ont également mis à contribution leurs satellites de communication à vocation militaire. Dans l’ensemble, le conflit a souligné la grande fiabilité des équipements utilisés. Les choix passés dans le domaine de l’espace militaire comme les priorités retenues par le plan pluriannuel spatial se sont trouvés ainsi justifiés. Néanmoins, le conflit du Kosovo a également souligné l’importance des programmes destinés à succéder à ces équipements, notamment dans le cadre de l’observation optique, ou à les compléter, par exemple dans le domaine de l’observation radar.

          a) Le redimensionnement de la politique spatiale

      Même si la France reste le premier acteur dans le secteur spatial militaire (environ 2,5 millions de francs de dépenses annuelles), la révision opérée par la revue des programmes au printemps dernier comme les difficultés de la coopération européenne ont dimensionné l’effort consacré aux applications spatiales.

      Les crédits de paiement consacrés à l’espace ont diminué régulièrement depuis trois ans (- 5,63 % de 1997 à 1998, - 15,9 de 1998 à 1999, - 15,25 % de 1999 à 2000). La régression des autorisations de programme est encore plus forte dans le projet de loi de finances pour 2000 (- 23,8 %). Cette évolution traduit l’absence de perspectives en matière de coopération car les projets majeurs sont affectés par l’absence de coordination des efforts budgétaires et le décalage entre les ambitions des différents partenaires européens.

      L’Italie privilégie le développement du programme de satellite radar Cosmos— Skymed ou elle disposerait d’une maîtrise d’œuvre, au détriment d’Hélios II qui représente pourtant pour ses forces un intérêt opérationnel plus immédiat. La Grande-Bretagne s’est retirée du programme Trimilsatcom alors même que la convergence des besoins de renouvellement de Skynet IV et de Syracuse II était une conjecture idéale pour une coopération européenne productive. Enfin, l’Allemagne affiche pour priorité son assainissement budgétaire, obérant par là sa participation au financement d’hélios II.

          b) Les programmes d’observation optique

      Ÿ Le programme trinational Hélios I (France, Italie, Espagne) prévoit la réalisation de deux satellites d’observation et des installations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception et un centre de traitement des images. Le satellite Hélios IA, mis en orbite le 7 juillet 1995, est entré en phase opérationnelle depuis octobre 1995.

      Le deuxième satellite Hélios IB devrait être mise en orbite le 25 novembre prochain pour assurer le relais avec le satellite Hélios IA dont la durée de vie a été fixée de manière contractuelle à cinq ans.

      Des protocoles ont permis d’étendre la coopération à la phase d’exploitation du programme et au maintien en condition opérationnelle. En avril 1993, un protocole de fourniture rémunérée des images Hélios I a été signé entre l’UEO et les Ministres de la Défense des trois pays coopérant au programme. La première fourniture au centre satellitaire de Torrejon en Espagne est intervenue en mai 1996. La mise en place du centre d’interprétation des images satellitaires a été décidée par le conseil de l’UEO en 1990 dans la perspective d’un système spatial de renseignement propre à l’organisation. Le centre dispose également d’images prises par les satellites SPOT, ERS et LANDSAT, ou de produits commerciaux disponibles. Un nouveau concept d’empli, défini en mai 1997 par le Conseil des Ministres de l’UEO, confie au centre une mission de surveillance générale dans le domaine de la sécurité.

      Sur le coût total incluant la réalisation du système, les améliorations, les charges additionnelles et le maintien en condition opérationnelle, la part du programme Hélios I à la charge de notre pays est estimée à 9,8 milliards de francs (1997).

      Toutefois, l’expérience acquise lors de la conduite des opérations au Kosovo souligne le besoin de disposer d’une capacité de surveillance « tous temps » aux niveaux stratégiques et tactiques et, si possible, d’une transmission des données « en temps réel » afin d’accroître la réactivité des forces en opération.

      Dans sa définition actuelle, le satellite Hélios 1 emporte une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Il comprend aussi un système d’écoute électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. Les capacités techniques et opérationnelles garantissent l’observation d’un site donné tous les deux jours mais sont limitées à l’observation de jour et par temps clair. De plus, le satellite ne repasse exactement à la verticale d’un point donné que tous les vingt-six jours.

      La nécessité de relever sur orbite le satellite Hélios I (dont l’espérance de vie ne peut dépasser 2002-2003) et d’améliorer les capacités techniques du système a conduit à définir dès 1994 la seconde génération Hélios II. Celle-ci doit valoriser les acquis du programme précédent en rentabilisant les investissements, en modernisant les installations à mi-vie et en bénéficiant de synergies avec les programmes civils. Elle doit également intégrer les améliorations technologiques dans les domaines de la capacité de prise de vues, de la réduction des délais d’accès aux informations recueillies et de la résolution des images. La phase de définition a été prolongée jusqu’en mars 1997 et la phase de développement a été lancée en 1997.

      Sur un coût total du programme Hélios 2 estimé pour notre pays à 11 milliards de francs (valeur 1996) pour deux satellites ainsi que pour l’adaptation nécessaire des installations au sol, près de 3,1 milliards de francs ont déjà été dépensés. L’absence de cofinancement par un partenaire a obligé la France à financer l’intégralité du programme dans une première étape. Le projet de budget pour 2000 prévoit 1 088 millions de francs de crédits de paiement en faveur d’Hélios II dont 1 088 millions de francs sur l’article 69 du chapitre 51-61.

          c) Les satellites de télécommunications Syracuse

      Les communications spatiales militaires reposent, depuis le milieu des années 80, sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires. La première génération Syracuse I a compris trois satellites : Télécom IA lancé en août 1984, Télécom IB en mai 1985 et Télécom IC en mars 1988. La deuxième génération Télécom 2-Syracuse II a assuré la continuité du service grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom IIA), en avril 1992 (Télécom IIB), en décembre 1995 (Télécom IIC) et le 8 août 1996 (Télécom IID).

      Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre l’écoute, l’intrusion et les brouillages. Elles permettent également d’étendre les capacités du système par la réalisation d’un ensemble complet de stations, terrestres ou navales.

      Sur un coût total du programme Syracuse II estimé en 1996 à 13,9 milliards de francs -y compris les améliorations et les compléments, près de 10 milliards de francs ont déjà été consommés. La loi de programmation militaire 1997-2002 a inscrit 2,254 milliards de francs de crédits de paiement pour prolonger la durée de vie de la composante spatiale jusqu’en 2005 et améliorer l’interopérabilité avec les autres systèmes de télécommunications.

      Les crédits affectés à ce programme et à ses compléments pour 2000 s’élèvent à  millions de francs en crédits de paiement.

        2. Des satisfactions certaines sur le budget d’équipement de la Gendarmerie

      La loi de finances initiale pour 2000 accorde à la Gendarmerie des crédits d’équipement en hausse sensible pour financer les programmes et les dépenses supplémentaires induites par les décisions du Conseil supérieur de la sécurité intérieure : les dotations en autorisations de programme sont identiques à celles de l’exercice en cours (2,208 milliards de francs) alors que les crédits de paiement progressent de 5,2 % et s’établissent à 2,279 milliards de francs.

      L’emploi des crédits d’équipement permettra de :

      — poursuivre le programme de communications Rubis, qui reste la priorité de la Gendarmerie, afin que l’ensemble du programme soit opérationnel en 2000. Les dotations permettront le déploiement du système sur l’ensemble du territoire, y compris la Corse, car les équipements nécessaires aux douze derniers groupements seront livrés au cours du prochain exercice ;

      — renouveler les hélicoptères de sauvetage et d’intervention grâce à la commande d’un troisième appareil biturbine qui sera livré en 2000. Le rythme de renouvellement reste cependant inférieur à l’expression du besoin en matière de sécurité. Le renouvellement n’était pas prévu dans la loi de programmation militaire, mais il a été introduit par la revue des programmes en mobilisant les autorisations de programme disponibles pour le remplacement des engins blindés de la Gendarmerie.

      — livrer diverses catégories de matériels nécessaires au service quotidien des unités, comme 1 744 véhicules de brigades, 278 motocyclettes, 62 canots rigides et près de 1 700 ordinateurs, 700 gilets pare-balles et 16 000 paquetages individuels.

      L’objectif du programme bureautique, qui repose sur un poste pour deux personnels, sera atteint durant le prochain exercice. Il sera complété par la livraison de 1 700 télécopieurs, qui satisferont des besoins urgents. Par contre, les besoins exprimés en termes de téléphones portables ne pourront être satisfaits dans l’immédiat.

      Un effort particulier sera effectué pour les infrastructures. Au titre V, 883 équivalents unités logements seront livrés et 925 mis en commande. Le titre VI, doté de 45 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement pour les subventions aux collectivités locales, financera 310 équivalents unités logements. Le transfert de six escadrons mobiles dans des zones sensibles occasionnera des dépenses supplémentaires d’hébergement, qui n’ont pas été prises en compte dans le chapitre des infrastructures, mais devront être financées sur le titre III.

      L’insuffisance des dotations consacrées aux infrastructures ne sera résolue que partiellement en cours du prochain exercice. Les tensions structurelles devront trouver une solution dans les prochaines lois de finances rectificatives, sauf à considérer que les gros entretiens de bâtiments peuvent être à nouveau retardés.

        D. LES PRÉOCCUPATIONS SUR L’EFFORT DE RECHERCHE

        1. La stabilisation des crédits de recherche

      Il est assez difficile d’évaluer l’évolution de l’effort de recherche sur les programmes militaires.

      En retenant le concept le plus étendu, les crédits de paiement inscrits aux chapitres d’études, recherches et prototypes ont diminué de près de 30 % de 1990 à 1998. Dans l’ancienne nomenclature, les chapitres 51-60 Espace, 51-70 Nucléaire et 51-80 Autres études ont regroupé 25,075 milliards de francs en 1998 (en diminution de 13 % par rapport à 1997) et 26,663 milliards de francs en 1999. Dans la nouvelle nomenclature, les chapitres correspondants étaient dotés de près de 28 milliards de francs. Dans la mesure où l’ensemble des dotations inscrites sur les chapitres d’études comprend également des dépenses de fabrication voire d’entretien programmé, notamment pour les équipements nucléaires, le contenu même des chapitres ne permet pas les comparaisons.

      La Commission des Finances de l’Assemblée nationale retient depuis plusieurs années un agrégat plus étroit « Recherche, Développement, Etudes » (RDE), consacré aux seules études amont et aux développements, spatiaux. Cet agrégat a progressé de 19,583 milliards de francs en 1998 à 21,09 milliards de francs en 1999 soit une augmentation de 7,7 %. Mais il ne retrouvera pas le niveau du début des années 90. C’est ainsi que de 1990 à 1997, les dépenses de RDE ont diminué de près d’un tiers en France.

      Le ministère de la Défense a indiqué que les études de défense qui comprennent les études amont proprement dites, les études à caractère opérationnel et les études politico-militaires progresseront à 3,87 milliards de francs en 2000. Cet agrégat ne comprend pas les études nucléaires ni les développements qui sont dorénavant intégrés aux programmes.

      La réduction des dotations budgétaires est encore plus sensible si on exclut les crédits de recherche duale. En dépit de l’assurance inscrite dans la loi de programmation militaire de ne pas prévoir de contribution du ministère de la Défense au titre des crédits du BCRD, les transferts qui ont atteint environ 1 milliard de francs en 1996 se sont maintenus en 1997 (au titre des reports) et ont été prévus à hauteur de 500 millions de francs en 1998. Le budget 1999 a transféré de 900 millions de francs en autorisations de programmes et crédits de paiement destiné essentiellement aux recherches dans le domaine spatial et affecté au budget du CNES. Dans le projet de budget pour 2000, les transferts au BCRD portent sur 1 500 millions de francs en autorisations de programme comme en crédits de paiement.

      Les transferts de crédits militaires vers les programmes civils peuvent être acceptés s’ils sont effectivement affectés à des études amont qui concernent les programmes militaires. Mais la participation des crédits du ministère de la Défense aux dépenses spatiales civiles représente en fait un simple abondement du budget du CNES ; de plus il est impossible de connaître leur utilisation précise.

      S’il est logique que les crédits d’études nucléaires suive l’évolution à la baisse de la dissuasion nucléaire, il est inquiétant de constater que l’effort en matière d’études amont classiques soit aussi contraint. Sur la décennie 90, les études amont ont été réduites de 42 %. Elles subiront une nouvelle réduction de 11,3 % en 1999, ce qui explique que leur part dans les crédits d’équipement s’affaiblisse à 6 %. Il est vrai que l’une des décisions de la revue de programmes a conduit à diminuer les crédits d’études de 10 % de 1999 à 2002 pour un montant de 1,2 milliard de francs.

      Depuis le début des années 90, malgré la difficulté des comparaisons internationales, les budgets de recherche et développement régressaient de 18% aux Etats-Unis, de 21 % en Grande-Bretagne et de 34 % en Allemagne. Les projections sur les deux prochaines années montrent une stabilisation de ces crédits dans les trois pays. Parallèlement, les crédits d’équipement militaire diminuaient de 40 % aux Etats-Unis, de 21 % en Grande-Bretagne et de 45 % en Allemagne où un effort a donc été consenti pour maintenir le niveau des crédits d’études dans les dépenses d’équipement et pour préserver les études amont.

        2. La réforme de la politique des études amont

      Les principes et les modes de fonctionnement relatifs aux études amont ont été modifiés parallèlement à la réforme de la DGA. Ce nouveau mode de fonctionnement a été mis en œuvre dès juillet 1997 et l’orientation 2000 a été approuvée par le Ministre le 30 avril dernier. Les principes suivants ont été retenus :

      — l’orientation des études amont s’effectuera en fonction des besoins à long terme de la défense exprimés dans le plan prospectif à 30 ans ;

      — la programmation des études amont sera élaborée sous forme de programmes d’études amont définis par objectif, un calendrier, un coût total et un échéancier financier étant fixés dès le départ ;

      — les fonctions de régulateur (politique de recherche, contrôle de l’exécution), et celles d’opérateur (conduite et achat d’études) seront séparées ;

      — la conduite des programmes d’études amont sera effectuée selon les principes similaires à ceux des programmes d’armement et les synergies avec la recherche civile seront exploitées ;

      — la DGA est chargée de gouverner les crédits et d’instituer de nouvelles relations avec les industriels et les organismes de recherche. Le regroupement de l’ensemble des crédits d’études amont sous la responsabilité de la DGA permettra d’assurer une meilleure cohérence et une meilleure visibilité de l’ensemble des études amont et d’améliorer l’efficacité et la réactivité dans l’exécution de la programmation ainsi que l’adaptabilité à toute variation du contexte opérationnel, technique ou financier.

      La mise en œuvre de ces nouvelles procédures depuis 1998 laissait craindre un niveau d’engagements d’études amont particulièrement faible surtout par ce que le faible niveau des engagements en 1997 a conduit à une baisse temporaire des paiements en 1998. L’année 1999 devrait confirmer le retour à une situation normale tant sur le plan des engagements que des paiements.

      La démarche a pris en compte trois facteurs : la contraction des besoins, les perspectives européennes et la dualité des technologies :

      — de nombreux programmes d’études amont se déroulent déjà en coopération internationale qu’il s’agisse de coopérations bilatérales ou multilatérales, comme celles menées dans le cadre Euclid sous l’égide de l’organisation armement de l’Europe occidentale (OAEO). Ces coopérations en matière de recherche et de technologie permettent d’apprendre très en amont à travailler ensemble et leur réussite conditionne souvent l’aboutissement de coopérations sur de nouveaux programmes d’armement. C’est pourquoi, la DGA s’est fixé comme objectif d’accroître d’ici 2002 de 50 % la part des études amont conduites en coopération, cette part étant actuellement d’environ 17 % du budget des études amont ;

      — les programmes d’études amont couvrent les besoins futurs relatifs aux différents systèmes de force (dissuasion, commandement conduite communications renseignement C3R, mobilité stratégique et tactique, frappes dans la profondeur, maîtrise du milieu aéroterrestre, maîtrise du milieu aéromaritime, maîtrise du milieu aérospatial, préparation et maintien de la capacité opérationnelle). Mais la nature des travaux dépend des orientations prises sur le plan de la coopération internationale, de la politique d’achat ou de l’apport du secteur civil.

      Certains axes ont été plus particulièrement soulignés dans les recherches technologiques et les études d’expertise : le renseignement (systèmes de technologie des capteurs, traitement des informations) ; la lutte contre la menace biologique ; la maîtrise des systèmes complexes ; la sécurité des systèmes d’information ; l’évaluation des armes nouvelles.

      L’attention doit être appelée sur deux points. S’il est légitime de chercher à réduire les coûts, d’éviter les doublons dans les études amont et de concentrer l’effort sur des domaines privilégiés de recherche, au risque d’abandonner certaines compétences, de nombreux écueils doivent être évités. En particulier, la préparation de l’avenir ne mérite pas d’être sacrifiée à une recherche de court terme d’économies budgétaires. Un désengagement continu fragilisera certains secteurs de compétences, au risque de priver les industriels français de références dans les armées, dans le cadre des marchés à l’exportation.

      De plus, il est nécessaire de bien apprécier la notion de technologies duales. Les armées ont intérêt à bénéficier du progrès rapide et immédiat des technologies civiles dans un triple objectif d’abaissement des coûts et de réduction des délais de développement et d’acquisition des technologies les plus modernes. Le développement de technologies militaires propres ne se conçoit que s’il est impératif de conserver une compétence ou d’assurer un approvisionnement sur le long terme. De plus, l’intégration de technologies civiles peut s’opérer à divers stades, même s’il est plus fréquent que les technologies soient duales très en amont des processus. Le plus important reste de garder les compétences de maîtrise d’œuvre des systèmes.

      II. — LA CONDUITE DIFFICILE DES PROGRAMMES EN COOPÉRATION

      Même si la perspective européenne est privilégiée dans la politique d’acquisition d’équipements militaires, force est de constater que certains programmes en coopération ne sont pas menés dans les conditions prévues initialement.

        A. LA COOPÉRATION AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS

      Les avantages attendus de la coopération pour les programmes d’armement se traduisent dans la part croissante des budgets que ces programmes représentent.

        1. Les avantages supposés de la coopération pour les programmes d’armement

      De manière générale, la coopération en matière d’équipements militaires présente un triple intérêt. Tout d’abord, elle permet un partage des coûts de développement et d’industrialisation, l’effet sur les prix de série restant toutefois limité par les faibles séries produites. Elle présente également l’avantage de rapprocher les armées des pays coopérants en raison de l’élaboration de besoins opérationnels communs et du renforcement de l’interopérabilité des matériels. Enfin, elle a un effet structurant sur les pôles industriels d’excellence qui sont amenés à se regrouper. Il y a d’ailleurs une interaction entre les restructurations industrielles par pôle ou par métier et les décisions gouvernementales d’équipements communs.

      Les difficultés ne doivent pas être négligées pour autant. Il est souvent nécessaire de préserver les intérêts industriels nationaux. Or, l’obligation du « juste retour » représente une contrainte, surtout si elle n’est pas appréciée globalement, c’est— à— dire sur l’ensemble des programmes en coopération et sur la durée. De plus, le retrait ou l’abandon d’un des partenaires a alors des conséquences importantes sur la nature même du programme.

      On comprend alors mieux l’intérêt de l’OCCAR (organisme conjoint de coopération en matière d’armements) créé en 1996 par la France et l’Allemagne et auquel se sont joints l’Italie et le Royaume-Uni. En effet l’un des objectifs de cet organisme est de renoncer à un calcul du juste retour programme par programme au profit d’un équilibre global multi-programmes et pluriannuel. L’OCCAR doit recevoir au début de l’année prochaine un statut d’organisation internationale (avec une autonomie juridique et financière), le projet de loi de ratification étant soumis cet automne aux parlements des quatre pays participants.

      Mais le principal écueil de la coopération en matière d’armement résulte des aléas sur les ressources financières accordées par chaque participant au projet commun ainsi que de l’évolution de ses besoins opérationnels.

        2. L’accent mis dans les projets de budget

      La coopération avec des partenaires européens constitue un objectif majeur pour le ministère de la Défense. Pourtant, ni la loi de programmation militaire 1997-2002 qui a prévu de mobiliser plus de 9 % des crédits de paiement en faveur des programmes conduits en coopération, ni la revue des programmes de 1998 n’ont hésité à sacrifier des programmes en coopération (abandon de l’acquisition du drone Brevel, absence de financement de l’industrialisation du missile antichar AC3G-LP, non-achat des mines antichar MACPED).

      Le budget de 1999 avait consacré plus de 8 milliards de francs de crédits de paiement à des programmes majeurs conduits en coopération et intéressant toutes les armées. Le projet de budget pour 2000 envisage un niveau similaire au titre des autorisations de programme.

      Sur vingt et un programmes majeurs en coopération, une douzaine se déroulent dans des conditions satisfaisantes (hélicoptère franco-allemand Tigre, radar de contrebatterie COBRA, système de missiles antiaériens PAAMS, obus antichar à effet dirigé ACED fabriqué avec la Suède, système porte-torpilles MILAS et torpille franco-italienne MU 90, missiles antichar de troisième génération AC3GMP, missile de croisière SCALP-EG, famille de systèmes sol-air futurs FSAF). Les retards dans les décisions, la nécessité de nouvelles négociations, les décalages dans les évolutions budgétaires des différents Etats conduisent à des difficultés dans quatre ou cinq cas (hélicoptère NH 90, avion de transport futur ATF, satellite d’observation Hélios II, IFF de nouvelle génération) et rendent aléatoire le développement de quatre programmes (véhicule blindé de combat d’infanterie VBCI, frégate antiaérienne Horizon, satellite de communications militaires, missile antichar AC3G LP).

      Une douzaine de grands programmes en coopération ont été identifiés, depuis l’exercice 1999, sur un article spécifique. De plus, certains d’entre eux ont été intégrés à l’OCCAR dès 1997.

        B. LA REMISE EN CAUSE DE PROGRAMMES MAJEURS 

      Deux exemples montrent que si le principe d’une coopération n’est pas remis en cause, l’absence de participation des partenaires européens met fin au projet commun.

        1. L’exemple des frégates antiaériennes Horizon

      L’objectif du programme Horizon est d’équiper la Marine d’unités modernes de défense aérienne en remplacement des frégates antimissiles Suffren et Duquesne. Il a été conçu initialement en coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie, ce qui en faisait l’un des principaux programmes menés dans le cadre d’une coopération européenne (il portait sur plus de 100 milliards de francs).

          a) L’origine ancienne des difficultés

      Depuis le début de la négociation, plusieurs problèmes essentiels n’ont jamais trouvé de solution :

      — l’intégration de la DCN dans un dispositif privé international s’est toujours heurtée à la réticence britannique, non seulement en raison du statut de la DCN mais aussi parce que la France n’avait pas réalisé de compétition pour désigner son candidat national (alors que la Grande-Bretagne a retenu Marconi après une consultation).

      Le choix du système de combat (CMS ou combat management système) a focalisé ces réticences. La Grande-Bretagne a refusé l’intervention de la DCN, malgré son expérience dans les Senit (le Senit 8 équipe le Charles de Gaulle), dans la maîtrise d’œuvre du concept de CMS. Le seul industriel qui a connu des réussites et peu d’échecs a été ainsi éliminé. Or, de nombreux exemples montrent que GEC-Marconi éprouve des difficultés à mener à bien ses contrats d’intégration de systèmes (frégates F23 pour la Royal Navy, frégates pour la Malaisie dont le programme connaît un retard de trois ans). C’est ainsi que l’Etat britannique a dû reprendre la responsabilité de la maîtrise d’œuvre de l’intégration des systèmes sur les frégates F 23 selon une tendance lourde parce que l’intégration de systèmes est au cœur de la construction navale militaire et que les problèmes industriels sont spécifiques pour des raisons à la fois techniques (complexité des systèmes) et historiques (longue tradition d’arsenaux).

      — la stratégie d’acquisition reposait sur la volonté de s’engager sur le long terme et de faciliter la restructuration du secteur industriel. Une équipe intégrée de management, JPO (joint project office), a été constituée et disposait d’une réelle délégation d’autorité.

      Le maître d’œuvre industriel du programme, IJVC (International joint venture company), comprenait DCN-International pour la France, Orizzonte Spa pour l’Italie et GEC-Marconi pour la Grande-Bretagne. Il a sélectionné deux consortiums pour chaque sous-système majeur (SENIT, SIC et guerre électronique). Mais ces consortiums ont été perturbés par les restructurations industrielles au niveau européen. GEC-Marconi, qui avait retardé le projet en souhaitant imposer un autre type de radar, s’est retiré de la compétition. Le dépouillement d’offres dont le montant est supérieur au coût fixé a entraîné de nouvelles négociations ;

      — le partage industriel entre les trois pays a été conditionné par les effets d’annonces sur les commandes nationales. Face à un besoin initial de quatre exemplaires, le financement de la programmation militaire a inscrit deux frégates « françaises » par la période 1997–2002, pour une première livraison en 2005. Les Britanniques ont toujours annoncé la commande de 12 bâtiments mais il est certain qu’ils n’en acquerront pas autant puisqu’ils n’envisagent la commande que de quatre frégates à l’horizon 2007. L’Italie, après avoir évoqué la perspective de six exemplaires, n’en a financièrement programmé qu’un seul pour 2005.

          b) Le retrait du Royaume Uni du projet

      Un soutien politique fort avait facilité la poursuites des négociations : la signature du premier M.O.U. (memorandum of understanding) le 11 juillet 1994 par les Ministres de la Défense des trois pays intéressés prévoyait que le développement commencerait dix-huit mois plus tard et le supplément au M.O.U., signé le 21 mars 1996, a permis le lancement de la phase de définition. Or ce soutien politique a disparu avec l’arrivée du nouveau Gouvernement britannique, en 1997, qui s’est montré peu favorable au projet.

      Le Ministre de la Défense, M. Robertson, a indiqué dès l’été 1998, qu’il n’avait pas confiance dans l’organisation industrielle et qu’il préférait la mise en place d’un maître d’œuvre unique (prime contractor) au lieu de l’IJVC trinationale. Il a donc souhaité que l’organisation industrielle soit réformée dans un sens plus conforme à la politique britannique d’acquisition des armements. Une forme de chantage s’est ainsi instaurée, l’accord étatique sur le programme de missiles PAAMS étant subordonné à un accord sur Horizon. Afin de sauver le programme, les deux autres Ministres de la Défense ont alors demandé aux industriels de proposer une nouvelle solution industrielle.

      Mais, face à la diminution sensible de la volonté politique, les industriels britanniques ont accentué leurs exigences de manière excessive : le projet de fusion entre BAE et GEC-Marconi a conféré au nouveau groupe l’ensemble des capacités à un niveau de compétences équivalent à celui de la DCN et l’a incité à remettre en cause l’ensemble du projet Horizon.

      Un projet de nouvelle organisation, présenté par la DCN le 10 mars dernier et assignant à la DCN et à Orizzonte un rôle de maître d’œuvre de rang 2 (sub prime contractor), n’a même pas été examiné et la solution avancée par GEC-Marconi, le 1er avril, n’a tenu compte d’aucune des propositions françaises.

      Elle était inacceptable par les Français et les Italiens dans la mesure où :

      — elle confiait toute la responsabilité de maître d’œuvre à GEC-Marconi qui aurait choisi tous les fournisseurs et tous les équipements et aurait considéré les autres participants comme des sous-traitants ;

      —  elle reportait sur la DCN et sur Orizzonte la responsabilité de la construction, de l’intégration finale et des performances ;

      —  elle obligeait à retarder de 18 mois à 2 ans le programme, les besoins des Britanniques étant moins immédiats, alors que tout retard dans le calendrier est incompatible avec l’état des frégates antimissiles françaises qui ne pourront être maintenues au-delà de 2005 ;

      —  elle n’offrait aucune garantie en termes de coûts, pourtant l’une des exigences britanniques.

      Les industriels français et italiens ont rejeté cette offre, d’ailleurs contraire au memorandum of understanding. Le comité directeur du programme Horizon a constaté le désaccord le 14 avril et a demandé aux Ministres de la Défense d’accepter le retrait britannique. Les directeurs nationaux d’armement, réunis le 22 avril, ont entériné cette demande.

          c ) La réorientation du projet en coopération franco-italienne

      Après l’accord intervenu en septembre dernier entre les directeurs nationaux d’armement, la France et l’Italie ont décidé de continuer en commun le programme de frégates antiaériennes, en limitant le nombre des exemplaires à deux par pays et en respectant les enveloppes initiales de coût. Le nouveau projet reprend les variantes nationales dont l’étude avait commencé mais il est vraisemblable que les performances seront réduites dans certains domaines.

      L’intention du Gouvernement français est de notifier le contrat de développement et de fabrication avant la fin de cette année.

      Dans le projet de budget pour 2000, sont inscrits 2 800 millions de francs d’autorisations de programme et 385,5 millions de francs de crédits de paiement sur l’article individualisé 68 du chapitre 53-81. Parallèlement, le projet bénéficiera d’un montant de 2 970 millions de francs d’autorisations de programme disponibles pour couvrir le développement et la fabrication de la première frégate.

        2. La difficile recherche de partenaires pour les programmes spatiaux

          a) La nouvelle génération de satellite d’observation

      En 1998, la revue de programmes a décalé la réalisation du programme de satellite d’observation de nouvelle génération Hélios II en raison de la difficulté à convaincre les éventuels partenaires européens de rejoindre le projet. En fait, aucune décision négative n’a été prise :

      — seule l’Espagne avait confirmé sa participation à un niveau de 3 % et un accord technique et administratif franco-espagnol avait même été signé à l’été 1998. Il semblerait que la revue des programmes à l’étude en Espagne pourrait entraîner un réexamen de sa politique spatiale ;

      — l’Italie aurait souhaité prolonger le service de la première génération de satellites et retarder encore la mise sur orbite d’Hélios II. Elle a donc seulement exprimé le souhait de s’associer au programme mais n’a pas fait connaître sa décision définitive ;

      — la Belgique avait fait part de son intérêt mais les négociations ont échoué car le taux d’utilisation demandé par les partenaires franco-espagnols donc la participation financière (2,5 %) ont été jugés excessifs par le ministère belge de la Défense qui ne souhaitait rentrer qu’à hauteur de 1 % dans le programme ;

      — l’intérêt allemand pour les satellites d’observation militaire est moindre car les états-majors allemands s’estiment satisfaits de la coopération avec les Etats-Unis dans la fourniture d’images satellitaires même si leur dépendance est forte et leur possibilité de contrôle inexistante. De plus cette coopération est jugée moins coûteuse par le ministère des Finances. A la suite des conseils franco-allemands de Baden-Baden en décembre 1995 et de Dijon en juin 1996, la participation de l’Allemagne semblait pourtant acquise malgré les difficultés budgétaires. Une participation à Hélios II supposait un apport financier initial de l’Allemagne d’au moins 10 % pour compenser les investissements déjà réalisés par les autres pays et un partage opérationnel dès la mise en œuvre du premier satellite. Les sommets de Nuremberg en décembre 1996 et de Poitiers en juin 1997 avaient également réaffirmé l’engagement politique des deux pays. Mais le changement de Gouvernement en Allemagne a entraîné un retrait de ce pays des programmes spatiaux, le chancelier Schröder ne se sentant pas lié par les engagements pris par son prédécesseur.

      Même si des dispositions restent prises pour que les pays intéressés puissent rejoindre le programme en cours de développement, l’attentisme des autres pays européens oblige la France à augmenter ses efforts financiers pour assurer à terme la continuité de service. C’est pourquoi le programme Hélios II représente près de la moitié des dotations dans les budgets espace en 1998 (1 420 millions de francs de crédits de paiement), en 1999 (1 417 millions de francs de crédits de paiement) et pour 2000.

          b) L’exemple du système spatial radar

      Un système d’observation radar est complémentaire des systèmes optiques car il offre la capacité de surveiller de larges zones par tout temps, même en cas de couverture nuageuse, de jour comme de nuit, les trois moyens (optique visible, optique infrarouge et radar) assurant ainsi un ensemble d’observation cohérent.

      En raison de l’impossibilité pour un seul pays d’en assurer le financement, l’accès à la filière « tout temps » a été envisagé dans un cadre multinational réunissant l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie. Les estimations prévisionnelles pour un système comprenant trois satellites et une composante sol s’élevaient à 6,5 milliards de francs (valeur 1996) dans l’hypothèse d’une participation française au programme d’environ un tiers, d’une participation allemande de 40 % (la préférence allemande pour un système d’observation radar a lié durant deux ans les négociations sur les deux catégories de satellites d’observation) et d’une participation italienne de l’ordre de 20 % ou à près de 8 milliards de francs après le sommet de Baden-Baden qui a fixé la participation française à 40 %.

      Le cumul des crédits de paiement prévus dans la loi de programmation militaire 1997-2002 s’élevait à 2,476 milliards de francs (1996). Des crédits budgétaires d’un montant total de 296 millions de francs ont déjà été consommés depuis 1992 pour un projet initial Osiris, devenu Horus lorsque la participation allemande semblait acquise.

      La persistance des incertitudes allemandes a conduit le Gouvernement français, dans le cadre de la revue des programmes, à arrêter le projet Horus sans pour autant renoncer à l’acquisition d’une capacité d’observation sur la période du plan pluriannuel spatial militaire. Les projets technologiques et l’évolution des concepts accordent désormais la préférence à la réalisation de petits satellites (d’une masse d’une tonne). Outre son coût moindre, cette solution offre l’avantage de pouvoir associer d’autres pays.

      Comme l’observation optique militaire a pu bénéficier de l’expérience des satellites civils Spot, l’imagerie radar pourra s’appuyer sur l’expérience des satellites civils ERS. Mais les pays européens ne maîtrisent pas encore la chaîne image d’un satellite à haute résolution, d’où l’utilité d’un projet de démonstrateur.

          c) Une solution transitoire pour les communications satellitaires

      La recherche d’une coopération européenne pour les communications satellitaires se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux en service, britannique Skynet IV et français Syracuse II, et par la convergence des besoins opérationnels avec l’Allemagne. Selon le schéma retenu, il pouvait être envisagé un projet binational (Bimilsatcom) ou trinational (Trimilsatcom), une solution avec d’autres pays européens (Eumilsatcom) étant apparue peu probable en raison de sa complexité.

      L’annonce, le 12 août 1998, que la Grande-Bretagne ne prendrait pas part à la phase de définition du programme en coopération a montré qu’une solution nationale avait été privilégiée par le Royaume Uni en raison de différences d’approche et d’une entente probable avec les Etats-Unis. Même si officiellement une compétition a été lancée entre Matra Marconi Space et Lockheed Martin pour la définition du futur système de télécommunications, la Grande Bretagne :

      — a fait le pari de l’échec de la coopération européenne et a privilégié l’achat « sur étagère » d’un satellite américain ou du moins de techniques de nouvelle génération EHF que les pays européens ne maîtrisent pas ;

      — a privilégié un industriel national, soit en maîtrise d’œuvre, soit en maîtrise d’ouvrage d’un consortium.

      Même sans renoncer à la coopération, notre pays envisage une solution transitoire qui permettrait d’assurer le relais avec la génération des systèmes Syracuse.

CONCLUSION

UNE INFLEXION RÉALISTE ET NÉCESSAIRE DE LA REVUE DE PROGRAMME ET DE LA PROGRAMMATION

      L’analyse de l’exécution des lois de programmation militaire depuis une dizaine d’années montre que la situation créée par la baisse tendancielle des crédits d’équipement n’est pas une exception. « L’encoche » réalisée en 1998 dans les dotations en capital devait revêtir un caractère exceptionnel et provisoire et l’hypothèse d’une réduction pérenne était d’ailleurs jugée irréaliste par certains Chefs d’état-major. Mais elle s’inscrit dans un mouvement de longue date dont les conséquences doivent être bien comprises.

      Tout d’abord l’ampleur de l’écart entre les objectifs affichés par les lois de programmation militaire et la réalité des dotations en lois de finances ne peut trouver de solution dans une hausse des lois de finances initiales. La rupture est donc réelle par rapport aux objectifs des programmations, en dépit de leur révision périodique.

      La réalisation des programmes de renouvellement des matériels et de modernisation des forces ne peut plus se faire au même rythme que par le passé et la réalisation des programmes majeurs, telle qu’était prévue à une certaine époque, est devenue incompatible avec le niveau souhaitable des dépenses publiques. L’accumulation des engagements non respectés a généré « une bulle » qui a été repoussée d’un exercice à l’autre et qui ne sera pas résorbée par les prochaines lois de finances.

      Pour autant, il est nécessaire de garantir à la Défense un niveau de ressources budgétaires cohérent et garant des choix fondamentaux en matière d’équipement. C’est pourquoi la revue des programmes, menée pendant six mois d’octobre 1997 à avril 1998, s’est révélée un exercice de cadrage et a participé au processus d’adaptation et de modernisation de la Défense. Elle a conduit à une clarification des objectifs d’équipement militaire. Les décisions prises correspondent tout autant à une confirmation des choix fondamentaux qu’à une inflexion de la programmation elle même.

      Certes, le Gouvernement a repris les principes directeurs sur lesquels s’appuyait la loi de programmation militaire 1997-2002 à savoir l’autonomie stratégique, la capacité d’action à distance du territoire national, l’équilibre global avec nos principaux partenaires, la construction de l’Europe de la défense et la stabilisation du cadre budgétaire.

      Mais une double orientation, a été retenue, d’une part, la stabilisation des crédits d’équipement à 85 milliards de francs (valeur 1998) pour chaque annuité de la programmation restant à courir, d’autre part, ensuite la recherche d’économies pour un montant d’environ 19,3 milliards de francs. La revue de programmes a pris en compte l’impossibilité de financer le niveau prévu par la programmation et a permis de revenir à un niveau réaliste de dépenses.

      Mais les conséquences de l’exercice ne sont pas uniquement financières. Elles sont également opérationnelles. Même si les mesures d’attente ont évité les décisions irrévocables, les principales mesures physiques induisent une réorientation des priorités et une réduction des capacités opérationnelles en cohérence avec les missions. Les objectifs fixés par la revue des programmes constituent des références en termes de contenu physique et de niveaux de ressources. La préservation de celles-ci dans le projet de budget marque la volonté de réaliser les programmes prévus même si de légers décalages doivent intervenir. Il est raisonnable de considérer que, pour un programme d’équipement dont la durée de vie peut atteindre quarante ans, quelques mois de retard ne représentent pas une réelle remise en cause.

      Le niveau des dotations affichées dans la revue de programmes comme l’aménagement des programmes avaient conduit, l’an dernier, votre rapporteur à plaider pour une révision de la programmation. Aucune réflexion sur le contexte géostratégique n’a en effet accompagné la revue des programmes. Or, les principaux événements qui se sont déroulés dans le monde depuis 1994 ont confirmé que, dans l’actuelle période de transition stratégique, les incertitudes sont plus fortes que les mutations. Ces mutations auraient justifié que le Livre blanc sur la défense soit actualisé, ne serait-ce qu’en raison de la modification essentielle qu’apportent la suspension du service national et la professionnalisation des armées.

      La question essentielle relative aux crédits d’équipement reste celle du réalisme de la programmation. L’amélioration de la gestion budgétaire en cours d’exécution, les réformes des méthodes de gestion et l’évolution et l’évolution des dépenses sont les meilleurs garants de la logique de programmation.

      Pour autant, le schéma de la programmation mérite d’être rendu plus crédible par une affectation suffisante et cohérente des autorisations de programme. Ce qui, en effet, paraît le plus choquant est la remise en cause par certaines administrations de décisions et des arbitrages pris au plus haut sommet de l’Etat, dans le cadre de la programmation, des conseils ou des comités de défense.

      PRINCIPALES DÉCISIONS DE LA REVUE DES PROGRAMMES

    Programmes inchangés

    Programmes aménagés

    Programmes arrêtés ou dont la France se retire

    — Satellite Hélios II
    — ASMP A

    — Prolongation du satellite Syracuse II et aménagement du calendrier du satellite Syracuse III

    — Abandon du satellite radar Horus

    — Pause dans la réalisation du Système de surveillance

    — Char Leclerc

    — Décalage de six mois du SNLE-NG n° 3

        de l’espace (SSE)

    — Hélicoptère Tigre
    — Hélicoptère NH 90

    — Construction du SNLE-NG n°4 au standard M 51 et accélération du programme M 51

    — Retrait à l’issue du développement du missile antichar AC3G-LP

    — Véhicule blindé de combat d’infanterie
    — Système de commandement et de conduite des

    — Retrait anticipé du système ASTARTE

    — Renoncement définitif à la mine antichar MACPED

    — Abandon du missile de croisière Apache-IZ

        opérations aériennes

    — Diminution des études nucléaire de 20 %

        (interdiction de zone)

    — Sous-marin nucléaire d’attaque futur

    — Retrait anticipé du porte-avions Foch

    — Abandon du missile porte-torpille MILAS

    — Système de protection sol-air SAMP/T

    — Avion de guet Hawkeye

    — Abandon du développement de la future torpille

    — Frégate Horizon

    — Missile MICA

    — Définition d’un coût-objectif pour le Nouveau transport de chalands de débarquement (NTCD)

        lourde

    — Missile de croisière Scalp-EG

    — Décalage dans la livraison des Rafale

     

    — Missile de croisière Apache-AP

    — Retrait anticipé des deux escadrons Jaguar

     
     

    — Diminution de la cible des missiles Mistral

     
     

    — Modification du nombre d’engins porte-blindés

     
     

    — Diminution des études amont

     
     

    — Réduction des financements dévolus aux programmes d’entretien des matériels et aux infrastructures

     

TRAVAUX EN COMMISSION

      I. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE

      La Commission de la Défense a entendu, le 15 septembre 1999, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000.

      Après avoir remercié le Ministre d’être venu devant la Commission lui indiquer les principales grandeurs et les évolutions les plus significatives des crédits de son département, immédiatement après la présentation du projet de loi de finances en Conseil des Ministres, le Président Paul Quilès a fait état de trois questions revêtant un intérêt particulier. Il a d’abord mentionné les conditions de la professionnalisation des armées. Il a ensuite cité le maintien des crédits à un niveau qui permette de mener à bien la modernisation des forces, conformément à la programmation en cours, adaptée à la suite de la revue des programmes décidée par le Gouvernement. Sur ce point, relevant qu’un budget de la défense, dans sa composante d’équipement, était un budget de flux pluriannuels, largement soumis aux variations des décisions d’engagement des années antérieures, il a salué l’effort entrepris par le Gouvernement pour moderniser la gestion des crédits militaires, en rendant notamment à la notion d’autorisation de programme sa pleine valeur et son efficacité comme instrument d’allocation pluriannuelle des ressources. Il a souligné, à cet égard, que la Commission serait attentive à l’articulation entre les autorisations de programme et les crédits de paiement.

      Il a enfin évoqué les tensions constatées actuellement sur les crédits de fonctionnement et d’activité, tout en soulignant la complexité des données budgétaires en ce domaine, la réduction du format des forces ayant comme corollaire obligé et souhaitable des économies sur les dépenses courantes, tandis qu’il faut donner au nouveau modèle d’armée en cours de constitution des moyens suffisants pour garantir ses capacités opérationnelles et sa disponibilité.

      M. Alain Richard, Ministre de la Défense, a d’abord exposé qu’il avait été retenu par un Conseil restreint réuni pour examiner la contribution française à la force internationale du Timor oriental à la suite du Conseil des Ministres. Jugeant justifié, dans ces conditions, d’offrir à la Commission la primeur des informations sur les décisions prises, il a exposé que la France allait immédiatement contribuer à cette force par l’envoi sur place d’une frégate, d’avions de transport, d’une antenne chirurgicale avancée et d’un élément de protection, soit 250 hommes. Il a ajouté qu’un transport de chalands de débarquement (TCD), transportant des véhicules de l’avant blindés (VAB) et des hélicoptères, allait aussi rejoindre la Nouvelle-Calédonie, de manière à permettre l’équipement en moyens de protection d’une compagnie susceptible de participer à l’opération, les effectifs français se montant alors à 500 hommes pour une contribution européenne de 2 000 hommes à une force composée de 7 000 militaires, les contingents les plus importants étant asiatiques et océaniens, et plus précisément australiens et thaïlandais.

      Abordant alors la présentation du projet de loi de finances pour 2000 et renvoyant la Commission au dossier d’information établi à ce sujet pour le détail des chiffres, il a souhaité préciser les objectifs poursuivis et la méthode retenue avant de développer quelques éléments lui paraissant mériter une attention particulière.

      Il a d’abord souligné que le ministère de la Défense était engagé dans un profond effort de modernisation de ses structures, de ses moyens, humains et matériels, et de ses outils de gestion. La modernisation des structures sera notamment marquée en 2000 par la fin du processus de fusion en cours avec les services des Anciens combattants. S’agissant de la modernisation des moyens, le projet de loi de finances permettra de poursuivre l’exécution de la loi de programmation militaire que, pour la première fois depuis deux décennies, le Gouvernement entend conduire à son terme. Pour ce qui est de la modernisation des outils de gestion, après la comptabilité spéciale des investissements et le contrôle financier déconcentré, le ministère se dote aujourd’hui d’un dispositif de gestion prévisionnelle des autorisations de programmes et d’une nouvelle nomenclature budgétaire, dans la perspective d’aboutir à un suivi journalier de la dépense.

      Le Ministre de la Défense a souligné les efforts de lisibilité et de transparence entrepris, dont témoignaient notamment l’établissement d’une nomenclature budgétaire plus lisible ou la publication de documents de gestion, tels que l’annuaire statistique de la Défense, le rapport annuel du Comité des prix de revient des fabrications d’armement et, bientôt, les grandes orientations du plan prospectif des études.

      Il a indiqué également que nombre de mesures prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000 étaient la concrétisation de préoccupations formulées par les parlementaires au cours du débat budgétaire précédent. En réponse aux préoccupations exprimées notamment par le Président Paul Quilès sur l’évolution des crédits de fonctionnement courant des armées, ceux-ci augmentent de 21,4 % et 14,8 % respectivement pour la Marine et l’armée de l’Air, tandis que le taux d’activité annuel de l’armée de Terre passera de 70 à 73 jours. Conformément au souhait du rapporteur spécial de la Commission des Finances, l’utilisation des dotations budgétaires et les possibilités de recours à la sous-traitance ont été assouplies. Conformément à ceux des rapporteurs pour avis de la Commission de la Défense, un effort significatif a été consenti en faveur des crédits de fonctionnement (+1,1 %) et encore plus d’équipement (+ 8 %) de la Gendarmerie, les autorisations de programmes de l’armée de Terre augmentent de 13 % et les crédits d’entretien programmé du matériel de la Marine de 5,4 % sur le Titre V, et de 2,4 % au total.

      Le Ministre de la Défense a alors évoqué les grandes lignes du projet du budget de la Défense.

      Il a d’abord précisé que celui-ci intégrait des crédits en provenance du budget du secrétariat d’Etat aux Anciens combattants à hauteur de 949 millions de francs, répartis entre 475 millions pour le Titre III, 20 pour le Titre V et 454 pour les pensions de retraite. Hors pensions et apport du secrétariat d’Etat, les crédits du Ministère de la Défense pour l’année 2000 s’élèvent à 187,4 milliards de francs (en crédits de paiement) ; les crédits du Titre III se situent à 104,5 milliards de francs, en hausse de 0,5 %, tandis que les crédits d’équipement (Titres V et VI) diminuent de 3,5 % en crédits de paiement pour s’établir à 82,9 milliards de francs, mais augmentent en autorisations de programmes pour atteindre 87,5 milliards de francs, soit une hausse de 1,7 %. La dotation en autorisations de programmes est ainsi supérieure à celle des crédits de paiement pour la première fois depuis 1992.

      S’agissant du Titre III, M. Alain Richard a souligné qu’un effort important avait été accompli en matière d’outils de gestion. Une revue interne au ministère, portant sur l’ensemble du Titre III, a ainsi été conduite pendant les premiers mois de l’année. Cet examen approfondi de l’évolution des effectifs et des dépenses de rémunération et de fonctionnement courant, le premier du genre, a permis de mieux cerner les besoins et d’identifier les marges de manœuvre disponibles.

      Sur ces bases, la réduction du format des armées se poursuit, avec la suppression de 36 000 postes d’appelés, 230 postes d’officiers et 4 500 postes de sous-officiers. Elle s’effectue conformément aux prévisions, sous réserve de quelques ajustements postérieurs à la programmation, comme la poursuite de la création de postes de gendarmes d’autoroutes pour les nouveaux tronçons ouverts (50 postes) et la transformation de 600 postes de sous-officiers en postes de militaires du rang dans l’armée de l’Air et la Marine, pour tenir compte d’un besoin légèrement supérieur et faire mieux coïncider les statuts et les qualifications.

      Parallèlement, les recrutements de professionnels et de civils s’intensifient, avec la création de 16 400 postes, dont 8 300 de militaires du rang, 6 500 de volontaires (dont 4 300 pour la Gendarmerie) et 1 600 de civils.

      Les mesures d’accompagnement de la professionnalisation sont renforcées : le fonds d’accompagnement est doté de plus de 1 milliard de francs, les aides à la mobilité et au départ représenteront plus de 1,9 milliard de francs, les pécules associés à la loi de programmation militaire sont dotés de 830 millions de francs et permettront d’aider au départ de 900 officiers et environ 2 500 sous-officiers et, enfin, avec 40 millions de francs de crédits supplémentaires, la dotation des réserves est portée à 350 millions de francs.

      S’agissant des restructurations, la dotation du Fonds d’adaptation industrielle (FAI) sera portée à 769 millions de francs en 2000, pour tenir compte de la situation de la DCN, tandis que le Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) a été doté de 207 millions de francs en 1999, soit 2,5 % de plus qu’en 1998 et qu’un effort particulier a été fait sur les sites du GIAT et de la DCN.

      Le Ministre de la Défense a mis en exergue trois actions concernant les dépenses ordinaires, un train de mesures améliorant la condition des personnels civils et militaires, pour un montant de 326 millions de francs, avec notamment la poursuite du rattrapage des basses rémunérations (76 millions de francs), un effort important pour améliorer les moyens de fonctionnement courant des armées, et, enfin, un nouveau développement des mesures d’externalisation par sous-traitance de certaines activités, grâce à une dotation supplémentaire de 216 millions de francs. Il a précisé que cette dotation viendrait compléter les moyens déjà consacrés depuis plusieurs années à la sous-traitance par redéploiement de crédits inscrits sur divers postes budgétaires. Cette mesure, qui vise à assurer l’accomplissement de certaines fonctions dans des domaines liés au soutien (alimentation, gardiennage, entretien des espaces verts, par exemple), est de nature réversible et concerne au premier chef des régions où les emplois civils ouverts restent temporairement vacants en raison d’une insuffisante mobilité.

      Abordant les crédits d’équipement, M. Alain Richard a souligné qu’après les très faibles niveaux d’engagements enregistrés hors transferts en 1995 (78,4 milliards de francs) et surtout en 1996 (61,1 milliards de francs), un effort tout particulier avait été entrepris pour accélérer le rythme de consommation des autorisations de programme. Les engagements ont ainsi atteint 80,2 milliards de francs en 1997 et 80,7 milliards de francs en 1998, dépassant pour cette dernière année la dotation budgétaire, ce qui constituait une « première ».

      Il a souligné que la dotation de 87,5 milliards de francs d’autorisations de programme demandée au titre du projet de budget pour 2000 allait permettre la poursuite de la politique de commandes pluriannuelles inscrite dans la loi de programmation militaire et mise en œuvre depuis la mi-1997 pour réduire les coûts des armements en donnant plus de visibilité aux industriels. Il a précisé qu’en deux ans 13 commandes de ce type avaient été passées à l’industrie pour 45 milliards de francs au total et qu’avec les 15 milliards de francs qui y seront consacrés en 2000, elles atteindraient, au total, à la fin de l’année prochaine un montant de 60 milliards de francs.

      S’agissant des crédits de paiement, il a souligné l’impact des faibles engagements réalisés antérieurement, notamment en 1996, qui limite à présent le niveau des paiements. Il a ajouté que cette situation réduisait les besoins en crédits de paiement et expliquait, pour une large part, que leur niveau soit inférieur à celui des autorisations de programme. Il a, en outre, précisé que les reports des crédits de l’année 1999 pourraient abonder les crédits de paiement ouverts par le projet de budget dès le premier semestre 2000.

      Abordant alors la situation des programmes, il a fait valoir que toutes les opérations de modernisation se dérouleraient selon le calendrier prévu.

      Dans le domaine nucléaire, il a annoncé la commande du quatrième SNLE de nouvelle génération et la poursuite des programmes M51 et ASMP amélioré (ASMPA) dans le cadre de deux commandes globales, ce qui induit une forte augmentation des autorisations de programme (+ 38 %).

      S’agissant de l’espace, il a noté une diminution des dépenses de maintien en condition opérationnelle des satellites à la suite du lancement d’HELIOS 1 B en fin d’année 1999. Il a également fait état d’une contribution au budget civil de recherche et développement (BCRD) de 1,5 milliard de francs. Il a signalé qu’en 1999 le ministère de la Défense aura réussi à obtenir un certain rendement de sa contribution du BCRD en finançant notamment à ce titre des travaux à vocation duale sur HRS (Haute résolution stéréo, instrument optique embarqué par SPOT 5 pour réaliser des modèles numériques de terrain). Il a émis le souhait que cette dualité des travaux relevant du BCRD financés par le projet de la Défense puisse s’affirmer plus nettement encore dans l’avenir.

      En ce qui concerne l’équipement des forces classiques, le Ministre a admis que l’année 2000 ne connaîtrait pas un volume de commandes globales aussi élevé que celui qui a marqué l’exercice 1999, en raison notamment des marchés relatifs au Tigre et au Rafale. Néanmoins, une « deuxième génération » de commandes globales, relatives aux programmes de missiles MICA et de réseau de transmission MTBA qui avaient fait partie des premières opérations groupées fin 1997 sera passée. Les dotations les plus importantes en crédits de paiement concernent le Rafale, Air et Marine (5 402 millions de francs), le char Leclerc (2 064 millions de francs), la frégate Horizon équipée des missiles PAAMS (1 028 millions de francs) et le Mirage 2000 D (958 millions de francs). La catégorie des munitions connaîtra une forte hausse (+ 77 % en autorisations de programme, + 21 % en crédits de paiement) correspondant aux commandes et livraisons de missiles (ERYX, AC3GMP, Mistral, MICA, PAAMS…) et munitions (Leclerc, ACED/BONUS, roquettes anti-blindés légers…). L’effort entrepris pour relever le montant des crédits de recherche et développement se poursuit, les autorisations de programme augmentant pour cette catégorie de coût de plus de 20 % et les crédits de paiement de 2,9 %. En ce qui concerne les études amont, la baisse dans le domaine nucléaire est liée à la montée en puissance des développements des missiles M51 et ASMPA, tandis que les programmes intéressant l’armement classique et l’espace connaissent une hausse.

      Enfin, revenant sur la récente crise du Kosovo, le Ministre de la Défense a tenu à en dégager certains enseignements :

      — il a rendu hommage à la qualité du travail accompli par nos soldats et au professionnalisme dont ils ont fait preuve, soulignant que ce succès montrait que le difficile pari de la professionnalisation est en voie d’être réussi ;

      — il a insisté sur le bon niveau et la cohérence de nos équipements, la France ayant été avec les Etats-Unis le seul pays capable d’assurer l’ensemble des missions assignées aux forces alliées ;

      — il a souligné la valeur des outils d’estimation des dépenses dont dispose à présent le ministère de la Défense, puisque le surcoût global des opérations militaires au Kosovo, estimé aujourd’hui à 3 260 millions de francs, s’inscrit bien dans la fourchette de 3 à 3,5 milliards de francs annoncée dès le début des opérations.

      En conclusion de son intervention, M. Alain Richard a estimé que la contribution de la France aux actions menées dans le cadre du conflit du Kosovo était de nature à renforcer la confiance des pays européens dans leur capacité à doter l’Europe de moyens autonomes pour assurer sa défense, sur la base notamment des acquis des déclarations de Saint-Malo et de Cologne. Il s’est félicité, à ce propos, des convergences que l’on constatait aujourd’hui entre les politiques de défense des différents pays européens.

      Rappelant que le décret d’avance du 2 septembre dernier n’avait pas eu seulement pour objet de couvrir une partie des surcoûts des opérations extérieures, mais aussi d’ouvrir des dotations supplémentaires au titre des rémunérations et du fonctionnement courant pour les forces stationnées en France, le Président Paul Quilès s’est interrogé sur le coût de la professionnalisation des armées, demandant s’il n’avait pas été initialement évalué de manière optimiste.

      Le Ministre a répondu que l’évolution de la courbe des rémunérations et des charges sociales était maîtrisée et ne suscitait aucune inquiétude. Il a toutefois convenu que certaines dépenses, d’un montant limité, avaient été sous-évaluées dans ce domaine dans la loi de finances initiales pour 1999, ce qui a conduit à des régularisations en cours d’exercice.

      M. Jean-Noël Kerdraon a interrogé le Ministre de la Défense sur les aspects qualitatifs de la professionnalisation et notamment sur le bilan que l’on pouvait tirer des contrats courts. Il s’est également inquiété de la date de commande par la Marine du premier exemplaire des nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD), prévue à l’origine à la fin de l’année 1999. Après avoir rappelé que la réussite de la réforme de la DCN supposait un plan de charges suffisant et souligné la nécessité militaire d’un renouvellement de la flotte de transports de chalands de débarquement, il a fait observer que la mise en chantier de ce type de bâtiments faciliterait l’adaptation des chantiers navals de Brest.

      M. Guy-Michel Chauveau s’est félicité de la rigueur de la gestion des crédits militaires et de l’évolution positive des dotations affectées à la recherche-développement, dont il a souligné l’importance pour l’avenir de l’Europe de la Défense, assurant le Ministre que les parlementaires socialistes resteraient vigilants sur ce point lors des prochaines lois de finances. Il a par ailleurs interrogé le Ministre de la Défense sur l’évolution du projet de satellite Hélios II, notamment en ce qui concerne la coopération envisagée avec nos partenaires italiens. Enfin, il a demandé si les critères de convergence que les pays européens devaient se fixer en matière de défense ne devaient pas reposer sur une approche stratégique et opérationnelle de préférence à des objectifs strictement financiers.

      M. André Vauchez a souligné que la bonne consommation des autorisations de programme en 1998 l’incitait à la confiance pour l’exécution des crédits d’équipement des exercices 1999 et 2000. Il s’est également interrogé sur la signification de l’objectif de réduction de 30 % des coûts d’acquisition des armements, demandant quelles répercussions cette amélioration de la productivité pouvait avoir sur la quantité des équipements commandés.

      Evoquant la tendance au rapprochement des concepts et du format des différents systèmes de défense européens, M. Loïc Bouvard a demandé quel était le niveau de convergence et d’interopérabilité des forces françaises avec celles de l’organisation militaire intégrée de l’Alliance dans divers domaines, dont ceux de la mobilité, de la préparation opérationnelle, de la standardisation et du renseignement.

      M. Michel Voisin a évoqué la question de l’évolution du nombre des appelés demandant si les ressources étaient en adéquation avec les besoins des armées, compte tenu notamment des mesures liées à la protection de l’emploi.

      Rappelant que les contrats d’engagement de courte durée devaient permettre de maintenir le rajeunissement permanent des effectifs et la flexibilité des qualifications qu’assurait le service national tout en favorisant l’insertion professionnelle des personnels concernés, le Ministre de la Défense a insisté sur la nécessité de ne pas surqualifier ces emplois qui sont d’abord destinés à être proposés aux jeunes les plus défavorisés sur le marché du travail.

      L’Amiral Jean-Luc Delaunay, Chef d’état major de la Marine, a précisé que ce type de contrats s’adresse à trois catégories de personnels de la Marine, ceux qui réalisent les opérations de maniement des appareils sur le pont d’envol des porte-avions, ceux qui relèvent des services généraux des bateaux et les fusiliers qui protègent les bases et points sensibles. Si les recrutements sur contrats courts dans les première et seconde catégories donnent satisfaction à la Marine sans difficulté particulière, elle est en revanche contrainte d’opérer une sélection plus stricte, notamment sur le plan psychologique, en ce qui concerne les fusiliers.

      Soulignant que cette indication est révélatrice des difficultés à pourvoir les postes de combattant dans les armées, le Ministre de la Défense a souligné l’effort d’adaptation des méthodes de recrutement actuellement entrepris par les armées pour ce type de fonction.

      Il a ajouté les éléments de réponse suivants :

      — le nombre moyen d’appelés nécessaire aux armées s’élève à environ 62 500 pour l’an 2000. Malgré quelques déficits d’appels constatés jusqu’à présent, la transition vers la professionnalisation se réalise conformément à ce qui était prévu par la loi. La satisfaction des besoins est réelle sur le plan qualitatif. En revanche, des insuffisances occasionnelles du rythme des réponses aux convocations, conjuguées aux déficits constatés en personnels civils, peuvent créer certaines difficultés ponctuelles, différenciées selon les fonctions et les régions en cause. Pour y faire face, les armées pourront recourir davantage à l’externalisation par la sous-traitance qui permet le recrutement sur place des personnels nécessaires. Globalement, les évolutions constatées n’en confirment pas moins la viabilité du processus de professionnalisation prévu par la loi ;

      — la phase de conception du nouveau transport de chalands de débarquement est en bonne voie. Elle permettra de mettre au point un bâtiment de très grande polyvalence. Les offres de la DCN et des Chantiers de l’Atlantique sont actuellement confrontées en vue de diminuer les coûts du programme. Par ailleurs, la construction du bâtiment hydrographique et océanographique devrait être engagée en l’an 2000 sur le site de Brest, dont le niveau de charge constitue un élément pris en considération dans la réforme actuelle de la DCN ;

      — si le bon niveau de consommation des autorisations de programme permet d’envisager une exécution satisfaisante de la programmation, il n’en reste pas moins nécessaire de dégager les crédits de paiement correspondants aux engagements. Le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement prévu par le projet de budget ne sera pas un handicap si les crédits de paiement attendus sont obtenus aux cours des exercices ultérieurs et si les retards subis dans la consommation des crédits de paiement disponibles sont compensés en temps utile par l’utilisation des reports ;

      — l’objectif de la baisse de 30 % des coûts d’acquisition en francs constants peut être atteint, comme prévu, à l’issue de la période de programmation, au vu des résultats obtenus fin 1999, grâce notamment à la technique des commandes globales pluriannuelles ;

      — le ministère de la Défense restant un partenaire significatif de la recherche en France, il est nécessaire d’ouvrir un débat, notamment avec la Commission, sur les priorités et les options de la politique de recherche pour la Défense, sur la base notamment des grandes orientations du plan prospectif ;

      — les critères de convergence des efforts de défense des pays européens ne peuvent être fixés sur la base de la seule part des dépenses militaires globales dans le PIB. Le poids dans la richesse nationale des crédits militaires consacrés aux programmes d’équipement est plus significatif et constitue un meilleur indice de la crédibilité de l’Europe de la Défense. Les lois de programmation militaire constituent un excellent facteur de continuité de l’effort de Défense, dont l’absence se fait sentir dans d’autres pays européens, ce qui rend intéressante l’idée que les gouvernements s’engagent sur des niveaux de dépenses d’équipement et de capacités. En ce domaine, la France, qui figure parmi les trois meilleurs pays européens, dispose d’une certaine capacité d’entraînement à l’égard de ceux de ses partenaires dont l’effort est moins soutenu ;

      — la question de l’interopérabilité des équipements militaires sera abordée lors de la prochaine réunion ministérielle de l’Alliance atlantique à Toronto, dans le cadre du bilan des opérations menées au cours du conflit du Kosovo. Les pays européens se trouvent engagés dans une course de vitesse avec les structures intégrées de l’OTAN qui sont d’ores et déjà prêtes à formuler des propositions d’action commune en matière de standardisation et de préparation opérationnelle des forces. Il existe un risque réel, face à la difficulté de donner une suite rapide et concrète aux déclarations européennes, pourtant solides comme celle de Cologne, que les progrès réalisés au sein de l’OTAN n’assurent à cette dernière organisation une hégémonie sur la construction de l’Europe de la Défense.

      II. — AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

      La Commission de la Défense a entendu, le 20 octobre 1999, le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des Armées, sur le projet de loi de finances pour 2000.

      Accueillant le Général Jean-Pierre Kelche, le Président Paul Quilès a rappelé les conditions délicates dans lesquelles il exerçait sa mission puisqu’il avait à veiller à la capacité opérationnelle de forces qui se trouvent elles-mêmes en profonde restructuration dans le cadre de la professionnalisation. Soulignant que l’équipement des armées était de haut niveau si l’on en juge par la contribution de la France au conflit du Kosovo, mais qu’il appelait un effort continu de modernisation et de développement des capacités, en particulier dans les domaines de la frappe de précision à distance de sécurité ainsi que du renseignement, il a indiqué que l’audition du Chef d’état-major pouvait être pour la Commission l’occasion de mieux évaluer l’incidence prévisible du projet de budget de la Défense pour 2000 sur l’état de préparation et les capacités opérationnelles des forces françaises.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a exposé que le projet de loi de finances pour 2000 formait la quatrième annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002. Il l’a caractérisé, au titre III, par un respect des engagements de la professionnalisation, voire peut-être un arrêt de la dégradation du fonctionnement, mais, au titre V, par un niveau d’autorisations de programme contraint, non optimisé et susceptible d’avoir des conséquences sur les capacités de la future armée professionnelle et un niveau de crédits de paiement qui, pour être explicable, n’en est pas moins préoccupant.

      S’agissant d’abord de la professionnalisation, le Chef d’état-major des Armées a considéré qu’aux deux tiers du parcours, le constat était positif. D’ores et déjà, la Marine, l’armée de l’Air et la Gendarmerie sont très proches de leur format final, l’armée de l’Air n’en étant éloignée que de 1 % seulement. Dans l’armée de Terre, les départs des cadres et la création de postes d’engagés se déroulent favorablement.

      Le Général Jean-Pierre Kelche s’est néanmoins déclaré en accord avec les préoccupations du Chef d’état-major de l’armée de Terre en ce qui concerne la décrue de la ressource en appelés, le sous-effectif devenant chronique, de l’ordre de 15 à 20 %, ce qui, combiné avec l’insuffisance de recrutements des personnels civils, créait une tension forte, l’armée de Terre étant encore très dépendante de la conscription.

      Il a rappelé que l’an dernier, il estimait que la hausse des rémunérations et charges sociales comprimait de façon excessive, dans la loi de finances pour 1999, les crédits de fonctionnement et jugé que, dans le projet de budget, la situation était différente puisque la moindre progression des coûts de personnel aboutissait à diminuer la pression sur les dépenses de fonctionnement, qui ne sont réduites que de 1,8 % par rapport aux crédits votés de 1999.

      Il a néanmoins ajouté que, depuis le début de la programmation, les crédits de fonctionnement avaient diminué de 21,5 % alors que la loi de programmation militaire avait prévu une réduction de 20 % seulement et ce, à l’horizon 2002. Il a ajouté que l’avance ainsi réalisée avait permis de prendre en 2000 des mesures palliatives pour restaurer un peu les conditions d’entraînement. Il a expliqué que, dans les conditions actuelles, seul le volume important d’opérations extérieures en cours permettait d’assurer un niveau d’activités acceptable, mais a souligné que l’action menée en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, quelle que soit sa qualité, ne pouvait se substituer à un entraînement au combat.

      S’agissant des rémunérations et charges sociales, il a relevé que le projet de loi de finances prévoyait des évolutions limitées des crédits pour les indemnités, un glissement vieillesse-technicité négatif, sur lequel il s’est interrogé, et un développement de la sous-traitance en contrepartie de postes supprimés ou non honorés. Il a, à ce propos, observé que le transfert d’activités à la sous-traitance ne pourrait être immédiat, ce qui pourrait soulever le problème de l’exécution des crédits correspondants. Il a ajouté que pour la première fois certains chefs d’état-major avaient décidé de présenter des mesures de « dépyramidage », des postes de sous-officiers étant supprimés au profit de postes de militaires du rang.

      Il a indiqué enfin que, si le titre III progressait d’un milliard de francs, cette évolution incluait l’intégration au sein du ministère de la Défense du secrétariat aux Anciens combattants, la progression à périmètre constant n’étant que de 300 millions de francs. Il a conclu que le titre III du projet de budget de la Défense était convenable, mais que son niveau devrait être relevé pour les exercices à venir de manière à éviter des pertes de compétence des forces (entraînement opérationnel).

      S’agissant des crédits d’équipement, le Chef d’état-major des Armées s’est déclaré nettement moins optimiste. Il a souligné que les réductions cumulées causées essentiellement par la revue des programmes, les « encoches », les annulations, elles-mêmes dues en majeure partie à la nécessité de financer les opérations extérieures, le transfert progressif au titre V des crédits d’entretien programmé du matériel et l’inscription au budget de la défense de dépenses civiles de recherche et de développement (dépenses du BCRD) représentaient 59 milliards de francs, soit 11 % du montant des dotations d’équipement initialement prévu par la loi de programmation. Il a fait valoir que cette situation avait obligé les armées à opérer des choix difficiles, notamment en matière d’approvisionnement en munitions, de sorte qu’à l’occasion du conflit du Kosovo on avait été amené à constater que les stocks étaient à la limite de la rupture, ce qui avait obligé à les recompléter d’urgence.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a précisé que les crédits prévus par la loi de programmation militaire n’intégraient pas de contribution au BCRD dans le cadre des dépenses en faveur de l’espace, alors qu’avaient été inscrits à cet effet au titre V 500 millions de francs en 1998, 900 millions de francs en 1999, et 1,5 milliard de francs en 2000. Il a fait remarquer également que cette contribution au BCRD comportait peu de dépenses de nature réellement duale, leur montant pouvant être estimé à 75 millions de francs seulement pour 2000. Il s’est toutefois réjoui des efforts du Ministre de la Défense pour donner un véritable caractère de dualité aux dépenses du BCRD financées par les crédits militaires dans le domaine spatial.

      Il a ajouté, que si le niveau des crédits de paiement paraissait compatible avec les engagements réalisés et prévus, on constatait en revanche dans le projet de budget une déconnexion entre les autorisations de programme et les crédits de paiement qui risquait de provoquer à terme des retards dans le déroulement des programmes. Il a ajouté que le niveau des autorisations de programme, tout en excédant de 4,5 milliards de francs celui des crédits de paiement, restait insuffisant pour lancer l’ensemble des commandes globales prévues, et qu’il avait fallu de ce fait reculer la passation de certaines d’entre elles après l’année 2000. Remarquant que si le décalage, effectué dans ces conditions, de la seconde commande globale d’avions Rafale n’avait pas eu de conséquences sur les conditions de livraison, tel ne serait pas le cas pour d’autres si cette politique était maintenue. Il a cependant fait observer que le ministère des Finances avait dû sans doute se persuader que le ministère de la Défense ne disposait plus guère d’un surplus d’autorisations de programme disponibles puisque le dernier arrêté d’annulation n’avait porté que sur les crédits de paiement. En tout état de cause, les montants prévus d’autorisations de programme ne permettent pas de couvrir les engagements prévus au titre des programmes M 51 et NH 90, pour ce qui concerne son industrialisation et sa fabrication. Les besoins éventuels d’autorisations de programme pour l’ATF ne sont pas prévus.

      Malgré ces insuffisances, le projet de budget pour 2000 n’entraîne pas de rupture dans le domaine de la politique d’équipement qui conserve sa cohérence.

      Plusieurs livraisons relevant des programmes majeurs seront au rendez-vous de 2000 : 4 Rafale, 12 Mirage D, 3 Mirage 2000-5, 3 Transall rénovés, 34 chars Leclerc, des missiles Eryx, Mistral, Mica…

      Ainsi, aux deux tiers de la loi de programmation militaire, les armées disposeront de 227 Leclerc sur les 307 qui doivent être acquis d’ici 2002 et de 90 avions de combat de dernière génération sur les 300 prévus à l’horizon 2002. Par ailleurs, le Charles de Gaulle entrera en service au troisième trimestre 2000 et la Marine alignera quatre des cinq frégates furtives La Fayette inscrites en programmation.

      Les 21 programmes menés en coopération européenne absorberont 8 % des crédits de paiement du titre V en 2000 alors qu’ils n’en représentaient que 5,4 % en 1997. En 2002, ils consommeront 11 % des ressources prévisibles.

      Dans le domaine de l’espace, la coopération européenne connaît des difficultés. En matière de télécommunications spatiales, la France qui poursuit seule, après le retrait des Britanniques, la définition du programme qui succédera à Syracuse II négocie toujours la possibilité d’une coopération avec l’Allemagne. En matière d’observation, la revue de programmes de 1998 a conduit, après le retrait de l’Allemagne, à l’interruption du programme de satellite radar. Enfin, l’Espagne a renoncé à sa participation au programme de satellite Hélios II dont le lancement est prévu en 2003.

      Depuis le début de la loi de programmation militaire, les armées ont consenti un important effort de clarification dans la gestion des crédits du titre V (nouvelle nomenclature, développement de l’informatisation, suivi de la consommation des crédits en temps réel…).

      Abordant les activités des armées en 1999, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que les opérations extérieures avaient coûté environ 4,5 milliards de francs, soit un peu moins que prévu il y a quelques mois, en raison notamment de la réduction de la participation française à la KFOR rendue possible par l’arrivée de troupes d’autres pays. Le conflit du Kosovo qui a coûté globalement 2,8 milliards de francs a donné lieu à des dépenses particulièrement lourdes au titre V (1,6 milliard de francs) en raison des consommations de munitions.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a conclu en soulignant que le projet de budget pour 2000 ne remettait pas en cause les objectifs de la loi de programmation militaire, alors que le conflit du Kosovo avait démontré que chacune des trois armées conservait une réelle capacité opérationnelle conformément à l’engagement pris pour la période de restructuration. Ainsi, malgré une légère érosion en nombre d’appelés et grâce au déroulement satisfaisant des processus de restructuration, le projet d’armée professionnelle conserve une bonne crédibilité au sein de l’institution militaire.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a néanmoins attiré l’attention de la Commission sur la nécessité d’être vigilant pour les budgets des années postérieures à 2000.

      Interrogeant le Général Jean-Pierre Kelche sur les enseignements tirés du conflit du Kosovo, le Président Paul Quilès a demandé si des aménagements des priorités et du rythme d’exécution des programmes lui paraissaient nécessaires au vu de cette expérience. Il a souhaité savoir si, dans le domaine aérien, ce conflit pourrait donner lieu à une révision des doctrines d’emploi et en conséquence des spécifications des matériels. Il a également demandé quelle politique il jugeait souhaitable dans le domaine des munitions, eu égard aux insuffisances constatées.

      Souhaitant que soit communiqué à la Commission l’état des personnels militaires présents dans les représentations diplomatiques françaises à l’étranger, M. Didier Boulaud a attiré l’attention du Général Jean-Pierre Kelche sur l’importance de leurs effectifs dans certains postes et s’est interrogé sur les critères d’affectation de ces personnels expatriés et donc coûteux.

      M. Guy-Michel Chauveau a d’abord interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur une éventuelle évolution de la doctrine française vers un emploi civilo-militaire de nos forces, notamment à la lumière de l’expérience du Kosovo.

      Puis, notant que les armées européennes appartenant à l’OTAN étaient numériquement bien plus nombreuses que celle des Etats-Unis, mais sensiblement plus pauvres en moyens budgétaires, il a demandé si un meilleur effort de complémentarité des dépenses militaires en Europe ne permettrait pas d’éviter des redondances et d’améliorer les capacités opérationnelles. Il s’est également interrogé sur le ratio entre les effectifs et les dépenses d’équipement dans les armées européennes et américaines.

      Il a enfin interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur la coopération européenne en matière de recherche et de développement ainsi que sur le pouvoir d’impulsion et d’orientation des Etats dans ce domaine face aux groupes industriels de plus en plus puissants qui se constituent.

      M. Pierre Lellouche a demandé au Général Jean-Pierre Kelche s’il n’était pas possible d’envisager un système de financement des opérations extérieures qui n’obère pas les crédits disponibles pour l’entraînement des forces et la modernisation de leurs équipements. Il s’est demandé si une dotation ne pouvait pas être créée pour financer la partie constante, d’une année sur l’autre, des dépenses d’opérations extérieures. De la même manière, il a demandé si le surcoût en munitions du conflit du Kosovo réduirait les ressources des programmes en cours.

      Puis il a demandé au Général Jean-Pierre Kelche s’il était en mesure de chiffrer les corrections nécessaires pour les budgets des deux prochaines années. Enfin, constatant que les Etats-Unis avaient refusé de ratifier le Traité d’interdiction totale des essais nucléaires et avaient décidé d’engager des négociations pour modifier le Traité ABM de 1972, il a demandé quelles implications cette politique pourrait avoir à terme sur la dissuasion nucléaire française.

      Remarquant que les armées et en particulier, l’armée de Terre, éprouvaient des difficultés dans le recrutement des appelés, M. Charles Cova a souligné que, sur une ressource annuelle de plus de 250 000 jeunes, nos forces n’en avaient besoin que de 90 000 en 2000 et 60 000 en 2001. Désireux de proposer de nouvelles mesures pour assouplir les règles du report du service militaire, il a demandé au Général Kelche si les déficits constatés ne concernaient que certaines spécialités ou l’ensemble des postes encore occupés par les appelés.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a apporté les éléments de réponse suivants :

      — soulignant que les objectifs de l’intervention contre la République fédérale de Yougoslavie n’étaient pas d’infliger un maximum de dommages, ni de détruire un pays mais plutôt d’obtenir par une action progressive et mesurée un effet de découragement afin de faire céder le pouvoir yougoslave, il a estimé que l’utilisation de l’arme aérienne dans ce cadre ne constituait qu’un exemple parmi d’autres. Sa progressivité, son caractère prévisible pour l’adversaire, le souci de limiter dans toute la mesure du possible les dommages infligés aux populations civiles étaient contraires aux canons habituels de l’art de la guerre aérienne. Les contraintes spécifiquement militaires ne concernaient que la recherche de l’efficacité dans les tirs et la sécurité d’emploi qui conditionnait la durée de l’intervention. L’emploi des forces aériennes pourrait être différent dans le cadre d’un autre conflit où nos appareils auraient, par exemple, à appuyer des forces terrestres. Il serait donc hasardeux de revoir de manière radicale la doctrine d’emploi des forces aériennes sur la base d’un conflit qui peut être considéré, à certains égards, comme atypique. L’essentiel est de disposer d’un outil militaire aussi ouvert que possible dans ses capacités ;

      — s’agissant des munitions, la France ne s’est pas trouvée en rupture de stock. Néanmoins, les stocks constitués pour certaines catégories d’armements se sont révélés très limités, au point que des commandes de recomplètement aux Etats-Unis ont été nécessaires. La certitude qu’il était possible de racheter certaines munitions, si nécessaire, expliquait ce faible niveau des stocks ;

      — des informations peuvent être communiquées aux parlementaires sur les effectifs et la répartition des postes de personnels à l’étranger, question à laquelle le Chef d’état-major des Armées porte une attention soutenue. L’Etat-major des Armées est confronté en ce domaine à un problème de pénurie, notamment lorsqu’il s’agit de nommer des officiers dans les GFIM de l’OTAN ;

      — l’armée de Terre adapte ses doctrines d’emploi à la nature des engagements dans lesquels elle est amenée à intervenir. Ainsi, les capacités de mobilité et de puissance de feu du char Leclerc, initialement conçu dans la perspective de l’affrontement des deux blocs, ont permis de faire la démonstration de la force de la présence militaire alliée à l’égard des populations locales. Conjointement avec l’artillerie, le Leclerc contribue aussi à un dispositif permettant de dissuader les Serbes de toute action armée éventuelle ;

      — la comparaison du rapport entre effectifs et budget d’investissement en Europe et aux Etats-Unis doit être faite avec prudence. Ce type de raisonnement peut être fallacieux, comme l’exemple du Kosovo l’a montré : si l’Europe n’a assuré que 20 % des missions de frappe aérienne, c’est par choix et non du fait de capacités limitées. Le fait que son niveau de participation à la force terrestre déployée au Kosovo soit bien supérieur à celui des Etats-Unis résulte d’ailleurs tout autant d’un choix ;

      — en matière de complémentarité des systèmes de défense européens, il existe actuellement une volonté commune des Européens de passer des décisions politiques symboliques, telles que la constitution de la brigade franco-allemande, de l’Eurocorps, de l’Euromarfor, etc. à la mise en œuvre de systèmes opérationnels, que la France propose d’ailleurs depuis longtemps déjà. Tel est le sens de l’évolution de l’Eurocorps vers une force de réaction rapide et de la décision de doter l’Euromarfor d’une structure permanente nécessaire à sa crédibilité. La prochaine loi de programmation militaire devra prendre en compte ces perspectives de complémentarité intereuropéenne accrue. Elle devra cependant tout autant tenir compte du fait que la complémentarité a ses limites : d’une part, les coalitions d’Etats ad hoc qui se forment peuvent différer selon la nature de la crise ; d’autre part, la persistance d’intérêts exclusivement nationaux nécessite le maintien de capacités d’action autonomes pour la France ;

      — en matière de recherche et développement, la démarche adoptée est celle d’une sélection, au niveau national, des créneaux jugés prioritaires, qui sont ensuite présentés à nos alliés européens en vue de la constitution de partenariats de compétences croisées. Dans cette perspective, un pas important a été franchi avec la présentation au Royaume-Uni et à l’Allemagne du plan prospectif à trente ans, document de référence pour l’équipement à long terme de nos forces. L’étape du décloisonnement des planifications nationales, que la France a proposé à ces mêmes partenaires, n’a pas encore rencontré leur adhésion ;

      — la question du provisionnement des crédits nécessaires au financement des opérations extérieures est depuis longtemps objet de débats. L’orthodoxie budgétaire commanderait d’évaluer le socle de dépenses reconduit d’année en année et de le provisionner en loi de finances initiale. Faute d’une telle démarche, et le titre III ne pouvant assumer cette dotation sous enveloppe constante, le ministère de la Défense en est réduit aux deux expédients que sont le provisionnement minimal de crédits dans un article en loi de finances initiale (160 millions de francs en rémunérations et charges sociales dans le projet de loi de finances pour 2000) et l’annulation, en cours d’année, de crédits sur le budget d’investissement qui retarde d’autant la modernisation des équipements militaires, afin de gager des ouvertures de crédits pour financer les surcoûts en dépenses ordinaires.

      M. Pierre Lellouche a alors estimé nécessaire de créer un titre nouveau dans le budget de l’Etat, distinct des titres III, V et VI pour y inscrire les crédits destinés au financement des opérations extérieures. Des procédures seraient alors mises en place pour permettre la consommation des crédits de ce titre en fonction des besoins.

      M. François Lamy a fait observer que le problème du financement des opérations extérieures était régulièrement discuté à l’occasion des débats sur la loi de finances rectificative. Il a ajouté qu’aux termes d’une décision du Conseil de défense de mars 1997 distinguant les opérations extérieures normales et exceptionnelles, les secondes devraient être financées sans prélèvement sur les ressources de la Défense.

      M. Arthur Paecht s’est demandé s’il ne fallait pas faire appel au financement de l’organisation internationale sur le mandat de laquelle les opérations extérieures étaient exécutées.

      M. Pierre Lellouche a objecté que la pénurie des ressources de l’ONU rendait ce système difficilement praticable et que l’OTAN disposait déjà de procédures particulières de financement.

      Le Président Paul Quilès a rappelé que M. François Lamy préparait un rapport d’information sur la question du contrôle parlementaire des opérations extérieures, dans lequel il traiterait également des procédures permettant leur financement.

      Il a souligné que la Commission de la Défense reprendrait ce débat à l’occasion de l’examen de ce rapport d’information et du prochain projet de loi de finances rectificative.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a alors indiqué que les majorations de crédits prévues pour les munitions dans le projet de loi de finances pour 2000 avaient réduit d’autant les dotations destinées à la modernisation de l’équipement des armées.

      S’agissant du niveau des autorisations de programme demandées dans le projet de budget, il a constaté qu’il se traduirait par un report de certaines commandes globales, qui pèserait sur les dotations d’équipement de 2001. A cet égard, il a estimé nécessaire d’augmenter le montant des autorisations de programme dans le budget de 2001, afin de passer ces commandes globales. Il a indiqué que, pour les commandes globales prévues dès 2001 dans le cadre des trois programmes NH 90, M 51 et Rafale, environ 18 milliards de francs d’autorisations de programme seraient nécessaires.

      Évoquant enfin le refus du Sénat américain d’approuver le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, il a estimé qu’il aurait un impact considérable sur l’opinion mondiale et risquait de constituer un encouragement à la prolifération des armes nucléaires.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a toutefois indiqué que les orientations de la politique américaine n’étaient pas de nature à entraîner une modification de la doctrine de dissuasion française, en vertu de laquelle l’armement nucléaire de la France était dimensionné afin de faire face tant à une agression majeure qu’à celle d’un trublion de dimension régionale. On peut toutefois craindre que les trublions régionaux ne se multiplient après la décision du Sénat américain.

      De même, il a jugé grave la décision américaine de remettre en cause le traité ABM, tout en notant que la position française, pourtant rationnelle, n’était pas reçue par des interlocuteurs américains, qui ne comprennent pas que puisse être contesté aux Etats-Unis le droit de défendre leur territoire et leur population contre des Etats voyous (rogue states). Il a estimé que l’argumentaire français devait mettre l’accent sur le caractère inacceptable de la démarche bilatérale actuellement suivie par les Etats-Unis. Il a ajouté que ces initiatives risquaient d’alimenter la course aux armements dans certaines régions, telles que le Golfe, le sous-continent indien ou le sud-est asiatique, qui constituaient autant de zones où pouvaient apparaître des menaces de nature balistique.

      Rappelant que la doctrine classique française de dissuasion nucléaire conduisait à faire l’impasse sur les moyens de défense antibalistique, M. Pierre Lellouche s’est interrogé sur les conséquences stratégiques de l’évolution de la position américaine.

      M. René Galy-Dejean a souligné que le coût d’un programme de défense antibalistique avoisinait les 300 milliards de francs.

      Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé que la dissuasion offrait une garantie de sécurité crédible contre les menaces de tirs balistiques nucléaires. Il a par ailleurs exprimé ses doutes sur la possibilité d’édifier un bouclier antibalistique parfaitement étanche à l’échelle de l’Europe, ajoutant que vouloir suivre la voie des États-Unis en ce domaine reviendrait à s’engouffrer dans un piège financier similaire à celui qui avait été fatal aux Soviétiques lorsqu’avait été lancée l’initiative de défense stratégique. Il s’est néanmoins prononcé en faveur d’une vigilance accrue en matière de lutte contre la prolifération. La priorité n’en restait pas moins de construire un outil capable de faire face aux crises survenant en Europe.

      Revenant sur l’état des ressources en appelés, il a insisté sur la difficulté à prévoir le comportement des jeunes bénéficiant d’un report d’incorporation. Le déficit actuellement constaté porte sur de multiples emplois, pour lesquels des palliatifs partiels de sous-traitance sont étudiés.

      A une question de M. Arthur Paecht sur les problèmes d’effectifs du service de santé des Armées liés à la diminution du nombre d’appelés, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que la situation demeurait difficile aux niveaux de la sélection et du recrutement des personnels employés sur contrats civils.

      III. — AUDITION DE M. JEAN-YVES HELMER, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

      La Commission de la Défense a entendu, le 6 octobre 1999, M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2000.

      Accueillant M. Jean-Yves Helmer, le Président Paul Quilès a rappelé que les services de la délégation générale pour l’armement (DGA) poursuivaient une réforme profonde de leurs structures et de leurs méthodes, notamment comptables et budgétaires, et procédaient parallèlement à une adaptation rigoureuse de leur format et à une rénovation de leurs liens avec les entreprises. Il a fait observer que ces transformations avaient déjà produit leurs fruits avec des réductions sensibles du coût des matériels acquis par la Défense et une nette amélioration du rythme des engagements de crédits. Il a ajouté que, tout en faisant face à ces nombreux défis, la DGA participait également à la rénovation des structures et des méthodes de la coopération européenne en matière d’armement.

      Le Délégué général pour l’Armement a tout d’abord présenté un bilan de l’activité de la DGA pour l’année 1999. Il a rappelé les bons résultats de la gestion 1998, qui s’était caractérisée par un niveau d’engagements de 64,5 milliards de francs, par une consommation satisfaisante des crédits de paiement, attestée par un taux d’exécution budgétaire de 96 %, et par un assainissement de la situation financière. Il a indiqué qu’en 1999, la consommation totale des crédits de paiement augmenterait de 4 milliards de francs par rapport à 1998, pour s’établir à 59 milliards de francs, et que la DGA visait, pour ce même exercice, un niveau d’engagement de crédits de 78 milliards de francs, dont 30 % pour des commandes globales, qui pourraient représenter, en fin d’année, un volume de 23 milliards de francs.

      S’agissant du déroulement des programmes, M. Jean-Yves Helmer l’a jugé relativement satisfaisant tant pour les programmes nationaux que pour ceux conduits en coopération. Il a estimé que les difficultés techniques rencontrées par le porte-avions Charles de Gaulle n’étaient pas anormales à ce stade et qu’elles avaient fait l’objet, depuis le début de l’année, des traitements appropriés. Les difficultés liées à l’abandon de la coopération trilatérale sur le programme Horizon ont trouvé une issue, la France et l’Italie étant parvenues à un accord sur la définition de la frégate. Quant à l’OCCAR (organisme conjoint de coopération en matière d’armement), il devrait prochainement être doté de la personnalité juridique, dès lors qu’auront été ratifiés les traités lui donnant un statut d’organisation internationale. Pour l’heure, l’OCCAR gère 7 programmes (missiles Hot, Milan et Roland, système de drone de reconnaissance télépiloté Brevel, hélicoptère Tigre, radar de contre-batterie Cobra, famille de systèmes sol-air futurs FSAF), qui représentent un volume financier global restant à dépenser de l’ordre de 115 milliards de francs. Il dispose d’un effectif de 136 personnes pour remplir sa mission.

      Le Délégué général pour l’Armement a, par ailleurs, souligné que les actions de modernisation de la DGA et de réduction des coûts se poursuivaient. Ainsi, plus de 50 milliards de francs de réduction de coûts ont d’ores et déjà été acquis sur les programmes ; l’objectif de 10 milliards de francs d’économies, fixé pour 1999 pourrait être toutefois difficile à atteindre du fait du décalage intervenu dans le lancement du programme Horizon. En outre, la contractualisation interne est désormais pratiquement achevée entre les équipes de maîtrise d’ouvrage et les équipes prestataires d’activité industrielle ou d’expertise et d’essais. Par ailleurs, la DGA a proposé de réformer les modalités de maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la Marine et des aéronefs des trois armées, de façon à clarifier les responsabilités en la matière et à permettre d’assurer dans les meilleures conditions la disponibilité des matériels ; ainsi, des organismes mixtes devraient être créés entre la DGA et les états-majors sous la responsabilité de ces derniers. La mise en place d’un service de soutien de la Flotte devrait être effective au premier semestre de l’année 2000 ; celle d’un service de maintenance des matériels aéronautiques, plus complexe, devrait suivre, après les évolutions d’organisation nécessaires dans les états-majors concernés.

      M. Jean-Yves Helmer a en outre indiqué que, conformément à son objectif global d’économie, la DGA diminuait elle-même le coût de fonctionnement de sa partie étatique, qui s’établira à 6,8 milliards de francs en 1999, soit une baisse de 15 % depuis 1996. Concourt à cette baisse la réduction des effectifs qui a concerné 1 400 personnes en 1997 et en 1998, les départs devant concerner 900 personnes en 1999. De même, les dépenses de fonctionnement ont été réduites de 30 % en trois ans, passant de 2 à 1,4 milliard de francs. Le regroupement des achats courants, la mise en concurrence systématique, la rationalisation engagée dans le domaine informatique – qui a permis notamment de réduire d’un facteur 7 le nombre d’applications spécifiques – et le resserrement des surfaces occupées, sont les principaux contributeurs de cette baisse. Par ailleurs, la politique de diversification menée par la direction des centres d’essais (DCE) devrait permettre une augmentation de 50 % des recettes générées par les prestations réalisées au profit de clients extérieurs au ministère de la Défense. Enfin, le flux d’investissement annuel de la DGA a été réduit de 20 % en 3 ans, s’élevant en 1999 à 1,2 milliard de francs.

      Le Délégué général pour l’Armement a ensuite fait le point sur la santé du secteur industriel de défense. Le chiffre d’affaires de l’industrie française dans le domaine de l’armement s’est élevé à 103,1 milliards de francs en 1998, confirmant ainsi le rétablissement opéré à partir de 1996. Il a noté que cette évolution était essentiellement due aux exportations. Le chiffre d’affaires à l’exportation de l’industrie d’armement s’établit à 41,2 milliards de francs en 1998, le montant des prises de commandes s’élevant à 49,6 milliards de francs, niveau qui n’avait pas été atteint depuis 1992. Il a rappelé que le ministère de la Défense était engagé dans une réforme de son organisation pour la conduite de ses actions internationales. Ainsi, d’une part, un comité international, placé sous la présidence du Ministre, a été mis en place pour coordonner l’action de la direction des affaires stratégiques (DAS), de l’état-major des Armées et de la DGA ; d’autre part, les tâches de promotion des exportations, dévolues à la DGA, ont été séparées des tâches de gestion de procédures de contrôle des exportations, qui reviennent maintenant à la DAS. Enfin, le Délégué général pour l’Armement a indiqué que les effectifs employés dans le secteur industriel de l’armement avaient décru de 3 300 en 1998, après une baisse annuelle moyenne de 10 000 entre 1990 et 1996 et de 6 100 en 1997. Il a précisé que l’ensemble de cette baisse a été supporté en 1998 par la DGA, les créations d’emploi des secteurs en expansion (électronique, informatique, télécommunications) compensant les ajustements opérés dans les secteurs de l’aéronautique ou des armements terrestres.

      Abordant ensuite la question des restructurations industrielles, M. Jean-Yves Helmer a rappelé les évolutions projetées dans le capital de Thomson-CSF, caractérisées par la montée d’Alcatel au détriment de la part détenue par l’Etat. Il s’est félicité des orientations de la stratégie internationale de Thomson-CSF, qui va acquérir 50 % de la société australienne ADI, principale entreprise de défense australienne. Il a jugé qu’un modèle industriel européen était en train de se dessiner, reposant sur un ensemble de sociétés transnationales figurant parmi les leaders mondiaux dans leurs métiers respectifs et filiales de grands groupes capables de maîtriser la réalisation des systèmes d’armes. Il a estimé que s’il s’agissait là d’un modèle différent de celui mis en œuvre par les Etats-Unis, il constituait néanmoins une réponse pragmatique et adaptée tenant compte de la situation européenne. Il a ajouté que la France était en bonne position dans le paysage européen, que ce soit dans le domaine des missiles, de l’espace, des hélicoptères, des avions de transport ou de l’électronique.

      Il a rappelé qu’au niveau européen avait été signée, le 6 juillet 1998, une lettre d’intention entre l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède, dont l’objectif est de créer un cadre de coopération dans divers domaines touchant à la souveraineté des Etats (sécurité d’approvisionnement, procédures d’exportation, sécurité de l’information, recherche et technologie, traitement de l’information technique, harmonisation des besoins opérationnels), afin de faciliter la restructuration de l’industrie européenne de défense, et plus particulièrement le fonctionnement des entreprises transnationales. Un projet d’accord global doit être élaboré avant la fin de l’année pour harmoniser les dispositions législatives et réglementaires dans chacun de ces grands domaines. Toutefois, des alliances transatlantiques pourraient voir le jour, compte tenu de l’ouverture des Etats-Unis à la perspective de relations d’authentique coopération.

      M. Jean-Yves Helmer a alors rappelé que la décision prise par le Gouvernement en mai 1999 de transformer la DCN en service à compétence nationale se situait dans la continuité du plan DCN 2000 et du plan d’entreprise proposé par la DGA et la DCN. L’autonomie de la DCN à l’égard de la DGA permettra notamment de renforcer la démarche de contractualisation et d’engager la DCN à mettre en œuvre ses propres politiques dictées par sa vocation d’industriel. Toutefois, cette réforme doit s’accompagner de mesures facilitant l’exercice d’une activité industrielle : la charte de gestion sur laquelle la DCN s’est engagée conduit à renouveler les méthodes en ce domaine en passant d’une logique de plan de charges à une logique de résultats. Par ailleurs, des études sont en cours en vue d’alléger les contraintes administratives dans l’application du code des marchés publics, dans le domaine de la sous-traitance de certaines tâches administratives et dans la gestion des ressources humaines. Il est en outre essentiel que la DCN approfondisse sa coopération avec d’autres industriels et trouve la capacité de nouer des alliances.

      Après avoir rappelé les montants prévus par le projet de budget pour les autorisations de programme (87,5 milliards de francs, soit + 1,7 %) et les crédits de paiement (82,9 milliards de francs, soit – 3,5 %) des titres V et VI, le Délégué général pour l’Armement a souligné la progression significative des autorisations de programme consacrées aux développements (+ 32 % par rapport à 1999) et aux munitions (+ 77 %) en raison des recomplètements rendus nécessaires par les opérations menées au cours du conflit du Kosovo. Le maintien des dotations des études amont à un niveau de 3,6 milliards de francs répond aux inquiétudes qui s’étaient manifestées face aux diminutions passées.

      Relevant que, pour la première fois depuis cinq ans, le montant des autorisations de programme dépassait celui des crédits de paiement dans le projet de budget, le Délégué général pour l’Armement a souligné qu’il s’agissait de la conséquence de la politique de commandes globales à laquelle le ministère de l’Economie et des Finances est naturellement associé. Après avoir donné des précisions sur les programmes concernés par les commandes globales depuis 1997 et les montants financiers correspondants, il a indiqué qu’il était prévu de notifier pour 16,3 milliards de francs de contrats de ce type en 2000.

      Dans ce schéma, il est cependant nécessaire de mobiliser toutes les autorisations de programme disponibles. Les autorisations de programme nécessaires au lancement du programme ATF n’ont pas été prévues et devront faire l’objet d’un traitement particulier.

      Le Délégué général pour l’Armement a alors fait observer que le principe des commandes globales entraîne des variations importantes dans les dotations d’autorisations de programme d’un exercice à l’autre. Ainsi, prenant l’exemple de l’armée de l’Air, il a remarqué qu’il n’est pas étonnant que son volume d’autorisations de programme prévu en 2000 connaisse une diminution sensible, après la commande des 28 Rafale réalisée en 1999 et alors que la nouvelle tranche de cette commande n’interviendra pas avant 2001.

      Les besoins en crédits de paiement seront moins importants l’année prochaine, en raison des réductions déjà obtenues sur le coût des programmes, d’un certain retard des engagements, donc des paiements, sans remise en cause des délais de mise en service, et des aléas des programmes internationaux, notamment Horizon dont le lancement a été retardé de 18 mois.

      Evoquant rapidement le titre III, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que la réduction de 1 % des crédits de fonctionnement de la DGA, hors rémunérations et charges sociales, comprenait un transfert d’activités vers la sous-traitance et ne posait pas de problème particulier.

      En conclusion, il a énoncé les priorités que retenait la DGA pour l’année à venir : la poursuite des actions d’optimisation des programmes, la préparation de l’avenir dans le cadre du plan prospectif à 30 ans, la mise en place de l’OCCAR et le suivi du processus de construction de l’Europe de la Défense étant donné ses incidences pour la coopération en matière d’armement, le partenariat avec les industriels, et la préservation de l’avenir de GIAT Industries et de la DCN en favorisant leurs alliances avec des industriels. Enfin, il a souligné que l’action de la DGA dans les régions où elle est implantée, et notamment sa contribution à l’animation du tissu industriel local, seraient renforcées.

      Le Président Paul Quilès a tout d’abord demandé au Délégué général pour l’Armement comment il concevait le cœur de l’activité de la DGA, compte tenu des évolutions récentes. Il a également souhaité avoir des précisions sur l’adéquation des moyens prévus en faveur des études amont, sur les grandes orientations du plan prospectif à 30 ans et sur certains programmes, comme l’ATF, le VCI et le véhicule poste de commandement. Puis, évoquant les conséquences des commandes globales sur les variations des autorisations de programme en loi de finances initiale, il a demandé au Délégué général de préciser comment leur baisse, prévue dans le projet de budget de l’armée de l’Air, était liée à ce phénomène.

      M. Jean-Yves Helmer a indiqué que la DGA avait construit un projet qui exprime une ambition ; celle d’être, au cœur de l’Europe de l’armement, l’acteur reconnu dans la préparation, l’architecture et la fourniture de systèmes de défense. Il lui incombe la responsabilité, aux côtés des états-majors, d’imaginer l’évolution à long terme du système de défense, afin de mettre le pays en situation de disposer des équipements nécessaires le moment venu.

      Le travail d’architecture est fondamental dans la mesure où l’on raisonne désormais en termes de systèmes de forces, voire de « systèmes de systèmes » car les systèmes d’armes doivent être interactifs et globaux. En aval, la DGA a un rôle plus traditionnel de conduite des programmes en cours de réalisation.

      Par ailleurs, la DGA joue un rôle essentiel dans le développement de la coopération européenne en matière d’armement et assure le suivi de l’industrie et des exportations d’armement.

      M. Jean-Yves Helmer, qui a convenu que les études amont avaient régulièrement diminué, au point de devenir pratiquement une variable d’ajustement au sein du titre V, a estimé souhaitable de stabiliser, voire d’augmenter leur part dans le cadre des budgets à venir.

      Il a précisé que la préparation de l’avenir s’appuyait sur le plan prospectif à 30 ans, qui étudie par fonctions opérationnelles et dans un cadre interarmées, l’architecture des systèmes d’armes nécessaire dans les trente prochaines années. Le point de départ, certes difficile, est d’imaginer les situations stratégiques qui existeront dans trente ans (Existera-t-il une Europe de la défense ? Quel sera le rôle de l’OTAN ? Comment évoluera la place respective des grandes puissances ? Où voudrons-nous intervenir ?) et de prévoir les équipements nécessaires en fonction des réponses apportées à ces interrogations.

      Concernant l’ATF, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que trois offres avaient été reçues : l’une émanant de deux sociétés américaines, l’autre d’Airbus et la troisième d’Antonov. Aucun des trois grands pays (France, Allemagne, Royaume-Uni) participant au programme n’a pour l’instant adopté de position officielle. Le coût d’exploitation et l’éventuelle homogénéité de la future flotte de transport militaire, qui pourrait être européenne, seront des éléments déterminants du choix qui devrait intervenir au début de 2000.

      Concernant le programme VBCI, les divergences de besoin avec les Britanniques et les Allemands ont conduit la France à se retirer de la version de Véhicule de Combat d’Infanterie fin 1998. La question de la participation de la France à la version de commandement de ce véhicule n’est pas encore définitivement tranchée, du fait notamment du faible rôle dévolu à notre industrie nationale

      Pour satisfaire le besoin de l’armée de Terre d’un nouveau véhicule de combat d’infanterie, la DGA a lancé un appel d’offres international. Deux groupements industriels ont répondu : l’un constitué de GIAT Industries, Vickers et Mowag, l’autre de RVI, Panhard et Henschel-Kuka.

      Enfin, M. Jean-Yves Helmer a confirmé l’intérêt des commandes globales qui induisent des économies significatives, même si elles contribuent par voie de conséquence à rendre moins lisibles les autorisations de programme ouvertes en loi de finances initiale dont le montant peut fluctuer fortement d’une année sur l’autre. Prenant l’exemple de l’armée de l’Air, il a indiqué que les autorisations de programme engagées pour cette armée avaient connu des évolutions importantes dans les dernières années : 13,9 milliards de francs en 1996, 27 en 1997, 19 en 1998, et sans doute 27 en 1999, tandis que 20 milliards de francs d’autorisations de programme pourraient être engagés pour l’armée de l’Air en 2000, compte tenu des montants inscrits au projet de budget (18,2 milliards de francs). L’essentiel, toutefois, reste que la livraison des commandes s’effectue au moment voulu selon le besoin des forces, ce qui est acquis.

      En réponse à une question du Président Paul Quilès sur l’amplitude de ces fluctuations, M. Jean-Yves Helmer a précisé qu’il avait indiqué le montant des autorisations de programme engagées depuis 1996 et a indiqué que les commandes globales jusque là avaient été effectuées en mobilisant les autorisations de programme anciennes et sans emploi, en complément de celles ouvertes en loi de finances initiale.

      M. Jean-Noël Kerdraon s’est interrogé sur le choix du sonar embarqué sur le futur hélicoptère NH 90 et s’est inquiété d’un éventuel refus de retenir l’équipement de Thomson-Marconi Systems, pourtant remarquable par sa qualité. Il a ensuite demandé quelle entité industrielle allait être choisie pour la réalisation du NTCD dont la commande avait été initialement annoncée pour 2000, sachant qu’une mise en concurrence des Chantiers de l’Atlantique et de la DCN était en cours. Il a remarqué à ce propos que les perspectives et les chances d’évolution de la DCN étaient directement liées à son plan de charge.

      Relevant qu’un volume de crédits de paiement de 1,5 milliard de francs d’autorisations de programme et de 1,8 milliard de francs était destiné dans le projet de budget 2000 aux SNLE, M. Bernard Cazeneuve a demandé quelle serait la ventilation de ces crédits entre le lancement de la réalisation du quatrième SNLE de nouvelle génération et le maintien en condition opérationnelle des autres sous-marins. Revenant sur les restructurations en cours dans le secteur de la construction navale, ainsi que sur le développement rapide d’alliances internationales dans les industries les plus dynamiques, il s’est interrogé sur l’adéquation du calendrier des décisions politiques relatives à la DCN avec ces évolutions. Il a à ce propos souhaité savoir si des alliances européennes étaient possibles sans recapitalisation préalable de DCN-International. Il s’est enfin inquiété des possibilités qu’offrait à la DCN le statut de service à compétence nationale pour faciliter les alliances industrielles, dont l’exposé du Délégué général à l’Armement laissait percevoir l’urgence.

      M. Michel Meylan a demandé quelles directions de la DGA seraient plus particulièrement affectées par les diminutions d’effectifs et pour quels nombres de postes. Soulignant que les dotations de la Direction des centres d’essais (DCE) augmenteront, alors que le nombre de ses personnels doit fléchir, il s’est interrogé sur les raisons de ces évolutions. Enfin, constatant que le montant des factures mandatées par la DGA à la fin du mois de juin 1999 représentait 25 % de celui de 1998, il a souhaité savoir quelles mesures étaient envisagées pour rattraper ce retard.

      Demandant quel était le bénéfice réel que le statut de service à compétence nationale apporterait à la DCN, M. Jean-Yves le Drian a douté que ce statut lui permette de se positionner favorablement dans le processus de restructuration en cours du secteur de la construction navale. S’interrogeant sur la possibilité de concrétiser la décision interministérielle de principe en faveur de l’assouplissement du code des marchés publics pour les besoins du bon fonctionnement de la DCN, il a souligné que certains blocages des réformes ne sont pas imputables au ministère de la Défense.

      M. Jean-Claude Sandrier s’est inquiété du retard pris pour la réalisation du VCI, alors même qu’il était prévisible qu’une coopération n’aboutirait pas, en raison de la grande divergence des besoins exprimés par les différents états-majors concernés. Il a insisté sur les difficultés soulevées par le programme de véhicule poste de commandement qui ne paraît pas correspondre aux besoins de l’armée de Terre. Revenant ensuite sur l’appel d’offres en cours pour la réalisation du VCI, il s’est prononcé en faveur du choix de GIAT Industries, afin de permettre à cette entreprise de rechercher des coopérations industrielles européennes à son avantage. A l’inverse, l’attribution du contrat à des consortiums de deux ou trois industriels européens placerait GIAT Industries dans une situation défavorable, alors qu’il y a urgence à stabiliser son plan de charge.

      M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’Armement, a apporté les éléments de réponse suivants :

      — la DGA a adopté une position ferme à propos du choix du sonar embarqué sur l’hélicoptère NH 90 : l’accord de la France pour la réalisation de ce programme est notamment lié au choix du matériel proposé par Thomson-Marconi Systems pour équiper les hélicoptères français ;

      — le NTCD a fait l’objet d’une réflexion amont innovante qui, en réunissant des équipes de la DGA, de la DCN, de la Marine nationale et des fournisseurs, a permis de concevoir un navire dont le coût sera inférieur de 20 % au dernier bâtiment de la catégorie admis en service actif, pour une capacité opérationnelle supérieure. S’agissant de sa réalisation, les discussions approfondies avec la DCN et avec les Chantiers de l’Atlantique ont pour but de rechercher ce que les deux industriels peuvent offrir de meilleur, tout en débouchant sur une association qui permette au site de Brest d’améliorer ses perspectives de plan de charge. La commande du NTCD n’interviendra pas avant fin 2000 ou début 2001 ;

      — la DCN doit pouvoir se positionner favorablement dans un paysage industriel évolutif et concurrentiel. Dans la perspective d’alliances structurantes, il est légitime de se demander si DCN International constitue le vecteur approprié de rapprochements internationaux. Par ailleurs, le statut de service à compétence nationale, intermédiaire entre celui d’une administration centrale et d’un service extérieur, a le mérite de renforcer l’autonomie de la DCN par rapport à la DGA. Cette réforme ne portera toutefois ses fruits que si, parallèlement, de nouvelles règles de gestion et de fonctionnement, facilitant l’exercice de son métier d’industriel au sein de l’administration, sont concomitamment appliquées ;

      — la réduction des effectifs de la DGA étatique en 2000 (environ 1 000 personnes) devrait concerner principalement la Direction des centres d’essais (DCE), le service de la qualité et l’administration centrale, notamment dans les activités de soutien. Les effectifs autorisés pour 2000 ne sont pas encore définitivement fixés ;

      — la réorganisation des systèmes informatiques de gestion comptable et financière de la DGA a entraîné des difficultés de paiement pendant les 5 premiers mois de 1999 au service des programmes aéronautiques. Ces difficultés sont maintenant résolues, et le retard est en passe d’être résorbé puisque 15 milliards de francs ont déjà été versés durant les deux mois d’été, sur les 60 milliards environ prévus pour cette année ;

      — le retard pris par le programme VCI n’apparaît pas irrémédiable, sous réserve d’un changement dans les méthodes de développement.

      IV. — EXAMEN DE L’AVIS

      La Commission de la Défense s’est réunie le 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les titres V
      et VI
      des crédits du ministère de la Défense pour 2000, sur le rapport de M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

      M. Jean Michel a tout d’abord rappelé que, pour la seconde année consécutive, la Commission avait souhaité présenter un avis budgétaire sur les crédits d’équipement inscrits au projet loi de finances initiale, en vue notamment de procéder à une analyse globale et transversale des dotations en capital de la défense et de réfléchir à l’amélioration des procédures comptables et financières suivies pour leur gestion.

      Il a considéré que, si les dépenses en capital avaient été marquées en 1998 par « l’encoche » et si la loi de finances initiale pour 1999 avait rétabli les dotations d’équipement en crédits de paiement à un niveau de 86 milliards de francs, certes inférieur à celui de l’annuité normale de programmation mais cohérent avec les engagements financiers de la revue des programmes de 1998, le projet de budget pour 2000 pour les titres V et VI (87,5 milliards de francs d’autorisations de programme et 82,9 milliards de francs de crédits de paiement) correspondait au niveau voté en 1998. Il a précisé que la diminution des crédits de paiement atteindrait 3,5 % en francs courants et 4,4 % en francs constants par rapport à la loi de finances initiale pour 1999, et que, dans un mouvement global d’érosion, les hausses des dépenses d’équipement observées en 1996 et 1999 s’analysaient comme un rattrapage exceptionnel par rapport aux exercices 1995 et 1998.

      Il a alors exposé que les deux questions fondamentales étaient de savoir si l’équipement des armées s’inscrivait toujours dans le cadre de la révision opérée au printemps 1998 par la revue des programmes et si la diminution des crédits de paiement comme le niveau des autorisations de programme restaient en adéquation avec le processus de modernisation des forces. Il a affirmé que tel serait le cas si se confirmaient les résultats attendus de la mise en place des nouvelles méthodes de gestion et d’exécution des dotations budgétaires.

      L’amélioration de l’exécution budgétaire en 1998 mais surtout en 1999 a conditionné fortement la préparation du projet de loi de finances et modifié de manière considérable le cadre de la gestion du prochain exercice. En effet la gestion plus dynamique des crédits d’équipement depuis deux ans a permis au taux de consommation des crédits de remonter depuis 1998 et d’atteindre 95 voire 96 % en 1999. Les reports de charge ont été ramenés de 3,2 milliards de francs en 1997 à 2,2 milliards de francs fin 1998 et il est prévu une nouvelle réduction pour 1999, l’objectif à atteindre pour les années à venir se situant à environ 500 millions de francs.

      Le rapporteur pour avis a fait observer que les axes majeurs de la remise en ordre comptable et financière du ministère de la Défense concernaient la réforme de la nomenclature budgétaire qui accroît la lisibilité des dotations, la mise en œuvre de la notion d’opération budgétaire d’investissement (OBI) qui permet de disposer d’un référentiel unique de gestion et de comptabilité pour tous les crédits d’équipement militaire et la procédure de comptabilité spéciale des investissements (CSI). Il a indiqué que, si l’amélioration des méthodes de gestion des crédits et de conduite des programmes était un facteur essentiel d’efficacité budgétaire, deux autres modalités favorisaient également le déroulement des opérations d’équipement, d’une part, la recherche de réduction de leurs coûts, d’autre part, la procédure des commandes pluriannuelles globales. Cette nouvelle procédure s’applique à présent à treize programmes. Les effets attendus des commandes globales sont une économie comprise entre 5 % et 10 % par rapport au mode de commande classique. La part des commandes globales dans les engagements annuels a progressé de 13 % en1997 à 19,6 % en 1999.

      M. Jean Michel a relevé que trois améliorations méritaient d’être poursuivies : éviter le retour des excès de la régulation budgétaire, conforter le maintien des reports de crédits et des reports de charges à un niveau raisonnable et améliorer la prévision des charges. A ce propos, il a suggéré la création d’une ligne budgétaire pour le financement des surcoûts des opérations extérieures tout en reconnaissant qu’il était difficile de les estimer a priori.

      Evoquant l’avenir des programmes d’équipement, il a observé que la croissance des crédits affectées au budget civil de recherche-développement (BCRD) dans le budget de la Défense, de 900 millions de francs en 1999 à 1 500 millions de francs, réduisait encore la marge de manœuvre des gouverneurs de crédits et masquait par ailleurs la stagnation des dotations consacrées aux études amont qui conditionnent pourtant le maintien des capacités technologiques. Il a estimé qu’une certaine vigilance s’imposait et que la Commission devait effectivement s’intéresser à la nouvelle politique des études du ministère de la défense.

      Il a ensuite relevé que l’analyse de l’exécution des lois de programmation militaire depuis une dizaine d’années montrait que la situation créée par la baisse tendancielle des crédits d’équipement s’inscrivait en fait dans un mouvement de longue date. Soulignant l’ampleur de l’écart entre les objectifs affichés par les lois de programmation militaire successives et la réalité des dotations en lois de finances, il a estimé que la hausse de ces dernières ne pouvait constituer l’unique réponse aux divergences constatées, la réalisation des programmes de renouvellement des matériels et de modernisation des forces ne pouvant plus se faire au même rythme et dans les mêmes conditions que par le passé.

      Pour autant, il a estimé nécessaire de garantir à la Défense un niveau de ressources budgétaires cohérent et garant des choix fondamentaux en matière d’équipement. A cet égard, il a rappelé que la revue des programmes s’était révélée un exercice de cadrage pertinent et avait participé au processus d’adaptation de la Défense en conduisant à une clarification des objectifs d’équipement militaire et des méthodes d’acquisition. Même si les décisions irrévocables ont été évitées par des mesures d’attente, les principales modifications des objectifs physiques ont induit une réorientation des priorités et une réduction des capacités opérationnelles en cohérence avec les missions. Le cadre de la politique d’équipement ayant été ainsi redéfini, la préservation des références en termes de contenu physique dans le projet de budget témoigne de la volonté de réaliser les programmes prévus même si de légers décalages doivent intervenir. Il est raisonnable de considérer que, pour un programme d’équipement dont la durée de vie peut atteindre quarante ans, quelques mois de retard ne représentent pas une réelle remise en cause.

      Le rapporteur pour avis a rappelé que le niveau des dotations prévues par la revue de programmes comme l’aménagement des programmes l’avaient conduit, l’an dernier, à plaider pour une révision de la programmation puisqu’aucune réflexion sur le contexte géostratégique n’avait en effet éclairé les décisions prises. Or, les principaux événements qui se sont déroulés dans le monde depuis 1994 ont confirmé que, dans l’actuelle période de transition stratégique où les incertitudes sont plus fortes que les mutations, une actualisation du Livre blanc sur la défense aurait été justifiée, ne serait-ce qu’en raison de la modification essentielle qu’apportent la suspension du service national et la professionnalisation des armées.

      En conclusion, il a estimé que la question essentielle restait celle du réalisme de la programmation et fait valoir que l’amélioration de l’exécution budgétaire ainsi que les réformes des méthodes de gestion étaient les meilleurs garants de la logique de programmation. La programmation mérite en outre d’être rendue plus crédible par une affectation suffisante et cohérente des autorisations de programme. Il a cependant relevé à ce propos une contradiction entre les déclarations des Chefs d’état-major sur la diminution des autorisations de programme et l’estimation par les services du ministère de l’Economie et des Finances que plus de 43 milliards de francs d’autorisations de programme auraient déjà été déléguées mais ne seraient pas affectées. Il s’est toutefois félicité de l’instauration d’une véritable concertation entre le ministère de la Défense et les services du budget, faisant observer qu’il serait intéressant de vérifier dans quelle mesure les dotations prévues par le décret d’avances de l’été dernier, lié au conflit du Kosovo, seraient effectivement consommées par les armées.

      A l’issue de son analyse, il a proposé de donner un avis favorable à l’ensemble des crédits des titres V et VI du budget de la défense.

      M. Michel Voisin a interrogé le rapporteur pour avis sur l’impact de la revue des programmes sur les activités de la DGA, et notamment sur le coût de l’abandon, décidé à cette occasion, d’études lancées préalablement.

      Jugeant très étonnante la non-affectation de 43 milliards de francs d’autorisations de programme pourtant déléguées, M. René Galy-Dejean a estimé qu’il serait intéressant de connaître le bilan physique de cette absence de consommation.

      Le Président Paul Quilès a fait observer qu’une dotation en autorisations de programme ne permettait pas le lancement de programmes, dès lors qu’elle n’était pas adossée aux crédits de paiement nécessaires.

      M. Bernard Grasset a jugé nécessaire de connaître les raisons de cette différence d’analyse entre le ministère de l’Economie et des Finances et le ministère de la Défense concernant les autorisations de programme disponibles, faisant remarquer qu’on pouvait avoir l’impression, pour la première fois, que c’était le ministère de l’Economie et des Finances qui était dépensier et le ministère de la Défense économe.

      M. Jean Michel a apporté les éléments de réponse suivants :

      — il est difficile d’estimer le coût des études en cours abandonnées suite à la revue des programmes, d’autant que, souvent, les études comportent un tronc commun à plusieurs programmes. On peut par ailleurs relever qu’une baisse de 20 % a déjà été acquise sur le coût de fonctionnement de la DGA, qui a enfin mis en place une comptabilité analytique ;

      — l’analyse de la différence d’appréciation du niveau des autorisations de programme disponibles entre le ministère de l’Economie et des Finances et le ministère de la Défense mérite effectivement un examen approfondi. Il n’est pas certain d’ailleurs que ces deux ministères tirent le même bilan des conséquences physiques d’un surplus d’autorisations de programme déléguées ;

      — l’inversion des rôles entre le ministère de l’Economie et des Finances et le ministère de la Défense n’est pas dans la nature des choses. Il n’en reste pas moins qu’une véritable concertation existe entre ces deux ministères depuis la revue des programmes, qui les a associés, le premier souhaitant clarifier la situation budgétaire, le second voulant identifier les programmes réalisables dans un contexte budgétaire durablement contraint.

      V. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE, SUR LES CRÉDITS DE SON MINISTÈRE EN SÉANCE OUVERTE AU PUBLIC ET À LA PRESSE

      La Commission de la Défense a procédé, le 3 novembre 1999 au matin, à l’audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les crédits de son ministère au cours d’une séance ouverte au public et à la presse dont le compte rendu figure ci-après.

      M. Paul Quilès, Président de la Commission de la Défense - Nous allons procéder à l’examen des crédits militaires pour 2000 en présence du Ministre de la Défense ; cette séance de notre Commission sera ouverte au public et à la presse. Nous expérimentons là une nouvelle procédure qui vise à rendre les débats plus vivants. Elle se substitue pour une part à la discussion générale en séance plénière, devenue un peu formelle et routinière. Une nouvelle forme de discussion générale aura lieu en séance publique le 10 novembre, rappelant la procédure d’examen simplifié : seules seront exprimées, brièvement, les positions du Gouvernement, des Commissions et des groupes.

      Nous disposons d’un temps limité et je demande à chacun d’être très synthétique en faisant ressortir les points importants. D’abord le Ministre présentera le projet de budget, puis je prendrai la parole quelques instants. Jean-Michel Boucheron interviendra en tant que rapporteur spécial de la Commission des Finances, puis Jean-Bernard Raimond en tant que rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères. Nous entendrons la réponse du Ministre, puis les interventions des neuf rapporteurs pour avis de la Commission de la Défense. Le Ministre répondra à nouveau et ensuite les groupes pourront s’exprimer. Le Ministre conclura par une réponse finale.

      Certains d’entre vous m’ont fait remarquer que les documents n’étaient pas disponibles avant la séance. Je rappelle qu’il s’agit d’une procédure expérimentale qui ne permet pas aux députés de se prononcer ce matin sur les rapports. Les avis des commissions ne pourront être exprimés qu’après le débat de cet après-midi.

      Si vous n’avez pas les rapports, vous disposez en revanche du dossier de presse et du compte rendu des débats et des auditions de la Commission. Vous avez également trouvé dans cette salle les notes de présentation rédigées par chaque rapporteur. L’intervention des groupes prendra la forme d’une interpellation du Ministre. Ils ne pourront se prononcer sur le budget qu’après ses réponses et au vu des rapports des commissions présentés en séance plénière.

      M. Alain Richard, Ministre de la Défense - Je me réjouis que nous testions ensemble cette nouvelle procédure. Il nous appartient à tous de la rendre vivante. J’irai donc à l’essentiel en présentant les grands traits de notre politique de la défense. Le contexte international dans lequel nous vivons éclaire les choix opérés ces dernières années en matière de défense avec le livre blanc de 1994, puis la réforme de la loi de programmation de 1996, assumés par ce Gouvernement. Certains autres pays européens vont d’ailleurs dans la même direction. En même temps, il n’y a pas de certitude définitive en ce domaine, chaque événement, chaque crise nous amène à envisager des ajustements de notre politique.

      Ce qui caractérise ces années 1999-2000, c’est que la transformation de l’outil de défense se poursuit sans à-coups. La marche vers l’armée professionnelle se déroule conformément à la loi de programmation et se traduira dans ce budget par la création de 8 300 emplois militaires du rang, 6 500 emplois de volontaires et 1 600 emplois de civils.

      Comment ces nouveaux postes seront-ils pourvus ? Schématiquement on peut dire qu’il y a peu de problèmes pour les personnels militaires, que le déficit en personnels civils devrait se réduire progressivement, en dépit de difficultés d’ajustement géographique, enfin qu’il subsiste un certain déficit pour les appelés. Sur ce point je rappelle cependant qu’il faut comparer les effectifs de chaque année au moment de la rentrée car c’est alors que se mettent en place les unités nouvelles. Ainsi calculé, le déficit reste tout à fait supportable.

      Les moyens de fonctionnement sont en augmentation grâce à l’insistance de beaucoup d’entre vous et grâce aussi à un réexamen détaillé du titre III. Il subsistera encore quelques insuffisances sur certains chapitres en partie compensées par des progrès de gestion.

      La loi sur les réserves a été adoptée définitivement et les moyens se mettent en place.

      Pour la première fois, les crédits du secrétariat aux anciens combattants sont maintenant complètement intégrés au budget de la défense.

      La situation du recrutement est encourageante : il y a de nombreux candidats pour les postes créés, ce qui permet une certaine sélection. Les crédits prévus pour les rémunérations et charges sociales comportent un poste de 300 millions de francs pour le relèvement des bas salaires. La politique de reconversion professionnelle des militaires permet une rotation rapide et on constate de nombreuses reconversions réussies. Les aides à la mobilité, qui étaient déjà importantes, atteindront 1,9 milliard de francs cette année et permettront le nécessaire rééquilibrage par unité, par spécialité et par tranche d’âge.

      La reconversion professionnelle des personnels civils se passe bien. On constate cependant que les facteurs géographiques freinent leur mobilité : certains hésitent à changer de région en raison de la moindre attractivité de la nouvelle zone d’affectation proposée mais surtout par crainte de ne pas y trouver d’emploi pour le conjoint, et cela en dépit d’aides à la mobilité relativement importantes. Je pense que le temps permettra de combler ce déficit. Pour cette année, nous proposons d’intensifier le recours à la sous-traitance, étant bien précisé qu’il s’agit d’une mesure temporaire, avec des contrats de deux ou trois ans. Nous souhaitons que les postes civils soient progressivement tous pourvus, sinon leurs fonctions tendent à être assurées par des personnels militaires, ce qui est contre-productif.

      Les mouvements de départ sont également bien maîtrisés. Les aides du FRED ont permis d’obtenir de bons résultats en matière de reconversion. En 1999 plus de 2 000 nouveaux emplois auront été ainsi subventionnés par le FRED, contre 1 400 l’an dernier.

      Autre réorganisation en cours, celle de la sécurité intérieure. Des créations de postes sont prévues dans la Gendarmerie, afin de remplacer les auxiliaires par des gendarmes adjoints : sur les 4 000 transformations de ce type prévues par la loi de programmation, 2 000 sont déjà effectives.

      En second lieu, la création de corps de soutien permet de regrouper des personnels entraînés aux tâches de sécurité ; en outre, conformément aux décisions du conseil de sécurité intérieure, l’optimisation des emplois se poursuit : des escadrons de Gendarmerie mobile vont ainsi être déployés dans les zones prioritaires. Enfin, la Gendarmerie bénéficie d’un effort d’équipement en matériel moderne.

      S’agissant précisément de la politique d’équipement, je note que la dotation en autorisations de programme du titre V croîtra de 1,5 milliard de francs. Nous arrivons en effet à la deuxième moitié de la loi de programmation, moment où il convient de passer à la vitesse supérieure pour les commandes pluriannuelles. En revanche, pour les crédits de paiement, on observe une légère pause, les 86 milliards de francs de prévus n’étant pas atteints. Cependant le niveau de consommation des crédits devrait être meilleur qu’en 1999 où avec 70 milliards de francs hors transferts, on devrait arriver à une consommation de 80 milliards de francs environ contre 61 milliards de francs en 1996, 80 en 1997 et 81 en 1998. Il nous a semblé légitime de limiter les crédits de paiement à 83 milliards de francs pour l’an 2000, les reports d’une année sur l’autre permettant éventuellement d’accélérer la consommation de ces crédits si nécessaire.

      La loi de programmation en est à sa quatrième année et l’on peut espérer qu’elle sera totalement mise en œuvre dans le délai prévu, de six ans. Après des débuts prudents, nous en sommes au bout de deux ans à 45 milliards de francs de commandes globales passées et on peut envisager qu’elles se monteront à 15 ou 20 milliards de francs en 2000. La formule atteint donc sa vitesse de croisière.

      En 1999, sont intervenus deux faits majeurs : d’abord la naissance du premier géant industriel européen en matière d’aéronautique et de défense ; d’autre part, le lancement d’un plan d’entreprise de la DCN qui permettra à ce grand ensemble de fonctionner désormais comme une entreprise, de conclure des accords et de conserver, voire d’accroître ses parts de marché.

      Il est clair qu’en général, la dimension européenne doit être de plus en plus présente dans tout ce que nous faisons. Au cours des 18 derniers mois, l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, le lancement de l’euro et le choc du Kosovo ont encouragé les Européens à coopérer davantage en matière de défense. Cette volonté nouvelle a été sanctionnée par la déclaration de Cologne, qui guide aujourd’hui notre conduite, en vue de créer des capacités conjointes. C’est la base d’un système de décision commune qui devrait permettre de traiter les crises en temps réel, de définir des critères de convergence et d’efficacité en vue de réduire les incohérences et les disparités.

      Il est certain aussi que le présent débat sera marqué par les leçons à tirer de notre action au Kosovo, qui a démontré une amélioration de la réactivité de nos armées. Nous pouvons enfin constater l’heureux résultat de la réflexion commune menée par le Parlement, le Gouvernement, et les partenaires économiques et sociaux. Il apparaît dès lors possible de commencer à élaborer à partir de 2000 une nouvelle loi de programmation prenant en compte cette vision de plus en plus européenne de la défense, tout en préservant la liberté de décision de la France.

      M. le Président de la Commission - Je ne rappellerai que brièvement les principales données de ce budget, pour consacrer l’essentiel de mon propos à l’analyse de notre outil de défense et du contexte dans lequel nous agissons.

      Nous observons une légère revalorisation du titre III, mais ces 300 milliards de francs apparaissent suffisants pour garantir le bon déroulement de la professionnalisation. Par ailleurs, un effort est fait pour desserrer les contraintes pesant sur le fonctionnement courant des unités. Cependant, la pression des dépenses de rémunérations reste forte, sensiblement davantage, en tout cas que ne le laissait attendre le cadrage financier initial. Un choix difficile va donc s’imposer : il faudra, soit opérer des ajustements de format, soit consentir un relèvement de l’enveloppe du titre III, de l’ordre du milliard de francs. Sans l’une de ces deux mesures, on risque à terme une aggravation des tensions sur ce poste.

      Pour ce qui est des dépenses d’équipement, je me félicite de l’augmentation modérée mais réelle des autorisations de programme, qui s’établiront à 87 460 millions, soit environ 86 milliards de francs de dotations utiles compte tenu de la contribution au BCRD. Ce montant permettra de poursuivre la politique des commandes globales, source d’économies à moyen terme et facteur bénéfique aux relations avec l’industrie. Cependant, il ne faudrait pas que, par crainte de rigidités, on maintienne la part de ces commandes en dessous de ce qu’exige une gestion rationnelle de l’outil industriel : sous prétexte de préserver les équilibres budgétaires, on finirait par payer plus cher les équipements. Or, les dotations en autorisations de programme ne semblent pas être totalement à la hauteur des besoins, notamment en ce qui concerne le M 51, le NH 90 et, surtout, l’avion de transport futur. Mais sans doute serait-il nécessaire d’avoir des précisions sur le montant réel des autorisations de programme non affectées qui seraient déjà déléguées et disponibles, afin d’y voir plus clair…

      Quant aux crédits de paiement, leur niveau, apparemment en baisse, correspond en fait aux engagements et ils garantissent la poursuite de la modernisation des armées conformément aux conclusions de la revue de programmes. Toutefois, la croissance des montants engagés devrait se traduire dès 2001 par un redressement de ces crédits en loi de finances initiale.

      Enfin, nous devons nous attendre en 2000 à un alourdissement d’au moins 2 à 3 milliards de francs des charges du titre III, au titre des opérations extérieures. Le montant des crédits d’équipement ne me paraît pas permettre de gager ce surcroît de dépenses par une annulation équivalente des crédits de paiement des titres V et VI. Il conviendra donc, à l’avenir, d’inscrire en loi de finances initiale une provision correspondant à la part incompressible de ces charges.

      J’en viens maintenant au contexte : la fin de cette année a vu la France contribuer à une opération majeure, qui visait à faire plier M. Milosevic. Ce but a été atteint, ce dont on ne peut que se féliciter. Cependant, si la France a heureusement contribué, au cours de cette décennie, à rétablir la paix dans plusieurs endroits du monde et à protéger les populations menacées, le bilan politico-stratégique de ces opérations est plus contrasté que le bilan militaire. Nous avons eu à subir de plus en plus fréquemment les conséquences de l’hyperpuissance américaine. Ayant toujours été des alliés fidèles des Etats-Unis, cela nous autorise à leur dire que leur attitude contrarie le bon fonctionnement du système de sécurité collective des Nations Unies et risque de relancer la course aux armements.

      L’intervention au Kosovo a aussi montré que la réflexion menée sur l’adaptation de notre dispositif de défense depuis la guerre du Golfe, avait emprunté le bon chemin. Nous avons amélioré notre capacité à nous insérer dans les dispositifs militaires multinationaux. La Commission de la défense contribue d’ailleurs à cette réflexion, grâce à une mission d’information qui bénéficie du soutien du ministère.

      Monsieur le Ministre, vous avez dit devant cette mission qu’il fallait se garder de tirer des conclusions trop définitives d’un conflit très spécifique. Certes, mais il n’en demeure pas moins certains constats. Ainsi, il est clairement apparu que nous devions disposer de toute la palette de capacité de renseignement, ainsi que d’armes de précision tirées à distance de sécurité. En outre, nous avons vu que le Conseil atlantique était trop souvent réduit au rôle de chambre d’enregistrement. Quant au poids de notre pays dans l’OTAN, il est devenu évident qu’il ne dépendait pas de son statut au sein de l’Alliance, mais bien de son poids militaire.

      Il me semble qu’une réflexion s’impose, à ce sujet, à l’échelle de l’Europe. Faut-il un rééquilibrage politique au sein de l’Alliance ? Convient-il de calquer le fonctionnement de l’Europe de la défense sur celui de l’Alliance atlantique et établir une sorte de condominium des grandes puissances européennes ? Sur ces points, la recherche de l’efficacité ne doit pas nous conduire à faire subir aux autres ce que nous reprochons aux Américains. Si l’Europe de la défense venait à être perçue par les petits pays comme un protectorat des plus grands, il est à craindre qu’ils ne continuent de préférer le parapluie militaire des Etats-Unis. Il faut donc que ces petits pays comprennent qu’une défense proprement européenne n’affaiblirait pas leur sécurité et leur permettrait de mieux faire entendre leur point de vue.

      Notre souhait de doter l’Europe d’une identité de défense a également des conséquences en termes d’armement, de technologie, et de budget. Je ne pense pas que le plus urgent soit d’augmenter notre budget de la défense : il s’agit bien plutôt de rationaliser l’utilisation des moyens existants. Aucun pays européen ne peut développer seul tous les systèmes d’armes et la question se pose par conséquent de savoir si nous devons chercher à combler nos lacunes dans le seul cadre national ou à l’échelle de l’Union. Peut-on dès lors raisonner dès l’origine en termes de capacités européennes et, si oui, dans quels domaines ? A partir de ce premier constat, on doit se demander s’il ne faudrait pas élaborer notre prochaine loi de programmation en concertation avec nos partenaires. On se retrouverait alors devant deux cas de figure. Soit nous constatons que les capacités européennes sont déjà suffisantes dans un domaine et que ces capacités sont au service de tous les membres de l’Union : nous pouvons sans doute alors nous dispenser de lancer un programme, pourvu que soit signé un accord prévoyant la communautarisation des matériels et comportant une garantie d’approvisionnement. Soit nous décidons à deux ou plusieurs pays de nous doter de matériels identiques : il serait alors nécessaire de passer des commandes groupées à l’échelle de l’Europe et ce, même si les échéanciers de dotation ne sont pas les mêmes.

      Il serait logique que l’OCCAR gère ces programmes, ce qui suppose d’unifier les procédures d’achat si l’on ne veut pas que certains pays renoncent à cette coopération.

      Le recensement des besoins européens doit bien sûr s’effectuer en priorité dans les domaines où nous ressentons des lacunes : transport stratégique et tactique, systèmes GPS, télécommunications militaires, satellites, systèmes d’armes de précision tirées à distance de sécurité. S’agissant du deuxième porte-avions, je pense que la question dépasse les capacités financières de notre seul pays et qu’il faut donc la traiter à l’échelon européen, notamment avec nos partenaires britanniques.

      Je ne saurais conclure sans dire que nous assistons à l’accélération de la construction de l’édifice de défense et de sécurité européenne. A Saint-Malo et à Cologne, une opportunité s’est précisée que nous devons saisir. La France est, de tous les pays de l’Union, celui qui a souhaité, avec la plus grande ardeur, l’élaboration d’une identité européenne de sécurité et de défense. Il nous faudra donc savoir convaincre et, éventuellement, rassurer nos partenaires, savoir, aussi, être fermes et pragmatiques. Cela signifie, en particulier, qu’il serait inconcevable d’adopter des budgets nationaux sans cohérence avec l’objectif européen que nous disons poursuivre : je suis certain, Monsieur le Ministre, que vous y veillerez.

      M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la Commission des Finances - Je me limiterai, dans le bref délai qui m’est imparti, à donner mon sentiment sur les points que j’estime les plus importants. Il s’agit, on le sait, d’un budget très serré, peut-être trop… mais c’est une réflexion que l’on peut se faire depuis longtemps ! Encore quelques comparaisons s’imposent-elles, qui permettent de relativiser cette impression. Ainsi, en pourcentage du PIB, les dépenses consacrées à la défense s’établissent à 3,5 % aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et à 1,5 % pour les pays européens. En France ces dépenses s’élèvent à 2,5 % du PIB, ce qui place notre pays dans une position médiane.

      Le titre III est très satisfaisant, puisque l’augmentation prévue est de 3,3 % hors rémunérations. Au titre IV, 83 milliards de francs sont prévus, en léger décalage avec la loi de programmation militaire, décalage cependant acceptable, à cela près que 4 milliards de francs sont prévus pour les opérations extérieures.

      Le Ministre a, par ailleurs, évoqué l’élaboration d’une nouvelle loi de programmation militaire, dont il sera intéressant d’apprendre quelle sera l’année de départ.

      Je me félicite par ailleurs que les procédures financières du ministère aient été assainies et que l’atmosphère ait changé. Le tableau comparatif des réalisations de programmes au cours des années écoulées devrait d’ailleurs inciter à la modestie collective. C’est pourquoi je ne citerai que pour mémoire un certain écart de 20 milliards de francs par rapport à la programmation initiale ou encore 800 millions d’intérêts moratoires… La transparence et la rigueur qui sont désormais de mise sont particulièrement satisfaisantes. Encore faudrait-il cependant éviter qu’un cercle vicieux ne s’enclenche, une consommation insuffisante appelant des annulations de crédits conduisant à de nouvelles procédures qui auraient à leur tour pour conséquence une consommation insuffisante.

      Un autre sujet de satisfaction tient à la maîtrise de la professionnalisation. La capacité à se réformer qu’ont démontrée les armées et le ministère n’était pas acquise. Il s’agissait en effet d’une véritable révolution interne, et cette mutation se déroule sans accroc. L’attention doit cependant être attirée sur le sous-effectif des appelés et sur les trop nombreuses vacances de postes au sein du personnel civil. Cela peut être dû à une procédure trop complexe, mais aussi à l’absence de souplesse dont fait preuve le ministère des Finances. Il conviendrait aussi de faciliter la sous-traitance, ce qui doit pousser Bercy à faire preuve de plus d’audace.

      Pour ce qui est des programmes, le budget proposé ne devrait conduire à aucune impasse, à condition toutefois que les 80 milliards de francs d’autorisations de programme non engagés ou non affectés soient effectivement utilisés et à condition, aussi, que le collectif budgétaire ne donne pas l’occasion de nouvelles annulations, ni cette année, ni les années suivantes. J’espère, à cet égard, que l’AFP ne nous apprendra aucune mauvaise nouvelle ! Dans ce domaine, notre vigilance s’impose.

      Pour ce qui concerne la dissuasion, la situation est satisfaisante, même si les économies annoncées sur le M 51 ne laissent pas d’inquiéter. Pour l’espace, on ne peut que s’interroger sur les conséquences de la chute de 24 % des autorisations de programme. Dans ces conditions, quel sera le sort des observations par radar et des drones, dont l’efficacité a pu être mesurée au Kosovo ? Je sais que les contraintes de la coopération européenne expliquent en partie cette chute spectaculaire, mais les inquiétudes demeurent.

      La commande de 80 Tigre pour l’armée de Terre est satisfaisante mais l’absence d’autorisations de programme pour la fabrication du NH 90 suscite des interrogations, car il n’est pas certain que le blocage allemand soit seul en cause. La même question se pose pour l’ATF, à propos duquel l’armée de l’Air attend une décision au plus vite. L’A 400 M aurait fait preuve de son efficacité en Macédoine et plus encore au Timor, mais la question se pose effectivement de savoir si l’Europe a véritablement besoin de 4 ou 5 avions stratégiques différents. Pour la Marine, deux frégates Horizon devront être financées rapidement. On se réjouira enfin que le programme Rubis de la Gendarmerie se déroule sans anicroche.

      Cette brève analyse faite, il me faut faire part des inquiétudes, extérieures au budget, que suscite un contexte européen difficile. L’écroulement du budget de la défense allemand et la liste impressionnante des programmes en suspens ne doivent pas remettre en cause la mutualisation des équipements. Ces préoccupations sont toutefois contrebalancées par la formidable nouvelle qu’a été la constitution de la nouvelle société EADS. Nul n’ignore le rôle éminent qu’ont joué les gouvernements français et allemand en la matière. Il reste à optimiser les effets de cette fusion en matière d’exportations et de recherche et développement.

      Vous ne serez pas surpris, Monsieur le Ministre, de m’entendre vous faire part de mon inquiétude sur la situation de la DCN. La réforme que vous avez lancée va son train. Elle doit aboutir. Il faudrait cependant aller plus loin et décider la modification du statut des chantiers navals. Comment sera-t-il possible sans cela d’adosser la DCN à des groupes industriels et de donner une culture d’entreprise à son encadrement ? Quoi qu’il en soit, les initiatives que vous avez prises vont dans le bon sens.

      En conclusion, le débat de fond est celui de l’Europe. La vraie question, en effet, ne se limite pas à souhaiter des convergences techniques. Ce dont il s’agit, c’est que les Européens définissent ensemble ce qu’ils veulent faire. L’urgence est d’autant plus grande qu’une évolution isolationniste se dessine aux Etats-Unis et les propos tenus par le candidat républicain, M. Bush junior, à la présidence ne laissent pas d’inquiéter. On constate un repli sur les intérêts nationaux fondamentaux des Américains.

      M. Jean Michel - Tant mieux !

      M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial - L’autre interrogation de fond consiste à déterminer quel rôle l’Europe veut jouer au sein de l’OTAN. Ce n’est que lorsque ces deux questions auront trouvé réponse que l’on pourra songer à une planification commune des équipements militaires. Le projet de budget qui nous est présenté est un budget serré, je l’ai dit, mais c’est un bon budget, qui reflète la rigueur de la gestion du ministère. C’est donc avec plaisir que j’invite la Commission à l’adopter.

      M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères - Mon impression générale est que le projet de budget ne tient sans doute pas suffisamment compte des enseignements de la guerre du Kosovo ni, sur un autre plan, des développements particulièrement importants de la politique de défense européenne. Je ne m’étendrai pas sur le fait que le budget proposé est en baisse alors que nos alliés considèrent avoir atteint un palier dans la réduction de leurs dépenses militaires et que les Etats-Unis, en particulier, s’orientent dans une tout autre direction. Je constate que les crédits de paiement ne sont pas à leur niveau habituel et que les crédits de fonctionnement sont malaisément compréhensibles. Je vous remercie, Monsieur le Ministre, des précisions que vous avez bien voulu nous donner à cet égard. Je constate encore que l’armée de l’Air aura accompli, avec deux ans d’avance, la mutation que l’on attendait d’elle.

      En matière d’équipement, on notera l’augmentation des autorisations de programme visant à la dissuasion. Les points négatifs concernent la Marine, dont les crédits et autorisations de programme sont en baisse. Il en est de même pour l’armée de l’Air, ce qui est paradoxal étant donné le rôle qu’elle a joué au Kosovo.

      On se félicitera que l’Allemagne et la France aient passé commande de 160 Tigre, sur dix ans, à la société Eurocopter, mais des interrogations subsistent sur la commercialisation du NH 90. Quatre prototypes de ce matériel existent ; il est donc prêt. Pourtant, lors du salon du Bourget aucune vente n’a été conclue. Je sais quelle est la responsabilité de l’Allemagne, qui a procédé aux restrictions budgétaires que l’on sait. Je pense toutefois que l’impulsion française a fait défaut. Si, comme la rumeur court, ce programme est reporté à 2011, le risque de décourager les Néerlandais et les Italiens est patent. Le risque de compromettre les exportations vers la Scandinavie l’est tout autant. En outre, le projet ne prévoit pas davantage la réalisation du futur avion de transport.

      J’aimerais, par ailleurs, vous entendre traiter du désarmement. Des progrès considérables ont été accomplis depuis les années 1990-1991, et l’adaptation du traité FCE se déroule normalement. Cependant, le traité Start 2 n’a pas encore été ratifié par la Douma, et l’on sait que le Congrès américain a remis en cause le traité ABM, ce qui risque d’entraver l’application de Start 2, même si la Douma renouvelée se montre moins sévère.

      Bref, ce serait un très mauvais signal adressé à la Russie et à la Chine, mais aussi à l’Inde et au Pakistan ainsi qu’à tous les pays qui sont au seuil du nucléaire.

      En ce qui concerne l’accélération de l’élaboration du concept de l’Europe de la défense, il faut insister sur le tournant de Saint-Malo, où la Grande-Bretagne s’est ralliée de façon surprenante à la position française selon laquelle la défense de l’Europe ne se situe pas uniquement au sein de l’Alliance atlantique. Cette évolution a été enregistrée au sommet de Cologne. Notons aussi à ce propos l’accord franco-allemand sur la transformation du corps européen en corps européen de réaction rapide. Est également envisagée, sur proposition du Président de la République, la création d’une instance permanente, au niveau des ambassadeurs, parallèle à l’Alliance atlantique.

      La présence américaine en Europe, en dehors même de l’OTAN, est considérable, militairement en Macédoine, en Bosnie et au Kosovo, ainsi que pour les forces aériennes. J’ai appris récemment que la zone de responsabilité du commandement des forces américaines a été élargie à de nombreux pays d’Europe centrale et orientale. Le nouveau concept stratégique élaboré à Washington aura bien sûr un impact sur les forces américaines. Il est clair que la revendication française d’un meilleur partage de la décision politique et militaire ne sera crédible que si l’Europe fait un effort accru pour se doter d’équipements modernes. A cet égard, on ne peut que regretter que ce budget soit en diminution et que les commandes de l’armée de l’Air et de la Marine soient différées. Cela vaut particulièrement pour le NH 90, qui serait aussi utile à l’armée de Terre.

      Après avoir quelque peu hésité, car je comprends vos difficultés, c’est en raison de ce regret que j’ai proposé à la Commission des Affaires étrangères d’émettre un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. Elle ne m’a toutefois pas suivi et les a adoptés.

      M. le Ministre - Cette nouvelle formule donne à l’évidence des débats très toniques.

      Je me réjouis bien sûr des appréciations positives portées sur les crédits. J’ai aussi entendu les avertissements et les appels à la prudence lancés par MM. Quilès et Boucheron. Il est vrai que nous sommes un peu justes, mais, si je ne conteste pas le chiffre d’un milliard, je vous signale toutefois que le rajeunissement des cadres grâce au pécule entraîne un GVT négatif important, ce qui nous donne une certaine marge de manœuvre. S’il est juste de relever le problème du prélèvement sur le BCRD, nous aurons néanmoins une bonne base de départ en 2002.

      En ce qui concerne la recherche duale, à l’évidence le co-pilotage est stimulant pour le CNES et nous permet de réaliser des économies, par exemple, sur le coût des lancements.

      Depuis deux ans les annulations sur le budget de la défense n’ont pas été trop lourdes ; elles nous permettent de rester en cohérence avec la loi de programmation. Je vous confirme mon intention d’obtenir que le financement des opérations extérieures pour 1999 ne se traduise pas par des annulations de même montant sur le budget d’équipement.

      Sur l’Europe, les trois interventions m’ont paru particulièrement intéressantes. Je partage pleinement le sentiment de Paul Quilès sur l’attitude des Etats-Unis, de plus en plus poussés vers un certain égocentrisme, en raison de la compétition politique interne mais aussi de la faiblesse et de la dispersion de leurs partenaires. Il est vrai que quand on est le seul maître à bord, on n’est guère enclin à partager… C’est par l’affirmation croissante de leurs responsabilités et par l’engagement de moyens suffisants que les Européens pourront faire évoluer les choses et aider ceux qui, aux Etats-Unis, combattent cette tendance à l’unilatéralisme.

      L’expérience a montré que les Européens prennent confiance quand on leur explique ce qu’ils sont en train de faire. Nous travaillons actuellement aux propositions que nous ferons à Helsinki afin de poursuivre sur la lancée de Cologne. Mais nous avons trop tendance à parler de notre « quincaillerie », à insister sur quelques domaines de capacité conjointe pour le traitement des crises, alors qu’il nous faudra aussi envisager des scénarios. S’il serait sans doute trop ambitieux de rédiger un livre blanc européen, il conviendrait néanmoins de préciser ce que nous entendons vraiment par les missions de Petersberg.

      Il est sûr que l’évolution budgétaire de l’Allemagne est un coup dur pour l’Europe de la défense. Nous comprenons les impératifs de notre partenaire, mais nous espérons que la poursuite de cette politique pour les trois ans à venir n’est pas définitivement décidée. Comme l’a dit mon homologue allemand, la présence internationale de l’Allemagne s’est considérablement renforcée ces dernières années et ce pays ne saurait être en première division pour la politique étrangère et de sécurité commune et au niveau d’un club local pour la défense.

      La France étant, avec le Royaume-Uni, le pays dont les engagements financiers sont les plus élevés, la mise en place d’un système de convergence pourrait logiquement nous conduire à réduire notre effort. Il convient donc d’envisager plutôt la contribution globale de défense des Quinze avec un critère financier permettant au moins de conserver l’engagement actuel de ceux qui sont au plus haut et de favoriser le rattrapage de ceux qui sont au plus bas. Malgré des à-coups, la loi de programmation nous apporte beaucoup plus de cohérence et de continuité dans le financement de nos programmes que nombre de nos voisins. Il faudrait que le système de convergence produise les mêmes effets.

      L’ATF a été évoqué dans la loi de programmation mais n’a pas fait l’objet d’une inscription. Il est probable qu’une décision sera prise en 2000, mais cela n’entraînera pas aussitôt une inscription budgétaire importante dans la mesure où les industriels financeront le développement. Néanmoins, si la décision est acquise, un transfert d’autorisations de programme nous permettra de prendre nos responsabilités. Les études comparatives menées par les sept pays partenaires n’ont pas encore permis d’aboutir à un accord. L’offre d’Airbus nous paraît particulièrement crédible, surtout d’un point de vue opérationnel. Mais il est vrai que les changements liés à l’EADS peuvent avoir des effets et que l’on pourrait aussi demander quelque chose à Antonov.

      M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la Commission de la Défense pour le titre III - Le montant des crédits inscrits au titre III s’élèvera l’an prochain, hors pensions, à 104,9 milliards de francs contre 103,9 l’an dernier. Ce chiffre englobe les 400 millions provenant du secrétariat d’Etat aux anciens combattants, qui a fusionné avec le ministère de la Défense.

      Ce budget confirme l’évolution engagée depuis 1997. Les rémunérations et les charges sociales augmentent de 1,5 %, représentant ainsi plus de 80 % du total, tandis que les autres crédits diminuent de 0,9 %. Les effectifs seront en baisse de près de 5 %, pour un total de 474 000 emplois. Le nombre des appelés et des sous-officiers diminue fortement tandis que sont créés de nombreux emplois de militaires du rang professionnels, de volontaires, de personnels civils.

      La déflation des effectifs de cadres se passe pour le mieux. Les pécules d’incitation connaissent un grand succès et le rythme des départs est plus rapide que prévu. L’armée de l’Air n’est ainsi plus qu’à 1 % de son format professionnel. Le recrutement des engagés et des volontaires est également satisfaisant : malgré l’embellie de la situation de l’emploi, les jeunes gens et les jeunes filles se bousculent pour s’engager dans l’armée française. La situation des civils est plus préoccupante. Le 1er septembre, 9 925 postes étaient vacants. Pour les 6 500 emplois de fonctionnaires non pourvus, des concours devraient améliorer les choses. On pourrait aussi proposer aux personnels des entreprises d’armement de postuler à ces emplois.

      L’embauche d’ouvriers d’Etat est interdite par le ministère des Finances en raison des sureffectifs de la DGA et de la DCN. Mais, comme le redéploiement s’essouffle, la situation devient délicate, et une relance de la mobilité s’impose pour atteindre les objectifs de la loi de programmation et pour pourvoir les 3 500 emplois actuellement vacants dans nos régiments. Votre rapporteur soutient les démarches du Ministre pour obtenir des autorisations exceptionnelles d’embauche dans les cas urgents.

      Si l’objectif en effectifs semble satisfaisant, il faut que les autres moyens de fonctionnement soient à la hauteur. Ces crédits continueront à diminuer en 2000, conformément à la loi de programmation qui prévoit de diminuer ses dépenses de 20 % entre 1997 et 2002. Mais l’an 2000 rompt avec les réductions drastiques des années précédentes. Ainsi l’armée de Terre pourra effectuer 73 jours d’entraînement au lieu de 70. Les crédits sont accrus pour l’entretien immobilier, l’entretien programmé du matériel et le fonctionnement courant des unités de la Marine.

      Mais certaines préoccupations demeurent. Le taux d’activité de l’armée de Terre reste trop bas. Les dotations en carburant sont calculées sur des hypothèses économiques plutôt optimistes. L’entretien des grosses unités de la Marine se fait au détriment des petits bâtiments, moins médiatiques, mais pourtant utiles. Comme les chefs d’état-major nous l’ont laissé entendre, l’amorce de redressement des crédits de fonctionnement courant en 2000 devra impérativement être confirmée en 2001 et 2002.

      Du chemin a été fait depuis le précédent budget, et, si la situation est encore loin d’être idéale, ce projet est conforme à la loi de programmation pour les effectifs, et présente une amélioration sensible pour le fonctionnement courant. Je propose à la Commission de l’adopter.

      M. Jean Michel, rapporteur pour avis des crédits d’équipement - Pour la deuxième année, la Commission a souhaité présenter un avis transversal sur les crédits d’équipement et une réflexion sur les procédures comptables et financières. Je présenterai quatre remarques.

      Tout d’abord, le projet de budget d’équipement pour 2000, avec 87,5 milliards de francs en autorisations de programme et 82,9 milliards de francs en crédits de paiement, est plus proche du budget 1998 que de celui de 1999. L’érosion des crédits de paiement semble se confirmer : elle atteindra 4,4 % en francs constants par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Mais ils ne régressent que de 1,1 % en francs courants par rapport à l’annuité de la revue des programmes. On peut donc estimer que, dans un mouvement global d’érosion, les hausses de 1996 et 1999 constituaient des rattrapages par rapport aux exercices 1995 et 1998.

      Il faut alors se demander si l’équipement de nos armées s’inscrit toujours dans la programmation 1997-2002, modifiée par la revue de programmes, et si les crédits prévus sont compatibles avec la modernisation des équipements. Ma conclusion est que le budget 2000 n’entre dans le cadre fixé par la revue de programmes que si se confirment les résultats attendus des nouvelles méthodes de gestion et d’exécution des dotations.

      Or les années 1998 et surtout 1999 ont vu une amélioration de l’exécution budgétaire. La gestion des crédits d’équipement est plus dynamique, et devrait permettre cette année le taux de consommation exceptionnel de 96 %. Les reports de charges, déjà ramenés de 3,2 à 2,2 milliards de francs en 1998, devraient connaître en 1999 une nouvelle réduction. Une remise en ordre comptable et financière est poursuivie, avec une réforme de la nomenclature budgétaire, la mise en place de la notion d’opération budgétaire d’investissement, et la procédure de comptabilité spéciale des investissements.

      La maîtrise des programmes est également favorisée par la recherche d’une réduction de leurs coûts, ainsi que par la procédure des commandes pluriannuelles globales. Celle-ci concerne déjà 13 programmes ; on en attend une économie de 5 à 10 % par rapport au mode de commande classique, sous réserve de l’argumentation de notre Président qui a souligné que ces commandes globales ne devaient pas changer d’orientation. Il faut enfin poursuivre trois améliorations : éviter le retour des excès de la régulation budgétaire, conforter le maintien des reports de crédits et de charges à un niveau raisonnable, améliorer la prévision des charges.

      L’avenir des programmes d’équipement est cependant conditionné par plusieurs phénomènes qui appellent un suivi de la Commission. Tout d’abord, la croissance des crédits affectés au BCRD dans le budget de la défense, qui passent de 900 millions à 1,5 milliard de francs, a tendance a masquer la stagnation des crédits consacrés aux études amont, qui conditionnent pourtant le maintien des capacités technologiques. Notre Commission devra donc s’intéresser à la politique des études du ministère, et je vois que M. le Ministre m’approuve.

      En second lieu, la baisse tendancielle des crédits d’équipement est un mouvement de longue durée dont il faut bien mesurer les conséquences. On ne peut résorber l’écart entre les objectifs des lois de programmation et les dotations des lois de finances simplement en augmentant ces dernières. Le renouvellement des matériels ne peut plus se faire au même rythme qu’autrefois. Il faut donc se poser la question : la réalisation des programmes majeurs, telle qu’elle était prévue à une certaine époque, est-elle encore compatible avec le niveau souhaitable des dépenses publiques ?

      Il faut pourtant garantir à la défense un niveau de ressources qui garantisse les choix fondamentaux d’équipement. C’était le sens de la revue de programmes, qui a permis de clarifier les objectifs. Dans ce budget, la préservation des références en termes de contenu physique, marque la volonté de réaliser les programmes prévus, même avec de légers décalages. Ces évolutions conduisent votre rapporteur à plaider pour une révision des analyses du Livre blanc sur la défense.

      La question essentielle reste celle du réalisme des crédits d’équipement. L’amélioration de l’exécution budgétaire, la réforme des méthodes de gestion sont les meilleurs garants de la logique de programmation. A cet égard, nous nous félicitons du dialogue croissant entre le ministère de la Défense et celui des Finances, qui peut conjurer la tendance de certaines administrations à réduire les volumes du budget de la défense. Pour ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits d’équipement des titres V et VI.

      M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la Commission de la Défense pour la dissuasion nucléaire - Ce projet comporte malheureusement une incohérence financière et une incohérence stratégique qui me conduisent à proposer à notre Assemblée une inversion de priorités entre la réalisation du 4ème sous-marin nucléaire lance-engins nouvelle génération et celle d’un 2ème porte-avions.

      L’actuelle loi de programmation comporte une architecture budgétaire cohérente avec les besoins d’équipement. Mais les budgets 1999 et 2000, les annulations de crédits, les transferts du titre V sur le titre III font qu’il manque aujourd’hui à nos armées plus de 50 milliards de francs pour l’équipement de nos forces. Les trois dernières lois de finances n’ont cessé d’amputer le titre V. Celui-ci, en crédits de paiement, n'est d'ailleurs pas à 83 mais à 81,7 milliards de francs, si l’on considère de manière réaliste l’inscription au titre VI de 1,5 milliard de francs de recherches duales. Cette somme ne comporte en effet que 75 millions pour des recherches directement destinées à la défense, le reste étant destiné au CNES, dont l’apport à la défense n’est pas démontré. D’où la question : comment pouvez-vous continuer à lancer les programmes prévus, et diminuer en même temps les crédits qui permettent de les réaliser ? Telle est l’incohérence financière de ce budget.

      Mon rapport démontre, chiffres à l’appui, que cette démarche nous conduit à trois impossibilités. Tout d’abord, nous aurons les plus grandes difficultés à financer la dissuasion nucléaire dans les prochaines années. Ensuite, le budget d’équipement de la Marine sera impossible à financer. Nous sommes en face d’une «bosse financière» que certains spécialistes évaluent à 30 milliards de francs. On ne pourra la résorber simplement par le recours à l’Europe, ou par une meilleure gestion financière. Enfin, l’inscription du 4ème SNLE-NG à ce budget rend impossible à moyen terme le financement d’un deuxième porte-avions. Or celui-ci est indispensable à notre pays, pour les raisons suivantes. La nouvelle doctrine de défense accorde un rôle majeur, à côté de la dissuasion nucléaire, à notre capacité de projection de forces. Cette stratégie repose essentiellement sur le groupe aéronaval. Or, avec un seul porte-avions, celui-ci sera inutilisable 40 à 50 % du temps jusqu'en 2010. Je suggère donc à l’Assemblée de différer la réalisation du 4ème sous-marin, et d’utiliser les crédits ainsi libérés pour engager dès 2000 les études en vue de la réalisation du 2ème porte-avions, dont je propose qu’il soit à propulsion classique.

      Je récapitule les éléments qui m’ont conduit à cette conclusion : l’impossibilité de construire un budget d’équipement pour la Marine dans les années qui viennent, et le fait que le 4ème SNLE n’est pas indispensable, à mon avis, à la crédibilité de notre dissuasion. J’appuie cette affirmation sur le comportement des Européens, la manœuvre nucléaire souhaitable en France dans le moyen terme, et les récents développements du fait nucléaire dans le monde. Par ailleurs la nécessité d’un 2ème porte-avions résulte à mes yeux de trois éléments : les enseignements de la guerre du Kosovo, le problème de la propulsion du porte-avions, et l’insupportable délai d’attente d’une présence raisonnable du groupe aéronaval à la mer. Sur ce point je considère, contrairement au Président Quilès, que la France ne peut s’en remettre pour sa défense à un effort budgétaire que feraient les Anglais pendant que nous ne le ferions pas. Enfin le porte-avions est un élément de la dissuasion nucléaire française même si cet aspect est souvent négligé.

      Pour toutes ces raisons, je ne peux approuver la démarche budgétaire présentée, et je dois m’en remettre à la sagesse de notre Assemblée.

      M. le Président de la Commission - Vous m’avez fait dire quelque chose que je n’ai pas dit. Je n’entends pas que nous nous en remettions aux Britanniques pour notre défense : j’ai simplement dit qu’une concertation avec eux au niveau européen ne serait pas inutile.

      M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la Commission de la Défense pour les crédits de l’espace et des communications - Le conflit du Kosovo a montré que l’espace et les communications étaient des moyens indispensables à l’efficacité de nos forces, et qu’ils contribuaient tout comme la dissuasion à l’indépendance de la France. Ce conflit a validé la pertinence des choix d’équipement effectués ces quinze dernières années.

      Il s’agit des programmes de satellites d’observation Helios I et II, du programme de télécommunications spatiales Syracuse II, des hélicoptères de surveillance du théâtre des opérations Horizon. Cette maîtrise technique et opérationnelle est le résultat d’une politique volontariste reposant sur un effort budgétaire significatif, mais il semble que la tendance soit en train de s’inverser. Je suis donc partagé entre la satisfaction de voir se poursuivre la modernisation du système de communications et de recueil de renseignements et l’inquiétude devant la diminution de 23,8 % des autorisations de programme de l’espace, alors que celles des titres V et VI augmentent globalement de 1,7 %. Certes l’avenir est préservé par l’augmentation des crédits de paiement pour la recherche amont ; par ailleurs, l’augmentation du taux de consommation des crédits est un point positif. Toutefois avec un niveau global de 2,3 milliards de francs de crédits de paiement et un financement du CNES à hauteur de 1,5 milliard de francs de francs, nous sommes arrivés à la limite des ajustements budgétaires compatibles avec la poursuite des programmes spatiaux majeurs.

      Ces réductions successives du budget de l’espace depuis 1998 sont-elles conjoncturelles ou s’agit-il d’une orientation à la baisse durable, ce qui serait en contradiction avec les besoins mis en lumière par le conflit du Kosovo ? L’absence de coopération européenne oblige la France à assumer seule de lourds investissements. On s’oriente ainsi vers un financement purement national pour le satellite Syracuse. On peut s’interroger sur la volonté de nos partenaires d’acquérir une véritable autonomie en ce domaine. Dans la mesure où l’Allemagne et l’Italie semblent préférer les systèmes d’observation radar, ne serait-il pas opportun d’envisager une coopération avec ces pays pour le programme Helios II et pour le développement du petit satellite radar qui a fait défaut dans le conflit du Kosovo ? Le renforcement des capacités industrielles européennes dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace offre à cet égard de bonnes opportunités.

      Il n’empêche que la réduction des crédits de l’espace intervient à un moment où il conviendrait plutôt de les consolider, comme l’a montré le récent conflit du Kosovo. Je m’inquiète ainsi de voir que le remplacement des drones perdus n’est pas prévu.

      Au-delà de ces remarques, je suis d’avis d’adopter les crédits de la défense consacrés à l’espace et aux communications car je constate un réel effort budgétaire dans ces différents domaines.

      M. Yann Galut, rapporteur pour avis des crédits de l’armée de l’Air - Avec 34,5 milliards de francs, le budget de l’armée de l’Air est en diminution de 3,6 % par rapport à l’an dernier. Le titre III, avec 15,7 milliards de francs, augmente de 0,8 % tandis que le titre V diminue de 6,9 % pour les crédits de paiement, fixés à 18,8 milliards de francs, et de 10,3 % pour les autorisations de programme, qui s’élèvent à 18,2 milliards de francs.

      Au titre III il faut saluer l’achèvement réussi de la professionnalisation. Fin 2000 les effectifs de l’armée de l’Air atteindront en effet, à 1 % près, les chiffres prévus pour 2002. Les 5 938 appelés ne représenteront plus que 8 % de l’effectif, alors qu’ils étaient 32 000, soit un tiers des effectifs, en 1996. 270 postes de sous-officiers seront transformés en emplois de militaires du rang, et dans les zones où le personnel civil manque, il sera recouru à la sous-traitance.

      Autre élément remarquable, le budget de fonctionnement est en équilibre dès le ler janvier, et non à l’occasion du collectif de fin d’année. Avec 1,63 milliard de francs, de francs il est en hausse de 12,7 %, ce qui permettra notamment de doubler la participation aux grands exercices internationaux dont le conflit du Kosovo a montré la nécessité.

      Il faut saluer aussi les efforts d’amélioration de la gestion, notamment le dispositif interarmées de gestion des rechanges aériens, qui doit entraîner des gains importants. Du reste, alors que les opérations militaires ont été exclusivement aériennes, l’armée de l’Air n’a occasionné que 17 % des surcoûts financés par décret d’avance au titre des opérations extérieures. Il est vrai que certaines missions en zone hostile n’ont pas été considérées comme opérations extérieures parce que les appareils avaient décollé de France.

      En ce qui concerne les équipements financés par le titre V, le conflit du Kosovo a montré la validité des orientations choisies : je citerai la souplesse d’utilisation des Mirage 2000 D le caractère adéquat de l’armement air-sol modulaire, l’interopérabilité des Awacs et la valeur de nos capacités de renseignement stratégique et tactique. Ces opérations valident également le choix du Rafale comme avion d’armes futur de l’armée de l’Air.

      Les quelques difficultés d’ajustement rencontrées ont pu être résolues dès les premières semaines - je pense au nombre optimal de pods laser par appareil ou au problème du transport des bombes de 250 kilos par les Mirage 2000 D.

      Si les orientations nous paraissent satisfaisantes, en revanche, l’évolution quantitative du budget est quelque peu décevante. C’est un paradoxe, à un moment où l’arme aérienne apparaît de plus en plus comme l’outil de gestion des crises et conflits et où, pour la première fois, la victoire a pu être obtenue sans engagement terrestre. La diminution des autorisations de programme a obligé à reporter la deuxième commande groupée d’avions Rafale et le futur avion de transport militaire n’est pas financé. Mais, Monsieur le Ministre, vous nous avez apporté à ce sujet une première réponse satisfaisante.

      L’expérience du Kosovo, comme les évolutions de l’Europe de la sécurité et de la défense -je pense à la constitution du groupe aérien européen-, forment un contexte nouveau. En y faisant référence, le Premier Ministre a annoncé, devant l’IHEDN, la préparation d’une nouvelle loi de programmation militaire, « qui donne corps à nos priorités nationales tout en contribuant à la construction d’un outil de défense européen ». C’est à partir d’une réflexion d’ensemble sur le rôle actuel et futur de l’arme aérienne que devront être arrêtés la définition et le volume des équipements nécessaires et donc de son futur budget.

      M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis du budget de l’armée de Terre - Le budget 2000 de l’armée de Terre est conforme à la loi de programmation militaire, comme l’a reconnu son chef d’état-major, le général Crène.

      Le titre III est en légère progression, ce qui permettra une augmentation des jours d’entraînement.

      Le titre V est en diminution de 3,8 % en crédits de paiement, ce qui obligera à une gestion très tendue et confirme la nécessité d’un véritable plan de transition en ce qui concerne les emplois. Les autorisations de programme augmentent en revanche de 13 %, ce qui est bon signe.

      Je voudrais m’arrêter sur deux points prioritaires.

      Au titre III, nous sommes inquiets du déficit en personnels civils qui est actuellement de 11 %, soit environ 3 700 personnes. Le ministère des Finances bloque actuellement toute embauche d’ouvriers d’Etat en raison des excédents de personnels à la DGA, à la DCN et à GIAT Industries. Mais comme les civils ne sont pas soumis à l’obligation de mobilité, de nombreux régiments sont déficitaires. Il devient donc urgent d’obtenir de Bercy de nouvelles dérogations à l’interdiction d’embauche pour les postes géographiquement difficiles à pourvoir et de développer des mesures d’incitation pour favoriser le redéploiement des personnels des établissements excédentaires. La sous-traitance ne peut être une solution durable pour l’armée. Il faut lui garantir des conditions de fonctionnement normales pour qu’elle soit en mesure d’exécuter les missions qui lui sont confiées.

      Je m’arrêterai également quelques instants sur le titre V. Le programme du char Leclerc se poursuit normalement, et fin 2000, l’armée en possédera 233. Cet engin est apprécié pour sa mobilité et sa puissance et a donné entièrement satisfaction au Kosovo, où il a joué un rôle de dissuasion.

      Mais les préoccupations de l’armée de Terre concernent les véhicules de combat d’infanterie. Après l’échec des tentatives de coopération européenne qui ont fait perdre beaucoup de temps, la DGA a lancé un appel d’offres. Les bonnes performances du char Leclerc me conduisent à penser que son fabricant GIAT Industries, est le mieux placé pour enlever ce marché. Cette entreprise a des atouts pour devenir un leader de l’armement terrestre en Europe et c’est le moment de lui donner le coup de pouce industriel nécessaire, y compris en anticipant des commandes pour le Leclerc et le Caesar.

      D’une manière générale, il serait souhaitable que notre assemblée débatte de l’avenir de l’industrie d’armement. Comme notre Président, je soutiens ardemment l’idée d’une mission d’information, qui a été réclamée par les syndicats. Dans le même esprit, le Parlement devrait être associé à chaque étape de la réflexion sur la nouvelle loi de programmation militaire.

      M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine - Je ferai quatre remarques principales sur le budget de la Marine et quelques observations sur la DCN.

      La Commission constate qu’après une augmentation en 1999 le budget de la Marine est réduit de 2,7 %, soit une diminution plus forte que l’ensemble du budget de la défense. La part de la Marine dans le budget de la défense passe de 17,85 % à 17,56 %, prolongeant une tendance ancienne et préoccupante.

      Seconde observation, la répartition entre les titres -près de 40 % pour le titre III et 60 % pour les titres V et VI- confirme que la Marine est essentiellement une armée d’équipement. Les crédits prévus pour les dépenses ordinaires garantissent la poursuite de la professionnalisation et une amélioration des dotations de fonctionnement. La gestion des personnels continuera cependant à rencontrer certaines difficultés, comme l’accueil des personnels de la DCN, qui a atteint ses limites, ou l’équilibre entre les départs et les recrutements.

      Les dépenses en capital subissent, elles, une diminution sensible - 4,4 % - en crédits de paiement et 21,2 % en autorisations de programme. Certes, elles permettront la mise en service opérationnel du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, la poursuite du programme d’armements antiaériens PAAMS et le lancement de la première frégate Horizon. Mais le programme de renouvellement d’équipements majeurs pourrait en être compromis. Je m’interroge notamment sur la possibilité de commander le premier NTCD au second semestre 2000.

      Ce projet de budget correspond au modèle déterminé il y a quatre ans et revu en 1998, fondé sur une réduction de 20 % du format de la Marine. Cependant, la diminution des dotations budgétaires ne peut perdurer et les incertitudes actuelles devront être levées lors de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire. Sinon nous ne pourrons maintenir le modèle que nous souhaitons et il faudrait, dès lors, avoir l’honnêteté de le reconnaître. Nous appelons donc votre attention sur cette évolution inquiétante.

      J’en viens maintenant à un sujet d’actualité, mais dont nous débattons aussi depuis longtemps ensemble, Monsieur le Ministre : je veux parler de l’évolution de la DCN. Des progrès incontestables ont été enregistrés depuis quelques années avec la création de DCN International, avec la séparation des services étatiques et des services industriels, avec le rapatriement de la sous-traitance et avec la mise en œuvre dès cette année du projet comptable et financier du plan d’entreprise. En outre, la DCN est parvenue à réduire ses effectifs d’un tiers en six ans pour s’adapter à la réduction des commandes de l’Etat. Cependant, je suis préoccupé de voir que, tout en étant soumise à une exigence de compétitivité accrue, elle demeure enserrée dans des règles administratives contraignantes. L’affaire de la plate-forme SFX de Brest et celle du sous-marin Scorpène ont montré combien cela représentait un handicap pour les exportations. Vous avez certes annoncé que la DCN allait être transformée en service à compétence nationale mais je mesure mal la portée de cette mutation, à moins que vous ne garantissiez la recapitalisation de DCN International et l’application de la directive « Réseaux » à la passation des marchés ou une alliance avec des partenaires extérieurs. Sans ces trois mesures, je crains que les difficultés ne demeurent et c’est pourquoi j’étais favorable à une transformation en établissement public, qui aurait constitué un encouragement au personnel ainsi qu’aux partenaires extérieurs potentiels. Il en va en tout état de cause de la préservation de capacités technologiques exceptionnelles, à un moment où des groupes importants se constituent en Grande-Bretagne ou autour de l’Allemagne. La DCN ne doit pas rester figée, il faut qu’elle ait les moyens de participer au mouvement général.

      Au bénéfice de ces observations, la Commission a donné un avis favorable au projet de budget de la Marine.

      M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie - Je noterai d’emblée que les crédits alloués à la Gendarmerie atteindront un niveau satisfaisant en 2000 : s’établissant à un peu plus de 23 milliards de francs, ils progresseront de 515 millions, soit 2,28 %. Les dépenses consacrées aux rémunérations et aux charges sociales croîtront de 2,2 % ce qui correspond aux besoins mesurés cette année ; les effectifs militaires et civils augmenteront de 577 unités et les prévisions de la loi de programmation pourront ainsi être tenues.

      Parmi les mesures spécifiques, je note l’accroissement de la dotation destinée aux réserves, pour 17 millions, ainsi que l’apparition d’une indemnité liée à l’appel de préparation à la défense, pour 2,3 millions. En outre, 10 millions iront à la création de 50 emplois de sous-officiers placés près des pelotons de Gendarmerie d’autoroute.

      Tout cela est positif, mais il me faut aussi mentionner certains motifs d’inquiétude. Je note ainsi un léger décalage entre un budget globalement favorable et la perception qu’ont les personnels de leur situation. Un sondage réalisé en novembre 1998 a montré que le moral des 2 550 militaires interrogés n’était pas des meilleurs. On peut y voir l’effet des conflits avec certains syndicats de police, des difficultés liées au remplacement des sous-officiers chargés de missions de soutien et de la décision d’obliger à une mutation au bout de quatre ou cinq années dans le même poste. Je dois également noter que les gendarmes ont dû effectuer en 1998 des journées de travail de neuf heures douze en moyenne, ce qui n’est pas loin des neuf heures seize enregistrées en 1989, où la charge fut particulièrement importante. On voit qu’on est loin ici des 35 heures ! Quant aux gendarmes mobiles, ils auront travaillé cette année pendant quelque 210 jours.

      A leur propos, il me semblerait nécessaire de faire le point l’an prochain sur la fidélisation des escadrons.

      Les crédits de fonctionnement croissent de 1 % seulement, ce qui est un autre grand sujet d’inquiétude. Le fait de reconduire le retrait de 60 millions de francs de crédits décidé en 1998 au titre des économies constatées va obliger la Gendarmerie à des mesures d’autorégulation qui risquent d’être préjudiciables au bon fonctionnement des brigades.

      Il me semble par ailleurs qu’une réforme du transfèrement permettrait de dégager un millier de postes. Une réactualisation du rapport Fouchier de 1995 paraîtrait donc opportune.

      La Gendarmerie se féminise trop lentement. Outre qu’il conviendrait d’autoriser l’emploi du nom « gendarme » au féminin pour éviter l’appellation étrange « un gendarme auxiliaire féminin », on ne compte aucune femme parmi les 31 généraux de Gendarmerie ; elles sont seulement 8 en face des 999 capitaines hommes, et 9 face aux 918 lieutenants hommes. Je sais que le temps n’est plus aux quotas, mais il conviendrait sans doute d’accélérer cette féminisation.

      Ce budget étant, je le répète, globalement satisfaisant sous réserve de réajustements d’effectifs, j’en proposerai donc l’adoption.

      M. Michel Meylan, rapporteur pour avis sur les services communs - Pour décrire l’adaptation des services communs à la transformation de notre modèle d’armée, je m’en tiendrai à l’analyse de la situation de 4 d’entre eux : la Délégation générale pour l’armement
      – DGA -, le Service de santé, le Service des essences et la Délégation à l’information et à la communication de la défense.

      La réforme de la DGA s’effectue progressivement, mais non sans mal. Ainsi, au début de cette année, l’installation du nouvel outil informatique s’est traduite par un arrêt total des engagements et des paiements. Au 30 juin, le montant des mandatements n’atteignait que le quart du niveau constaté pour l’ensemble de 1998. Il faut espérer que, comme il y a deux ans, ce retard sera comblé et je souhaite donc, Monsieur le Ministre, que vous me confirmiez que les mesures nécessaires seront prises.

      En vue de rénover ses relations avec les industriels de l’armement, la DGA souhaite mettre systématiquement ceux-ci en concurrence. A l’heure où les concentrations se multiplient, on peut s’interroger sur l’application de ce principe. La DGA reconnaît elle-même que 80 % des marchés sont notifiés sans mise en concurrence préalable. En réalité, la vraie question est celle de la sous-traitance et l’on ne peut que souhaiter que le plan d’acquisition des sous-équipements par les grandes entreprises devienne l’un des critères de choix dans la notification des marchés.

      La politique des commandes globales est en plein développement. Cependant, on peut se demander si le niveau des autorisations de programmes en 2000 permettra de tenir un objectif ambitieux.

      S’agissant enfin du statut de cette délégation et de son éventuelle transformation en service administratif à compétence nationale, j’insiste pour que l’on pose la question du périmètre optimal.

      Le Service de santé des armées poursuit la déflation de ses effectifs et se rapproche de l’objectif de 13 500 personnes arrêté pour 2002. On constate cependant des tensions persistantes en ce qui concerne les médecins des armées, tensions qui ne peuvent que s’aggraver avec la disparition des derniers médecins issus du contingent. Il conviendrait de rendre le métier plus attractif.

      D’autre part, ce Service a participé cette année à de nombreuses opérations extérieures et humanitaires, ce qui a eu des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers. Pourrions-nous avoir des précisions à cet égard ? Le fait que les surcoûts liés à ces opérations n’aient pas été pris en compte dans le projet de budget me paraît d’autre part une carence regrettable. Le problème est d’ailleurs le même pour le Service des essences.

      Enfin, pour la Délégation à l’information et à la communication de la défense, qui a remplacé le SIRPA en 1998 se posent non seulement la question de la formation du personnel mais aussi celle de la création d’une filière d’experts. On ne peut se contenter de suivre l’évolution, il faut la devancer en élaborant une stratégie.

      Compte tenu de toutes ces observations, vous comprendrez, Monsieur le Ministre, que j’aie décidé de m’abstenir sur le vote de ces crédits.

      M. le Président de la Commission - Il apparaît bien difficile de mesurer le temps accordé aux rapporteurs pour avis. Or ils sont particulièrement nombreux. Il conviendra peut-être de leur demander de se limiter à un ou deux points seulement la prochaine fois mais, pour aujourd’hui, on ne pouvait guère agir autrement puisque cette réunion n’a encore qu’un caractère expérimental.

      M. le Ministre - Il convenait en effet de roder la formule et, pour ma part, je juge que l’expérience est positive. Je militais d’ailleurs depuis longtemps pour une diversification des modalités d’examen du budget.

      Le débat a en tout cas montré le caractère dynamique de la collaboration nouée avec les parlementaires. Je me bornerai ici à répondre à des questions ponctuelles, réservant le reste pour l’examen en séance publique.

      M. Charasse a posé la question d’une autorisation de recrutement complémentaire en fin d’année. Sans doute y parviendrons-nous.

      M. Michel a eu l’amabilité de mentionner les progrès accomplis dans la réalisation des budgets. Je saisis l’occasion qui m’est ainsi offerte de féliciter tous les personnels qui ont œuvré à cette fin, n’hésitant pas à se rendre encore plus disponibles que de coutume. Il est vrai, aussi, que l’amélioration de la consommation des crédits ainsi constatée signifie que tout décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement sera désormais impossible. Je confirme par ailleurs souhaiter voir s’instaurer un partenariat souple entre une émanation de votre Commission et la DGA sur la politique des études.

      Contrairement à ce qu’a dit M. Galy-Dejean, je ne pense pas que notre porte-avions sera indisponible, comme il l’avance, de 50 % de la durée de la décennie : ce n’est pas réaliste. Son point de vue est intéressant, mais on ne peut concevoir la défense comme un jeu de Lego, et supprimer un équipement pour le remplacer par un autre.

      M. René Galy-Dejean - Ce n’est pas ce dont il s’agit !

      M. le Ministre - Je suis heureux qu’après en avoir parlé avec le Président de la République, le Premier Ministre se soit déclaré d’accord pour mettre en chantier une nouvelle loi de programmation militaire. C’est presque un luxe que le temps qui nous est ainsi accordé. Cela permettra à notre réflexion de progresser et il va sans dire que j’utiliserai cette durée pour évoquer, avec mes homologues, la politique d’équipement commune et, notamment, l’éventualité du lancement d’un deuxième porte-avions dans le cadre de l’Union. Dans ce domaine aussi, l’harmonisation devrait être la règle… De toute évidence, la question d’un second porte-avions se pose. Je note cependant que M. Galy-Dejean a évolué depuis qu’en 1995 il proposait de le supprimer… Peut-être nous fera-t-il de nouvelles propositions l’année prochaine ? (Sourires)

      M. Grasset a, quant à lui, mentionné les drones. On ne peut dire, à la lecture du projet, que le renseignement soit négligé. Mais la question sera abordée à nouveau dans le cadre européen, un consensus s’étant dégagé sur la nécessité de capacités communes en la matière. Une génération nouvelle de satellites radars pourrait donc être envisagée en coopération avec nos amis italiens et espagnols.

      J’ai apprécié le rapport de M. Galut, comme ceux de ses collègues. Il s’inquiète des fluctuations du prix des carburants, notamment dans l’armée de l’Air. Il est vrai que cette armée, payant de faibles taxes, est, plus que d’autres, confrontée à la volatilité des prix du pétrole. Toutefois, les adaptations se sont faites sans difficulté en 1999 et rien ne permet de penser qu’il en ira autrement en 2000, même s’il est difficile de faire des prévisions sur le prix futur du baril. Je souhaite par ailleurs tempérer sa préoccupation au sujet du Rafale. Non, le report à 2001 des options n’est pas artificiel puisque, lorsque la commande avait été passée de 48 de ces aéronefs, il était précisé que la commande ferme portait sur 28 appareils et que les 20 autres faisaient l’objet d’une option jusqu’à 2001. Il y aura donc un creux en 2000, mais il était prévu et le programme d’équipement n’est pas ralenti pour autant.

      M. Sandrier a centré son propos sur le sous-effectif du personnel civil de l’armée de Terre et sur le défi que constitue le prochain véhicule d’infanterie. Il nous faudra en effet combler les vacances de postes. La sous-traitance, à elle seule, ne suffit pas, et des concours seront organisés fin 1999 et en 2000. Il nous faudra, d’autre part, prendre des mesures favorisant la mobilité. Je suis ouvert à un dialogue avec votre Commission à ce sujet. Je note, d’autre part, que M. Sandrier demande que la fabrication du nouveau VCI soit accélérée. Il sait les difficultés de la coopération européenne dans ce domaine, et nous devrons nous servir de la commande française pour améliorer notre potentiel. De toute évidence, nous aurons l’occasion d’aborder à nouveau cette question.

      M. Le Drian a mentionné la réduction des crédits de la Marine. Je tiens à souligner qu’elle est réelle mais momentanée. De plus, entre les autorisations de programme prévues et les autorisations de programme à venir, c’est de 37,8 milliards de francs que disposera cette armée, ce qui représente 22 mois de crédits de paiement. C’est dire qu’il n’y a pas de risque de freinage. Le programme Horizon, en particulier, a été engagé, de même que 13 des programmes prévus en coopération avec nos partenaires européens, sur les 23 initialement prévus. 35 % du prix du bâtiment est consacré aux missiles, et cette partie du programme demeurera commune à trois pays. Quant à la coque, elle continuera d’être fabriquée avec les Italiens. Les TCD feront l’objet de très faibles commandes en 2000, mais les reports prévus permettront sans doute une rallonge. Quoi qu’il en soit, notre défense a un besoin impératif de cette nouvelle génération de navires, dont la fabrication aura bien lieu.

      J’ai noté que M. Le Drian formulait, sur la DCN, des propositions qui contrastent avec celles du Gouvernement. Je ne les pense cependant pas incompatibles. La DCN doit être restructurée car elle ne trouvera pas de partenaire industriel aussi longtemps que les problèmes de surcoût et de productivité n’auront pas été résolus. Mon intention est, par ailleurs, d’obtenir la modification des règles de passation des marchés en ce qui la concerne.

      Comme l’a souligné M. Lemoine, les gendarmes souffrent d’une surcharge de travail. Une session du Conseil de la fonction militaire sera organisée, au cours de laquelle des mesures seront proposées pour alléger cette charge, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur pour ce qui concerne les gardes statiques. L’insuffisante féminisation des cadres de la Gendarmerie est, en effet, un motif d’insatisfaction, mais l’on sait quel frein ont constitué les quotas. Les femmes seront encore faiblement représentées au sein des gradés de la Gendarmerie pendant quelques années, mais la politique actuelle de recrutement de ce corps tient compte du nouvel objectif qui a été fixé.

      Je remercie M. Meylan de l’appréciation qu’il a portée sur le projet. Je pense, comme lui, que la sous-traitance représentera l’un des principaux leviers de la nouvelle politique du ministère, qui vise à améliorer l’efficacité et les coûts. La DGA devra donc la favoriser et le ministère des Finances s’y est engagé. Quant aux tensions dans le service de santé, elles ont été soulignées à juste titre. Si la carrière des médecins militaires demeure attrayante, il nous faudra toutefois offrir aux jeunes médecins déjà formés des contrats plus incitatifs afin que ce service conserve son rôle éminent.

      M. le Président de la Commission - Je donne à présent la parole aux représentants des groupes politiques, en commençant par M. Lellouche, pour cinq minutes environ.

      M. Pierre Lellouche - Le projet de budget de défense que vous nous proposez est, et je pèse mes mots, tout simplement irrecevable. En apparence, il semble moins éloigné de la loi de programmation que celui de l’année dernière. Mais, en réalité, avec des crédits de paiement en diminution de 3,5 % et 87,8 milliards de francs d’autorisations de programme, il obère la plupart des programmes clefs d’équipement de nos armées, qui ne sont pas financés.

      Après «l’encoche» et la «revue des programmes» ce projet aurait dû, compte tenu de vos propres engagements et d’une conjoncture économique exceptionnellement favorable, être celui du rattrapage. Il marque au contraire une étape supplémentaire dans un processus d’effritement systématique, inexorable, et soigneusement camouflé. Au nom du groupe RPR, j’accuse donc (Protestations) votre Gouvernement de briser le consensus qui devrait présider à l’élaboration de la politique de défense nationale et de compromettre gravement l’efficacité de nos forces alors que les conflits régionaux se multiplient, que les armes de destruction massive prolifèrent et que nos forces armées sont engagées de plus en plus fréquemment dans des opérations humanitaires ou de maintien de la paix. Ce faisant, votre Gouvernement condamne l’édification d’un véritable pôle européen de défense capable de rééquilibrer l’Alliance atlantique et de contrebalancer l’hyperpuissance américaine.

      Ni les rentrées fiscales exceptionnelles de 1999, ni la hausse record des prélèvements obligatoires ne vous ont donc suffi pour remplir votre mission essentielle, qui est de garantir la souveraineté de l’Etat. Où va l’argent ? Non pas à assurer la sécurité de la France, mais à satisfaire un éventail de promesses électorales qui, des emplois-jeunes à la CMU en passant par la réduction du temps de travail, totaliseront 170 milliards de francs de dépenses annuelles supplémentaires. 170 milliards de francs, ce sont deux annuités du budget d’équipement de toutes nos armées, ou encore 10 porte-avions !

      Faute de temps, puisque la nouvelle procédure budgétaire que vous nous avez imposée nous contraint à un débat que le Président de la Commission a lui-même qualifié de «pâteux» mais que je dirai plutôt «cotonneux»…

      M. le Président de la Commission - Cette procédure nouvelle n’a pas été imposée, mais acceptée par le Bureau de l’Assemblée.

      M. Pierre Lellouche - Cette formule n’est pas satisfaisante, chacun peut le constater, et je puis vous assurer que le groupe RPR y est opposé. Quoi qu’il en soit, je me contenterai de donner quelques exemples illustrant les engagements politiques pris par le Premier Ministre et par vous-même, Monsieur le Ministre.

      Côté pile, le Premier Ministre déclarait, le 22 octobre, devant l’IHEDN : que « La puissance des nations reste au cœur des préoccupations de tout responsable d’Etat. Comme chef du Gouvernement, responsable selon la Constitution de la défense nationale, je mets cette question au cœur de ma réflexion. Pour la première, fois, une loi de programmation militaire -celle de 1997 à 2002- trouve sa traduction budgétaire dans la durée. Chaque année le Gouvernement a veillé à doter le ministère de la Défense des moyens financiers et des effectifs nécessaires pour mener à bien cet exercice ». Côté face maintenant, d’encoches en annulations, de transferts du titre V au titre III en crédits non consommés, les armées ont été amputés depuis 1997 de 50 milliards de francs en crédits de paiement, de 59 milliards de francs même si l’on inclut les annulations dues aux opérations extérieures non financées ainsi que l’inscription, pourtant normalement exclue, de dépenses civiles de recherche développement au budget de la défense, soit au total 11 % des dotations prévues dans la loi de programmation.

      Côté pile, à nouveau M. Jospin : «Il nous semble important de développer les capacités européennes dans les domaines où elles manquent le plus cruellement : renseignement, commandement et contrôle, mobilité stratégique. Pour agir, l’Union européenne doit pouvoir s’appuyer sur des capacités nationales et multinationales de commandement et de projection». Mais côté face, il manque 18 milliards de francs pour réaliser les engagements des programmes Rafale, NH 90, et M 51 pour 2001 , alors que le futur Airbus militaire, pourtant essentiel à notre mobilité stratégique, n’est nullement lancé. Or à lui seul ce programme coûtera 20 milliards de francs.

      Côté pile, M. Jospin toujours : «Nous devons aussi renforcer nos moyens de contrôle et de commandement, notre capacité autonome à apprécier les situations. Lors du conflit du Kosovo, un certain nombre de technologies ont fait défaut». Bon diagnostic. Mais est-ce pour cela que, côté face, le budget spatial de nos armées est littéralement sacrifié cette année encore avec 25 % d’autorisations de programme et 15 % de crédits de paiement en moins, sans compter le transfert de 1,5 milliard de francs au CNES ? A eux seuls, les transferts au BCRD -50 millions en 1998, 900 en 1999 et 1,5 milliard de francs en 2000- représentent trois fois le financement d’Helios II et dix fois celui de Syracuse II. Est-ce à cause du Kosovo, de l’ambition américaine de dominer tous les secteurs spatiaux que nous avons gelé nos programmes en ce domaine ?

      Côté pile, M. Jospin ajoutait que l’investissement technologique pourrait être accentué sur les drones. Est-ce pour cela que, côté face, les 5 drones perdus au Kosovo ne sont pas remplacés ?

      Côté pile, Lionel Jospin encore : «Le Kosovo a mis en évidence le déséquilibre entre les moyens des Européens et ceux des Américains». Est-ce pour cela que, côté face, l’armée de l’Air, grand vainqueur de la guerre, voit ses crédits fondre cette année, ses commandes de 12 Rafale repoussées à 2001 et l’ATF renvoyé aux calendes ? Est-ce pour cela qu’elle n’obtient qu’un seul avion neuf cette année et, que, aux deux tiers de la loi de programmation, 90 avions de combat de la dernière génération sont disponibles, sur les 300 prévus ?

      A l’instar de nos chefs d’état-major, dont je salue la franchise et le sens des responsabilités, je pourrais continuer encore longtemps cette triste énumération, invoquer le vieillissement inquiétant de notre flotte, relever l’état préoccupant de nos stocks de munitions qui nous a conduits à en acheter aux Etats-Unis en pleine guerre du Kosovo, noter la durée d’entraînement trop brève de nos forces terrestres.

      La cohérence stratégique et opérationnelle de nos armées, régulièrement rappelée par les plus hautes autorités de l’Etat, n’est tout simplement plus garantie par l’effort financier consenti par le Gouvernement. Nous sommes tout près du point de rupture entre les sollicitations liées au contexte stratégique de l’après-guerre froide -60 interventions depuis 1990, plus de 20 000 hommes hors métropole dont 8 500 dans la seule ex-Yougoslavie-, les ambitions de notre mission dans le monde, et la triste réalité de nos moyens.

      Je vous donne acte, Monsieur le Ministre, que la professionnalisation souhaitée par le Président de la République est en train d’entrer dans les faits, les dépenses de fonctionnement étant à peu près financées. Mais professionnalisation ne signifie pas désarmement unilatéral de nos forces ! (Exclamations) A moins que votre vision de la République soit celle d’une société d’assistés que protégerait une milice de mercenaires (Vives exclamations) mal équipés et mal armés. (Protestations et rires) Telle n’est pas notre conception de la défense nationale. Aussi le groupe RPR ne votera-t-il pas ce budget.

      Au lieu de rire, Monsieur le Ministre, vous feriez mieux de me répondre par des chiffres !

      M. le Président de la Commission - Qu’il n’y ait pas de malentendu : cette formule expérimentale a été voulue, même si le groupe RPR s’y est opposé, par le Bureau de l’Assemblée nationale. A l’évidence, il y a des choses satisfaisantes et d’autres qui le sont beaucoup moins. Ainsi, je ne suis pas satisfait par la litanie des 11 rapports, dont 3 ont été d'ailleurs présentés par des députés de l’opposition, ce qui montre, Monsieur Lellouche, que chacun peut s’exprimer. M. Poujade m’a fait parvenir une proposition que je soumettrai à la Commission afin que l’an prochain la présentation orale des rapports soit réduite à sa plus simple expression et que la discussion s’engage ainsi plus vivement.

      M. Paecht - A condition qu’on ait les textes…

      M. le Président de la Commission - J’ai expliqué que c’est le Règlement de notre Assemblée qui empêche que les documents soient publiés sans qu’ils incluent les débats en commission. Peut-être faudrait-il changer le Règlement ?

      M. Guy-Michel Chauveau - Je ne reviendrai pas sur les analyses qui ont déjà été faites, il va de soi que je ne partage pas la dernière, mais ne dit-on pas que tout ce qui est excessif est insignifiant ?

      M. Galy-Dejean a eu raison de ne pas remonter trop loin, cela évite de rappeler le trou de 20 milliards de francs de 1995…

      Notons par ailleurs que le débat sur la dissuasion nucléaire n’est pas d’actualité.

      L’année dernière, après une revue de programmes intégrant les diverses évolutions stratégiques, nous avions pris acte des ajustements opérés, dont certains restent à confirmer, en particulier en ce qui concerne nos capacités de projection. Dans le conflit du Kosovo, la France a apporté une contribution significative aux opérations aériennes et les parlementaires de notre groupe comme de tous les autres ont rendu hommage à l’action des personnels, qui demeure encore difficile dans le cadre de la reconstruction de la région. Toutefois, des insuffisances sont apparues et il nous appartient de les analyser sereinement dans l’optique de la prochaine loi de programmation.

      Il faut insister sur la volonté politique de la plupart des gouvernements de faire progresser une Europe de la sécurité et de la défense. Après les sommets de Saint-Malo, Berlin, Toulouse, Brême, Cologne, des avancées considérables ont été enregistrées. Il serait intéressant, Monsieur le Ministre, que vous fassiez devant nous un état des lieux et que vous traciez les perspectives.

      Le renforcement de l’Europe de la défense passe par une attitude pragmatique comme la vôtre. Il faut d’abord tenir compte des évolutions des modèles d’armées et des coûts induits. Le Premier Ministre a indiqué devant l’IHEDN, on l’a dit, les objectifs de l’architecture européenne de défense. Il a défini les organes nécessaires à la prise de décisions collectives, identifié les outils militaires permettant de mettre en œuvre les engagements souscrits à Cologne, souhaité un développement des activités européennes dans les domaines du renseignement, du commandement, du contrôle et de la mobilité stratégique. Il a recommandé la création des organes politiques et militaires appropriés : comité politique et de sécurité, comité militaire européen, états-majors européens. Lundi dernier, la Finlande, qui préside actuellement l’Union européenne, a proposé la création d’un comité militaire pour la gestion des crises. La France pour sa part soumet depuis plusieurs semaines un plan d’action à ses partenaires. Là aussi, nous aimerions un bilan d’étape.

      La France a signé le 6 juillet 1998 avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Suède, le Royaume-Uni, une lettre d’intention qui fixe un calendrier des objectifs en matière de sécurité des approvisionnements, de procédures d’exportation, de sécurité de l’information, de recherche et de technologie, de traitement et d’harmonisation des informations. Où en sommes-nous de cette procédure très importante ?

      La France entend donc que la construction de l’Europe de la défense soit la plus rapide possible. La prochaine présidence française de l’Union lui permettra d’y contribuer davantage. Les Européens doivent être en mesure de décider et de conduire des opérations militaires de type Petersberg. Vous-même, Monsieur le Ministre, releviez il y a peu « un manque relatif de volonté politique de la part des Européens » à développer leurs propres moyens militaires, ajoutant qu’il était essentiel de « trouver les moyens qui permettront à l’Europe de gérer les crises régionales et de donner le choix aux Etats-Unis de participer ou non ».

      Comme l’a rappelé le Président de la Commission de la Défense, toutes ces initiatives bouleversent le cadre institutionnel d’une politique de défense jusque là limitée à la coopération industrielle. En septembre 1998, vous avez signé avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie une convention qui permet à l’OCCAR de recevoir des engagements pluriannuels des Etats et de passer en leur nom les contrats pour les programmes qui lui sont confiés. Une dynamique est enclenchée et, avec les restructurations européennes, en particulier la création d’EADS, d’autres partenaires, comme l’Espagne et les Pays-Bas, frappent à notre porte. Un tel outil est d’autant plus nécessaire qu'en cet automne, la poussée des nouvelles sociétés est aussi rapide que celle des champignons. Après la restructuration électronique autour de Thomson-CSF, le regroupement des activités satellites au sein d’Alcatel-Space, la naissance d’Aérospatiale Matra a confirmé notre volonté politique. Si l’on y ajoute les autres accords conclus, on ne peut que se réjouir d’une telle politique industrielle.

      La question des moyens affectés aux différents budgets de défense est aujourd’hui la plus importante. Les budgets des pays européens membres de l’OTAN représentent 170 milliards de francs de dollars pour des effectifs de 2,3 millions de personnes. Le budget américain est lui de 270 milliards de francs de dollars pour 1,5 million de personnes. Les budgets d’investissement européens atteignaient 40 milliards de francs de dollars en 1998 contre 80 milliards de francs pour les seuls Etats-Unis. Or compte tenu de l’orientation de plusieurs Etats vers la professionnalisation des armées, les budgets ne pourront pas être maîtrisés, l’exemple de la France le montre...

      M. Pierre Lellouche - Ah !

      M. Guy-Michel Chauveau - Parfaitement, cela coûtera plus cher que ce que vous aviez annoncé en 1995 !

      On voit mal dans ces conditions comment seraient dégagées des marges de manœuvre supplémentaires pour la modernisation de l’outil militaire. Des complémentarités devront donc être obligatoirement recherchées tant pour le fonctionnement que pour l’investissement.

      Je veux enfin revenir sur la non-ratification par les Etats-Unis du traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

      M. Jean Michel - Scandaleux !

      M. Guy-Michel Chauveau - Cela souligne l’unilatéralisme de l’hyperpuissance que sont les Etats-Unis. Depuis 1990, avec nos alliés, tous nos efforts communs visaient à un traitement politique de la non-prolifération, ce qui nous conduisait à soutenir de toutes nos forces la reconduction du traité de non-prolifération et du traité d’interdiction des essais. C’est toute cette politique que vient à mettre à mal le Sénat américain, sans qu’à aucun moment la voix des Européens soit entendue.

      Cette décision fait peser une vraie menace sur notre sécurité. Il ne saurait y avoir, pour la France et pour l’Europe, de réponse militaire au risque de prolifération. Les mesures de rétorsion par des frappes préventives déstabilisent la sécurité internationale et le projet de bouclier anti-nucléaire que les Américains ne tarderont pas à vanter à nouveau reste un mythe, car un seul missile suffit à rendre le concept inefficace. La politique américaine aboutira donc à une relance de la course aux armements nucléaires, inutile, coûteuse et dangereuse. Nous ne pouvons donc que chercher, avec nos partenaires européens, à faire évoluer la position de notre allié américain.

      En conclusion, un peuple n’est fort que si la solidarité nationale s’exprime. Cette réussite économique que peut-être on nous envie aujourd’hui, contribue au rôle que nous jouons en Europe, et cette volonté politique que nous voulons susciter chez nos partenaires en dépend en grande partie.

      M. Robert Poujade - Je reviens sur la situation paradoxale du budget de l’armée de l’Air, qu’ont relevée aussi bien les chefs d’état-major que le rapporteur pour avis et celui de la Commission des Affaires étrangères. Ce paradoxe est le suivant : d’un côté, une gestion remarquable et rigoureuse, l’avancée de la professionnalisation, un bon recours à la sous-traitance ; et de l’autre, le budget le plus médiocre pour ce qui est des crédits de paiement des titres V et VI. On connaît les conséquences de ce décalage pour les missiles Scalp et Apache, le report à 2001 de la deuxième tranche de commande globale de 12 Rafale, et je ne parle pas de l’ATF. Ces arbitrages budgétaires s’expliquent par une circonstance curieuse, et j’en parle d’autant plus librement que jadis les Etats de Bourgogne offrirent à la Marine un vaisseau de haut bord (Sourires) : aujourd’hui c’est l’armée de l’Air qui offre des frégates à la Marine. C’est un mauvais système. Ce budget de l’air ne peut apparaître que comme un budget d’attente si l’on est optimiste, un budget d’imprévision si on ne l’est pas.

      M. Bernard Birsinger - Je tiens à exprimer l’insatisfaction du groupe communiste quant aux nouvelles modalités d'examen de ce budget. La procédure décidée par la Conférence des Présidents voulait favoriser un débat riche et spontané, dans un équilibre équitable des temps de parole. A l’évidence cet objectif n’est pas atteint, et nous devrons réfléchir ensemble à la possibilité d’avoir le débat qu’attendent nos concitoyens sur des questions de cette importance, car ce budget dépasse 242 milliards de francs. Or trois groupes parlementaires ne disposent que de 5 minutes. Il faudra revoir cela.

      Ce budget, comme les précédents, concrétise la loi de programmation votée en 1996 et ses nouvelles orientations décidées par le Président de la République, fondées sur la professionnalisation et la projection. Nous rappelons notre opposition de principe à une orientation qui ne tend pas à mettre en œuvre une politique globale de sécurité collective en France et en Europe, dont le volet militaire, indispensable, n’est qu’une dimension. Dans un monde livré au règne sans règles des marchés, où les inégalités s’accroissent, c’est là qu’il faut voir les principaux facteurs de risques. Donner la priorité au traitement à chaud des crises risque d’être lourd de déconvenues, alors que c’est la prévention qui devrait être la priorité. Nous devrions davantage écouter les jeunes : dans le manifeste adopté lors du Parlement mondial des enfants, leurs premiers mots sont pour souhaiter que le 21ème siècle soit un siècle de paix et de non-violence. Et ils demandent que les dépenses militaires excessives soient réorientées vers des programmes en faveur de la paix. La guerre du Kosovo a montré combien difficile était le rétablissement d’une paix durable après que la guerre a semé son lot de violences et de souffrances. L’objet fondamental doit être de rendre impossibles les conflits à venir. Dans ce but, il faut rendre tout leur rôle aux instances représentatives de la Communauté internationale, l’ONU et l’OSCE. Un texte a d’ailleurs été signé par de nombreux députés et par le Président de notre Commission : il a pour but d’adresser des propositions à l’ONU pour réfléchir à la possibilité d’une défense au service des droits de l’homme et de la paix dans le monde. L’ONU a d’ailleurs décidé à l’unanimité de faire de l’an 2000 l’année internationale de la culture de paix. L’occasion est ainsi donnée à la France de prendre des initiatives diplomatiques fortes et de relancer le désarmement nucléaire, comme nous avons su le faire en 1993 pour les armes chimiques, et je rejoins mon collègue socialiste pour demander au Gouvernement de prendre des initiatives à ce sujet. Il y a urgence face au danger de prolifération, que favorisent la décision du Sénat des Etats-Unis de ne pas ratifier le traité de non-prolifération et le projet américain de bouclier antimissile.

      La France doit agir en Europe pour que la future politique européenne de sécurité s’oriente prioritairement vers la prévention des conflits, le renforcement des coopérations pacifiques, le soutien aux sociétés civiles et à la démocratie. Elle doit soutenir la Charte de sécurité commune qui sera adoptée au prochain sommet de l’OSCE. Faire reculer les tensions requiert aussi de réformer le système financier international afin de favoriser, plutôt que la guerre économique, une logique de coopération pour le co-développement. Pour cela il faut de l’argent : comme l’a dit M. Mayor, on ne peut pas payer à la fois le prix de la paix et celui de la guerre. D’où l’importance, pour la prochaine loi de programmation, d’avoir un vrai débat sur les conditions de notre sécurité collective.

      Votre budget, Monsieur le Ministre, pose question sur plusieurs autres points. Sur le titre III et les personnels civils, nous partageons certaines remarques formulées devant la Commission par les organisations syndicales : il n’est pas normal que des crédits destinés à des postes non pourvus à la DGA, à la DCN et au GIAT, soient basculés pour financer la sous-traitance. Nous sommes sensibles à la crainte des syndicats de voir ainsi s’installer la précarité. Pouvoir compter sur des ouvriers d’Etat qualifiés et dotés d’un statut est aussi une garantie pour notre défense. Les arguments sur l’impossibilité d’organiser la mobilité ne nous ont pas convaincus. De nombreuses questions se posent aussi sur le financement des grands projets. Il y a une contradiction entre la volonté affirmée d’autonomie à l’égard des Etats-Unis et la baisse de 15,3 % des crédits de paiement consacrés à l’espace. Si la France doit tout faire pour le désarmement nucléaire -ce qui implique la ratification du traité de non-prolifération par tous les Etats concernés et, à terme, la fin des essais, y compris en laboratoire- nous ne pensons pas que notre pays doive baisser sa garde unilatéralement. Néanmoins, des économies peuvent être faites dans ce domaine, notamment sur le SNLE ou le M 51. Si la fabrication de nouveaux matériels s’inscrit dans une orientation stratégique que nous ne partageons pas, reste que notre armée doit avoir les moyens de fonctionner. Nous prenons au sérieux les remarques récentes de plusieurs autorités militaires sur les difficultés d’approvisionnement en munitions qui, durant la guerre du Kosovo, nous ont obligés à faire appel aux Américains.

      A travers le financement des programmes, c’est aussi le plan de charge des différents établissements qui est en cause. Restructurations et fusions se multiplient dans un domaine sensible qui touche à la souveraineté de notre pays, avec de lourdes conséquences sur l’emploi : je pense à la DCN, à la DGA et à GIAT industries notamment. C’est tout un potentiel de compétences et de savoir-faire qui risque de disparaître, alors qu’il pourrait contribuer au développement de nouvelles activités industrielles, y compris civiles. La diversification-développement n’est pas traitée au niveau qui convient. Sur tous ces points, des réponses doivent être apportées dès le présent débat budgétaire.

      Mais il faut aller au-delà. Nous proposons qu’un débat se tienne à l’Assemblée sur la situation et l’avenir de l’industrie d’armement. Sa préparation pourrait prendre la forme d’un colloque largement ouvert aux industriels, aux syndicats, aux militaires et aux élus locaux. Nous approuvons également la proposition de deux syndicats de créer une mission d’information sur l’avenir de GIAT. Nous savons ce que la politique de défense doit au contexte de la cohabitation, mais nous pensons que le souffle du changement voulu par les Français en 1997, implique que soit redéfini, dans une large concertation, le contenu même de la politique de défense. Vous comprendrez donc, Monsieur le Ministre, nos réserves sur votre budget, dans ses orientations fondamentales comme dans les aspects concrets. Nous attendons des réponses sur une série de questions précises avant de déterminer notre vote.

      M. le Président de la Commission - Permettez-moi de vous faire observer que vous avez doublé votre temps de parole.

      M. Michel Voisin - Une fois de plus, nous devons constater que la défense n’est plus une priorité pour le gouvernement de la France. Certes, les menaces ont évolué depuis l’époque de la guerre froide. Mais les événements récents, notamment ceux du Kosovo, ont montré l’importance de nos besoins pour remplir nos engagements et tenir notre rang au sein de l’Alliance et de la Communauté européenne. Une chose est déjà évidente : si nous ne stoppons pas immédiatement la déflation du budget militaire, c’est toute la cohérence opérationnelle qui risque d’être mise à mal. Nous faisons nôtres l’inquiétude et la préoccupation qu’ont exprimées tous les chefs d’état-major devant notre Commission. Le budget 2000 n’est pas encore dramatique, mais, s’il n’est pas substantiellement relevé dès 2001, nous irons droit vers l’incohérence stratégique. Chacun reconnaît pour le moins que les flux sont très tendus, avec un risque permanent de rupture.

      Si, dans cette quatrième année de la loi de programmation, les engagements relatifs à la professionnalisation sont globalement bien respectés, on ne peut en dire autant de la politique d’équipement. Le niveau des autorisations de programme est particulièrement contraint, ce qui peut avoir des conséquences très négatives sur la capacité de notre future armée professionnelle. Quant aux crédits de paiement, ils sont déjà largement insuffisants : révision à la baisse à l’occasion de la revue des programmes, annulations, transferts au titre V, inscriptions au BCRD, les ont amputés. Nous constatons en outre la rechute dans une vieille pratique budgétaire, que nous avons condamnée sous tous les gouvernements : la non-adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement. Il en résulte des retards dans la mise en œuvre des programmes, cependant que l’insuffisance des autorisations de programme interdit de lancer toutes les commandes globales qui seraient nécessaires. Certaines ont ainsi été renvoyées après 2000, et pour 2001 il faudrait 18 milliards de francs de plus pour les honorer. Les engagements concernant le missile M 51 et l’hélicoptère NH 90 ne peuvent plus être tenus. Enfin, rien n’est prévu pour l’indispensable ATF.

      D’une manière générale, la situation de l’armée de l’Air se dégrade et sa part dans le budget ne cesse de diminuer. Le conflit du Kosovo a pourtant montré la qualité professionnelle et la disponibilité du groupe aéronaval. Je partage l’opinion de M. Galy-Dejean : il faut rapprocher la construction d’un deuxième porte-avions pour assurer la disponibilité permanente du groupe aéronaval. Quant à l’épineux problème du coût des opérations extérieures, soit 4,5 milliards de francs par an, il n’a toujours pas trouvé de solution satisfaisante : on continue à le régler en transférant des crédits d’équipement annulés, ce qui rend encore plus chaotique la gestion du titre V. Nous entrons cette année dans la préparation de la future loi de programmation, mais cet exercice va se heurter aux bosses financières accumulées pendant la loi actuelle, de sorte qu’on peut déjà s’interroger sur sa crédibilité.

      Le groupe UDF juge ce projet lourd de menaces pour l’avenir. Je précise que nous ne mettons pas en cause le Ministre de la Défense, ni son ministère, et je rends hommage à tous les personnels qui servent sous ses ordres. Mais depuis une dizaine d’années la défense n’est plus une priorité pour nos gouvernements. Nous le regrettons : si les menaces ont changé, elles ne sont pas éteintes. Les Etats-Unis l’ont bien compris, eux qui ont augmenté leurs crédits militaires. Nous tenons à tirer la sonnette d’alarme, et nous ne pourrons approuver ce budget.

      M. Jacques Myard - Je vous remercie de m’accueillir en tant que membre de la Commission des Affaires étrangères. Il est vrai que le soldat et le diplomate ont toujours marché de pair, et cela durera, malgré les illusions de certains. Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous exprimer mon admiration : il faut du courage pour présenter un aussi mauvais budget. Il hypothéquera gravement l’avenir.

      Ma première question concernera la constitution du groupe EADS, dont se sont réjouis la presse, le Gouvernement et certains membres de l’opposition. Il s’agit d’une société européenne d’armement. Oui, mais… Dans le domaine de la défense, un groupe de droit néerlandais, livré aux forces du marché, ne risque-t-il pas de nous échapper complètement ? Ne peut-il faire l’objet d’OPA ?

      M. le Ministre - Vous avez dit «oui mais» Pourquoi oui ?

      M. Jacques Myard - "Oui", parce que cela peut être un élément positif à condition que nous contrôlions les prises de décision. "Mais", parce que ce groupe peut être soumis complètement aux lois du marché et nous échapper. Je vous invite à observer l’exemple des Américains, qui ont su mettre en place des verrous. Quels sont les verrous que le gouvernement français a mis en place pour éviter que ce consortium échappe totalement à son influence alors qu’il s’agit de notre défense nationale ?

      Ma deuxième question concerne l’évolution du concept stratégique de l’Alliance atlantique. J’ai écrit au Premier Ministre à ce sujet mais sa réponse ne m’a pas donné satisfaction. Le concept stratégique adopté le 24 avril dernier à Washington marque une transformation radicale : d’alliance défensive, l’Alliance atlantique devient un instrument de maintien de l’ordre, et ceci sous la poussée des Américains. Ne pensez-vous pas que cela va bien au-delà du Traité de l’OTAN et que le Parlement devrait donner son autorisation à cette transformation radicale ?

      M. Charles Cova - Monsieur le Ministre, ma question n’est pas nouvelle. Il s’agit d’améliorer la situation de certains lieutenants et sous-lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976, qui n’ont pu bénéficier des mesures d’avancement instituées ultérieurement. Aujourd’hui ces officiers, ou leurs veuves, perçoivent une pension inférieure à celle qu’ils auraient reçue s’ils étaient restés sous-officiers. Cette situation est unanimement déplorée, par les militaires eux-mêmes, par notre Commission et par le ministère de la Défense. C’est pourquoi, fort du soutien de la Commission, j’ai déposé un amendement tendant à ce que les sous-lieutenants admis à la retraite avant le 1er janvier 1976 puissent prétendre à une révision de leur pension sur la base du grade de major. Malheureusement, la Constitution et le Règlement de l’Assemblée rendent une telle initiative parlementaire irrecevable. Je souhaiterais donc savoir si vous seriez prêt à reprendre cet amendement et à régler une fois pour toutes cette injustice criante.

      M. François Lamy - Je concentrerai mon propos sur trois ou quatre points.

      En ce qui concerne le déroulement de cette séance, je pense qu’il serait plus intéressant de débattre de chaque rapport après sa présentation pour éviter des décalages dans nos propos.

      Nous sommes à mi-temps à la fois de la législature et de la professionnalisation des armées. J’ai étudié le rapport du ministère de la Défense sur l’exécution de la loi de programmation et la réforme du service national. J’en profite pour attirer l’attention de nos collègues sur l’importance d’examiner ce genre de rapports, puisque nous faisons de plus en plus obligation aux Ministres d’en présenter. En dépit des critiques de M. Lellouche, je constate que les objectifs fixés ont été respectés, notamment en ce qui concerne les effectifs. Le taux d’encadrement se renforce, le recrutement des volontaires et des personnels civils se passe de façon correcte, les rémunérations et les charges sociales sont bien maîtrisées. Cette loi de finances permet donc, en ce qui concerne les crédits de fonctionnement, une exécution correcte de la loi de programmation militaire, même si nous souhaiterions augmenter davantage les capacités d’entraînement.

      En ce qui concerne les équipements, je dirai simplement à M. Lellouche que, quitte à citer le chef d’état-major des armées, autant le citer complètement. Or, ce dernier a bien dit à la Commission de la Défense qu’il n’y avait pas de rupture dans la politique d’équipement. A propos de l’ATF, il a certes eu raison de souligner l’importance de ce programme : mais pourquoi alors ne pas l’avoir inscrit dans la loi de programmation 1997-2002 ?

      La crise du Kosovo a permis de confirmer la validité du choix de professionnaliser les armées. Nos capacités de déploiement ont été deux fois plus importantes que pendant la guerre du Golfe. En matière d’équipement, si nous avons pu constater un certain nombre de manques, il reste que globalement, les forces françaises ont bien rempli les missions assignées, comme l’a confirmé le général Clark à notre mission d’information sur le Kosovo. Il faudra cependant réfléchir, à l’occasion de la nouvelle loi de programmation, sur les capacités d’emploi de certains équipements. Je ne suis pas certain qu’on pourra expliquer longtemps à l’opinion publique qu’il faut construire des avions modernes capables de larguer leur armement à 500 mètres d’altitude si on les oblige à voler au-dessus de 5 000 mètres, ni qu’il faut continuer à construire des hélicoptères de combat si on ne peut pas les engager sur le théâtre des opérations. Une réflexion s’impose sur les types de guerres à mener actuellement. Nous avons connu une guerre technologique qui a rempli ses objectifs. Mais dans d’autres pays ont lieu des guérillas qui exigent d’autres armes et d’autres techniques.

      Lors du débat sur la suppression du service national, il y a eu de longues discussions entre la majorité et l’opposition sur l’utilité réelle de la journée d’appel de préparation à la défense. Or, à la lecture de ce rapport, on constate que plus d’un tiers des jeunes qui y ont participé souhaitent garder le contact avec l’armée. C’est un résultat plutôt satisfaisant. Il faudra continuer à réfléchir aux moyens de raffermir le lien entre l’armée et la nation.

      En ce qui concerne les opérations extérieures, je vous confirme notre souhait de les voir intégrer dans la loi de finances, même si cela pose des difficultés techniques. Il est assez incompréhensible que l’on soit obligé de parler de « surcoût » dès que l’armée sert, comme si cela avait un caractère exceptionnel ! Il serait financièrement plus rigoureux d’intégrer au moins les opérations extérieures déjà en cours et dont on sait qu’elles vont se poursuivre.

      Enfin, je souhaite que l’année 2000 voie aboutir la discussion engagée sur le renforcement du débat démocratique et du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures. En ce qui concerne le conflit du Kosovo, il aurait été nécessaire que les parlementaires puissent être consultés avant la décision d’intervention.

      M. Antoine Carré - Le récent conflit du Kosovo a montré que le choix de la professionnalisation était adapté. Que retenir de ce budget ? Le niveau des crédits de fonctionnement est limite, mais permet d’augmenter un peu le nombre de journées d’entraînement. Il est cependant probable que les crédits de la Gendarmerie devront être revus en cours d’année.

      En ce qui concerne les investissements, la situation est moins brillante. Malgré les efforts de rationalisation de la gestion et de coopération européenne, les principaux chefs d’état-major sont inquiets pour l’avenir. Les autorisations de programme ne permettront pas de moderniser notre outil de défense dans un délai suffisant, surtout en ce qui concerne la Marine et l’armée de l’Air. Le conflit du Kosovo vient pourtant de montrer que nos forces peuvent manquer de munitions et que notre système de renseignement est trop dépendant de nos alliés. Des crédits supplémentaires seraient donc nécessaires.

      Ce budget ne prend pas en compte les opérations extérieures. Il faudra résoudre ce problème.

      En ce qui concerne le service de santé des armées, un remarquable rapport sénatorial a mis en lumière les difficultés de recrutement de médecins militaires et de personnel paramédical. Il est indispensable de trouver rapidement des solutions, qui auront évidemment des incidences budgétaires.

      En conclusion, ce budget est très tendu et inspire des inquiétudes quant à notre niveau d’équipement militaire. Il permet certes le respect de la loi de programmation, mais avec retard par rapport aux besoins. Il aurait dû tenir davantage compte des leçons de la guerre du Kosovo. Il aurait surtout dû bénéficier de l’amélioration de la situation budgétaire : lors des arbitrages, les excédents de recettes fiscales auraient dû être affectés davantage à la défense nationale.

      Pour le groupe DL, ce n’est pas un bon budget.

      M. Jean-Louis Bernard - La guerre du Kosovo a mis en évidence l’efficacité de notre armée de l’Air, déjà constatée dans le conflit du Golfe et en Bosnie. Les cibles ont été parfaitement identifiées et les tirs précis. On aurait donc pu espérer que le budget 2000 serait à la mesure des services rendus. Or il n’en est rien. Ce budget est plus que serré, il est ficelé. Quand les crédits de paiement des titres V et VI diminuent de 7 % et les autorisations de programme de 10 %, le rapporteur du budget de l’armée de l’Air ne peut avoir grand plaisir à le présenter ! Il a d’ailleurs relevé comme il convenait plusieurs insuffisances à ce titre.

      L’armée de l’Air ne bénéficiera l’an prochain que de 20 % des crédits, contre 22 ou 23 % les années précédentes et 28 % en Grande-Bretagne. Le traitement qu’on lui a accordé n’est donc pas des meilleurs. Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit M. Poujade à propos des retards pris par les programmes, sauf pour insister comme l’an dernier sur celui qui affecte l’ATF. Dois-je rappeler que nos Hercule C 130, partis d’Orléans, ont mis six jours pour arriver au Timor oriental ? Ils ont dû faire escale à Istres, au Caire, dans un émirat, puis à Ceylan et à Singapour !

      M. le Ministre - Voulez-vous dire qu'ils devraient être basés à Istres, pour gagner un jour ? (Sourires)

      M. Jean-Louis Bernard - Je veux simplement regretter le silence sépulcral de cette loi de finances en ce qui concerne le programme ATF Il faut espérer que, malgré l’alignement de la Grande-Bretagne sur les Etats-Unis et la préférence donnée par l’Allemagne au projet russo-ukrainien, le groupe Airbus allié à DASA, saura réveiller les bonnes volontés. Il y va de l’avenir de la construction européenne. Lorsque les chefs d’état-major des différents pays se mettent d’accord sur des spécifications, il conviendrait qu’ils fassent de même sur les commandes. Et ce programme est donc capital.

      Enfin, la guerre du Kosovo a révélé une avancée technologique majeure, avec l’utilisation des drones. Nous ne sommes qu’à la première génération de ces engins, mais il y en aura sans doute d’autres et il conviendrait donc de s’y intéresser, par exemple pour la détection des cibles, d’autant que les opinions n’acceptent plus la perte d’un seul pilote. Un vaste domaine de recherches s’ouvre par conséquent aux industriels et le ministère serait bien avisé de réfléchir à la question.

      M. Jean-Noël Kerdraon - Je remercierai d’abord le Ministre d’avoir répondu aux questions écrites que je lui ai posées, comme la nouvelle procédure me le permettait. J’apprécie que le NTCD soit pour la première fois « budgété » l’an prochain. La DCN tirera profit de la mesure.

      S’agissant de celle-ci, le plan d’entreprise a fait l’objet d’une annonce en mai. J’en approuve l’essentiel et ne partage donc pas les inquiétudes de M. Le Drian. Quoi qu’il en soit, mieux vaudrait ne pas troubler les esprits au moment où l’on lance un projet. Pour ma part j’ai confiance dans le succès de l’entreprise, qui devrait aboutir à une amélioration du fonctionnement de la DCN, m’interrogeant seulement sur la possibilité de ramener les effectifs à 12 500 personnes d’ici à la fin de l’année.

      L’établissement de Brest étant le plus en difficulté, je me réjouis des engagements que vous avez pris, Monsieur le Ministre, en même temps que le délégué interministériel aux restructurations militaires. J’insisterai toutefois pour que les mesures soient prises afin d’éviter une chute brutale de l’activité dans cinq mois.

      M. le Ministre - Je vous prie par avance d’excuser le caractère partiel ou trop synthétique de mes réponses.

      Contrairement à ce qu’a dit M. Poujade, s’agissant de l’armée de l’Air, un budget ne peut tirer immédiatement les conséquences de tel ou tel événement opérationnel. Il est en effet élaboré pour l’essentiel entre mars et juin. Par ailleurs, le conflit du Kosovo a démontré la disponibilité de notre armée de l’Air, ainsi que l’étendue de ses capacités opérationnelles : toutes deux ont été bien supérieures à celles dont ont fait montre nos partenaires. A ce propos, je conteste le calcul auquel s’est livré M. Bernard : s’en référer à un pourcentage de dépenses a peu de sens lorsqu’on dispose d’une force de dissuasion autonome. Et si la Grande-Bretagne dépensait plus que nous pour son armée de l’Air il y a quelques années, elle a effectué deux fois et demie moins de missions toutes catégories au Kosovo.

      En matière de programmes, les évolutions sont toujours à long terme. Les crédits de 2000 permettront largement d’atteindre les objectifs fixés.

      Quant à l’ATF, je note une recherche de convergence entre les différents pays acheteurs. Le programme devrait être viable, grâce aux efforts d’Airbus, même si seulement cinq ou six pays sur sept passent commande. Il est vrai que cet avion n’était pas mentionné dans la loi de programmation, ce que je comprends d’ailleurs, mais le remplacement des hélicoptères de la Gendarmerie n’y figurait pas non plus et pourtant, en 1998, nous avons su trouver les 300 millions de francs nécessaires pour en commander huit et pour organiser la livraison de cinq avant le terme de la loi de programmation. Il en sera certainement de même pour l’ATF, une fois signé l’accord relatif aux commandes.

      Monsieur Cova, je me préoccupe comme vous du niveau de la retraite perçue par les sous-officiers partis avec le grade de sous-lieutenant. Je ne puis en dire davantage, faute d’accord interministériel, mais il n’est pas impossible que les mesures soient prises dans les prochaines semaines.

      Si beaucoup ont mentionné l’Europe, d’autres ne l’ont pas fait et je trouve ce silence également intéressant. Je suis par exemple surpris que M. Birsinger, dont le groupe est pour une rénovation globale de notre politique de défense et a soutenu l’idée d’une Europe de la défense lors du conflit du Kosovo, élude le sujet lorsque les armes se sont tues. Cela étant, le Gouvernement demeure favorable à un projet de sécurité collective et, si nous n’avons parlé aujourd’hui que de moyens militaires de traiter les crises, c’est que nous discutons du budget de la défense.

      Monsieur Lellouche, votre propos m’est apparu quelque peu décalé, à la fois dans son ton et dans sa teneur. Le débat entre la majorité et l’opposition est normal mais la façon dont vous en avez posé les termes ici, en dramatisant à outrance, risque de décourager nos partenaires européens à un moment où il faudrait au contraire les mobiliser. Vous fournissez à ceux qui ne seraient déjà que trop tentés de le faire une nouvelle raison de baisser les bras. Nous avons des responsabilités en Europe…

      M. Pierre Lellouche - Justement !

      M. le Ministre - En revanche, je rends hommage au souci de prévoyance et à la persévérance dans les idées dont ont fait preuve les autres orateurs de l’opposition. Il est sans doute possible de faire mieux que ce que nous faisons, mais je ne redoute pas la comparaison avec nos partenaires européens, non plus qu’avec les gouvernements précédents.

      M. Myard a posé une question judicieuse sur l’EADS. L’appellation utilisée en l’occurrence est anglaise parce qu’il s’agit d’une entreprise internationale. Le siège financier a de même été établi aux Pays-Bas mais je rappelle que, sous les précédentes législatures, la France a fait le choix d’éviter toute surenchère en matière de fiscalité des holdings. Cela a sans doute amené quelques délocalisations mais cela a peu d’effet du point de vue économique et cela contribue à une harmonisation à l’échelle de l’Europe.

      En revanche, la question clé est bien celle qu’a posée M. Myard : qui contrôle ? Notons au passage qu’elle ne se poserait pas si l’on suivait M. Lellouche, qui est pour une privatisation totale d’Aérospatiale et de Matra. Si elle se pose en l’occurrence, c’est parce que l’Etat est au contraire resté actionnaire permanent, aux termes d’un accord qui constitue une véritable première dans le domaine industriel. Il prévoit en effet la création d’une société de contrôle détenue à 60 % par des actionnaires et parfaitement « fermée ». La moitié des droits de vote sera détenue par Daimler-Chrysler, l’autre moitié par l’Etat, par le groupe Lagardère et par un groupe d’investisseurs institutionnels. L’Etat ne disposera pour sa part que de 15 %, mais il aura tout de même un droit de veto, les décisions ne pouvant être prises que d’un commun accord. La France n’utilisera pas cette disposition pour bloquer lesdites décisions, mais elle aura les moyens nécessaires à un contrôle effectif.

      S’agissant du concept stratégique de l’Alliance, je vous fais remarquer qu’il n’y a pas eu traité, Monsieur Myard. Simplement, à Washington, la France a jugé qu’elle avait obtenu des concessions suffisantes pour signer le texte. Le temps de la guerre froide est terminé et les conflits potentiels sont de plus en plus divers. Or, le seul outil dont nous disposions pour la coopération militaire en Europe est un outil que nous partageons avec les Etats-Unis : l’OTAN. On ne peut changer cette situation dans l’immédiat. En attendant, il nous faut donc chercher à faire évoluer l’Alliance…

      M. Jacques Myard - Avec l’accord du Parlement ! Mais qui décide de l’ordre du jour ?

      M. le Président de la Commission - Monsieur Myard, vous n’êtes pas un membre habituel de notre Commission, laquelle a souvent évoqué cette question. Elle le fera à nouveau, et nous vous inviterons alors.

      M. le Ministre - Je conclurai mon propos sur l’Europe en indiquant à M. Chauveau qu’il faut bien entendu privilégier la négociation, car chacun sait bien qu’envisager l’Europe de la défense sous l’angle d’un transfert de souveraineté ne permettra pas d’aboutir. Que l’on s’inspire, au sein de l’Union, du modèle de l’Alliance atlantique pour les prises de décision, c’est un fait. Il faut, comme l’a souligné le Président de la Commission, éviter la constitution d’une sorte de directoire, qui aurait un effet répulsif sur les plus petites nations.

      L’OCCAR, enfin. Il pourrait être élargi, si de vraies délégations sont données. La question des exportations me semblait devoir être parmi les plus compliquées, car je pensais que les positions seraient contradictoires. Mais il apparaît au contraire que plusieurs pays membres souhaitent voir les procédures harmonisées.

      Ainsi, au moment où, peu à peu, se constitue l’Europe de la défense, la réforme de nos armées est d’autant plus légitime qu’elle s’opère dans le même sens que celui qu’ont choisi nos partenaires. De très importantes questions politiques se posent, qui ont trait à l’équilibre au sein de l’Alliance atlantique, compte tenu de l’attitude des Etats-Unis. Je suis, pour ma part, convaincu qu’il revient aux Européens de reprendre l’initiative, notamment pour ce qui touche au traité d’interdiction des essais nucléaires. Pour autant, ce n’est qu’à force de compromis que nous parviendrons à définir une politique de défense véritablement multipolaire.

      M. le Président de la Commission - Je remercie tous ceux qui ont pris part au débat, et notamment M. le Ministre. La présente séance n’était pas exempte d’imperfections, mais le débat était intéressant. Au cours des quatre heures écoulées, onze rapporteurs ont parlé pendant 1 heure 20, onze orateurs pendant 1 heure 10, le Ministre pendant 1 heure et moi-même pendant un quart d’heure. De réels échanges ont donc eu lieu, mais la formule peut certainement être améliorée. Je formulerai des propositions à cette fin.

      Je rappelle que le vote sur le projet de budget aura lieu, en Commission, aujourd’hui à 16 heures 15.

*

      La Commission de la Défense a procédé le 3 novembre 1999 au vote sur les crédits de la défense pour 2000.

      La Commission a successivement donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés à la dissuasion nucléaire, à l’espace, à l’armée de l’Air, à l’armée de Terre, à la Marine, à la Gendarmerie, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste s’abstenant. Elle a également donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés aux Services communs, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste ainsi que M. Michel Meylan s’abstenant. Enfin, elle a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des crédits du titre III et des titres V et VI du ministère de la Défense ainsi que des articles 40 et 41 du projet de loi de finances pour 2000, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste s’abstenant.

      N°1864-08. - Avis de M. Jean MICHEL, au nom de la commission de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Défense : crédits d'équipement

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