N° 1865

              ——

              ASSEMBLÉE NATIONALE

              CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

              ONZIÈME LÉGISLATURE

              Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

              AVIS

              PRÉSENTÉ

              AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805),

              TOME I

              FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L’ETAT
              et DÉCENTRALISATION

              FONCTION PUBLIQUE

            PAR M. ALAIN TOURRET,

            Député.

            ——

              (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                Voir le numéro : 1861 (annexe 31).

                Lois de finances.

              La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

            INTRODUCTION 5

            I. — LES CRÉDITS DE LA FONCTION PUBLIQUE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR L’EXERCICE 2000 7

              A. LE POIDS BUDGÉTAIRE DES DÉPENSES DE PERSONNEL 7

              1. L’évolution des rémunérations, fruit de l’accord salarial du 10 février 1998 9

                a) La progression des dépenses de rémunérations 9

                b) L’avenir du congé de fin d’activité 11

                c) La rénovation des dispositifs incitatifs pour les agents publics travaillant dans les quartiers urbains difficiles 11

              2. Une légère progression des effectifs pour l’exercice 2000 13

              B. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE : UN BUDGET MODESTE CONSACRÉ À DES ACTIONS INTERMINISTÉRIELLES 16

              1. Un budget en baisse par rapport aux crédits votés pour 1999 16

              2. Le financement d’actions transversales en faveur de la fonction publique 18

            II. — DE NOUVEAUX CHANTIERS POUR LA MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION 24

              A. PROMOUVOIR LA PARITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE 24

              1. Un droit statutaire égalitaire 24

              2. La féminisation de la fonction publique : un processus lent et hétérogène 25

              3. Une politique volontariste en faveur de la féminisation de la haute fonction publique 28

              B. OUVRIR L’ADMINISTRATION SUR L’EUROPE ET LE MONDE 31

              1. Faciliter la mobilité des fonctionnaires pour garantir l’influence de la France à l’étranger 31

              2. La formation aux questions communautaires 35

              3. Faire de l’ENA un outil essentiel de l’ouverture de notre fonction publique sur l’extérieur 37

              C. RÉNOVER L’ÉTHIQUE DES FONCTIONNAIRES 39

              1. Garantir l’effectivité du pouvoir disciplinaire 39

              2. Rénover la réglementation relative au cumul d’activités et de rémunérations 43

                a) clarifier un dispositif complexe et peu transparent 44

                b)  Prendre en compte l’évolution des structures administratives et des modes de gestion publique 45

                c) Eviter les abus de cumul d’activités publique et privée sans briser les nécessaires interactions entre ces deux sphères 47

                d) Engager une réflexion sur la situation des agents publics exerçant un mandat politique 48

            AUDITION de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur les crédits de son ministère 51

            DISCUSSION GÉNÉRALE ET AVIS SUR LES CRÉDITS 60

            LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 62

              MESDAMES, MESSIEURS,

              Conformément aux orientations de l’actuel gouvernement qui a souhaité la considérer dans son acception la plus vaste, la réforme de l’Etat est aujourd’hui engagée sur plusieurs fronts : l’amélioration des relations entre les services publics et leurs usagers, la plus grande lisibilité des droits et obligations des fonctionnaires à travers la rénovation de la gestion publique et des ressources humaines, la réorganisation des administrations centrales et des services déconcentrés de l’Etat ainsi que le développement des nouvelles technologies et de l’information constituent autant d’axes pour la modernisation de l’Etat.

              La mise en œuvre de cette politique sollicite la participation de chaque échelon administratif et politique, au premier rang desquels le Parlement qui poursuit aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

              Le ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation trouve naturellement sa place dans ce mouvement : selon la lettre du décret du 8 juillet 1998, le ministre « dispose » de la délégation interministérielle à la réforme de l’Etat et la similitude des préoccupations des ministères, révélée par l’analyse des différents programmes pluriannuels de modernisation établis par ces derniers conformément à la circulaire du Premier ministre du 3 juin 1998, légitime son action transversale. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui justifie la modestie du budget du ministère dans le projet de loi de finances, particulièrement frappante au regard de l’importance qu’y prennent les dépenses relatives à la fonction publique de l’Etat.

              Œuvre de longue haleine, la réforme de l’Etat se découvre chaque jour de nouveaux chantiers car, comme le précisait M. Emile Zuccarelli devant l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, « c’est sans cesse que l’Etat, pour conserver son rôle crucial de garant de l’égalité et du pacte républicain, doit s’adapter aux évolutions de la société, elles-mêmes incessantes ». Les discussions qui viennent de s’engager sur l’adaptation des 35 heures à la fonction publique sont à cet égard significatives.

              Trois chantiers paraissent, aux yeux du rapporteur, illustrer également cette orientation : en premier lieu la recherche d’une féminisation homogène de la fonction publique qui doit permettre tout à la fois de prendre en compte les aspirations de la société et de relayer les mesures destinées à inscrire la parité dans nos mœurs politiques ; ensuite l’ouverture de notre administration sur l’Europe et le monde, sans laquelle la France risque de voir s’amenuiser son influence dans les sphères internationale et communautaire et, ce faisant, de perdre la maîtrise de son propre destin ; enfin, la rénovation de l’éthique de l’agent public, indispensable pour éviter la mise en cause de la légitimité du fonctionnaire, qui porterait inévitablement préjudice à tous les efforts aujourd’hui consentis pour moderniser notre structure administrative. Ces actions, que le rapporteur juge prioritaires, seront donc plus particulièrement évoquées après une analyse globale des crédits consacrés à la fonction publique dans le projet de loi de finances.

*

* *

              I. — LES CRÉDITS DE LA FONCTION PUBLIQUE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR L’EXERCICE 2000

              Peu significatives du poids de la fonction publique dans le budget de l’Etat, les dotations du ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation témoignent des missions interministérielles de celui-ci.

                A. LE POIDS BUDGÉTAIRE DES DÉPENSES DE PERSONNEL

              Alors que près d’un salarié sur quatre travaille dans la fonction publique, les crédits du ministère de la fonction publique tels qu’ils figurent dans le fascicule budgétaire des services généraux du Premier ministre ne constituent à l’évidence qu’une part infime des dépenses engagées par l’Etat pour la fonction publique. L’essentiel des crédits figure en effet dans les fascicules budgétaires des différents ministères, sous les trois premières parties du titre III (rémunérations d’activité ; pensions et allocations ; charges sociales).

              Recouvrant principalement les dépenses de rémunérations, les cotisations et prestations sociales, les pensions, les subventions aux établissements d’enseignement privé et les pensions et allocations aux anciens combattants, la notion de dépenses induites par la fonction publique de l’Etat permet de prendre la mesure de l’importance mais aussi de la stabilité des dépenses de personnel dans le budget de l’Etat. Estimées en loi de finances initiale pour 1999 à près de 733 milliards de francs dans leur ensemble (y compris les rebudgétisations de fonds de concours), elles représentent près de 40 % du budget de l’Etat. Hors rebudgétisations, elles enregistrent une progression de 3 % par rapport à 1998 où elles représentaient alors 39,4 % du budget de l’Etat. Pour l’année 2000, la progression des dépenses induites est évaluée à 2,6 %.

ÉVOLUTION DES PRINCIPALES COMPOSANTES

DES DÉPENSES INDUITES

PAR LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ÉTAT

              (en milliards de francs et en % du budget consolidé)

             

            1997

            1998 (7)

            1999 (7) (8)

            I

                       

            Rémunérations principales (1)

            301,468

            17,4 %

            309,751

            17,6 %

            319,028

            17,4 %

            Indemnités résidentielles

            7,094

            0,4 %

            7,265

            0,4 %

            7,807

            0,4 %

            Primes et indemnités

            47,686

            2,9 %

            48,088

            2,7 %

            55,647

            3,0 %

            Supplément familial

            de traitement


            4,792


            0,3 %


            4,918


            0,3 %


            4,923


            0,2 %

            Autres charges connexes

            3,829

            0,2 %

            5,172

            0,3 %

            5,364

            0,3 %

            Provisions

            3,579

            0,2 %

            3,701

            0,2 %

            0,063

            0,3 %

            Total (I) : rémunérations d’activité

            dont masse salariale (2)

            368,449

            357,267

            21,3 %

            20,7 %

            378,895

            367,543

            21,6 %

            20,9 %

            392,832

            381,981

            21,4 %

            20,8 %

            II

                       

            Cotisations sociales (3)

            70,505

            4,1 %

            71,685

            4,1 %

            74,341

            4,05 %

            Prestations sociales

            10,108

            0,6 %

            10,905

            0,6 %

            11,677

            0,6 %

            Pensions

            144,403

            8,4 %

            150,625

            8,6 %

            174,280

            9,5 %

            Divers (4)

            1,979

            0,1 %

            1,663

            0,1 %

            1,759

            0,1 %

            Total (I+II) : frais de personnel

            595,443

            34,5 %

            613,774

            34,9 %

            654,889

            35,7 %

            III

                       

            Taxes sur les transports

            et salaires


            2,147


            0,1 %


            2,291


            0,1 %


            2,309


            0,1 %

            Frais de déplacement

            7,682

            0,4 %

            7,336

            0,4 %

            7,640

            0,4 %

            Enseignement Privé

            36,052

            2,1 %

            37,156

            2,1 %

            38,335

            2,1 %

            Pensions anciens combattants

            24,508

            1,4 %

            23,689

            1,3 %

            23,196

            1,2 %

            Autres (5)

            7,103

            0,4 %

            6,991

            0,4 %

            6,427

            0,3 %

            Total (I+II+III) : dépenses induites

            dont dépenses indexées (6)

            672,935

            615,923

            38,9 %

            35,6 %

            691,236

            632,438

            39,4 %

            36,0 %

            732,796

            672,566

            39,9 %

            36,6 %

            (1) Rémunération brutes, c’est-à-dire y compris la part salariale des cotisations sociales.

            (2) Masse salariale : rémunérations d’activité versées aux personnels occupant un emploi permanent à temps complet et qui sont rétribués sur la base de la grille indiciaire (cela exclut les ouvriers et les vacataires).

            (3) Part employeur.

            (4) Dépenses de personnel non ventilées et vacations.

            (5) Indemnités représentatives de frais, primes d’alimentation (militaires), aides sociales, secours et prêts.

            (6) Dépenses indexées : dépenses directement liées à la valeur du point.

            (7) Y compris l’incidence de la budgétisation des charges de pensions de France Télécom (8,630 milliards de francs pour les pensions et 1,1 milliard de francs pour les cotisations).

            (8) Y compris l’incidence de la budgétisation de 7,065 milliards de francs sur les chapitres de rémunérations, 0,169 milliard de francs sur les chapitres de charges sociales et 14,822 milliards de francs sur les pensions de la Poste.

            Source : Lois de finances initiales (crédits votés).

              Les dépenses de personnel dépendent à la fois de l’évolution des rémunérations et des effectifs de la fonction publique.

                  1. L’évolution des rémunérations, fruit de l’accord salarial du 10 février 1998

              Représentant 53,6 % des dépenses induites par la fonction publique de l’Etat, les rémunérations d’activité devraient enregistrer pour l’année 2000 une progression de 2,9 % par rapport aux crédits votés pour 1999.

                    a) La progression des dépenses de rémunérations

              ¨ Cette évolution tient tout d’abord aux conséquences budgétaires de l’accord salarial du 10 février 1998 qui, après une revalorisation des rémunérations portant sur les années 1998 et 1999 (), jouera à plein au cours du prochain exercice. Ainsi que le montre le tableau ci-après, l’impact budgétaire de cet accord est évalué pour l’année 2000 à 8,5 milliards de francs, près de 70 % de ce coût étant imputable à la revalorisation du « point fonction publique ».

            IMPACT BUDGÉTAIRE DE L’ACCORD SALARIAL

            (en milliards de francs)

             

            1999

            2000

            Revalorisation du « point fonction publique »

            6,7

            5,8

            Attribution uniforme de deux points d’indices

            1,05

            1,61

            Mesures SMIC

            0,1

            Attribution de points différenciés

            0,78

            0,34

            Amélioration de la carrière des catégories C

            0,13

            0,13

            Congé de fin d’activité

            0,77

            0,78

            Action sociale

            – 0,145

            Total

            9,5

            8,5

            Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

              Marquant la reprise de la politique contractuelle en matière salariale dans la fonction publique, l’accord du 10 février 1998 devrait permettre une augmentation de 3,9 % (pour une évolution des prix hors tabac de 0,4 %) de la rémunération moyenne des personnes en place en 1999, la hausse du salaire moyen par tête devant être de l’ordre de 2,6 %. Les effets positifs de cet accord sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires ont été salués par l’ensemble des organisations syndicales qu’a rencontrées votre rapporteur. Le graphique figurant ci-après permet d’apprécier l’effort particulier consenti dans cet accord en faveur des rémunérations les plus basses.

              A l’exception d’une provision « pour mesures générales intéressant les agents du secteur public » de 230 millions de francs, figurant au budget des charges communes, le projet de loi de finances pour 2000 ne prévoit pas de marges pour de nouvelles négociations salariales, ce que le rapporteur ne juge pas choquant au vu des effets de l’accord du 10 février 1998 sur les rémunérations des agents. Cette absence de marge signifie toutefois qu’est ajournée une réforme des classifications, dont le représentant de l’Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilés a souligné l’urgence devant le rapporteur.

              ¨ La progression des rémunérations d’activité par rapport aux crédits votés pour 1999 tient également à la poursuite de l’effort de budgétisation de certaines dépenses de rémunérations qui transitaient jusqu’à présent par des fonds de concours.

              La Cour des comptes, dans ses rapports sur l’exécution des lois de finances de 1994 et 1995, avait stigmatisé cette pratique qui permettait aux budgets des services financiers, de l’équipement et de l’agriculture de payer, grâce à des ressources extrabudgétaires et dans des conditions irrégulières, diverses dépenses de rémunérations et de fonctionnement.

              Pour l’exercice 2000, le processus de rebudgétisation se traduira par l’inscription de 8,6 milliards de francs de dépenses supplémentaires (et de 9,4 milliards de francs en recettes). Dans ce cadre, les rémunérations accessoires versées aux ingénieurs des directions départementales de l’équipement, ainsi que les rémunérations d’ingénierie publique versées aux ingénieurs des directions départementales de l’agriculture, au titre des concours qu’ils apportent aux collectivités locales dans le cadre d’expertises, seront budgétisées pour un montant total de 1,4 milliard de francs, réparti entre les budgets du ministère de l’équipement (948,2 millions de francs), du ministère de l’agriculture (466,4 millions de francs) et de celui de l’environnement (14,7 millions de francs).

                    b) L’avenir du congé de fin d’activité

              On relèvera que le projet de loi de finances pour l’exercice 2000 ne prévoit à ce stade aucun financement pour la reconduite après le 31 décembre 1999 du congé de fin d’activité. Ce dispositif, mis en place pour 1997 par le titre II de la loi du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire et reconduit en 1998 et 1999, permet aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l’Etat, remplissant certaines conditions de cotisation, d’interrompre leur carrière dès cinquante-six ou cinquante-huit ans.

              La mise en œuvre du dispositif a permis en 1997 à 11 400 fonctionnaires et agents non titulaires de l’Etat de cesser leur activité ; on a recensé, en 1998, 7 000 nouveaux bénéficiaires du congé de fin d’activité qui devrait concerner entre 9 000 et 10 000 agents en 1999. Le coût budgétaire de ce dispositif s’est élevé à 726 millions de francs en 1997, 1 534 millions de francs en 1998, réparti entre l’enseignement scolaire (73,1 % de la dépense totale constatée), l’économie, les finances et l’industrie (11,6 %), l’équipement (4,2 %), l’enseignement supérieur (4,1 %), l’intérieur (1,7 %), l’agriculture (1,5 %) et la défense (1,4 %). En 1999, le coût budgétaire de la mise en œuvre du congé de fin d’activité devrait atteindre 1 824 millions de francs.

              Conformément à l’accord salarial du 10 février 1998, et aux termes de trois années d’application, le congé de fin d’activité doit désormais faire l’objet d’une concertation entre le Gouvernement et les organisations représentatives de fonctionnaires, à l’issue de laquelle sera décidée ou non sa reconduction au titre de l’exercice 2000.

                    c) La rénovation des dispositifs incitatifs pour les agents publics travaillant dans les quartiers urbains difficiles

              A l’occasion de l’examen des rémunérations d’activités dans la fonction publique, votre rapporteur souhaite aborder la question des avantages accordés à certains agents de l’Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles.

              Ceux-ci bénéficient en effet de différents dispositifs destinés à assurer l’attractivité, mais aussi la stabilité, des postes dans les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux ou de sécurité particulièrement délicats.

              Les fonctionnaires peuvent ainsi bénéficier – dans la limite des postes vacants – d’un droit de mutation prioritaire à condition qu’ils aient exercé leurs fonctions pendant une durée minimale de cinq ans consécutifs dans un quartier, une école ou un établissement situés en zone sensible, ou de sept ans dans une circonscription de police. La première application pratique de ce dispositif aura lieu lors des mouvements de personnel examinés au cours de l’année 2000.

              Les fonctionnaires de l’Etat qui justifient d’au moins trois ans de services continus accomplis dans ces quartiers bénéficient en outre d’un avantage spécifique d’ancienneté, se traduisant par une bonification d’ancienneté d’un mois pour chacune des trois années effectuées, portée à deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année.

              Enfin, des avantages financiers, notamment l’attribution d’une nouvelle bonification indiciaire (NBI) sont désormais consentis. Huit ministères sont principalement concernés par ce dispositif : emploi et solidarité ; aménagement du territoire et environnement ; éducation, recherche et technologie ; jeunesse et sports ; intérieur ; économie, culture et défense (gendarmerie).

              L’attribution de la NBI–ville concerne 14 800 fonctionnaires (dont 10 000 relevant du ministère de l’éducation nationale) ; elle a été étendue, par un décret du 12 septembre 1994, à certains personnels de la fonction publique territoriale exerçant leur activité dans les quartiers relevant de la politique de la ville, soit environ 11 000 agents.

              On observera cependant qu’une étude menée pour la Direction générale de l’administration et de la fonction publique sur les attentes et les comportements des agents des services publics exerçant dans les quartiers difficiles souligne que la nouvelle bonification indiciaire est à certains égards critiquée, notamment en raison de ses critères d’attribution jugés parfois mal adaptés aux spécificités de ces quartiers. Plus généralement, l’étude arrive à la conclusion que « peu de choses actuellement sont faites (à l’exception de l’éducation nationale) pour rendre ces postes attrayants ».

              La progression sensible qu’enregistrent les crédits consacrés à la politique de la ville dans le projet de loi de finances pour l’exercice 2000 témoigne de la priorité que constitue cette action pour l’actuel Gouvernement. Dans son intervention, le 27 septembre dernier, aux journées parlementaires du groupe socialiste, le Premier ministre a fait part de son souci d’entreprendre une « action déterminée pour renforcer la présence et la qualité des services publics » dans les quartiers en difficultés. Soulignant l’importance d’y attirer davantage de fonctionnaires compétents et motivés « en tenant compte des sujétions et des responsabilités particulières liées à l’exercice des missions dans le cadre de la politique de la ville », il a confié au ministre de la fonction publique le soin de préparer des mesures susceptibles d’accroître la lisibilité et l’attractivité des dispositifs incitatifs existants.

              Dans ce cadre, votre rapporteur se demande s’il ne serait pas souhaitable d’accroître les avantages financiers octroyés aux fonctionnaires qui acceptent de travailler dans des zones sensibles, ce qui permettrait aussi de signifier une meilleure prise en compte des difficultés que rencontrent ces agents dans l’exercice de leurs fonctions. Cette évolution lui paraîtrait d’autant plus souhaitable au regard des majorations de traitement dont bénéficient les fonctionnaires en service outre-mer, qui atteignent parfois des proportions qu’il juge choquantes.

                  2. Une légère progression des effectifs pour l’exercice 2000

              Dans la ligne de l’orientation privilégiée en 1999, qui avait conduit au « gel » des emplois budgétaires des ministères civils, le projet de loi de finances pour l’année 2000 ne propose qu’une légère augmentation (+ 247 postes budgétaires) du nombre des emplois budgétaires des ministères civils. A titre de comparaison, on rappellera que les budgets des ministères civils de l’Etat comptaient, à structure constante, 39 400 emplois de plus en 1998 qu’en 1990, soit une progression de 2,4 %.

              Ainsi que le montre le tableau figurant ci-contre, les budgets civils, y compris les budgets annexes, enregistrent une création nette de 366 emplois budgétaires, l’essentiel des créations d’emplois étant gagé par des suppressions d’emplois opérées dans certains ministères.

            CRÉATIONS ET SUPPRESSIONS D’EMPLOIS BUDGÉTAIRES PRÉVUES POUR 2000

             

            Emplois

            1999

            Créations

            Suppressions

            Solde

             

            Budgets civils :

            Affaires étrangères

            9 474

            230

            – 234

             4

            Agriculture et pêche

            30 243

            543

            – 705

             162

            Aménagement du territoire et
            environnement :

                   

            I.  Aménagement du territoire

            141

                 

            II.  Environnement

            2 551

            140

             

            140

            Anciens combattants

            2 178

             

            – 172

             172

            Charges communes

            16

                 

            Culture et communication

            14 679

            450

            – 350

            100

            Economie, finances et industrie

            180 432

             

            – 654

            – 654

            Education nationale, recherche et technologie :

                   

            I.  Enseignement scolaire

            941 567

            4 301

            – 4 319

            – 18

            II.  Enseignement supérieur

            127 387

            1 668

            – 1 674

            – 6

            Emploi et solidarité

                   

            I.  Emploi

            9 985

            156

            – 26

            130

            II.  Santé et solidarité

            14 325

            144

            – 34

            110

            Equipement, transports et
            logement 

                   

            I.  Services communs

            98 341

             

            – 385

            – 385

            IV.  Mer (hors appelés)

            2 380

            315

            – 318

            – 3

            V. Tourisme

            323

             

            – 2

            – 2

            Intérieur et décentralisation (hors appelés et volontaires)

            162 961

            100

            – 174

            – 74

            Jeunesse et sports

            6 731

             

            – 7

            – 7

            Justice

            61 794

            1 239

            – 2

            1 237

            Outre-mer (hors appelés et volontaires)

            3 079

               

            0

            Services du Premier ministre :

                   

            I.  Services généraux

            1 402

            20

             

            20

            II.  Secrétariat général de la défense nationale (hors appelés)

            222

            5

            – 6

            – 1

            IV.  Plan

            210

             

            – 2

            – 2

             

            Totaux pour les budgets civils

            1 670 421

            9 311

             9 064

            247

             

            Professionnalisation des emplois militaires :

            DÉFENSE (hors appelés et volontaires)

            415 747

            8 969

            – 6 765

            2 204

            FLUX D’ENGAGÉS DANS LES MINISTÈRES CIVILS :

             

            192

            – 80

            112

            Mer (police maritime)

             

            10

             

            10

            Intérieur (sécurité civile)

             

            182

             

            182

            Outre-mer (SMA)

               

            – 80

            – 80

            APPELÉS ET VOLONTAIRES :

            110 374

            7 283

            – 39 364

            – 32 081

            Défense

            103 517

            6 500

            – 36 269

            – 29 769

            Mer (police maritime)

            41

             

            – 20

            – 20

            Intérieur (police de sécurité civile)

            4 336

            183

            – 2 075

            – 1 892

            Outre-mer (SMA)

            2 468

            600

            – 1 000

            – 400

            Secrétariat général de la défense nationale

            12

               

            0

             

            Totaux pour les emplois militaires

            526 121

            16 444

            – 46 209

            – 29 765

             

            Budgets annexes

            11 181

            119

             

            119

            Source : Projet de loi de finances pour 2000

              Les redéploiements opérés entre les ministères témoignent des priorités gouvernementales : premier bénéficiaire de ces efforts de redéploiements, le ministère de la justice, avec 1 237 créations nettes d’emplois budgétaires, verra le nombre de ses emplois budgétaires progresser de 2 % par rapport à 1999. De même, grâce à 140 créations, les effectifs de la section budgétaire de l’environnement augmenteront de près de 5,5 % par rapport à 1999 ; bénéficieront également de créations de postes les sections budgétaires de l’emploi (+ 130 emplois), de la santé et la solidarité (+ 110 emplois), ainsi que le ministère de la culture et de la communication (+ 100 emplois).

              Ces créations d’emplois budgétaires sont gagées par des suppressions d’emplois affectant principalement quatre départements ministériels : le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie fait ainsi l’objet de 654 suppressions nettes d’emplois, ce qui correspond à une baisse de 0,3 % de ses effectifs budgétaires par rapport à 1999 ; les services communs du ministère de l’équipement, des transports et du logement perdent 385 emplois budgétaires, les ministères des anciens combattants et de l’agriculture et la pêche étant également mis à contribution, avec respectivement 172 et 162 suppressions nettes d’emplois budgétaires.

              Seules deux sections budgétaires (aménagement du territoire et charges communes) voient leurs effectifs budgétaires inchangés.

              Revendiqué par le Gouvernement, l’affichage d’une relative stabilisation des effectifs pour l’année 2000 doit cependant être nuancé au regard de la notion même d’emplois budgétaires. Elle désigne en effet les emplois permanents à temps complet autorisés par la loi de finances initiale ; ceux-ci peuvent ne pas être pourvus ou, à l’inverse, servir de support à la rémunération de deux personnes employées à mi-temps. Il en résulte un décalage avec les effectifs réels qui sont obtenus en comptabilisant le nombre de personnes recevant une rémunération imputée sur le budget de l’Etat.

              L’ensemble des représentants des organisations syndicales entendues par votre rapporteur lui ont fait part de leurs interrogations sur la viabilité de cet engagement au regard de la nécessaire résorption de l’emploi précaire, de la perspective de la mise en œuvre des 35 heures dans la fonction publique et de l’imminence de nombreux départs à la retraite (sur 1,63 million d’agents titulaires des services civils de l’Etat, près de 700 000 d’entre eux devraient quitter leur emploi dans la fonction publique de l’Etat d’ici 2010), particulièrement nombreux dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur et qui justifieraient au moins la mise en place d’une politique de formation afin d’assurer un remplacement satisfaisant.

              Les organisations syndicales ont plus généralement jugé que l’objectif de stabilisation des effectifs de la fonction publique ne doit pas porter préjudice à la conduite des missions imparties à l’Etat. Ainsi l’Union interfédérale des agents de la fonction publique Force Ouvrière a-t-elle fait observer que la concentration, depuis plusieurs années, des suppressions d’emplois sur le ministère de l’équipement, est aujourd’hui susceptible de menacer la bonne exécution de ses missions, notamment dans les services de proximité. De même, les représentants de l’Union des fédérations de fonctionnaires UNSA ont-ils regretté que le projet majeur que constitue la réalisation de la Bibliothèque nationale de France n’ait pas été relayé par une politique de recrutement dynamique, le personnel non titulaire représentant ainsi environ 40 % des effectifs de la Bibliothèque ; il est vrai qu’on peut se demander comment l’Etat pourra longtemps faire l’économie des créations d’emplois correspondant aux besoins assurés aujourd’hui par des non permanents.

                B. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE : UN BUDGET MODESTE CONSACRÉ À DES ACTIONS INTERMINISTÉRIELLES

              Après avoir brièvement rappelé l’évolution générale du budget du ministère de la fonction publique par rapport aux crédits votés pour 1999, le rapporteur en présentera les principaux postes de dépenses.

                  1. Un budget en baisse par rapport aux crédits votés pour 1999

              Les crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation sont présentés dans le fascicule budgétaire consacré aux services généraux du Premier ministre. Ils y figurent pour l’essentiel sous l’agrégat 02 « fonction publique » mais comprennent également des crédits inscrits sous l’agrégat 01 « administration générale », relatifs à la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, au corps unique des administrateurs civils et aux secrétariats généraux pour les affaires sociales.

              Le budget du ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation s’élève, pour l’année 2000, à 1 371 millions de francs. Il subit ainsi une baisse de 6,4 % par rapport aux crédits votés au titre de l’exercice 1999.

              Ainsi que le montre le tableau présenté ci-après, celle-ci résulte de la très forte réduction des dépenses en capital (- 71,1 % pour les crédits de paiement). A l’inverse, les dépenses ordinaires – qui représentent plus de 95 % des crédits du ministère de la fonction publique – progressent de 5,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999.

LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE
DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000

              (en francs)

             

            Chapitres

            budgétaires

            Loi de finances initiale 1999

            Projet de loi de finances 2000

            Variation

            en %

            Dépenses ordinaires (Titres III et IV)

                   

            Rémunérations

            31.90, art 22

            20 522 605

            20 842 987

              + 1,56

            Indemnités

            31.02, art. 22

            8 955 566

            9 645 683

              + 7,7

            Autres rémunérations

            31.96, art. 22

            6 434 650

            7 143 318

              + 11

            Cotisations sociales

            33.90, art. 22

            1 885 372

            1 950 242

              + 3,4

            Prestations sociales

            33.91, art. 22

            632 853

            706 383

              + 11,6

            Sous-total

             

            38 431 046

            40 288 613

              + 4,8

            Action sociale interministérielle

            33.94

            685 000 000

            710 000 000

              + 3,6

            Formation

            34.94

            34 000 000

            38 000 000

              + 11,7

            Etudes et communication sur la gestion publique

            37.04

            13 800 000

            13 800 000

              0

            Fonds pour la réforme d’Etat

            37.08

            110 300 000

            109 000 000

              – 1,17

            Subventions aux organisations syndicales

            43.02, art. 20

            12 000 000

            Sous-total

             

            843 100 000

            882 800 000

            + 4,7

            Ecoles

                   

            Institut international d’Administration publique

            36.10, art. 12

            24 496 147

            25 019 520

              + 2,1

            Instituts régionaux d’administration

            36.10,
            art. 13 à 17

            155 000 951

            173 500 951

            + 11,9

            Ecole nationale d’Administration

            36.10, art. 11

            163 155 605

            168 366 637

              + 3,2

            Centre des études européennes de Strasbourg

            43.02, art. 10

            2 000 000

            2 000 000

              0

            Sous-total

             

            344 652 703

            368 887 108

              + 7

            Autres

                   

            Corps unique des administrateurs civils

                   

            Rémunérations

            31.90, art. 28

            6 378 208

            6 443 173

            + 1,01

            Indemnités

            31.02, art. 28

            876 925

            886 075

            + 1,04

            Cotisations sociales

            33.90, art. 28

            105 675

            108 525

            + 2,7

            Prestations sociales

            33.91, art. 28

            188 829

            190 051

            + 0,64

            Secrétariats généraux pour les affaires régionales

            31.02, art. 41

            6 510 229

            6 510 229

              0

            Sous-total

             

            14 059 866

            14 138 053

            + 0,55

            Total des dépenses ordinaires

             

            1 240 243 615

            1 306 113 774

            + 5,3

            Dépenses en capital (Titre V)

                   

            Fonds pour la réforme de l’Etat

            57.04

            5 000 000

            Equipement : actions interministérielles

            57.06

            205 000 000

            65 000 000

            – 68,2

            Insertion des personnes handicapées dans la fonction publique

            57.07, art. 50

            15 000 000

            Total des dépenses en capital

             

            225 000 000

            65 000 000

            – 71,1

            Total

             

            1 465 243 615

            1 371 113 774

            – 6,4

              L’importante diminution des dépenses en capital tient à trois facteurs :

              —  tout d’abord, afin de mieux refléter dans la nomenclature budgétaire le type d’utilisation que font les administrations de ces crédits, les dotations consacrées à l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ont été transférées du titre V (chapitre 57.07, article 50) au titre III (chapitre 34.94, article 50) sans modification de leur montant par rapport aux crédits votés pour 1999 (15 millions de francs) ;

              —  aucun crédit de paiement n’a été inscrit pour l’année 2000 au profit du fonds pour la réforme de l’Etat (chapitre 57.04) en raison de la possibilité de financer les autorisations de programme ouvertes en 1999 par des reports des exercices antérieurs ;

              —  enfin, facteur essentiel, la provision exceptionnelle de 230 millions de francs pour l’action sociale interministérielle prévue dans l’accord salarial du 10 février 1998 ne vient plus alimenter, comme pour les deux précédents exercices, les dépenses d’investissement consacrées à l’action sociale interministérielle (chapitre 57.06).

                  2. Le financement d’actions transversales en faveur de la fonction publique

              Dépenses ordinaires et dépenses d’investissement confondues, les principaux postes de dépenses au sein du budget du ministère de la fonction publique sont les suivants :

              ·  Avec 775 millions de francs pour l’année 2000 (chapitre 33.94 ; chapitres 57.06 et 57.07, article 50), l’action sociale interministérielle concentre 57,6 % du budget. L’accord salarial du 10 février 1998 avait prévu une enveloppe annuelle exceptionnelle de 230 millions de francs au profit de l’action sociale interministérielle pour les exercices 1998 et 1999 ; la non-reconduction de cette dotation exceptionnelle pour l’année 2000 entraîne donc mécaniquement une baisse de 14,3 % des crédits d’action sociale. A périmètre constant, ceux-ci enregistrent, en revanche, une hausse de 14,8 % par rapport à 1999. Témoignant de la politique d’action sociale mise en œuvre au profit des agents de l’Etat, ces dotations permettent tout à la fois de financer les sections régionales interministérielles d’action sociale (SRIAS) et certaines prestations sociales interministérielles, telles que l’aide à l’amélioration de l’habitat, l’aide ménagère à domicile, les chèques-vacances ou encore la prestation de service-crèche dont le rapporteur tient à souligner ici toute l’importance, notamment pour garantir l’accès à l’emploi des jeunes mères. Ces crédits financent en outre la rénovation et la construction de restaurants administratifs.

              Le montant des crédits consacrés aux actions d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique de l’Etat – 15 millions de francs – reste inchangé entre 1999 et 2000. Le rapporteur tient à souligner l’importance de ces actions et regrette la tendance actuelle à la stagnation de l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique de l’Etat. En effet, avec 3,06 % de personnes handicapées parmi ses effectifs au 31 décembre 1997, la fonction publique d’Etat est loin de satisfaire à l’obligation d’emploi de handicapés, posée dans la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 et fixée à 6 % des effectifs. Les facilités de recrutement (concours aménagés, emplois réservés, extension en 1995 aux catégories A et B du dispositif de recrutement de travailleurs handicapés par la voie contractuelle et donnant vocation à titularisation) s’étant révélées insuffisamment incitatives, diverses mesures d’accompagnement ont été adoptées en vue de faciliter l’insertion des handicapés : elles concernent à la fois la formation de ces agents tout au long de leur carrière, l’augmentation des aides techniques et l’aménagement des postes de travail ainsi que des actions de sensibilisation et d’information sur ces questions particulièrement auprès des cadres. Ces mesures ne permettront pas toutefois de faire l’économie d’une action d’envergure susceptible de rapprocher la fonction publique de l’obligation légale d’emplois de handicapés, une concertation avec les organisations syndicales étant actuellement engagée sur cette question.

              ·  Les subventions aux écoles (institut international d’administration, école nationale d’administration et instituts régionaux d’administration) constituent le deuxième poste de dépenses avec 366,9 millions de francs pour l’année 2000, soit 26,7 % du budget du ministère. Elles enregistrent une progression de 7 % par rapport aux crédits votés pour 1999.

              La dotation consacrée aux cinq instituts régionaux d’administration concentre à elle seule 47,3 % des subventions de fonctionnement accordées aux établissements publics ; elle progresse fortement (+ 11,9 %), en raison de l’augmentation des effectifs en cours de scolarité (le fascicule budgétaire prévoit 128 élèves par IRA au titre de l’exercice 2000).

              L’Ecole nationale d’administration bénéficie, pour sa part, d’une dotation de 168,3 millions de francs, en progression de 3,2 % par rapport aux crédits votés pour 1999. Votre rapporteur reviendra ultérieurement sur les surcoûts et les difficultés de gestion inhérents à la double localisation de cette école à Paris et Strasbourg. A ce stade, il tient à souligner l’augmentation de la moyenne d’âge d’entrée dans l’école, ainsi que la désaffection relative dont souffre le concours interne d’accès à cette dernière, particulièrement mis en lumière par une délégation d’élèves en cours de scolarité qu’a entendue le rapporteur. Celle-ci a de même soulevé la question du classement de sortie. A cet égard, il paraîtrait souhaitable au rapporteur de recruter les membres des grands corps (Conseil d’Etat, Cour des comptes, inspection des finances) non pas à la sortie de l’ENA mais plutôt après dix ans de carrière. Enfin, il s’interroge sur la possibilité de fusionner les inspections générales de toute nature en une seule institution comprenant des sections spécialisées.

              ·  Avec 109 millions de francs, le fonds pour la réforme de l’Etat rassemble 7,9 % du budget du ministère de la fonction publique pour le prochain exercice. On relèvera que la non-inscription au titre de l’année 2000 de crédits de paiement relatifs à ce fonds résulte de la possibilité de financer les autorisations de programmes ouvertes en 1999 à partir de reports de crédits non consommés lors des exercices antérieurs.

              Créé en 1996 par une décision du comité interministériel pour la réforme de l’Etat, ce fonds participe au financement de projets de modernisation et de réorganisation des administrations centrales et déconcentrées. Comme il est précisé dans le fascicule budgétaire consacré aux services généraux du Premier ministre, les financements assurés par le fonds pour la réforme de l’Etat ont porté, entre 1996 et 1998 et pour un montant global de 173 millions de francs, sur des opérations relatives à l’organisation des services (4,9 %), à la formation (11,3 %), à l’amélioration des outils et systèmes de gestion (32,4 %) mais ont surtout permis de mettre en œuvre des actions visant à améliorer le service rendu à l’usager (48,2 %).

              Particulièrement exemplaires du souci de faciliter aux usagers l’accès aux services publics, les « maisons de services publics » – dont l’existence est consacrée par le titre IV du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration – ont ainsi bénéficié d’un financement de 4,4 millions de francs en 1998 accordés sur le fonds de la réforme de l’Etat. Sur les 262 structures recensées en juin 1999, la moitié d’entre elles avaient bénéficié d’un financement du Fonds pour la réforme de l’Etat entre 1996 et 1999, pour un montant total de 26,5 millions de francs.

              Ce fonds a également contribué, à hauteur de 1,3 million de francs, à une expérimentation de création de guichets uniques de greffe dans le ressort de cinq cours d’appel (Limoges, Nîmes, Amiens, Rennes et Bordeaux) qui ont vocation à renseigner les usagers sur le déroulement des procédures civiles et pénales mais aussi à orienter les justiciables, parfois en enregistrant leurs requêtes pour certaines procédures.

              En outre, le fonds pour la réforme de l’Etat finance l’équipement de sites relevant du secteur public en terminaux électroniques de paiement par carte bancaire, notamment dans le réseau de la Direction générale des impôts, dans les préfectures et sous-préfectures ou encore dans des consulats et des centres hospitaliers régionaux dont la gestion comptable est assurée par le Trésor public.

              ·  Processus de longue haleine initié en 1991, la politique de délocalisations publiques se poursuivra en 2000. En effet, ainsi que le montre le tableau ci-après, sur les 27 170 transferts d’emplois arrêtés par les comités interministériels à l’aménagement du territoire (CIAT) entre 1991 et 1998, 53,4 % seulement, soit 14 509, ont été effectivement réalisés au 1er juillet dernier tandis que 3 777 opérations de transfert sont encore en cours de réalisation, soit un total de 18 286 emplois. Il reste donc plus de 32 % des transferts prévus à mener à bien.

            TRANSFERTS RÉALISÉS OU EN COURS (1)

            Répartition des emplois par région (situation au 1er juillet 1999)

            Région

            Transferts d’emplois
            réalisés

            Transferts d’emplois
            en cours

            Total des transferts d’emplois réalisés ou en cours

            Alsace

            407

            0

            407

            Aquitaine

            938

            901

            1 839

            Auvergne

            240

            21

            261

            Bourgogne

            33

            28

            61

            Bretagne

            571

            66

            637

            Centre

            1 098

            171

            1 269

            Champagne-Ardenne

            43

            0

            43

            Corse

            2

            0

            2

            Franche-Comté

            461

            0

            461

            Ile-de-France

            1 959

            333

            2 292

            Languedoc-Roussillon

            815

            3

            818

            Limousin

            386

            109

            495

            Lorraine

            310

            0

            310

            Midi-Pyrénées

            764

            250

            1 014

            Nord-Pas-de-Calais

            583

            189

            772

            Haute-Normandie

            119

            137

            256

            Basse-Normandie

            170

            30

            200

            Pays-de-Loire

            1 368

            342

            1 710

            Picardie (2)

            738

            70

            808

            Poitou-Charentes

            759

            20

            779

            Provence-Alpes-Côte-d’Azur

            949

            23

            972

            Rhône-Alpes

            1 094

            1 063

            2 157

            Départements d’outre-mer

            13

            17

            30

            Répartition régionale non disponible

            690

            4

            694

            Total général

            14 510

            3 777

            18 287

            (1) Projets ayant fait l’objet d’actes juridiques ou financiers (achat de terrain, premier engagement de crédits non limité à une étude exploratoire, etc…). Ne sont pas repris ici plusieurs milliers d’emplois correspondant à des opérations non encore véritablement engagées (opérations difficiles, dont la date a été reportée ou dont le contour du projet ou le plan de financement ne sont pas encore finalisés).

            (2) Pour l’essentiel des opérations « Défense » à Creil.

            Source : Direction générale de l’administration et de la fonction publique.

              Une augmentation des effectifs transférés sur des opérations en cours qui ne sont pas encore achevées est attendue au cours de l’exercice 2000. Plusieurs transferts programmés pourront, en outre, débuter après achèvement des travaux. Tel est le cas, par exemple, de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, à Agen ou de 150 emplois de l’Institut national de la propriété industrielle à Lille. Par ailleurs, la mise en œuvre d’opérations comme le transfert du CNASEA à Limoges, de l’ENS-lettres à Lyon ou de l’école nationale des douanes à Tourcoing progressera de telle sorte que des transferts pourront intervenir au cours des exercices ultérieurs.

              La réimplantation d’administrations ne donne cependant pas lieu à l’ouverture de crédits dans le projet de loi de finances pour l’exercice 2000, ni au titre des mesures d’accompagnement social (chapitre 37.07) ni à celui des dépenses d’investissement (chapitre 57.01).

              Il apparaît en effet que, pour ces deux chapitres, les crédits disponibles à la fin de l’année 1999 devraient permettre de couvrir les dépenses prévisibles pour l’exercice 2000, à la condition cependant que soit abondé le fonds des délocalisations publiques en loi de finances rectificative par des « retours » de près de 15,5 millions de francs, correspondant aux produits résultant de la réalisation de divers immeubles franciliens libérés par des services délocalisés ou à la contrepartie budgétaire de la réaffectation des immeubles à d’autres administrations. En outre, les difficultés de montages de certaines opérations importantes, par les retards qu’elles peuvent entraîner, justifient que certains besoins de financement fassent l’objet d’un report sur les exercices 2001 et 2002.

              ·  Enfin, les actions de formation, de perfectionnement, d’insertion et de modernisation des administrations (chap. 34.94), voient, du fait de transferts entre titres et chapitres, leurs dotations passer de 34 à 38 millions de francs.

              Ces crédits permettent de financer les frais d’organisation des concours interministériels de recrutement pour l’accès aux IRA, les subventions des préparations aux concours organisées par les instituts ou centres de préparation à l’administration générale (IPAG/CEPAG) ainsi que les programmes interministériels de formation continue, tant à l’échelon central que déconcentré.

              Parallèlement à ces actions de formation interministérielles, les ministères, conformément à la mise en œuvre du troisième accord-cadre du 22 octobre 1996 sur la formation continue dans la fonction publique de l’Etat mettent en œuvre des politiques de formation élaborées, appliquées et évaluées en étroite collaboration avec les organisations syndicales. L’Etat consacre plus de 6 % de sa masse salariale globale aux activités de formation professionnelle, dont 3 % de formation continue. Les termes du troisième accord-cadre fixent pour objectif des durées minimales de formation pour les agents civils de l’Etat, titulaires ou non titulaires : les agents de catégories A ou B doivent avoir suivi au moins cinq jours de formation, globalisé sur toute la période couverte par l’accord-cadre, et les agents de catégorie C, au moins six jours. Au cours des années 1996 et 1997, qui correspondent aux deux premières années d’application de cet accord, le temps moyen de formation continue représente 7,1 jours pour l’ensemble des agents de l’Etat, toutes catégories confondues, les agents de catégorie A ayant suivi 6,7 jours de formation continue, contre 9,8 jours pour les agents de catégorie B et 5,5 jours pour ceux relevant de la catégorie C.

              L’importance de la formation continue est renforcée par la perspective de départs massifs d’agents à la retraite d’ici 2010, qui pourrait être compensée grâce à la formation et au développement des nouvelles technologies de l’information et de communication. En cela, et parce qu’elle concourt à la gestion des ressources humaines, la formation contribue pleinement au mouvement de réforme de l’Etat.

              II. — DE NOUVEAUX CHANTIERS POUR LA MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION

              Le Comité interministériel pour la réforme de l’Etat qui s’est réuni le 13 juillet dernier a défini les objectifs du travail interministériel en matière de modernisation pour les années 2000 et 2001. Il s’agit de renforcer la prise en compte des usagers dans le fonctionnement du service public, de promouvoir des méthodes modernes de gestion, de dynamiser la gestion des ressources humaines ainsi que de développer l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

              Votre rapporteur s’attachera à développer ici quelques axes qui lui paraissent pouvoir utilement concourir au travail de rénovation de l’administration ainsi engagé par le Gouvernement.

                A. PROMOUVOIR LA PARITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE

                  1. Un droit statutaire égalitaire

              La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires affirme, dans son article 6, qu’aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe, des recrutements distincts ne pouvant ainsi être prévus pour les hommes et les femmes qu’« exceptionnellement », lorsque « l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue une condition déterminante de l’exercice des fonctions ».

              Conformément à l’article 24 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique, la liste de corps de fonctionnaires donnant lieu à ces recrutements dérogatoires doit figurer dans un décret en Conseil d’Etat, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique et des comités techniques paritaires. Cette liste s’est progressivement réduite au fil des années 80 et, sur les quinze corps de fonctionnaires qui pouvaient, à l’origine, faire l’objet d’un recrutement distinct entre les hommes et les femmes, ne subsistent plus désormais que le corps des gradés et surveillants des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire et le corps des chargés d’éducation de la maison d’éducation de la Légion d’honneur.

              Au-delà de l’affirmation de l’égal accès des hommes et des femmes à la fonction publique, le dispositif législatif s’est également efforcé de pallier les inégalités de fait dont sont susceptibles de souffrir les femmes et qui sont souvent liées à la difficulté de concilier vie professionnelle et familiale. Différentes dispositions législatives aménagent ainsi en faveur de certaines femmes – plus spécifiquement les mères de famille – l’accès à un emploi public : report à 45 ans de la limite d’âge d’accès au recrutement par concours des fonctionnaires de catégorie A pour les femmes élevant leur enfant ou ayant élevé au moins un enfant () ; suppression des limites d’âge pour l’accès aux emplois publics pour certaines catégories de femmes (mères de trois enfants ou plus ; veuves non remariées ; femmes divorcées et non remariées ; femmes séparées judiciairement et femmes célibataires ayant au moins un enfant à charge qui se trouvent dans l’obligation de travailler) () ; dispense de diplôme pour se présenter à divers concours au bénéfice des mères de famille d’au moins trois enfants qu’elles élèvent ou ont élevé ().

              Dans le même esprit, on relèvera le souci manifesté par le législateur de garantir l’égalité et la dignité des hommes et des femmes dans leurs relations de travail, la loi du 2 novembre 1992 ayant inséré dans le statut des fonctionnaires des dispositions relatives au harcèlement sexuel.

              Inspiré du principe d’égalité qui est un des éléments de notre devise nationale telle qu’elle est réaffirmée à l’article 2 de la Constitution, l’universalisme du statut de la fonction publique n’a cependant pas suffi à en garantir une féminisation homogène.

                  2. La féminisation de la fonction publique : un processus lent et hétérogène

              A la demande de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation, Mme Anne-Marie Colmou a réalisé un rapport sur la question de l’égal accès des hommes et des femmes à tous les niveaux hiérarchiques de la fonction publique (). Elle y dresse un état des lieux du mouvement de féminisation, met à jour les différents obstacles qui empêchent un égal accès des hommes et des femmes aux plus hauts niveaux de responsabilités avant de proposer des solutions susceptibles de remédier à ce déséquilibre.

Répartition des agents des ministères civils
selon la catégorie socioprofessionnelle et le sexe

                  (au 31 décembre 1996)

             

            Hommes

            Femmes

            Ensemble

            % de femmes

             

            Nombre

            %

            Nombre

              %

              Nombre

            %

             

            Cadres et professions intellectuelles supérieurs

            339 051

            42,0

            363 352

            35,5

              702 403

            38,4

            51,7

            Personnels de direction

            6 087

            0,8

            1 453

            0,1

              7 540

            0,4

            19,3

            Magistrats

            3 032

            0,4

            2 753

            0,3

              5 785

            0,3

            47,6

            Cadres administratifs

            48 395

            6,0

            32 214

            3,1

              80 609

            4,4

            40,0

            Cadres techniques

            20 182

            2,5

            6 139

            0,6

              26 321

            1,4

            23,3

            Officiers

            719

            0,1

            15

            0,0

              734

            0,0

            2,0

            Professeurs de l’enseignement supérieur, chercheurs

            45 543

            5,6

            19 804

            1,9

              65 347

            3,6

            30,3

            Personnels de direction, d’inspection, d’orientation du second degré


            16 765


            2,1


            13 522


            1,3


              30 287


            1,7


            44,6

            Professeurs agrégés et certifiés (y compris professeurs des écoles)


            188 744


            23,4


            277 156


            27,1


              465 900


            25,4


            59,5

            Enseignants en coopération, autres enseignants et chercheurs


            7 153


            0,9


            6 028


            0,6


              13 181


            0,7


            45,7

            Professions médicales

            1 424

            0,2

            2 174

            0,2

              3 598

            0,2

            60,4

            Professions culturelles

            1 007

            0,1

            2 094

            0,2

              3 101

            0,2

            67,5

            Professions intermédiaires

            217 345

            26,9

            363 536

            35,5

              580 881

            31,7

            62,6

            Professeurs de collège et maîtres auxiliaires

            39 655

            4,9

            56 502

            5,5

              96 157

            5,3

            58,8

            Instituteurs et assimilés

            55 053

            6,8

            180 535

            17,6

              235 588

            12,9

            76,6

            Surveillants d’externat et d’internat

            19 553

            2,4

            27 387

            2,7

              46 940

            2,6

            58,3

            Professions intellectuelles diverses

            411

            0,1

            1 401

            0,1

              1 812

            0,1

            77,3

            Professions intermédiaires de la santé et du travail social


            3 034


            0,4


            11 510


            1,1


              14 544


            0,8


            79,1

            Clergé

            1 486

            0,2

            171

            0,0

              1 657

            0,1

            10,3

            Professions intermédiaires administratives

            33 013

            4,1

            74 005

            7,2

              107 018

            5,8

            69,2

            Professions intermédiaires de la police et des prisons

            11 996

            1,5

            1 589

            0,2

              13 585

            0,7

            11,7

            Professions intermédiaires techniques

            26 357

            3,3

            6 255

            0,6

              32 612

            1,8

            19,2

            Sous-officiers

            996

            0,1

            31

            0,0

              1 027

            0,1

            3,0

            Contremaîtres et agents de maîtrise :

                         

            —  agents techniques

            6 673

            0,8

            2 886

            0,3

              9 559

            0,5

            30,2

            —  maîtrise ouvrière

            19 118

            2,4

            1 264

            0,1

              20 382

               

            Employés

            186 066

            23,1

            283 706

            27,7

              469 772

            25,7

            60,4

            Employés

            46 322

            5,7

            200 395

            19,6

              246 717

            13,5

            81,2

            Personnels de service

            30 298

            3,8

            68 807

            6,7

              99 105

            5,4

            69,4

            Vacataires (1)

            2 705

            0,3

            6 215

            0,6

              8 920

            0,5

            69,7

            Personnels de la police et des prisons

            104 784

            13,0

            8 233

            0,8

              113 017

            6,2

            7,3

            Militaires

            1 957

            0,2

            56

            0,0

              2 013

            0,1

            2,8

            Ouvriers

            64 657

            8,0

            13 705

            1,3

              78 362

            4,3

            17,5

            Ensemble

            807 119

            100,0

            1 024 299

            100,0

              1 831 418

            100,0

            55,9

              (1) Il s’agit strictement des vacataires non ventilés dans les autres catégories.

            Source : Rapport de Mme Anne-Marie Colmou sur l’encadrement supérieur de la fonction publique.

              A s’en tenir à une lecture globale des statistiques, la féminisation de la fonction publique française est indéniablement en marche : pour l’ensemble des trois fonctions publiques – d’Etat, territoriale et hospitalière – le taux de féminisation est de 56,9 % au début de l’année 1998, en progression par rapport à 1990 où il était de 55,2 % et largement supérieur à celui du secteur privé et semi-public (42,7 % en 1998).

              Une analyse plus détaillée des effectifs incite cependant à davantage de circonspection :

              —  D’une part, la féminisation varie selon les départements ministériels : si le taux de féminisation progresse dans l’ensemble des ministères (en 1996, un seul ministère – la coopération – compte moins de 26 % de femmes, contre 4 en 1980), on note cependant une concentration particulièrement importante de femmes dans les départements ministériels ayant trait à des sphères d’activité fréquemment considérées comme féminines, tels que les affaires sociales (71,2 % d’effectifs féminins en 1996) ou l’éducation (65,2 %).

              —  D’autre part – et c’est le problème principal que le rapport de Mme Anne-Marie Colmou analyse – les femmes, bien que de plus en plus nombreuses depuis le début des années 80, à occuper des postes de catégorie A dans l’ensemble de l’administration, parviennent difficilement à accéder aux fonctions d’encadrement supérieur.

              Pour l’ensemble des ministères, les femmes occupent ainsi 52 % des emplois de catégorie C, 66 % des emplois de catégorie B et 52 % de ceux de catégorie A, le fort impact de la féminisation de l’enseignement sur ces deux dernières catégories devant toutefois être souligné (). Le taux de féminisation des emplois de direction et d’inspection générale est en revanche bien plus faible, de l’ordre de 13,2 % au 1er juin 1998. La structure des effectifs du ministère de la justice apparaît à cet égard particulièrement significative : les femmes représentent 49 % des agents de catégorie A, 70 % des agents de catégorie B, 42 % des agents de catégorie C et, si elles représente 48 % des magistrats, on ne compte que 11,8 % de femmes parmi les chefs de juridiction au 25 octobre 1999.

              Outre le fait qu’il est plus rare que les femmes choisissent de poursuivre des études scientifiques, ce qui explique leur faible représentation dans les grands corps techniques, Mme Anne-Marie Colmou recense divers obstacles s’opposant à l’égal accès des femmes aux emplois supérieurs dans la fonction publique : l’information lacunaire sur les carrières de la haute fonction publique, la nature des épreuves de concours susceptibles de favoriser « une forme sexuée de talents », l’étroitesse sociale et géographique des viviers de recrutement, les arbitrages entre vies privée et professionnelle, les modes de fonctionnement de la haute fonction publique ou encore le caractère essentiellement masculin des réseaux présidant aux nominations aux postes d’encadrement supérieur.

              Or, ainsi que le précise le Ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation, M. Emile Zuccarelli, « l’Etat doit donner l’exemple en fournissant tous les efforts nécessaires pour une réelle égalité entre les hommes et les femmes ». Une politique volontariste est donc en voie d’être engagée sur ce terrain.

                  3. Une politique volontariste en faveur de la féminisation de la haute fonction publique

              Sans doute ce mouvement de féminisation des plus hauts postes de la fonction publique se réalisera-t-il naturellement, au fur et à mesure que les générations de femmes entrées en fonctions depuis la féminisation des recrutements seront en âge d’accéder à ces postes. Les statistiques montrent d’ailleurs déjà une lente évolution en leur faveur : les trois premiers grands corps de l’Etat (Conseil d’Etat, Cour des comptes et inspection générale des finances) ont ainsi connu, entre 1992 et 1997, une féminisation sensible de leurs effectifs et l’on observe que dans les emplois de direction et d’inspection générale, les effectifs féminins sont passés de 11,5 % en 1996 à 13,2 % au 1er juin 1998.

              De même doit-on prendre en compte la volonté politique dont témoigne l’actuel Gouvernement en la matière et qui se traduit par une féminisation des emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement, ceux-ci étant désormais occupés par des femmes à hauteur de 8,1 % en 1998, contre 6,3 % en 1997 et 5,8 % en 1996. L’exemple du ministère de la justice apparaît, à cet égard, éclairant : depuis l’arrivée de Mme Elisabeth Guigou à la tête de la Chancellerie, trois des sept postes de directeurs d’administration sont désormais occupés par des femmes (protection judiciaire de la jeunesse ; direction des affaires civiles et du sceau ; administration pénitentiaire). Même si elles ne relèvent pas du même domaine, les récentes nominations au Conseil économique et social témoignent de ce volontarisme politique. On relèvera ainsi que, si le patronat n’a désigné aucune femme sur 27 de ses représentants, parmi les quarante personnes qualifiées désignées par décret en Conseil des ministres, 12 femmes ont été choisies principalement à l’instigation du Premier ministre.

              Compter sur le cours des choses et la bonne volonté politique ne saurait toutefois suffire et ce, pour trois raisons :

              —  tout d’abord, parce que cette évolution, même si elle est encourageante, est à la fois lente et modeste et l’on pourrait souhaiter que le Gouvernement utilise davantage la faculté qui lui est ouverte pour les nominations aux emplois laissés à sa discrétion afin d’assurer une féminisation plus rapide et plus nette de ces postes ;

              —  ensuite, parce que l’ouverture de la haute fonction publique aux femmes répond au souci de l’actuel Gouvernement de promouvoir une plus grande égalité entre les hommes et les femmes et s’inscrit dans la ligne des initiatives prises en faveur de la réalisation de la parité dans la sphère politique ;

              —  enfin, parce que la féminisation de la haute fonction publique est indéniablement liée au travail de modernisation de l’administration auquel s’est attelé le Gouvernement ; Mme Anne-Marie Colmou souligne ainsi dans son rapport que « les talents et modes de fonctionnement professionnels répertoriés comme plutôt de genre féminin sont de ceux dont la fonction publique a besoin pour se réformer : en remédiant à ces dysfonctionnements qui ralentissent la carrière des femmes, la fonction publique ne peut que se moderniser ».

              Suivant certaines des propositions formulées par Mme Anne-Marie Colmou, le Gouvernement, ayant refusé – à juste titre selon le rapporteur – de toucher au principe du recrutement anonyme par concours, s’efforce aujourd’hui de mettre en place des mesures susceptibles, par un effet indirect, de remédier au déséquilibre existant entre les hommes et les femmes dans la haute fonction publique.

              ·  Ont ainsi été établis deux projets de décrets tendant à renforcer la mixité dans les jurys de concours et d’examens professionnels, ainsi que dans les organismes paritaires appelés à se prononcer sur la gestion des carrières et des services.

              Sans doute le Ministre de la fonction publique avait-il déjà eu l’occasion de préciser, dans une circulaire du 24 janvier 1983, que « la présence des deux sexes dans les instances de sélection est de nature à enrichir les critères de choix des candidats par la diversification des points de vue correspondant aux besoins et aux réalités d’une société mixte » et qu’« il est tout de moins nécessaire d’éviter qu’un jury soit homogène de l’un ou l’autre sexe ». Ces recommandations étant insuffisamment suivies d’effets, le Gouvernement a souhaité les inscrire dans des décrets.

              Le premier d’entre eux, relatif aux jurys de concours et d’examens professionnels, prévoit la désignation de deux tiers au plus de membres d’un jury appartenant à un même sexe. Il s’applique aux seuls jurys dont les membres sont désignés par l’administration, excluant ainsi les jurys élus ou tirés au sort, et ne vise pas les jurys de l’enseignement supérieur et de la recherche, sauf les jurys de recrutement de chercheurs dans certaines disciplines prévues par le statut particulier du corps.

              Le second décret porte sur les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires. Il tend, d’une part, à y assurer une représentation équilibrée de l’administration entre les deux sexes et, d’autre part, à élargir le champ d’attribution des comités techniques aux questions relatives à l’accès des femmes aux emplois d’encadrement supérieur.

              Soumis à l’examen du Conseil d’Etat, ces deux projets de décrets ont toutefois été rejetés par celui-ci, au motif qu’ils ne relèvent pas du domaine réglementaire mais législatif.

              ·  En outre, une circulaire à la signature du Premier ministre devrait demander aux ministres d’établir des plans pluriannuels d’amélioration de l’accès des femmes aux postes d’encadrement supérieur de la haute fonction publique de l’Etat. Elle comportera la liste des emplois et fonctions visés, la nature des objectifs à atteindre ainsi que la durée du plan, tout en laissant aux administrations une importante marge de manœuvre pour définir précisément les objectifs et leurs conditions de réalisation.

              ·  Enfin, devrait être mise en place, au cours de l’année prochaine, une instance de réflexion chargée d’analyser les épreuves des concours organisés en vue du recrutement des hauts fonctionnaires.

              Ces mesures constitueront un premier pas pour assurer une féminisation plus homogène de notre fonction publique. Le rapporteur souhaite que tout soit mis en œuvre pour assurer leur rapide entrée en vigueur tant il semble avéré que seules des dispositions législatives ou réglementaires seront de nature à modifier le poids des habitudes. En effet, n’est-il pas étonnant de constater que le décret du 23 septembre dernier portant nomination au Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat ne prévoit, malgré une féminisation massive des membres suppléants de cet organe, que cinq femmes pour quinze hommes parmi les membres titulaires représentant l’administration ?

              Il paraîtrait également souhaitable au rapporteur d’envisager, dans la mesure du possible, l’extension de ces dispositifs aux fonctions publiques territoriale et hospitalière au sein desquelles les femmes rencontrent des difficultés du même ordre pour accéder aux plus hauts niveaux hiérarchiques.

              D’autres mesures seraient également de nature à faciliter indéniablement l’accès des femmes à la haute fonction publique. M. Arnaud Teyssier, président de l’association des anciens élèves de l’ENA, soulignait ainsi les inconvénients qu’entraîne pour les femmes ayant des enfants le calendrier du concours de l’ENA qui, se déroulant en septembre, se prépare donc durant l’été tandis que les représentants de l’UNSA et de la CFTC, dénonçant certaines habitudes de travail, telles que la tenue de réunions tardives, appelaient à une modification de ces pratiques. De même pourrait-on envisager d’améliorer la prise en compte des contraintes spécifiques liées à la petite enfance, notamment par le développement de l’accueil en crèches. Enfin, le rapporteur, à l’instar de Mme Anne-Marie Colmou, estime souhaitable de lancer une expérimentation du temps partiel pour les postes d’encadrement.

                B. OUVRIR L’ADMINISTRATION SUR L’EUROPE ET LE MONDE

              En s’ouvrant à la sphère internationale, et plus particulièrement européenne, la fonction publique deviendra un instrument susceptible de garantir l’influence diplomatique, économique et culturelle de la France, en même temps qu’un solide relais au service de la francophonie. La mise en œuvre de cette stratégie, pour laquelle l’Ecole nationale d’administration peut se révéler un outil précieux, suppose toutefois de former à cette fin les fonctionnaires et de faciliter leur mobilité dans cette perspective.

                  1. Faciliter la mobilité des fonctionnaires pour garantir l’influence de la France à l’étranger

              Aux termes du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions, un agent de la fonction publique d’Etat peut exercer ses fonctions à l’étranger sous différentes positions statutaires :

              —  Il peut tout d’abord être mis à disposition d’une organisation internationale intergouvernementale ; 134 fonctionnaires de l’Etat sont aujourd’hui placés dans cette position au sein des institutions communautaires (133 à la Commission européenne et 1 agent au Parlement européen) ; conformément à l’article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, le fonctionnaire placé dans cette position demeure dans son corps d’origine et continue à percevoir la rémunération correspondant à l’emploi qu’il occupe ;

              —  La position hors cadres définie dans l’article 49 de la loi du 11 janvier 1984 permet également au fonctionnaire de travailler auprès d’un organisme international en étant soumis au régime statutaire et de retraite régissant la fonction qu’il y exerce. Trois fonctionnaires placés au sein des institutions de l’Union européenne (Cour de justice des Communautés européenne, Parlement européen et banque centrale européenne) bénéficient de cette position ;

              —  Le cas le plus fréquent est celui du détachement. Conformément à l’article 45 de la loi du 11 janvier 1984, le fonctionnaire est placé hors de son corps d’origine, mais continue à bénéficier dans ce corps de ses droits à l’avancement et à la retraite. Cette position est la plus usuelle au sein des institutions communautaires ; elle concerne 155 fonctionnaires de l’Etat dont 110 exerçant leurs fonctions auprès de la Commission européenne. Conformément au décret du 16 septembre 1985, les agents peuvent être détachés « pour accomplir une mission de coopération » (cas de 1 587 fonctionnaires au 31 décembre 1996), « pour dispenser un enseignement à l’étranger » (4 263 personnes) ou « remplir une mission d’intérêt public à l’étranger ou auprès d’organismes internationaux ».

              Ces dispositions se sont toutefois révélées relativement inadaptées aux nouvelles formes que revêt désormais la coopération administrative internationale. Ainsi, certaines actions de coopération, qui peuvent être confiées à des cabinets privés de consultants et, de surcroît, ne pas se dérouler uniquement à l’étranger mais aussi en France, ne rentrent dans le cadre d’aucune des possibilités de mises à disposition ou de détachement de fonctionnaires prévues par les textes. En raison des enjeux diplomatiques, économiques ou culturels que comportent cependant ces actions, elles présentent un caractère d’intérêt national justifiant la participation directe de fonctionnaires français.

              Le cas des programmes de coopération avec les pays d’Europe centrale et orientale ayant demandé leur adhésion à l’Union européenne est particulièrement significatif des enjeux qui s’attachent à ces actions de coopération internationale : en mars 1998, dans la perspective de l’élargissement de l’Union à ces Etats, le Conseil a décidé de réorienter Phare, le programme communautaire de coopération avec cette région, dont 30 % du budget (soit 468 millions d’euros par an sur la période 2000-2006) sont désormais consacrés au renforcement des capacités institutionnelles de ces Etats. Des retombées positives pour l’influence de la France dans ces pays découleront naturellement de la participation de fonctionnaires français à cette entreprise de rénovation de l’administration des Etats candidats.

              Il convenait donc de modifier les conditions de détachement pour améliorer la mobilité internationale des fonctionnaires et préserver ainsi, à travers la participation à ces actions de coopération, l’influence de la France à l’étranger. Désormais, grâce au décret du 16 septembre 1998 qui modifie le décret du 16 septembre 1985, les fonctionnaires de l’Etat peuvent, à leur demande, être détachés aux fins d’accomplissement de missions de coopération administrative d’intérêt public indifféremment dans des structures publiques ou privées, en France ou à l’étranger.

              Malgré ces aménagements, la mobilité entre les fonctions publiques des différents Etats membres de l’Union européenne reste encore insuffisante.

              Sans doute l’accès initial à la fonction publique a-t-il été ouvert, depuis 1991, aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et, depuis 1996, à ceux des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) pour les « corps, cadres d’emplois et emplois dont les attributions sont soit séparables de l’exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice des prérogatives de puissance publique de l’Etat ou des autres collectivités publiques ».

              Mais ce dispositif ne permet pas à lui seul de garantir une présence suffisante de fonctionnaires français dans les administrations des autres Etats membres, ni de donner véritablement corps au principe de libre circulation des travailleurs, tel qu’il résulte de l’article 39 du Traité CE interprété par la Cour de justice des Communautés européennes.

              Au-delà de l’accès initial aux fonctions publiques des Etats membres, c’est bien la mobilité entre chacune d’entre elles en cours de carrière qui doit être mise en œuvre.

              A cette fin, les ministres des Quinze en charge de la fonction publique, sur l’initiative de la France, avaient décidé, le 10 mai 1996, la mise en place d’un détachement dit « européen », inspiré du modèle français de détachement. La loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 a inscrit ce dispositif dans le statut général des fonctionnaires : l’article 5 quater de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précise que les ressortissants communautaires et de l’EEE peuvent occuper les emplois qui leur sont ouverts par voie de détachement tandis que l’article 45 de la loi du 11 janvier 1984 favorise le détachement de fonctionnaires français dans l’administration d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’EEE, en autorisant leur réintégration dans leur corps d’origine au besoin en surnombre.

              Ce dispositif législatif n’est à ce jour pas mis en œuvre, le décret en Conseil d’Etat nécessaire à son application ayant dû être ajourné. En effet, le régime français de détachement qui permet au fonctionnaire de conserver ses droits à l’avancement et à la retraite au titre de son emploi d’origine n’est pas conforme aux normes communautaires relatives à la protection sociale des personnes circulant dans la Communauté, qui, depuis l’adoption du règlement n° 1606/98 du 28 juin 1998, imposent aux travailleurs circulant dans l’Union d’être assujettis pour l’ensemble des risques, y compris la retraite, à la législation sociale de l’Etat dans lequel ils exercent leur activité. Le fonctionnaire français détaché dans l’administration d’un Etat membre devrait donc cotiser au régime de retraite dont relève l’emploi de détachement.

              La mise en œuvre du détachement européen suppose donc de modifier les titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires afin d’organiser une modalité particulière de détachement : le fonctionnaire français cotiserait pour tous les risques, y compris la vieillesse, au régime social du pays d’accueil ; les périodes d’activité effectuées dans la fonction publique d’un autre Etat membre ne seraient pas prises en compte dans le calcul de sa pension au titre du code des pensions civiles et militaires, mais l’indice de liquidation de la pension serait celui détenu les six derniers mois avant sa mise à la retraite, en tenant compte du maintien de son droit à l’avancement. Le rapporteur ne peut que souligner l’intérêt de procéder à cet aménagement législatif qui permettra d’accentuer la présence de fonctionnaires français dans les administrations des Etats voisins.

              Mais cette évolution ne repose pas seulement sur l’aménagement de dispositifs juridiques ; elle exige aussi une modification de la culture administrative privilégiant la mobilité internationale.

              ·  Il semble ainsi essentiel de développer une stratégie cohérente de placement des fonctionnaires français, à défaut de laquelle l’influence de l’administration française s’érodera, particulièrement au sein des institutions communautaires, où sa position est en permanence menacée par la concurrence des fonctions publiques des autres Etats membres. Les récents mouvements de personnel intervenus à la tête des directions générales et des services de la Commission européenne sont à cet égard significatifs et les interprétations sur les gains ou pertes d’influence qu’ils entraînaient pour les différents Etats membres montrent bien la prégnance de cette logique de placement au sein de l’administration communautaire.

              ·  Il conviendrait, en outre, lors de la réintégration dans le corps d’origine, que l’expérience acquise lors d’une mobilité internationale soit valorisée afin de la rendre plus attractive.

              ·  Contribuant également à l’ouverture de notre fonction publique, comme au rayonnement de la France à l’étranger, l’accueil d’élèves étrangers dans ses structures de formation est indispensable. Or l’union générale des fédérations de fonctionnaires CGT a souligné la réduction depuis 1996 du nombre d’élèves étrangers en scolarité à l’Institut international d’administration publique ainsi que la diminution du nombre de pays impliqués qui est passé de 31 à 23 entre 1996 et 1999. Ainsi qu’on le verra plus loin, l’ENA peut être amené à jouer un rôle important dans ce domaine.

              ·  Enfin, le développement des échanges de fonctionnaires au sein de l’Union européenne constitue indéniablement un moyen efficace de familiariser notre fonction publique à la mobilité. Prenant la forme de stages d’une durée plus ou moins longue, ces échanges peuvent revêtir un caractère bilatéral ou communautaire. Différentes initiatives ont été prises à ce titre :

              –  Des programmes d’échanges bilatéraux pour des séjours de courte durée (une semaine) existent ainsi entre la France et trois Etats membres de l’Union (Royaume-Uni, Allemagne et Pays-Bas). En outre, un stage original, créé en 1989 et renouvelé depuis chaque année rassemble trois groupes de dix fonctionnaires français, britanniques et allemands qui, dans un premier temps suivent des conférences sur les institutions communautaires dans leur pays et se retrouvent ensuite à la Commission européenne ;

              –  Dans le cadre de séjours de longue durée (de deux à sept mois), des fonctionnaires britanniques et allemands ont été accueillis dans l’administration française (Conseil d’Etat, ministère de l’emploi, de la solidarité et de la santé, directions départementales de l’équipement, office national des forêts, ANPE…) ;

              –  Le programme communautaire Karolus organise, pour une durée de deux mois en moyenne, des échanges de fonctionnaires nationaux chargés de mettre en œuvre la législation communautaire nécessaire à la réalisation du marché intérieur. Depuis sa création en 1993, ce programme a permis à 129 fonctionnaires étrangers d’être placés dans l’administration française, tandis que 29 fonctionnaires français en ont bénéficié. On relèvera également l’existence de programmes ministériels européens d’échanges de fonctionnaires comme Mattheus (douaniers) et Interfisc (finances).

              Dans le rapport annuel mars 1998-mars 1999 relatif à la fonction publique de l’Etat, il est mentionné qu’à la suite des efforts particuliers réalisés par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique pour assurer la diffusion de l’information sur ces stages dans les administrations, une forte augmentation du nombre de candidatures françaises a été enregistrée.

                  2. La formation aux questions communautaires

              Le rôle joué par le droit communautaire dans la définition et l’application des normes françaises, les enjeux qui s’attachent à la gestion sur le terrain des politiques communautaires telles que la politique agricole commune ou les fonds structurels, tout comme le développement de coopérations administratives entre les Etats membres de l’Union européenne, particulièrement en matière policière et judiciaire, exigent de la part de notre fonction publique une formation aux différents aspects de la construction communautaire.

              La Direction générale de l’Administration de la fonction publique a inscrit depuis 1991 la formation aux questions communautaires parmi les actions de formation prioritaires. Le centre des études européennes de Strasbourg (CEES) joue en la matière un rôle important : il a été institué à la suite d’un rapport de M. Marceau Long qui, soulignant la faiblesse du niveau de formation des hauts fonctionnaires en matière d’institutions et de droit européens, avait proposé la création d’un organisme susceptible de répondre à ces besoins de formation. Ecole d’application visant à délivrer une formation pratique, la fonction essentielle du CEES réside dans l’organisation de sessions de formation continue à l’intention des fonctionnaires de l’Etat, des magistrats, des fonctionnaires territoriaux, des élus locaux, des cadres d’entreprises et des membres des professions juridiques, français et étrangers. Le centre des études européennes de Strasbourg est également de plus en plus souvent amené à organiser des séminaires sur des aspects précis des politiques de l’Union européenne, qui s’adressent à un public de plus en plus spécialisé.

              La récente réforme du concours d’accès à l’ENA comme le déroulement de la scolarité au sein de l’école témoignent en outre de la montée en puissance des questions européennes dans la formation des hauts fonctionnaires. On relèvera ainsi que le décret n° 99-871 du 13 octobre dernier qui modifie les concours d’entrée à l’ENA consacre une épreuve (d’admissibilité ou d’admission selon le choix du candidat) aux questions relatives à l’Union européenne. Le programme des études fait également davantage de place aux enseignements liées à la construction européenne, notamment sous ses angles les plus concrets : depuis 1997, toute la promotion participe ainsi à des sessions de travail organisées pendant une semaine à Bruxelles auprès de la Commission européenne, du Conseil et de la Représentation permanente de la France ; les élèves se rendent également durant deux jours à Luxembourg auprès de la Cour de justice des Communautés européennes et ont, en outre, l’occasion de suivre à Strasbourg les travaux du Parlement européen, du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’homme. Enfin, les stages que doivent accomplir les élèves en cours de scolarité se déroulent, pour nombre d’entre eux, au sein des institutions communautaires, des administrations des Etats membres de l’Union ou des Etats candidats à l’adhésion ainsi que dans les ambassades françaises présentes dans ces différents pays.

              Cette très nette réorientation de l’ENA vers les questions européennes fait à l’évidence partie des atouts dont dispose cette école pour devenir un instrument privilégié pour favoriser l’ouverture de notre fonction publique sur l’Europe et le monde.

                  3. Faire de l’ENA un outil essentiel de l’ouverture de notre fonction publique sur l’extérieur

              Par l’excellence de la formation qu’elle délivre et la spécificité de son organisation, l’Ecole nationale d’administration peut constituer un aiguillon pour l’ouverture de notre fonction publique sur l’Europe et le monde, ainsi qu’un outil efficace pour préserver l’influence de la France à l’étranger.

              ·  La tradition d’accueil d’élèves étrangers par la voie d’un recrutement spécifique constitue tout à la fois une source d’enrichissement essentielle et une base solide pour la coopération administrative et politique internationale. 1 800 étrangers de 67 nationalités différentes ont suivi la scolarité de l’ENA depuis sa création en 1945.

              Le cycle international long est ouvert aux fonctionnaires étrangers mais aussi aux étudiants, ainsi qu’à quelques personnes issues du secteur privé. On y assiste depuis dix ans à une augmentation du nombre d’étudiants, aussi nombreux que les fonctionnaires dans le cycle 1997-1999, le nombre d’admis en provenance du secteur privé étant, quant à lui, resté stable et minoritaire. Comme le soulignaient M. Raymond-François Le Bris, directeur de l’ENA, et M. Christian Petit, secrétaire général de l’école, l’analyse de la répartition géographique de ces étudiants étrangers, si elle permet de constater l’importance d’élèves originaires d’Europe (50 %), révèle l’augmentation progressive du nombre d’élèves en provenance des pays d’Europe centrale et orientale, candidats de la première ou deuxième vague à l’adhésion à l’Union européenne.

              Compte tenu de la nature des emplois qu’ils peuvent être amenés à occuper dans leur pays, les étrangers ayant suivi des enseignements à l’ENA forment de solides relais d’influence pour la France, son système administratif et la francophonie. Il sera à cet égard particulièrement intéressant de connaître les résultats de l’enquête qui, afin d’assurer le suivi professionnel de ceux-ci, a été lancée en février dernier auprès des anciens élèves étrangers qui ont été scolarisés à l’ENA depuis dix ans.

              ·  En outre, la double localisation de l’ENA à Paris et Strasbourg, qui a alimenté tant de querelles, semble aujourd’hui susciter un consensus – à l’exception notable des élèves en cours de scolarité dont le rapporteur a entendu une délégation – et apparaît comme un atout pour faire de l’ENA un grand centre de formation aux questions européennes, susceptible de satisfaire les besoins qui se sont fait jour en matière de formation aux questions européennes.

              Sans doute l’implantation de l’école sur deux sites est-elle une source de complexité de gestion, le personnel de direction et d’encadrement étant amené à effectuer de nombreux déplacements d’un site à l’autre. De même, elle est inévitablement source de frais pour les élèves dont la grande majorité conserve un logement en région parisienne, mais aussi de charges pour le contribuable. Lors de l’examen des crédits du ministère de la fonction publique pour 1999, la commission des Lois s’était d’ailleurs émue du coût entraîné par la double localisation de l’ENA à Strasbourg et Paris, évalué en 1997 à 16 millions de francs par la Cour des comptes. Elle avait, par conséquent, adopté un amendement réduisant à hauteur de ce montant la subvention de fonctionnement de l’ENA. Mais il en fut décidé autrement, sur proposition du Gouvernement, par l’Assemblée nationale.

              L’arbitrage entre les deux sites a donc été tranché et ne peut être remis en cause en l’état, faute d’éléments nouveaux : à Paris, la proximité des grandes administrations et des pouvoirs publics se révèle en effet indispensable à la qualité de l’enseignement délivré lors de la scolarité et l’attrait que revêt la capitale pour les étudiants étrangers – dont on a souligné plus haut l’importance – ne doit pas être négligé. Mais, simultanément, l’implantation de l’école à Strasbourg a contribué à ancrer les questions européennes dans la scolarité et permet aujourd’hui de développer, certainement plus facilement qu’à Paris, certains projets avec les collectivités locales.

              Dans son livre blanc du cinquantenaire de l’ENA, l’association des anciens élèves de l’ENA avait souhaité que soit développé à Strasbourg un grand centre de formation aux questions européennes. Installé dans une aile de la Commanderie Saint-Jean à Strasbourg, le centre des études européennes de Strasbourg auquel a été confiée, comme on l’a vu plus haut, la formation permanente des fonctionnaires aux questions européennes partage d’ores et déjà les locaux et les installations pédagogiques de l’ENA mais demeure sans lien avec l’école nationale d’administration et est jugé, dans le livre blanc, trop modeste. Aussi y est-il suggéré que soit mis en place un grand centre proposant une formation articulée sur celle que délivre l’ENA et qui servirait de manière systématique à la formation initiale et approfondie des élèves de l’école ainsi qu’à la formation permanente de l’ensemble des hauts fonctionnaires français.

              ·  Enfin, l’ouverture de notre fonction publique serait sans doute significativement accrue par celle de la formation dispensée à l’ENA. Les progrès réalisés par l’Union européenne amènent à se demander s’il ne serait pas envisageable d’ouvrir le concours d’entrée de l’école aux ressortissants communautaires. En effet, pourquoi continuer à refuser l’accès à certains emplois aux ressortissants communautaires au motif qu’ils ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté ou comportent une participation à l’exercice de prérogatives de puissance publique alors que des domaines relevant traditionnellement de la souveraineté sont désormais de la compétence des instances communautaires ? Le rapporteur est conscient des difficultés qu’emporte cette interrogation, notamment au regard des conditions de réciprocité entre les Etats membres ; elle lui paraît cependant trouver toute sa place dans une réflexion de long terme sur les conséquences pour nos structures administratives et politiques de l’intégration de plus en plus approfondie à laquelle tend aujourd’hui l’Union européenne.

                C. RÉNOVER L’ÉTHIQUE DES FONCTIONNAIRES

                  1. Garantir l’effectivité du pouvoir disciplinaire

              Parce qu’elle marque la responsabilité du fonctionnaire, la réalité du pouvoir disciplinaire est indispensable à sa légitimité. Parce qu’elle concourt à une bonne gestion des ressources humaines, elle est également nécessaire à la modernisation de l’administration.

              ·  Certains des aspects du pouvoir disciplinaire peuvent amener à s’interroger sur ses conditions d’application. Les règles et les principes applicables en matière disciplinaire sont parfois mal connus des responsables de l’administration, comme en témoigne l’abondance du contentieux devant les juridictions administratives. De même, la stabilité – et même la légère baisse – du nombre de sanctions disciplinaires prononcées entre 1986 et 1998 (respectivement 5 256 et 5 194 sanctions) est source d’interrogations alors même que les effectifs ont augmenté durant cette période.

              Les données disponibles sur les sanctions disciplinaires prononcées en 1998 permettent de constater, comme pour les années 1996 et 1997, la prévalence très nette des sanctions les plus faibles. L’article 66 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit en effet une échelle de dix sanctions disciplinaires, réparties en quatre groupes et mentionnées par ordre croissant de sévérité : l’avertissement et le blâme figurent ainsi dans le premier groupe ; la radiation du tableau d’avancement, l’abaissement d’échelon, l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours, le déplacement d’office relèvent du deuxième groupe ; le troisième groupe rassemble la rétrogradation, l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans tandis que les sanctions les plus graves – la mise à la retraite d’office et la révocation – relèvent du quatrième groupe.

            SANCTIONS DISCIPLINAIRES PRONONCÉES EN 1998

            Fautes

            Sanctions prononcées

             

            Détournement, conservations de fonds

            Absences irrégulièreabandon de fonction

            Mauvais service, indisciplinefautes professionnelle

            Vol de matériel de l’administration

            Détourne
            ment, ouverture d’objets de correspondance

            Comportement privé affectant le renom du service

            Ivresse

            Mœurs

            Condamnations pénales

            Dettes et chèques sans provision

            Incorrections, violence, insultes

            Activité privée rémunérée

            Divers

            Totaux

            Révocation

             

            90

            3

            23

            5

            41

            28

            6

            30

            37

             

            15

            1

            6

            285

            Mise à la retraite d’office

             

            5

             

            7

               

            2

            5

            4

            5

             

            7

               

            35

            Exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 3 mois à 2 ans

             

            106

            16

            96

            19

            62

            28

            62

            19

            32

            1

            53

            5

            20

            519

            Rétrogradation

             

            9

             

            10

            1

             

            1

            1

            1

            2

             

            1

             

            2

            28

            Déplacement d’office

            1

            12

            1

            40

            5

            5

            8

            5

            5

            6

            1

            16

            3

            1

            108

             

            2

            6

            1

            16

             

            1

             

            1

            1

            2

             

            15

             

            2

            45

            Exclusion temporaire pour une durée de 15 jours maximum

             

            22

            26

            127

            9

            18

            19

            72

            1

            10

             

            54

             

            9

            367

            Abaissement d’échelon

             

            5

            2

            7

            2

             

            1

            3

            1

               

            1

             

            5

            27

            Radiation du tableau d’avancement

            3

            1

               

            2

               

            1

                 

            1

            1

             

            6

             

            4

            1

             

            1

                         

            3

               

            5

            Blâme

            5

            1

            8

            36

            1

            1

            4

            11

               

            1

            13

             

            9

            85

             

            6

            38

            107

            1 054

            11

            24

            56

            133

            6

            30

            10

            144

            7

            266

            1 886

            Avertissement

            5

             

            4

            16

            1

            7

             

            1

                 

            8

            1

            1

            39

             

            6

            19

            208

            1 105

            17

            12

            22

            83

            2

            20

            8

            76

            2

            185

            1 759

            Totaux

             

            315

            376

            2 538

            73

            171

            169

            384

            70

            144

            21

            407

            20

            506

            5 194

            Observations : 1 : déplacement d’office hors de la résidence 2 : déplacement d’office dans la résidence

                                3 : sanction infligée à titre principal 4 : sanction infligée à titre complémentaire d’une des sanctions des 2ème et 3ème groupes

                                5 : sanction prise après consultation de l’organisme paritaire 6 : sanction prise sans consultation de l’organisme paritaire

            Source : Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation

              70 % des sanctions disciplinaires prononcées en 1998 sont des blâmes et avertissements. Conformément à l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ces deux sanctions peuvent être prononcées sans consultation préalable du conseil de discipline et l’avertissement ne figure pas au dossier du fonctionnaire tandis que le blâme en est automatiquement effacé au bout de trois ans si aucune sanction n’est intervenue durant cette période. Le blâme et l’avertissement sanctionnent essentiellement des fautes professionnelles et de mauvais service ainsi que des actes d’indiscipline.

              Ces mêmes fautes peuvent être sanctionnées par l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum de quinze jours qui est nettement moins fréquente – elle représente 7 % des sanctions prononcées en 1998 – et qui sanctionne également des comportements privés affectant le renom du service et des atteintes aux mœurs.

              Figurant parmi les sanctions les plus lourdes, l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et la révocation représentent respectivement 10 % et 5,5 % des sanctions prononcées en 1998. Elles répriment au premier chef les détournements de fonds et les malversations.

              Le tableau figurant ci-après permet de constater que 90 % des sanctions disciplinaires prononcées concernent quatre ministères ainsi que la Poste et France Télécom.

              RÉPARTITION DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES
              PRONONCÉES EN 1998

              Ministère ou exploitant public

              % du total des sanctions

              Ministère de l’intérieur

              46,9

              La Poste et France Télécom

              30,8

              Ministère de l’éducation nationale, de la recherche
              et de la technologie

              9,1

              Ministère de la justice

              6,3

              Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie

              2,3

              Source : Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation

              Votre rapporteur tient à souligner le petit nombre de mesures prises pour insuffisance professionnelle (269 entre 1989 et 1998), qui semble particulièrement faible au regard des effectifs.

              L’usage que font les personnes publiques de leur faculté d’engager des actions récursoires contre leurs agents dont la faute personnelle a provoqué le versement de dommages-intérêts serait un autre moyen de mesurer la réalité de la responsabilité des fonctionnaires : on ne peut donc que regretter l’absence d’élément statistiques sur ce point.

              On observera qu’au moment où le Parlement s’apprête à examiner un texte relatif à la responsabilité des magistrats la question de l’exercice du pouvoir disciplinaire au sein de la magistrature se pose avec une particulière acuité ().

              · Plusieurs mesures ont cependant été prises afin de garantir l’effectivité de l’exercice du pouvoir disciplinaire dans l’ensemble de la fonction publique :

              La déconcentration du pouvoir disciplinaire, au niveau ministériel, voire infraministériel (directions, services déconcentrés), apparaît comme l’une des garanties de la mise en œuvre concrète des poursuites disciplinaires.

              En effet, le pouvoir disciplinaire s’exerce à l’encontre des fonctionnaires dont les actes répréhensibles portent préjudice à la bonne marche du service et à son renom. Or, il n’existe aucune définition réglementaire de la faute disciplinaire qui est laissée à l’appréciation de l’autorité administrative. Il peut s’agir de détournements de fonds, de malversations opérées dans l’exercice des fonctions, de comportement violent, grossier ou menaçant, d’absentéisme ou de tout manquement professionnel … L’importance de la sanction est évaluée en fonction de la nature et de la gravité de la faute, mais aussi d’éléments tels que les fonctions exercées, le déroulement de la carrière administrative du fonctionnaire, sa situation familiale, la responsabilité éventuelle de l’entourage ou encore le contexte médical. Dans ces conditions, la déconcentration de l’exercice du pouvoir disciplinaire est indispensable afin de prendre en compte les spécificités propres à chaque département ministériel.

              La loi du 26 juillet 1991, en dissociant le pouvoir de nomination et le pouvoir disciplinaire, a responsabilisé certains services déconcentrés saisis d’affaires disciplinaires délicates en leur permettant de mener des enquêtes sur le terrain, de sanctionner les fautes de fonctionnaires mis en cause et de travailler en collaboration avec les services sociaux compétents. De même, le décret n° 97-694 du 31 mai 1997, relatif à la déconcentration en matière disciplinaire, a modifié l’article 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat, en permettant à un chef de service déconcentré, ayant reçu délégation de compétence, de consulter la commission administrative locale siégeant en conseil de discipline, alors même que le pouvoir d’infliger la sanction serait conservé au niveau du ministre.

              Le décret n° 99-101 du 11 février 1999 déconcentre ainsi largement la procédure disciplinaire applicable aux personnels de l’enseignement secondaire et assimilés. Ce décret prévoit que le conseil de discipline est la commission administrative paritaire académique compétente, laquelle est saisie par la recteur d’académie, par délégation de compétence du ministre, dans tous les cas. Les sanctions disciplinaires des premier et deuxième groupes sont prononcées par le recteur, le ministre conservant le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires des troisième et quatrième groupes.

              Le corollaire de ce mouvement de déconcentration du pouvoir disciplinaire doit être l’harmonisation de ses conditions d’exercice : le ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation joue à ce titre un rôle privilégié. Outre ses activités de conseil et d’appui aux administrations à l’occasion desquelles elle est amenée à clarifier les règles applicables à la procédure disciplinaire (garantie des droits de la défense, respect de l’échelle des sanctions…), la Direction générale de l’administration et de la fonction publique participe à l’harmonisation des politiques disciplinaires ministérielles à travers l’activité de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat.

              Purement consultative, cette instance, mise en place en 1977, est chargée d’examiner les requêtes déposées par les fonctionnaires. Le volume croissant de ses interventions – 130 requêtes y ont été déposées en 1998, contre 71 en 1989 – et son caractère interministériel lui permettent de jouer un rôle d’harmonisation des décisions disciplinaires, de même qu’un rôle majeur de prévention du contentieux, ainsi qu’en témoigne le petit nombre de contentieux postérieurs à un avis de rejet de la commission. Il apparaît ainsi qu’en matière disciplinaire tout au moins les fonctionnaires préfèrent faire trancher les litiges les opposant à leurs administrations par cette instance consultative plutôt que par les tribunaux administratifs.

                  2. Rénover la réglementation relative au cumul d’activités et de rémunérations

              Aux termes de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ceux-ci « consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Les conditions dans lesquelles il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

              En l’absence de décret prévu à l’article 25 précité, c’est le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions qui continue de s’appliquer. Il définit le champ d’application de la réglementation, fixe les activités privées pour lesquelles il peut être, sous certaines conditions, dérogé à l’interdiction générale de cumul d’activités et pose le principe de l’interdiction du cumul d’emplois publics sauf autorisation exceptionnelle.

              Dans un rapport adopté le 27 mai dernier rédigé à la demande du précédent Gouvernement, le Conseil d’Etat a stigmatisé les lacunes et l’obsolescence de cette réglementation.

              Pour votre rapporteur, la réforme de cette réglementation – indispensable au bon fonctionnement du service public – doit répondre à plusieurs objectifs : clarifier un dispositif complexe et peu transparent ; prendre en compte l’évolution des structures administratives et des modes de gestion publique ; éviter les abus de cumul d’activités publique et privée sans briser les nécessaires interactions ente ces deux sphères ; enfin, être l’occasion d’engager une réflexion sur le cumul d’une activité publique avec un mandat politique.

                    a) Clarifier un dispositif complexe et peu transparent 

              De l’aveu même du Conseil d’Etat, la réglementation des cumuls d’activités et de rémunérations est d’une extrême complexité, de nombreuses règles statutaires particulières à certaines catégories d’agents publics portant ainsi atteinte à la lisibilité du dispositif. Le constat dressé par le Conseil d’Etat dans son rapport est à cet égard édifiant : il dit notamment s’être « heurté, d’une part, à l’impossibilité d’obtenir rapidement un recensement exhaustif de tous les régimes particuliers, que même la Direction générale de l’administration et de la fonction publique n’est pas en mesure d’effectuer, et d’autre part au refus du ministère des finances de communiquer les textes qui régissent le mode très particulier de rémunération de certains corps de fonctionnaires (trésoriers-payeurs généraux et conservateurs des hypothèques) ».

              Le champ d’application de la réglementation sur les cumuls n’échappe pas à ce constat général : il n’est pas aligné sur celui donné par le code du travail, dont l’article L. 324-1 pose également la règle de non-cumul ; la liste des établissements publics à caractère industriel et commercial soumis à la réglementation sur les cumuls n’obéit à aucune logique et « répond à des objectifs souvent obscurs ou contradictoires », selon le Conseil d’Etat ; enfin, le critère du financement pour moitié par des fonds publics, qui définit, aux termes de l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936, les organismes employeurs concernés par la réglementation du cumul, peut se révéler difficile à apprécier, ne serait-ce que parce que les subventions prises en compte pour apprécier la part du financement public ne sont pas seulement financières mais peuvent prendre la forme d’aides en nature (mise à disposition de locaux ou de personnels).

                    b) Prendre en compte l’évolution des structures administratives et des modes de gestion publique 

              En application du décret-loi du 29 octobre 1936, l’interdiction du cumul d’activités s’applique à l’ensemble des personnels, civils ou militaires, relevant à un titre ou à un autre d’une collectivité publique ; il concerne donc :

              —  les agents publics, titulaires ou non, des trois fonctions publiques et de leurs établissements publics à caractère administratif ;

              —  les personnels des établissements publics ou des entreprises publiques à caractère industriel et commercial, dont la liste est fixée par décret et qui comporte actuellement 52 organismes ;

              —  les personnels des organismes publics ou privés dont le budget de fonctionnement est financé à plus de 50 % par des fonds publics.

              Il apparaît ainsi que le texte n’a pas suivi l’évolution de la structure administrative française : n’y sont mentionnés ni les régions, ni les établissements publics de coopération entre les collectivités locales.

              Par ailleurs, l’actuelle réglementation sur les cumuls d’activités et de rémunérations apparaît en partie inadaptée aux nouvelles modalités d’organisation du temps de travail dans la fonction publique.

              Celles-ci laissent en effet de plus en plus de place au temps partiel (en 1998, 8,7 % des titulaires des ministères civils travaillent à temps partiel, dont plus de la moitié à 80 % du temps plein et près du quart à mi-temps) et au temps incomplet, auquel peuvent avoir recours les employeurs dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière et qui leur permet, lorsque les besoins de la collectivité ne nécessitent pas d’employer une personne à temps complet, de recruter un agent dont la durée du travail est inférieure à celle fixée pour les emplois à temps complet.

              A ce jour, les dérogations à l’interdiction de cumul d’activités prévues par le décret-loi ne bénéficient qu’aux agents employés à temps plein.

              Leur adaptation partielle paraît donc nécessaire. En effet, s’il est logique d’encadrer très strictement, ainsi que le fait l’article 39 de la loi du 11 janvier 1984 pour les fonctionnaires de l’Etat, les possibilités de cumul pour les agents autorisés à accomplir une période de service à temps partiel afin de garantir que ceux-ci n’utilisent pas le temps libre ainsi dégagé pour entreprendre une autre activité rémunérée, la question mérite en revanche d’être posée pour les agents qui n’exercent que quelques heures hebdomadaires au service d’une personne publique.

              Cette interrogation prend d’ailleurs un relief particulier depuis l’intervention de la jurisprudence du tribunal des conflits qui, dans un arrêt dit « Berkani » du 25 mars 1996, a étendu la qualité d’agent de droit public à tous les agents non titulaires travaillant dans les services publics administratifs gérés par des personnes de droit public. Ainsi que le précisait le ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et la décentralisation devant le Sénat le 13 octobre dernier, ce sont près de 15 000 personnes dans la fonction publique de l’Etat et quelques milliers dans la fonction publique territoriale qui sont concernées par cette jurisprudence.

              Celle-ci les astreint au respect de l’actuelle réglementation sur le cumul d’activités. En application de celle-ci, les possibilités de cumul avec un autre emploi public seront ainsi très limitées pour ces personnels. En effet, l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936 pose le principe de l’interdiction d’exercice de plusieurs emplois rémunérés par des fonds publics, c’est-à-dire par une collectivité publique ou un organisme dont le budget est alimenté pour plus de 50 % par des fonds publics. Par dérogation à ce principe, le cumul d’emplois publics n’est autorisé qu’« à titre exceptionnel » et sous quatre conditions : le cumul ne peut porter que sur deux emplois au plus, n’être autorisé que pour une durée limitée et le second emploi ne doit pas nuire à l’exercice de l’activité principale ; le cumul doit donner lieu à une autorisation, prise par décision conjointe des administrations intéressées, après avis favorable des contrôleurs financiers ou des autorités chargées du contrôle financier.

              Aussi, le Gouvernement, dans le projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, s’il a souhaité stabiliser la situation des agents en cause en leur proposant des contrats à durée indéterminée de droit public, leur a-t-il laissé cependant un droit d’option en faveur d’un contrat de droit privé soumis aux dispositions du code du travail qui ne les contraindrait pas à renoncer aux autres activités qu’ils peuvent par ailleurs exercer.

              Au demeurant, malgré cet aménagement législatif proposé par le Gouvernement et refusé le 13 octobre dernier par le Sénat lors de sa deuxième lecture du projet de loi précité, un assouplissement des règles de cumul d’activités pour les agents ne travaillant pour une personne publique que dans le cadre d’horaires très réduits apparaît aujourd’hui nécessaire.

                    c) Eviter les abus de cumul d’activités publique et privée sans briser les nécessaires interactions entre ces deux sphères 

              Le principe de l’interdiction d’exercice d’une activité privée à titre professionnel et lucratif, inscrit dans le décret-loi du 29 octobre 1936, s’applique aux agents publics titulaires et non titulaires, sans distinction entre emplois à temps complet et incomplet, ainsi qu’aux agents placés en situation de congé maladie. Ce principe est assorti de trois types de dérogations :

              —  La production d’œuvres scientifiques, littéraires ou artistiques : ces activités ne sont pas soumises à autorisation et les fonctionnaires concernés sont en droit d’en retirer une contrepartie financière. L’exercice de ce droit comporte toutefois certaines contraintes : l’agent ne doit pas être amené, dans le cadre de cette activité, à acquérir la qualité de commerçant, incompatible avec la qualité de fonctionnaire ; il est tenu au respect des obligations de discrétion professionnelle et de réserve qui s’imposent à tout agent public et l’œuvre ne doit pas être réalisée pendant le temps de service avec les moyens de l’administration ou avec les connaissances acquises dans le cadre des fonctions administratives ;

              —  Les enseignements, expertises ou consultations, effectuées sur la demande d’une autorité administrative ou judiciaire ou sur autorisation du chef de service. Ces activités, dont on relèvera qu’elles ne sont pas ouvertes aux agents à temps partiel, ne doivent pas être exercées contre l’Etat ou la collectivité concernée ;

              —  L’exercice d’une profession libérale découlant de la nature des fonctions constitue le dernier type de dérogation. Celle-ci n’est ouverte qu’aux membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et de l’administration des beaux-arts. Elle est naturellement fermée aux agents à temps partiel.

              L’équilibre dans l’exercice des facultés de cumul semble en la matière particulièrement délicat à instaurer. En effet, il s’agit ici de concilier le souci de bonne exécution du service, le respect d’une déontologie par l’agent public avec la valorisation à l’extérieur des compétences des agents publics et l’enrichissement que peut constituer une activité privée pour la qualité du travail d’un agent. La loi n° 99-595 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, en ouvrant la possibilité aux fonctionnaires appartenant au service public de la recherche de créer ou apporter leur concours à une entreprise de valorisation de leurs travaux de recherche sans être mis en disponibilité et en leur évitant de tomber sous le coup des dispositions pénales relatives à la prise illégale d’intérêts, constitue un bon exemple des enjeux que revêtent ces « passerelles » entre les sphères publique et privée. Dans cette optique, le Conseil d’Etat propose de remédier à certaines rigidités en autorisant expressément les agents publics à effectuer des missions auprès d’organisations internationales intergouvernementales ou d’Etats étrangers.

              La faculté de cumul avec l’exercice de professions libérales peut conduire cependant à certains abus. Sans doute sont-ils marginaux mais, comme le souligne le Conseil d’Etat, « pour certains professeurs d’université, semble-t-il, l’activité principale est devenue accessoire et vice-versa : ils exercent d’abord une activité libérale, sur laquelle ils prennent quelques heures pour donner leur enseignement de professeur d’université. »

              Afin de réfréner ces abus, le Conseil d’Etat a, dans un premier temps, proposé deux modifications : d’une part, contraindre les professeurs souhaitant exercer cette faculté de cumul à en faire la déclaration au président de l’université, qui pourra s’opposer, à tout moment, dans l’intérêt de la bonne exécution du service, à la poursuite de cette activité privée ; d’autre part, leur interdire de recevoir de l’université une rémunération au titre des heures supplémentaires. Ce dernier point ayant un impact budgétaire, votre rapporteur a présenté à la Commission un amendement en ce sens. Tout en admettant qu’il soulevait des difficultés juridiques, il a cependant insisté sur son souhait d’obtenir un engagement du Gouvernement de revoir la question du cumul d’une activité publique et privée.

              Mme Claudine Ledoux a jugé qu’il n’était pas souhaitable de légiférer pour une catégorie particulière, estimant préférable d’attendre une réforme d’ensemble des règles de cumul dans la fonction publique. M. Arnaud Montebourg a considéré que la Commission ne pouvait adopter cet amendement, faisant ressortir qu’il portait, non sur les crédits de la fonction publique, mais sur ceux de l’enseignement supérieur dont elle n’est pas saisie. Il a donc suggéré au rapporteur de le présenter en séance à titre individuel, en faisant état du soutien de principe de la Commission. Le rapporteur a alors retiré son amendement.

                    d) Engager une réflexion sur la situation des agents publics exerçant un mandat politique

              Bien que relevant d’une logique très différente de celle qui justifie la limitation du cumul d’activités publiques, le rapporteur souhaite évoquer ici la question de la situation des agents publics exerçant un mandat politique.

              Le décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions de fonctionnaires de l’Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions prévoit ainsi le détachement du fonctionnaire « pour exercer les fonctions de membre du Gouvernement ou une fonction publique élective lorsque cette fonction comporte des obligations empêchant d’assurer normalement l’exercice de la fonction ». De même le détachement est-il prévu pour le fonctionnaire, « maire d’une commune de plus de 10 000 habitants, ou adjoint au maire d’une commune de plus de 30 000 habitants, président ou vice-président ayant délégation de l’exécutif du conseil général, président ou vice-président ayant délégation de l’exécutif du conseil régional ».

              En application de l’article 45 de la loi du 11 janvier 1984, le fonctionnaire ainsi placé en détachement continue de bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite et il est obligatoirement réintégré dans son corps d’origine à l’expiration de son détachement. Le détachement pour l’exercice de fonctions publiques électives fait en outre l’objet de dispositions spécifiques puisqu’en application de l’article 46 de la loi précitée, le fonctionnaire concerné peut, en outre, être affilié au régime de retraite dont relève la fonction de détachement et acquérir à ce titre des droits à pensions ou allocations.

              La question de l’aménagement de ce dispositif a fréquemment été soulevée. Ainsi le livre blanc du cinquantenaire de l’ENA propose de placer en situation de disponibilité les fonctionnaires élus à des mandats politiques importants, « l’intéressé devant choisir entre la fonction publique et sa carrière politique, à sa première réélection ». De même l’Assemblée nationale avait-elle eu à connaître, lors de la première lecture du projet de loi ordinaire relatif au cumul des mandats le 28 mai 1998, de plusieurs amendements visant à substituer la position de disponibilité à celle du détachement pour le fonctionnaire exerçant certaines fonctions électives.

              Très certainement, ce débat ne constituait ni le moment, ni le lieu pour procéder à un aménagement de cette réglementation, qui ne doit pas être entrepris dans une logique de remise en cause de la fonction publique. Pour autant, ainsi que le reconnaissait M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur, ce sujet « pose un problème réel : l’égalité de nos concitoyens devant le suffrage et la possibilité d’exercer des mandats d’élus selon qu’ils appartiennent au secteur privé ou au secteur public ».

              Sans prétendre détenir une solution sur cette question délicate, le Rapporteur estime aujourd’hui souhaitable d’engager – dans la sérénité – une réflexion sur ce sujet et de concourir ainsi à l’adaptation de notre fonction publique aux nouvelles missions de l’Etat ainsi qu’à ses nouvelles formes d’organisation et de fonctionnement.

              A l’aube de l’an 2000, il appartient aux plus hautes autorités de l’Etat, le Président de la République et le Premier ministre de redéfinir le statut et le rôle du fonctionnaire dans l’Etat. Qu’est-ce que servir l’Etat désormais ? La République se doit d’apporter une réponse à cette question.

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              Avant d’émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l’audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation, sur les crédits de son ministère pour 2000.

              Le ministre a indiqué à titre liminaire que l’objectif premier de son action était de progresser dans l’adaptation de l’Etat à l’évolution de la société et d’engager de manière déterminée la rénovation du service public. Abordant la réforme de l’Etat, premier de ses trois domaines de compétence, il a souligné que l’une des priorités en la matière était de placer l’usager au centre de la démarche de rénovation du service public, notamment par un meilleur accès aux informations. Il a alors cité la procédure de codification des textes en vigueur, rappelant que l’encombrement du calendrier parlementaire avait amené le Gouvernement à déposer un projet de loi d’habilitation portant sur les neuf codes dont la Commission supérieure de codification avait terminé l’élaboration. Evoquant le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration, il a fait valoir qu’il permettrait de rapprocher les services publics des administrés, notamment grâce à un regroupement au sein des maisons des services publics de plusieurs services d’usage courant et l’extension des pouvoirs du Médiateur de la République. Soulignant la nécessité d’associer les usagers à la concertation, il a rappelé que l’ancienne COSIFORM avait été remplacée par une nouvelle commission, la commission des simplifications administratives, et ajouté que la composition de la commission de modernisation des services publics avait été modifiée afin de renforcer la place des usagers. Après avoir insisté sur l’importance des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il a observé que de nombreux formulaires administratifs étaient désormais mis en ligne sur Internet tandis que les téléprocédures dans les domaines sanitaires, sociaux et fiscaux se développaient très rapidement.

              Présentant les mesures prises pour adapter l’organisation interne des services à l’évolution des missions de l’Etat, le ministre a évoqué le comité interministériel pour la réforme de l’Etat du 13 juillet dernier et rappelé que deux décrets avaient été présentés au Conseil des ministres du 20 octobre afin de renforcer les pouvoirs de coordination du préfet, ajoutant que ce dernier arrêterait désormais l’organisation de l’ensemble des services déconcentrés de l’Etat relevant de son autorité, qu’il pourrait désigner un responsable disposant d’une délégation complète inter-services et qu’il serait chargé de conduire une concertation locale lors de tout projet de fermeture ou de réorganisation des services publics avec un pouvoir d’appel suspensif. Il a souligné que le Premier ministre l’avait également chargé de proposer des mesures afin de favoriser l’accès des habitants des quartiers en difficulté aux services publics et de garantir la présence dans ces quartiers de fonctionnaires expérimentés et motivés. Après avoir évoqué la réorganisation des administrations centrales des ministères entreprise depuis deux ans, il a indiqué que les programmes pluriannuels de modernisation établis par chaque ministère à la demande du Premier ministre étaient consultables sur Internet. Abordant enfin les mesures destinées à améliorer la gestion de l’administration, il a cité le programme interministériel d’évaluation arrêté par le Comité interministériel pour la réforme de l’Etat du 13 juillet dernier, la simplification des procédures budgétaires et financières et le développement d’Intranet.

              Après avoir souligné que la gestion des ressources humaines dans la fonction publique devait être modernisée, M. Emile Zuccarelli a fait valoir que les orientations arrêtées en matière d’encadrement supérieur au printemps dernier, la réforme visant à diversifier le recrutement de l’ENA, la politique volontariste destinée à favoriser la représentation des femmes dans l’encadrement et la circulaire du 20 octobre 1999 sur la publication des textes indemnitaires et indiciaires, qui améliore la transparence de l’administration, participaient de cette démarche. Exposant les priorités pour l’année à venir dans ce domaine, il a annoncé l’élaboration d’une charte de la gestion des ressources humaines destinée à dégager les principes de bases d’une gestion moderne des ressources humaines et une plus grande rigueur dans la gestion des personnels non-statutaires ou précaires. Après avoir indiqué que l’accord salarial du 10 février 1998, qui avait prévu une revalorisation des traitements de 1,3 % en 1998 et en 1999, arrivait à échéance à la fin de l’année, il a précisé qu’une réunion avec les organisations syndicales était prévue sur cette question dans les prochains jours, en application de cet accord, rappelant que la politique salariale conduite dans la fonction publique concernait 5,1 millions de fonctionnaires en activité et 4,2 millions de retraités. Observant que l’accord du 10 février 1998 prévoyait également des groupes de travail sur les pensions d’invalidité, dont les prestations sont parfois inférieures aux minima du régime général, et sur les frais de déplacement, il a indiqué que les réflexions se poursuivaient, des améliorations notables ayant déjà été obtenues en matière de frais de déplacement. Evoquant enfin l’aménagement et la réduction du temps de travail, il a rappelé que le rapport au Parlement prévu par la loi du 13 juin 1998 avait été déposé le 22 juin dernier précisant qu’une concertation visant à élaborer un protocole d’accord inter-fonction publique pourrait s’ouvrir dès la rentrée prochaine. Après avoir indiqué que la première étape de cette concertation s’était ouverte le 21 septembre dernier avec les organisations syndicales et l’ensemble des associations d’élus locaux, le ministre a observé qu’il existait un consensus en faveur d’un accord inter-fonction publique et qu’il espérait aboutir sur cette question avant le début de l’an 2000.

              Abordant la question de la décentralisation, il a fait valoir que le projet de loi modifiant le régime juridique des interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés d’économie mixte, qui est le troisième projet de la législature sur ce thème après ceux sur l’aménagement du territoire et l’intercommunalité, répondait à la triple nécessité de mettre en harmonie les textes et la réalité, de mieux prendre en compte la dimension communautaire et de sécuriser les élus en adoptant un dispositif moins complexe et mieux adapté. Evoquant le rapport de M. Rémy Schwartz sur les difficultés de recrutement, de formation et de déroulement de carrière des fonctionnaires territoriaux, il a indiqué que les mesures prioritaires retenues par le Gouvernement étaient l’assouplissement des quotas de promotion interne et d’avancement de grade, l’adaptation des seuils démographiques, inchangés depuis trente ans, et la mise en place d’une concertation avec les associations d’élus et les syndicats pour améliorer la transparence des conditions d’accès aux emplois supérieurs et favoriser une plus grande mobilité vers la fonction publique de l’Etat.

              Commentant enfin le budget de son ministère pour 2000, le ministre a souligné que celui-ci, qui s’élève à 1,316 milliard de francs, progressait sensiblement par rapport à l’année précédente, si l’on fait abstraction de l’enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs de crédits sociaux prévue par l’accord salarial pour 1998 et 1999. Il a fait valoir que les crédits d’action sociale augmentaient de manière importante, rappelant que cette augmentation correspondait pour l’essentiel à la pérénnisation du fonds en faveur de l’insertion des handicapés et à l’augmentation de l’enveloppe consacrée aux chèques-vacances. Il a précisé que les dotations consacrées aux opérations interministérielles de formation déconcentrée et aux subventions de fonctionnement pour les établissements de formation progressaient de manière sensible, tandis que les crédits du fonds pour la réforme de l’Etat étaient stables. Il a observé en conclusion que l’évolution de la répartition des financements traduisait clairement la priorité donnée à la déconcentration.

              Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus.

              Le rapporteur a fait part de la satisfaction qu’avait exprimée l’ensemble des organisations syndicales qu’il a reçues sur l’accord salarial de 1998 mais aussi de leurs interrogations sur les problèmes posés par la gestion des effectifs. Ainsi, il a souhaité savoir quelles mesures le ministre envisageait de prendre pour faire face au départ à la retraite de 700 000 agents titulaires des services civils de l’Etat d’ici 2010 et pour donner suite au souhait du Premier ministre d’attirer des agents motivés et compétents vers les quartiers difficiles. Rappelant que seulement 8 % des emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement reviennent à des femmes, il a demandé quelles suites seraient données au rapport de Mme Anne-Marie Colmou sur la parité dans la haute fonction publique. Par ailleurs, il a jugé indispensable que le Gouvernement ouvre la fonction publique sur l’étranger en favorisant, notamment, le détachement dans les administrations des Etats membres de l’Union européenne et le placement de fonctionnaires français dans les administrations communautaires. Il a appelé de ses vœux une réflexion sur la déontologie des fonctionnaires portant, en particulier, sur le « pantouflage », l’exercice par des agents publics d’une fonction publique élective et le cumul d’activités publiques et privées. Enfin, il a souhaité que des mesures soient prises pour faciliter l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et pour apporter des solutions aux problèmes rencontrés par les jeunes mères de famille fonctionnaires en développant les crèches et en aménageant le calendrier des concours, comme l’a suggéré l’association des anciens élèves de l’ENA, afin que celui-ci soit mieux adapté à leurs contraintes familiales.

              M. Dominique Bussereau a tout d’abord interrogé le Ministre sur la politique de recrutement menée pour faire face aux départs massifs en retraite prévus jusqu’en 2010, se demandant si le Gouvernement envisageait des remplacements poste pour poste ou entendait au contraire privilégier les fonctions régaliennes de l’Etat. Après avoir estimé que l’accord salarial récemment signé dans la fonction publique pouvait apparaître comme un moyen « d’acheter la paix sociale » et soulignant qu’il ferait sans doute beaucoup d’envieux dans le secteur privé, il a ensuite souhaité connaître les modalités envisagées par le Gouvernement pour l’application des 35 heures dans la fonction publique. M. Dominique Bussereau a ensuite interrogé le Ministre sur l’avenir de la bilocalisation de l’ENA, puis sur la mise en œuvre des conclusions du rapport de M. Jean Prada afin de prévenir le « pantouflage » des cadres supérieurs de la fonction publique. Enfin, évoquant la récente circulaire relative aux régimes indemnitaires des fonctionnaires, il s’est inquiété des risques de recours pouvant être intentés contre plusieurs de ces régimes, motivés par le défaut de base juridique.

              En réponse aux observations de M. Dominique Bussereau, Mme Claudine Ledoux a jugé qu’il n’était pas fondé de dire que l’accord salarial récemment signé dans la fonction publique participait du souci d’« acheter la paix sociale », soulignant, au contraire, que l’engagement de négociations avec les syndicats et l’application des engagements souscrits par l’Etat reflétaient le respect de la fonction publique et du service public. Après avoir interrogé le Ministre sur le contenu des prochaines discussions salariales, elle a ensuite souhaité connaître les intentions du Gouvernement à l’égard du congé de fin d’activité, considérant que ce dispositif était favorable à l’emploi et qu’il était opportun d’envisager sa prolongation en 2000, voire sa pérennisation. Enfin, elle a évoqué le dispositif des chèques-vacances, désirant connaître le bilan de cette procédure.

              Mme Raymonde Le Texier a abordé la question de la bonification indiciaire versée aux fonctionnaires affectés dans les quartiers difficiles. A cet égard, s’appuyant sur l’exemple de la ville de Villiers-Le-Bel, elle a fait observer que ce dispositif pouvait poser des difficultés, certains fonctionnaires essayant d’obtenir une mutation en zone sensible au sein de la même commune, d’autres, tels les personnels d’accueil en mairie ou ceux travaillant dans les centres communaux d’action sociale, ne bénéficiant pas de ce supplément de traitement alors même qu’ils sont également au contact de populations en grande difficulté.

              M. Michel Hunault a mis l’accent sur les difficultés rencontrées par les petites communes rurales pour mettre en œuvre la réduction du temps de travail. A cet égard, après avoir rappelé que le dispositif législatif conférait aux communes une grande latitude pour engager des négociations en la matière, il a estimé que les marges de manœuvre différaient considérablement selon leur taille. Craignant que les négociations n’aboutissent à créer des disparités de statut entre les agents des petites communes, il a souhaité que l’Etat propose un certain nombre d’orientations pour encadrer cette liberté contractuelle et s’est interrogé sur l’opportunité d’envisager un certain nombre d’incitations financières au profit des petites communes rurales.

              En réponse aux questions des commissaires, le Ministre a apporté les précisions suivantes.

              —  Concernant les prochains départs à la retraite, qui s’annoncent effectivement nombreux puisque 700 000 agents publics seraient concernés, les ministères effectuent déjà des prospectives afin d’évaluer leurs besoins futurs en recrutement ; ces départs à la retraite seront en effet l’occasion de procéder à une embauche dynamique, notamment en direction des jeunes. La création d’un observatoire de l’emploi de la fonction publique permettra à cet égard d’avoir une vision globale des nouveaux recrutements, en procédant à une étude approfondie des besoins réels des services publics.

              —  En ce qui concerne le cumul d’un emploi public avec un emploi privé, le Gouvernement est conscient de l’insuffisance du dispositif législatif et réglementaire, qui date effectivement de 1936. Une étude demandée au Conseil d’Etat sur la question a proposé plusieurs pistes de réflexion ; sur la base de cette étude, une concertation interministérielle, regroupant les ministères de la fonction publique, de l’intérieur et de l’emploi et de la solidarité, devrait aboutir à un projet de réforme, concernant les trois fonctions publiques, qui pourrait être présenté au premier trimestre de l’année 2000.

              —  S’agissant de la politique de la ville, le Premier ministre a demandé à ce qu’il soit procédé à une réflexion concernant l’amélioration des services publics dans les quartiers difficiles. Cette réflexion doit notamment porter sur la question de la qualité des services publics ainsi que sur les améliorations possibles des dispositifs incitant les fonctionnaires à se porter candidats pour être affectés dans ces quartiers. Si certains dispositifs existent déjà, notamment d’ordre financier avec des possibilités de bonification indiciaire, force est de constater qu’ils n’ont pas toujours été suffisants ; un effort particulier en direction de la formation ou de la prise en compte de l’affectation dans le déroulement des carrières doit être entrepris afin d’attirer davantage les fonctionnaires dans les quartiers difficiles. La question de l’accès des jeunes à la fonction publique, et notamment des jeunes issus de l’immigration est plus délicate ; il existe en effet des principes d’ordre constitutionnel, tel que l’égal accès au service public, qui rendent difficiles des mesures spécifiques en direction de ces jeunes. En revanche, un véritable effort a été entrepris en matière de présence des services publics dans les quartiers difficiles, avec l’expérience des maisons de services publics qui bénéficieront, désormais, grâce aux dispositions du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration, d’une réelle assise juridique.

              —  Devant la très faible présence des femmes dans la haute fonction publique, un rapport a été demandé sur la question à Mme Anne-Marie Colmou, conseiller d’Etat. Les propositions contenues dans ce rapport ne plaident pas pour l’instauration de quotas en la matière ; le système de quota, pourtant souhaitable en matière d’élections, paraît en effet pour le moins inadapté à la fonction publique. Les mesures retenues sont d’ordre plus pragmatique et, pour certaines, sont déjà mises en œuvre ; elles concernent notamment les jurys de concours ou les commissions administratives paritaires, dont la composition doit davantage promouvoir la présence des femmes ; la préparation d’un plan d’objectif sur la parité pourrait également être imposé à chaque ministère. Des décrets ont été proposés en ce sens, mais le Conseil d’Etat a estimé que l’ensemble des mesures en cause relevaient du domaine législatif.

              —  Le détachement de fonctionnaires dans des administrations étrangères et notamment européennes, est actuellement à l’étude ; la question des cotisations aux régimes de retraite pendant la durée du détachement reste encore en suspens, la France, à l’inverse de ses partenaires, plaidant pour un système qui permettrait au fonctionnaire détaché de continuer à cotiser pour le régime français. Il est probable qu’un accord sur le sujet permettra d’aboutir à un texte en début d’année prochaine. Concernant les fonctionnaires dans les administrations européennes, 650 experts nationaux, dont 20 % de français, sont actuellement détachés auprès des institutions européennes ; 22 000 Français ont, par ailleurs, réussi le concours leur permettant de devenir fonctionnaires européens.

              —  La question de l’inégalité de traitement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé en matière de candidatures à des fonctions publiques électives s’avère délicate. Il est indubitable que le dispositif actuel favorise les fonctionnaires ; la réponse à ce problème ne paraît pas, pour autant, devoir se traduire par un recul dans le statut de la fonction publique. S’il doit y avoir un alignement en la matière, c’est davantage par le haut, c’est-à-dire par la transposition des dispositions applicables dans le secteur public au secteur privé ; il ne faut pas se cacher que, dans la pratique, cette transposition risque d’être difficile à mettre en œuvre, notamment lorsqu’il sera question du reclassement d’anciens élus dans leurs entreprises d’origine, surtout s’il s’agit de petites entreprises. Une disposition qui aurait pour objectif de réduire les avantages dont bénéficient les fonctionnaires entraînerait sans nul doute un appauvrissement du profil des candidatures aux élections, essentiellement au profit des personnes retraitées. Une question annexe consiste à s’interroger sur le régime dont bénéficient les fonctionnaires durant leur mandat : le détachement, régime actuellement applicable, ne doit pas être condamné d’avance au motif qu’il est le plus favorable aux fonctionnaires. Outre le fait qu’il n’assure qu’un avancement à l’ancienneté, et non au mérite, il permet de valoriser légitimement, en tant qu’expérience professionnelle, les années d’exercice du mandat.

              —  A propos des départs de fonctionnaires pour le secteur public, la commission de déontologie a rendu, en 1998, 813 avis dont 80 % concluaient à la compatibilité de l’activité professionnelle envisagée avec le statut d’ancien fonctionnaire. Un projet de réforme en la matière consisterait à rendre la commission compétente également pour les cas de détachement et de mise à disposition ; actuellement, le contrôle opéré par la hiérarchie pour les autoriser paraît insuffisant. Une autre piste de réflexion consisterait à autoriser la commission à se pencher sur les postes antérieurement occupés par le demandeur et à étudier leur compatibilité avec la nouvelle activité professionnelle envisagée.

              —  L’accueil des handicapés qui ne représentent que 3 % des effectifs au sein de la fonction publique, reste encore insuffisant. Il faut réfléchir à un renforcement des réseaux handicap au sein de chaque ministère. Une concertation avec les organisations syndicales permettra de faire progresser les actions menées en matière de formation, de placement des fonctionnaires atteints en cours de carrière d’un handicap, ou de recours à des procédures contractuelles pour encourager le recrutement d’handicapés.

              —  S’agissant de l’aménagement et la réduction du temps de travail, une démarche continue et sérieuse a été menée afin d’aboutir à un accord inter-fonction publique. L’objectif n’est pas toutefois d’apporter une réponse quelconque en terme d’emploi mais de promouvoir une avancée sociale, un progrès appréciable en terme d’amélioration des conditions de vie. La question de l’emploi ne se pose pas, en effet, dans les mêmes termes pour le secteur public et le secteur privé : outre le fait que la création d’emplois dans le secteur public a été plus importante que dans le secteur privé ces dernières années, les gains de productivité induits par la réduction du temps de travail ont une signification en terme de bénéfices pour le secteur marchand, qui n’existe pas pour le secteur public. Il est vrai que concernant la fonction publique territoriale, des disparités subsisteront entre les communes, les petites communes rencontrant certainement des difficultés à appliquer la réduction du temps de travail, notamment lorsqu’elles n’emploient qu’un seul agent. Un effort sera entrepris en concertation avec les centres de gestion afin d’encourager la co-utilisation d’agents publics par plusieurs collectivités ou l’emploi de travailleurs saisonniers. Néanmoins, il faut reconnaître qu’aucune aide spécifique en matière de réduction du temps de travail ne pourra être accordée. C’est surtout au travers de la dotation de solidarité rurale que seront prises en compte les difficultés spécifiques aux petites communes.

              Il faut ajouter que les disparités entre collectivités locales en matière de statut des fonctionnaires existent déjà, et que les marges de manœuvre pour remédier à ces disparités sont étroites compte tenu du principe de libre administration des collectivités locales. Il y aura bien un accord inter-fonction publique en matière de réduction du temps de travail, mais les associations représentatives des élus locaux semblent favorables à l’édiction d’une règle plus normative. La présentation d’un projet de loi sur le sujet ne pourra être faite en tout état de cause que lorsque la concertation aura été menée à son terme.

              —  Au sujet de l’avenir de l’ENA, et notamment de sa bilocalisation à Paris et Strasbourg, le débat parlementaire de l’année précédente avait été l’occasion d’une passe d’armes animée entre les parlementaires et le ministre. Le coût net de cette bilocalisation, de l’ordre de 8 millions de francs, paraît finalement se justifier, eu égard aux avantages que celle-ci comporte, notamment en terme d’ouverture de l’école sur l’Europe. Il faut à cet égard rendre hommage à M. le Premier ministre, qui a opté pour le statu quo dans ce domaine. Il est nécessaire également de poursuivre les efforts entrepris en matière de diversification du recrutement et de réfléchir à une réforme des études qui rendrait le poids du classement final moins excessif. L’ENA procure un enseignement qui présente de grandes qualités et qui aura un rôle important à jouer dans la diffusion à l’étranger de la science juridique française.

              —  La revalorisation de la situation des postes d’encadrement supérieur est en cours. Il est vrai qu’il existe actuellement un décalage entre les rémunérations et l’investissement exigé pour les postes d’encadrement ; la réflexion doit porter notamment sur la revalorisation des rémunérations pour les postes de responsabilité dans les services déconcentrés ainsi que ceux ayant trait à l’expertise.

              Cette réflexion rejoint une réflexion plus globale sur la politique de formation et d’évaluation de la gestion des carrières.

              —  Contrairement à ce qu’a pu affirmer l’un des commissaires, la paix sociale ne s’achète pas mais elle se gagne par la volonté d’un dialogue suivi et l’absence de « satanisation » de la fonction publique. L’objectif ne saurait être de retirer aux fonctionnaires certains avantages dont ils peuvent disposer mais bien d’essayer, dans la mesure du possible, d’en faire bénéficier un nombre sans cesse croissant de citoyens.

              —  Le 18 novembre prochain, sera tenue une réunion sur l’accord salarial, conformément à la clause de renégociation contenue dans cet accord. Celui-ci a manifestement contribué à entretenir un climat de confiance au sein de la fonction publique, ainsi qu’à soutenir la croissance économique dans notre pays.

              —  La décision n’a pas encore été prise de proroger ou non le système des congés de fin d’activité (CFA) qui a fait ses preuves. Celle-ci interviendra après la réunion du 18 novembre prochain, sachant que si, aujourd’hui, le vivier des CFA tend à s’épuiser, la masse budgétaire qu’il représente demeure néanmoins importante.

              —  Le dispositif des chèques-vacances a été réformé en 1998, afin de ramener les rendements de ces chèques à une proportion plus juste. En effet, la faible inflation que connaît la France, depuis quelques années, en avait fait un placement très fructueux. La réduction des rendements entreprise en 1998 a porté ses fruits, limitant ainsi les effets d’aubaine.

              —  Parfois difficile à appliquer sur le terrain, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) peut parfois présenter des effets pervers que le rapport rendu en 1998 sur ce sujet tend cependant à relativiser. A cet égard, une réflexion est actuellement en cours pour améliorer les conditions de travail des personnels intervenant dans les secteurs où est mise en application la NBI, notamment en menant des actions en matière de formation et de soutien psychologique. De même, on pourrait envisager des avantages en terme de carrière accompagnés de divers dispositifs d’ordre financier. Les résultats de cette réflexion seront connus en décembre, ce qui pourrait donner l’occasion de réexaminer le champ des bénéficiaires ainsi que les périmètres concernés.

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              Lors de l’examen pour avis des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de la décentralisation pour 2000, après l’exposé du rapporteur, Mme Claudine Ledoux a tout d’abord remercié M. Alain Tourret pour la qualité de son rapport, estimant que celui-ci constituait un message fort adressé à la fonction publique. Abordant ensuite l’examen du budget, elle a estimé qu’il était très satisfaisant, sachant que celui des deux exercices précédents avait été gonflé par des dotations exceptionnelles, puis, elle a souligné l’accent mis sur l’action sociale. Evoquant les 366 créations d’emplois, elle a estimé que celles-ci attestaient du souci du Gouvernement de tourner le dos à la politique destructrice menée jusqu’en 1997 et de renforcer les services publics les plus mobilisés, qu’il s’agisse de la justice, de l’emploi ou de la santé, tout en regrettant qu’un effort ne soit pas consenti au profit des effectifs du ministère de l’équipement qui est fortement sollicité. Mme Claudine Ledoux a ensuite souhaité que des mesures soient prises pour améliorer l’accueil des personnes handicapées, puis a attiré l’attention sur le fait que les mesures facilitant les gardes d’enfants ne pouvaient s’adresser aux seules femmes et devaient, au contraire, être conçues selon une perspective familiale. S’agissant des affectations de fonctionnaires dans les quartiers défavorisés, elle a estimé que les réponses du Ministre étaient encourageantes, notamment en ce qui concerne la formation des personnels concernés et les moyens mis à leur disposition pour exercer leur mission dans de meilleures conditions. Après avoir évoqué la parité dans la fonction publique en rappelant la citation selon laquelle les difficultés seront réglées lorsque « des femmes incompétentes auront accédé à des postes de responsabilité », elle a fait observer que la question de la mobilité professionnelle devait être utilisée comme un instrument de mobilisation des personnels et de valorisation des carrières. En ce qui concerne le débat sur les cumuls d’activités, tout en partageant les préoccupations du rapporteur, elle a souligné qu’une éventuelle réforme devrait concerner l’ensemble des fonctionnaires et qu’il était sans doute inopportun de pointer une catégorie plutôt qu’une autre. Enfin, s’agissant de l’exercice de fonctions électives par les fonctionnaires, elle a jugé que les difficultés rencontrées par les personnes exerçant dans le secteur privé ne devaient pas conduire à réduire les garanties accordées aux fonctionnaires, estimant préférable de proposer des aménagements dans le cadre des réflexions sur le statut de l’élu.

              Tout en comprenant les difficultés rencontrées par les élèves de l’ENA, Mme Raymonde Le Texier a néanmoins fait observer que leurs collègues issus de l’ENM ou les internes en médecine étaient confrontés à des problèmes comparables. En ce qui concerne le statut des femmes dans la fonction publique, elle a souhaité, d’une manière générale, la multiplication de crèches et l’élaboration de dispositifs souples en faveur des fonctionnaires désireux de se libérer pour faire face à leurs charges parentales, tout en faisant part de ses réserves à l’égard de mesures spécifiques aux femmes, susceptibles d’entraîner des effets pervers. Evoquant ensuite la question des 35 heures dans les collectivités locales, elle a indiqué que dans sa commune, la réduction du temps de travail avait contribué à améliorer les conditions de gardes d’enfants tout en faisant chuter l’absentéisme. Enfin, elle a fait part de son accord sur le principe d’un amendement réduisant, pour les enseignants, les avantages résultant du cumul d’activités, suggérant néanmoins son retrait au vu des explications fournies par le Ministre.

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              Conformément aux conclusions de son rapporteur, la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, a émis un avis favorable à l’adoption des crédits des services généraux du Premier ministre, fonction publique, pour 2000.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

PAR LE RAPPORTEUR

              — MM. Gérard Aschieri et François Castaing, secrétaires nationaux de la FSU

              — MM. Julien BARGETON, Olivier BIANCARELLI, Philippe DEBROSSE, Vincent DESFORGES et Nicolas de MAISTRE, délégués des élèves de l’ENA (promotion 1998-2000)

              — Mme Christine BONNEFOND, coordonnatrice de l’UNSA fonctionnaires, et M. Jean-Yves Vayssières, secrétaire national de l’UNSA fonctionnaires

              — M. Patrick Guyot, délégué fédéral de l’Union fédérale des cadres des fonctions publiques CFE – CGC

              — M. Patrick Hallinger, secrétaire national de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT

              — M. Raymond-François Le Bris, directeur de l’ENA, et M. Christian Petit, secrétaire général de l’ENA

              — M. Yves MISSAIRE, secrétaire général de la Fédération générale CFTC des syndicats chrétiens de fonctionnaires, agents de l’Etat et assimilés et M. Michel MOREAU, de la Fédération générale CFTC des syndicats chrétiens de fonctionnaires, agents de l’Etat et assimilés.

              — M. Gérard NOGUÈS, secrétaire général adjoint de l’Union interfédérale des agents de la fonction publique FO

              — M. Michel PERIER, secrétaire général de l’Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilés

              — M. Arnaud TEYSSIER, président de l’Association des anciens élèves de l’ENA

            N°1865-01. - Avis de M. Alain Touret, au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation : fonction publique.

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() On rappellera que, conformément à l’accord salarial du 10 février 1998, une revalorisation du point de 0,8 %, avec attribution d’un point d’indice uniforme, est prévue au 1er décembre prochain.

              () Loi n° 76-617 du 9 juillet 1976 portant diverses mesures de protection sociale de la famille.

() Loi n° 79-569 du 7 juillet 1979 modifiant l’article 8 de la loi n° 75-3 du 3 janvier 1975.

() Loi n° 80-490 du 1er juillet 1980 et décret n° 81-317 du 7 avril 1981.

() Anne-Marie Colmou, « L’encadrement supérieur de la fonction publique : vers l’égalité entre les hommes et les femmes ».

() En effet, la part des femmes dans les emplois de catégories A et B tombe respectivement à 33,3 % et 48,5 % si on en exclut les enseignantes.

() En 1998, le corps de la magistrature (ordre judiciaire) a fait l’objet de douze sanctions disciplinaires dont neuf avertissements, deux déplacements d’office et une révocation pour détournement, conservation de fonds et malversation.