N° 1866

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

          ONZIÈME LÉGISLATURE

          Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

          AVIS

          PRÉSENTÉ

          AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LE projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805),

        TOME XIII

ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS et LOGEMENT

TRANSPORTS AÉRIENS

PAR M. FRANÇOIS ASENSI,

Député.

——

            (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

            Voir le numéro : 1861 (annexe 29)

                Lois de finances.

            La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Yvon Abiven, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, MM. Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Déaut, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alfred Marie-Jeanne, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Marius Masse, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Marc Nudant, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, François Sauvadet, Michel Tamaya, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

      INTRODUCTION 5

      CHAPITRE 1ER : LA MUTATION DU SECTEUR DES TRANSPORTS AÉRIENS 9

      I.— LE REDRESSEMENT DES TRANSPORTS AÉRIENS 9

      II.— L’ACCÉLÉRATION DU RYTHME DE LIBÉRALISATION ET DES ALLIANCES ENTRE LES COMPAGNIES AÉRIENNES 11

        A.— LES ALLIANCES TRANSATLANTIQUES 11

        1. Les accords bilatéraux entre les pays européens et les Etats-Unis 11

        2. Les relations France–Etats-Unis 12

        3. Le mandat confié à la Commission européenne et l’état des négociations 15

        B.— LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE  DE LIBÉRALISATION DU TRANSPORT AÉRIEN DANS L’UNION  EUROPÉENNE 16

        1. La restructuration du marché du transport aérien 17

        2. Les conséquences pour les compagnies françaises 19

          a) Assainissement et restructuration 19

          b) Les alliances commerciales 19

          c) Les plates-formes régionales de correspondance 20

      III.— AIR FRANCE : UN REDRESSEMENT ENCOURAGEANT MAIS UNE POLITIQUE D’ALLIANCES ENCORE TIMIDE 20

        A.— LE REDRESSEMENT D’AIR FRANCE 20

        1. Restaurer la ponctualité 21

        2. Augmenter l’offre de sièges et maîtriser les coûts 21

        3. Améliorer le dialogue social 22

        B.— UNE POLITIQUE D’ALLIANCES ENCORE TIMIDE 23

      CHAPITRE II : LA POLITIQUE AÉROPORTUAIRE 25

      I.— L’ÉVOLUTION DU TRAFIC 25

      II.— L’AVENIR DE LA PLATE-FORME AÉROPORTUAIRE DE PARIS 26

      III.— LES PROGRÈS RÉALISÉS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES NUISANCES SONORES 28

        A.— LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE DES BESOINS EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DES NUISANCES SONORES 28

        1. La mise en œuvre de règles internationales 29

        2. Les règles de trafic aérien nationales 29

        3. Les dispositions en matière d’urbanisme et d’insonorisation 29

        4. Les engagements contractuels 30

        B.— L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE DES NUISANCES SONORES AÉROPORTUAIRES (ACNUSA) 31

      CHAPITRE III : LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE 33

      I.— UNE DEMANDE ENCORE SOUTENUE, MAIS AVEC DES RISQUES D’ESSOUFFLEMENT 33

        A.— UNE ANNÉE EXCEPTIONNELLE POUR LES CONSTRUCTEURS FRANÇAIS 33

        B.— LES PERSPECTIVES DE CROISSANCE DU MARCHÉ 37

      II.— LES STRATÉGIES DE REGROUPEMENT 40

        A.— LA DIFFICILE ÉMERGENCE D’UN GROUPE EUROPÉEN DE L’AÉRONAUTIQUE 40

        B.— DES HÉSITATIONS DANS LE CHANGEMENT DE STATUT D’AIRBUS INDUSTRIE 41

        C.— LA PRIVATISATION D’AEROSPATIALE 42

      CHAPITRE IV : LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 47

      I.— LE BUDGET ANNEXE DE L’AVIATION CIVILE 47

        A.— LES RECETTES 48

        B.— LES DÉPENSES 49

      II.— LE FONDS D’INTERVENTION POUR LES AÉROPORTS ET LE TRANSPORT AÉRIEN (FIATA) 51

      III.— LE SOUTIEN BUDGÉTAIRE DESTINÉ À LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE CIVILE 53

      EXAMEN EN COMMISSION 57

            MESDAMES, MESSIEURS,

        1999 a été, pour la filière aéronautique, une année marquée par d’importants mouvements de restructurations et d’alliances à l’échelle mondiale, dans un contexte de libéralisation du ciel du vieux continent.

        Si la tourmente économique et les ondes de chocs monétaires de la crise du Sud-Est asiatique ont provoqué un certain ralentissement de l’activité dans cette région, la progression du trafic aérien a néanmoins dépassé toutes les prévisions en atteignant 8 %.

        C’est dans ce contexte que le transport aérien s’apprête à réaliser de nouveaux bénéfices pour la sixième année consécutive. Sur les lignes aériennes internationales, les compagnies membres de l’association IATA (international air transport association) devraient ainsi dégager, en 1999, un bénéfice net de près de 2,7 milliards de dollars.

        Ces résultats ont permis le redressement financier de la plupart des compagnies aériennes et des entreprises de construction aéronautique européennes, alors que la conjoncture paraît moins favorable pour les concurrents américains. Cependant, sous l’effet des livraisons massives d’avions commandés depuis 1995, la capacité de mise en ligne des compagnies aériennes continue d’augmenter plus vite que le trafic. A court terme, les transporteurs aériens risquent donc de se trouver à nouveau en situation de surcapacité.

        Les ailes françaises poursuivent, quant à elles, leur redressement. Nul ne peut contester qu’Air France, à l’orée du vingt-et-unième siècle, a franchi un cap décisif pour son développement et son renouveau, notamment dans le domaine du dialogue social. Aujourd’hui comme hier, son ancrage dans le secteur public n’est pas de nature à entraver les passations d’alliances. Dans ce cadre, la compagnie a signé, en juin dernier, un accord avec l’Américain Delta Airlines, visant à renforcer sa présence dans l’Atlantique Nord.

        Les compagnies aériennes françaises et européennes entrent ainsi dans l’ère des grandes alliances, alors que les mouvements de concentration et de privatisation rampante de l’industrie aéronautique se multiplient, comme en témoignent le rapprochement d’Aerospatiale avec Matra Hautes Technologies, puis la fusion surprise d’Aerospatiale-Matra avec l’Allemand DASA.

        Pour autant, la mise en œuvre d’une politique européenne des transports aériens reste hésitante du fait des stratégies parfois divergentes, voire contradictoires, des différentes entreprises de l’Union européenne. La France s’est clairement prononcée en faveur d’une telle politique en soutenant la création d’un grand pôle de construction aéronautique et de défense européen concurrençant le gérant américain Boeing-Mac Donnell Douglas, qui domine encore le paysage aéronautique mondial.

        Ce positionnement est d’autant plus important que la conjoncture et les perspectives de développement sont favorables aux partenaires d’Airbus qui se sont affirmés sur le marché mondial comme une référence technologique et économique. La flotte mondiale devrait en effet plus que doubler dans les vingt prochaines années.

        Dans ce contexte, il convient de se féliciter de l’engagement de l’Etat, dans le projet de loi de finances pour 2000, en faveur des avances remboursables destinées au projet de très gros porteur A3XX. Ce dernier constitue en effet un impératif pour le marché mondial, en particulier sur les lignes à haute fréquentation pour lesquelles la capacité de ce gros porteur permettra d’atténuer les atteintes à l’environnement liées au trafic ainsi que les problèmes liés à la densité des approches à proximité des sites aéroportuaires. Ce soutien public à la construction aéronautique civile nécessite que le ministre de l’équipement, des transports et du logement prenne une initiative en faveur de l’amélioration des termes de l’accord franco-américain de 1992 qui fixe le montant des aides publiques à 3 % du chiffre d’affaires des constructeurs pour les programmes d’avions de plus de 100 places.

        Cette année est également celle de la privatisation d’Aerospatiale. Cette opération a conduit à ce que l’Etat ne détienne plus qu’une part minoritaire du capital du groupe.

        Cette privatisation pose la question de la maîtrise publique d’un secteur hautement stratégique. Prise dans la plus grande opacité, la récente annonce de la fusion entre Aerospatiale et DASA témoigne de l’actualité de ces enjeux, puisque la participation de l’Etat dans le nouveau groupe est désormais ramenée à 15 %. Déréglementation et libéralisation conduisent ainsi à des mouvements de concentration et de regroupement incontrôlables.

        Face à la multiplication de ces mouvements et à l’accélération des privatisations, l’Etat doit pourtant jouer un rôle majeur s’il ne souhaite pas voir triompher le modèle de développement économique anglo-saxon.

        Ainsi, dans le domaine de la politique aéroportuaire, il lui faut fixer clairement des objectifs d’aménagement du territoire, maintenir la sécurité aérienne et faire prendre en compte les enjeux environnementaux. Sur ce dernier point, la création de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires constitue une avancée indéniable.

        Au deuxième semestre 2000, la France présidera le Conseil des ministres des transports de l’Union européenne. A cette occasion, votre rapporteur attend du ministre de l’équipement, des transports et du logement qu’il prenne des initiatives fortes. Il conviendra notamment de renforcer la coordination du contrôle aérien européen et d’éviter les retards d’aéronefs, de coordonner les études et les recherches en matière d’avions supersoniques de nouvelle génération, de lutter contre les nuisances sonores sur tout le territoire de l’Union, de proposer une nouvelle structure juridique de coopération pour Airbus aussi performante que le groupement d’intérêt économique et enfin de définir un volet social qui protège les salariés. Aujourd’hui, si la réorganisation d’Airbus semble indispensable pour répondre à la demande mondiale, elle ne doit en aucun cas peser sur la politique sociale de la nouvelle entité. Par ailleurs, la plus grande vigilance sera requise quant aux conséquences de la mise en œuvre d’un espace communautaire des transports aériens.

        Soumise à de fortes fluctuations, la filière aéronautique ne doit pas se laisser aller à un « moins-disant social » qui pénaliserait les salariés sous le prétexte d’une concurrence accrue.

        Ce secteur a été l’un des premiers à expérimenter la libéralisation. Plus que jamais, il revient à l’Etat de maintenir et conforter son rôle de régulateur et à l’ensemble des pouvoirs publics de faire preuve de vigilance et d’imagination pour préserver les droits sociaux des salariés et défendre leur savoir-faire en France et en Europe.

Chapitre 1ER

LA MUTATION DU SECTEUR DES TRANSPORTS AÉRIENS

        Le secteur des transports aériens est désormais libéralisé en Europe depuis le 1er avril 1997. L’achèvement de ce processus a eu des répercussions sensibles sur les stratégies des compagnies aériennes européennes. Soumises à une concurrence croissante et portées par un trafic soutenu malgré la crise asiatique, elles ont poursuivi leur politique d’alliances, tout en procédant à des restructurations. Dans ce contexte, Air France a confirmé son redressement financier et restauré le dialogue social, particulièrement dégradé l’année précédente.

I.— LE REDRESSEMENT DES TRANSPORTS AÉRIENS


TRAFIC RÉGULIER DES COMPAGNIES MEMBRES DE L’IATA

      Trafic en milliards

      1990

      1991

      1992

      1993

      1994

      1995

      1996

      1997

      1998

      International + intérieur

                       

      Passagers Kilomètres

      1 575

      1 528

      1 687

      1 776

      1 911

      2 029

      2 203

      2 364

      2 432

      (1) Variation annuelle %

      7,8

      – 3,2

      9,4

      3,3

      6,9

      5,8

      7,9

      6,2

      2,8

      Tonnes Kilomètres de fret

      54,5

      53,7

      57,7

      64,1

      72,8

      78,2

      89,4

      98,9

      98,8

      (1)Variation annuelle %

      2,3

      – 2,6

      6,1

      9,1

      12,9

      7,5

      5,6

      9,6

      0,3

      Total TKT*

      201,6

      196,6

      215,8

      230,7

      252,2

      267,8

      295,4

      320,1

      325,6

      (1) Variation annuelle %

      6,5

      – 3

      8,7

      5

      8,4

      6,4

      7,1

      7,4

      2

      International

                       

      Passagers Kilomètres

      854

      822

      977

      1 019

      1 110

      1 200

      1 312

      1 416

      1 467

      (1) Variation annuelle %

      8,6

      3,8

      13,7

      6,3

      8,5

      7,9

      9,3

      7,2

      3,5

      Tonnes Kilomètres de fret

      44,8

      44,4

      47,9

      53,8

      61,9

      66,9

      73,3

      81,7

      81,6

      (1) Variation annuelle %

      2,8

      – 2,5

      6,7

      10,3

      14,1

      8,9

      6,5

      11

      0

      Total TKT*

      125,3

      122,2

      137,4

      150,4

      167,2

      180

      197,3

      215,6

      219,9

      (1) Variation annuelle %

      6,5

      – 3

      11,3

      7,7

      10,1

      8,2

      8,4

      8,7

      2,2

      * TKT = Tonnes Kilomètres Transportées.

      Source : World Air Transport Statistics (IATA).

        Le secteur des transports aériens mondial s’apprête à réaliser de nouveaux bénéfices pour la sixième année consécutive. Sur les lignes régulières internationales, les compagnies aériennes membres de l’association IATA (international air transport association) devraient dégager, en 1999, un bénéfice net de près de 2,7 milliards de dollars, ce qui revient sur la tendance observée en 1998, marquée par la détérioration des résultats des transporteurs en raison de la crise financière et monétaire en Asie du Sud-Est.

        Selon le communiqué de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) de juillet 1999, le nombre de passagers sur les vols réguliers des compagnies du monde entier devrait ainsi augmenter de 4 % en 1999, de 5 % en 2000 et de 6 % en 2001. Le nombre total de passagers devrait atteindre 3 milliards en 2001.

        Concernant les compagnies aériennes européennes, les résultats enregistrés pour les cinq premiers mois de l’année 1999 montrent une progression de 7,3 % pour le trafic international de passagers et de 1,2 % pour les tonnes-kilomètres de fret transportées par rapport à la même période de l’année précédente. Il est donc probable que 1999 sera un bon exercice pour ces compagnies.

        Les évolutions du trafic devraient varier selon les grandes zones géographiques. La région Asie/Pacifique devrait de nouveau être la région la plus dynamique en termes de croissance du trafic. En Europe et en Amérique latine et centrale, la croissance devrait être soutenue. Au Moyen-Orient et en Afrique, la croissance du trafic devrait se situer dans la moyenne mondiale. La croissance pour les compagnies nord-américaines devrait être plus modérée.

        D’une manière générale, on constate un redressement des compagnies aériennes du fait de cette bonne conjoncture, mais cette amélioration reste fragile. Les compagnies aériennes, malgré le retour des bénéfices, doivent faire face au risque de surcapacité, lié à des livraisons d’avions commandés en nombre croissant depuis 1995, du fait du retour de la croissance. On constate donc que la capacité mise en ligne par les compagnies continue d’augmenter plus vite que le trafic, ce qui entraîne un recul du coefficient de remplissage de 0,9 point.

        Dans une telle situation, la plupart des compagnies aériennes tentent de maîtriser leurs coûts d’exploitation par la mise en place de plans d’économies réalisés au détriment de la situation des salariés et des conditions de travail. On ne peut que s’inquiéter des conséquences à long terme d’une telle politique en termes d’emploi.

II.— L’ACCÉLÉRATION DU RYTHME DE LIBÉRALISATION ET DES ALLIANCES ENTRE LES COMPAGNIES AÉRIENNES

        La déréglementation du transport aérien a touché l’Europe après les Etats-Unis, mais de manière plus progressive. Ce processus n’y a pas provoqué de disparitions brutales d’entreprises. Néanmoins, en exacerbant la concurrence, elle a poussé ces dernières à se restructurer et à passer des alliances ; les pressions à la dégradation des conditions de travail des salariés se sont multipliées.

          A.— LES ALLIANCES TRANSATLANTIQUES

        La marche forcée vers la libéralisation a poussé les compagnies européennes à rechercher des alliances, afin d’atteindre une taille commerciale critique. Les compagnies aériennes américaines, ayant déjà opéré de telles alliances, ont constitué des partenaires privilégiés pour les compagnies européennes.

            1. Les accords bilatéraux entre les pays européens et les Etats-Unis

        Reprenant un concept développé dès 1977, les autorités américaines ont proposé en 1992 aux principaux pays européens de conclure des accords dits de « ciel ouvert ». A l’époque, seuls les Pays-Bas ont répondu favorablement à cette proposition en signant le 4 septembre 1992 le premier accord de ce type. Ce premier succès n’a cependant pas eu l’effet d’entraînement espéré sur la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Les Etats-Unis ont relancé cette politique fin 1994 en proposant de conclure des accords de « ciel ouvert » avec tous les pays européens interessés. Cette initiative a été couronnée de succès puisque neuf Etats (l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg et la Suède, membres de l’Union européenne ainsi que l’Islande, la Norvège et la Suisse) ont signé l’accord proposé par les autorités américaines au cours du premier semestre 1995. Ils ont été rejoints début 1996 par l’Allemagne, puis par la Pologne, la Roumanie et la République tchèque.

        Les Etats signataires d’accords de « ciel ouvert » avec les Etats-Unis sont désormais majoritaires au sein de l’Union européenne, l’Italie ayant signé ce type d’accord l’automne dernier. Seuls, à des degrés divers, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Grèce restent à l’écart de cette évolution. Il est par ailleurs toujours envisagé que l’accord Bermudes II entre les Américains et les Britanniques, très protecteur pour le Royaume-Uni, évolue dans un sens plus libéral (« ciel ouvert » aménagé en matière d’organisation du marché) afin de permettre la mise en œuvre de l’alliance entre British Airways et American Airlines. Néanmoins, la négociation engagée entre les Américains et les Britanniques semble actuellement dans une impasse.

        Les accords conclus par les Etats-Unis avec ces douze Etats européens sont pratiquement identiques. Ils comportent les principales dispositions suivantes :

        – possibilité d’opérer de tout point du territoire d’une des parties, via des points intermédiaires, vers tout point sur le territoire de l’autre partie avec des droits de trafic illimités sur tous les points,

        – pas de limite au nombre de transporteurs et aux capacités qu’ils peuvent mettre en œuvre,

        – liberté tarifaire totale,

        – libéralisation complète des vols cargo et des vols charters.

        Parallèlement à la conclusion de ces accords, les autorités américaines ont accordé, pour une durée de cinq ans, l’immunité antri-trust à certaines des alliances développées entre transporteurs américains et européens (Delta/Sabena/Swissair/Austrian, United/Lufthansa/SAS, Northwest/KLM). Dans ce cadre, les entreprises concernées peuvent non seulement commercialiser leurs vols en partage de codes mais aussi intégrer très largement leurs exploitations dans tous les domaines, y compris tarifaires et financiers.

        L’objectif américain est clairement affiché. Il s’agit d’obtenir une « masse critique » permettant, grâce à une dynamique libérale puissante, de faire évoluer le régime juridique applicable aux transports aériens entre l’Europe et les Etats-Unis dans un sens favorable aux intérêts américains.

        Dans cette perspective, la disparité des attitudes européennes favorise à l’évidence l’action américaine.

            2. Les relations France–Etats-Unis

        La France, avec un trafic annuel de l’ordre de 5 millions de passagers avec les Etats-Unis, est le troisième marché en matière de transport aérien transatlantique de passagers, après le Royaume-Uni (environ 14 millions de passagers) et l’Allemagne (près de 8 millions de passagers). Le trafic a progressé ces dix dernières années de 180 %, soit deux fois plus rapidement que la moyenne européenne (+ 98 %). Aujourd’hui, la part de marché du pavillon français est de 45 % sur le transport aérien transatlantique de passagers.

        En matière de transport cargo, l’érosion de la part de marché du pavillon français s’est accélérée ces dernières années, passant de 75 % en 1991 à 56 % en 1994, du fait du développement de l’activité de la compagnie américaine Federal Express au départ de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, qui a débuté en septembre 1999.

        Compte tenu de l’importance de ces relations, des négociations en vue de la conclusion d’un nouvel accord aérien ont débuté en 1997, l’ancien accord de 1946 ayant été dénoncé par la partie française en 1992. Cet accord qui a été formellement signé le 18 juin 1998 n’est pas un accord de « ciel ouvert ».

        Il prévoit dans le domaine du transport de passagers une libéralisation des services entre les deux pays au terme d’une période de transition d’une durée de cinq ans au cours de laquelle les capacités seront progressivement augmentées (63 nouvelles fréquences dont 21 en 1998, 7 en 1999, 14 en 2000, 7 en 2001 et 14 en 2002).

        En revanche, les droits de trafic de cinquième liberté pour les services passagers n’ont été concédés aux Américains que sur les points de Tel Aviv et du Caire. Par ailleurs, les possibilités de mettre en œuvre des services en partage de codes entre les transporteurs des deux pays sont entièrement libéralisées, tandis que les restrictions en matière de partage de codes via des pays tiers seront progressivement levées pendant la période de transition.

        En matière de transport de fret, les transporteurs désignés des deux pays pourront immédiatement définir librement les capacités qu’ils souhaitent mettre en œuvre entre les deux pays. Un large échange de droits de trafic de cinquième liberté devrait permettre de répondre aux besoins exprimés par les compagnies désignées, notamment par la compagnie américaine Federal Express qui a choisi Paris-Charles-de-Gaulle pour établir sa plate-forme de correspondances en Europe.

        Lors de la négociation de cet accord, la France a porté une attention toute particulière à ce que des règles de concurrence équitables s’appliquent à l’exploitation des services aériens entre les territoires des deux pays et à ce que des clauses de sauvegarde permettent d’éviter l’émergence de situations inacceptables pour l’une des parties. Les autorités françaises souhaitent en particulier prévenir l’apparition sur le marché de tarifs prédateurs, de surcapacités, d’abus de position dominante et pouvoir, le cas échéant, intervenir rapidement. La définition d’un mécanisme de résolution des conflits permettant la mise en œuvre d’éventuelles mesures conservatoires si les intérêts d’une des parties se trouvent gravement menacés, a permis la prise en compte des préoccupations françaises.

        La conclusion d’un nouvel accord a permis à la compagnie Air France d’ouvrir l’été dernier deux nouveaux vols quotidiens, l’un à destination d’Atlanta et l’autre de Boston. La compagnie a depuis doublé le nombre de ses fréquences sur Chicago et Washington, proposant ainsi deux vols quotidiens sur chacune de ces destinations. Pour sa part, la compagnie américaine United Airlines propose un deuxième service hebdomadaire sur Washington et Chicago tandis que la compagnie US Airways offre un nouveau service quotidien entre Pittsburgh et Paris et qu’Americain Airlines a inauguré un service quotidien sur Los Angeles.

        De plus, la compagnie Air France a pu mettre en œuvre l’intégralité de ses alliances avec les transporteurs américains Delta et Continental, et notamment desservir dans le cadre de ses accords de partage de codes avec ses partenaires quatre-vingt-neuf nouveaux points aux Etats-Unis.

        Air France et Delta Airlines ont signé le 22 juin 1999 un accord d’alliance pour une durée de dix ans renouvelable. Les deux compagnies coopéreront dans de très nombreux domaines pour offrir aux passagers un service homogène en tout point du réseau. Pour atteindre cet objectif, les deux compagnies devront chercher à harmoniser leurs procédures et leurs politiques commerciales. La coopération sera étendue au fret pour combiner l’importance du marché américain de Delta avec le réseau et les installations d’Air France cargo. Air France et Delta ont décidé d’étendre leur coopération à tous les domaines qui leur permettront d’abaisser leurs coûts d’exploitation.

        Cette alliance s’inscrit dans le contexte juridique de l’accord franco-américain de juin 1998 qui favorise le renforcement des liaisons aériennes entre la France et les Etats-Unis. Ainsi, les deux compagnies pourront poursuivre leur politique de croissance sur l’Atlantique Nord, premier marché mondial et socle de toute alliance globale.

        Le nouveau couple représente désormais un trafic de 149 millions de passagers transportés annuellement (contre 129 millions pour American/British Airways et 122 millions pour United/Lufthansa), une flotte de près de 800 avions et 127 000 salariés. Par ailleurs, Delta, premier transporteur sur le marché intérieur américain, exploite le plus important « hub » des Etats-Unis sur l’aéroport d’Atlanta. Enfin, les réseaux des deux compagnies sont très complémentaires, desservant actuellement 365 destinations par 4000 vols quotidiens. Le président d’Air France a estimé que la future alliance apporterait environ un milliard de francs par an à sa compagnie d’ici deux ou trois ans, gain décomposé en 700 millions de francs de chiffre d’affaires supplémentaire et 300 millions de francs de réduction des coûts.

        Dans un second temps, le nouvel axe Air France/Delta est probablement appelé à s’élargir, d’ici la fin de l’année, pour créer une « alliance globale » plus vaste avec d’autres compagnies européennes, asiatiques et latino-américaines. Cette alliance concurrencera Star Alliance (constituée autour de United Airlines et Lufthansa) et One World (fédérée autour du tandem American Airlines/British Airways).

            3. Le mandat confié à la Commission européenne et l’état des négociations

        En juin 1996, le Conseil « Transports » a approuvé l’objectif général de création à terme d’un espace commun des transports aériens largement libéralisé qui engloberait les Etats membres de l’Union européenne et les Etats-Unis. Ce concept répond à l’attente des transporteurs européens et constitue une alternative équilibrée à la politique de ciel ouvert préconisée par les Etats-Unis.

        Le mandat de négociation confié en juin 1996 à la Commission européenne concerne uniquement la première phase de cette négociation et vise à ce que les Etats-Unis précisent leur position en ce qui concerne le concept d’espace commun des transports aériens. Il s’agit également de mener une réflexion sur l’harmonisation des réglementations américaines et européennes, en vue de créer des conditions d’organisation du marché acceptables, dans la perspective d’une mise en place progressive d’un espace commun. Ce mandat exclut donc à ce stade l’accès au marché (c’est-à-dire les routes et les droits de trafic).

        Les deux rencontres qui ont eu lieu entre l’Union européenne et les Etats-Unis, respectivement à Washington les 30 et 31 octobre 1996 et à Bruxelles le 3 avril 1997, ont permis un large échange de vue sur le concept d’espace commun des transports et sur différents sujets, tous relatifs à l’organisation du marché : application des règles de concurrence, mécanisme de règlement des conflits, régime de propriété, systèmes informatisés de réservation, affrètements, coopérations commerciales (partage de codes), impact sur l’environnement.

        Lors de ces rencontres, la partie américaine n’a pris aucun engagement sur les sujets abordés et a indiqué à la Commission européenne qu’elle ne s’engagerait véritablement dans des négociations avec l’Union européenne que si celles-ci incluaient l’accès au marché. Dans ce contexte et en l’absence de résultats concrets, les Etats membres n’ont pas souhaité, lors du Conseil du 7 octobre 1997 et à l’occasion des différents Conseils qui ont eu lieu depuis lors, élargir la négociation aux droits de trafic comme le souhaitait la Commission européenne.

        Afin de sortir de cette impasse, la Commission a proposé aux Etats membres d’étudier une nouvelle approche de ce dossier, en prévoyant un élargissement du mandat aux droits de trafic et en laissant aux Etats membres la possibilité de gérer les périodes de transition durant lesquelles l’accès à leur marché serait libéralisé. Le document dans lequel la Commission a présenté cette nouvelle approche a fait l’objet d’un premier examen par les Etats membres lors d’une réunion qui s’est tenue le 20 novembre 1997. Il est apparu à cette occasion que la plupart des Etats membres ne souhaitaient pas donner une suite concrète à la proposition de la Commission.

        Dans ce contexte, la Commission européenne a engagé des procédures contentieuses devant la Cour de justice à l’encontre des Etats membres ayant récemment négocié avec les Etats-Unis. Des lettres de mise en demeure puis des avis motivés ont été adressés à ceux d’entre eux qui ont conclu des accords de « ciel ouvert » avec les Etats-Unis, ainsi qu’au Royaume-Uni. La Commission a saisi la Cour de ses griefs à l’encontre de ces pays en décembre 1998. Une procédure a également été engagée à l’encontre de la France, qui a pour sa part reçu en janvier 1999 une lettre de mise en demeure, procédure préliminaire à l’envoi d’un avis motivé.

        Le mandat de la Commission européenne, tel qu’il est aujourd’hui arrêté, ne paraît pas pouvoir être élargi aux droits de trafic. En revanche, il serait utile de chercher à définir avec nos partenaires européens une stratégie visant à ce que les Etats-Unis étudient sérieusement le concept proposé par l’Union européenne et approfondissent les échanges sur les thèmes présentés par elle, afin de clairement identifier les chances qui existent de créer un environnement favorable à la mise en œuvre d’un espace commun des transports aériens. De plus, il reste nécessaire d’examiner avec les services de la Commission européenne l’ensemble de questions ayant trait aux droits de trafic.

          B.— LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE  DE LIBÉRALISATION DU TRANSPORT AÉRIEN DANS L’UNION  EUROPÉENNE

        Dans le cadre de la libéralisation du transport aérien en Europe, la mise en œuvre du « troisième paquet » adopté en juillet 1992 et entré en vigueur le 1er janvier 1993, est complète depuis le 1er avril 1997, date à laquelle le cabotage a été autorisé sans restrictions.

        Depuis 1993, le marché intérieur est donc devenu une réalité et la notion de compagnie communautaire a été affirmée. L’accès au marché et la tarification sont libres et les quelques clauses de sauvegarde prévues afin d’éviter l’émergence de situations préjudiciables n’ont pas été mises en œuvre à ce jour.

        Les changements intervenus, quoique bien réels, ne se sont pas traduits par des ruptures brutales. Il n’y a pas eu en Europe depuis 1993 de diminution spectaculaire et généralisée des tarifs, ni de disparition dramatique parmi les transporteurs les plus importants, au contraire de ce qui s’est produit aux Etats-Unis à la suite de la déréglementation.

            1. La restructuration du marché du transport aérien

        D’un premier bilan de la libéralisation du marché des transports aériens dans l’Union européenne, il se dégage les principales constatations suivantes :

            · le nombre de routes intra-communautaires, sur lesquelles sont offerts des services réguliers, est passé d’environ 630 en 1992 à environ 830 en 1997, dont environ 30 % sont exploités par deux compagnies, et 9 % par trois ou plus ;

            · la capacité offerte a été augmentée ;

            · les obligations de service public (c’est-à-dire la possibilité prévue par les textes communautaires de subventionner certaines lignes aériennes non rentables) ont été utilisées sur une centaine de routes ;

            · la création de nouvelles compagnies témoigne de la dynamique du marché : 139 compagnies ont été créées entre 1993 et 1998, et 102 ont disparu sur cette même période ;

            · un degré élevé de sécurité a été maintenu ;

            · la qualité des services s’est améliorée et le nombre de fréquences offertes sur les liaisons importantes a sensiblement progressé, contribuant à saturer les infrastructures ;

            · la saturation de certains aéroports ne favorise pas l’arrivée de nouveaux entrants ou le développement de nouveaux services ;

            · la baisse des tarifs n’a été significative que sur certaines lignes et certains tarifs. De manière générale, les tarifs « promotionnels » se sont multipliés, mais les tarifs de référence constatés ont continué d’augmenter ;

            · les recettes unitaires ont fortement baissé du fait du développement de la concurrence et de l’augmentation des capacités. En conséquence, les transporteurs aériens européens ont dû abaisser leurs coûts de manière sensible. Ceux-ci restent encore élevés par rapport aux coûts des grands transporteurs américains ou asiatiques. En 1998, toutefois, la recette unitaire au niveau mondial a augmenté de 1 %, alors que les coûts unitaires continuaient de baisser.

        Pour les compagnies européennes, de profondes et parfois douloureuses remises en cause ont souvent été nécessaires pour s’adapter au nouveau contexte concurrentiel, impliquant pour les personnels de nouvelles conditions d’emploi et de rémunération. Les restructurations ont, pour la plupart, nécessité d’importants apports de capitaux, souvent de la part des Etats.

        Ce processus profond de restructuration du transport aérien en Europe est aujourd’hui largement engagé et révèle les tendances suivantes :

            · de très grands groupes ayant une stratégie d’organisation de leur réseau autour d’une ou de plusieurs plates-formes de correspondances (« hubs ») se sont constitués. A cet égard, la compagnie British Airways, dont la restructuration avait eu lieu dès le début des années 80, s’est développée sur les marchés français et allemand par le biais d’acquisitions de compagnies établies dans ces pays (Air Liberté et TAT, Deutsche BA) ;

            · émergent également quelques transporteurs à très bas coûts de production (Ryanair, Debonair, Virgin Express, Easyjet et Go). L’Association européenne des compagnies aériennes (AEA) précise toutefois que ces compagnies ne proposent qu’environ 335 000 sièges par semaine, à comparer aux sept millions de sièges proposés chaque semaine par l’ensemble des compagnies de l’AEA.

        La libéralisation au sein de l’Union européenne est aujourd’hui achevée. Le Conseil des ministres des transports a approuvé l’objectif général de création à terme d’un espace commun des transports aériens largement libéralisé qui engloberait les Etats membres de l’Union européenne et les Etats-Unis. La Communauté a également conclu avec six pays d’Europe centrale et orientale ainsi qu’avec les Etats baltes et la Slovénie des accords d’association qui prévoient la conclusion prochaine d’accords dans le domaine du transport aérien. Enfin, la Suisse a négocié son adhésion au marché communautaire des transports. La définition d’une politique extérieure commune en matière de transport aérien pourrait se révéler longue, les intérêts des Etats, de la Commission européenne, des compagnies aériennes et des consommateurs étant souvent divergents.

        La libéralisation du secteur des transports aériens est donc aujourd’hui largement engagée. Si la constitution d’alliances de compagnies à l’échelle mondiale et leur restructuration semblent nécessaires aujourd’hui pour atteindre une certaine taille critique, il convient de prendre en compte les légitimes inquiétudes des salariés des compagnies aériennes concernant l’emploi. La forte concurrence donne lieu à des pressions sur les conditions d’emploi et de travail. Par ailleurs, le risque d’externalisation d’activités et de délocalisation est réel. Des formes plus innovantes de gestion des relations sociales restent donc à inventer.

        2. Les conséquences pour les compagnies françaises

            a) Assainissement et restructuration

        La confrontation concurrentielle s’imposant aux compagnies françaises, celles-ci n’ont pu échapper à la nécessité d’établir des plans « d’assainissement » visant à rétablir des situations financières compromises et comportant des restructurations de l’activité (réseau, organisation interne, emplois, etc…). Les résultats financiers sont devenus positifs et l’emploi retrouve une tendance à l’augmentation.

        Ces restructurations ont fortement modifié le paysage du transport aérien national. La compagnie Air France a ainsi absorbé Air Inter, tandis que les compagnies TAT et Air Liberté, devenues des filiales de British Airways, se sont regroupées sous l’appellation « Air Liberté ».

        La compagnie AOM, détenue précédemment par la banque Crédit Lyonnais puis par le consortium de réalisation (structure chargée de vendre les actifs du Crédit Lyonnais), est devenue totalement privée et le groupe suisse SAirlines – propriétaire à 100 % de la compagnie Swissair – y a pris 49 % du capital. C’est aussi le cas pour la première compagnie régionale Air Littoral, contrôlée aujourd’hui à 49 % par SAirlines.

            b) Les alliances commerciales

        Dans le même temps, les compagnies ont noué des alliances commerciales pour maintenir et élargir leur marché. Air France a multiplié des accords avec de grandes compagnies internationales et a, en juin dernier, conclu une alliance – dont la vocation est de devenir globale – avec la troisième compagnie américaine, Delta Air Lines. Par ailleurs, du fait de leurs liens avec Swissair, AOM et Air Littoral se retrouvent associés à de nombreuses compagnies européennes au sein de l’alliance « Qualiflyer Group ». Cette alliance européenne rassemble Air europe, Air littoral, AOP, Austrian airlines, Crossair, Lauda air, Sabena, Swissair, TAP, Turkish airlines, Tyrolean.

        Enfin, concernant les liaisons de faible potentiel exigeant l’exploitation de petits appareils, Air France a modifié son régime de sous-traitance et opté pour la « franchise », en remplacement de sa politique traditionnelle d’affrètement. Air Liberté recourt également à la « franchise », par le biais de Flandre Air, pour le développement de son réseau de liaisons transversales. Ainsi, six compagnies européennes réalisent un trafic important dans ce cadre ; il s’agit de Brit’air, City-jet, Flandre air, Gill airways, Jersey european et Proteus airlines.

            c) Les plates-formes régionales de correspondance

        Parallèlement, se sont mises en place des plates-formes régionales de correspondance exploitées par un transporteur principal. Ainsi, Clermont-Ferrand accueille l’activité de la compagnie Regional airlines, dont l’objectif est de multiplier les liaisons transversales métropolitaines. Le second exemple est Nice, plate-forme choisie par Air Littoral pour offrir des liaisons vers l’Italie au départ des villes françaises.

III.— AIR FRANCE : UN REDRESSEMENT ENCOURAGEANT MAIS UNE POLITIQUE D’ALLIANCES ENCORE TIMIDE

        Air France a achevé son redressement à l’issue d’une période marquée par une recapitalisation à hauteur de 20 milliards de francs, la fusion avec Air France Europe en septembre 1997 et la montée en puissance du hub de Paris-Charles-de-Gaulle. Depuis l’exercice 1996/97, l’activité d’Air France dégage un résultat net positif.

          A.— LE REDRESSEMENT D’AIR FRANCE

        En 1998, Air France occupait le troisième rang européen (derrière British Airways et Lufthansa et devant KLM) en termes de passagers transportés. Pour l’ensemble des lignes internationales, Air France a gagné une place et vient se positionner derrière United Airlines, British Airways et Lufthansa. En ce qui concerne le trafic cargo international, Air France a perdu une place et se classait au quatrième rang, derrière Lufthansa, Korean Airlines et Singapour Airlines en « tonnes-kilomètre transportées ».

        Ce redressement semble se poursuivre, puisque pour le premier semestre de son exercice (d’avril à septembre 1999), Air France a vu son trafic de passagers croître de 15,3 %, pour une offre en hausse de 14,5 %, ce qui a permis au coefficient de remplissage de progresser de 0,6 point passant à 77,1 % contre 76,5 % au premier semestre 1998-1999. En matière de fret, l’activité a crû, sur la même période, de 8,2 %, pour une offre en très légère augmentation (+ 0,8 %), ce qui a entraîné une hausse du coefficient de remplissage de 4,4 points (64,2 %).

        Dans ce contexte, le président d’Air France a lancé en décembre 1998 un nouveau « projet d’entreprise » qui couvre la période allant de 1999 à 2002. L’exercice en cours marque le début de la mise en application de ce projet, qui comporte plusieurs chantiers.

            1. Restaurer la ponctualité

        Air France a lancé un vaste programme contre les retards de ses vols. L’enjeu est essentiel : la non ponctualité est le grief numéro un des clients. L’objectif est de parvenir à un taux de ponctualité de 85 % sur le moyen-courrier et de 80 % sur le long-courrier en gagnant 100.000 minutes par mois d’ici avril 2000 sur les retards actuellement enregistrés. Air France ambitionne de figurer à l’été 2000 parmi les trois premières compagnies européennes les plus ponctuelles.

            2. Augmenter l’offre de sièges et maîtriser les coûts

        Selon Air France, Paris-Charles-de-Gaulle devrait connaître une hausse de 13 % des mouvements en 1999/2000, ce qui devrait entraîner une augmentation de 12 % du nombre de passagers. Pour parvenir à ce résultat, Air France a décidé d’accroître sa flotte. D’ici l’été 2001, la livraison de dix appareils long-courrier en pleine propriété (6 B 777-200 et 4 A 340-300) est prévue, ce qui représente une progression en capacité de 6 à 7 % par an, nette des retraits. A l’horizon 2001, les Boeing 747-100 auront été retirés de la flotte et les B 747 combinés auront été progressivement transformés en avions tous passagers. La livraison de 20 appareils moyen-courrier est également prévue d’ici à janvier 2002, afin de remplacer les Boeing 737-200 et les Fokker. Pour remplacer les autres B 737 d’ancienne génération dont le coût d’exploitation est élevé au regard des avions les plus modernes de taille équivalente, Air France a signé avec Airbus Industrie en avril 1999 une intention d’achat portant sur l’acquisition de 25 A 318 de 117 passagers (dont 10 options), les premières livraisons étant prévues pour le printemps 2003.

        Air France envisage également de développer le « hub » de Paris-Charles-de-Gaulle. En 1999, une troisième piste a été ouverte au sud de l’aéroport. Une nouvelle aérogare occupée par Air France, le hall F, a été inaugurée, ce qui permettra à la compagnie d’accueillir 28 millions de passagers par an sur son « hub », contre 25 millions actuellement. De nouvelles tranches de travaux sont prévues au-delà de 2001 avec la mise en service d’une quatrième piste au nord de l’aéroport et la construction d’un terminal E qui pourra porter la capacité d’accueil d’Air France jusqu’à 33 millions de passagers par an.

        Pour optimiser sa recette unitaire, Air France utilise depuis l’hiver 1996 un système de tarification en temps réel, qui permet d’arbitrer en faveur du trafic le plus rémunérateur lorsque celui-ci est important et de remplir en période creuse les avions avec du trafic de basse contribution ou en correspondance. La compagnie peut ainsi maintenir un programme constant, en fréquence et en type d’avion, au lieu d’adapter constamment son offre à la demande, ce qui réduit les coûts de production et permet de proposer des tarifs attractifs ainsi que de maintenir la recette unitaire au niveau le plus élevé possible.

        Concernant la maîtrise des coûts, la compagnie s’est fixé comme objectif une baisse de trois milliards de francs, soit 10 % en trois ans de ses coûts unitaires, notamment par la diminution des coûts salariaux du personnel navigant technique, qui a été réalisée avec l’opération d’échange « salaire contre actions » dans le cadre de l’ouverture du capital de la compagnie.

            3. Améliorer le dialogue social

        Désormais, les relations entre la direction et les pilotes s’établissent dans un cadre pluriannuel dans lequel la compagnie vise trois objectifs : alimenter la plate-forme de Paris-Charles-de-Gaulle, modifier les conditions de travail des pilotes et obtenir une économie budgétaire de 400 millions de francs par une baisse des salaires en échange de l’attribution d’actions.

        La conclusion d’accords sur l’aménagement et la réduction du temps de travail avec les autres catégories de personnels au sol et personnels navigants commerciaux a parachevé ce renouveau du dialogue social au sein de la compagnie. En outre, la totalité des 26 établissements d’Air France a conclu, selon le calendrier prévu, un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail pour le personnel au sol de la compagnie. La nouvelle durée du travail pourrait donc être mise en place le 1er novembre prochain. Il doit en résulter le recrutement de près de 4000 agents sur contrat à durée indéterminée, en priorité dans les secteurs en contact direct avec la clientèle.

        Par ailleurs, 72,4 % des salariés d’Air France (et 80 % du personnel navigant technique) ont décidé d’investir dans la compagnie lors de l’ouverture de son capital. On ne peut que se féliciter de ce succès de l’actionnariat salarié qui atteste la confiance du personnel dans l’avenir d’Air France et constitue ainsi une marque de cohésion interne qui permettra à l’entreprise de mieux affronter la concurrence.

          B.— UNE POLITIQUE D’ALLIANCES ENCORE TIMIDE

        C’est dans ce cadre qu’a été signée en juin 1999 l’alliance avec Delta Airlines.

        Air France et Delta Airlines ont signé le 22 juin 1999 un « accord exclusif de toute autre participation à une alliance globale » afin de créer avec d’autres partenaires une nouvelle « alliance globale » dans le transport aérien. Air France a indiqué que le contenu de cet accord était pour le moment confidentiel. Par cet accord conclu pour une durée de dix ans renouvelables, les deux compagnies mettent en commun leurs réseaux et leurs moyens commerciaux afin de développer les synergies leur permettant d’accroître leurs parts de marché et de réduire leurs coûts.

        Les deux partenaires ont par ailleurs pour objectif de constituer une « alliance globale » à l’échelle mondiale avec d’autres compagnies européennes, asiatiques et latino-américaines. L’alliance Air France/Delta est donc appelée à s’élargir d’ici la fin de l’année pour créer une alliance concurrente de Star Alliance (constituée autour de United Airlines et Lufthansa) et de OneWorld (fédérée autour du tandem American Airlines/British Airways).

        Si cette alliance constitue un atout indéniable pour Air France, la stratégie d’alliances de la compagnie semble néanmoins timide. On peut regretter que les alliances se limitent le plus souvent à un simple « partage de codes ». Surtout, on peut regretter l’absence de réelle politique d’alliance avec des partenaires européens.

        Air France n’a pu conclure d’accord avec un partenaire majeur. En Allemagne, Air France poursuit son partenariat avec Eurowings, sur les liaisons au départ de Roissy et à destination de Hanovre, Stuttgart, Nuremberg, Munster et Dortmund. Sur l’Autriche, Air France détient une participation de 1,5 % du capital d’Austrian Airlines, acquise en 1989 ; un accord de partage de codes a en outre été signé le 22 janvier 1999 avec la compagnie Tyrolean Airways, membre du groupe Austrian. La desserte des îles britanniques met en jeu plusieurs accords de franchise, notamment avec City Jet, Gill Airways, Jersey European Airways et British Midland. Concernant la Suisse, un partage de codes a été établi avec Crossair. Enfin, pour le reste de l’Europe, Air France est en partenariat avec Maersk Air, Lot, Maler, CSA, Croatia Airlines et Luxair. Dans l’ensemble, ces alliances commerciales ne constituent pas un partenariat puissant capable de rivaliser avec les deux grands réseaux déjà constitués ou en voie de l’être autour des ensembles United Airlines/Lufthansa et American Airlines/British Airways.

Chapitre II

LA POLITIQUE AÉROPORTUAIRE

        Compte tenu de la forte croissance du trafic aérien sur les plates-formes françaises, et notamment parisiennes, la mise en place d’une politique aéroportuaire équilibrée est aujourd’hui une réelle nécessité. Celle-ci doit prendre en compte des exigences souvent contradictoires : faire face au développement du trafic, ouvrir l’accès au ciel français aux compagnies aériennes attirées par la libéralisation du marché européen, et rechercher des solutions alternatives à la saturation des aéroports parisiens, notamment de Paris-Charles-de-Gaulle.

I.— L’ÉVOLUTION DU TRAFIC

        Dans le monde, le trafic de passagers a progressé sur le même rythme que les années précédentes. Il s’établissait pour 1998 à près de 3,2 milliards de passagers, répartis sur l’Afrique (+ 9,4 %), l’Asie (- 4,7 %), l’Europe (+ 6,7 %), l’Amérique du Sud (+ 13,1 %), le Proche-Orient (+ 5,6 %), l’Amérique du Nord (+ 1,9 %) et l’Océanie (+ 2 %). En matière de fret, le trafic s’est élevé en 1998 à 67,7 millions de tonnes.

        En Europe, les aéroports ont enregistré une forte hausse moyenne du trafic de passagers (+ 6,7 %). Aéroports de Paris, avec 63,5 millions de passagers, conserve sa première place au sein des aéroports d’Europe continentale.

        ÉVOLUTION DU TRAFIC DES AÉROPORTS DE PARIS

      Aéroports

      Mouvements
      (en milliers)

      Passagers
      (en millions)

      Fret
      (en milliers de tonnes)

      Poste
      (en milliers de tonnes
      )

       

      1998

      /1997

      1998

      /1997

      1998

      /1997

      1998

      /1997

      Paris-Charles-de-Gaulle

      421,5

      7 %

      38,6

      10 %

      887,5

      - 2 %

      126,9

      4 %

      Paris-Orly

      242

      2 %

      24,9

      0 %

      202 ,3

      - 9 %

      15,1

      3 %

        Paris-Charles-de-Gaulle, avec 38,6 millions de passagers, a notamment enregistré une croissance exceptionnelle de son trafic (+ 9,5 % par rapport à 1997). L’activité fret d’Aéroport de Paris a sans conteste souffert de la crise asiatique, mais dans une dimension moindre que celle constatée dans les aéroports allemands (– 14,3 % pour Berlin par exemple, contre – 9 % à Paris-Orly).

        D’une manière générale, la forte croissance des trafics enregistrés par les aéroports français s’explique par l’intensification de la concurrence entre les compagnies aériennes. Cette croissance s’est par ailleurs appuyée sur la consolidation des plaques tournantes (hubs) de Paris-Charles-de-Gaulle et de province (Lyon, Nice, Montpellier, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne), sur les navettes entre Paris et les grandes villes de province, et sur l’arrivée des compagnies à bas tarifs. Certains aéroports de province ont enregistré, en 1998, une forte croissance de leur trafic. C’est le cas de Nice avec 8,1 millions de passagers (+ 9,7 %), Bâle-Mulhouse (3 millions de passagers soit + 13,3 % par rapport à 1997), Nantes (1,6 million de passagers soit + 13,2 %) et enfin Saint-Etienne (195 000 passagers, soit + 90 %).

II.— L’AVENIR DE LA PLATE-FORME
AÉROPORTUAIRE DE PARIS

        La croissance du transport aérien sur les plates-formes aéroportuaires parisiennes pendant la période 1986-1997 a été de l’ordre de 5 % par an. Selon le ministère de l’équipement, des transports et du logement, elle devrait se poursuivre sur cette tendance, avec une croissance de l’ordre de 3,5 % par an en moyenne sur les vingt années à venir.

        Par ailleurs, Mme Voynet, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, et M. Gayssot, ministre de l’équipement, des transports et du logement se sont engagés à fixer à terme la capacité de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle à 55 millions de passagers avec quatre pistes, sous la condition d’un niveau global de bruit ne dépassant pas celui atteint en 1997. La capacité d’Orly est limitée à 250 000 créneaux horaires attribuables par an ; il est prévu que cette plate-forme ne devrait pas dépasser 30 millions de passagers annuels.

        Dans ces conditions, la limite de capacité des plates-formes parisiennes pourrait être atteinte d’ici dix à quinze ans. Il est donc nécessaire de trouver une solution.

        Il paraît peu probable que l’activité de fret puisse être transférée des aéroports parisiens vers des aéroports de province. En effet, 60 % des marchandises sont embarqués dans les soutes d’avions de lignes régulières de passagers. Il en résulte une certaine concentration du trafic de fret dans quelques grands aéroports. Pour cette raison, en 1998, les aéroports parisiens ont accueilli 83 % du fret hors poste de l’ensemble des aéroports métropolitains.

        A l’heure actuelle, les aéroports dédiés exclusivement au fret ont un potentiel de trafic relativement faible. Néanmoins, Aéroports de Paris a conclu un accord de partenariat avec l’aéroport de Chateauroux ainsi qu’une alliance avec celui de Liège, dans l’optique de la réalisation à terme d’un réseau de plates-formes complémentaires.

        Il n’en demeure pas moins que la tendance à une concentration du trafic de fret sur les aéroports parisiens est loin d’être inversée. En 1995, Air France a élaboré un regroupement de ses installations de Paris-Charles-de-Gaulle sur un seul site, ce regroupement devant lui permettre d’augmenter, à l’horizon 2005, d’environ 25 % sa capacité totale de traitement. Selon Air France, cette nouvelle gare de fret est la plus grande d’Europe. Par ailleurs, au 1er janvier 1999 a été opéré le transfert des vols B 747 tout cargo d’Orly sur l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Air France a cependant conservé à Orly le traitement du fret de soute des avions passagers.

        En ce qui concerne le trafic de passagers, un desserrement des plates-formes parisiennes mérite d’être étudié, compte tenu de l’imminence du passage au seuil de 55 millions de passagers sur l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Les solutions envisagées concernent le développement des aéroports de province, le redéploiement des plates-formes de fret et la création d’un troisième aéroport international dans le grand bassin parisien. Sur ce dernier point, votre rapporteur a déjà eu l’occasion d’émettre certaines réserves. Il ne lui apparaît en effet pas possible, d’un point de vue économique, d’éloigner un aéroport de sa zone de chalandise, l’accessibilité de la plate-forme étant un élément primordial.

        Par contre, votre rapporteur estime que les aéroports de province peuvent contribuer au désengorgement des aéroports parisiens, notamment par la multiplication des vols moyen-courriers internationaux.

        Dans tous les cas, le seuil des 55 millions de passagers ne doit pas être dépassé à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, sous peine de dégrader encore plus la qualité de vie des riverains de cette plate-forme. Dans cette optique, il est clair que l’Etat peut et doit mettre en œuvre une politique aéroportuaire volontariste qui prenne en compte les contraintes environnementales et un aménagement équilibré du territoire.

        Sur ce point, on peut se féliciter que MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et Jean-Claude Gayssot, ministre de l’équipement, des transports et du logement, aient pris l’initiative d’adresser, le 22 septembre 1999, une lettre ayant pour objet de fixer les orientations stratégiques d’Aéroports de Paris (ADP) à M. Yves Cousquer, président du conseil d’administration de cet établissement public.

        Une telle intervention est salutaire, puisqu’elle marque la volonté de la puissance publique de mener une politique aéroportuaire cohérente. Les grandes orientations qui ont été retenues concernent tant la stratégie de l’établissement que ses règles statutaires. D’une part, il est estimé nécessaire qu’ADP améliore sa capacité à prendre pied sur le marché international de la conception et de la gestion d’aéroports. D’autre part, il est enjoint à ADP de ne plus se comporter comme un démembrement de l’administration d’Etat s’autofinançant, mais comme une entreprise devant tenir compte des demandes de ses clients, des rapports avec son personnel et de son environnement physique, social et institutionnel. Dans ce cadre, les ministres ont demandé à M. Yves Cousquer d’émettre des propositions sur l’ensemble de ces points pour le 31 janvier 2000 afin « d’éclairer les orientations que le Gouvernement devrait prendre sur le sujet ». Votre rapporteur se félicite d’une telle initiative qui traduit la volonté de mettre en œuvre une véritable politique aéroportuaire.

III.— LES PROGRÈS RÉALISÉS EN MATIÈRE
DE LUTTE CONTRE LES NUISANCES SONORES

        Dès sa mise en place, le Gouvernement a clairement fait de la lutte contre les nuisances sonores autour des aéroports, une priorité de sa politique des transports aériens. La création de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) constitue, dans ce domaine, une avancée indéniable.

          A.— LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE DES BESOINS EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DES NUISANCES SONORES

        La croissance du trafic aérien a entraîné une forte dégradation de la qualité de vie des riverains des plates-formes aéroportuaires.

        En 1999, la lutte contre les nuisances sonores a été considérablement renforcée, avec la création de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.

            1. La mise en œuvre de règles internationales

        Aux termes de la directive européenne n° 92-14 du 2 mars 1992, les avions dits du « chapitre 2 », qui sont les plus bruyants, ne peuvent participer au renouvellement de la flotte européenne et doivent en être retirés au plus tard le 1er avril 2002. Par ailleurs, par un arrêté du 22 juin 1999, en application de la directive n° 99-28 de la Commission européenne du 21 avril 1999, la liste des avions du chapitre 2 bénéficiant d’une exemption a été mise à jour. Concernant les avions « hushkittés », c’est-à-dire les plus bruyants de la catégorie des avions du chapitre 3, un règlement communautaire du 29 avril 1999 a prévu de geler l’emploi de ces derniers, mais son application est momentanément suspendue du fait des négociations en cours sur ce point, au sein de l’OACI, entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Enfin, les règles édictées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) sont mises en œuvre avec le certificat de limitation des nuisances acoustiques, imposé par l’article R. 133-2 du code de l’aviation civile.

            2. Les règles de trafic aérien nationales

        Des procédures spéciales concernant les trajectoires sont imposées aux avions à l’atterrissage et au décollage, avec une certaine puissance autorisée et une réduction de la poussée au décollage. Ces procédures concernent les axes, caps, virages et l’altitude des avions.

        Les vols de nuit ont également donné lieu à une réglementation. A l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, un arrêté du 17 décembre 1997 interdit les vols de nuit des avions du chapitre 2, les plus bruyants, entre 23 h 15 et 6 h ; les avions du chapitre 3 doivent par ailleurs respecter des restrictions d’usage. A Orly, a été mis en place un véritable couvre-feu, interdisant tout mouvement d’avion entre 23h 30 et 6 h du matin.

        Par ailleurs, la commission nationale de prévention des nuisances, instituée par le décret n° 97-534 du 27 mai 1997, constitue une « chambre d’instruction » des manquements des compagnies aériennes à certaines restrictions d’usage sur l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, par exemple. Elle a notifié, en 1998, 574 infractions dont 148 ont été sanctionnées et ont donné lieu à une amende moyenne d’environ 30 000 F.

            3. Les dispositions en matière d’urbanisme et d’insonorisation

        La loi n° 85-696 du 11 juillet 1985 relative à l’urbanisme au voisinage des aérodromes a créé une procédure de contrôle de l’utilisation des sols à proximité des aéroports, grâce à la délimitation, par des plans d’exposition au bruit, des zones affectées par des nuisances sonores.

        La loi n° 99-588 du 12 juillet 1999 portant création de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) a, par ailleurs, élargi le champ d’application des plans d’exposition au bruit en créant une quatrième zone dans laquelle les constructions sont autorisées mais doivent faire l’objet de mesures d’isolation acoustique.

        Elle a également étendu le champ des compétences des commissions consultatives de l’environnement, composées des différents acteurs locaux du transport aérien, y compris les riverains ; ces commissions pourront désormais assurer le suivi de la mise en œuvre des chartes de qualité de l’environnement sonore (voir infra).

        Enfin, la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit a institué les plans de gêne sonore qui délimitent des zones en fonction de la gêne sonore qui y est ressentie. Les locaux situés dans les zones I, II et III de ces plans de gêne sonore sont éligibles à des aides à l’insonorisation, sur l’octroi desquelles se prononcent des commissions consultatives d’aide aux riverains, désormais constituées dans les commissions consultatives de l’environnement. Ces aides sont financées par une part de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), perçue sur les transporteurs aériens utilisateurs des principaux aéroports français, et gérée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

            4. Les engagements contractuels

        L’évolution des comportements des différents acteurs du transport aérien (pilotes, contrôleurs, compagnies aériennes), en concertation avec les usagers et les riverains, a été encouragée par le Gouvernement. Cette démarche a donné lieu à deux types de documents.

        D’une part, des chartes de qualité de l’environnement sonore ont été élaborées, dans un objectif de concertation et de maîtrise des nuisances sonores. Ainsi, la charte de Paris-Charles-de-Gaulle associe l’Etat, Aéroports de Paris, les compagnies aériennes, les élus locaux et les associations de riverains.

        D’autre part, un code de bonne conduite a été adopté. Il associe l’Etat, les compagnies aériennes, les organisations professionnelles de contrôleurs et les organisations professionnelles de pilotes. Ce code retrace les engagements pris en matière de procédures de départ, de décollage, d’approche, ou de consignes d’exploitation, et qui visent à diminuer les nuisances sonores.

        Le Gouvernement et les différentes parties du transport aérien ont donc multiplié les efforts en faveur d’une maîtrise des nuisances sonores, ce dont on peut se féliciter. L’avancée la plus récente dans ce domaine est constituée par la création d’une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de ces nuisances.

          B.— L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE DES NUISANCES SONORES AÉROPORTUAIRES (ACNUSA)

        Cette autorité, créée par la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999, est composée de huit membres, dont cinq experts en matière d’acoustique, de gêne sonore, de santé humaine, d’aéronautique et de navigation aérienne. Ils sont nommés par les ministres compétents et leur mandat est de six ans. Un régime d’incompatibilité a été introduit, qui vise tout titulaire de mandat électif.

        L’ACNUSA a un pouvoir de recommandation, qu’elle peut mettre en œuvre de sa propre initiative ou sur saisine des ministres chargés respectivement de l’aviation civile, de l’urbanisme et du logement, ainsi que de l’environnement. L’autorité peut également émettre des recommandations à la demande d’une commission consultative de l’environnement ou d’une association concernée par l’environnement sonore aéroportuaire. Ces recommandations portent sur les questions suivantes :

            - la mesure du bruit, notamment la définition d’indicateurs de mesure adéquats, qui semble devoir être une priorité à l’heure actuelle ; en effet, en l’absence de toute réflexion sur ce point, il est extrêmement délicat de porter une quelconque appréciation sur l’engagement du ministre des transports selon lequel le niveau de bruit à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle ne doit pas dépasser celui de 1997 ;

            - l’évaluation de la gêne sonore, point particulièrement délicat compte tenu de la subjectivité de cette appréciation ;

            - la maîtrise des nuisances sonores du transport aérien comme de l’activité aéroportuaire, notamment en ce qui concerne les procédures de décollage et d’atterrissage, qui sont les plus bruyantes.

        Surtout, l’Autorité de contrôle des nuisance sonores aéroportuaires détient un pouvoir général de sanction (amende administrative), sur l’ensemble des plates-formes, et sur proposition de la commission nationale de prévention des nuisances (CNPN). Les sanctions peuvent être prononcées à l’encontre des personnes physiques ou morales qui ne respecteraient pas les restrictions d’usage de certains types d’avions (comme les avions du chapitre 2, par exemple), ou portant sur certaines activités du fait des nuisances sonores qui en découlent. Peuvent également donner lieu à une amende administrative le non-respect des procédures d’atterrissage ou de décollage, celui des règles relatives aux essais moteurs ou encore un dépassement des valeurs maximales de bruit autorisées.

        Les amendes administratives ne peuvent dépasser 10 000 francs pour une personne physique et 80 000 francs pour une personne morale. Sur ce dernier point, le montant maximal de l’amende est en augmentation de 60 % par rapport à celui s’attachant à l’amende qui était auparavant prononcée par la CNPN (50 000 francs).

        Concernant les aéroports les plus importants, l’ACNUSA voit par ailleurs ses pouvoirs renforcés. Elle a ainsi pour mission de définir les indicateurs de mesure du bruit et de la gêne sonore, les prescriptions techniques applicables aux dispositifs de mesure du bruit et de suivi des trajectoires, les prescriptions en matière de nombre et d’emplacement des stations de mesure du bruit, et celles relatives à l’exploitation du réseau de ces stations. Ce point est important, puisqu’il garantit l’impartialité des informations qui seront utilisées et diffusées en matière de mesure du bruit.

        Enfin, l’autorité a compétence en matière de contrôle du bruit au voisinage des neuf aérodromes les plus importants. Elle peut, dans ce cadre, recommander la révision des plans d’exposition au bruit ; elle est en outre consultée sur les projets de textes réglementaires en matière de lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires et contrôle le respect des engagements pris par les différents acteurs des transports aériens (notamment, les chartes de qualité de l’environnement sonore). En cas de désaccord, elle peut enfin être saisie d’une demande d’arbitrage par les parties à l’engagement, la commission consultative de l’environnement, le ministre chargé de l’aviation civile ou le ministre chargé de l’environnement.

        La création de l’ACNUSA constitue une avancée essentielle dans la lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires. On peut noter que l’Autorité est dotée dans le projet de loi de finances pour 2000 d’un budget de 5 millions de francs, destiné à couvrir ses frais de fonctionnement. Selon les informations fournies à votre rapporteur, les textes réglementaires d’application de la loi du 12 juillet 1999 sont en cours d’élaboration, afin que l’ACNUSA soit définitivement mise en place au début 2000.

Chapitre III

LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE

        Le secteur de la construction aéronautique, dans une conjoncture très favorable, fait actuellement l’objet d’importantes restructurations, le plus souvent sous la forme de fusions. Dans ce contexte, l’évolution du statut d’Airbus et la création d’un groupe européen de construction aéronautique qui couvrirait les domaines civil et militaire semblent aujourd’hui plus que souhaitables, compte tenu de la fusion Boeing–Mac-Donnell Douglas.

        Pourtant, la mise en œuvre d’un tel projet reste incertaine, compte tenu de stratégies souvent divergentes des constructeurs européens.

I.— UNE DEMANDE ENCORE SOUTENUE, MAIS AVEC DES RISQUES D’ESSOUFFLEMENT

        Après une année 1998 exceptionnelle en termes de commandes, le secteur de la construction aéronautique devrait connaître une demande soutenue, mais de manière moindre. Airbus poursuit sa montée en puissance sur le marché, alors que le constructeur américain Boeing s’essouffle.

          A.— UNE ANNÉE EXCEPTIONNELLE POUR LES CONSTRUCTEURS FRANÇAIS

        L’amélioration de la situation du secteur aéronautique français s’est accélérée en 1998 : le chiffre d’affaires des entreprises du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales a progressé de 9 %, le chiffre d’affaires à l’exportation de 16 % et les prises de commandes se sont accrues de 21 %. Le chiffre d’affaires des activités civiles représente 67 % du chiffre d’affaires total.

        Le chiffre d’affaires de l’ensemble de la profession en France a enregistré, de ce fait, une augmentation significative qui la place au premier rang européen.

ÉVOLUTION DU CHIFFRE D’AFFAIRES ET DES EFFECTIFS

DE L’INDUSTRIE AÉROSPATIALE

       

      Chiffres d’affaires 1998
      (en milliards de francs)

      1998/1997
      (%)

      Effectifs directs
      (en milliers)

      1998/1997
      (
      %)

      Industrie aérospatiale américaine
      dont aéronautique civile*

      752
      224

      27 %
      64 %

      869
      274

      8 %
      11 %

      Industrie aérospatiale européenne
      dont aéronautique civile

      408
      169

      6%
      nd

      423
      nd

      + 7 %

      Industrie aérospatiale française
      dont aéronautique civile

      161
      108

      9 %
      14,5 %

      96
      nd

      1 %

        Source : AECMA, GIFAS

        * chiffres 1997 pour les Etats-Unis et variation 97/96 (%).

        Le bilan commercial de 1998 fait apparaître que les constructeurs européens ont en majorité bien profité de la bonne conjoncture du marché aéronautique, alors que la situation de Boeing est moins favorable :

        – Airbus Industrie a vu ses commandes nettes augmenter de 21 % en quantité (529 contre 438) et de 29 % en valeur (230 milliards de francs contre 178 milliards de francs). Le consortium n’a subi par ailleurs qu’un nombre restreint d’annulations : 27 contre 22 en 1997. Ces réalisations placent Airbus Industrie à un niveau relativement proche de Boeing qui enregistre 555 commandes nettes ; l’écart entre les deux avionneurs s’est de nouveau réduit : 26 appareils contre 64 appareils un an plus tôt.

        Pour ce qui concerne la production, Airbus Industrie a livré 229 appareils en 1998 (182 en 1997) pour un montant de l’ordre de 78 milliards de francs, contre 70 milliards de francs en 1997. Cette progression est due au volume plus important d’appareils livrés, principalement de la famille des A 320 alors que les livraisons de gros porteurs (A 330 et A 340) restaient stables (47 unités) par rapport à l’année précédente.

        On doit noter qu’Airbus Industrie poursuit depuis plusieurs années l’étude d’une nouvelle famille d’avions de très grande capacité (A3XX). Cette famille, se plaçant à l’extrémité supérieure de sa gamme, viendrait mettre un terme au monopole très lucratif dont bénéficie Boeing avec le B 747 et assurerait la présence du constructeur européen sur un marché en forte croissance. Le constructeur européen prévoit ainsi qu’au cours des vingt prochaines années, les appareils de la taille du B 747 ou plus grands représenteront, en valeur, un tiers des dépenses effectuées par les compagnies pour l’acquisition d’avions neufs.

        Le calendrier aujourd’hui retenu par Airbus Industrie prévoit le lancement industriel de l’A3XX, en cas de succès de la campagne commerciale, à la mi 2000 en vue d’une entrée en service en 2005.

        Airbus n’a pas encore achevé les études techniques préalables, et doit encore améliorer les performances opérationnelles de cette nouvelle famille d’avions. Un des objectifs du constructeur est en effet d’assurer un gain de 15 à 20 % en coût direct d’exploitation au siège par rapport à celui du B 747-400.

        Airbus estime nécessaire de développer plusieurs versions pour couvrir les différents besoins du marché. Le coût du programme complet est estimé à ce stade autour de 11 milliards de dollars. L’un des points clefs du programme concerne son financement. Trois sources sont envisagées par le constructeur :

              - les ressources des partenaires ;

              - la participation de coopérants à risque pour un niveau objectif de 40 % ;

              - la participation des Etats à hauteur de 33 % comme l’autorise l’accord bilatéral euro-américain de 1992.

        Le coût de développement de la famille d’appareils étant estimé à 10,7 milliards de dollars, le montant des avances qui seraient nécessaires pour un financement à hauteur de 33 % de la part française serait d’environ 6 milliards de francs. L’échéancier prévisionnel, dans l’hypothèse du calendrier retenu par Airbus (lancement industriel à la mi 2000) et sur la base des estimations provisoires de coût disponibles actuellement, s’établit de la façon suivante en autorisations de programme :

        (en millions de francs)

       

      2000

      2001

      2002

      2003

      2004 et au-delà

      Total

      Montant des autorisations de programme

      240

      700

      1 250

      1 250

      2 560

      6 000

        Le projet de loi de finances pour 2000 comprend une provision permettant d’accorder la première annuité de l’avance, si celle-ci est formellement décidée.

        Au 31 décembre 1998, le carnet de commandes d’Airbus s’établissait à 1309 appareils (contre 1009 en 1997), celui de Boeing à 1786 appareils. Mais la montée en puissance d’Airbus est incontestable : si pour les neuf premiers mois de l’année 1999, l’entreprise a livré 211 appareils contre 455 pour Boeing, ses performances commerciales sont meilleures ; sur la même période, Airbus a totalisé 343 commandes, contre 154 pour Boeing.

        – Malgré un retour aux bénéfices (1,12 milliard de dollars en 1998) contre une perte historique de 0,18 milliard de dollars en 1997, la situation de Boeing reste donc fragile.

        En effet, le carnet de commandes de Boeing a diminué en 1998, passant de 121,6 milliards de dollars à 112,9 milliards de dollars (– 7 %). Cette baisse est imputable à la diminution des commandes d’avions civiles (86 milliards de dollars contre 93,8 milliards de dollars en 1997). En effet, les commandes nettes ont continué à progresser en termes d’unités (502 en 1997, 555 en 1998), mais ont diminué en valeur du fait de la baisse des ventes des gros porteurs B 777 et B 747 les plus rémunérateurs et de la hausse des ventes des petits porteurs B 737, segment où la guerre des prix est la plus féroce avec Airbus.

        Par ailleurs, British Airways vient de passer la commande ferme, le 11 octobre 1999, de 12 Airbus A 318 (futur avion de 107 places), plus 12 options, dans le cadre du remplacement de ses Boeing 757 de 195 places, pour des raisons d’économie et d’harmonisation de sa flotte de court et moyen courriers d’Airbus.

        Dans ce cadre, et pour restaurer sa rentabilité, Boeing s’est engagé dans un plan de restructuration qui comporte l’arrêt de plusieurs programmes et la réduction entre 1997 et 1998 de 8,5 % de son effectif total initial (7000 personnes ont quitté le groupe en 1998, soit 3 % de l’effectif).

        Il semble également que Boeing se prépare à riposter au lancement de l’A3XX. Le constructeur a officiellement reconstitué en 1999 une petite équipe autour d’un projet de gros porteur, et étudie les possibilités de dérivation du B 747. A plus court terme, la priorité numéro un du constructeur américain est le développement des versions à rayon d’action augmenté du B 777, les B 777-200X et B 777-300X, qui viendront concurrencer les versions allongées de l’A 340, les A 340-500 et A 340-600 en cours de développement chez Airbus Industrie.

        La plupart des autres constructeurs connaissent une situation favorable, à l’exception d’ATR.

        – Dassault aviation a réalisé son meilleur exercice depuis le démarrage de son activité d’aviation d’affaires. En 1998, Dassault a enregistré 99 commandes de sa gamme Falcon pour un montant d’environ 4 milliards de dollars sur les deux dernières années, confortant sa place de numéro un mondial des jets d’affaires de haut de gamme avec 50 % du marché.

        – Eurocopter a enregistré en 1998 une légère baisse de ses prises de commandes avec 272 appareils neufs contre 303 en 1997, mais reste cependant le premier constructeur d'hélicoptères mondial, devant l'américain Sikorsky, tant en termes de chiffre d’affaires que de parts de marché (40 % dans le civil, 25 % dans le militaire hors Etats-Unis et CEI en termes de livraisons).

        – SNECMA a réalisé en 1998 un chiffre d’affaires de 28,5 milliards de francs, en progression de 24 % par rapport à 1997 ; 80 % de son activité sont réalisés dans le secteur civil. Les commandes nettes obtenues en 1998 sur le marché civil s’élèvent à 1 300 moteurs contre 700 en 1997. Par rapport à 1997, les livraisons ont fortement progressé (+ 20 %), passant de 776 à 935 unités.

        – ATR voit sa position de plus en plus fragilisée. Malgré un marché en légère hausse, ATR fait état de 21 commandes fermes en 1998, soit une forte diminution par rapport à 1997 (53 commandes). Aucune commande n’a été enregistrée lors du premier semestre 1998. Les livraisons sont également en net recul (31 avions en 1998 contre 37 en 1997 et 39 en 1996) par rapport au niveau moyen (49) constaté entre 1988 et 1994. Elles se situent également bien en deçà du point d’équilibre du programme, fixé entre 45 et 50 appareils par an. La situation d’ATR est donc critique. Les ventes de turbopropulseurs sont désormais devancées par celles des jets régionaux. Après l’échec du projet d’Airjet, ATR se trouve donc obligé de n’être pour l’instant présent que sur une partie du marché régional, et sur le segment le moins dynamique.

          B.— LES PERSPECTIVES DE CROISSANCE DU MARCHÉ

        S’agissant des perspectives pour 1999, après avoir enregistré des niveaux exceptionnels en 1997 et 1998, un retour à un niveau plus normal de commandes devrait avoir lieu. En termes de chiffre d’affaires, le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales prévoit pour l’année 1999 une nouvelle augmentation en valeur de 4,5 %.

        Concernant les perspectives de développement des marchés, les études récentes publiées par Boeing et Airbus font état de prévisions favorables liées notamment à une croissance de l’économie mondiale à un taux annuel moyen supérieur à 3 %, à une hausse moyenne du trafic de passagers de l’ordre de 5 % et à l’amélioration significative de la situation financière des compagnies aériennes.

        Au cours des vingt prochaines années, les compagnies aériennes devraient prendre livraison, pour un montant supérieur à 1250 milliards de dollars (valeur 1997), d’environ 17 000 appareils.

        Les estimations de Boeing et d’Airbus sont relativement proches quant au nombre d’appareils livrés mais elles diffèrent sensiblement sur l’origine des besoins exprimés par les compagnies aériennes.

       

      Nombre total d’appareils nouveaux
      (1998–2017)

      dont
      croissance
      du trafic

      dont renouvellement
      des flottes

      Etude Boeing

      17 650

      13 250 (est.)

      4 400 (est.)

      Etude Airbus

      > 16 700

      8 200

      8 500

Source : Boeing et Airbus.

        En termes de produits, les deux constructeurs s’accordent à prévoir que les commandes porteront principalement sur les appareils à couloir unique (multiplication des fréquences). En revanche, leurs prévisions diffèrent significativement quant à la part respective de chacun des segments du marché :

       

      Appareils à couloir unique

      Gros porteurs

      Très gros porteurs
      > 400 sièges

       

      Nombre d’appareils

      Part relative en valeur (%)

      Nombre d’appareils

      Part relative en valeur (%)

      Nombre d’appareils

      Part relative en valeur (%)

      Etude Boeing

      12 260
      (70 %)

      42 %

      4 360
      (24 %)

      43 %

      1 030
      (6 %)

      15 %

      Etude Airbus

      9 410
      (54 %)

      nd

      6 027
      (36 %)

      nd

      1 332
      (8 %)

      nd

Sources : Boeing et Airbus.

        La différence d’appréciation concernant les très gros porteurs s’explique par les stratégies opposées des deux constructeurs sur ce marché. Boeing, qui dispose aujourd’hui du monopole de ce segment, cherche à contrer le lancement de l’A3XX, qui remettrait en cause cette suprématie et l’avantage financier qu’il en retire. La répartition, qui figure dans son étude, sert donc des intérêts largement tactiques.

        D’autre part, les deux avionneurs estiment que la crise asiatique ne devrait pas modifier à terme les perspectives du marché.

        Ainsi Airbus considère que la part croissante de l’Asie (Asie/Pacifique + Chine) à la fois en termes de nombre d’avions et de capacité devrait se confirmer à l’issue de la période :

       

      fin 1997

      fin 2017

      Ventilation de la flotte mondiale

      dont Amérique du Nord

      dont Europe

      dont Asie

      dont autres

      9 677 appareils

      44 %

      25 %

      19 %

      12 %

      17 920 appareils

      34 %

      28 %

      25 %

      13 %

      Ventilation de la capacité offerte (sièges)

      dont Amérique du Nord

      dont Europe

      dont Asie

      dont autres

      1,73 million

      38 %

      25 %

      25 %

      12 %

      4,07 millions

      29 %

      27 %

      33 %

      11 %

        L’impact de la crise asiatique est également relativisé par Boeing qui demeure cependant plus exposé que son rival européen. Au 1er janvier 1998, les commandes passées par les compagnies asiatiques représentaient 15,7 % du carnet de Boeing contre 9,8 % seulement pour Airbus.

        Dans un premier temps selon Boeing, la crise financière dans cette région devrait avoir pour conséquence un recul significatif de l’augmentation de trafic. Le trafic intra régional devrait perdre, au cours des cinq prochaines années, près de 2,5 points de taux de croissance par rapport à la tendance passée et celui sur les lignes intercontinentales entre 1 et 1,5 point.

        Cette évolution se traduira par une baisse des commandes en Asie de 150 avions au cours des cinq prochaines années (100 gros porteurs, 50 appareils à fuselage étroit). Toutefois, sur l’ensemble de la période, la région Asie/Pacifique devrait prendre livraison de 4 760 appareils, soit 27 % du total des livraisons. Par ailleurs, 54 % des livraisons relatives aux très gros porteurs (560 appareils) seront concentrés dans cette région.

II.— LES STRATÉGIES DE REGROUPEMENT

        L’année 1999 a été marquée par les annonces de rapprochement et de regroupement des constructeurs aéronautiques européens. Pour autant, la création d’un groupe européen intégré reste incertaine et l’évolution du statut d’Airbus Industrie donne lieu à des stratégies parfois divergentes de la part des partenaires européens. Quant aux modalités de rapprochement d’Aerospatiale et de Matra, elles semblent contestables, et l’on peut légitimement s’inquiéter de ce que sera la politique d’emploi du nouveau groupe.

          A.— LA DIFFICILE ÉMERGENCE D’UN GROUPE EUROPÉEN DE L’AÉRONAUTIQUE

        Une déclaration faite conjointement en décembre 1997 par la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne invitait les industriels européens à créer un grand pôle d’aéronautique couvrant les domaines civil et militaire, de stature comparable à celle des grands groupes concurrents américains, et qui pourrait regrouper British Aerospace, DASA et le groupe Aerospatiale-Matra.

        Ce chantier semble aujourd’hui compromis, notamment du fait des incertitudes et revirements stratégiques de nos partenaires industriels européens, dont témoigne la reprise de GEC-Marconi par British Aerospace, annoncée le 19 janvier 1999, et qui plaçait ce nouveau groupe au premier rang européen avant l’annonce du rapprochement d’Aerospatiale-Matra avec l’Allemand DASA. Par ailleurs, des divergences existent quant aux modalités de constitution du futur groupe. Alors que les Français plaident pour un regroupement des activités par métier précédant la fusion des sociétés concernées, Allemands et Britanniques préfèrent une privatisation rapide et la création d’une société globale. Enfin, il faut également tenir compte de l’annonce du rapprochement entre DASA et CASA, qui accroît l’incertitude quant à l’avenir du projet de groupe européen. Néanmoins, on peut espérer que l’annonce d’une alliance entre Aerospatiale-Matra et DASA, en octobre 1999, permettra de débloquer le dossier.

        Force est de constater que la création d’un groupe européen est aujourd’hui incertaine. Il serait souhaitable que les gouvernements nationaux donnent une nouvelle impulsion à ce projet, bien qu’il soit clair qu’ils font preuve d’une certaine impuissance face à des stratégies industrielles incontrôlables.

          B.— DES HÉSITATIONS DANS LE CHANGEMENT DE STATUT D’AIRBUS INDUSTRIE

        Airbus est actuellement un groupement d’intérêt économique (GIE). Les quatre industriels membres du GIE Airbus, Aerospatiale (37,9 % des parts), DASA (37,9 %), British Aerospace (20 %) et CASA (4,2 %) ont signé en janvier 1997 un accord qui les engage à faire évoluer la structure juridique du consortium et à donner dans l’avenir au groupement la forme d’une société anonyme.

        De façon à s’accorder sur les conditions de cette transformation, les partenaires d’Airbus ont mis en place des groupes de travail.

        C’est ainsi qu’un premier groupe a été chargé de l’étude des questions de nature industrielle, sociale et fiscale. La réflexion sur ces points a progressé de façon satisfaisante. Il semble acquis, s’agissant de l’organisation du futur ensemble, que celui-ci regroupera la totalité des moyens mis en œuvre par les partenaires pour l’activité Airbus. Cela signifie que les établissements industriels et le bureau d’étude d’Aerospatiale-Matra seront placés dans la future structure. Il semble également admis que le groupe s’organisera en une société de tête dont les membres actuels du GIE seront actionnaires, avec des filiales implantées dans chaque pays, contrôlées totalement par la maison mère.

        Un deuxième groupe de travail a étudié les aspects concernant la valorisation des actifs apportés par chaque partenaire dans le nouvel ensemble. Cette question est doublement sensible :

        l  elle intervient directement dans la fixation du niveau des parts que prendra chaque membre dans la nouvelle société Airbus ;

        l  elle fait intervenir des données extrêmement confidentielles sur les performances et l’efficacité industrielles de chaque partenaire.

        Les dossiers de valorisation auraient dû être échangés entre les partenaires pour des analyses croisées à l’automne dernier. L’opération a été retardée à la demande de la France du fait des discussions qu’entretenaient alors British Aerospace et DASA sur un éventuel rapprochement.

        Par ailleurs, des événements industriels d’une importance essentielle sont également intervenus depuis :

        l  la fusion entre Aerospatiale et Matra Hautes Technologies permet la création d’un ensemble industriel dont le groupe Lagardère devient l’actionnaire de référence avec 32,7 % des parts ;

        l  l’annonce du rapprochement entre DASA et CASA, dont les modalités exactes devraient être fixées à l’automne, va permettre la création d’une nouvelle société possédant, de facto, 42,1 % des parts d’Airbus. Cette situation pourrait simplifier ultérieurement la recherche d’une solution négociée entre les trois partenaires DASA/CASA, Aerospatiale-Matra et British Aerospace ;

        l  l’annonce du rapprochement entre Aerospatiale-Matra et DASA devrait également faciliter les négociations avec British Aerospace.

        Afin de pouvoir mesurer les conséquences de ces récents changements, les ministres chargés du dossier Airbus dans les quatre pays ont discuté cette question lors de la réunion qu’ils ont tenue pendant le salon aéronautique du Bourget, en juin dernier.

        Tout en réaffirmant les objectifs énoncés en 1997, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l’équipement, des transports et du logement, et ses collègues ont fait valoir qu’il était nécessaire, pour aller de l’avant, de s’assurer que les conditions d’un partenariat équilibré seraient réunies dans la nouvelle structure.

        Les ministres ont en conséquence invité les industriels à leur soumettre pour le troisième trimestre de cette année des propositions précises de calendrier et de programme d’actions afin de faire évoluer le système Airbus et le rendre encore plus compétitif, à la fois dans le cadre du nouveau statut et dans celui du statut actuel, au cas où la réforme mettrait davantage de temps que prévu à se réaliser.

        Dans tous les cas, il convient d’être tout particulièrement vigilant quant aux conséquences sociales du changement de statut d’Airbus Industrie. Les salariés font d’ores et déjà part de leurs préoccupations en ce qui concerne les répercussions que ce changement pourrait avoir sur leurs plans de carrières, notamment en matière de mobilité géographique et professionnelle. Si une réorganisation d’Airbus Industrie semble indispensable pour répondre à la demande mondiale, elle ne doit pas peser sur la politique sociale de la future entreprise.

          C.— LA PRIVATISATION D’AEROSPATIALE

        Conformément à l’accord passé le 15 février 1999 entre l’Etat et la société Lagardère SCA et dans le cadre des opérations de transfert au secteur privé d’Aerospatiale, il a été prévu que Lagardère SCA apporte à Aerospatiale les actions de la société Matra Hautes Technologies (MHT). L’arrêté du 25 mars, publié au Journal officiel du 27 mars, a fixé les modalités de ce transfert.

        Sur le plan financier, l’Assemblée générale extraordinaire d’Aérospatiale du 6 mai 1999 a, notamment, décidé des opérations de capital suivantes et entériné les dispositions de l’arrêté du 25 mars 1999 :

        l  division par cinq du montant nominal des actions (55 345 594 actions d’une valeur nominale de 100 francs) ce qui portera le nombre d’actions à 2 766 727 970 (d’une valeur nominale de 20 francs) ;

        l  émission de 126 959 805 actions nouvelles de 20 francs de valeur nominale chacune avec une prime d’émission unitaire de 11,93057 francs par action, soit une prime globale de 1 514 703  049,51 francs, en rémunération de l’apport de Lagardère SCA de 32 632 317 actions composant le capital de MHT.

        En sa qualité de partenaire stratégique privilégié, Lagardère SCA a consenti à l’Etat une garantie d’évolution du cours de l’action d’Aerospatiale Matra par rapport à l’indice CAC 40 sur une période de deux ans. Aux termes de cette garantie, Lagardère SCA versera à l’Etat un montant qui pourra aller jusqu’à 1,15 milliard de francs si l’évolution du cours de l’action est inférieure de 8 % à celle de l’indice CAC 40. La nouvelle société Aerospatiale-Matra dispose aujourd’hui d’un capital de plus de 8 milliards de francs.

        Une fois les modalités juridiques et financières définies, le processus d’introduction en bourse d’une partie du capital de la nouvelle société a pu être enclenché selon l’échéancier suivant :

      7 mai 1999

      Ouverture du pré-placement des actions Aerospatiale-Matra

      25 mai 1999

      Fixation du prix de l’offre à prix ferme (OPF) auprès des particuliers à 19,2 euros et du prix du placement global garanti (PGG) auprès des institutionnels à 19,6 euros

      26 mai 1999

      Ouverture de l’OPF

      1er juin 1999

      Clôture de l’OPF

      4 juin 1999

      1ère cotation de l’action Aerospatiale Matra qui clôture en forte hausse à 22,35 euros.

        74,1 millions d’actions ont été mises sur le marché, réparties à la vente entre les institutionnels (46 %), les particuliers (42 %) et les salariés de l’entreprise (12 %).

        A l’issue de cette introduction en bourse, la répartition du capital de la société Aerospatiale-Matra est la suivante :

      Etat (directement ou indirectement) :

      48 %

      Lagardère SCA :

      33 %

      Public :

      17 %

      Salariés :

      2 % (dont 1,6 % pour les salariés d’Aerospatiale et 0,4 % pour les salariés de MHT).

        Aerospatiale-Matra est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance soumise à la loi du 24 juillet 1966. Les organes de direction de l’Aerospatiale ont été remplacés par un directoire et un conseil de surveillance le jour du transfert au secteur privé (11 juin 1999).

        Par ailleurs, par application du décret n° 99-97 du 15 février 1999, l’Etat dispose d’une action spécifique (« golden share ») assortie du droit de nommer sur proposition du ministre de la défense un représentant qui siégera au conseil de surveillance de la société mais sans voix délibérative. Cette action constitue le dernier « verrou » empêchant la privatisation totale d’un groupe hautement stratégique.

        Il apparaît que les conditions de la fusion sont plutôt favorables à Lagardère SCA. D’après M. Elie Cohen, membre du Conseil d’analyse économique, une valorisation réaliste devait donner à Lagardère SCA 20 % du capital d’Aerospatiale. Dans de telles conditions, on ne peut que s’interroger quant à une éventuelle sous évaluation d’Aerospatiale lors de l’opération de fusion. Votre rapporteur déplore cet état de fait, qui a donné lieu à une « lagardisation » du groupe public et à l’abandon par l’Etat de sa possibilité de contrôler une activité hautement stratégique pour l’économie et notre indépendance nationale. Il considère également que cette fusion ne doit pas donner lieu à des remaniements d’effectifs ou à la dégradation de la politique sociale auparavant pratiquée par Aerospatiale.

        L’annonce récente de la fusion entre DASA et Aerospatiale-Matra a encore changé la donne. Cette opération devrait donner lieu à la constitution d’un pôle européen des industries de défense et d’aéronautique qui couvrira toute la palette des avions, des avions de combat aux avions commerciaux Airbus en passant par les missiles, les hélicoptères, les lanceurs et les satellites. En effet, Aerospatiale-Matra comprend quatre pôles d’activité (aéronautique et services aéronautiques, défense, espace et télécommunications), et DASA est présent dans sept secteurs : avions civils et militaires, systèmes de défense, satellites, infrastructures spatiales, turbines d’avions et hélicoptères.

        Des pourparlers secrets ont été engagés à partir du 12 juin entre les dirigeants des deux groupes. Au début du mois d’août, dans la plus grande opacité, la deuxième phase de négociations a débuté, avec le Gouvernement, pour traiter la question de l’actionnariat. Le jeudi 14 octobre a été prise la décision de ramener la participation de l’Etat à 15 % ; le droit de veto du Gouvernement est strictement encadré, à tel point qu’il exclue la marche de l’entreprise et notamment le choix des implantations de sites industriels. La structure du capital du nouveau groupe devrait être la suivante : 40 % placés en bourse, et 60 % gérés par une holding à parité entre l’actionnaire DASA (30 %), les deux actionnaires français, c’est-à-dire l’Etat (15 %) et Lagardère SCA (11,1 %), les 3,9 % restants revenant aux autres investisseurs.

        Nous assistons ainsi clairement à l’abandon de toute intervention de la puissance publique en ce qui concerne la restructuration industrielle d’Airbus, intimement liée à cette opération. Le choix d’un désengagement quasi-total n’a donné lieu à aucun débat public, alors même qu’Aerospatiale-Matra était détenu à 48 % par l’Etat. On ne peut que prendre acte du décalage entre les discours volontaristes du Gouvernement et sa politique d’abandon.

Chapitre iv

LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000

        Les crédits affectés aux transports aériens et aux aéroports sont depuis 1992 inscrits dans leur quasi-totalité au budget annexe de l’aviation civile.

        Seuls les crédits soutenant la construction aéronautique et la subvention de l’Etat au budget annexe de l’aviation civile (chapitre 36-25 de la section Transports), figurent au budget général.

        Enfin, les crédits du Fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien sont inscrits au compte d’affectation spéciale n° 902-25 ; ce fonds prendra en compte les dépenses de sûreté mises à disposition de la DGAC (direction générale de l’aviation civile), à partir du 1er janvier 2000.

I.— LE BUDGET ANNEXE DE L’AVIATION CIVILE

PROJET DE BUDGET ANNEXE DE L’AVIATION CIVILE POUR 2000

        (en millions de francs)

      RECETTES

      DÉPENSES

      Répartition

      Montant

      1999

      Montant

      2000

      Évolution

      en %

      Répartition

      Montant

      1999

      Montant

      2000

      Évolution

      en %

      Recettes propres

      7 518,39

      7 437,71

      – 1,07

      Dépenses d’exploitation

      6 584,40

      7 878,08

      19,64

      Subvention de l’Etat

      215

      210

      – 2,33

             

      Emprunt

      830

      830

      Dépenses en capital (CP)

      2 129,76

      2 084,56

      2,13

      Autres recettes

      25,77

      240,02

      831,39

             

      TOTAL

      8 714,16

      8 717,73

      0,03

      TOTAL

      8 714,16

      8 717,73

      0,03

      Source : ministère de l’équipement, des transports et du logement.

        Faisant suite à différentes demandes parlementaires lors des débats budgétaires concernant le projet de loi de finances pour 1999, ce budget ne comprend plus de dépenses de sûreté qui, dans un souci de transparence, sont maintenant retracées dans le fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien.

        Malgré le maintien d’une croissance forte du trafic aérien et ses conséquences sur les moyens humains et matériels à mettre en place pour assurer sa fluidité et sa sécurité, le budget annexe de l’aviation civile, établi pour 2000 à 8,717 milliards de francs, est en quasi-stabilité (+ 0,03 % par rapport au projet de loi de finances pour 1999).

          A.— LES RECETTES

          · La subvention du budget général au budget annexe s’élevait à 215 millions de francs lors des trois années précédentes ; elle passe à 210 millions de francs, soit une baisse de 2,33 %.

        On doit cependant noter qu’un montant de 5 millions de francs de subventions du budget général est destiné à financer l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires dont les crédits sont retracés sur la section services communs du ministère de l’équipement, des transports et du logement. Au total, le montant de la subvention du budget général à l’aviation civile est donc de 215 millions de francs, c’est-à-dire identique à celui des années 1997, 1998 et 1999.

          · Une part croissante des recettes du budget annexe provient des diverses taxes et redevances acquittées par les compagnies aériennes, pour lesquelles le Gouvernement escompte une augmentation du trafic, c’est-à-dire :

        – les redevances de route que doit payer tout avion qui survole notre espace aérien sans atterrir en France ; elles s’élèvent dans le budget pour 2000 à 4,9 milliards de francs (– 1,55 % par rapport à 1999) ; il est, en effet, prévu que le taux unitaire de ces redevances baisse en francs courants ;

        – les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne que doivent acquitter les compagnies dont les vols atterrissent sur notre territoire, métropole et outre-mer (1,16 milliard de francs inscrits en 2000, soit une hausse de 3,5 %). Là aussi, une baisse du taux unitaire est prévue. Le produit attendu de l’ensemble des redevances s’élève à 6 074 millions de francs, en diminution de 39 millions de francs par rapport à 1999 ;

        – la taxe de l’aviation civile (TAC), créée par l’article 51 de la loi de finances pour 1999 et qui remplace la taxe de sécurité et de sûreté et la taxe de péréquation du transport aérien. Cette nouvelle taxe, due par les compagnies aériennes, est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués en France. Concurremment avec la subvention reçue du budget général de l’Etat, le produit de cette taxe doit financer les dépenses non couvertes par les redevances qui ont pour objet d’assurer la sécurité du transport aérien et de participer, en particulier, au développement des infrastructures aéroportuaires. Les taux unitaires de la TAC sont maintenus à leurs niveaux de 1999. Attribuée, dans le budget pour 1999, pour 90 % au budget annexe de l’aviation civile et pour 10 % au fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), elle voit sa répartition modifiée dans le projet de loi de finances pour 2000 (respectivement 77,7 % et 22,3 % pour le BAAC et le FIATA). Le montant attribué dans le budget pour 2000 s’élève à 1,26 milliard de francs (contre 1,28 milliard de francs inscrits en 1999), soit une baisse de 1,01 % environ. Cette diminution s’explique par le fait que le FIATA reprend les dépenses directes de l’Etat en matière de sûreté, précédemment inscrites sur le budget annexe.

        Le produit de ces trois taxes s’élève à 7,32 milliards de francs et représente 84 % des recettes totales (comme dans le budget pour 1999) et 92 % des recettes d’exploitation du budget annexe de l’aviation civile. Leur produit diminue de 1 % par rapport à 1999 ; cela traduit la montée en puissance du FIATA, alimenté par une part croissante de la taxe de l’aviation civile. L’ensemble de ces prévisions se fonde sur une hausse du trafic de passagers en 2000 de 4,5 % pour les vols à destination de l’Union européenne et de 5 % pour les vols extra-communautaires.

          · L’autofinancement doit couvrir les remboursements d’emprunts, la totalité des investissements du secteur « régalien » du budget annexe de l’aviation civile et une partie des investissements du secteur « redevances ». Il s’établit à 1,2 milliard de francs, soit + 6,2 % par rapport à 1999. Le montant de l’emprunt 2000 est stabilisé par rapport à celui de 1999, à hauteur de 830 millions de francs. Le remboursement des emprunts, souscrits antérieurement, s’accroît de 21,5 % (542 millions de francs).

          B.— LES DÉPENSES

        S’agissant des dépenses inscrites au budget annexe, on peut noter que :

          · les dépenses nettes de fonctionnement semblent avoir enrayé leur tendance à la baisse, observée de 1996 à 1998 ; elles sont reconduites à hauteur de 6,63 milliards de francs (+ 0,7 % par rapport à 1999) ;

          · les dépenses d’investissement s’accroissent, hors construction du nouveau siège de la DGAC et hors dépenses de sûreté qui sont transférées sur le FIATA, de 6,5 % en autorisations de programme (+ 91 millions de francs) et de 4 % en crédits de paiement (+ 58 millions de francs) ;

          · pour la navigation aérienne, les enveloppes sont en hausse : 1,22 milliard de francs en autorisations de programme, soit + 5,6 % et 1,29 milliard de francs en crédits de paiement, soit + 7,9 %. Cette enveloppe doit permettre :

        – la poursuite des opérations de rénovation, d’équipement et de modernisation des centres de contrôle et des bâtiments techniques sur tous les types d’aérodromes ;

        – la mise en œuvre de nouveaux simulateurs du trafic aérien, le maintien en service opérationnel de l’actuel système de contrôle aérien ainsi que le développement des systèmes informatiques des approches ;

        – les études relatives à l’amélioration des moyens techniques ;

        – les achats en matériels de navigation et d’atterrissage.

          · en matière de contrôle technique, les crédits relatifs aux équipements et aux études et essais sur la sécurité, la réglementation et le contrôle technique s’accroissent en autorisations de programme (6 millions de francs contre 2 millions en 1999) et en crédits de paiement (3 millions de francs contre 1 million en 1999) ;

          · les dotations proposées pour la formation aéronautique s’élèvent à 11 millions de francs en autorisations de programme et 11 millions de francs en crédits de paiement, contre respectivement zéro et 1 million de francs en 1999. Cette progression des crédits résulte principalement de la modernisation de la flotte du service d’exploitation de la formation aéronautique ; elle doit être financée par le produit de la cession d’aéronefs dans un contexte de diminution de cette flotte ;

          · le budget des bases aériennes, hors construction du nouveau siège de la DGAC et hors sûreté, est maintenu en autorisations de programme et diminue en crédits de paiement :

(en millions de francs)

       

      1999

      2000

      Évolution en %

      Autorisations de programme

      148,5

      150,65

      1,4

      dont : – infrastructures

      148,5

      140,65

      – 5,3

      – subventions

      0

      10

       

      Crédits de paiement

      178,3

      118,65

      – 33,5

      dont : – infrastructures

      173,3

      107,65

      – 37,9

      – subventions

      5

      11

      120

Source : ministère de l’équipement, des transports et du logement.

        Ces crédits sont destinés à :

        – la poursuite de l’engagement de l’Etat vis-à-vis des collectivités locales, au travers des travaux d’équipement des aéroports de métropole (notamment Strasbourg) et d’outre-mer ;

        – la stabilisation du remboursement d’une partie des avances faites par les concessionnaires lors des fins de concessions aéroportuaires ;

        – le maintien à niveau du patrimoine de l’aviation civile.

        En outre, 40 millions de francs sont prévus en crédits de paiement pour terminer le paiement, sur le budget annexe de l’aviation civile, d’opérations concernant la sûreté et engagées au cours des gestions antérieures.

          · Les dépenses de personnel augmentent de 3,9 % par rapport à 1999. Au-delà des effets mécaniques des engagements pris dans le passé, cette progression traduit les effets du protocole du 3 novembre 1997 signé entre la DGAC et les organisations syndicales. L’enveloppe du projet de budget pour 2000 comporte en particulier la création de 180 emplois destinés à pallier les départs massifs à la retraite à partir de l’an 2000.

II.— LE FONDS D’INTERVENTION POUR LES AÉROPORTS ET LE TRANSPORT AÉRIEN (FIATA)

        L’article 46 de la loi de finances pour 1995, modifié par l’article 75 de la loi de finances pour 1999, a institué ce compte d’affectation spéciale, alimenté par une part de la taxe de l’aviation civile. Le FIATA a remplacé le fonds de péréquation des transports aériens (FPTA) dans le financement des dépenses d’équilibre de certaines dessertes aériennes et reprend les dépenses directes de l’Etat en matière de sûreté, précédemment inscrites sur le budget annexe de l’aviation civile.

        Le projet de budget pour 2000 du FIATA s’établit à 361 millions de francs (soit 22,3 % du produit de la taxe de l’aviation civile), ce qui constitue une augmentation de + 143 % par rapport aux 148 millions de francs attribués en 1999. On constate donc une montée en puissance du dispositif.

        Pour 2000, les dépenses de fonctionnement du FIATA s’élèvent à 187 millions de francs et se décomposent de la manière suivante :

        – 50 millions de francs au titre de subventions aux dessertes aériennes (ex FPTA) ;

        – 84 millions de francs en subventions aux gestionnaires d’aérodromes en matière de sécurité, au titre de la péréquation de la taxe d’aéroport, perçue sur les entreprises de transport aérien public et affectée, sur chaque aérodrome, au financement des services de sécurité, incendie et sauvetage, de lutte contre le péril aviaire et des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux ;

        – 53 millions de francs pour le fonctionnement des services de sûreté ;

        – 174 millions de francs pour les dépenses de l’Etat, en matière de sûreté, incendie et sauvetage.

III.— LE SOUTIEN BUDGÉTAIRE DESTINÉ À LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE CIVILE

       

      Autorisations de programme

      Crédits de paiement

       

      1999

      2000

      Évolution en %

      1999

      2000

      Évolution en %

       

      (en millions de francs)

       

      (en millions de francs)

       

      Soutien à la recherche

      720

      750

      + 4,16

      473

      480

      + 1,48

      Avances remboursables

      1 106

      996

      – 10

      784

      791

      + 0,9

      dont :  – avions commerciaux

      735

      363

      – 50,62

      654

      457

      – 30,13

          – « provisions » pour nouvel avion (A3XX)

      20

      240

      + 1 100

      10

      180

      + 1 700

      – moteur

      20

      103

      + 415

      10

      75

      + 650

      – hélicoptère

      81

      40

      – 50,62

      86

      55

      – 36,05

      – équipements de bord

      250

      250

      24

      24

      Aviation légère et subvention d’investissement

      24

      24

      24

      24

      TOTAL

      1 850

      1 770

      – 4,33

      1 427

      1 416

      – 0,78

        Si le total de ces crédits est en légère baisse (– 4,33 % pour les autorisations de programme et – 0,78 % pour les crédits de paiement), les différents sous-agrégats connaissent de très fortes fluctuations.

        Alors que dans le projet de loi de finances pour 1999, les deux tiers des crédits étaient constitués d’avances remboursables, la part de ces dernières diminue à 56 % ; une telle évolution est préoccupante puisque ces avances remboursables permettent aux constructeurs aéronautiques de lancer et de suivre des programmes de recherche ayant des retours sur investissements particulièrement longs. La baisse concerne surtout les autorisations de programme (– 10 %), alors que les crédits de paiement sont reconduits (+ 0,9 %).

        On doit néanmoins noter que les crédits destinés aux avances remboursables subissent d’importantes réorientations intérieures. La priorité est donnée au programme du nouvel avion A3XX, de très grande capacité, destiné à concurrencer Boeing pour l’instant en situation de monopole sur ce segment de marché. On ne peut que se féliciter d’un tel choix, qui permet en outre un élargissement de la gamme d’Airbus. Par ailleurs, le soutien budgétaire à la construction de moteurs est lui aussi renforcé. Les autorisations de programme qui y sont destinées passent de 20 à 103 millions de francs et les crédits de paiement passent de 10 à 75 millions de francs.

        Concernant les programmes de recherche, leurs crédits augmentent mais de manière moindre que l’année dernière (+ 4,16 % en autorisations de programme et + 1,48 % en crédits de paiement). Néanmoins, la forte hausse constatée l’année dernière concernait l’ensemble des programmes de recherche, y compris celui portant sur l’avion très gros porteur. L’essoufflement des efforts en matière de recherche amont n’est donc qu’apparent : les crédits destinés au projet A3XX sont constitués d’avances remboursables en forte hausse.

        Rappelons que ce soutien à notre industrie aéronautique s’inscrit dans le cadre des limitations imposées par l’accord euro-américain de 1992. Aux termes de cet accord, le montant des aides est limité à 3 % du chiffre d’affaires pour les programmes portant sur les avions de plus de 100 places.

        Or, la Commission européenne estime que la partie américaine ne respecte pas les termes de cet accord. En effet, malgré de fortes contraintes budgétaires (diminution des dépenses militaires, réduction du déficit puis retour à l’équilibre budgétaire), le secteur de l’industrie aéronautique américaine continue de bénéficier de financements substantiels en provenance de la NASA (National Aeronautics and Space Administration) et du DoD (Department of Defense), ainsi que d’avantages fiscaux diversifiés.

        D’après les informations fournies à votre rapporteur, le budget de recherche et développement (R&D) de la NASA en 1999 consacré à la construction aéronautique civile est évalué à environ 1,3 milliard de dollars, soit environ 16 % du budget total de l’Agence. L’estimation du budget R&D aéronautique de la NASA intègre à la fois les crédits affectés aux programmes de recherche et la part des dépenses courantes induites par ces programmes :

        (en millions de dollars)

         

        1998

        1999

        2000 (proposé)

          Budget total NASA (2)

        8 259

        8 175

        8 076

          dont aéronautique (1)

        1 483

        1 338

        1 006

          (1) / (2) %

        18 %

        16 %

        12,5 %

Source : ministère de l’équipement, des transports et du logement.

        Le soutien à la recherche aéronautique civile en Europe peut être estimé à environ 2 milliards de francs, soit un rapport de 1 à 4 avec la NASA.

        Le DoD constitue l’autre source majeure de financement dont bénéficie l’industrie aéronautique américaine. En effet, les analystes estiment que 20 à 25 % du budget de R&D du DoD sont consacrés au secteur aéronautique :

        (en milliards de dollars)

         

        1998

        1999

        2000 (proposé)

          Budget R&D du DoD

        37,4

        36,6

        34,4

        Source : ministère de l’équipement, des transports et du logement.

        Enfin, il convient de rappeler que l’industrie aéronautique américaine bénéficie d’avantages fiscaux diversifiés. Compte tenu de leur forte activité à l’exportation et de leur volume élevé de dépenses de R&D, les industriels du secteur aéronautique sont en effet particulièrement avantagés par les exonérations d’impôts portant sur une partie des ventes réalisées à l’export (FSC : Foreign sales corporation) et par les crédits d’impôt recherche (RETC : Research and experimentation tax credit).

        Enfin, la Federal aviation administration (FAA) dispose d’un budget recherche-développement aéronautique annuel de l’ordre de 2 milliards de dollars.

        En conséquence, la Commission européenne estime que l’industrie aéronautique américaine a bénéficié, au titre des avions de 100 places et plus couverts par l’accord bilatéral de juillet 1992, de soutiens à hauteur de 7,1 % du chiffre d’affaires pour 1996 et 12,8 % pour 1997, contre les 3 % autorisés par l’accord.

        Même si les autorités américaines envisagent pour l’an 2000 un certain désengagement budgétaire dans le secteur de la construction aéronautique civile, il n’en reste pas moins que l’Europe doit rester vigilante, car de nouveaux programmes d’aides indirectes ne sont pas exclus.

        A ce titre, l’Europe doit continuer de dénoncer le déséquilibre existant dans l’application de l’accord de 1992 qui l’a conduite à diminuer considérablement les soutiens à son industrie aéronautique alors que les Etats-Unis se considèrent totalement libres. Les propositions d’amélioration de l’accord présentées par la partie européenne ont été refusées par les autorités américaines qui souhaiteraient, par contre, renforcer les contraintes pesant sur l’Europe. C’est ainsi qu’au cours de la dernière réunion d’application de l’accord en mars 1999, les autorités américaines ont de nouveau demandé des informations commerciales détaillées sur les deux nouveaux programmes d’Airbus, l’A 330–200 et l’A 340-500/600. L’Europe s’est refusée à communiquer des données complémentaires qui ne sont pas dues au titre de l’accord dès lors qu’elle-même ne peut obtenir aucune réelle transparence sur les aides américaines couvertes par l’accord.

        Par ailleurs, la Commission européenne a présenté aux Etats membres le résultat de ses travaux concernant les engagements pris par Boeing à l’occasion de la fusion avec MDD. Les informations et documents fournis par le constructeur américain ont permis de conclure, pour la première année, au respect de ces engagements y compris sur les accords d’exclusivité.

        Le Gouvernement français, en concertation avec la Commission européenne devra être attentif à la poursuite du respect de ces engagements au cours des prochaines années.

EXAMEN EN COMMISSION

        Lors de sa réunion du mardi 12 octobre 1999, la commission a entendu M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l’équipement, des transports et du logement, sur les crédits de son département pour 2000.

        M. Gayssot a indiqué que le projet de budget pour 2000 était en augmentation par rapport à 1999, ce qui traduisait un effort certain.

        En ce qui concerne plus précisément le budget du transport aérien, M. Jean-Claude Gayssot a tout d’abord rappelé que la croissance de 8 % du trafic, qui dépasse toutes les prévisions, était certes bénéfique aux compagnies aériennes et notamment à Air France, mais qu’elle créait également des difficultés. Il est ainsi nécessaire de mettre à niveau les moyens de contrôle de la navigation aérienne pour garantir la sécurité. A cet effet, et afin de compenser également les départs en retraite, 182 recrutements sont prévus en 2000. Le ministre a en outre indiqué qu’il avait obtenu 30 emplois supplémentaires, à pourvoir dès 1999. Il a ensuite rappelé l’importance qu’il attachait à la préservation des moyens publics de soutien à l’industrie aéronautique, grâce auxquels pourra être poursuivi le développement de la gamme Airbus, notamment dans le domaine des gros porteurs avec l’A 3XX.

        M. François Asensi, rapporteur pour avis des crédits des transports aériens, a interrogé le ministre sur les points suivants :

        – quelles sont les perspectives d’alliances entre Air France et des partenaires européens, ainsi que les possibilités d’évolution des alliances existantes du groupe ?

        – en matière de construction aéronautique, le Gouvernement envisage-t-il de donner une nouvelle impulsion à la création d’un groupe européen qui couvrirait les domaines civil et militaire ?

        – quels sont les grands principes de la politique d’emploi du nouveau groupe Aérospatiale Matra ?

        – quelles sont les perspectives d’évolution du programme européen supersonique ?

        – quel est le bilan des travaux relatifs à la recherche d’un indicateur de mesure du bruit fiable ?

        – quel est le bilan des décrets d’application concernant la nouvelle autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) ?

        En réponse au rapporteur pour avis, M. Jean-Claude Gayssot a apporté les précisions suivantes :

        – Air France a mis en œuvre une politique d’alliances importante. Elle a conclu des accords, qui peuvent aller jusqu’à un partage de codes, avec 27 compagnies dans le monde. Une alliance majeure avec Delta Airlines a été conclue. Elle dynamisera les négociations en cours pour permettre à Air France de conclure de nouvelles alliances en Europe ; des contacts sont notamment pris avec British Midlands et la prise de participations croisées avec des compagnies étrangères ne doit pas être exclue. L’alliance avec Delta Airlines constitue un très bon accord, qui permettra notamment d’accroître fortement le trafic d’Air France sur l’Amérique du Nord. Cette alliance montre que les plus grandes compagnies aériennes privées du monde sont intéressées par une coopération avec Air France alors même que la compagnie n’a pas été privatisée. Le fait que la France accueille chaque année 70 millions de touristes n’est pas étranger à cet attrait ;

        – le conseil des ministres européens a adopté, en décembre 1998, une déclaration favorable à une réorganisation par regroupement des industries aéronautiques civiles et militaires européennes. Dans ce cadre, Airbus doit évoluer pour devenir une société à part entière. Cependant, les négociations évoluent peu et leur conclusion ne paraît pas proche, notamment du fait de récents mouvements tels que le rapprochement de DASA et de CASA. Or, un pôle européen de construction aéronautique civile et militaire pourrait avoir une stature comparable à celle des grands groupes américains. Airbus a ainsi enregistré plus de commandes que Boeing en 1999. Le prochain Conseil des ministres européens qui abordera la question de la restructuration d’Airbus se réunira le 25 octobre 1999 ; M. Christian Pierret, secrétaire d’Etat à l’industrie, représentera la France ;

        – la politique dans le domaine de l’aéronautique doit prendre prioritairement en compte l’emploi. Ainsi, l’A 318, avion de 107 places, devait être équipé de moteurs Pratt & Witney ; après avoir négocié avec le président-directeur général de General Electric, la France a obtenu que l’A 318 puisse être également équipé du moteur CFM 56, produit par la filiale commune de General Electric et de la SNECMA. Par ailleurs, la France demande que l’A 3XX, futur gros porteur, soit monté à Toulouse ;

        – la fusion d’Aerospatiale et de Matra s’est traduite par une privatisation d’Aerospatiale, puisque les parts de l’Etat dans le nouvel ensemble sont tombées à 48 %, les salariés détenant 2 % du capital. L’essentiel est cependant que les capitaux publics restent dominants et que l’emploi et l’activité soient préservés, comme une déclaration des nouveaux actionnaires l’a précisé. L’accord cadre conclu le 30 mars 1999 avec cinq organisations syndicales sur la réduction du temps de travail au sein d’Aerospatiale, société mère, et de ses quatre filiales sera respecté ;

        – dans le cadre de la lutte contre les nuisances sonores, la Communauté européenne a décidé que le trafic des avions « hushkittés » du chapitre III sera à l’avenir limité. Les Etats-Unis s’estiment lésés par cette décision du fait que ces moteurs équipent la majorité des avions américains. En rétorsion, ils ont menacé d’interdire l’atterrissage du Concorde sur leur territoire. La Commission européenne doit maintenir fermement sa décision. Par ailleurs, les ministères chargés des transports et de la recherche ont décidé de lancer des études pour la conception d’une nouvelle génération d’avions supersoniques transporteurs de passagers. Cet avion devra être moins bruyant, moins polluant et plus économique grâce à une capacité importante. Si sa construction est décidée, elle ne sera pas réalisée par la France seule, et il ne faut pas exclure une coopération avec les Américains ;

        – un nouvel indice de mesure du bruit sera étudié par l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) à l’issue de l’enquête de gêne sonore, actuellement en cours à l’aéroport de Roissy ;

        – les textes réglementaires relatifs à l’ACNUSA sont en cours d’élaboration ; il est prévu qu’ils seront soumis à la concertation interministérielle avant la fin du mois d’octobre ; l’objectif est de les publier en décembre. Le délai de six mois prévu par la loi sera donc respecté.

        M. Eric Doligé s’est interrogé sur le respect du plafond annuel de 55 millions de passagers qui a été assigné à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, étant donné la progression actuelle du trafic aérien. Il a demandé si des informations nouvelles seront fournies, comme prévu, avant la fin de l’année sur la construction d’un troisième aéroport international parisien et a fait remarquer que les projets de schémas de services collectifs de transport n’évoquent pas du tout cette question.

        M. Jean-Pierre Blazy a demandé comment était calculé le budget de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA).

        En réponse, M. Jean-Claude Gayssot a annoncé qu’en ce qui concernait le calcul du budget de l’ACNUSA, les crédits qui lui étaient alloués, à hauteur de 5 millions de francs, étaient destinés à couvrir ses frais de fonctionnement.

        Conformément aux conclusions de M. François Asensi, rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de l’équipement, des transports et du logement (transport aérien) et au budget annexe de l’aviation civile pour 2000.

          N°1866-13. - Avis de M. François Asensi, au nom de la commission de la Production, sur le projet de loi de finances pour 2000. - équipement, transports et logement : transports aériens.

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