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le 18 octobre 1999
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805),
TOME I
PAR M. DIDIER MIGAUD
Rapporteur général,
Député
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
Lois de finances.
M. Augustin Bonrepaux, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM. Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.
SOMMAIRE
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Pages
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PRÉSENTATION GÉNÉRALE 9
PREMIÈRE PARTIE : GARDER LE CAP POUR UNE CROISSANCE SOLIDAIRE 9
CHAPITRE PREMIER : DES CONDITIONS TOUJOURS FAVORABLES POUR LÉCONOMIE FRANÇAISE 13
A.- UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL FAVORABLE À LA CROISSANCE ET À UN RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DES PAYS DE LA ZONE EURO, MALGRÉ QUELQUES ÉLÉMENTS DINCERTITUDE 13
1.- Lamélioration des perspectives de la croissance mondiale 14
2.- Léconomie américaine : un ralentissement probable, mais incertain quant à son moment et ses modalités 18
3.- Une reprise de lexpansion des pays de la zone euro, mais des conjonctures décalées en Allemagne et en Italie 22
4.- Une situation encore très difficile au Japon 28
5.- Le retour inégal de la croissance dans les pays émergents 30
B.- UN DOSAGE ÉQUILIBRÉ DES POLITIQUES BUDGÉTAIRE ET MONÉTAIRE 35
1.- Une poursuite de lassainissement financier qui ne doit pas contrarier la croissance 35
2.- Des perspectives dinflation modérées qui laissent espérer la poursuite dune politique monétaire accommodante 41
C.- LES BUDGETS ÉCONOMIQUES POUR 2000 47
1.- Un scénario international « peint de couleurs plus vives » 48
2.- La zone euro : une accélération confirmée 57
CHAPITRE II : UNE ÉCONOMIE PORTÉE PAR LE CERCLE VERTUEUX EMPLOI-REVENU-CONSOMMATION 67
A.- LA POLITIQUE DE LEMPLOI, UN ADJUVANT PUISSANT AU DYNAMISME DU MARCHÉ DU TRAVAIL 67
1.- La politique de lemploi : aspects quantitatifs et qualitatifs 69
2.- Lamélioration de la situation de lemploi et du chômage 86
B.- LES MÉNAGES RESTENT LE PIVOT DUN RETOUR DURABLE DE LA CROISSANCE 95
1.- Une consommation toujours bien orientée, malgré un léger tassement 96
2.- Une forte reprise de linvestissement des ménages 101
3.- Soutenir ce processus en allant plus loin dans lallégement des prélèvements pesant sur les ménages 102
C.- UNE OPPORTUNITÉ POUR FAIRE RECULER LES DÉSÉQUILIBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE 106
1.- Exclusion, précarité et Etat providence 107
2.- Lavenir des retraites 114
3.- Inégalités et territoires 121
CHAPITRE III : LA PÉRENNITÉ DE LA CROISSANCE : UN LIEN ÉTROIT AVEC LA VITALITÉ DE LOFFRE 135
A.- UN EXCÉDENT COURANT, SYMBOLISANT LEFFICACITÉ DE LAPPAREIL PRODUCTIF NATIONAL 135
1.- Des échanges extérieurs structurellement excédentaires 135
2.- Un infléchissement conjoncturel du solde commercial français 147
B.- LA « MAISON FRANCE » DANS LE « VILLAGE PLANÉTAIRE » : COMPÉTITIVITÉ ET ATTRACTIVITÉ 154
1.- La France sinscrit dans une économie mondiale globalisée 154
2.- La compétitivité et lattractivité sont les conditions dune insertion réussie dans léconomie mondiale 159
C.- UNE DYNAMIQUE DE LINVESTISSEMENT ET DE LINNOVATION ENCORE TROP HÉSITANTE 167
1.- Linvestissement des entreprises : ombres et lumières 168
2.- Le renforcement de la politique favorable à linnovation 172
D.- LE TISSU PRODUCTIF : DES ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES DONT LES EFFETS CONTRASTÉS APPELLENT À LA VIGILANCE 175
1.- Un nombre croissant de fusions-acquisitions 175
2.- Les motivations diverses des fusions-acquisitions 177
3.- Un environnement favorable aux concentrations 179
4.- Des effets financiers, économiques et sociaux inégaux 180
DEUXIÈME PARTIE : LA GESTION DE LA DETTE DE LETAT DANS LE CONTEXTE NOUVEAU DE LUNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE 185
CHAPITRE PREMIER : LUNION MONÉTAIRE A BANALISÉ LES ÉMETTEURS SOUVERAINS DE LA ZONE EURO DANS UN MARCHÉ EUROPÉEN DES CAPITAUX QUASIMENT UNIFIÉ 193
A.- LAVÈNEMENT DE LEURO, POINT DORGUE DE LINTÉGRATION DES MARCHÉS EUROPÉENS DE CAPITAUX 195
1.- Une dynamique dintégration déjà ancienne 195
2.- Leuro, accélérateur de la recomposition du paysage financier en Europe 198
B.- UN CONTEXTE CONCURRENTIEL PLUS VIF ENTRE ÉMETTEURS SOUVERAINS, OÙ LA FRANCE ET LALLEMAGNE PRÉTENDENT TOUTES DEUX ASSUMER LE RÔLE D« ÉMETTEUR DE RÉFÉRENCE » 201
1.- Leuro ouvre une ère de concurrence accrue entre Etats émetteurs 202
2.- Signature française, signature allemande : léquivalence imparfaite 208
CHAPITRE II : LA QUALITÉ DE LA DETTE FRANÇAISE ET DE SA GESTION EST UNANIMEMENT RECONNUE ET APPRÉCIÉE DES MARCHÉS 217
A.- LA MODERNISATION DE LA DETTE DE LETAT, UNE ENTREPRISE RÉUSSIE 218
1.- Un ensemble performant doutils et de procédures 218
2.- Un modèle français vers lequel convergent les Etats de la zone euro 225
B.- LA LIQUIDITÉ DE LA DETTE DE LETAT, PIERRE DE TOUCHE DE LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE DU TRÉSOR FRANÇAIS 231
1.- Un marché secondaire de la dette très liquide et très sûr 232
2.- La gestion active de la dette au service de la liquidité du marché 240
3.- La léthargie du Matif, handicap indolore pour les valeurs du Trésor ? 249
ANNEXE À LA DEUXIÈME PARTIE : CADRE LÉGAL, INSTITUTIONS COMPÉTENTES, INSTRUMENTS ET TECHNIQUES DE GESTION DE LA DETTE AUX ETATS-UNIS, EN RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DALLEMAGNE, AU JAPON ET AU ROYAUME-UNI 267
CONCLUSION 275
TRAVAUX DE LA COMMISSION 277
I.- AUDITION DE MM. DOMINIQUE STRAUSS-KAHN, MINISTRE DE LÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LINDUSTRIE, ET CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE DETAT AU BUDGET 277
II.- AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE DETAT AU BUDGET 291
PREMIÈRE PARTIE
GARDER LE CAP POUR UNE CROISSANCE SOLIDAIRE
Le projet de loi de finances pour 2000 sinscrit dans un contexte incontestablement favorable.
En dépit des incertitudes conjoncturelles de la fin de lannée 1998, liées aux turbulences ayant affecté léconomie mondiale, il apparaît que la stratégie économique définie au début de la législature a porté ses fruits. Cassée en 1995-1996 par une politique économique et fiscale brutale et inadaptée, la croissance semble désormais bien installée. Ainsi, la croissance française, qui était à la traîne par rapport à nos partenaires européens, est désormais plus forte que celle constatée dans la zone euro, devançant significativement les performances de lAllemagne et de lItalie.
Après la progression de 3,2% du PIB en 1998, lannée 1999 serait marquée, selon les prévisions du Gouvernement, par une croissance, encore ferme, de 2,3% (2,5% selon le FMI), un rebond étant attendu pour 2000, avec un taux compris entre 2,6% et 3%, le FMI retenant, pour sa part, le haut de cette « fourchette ».
Fidèle à sa tradition historique comme à ses engagements électoraux du printemps 1997, la gauche plurielle, autour du leitmotiv de la priorité à lemploi, a, en effet, défini une politique de croissance solidaire et mis en uvre les moyens de sa concrétisation.
Faisant le pari que loffre répondrait nécessairement aux stimulations de la demande, le Gouvernement a engagé une démarche qui place chaque français au cur de la croissance : stabilisant la part précédemment décroissante des revenus du travail dans la valeur ajoutée, assurant une progression réelle du pouvoir dachat des salaires, et particulièrement des plus modestes (+ 6% de pouvoir dachat en deux ans pour les « smicards »), offrant aux jeunes exclus de lemploi les voies dune entrée dans la vie active avec les emplois-jeunes, nous avons pu stimuler la consommation et la demande intérieure.
Nos entreprises ne sy sont pas trompées. Faisant fi dun catastrophisme convenu, elles ont saisi la chance que leur offraient la relance de la consommation et létablissement de la confiance, si bien que linvestissement et lemploi sont au rendez-vous.
Le taux de chômage a ainsi significativement diminué en deux ans ( 1,4 point), même si lon ne peut se satisfaire dune situation où lon compte encore 2,8 millions de chômeurs, tandis que linvestissement des entreprises, « arlésienne » du début de la décennie, sest inscrit en hausse de plus de 6% en 1998.
Quelques éléments dincertitude ou dinsatisfaction demeurent.
Il est certain que l« atterrissage » longtemps annoncé de léconomie américaine, marquée par un décalage croissant entre léconomie réelle et la « sphère financière », pourrait affecter le dynamisme de léconomie française, dont lenvironnement européen nest dailleurs pas non plus sans zone dombre, avec notamment le ralentissement allemand.
Des impatiences se font également jour concernant la réduction des déficits publics et des prélèvements obligatoires.
Il faut, à cet égard, être lucides et vigilants.
Dabord, votre Rapporteur général relèvera que ceux qui, de 1993 à 1996, nont pu réduire les déficits que de 1,8 point de PIB, et ce malgré un alourdissement de 1,9 point des prélèvements obligatoires, sont et ils le savent disqualifiés pour émettre des critiques sur ce point.
Il faut aussi mesurer objectivement lacquis. Nul ne saurait contester que, depuis la mi-1997(), les déficits publics auront été réduits de 1,7 point de PIB, soit un effort plus significatif que celui réalisé, en moyenne, par nos partenaires de la zone euro (- 0,8 point). Leffort devra naturellement se poursuivre. De même, lannée 2000, après deux décennies de croissance continue de la charge de la dette, verra sinverser la spirale de la dette : le poids de celle-ci dans le PIB, dailleurs resté très inférieur à ce quil était chez nos principaux partenaires y compris ceux réputés les plus vertueux , va enfin commencer à décroître.
Sagissant des prélèvements obligatoires, il est vrai quaprès la forte progression enregistrée sous la précédente législature, ils se maintiennent à un niveau très largement jugé excessif.
Il ne faut cependant pas oublier que, sous le vocable abstrait de prélèvements obligatoires, on trouve la contrepartie des prestations offertes aux citoyens par la « puissance publique » : sécurité, équipements, éducation, santé, etc
Cette nécessaire mise au point ne doit toutefois pas occulter la réalité dun prélèvement global qui excède la moyenne de ce qui est prélevé dans les pays comparables au nôtre.
Globalement, le projet de loi de finances pour 2000 garde le cap défini en début de législature, celui dune croissance solidaire, avec, dans les arbitrages, les inflexions que lévolution économique et budgétaire rendent possibles.
Pour 1999, les « fruits de la croissance », cest-à-dire les marges budgétaires, avaient, grosso modo, été répartis en trois tiers : financement des priorités de la Nation, avec une progression de 1% en volume de dépenses, réduction du déficit budgétaire et baisses dimpôts.
Pour 2000, la répartition sera différente : dans un contexte qui nappelle a priori pas de soutien conjoncturel, les économies sur le service de la dette, ainsi que les efforts de redéploiement et de gestion, permettent de stabiliser la dépense en volume (+0,9% en valeur, soit le même rythme que les prix), tout en assurant une nouvelle fois une réelle progression des moyens consacrés au financement des priorités définies lan passé : emploi et solidarité, éducation, justice et sécurité, environnement, culture.
Les marges quautorise cet effort pour contenir globalement la dépense sont consacrées aux baisses dimpôts, qui, avec près dune quarantaine de milliards de francs, soit les deux tiers des marges budgétaires, devraient permettre de tenir lobjectif dune indispensable décrue des prélèvements obligatoires. Votre Rapporteur général, qui a beaucoup milité en faveur de cette mesure, se réjouit que le Gouvernement ait pu lever le verrou communautaire et retenir la baisse de la TVA sur les travaux dans le logement : avec un coût de près de 20 milliards, cette mesure concrétise de façon massive et lisible lengagement pris devant le pays de réduire les prélèvements indirects.
Enfin, comme lan passé, 21,2 milliards de francs, soit le tiers des marges disponibles, sont consacrés à la réduction du déficit budgétaire : sa diminution, qui devrait, en 2000, représenter 0,3 point de PIB, avec un besoin de financement de lEtat de 2,4%, contribuera largement à la baisse du besoin de financement de lensemble des administrations publiques (1,8%, en diminution de 0,4 point de PIB) ().
Il apparaît ainsi que les choix opérés, raisonnables et équilibrés, sont de nature à conforter le « cercle vertueux » à luvre depuis maintenant deux ans : la croissance retrouvée, recentrée sur les composantes internes de la demande, permet enfin dengager la résorption du chômage ; cette amélioration de la situation de lemploi génère des revenus soutenant la consommation, qui elle-même alimente linvestissement.
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* *
CHAPITRE PREMIER
DES CONDITIONS TOUJOURS FAVORABLES
POUR LÉCONOMIE FRANÇAISE
Il en va de même du dosage actuel des politiques budgétaire et monétaire dans la zone euro.
Aussi les budgets économiques de la Nation peuvent-ils présenter une vision sereine des perspectives pour lan 2000.
A.- UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL FAVORABLE À LA CROISSANCE ET À UN RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DES PAYS DE LA ZONE EURO, MALGRÉ QUELQUES ÉLÉMENTS DINCERTITUDE
Les crises financières qui se sont succédé depuis 1997, dabord en Asie du Sud-Est, puis en Russie, et, en janvier dernier, au Brésil, ont obscurci les perspectives de développement de léconomie mondiale. Elles nont cependant pas eu les conséquences dépressives que certains avaient pu craindre.
Ainsi, lactivité productive na été profondément perturbée que dans les seules économies émergentes des trois zones géographiques concernées, le Sud-Est asiatique, lEurope orientale et lAmérique latine. Ailleurs, si lon excepte le cas du Japon, très spécifique, seule la sphère financière a été affectée, et uniquement de manière temporaire. Dans lensemble des Etats européens, la croissance a seulement été moindre que prévu et, dans les pays, tels que lAllemagne, qui ont connu une récession, celle-ci a été temporaire et limitée. Pour les pays de lUnion européenne, lexpression de « trou dair » retenue par le ministre français de léconomie, des finances et de lindustrie, M. Dominique Strauss-Kahn, au début du printemps, était ainsi particulièrement adaptée.
Les perpectives de croissance pour le deuxième semestre de lannée 1999 et pour lannée 2000 sont donc satisfaisantes et permettent danticiper un rééquilibrage de la croissance mondiale au profit de lEurope.
Cependant, il subsiste encore quelques éléments dincertitude.
Certains semblent susceptibles de navoir que des conséquences très limitées et de naffecter que modérément la croissance des pays industrialisés : lendettement de quelques pays dAmérique latine et les suites de la crise brésilienne, les aléas susceptibles daffecter la situation de la Russie et un ralentissement de léconomie chinoise saccompagnant dune dévaluation du yuan-renmimbi et du dollar de Hong Kong.
En revanche, lévolution économique des Etats-Unis est susceptible davoir des conséquences importantes sur la croissance mondiale. Selon la majorité des économistes, léconomie américaine devrait connaître une phase de ralentissement après plusieurs années dune croissance vigoureuse et dune durée particulièrement exceptionnelle. Une décélération en douceur ne provoquerait pas de difficulté. En revanche, un scénario plus brutal saccompagnant dune brusque correction des cours boursiers, souvent jugés surévalués, serait susceptible de provoquer des perturbations plus importantes.
1.- Lamélioration des perspectives de la croissance mondiale
a) Une gestion satisfaisante de la crise russe et de la crise financière de lété et de lautomne 1998
« Le calme et la confiance sont revenus sur les marchés mondiaux ». La première phrase de la première partie des « Perspectives économiques de lOCDE », publiées en juin dernier (n° 65), prend acte du fait que la crise russe et la crise financière qui a suivi ont été convenablement gérées, permettant ainsi de déjouer les prévisions les plus pessimistes, lesquelles nétaient pourtant pas infondées.
Diverses initiatives ont permis de rassurer lensemble des marchés sur la possibilité déviter des conséquences en chaîne de leffondrement de certains dentre eux : les interventions du Fonds monétaire international (FMI) et des autorités monétaires nationales ; lassouplissement de la politique monétaire américaine, à linitiative de la Réserve fédérale ; la réduction des taux dintérêt dans la plupart des pays de lOCDE, qui a permis une forte expansion du crédit ; le renflouement par des établissements privés, sous limpulsion des autorités monétaires américaines, dun fonds darbitrage, le LTCM (LongTerm Capital Management), qui était presque en cessation de paiement.
Pour endiguer la crise des pays émergents, le FMI a accordé, au cours de lexercice 1998/1999, une enveloppe de 38,4 milliards de dollars de crédits, sur lesquels 30 milliards ont été décaissés. A la fin du mois davril 1999, le total des encours était de 90,8 milliards de dollars contre 75,4 milliards de dollars un an plus tôt. Les engagements les plus élevés ont été pris en faveur du Brésil (17,6 milliards de dollars), de lIndonésie (8,6 milliards de dollars) et de la Russie (11,5 milliards de dollars).
Par ailleurs, les marchés boursiers se sont redressés et sont restés bien orientés au cours du premier semestre de lannée 1999, tout risque systémique susceptible de conduire à une déflation généralisée ayant été considéré comme écarté.
Dans ce contexte, la crise brésilienne, en janvier 1999, avec la dépréciation de 45% du real par rapport au dollar, a eu des effets très limités. Il est vrai que les mesures de soutien préventivement arrêtées par le FMI en faveur du Brésil, dès novembre 1998, ont eu un effet de retardement très précieux et ont permis aux institutions financières de procéder à un désengagement visàvis du risque des pays émergents.
De même, ainsi que le note lOCDE, la crise au Kosovo na pas bouleversé les marchés financiers mondiaux. Ses conséquences économiques, pour dramatiques quelles soient, à des degrés divers, pour les populations concernées, sont donc limitées aux seuls pays voisins.
b) Un commerce mondial à nouveau bien orienté
Après plusieurs années de forte croissance, avec une augmentation moyenne de 7% sur la période 19851996, le dynamisme du commerce mondial a été affecté par la crise asiatique.
Le taux de croissance des échanges de marchandises en volume, mesurés par la moyenne arithmétique des importations et exportations mondiales, qui sétablissait à +10% en 1997, a ainsi chuté à +4,5% en 1998. Ce ralentissement sexplique dabord par la récession au Japon et dans les principaux pays émergents dAsie, dont les importations représentent le quart des importations mondiales de marchandises. Le volume de ces dernières a, en effet, diminué de 8,5% en 1998. Il provient également de la réduction des recettes dexportation des régions productrices de matières premières. Il devrait encore être sensible cette année, puisque la progression de lindicateur précité devrait sétablir à 3,9%, selon les prévisions de lOCDE et à 3,2% selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances. Aux phénomènes déjà évoqués, il faut en effet ajouter la réduction des importations des pays dAmérique latine et de la demande intérieure provenant dAmérique du Nord et dEurope, qui nont pas été totalement compensées par le début de reprise en Asie.
Pour 2000, le taux de croissance du commerce mondial devrait sétablir à un niveau supérieur, de 5,6% selon lOCDE et de 5,8% selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, traduisant une réorientation favorable des courants déchanges internationaux. Pour lessentiel, cette évolution serait la conséquence de la poursuite de la reprise des importations des seules économies émergentes dAsie du SudEst, la situation encore passablement dégradée en Russie et au Brésil faisant que les régions concernées resteraient à lécart de ce mouvement de reprise.
c) Un marché des matières premières toujours déprimé, à lexception du pétrole et de certaines matières premières spécifiques
Au cours de lannée 1998, les prix des matières premières ont fortement chuté sous leffet tant dun gonflement de loffre que dune réduction des importations des pays émergents dAsie. Selon Rexecode, lindice densemble des matières premières (), exprimé en dollars, a diminué de 25% en 1998.
Ce mouvement a été particulièrement sensible dans le cas du pétrole, dont le prix a baissé de 50% par rapport à 1997, le cours du baril de brent (qualité de référence de la Mer du Nord) chutant à 11 dollars à la fin de lannée dernière, cours quil a dailleurs conservé au premier trimestre de cette année. En moyenne annuelle, la chute des cours est moins spectaculaire, certes, mais tout aussi significative : pour cette même référence, le cours moyen sest établi à 13 dollars en 1998 contre 19 dollars en 1997.
Une même évolution a également affecté les autres matières premières, notamment le cuivre. Seuls les cours des métaux précieux (or, platine, argent), également orientés à la baisse, ont mieux résisté.
Pour lannée 1999, on observe une remontée des cours du pétrole, alors que les autres marchés des matières premières demeurent déprimés, à lexception de quelques matières spécifiques qui font lobjet de mouvements spéculatifs, comme lalumine.
Le cours du baril de brent sur la place de Londres est, en effet, remonté au-dessus de 20 dollars depuis le début de lété et continue à croître. Il était de 23 dollars le 13 septembre dernier. Il faut y voir la conséquence de laccord de réduction de la production conclu le 23 mars 1999 entre lOPEP et certains autres grands pays producteurs. Contrairement aux accords précédents, celuici a acquis rapidement une certaine crédibilité compte tenu de la normalisation des relations entre lIran et lArabie saoudite ainsi que dun changement de gouvernement au Venezuela. En outre, la demande savère cette année plus dynamique que lan passé, grâce à une reprise de la demande dans les pays de lOCDE après une période de stagnation de la consommation. Lampleur de la remontée des prix semble cependant devoir être limitée, à terme, en raison de limportance des stocks mondiaux et du comportement de certains producteurs qui risquent de ne pas respecter laccord précité dès lors que les cours auraient atteint un niveau jugé suffisant pour assurer la stabilité de leurs ressources sans pour autant provoquer la mise en exploitation de gisements supplémentaires. Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances retient l'hypothèse dune stabilisation des cours autour de 18 dollars le baril.
Sagissant des autres matières premières, lOCDE envisage, dans ses Perspectives économiques de juin dernier, une baisse de 10% pour cette année, dans lensemble, suivie dune stabilisation des prix en 2000.
d) Des perspectives de croissance certaines
Selon lOCDE, léconomie mondiale, dont la croissance ne sest établie quà 2,3% en 1998, contre 4% en 1996 et 1997, ne donnerait des signes de reprise que très modestes cette année, avec une progression de 2,5% de la production. Cependant, la reprise serait plus ferme en 2000 et la croissance sétablirait à 2,9%.
Le FMI anticipe également une amélioration du climat économique densemble, dès cette année, et une reprise de la croissance mondiale en 2000, avec des taux de progression de 3% pour 1999 et de 3,5% en 2000, selon les estimations rendues publiques en septembre 1999. On ne manquera pas dobserver que linstitution fait preuve dun plus grand optimisme quen avril, puisque chacune de ces deux perspectives a été réévaluée, celles-ci étaient respectivement, au printemps, dune croissance de +2,3% pour cette année et de +3,3% pour lannée prochaine.
Cette accélération serait principalement due à un retour de la croissance dans les pays émergents dAsie et dEurope centrale, ainsi quau dynamisme des économies des pays de lUnion européenne. En revanche, léconomie du Japon resterait, dans lensemble, atone, la stagnation actuelle se poursuivant en 2000 malgré le rebond du premier trimestre et la stabilisation du deuxième trimestre.
La principale incertitude est celle affectant la croissance des Etats-Unis, dont la durée et la vigueur exceptionnelles ne cessent détonner, et sur lissue de laquelle les experts divergent sensiblement.
On observera que le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances retient lhypothèse dun simple rééquilibrage, avec une croissance mondiale de 2,8% en 1999 et de 2,9% en 2000.
2.- Léconomie américaine : un ralentissement probable, mais incertain quant à son moment et ses modalités
Selon les termes de lagence financière de lambassade de France à Washington (), depuis presque trois ans maintenant, léconomie américaine « défie les lois de la pesanteur ». Lactuel cycle de croissance, qui a débuté au printemps de lannée 1991, savère dune durée particulièrement longue et dun dynamisme remarquable, avec un taux dexpansion denviron 4 % lan, en moyenne.
Ce cycle a permis la résorption du chômage, lequel sest établi à 4,3% en août, niveau inconnu depuis 1970, et sest accompagné dun assainissement des finances fédérales, caractérisées par un excédent de 0,8% du PIB en 1998 qui contraste avec le déficit de 4,7 % du PIB de lexercice 1992. On observera quil ne sest pas accompagné dun regain dinflation, celleci ayant même régulièrement diminué, puisquelle sétablit actuellement à 1,5%, contre 5% en 1991.
La vivacité de la demande intérieure sur une période aussi longue étant jugée insoutenable, la très grande majorité des observateurs annonce chaque année, depuis 1997, un ralentissement et un retour à une croissance plus sobre, de lordre de 2% à 2,5% par an. On observera cependant que, dans un contexte de modération salariale, la vigueur de la consommation sexplique en grande partie par les effets de richesse provenant de la faible augmentation des prix et de la progression continue des valeurs boursières, largement diffusées au sein de limportante classe moyenne américaine.
Ce ralentissement annoncé, qui ne sest pas encore produit, est au cur du débat économique.
Dun coté, certains économistes considèrent que cette anticipation est erronée et que léconomie américaine devrait rester sur un sentier de croissance dynamique. Lexplication la plus étayée est celle des tenants de la « nouvelle économie » ou du « nouvel âge » selon lesquels les effets combinés de la globalisation, du développement du commerce international, qui représente le quart de léconomie mondiale, et du développement de linformatique, qui a accru la capacité déchange dinformation et entraîné la construction dune économie de réseaux autour dInternet, ont engendré un nouveau système économique. Cette nouvelle économie serait caractérisée par labsence dinflation, excluant ainsi toute tension sur les taux dintérêt susceptible de provoquer une baisse du marché boursier et daffecter le rythme des investissements. Labsence de tension sur les prix est expliquée par deux facteurs : dune part, la fluidité du marché du travail, laquelle a, jusquà présent, empêché le développement des revendications salariales malgré le plein emploi et provoque une réduction du niveau du taux de chômage non accélérateur de linflation, ou NAIRU () ; dautre part, la mondialisation de la concurrence, les entreprises étant contraintes daccroître leur productivité et dinnover pour maintenir ou augmenter leur profitabilité, puisquelles ne peuvent plus librement augmenter leurs prix comme elles le feraient sur un marché protégé.
Dans sa version la plus hardie, la thèse de la nouvelle économie est couplée avec lhypothèse de la fin des cycles économiques et accrédite le pronostic dune croissance stable et durable jusquen 2020. Selon les tenants de cette théorie de la « fin des cycles », le recentrage de lactivité sur les services, secteurs que labsence de stocks et la plus grande stabilité de la demande mettent à labri des aléas, lamélioration de la gestion des entreprises, notamment ladoption de la technique des flux tendus, qui réduit les risques de surproduction, louverture des économies sur lextérieur et le développement de la consommation dans les pays émergents, devraient supprimer les fluctuations et permettre ainsi une expansion importante et durable.
Certes, la thèse de la « nouvelle économie » a le mérite de tenter dexpliquer les performances étonnantes de léconomie américaine, mais force est dadmettre que ses détracteurs nont pas nécessairement tort quand ils avancent quil pourrait sagir dune explication de circonstance et non dun véritable corpus théorique dûment éprouvé.
Les économistes qui considèrent, au contraire, que léconomie américaine devrait faire lobjet dun ralentissement constatent que cinq facteurs, dont les effets des trois premiers sont déjà perceptibles, devraient entraîner une atténuation du rythme de croissance :
restées très dynamiques jusquau premier semestre 1999, la consommation privée et la construction de logements, qui a été favorisée par la détente des taux dintérêt, devraient connaître un certain ralentissement ;
linvestissement des entreprises, qui est resté très soutenu en 1998, grâce à léquipement informatique (+ 65% en volume), et a contribué à la croissance dun tiers du PIB, devrait revenir à un taux de croissance plus modéré, compte tenu du fait que linvestissement hors informatique diminue depuis 1997, en raison de la baisse des profits des entreprises, de la remontée des taux dintérêt et de labsence de tension sur les capacités de production ;
le redressement de linflation devrait entraîner une modération de la progression du pouvoir dachat des ménages en termes réels ;
la réorientation, dans un sens restrictif, du dosage des politiques budgétaire et monétaire, la parenthèse de lassouplissement monétaire décidé à lautomne dernier pour juguler les effets négatifs de la crise russe et de la crise financière qui lui a fait suite étant refermée, après la décision du comité monétaire de la Réserve fédérale de relever dun quart de point ses taux directeurs (), le 24 août dernier ;
larrêt de la progression des valeurs boursières, qui devrait intervenir ne serait-ce quen raison de la remontée des taux longs et de la baisse des perspectives de profit des sociétés américaines.
En revanche, en sinversant, leffet contracyclique de la demande extérieure pourrait jouer un rôle stabilisateur, grâce à une amélioration des exportations, en raison notamment de la diminution des difficultés des pays émergents dAmérique latine et de la reprise en Asie. A linverse, le solde extérieur avait contribué négativement à la croissance ces dernières années. Par ailleurs, le ralentissement de la demande intérieure devrait peser sur les importations, sans que la contribution du commerce extérieur à la croissance ne redevienne positive pour autant.
Les tenants dun ralentissement de léconomie américaine divergent quant aux modalités et à lampleur de ce phénomène. Deux hypothèses sont en effet envisageables : celle dune modération progressive du rythme de croissance ou « atterrissage en douceur » ; celle dun retournement brutal de la conjoncture.
Cette différence dappréciation repose en fait sur la manière dont on anticipe lévolution boursière américaine.
Si le niveau des valeurs boursières reste stable ou subit une correction modeste, lhypothèse de latterrissage en douceur devrait se réaliser.
En revanche, en cas de forte correction, deux éléments pourraient provoquer une diminution sévère de lactivité : la réduction des projets dinvestissements des entreprises, en raison de laccroissement de la rentabilité exigée par les actionnaires ; la baisse de la consommation, en raison de la fin de l« effet de richesse » conduisant les ménages à reconstituer leur épargne ou à financer dans des conditions beaucoup plus délicates le remboursement des importants crédits quils ont contractés ces dernières années. On rappellera que lendettement des ménages et des entreprises représente environ 140% du PIB total. Ceux qui penchent pour lhypothèse dune forte correction des cours boursiers ne manquent pas darguments, car ils observent que lappréciation des cours depuis lautomne dernier est contradictoire avec la tendance haussière des taux dintérêt à long terme et que les perspectives de dividendes pourraient justifier un ajustement de près de 30%. Dans une perspective à plus long terme, il faut également mentionner que, selon lOFCE, le PIB américain a cru en valeur de 5% lan depuis 1991, les profits des entreprises de 10% et le cours des actions de 17%, chaque année. Il faut néanmoins relever que les comportements dinvestissement boursier ne sont pas toujours strictement attachés au respect de ces critères rationnels.
Enfin, il ne faut pas totalement exclure lhypothèse dune augmentation des principales valeurs boursières, ce qui retarderait à la fin de lannée 2000 ou même à 2001 la correction annoncée.
Sil est aussi difficile de prévoir avec exactitude ce que sera lévolution de léconomie américaine dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, on observera cependant que les principales analyses retiennent la thèse de latterrissage en douceur. En septembre 1999, le FMI a dailleurs prévu, pour léconomie américaine, une croissance de 3,7% pour 1999 et de 2,6% pour 2000. Dans les Perspectives économiques publiées en juin dernier, lOCDE a été moins optimiste avec respectivement 3,6% et 2%, soit un ralentissement plus sévère.
Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000 retient une hypothèse similaire, avec un rythme de croissance divisé par deux à partir de la fin de lannée 1999. Compte tenu de lacquis des trois premiers trimestres, la croissance du PIB devrait être de 3,8% en 1999. Elle devrait revenir à 2,1% en 2000.
En pratique, lavenir immédiat de léconomie américaine dépend de la manière dont sera conduite par la FED, et perçue par les marchés, la remontée des taux dintérêt, qui paraît probable, ne serait-ce que pour éviter que laugmentation du crédit ne gonfle artificiellement les achats dactifs financiers et nalimente encore plus ce que lon peut appeler une « inflation financière ».
3.- Une reprise de lexpansion des pays de la zone euro, mais des conjonctures décalées en Allemagne et en Italie
Dans lensemble, au-delà de certaines spécificités conjoncturelles dont les plus notables concernent le Royaume-Uni, les pays de lUnion européenne ont progressivement renoué, depuis 1997, avec la croissance, et ce dune manière dautant plus remarquable que les contraintes nécessaires à la transition vers la troisième phase de lUnion économique et monétaire et à la réussite du processus de convergence étaient peu favorables, à court terme, à la croissance.
Linflation a été maîtrisée, les situations budgétaires ont été assainies, les taux dintérêt nominaux et réels, très élevés au début de la décennie, ont été considérablement réduits, les hausses de salaires ont été modérées dans le cadre dun recul des anticipations inflationnistes.
Dabord imputable à la demande extérieure, en raison du dynamisme du commerce mondial de lépoque et de la compétitivité des exportateurs communautaires, cette reprise a ensuite été étayée par la hausse de la demande intérieure (consommation et investissement), grâce à la décrue des taux dintérêt, à la hausse du revenu disponible et à un retour de la confiance. Cependant, les effets conjugués de la crise asiatique intervenue au deuxième semestre de lannée 1997, dont on peut estimer quelle sest traduite par une perte de croissance dun demi point, puis de la crise russe en 1998, ont entraîné un ralentissement économique.
Dans la zone euro (), la croissance est passée, en rythme annualisé, de 2,5% au premier semestre 1998 à un rythme proche de 1% au cours du quatrième semestre 1998 et du premier trimestre 1999.
Il ne sagit cependant pas dun ralentissement durable, mais, comme on la vu, dun « trou dair » conjoncturel. Dune durée variable selon les pays, il est surtout marqué au deuxième semestre de 1998 et au premier semestre de 1999. Le deuxième semestre de 1999 et lannée 2000 devraient être caractérisés par un retour général à la tendance antérieure dune accélération de la croissance.
Si le ralentissement industriel a été important, la production passant, en valeur annualisée, dun rythme de + 6% lan au début de lannée 1998 à + 1,2% en 1999, essentiellement en raison de la restriction des débouchés extérieurs, le scénario que lon avait pu craindre dune contagion aux autres secteurs par le biais dune réduction de lemploi, de laffaiblissement de la confiance des ménages et dune baisse de la consommation, ne sest pas réalisé. En outre, ce ralentissement est concentré sur la fin de lannée 1998 et le début de lannée 1999.
La demande interne sest, en effet, bien comportée. La consommation a bénéficié de lattrait des nouvelles technologies et la construction de la baisse des taux dintérêt, qui a amélioré les conditions de financement. On observe également que le taux de chômage a diminué de 11,3% à 10,3% entre le début de lannée 1998 et le mois de mai 1999, en partie en raison des mesures ciblées pour lemploi en France et en Allemagne et de la perspective des 35 heures dans notre pays, ainsi que des créations demplois notamment dans les services, en France, en Italie et en Espagne.
Parmi les autres facteurs qui ont facilité le maintien du potentiel de croissance des pays de la zone, il faut dabord observer que la mise en uvre, au 1er janvier 1999, de la monnaie unique a placé les différentes économies à labri déventuelles tensions sur les taux de change et a définitivement clarifié les perspectives dinvestissement et daccroissement des échanges mutuels.
La politique monétaire a également été favorable. La Banque centrale européenne a procédé, le 8 avril dernier, à un assouplissement monétaire favorisant la croissance des principaux Etats, lAllemagne, la France et lItalie, même si cet assouplissement a pu être regretté par les pays bénéficiant dune conjoncture plus dynamique, parmi lesquels lIrlande et lEspagne. Enfin, la dépréciation de leuro par rapport au dollar tout au long du premier semestre a indéniablement favorisé le maintien de la compétitivité externe.
En conséquence, en labsence de facteur exogène venant perturber cette évolution, cest une nouvelle accélération de la croissance qui est attendue pour la zone euro, avec, selon le FMI un taux de 2,1% pour cette année et de 2,8% en 2000.
Selon les Perspectives économiques publiées par lOCDE en juin dernier, la croissance devrait être également de 2,1% cette année, chiffre assez faible en raison du « trou dair » des premiers mois, et de 2,6% lannée prochaine. La consommation des ménages devrait rester relativement soutenue, progressant de 2,7% en 1999 et de 2,6% en 2000. Après une phase de ralentissement en 1998, puisque leur progression a été de 4,4% seulement en 1998 contre 11,1% en 1997, les exportations devraient retrouver leur dynamisme antérieur, avec une progression de 5,3% en 2000, en raison de lamélioration de lenvironnement international, après une croissance plus modeste de 3% en 1999. Le faible niveau des taux dintérêt, lamélioration de lactivité industrielle, le dynamisme des demandes interne et externe devraient soutenir linvestissement, qui devrait ainsi rester assez dynamique, malgré un tassement conjoncturel cette année, avec une croissance de la formation brute de capital fixe (FBCF) de 3,1% en 1999 et 4% en 2000.
Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances retient, pour la zone euro, lhypothèse dune croissance de 2% en 1999 et 2,7% en 2000, lactivité connaissant un rebond dès le second semestre de 1999.
Dans leur communiqué du 9 septembre dernier, les dirigeants de la Banque centrale européenne ont montré quils partageaient cet optimisme. Pour justifier le maintien à 2,5% du taux dintérêt des opérations principales de refinancement, ainsi que la stabilité des deux autres taux dintervention, la facilité de prêt marginal (3,5%) et celle de dépôt (1,5%), le président de la banque, M. Wim Duisenberg, a rappelé quil estimait que la croissance devrait être, cette année, supérieure aux prévisions établies en avril (2% pour 1999 et 2,25% à 2,5% pour 2000).
Le ralentissement économique constaté na pas eu des conséquences uniformes sur lensemble des pays de la zone et a mis en évidence des divergences conjoncturelles. Lactivité est restée assez soutenue en France, aux PaysBas et en Espagne. A lopposé, lAllemagne et surtout lItalie et la Belgique ont connu une récession au dernier trimestre de 1998.
Le tableau suivant mesure limportance de lécart conjoncturel des cinq principaux pays de la zone euro, la France exceptée.
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CROISSANCE DU PIB DANS LES PRINCIPAUX PAYS DE LA ZONE EURO
(en %)
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Taux de croissance
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1997
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1998
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1999
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98-1
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98-2
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98-3
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98-4
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99-1
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99-2
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99-3
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99-4
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Zone euro à 5 pays
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2,2
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2,4
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1,8
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0,6
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0,5
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0,5
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0,0
|
0,4
|
0,5
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0,7
|
0,7
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Allemagne
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1,8
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2,3
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1,5
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1,0
|
0,0
|
0,4
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- 0,1
|
0,4
|
0,4
|
0,7
|
0,7
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Italie
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1,4
|
1,4
|
1,3
|
- 0,2
|
0,8
|
0,5
|
- 0,3
|
0,1
|
0,4
|
0,6
|
0,7
|
Espagne
|
3,5
|
3,8
|
3,4
|
0,9
|
1,0
|
0,9
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0,7
|
0,7
|
0,9
|
1,0
|
0,9
|
Pays-Bas
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3,6
|
3,8
|
2,8
|
0,9
|
0,7
|
0,5
|
1,1
|
0,6
|
0,6
|
0,7
|
0,7
|
Belgique
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3,2
|
2,9
|
1,7
|
0,0
|
1,7
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0,0
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- 0,4
|
0,4
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0,6
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0,7
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0,7
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Source : Direction de la prévision, Note de conjoncture internationale, juin 1999.
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Ce décalage conjoncturel affecte donc deux des trois principaux Etats de la zone euro : lAllemagne et lItalie.
LAllemagne, supporte les conséquences dun plus grand degré dexposition au risque des pays émergents, compte tenu de limportance de ses relations avec les pays dEurope centrale et orientale et avec la Russie.
Etablies en mai dernier, les prévisions de la direction de la prévision publiées dans le cadre de la note de conjoncture internationale de juin considéraient que le « trou dair » ne concernait que le seul quatrième trimestre 1998, avec une récession de 0,1% et que le léger rebond dactivité enregistré au premier trimestre 1999, avec une croissance de 0,4%, devait être confirmé au deuxième trimestre. A lappui de cette analyse, il était constaté que la consommation privée, qui sest maintenue pendant le « trou dair » avec une croissance de 0,5% au dernier trimestre 1998, et les exportations, soutenues par la reprise du commerce mondial et lamélioration de la compétitivité, viendraient accélérer la croissance. Il était relevé que limpact des finances publiques serait neutre et que les conditions monétaires resteraient accommodantes, du fait de leur composante de change, notamment. LOCDE partageait cette analyse.
Ce scénario ne sest pas concrétisé. La croissance attendue au deuxième trimestre de cette année, estimée à 0,2% ou 0,4% selon les sources, ne sest pas réalisée. On a, au contraire, enregistré une stagnation, qui sexplique essentiellement par un recul de la consommation de 0,5%, après une progression de 0,7% au premier trimestre (chiffre révisé) et par une augmentation des importations, qui a ainsi réduit la contribution du solde extérieur au dynamisme de lactivité. Simultanément, les autres postes ont évolué faiblement : les dépenses publiques ont diminué de 0,4% et la construction de 1,9% ; linvestissement des entreprises na crû que de 0,4%.
On ne peut pas exclure pour autant que la prévision de croissance généralement retenue par les experts pour 1999, autour de 1,5% (1,6% pour le Gouvernement et 1,7% pour lOCDE), soit hors de portée si une reprise saffirme au deuxième semestre. Néanmoins, il est prématuré dattribuer la contre-performance du deuxième trimestre à une simple prolongation des conséquences du « trou dair » ou, ainsi que lavait noté lOCDE, au climat dincertitude relatif à la politique fiscale et aux orientations des réformes structurelles. Dans cette deuxième hypothèse, la perspective de croissance pour 2000, de 2,3% pour le PIB et de 3,5% pour la production industrielle, selon lOCDE, pécherait par optimisme.
Les prévisions du rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances sont prudentes pour cette année (+ 1,3%), mais plus optimistes pour 2000 (+ 2,4%).
En ce qui concerne lItalie, on avance, pour expliquer la sensibilité de son économie à la crise asiatique, la fragilité de la position concurrentielle de lappareil productif, ainsi que lorientation géographique et sectorielle du pays, très présent dans les secteurs où les économies émergentes disposent davantages de compétitivité importants. Le secteur du textilehabillement est le plus souvent cité.
La crise conjoncturelle du dernier trimestre 1998, avec une récession de 0,3%, et du premier trimestre 1999, lequel a été marqué par une stagnation, le PIB ayant augmenté de 0,1% seulement, a été dautant plus sévère que léconomie était très peu dynamique depuis de nombreuses années, en raison des contraintes liées à la perspective de leuro, avec une croissance réduite, de 0,9% en 1996, 1,5% en 1997 et 1,4% en 1998.
Même si lactivité devait progresser au deuxième semestre, la croissance devrait rester modeste et sétablir à 1,4% cette année, la demande restant déprimée. La demande extérieure, notamment en provenance des autres pays dEurope, sest réduite en raison de la crise asiatique et de la réduction de la demande des pays européens dont la croissance a été moindre que prévu. En outre, lOCDE observe que la faiblesse de laugmentation de la productivité entraîne une élévation des coûts unitaires de main duvre. A lopposé, la réduction des taux dintérêt liée à la mise en place de leuro et lassouplissement de la politique budgétaire, lobjectif dun déficit des administrations publiques égal à 2% du PIB, prévu par la loi budgétaire, ayant été révisé à 2,4%, constituent certes des facteurs favorables, mais ne permettent pas denvisager une reprise ferme. LOCDE prévoit ainsi une croissance du PIB italien de 1,4% cette année et de 2,2% lannée prochaine. Cette accélération serait imputable à la seule consommation privée, soutenue par la progression du revenu disponible.
Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances retient lhypothèse dune croissance de 1,3% pour 1999 et 2,3% pour 2000.
Le niveau du redémarrage en Allemagne et en Italie est considéré comme un facteur dincertitude susceptible daffecter le cur de la zone euro pour le deuxième semestre de 1999 et pour lannée 2000.
Un autre élément dincertitude est celui du taux de change de leuro. Certains observateurs suggèrent que la baisse de son cours depuis le 1er janvier 1999, de 1,17 dollar à presque 1 dollar en septembre, pourrait avoir provoqué, auprès des investisseurs internationaux, une certaine défiance et entraîner, de la part de la Banque centrale européenne, un relèvement de ses taux plus rapide que celui qui devrait normalement être opéré au vu de la reprise de la croissance et donc dans le cadre dun retour à une politique monétaire moins souple. Il nest pas inintéressant de noter que cette défiance provient en partie de linquiétude des milieux économiques internationaux visàvis du rétablissement de la situation en Allemagne.
Enfin, il ne faut pas, naturellement, mésestimer les conséquences dune éventuelle correction boursière aux Etats-Unis, qui affecterait la demande extérieure. Cependant, dune manière symétrique, un redressement plus rapide de léconomie britannique ou des économies asiatiques apporterait un soutien supplémentaire à la reprise de lactivité.
Si le cas des économies asiatiques sera examiné ci-après, votre Rapporteur général se doit de rappeler ici que léconomie du RoyaumeUni, qui nappartient pas à la zone euro, a connu un fort ralentissement en 1998, puisque le taux de croissance est passé de 3,5% en 1997 à 2,1%. Ce ralentissement a été très marqué à la fin de lannée 1998. Il faut y voir non seulement leffet de la crise asiatique et de la crise russe, ainsi que de la forte appréciation de la livre sterling à partir de lannée 1998, mais également la conséquence du dosage restrictif des politiques monétaire et budgétaire progressivement mis en uvre dès le milieu de lannée 1997. Linvestissement est cependant resté soutenu, tandis que la consommation privée sest légèrement ralentie.
Pour la fin de lannée 1999, lassouplissement de la politique monétaire, progressivement opéré par la Banque dAngleterre, qui a graduellement ramené le taux des prises de pension de 7,5% à 5%, doctobre 1998 à mai 1999, et celui de la politique budgétaire, avec le retour à un léger déficit public pour le budget 1999/2000 après un exercice excédentaire, devraient favoriser le redémarrage de la croissance. Après la publication de plusieurs résultats favorables à la fin du mois daoût et au début du mois de septembre, notamment une progression de la consommation des ménages de 4%, lobjectif de croissance avancé par le Gouvernement britannique pour cette année, compris entre 1,5% et 2%, est jugé réalisable, malgré la stagnation constatée au début de lannée. Aussi, la Banque dAngleterre, jugeant la reprise suffisamment ferme, a-t-elle relevé de 0,25% son taux directeur, revenu à son niveau davril, soit 5,25%.
On observera que les dernières prévisions de lOCDE pour le Royaume-Uni tablent sur une croissance de 0,7% en 1999 et 1,6% en 2000, estimations qui semblent maintenant quelque peu pessimistes. Celles retenues par le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances sont plus optimistes, avec une croissance de 1,3% en 1999 et 2,4% en 2000.
4.- Une situation encore très difficile au Japon
Depuis le début de la décennie, léconomie du Japon est atone, à lexception dun rebond en 1996 (+5,1%). Après une croissance modeste en 1997 (1,4%) le pays sest enfoncé dans la récession en 1998, le PIB ayant diminué de 2,8%.
Lensemble de la demande sest contractée, la consommation privée diminuant de 1,1% et la formation brute de capital fixe de 8,8%, en raison notamment dune baisse de 13,7% pour les investissements résidentiels, avec une tendance déflationniste. Le chômage a augmenté, pour sétablir à 4,1% de la population active, et le taux dutilisation des capacités de production sest dégradé. Cette récession a essentiellement affecté la production industrielle, qui a chuté de 6,8%, comme le rappellent les Perspectives économiques de lOCDE publiées en juin 1999. Cette situation est généralement expliquée par le pessimisme des agents économiques, lampleur des surinvestissements passés et le tarissement de loffre de crédit par les banques dans le cadre dune politique de sélection rigoureuse des signatures, en réaction contre les comportements passés, qui se sont traduits, après léclatement des bulles financières et immobilières et, ultérieurement, la crise asiatique, par un gonflement considérable des créances douteuses. Les faillites spectaculaires de trois grandes institutions financières à lautomne 1997 ont, en effet, débouché sur une crise de liquidité, un mouvement de défiance à légard des banques et lapparition dune prime de risque, le « Japan premium » pour les emprunts des opérateurs japonais sur le marché interbancaire national et international. Au chapitre des facteurs externes, il faut également mentionner quen raison de la récession dans les pays émergents dAsie, les exportations ont chuté de 1,2% en 1998.
Cest au cours du second semestre de 1998 que la situation a été la plus difficile : on estime que léconomie japonaise a alors « touché le fond ».
Les pouvoirs publics ont mené, en réaction, des politiques budgétaire et monétaire expansionnistes. Dune part, les deux plans de relance budgétaire lancés en 1998 ont porté sur des montants considérables, à raison de 17.000 milliards de yens, soit 3,3% du PIB, pour celui davril, et de 24.000 milliards de yens, soit 4,7% du PIB, pour celui de novembre. On considère que les premiers effets positifs de cette politique expansionniste se sont manifestés dès lautomne 1998. Le budget pour lexercice 1999 est lui aussi expansionniste. Selon lOCDE, le déficit des administrations publiques se serait établi à 6% lan dernier et pourrait dépasser 8,75% cette année. Le rapport de la dette publique au PIB est ainsi passé de 60% en 1993 à plus de 110% cette année, en raison des différents plans de relance. Dautre part, la politique monétaire a été conduite de manière à lutter contre les tendances récessionnistes. Les taux dintérêts ont été réduits le plus possible, la Banque du Japon ayant décidé, au mois de février 1999, de porter le taux interbancaire au jour le jour au-dessous de 0,1%. Ce taux est actuellement de 0,03%. Les modalités de refinancement des banques auprès de la Banque du Japon ont également été assouplies. Enfin, pour lutter contre le rationnement du crédit, un nouveau dispositif public de stabilisation du système bancaire a été adopté au début du mois doctobre 1998, en complément des mesures prises antérieurement. Ce plan est articulé autour de trois axes : un dispositif de traitement des banques au bord de la faillite, une recapitalisation publique des banques en fonction de leur situation financière, un renforcement des règles de supervision du secteur financier. Une enveloppe de 60.000 milliards de yens, soit léquivalent de 12% du PIB, a été prévue, dont un peu moins de la moitié pour renforcer les fonds propres des banques.
Néanmoins, malgré un rebond de lactivité au premier trimestre, avec un taux de progression du PIB de 2%, la croissance redémarre difficilement au Japon. Le deuxième trimestre a été marqué par une très faible croissance (0,2%). Celle-ci pourrait, selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, sétablir à 1% pour 1999 et lannée 2000 ne devrait pas voir de reprise significative de lactivité (+ 0,1%), notamment en raison de la fin des effets des actions de relance budgétaire.
Le FMI, pour sa part, a prévu en septembre 1999 une croissance de 1% cette année et de 1,5% lan prochain. Cependant, malgré ces divergences, on constate un consensus sur le fait que léconomie japonaise resterait déprimée dans les prochains mois.
La demande privée demeure, en effet, peu dynamique, notamment les investissements, en raison de surcapacités de production importantes, lAgence de planification économique estimant que les capacités excédentaires représentent léquivalent dune année entière dinvestissements. Par ailleurs, la politique monétaire sest heurtée au contexte de baisse de prix, ce qui fait que les taux réels ont gardé un niveau non négligeable. En outre, on a observé une légère tension sur les taux longs, qui sont remontés à 2%, alors quils sétablissaient à 0,7% à lautomne dernier, en raison de linquiétude sur les conséquences à terme de lampleur de leffort budgétaire. Enfin, le haut niveau du yen, à raison de 110 yens pour un dollar, nuit à la compétitivité de léconomie japonaise, qui reste cependant très fortement exportatrice.
En dépit de ces difficultés, lavenir économique du Japon séclaircit pour le moyen terme, labsorption des conséquences des « bulles » spéculatives étant pour lessentiel réalisée et les restructurations en cours devant contribuer à redynamiser non seulement le système financier, mais également lindustrie de larchipel.
5.- Le retour inégal de la croissance dans les pays émergents
La crise des pays émergents, dont le premier symptôme sest manifesté en juillet 1997 en Thaïlande, sest largement diffusée à lAsie en 1997, puis à la Russie en 1998, ce qui a provoqué la chute généralisée des marchés financiers à lautomne dernier. Elle a ensuite gagné lAmérique latine, atteignant son paroxysme lors de la crise du Brésil en janvier 1999 avec la dévaluation du real. Partout, le scénario a été le même : la défiance des opérateurs, fondée sur une révision à la baisse des anticipations de croissance des pays concernés, a provoqué un retrait massif des capitaux, et, ainsi, un effondrement des marchés financiers puis, par transmission de ces effets dépressifs de la sphère financière à la sphère réelle, une forte récession. La gestion de ces crises, notamment, laction du FMI, ayant été efficace, on peut considérer, ainsi que la précisé la Note de conjoncture internationale établie par la direction de la prévision en juin dernier, que « pour une bonne part, la crise des pays émergents semble passée ».
Néanmoins, ce diagnostic ne sapplique pas uniformément à lensemble des économies émergentes. Si les pronostics relatifs aux pays de lAsie du SudEst et dEurope centrale peuvent être assez optimistes, il convient de rester plus réservé, à des degrés divers, pour la Chine, lAmérique du Sud et, naturellement, la Russie.
En outre, il faut tenir compte de ce quun éventuel échec des restructurations industrielles et financières en cours pourrait remettre en cause les perspectives favorables de chacun des Etats concernés.
a) La reprise de lactivité dans les pays émergents dAsie
La phase la plus aiguë de la crise asiatique a été maîtrisée avec laide de la communauté internationale, et notamment du FMI. Les moyens mis en uvre ont été considérables et se sont élevés à plus de 110 milliards de dollars. Les plans de redressement ont certes été dune architecture classique, fondés sur un durcissement des politiques budgétaire et monétaire, plus ou moins prononcé selon les pays dans un premier temps et sur une flexibilité des changes. Ils ont cependant eu le grand mérite de traiter également les faiblesses structurelles du « modèle asiatique » en prévoyant, notamment, une restructuration et une recapitalisation du système financier, un durcissement du cadre prudentiel et un renforcement des contrôles, une modernisation comptable, ainsi quune libéralisation de léconomie. Leffet de ces plans est très encourageant. Il a dailleurs conduit à restaurer la confiance des investisseurs internationaux, puisque lon a constaté un certain retour des capitaux vers ces pays.
Pour cette année, la perspective dévolution de léconomie des pays émergents dAsie a pu être rectifiée de manière significative par la direction de la prévision dans le cadre de la Note de conjoncture internationale de juin dernier, passant dune récession de 0,3% à une croissance de 2% ().
En Corée, lannée 1998 a été marquée par une forte récession : le recul du PIB a été de 5,8%, en raison de la raréfaction du crédit et de la contraction de 19% de la demande intérieure, avec un vaste mouvement de déstockage.
Pour 1999, les perspectives de croissance sétablissent à 4,8% selon la Note de conjoncture internationale de la direction de la prévision () et 4,5% daprès lOCDE, léconomie connaissant en effet une reprise pour des raisons en partie techniques, par le seul effet dun ralentissement du déstockage, alors même que la consommation reste stable. Pour 2000, lOCDE prévoit une croissance de lordre de 4,3%. Il est difficile de se prononcer avec sûreté sur la valeur de cette estimation, tant limportance de la reprise de léconomie coréenne dépendra de la consommation et de linvestissement privés, de la restructuration du système bancaire et de labsorption des créances douteuses. La situation de la Corée apparaît très vulnérable, car elle dépend aussi de la manière dont la restructuration des conglomérats (les « chaebols ») pourra être menée à terme. Le principal dossier est celui de Daewoo, dont la dette représente quelque 50 milliards de dollars et qui ne semblait pas encore réglé à la miseptembre.
Le schéma est sensiblement le même pour lensemble des économies émergentes du Sud-Est asiatique, mais avec un rythme variable. La croissance devrait ainsi reprendre de manière assez forte à Singapour et aux Philippines. Les perspectives sont relativement encourageantes pour la Malaisie. Toute hypothèse de reprise paraît, en revanche, éloignée en Indonésie.
Lévolution des différents pays dAsie du SudEst dépend en outre dun facteur externe : la situation en Chine, et une éventuelle dévaluation de la monnaie de Chine continentale, le renmimbi, et du dollar de Hong Kong.
b) Lévolution incertaine des économies chinoises : Chine continentale et Hong Kong
La situation de la République populaire de Chine apparaît contrastée : la croissance, qui sest fortement ralentie, est soutenue par linvestissement public en Chine continentale ; Hong Kong est en récession.
Léconomie de la Chine continentale est soutenue par linvestissement public, ainsi que par une politique monétaire souple. Ce dosage a assuré le redressement de la croissance en 1998, (+7,8%), alors que celle-ci avait fléchi à 7% en 1997. On rappellera que les taux antérieurs étaient de lordre de 9% à 10%.
Pour 1999, la dépense publique constitue encore le moteur essentiel de la croissance. La consommation est atone, dans un contexte où les restructurations de lappareil productif engendrent un chômage important et où certaines réformes sociales favorisent la constitution dune abondante épargne de précaution. Le développement des exportations est handicapé par les pertes de compétitivité intervenues à la suite des réajustements monétaires opérés, pendant la crise asiatique, dans les pays voisins. Linvestissement nest guère dynamique compte tenu de lampleur des surcapacités actuelles. Les investissements étrangers sont en net recul.
Les effets directs du programme de relance budgétaire devant cesser en 2000, la croissance sera alors plus dépendante dune reprise de la consommation privée et de linvestissement, ce qui montre lampleur de lincertitude actuelle sur lavenir de léconomie chinoise.
A Hong Kong, la récession a été marquée en 1998, avec une réduction du PIB de 5,1%, alors que la croissance avait été de 6,7% en 1997. Les économistes anticipent pour cette année une prolongation de la récession, avec une évolution négative du PIB de 1%.
Si le secteur financier demeure solide, les perspectives de reprise sont très aléatoires compte tenu de lincertitude pesant sur la situation économique de la Chine continentale, ainsi que de labsence de contrôle des autorités sur les taux dintérêt (le dollar de Hong Kong est en effet ancré au dollar américain dans le cadre dun système de caisse démission) et de la perte de compétitivité liée à la dépréciation des monnaies des pays voisins. Ce dernier élément est pénalisant dans un contexte où la baisse des prix provoque, dune manière mécanique, une progression des taux dintérêt réels.
Une éventuelle dévaluation des monnaies chinoises, le renmimbi et le dollar de Hong Kong, représente un facteur dincertitude pour la croissance des économies des pays émergents voisins. Cependant, selon la simulation présentée par lOCDE dans le cadre des Perspectives économiques de juin 1999, un réajustement de 20% des deux monnaies aurait une incidence faible ou modérée sur la croissance des économies de la zone OCDE, même dans lhypothèse où il serait accompagné de dévaluations de 10% dans les autres économies dynamiques dAsie et en Corée, ce qui tempère lopinion selon laquelle laffaiblissement de léconomie chinoise devrait être considéré comme un risque majeur pour léconomie mondiale.
c) Des possibilités de reprise dès 2000 en Amérique latine
En 1998, la crise des pays émergents a gagné lAmérique latine, et la croissance sest fortement ralentie, passant de 5,4% en 1997 à seulement 2,3%, en moyenne. Pour 1999, la zone devrait connaître une récession, de lordre de 1,3% selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.
Il faut dabord y voir les conséquences de la crise financière qui a affecté le Brésil au mois de janvier, avec une dépréciation de 30% du real entre la mijanvier et la mimars, ce qui a aggravé la récession déjà latente depuis lété 1998. On observera que cette crise est intervenue malgré lintervention dun plan préventif, sous légide du FMI, dun montant de 41,5 milliards de dollars en novembre 1998. LOCDE a ainsi prévu une récession de 3% cette année.
Cette situation a beaucoup affecté lArgentine, principal partenaire commercial du Brésil, qui devrait subir une récession de 3% cette année après une croissance de 4,2% en 1998 et 8,6% en 1997. Cette conjoncture alimente dailleurs la réflexion sur une éventuelle « dollarisation » de léconomie du pays, dans le cadre dun traité spécifique.
Une reprise pourrait cependant intervenir dès 2000, avec un retour à la croissance au Brésil (+2%) et en Argentine (+2,5%). Le rapport économique, social et financier précité anticipe une croissance de 2,2% pour lensemble du continent.
d) Les difficultés de léconomie russe
Léconomie russe a connu une forte contraction en 1998, de 4,6% selon lOCDE, la crise financière du mois daoût sétant accompagnée dune paralysie presque totale du système des paiements.
Pour 1999 comme pour 2000, les perspectives restent incertaines même si la production donne quelques signes de reprise. LOCDE envisage une réduction du PIB de 1% cette année et une reprise de la croissance avec 2% lan prochain. Moins optimiste, le FMI anticipe une récession de lordre de 2% cette année et na pas fait de prévision pour lan prochain.
On ne peut quêtre prudent tant la situation du pays demeure incertaine. Si linflation sest ralentie, après la phase dhyperinflation qui a accompagné la crise financière de lannée dernière, la Russie ne semble pas sorienter vers les réformes structurelles qui seraient nécessaires pour quune croissance robuste puisse être attendue, au premier rang desquelles figure la capacité de lEtat fédéral à percevoir les impôts, à équilibrer le budget, à contenir laugmentation de la dette extérieure, en grande partie libellée en devises, et à assurer à linitiative économique la sécurité permettant à des véritables entrepreneurs dexercer leurs talents.
*
* *
Tandis que linvestissement international paraît séclaircir, sous réserve de lincertitude majeure affectant lévolution de léconomie des Etats-Unis dAmérique, lEurope qui, avec la mise en place de leuro, se réapproprie son destin, assure un dosage équilibré, favorable à la croissance, des politiques budgétaire et monétaire.
B.- UN DOSAGE ÉQUILIBRÉ DES POLITIQUES BUDGÉTAIRE
ET MONÉTAIRE
Avec lavènement de leuro, lEurope à onze pour linstant redécouvre les moyens dune autonomie et dune maîtrise de son évolution économique quelle avait largement perdues. Les progrès en matière de déficits publics, qui nétaient pas acquis davance il y a seulement deux ans, sont réalisés le plus souvent dans le cadre de la mise en uvre de politiques budgétaires évitant tout traumatisme ; ces progrès, de même que les succès obtenus dans la lutte contre linflation doivent écarter, au moins dans limmédiat, la perspective dun « tour de vis » monétaire.
1.- Une poursuite de lassainissement financier qui ne doit pas contrarier la croissance
a) Une réduction des déficits publics plus progressive
Depuis le milieu des années 1990, les Etats membres de lUnion européenne ont considérablement accentué leurs politiques dassainissement budgétaire, principalement dans la perspective de la réalisation de la monnaie unique. Après avoir culminé à 6,1% du PIB en 1993, le besoin de financement moyen au sein de lUnion a été réduit de 4,1% à 2,3% du PIB entre 1996 et 1997, les efforts ayant été particulièrement marqués à ce moment, puis à 1,5% en 1998.
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BESOIN (-) OU CAPACITÉ (+) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(en % du PIB)
|
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1996
|
1997
|
Estimations 1998
|
Prévisions
1999
|
Scénario politiques inchangées 2000
|
Belgique
|
3,1
|
1,9
|
1,3
|
0,9
|
0,6
|
Danemark
|
0,9
|
0,4
|
0,8
|
2,8
|
2,9
|
Allemagne (a)
|
3,4
|
2,7
|
2,1
|
2,2
|
2,1
|
Grèce
|
7,5
|
- 3,9
|
2,4
|
2,1
|
1,9
|
Espagne
|
4,5
|
2,6
|
1,8
|
1,6
|
1,3
|
France
|
4,1
|
3,0
|
2,9
|
2,4
|
2,0
|
Irlande
|
0,3
|
1,1
|
2,3
|
2,5
|
3,1
|
Italie
|
6,6
|
2,7
|
2,7
|
2,3
|
2,1
|
Luxembourg
|
2,8
|
2,9
|
2,1
|
1,5
|
1,4
|
Pays-Bas
|
2,0
|
0,9
|
0,9
|
1,6
|
1,3
|
Autriche
|
3,7
|
1,9
|
2,1
|
2,0
|
1,9
|
Portugal
|
3,3
|
2,5
|
2,3
|
2,0
|
1,7
|
Finlande
|
3,1
|
1,2
|
1,0
|
2,5
|
2,7
|
Suède
|
3,5
|
0,7
|
2,0
|
0,3
|
1,8
|
Royaume-Uni
|
4,4
|
1,9
|
0,6
|
0,1
|
0,1
|
Union européenne
|
4,1
|
2,3
|
1,5
|
1,5
|
1,3
|
Eur-11
|
4,1
|
2,5
|
2,1
|
1,9
|
1,7
|
(a) Hors reprise de dettes et dactifs liés à lunification par le Gouvernement fédéral en 1995 (Treuhand, sociétés immobilières est-allemandes et Deutsche Kreditbank), représentant un total de 27,5 milliards de DM.
Source : Commission des Communautés européennes.
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Selon la Commission européenne, alors que jusquen 1996-1997, lassainissement résultait avant tout de mesures structurelles, lessentiel des progrès enregistrés lan dernier est imputable à une croissance plus forte que prévu et à la baisse des paiements dintérêts liés à la dette publique. Par ailleurs, on peut constater que, par rapport à lensemble de lUnion, le déficit moyen des pays de la zone euro est plus important (2,1% du PIB en 1998) et quil a diminué plus lentement lannée dernière.
La Banque centrale européenne (BCE) effectue la même analyse des évolutions en notant qu « en 1998, seule une croissance économique vigoureuse qui sest traduite par un taux de croissance du PIB réel significativement supérieur au taux de croissance tendanciel a contribué à une baisse supplémentaire du déficit, tandis que la composante structurelle du ratio de déficit marquait même une légère dégradation » ().
En ce qui concerne les prévisions pour 1999, la Commission européenne relève une croissance plus lente et des efforts dajustement budgétaire relativement modestes, qui devraient se solder, au niveau de lUnion, par le maintien du déficit moyen à 1,5% du PIB (). Les données présentées pour 2000, selon le scénario dit des « politiques inchangées », permettent descompter une contraction du déficit moyen, aussi bien dans lUnion européenne (à 1,3% du PIB) que dans la zone euro (à 1,7% du PIB contre 1,9% en 1999). Le solde budgétaire devrait rester excédentaire dans cinq Etats membres (Danemark, Irlande, Luxembourg, Finlande, Suède) et proche de zéro au Royaume-Uni.
La BCE estime, pour sa part, que le ratio dexcédent primaire devrait se stabiliser ou saméliorer de façon marginale en 1999 et en lan 2000, après sêtre légèrement dégradé en 1998.
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PRÉVISIONS DÉVOLUTION DES FINANCES PUBLIQUES
DE LA ZONE EURO
(en pourcentage du PIB)
|
|
1998
|
1999
|
2000
|
Solde budgétaire
Commission européenne (a)
OCDE (b)
Programmes de stabilité (c)
|
2,1
2,1
(d)
|
1,9
2
1,8
|
1,7
1,7
1,6
|
Solde budgétaire structurel
Commission européenne (a)
OCDE (b)
Programmes de stabilité (c)
|
2,1
1,6
(d)
|
1,8
1,3
|
1,7
1,2
|
Solde budgétaire primaire
Commission européenne (a)
OCDE (b)
Programmes de stabilité (c)
|
2,4
(d)
|
2,3
2,7
|
2,4
2,7
|
Dette publique brute
Commission européenne (a)
OCDE (b)
Programmes de stabilité (c)
|
73,4
(d)
|
72,6
72,5
|
71,2
72,4
71,3
|
(a) Prévisions économiques, printemps 1999.
(b) Perspectives économiques, édition provisoire, mai 1999.
(c) Estimations de la Commission européenne effectuées sur la base des programmes de stabilité des gouvernements.
(d) Les programmes de stabilité des Etats membres ne sappliquaient pas à lannée 1998.
Source : Banque centrale européenne.
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On remarquera que le rythme dassainissement prévu pour la France en 1999 et en 2000 est nettement plus rapide que la moyenne communautaire ou de la zone euro, même si le déficit public français reste à un niveau moyen relativement plus élevé.
Ainsi, en 1999, les déficits publics devraient être légèrement inférieurs aux 2,3% initialement prévus par la loi de finances et sétablir, en définitive, à 2,2% . En 2000, ils seraient de 1,8%, traduisant la régularité de leffort de réduction engagé depuis 1997.
Le ratio dette publique/PIB au sein de lUnion européenne, qui a culminé à 72,8% du PIB en 1996, devrait continuer à décliner régulièrement pour sétablir à 67% en 2000. En 1998, sept Etats membres, dont la France, présentaient un ratio de dette inférieur à la valeur de référence de 60% du PIB. Lévolution de la dette publique française présente néanmoins certaines particularités. Si elle a toujours été contenue en-dessous des 60% du PIB, sa croissance nen a pas moins été importante ces dernières années () . De 1994 à 1997, elle est, en effet, passée de 48,6% à 58,1% du PIB. Cette très forte progression est désormais nettement ralentie, avec un niveau estimé à 58,5% en 1998. Le niveau de la dette devrait atteindre un point haut en 1999, même sil résulte dune croissance de lendettement beaucoup plus faible quauparavant (+0,8 point de PIB contre +4,2 points de PIB en 1995, par exemple), puis décroître légèrement en 2000, traduisant le retour à la maîtrise de la dette publique, après les dérapages préoccupants observés précédemment.
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DETTE BRUTE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES (a)
(en % du PIB)
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1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
Estimations 1998
|
Prévisions 1999
|
Scénario politiques inchangées 2000
|
Belgique
|
135,1
|
132,2
|
128,0
|
123,4
|
117,3
|
113,4
|
109,7
|
Danemark
|
76,5
|
72,1
|
67,4
|
63,6
|
58,1
|
54,7
|
50,4
|
Allemagne
|
49,9
|
58,3
|
60,8
|
61,5
|
61,0
|
61,2
|
61,2
|
Grèce
|
109,3
|
110,1
|
112,2
|
109,4
|
106,5
|
105,4
|
103,8
|
Espagne
|
61,3
|
64,2
|
68,6
|
67,5
|
65,6
|
64,7
|
62,4
|
France
|
48,6
|
52,8
|
55,7
|
58,1
|
58,5
|
59,3
|
59,2
|
Irlande
|
86,5
|
78,9
|
69,4
|
61,3
|
52,1
|
42,6
|
34,5
|
Italie
|
125,7
|
125,3
|
124,6
|
122,4
|
118,7
|
116,0
|
112,6
|
Luxembourg
|
5,5
|
5,8
|
6,3
|
6,4
|
6,7
|
7,6
|
8,1
|
Pays-Bas
|
77,8
|
79,0
|
77,0
|
71,2
|
67,7
|
67,0
|
65,4
|
Autriche
|
65,6
|
69,4
|
69,8
|
64,3
|
63,1
|
62,7
|
62,0
|
Portugal
|
63,8
|
65,9
|
64,9
|
61,7
|
57,8
|
55,8
|
54,2
|
Finlande
|
59,6
|
58,1
|
57,8
|
54,9
|
49,6
|
46,2
|
43,1
|
Suède
|
79,3
|
78,0
|
77,2
|
76,9
|
75,2
|
69,7
|
65,2
|
Royaume-Uni
|
50,6
|
53,0
|
53,6
|
52,1
|
49,4
|
47,7
|
45,7
|
Union européenne
|
67,8
|
70,9
|
72,8
|
71,7
|
69,7
|
68,6
|
67,0
|
Eur-11
|
69,5
|
72,9
|
75,3
|
75,1
|
73,4
|
72,6
|
71,2
|
(a) Selon lancien système européen de comptabilité nationale (SEC 79).
Source : Commission des Communautés européennes
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b)
afin de ne pas remettre en question la reprise économique
Aussi bien la Commission européenne que la BCE déplorent les évolutions récentes en matière de déficits publics, quelles considèrent comme un ralentissement non souhaitable de lassainissement budgétaire. Pourtant, si la réduction des déficits et de lendettement publics sont évidemment nécessaires, afin de restaurer les marges de manuvre nécessaires en cas de retournement de la conjoncture, il importe aussi de ne pas considérer la réduction des déficits publics comme le seul but de la politique budgétaire. Cet objectif aussi important soit-il ne saurait être poursuivi sans prendre en considération la conjoncture économique. Rien ne serait plus contre-productif, au bout du compte, quune politique à marche forcée, risquant de remettre en question la reprise, et, par là même, la croissance de lemploi.
Le programme français pluriannuel de finances publiques à lhorizon 2002, notifié à la Commission européenne début janvier 1999, répond donc à un double impératif : assainir les finances publiques sans pour autant brider la croissance économique ni renoncer au financement des priorités politiques. Ce programme constitue, en quelque sorte, le cadre pluriannuel dans lequel sinscrit le présent projet de loi de finances.
Le tableau ci-après rappelle lensemble des hypothèses et prévisions de cette programmation.
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HYPOTHÈSES ET PRINCIPAUX RÉSULTATS DU PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES
(en % du PIB)
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Hypothèse prudente
|
Hypothèse favorable
|
Croissance annuelle du PIB (2000-2002)
|
2,5
|
3
|
Croissance cumulée des dépenses en volume, 2000-2002
|
|
Administrations publiques
|
3
|
Etat
|
1
|
Administrations sociales
|
4,6
|
Assurance maladie
|
3,5
|
Retraites
|
6
|
|
1998
|
1999
|
2002
Hypothèse prudente
|
2002
Hypothèse favorable
|
Déficit public
|
2,9
|
2,3
|
1,2
|
0,8
|
Dette publique
|
58,2
|
58,7
|
57,6 (a)
|
55,6 (a)
|
Dépenses publiques
|
54,3
|
53,5
|
51,5
|
50,6
|
Taux de prélèvement obligatoire
|
45,9
|
45,7
|
45,2
|
44,9
|
(a) Dette nette des dotations au Fonds de réserve des retraites provenant des excédents des régimes sociaux. La dette brute en pourcentage du PIB serait respectivement de 58,4% (hypothèse prudente) et 57,2% (hypothèse favorable).
Source : Ministère de léconomie, des finances et de lindustrie.
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En matière de croissance, deux hypothèses ont été retenues. La première est la plus favorable, avec une progression du PIB de 3% par an de 2000 à 2002. La seconde se fonde sur une croissance de 2,5% par an en moyenne, du fait du déficit dactivité accumulé précédemment.
Ainsi, la croissance cumulée des dépenses de lEtat sétablirait à 1% en volume sur la période considérée. Leffet de la baisse des taux dintérêt et la stabilisation, puis la décrue, du ratio dette/PIB permettront denregistrer des économies substantielles sur la charge de la dette. Répondant aux objectifs fixés dès juin 1997, ce cadre permet la mise en place et la montée en charge des grands chantiers de la législature que sont les emplois jeunes, la lutte contre les exclusions et la réduction du temps de travail.
Lexécution de ce plan suppose que soit maîtrisée lévolution des dépenses de sécurité sociale, et tout particulièrement des dépenses dassurance maladie, afin de dégager des marges de manuvre suffisantes en vue de faire face aux conséquences du choc démographique des années 2005-2010 sur les régimes de retraite. Enfin, selon les projections du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, les administrations publiques locales devraient conserver une capacité de financement comprise entre 0,2 et 0,3 point de PIB entre 1999 et 2002.
Sagissant des déficits publics, lobjectif affiché est de passer des 2,3% du PIB prévus pour 1999 à un niveau compris entre 1,2% (hypothèse prudente) et 0,8% du PIB (hypothèse favorable) en 2002. Cette réduction progressive bien en deçà du niveau maximum de déficits publics autorisés (3%) est indispensable pour disposer des marges de manuvre nécessaires en cas de dégradation de la conjoncture.
Enfin, la dette publique devrait être ramenée à 57,6% ou 55,6% () du PIB, selon les hypothèses retenues, soit un niveau inférieur au ratio de 60% dette publique/PIB prévu par le traité de Maastricht. On rappellera que, si ces dernières années, ce ratio a toujours été respecté, il nen reste pas moins que la dette a progressé de façon significative de 1993 à 1997. Les objectifs du programme pluriannuel marquent donc une véritable rupture.
Cette politique budgétaire nationale ne peut cependant obtenir tous ces effets que dans la mesure où la politique monétaire, désormais définie par la BCE, maintienne la nécessaire souplesse que la faiblesse de linflation rend possible.
2.- Des perspectives dinflation modérées qui laissent espérer la poursuite dune politique monétaire accommodante
a) Une inflation historiquement basse
· Amorcé depuis déjà de nombreuses années, le processus de désinflation en Europe a connu une nouvelle étape en 1998.
Comme lindique le tableau ci-dessous, linflation au sein de lUnion européenne, mesurée par le déflateur de la consommation privée, est passée de 2,1% en 1997 à 1,5% en 1998.
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LINFLATION DANS LUNION EUROPÉENNE
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Printemps 1999
Prévisions
|
Différence avec
automne 1998
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1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
1998
|
1999
|
2000
|
Déflateur consommation privée
Déflateur du PIB
Salaires par tête
Coûts salariaux unitaires
Prix des biens importés
|
3,0
3,0
3,4
1,6
4,1
|
2,7
2,4
3,5
1,9
0,3
|
2,1
1,8
3,0
0,8
0,8
|
1,5
1,9
2,3
0,5
- 2,1
|
1,3
1,7
2,9
1,6
- 0,2
|
1,6
1,8
3,1
1,2
1,8
|
- 0,1
0,1
- 0,1
- 0,1
- 0,6
|
- 0,4
- 0,4
- 0,3
- 0,1
- 0,2
|
- 0,2
- 0,2
- 0,1
- 0,2
0,1
|
Source : Commission européenne, prévisions économiques pour 1999-2000, Economie européenne, avril 1999.
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La baisse des prix des biens importés a été particulièrement importante (- 2,1%) et a tiré linflation davantage vers le bas que ce qui avait été initialement prévu. Cette évolution explique dailleurs lampleur de lécart observé entre les prix à la consommation et le déflateur du PIB, ce dernier nincorporant pas les importations.
La faiblesse de linflation a été très marquée sur la fin de 1998 et le début de 1999. En janvier 1999, le glissement annuel des prix à la consommation au sein de lUnion européenne était tombé à 0,9%, voire au-dessous de 0,5% dans plusieurs Etats membres. Ces évolutions avaient engendré débats et inquiétudes sur la possibilité dune entrée dans une phase déflationniste. Toutefois, les très faibles niveaux dinflation alors observés étaient directement liés à la faiblesse des prix des biens importés, cette dernière résultant à la fois de la crise asiatique et du niveau très bas des prix des matières premières et de lénergie. Au sein de lUnion, linflation sous-jacente (cest-à-dire sans tenir compte des produits à prix volatils et des tarifs publics) a été estimée à environ 1,2% en 1998.
Parmi les Etats membres, la France a enregistré lun des résultats les plus performants. La hausse moyenne des prix à la consommation, hors tabac, sest établie à 0,6% (1% hors énergie). La fin de lannée 1998 a constitué un point bas, avec un indice des prix hors tabac en glissement annuel ne sélevant quà 0,3%. Le rapport sur les comptes de la Nation de lannée 1998 note ainsi quil faut remonter 45 ans en arrière pour retrouver une hausse plus faible entre deux mois de décembre.
Cette faible inflation sinscrit dans un mouvement de long terme, puisque depuis trois ans, les prix sont restés en deçà dun rythme annuel de 2%. Toutefois, linflation sous-jacente reste globalement stable avec + 0,7% en 1997 et + 0,8% en 1998. Ainsi, le ralentissement observé sexplique principalement par des facteurs externes, la baisse du dollar sajoutant à la chute des prix des matières premières consécutive à la faiblesse de la croissance mondiale. Sagissant des prix des produits intermédiaires, leur baisse sexplique par une accentuation de la concurrence internationale.
· Pour 1999, les prévisions font apparaître une poursuite du mouvement de désinflation. La Commission européenne estime, dans ses prévisions économiques du printemps dernier, que linflation devrait sacheminer vers le niveau historiquement bas de 1,3%. En ce qui concerne 2000, la prévision a été rectifiée à la baisse par rapport aux prévisions dautomne 1998, avec un niveau ramené à 1,6% au lieu de 1,8%.
Ces chiffres illustrent la convergence des mouvements affectant les prix dans lUnion. Par delà les mouvements plus ou moins erratiques pouvant affecter les prix pétroliers, ce haut degré de stabilité des prix semble destiné à perdurer, sous leffet de plusieurs facteurs.
Ainsi, après avoir fortement contribué à la désinflation, les augmentations nominales de salaires dans la zone euro devraient rester contenues aux alentours de 3% en 1999 et 2000. Le chômage, malgré sa diminution progressive, reste, en effet, élevé et il existe encore une marge importante avant que sa réduction ne provoque des tensions sur les coûts salariaux unitaires et sur les prix. De plus, les réserves de productivité que recèlent les nouvelles technologies ne laissent guère entrevoir, dans un avenir proche, de possibilités dinflation salariale.
Le régime actuel dinflation se caractérise par ailleurs, notamment, par la baisse des prix relatifs de lindustrie. Le décrochage des prix industriels par rapport à lindice général des prix est net dans la zone euro depuis la fin de 1997. Un certain nombre de facteurs structurels, tels que la concurrence aiguë au niveau mondial et laccentuation de cette concurrence au sein de la zone euro du fait de la monnaie unique, laissent entrevoir une persistance de ce mouvement.
Soumise à ces facteurs, la France constitue lun des pays de la zone euro ayant le plus faible taux dinflation observé et attendu.
En effet, si le glissement annuel de lensemble des prix à la consommation sest légèrement accru dans la première moitié de lannée 1999, leur niveau reste faible. Ainsi, en glissement annuel, la progression de lindice des prix hors tabac a été de 0,3% en juillet et dun rythme identique pour lensemble des prix à la consommation hors énergie. Sur les trois derniers mois précédant juillet, ces prix ont même respectivement baissé de 0,3 et 0,4%.
Selon lINSEE, linflation sous-jacente reste stable, autour de 0,8%. Au second semestre, laccroissement des prix de lénergie devrait ramener le glissement annuel densemble au niveau de cette inflation sous-jacente. La hausse des prix de lénergie est, en effet, tirée par les cours du pétrole, qui, comme on la vu ci-avant, ont fortement progressé. Au second semestre, les effets différés de laugmentation des cours du pétrole se traduiraient par une poursuite de laugmentation du prix des produits pétroliers, dont le glissement annuel sétablirait à 5,2% en fin dannée. Ainsi, le glissement annuel des prix de lensemble de lénergie sétablirait à + 0,7% en décembre, alors quil était de 1,7% en mai.
Dans lensemble, aussi bien au sein de la zone euro quen France, un consensus se manifeste, concluant à une poursuite de la désinflation. Ces évolutions passées et anticipées sont bien entendu déterminantes pour les fluctuations des taux dintérêt.
b) Une évolution jusquà présent favorable du niveau des taux dintérêt
En 1998, les marchés financiers avaient été fortement influencés par les turbulences en provenance dAsie, de Russie et dAmérique latine. Lannée 1999 sest engagée sous des auspices plus favorables, qui ont permis à la détente des taux dintérêt de se poursuivre en Europe, et plus particulièrement au sein de la zone euro.
· Sagissant des taux dintérêt à court terme au sein de la zone euro, leur convergence aux alentours de 3% en décembre 1998 a représenté une diminution substantielle par rapport aux niveaux observés un an plus tôt. Lors de sa prise de fonction début janvier dernier, la BCE a décidé de fixer à 3% le taux applicable à ses opérations de refinancement, ce qui conduit à des taux de marché monétaire à trois mois dun montant équivalent. Hors de la zone euro, les taux courts ont également baissé en Europe, même si ceux du Royaume-Uni se sont maintenus à un niveau sensiblement supérieur à celui de la zone euro. Enfin, la Réserve fédérale a procédé à trois baisses successives de 25 points de base à chaque fois, ramenant un peu au-dessous de 5% le niveau des taux à trois mois.
Dans la zone euro, les taux dintérêt à long terme ont suivi le même mouvement de baisse, les rendements des obligations dEtat à dix ans atteignant des points bas historiques proches de 3,75% début 1999. Parmi les facteurs expliquant cette évolution, lun est dorigine externe. La crise financière en Asie a, en effet, déclenché un phénomène de « fuite vers la qualité » qui a profité aux marchés européens. Un facteur institutionnel a également joué un rôle non négligeable : la perspective de réalisation de leuro a progressivement éliminé les primes de risque liées à lincertitude sur les taux de change. Enfin, lassainissement budgétaire et la stabilité avérée des prix ont nettement réduit les anticipations inflationnistes.
Ce mouvement à la baisse des taux longs a pu être observé en 1998 dans lensemble des économies européennes, mais aussi aux Etats-Unis et au Japon. Toutefois, depuis le début de 1999, un certain découplage des situations entre ces trois zones économiques et monétaires est à luvre.
· Au sein de la zone euro, le mouvement de diminution des taux courts sest poursuivi en 1999. En effet, le 8 avril dernier, la BCE a procédé à une réduction de ses trois taux directeurs. Le taux des principales opérations de refinancement a été ramené de 3% à 2,5%, celui du prêt marginal de 4,5% à 3,5% et, enfin, le taux de facilité de dépôts a été diminué de 0,5 point, passant ainsi à 2,5%. Lampleur de cette souplesse monétaire, peu anticipée, a permis une détente des rendements courts. La BCE a ainsi souhaité éviter tout retournement de la croissance en Europe, craignant quun choc extérieur ne débouche sur une chute des investissements et de la confiance des agents économiques. Cette décision a contribué efficacement à soutenir l'activité et à conforter les anticipations de « sortie du trou dair ».
Inversement, la détente des taux à long terme sest interrompue, principalement en raison de la moindre importance des facteurs externes, tels que les crises asiatique et brésilienne. La remontée des taux longs est cependant restée limitée en Europe au premier semestre. Ainsi, le taux à dix ans a progressé de 0,2 point de décembre 1998 à mai dernier.
Cette relative stabilité contraste nettement avec les évolutions constatées aux Etats-Unis, où le taux à dix ans a progressé de près dun point au premier semestre de 1999. Les marchés ont, en effet, anticipé un resserrement de la politique monétaire causé par une possible résurgence de linflation. De fait, une première hausse dun quart de point des taux par la Réserve fédérale est intervenue fin juin. Fin août, celle-ci a, pour la seconde fois, décidé de relever dencore un quart de point son taux interbancaire (porté à 5,25%), mais aussi le taux descompte, qui est passé de 4,5% à 4,75%, alors quil était resté inchangé depuis le 17 novembre 1998.
Cette politique résulte des inquiétudes vis-à-vis dune surchauffe éventuelle de léconomie américaine, entraînant une reprise de linflation. Les tensions sur le marché du travail et la possibilité dune inflation par le biais de la hausse des actifs financiers ont été mises en avant pour justifier le relèvement des taux décidé fin août 1999. Alors quun troisième resserrement monétaire était anticipé début septembre, la croissance, moins élevée que prévu, des créations demploi semble éloigner (temporairement ?) la perspective dune nouvelle hausse des taux. Dans ses perspectives économiques pour 1999-2000, présentées en mars dernier, REXECODE retenait un ralentissement spontané et progressif de lactivité aux Etats-Unis permettant de réamorcer une baisse des taux longs et évitant une correction forte de Wall Street. Linstitut précisait cependant qu « un autre scénario est à peine moins probable ». On ne saurait mieux souligner combien lévolution future de la politique monétaire américaine reste incertaine.
Cela est dautant plus préoccupant que les évolutions susceptibles dintervenir outre-Atlantique pourraient influencer les décisions de politique monétaire en Europe. Certes, malgré les tensions sur les taux américains, la BCE a annoncé le 26 août dernier quelle maintenait inchangés ses taux dintérêt. Le taux de refinancement est donc resté fixé à 2,5%, soit le même niveau depuis la baisse davril.
Le 9 septembre dernier, ce statu quo sest prolongé, M. Wim Duisenberg déclarant quune tendance a un resserrement « se fait jour et continue de se faire jour à une vitesse descargot ». Si rien nest donc exclu, il convient de souligner que les taux dinflation restent particulièrement bas au sein de la zone euro et que la reprise actuelle nécessite dêtre soutenue par une politique monétaire ne faisant pas de toute perspective dinflation, aussi ténue soit-elle, un prétexte à une hausse des taux, préjudiciable en définitive à la croissance et à lemploi. Lors de sa réunion du 7 octobre dernier, la BCE a maintenu le statu quo en matière de taux, afin de préserver la reprise de la croissance, tout en annonçant un possible resserrement monétaire dans les prochains moins si des tensions inflationnistes venaient à se manifester.
On rappellera à cet égard quoutre ces effets positifs sur les possibilités dinvestissement, la détente des taux dintérêts explique pour partie lévolution des taux de change depuis le lancement de leuro. En effet, alors que leuro séchangeait aux alentours de 1,17 dollar en janvier 1999, la monnaie européenne sest affaiblie tout au long de lexercice. Après avoir atteint un point bas aux alentours de 1,03 dollar en juin et en juillet dernier, elle a amorcé une remontée à des niveaux compris entre 1,05 et 1,1 dollar, mais marquée par une grande volatilité. Cette évolution de la parité de leuro est liée à plusieurs facteurs : lécart important et persistant de conjoncture entre les Etats-Unis et lEurope, celui entre les taux dintérêts à long terme favorisant le dollar et leffet des incertitudes liées à la guerre du Kosovo. Selon la Banque centrale européenne, début juin 1999, le taux de change effectif nominal sétablissait à environ 8% en dessous de son niveau au moment de lintroduction de leuro. La compétitivité des produits et services européens sur le marché mondial a donc été confortée, ce qui plaide, une fois encore, pour le maintien dune politique monétaire prenant en compte les véritables besoins de la zone euro.
C.- LES BUDGETS ÉCONOMIQUES POUR 2000
La Conférence économique annuelle sest réunie le lundi 11 octobre 1999, afin dexaminer les budgets économiques pour 2000. Cette séance a été précédée, selon lusage, par la réunion dun « groupe technique » destinée à confronter les prévisions du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie à celles des principaux instituts de conjoncture et dimportantes institutions financières.
En septembre 1998, lors de la précédente édition de cet exercice annuel, lopinion des économistes était assombrie par la crise russe (août 1998) et la « génération spontanée » de scénarios plus ou moins pessimistes qui envisageaient lapparition dune nouvelle crise en Asie et sa diffusion à léconomie mondiale par le biais dune récession passagère, dune dépression durable ou dun effondrement dévastateur.
En septembre 1999, lheure est plutôt à loptimisme. Léconomie mondiale a fait la preuve de sa résistance à la grave crise financière du second semestre de 1997. Les pays industriels nont été affectés que de façon passagère, à lhiver 1998 et au printemps 1999, par les répercussions de la crise en Asie. Enfin, si lavènement de la monnaie unique européenne a été légèrement terni par une dépréciation continue de leuro au cours du premier semestre de 1999, celle-ci tient avant tout au différentiel de conjoncture entre lEurope et les États-Unis phénomène éminemment passager et non à une quelconque faiblesse structurelle de leuro.
Ce sont donc des échanges assez dépassionnés qui ont animé la réunion du groupe technique : les lignes de force de lannée 2000 ne suscitent pas grand débat, même si des appréciations divergentes peuvent parfois distinguer, sur des points particuliers, des analyses globalement similaires.
1.- Un scénario international « peint de couleurs plus vives »
Qualifié de « gris et constrasté » par la direction de la prévision lors de lexercice conduit en septembre 1998, le scénario international apparaît en septembre 1999 « peint de couleurs plus vives ». La prévision de croissance de léconomie mondiale en 1999, qui sétablissait à 2% au début de lannée, a été révisée en hausse à 2,5%, sous leffet du dynamisme persistant de léconomie américaine, du rebond observé au Japon et de la confirmation dune sortie de crise accélérée dans certains pays dAsie. De même, la prévision de croissance relative à lannée 2000 a été relevée de 2,5% à 3%, ce mouvement traduisant essentiellement, pour la direction de la prévision, le retour de la demande mondiale sur sa trajectoire de long terme.
Cependant, plusieurs points dinterrogation subsistent, qui touchent à lévolution future des économies américaine et japonaise et question plus nouvelle au comportement des prix pétroliers.
a) Remous sur le brent : le retour de la question pétrolière ?
Le scénario macro-économique de la direction de la prévision table sur un prix du pétrole de 16,5 dollars par baril en 1999 et de 18 dollars par baril en 2000. Ces prévisions sont confirmées par les analyses des instituts de conjoncture et des institutions financières : le décalage observable entre les prévisions du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie et les valeurs moyennes calculées sur lensemble du panel (19,5 dollars par baril en 1999 et 20,3 dollars par baril en 2000) sont, en fait, imputables au Crédit Lyonnais, au Crédit agricole, au Centre de prévision de LExpansion et à lAssociation française des économistes dentreprise (AFEDE), qui expriment leur prévision en termes de prix constatés en fin dannée et non en termes de prix moyens sur lannée.
En effet, lannée 1999 a vu une remontée significative des prix du pétrole. « Nous nous sommes tous trompés » reconnaissait M. P. Chalmin, représentant la Société française dassurance et de crédit (SFAC) mais surtout spécialiste des marchés de matières premières. Le prix du pétrole sétablissait à environ 10 dollars par baril au début de 1999, niveau jugé déprécié par la quasi-totalité des analystes. En conséquence, les prévisions de prix tablaient sur un niveau de 15 dollars par baril environ en fin dannée.
Or le prix du baril atteint près de 24 dollars par baril à la fin du mois de septembre 1999. « On a sous-estimé la capacité de lOPEP à diminuer sa production et ses exportations » estime M. P. Chalmin. Les réductions de quotas annoncées ont été respectées à près de 90%, ce qui a entraîné une diminution de loffre de près de 3,5 millions de barils par jour. Parallèlement, la reprise mondiale a suscité une augmentation de la demande de pétrole de plus de 2% au premier semestre de 1999, soit une demande supplémentaire de 2 millions de barils par jour. Or, rappelle M. P. Chalmin, « ces mouvements doffre et demande concernent un marché de matières premières ; ces marchés sont toujours très instables ».
Cependant, les niveaux actuels ne paraissent pas, de lavis général, pouvoir être soutenus pendant de longs mois. Le Bureau dinformations et de prévisions économiques (BIPE) a présenté les prix prévisionnels les moins élevés : 14,9 dollars par baril en 1999 et 16,3 dollars par baril en 2000. « Ces prévisions reposent sur lévaluation de prix déquilibre à long terme », précise le BIPE, qui situe ce prix dans une large fourchette allant de 15 à 20 dollars par baril. Lanalyse en termes de prix déquilibre est partagée par la SFAC, qui place celui-ci à lintérieur dune fourchette de 15 à 18 dollars par baril.
Pour autant, les déterminants à court terme du prix du pétrole ne permettent pas, pour la SFAC, denvisager un retour au prix déquilibre dès lannée 2000. En effet, le succès de la politique de réduction de loffre décidée par lOPEP renforce la crédibilité de ce cartel et sa capacité à encadrer mieux que par le passé ses membres les plus indisciplinés. Par ailleurs, un assouplissement de la politique des quotas est peu probable à lhorizon de la prochaine réunion des ministres de lOPEP, programmée pour le 22 mars 2000. Lune des clefs dun éventuel assouplissement réside aux États-Unis, qui entreront en année électorale en 2000. Or les États pétroliers américains, notamment le Texas, ont un poids électoral important et saccommodent fort bien dun prix du pétrole soutenu.
La SFAC estime, en conséquence, que le prix du baril devrait rester aux environs de 25 dollars par baril jusquà la réunion du 22 mars 2000 au moins, puis décliner par la suite, mais modérément. Le prix en fin dannée pourrait sétablir, dans ces conditions à 20 dollars par baril.
Le Crédit agricole, pour sa part, avance une hypothèse très différente : il voit le prix du pétrole sétablir à 30 dollars par baril à la fin de lannée 2000, après sêtre situé sur une tendance haussière tout au long de lannée. Cette évaluation singulière se fonde sur les perspectives de croissance de léconomie mondiale en 2000, qui devraient susciter des tensions sur le marché du pétrole par le biais dun accroissement significatif de la demande. En effet, selon les termes employés par M. G. Maarek, la conjoncture se caractérisera, en 2000, par la « mise en résonance des trois grandes zones dactivité de léconomie mondiale les États-Unis, lEurope et lAsie pour la première fois depuis 1990 ».
Cette argumentation nest, en définitive, pas partagée par la majorité des participants au groupe technique. On observera que le Crédit agricole est également lauteur de la prévision de loin la plus optimiste pour la croissance japonaise en 2000.
b) Le pays du Soleil levant, point obscur des prévisions
La majeure partie des analystes ne croit pas à la reprise de léconomie japonaise. Tous saccordent à penser que les performances remarquables mesurées au premier trimestre de 1999 ne sont quun feu de paille, dailleurs ramené à de plus justes proportions au vu des premiers résultats relatifs au second semestre de 1999. Daucuns sinterrogent même sur la fiabilité des statistiques publiées au Japon.
· En tout état de cause, lampleur des incertitudes relatives à la situation économique japonaise transparaît au vu de la dispersion des chiffres relatifs aux taux de croissance pour les années 1999 et 2000 fournis par les participants au panel. Déjà, lopinion « moyenne » du panel sécarte sensiblement des prévisions du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie : le panel envisage un taux de croissance de 0,75% en 1999 et 0,55% en 2000 ; la direction de la prévision évalue à 1% et 0,1% les taux de croissance pour ces mêmes années. Pour le premier, léconomie japonaise ralentit, mais modérément ; pour le second, le freinage est plus marqué.
Les divergences dappréciation saccroissent lorsque les participants au panel sont répartis entre les « instituts de conjoncture », qui tablent sur une quasi-stabilité entre 1999 (un peu plus de 0,6% de croissance pour le PIB) et 2000 (un peu moins de 0,6% de croissance), et les « institutions financières » : plus optimistes sur 1999 (croissance de 0,9%), elles sont plus pessimistes sur 2000, avec un taux de croissance ramené à 0,5%.
Mais la répartition des membres du panel en deux catégories est encore trop globalisante. Quy a-t-il de commun, en effet, entre lanalyse effectuée par le Service des études et recherches de la Caisse des dépôts et consignations qui prévoit une évolution de + 0,6% en 1999 et 0,8% en 2000 et celle du Centre dobservation économique de la Chambre de commerce et dindustrie de Paris qui voit au contraire une accélération de la croissance entre 1999 (+ 1%) et 2000 (+ 1,4%) ? Le BIPE, pour sa part, présente un schéma encore différent : à une récession en 1999 ( 1%) succéderait une croissance « molle » en 2000 (+1%).
Les mêmes divergences apparaissent entre les banques et institutions financières. La BNP, le Crédit Lyonnais ou encore Paribas prévoient une stabilisation de la croissance : 1% en 1999 et 2000 pour la première, 0,8% en 1999 et 2000 pour la deuxième, 0,6% en 1999 et 0,8% en 2000 pour la troisème. En revanche, la Société générale et JP Morgan envisagent un ralentissement sévère (de 0,9% en 1999 à 0,2% en 2000 pour la première, de 1,3% en 1999 à 0,4% en 2000 pour la seconde). Enfin, Morgan Stanley et le Crédit agricole sopposent radicalement : la banque française prévoit une accélération sensible de 1% en 1999 à 1,5% en 2000 ; linstitution américaine prévoit une lourde rechute, le taux dévolution du PIB passant de + 0,6% en 1999 à 1,2% en 2000.
Cette dispersion des évaluations recouvre, en fait, une dispersion équivalente sur les trois questions principales relatives à léconomie japonaise : limpact des réformes structurelles, les causes et conséquences de la récente hausse du yen, la possibilité denclencher enfin un processus de croissance auto-entretenu.
· Nul ne doute que le Japon sest, enfin, engagé sur le chemin difficile des réformes structurelles. M. H. Monet, pour la Société générale, estime que « la volonté est bien là, de supprimer les rigidités de léconomie japonaise ». Le Crédit agricole fait de la restructuration du secteur bancaire le fondement de son optimisme sur le Japon. Bien que les résultats ne soient pas encore visibles dans les statistiques macro-économiques, la restructuration du secteur bancaire permet de traiter le vrai problème : laccumulation des créances douteuses dont la résorption difficile met sous le boisseau la distribution de crédits nouveaux. Sans négliger le rôle du plan de recapitalisation mis en uvre par le gouvernement japonais, le Crédit agricole souligne, à cet égard, la contribution essentielle des institutions financières étrangères qui recapitalisent également les établissements japonais dans lesquels elles ont des participations.
Une analyse similaire est développée par le Centre dobservation économique de la Chambre de commerce et dindustrie de Paris (COE), qui voit dans la revitalisation des banques japonaises la clef du redémarrage futur de léconomie. Il ny a donc rien détonnant à ce que les prévisions de ces deux organismes se rejoignent si étroitement (cf. supra).
Cependant, rappelle lAFEDE, la restructuration bancaire est une condition nécessaire mais pas suffisante du retour de léconomie japonaise vers un rythme de croissance plus durablement soutenu. Il est très difficile, selon cet organisme, dévaluer le délai qui pourrait séparer le rétablissement définitif des banques et la remise en route des mécanismes normaux de distribution du crédit. Pour autant, la politique de réduction progressive des capacités excédentaires, notamment dans lindustrie, est encourageante.
Pour la SFAC, ces analyses sont peut-être « trop économiques et bancaires ». On oublie que la société japonaise est confrontée à une profonde crise didentité, qui pèse sur les comportements des agents et paralyse les mécanismes dajustement purement économiques. Doit-on se limiter, comme léconomiste américain P. Krugman, à voir dans un petit supplément dinflation la planche de salut du Japon dans les prochaines années, ou bien faudra-t-il à ce pays larrivée dun nouveau commodore Peary pour sortir de lenlisement ?
Ce à quoi M. G. Maarek (Crédit agricole) répond que « lorsque les analyses quittent le champ de léconomie pour aborder celui de la psychologie, cest le moment que choisissent les boursiers pour acheter ! »
· Faut-il donc « acheter du Japon » aujourdhui ? « La hausse du yen rend du pouvoir dachat international aux ménages japonais » estime le Crédit agricole. Cette appréciation est contestée par la Société générale, qui préfère voir, plus classiquement, dans la hausse du yen un facteur de diminution de la compétitivité des entreprises implantées au Japon : il sagit dun « coup sévère » porté à léconomie.
Le COE émet un jugement plus nuancé : lenvironnement extérieur asiatique du Japon est aujourdhui beaucoup plus favorable quil y a un an, ce qui se traduit dailleurs par une augmentation des exportations retracées dans les plus récentes statistiques. En fait, la hausse du yen ne devrait avoir que peu dimpact sur les échanges intra-asiatiques. Tout en admettant que la force du yen est un problème dans les relations du Japon avec les blocs américain et européen, lAFEDE estime également que les relations Asie-Japon ne devraient pas en être très affectées : « Aujourdhui, ce sont surtout les économies asiatiques qui vendent au Japon. Le Japon tire lAsie et non linverse ». LOFCE remarque, à cet égard, que la crise en Asie avait causé grand tort aux banques japonaises, mais que la reprise enregistrée en 1998 et 1999 devrait leur rendre des marges de manuvre.
Peut-être assistera-t-on alors à un rééquilibrage des flux de capitaux entrant et sortant du Japon. La BNP souligne que, depuis la fin des années quatre-vingt et pendant la quasi-totalité de la décennie quatre-vingt-dix, lexcédent courant japonais sest accompagné dune augmentation des sorties nettes de capitaux. Au contraire, depuis 1998, laugmentation de lexcédent courant doit être mise en parallèle avec une diminution très sensible des sorties nettes de capitaux, qui explique la récente hausse du yen. Les acteurs de ces mouvements sont les banques japonaises et les investisseurs étrangers, notamment les fonds de pension anglo-saxons.
Le mouvement dappréciation du yen peut-il se prolonger ? Non, estime la BNP, qui envisage une stabilisation de la parité yen-dollar aux environs de 115 yens pour un dollar. En effet, la confiance nouvelle des investisseurs sest déjà traduite par des réallocations de portefeuille importantes, tandis que les rapatriements de capitaux par les banques japonaises devraient se tarir à lhorizon de quelques trimestres, lorsque les bilans des établissements seront complètement consolidés et reconstitués.
LAFEDE estime que lengouement actuel pour le yen est un pari des investisseurs internationaux sur lorientation de la politique économique du gouvernement, favorisé par un certain attentisme des investisseurs japonais qui sinquiètent peut-être des risques encourus par léconomie américaine et ont été vraisemblablement échaudés par les moins-values provoquées par la diminution de la parité de leuro au cours du premier semestre de 1999.
Pour lAFEDE, le niveau actuel du yen est difficilement compatible avec un redressement rapide de léconomie : les exportations commencent à « patiner ». Dailleurs, lAgence de planification économique du gouvernement japonais évalue la parité de « point mort » pour les entreprises japonaise à 115-120 yens pour un dollar.
· Cest donc sur les facteurs internes que doit reposer le redémarrage ou la stagnation du Japon en 2000. Pour la direction de la prévision, le retour à la stagnation en 2000 résulte du manque de dynamisme de la demande privée et de lajustement encore inachevé du stock de capital. Avec des formes dexpression variées, cette analyse convient à la plupart des membres du panel.
Ainsi, lAFEDE juge que le processus de restructuration, positif à moyen terme, va peser sur la demande interne et justifie la mise en uvre par le gouvernement japonais dun nouveau plan de relance. Pour les autres membres du panel, également, la question nest pas de savoir si un plan de relance est nécessaire, mais si son financement pourra être assuré dans de bonnes conditions et si son impact sur léconomie sera autre chose quune impulsion ponctuelle.
Émettant un avis dissident, la SFAC sinterroge sur un mode volontairement provocateur : « un plan de relance de 1% du PIB
Pour quoi faire ? » Le pays est déjà sur-doté en équipements collectifs et un nouveau programme de travaux publics naurait quun effet dentraînement modéré. En fait, bien peu dorganismes croient que le prochain plan de relance aura la capacité de remettre enfin léconomie sur un sentier de croissance auto-entretenue.
Car cest bien là la question sous-jacente à lensemble des membres du panel : jusquà quand le Japon aura-t-il besoin dêtre maintenu sous la perfusion des dépenses publiques pour réamorcer enfin la demande privée ? Le déficit public a atteint un « niveau abyssal », lendettement des administrations saccroît de façon vertigineuse et le gouvernement a engagé avec la Banque du Japon un « bras de fer » pour que celle-ci contribue à leffort de soutien macro-économique, en monétisant la majeure partie de la dette publique nouvellement émise, selon lAFEDE. « Il ny aura pas de reprise durable au Japon malgré un probable plan de relance » estime, pour sa part, la Caisse des dépôts et consignations.
Lavenir de léconomie japonaise reste donc aujourdhui entouré dun épais halo dincertitudes, lié en grande partie à létroite imbrication des phénomènes structurels et conjoncturels et à la persistance de facteurs de blocage dont il est bien malaisé de prévoir la levée.
« Incertitude » est également le mot qui vient à lesprit lorsquil sagit de caractériser les perspectives de croissance des États-Unis à lhorizon 1999-2000.
c) Lénigme américaine
Dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 1999, votre Rapporteur général avait écrit « en un sens, pas plus que lon na su expliquer la vigueur surprenante de la croissance américaine durant les derniers semestres, pas plus on ne semble savoir, aujourdhui, exprimer précisément les déterminants et les répercussions des phénomènes économiques qui gouvernent le ralentissement programmé de la première puissance mondiale » (). Cette phrase pourrait être reproduite à lidentique aujourdhui.
Au fil des réunions semestrielles du groupe technique, les mêmes questions sont posées, qui ne reçoivent toujours pas de réponse satisfaisante ou dont les réponses sont, jusquici, toujours démenties par les faits.
Lidée centrale du scénario américain présenté par la direction de la prévision est, comme les années précédentes, un « atterrissage en douceur » de léconomie américaine. La stabilisation boursière au troisième trimestre de 1999 réduirait l « effet de richesse » dont bénéficient les ménages. Parallèlement, larrêt de la désinflation importée contribuerait aussi à ralentir la progression de la demande intérieure finale, notamment de la consommation des ménages. La croissance du PIB, évaluée à 4% en glissement en début dannée, reviendrait peu à peu à 2% en glissement en fin dannée. Ce scénario, souligne la direction de la prévision, met laccent sur la stabilité et rejette, à ce titre, lhypothèse dun ajustement boursier sévère à Wall Street. Cependant, il conduit à un ralentissement marqué du taux de croissance du PIB, qui revient de 3,8% en moyenne en 1999 à 2,1% en moyenne en 2000.
Ce ralentissement est moins brutal dans les estimations du panel : les instituts de conjoncture jugent que le taux de croissance du PIB pourrait revenir de 3,8% en 1999 à 2,6% en 2000, alors que les banques et institutions financières estiment que le taux de croissance en 2000 pourrait même atteindre 2,9%.
· Une fois encore, les analyses saccordent à considérer que la Bourse américaine est très nettement surévaluée et que la croissance est fondée sur des déséquilibres majeurs. Tous les indicateurs sont, peu ou prou, positifs et on ne décèle aujourdhui aucun signe de ralentissement, rappelle lAFEDE : « Un rythme de croissance du PIB de 4% par an suppose une croissance de la demande intérieure denviron 5 à 6% par an, ce qui est excessif. Mais comment freiner le système ? »
La BNP estime, pour sa part, que « le financement pernicieux de léconomie américaine a franchi un pas supplémentaire à la fin du premier semestre de 1998. On a vu à partir de cette date se multiplier les rachats dactions et exploser lendettement, sous la forme démissions obligataires ou de crédits bancaires ». Pour les ménages, également, lannée 1998 marque un tournant, avec le financement dune part plus importante des dépenses de consommation grâce aux ventes dactions et à la réalisation des plus-values latentes sur portefeuilles boursiers. « Jusquen 1996-1997, la hausse de Wall Street reposait sur lanticipation dune amélioration de certains indicateurs fondamentaux. Depuis 1998, des phénomènes pervers se sont installés, qui se traduisent dailleurs par une augmentation des spreads () entre les émissions dobligations privées et publiques ». Ces mécanismes, qui portent sur des masses financières importantes, ne sont pas tenables très longtemps, estime la BNP.
Le Crédit agricole préfère mettre laccent sur les aspects internationaux du financement de léconomie américaine. « Actuellement, la zone euro nest pas en compétition avec les États-Unis sur le marché international des capitaux ». LEurope est, dailleurs, exportatrice nette de capitaux. Quadviendra-t-il, cependant, si la croissance européenne sinstalle de façon durable sur un sentier plus élevé que celui enregistré les années passées ? L « harmonie de la croissance mondiale » est le phénomène majeur des années 1999-2000 et fait peser à ce titre une épée de Damoclès sur le financement de léconomie américaine. Entre un ajustement continu ou une rupture brutale de la valeur des actifs, leffet dun rééquilibrage des flux mondiaux de capitaux reste incertain, donc potentiellement dangereux.
Peut-être faut-il alors se pencher, comme le Centre de prévision de LExpansion, sur les explications possibles de la hausse spectaculaire de la bourse américaine ces dernières années. « La « nouvelle économie » est lalibi de la hausse de Wall Street ». Quels quen soient les fondements, cette « nouvelle économie » ne peut être quune appellation circonstancielle dun phénomène très classique : une augmentation soutenue et durable des gains de productivité. Or létude des déterminants de la productivité américaine suggère quil y a une très légère augmentation de la productivité du travail, mais quaucune tendance manifeste ne se dégage en matière de « productivité globale des facteurs » où devraient sexprimer le plus clairement les mécanismes prétendûment nouveaux sous-jacents à la « nouvelle économie ».
Selon la direction de la prévision, une récente étude des déterminants de la productivité américaine () ne montre pas dinflexion de tendance sur la productivité globale des facteurs. En revanche, elle met en évidence une diminution du NAIRU () qui pourrait se traduire par une augmentation provisoire de la croissance potentielle de léconomie.
· Les investigations effectuées par la direction de la prévision ne peuvent donc pas amener à considérer que les niveaux de capitalisation boursière atteints par les sociétés américaines sont justifiés au regard des fondamentaux économiques. Deux scénarios dajustement sont alors envisageables.
Le premier de ces scénarios se fonde sur un ajustement modéré de la valeur des actifs financiers aux États-Unis, qui ramène le taux de croissance du PIB au niveau moyen de 2,5% à 3% en 2000. Ce scénario recueille lassentiment de la plupart des participants au panel. Ceux-ci, cependant, nont pas été amenés à détailler précisément les déterminants de ce scénario « doux » au cours de la réunion du groupe technique. Seul le Centre de prévision de LExpansion a indiqué que le besoin de financement croissant des agents privés provoquerait une augmentation des tensions sur les taux à long terme, facteur considéré comme stabilisateur.
Le second scénario repose sur lapparition dun choc brutal dans la sphère financière. La principale inconnue relève donc de la réponse de la Réserve fédérale à ce choc et de sa capacité à épargner un ajustement trop brutal à léconomie réelle.
Pour lAFEDE, la Réserve fédérale est convaincue quil faut réduire au plus tôt les risques inhérents à la bulle financière actuelle. Mais labsence dinflation amène les gouverneurs de la Réserve fédérale à « chercher des prétextes » pour relever peu à peu leurs taux dintervention. Pour autant, le faible niveau dinflation procurerait justement à la Réserve fédérale des marges de manuvre importantes pour gérer un éventuel krach boursier.
Le Centre de prévision de lExpansion estime, pour sa part, que « la Réserve fédérale ne peut pas crever la bulle financière ». Il sinterroge même sur sa capacité à gérer au mieux la « marche arrière ». En effet, en cas de krach, la politique monétaire américaine lui apparaît prise dans un réseau de forces contradictoires. La diminution de la demande intérieure appellerait une diminution des taux dintérêt pour ranimer lactivité. Cependant, la diminution de la parité du dollar consécutive au ralentissement de lactivité nécessiterait une remontée des taux dintérêt pour combattre linflation importée.
Ainsi, léconomie américaine apparaît toujours aussi difficile à cerner que les années précédentes. Il ne fait pas de doute, cependant, que le contexte international est, à lhorizon 2000 beaucoup plus favorable quauparavant pour la zone euro dans son ensemble et pour la France en particulier.
2.- La zone euro : une accélération confirmée
Selon la direction de la prévision, la zone euro devrait voir la fin des turbulences observées au cours de lhiver 1998-1999. Les indicateurs de confiance des ménages et des entreprises, qui sétaient écartés sensiblement pendant plusieurs mois, ont convergé vers le haut : le choc externe na pas été amplifié par une contraction de la demande des entreprises.
a) Une croissance plus homogène
· Lannée 1999 est marquée par une certaine aggravation du contraste entre les économies européennes dynamiques et les économies allemande et italienne, plus languissantes. Pour la direction de la prévision, lannée 2000 devrait voir une réduction de ces contrastes, qui se traduirait notamment par une accélération de la croissance en Allemagne supérieure à celle prévue pour lensemble de la zone euro. Le taux de croissance du PIB en Allemagne passerait ainsi de 1,3% à 2,4% entre 1999 et 2000, soit une augmentation équivalente à 1,1 point de PIB alors que le taux de croissance de la zone euro naugmenterait que de 0,7 point de PIB, passant de 2% à 2,7%.
Les membres du panel envisagent également un rattrapage relatif de léconomie allemande : le taux de croissance saméliorerait à hauteur de 1,3 point de PIB alors que celui de la zone euro naugmenterait que de 0,9 point de PIB. Le panel est, par ailleurs, plus optimiste que la direction de la prévision, puisquil estime que le taux de croissance pourrait atteindre, en valeur absolue, 2,9% pour la zone euro et 2,7% pour lAllemagne.
Pourtant, la persistance décarts de croissance amène la direction de la prévision à sinterroger sur limpact sous-jacent de phénomènes plus structurels, touchant au fonctionnement des marchés et aux conditions de formation de leur équilibre, notamment sur le marché du travail.
LOFCE souligne la différence entre une France dynamique et une Allemagne et une Italie « empêtrées dans leurs problèmes structurels ». Selon lOFCE, la France bénéficie plus fortement de lassouplissement monétaire engagé en décembre 1998 et en avril 1999, car elle avait davantage souffert de la détérioration des conditions monétaires au cours de la décennie quatre-vingt-dix. Marquée par les dévaluations compétitives de la livre sterling britannique et de la lire italienne en septembre 1992, ainsi que par le maintien de taux dintérêt élevés dû au mode de financement de la réunification allemande, « la France a été contrainte à lajustement structurel plus tôt que ses deux principaux partenaires ».
LAllemagne souffre dun problème de compétitivité, la surévaluation du mark au moment de lentrée dans leuro ne pouvant plus être corrigée aujourdhui. En revanche, selon lOFCE, la politique daccompagnement de lemploi conduite en France notamment avec les emplois jeunes et la réduction de la durée du travail a notablement amélioré les conditions macro-économiques densemble. Par ailleurs, laugmentation soutenue de la population active en France se distingue clairement des évolutions enregistrées à cet égard en Allemagne et peut expliquer une partie de lécart actuel de croissance.
Le Centre de prévision de LExpansion valide dans ses grandes lignes la thèse du rattrapage français. « La France a été obligée de croître au-dessous de son potentiel de croissance pendant toute la décennie quatre-vingt-dix. La période actuelle voit un rattrapage bienvenu du déficit de croissance ». Cependant, le Centre de prévision de LExpansion souligne que le potentiel de croissance de léconomie a pu être diminué du fait du sous-investissement provoqué par les années de croissance ralentie.
In fine, la zone euro pourrait connaître, en 2000, une normalisation partielle de ses conditions générales de croissance. Lajustement de la politique monétaire devrait alors conduire à une augmentation des taux directeurs de la Banque centrale européenne. Une augmentation des taux directeurs de 50 à 75 points de base est envisageable.
· « La politique de la Banque centrale européenne au regard de la croissance est assez claire » estime lOFCE. Lévaluation du risque inflationniste est, cependant, conditionnée à une appréciation fiable du taux de chômage déquilibre. Or, justement, souligne lAFEDE, la Banque centrale européenne souhaite que lamélioration de la conjoncture et le retour de la croissance accélèrent lajustement structurel des finances publiques, mais, surtout, améliorent le fonctionnement du marché du travail et réduisent les rigidités qui empêchent un bon fonctionnement de ce marché.
Alors que la Banque centrale européenne (BCE) recherche la neutralité, cest la mesure même de cette neutralité qui peut être brouillée par les modifications structurelles à venir du marché du travail. Cependant, souligne lAFEDE, les marchés financiers nont pas apprécié les propos du président de la BCE en juillet 1999, quils ont interprété comme une réactivité excessive à la conjoncture. Il y a « un vrai problème de dialogue avec les marchés, mais aussi un véritable effort pour surmonter ces difficultés depuis le mois de septembre 1999 ».
Or une bonne compréhension entre la BCE et le marché est essentielle si lon veut une transmission efficace des impulsions de politique monétaire à lensemble de léconomie. La zone euro ne ressemble pas aux États-Unis : de lautre côté de lAtlantique, lécrasement de la courbe des taux qui est quasiment plate provoque une bonne sensibilité des taux longs aux ajustements de taux directeurs de la Réserve fédérale.
Par ailleurs, un certain doute subsiste encore sur le caractère achevé ou inachevé de la convergence entre les États membres de la zone euro. Le Crédit agricole estime, à cet égard, que la persistance dun différentiel de conjoncture entre les trois principales économies de la zone (lAllemagne, la France et lItalie) est « la conséquence directe et amplifiée de lintroduction de leuro ». En effet, une politique monétaire fondée sur une analyse de la situation moyenne de la zone a nécessairement un impact accélérateur sur les économies les plus dynamiques puisque les conditions monétaires ne sont pas assez restrictives, pour celles-ci et un impact dépressif sur les économies les moins avancées dans le cycle.
Les seules forces de rappel sont, selon le Crédit agricole, les tensions sur le marché du travail ou lapparition de crises bancaires. Sur le premier point, il semble que seule lIrlande soit actuellement confrontée à de véritables tensions. Dailleurs, linfluence stabilisatrice des tensions sur le marché du travail doit obéir à certains délais sur lon ne connaît pas très bien, pour lheure. Lapparition de crises bancaires nécessiterait la combinaison de nombreux facteurs défavorables, mais le Crédit agricole remarque laugmentation sensible du crédit dans certains pays (25 à 30% parfois) sans pour autant que ces pays aient été mentionnés explicitement lors de la réunion du groupe technique.
La vision de lunion monétaire développée par le Crédit agricole soppose à celle de la direction de la prévision. Pour le ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, « la politique monétaire doit contribuer à la resynchronisation des conjonctures ». Dans le scénario développé pour 1999 et 2000, cette resynchronisation seffectue dans le cadre dune appréciation prudente des perspectives macro-économiques, pour lAllemagne comme pour la France.
b) Léconomie française en 2000 : une croissance équilibrée
assise sur des fondamentaux solides
En septembre 1998, le colloque des conjoncturistes jugeait la direction de la prévision trop optimiste pour les perspectives françaises en 1999. En septembre 1999, la situation est inversée et certains, comme la Société générale, nhésitent pas à demander si le scénario de la direction nest pas « trop prudent ». Avec un taux de croissance du PIB évalué à 3% en moyenne, les instituts de conjoncture comme les banques et institutions financières se détachent quelque peu du chiffre de 2,8% retenu comme valeur centrale par le ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, qui constitue en fait le milieu de la fourchette officielle de prévision, fixée à lintervalle 2,6% 3%.
Les membres du panel se partagent assez nettement entre les optimistes qui envisagent des taux de croissance supérieurs à 3% et les sereins, qui se situent à lintérieur de la fourchette officielle. Si Paribas se montre le plus circonspect, avec un taux de croissance limité à 2,6% en 2000, JP Morgan étonne avec un taux « record » de 3,6%, suivi de près par lOFCE qui juge que le PIB français augmentera denviron 3,5% lan prochain.
En fait, les déterminants de la croissance français nont pas suscité de débats très nourris au sein du groupe technique. Votre Rapporteur général ne sait sil faut y voir la conséquence dun accord largement partagé sur les contributions respectives des différents secteurs à léconomie nationale ou, au contraire, la marque dune perplexité génératrice de retenue.
Il est vrai que les scénarios proposés par les différents membres du panel sécartent parfois sensiblement. En matière demploi, par exemple, il est clair que des différences dappréciation importantes séparent lOFCE du BIPE ou de la direction de la prévision :
lOFCE prévoit une accélération vigoureuse de lemploi total (+ 1,4% en 1999 et + 1,8% en 2000) et de lemploi salarié (+ 1,8% en 1999 et + 2,1% en 2000). En revanche, aucune évaluation nest faite de lévolution du pouvoir dachat de la masse salariale comme du pouvoir dachat du revenu disponible brut des ménages. Il aurait pourtant été intéressant de pouvoir « boucler » les prévisions relatives à lemploi avec le taux de croissance de la consommation des ménages et de linvestissement des ménages, qui sont respectivement égal et inférieur aux évaluations de la direction de la prévision ;
le BIPE envisage le maintien à un niveau modéré du taux de croissance de lemploi total (+ 0,9% en 1999 comme en 2000). La légère diminution du pouvoir dachat de la masse salariale comme du pouvoir dachat du revenu disponible brut des ménages explique peut-être la progression très légère du taux de croissance de la consommation des ménages, qui passerait de 2,5% en 1999 à 2,6% en 2000 ;
la direction de la prévision est également prudente en matière demploi total, quelle juge cependant dynamique, son taux de croissance sétablissant à 1,5% en 1999 comme en 2000. Dans ce contexte, la stabilité du pouvoir dachat du revenu disponible brut des ménages explique alors, peut-être, laccélération des dépenses de consommation, qui passeraient de 2,4% en 1999 à 2,7% en 2000.
Les facteurs dévolution de la principale composante de la demande intérieure restent donc quelque peu obscurs à lissue de la réunion du groupe technique. Tout au plus, certains participants se sont-ils interrogés sur la vigueur probable de linvestissement des entreprises et des ménages. Pour ces derniers, la BNP souligne que les évaluations relatives à 1999 reposent quasiment aujourdhui sur de « lacquis » et que la stabilité des délivrances de permis de construire comme les délais de construction permettent de cadrer dès aujourdhui avec une faible marge derreur les prévisions sur linvestissement des ménages en logement en 2000.
Pour autant, la Société générale sest interrogée sur lintégration dans le scénario officiel des 19 milliards de francs dallégement de TVA sur les travaux de rénovation, proposés dans le présent projet de loi de finances. La direction de la prévision a précisé que ces 19 milliards de francs avaient été répartis à hauteur des deux tiers sur la formation brute de capital fixe des ménages et à hauteur dun tiers sur la consommation des ménages. 10 000 emplois seraient créés du fait de la mesure en 2000, sous réserve, souligne lINSEE, dune élasticité favorable de la demande au prix des prestations. En effet, rappelle lINSEE, le bâtiment est aujourdhui le seul secteur où sont perceptibles des tensions sur les capacités de production. Il subsiste donc un risque que leffet positif de la mesure de baisse de la TVA soit absorbé par des réajustements de prix de la part des professionnels.
Les tensions sur les capacités de production ne sont certainement pas, selon lINSEE, la raison principale du dynamisme relatif de linvestissement envisagé pour 2000. En effet, le taux dutilisation des capacités de production est, globalement, supérieur à sa moyenne de long terme à lheure actuelle, mais il napparaît pas de réel goulot détranglement dans lindustrie. Les industriels ont intériorisé, semble-t-il, la thèse du « trou dair » développée au printemps dernier par le Gouvernement, et nont pas ralenti de façon significative leurs programmes dinvestissement.
Dans ces conditions, le phénomène classique de l« accélérateur dinvestissement » peut jouer à la marge, mais, remarque le Centre de prévision de LExpansion, les deux motivations essentielles de linvestissement aujourdhui sont peut-être plutôt lintégration des nouvelles technologies au sein de lappareil de production, dune part, et lamélioration de la productivité du travail nécessitée par lintroduction des « 35 heures ». Ainsi sexplique la prévision particulièrement élevée pour la croissance de linvestissement des entreprises, qui sétablit à 8,8% en 2000, à comparer à 5% pour la direction de la prévision (après 6% en 1999).
Au demeurant, la direction de la prévision estime que sa prévision dinvestissement est très prudente, fondée sur labsence de tensions dans lappareil de production et laugmentation de la productivité du capital depuis 1993. LOFCE affirme, cependant, que la productivité du capital est un concept aux implications complexes et que, par exemple, il paraît difficile dextrapoler pour les années à venir une poursuite de laugmentation de la durée dutilisation du capital semblable à celle observée ces dernières années, qui a ramené cet indicateur au niveau enregistré en 1973.
Les budgets économiques prévoient une diminution sensible du besoin de financement des administrations publiques, qui reviendrait de 2,2% en 1999 à 1,8% en 2000. Hormis Morgan Stanley, qui prévoit un besoin de financement égal à 2% du PIB en 2000, les prévisions de tous les membres du panel saccordent, à 0,1 point près, avec celles de la direction de la prévision. Cette harmonie peu fréquente relativise les écarts qui peuvent émailler, par ailleurs, les scénarios densemble développés par les membres du panel. Elle conforte votre Rapporteur général dans la confiance quil accorde au cadrage macro-économique associé par le Gouvernement au projet de loi de finances pour 2000.

EXTRAITS DES SCÉNARIOS MACRO-ÉCONOMIQUES PRÉSENTÉS PAR LES PRINCIPAUX ORGANISMES DE PRÉVISION
(septembre 1999)
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Budgets éco.
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BIPE
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CDC
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COE
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GAMA
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A.- Environnement international
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16,3
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17,1
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20,4
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18,0
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21,0
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17,5
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16,9
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18,0
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21,0
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25,0
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25,0
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20,0
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5,01
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5,30
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5,30
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4,80
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5,40
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5,20
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5,70
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5,80
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5,80
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5,00
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5,20
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3,8
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2,1
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3,3
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2,2
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2,1
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4,1
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2,6
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0,6
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1,0
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0,9
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0,8
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0,5
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1,07
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1,06
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1,09
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1,20
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1,06
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1,12
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1,07
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1,06
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1,08
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1,07
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1,09
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1,05
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1,15
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1,06
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1,15
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3,0
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5,7
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3,9
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6,6
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4,4
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6,2
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3,6
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8,9
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2,0
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8,5
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B.- Zone euro
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2,90
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2,80
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3,05
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2,80
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2,90
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2,80
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2,80
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2,80
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3,30
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2,65
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3,25
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2,70
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3,20
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1,1
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1,6
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1,2
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1,8
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0,9
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1,4
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1,1
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1,3
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1,0
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1,5
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1,1
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1,6
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1,0
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1,3
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2,0
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2,7
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1,9
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2,9
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2,1
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2,5
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2,0
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2,8
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1,9
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2,7
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2,1
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3,0
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2,7
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2,2
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3,0
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1,3
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2,4
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1,7
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2,9
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1,5
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2,4
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1,3
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2,7
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1,5
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2,6
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1,3
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2,7
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1,3
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2,8
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1,2
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2,5
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1,6
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2,6
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C.- Équilibre des biens et services (a)
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2,3
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3,0
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2,4
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2,7
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2,4
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3,0
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2,3
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2,3
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2,8
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2,6
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3,5
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2,4
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2,8
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2,5
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3,0
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2,4
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2,7
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2,5
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2,6
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2,4
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2,5
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2,4
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2,9
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2,4
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2,2
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2,4
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2,5
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2,7
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2,4
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2,4
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2,5
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2,6
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6,0
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5,0
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5,3
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6,9
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5,8
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4,9
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5,8
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6,0
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5,4
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6,0
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5,4
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6,1
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7,7
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5,5
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4,5
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6,9
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8,8
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7,7
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3,4
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5,9
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3,0
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7,5
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2,8
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2,1
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4,4
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2,3
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5,0
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4,9
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6,2
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4,3
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2,1
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6,2
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1,9
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2,2
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5,5
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2,7
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2,6
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0,7
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4,7
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3,8
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6,0
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1,1
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5,7
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1,5
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6,3
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2,5
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1,3
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6,2
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1,7
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7,6
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2,2
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6,5
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2,0
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9,0
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0,2
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0,2
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0,3
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0,0
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0,1
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0,2
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0,1
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0,1
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0,4
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0,1
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0,0
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0,0
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0,3
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0,3
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0,0
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0,2
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0,0
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D.- Prix, salaires, emploi (a)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1,5
|
1,7
|
1,5
|
1,6
|
1,7
|
1,8
|
1,8
|
2,1
|
|
|
1,8
|
2,1
|
1,8
|
2,1
|
|
|
2,0
|
2,2
|
|
1,5
|
1,5
|
0,9
|
0,9
|
1,4
|
1,6
|
1,5
|
1,3
|
|
|
1,5
|
1,5
|
1,4
|
1,8
|
1,5
|
1,6
|
|
|
|
0,6
|
1,0
|
0,9
|
1,3
|
0,6
|
0,9
|
0,6
|
1,2
|
0,5
|
|
0,5
|
1,0
|
0,9
|
1,1
|
0,5
|
0,9
|
0,5
|
0,8
|
|
2,6
|
2,6
|
2,1
|
2,0
|
2,8
|
2,5
|
3,5
|
2,6
|
|
|
2,6
|
2,3
|
|
|
2,3
|
2,2
|
2,4
|
2,6
|
E.- Comptes d'agents
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
15,7
|
15,6
|
15,2
|
15,0
|
16,2
|
16,1
|
16,4
|
16,2
|
|
|
16,2
|
16,1
|
15,6
|
15,2
|
15,5
|
15,3
|
15,4
|
15,5
|
|
32,1
|
32,1
|
32,1
|
32,4
|
|
|
31,8
|
31,6
|
|
|
31,8
|
31,7
|
39,6
|
39,4
|
32,3
|
32,5
|
|
|
|
2,2
|
1,8
|
2,3
|
1,7
|
2,2
|
1,9
|
2,2
|
1,7
|
|
|
2,2
|
1,8
|
2,2
|
1,8
|
2,3
|
1,9
|
2,3
|
1,8
|
|
1,6
|
1,6
|
2,6
|
2,5
|
|
|
1,3
|
1,2
|
|
|
|
|
1,7
|
1,7
|
2,3
|
2,4
|
|
|
(a) Taux de croissance annuelle, en %. (c) RDB : revenu disponible brut des ménages. Taux de croissance, en %.
(b) Contribution à la croissance du PIB, en point de PIB. (d) En % du PIB.
B.I.P.E. : Bureau dinformations et de prévisions économiques. REXECODE : Centre de recherches pour lexpansion de léconomie et le développement des entreprises.
C.D.C : Caisse des dépôts et consignations. G.A.M.A. : Groupe danalyse macro-économique appliquée (CNRS et Université de Paris-Nanterre).
O.F.C.E. : Observatoire français des conjonctures économiques. C.O.E. : Centre dobservation économique (Chambre de commerce et dindustrie de Paris).
A.F.E.D.E : Association française des économistes dentreprises. Expansion : Centre de prévision de LExpansion
|
|
|
|
|
|
|
|
|
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|
Budgets économiques
|
|
Société générale
|
|
BNP
|
|
Crédit Lyonnais
|
|
Crédit Agricole
JP MorganMorgan StanleyGoldman Sachs
|
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
2000
|
A.- Environnement international
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
16,5
|
18,0
|
18,0
|
19,0
|
|
|
25,0
|
20,0
|
24,0
|
30,0
|
19,2
|
20,5
|
17,0
|
20,0
|
16,1
|
18,6
|
20,0
|
20,0
|
|
|
|
5,20
|
5,70
|
5,30
|
5,80
|
5,80
|
5,90
|
5,20
|
5,80
|
5,30
|
6,00
|
5,30
|
5,90
|
5,70
|
6,10
|
5,80
|
6,20
|
|
3,8
|
2,1
|
3,9
|
2,7
|
3,8
|
2,7
|
3,9
|
2,8
|
4,0
|
3,1
|
3,8
|
3,1
|
4,0
|
3,3
|
3,9
|
2,6
|
3,7
|
2,5
|
|
1,0
|
0,1
|
0,9
|
0,2
|
1,0
|
1,0
|
0,8
|
0,8
|
1,0
|
1,5
|
1,3
|
0,4
|
0,6
|
-1,2
|
|
|
0,6
|
0,8
|
|
1,07
|
1,06
|
1,07
|
1,14
|
1,07
|
1,17
|
1,05
|
1,16
|
1,07
|
1,13
|
1,08
|
1,09
|
1,09
|
1,14
|
1,09
|
1,22
|
1,09
|
1,20
|
|
3,0
|
5,7
|
4,4
|
6,1
|
3,9
|
5,6
|
2,9
|
5,5
|
|
|
|
|
2,0
|
6,5
|
|
|
4,0
|
6,5
|
B.- Zone euro
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2,80
|
3,50
|
2,70
|
3,20
|
2,65
|
3,25
|
2,80
|
3,05
|
2,90
|
3,10
|
2,90
|
3,30
|
2,70
|
3,20
|
2,80
|
3,50
|
|
1,1
|
1,6
|
1,1
|
1,5
|
1,1
|
1,5
|
1,1
|
1,6
|
|
|
1,1
|
1,4
|
1,1
|
1,1
|
1,1
|
1,2
|
1,1
|
1,5
|
|
2,0
|
2,7
|
2,0
|
2,9
|
2,1
|
2,8
|
1,9
|
2,7
|
1,9
|
2,7
|
2,0
|
3,6
|
2,1
|
3,1
|
2,2
|
2,7
|
2,0
|
3,0
|
|
1,3
|
2,4
|
1,2
|
2,7
|
1,6
|
2,4
|
1,1
|
2,5
|
1,3
|
2,6
|
1,1
|
2,9
|
1,4
|
2,8
|
|
|
1,4
|
3,0
|
C.- Équilibre des biens et services (a)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2,3
|
2,8
|
2,4
|
3,3
|
2,4
|
2,9
|
2,3
|
2,7
|
2,3
|
2,7
|
2,6
|
3,6
|
2,4
|
3,0
|
2,4
|
2,8
|
2,3
|
2,6
|
|
2,4
|
2,7
|
2,4
|
2,9
|
2,3
|
2,8
|
2,2
|
2,5
|
2,4
|
2,4
|
2,6
|
2,9
|
2,8
|
2,6
|
2,6
|
3,2
|
2,7
|
2,4
|
|
6,0
|
5,0
|
6,1
|
6,8
|
5,7
|
5,5
|
6,2
|
5,0
|
6,4
|
4,9
|
6,1
|
5,8
|
5,9
|
5,8
|
6,5
|
5,1
|
5,0
|
4,5
|
|
7,7
|
3,4
|
7,9
|
6,4
|
7,3
|
3,1
|
8,0
|
4,8
|
2,5
|
1,7
|
8,1
|
5,4
|
5,4
|
3,3
|
8,0
|
6,0
|
7,0
|
4,0
|
|
2,1
|
4,9
|
2,4
|
7,0
|
2,2
|
6,0
|
2,6
|
6,0
|
2,4
|
5,9
|
2,1
|
7,0
|
2,7
|
5,7
|
2,2
|
6,0
|
4,5
|
6,0
|
|
0,7
|
4,7
|
1,3
|
6,5
|
1,7
|
6,2
|
1,9
|
6,5
|
0,9
|
6,2
|
1,8
|
7,6
|
1,3
|
5,6
|
0,9
|
5,5
|
3,0
|
6,5
|
|
0,2
|
0,2
|
0,1
|
0,2
|
0,2
|
0,1
|
0,2
|
0,1
|
0,0
|
0,2
|
0,2
|
0,6
|
0,2
|
0,3
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
D.- Prix, salaires, emploi (a)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1,5
|
1,7
|
1,9
|
2,2
|
2,1
|
1,9
|
1,6
|
2,0
|
1,8
|
1,7
|
1,9
|
2,5
|
1,4
|
2,2
|
|
|
1,5
|
1,7
|
|
1,5
|
1,5
|
1,4
|
1,7
|
1,8
|
1,7
|
1,3
|
1,6
|
1,7
|
1,0
|
1,5
|
2,0
|
|
|
1,5
|
1,7
|
1,4
|
1,5
|
|
0,6
|
1,0
|
0,6
|
1,0
|
0,6
|
1,0
|
0,6
|
1,0
|
0,6
|
0,8
|
0,6
|
1,1
|
0,5
|
0,8
|
0,5
|
0,8
|
0,5
|
1,0
|
|
2,6
|
2,6
|
2,5
|
2,6
|
2,5
|
2,4
|
2,2
|
2,3
|
2,4
|
2,4
|
2,4
|
2,7
|
2,4
|
2,7
|
2,6
|
2,8
|
2,4
|
2,1
|
E.- Comptes d'agents
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
15,7
|
15,6
|
15,9
|
15,6
|
15,7
|
15,4
|
15,6
|
15,4
|
|
|
15,3
|
15,1
|
14,2
|
14,4
|
16,0
|
15,7
|
15,3
|
15,1
|
|
32,1
|
32,1
|
31,8
|
32,0
|
32,0
|
32,0
|
32,5
|
32,9
|
32,1
|
32,6
|
|
|
|
|
|
|
32,2
|
32,4
|
|
2,2
|
1,8
|
2,2
|
1,7
|
2,2
|
1,8
|
2,2
|
1,8
|
|
|
-2,2
|
-1,5
|
-2,3
|
-2,0
|
-2,0
|
-1,7
|
-2,2
|
-1,8
|
|
1,6
|
1,6
|
1,5
|
1,3
|
2,5
|
2,4
|
2,4
|
2,3
|
|
|
2,4
|
2,2
|
2,7
|
2,5
|
1,8
|
1,6
|
2,3
|
2,4
|
(a) Taux de croissance annuelle, en %.
(b) Contribution à la croissance du PIB, en point de PIB.
(c) RDB : revenu disponible brut des ménages. Taux de croissance, en %.
(d) En % du PIB.
CHAPITRE II
UNE ÉCONOMIE PORTÉE PAR LE CERCLE VERTUEUX
EMPLOI-REVENU-CONSOMMATION
Au-delà des performances enregistrées en matière de croissance, les données relatives à lemploi avec les créations demplois et lamorce, enfin, dune résorption du chômage concrétisent pleinement la notion de croissance solidaire qui est au cur de la politique mise en uvre depuis la mi-1997.
Le climat de confiance et la croissance des revenus qui en résultent alimentent la croissance, enclenchant un cercle vertueux qui ne doit cependant pas conduire à oublier la nécessité dune action soutenue pour réduire les déséquilibres et les inégalités qui demeurent dans la société française.
A.- LA POLITIQUE DE LEMPLOI, UN ADJUVANT PUISSANT AU DYNAMISME DU MARCHÉ DU TRAVAIL
Dans son rapport pour 1998, la Banque centrale européenne souligne que : « lampleur du chômage et la faiblesse de lemploi constituent les principaux défis auxquels est actuellement confrontée lUnion européenne ». Ce défi, il appartient dabord aux gouvernements de le relever et tous ont fait de la lutte contre le chômage la priorité de leur action. Mais tous nont pas réussi à traduire leurs intentions en résultats tangibles. Ce fut naguère le cas en France, où la relative amélioration de lemploi que certains ont pu obtenir na pas été suffisante pour entamer le sentiment diffus dune situation qui allait saggravant bref dune certaine impuissance à répondre aux inquiétudes des Français.
Or, la stratégie ambitieuse suivie par le Gouvernement et sa majorité une croissance plus forte, une croissance plus riche en emplois, une croissance qui profite à tous gagne en crédibilité à mesure que les résultats sajoutent les uns aux autres. Le tableau suivant en apporte la démonstration.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
BILAN DES ÉVOLUTIONS DE LEMPLOI ET DU CHÔMAGE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES
|
Glissement annuel en milliers - Brut
|
Glissement semestriel en milliers - CVS
|
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
|
|
|
|
|
S1
|
S2
|
S1
|
S2
|
S1
|
S2
|
S1
|
S2
|
(1) Variation de lemploi
|
141
|
- 21
|
197
|
356
|
101
|
38
|
- 23
|
4
|
56
|
154
|
188
|
161
|
(2) Variation des DEFM
|
- 19
|
165
|
78
|
- 110
|
- 83
|
64
|
99
|
66
|
93
|
- 16
|
- 52
|
- 58
|
(3) Variation de la populat. active (b) = (1) + (2)
|
122
|
144
|
275
|
246
|
17
|
101
|
76
|
70
|
149
|
139
|
136
|
103
|
(4) Variation des ressources
|
156
|
174
|
166
|
163
|
78
|
78
|
87
|
87
|
83
|
83
|
82
|
82
|
(5) Impact des mesures de politique de retrait dactivité sur les ressources en main duvre
|
66
|
- 32
|
14
|
21
|
33
|
31
|
- 24
|
- 9
|
18
|
- 6
|
26
|
- 5
|
(3) - [(4) + (5)] Ecart (d)
|
- 100
|
2
|
95
|
61
|
- 93
|
- 8
|
14
|
- 8
|
48
|
62
|
28
|
26
|
DEFM = demandes demploi en fin de mois.
(a) En 1995, lévolution du chômage DEFM est corrigée de leffet de marche (de lordre de 20.000) entraîné par la mise en place dun nouveau document dactualisation de la situation des demandeurs demploi en juin 1995.
(b) Il ne sagit pas ici, en toute rigueur, de la population active, mais dun indicateur calculé à partir des évolutions de lemploi et des DEFM.
(c) Ces variations sont calculées à partir de lévolution tendancielle de la population active (estimation INSEE/DARES).
(d) Cet écart peut sexpliquer par limprécision des estimations et par déventuels effets de flexion conjoncturelle des taux dactivité.
Source : MES DARES.
|
Il ressort de ce tableau quen termes demploi et de chômage, la période mi 1995-mi 1997 correspond à une détérioration de la situation, à un « creux de la courbe ». En termes de variation de lemploi, la diminution des créations demplois au deuxième semestre de 1995 par rapport au premier semestre de la même année a été suivie dune diminution nette au premier semestre 1996 et dune stagnation au deuxième semestre de 1996. La remontée du premier semestre de 1997 ne correspond quà la moitié du niveau du premier semestre 1995. En termes de chômage, à une diminution au premier semestre de 1995, ont succédé quatre semestres successifs de hausse.
Par contraste, depuis la mi-1997, lemploi augmente fortement (trois fois plus en moyenne chaque semestre par rapport au premier semestre de 1997) et le chômage diminue, ces résultats ayant, de surcroît, été obtenus alors que la population active était fortement croissante par rapport au premier semestre de 1997.
Lemploi saméliore. Le chômage recule à un rythme inconnu depuis longtemps. Lactuel gouvernement réussit donc là où le précédent a échoué. Si certains soulignent à lenvi la fragilité des résultats obtenus depuis 1997, léchec de 1995-1996 est, lui, avéré. Les Français ne sy trompent dailleurs pas. Leurs anticipations en matière de chômage, telles quelles sont suivies par la direction de lanimation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de lemploi et de la solidarité (DARES), témoignent, au début de 1999, dune sensible amélioration par rapport au début de 1997. En janvier 1997, le pessimisme lemportait : 74 % des personnes interrogées estimaient que le nombre de chômeurs allaient augmenter pendant plusieurs années. Ce sentiment dune détérioration probable de lemploi sétait ainsi accru de 13 points entre 1995 et 1997. En janvier 1999, en revanche, à peine un Français sur deux considérait encore que le chômage allait augmenter pendant plusieurs années. Ce résultat correspond au niveau le plus faible observé depuis que lenquête sur les attitudes des Français à légard du chômage existe (1985).
1.- La politique de lemploi : aspects quantitatifs et qualitatifs
a) Lobjectif du plein emploi
Quel sens donner à lobjectif de plein emploi ?
Une première approche concerne le niveau global du chômage. Une observatrice attentive des évolutions sociales a ainsi pu souligner combien le « verdict des chiffres du chômage » avait pu influencer lélaboration des politiques de lemploi depuis le milieu des années 1970 (). Lobjectif quantitatif de la politique de lemploi constitue bien sûr une donnée essentielle. De ce point de vue, diviser par deux un taux de chômage à deux chiffres constitue un objectif ambitieux, qui, pour être atteint, suppose de mobiliser dimportants moyens au service de la politique de lemploi. Cinq pays de lUnion européenne ont un taux de chômage inférieur à 5% (Danemark, Portugal, Autriche, Pays-Bas, Luxembourg). On peut dabord y trouver des raisons dentreprendre, car ce qui a été réussi ailleurs peut lêtre ici.
Mais se fixer un objectif des 5% népuise pas la question, qui se pose en termes de souffrance sociale. La politique de lemploi comporte aussi une importante dimension « qualitative ». Un taux de chômage ramené à 5% de la population active na pas la même signification selon quil correspond, pour lessentiel, à des situations provisoires ou quil sagit, pour une part importante, de situations de chômage de longue durée, cest-à-dire engageant une frange de la population dans un processus dexclusion sociale.
De ce point de vue, lévolution de la structure du chômage en France, telle quelle ressort du tableau suivant, peut aider à fixer des repères.
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ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DU CHÔMAGE
(en %)
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1968
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1978
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1987
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1997
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Ancienneté moyenne de chômage (en mois)
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8,8
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10,4
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16,6
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15
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Proportion des chômeurs de longue durée (plus dun an) dans le chômage total
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23,4
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28
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45,5
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38,9
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Taux de chômage par classe dâge :
15 24 ans
25 49 ans
plus de 49 ans
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5,5
1,7
2
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10,6
3,6
3,5
|
22
8,5
7,3
|
28,1
11,5
8,5
|
Taux de chômage par groupe socioprofessionnel :
cadres supérieurs
professions intermédiaires
employés
ouvriers
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0,6
0,9
1,8
2,1
|
2
3
5,7
5,5
|
2,9
5,1
12,4
14,8
|
5,1
7
14,4
15,8
|
Taux de chômage :
hommes
femmes
ensemble
|
1,7
4
2,5
|
3,5
7,1
4,9
|
8,4
13,3
10,5
|
10,8
14,2
12,3
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Source : Données INSEE.
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Ce tableau montre que, si lon considère la situation prévalant avant le milieu des années 1970, rétrospectivement perçue, par lopinion courante, comme lépoque du plein emploi, il faut lutter à la fois contre une aggravation du risque de chômage et contre lexistence dinégalités face au à ce risque, déjà présentes à lépoque, que laggravation du chômage a elle-même accentuées.
La durée moyenne du chômage serait à diviser par deux, la proportion des chômeurs de longue durée dans le chômage total à réduire de deux tiers. Le chômage des jeunes - dont il faut prendre conscience quil exprime le taux de chômage des jeunes actifs (rapport du total des jeunes actifs sur le total des jeunes ayant un emploi ou au chômage), notion distincte de celle de la part de jeunes de 15 à 24 ans au chômage par rapport à lensemble des jeunes de 15 à 24 ans qui est, elle, de lordre de 8% - indique que la probabilité de devenir chômeur est plus élevée pour les jeunes. Les inégalités devant le chômage tenant à la catégorie socioprofessionnelle se sont aussi accentuées : la différence des taux de chômage entre la catégorie des cadres supérieurs et celle des ouvriers est passée de 1,5 point en 1968 à 10,7 points en 1997. On peut cependant relever que le mouvement de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes sest poursuivi, malgré un contexte de dégradation de lemploi (de plus du double de celui des hommes en 1968, le taux de chômage des femmes en représente moins du tiers en 1997).
b) Quelle stratégie pour lemploi ?
Si la comparaison des taux de chômage globaux ne peut donc être faite indépendamment de lanalyse du contenu des politiques de lemploi, cela vaut aussi pour les données de lOCDE qui sont présentées à lappui de la stratégie pour lemploi, préconisée par cette organisation depuis 1994 et qui, selon ses termes mêmes « contient un vaste ensemble équilibré de mesures visant à renforcer la croissance de lemploi, à réduire le chômage et à accroître la prospérité ».
Lencadré suivant, établi par lOCDE, récapitule les principaux axes de la stratégie ainsi prônée.
La stratégie de lOCDE pour lemploi
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1. Élaborer une politique macro-économique qui favorise la croissance et qui, conjuguée à des politiques structurelles appropriées, la rende durable, cest-à-dire non inflationniste.
2. Améliorer le cadre dans lequel sinscrivent la création et la diffusion du savoir-faire technologique.
3. Accroître la flexibilité du temps de travail (aussi bien à court terme que sur toute la durée de la vie) dans le cadre de contrats conclus de gré à gré entre travailleurs et employeurs.
4. Créer un climat favorable à lentreprise en éliminant les obstacles et les entraves à la création et au développement des entreprises.
5. Accroître la flexibilité des coûts salariaux et de main-duvre en supprimant les contraintes qui empêchent les salaires de refléter les conditions locales et le niveau de qualification de chacun, en particulier des jeunes travailleurs.
6. Revoir les dispositions relatives à la sécurité de lemploi qui freinent lexpansion de lemploi dans le secteur privé.
7. Mettre davantage laccent sur les politiques actives du marché du travail et les rendre plus efficaces.
8. Améliorer les qualifications et les compétences de la main duvre en modifiant profondément les systèmes denseignement et de formation.
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9. Revoir les systèmes dindemnisation du chômage et de prestations connexes et leurs interactions avec le système fiscal de sorte que les objectifs fondamentaux en matière déquité de la collectivité soient remplis sans porter atteinte au bon fonctionnement du marché du travail.
10. Développer la concurrence sur les marchés de produits de manière à réduire les tendances monopolistiques et à atténuer lopposition entre travailleurs intégrés et exclus, tout en contribuant à rendre léconomie plus novatrice et plus dynamique.
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Source : OCDE, La mise en uvre de la stratégie de lOCDE pour lemploi : Évaluation des performances et des politiques, 1999.
Si lon sattachait à établir un tableau de concordance en droit du travail de certains objectifs formulés en termes économiques, le contenu de ce comparatif consisterait en un constat de décès du modèle du contrat de travail à durée indéterminée avec une carrière longue dans lentreprise.
La flexibilité en constitue le maître mot. Par exemple :
le point 3 sur flexibilité du temps de travail se traduirait par une remise en cause de la protection collective pour laisser le salarié négocier ses conditions de travail dans une relation prétendument égale avec son employeur ;
le point 5 sur la flexibilité des coûts salariaux se traduirait par une remise en cause de la rémunération minimum ;
le point 9 sur la révision de lindemnisation des chômeurs rappelle désagréablement cette vieille antienne quun filet de secours social entretient dans leurs défauts les « classes paresseuses ».
Il ne sagit pas de refuser à lOCDE le droit de porter les jugements quelle estime appropriés : si cette organisation nexistait pas, tout État doté dune économie moderne souhaiterait sa création pour disposer dindicateurs lui permettant de se situer par rapport aux autres. On peut en effet raisonnablement douter quà long terme, une société, un État ou un groupement dÉtats comme lUnion européenne qui verrait ses performances relatives se dégrader puisse continuer à saffirmer sur la scène politique ou économique mondiale. Mais il est tout aussi raisonnable de penser que, pour être pertinente, cette comparaison doit, aussi, englober des aspects traditionnellement qualifiés de sociaux.
Dès lors quon dispose de ces indicateurs, trois attitudes sont possibles.
La première consiste à informer. Mais il faut se garder, en ce domaine comme dans dautres, de la prétendue neutralité des données dévaluation. Les travaux de la Mission dévaluation et de contrôle que votre Commission des finances a conduits sur les aides à lemploi ont mis en évidence combien la terminologie des « évaluateurs » était entrée dans le langage des décideurs politiques et influait sur leur façon de poser les problèmes ().
La deuxième attitude consiste à prévoir. Elle traduit trop souvent une forme de déterminisme économique et politique. Il faut toutefois se méfier des évaluations à long terme. Si les chiffres du chômage des années 1960 peuvent nous faire rêver, certaines prédictions des experts dalors pour les années que nous vivons, comme le souhait dune « croissance zéro » pourraient, elles, nous faire sourire. Il nen demeure pas moins quà court terme, les conséquences des choix immédiats de politique économique peuvent en être éclairés, car des erreurs de « pilotage » peuvent être à lorigine décarts de croissance qui, à la longue, ne peuvent quéroder la puissance économique et politique et léquilibre social à long terme.
La dernière attitude consiste à prescrire de suivre ou refuser certaines stratégies. Elle pose la question du rôle des décideurs politiques. Les choix économiques sont aussi des choix de société. Le rôle des décideurs politiques ne se réduit pas à « donner un habillage » aux expertises économiques. Sen tenir à ces dernières risquerait de conduire à un « découplage » de léconomique et du politique. Or, seule la légitimité de ce dernier lui permet dorganiser la conciliation dimpératifs contradictoires lorsquils sont poussés à lextrême et, par là, daménager les transitions nécessaires. A trop donner à penser que toute réforme peut se réaliser comme lanalyse léconomiste, cest-à-dire « toutes choses égales par ailleurs », la capacité dadaptation finit par séroder. Le précédent Gouvernement en a fait lexpérience.
c) Le modèle français nignore pas la flexibilité
Il est indéniable que la politique de lemploi a déjà considérablement évolué en France. Pour juger du rythme suffisant ou insuffisant de cette évolution, il importe de déterminer quel est le terme de comparaison par rapport auquel on va mesurer les résultats obtenus. La question qui se pose aujourdhui est de savoir si ce terme de comparaison peut encore être recherché dans la situation proprement française « davant la crise ». En clair, le progrès social tel quon lentendait alors est-il compatible avec la compétition économique daujourdhui ?
Dans son intervention aux « Entretiens de lemploi » organisés par lAgence Nationale pour lEmploi (ANPE), les 30 et 31 mars 1999, le directeur de la DARES, M. Claude Seibel, a estimé quune spécificité française ressortait surtout de son modèle dactivité qui continuait à privilégier les travailleurs qualifiés et expérimentés, au détriment des jeunes débutants ou des salariés âgés. La France se situe parmi les pays où les taux dactivité juvénile sont les plus faibles de même que les taux dactivité des hommes de 55 ans à 64 ans. « Il sagirait dun système à la fois spontané, au niveau des comportements individuels et de la politique dembauche des entreprises, et organisé par les pouvoirs publics, à travers les mesures concernant la formation initiale ou les processus de cessation dactivité » ().
Dautres modèles de politique de lemploi, comme le modèle britannique ou le modèle néerlandais, sont volontiers mis en avant, en particulier par lOCDE. Il faut faire leffort de les apprécier au-delà des résultats globaux. Devant les membres de la Mission dévaluation et de contrôle de votre Commission des finances, le directeur de la prévision a, par exemple, fait remarquer que la prise en compte, pour le Royaume-Uni, dun taux de chômage des couples, cest-à-dire ceux au sein desquels personne ne travaille et ceux au sein desquels lun seulement travaille, donne à conclure que ce pays enregistre le taux de chômage le plus élevé dEurope (20%). Et lors des entretiens de lemploi précités, le directeur de la DARES a souligné quune partie de la population active potentielle des Pays-Bas était considérée comme affectée de « handicaps sociaux » et donc exclue de la population active.
· Lenrichissement de la croissance en emplois
Une première évolution tient à lenrichissement de la croissance en emplois.
Lenrichissement de la croissance en emplois
Dans les économies industrielles, la croissance est nécessaire à la création demplois. Il existe pour chaque pays un seuil de croissance à partir duquel les créations sont supérieures aux destructions demplois. Enrichir le contenu en emplois de la croissance consiste à abaisser ce seuil (a).
Dans les économies « riches en emplois », les entreprises utilisent de manière plus équilibrée les facteurs de production disponibles, un recours accru à la ressource abondante aujourdhui le travail allant de pair avec des processus de production plus économes en capital. Ainsi, lenrichissement du contenu de la croissance en emplois correspond à une progression plus faible de la productivité par tête sans diminution de lefficacité globale de léconomie.
Un tel rééquilibrage ne sopère pas à titre principal par une substitution du travail au capital existant, mais par une expansion des secteurs riches en main duvre, notamment les services marchands (tourisme, services de proximité, technologie de linformation et de la communication
). Cest dans ces secteurs que le « déficit » de création demplois en Europe est le plus manifeste.
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(a) Cette évolution, qui se traduit toujours par un accroissement des effectifs, à croissance donnée, ne conduit pas à une augmentation du nombre dheures travaillées lorsquelle est obtenue par un recours accru au temps partiel.
Source : DARES-INSEE-Direction de la prévision, préparation de la conférence nationale sur lemploi, les salaires et le temps de travail, Fiches de diagnostic, septembre 1997.
Selon une étude de lUNEDIC (), « dans les années 70, il fallait une augmentation dau moins 2,6 % du PIB marchand pour quil y ait création nette demplois. Ce rythme est tombé à 2,2 % dans les années 80 et à 1,2 % depuis 1990. De même, à croissance donnée, ces créations nettes demplois sont beaucoup plus nombreuses quauparavant ».
La même étude estime que lenrichissement de la croissance en emplois est, sur la dernière décennie, expliqué pour 10% par la déformation sectorielle de léconomie, cest-à-dire le développement des activités tertiaires, pour 40% par le développement du travail à temps partiel, pour 20 à 30% par le développement des emplois courts ou précaires et pour 20 à 30% par la politique dallégement des charges sociales. Au total, « le fait que la croissance française soit plus riche en emplois repose en grande partie sur la montée en puissance du travail à temps partiel ».
Le nombre des salariés travaillant à temps partiel a augmenté de plus de 1 million entre 1992 et 1997, un nombre important dentre eux étant dans cette situation à défaut de pouvoir occuper un emploi à temps plein comme ils le souhaiteraient. En 1997, près de 40% des travailleurs à temps partiel déclaraient souhaiter travailler davantage, contre 30% en 1990. La France est ainsi, en Europe, le pays où la part de lemploi à temps partiel contraint dans lemploi total est la plus élevée, alors que le taux de travail à temps partiel y est plutôt proche de la moyenne.
Les experts entendus par les membres de la Mission détudes et de contrôle de votre Commission des finances ont exprimé des divergences sur linterprétation à donner du point de savoir ce qui avait été le facteur ayant incité à un tel développement. Ainsi, lINSEE, la direction de la prévision et la DARES ont estimé quil était difficile de séparer dans laccélération de ce développement, observée à partir de 1992, ce qui relèverait des mesures spécifiques dabattement, des allégements de charges sur les bas salaires et des autres facteurs structurels et tendanciels. En revanche, les auteurs dune étude réalisée pour lOffice parlementaire dévaluation des politiques publiques ont, pour leur part, souligné que dès que lEtat a encouragé cette forme demploi, les créations se sont multipliées, appréciation proche de celle du Centre dobservation économique de la Chambre de commerce et dindustrie de Paris qui relève dailleurs quen labsence de nouvelles mesures, lélasticité de lemploi à la croissance pourrait de nouveau se rapprocher de ses valeurs antérieures, la mise en place des trente-cinq heures pouvant toutefois, à court terme, aller dans le sens dun nouvel enrichissement en emplois de la croissance ().
· Une flexibilité déjà pratiquée
La flexibilité peut prendre diverses formes. Lun de ses principaux aspects consiste dans laménagement des horaires et des rythmes de travail des salariés. Lenquête sur les conditions de travail de 1998 témoigne dune extension des contraintes dhoraires et de rythme de travail par rapport à ce que les mêmes enquêtes faisaient apparaître en 1984 et en 1991. En ce qui concerne les contraintes horaires, on peut relever une progression du travail dominical : la proportion des salariés ayant travaillé le dimanche de manière occasionnelle ou fréquente est ainsi passée de 18,5% en 1991 à 22% en 1998. De même, le travail de nuit a progressé, notamment chez les ouvrières, en liaison probablement avec la suppression de linterdiction du travail de nuit des femmes imposée par la Cour de justice des Communautés européennes (). Sur les 800 000 femmes travaillant de nuit, de façon habituelle ou occasionnelle, en 1997, plus des trois cinquièmes exerçaient leur activité dans les métiers de la santé et de laction sociale, dans les services aux particuliers et dans lindustrie. Enfin, la dispersion des horaires se renforce dans les métiers de la vente, tandis que le travail à temps partiel y a fortement augmenté (21% des employés de commerce en 1984, 29% en 1991 et 41% en 1998). La DARES souligne dailleurs que cela contribue presque mécaniquement à linégalité des conditions de travail entre les hommes et les femmes. En effet, « si les femmes travaillent moins souvent de nuit que les hommes, elles travaillent plus souvent le samedi ou le dimanche de façon régulière et sont plus nombreuses à ne pas bénéficier du repos de 48 heures consécutives. Tout ceci tient largement aux professions quelles exercent : employées des commerces ou des services aux particuliers, métiers de la santé, ouvrières non qualifiées de lindustrie agro-alimentaire ». En ce qui concerne les rythme de travail, de plus en plus de salariés ont des normes ou des délais à respecter ou doivent satisfaire une demande qui leur est présentée de manière immédiate : 23% des salariés se déclaraient dans cette situation en 1998 contre 16% en 1991.
Une deuxième forme de flexibilité tient au recours à des emplois précaires. Selon des données de la DARES, de lINSEE et de la direction de la prévision, la part des emplois temporaires non aidés a crû, entre 1985 et 1997, de 3,5% à 7,5% de lemploi salarié total, cette part étant respectivement passée de 4% à 8% pour les hommes et de 3% à 7% pour les femmes. Par rapport au seul emploi salarié du secteur privé, cette part dépassait 10% en 1997 contre moins de 5% en 1985. Désormais, les entreprises utilisent ces emplois de façon habituelle pour adapter leur volume demploi aux variations de lactivité.
La flexibilité est dailleurs largement imposée à lentreprise de lextérieur, par lévolution des conditions de la demande : « la flexibilité du travail est ainsi, en quelque sorte, imposée au salarié par le consommateur » . Présentant les résultats de son enquête sur les conditions de travail de 1998, la DARES observe que si la pression de la demande demeure un déterminant fort des rythmes de travail des salariés du tertiaire, « cest surtout dans lindustrie que la pression de la demande progresse. La prise en compte de la demande des clients dès le stade de la conception des produits, le raccourcissement des séries et des délais de production se traduisent par la diffusion des impératifs liés à la demande extérieure en amont des processus de production » ().
Selon le terme de comparaison que lon adopte - soit les conditions générales demploi qui prévalaient avant les chocs pétroliers, soit le niveau de chômage postérieurs à ces chocs - ces formes de flexibilité peuvent être considérées, dans le premier cas, comme lindice dun affaiblissement de la cohésion sociale, sagissant de laffaiblissement du modèle de lemploi à temps complet « à vie » dans la même entreprise, dans le second cas, comme lindice de nouvelles formes de régulation : lapparition du chômage de masse ne pouvant que conduire à développer, aux marges de lemploi, des formes précaires dembauche jouant le rôle damortisseurs qui permettent déviter une détérioration du chômage.
Cette vision est celle qui a été consacrée par ce que lon a appelé le « manifeste Blair-Schroeder » selon lequel le travail à temps partiel et les « petits emplois » sont préférables au chômage car ils facilitent le passage du chômage à lemploi. Il faut nuancer ce jugement. Dobservations faites par lINSEE (), on peut retenir, sur la base du constat de la forte progression tant du nombre de demandeurs demploi exerçant une activité réduite depuis le début des années 90, que des salariés travaillant à temps partiel :
en premier lieu, que lexercice dune activité réduite peut surtout aider à diminuer les facteurs dexclusion des chômeurs de longue durée, comme la perte de capital humain ou le manque croissant de socialisation, « lactivité réduite semble finalement influencer assez peu les perspectives de sortie immédiate du chômage, en revanche son influence sur la probabilité future de sortie du chômage savère significativement positive [...] si la pratique dune activité réduite ne saccompagne pas toujours dune probabilité dembauche immédiate plus importante, elle constitue le gage dune insertion différée plus favorable » ;
en second lieu, et à linverse, que plus le temps de travail diffère durablement du temps plein, plus les chances daccéder à ce dernier diminuent : « les personnes à temps partiel long depuis un an accèdent plus facilement au temps complet que ceux dont la durée du travail est très réduite depuis deux ans. [...] Lemploi à temps partiel ne semble pas obéir à une logique de file dattente [...] plutôt à un modèle de sélection : certains salariés sont dirigés vers le temps partiel [...] et rencontrent dès lors des difficultés à obtenir un emploi à temps plein ».
d) Une approche européenne perfectible
La Banque centrale européenne, dans son rapport annuel pour 1998, estime que le chômage de la zone euro est de nature largement structurelle. Elle met en cause la générosité des allocations de chômage et des autres prestations, la durée de la période dindemnisation, le niveau élevé de limposition marginale sur le revenu et des cotisations sociales, le niveau élevé des cotisations patronales, les niveaux de salaires minimum, notamment pour les travailleurs jeunes ou peu qualifiés, les réglementations contraignantes protégeant lemploi. Elle souligne la nécessité dune plus grande flexibilité du temps de travail pour prendre en compte les besoins spécifiques des entreprises et celle de supprimer les freins à une plus grande extension du temps partiel. La politique de flexibilité reste donc une antienne des banquiers centraux.
Pour sa part, la coordination politique européenne organisée par le traité dAmsterdam, et appliquée de façon anticipée à la suite du Conseil européen de Luxembourg, passe par la mise en place dune surveillance multilatérale. Ce processus en est à ses débuts.
Le pacte européen pour lemploi et le processus de coordination décidés lors du Conseil européen de Luxembourg (12-13 décembre 1997) ont défini une stratégie autour dobjectifs à atteindre au travers de plans nationaux daction articulés suivant « quatre piliers » :
améliorer la capacité dinsertion professionnelle ;
développer lesprit dentreprise ;
encourager la capacité dadaptation des entreprises et de leurs travailleurs ;
renforcer les politiques dégalité des chances.
Le Conseil européen de Cardiff (15-16 juin 1998) a ajouté un deuxième volet portant sur la nécessité dengager des réformes améliorant la capacité concurrentielle et le fonctionnement des marchés des biens, des services et des capitaux (les réformes structurelles). Au Conseil européen de Cologne (3-4 juin 1999) a été ajouté un troisième volet organisant, au niveau de lUnion, un dialogue macro-économique régulier entre les acteurs concernés : gouvernements, Commission, Banque centrale européenne et partenaires sociaux.
Les conclusions de la présidence du Conseil européen de Cologne sur le « Pacte européen pour lemploi en vue de réduire durablement le chômage » indiquent quil sagit dintégrer dans un concept global toutes les mesures de lUnion dans le domaine de lemploi : la coordination en matière de politique économique et lamélioration de linteraction entre lévolution des salaires et la politique monétaire, budgétaire et financière grâce à un dialogue macro-économique afin de libérer une dynamique de croissance durable et non inflationniste (processus de Cologne), la poursuite du développement et lamélioration de la mise en uvre de la stratégie coordonnée en faveur de lemploi (processus de Luxembourg) et la réforme et la modernisation en profondeur des structures économiques afin daméliorer la capacité dinnovation et lefficacité des marchés des biens, des services et des capitaux (processus de Cardiff).
Des enseignements importants peuvent être tirés déchanges de vues sur les différentes expériences nationales. Le Conseil européen de Cologne a donc invité la Commission à formuler, à partir de la comparaison des meilleures pratiques réalisées jusquà présent, des recommandations concrètes pour des mesures nationales dans le domaine de lemploi.
Cette stratégie repose donc sur la conception que les économies européennes et les marchés du travail nationaux se transforment profondément et rapidement, selon des voies qui sont communes à toutes les régions et à tous les bassins demploi. On peut sinterroger sur le point de savoir si les spécificités de chaque marché du travail, reflets de fortes pratiques sociales, ont été suffisamment prises en compte.
En effet, la stratégie de la Commission européenne semble être de prôner la généralisation du modèle anglais ou néerlandais. Ce dispositif passe par la définition dindicateurs de performances, au nombre de neuf visant :
lemploi (croissance de lemploi total, taux demploi total, taux demploi total en équivalent temps plein) ;
le chômage (taux de chômage global, part des jeunes chômeurs dans la population totale des jeunes ; taux de chômage de longue durée) ;
les performances économiques (croissance du PIB, évolution de la productivité apparente du travail, coût unitaire de main duvre en termes réels).
En pratique, la surveillance multilatérale consiste à sélectionner les trois meilleurs pays parmi les États membres, les autres devant sefforcer de se rapprocher de ces « chiffres modèles ». Lors des Entretiens de lemploi, la DARES a pu relever que « par rapport aux neuf critères, on est obligé de constater que ce sont toujours les mêmes pays qui sont les plus performants. Six pays ne sont en revanche jamais cités : il sagit de pays dEurope du Sud dont la France et la Belgique. Le modèle érigé en référence pour tous les États membres de la Communauté européenne est celui des marchés de travail des pays du Nord ou des pays anglo-saxons [...] Les pays bien placés à lorigine peuvent le rester sans faire trop defforts, tandis que dautres pays qui partent de très loin seront toujours considérés comme mauvais ». Et cet intervenant a pu observer : « nous sommes aujourdhui très éloignés des scrupules que nous pouvions éprouver hier avec la comparabilité des taux de chômage dun pays à lautre » ().
Or lexemplarité du modèle anglais ou celle du « miracle » hollandais demandent encore à être démontrées. Les contreparties du modèle anglais de lutte contre le chômage sont lourdes en termes dinégalités et de pauvreté. Par ailleurs, la prise en compte du travail à temps partiel pour le calcul du taux demploi en équivalent temps plein aboutit à ce que les Pays-Bas présentent lun des plus bas taux dactivité de lUnion européenne, sans parler de leur conception extensive de linadaptation sociale. Que, jusquà présent, ces modèles aient été vantés dans des colloques ou des revues pour « patrons de choc » est une chose. Quils deviennent désormais la référence du dispositif de surveillance multilatérale et soient élevés au rang de recommandations adressées aux différents États membres en est une autre. Certes, les recommandations de la Commission européenne, comme elle lindique elle-même, ne devront pas être considérées comme une sorte de sanction, mais comme loccasion daccomplir des progrès plus décisifs. Sur le fond, cela ne change pas grand chose, en particulier à la nécessité de mieux sentendre sur la notion de progrès.
Propositions de la Commission européenne au Conseil en vue de formuler des recommandations sur la politique de lemploi de chaque État membre - 1999
FRANCE
Après la reprise de la croissance économique en 1997, la situation de lemploi sest améliorée en 1998. Toutefois, des problèmes structurels notables subsistent, à savoir :
un taux demploi inférieur à la moyenne (60,8%) dû au faible taux de participation des travailleurs de plus de 55 ans (29%), qui est largement inférieur à la moyenne européenne (40,3%) ;
une croissance très lente de lemploi durant la majeure partie des années 90 (0,1% entre 1991 et 1998) ;
un taux de chômage élevé, dépassant de près de deux points la moyenne européenne, et un fort taux de chômage de longue durée ;
des niveaux élevés de chômage des jeunes dus aux difficultés posées par le passage de lécole au travail, notamment pour les jeunes peu qualifiés ;
des coûts salariaux indirects élevés, supérieurs à la moyenne européenne ;
le potentiel de création demplois dans le secteur des services qui, bien quil représente une part importante de lemploi initial, noccupe que 40% environ de la population en âge de travailler, soit 10% de moins que la moyenne des États membres les plus performants.
La France est invitée à :
reconsidérer les régimes de prestations existants, notamment ceux qui favorisent les départs en retraite anticipée, afin dinciter les travailleurs les plus âgés à rester plus longtemps dans la vie active ;
adopter et appliquer des stratégies cohérentes incluant des mesures réglementaires, fiscales et dautres types dinitiatives destinées à réduire les charges administratives des entreprises, en vue dexploiter le potentiel de création demplois du secteur des services en sappuyant notamment sur les récents efforts douverture de nouvelles perspectives demploi pour les jeunes ;
poursuivre et évaluer les mesures destinées à réduire la pression fiscale sur les travailleurs, notamment les travailleurs non qualifiés et peu rémunérés ;
renforcer le partenariat social en vue dadopter une approche globale en matière de modernisation de lorganisation du travail
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Source : Commission européenne, Dossier Emploi, Volet III, 1999.
e) Des politiques ciblées indispensables au maintien de la cohésion sociale
A loccasion des travaux de la Mission dévaluation et de contrôle que votre Commission des finances a choisi de faire porter, dès sa première session, sur la question de lefficacité des aides à lemploi, sest posée la question de déterminer quel devait être lobjectif assigné à ces aides.
Malgré les imperfections certaines dans la définition des agrégats disponibles, que la Mission a constatées, il est apparu que la tendance significative a été celle dune augmentation de la dépense pour lemploi, parallèlement à laugmentation du chômage (394.000 demandeurs demplois en 1973 et 3 millions et demi en 1997). La part de cette dépense dans le produit intérieur brut est ainsi passée de 0,90% en 1973, à 2,31% en 1980, 3,37% en 1990 et se situe autour de 4% depuis 1993, sans tenir compte du coût des baisses générales de cotisations sociales sur les bas salaires introduites en 1993, lesquels ont porté ce pourcentage à 4,48% en 1997, soit son plus niveau.
Le tableau suivant retrace lévolution de cet agrégat depuis 1990. Sur cette période, le nombre des chômeurs a crû dun million (de 2,5 millions à 3,5 millions) et la dépense pour lemploi de près de 100 milliards de francs (de 219,3 milliards de francs à 318,1 milliards) hors exonérations générales de cotisations sociales et de près de 145 milliards en incluant ces dernières.
La structure de la dépense pour lemploi a évolué dans le sens de « lactivation » des dépenses. Les dépenses dites passives (indemnisation du chômage et incitation au retrait dactivité) sont passées de 56,8% du total en 1990 à 49,2% en 1997. Si cette part a progressé de 6% par rapport à 1996, alors quelle avait diminué en 1995 et 1996, cest en raison de laugmentation des dépenses dindemnisation du chômage. En revanche, le coût des préretraites a diminué de - 21,5% depuis 1990. Les dépenses dites actives représentent 50,8% de la dépense pour lemploi en 1997, alors quelles nen représentaient que 43,2% en 1990. La formation professionnelle demeure la principale composante, des dépenses actives avec un total de crédits de 83,8 milliards de francs contre 67,37 milliards de francs en 1990.
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STRUCTURE ET ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE POUR LEMPLOI AU SENS DE LA DARES (1)
(en millions de francs courants)
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1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
en MF
|
en %
|
|
|
56,8
|
|
55,6
|
|
54,3
|
|
51,4
|
|
50,1
|
|
48,7
|
|
47,7
|
|
49,2
|
|
87.374
|
39,8
|
101.772
|
42,1
|
115.109
|
43,4
|
123.289
|
41,9
|
118.296
|
40,2
|
112.559
|
38,9
|
117.235
|
38,2
|
127.408
|
40,1
|
|
37.109
|
16,9
|
32.653
|
13,5
|
28.879
|
10,9
|
27.987
|
9,5
|
28. 912
|
9,8
|
28.347
|
9,8
|
29.288
|
9,5
|
29.114
|
9,2
|
|
|
43,2
|
|
44,4
|
|
45,7
|
|
48,6
|
|
49,9
|
|
51,3
|
|
52,3
|
|
50,8
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
67.371
|
30,7
|
73.828
|
30,5
|
80.604
|
30,4
|
89.712
|
30,5
|
86.258
|
29,3
|
81.483
|
28,2
|
85.988
|
28,0
|
83.850
|
26,4
|
|
14.675
|
6,7
|
18.290
|
7,6
|
22.731
|
8,6
|
30.207
|
10,3
|
34.958
|
11,9
|
40.480
|
14,1
|
47.557
|
15,5
|
51.339
|
16,1
|
|
1.408
|
0,5
|
3.202
|
1,3
|
4.653
|
1,8
|
7.219
|
2,5
|
9.363
|
3,2
|
10.494
|
3,6
|
10.585
|
3,4
|
10.597
|
3,3
|
|
3.467
|
1,6
|
3.483
|
1,4
|
4.057
|
1,5
|
6.227
|
2,1
|
5.725
|
1,9
|
4.746
|
1,6
|
5.049
|
1,6
|
3.831
|
1,2
|
|
4.504
|
2,1
|
4.432
|
1,8
|
4.441
|
1,7
|
4.929
|
1,7
|
5.009
|
1,7
|
5.479
|
1,9
|
5.783
|
1,9
|
6.032
|
1,9
|
|
3.785
|
17
|
4.234
|
1,8
|
4.740
|
1,8
|
5.010
|
1,7
|
5.399
|
1,8
|
5.491
|
1,9
|
5 682
|
1,8
|
5.902
|
1,9
|
|
219.334
|
100
|
241.895
|
100
|
265.214
|
100
|
294.580
|
100
|
293.919
|
100
|
289.438
|
100
|
307.169
|
100
|
318.072
|
100
|
Source : Ministère de lemploi et de la solidarité - DARES.
|
Les membres de la Mission dévaluation et de contrôle de votre Commission des finances ont considéré que la création nette demplois ne pouvait constituer lunique critère pour juger de lefficacité dune aide à lemploi. Sagissant en particulier des aides visant des publics spécifiques, elle a admis que leur efficacité devait sapprécier en fonction de leur contribution à la réduction de la sélectivité du marché du travail à légard des salariés les moins qualifiés et des chômeurs de longue durée.
Le tableau suivant présente une estimation des effets sur lemploi et sur le chômage des dispositifs de politique de lemploi. Pour la DARES, des effets nets positifs sur lemploi et le chômage résultant des politiques de lemploi apparaissent lorsque le nombre de bénéficiaires présents dans les dispositifs en fin de période est supérieur à celui des bénéficiaires du début de période. Les effets nets sont égaux à la variation du nombre de personnes présentes dans chaque dispositif diminuée de limpact des effets de substitution entre travailleurs et des effets daubaine pour les employeurs.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
ESTIMATION DE LEFFET DES POLITIQUES DE LEMPLOI SUR LES GLISSEMENTS SEMESTRIELS ET ANNUELS DE LEMPLOI ET DU CHÔMAGE
|
Glissement annuel en milliers - Brut
|
Glissement semestriel en milliers - CVS
|
Effets des dispositifs spécifiques
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
|
|
|
|
|
S1
|
S2
|
S1
|
S2
|
S1
|
S2
|
S1
|
S2
|
Sur lemploi
|
78
|
24
|
19
|
37
|
55
|
24
|
6
|
17
|
- 2
|
20
|
15
|
21
|
|
72
|
61
|
26
|
5
|
31
|
40
|
33
|
27
|
18
|
7
|
0
|
5
|
|
6
|
- 37
|
- 6
|
32
|
24
|
- 17
|
- 27
|
- 10
|
- 20
|
13
|
16
|
16
|
Sur le chômage DEFM
|
4
|
- 51
|
- 2
|
- 8
|
- 11
|
13
|
- 29
|
- 23
|
20
|
- 22
|
14
|
- 22
|
dont : de lemploi marchand aidé
|
- 57
|
- 49
|
- 20
|
- 4
|
- 25
|
- 32
|
- 26
|
- 22
|
- 15
|
- 6
|
0
|
- 4
|
|
- 5
|
30
|
5
|
- 25
|
- 19
|
13
|
21
|
8
|
16
|
- 11
|
- 12
|
- 13
|
|
11
|
- 10
|
5
|
14
|
8
|
4
|
- 9
|
- 1
|
1
|
4
|
16
|
- 2
|
|
18
|
- 11
|
3
|
4
|
3
|
13
|
- 10
|
- 2
|
6
|
- 4
|
5
|
- 1
|
|
37
|
- 11
|
6
|
3
|
22
|
15
|
- 6
|
- 6
|
11
|
- 5
|
6
|
- 3
|
Sur la population active
|
82
|
- 27
|
17
|
29
|
43
|
36
|
- 23
|
- 5
|
18
|
- 2
|
29
|
- 1
|
Source : MES DARES/mission analyse économique.
|
En 1998, les dispositifs spécifiques ont permis la création de 37.000 emplois nets, soit un quasi doublement par rapport à lannée précédente. Une inflexion importante concerne les dispositifs non marchands. Leur effet sur lemploi, qui était négatif à partir du second semestre 1995, redevient positif à compter du second semestre 1997. Il faut y voir leffet de la mise en uvre des emplois jeunes, dont la montée en puissance du dispositif succède à la baisse des entrées en contrats emploi solidarité (CES), dont le recentrage a été engagé dès 1995 et poursuivi depuis.
La diminution du « stock » de bénéficiaires du contrat initiative emploi (CIE) explique la moindre progression des effets nets sur lemploi des dispositifs spécifiques à lemploi marchand.
En ce qui concerne la faible contribution, en 1998, à la diminution du chômage de lensemble des dispositifs spécifiques de la politique de lemploi (- 8.000), cette évolution est due à la réduction du nombre de bénéficiaires de stages, de conventions de conversion ou de préretraites. A cet égard, la DARES souligne le caractère « classique » de lampleur limitée des effets des dispositifs spécifiques sur le chômage en période de forte croissance de lemploi. En outre, il convient de tenir compte des conséquences de la réorientation des politiques de lemploi consécutives à labaissement général des cotisations sociales sur les bas salaires. Son effet sur le chômage a été estimé par la DARES à 28.000 en 1998. La politique de réduction du temps de travail aura, à son tour, pour conséquence de limiter les effets des politiques spécifiques.
Dans sa Note de conjoncture de juin 1999, lINSEE indique quen 1999, les effets de la politique daide à lemploi marchand sur les créations nettes demplois salariés devraient sensiblement dépasser ceux observés en 1998. Il est indiqué quoutre les effets de lallégement de cotisations sociales sur les bas salaires et de lallégement de la taxe professionnelle, la réduction du temps de travail deviendrait le principal dispositif de la politique daide à lemploi marchand, dont les effets les plus importants apparaîtraient à partir de lété.
2.- Lamélioration de la situation de lemploi et du chômage
Divers indicateurs traduisent cette amélioration de la situation de lemploi : limportance des créations demplois, leur diffusion sur lensemble du territoire, le fait que les femmes ne restent pas à lécart, et, in fine, la diminution significative du chômage.
a) De significatives créations demplois
La croissance de lemploi, sensible dès 1997, sest accentuée en 1998. Selon lINSEE, lemploi intérieur total est passé, en moyenne annuelle de 22.752.200 en 1996 à 22.821.600 en 1997 (+ 69.400, soit + 0,3%), puis à 23.086.800 en 1998 (+ 265.200, soit + 1,16%) ().
Pour lUNEDIC, dont les statistiques portent sur toutes les entreprises qui cotisent aux ASSEDIC, près de 300.018 emplois supplémentaires ont été créés en 1998. Ce sont les établissements de 200 à 499 salariés qui ont contribué le plus à la croissance de lemploi.
Lamélioration de lemploi sest confirmée au premier semestre 1999. Selon les résultats provisoires de la DARES, sur les six premiers mois de lannée, lemploi salarié marchand a crû de 130.600 postes, cest-à-dire suivant un rythme légèrement supérieur à celui observé en 1998 (hausse semestrielle de + 0,9% au lieu de + 0,8%). La DARES anticipe aussi une poursuite de lamélioration de lemploi au second semestre, qui pourrait permettre de créer plus demplois quen 1998.
b) Des secteurs dactivité bien orientés
Si lon compare les niveaux atteints par lemploi total à la fin des années 1997, 1998 et les prévisions pour 1999 dans lensemble de léconomie et ses différents secteurs dactivité, on observe les évolutions suivantes :
|
|
|
|
|
EVOLUTION DE LEMPLOI PAR SECTEUR DACTIVITÉ
DE LA FIN DE 1997 À LA FIN DE 1999
TAUX DÉVOLUTION EN GLISSEMENT
|
|
1997
(en %)
|
1998
(en %)
|
1999
(en %)
Prévisions
|
Effectifs
occupés au
31 déc. 1999
(en milliers)
(Prévisions)
|
Salariés des secteurs essentiellement marchands
|
1,5
|
2,2
|
1,4
|
13.985
|
Industries agro-alimentaires
|
1,2
|
0,3
|
0,2
|
534
|
Énergie
|
- 2,7
|
- 2,4
|
- 2,4
|
235
|
Construction
|
- 1,3
|
-0,1
|
0,7
|
1.114
|
Industries manufacturières
|
- 0,7
|
0,5
|
- 0,7
|
3.261
|
dont :
biens intermédiaires
|
- 0,3
|
0,6
|
-
|
-
|
|
- 0,2
|
1,8
|
-
|
-
|
automobile
|
- 1,2
|
- 0,1
|
|
-
|
biens de consommation
|
- 1,7
|
- 0,8
|
|
-
|
|
2,9
|
3,5
|
2,5
|
8.841
|
|
|
|
|
|
|
1,1
|
2,2
|
-
|
-
|
|
1,9
|
3,2
|
-
|
-
|
|
5,1
|
4,8
|
-
|
-
|
|
- 0,3
|
- 2,4
|
-
|
-
|
|
0,7
|
1,6
|
2,2
|
6.437
|
EMPLOI TOTAL (y compris salariés agricoles et non salariés)
|
1,0
|
1,8
|
1,4
|
23.145
|
Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 1999.
|
Dans sa note de conjoncture du mois de juin 1999, lINSEE prévoyait environ 200 000 créations nettes demplois pour 1999, lemploi manufacturier devant diminuer (- 25 000 postes), tandis que lemploi dans le secteur tertiaire marchand augmenterait denviron 220 000 postes et que le secteur de la construction créerait 10 000 emplois.
LINSEE prévoyait alors un léger ralentissement de la progression de lemploi en 1999 par rapport à lannée précédente (+ 1,4 % en glissement annuel après + 1,8 %).
Si lon retient les résultats provisoires publiés par la DARES, dans son enquête trimestrielle sur lactivité et les conditions demploi de la main duvre (ACEMO), pour le deuxième trimestre de 1999, lemploi salarié aurait crû de 130 600 postes au cours des six premiers mois de lannée, cest-à-dire selon un rythme légèrement plus rapide quen 1998. En faisant lhypothèse dun maintien du niveau de lactivité économique, la DARES prévoit une possibilité de dépasser, en 1999, le nombre de créations demplois de 1998.
Pour cette dernière année, lINSEE estime à +2,2 % en glissement annuel, lévolution de lemploi salarié dans les secteurs concurrentiels (soit une création de 313 000 emplois).
En 1998, lemploi salarié du secteur tertiaire non marchand a maintenu sa forte progression (+ 3,5 %, après + 2,9 % en 1997). Pour leur part, les effectifs de lindustrie ont crû de 14 000 emplois (soit une augmentation de 0,5 % en glissement annuel, après une diminution de 0,7 % en 1997). LINSEE prévoyait une contraction de lemploi industriel au premier semestre de 1999, confirmée par lenquête ACEMO de la DARES, ce qui devrait conduire à une diminution de lemploi industriel de lordre de 25 000 postes selon lINSEE. Les effectifs du secteur de la construction sont stables en 1998, ils devraient, selon lINSEE, connaître une création de près de 10 000 emplois.
La croissance de lemploi dans le secteur tertiaire non marchand a trouvé son origine dans la mise en uvre des dispositifs de la politique de lemploi (accroissement du rythme des emplois jeunes et des emplois consolidés venant plus que compenser les effets du recentrage des contrats emplois solidarité). En 1999, près des trois quarts des 138 000 emplois dont la création devrait intervenir dans ce secteur seraient des emplois aidés.
c) Une amélioration dans toutes les régions
En ce qui concerne les évolutions régionales, le bilan de lannée 1998, tel quil a été établi par lUNEDIC, fait apparaître, pour la deuxième année consécutive, une progression des effectifs dans toutes les régions de France métropolitaine. Certaines régions demeurent en dessous de la moyenne nationale (+ 2,1%). Cest le cas de la Bourgogne (+ 1%), de la région Champagne-Ardenne (+ 1,2%), de la Picardie et de la Haute-Normandie (+ 1,3% chacune). Lemploi dans la région Ile de France, première région demplois comptant 25,3% des salariés, progresse de + 1,9%, cette progression résultant essentiellement du secteur tertiaire (+ 3,3%), alors quelle perd le plus demplois dans lindustrie (- 2,1%) et la construction (- 3,7%).
Les régions dont lemploi progresse le plus sont la Corse (+ 6,7%), le Languedoc-Roussillon (+ 3,5%) et la région Midi-Pyrénées (+ 3,5%). La Bretagne progresse également à un rythme soutenu (+ 2,8%) ainsi que la région Rhône-Alpes (+ 2,5%), la région Provence-Alpes-Côte-dAzur (+ 2,4%) et la Basse-Normandie (+ 2,2%).
d) Une progression plus forte de lemploi féminin
Selon lenquête annuelle de lINSEE, les emplois créés entre mars 1988 et janvier 1999 () se sont élevés à 218.000 dont 72.000 occupés par des hommes et 146.000 par des femmes. Une part de cette « féminisation » doit sans doute trouver son origine dans le fait quen période de reprise, les emplois à temps partiel ou intermittents, traditionnellement occupés de façon majoritaire par des femmes, sont les premiers concernés.
|
|
|
|
|
POPULATION ACTIVE ET STATUT DES EMPLOIS
(en milliers)
|
|
Mars 1996
|
Mars 1997
|
Mars 1998
|
Janvier 1999
|
Population active
|
|
|
|
|
Ensemble
|
25.590
|
25.582
|
25.755
|
25.983
|
Hommes
|
14.070
|
14.075
|
14.088
|
14.175
|
Femmes
|
11.520
|
11.507
|
11.667
|
11.808
|
Population active occupée
|
Ensemble
|
22.492
|
22.430
|
22.705
|
22.923
|
Hommes
|
12.611
|
12.552
|
12.651
|
12.723
|
Femmes
|
9.881
|
9.878
|
10.054
|
10.2004
|
Proportion dactifs occupés à temps partiel (%)
|
Ensemble
|
15,8
|
16,6
|
17,1
|
17,2
|
Hommes
|
5,2
|
5,4
|
5,6
|
5,5
|
Femmes
|
29,5
|
30,9
|
31,6
|
31,7
|
Statut des emplois
|
Non salariés
|
2.932
|
2.864
|
2.802
|
2.770
|
Salariés
|
19.561
|
19.566
|
19.904
|
20.153
|
|
|
|
|
|
|
273
|
330
|
413
|
447
|
|
790
|
849
|
906
|
892
|
|
219
|
234
|
257
|
276
|
|
451
|
417
|
405
|
424
|
Source : INSEE Première, n° 658, juin 1999.
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Selon lenquête emploi, le nombre des personnes ayant un emploi a atteint 22 983 000, soit un taux demploi de 48,2 %, en très légère augmentation par rapport à mars 1998 (48,1 %).
Lemploi salarié explique, à lui seul, laugmentation du nombre des actifs occupés, alors que la diminution du nombre demplois non salariés sest infléchie par rapport aux années antérieures (- 32 000 depuis mars 1998, alors que la diminution se situait entre 60 000 et 75 000 emplois par an de 1995 à 1998).
Lemploi salarié a crû de 249 000 personnes, la hausse étant forte pour les emplois permanents du secteur privé (+ 302 000). La progression des emplois à durée limitée (intérim, apprentissage, contrats aidés et contrats à durée déterminée) se ralentit (+ 58 000 personnes depuis mars 1998, au lieu de + 151 000 personnes entre mars 1997 et mars 1998). Au début de lannée 1999, « ces emplois (expliquaient) un quart de la hausse de lemploi intervenue depuis dix mois contre plus de la moitié de celle enregistrée de mars 1997 à mars 1998 ».
Pour la première fois depuis mars 1995, le nombre des contrats à durée déterminée a diminué (- 14 000 par rapport à mars 1998). Enfin, le travail à temps partiel a ralenti sa progression : 17,2 % des actifs occupés travaillaient à temps partiel en janvier 1999, contre 17,1 % en mars 1998).
e) Une nouvelle diminution du chômage
Le chômage a continué sa décrue en 1998. Le nombre des demandeurs demploi en fin de mois (DEFM inscrits à lANPE dans la catégorie 1, cest-à-dire les personnes à la recherche dun emploi à durée indéterminée et à plein temps, immédiatement disponibles) a retrouvé son niveau du début 1993 : 2 917 000 demandeurs inscrits, soit une diminution de 4,4 % par rapport lannée précédente (- 13 500 inscrits). La diminution du nombre des demandeurs demploi des catégories 1 + 6 (la catégorie 6 comprend les personnes à la recherche dun emploi sous contrat à durée indéterminée et à plein temps non immédiatement disponibles, car ayant travaillé plus de 78 heures dans le mois de référence) a diminué de 3 %. Le taux de chômage au sens du BIT a été ramené de 12,3 % à la fin de 1997 à 11,5 % à la fin de 1998.
De janvier à juillet 1999, la diminution du nombre des demandeurs demploi de la catégorie 1 a atteint 146 800 (123 800 pour les demandeurs demploi des catégories 1 + 6). Ces chiffres témoignent dune accélération de la diminution du nombre des demandeurs demploi par rapport à 1998 (le rythme mensuel de diminution du nombre des demandeurs demploi de catégorie 1 était de 12 600 en 1998, depuis le commencement de lannée, ce rythme sétablit à 21 000).
Il faut toutefois relever que de nouvelles dispositions ont étendu le régime de la dispense de recherche demploi aux demandeurs âgés de 55 à 57 ans et demi bénéficiaires de lallocation de chômeur âgé, soit environ 14 000 demandeurs demploi de catégories 1 et 6. Toutefois, la DARES souligne que « le sens des évolutions précitées et en particulier la poursuite de la baisse du chômage ne sont pas remis en cause ».
Le chômage de longue durée (demandeur demploi depuis inscrit un an et plus) a diminué de 9 % entre juillet 1998 et juillet 1999. Il sélevait à 1 022 276 en données brutes au mois de juillet 1999. Un fléchissement du niveau du chômage nest pas nécessairement accompagné dun recul du chômage de longue durée par rapport au chômage total. Le premier augmentait fortement depuis 1996. Il sest stabilisé au premier semestre de 1998 et a commencé à décroître au second semestre. Ce recul se poursuit.
En termes de comparaisons internationales, la situation de la France peut être vue de deux façons.
En termes de situation relative, notre pays reste dans une situation défavorable par rapport à la moyenne de lUnion européenne (7,1% en 1998, soit 4,7 points de moins que le résultat français), des pays européens de lOCDE (9,7% en 1998, soit 2,1 points de moins que le résultat français) ou de lOCDE (7,1%, soit 4,7 points de moins que le résultat français).
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COMPARAISON INTERNATIONALE DES TAUX DE CHÔMAGE
(en % de la population active)
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1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999 (a)
|
2000 (a)
|
France
|
11,5
|
12,3
|
12,4
|
11,8
|
11,3
|
10,8
|
Allemagne
|
9,4
|
10,3
|
11,4
|
11,2
|
10,7
|
10,0
|
Royaume-Uni
|
8,1
|
8,0
|
6,9
|
6,2
|
6,7
|
7,3
|
Pays-Bas
|
7,1
|
6,7
|
5,5
|
4,2
|
3,9
|
4,1
|
Italie
|
12,0
|
12,1
|
12,3
|
12,2
|
12,1
|
11,9
|
Suède
|
7,7
|
8,1
|
8,0
|
6,5
|
5,6
|
5,3
|
Union européenne
|
11,2
|
11,4
|
11,2
|
10,5
|
10,1
|
9,8
|
OCDE Europe
|
10,6
|
10,5
|
10,3
|
9,7
|
9,5
|
9,3
|
Etats-Unis
|
5,6
|
5,4
|
4,9
|
4,5
|
4,2
|
4,4
|
Japon
|
3,1
|
3,4
|
3,4
|
4,1
|
4,9
|
5,3
|
OCDE
|
7,6
|
7,5
|
7,2
|
7,1
|
7,0
|
7,0
|
(a) Prévisions.
Source : OCDE, Perspectives de lemploi, 1997, 1998 et1999.
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Avec un taux de chômage de 11,8% selon les chiffres de lOCDE, la France enregistre en 1998 le résultat le plus défavorable après lItalie (12,2%). En outre, il convient de noter que, sur la période 1996-1998, son taux de chômage na baissé que de 0,5 point dans le temps où il baissait de 2,5 points aux Pays-Bas, 1,3 point au Royaume-Uni et 0,9 point pour lensemble de lUnion européenne et aux Etats-Unis.
Ces chiffres ne doivent pas être perçus comme trop décevants, car alors que le taux français avait augmenté de 0,8 point en 1996, il diminue désormais et il se trouve sur une pente descendante. Dans la même période, le chômage a augmenté, par exemple, en Allemagne et en Italie, les deux autres économies comparables de la zone euro. En outre, en 1998, ce taux a baissé de 0,6 point en France, cest-à-dire presque autant que pour lensemble de lUnion européenne (baisse de 0,7 point), ce qui signifie que lécart avec la moyenne européenne se réduit.
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EVOLUTION DE LA POPULATION ACTIVE TOTALE
Taux daccroissement annuel moyen
en %
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|
1986-1996
|
1997
|
1998
|
OCDE
|
1,2
|
1,2
|
0,8
|
Etats-Unis
|
1,3
|
1,7
|
1
|
Japon
|
1,1
|
1,1
|
0,1
|
OCDE Europe
|
0,6
|
0,2
|
0,7
|
Union européenne
|
0,4
|
0,4
|
0,5
|
France
|
0,5
|
0,5
|
0,7
|
Allemagne
|
0,4 (a)
|
- 0,1
|
- 0,3
|
Royaume-Uni
|
0,3
|
0,4
|
0,7
|
Italie
|
- 0,1
|
0,2
|
0,3
|
Pays-Bas
|
1,6
|
2,2
|
1,4
|
Suède
|
- 0,2
|
- 1,1
|
- 0,2
|
a) Le taux de croissance moyen a été calculé en raccordant les données de lAllemagne dans son ensemble à celles de lAllemagne occidentale avant 1992.
Source : OCDE perspectives de lemploi juillet 1999
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Le taux de croissance de la population active française se rapproche beaucoup de celui de lUnion européenne. En revanche, lautre enseignement de ce tableau est quune augmentation de la population active nest pas nécessairement synonyme de difficultés supplémentaires en matières de chômage, puisque des pays qui connaissent un taux daugmentation de leur population active supérieur à la moyenne de lOCDE (comme les Etats-Unis) ou de lUnion européenne (comme les Pays-Bas) obtiennent pourtant des résultats, en matière de chômage, meilleurs que la moyenne de lOCDE ou que celle de lUnion européenne. A linverse, des pays comme lAllemagne ou lItalie dont la population active a crû moins vite que la moyenne de lOCDE ou de lUnion européenne présentent des taux de chômage moins favorables que la moyenne de lOCDE ou de lUnion européenne.
De décembre 1997 à décembre 1998, le chômage a reculé dans toutes les régions. En moyenne, cette réduction a été dun point. Des disparités selon les régions ont marqué cette réduction, liées, selon lINSEE aux mesures de politiques de lemploi.
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EVOLUTION DES TAUX DE CHÔMAGE RÉGIONAUX
en % au 31 décembre
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1996
|
1997
|
1998
|
France entière
|
12,5
|
12,3
|
11,5
|
Alsace
|
7,9
|
7,7
|
6,8
|
Aquitaine
|
13,5
|
13,3
|
12,5
|
Auvergne
|
11,4
|
10,8
|
9,8
|
Bourgogne
|
11,7
|
11,5
|
10,5
|
Bretagne
|
11,4
|
11,4
|
10,7
|
Centre
|
11,9
|
11,3
|
10,2
|
Champagne-Ardennes
|
13,0
|
12,3
|
11,2
|
Corse
|
13,3
|
13,4
|
12,8
|
Franche-Comté
|
10,2
|
10,0
|
8,7
|
Ile-de-France
|
10,9
|
10 ,8
|
10,2
|
Languedoc-Roussillon
|
17 ,1
|
17,1
|
16,1
|
Limousin
|
9,7
|
9,7
|
8,5
|
Lorraine
|
11,4
|
11,5
|
10,7
|
Midi-Pyrénées
|
12,1
|
12,2
|
11,6
|
Nord-Pas-de-Calais
|
16,3
|
16,1
|
15,3
|
Basse-Normandie
|
12,1
|
11,8
|
10,7
|
Haute-Normandie
|
14,8
|
14,6
|
13,5
|
Pays de la Loire
|
12,7
|
12,4
|
11,3
|
Picardie
|
13,4
|
13,6
|
12,8
|
Poitou-Charentes
|
13,1
|
13,2
|
12,5
|
Provence-Alpes-Côte dAzur
|
15,9
|
15,7
|
14,9
|
Rhône-Alpes
|
11,3
|
10,9
|
10
|
Source : INSEE, section Synthèse et conjoncture de lemploi, INSEE première n° 656, juin 1999.
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Cette diminution a été largement supérieure à la moyenne nationale en Auvergne et en Franche-Comté (- 1,8 point), en Champagne-Ardennes et dans la région Centre (- 1,7 point). La baisse a été inférieure à la moyenne nationale dans la région Ile de France (- 0,8 point) ainsi que dans la région Midi-Pyrénées (- 0,6 point) et dans la région Rhône-Alpes (- 0,9 point).
LINSEE souligne que « depuis le milieu des années quatre-vingt, les zones les plus touchées par le chômage restent le Languedoc Roussillon, la Provence-Alpes-Côte-dAzur, qui bénéficient dun excédent migratoire dactifs, le Nord-Pas-de-Calais et la Haute-Normandie, régions en reconversion industrielle difficile ».
B. LES MÉNAGES RESTENT LE PIVOT DUN RETOUR DURABLE DE LA CROISSANCE
La consommation des ménages constitue un facteur primordial de lévolution de la croissance : elle représente environ 60% du produit intérieur brut, près du double des exportations et plus de trois fois le montant des investissements.
Dès lors, la très forte progression de la consommation enregistrée en 1998 a permis à la demande intérieure de devenir le moteur de lexpansion, alors quen 1997 la croissance était tirée par la demande extérieure. La croissance de 1998 a ainsi été « vertueuse », car elle a gagné en autonomie.
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CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DU PIB
(aux prix de lannée précédente)
(en %)
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1996
|
1997
|
1998
|
Dépense de consommation finale des ménages
|
0,7
|
0,1
|
1,9
|
Dépense de consommation finale des administrations publiques
|
0,5
|
0,4
|
0,3
|
Formation brute de capital fixe totale
|
0,0
|
0,1
|
1,0
|
|
- 0,1
|
0,1
|
0,7
|
|
0,0
|
0,0
|
0,2
|
|
0,0
|
- 0,2
|
0,1
|
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
Solde extérieur des biens et services
|
0,4
|
1,2
|
- 0,4
|
|
- 0,3
|
- 1,3
|
- 2,0
|
|
0,8
|
2,5
|
1,6
|
Variation de stocks
|
- 0,6
|
0,2
|
0,4
|
Produit intérieur brut
|
1,1
|
2,0
|
3,2
|
Source : INSEE, Comptes nationaux.
|
La demande des ménages devrait toujours constituer le premier soutien de la croissance en 1999 et 2000, même si un léger infléchissement a pu être constaté lors du premier semestre de cette année.
Toutefois, linvestissement en logement des ménages demeure vigoureux et la consommation devrait être encore fortifiée par lallégement des impôts programmé par le Gouvernement.
1. Une consommation toujours bien orientée, malgré un léger tassement
a) Une progression sensiblement supérieure à la moyenne de ces dernières années
La consommation des ménages a connu une croissance exceptionnelle en 1998, avec une progression de + 3,6% en moyenne annuelle, soit lévolution la plus forte depuis plus de dix ans.
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RESSOURCES ET EMPLOIS DE BIENS ET SERVICES AUX PRIX DE LANNÉE PRÉCÉDENTE, chaînés, base 1995.
(en milliards de francs)
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1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
EMPLOIS
|
|
|
|
|
|
|
|
Dépenses de consommation finale des ménages
|
4.181,5
|
4.157,1
|
4.205,9
|
4.257,4
|
4.311,8
|
4.319,9
|
4.467,7
|
Evolution ( %)
|
0,9
|
- 0,6
|
1,2
|
1,2
|
1,3
|
0,2
|
3,6
|
Source : INSEE, Comptes nationaux.
|
Le premier semestre 1999 a été marqué par un fléchissement des dépenses de consommation des ménages : elles nont progressé que de 0,2% au premier trimestre et de 0,6% au trimestre suivant, soit un acquis de croissance pour lannée 1999 de + 1,8%, correspondant à la moitié de la progression de ces dépenses lannée précédente.
Il convient, cependant, dobserver que :
tout dabord, la consommation des ménages contribue encore fortement à la croissance du PIB ; au deuxième trimestre 1999 le PIB a augmenté de 0,6% et les dépenses de consommation ont contribué positivement pour 0,3 point à cette croissance ;
ensuite, lévolution enregistrée ces derniers mois est encore supérieure à celle constatée avant 1998 : entre 1979 et 1997, le volume de la consommation des ménages a cru de 1% par an en moyenne ().
enfin, dans sa Note de conjoncture de juin dernier, lINSEE considère que ce fléchissement est en grande partie imputable à des facteurs exceptionnels (baisse des dépenses de tabac à la suite daugmentations importantes de prix ; repli des dépenses énergétiques après les conditions climatiques rigoureuses du quatrième trimestre 1998) et que les dépenses de consommation des ménages devraient de nouveau progresser vivement au second semestre (2,2% en rythme annualisé) et ainsi augmenter de 2,1% en moyenne annuelle.
La bonne tenue des dépenses de consommation des ménages est particulièrement perceptible dans le domaine des produits manufacturés, et, en particulier, dans le secteur de lautomobile et dans celui des matériels informatiques et téléphoniques.
Les achats de véhicules automobiles ont connu en 1998 une progression spectaculaire (+ 14,4% en volume). Il sagissait, en fait, pour une grande part, dune conséquence indirecte des primes à lachat instaurées par les gouvernements de MM. Edouard Balladur et Alain Juppé. Ces mesures avaient provoqué des achats anticipés, suivis dune chute des ventes après leur suppression. La situation revenant progressivement à la normale, il en est résulté, par un simple effet mécanique, une croissance plus forte des achats. Dès lors, le ralentissement observé pendant les deux premiers trimestres de 1999 (+ 0,4% pour le premier et 1,2% pour le deuxième) peut être relativisé, dautant que les dépenses de consommation des ménages relatives aux véhicules automobiles ont progressé de 5,4% en volume de juin 1998 à juin 1999. En outre, les derniers chiffres publiés par lINSEE indiquent que les achats des ménages en automobiles ont augmenté de 22,5% en juillet dernier et sont demeurés quasiment à ce niveau en août (-0,4%).
La diffusion de léquipement micro-informatique et téléphonique, ainsi que des services liés à ces produits, en particulier les télécommunications mobiles, est un autre facteur du dynamisme de la consommation. Les ventes de micro-ordinateurs auprès des ménages ont pratiquement quintuplé en volume en quatre ans et, au 31 décembre 1998, le marché français du téléphone mobile comptait 11,2 millions de clients, contre 5,8 millions un an plus tôt. LINSEE observe toutefois que « ces produits innovants représentent une part relativement faible de la consommation et ne rendent donc pas compte de toute lampleur des progressions passées. En 1998, par exemple, ils contribuent pour environ 0,4 point à la progression de la consommation totale () ».
b) Des indicateurs favorables à une bonne tenue de la consommation des ménages
En 1998, le dynamisme des dépenses de consommation a été permis par la vive progression du revenu disponible brut des ménages et par une réduction du taux dépargne, cette réduction étant encouragée par la confiance retrouvée, elle-même liée au redressement de lemploi. Il est probable quen 1999, ces mêmes facteurs continueront à influer positivement sur la consommation des ménages, même si le ralentissement des créations demplois et la reprise modérée de linflation devraient peser sur lévolution du revenu réel.
· Une croissance soutenue du revenu disponible brut des ménages
Le revenu est le déterminant principal de la consommation. Or, le revenu disponible brut des ménages devrait progresser de 3,2% en 1999, après une croissance de 3,6% en 1998.
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REVENU DISPONIBLE DES MÉNAGES
(moyennes annuelles)
(en %)
|
|
1997
|
1998
|
1999(a)
|
Salaires bruts (58%) (b)
|
3,1
|
3,9
|
3,3
|
Prestations sociales en espèces (32%)
|
3,1
|
2,8
|
3,3
|
Excédent brut dexploitation (25%)
|
2,4
|
3,5
|
3,5
|
Revenus de la propriété (12%)
|
3,0
|
5,7
|
4,4
|
Prélèvements sociaux et fiscaux (- 23%)
|
2,4
|
4,6
|
4,9
|
Dont :
|
|
|
|
Cotisations des salariés (- 10%)
|
- 2,8
|
- 20,4
|
4,5
|
Cotisations des non salariés (- 2%)
|
- 0,1
|
- 25,2
|
4,7
|
Impôt sur le revenu y compris CSG et CRDS (- 11%)
|
8,4
|
34,5
|
5,2
|
Revenu disponible brut (100%)
|
3,3
|
3,6
|
3,2
|
Prix de la consommation des ménages (comptes trimestriels)
|
1,4
|
0,8
|
0,5
|
Pouvoir dachat du RDB
|
1,9
|
2,8
|
2,7
|
(a) Prévision.
(b) Les chiffres entre parenthèses donnent la structure de lannée 1997.
Source : Note de conjoncture de lINSEE, juin 1999.
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Globalement, cette évolution serait imputable à un ralentissement des revenus dactivité, à une légère accélération des prestations sociales en espèces, et à une stabilité densemble des prélèvements obligatoires.
Les revenus dactivité progresseraient de 3,2% en 1999, contre 3,7% en 1998.
En effet, la progression de la masse salariale reçue par les ménages devrait ralentir en 1999 : + 3,3% en moyenne annuelle, après + 3,9% en 1998, en raison principalement du fléchissement des créations demploi.
Toutefois, le salaire horaire de base ouvrier (SHBO) devrait augmenter à un rythme un peu supérieur à celui observé en 1998, même si le léger redressement des prix à la consommation devrait se traduire par une stabilité de la progression du pouvoir dachat du SHBO.
Les revenus des non-salariés subiraient également le ralentissement de lactivité. La croissance de lexcédent brut dexploitation des entreprises individuelles sétablirait ainsi à + 2,6% en 1999, après + 3% en 1998.
En revanche, lindice des traitements de la fonction publique devrait progresser de 1,4% contre 1,3% en 1998, soit une augmentation du pouvoir dachat de 0,8% contre 0,6% en 1998.
Les prestations sociales en espèces () devraient saccroître légèrement en 1999 : + 3,3%, après + 2,8% en 1998.
Cette évolution serait en partie due à la forte progression des prestations familiales en 1999, dont la croissance devrait atteindre 4,3%, après une diminution de 0,4% lannée précédente. Toutefois, si luniversalité des allocations familiales a été rétablie au 1er janvier 1999, cette augmentation des versements est compensée par la baisse du plafond du quotient familial, si bien quau total, lensemble des mesures ayant effet en 1999 naffecte pas le revenu des ménages.
Les prestations chômage devraient également connaître une augmentation en 1999. Cette évolution sexpliquerait, dune part, par la reconduction de lARPE (Allocation de remplacement pour lemploi) et, dautre part, par le vieillissement de la population des chômeurs. En effet, malgré le recul du chômage, le nombre de chômeurs âgés, qui touchent des indemnités plus élevées, augmenterait en 1999.
Les prestations vieillesse devraient progresser au même rythme que lannée précédente. En revanche, les prestations en espèces versées par la Caisse nationale dassurance maladie (CNAM), en majeure partie constituées des indemnités journalières, devraient ralentir en 1999.
Les « autres prestations sociales » () versées par les administrations publiques ne devraient pas connaître de changements par rapport à lannée précédente.
Enfin, comme cela sera indiqué de façon plus détaillée ci-après, le poids des prélèvements obligatoires devrait saccroître, malgré les baisses dimpôt arrêtées en lois de finances.
· Une inflation toujours maîtrisée permettant des gains de pouvoir dachat
Comme cela a été indiqué précédemment, laugmentation des prix reste faible et les prix à la consommation hors tabac ne devraient progresser que de 0,6% en moyenne annuelle, contre 0,7% en 1998, année où la hausse des prix avait pourtant été la plus faible constatée depuis 1953.
Compte tenu de cette faible inflation, le pouvoir dachat des ménages progresserait de 2,7% en moyenne annuelle, soit une croissance proche de celle enregistrée en 1998 (+2,8%).
· Une confiance retrouvée permettant une réduction de lépargne
Lindicateur résumé dopinion des ménages, calculé chaque mois par lINSEE, atteint des niveaux historiquement élevés depuis juillet 1998. Loptimisme des ménages résulte manifestement de la croissance de leur pouvoir dachat, ainsi que de la croissance de lemploi et de la baisse du chômage. Il est notable que cette confiance nait été affectée ni par la crise asiatique, ni par la crise financière en Russie et au Brésil, ni par les événements du Kosovo, et que le solde dopinion relatif à lopportunité dacheter, qui présente une corrélation importante avec lévolution des dépenses des ménages, continue dafficher des niveaux importants.
Dès lors, on a assisté en 1998 à un relâchement progressif du comportement de précaution des ménages, qui sest traduit par une baisse de 0,7 point du taux dépargne (15,4% en 1998, contre 16,1% en 1997). Ce dernier est brusquement remonté à 16% au tout début de 1999, mais tend de nouveau à diminuer, ce qui permet notamment de soutenir linvestissement des ménages.
2.- Une forte reprise de linvestissement des ménages
Linvestissement des ménages correspond essentiellement à linvestissement en logement. Ce dernier avait reculé depuis le début des années quatre-vingt-dix : lors de lenquête « budget de famille » de lINSEE de 1984, linvestissement en logement représentait près de 90% de lépargne mesurée ; il nétait plus que des deux tiers lors de lenquête similaire de 1995 (cette modification de structure avait pour contrepartie un fort développement des assurances-vie et retraite).
Linvestissement des ménages en logement a toutefois progressé de manière soutenue depuis 1998. Ainsi, à Paris, les ventes de logements neufs ont augmenté de 50% par rapport à 1997 et les ventes de logements anciens de 19% (). Ce mouvement se poursuit en 1999. Sur lensemble du territoire métropolitain, les autorisations de construire ont ainsi connu une progression de 21,3% au cours du premier trimestre 1999 par rapport au même trimestre de 1998. Au cours de cette période, les mises en chantier ont progressé de 22,4% (). La maison individuelle comme le logement collectif ont bénéficié de cette conjoncture favorable.
Au total, linvestissement des ménages en logement devrait évoluer en 1999 à un rythme bien supérieur à 5%. Plusieurs facteurs expliquent cette hausse sensible : la volonté des investisseurs de bénéficier de « lamortissement Périssol » avant la cessation de ce dispositif ; larrêt de la baisse des prix des logements anciens et laugmentation de ceux des logements neufs, ce qui met fin aux comportements attentistes ; la baisse des taux dintérêt (entre le premier trimestre de 1998 et le premier trimestre de 1999, la baisse du coût des crédits aux particuliers a atteint 0,5 point environ pour les crédits immobiliers à taux variables et 1,1 point pour ceux à taux fixes), qui favorise la progression de lendettement intérieur des ménages (en avril 1999, les crédits à lhabitat ont augmenté de 6,5%) ; enfin, la baisse des droits de mutation décidée dans le cadre de la loi de finances pour 1999. Les nombreuses mesures en faveur du logement figurant dans le projet de loi de finances pour 2000 devraient conforter cette évolution favorable.
3.- Soutenir ce processus en allant plus loin dans lallégement des prélèvements pesant sur les ménages
Les prélèvements obligatoires, après une forte progression ces dernières années, sont stabilisés à un niveau élevé, correspondant en grande partie au niveau et à la qualité des prestations fournies à la Nation. Le soutien de la croissance exige néanmoins une réduction de ces prélèvements.
a) Des prélèvements obligatoires à un niveau élevé
En 1998, lensemble des prélèvements obligatoires, calculés selon la nouvelle base 95 de comptabilité nationale, représentait 44,9% du produit intérieur brut, soit un ratio identique à celui constaté en 1997. Sagissant de 1999, une hausse devrait être constatée, puisque le taux des prélèvements obligatoires serait de 45,3%. Cette évolution est en grande partie liée à une conjoncture moins bonne que prévu (une croissance et une inflation inférieures aux prévisions figurant dans le projet de loi de finances pour 1999 vont mécaniquement provoquer une hausse des prélèvements obligatoires). Cette hausse a été confortée par les bonnes rentrées de limpôt sur les sociétés et par laugmentation du montant global des cotisations sociales imputable à la croissance de la masse salariale.
Cette stabilisation doit être appréciée au regard de lévolution des années précédentes. En effet, de 1993 à 1995, les prélèvements obligatoires avaient progressé de 0,6 point de PIB, tandis que cette augmentation a atteint 1,2 point de PIB entre 1995 et 1996, sous leffet notamment de la majoration du taux normal de TVA, porté de 18,6% à 20,6%.
Le tableau ci-après présente lévolution des prélèvements obligatoires depuis 1995.
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PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
ET DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
(en milliards de francs et en % du PIB)
|
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1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Impôts après transferts (a)
Administrations publiques centrales
dont Etat
Administrations publiques locales
Administrations de sécurité sociale
Institutions de lUnion européenne
|
1.940,4
1.296,7
1.262,5
424,6
154,2
64,8
|
2.069,4
1.401,7
1.341,6
449,8
162,6
55,3
|
2.200,9
1.454,2
1.389,1
471,7
218,1
56,9
|
2.450,6
1.504,5
1.436,2
492,8
400,9
52,3
|
Cotisations sociales effectives (b)
|
1.443,8
24,4
1.419,4
|
1.489,1
24,5
1.464,5
|
1.491,1
33,7
1.457,5
|
1.397,4
35,1
1.362,3
|
Prélèvements obligatoires effectifs
|
3.384,2
|
3.558,5
|
3.692,1
|
3.848,0
|
Impôts après transferts (a)
Administrations publiques centrales
dont Etat
Administrations publiques locales
Administrations de sécurité sociale
Institutions de lUnion européenne
|
25,0
16,7
16,3
5,5
2,0
0,8
|
26,0
17,6
16,9
5,7
2,0
0,7
|
26,8
17,7
16,9
5,7
2,7
0,7
|
28,6
17,6
16,8
5,8
4,7
0,6
|
Cotisations sociales effectives (b)
|
18,6
0,3
18,3
|
18,7
0,3
18,4
|
18,1
0,4
17,7
|
16,3
0,4
15,9
|
Prélèvements obligatoires effectifs
|
43,7
|
44,8
|
44,9
|
44,9
|
Pour mémoire, ancienne base 80
|
44,5
44,1
|
45,7
45,0
|
46,1
45,3
|
45,9
45,2
|
(a) Les impôts sont comptabilisés après transferts de recettes fiscales et nets des impôts dus non recouvrables.
(b) Nettes des cotisations dues non recouvrables.
Source : INSEE, Les comptes de la Nation 1998, Informations rapides, n° 137,
et Ministère de léconomie, des finances et de lindustrie.
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b) Une importance à relativiser
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COMPARAISONS INTERNATIONALES
(en % du PIB)
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1996
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Taux de prélève-ments obligatoires
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Impôts
|
Cotisations sociales
|
France
|
45,7
|
26,0
|
19,7
|
Allemagne
|
38,1
|
22,6
|
15,5
|
Royaume-Uni
|
36,0
|
29,8
|
6,2
|
Suède
|
52,0
|
36,5
|
15,5
|
Etats-Unis
|
28,5
|
21,5
|
7,0
|
Japon
|
28,4
|
18,1
|
10,4
|
Source : OCDE. LOCDE conserve, pour linstant, lancien système comptable pour lequel le taux de PO est dun point supérieur à celui calculé en suivant le nouveau système.
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Il convient, cependant, de noter que ces comparaisons doivent être effectuées avec prudence, tant la notion de prélèvements obligatoires est conventionnelle. A titre dillustration, il suffit de rappeler que ladoption par lINSEE du nouveau système européen de comptabilité SEC 95 a conduit à diminuer le taux des prélèvements obligatoires pour 1995 de 0,5 point par rapport au calcul effectué dans lancienne base 80.
En outre, pour les comparaisons de prélèvements obligatoires, seuls sont pris en compte les régimes dassurance obligatoires. Cette méthodologie introduit un biais important sagissant de la situation française caractérisée par limportance des régimes obligatoires de sécurité sociale. La structure des recettes montre une fiscalité légèrement supérieure, mais tout à fait comparable à la moyenne européenne. Comme lobserve un rapport de notre poste dexpansion économique de Londres () le poids réel des charges sociales du Royaume-Uni ne se limite pas au poids des charges obligatoires, car ceux qui le peuvent souscrivent systématiquement des retraites et des assurances sociales complémentaires. Or, « laddition de ces taux facultatifs maximum avec les taux obligatoires aboutit à des taux globaux supérieurs aux taux pratiqués en France, pour une protection inférieure ou égale ».
En effet, pour porter une juste appréciation sur le niveau des prélèvements obligatoires, il convient également de tenir compte de la nature et de limportance des services rendus en contrepartie. Or, on peut affirmer sans grand risque de se tromper que la France a visiblement un niveau de service public élevé et que ses habitants y sont attachés.
Il nen est pas moins vrai que les prélèvements obligatoires sont plus élevés que chez nombre de nos partenaires et que cela conduit à un excès de taxation du travail nuisible, à la fois, à loffre et à la demande de travail. Cest pourquoi, il apparaît souhaitable daffecter, comme le prévoit le présent projet, une large part des surplus générés par la croissance à la baisse des prélèvements obligatoires.
c) Poursuivre un mouvement engagé en 1997
Corsetée par des déficits publics et des taux dintérêt excessifs, ainsi que par les décisions successives de relèvement des prélèvements obligatoires, la demande intérieure, entre 1993 et 1997, a contribué à la stagnation de la croissance durant cette période.
Contrairement à son prédécesseur, qui avait décidé de mettre fortement les ménages à contribution par un relèvement de la TVA en 1995, le Gouvernement a su mener, depuis lété 1997, une politique de soutien de la consommation : revalorisations du SMIC au 1er juillet 1997 et 1998 supérieures au minimum légal ; création dun crédit dimpôt sur le revenu, remboursable pour les personnes non imposables, pour les dépenses dentretien afférentes à lhabitation principale ; plafonnement à 1.500 francs de la taxe dhabitation pour les redevables aux ressources très faibles ; maintien de la réduction dimpôt pour frais de scolarité que la loi de finances pour 1997 prévoyait de supprimer ; baisses ciblées de la TVA (en particulier sur les travaux dans les logements sociaux) ; basculement des cotisations maladie sur la CSG
Le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 1999 montrait ainsi que les mesures décidées depuis juin 1997 ont entraîné un allégement sensible de la charge fiscale et sociale pour 90% des ménages.
Cet effort sera poursuivi en 2000 grâce, en particulier, à la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements, à la nouvelle diminution des droits de mutation à titre onéreux et à la suppression progressive du droit de bail pesant sur les locataires. Ainsi, les prélèvements obligatoires devraient sétablir à 44,8% en 2000. La stabilisation serait ainsi confirmée et une décrue pourrait être mise en uvre pour satisfaire aux engagements figurant dans le programme pluriannuel de finances publiques, notifié à la Commission européenne en janvier dernier et qui a pour objectif, à lhorizon 2002, une diminution comprise entre 0,5 et 0,8 point de PIB.
Il convient, dès lors, de sinterroger sur les modalités futures de répartition de lallégement de la charge.
Après avoir mis laccent sur lallégement de la fiscalité indirecte en 2000, le Gouvernement a déjà annoncé quil travaillait, pour 2001, à une réforme de la fiscalité directe sur les ménages.
Votre Rapporteur général approuve cette orientation et souhaite que soit particulièrement privilégiée la diminution de la taxation des ménages les plus modestes, par exemple par un élargissement du champ dapplication de la décote. Comme le soulignent les auteurs dun récent rapport du Conseil danalyse économique (), un effort particulier doit fait en vue de la réduction des taux marginaux élevés au bas de léchelle de la distribution des revenus, qui constituent des « trappes à pauvreté ou à inactivité », puisque les ménages concernés ne pourraient prétendre quà des revenus dactivité inférieurs aux transferts dont ils bénéficient en étant inactifs. Il convient, en particulier, de sinterroger sur lopportunité de mettre en uvre un dispositif dimpôt négatif ou dallocation compensatrice des revenus, de manière à éviter ces effets pervers.
Par ailleurs, il serait souhaitable dalléger la CSG des contribuables modestes en cherchant à moduler sa perception de façon très ciblée.
Ces mesures sinséreraient dans une politique globale visant à réduire les déséquilibres de la société française.
C.- UNE OPPORTUNITÉ POUR FAIRE RECULER LES DÉSÉQUILIBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Parmi les mutations, souvent saluées, de léconomie française, il en est une, préoccupante, qui concerne les grands mécanismes de la répartition du travail et des revenus.
Le chômage de masse, la crise du modèle salarial et un rapport de force devenu défavorable aux salariés au sein des entreprises, semblent bien avoir engendré exclusion, accélération des inégalités et violences urbaines.
Un point mérite dêtre fait sur certains de ces déséquilibres économiques et sociaux, à travers le niveau de la pauvreté, lavenir des retraites, les inégalités entre les territoires et les perspectives ouvertes par la réduction du temps de travail.
1.- Exclusion, précarité et Etat providence
A lheure où le chômage recule, où le taux de croissance reste soutenu, où les recettes fiscales dépassent assez sensiblement les prévisions pour 1999 et où les excédents commerciaux sont historiquement élevés, il est légitime de s'interroger sur l'évolution de la pauvreté.
Pauvreté et exclusion peuvent-elles régresser du seul fait de la bonne santé de léconomie?
Quel est limpact des transferts et des impôts résultant de lEtat providence ?
a) Une pauvreté persistante
Le lien entre taux de croissance et taux de pauvreté est plutôt lâche.
Malgré la croissance économique aux États-Unis, les ménages qui touchent moins de la moitié du revenu médian (selon la définition conventionnelle du seuil de pauvreté) représentent toujours, dans ce pays, plus de 20% de la population.
Au Royaume-Uni, la politique de réduction des transferts sociaux (indemnités de chômage non proportionnelles au salaire et dune durée limitée à six mois, baisse relative du pouvoir dachat des retraites
) introduite par les conservateurs au milieu des années 1980, a provoqué une forte et persistante hausse de la pauvreté malgré des résultats économiques et de niveau demploi plus favorables que dans le reste de lEurope jusquà ces dernières années.
A linverse, en Allemagne, dans les Länder occidentaux, à haut niveau de protection sociale, le taux de chômage est passé de 1% en 1973 à 8% en 1995, alors que, dans le même temps, le taux de pauvreté progressait de seulement trois points.
En France, le RMI et la revalorisation des retraites ont permis déviter la progression du taux de pauvreté. Néanmoins, ce taux de pauvreté se maintient à un niveau inacceptable. Si lon sen tient, en effet, à la définition monétaire du seuil de pauvreté, déjà évoquée dans mon précédent rapport général sur le projet de loi de finances pour 1999 (), depuis quinze ans, invariablement, 10% des ménages vivent en France dans la pauvreté, même si ses manifestations ont pu évoluer.
En réponse aux principales manifestations de la pauvreté, exclusion du logement, de léducation, du crédit ou de la santé, le pays sest doté au cours des deux dernières années de nouveaux instruments de protection sociale.
b) Des nouveaux instruments de lutte contre l'exclusion
Le système français des minima sociaux (voir tableau ci-dessous) apparaît complexe et diversifié, avec huit prestations différentes, dont le niveau répond clairement à la volonté de préserver lattractivité de lemploi et, à lexception du RMI, dépourvues de règles de revalorisation.
Ces minima sont des allocations différentielles et, en conséquence, tout revenu perçu en deçà du plafond de ressources entraîne une réduction à due proportion du montant de lallocation, mécanisme qui décourage lemploi, en raison de son automatisme et de sa brutalité, et contribue à générer de véritables « trappes à pauvreté ».
Cette situation, à laquelle s'ajoutent les difficultés des jeunes qui ne perçoivent pas le RMI et sont largement exclus de lindemnisation du chômage, a engendré de graves phénomènes dexclusion auxquels il était temps dapporter des remèdes.
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PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES MINIMA SOCIAUX
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Allocation
|
Année de création
|
Organismes gestionnaires
|
Nombre dallocataires
(en milliers)
|
Allocation maximale
|
Plafond de ressources
|
Minimum vieillesse
|
1941, 1956
|
Régimes de retraite de base
|
942
|
3.471
|
3.555
|
Minimum invalidité
|
1930
|
Régimes dassurance maladie
|
99
|
3.471
|
3.555
|
Allocation aux adultes handicapés
|
1975
|
Organismes débiteurs des prestations familiales
|
631
|
3.471
|
4.825
|
Allocation de parent isolé
|
1976
|
Organismes débiteurs des prestations familiales
|
163
|
3.680 (a)
|
3.680 (a)
|
Allocation dassurance veuvage
|
1980
|
Caisse nationale dassurance vieillesse
|
17
|
3.107 (b)
|
3.884 (b)
|
Allocation dinsertion
|
1979
|
ASSEDIC
|
15
|
1.311
|
3.933
|
Allocation de solidarité spécifique
|
1984
|
ASSEDIC
|
516
|
2.265
|
5.284
|
Revenu minimum dinsertion
|
1989
|
Organismes débiteurs des prestations familiales
|
1.049
|
2.138 (a)
|
2.138 (a)
|
Note : Les effectifs dallocataires sentendent France entière (métropole + DOM) et au 31 décembre 1996, à lexception du RMI dont la totalisation est arrêtée au 30 juin 1997. Les montants maxima et les plafonds de ressources des différentes prestations correspondent aux barèmes en vigueur au 1er janvier 1998 pour une personne seule, sauf dans le cas de lallocation de parent isolé où lon a retenu le barème applicable à un parent isolé avec un enfant.
(a) Déduction faite du « forfait logement ».
(b) Barème de la première année de veuvage.
Sources : CSERC (1997), ministère de lemploi et de la solidarité.
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Le 4 mars 1998, le Gouvernement a présenté un important programme de « prévention et de lutte contre les exclusions » portant sur trois années (1998-2000) et représentant un engagement de 51,4 milliards de francs, dont 38,4 milliards à la charge de lEtat.
Plusieurs projets de loi étaient directement associés à ce programme. Les deux textes piliers sont la loi dorientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et la loi n° 99-641 portant création dune couverture maladie universelle (CMU) du 27 juillet 1999.
La loi dorientation contre les exclusions, qui contient des lignes daction générale mais aussi des dispositions précises et particulières, ne vise pas tant à reconnaître des nouveaux droits quà garantir laccès à ceux existant.
Laccès à lemploi figure évidemment en tête des dispositions de la loi avec des mesures favorisant laccompagnement personnalisé pour toute personne écartée du marché du travail et dautres incitant financièrement à la reprise dactivité pour les bénéficiaires de minima sociaux.
Ainsi, le dispositif TRACE offre aux jeunes de seize à vingt-cinq ans en grande difficulté, sans emploi et sans qualification, un parcours dinsertion personnalisé pouvant durer dix-huit mois et ouvrant droit à rémunération, articulant des actions de bilan, de mise en situation professionnelle, des formations préqualifiantes et qualifiantes et, éventuellement, des mesures daccompagnement concernant, par exemple, le logement. Ce programme, piloté par les missions locales pour linsertion des jeunes, a été lancé dès 1998 et devrait concerner 40.000 jeunes en 1999 et 60.000 lan prochain.
Le coût du programme TRACE est évalué à 5,1 milliards de francs pour la période 1998-2000, dont 4 milliards de francs au titre des contrats aidés et des stages et 1,1 milliard de francs pour les moyens daccompagnement (700 millions de francs en 2000, dont 566 millions de francs pour le renforcement des missions locales).
Un rapport dévaluation de lapplication de la loi sera établi tous les deux ans et le premier avant la fin de l'an 2000. Il sappuiera notamment sur les travaux de lObservatoire national de la pauvreté et de lexclusion sociale que la loi a créé.
La portée de la loi dorientation sera, bien entendu, conditionnée par le maintien durable dun effort financier significatif. Une bonne coordination sur le terrain, impulsée par la loi, entre les intervenants, notamment, entre les représentants de lEtat et ceux du département devrait permettre une cohérence meilleure que par le passé de laction publique. Le principe de laccompagnement personnalisé des personnes en grande difficulté, axe majeur de la loi, devrait induire de réels décloisonnements entre les différents intervenants (emploi, logement, santé, endettement
)
La loi créant la CMU entrera, pour sa part, en vigueur le 1er janvier 2000, de nombreux décrets dapplication devant encore intervenir.
Toute personne résidant en métropole ou dans les DOM et qui ne bénéficie, à aucun titre, des prestations dun régime d'assurance maladie, sera affiliée au régime général du fait de sa résidence « stable et régulière » en France. Cette affiliation se fera sans contrepartie contributive et ouvrira un droit à une couverture complémentaire, pour les personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond fixé par décret et révisé chaque année (ce plafond devrait être fixé, dans un premier temps, à 3.500 francs pour une personne seule). Six millions de personnes sont concernées par ce dispositif.
Par ailleurs, le programme triennal de prévention et de lutte contre les exclusions, évoqué ci-dessus, a prévu dimportants moyens pour les actions de santé (soins et prévention) en direction des personnes aux revenus les plus faibles : 590 millions de francs y seront consacrés en trois ans.
c) Prévenir la pauvreté par le recul de la précarité sur le marché du travail
Le programme daction et la loi contre les exclusions représentent une avancée importante. Il sagit cependant dun ensemble de mesures « curatives » qui, par nature, napportent pas directement de solution au problème de la montée de la précarité sur le marché du travail.
Dans son rapport au Conseil danalyse économique sur « La pauvreté, sa mesure et son évolution » (), M. Michel Glaude, directeur des statistiques démographiques et sociales à l'INSEE, attire lattention sur ce point.
Selon M. Michel Glaude, la stabilité globale du taux de pauvreté au cours des dix dernières années, masque des évolutions profondes : « Depuis dix ans, la pauvreté sest considérablement rajeunie, elle est devenue plus urbaine, elle concerne davantage les salariés et de plus en plus les familles monoparentales ».
Cette évolution est le résultat dune dégradation dans le domaine de lemploi et des conditions de travail. Des franges de plus en plus larges de la population alternent, sans parvenir à se sortir de cette situation, travail insuffisamment rémunérateur et chômage non indemnisé. Ce phénomène, souvent évoqué sous le vocable anglo-saxon de « working poors », prend en France une réelle et inquiétante extension quil va falloir enrayer.
Un débat public doit souvrir sur les limites à apporter à la progression de la part relative des bas salaires (moins de 4.800 francs par mois) et des très bas salaires (moins de 3.600 francs), qui concernent aujourdhui 3,2 millions de salariés. LINSEE relève, dans une étude de juillet 1999, () qu'entre 1993 et 1997, la part des travailleurs à bas salaire est passée de 11% à 15,1% du total des salariés et que la progression des très bas salaires est encore plus rapide, puisque cette catégorie de salariés a doublé en quinze ans.
Les trois quarts des emplois à bas salaires sont des emplois à temps partiel « subis », majoritairement occupés par des femmes (78%).
Si 60% des allocataires du RMI sortent du dispositif grâce à un emploi, il sagit le plus souvent demplois instables et dune durée de moins de six mois. Un ancien allocataire embauché sur trois occupe un emploi aidé (CES ou CEC) du secteur public ou associatif. Ceux qui retrouvent un emploi dans le secteur marchand ont presque toujours un emploi à temps partiel et à durée déterminée.
Les trois tableaux ci-dessous rendent bien compte de cet enfermement dans la précarité.
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STATUT DE LEMPLOI DES SALARIÉS SORTANT DU RMI ET DES ANCIENS CHÔMEURS, COMPARÉ À LENSEMBLE DES SALARIÉS
(en %)
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Statut
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Anciens allocataires RMI
|
Anciens chômeurs
|
Ensemble des salariés
|
Intérimaires
Contrat emploi-solidarité (CES)
Contrat emploi-consolidé (CEC)
Autre contrat à durée déterminée (a)
Autre contrat à durée indéterminée
Ensemble
|
4,9
29,0
4,1
31,0
31,0
100,0
|
10,4
11,4
29,3
48,9
100,0
|
1,5
0,1
6,7
91,7
100,0
|
Champ : Anciens chômeurs âgés de 25 ans et plus et ensemble des salariés du même âge (hors secteur agricole)
(a) Y compris stagiaires rémunérés.
Source : Enquête RMI 1998 et enquête Emploi 1998, INSEE.
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TEMPS DE TRAVAIL DES ALLOCATAIRES DU RMI SORTIS AVEC UN EMPLOI SALARIÉ COMPARÉ À CELUI DES ANCIENS CHÔMEURS
(en %)
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Temps de travail
|
Anciens allocataires RMI
|
Anciens chômeurs
|
Ensemble des salariés
|
Temps plein
Temps partiel choisi
Temps partiel contraint
Ensemble
|
50,9
5,7
43,4
100,0
|
59,6
8,2
32,2
100,0
|
82,4
10,2
7,4
100,0
|
Champ : Anciens chômeurs âgés de 25 ans et plus et ensemble des salariés du même âge (hors secteur agricole).
Source : Enquête RMI 1998 et enquête Emploi 1998, INSEE.
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BÉNÉFICIAIRES DU RMI EN DÉCEMBRE 1996 SORTIS AVEC UN EMPLOI SALARIÉ EN JANVIER 1998 SELON LE SALAIRE MENSUEL
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Salaire mensuel
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Effectifs (%)
|
Moins de 2.500 F
De 2.500 F à 2.999 F
De 3.000 F à 4.999 F
De 5.000 F à 5.999 F
De 6.000 F à 6.999 F
7.000 F ou plus
Ensemble
|
5,3
31,2
15,9
23,5
12,4
11,7
100,0
|
Source : Enquête RMI 1998, INSEE.
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Le Parlement devrait saisir prochainement loccasion de se pencher sur ces questions dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur les contrats de travail à durée déterminée (CDD) du 28 juin 1999 (), adoptée à la suite dun accord-cadre conclu par les partenaires sociaux européens. Cette directive prévoit que les Etats membres devront fixer la durée maximale et le nombre de renouvellements autorisés pour les CDD et que les législations nationales devront faire obligation aux employeurs dinformer des postes vacants les salariés titulaires d'un CDD, afin de leur faciliter laccès à des postes permanents, ce que ne prévoit pas le code français du travail.
2.- Lavenir des retraites
La gravité du débat actuel sur lavenir du système de retraites français ne devrait pas occulter le phénomène a priori positif qui se trouve à son origine : lallongement continu de la durée de la vie.
Mais ce bouleversement démographique ne doit pas engendrer de nouvelles inégalités ni mettre à mal lun des piliers de la cohésion sociale qui est la solidarité entre les générations.
De nombreuses solutions sont avancées, mais avant den examiner quelques-unes, il convient de préciser que le débat sur lavenir des retraites nest pas seulement technique. Il sous-tend des choix de société : Quelle répartition des richesses produites ? Quels arbitrages entre court, moyen et long terme ? Quelles solidarités ?
Un élément fondamental du débat doit également être rappelé : actuellement, compte tenu de la crise de lemploi, le taux d'activité des 55-60 ans n'est que de 52,6% et de 15,4% pour les 60-65 ans. Reculer l'âge de la retraite, dans ce contexte, reviendrait à aggraver les difficultés des jeunes à trouver un emploi et à augmenter le nombre de préretraites (fort coûteuses) et de chômeurs âgés. Il semble que, dans limmédiat, la priorité doit rester à linsertion des jeunes sur le marché du travail et à la réduction du chômage.
Dans son rapport au Premier ministre, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan (), établit un diagnostic qui comporte un état des lieux et des projections financières à long terme.
Plusieurs simulations de scénarios ont été effectuées en fonction de diverses hypothèses, portant notamment sur les taux de chômage de long terme (3,6 ou 9%). Globalement, à partir des années 2006, sous leffet conjugué de lallongement de lespérance de vie et de larrivée à la retraite des générations nombreuses daprès-guerre, le système va être soumis à un choc démographique sans précédent. Même dans lhypothèse dune décrue rapide du chômage (par leffet, en particulier, du ralentissement de laugmentation de la population active), les régimes de retraites connaîtront, selon ce rapport, des difficultés financières à plus ou moins long terme.
Les deux tableaux ci-dessous opèrent une synthèse de ces prévisions.
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SOLDE FINANCIER DES RÉGIMES DE RETRAITE EN POINTS DE COTISATION (SCÉNARIO 6% DE CHÔMAGE) HORS TRANSFERTS DE COMPENSATION, PRODUITS ET CHARGES DIVERS
(en points de cotisation)
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1998
|
2020
|
2040
|
CNAVTS
|
- 0,1
|
- 4,3
|
- 9,8
|
AGIRC
|
- 1,7
|
- 3,5
|
- 2,4
|
ARRCO
|
0,3
|
0
|
- 0,6
|
CNRACL
|
9,2
|
- 16,7
|
- 28,9
|
Fonctionnaires de lEtat
|
0
|
- 24,7
|
- 33,5
|
IEG
|
0
|
- 39,4
|
- 18,4
|
SNCF
|
- 73,6
|
- 56,1
|
- 49
|
CANCAVA
|
- 17,5
|
- 16,5
|
- 16
|
ORGANIC
|
- 19,3
|
- 16,1
|
- 16,5
|
Source : Commissariat général du Plan.
CNRACL: Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
IEG: industries électriques et gazières.
CANCAVA: Caisse autonome nationale de compensation d'assurance vieillesse artisanale.
ORGANIC: Caisse de compensation de l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce.
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LE POIDS DES DÉPENSES DE RETRAITE DANS LE PIB SELON LES HYPOTHÈSES MACRO-ÉCONOMIQUES
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Scénario 1
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Scénario 2
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Variante
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Taux de chômage de long terme
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9 %
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6 %
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3 %
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Année
|
1998
|
2020
|
2040
|
2020
|
2040
|
2020
|
2040
|
Poids des dépenses de retraite dans le PIB (%)
|
12,1
|
15
|
16,7
|
14,1
|
15,8
|
13,5
|
15,1
|
Besoin de financement global (en milliards de francs 1998)
|
0
|
380
|
800
|
290
|
700
|
220
|
600
|
Source : Commissariat général du Plan.
|
Même si le diagnostic du commissaire au Plan nest pas partagé par tous les partenaires sociaux, ni sur la méthodologie, ni sur les hypothèses retenues en matière daugmentation de la productivité du travail et de la productivité globale et, a fortiori, sur les pistes de réformes avancées, il conduit à conclure à lexistence dun réel défi démographique, mais non dun péril imminent.
Quatre pistes principales de réformes sont proposées dans le rapport.
· Lallongement progressif de la durée de cotisation.
En allongeant dun trimestre par génération la durée dassurance nécessaire pour bénéficier dune retraite à taux plein, la réforme aboutirait en 2019 à une durée de cotisations de 170 trimestres (42,5 années), dans la limite de 65 ans. La durée de cotisation est actuellement de 40 ans dans le secteur privé et 37 ans et demi dans le public. Cette mesure devrait être associée à lamélioration des conditions dabattement en cas de retraite anticipée et concerner lensemble des régimes. Enfin, la réforme devrait introduire une certaine prise en compte dans le calcul de la durée de cotisation de périodes dinactivité (chômage) ou de formation, qui, à l'heure actuelle, ne sont pas toujours validées.
· Le renforcement considérable du fonds de réserve.
A linstar de la démarche suivie par plusieurs autres pays, un fonds de réserve a été créé, en 1998, par la loi de financement de la sécurité sociale, afin de constituer une épargne qui sera utilisée par les régimes de retraite lorsquils seront confrontés au choc du vieillissement. Mais les modalités de fonctionnement de ce fonds, pour lequel est déjà prévue une dotation de 2 milliards de francs () , restent à définir.
Le rapport ne se prononce pas sur les objectifs d'un tel fonds. Il constate simplement quun fonds destiné uniquement à amortir le choc démographique, donc provisoire, nécessite daccumuler des sommes représentant au moins 3 points de PIB. Un fonds permanent et destiné, non seulement à amortir le choc, mais aussi à réduire le taux des cotisations à long terme, nécessite daccumuler des sommes beaucoup plus importantes, de lordre d'au moins 10 points de PIB.
Dans le cas dun fonds permanent, le problème des taux de rendement des placements et donc celui de la gestion du fonds est crucial. Lépargne doit pouvoir générer des rendements suffisants pour financer une partie des retraites et assurer la pérennité du fonds. Cet impératif de rendement élevé impliquerait, selon les auteurs du rapport, que le fonds soit investi en partie en actions.
· L'élargissement de lassiette de financement à dautres revenus des ménages.
Cette piste rejoint la question récurrente dun financement des retraites et plus généralement de la protection sociale par des moyens moins pénalisants pour la croissance et l'emploi.
Le rapport énumère, sans les approfondir, diverses modifications visant à élargir lassiette des cotisations vieillesse. Il pourrait s'agir de lintégration dans lassiette des cotisations d'éléments de rémunérations actuellement non soumis à cotisation (primes des fonctionnaires) et surtout du déplafonnement de la part patronale des cotisations vieillesse, ce qui aurait lavantage de ne pas accroître à terme la charge des retraites. La solution la plus globale consisterait à substituer lassiette de la CSG sur les revenus dactivité à celle des cotisations vieillesse, ce basculement ayant pour effet daccroître la charge sur les revenus des retraités et sur les revenus du capital.
Tout en soulignant que la comparaison des différents régimes de retraite et de leur évolution sur le long terme soulève de nombreuses difficultés méthodologiques, le rapport du commissaire au Plan constate que les écarts s'accentuent. Les inégalités majeures constatées proviennent des règles dindexation des revenus de remplacement.
Les règles actuelles de constitution et de liquidation des droits dans les régimes spéciaux (fonction publique et entreprises publiques) garantissent, approximativement, aux salariés du public le maintien des taux de remplacement dici à 2040 (57,8% pour la fonction publique, aux environs de 60% pour la RATP et la SNCF). Les pensions sont, en effet, proportionnelles au dernier salaire d'activité et croissent donc au même rythme que les salaires.
Il en va tout autrement pour les salariés du privé et pour les professions libérales, pour lesquels le taux de remplacement brut global (régime général de base et régimes complémentaires) diminue significativement à lhorizon 2040. Le taux de remplacement offert par les régimes complémentaires est divisé par deux sur la période 1996-2040, comme le montrent les tableaux ci-après :
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TAUX DE REMPLACEMENT NETS POUR LA GÉNÉRATION 1926 (a)
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Tranche de salaire net mensuel
|
Salariés du privé
|
Salariés du public (b)
|
Ensemble
|
80%
|
76%
|
Moins de 6.000 francs/mois
|
101%
|
ns
|
6.000 francs 8.000 francs
|
88%
|
ns
|
8.000 francs 10.000 francs
|
86%
|
77%
|
10.000 francs 12.000 francs
|
78%
|
82%
|
12.000 francs 15.000 francs
|
76%
|
76%
|
15.000 francs 20.000 francs
|
71%
|
75%
|
20.000 francs 30.000 francs
|
65%
|
67%
|
Plus de 30.000 francs
|
48%
|
61%
|
a) Il sagit des taux de remplacement nets (i.e. pension nette de cotisations maladie et CSG/salaire net de cotisation) des personnes nées en 1926 et ayant effectué une carrière complète. Ces données ne sont donc pas directement comparables aux taux de remplacement bruts calculés sur des carrières moyennes observées (y compris donc les carrières incomplètes), présentés ci-après.
b) Fonction publique civile.
Source : SESI (Service des statistiques, des études et des systèmes dinformation, ministère de lemploi et de la solidarité).
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ÉVOLUTION DES TAUX DE REMPLACEMENT BRUTS EN PROJECTION SUR CARRIÈRES-TYPES*, POUR LES SALARIÉS DU PRIVÉ
(carrières complètes)
|
Année de liquidation
|
1996
|
2020
|
2040
|
CNAVTS (a)
|
45,7%
|
41,1%
|
40,9%
|
CNAVTS (b)
|
45,8%
|
41,3%
|
41,2%
|
CNAVTS (c)
|
50,6%
|
41,3%
|
41,2%
|
CNAVTS (d)
|
39,3%
|
36,2%
|
36%
|
CNAVTS (e)
|
22,9%
|
20,6%
|
20,6%
|
ARRCO (a)
|
22,4%
|
15,4%
|
10,3%
|
ARRCO (b)
|
23,5%
|
16,3%
|
10,9%
|
ARRCO (c)
|
26,2%
|
16,6%
|
10,9%
|
ARRCO (d)
|
24,4%
|
15,3%
|
10,2%
|
ARRCO (e)
|
11,7%
|
8,2%
|
5,4%
|
AGIRC (d)
|
10,7%
|
4,4%
|
2,8%
|
AGIRC (e)
|
24,4%
|
16,7%
|
11,9%
|
* Ces taux de remplacement sont calculés sur des carrières-types, supposées complètes, et ne doivent donc pas être comparés, à une date donnée, aux taux de remplacement des autres régimes calculés sur lensemble des liquidants (y compris carrières incomplètes). Le taux de remplacement global pour un salarié ayant une carrière donnée, se calcule comme la somme de ses composantes CNAVTS, ARRCO et, éventuellement, AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres).
a) Rattrapage du plafond en 20 ans.
b) Toujours au plafond.
c) Toujours au salaire moyen ARRCO (Association des régimes de retraite complémentaire).
d) 9e décile de salaires des hommes affiliés à la CNAVTS.
e) Carrière commençant au plafond et se terminant à deux fois le plafond.
Source : Commissariat général du Plan.
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TAUX DE REMPLACEMENT EN PROJECTION
POUR LE RÉGIME DES MÉDECINS (a)
(tous types de carrières)
|
|
1996 ou 1997
|
2020
|
2040
|
CARMF base
|
9,2%
|
6,4%
|
4,6%
|
CARMF complémentaire
|
22,6%
|
17,1%
|
12,6%
|
CARMF ASV
|
22,7%
|
17,9%
|
12,6%
|
CARMF global
|
54,5%
|
41,5%
|
29,8%
|
a) Il sagit des taux de remplacement rapportant la pension au dernier revenu dactivité net. En 1996, ils sont calculés pour lensemble des personnes ayant liquidé leur retraite, y compris celles qui ont des carrières incomplètes.
* Base + complémentaire + ASV.
Source : CGP.
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TAUX DE REMPLACEMENT EN PROJECTION
POUR LES NON-SALARIÉS AGRICOLES
(carrières-types complètes)
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1996
|
2040
|
0,9 SMIC
|
60%
|
44%
|
1,5 SMIC
|
44%
|
42%
|
Source : CGP.
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Cette baisse résulte de leffort d'ajustement entrepris en 1993 avec le calcul progressif des pensions du régime général sur la base des 25 meilleures années de carrière et lindexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.
En ce qui concerne les régimes complémentaires, la valeur dachat du point est indexée sur les salaires et la valeur de liquidation du point sur les prix à lARRCO et à lAGIRC. Il en résulte une baisse constante du taux de rendement de ces régimes. Il faut toutefois souligner que laccord des partenaires sociaux sur lévolution de ces régimes s'arrête en 2000.
La baisse du taux de remplacement conduit à une perte progressive du niveau de vie relatif de la période de retraite par rapport à la période dactivité, pour les salariés du secteur privé et pour les professions libérales.
Un tel écart pourrait être, selon les auteurs du rapport, contraire à la cohésion sociale de lensemble du système.
En guise de réponse, le rapport évalue quel serait le coût budgétaire à long terme du maintien des taux de remplacement pour les salariés du secteur privé.
Indexer à nouveau les retraites du régime général sur les salaires, sans modifier les règles dindexation des pensions liquidées, entraînerait une hausse des dépenses du régime général denviron 20% en 2040, soit 200 milliards de francs 1998 ou un peu plus de 1 point de PIB.
Maintenir le rendement des retraites complémentaires, sans augmenter la valeur des pensions liquidées, entraînerait une hausse de 0,6 point de PIB dans les dépenses des régimes de retraite.
Il est exclu de trancher ici entre ces diverses orientations. Toutefois, il semble bien que lune des clés du débat soit le maintien du rapport actifs/inactifs aux environs de son niveau actuel.
Or, si aujourdhui le nombre de personnes en âge de travailler (35,3 millions de 15-60 ans) est trois fois plus élevé que le nombre des plus de 60 ans (12 millions), le rapport entre les actifs occupés (22,7 millions), dune part, et, dautre part, laddition des retraités, préretraités et des chômeurs (16,3 millions) tombe à 1,4 ().
On est ainsi conduit à relativiser le choc démographique annoncé pour 2040, où le rapport entre les personnes dâge actif et les personnes de plus de 60 ans devrait être, selon les simulations du rapport du commissaire au Plan, de 10 pour 7 (soit 1,42).
En fait, cest la remontée de lemploi, par leffet de la croissance et dune autre répartition du travail tout au long de la vie, qui permettrait davancer considérablement dans la problématique des retraites.
Des ajustements seraient néanmoins nécessaires pour maintenir la parité des niveaux de vie entre actifs et retraités. Ils passeraient, selon le commissaire au Plan, par un alourdissement des prélèvements sur les richesses produites sous forme dépargne ou de cotisations et par un rapprochement entre les régimes spéciaux et le régime général. Lallongement de la durée dactivité est également envisagé par le rapport, dans un contexte de plein emploi, en tenant compte de la pénibilité de certaines tâches et en introduisant de la souplesse dans les modalités de départ à la retraite. Toutefois, reculer lâge du départ à la retraite supposerait, en particulier, que les entreprises renoncent à la stratégie dexclusion précoce des travailleurs vieillissants et les salariés aux avancements automatiques liés à lâge.
Cest aussi lune des conclusions du rapport que notre ancien collègue, M. Dominique Taddéi, a remis au Premier ministre le 1er octobre 1999.
Rejetant tout alarmisme et toute précipitation, sans masquer la réalité dune évolution démographique qui verra le nombre des retraités potentiels augmenter de 60% en un peu moins de quatre décennies, M. Dominique Taddéi appelle à une solution pragmatique et progressive, prônant la « retraite à la carte » qui, selon lui, doit se substituer à la « retraite guillotine ». Il sagirait ainsi damortir les effets dune évolution qui reste lente, en modifiant « en douceur » lâge moyen de la cessation dactivité.
En tout état de cause, la retraite est, et doit rester, un salaire différé, garanti par lEtat et les entreprises publiques pour le secteur public, mutualisé entre les entreprises dans le cas du secteur privé. Dans les deux cas le droit à la retraite est un droit du travail découlant des relations entre les employeurs et les salariés, il nest pas un droit financier garanti par le droit des affaires.
Le Premier ministre, dans son discours de Strasbourg du 27 septembre dernier, a clairement défini les orientations du Gouvernement en vue daffirmer la solidarité entre les générations par la consolidation de notre régime de retraite.
Lobjectif est de consolider les régimes par répartition et dagir pour assurer léquilibre des retraites à lhorizon 2020. Sagissant du calendrier, après la phase de diagnostic, une concertation est en cours. Les orientations générales du Gouvernement devraient être annoncées au début de lannée 2000. Le Premier ministre a dores et déjà indiqué quelles sinscriront dans une vision plus large : celle de la place et des problèmes des personnes âgées dans notre société, une attention particulière devant être portée à leur insertion dans la vie sociale et à leur accompagnement lorsquelles sont en situation de dépendance.
Quant au problème de léventuelle création de fonds partenariaux de retraite, il faut dire clairement quelle ne devra pas se faire au détriment du régime par répartition.
3.- Inégalités et territoires
Daprès les classifications de lINSEE, la France métropolitaine compte environ 2.256.000 entreprises dans les secteurs de lindustrie, de la construction, du commerce et des services pour 36.500 communes, 348 zones demploi (périmètres dans lesquels la population réside et travaille à la fois) et 22 régions.
Chaque commune pourrait donc avoir sur son territoire près de 62 entreprises ! La répartition de la population et des unités économiques ne répond évidemment pas à ce schéma égalitaire, mais à des logiques économiques qui peuvent faire varier d'une période à lautre lattractivité dun territoire.
La concentration spatiale répond à des critères différents suivant la nature de lactivité (présence de ressources naturelles, activités portuaires, proximité des marchés, faible coût ou qualité de la main d'uvre
). Lhistoire économique a profondément marqué les territoires, dont certains sont dans lobligation dentreprendre une reconversion totale de leurs activités.
Le phénomène de concentration des activités dans certaines zones ou grandes agglomérations semble difficile à enrayer. Lévolution de la concentration géographique des sièges sociaux des grandes entreprises constitue un indicateur intéressant. Une entreprise de 100 salariés et plus sur trois a son siège en Ile-de-France et la concentration est encore plus prononcée pour les entreprises de 500 salariés et plus qui ont leur siège social en Ile-de-France pour deux sur trois dentre elles. A linverse, deux zones d'emploi sur trois nont aucun siège social pour des entreprises de cette taille.
Par ailleurs, on constate en Europe quil n'y a pas de lien entre le niveau de revenu par habitant dun pays et lampleur des inégalités régionales.
En France, les communes rurales ont un niveau de vie de 20% inférieur au niveau de vie moyen. A lopposé, dans les quartiers les plus aisés (essentiellement concentrés sur Paris et certaines communes dIle-de-France), le niveau de vie est de 40% supérieur à la moyenne.
Dernier phénomène à souligner, les niveaux de vie sont dautant plus inégaux que lespace considéré est plus riche. En effet, les niveaux de vie des communes agricoles ou ouvrières sont moins dispersés que ceux des communes où résident des populations très qualifiées et où les ménages à très bas revenus sont également surreprésentés.
Toutefois, on constate un resserrement des revenus disponibles bruts des ménages entre lIle-de-France et les autres régions. En 1982, un francilien disposait en moyenne dun revenu supérieur de 33% à celui dun provincial. En 1996, lécart nest plus que de 23%. Entre les régions, hors Ile-de-France, lécart des revenus entre la plus riche et la plus pauvre est passé de 22% à 19%. Ce rapprochement semble sexpliquer principalement par lamélioration des niveaux de retraites. Cette évolution favorable a davantage profité à la province, où la part des personnes de 65 ans et plus est passée de 14% à 16% entre 1982 et 1996, alors quelle est restée stable en Ile-de-France (11%).
Mais en terme de PIB par habitant, laccentuation de lécart entre l'Ile-de-France et le reste des régions métropolitaines perdure, comme le montrent les deux tableaux ci-après.
|
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|
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Région
|
PIB en 1996
(en milliards de francs
|
Taux annuel de croissance
du PIB en volume (%)
|
Poids dans le PIB métropolitain
(en %)
|
|
courants)
|
1982-1996
|
1982-1989
|
1989-1996
|
1982
|
1996
|
Alsace
|
233
|
2,2
|
2,7
|
1,8
|
2,9
|
3,0
|
Aquitaine
|
346
|
1,8
|
2,2
|
1,3
|
4,6
|
4,4
|
Auvergne
|
143
|
1,4
|
2,0
|
0,8
|
2,0
|
1,8
|
Bourgogne
|
190
|
1,6
|
2,3
|
0,9
|
2,6
|
2,4
|
Bretagne
|
321
|
2,1
|
2,3
|
1,9
|
4,1
|
4,1
|
Centre
|
291
|
1,7
|
2,8
|
0,7
|
3,9
|
3,7
|
Champagne-Ardenne
|
165
|
1,3
|
1,8
|
0,8
|
2,4
|
2,1
|
Corse
|
28
|
1,8
|
2,2
|
1,4
|
0,4
|
0,4
|
Franche-Comté
|
134
|
2,1
|
2,9
|
1,3
|
1,7
|
1,7
|
Basse-Normandie
|
164
|
2,5
|
2,7
|
2,3
|
2,0
|
2,1
|
Haute-Normandie
|
245
|
1,7
|
1,9
|
1,5
|
3,2
|
3,1
|
Languedoc-Roussillon
|
229
|
2,2
|
2,5
|
2,0
|
2,8
|
2,9
|
Limousin
|
76
|
1,3
|
1,4
|
1,3
|
1,1
|
1,0
|
Lorraine
|
266
|
1,4
|
1,6
|
1,2
|
3,7
|
3,4
|
Midi-Pyrénées
|
284
|
2,2
|
3,0
|
1,4
|
3,5
|
3,6
|
Nord-Pas-de-Calais
|
444
|
1,4
|
1,6
|
1,2
|
6,1
|
5,6
|
Pays de la Loire
|
374
|
2,0
|
2,5
|
1,6
|
4,7
|
4,7
|
Picardie
|
205
|
1,7
|
2,0
|
1,5
|
2,8
|
2,6
|
Poitou-Charentes
|
176
|
1,8
|
2,5
|
1,1
|
2,3
|
2,2
|
Provence-Alpes-Côte dAzur
|
532
|
1,7
|
2,5
|
1,0
|
6,6
|
6,8
|
Rhône-Alpes
|
733
|
2,2
|
2,8
|
1,5
|
9,1
|
9,3
|
Province
|
5.579
|
1,9
|
2,4
|
1,4
|
72,9
|
70,9
|
Ile-de-France
|
2.289
|
2,1
|
2,9
|
1,4
|
27,1
|
29,1
|
France métropolitaine
|
7.868
|
1,9
|
2,5
|
1,4
|
100
|
100
|
Source : INSEE.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Région
|
PIB par habitant (en milliers de francs courants)
|
PIB par emploi (en milliers de francs courants)
|
Emploi/
Population (en %)
|
PIB
par habitant
(France = 100)
|
PIB
par emploi
(France = 100)
|
|
1996
|
1996
|
1996
|
1982
|
1996
|
1982
|
1996
|
Alsace
|
136
|
357
|
38
|
99
|
101
|
102
|
100
|
Aquitaine
|
120
|
324
|
37
|
93
|
89
|
96
|
91
|
Auvergne
|
109
|
298
|
36
|
79
|
81
|
81
|
83
|
Bourgogne
|
117
|
318
|
37
|
90
|
87
|
92
|
89
|
Bretagne
|
112
|
305
|
37
|
82
|
83
|
85
|
85
|
Centre
|
119
|
321
|
37
|
93
|
88
|
92
|
90
|
Champagne-Ardenne
|
122
|
327
|
37
|
96
|
90
|
98
|
91
|
Corse
|
106
|
318
|
33
|
79
|
79
|
98
|
89
|
Franche-Comté
|
120
|
327
|
37
|
84
|
89
|
87
|
91
|
Basse-Normandie
|
115
|
302
|
38
|
79
|
85
|
79
|
84
|
Haute-Normandie
|
137
|
380
|
36
|
106
|
101
|
107
|
106
|
Languedoc-Roussillon
|
102
|
310
|
33
|
79
|
76
|
93
|
87
|
Limousin
|
105
|
283
|
37
|
78
|
78
|
78
|
79
|
Lorraine
|
115
|
335
|
34
|
87
|
85
|
96
|
94
|
Midi-Pyrénées
|
113
|
299
|
38
|
82
|
84
|
86
|
84
|
Nord-Pas-de-Calais
|
111
|
343
|
32
|
84
|
82
|
98
|
96
|
Pays de la Loire
|
118
|
314
|
38
|
88
|
87
|
89
|
88
|
Picardie
|
110
|
326
|
34
|
85
|
81
|
93
|
91
|
Poitou-Charentes
|
108
|
306
|
35
|
79
|
80
|
86
|
85
|
Provence-Alpes-Côte dAzur
|
119
|
351
|
34
|
94
|
88
|
105
|
98
|
Rhône-Alpes
|
130
|
339
|
38
|
97
|
96
|
95
|
95
|
Province
|
118
|
327
|
36
|
88
|
87
|
93
|
91
|
Ile-de-France
|
207
|
463
|
45
|
145
|
153
|
122
|
129
|
France métropolitaine
|
135
|
358
|
38
|
100
|
100
|
100
|
100
|
L'INSEE calcule le PIB par emploi en rapportant le PIB de la région aux actifs travaillant dans la région, qu'ils y résident ou non.
Source : INSEE.
|
Face à cette situation, la loi dorientation n° 99-533 du 25 juin 1999 pour laménagement et le développement durable du territoire, a pour objectif de faciliter le retour à un meilleur équilibre entre les territoires et une affectation des richesses plus soucieuse de cohésion nationale et européenne.
Sur le plan de la méthode, on retiendra que la loi situe clairement laction de lEtat dans lévolution mondiale de léconomie et des échanges et surtout en phase avec la politique structurelle européenne. Elle sattache à rompre avec la multiplication des lieux de conception et de mise en uvre des politiques territoriales qui a caractérisé la période précédente du fait de la décentralisation et de la construction européenne.
La loi dorientation met en place, pour la première fois, une stratégie unique pour les fonds structurels européens et les contrats de plan Etat-régions (CPER), reposant sur une logique de projet et visant à améliorer lefficacité globale des transferts effectués ainsi quà rompre avec une sous-consommation chronique de ces aides financières par les régions françaises.
Cette stratégie globale de laménagement du territoire est facilitée par la concomitance des calendriers de mise en uvre des CPER et des programmes communautaires de développement régional (fonds structurels). Par ailleurs, larticle 10 de la loi a créé, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire à laménagement et au développement durable du territoire.
Enfin, la loi fait obligation au Gouvernement, au plus tard deux ans avant léchéance des CPER, de soumettre au Parlement un projet de loi redéfinissant les orientations stratégiques de la politique territoriale pour la période suivante.
· Institués par la loi n° 82-653 du 30 juillet 1982, les contrats de plan établissent un partenariat entre les régions, chefs de file en matière d'aménagement du territoire, et lEtat. Les pouvoirs publics (les ministères) et les collectivités locales sengagent réciproquement à financer des actions de long terme en matière daménagement du territoire.
Les précédents CPER, conclus en 1994, arrivent à échéance le 31 décembre 1999.
Les contrats de plan pour les années 2000-2006, quatrième génération depuis les lois de décentralisation, sont axés sur la défense de lemploi, limpact sur lenvironnement, la solidarité territoriale et le développement durable qui devrait induire pour toutes les actions la recherche du meilleur rapport coût-bénéfice.
Le Comité interministériel daménagement et de développement du territoire (CIADT), réuni le 23 juillet 1999, a arrêté les données financières concernant cette prochaine génération de CPER.
Sur le montant total de 105 milliards de francs annoncé par le Premier Ministre le 15 avril dernier, le CIADT a réparti, dans un premier temps, 95 milliards de francs (y compris la part des TOM non encore répartie), ventilés, par région et par ministère. Cette première enveloppe est à comparer aux 88 milliards de francs de la génération précédente.
La répartition des crédits entre les régions a été opérée suivant des critères relatifs au potentiel fiscal, au taux de chômage et à lemploi. La fourchette des écarts entre les régions passe de 1 à 2 contre 1 à 3 dans les précédents contrats, en dehors du cas particulier de la Corse et sans tenir compte des 10 milliards de francs supplémentaires de la deuxième étape.
Six régions avaient été particulièrement sous-dotées dans la programmation précédente et bénéficient dun effort de rattrapage (Aquitaine, Pays-de-Loire, Centre, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Ile-de-France).
Par ailleurs, les retards structurels de développement dans les départements doutre-mer, qui connaissent des taux de chômage deux à trois fois supérieurs à la moyenne nationale parallèlement à une forte poussée démographique, justifient des engagements financiers de lEtat, par habitant, nettement supérieurs à ceux des autres régions.
Les deux tableaux ci-après présentent la répartition des crédits de la première enveloppe selon les régions et les ministères.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
CPER 1994-1999
|
CPER 2000-2006
|
Population
|
Région
|
Montant en MF
|
Montant en francs par habitant
|
1ère enveloppe CIADT 23 juillet 99 en MF
|
Montant en francs par habitant
|
chiffres arrêtés au
28 juin 99 (a)
|
Alsace
|
2.547,37
|
1.472,64
|
2.577
|
1.489,77
|
1.729.800
|
Aquitaine
|
3.167,61
|
1.091,38
|
3.734
|
1.286,52
|
2.902.400
|
Auvergne
|
2.455,00
|
1.878,06
|
2.455
|
1.878,06
|
1.307.200
|
Bourgogne
|
2.197,01
|
1.365,03
|
2.197
|
1.365,02
|
1.609.500
|
Bretagne
|
5.199,39
|
1.791,29
|
5.200
|
1.791,50
|
2.902.600
|
Centre
|
2.428,87
|
996,50
|
2.911
|
1.194,31
|
2.437.400
|
Champagne-Ardenne
|
1.909,90
|
1.423,81
|
1.941
|
1.447,00
|
1.341.400
|
Corse
|
945,01
|
3.691,45
|
1.366
|
5.335,94
|
256.000
|
Franche-Comté
|
1.810,53
|
1.622,92
|
1.817
|
1.628,72
|
1.115.600
|
Ile-de-France
|
11.325,94
|
1.036,64
|
13.133
|
1.202,04
|
10.925.600
|
Languedoc Roussillon
|
3.860,18
|
1.683,17
|
3.910
|
1.704,89
|
2.293.400
|
Limousin
|
1.731,45
|
2.438,66
|
1.734
|
2.442,25
|
710.000
|
Lorraine
|
4.542,76
|
1.968,18
|
4.543
|
1.968,29
|
2.308.100
|
Midi-Pyrénées
|
4.519,41
|
1.773,29
|
4.727
|
1.854,74
|
2.548.600
|
Nord Pas-de-Calais
|
8.374,24
|
2.098,70
|
8.375
|
2.098,89
|
3.990.200
|
Basse-Normandie
|
2.920,66
|
2.055,93
|
2.936
|
2.066,73
|
1.420.600
|
Haute-Normandie
|
2.305,69
|
1.297,23
|
2.557
|
1.438,62
|
1.777.400
|
Pays de Loire
|
3.050,64
|
947,85
|
3.548
|
1.102,38
|
3.218.500
|
Picardie
|
2.523,69
|
1.359,82
|
2.524
|
1.359,99
|
1.855.900
|
Poitou-Charentes
|
2.639,48
|
1.612,19
|
2643
|
1.614,34
|
1.637.200
|
Provence-Alpes-Côte-dAzur
|
4.359,55
|
969,17
|
5336
|
1.187,23
|
4.494.500
|
Rhône-Alpes
|
5.449,90
|
967,27
|
6321
|
1.121,88
|
5.634.300
|
Total métropole
|
80.264,28
|
|
86.485
|
|
|
Guadeloupe
|
986,90
|
2.340,84
|
1.133
|
2.687,38
|
421.600
|
Guyane
|
679,50
|
4.319,77
|
882
|
5.607,12
|
157.300
|
Martinique
|
842,80
|
2.209,17
|
971
|
2.545,22
|
381.500
|
Réunion
|
1.343,80
|
1.905,83
|
1.541
|
2.185,51
|
705.100
|
Total DOM
|
3.853,00
|
|
4.527
|
|
|
Provision FNADT pour linterrégional
|
|
|
490
|
|
|
Total métropole + DOM + provision
|
84.117,28
|
|
91.502
|
|
|
(a) Chiffres de la population arrêtés au 28 juin 1999, premier comptage INSEE (Source : Insee Première, juillet 99, n° 663).
Source : Comité interministériel daménagement et de développement du territoire
(dossier de presse du 23 juillet 1999).
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
ELABORATION DES CONTRATS DE PLAN ETATS-RÉGIONS 2000-2006
|
RÉPARTITION ENTRE LES MINISTÈRES DE LA PREMIÈRE ENVELOPPE
(hors provision TOM)
|
Ministère
|
CPER 1994-1999
hors TOM
|
CPER 2000-2006
CIADT 23 juillet 1999
hors TOM
|
Evolution des enveloppes entre 94-99 et 2000-2006
|
|
Montant
(en MF)
|
Part relative sur lensemble des ministères
|
Montant
(en MF)
|
Part relative sur lensemble des ministères
|
|
Agriculture
|
7.483,01
|
8,92%
|
8.161
|
8,92 %
|
+ 9,06 %
|
Affaires étrangères et coopération
|
68,30
|
0,08 %
|
95
|
0,10 %
|
+ 39,09 %
|
Culture
|
1.464,80
|
1,75 %
|
2.007
|
2,19 %
|
+ 37,02%
|
Défense Anciens combattants
|
8,80
|
0,01 %
|
420
|
0,46 %
|
+ 4.672,73 %
|
Education nationale
|
14.012,00
|
16,70 %
|
16.156
|
17,66 %
|
+ 15,30 %
|
|
12.987,58
|
15,48 %
|
15.102,5
|
16,51 %
|
+16,28 %
|
|
1.024,42
|
1,22 %
|
1.053,5
|
1,15 %
|
+2,84 %
|
Emploi Formation professionnelle
|
3.972,21
|
4,73 %
|
4.905
|
5,36 %
|
+ 23,48 %
|
Ville
|
3.501,68
|
4,17 %
|
7.866
|
8,60 %
|
+ 124,64 %
|
Santé et social
|
2.417,57
|
2,88 %
|
2.467
|
2,70 %
|
+ 2,04 %
|
Environnement
|
1.302,01
|
1,55 %
|
2.623
|
2,87 %
|
+ 101,46 %
|
|
79,50
|
|
3.309
|
|
|
Equipement
|
38.575,81
|
45,97 %
|
33.079
|
36,15 %
|
- 14,25 %
|
|
|
|
|
|
|
|
27.297,12
|
32,53 %
|
20.599
|
22,51 %
|
- 24,54 %
|
|
|
|
9.991
|
10,92 %
|
|
|
|
|
1.969
|
2,15 %
|
|
Tourisme
|
281,50
|
0,34 %
|
520
|
0,57 %
|
+84,72 %
|
FNADT
|
4.698,00
|
5,60 %
|
6.200
|
6,78 %
|
+ 31,97 %
|
dont :
|
|
|
|
|
|
Enveloppe régionale
|
|
|
5.710
|
6,24 %
|
|
Provision interrégionale
|
|
|
490
|
0,54 %
|
|
MEFI
|
4.758,15
|
5,67 %
|
5.249
|
5,74 %
|
+ 10,32 %
|
dont :
|
|
|
|
|
|
Industrie
|
4.256,55
|
5,07 %
|
4.544
|
4,97 %
|
+6,75 %
|
Commerce extérieur
|
237,60
|
0,28 %
|
354
|
0,39 %
|
+48,99 %
|
|
264,00
|
0,31 %
|
351
|
0,38 %
|
+32,95 %
|
Jeunesse et sports
|
153,05
|
0,18 %
|
662
|
0,72 %
|
+ 332,54 %
|
Justice
|
3,45
|
|
266
|
0,29 %
|
+ 7.610,14 %
|
Outre-mer
|
1.011,51
|
1,21 %
|
1.346
|
1,47 %
|
+ 33,07 %
|
Divers, dont charges communes, etc.
|
479,91
|
0,57 %
|
|
|
|
TOTAL
|
83.910,25
|
|
91.502
|
|
+ 9,05 %
|
Source : Comité interministériel daménagement et de développement du territoire
(dossier de presse du 23 juillet 1999).
|
On retiendra que limpératif de solidarité se traduit par une enveloppe pour le ministère de la ville multipliée par deux, ce qui devrait permettre daccroître le nombre de sites sous contrat de ville et dintensifier les actions dans les quartiers ou résident les populations les plus en difficulté.
Forts de cette répartition, les préfets de région ont lancé depuis la fin du mois de juillet, avec les acteurs locaux, les négociations qui doivent, dans le respect des objectifs fixés à chaque région, aboutir aux grands projets daménagement du territoire qui se dérouleront sur six ans.
Les contrats de plan, contenant les projets et les dotations correspondantes, doivent être signés à la fin de lannée 1999. Selon votre Rapporteur général, il conviendra pour ce faire que lEtat accepte daugmenter très sensiblement le montant prévu pour la seconde enveloppe, aujourdhui clairement insuffisante. Sil convient dêtre exigeant sur la maîtrise de la dépense publique, il est à noter quil sagit là de dépenses correspondant à des investissements utiles et contribuant à la croissance, au développement et à laménagement de nos territoires.
Lagenda des prochains mois sannonce dautant plus chargé pour les acteurs locaux que la nouvelle programmation des fonds structurels pour la période 2000-2006 va également se mettre en place.
· La politique régionale européenne nest apparue que tardivement et cest l'Acte unique européen de 1986 qui lui a conféré sa dimension actuelle. Plusieurs réformes depuis cette date ont renforcé leffort de cohésion régionale européenne.
Les fonds structurels sont le principal outil financier de cette politique. Ils viennent une nouvelle fois de faire lobjet dune réforme importante.
Le Règlement du Conseil () du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les fonds structurels a profondément modifié leur fonctionnement dans un but de concentration des interventions pour plus defficacité, de maîtrise des dépenses et de simplification des procédures.
En vertu de ce texte, laction de la Communauté européenne en matière de développement régional sera désormais axée autour de 3 objectifs :
promouvoir le développement et lajustement structurel des régions en retard de développement (objectif 1) ;
soutenir la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle (objectif 2) ;
soutenir ladaptation et la modernisation des politiques et systèmes déducation, de formation et demploi (objectif 3). Cet objectif ne peut intervenir financièrement quen dehors des régions éligibles à l'objectif 1, mais contrairement à lobjectif 2, il nest pas territorialisé.
Les principales innovations portent sur la réduction de cinq à trois du nombre dobjectifs, une forte diminution des populations éligibles, laccent mis sur certaines catégories de zones telles que les zones urbaines en difficulté.
Pour une analyse plus approfondie de cette réforme importante, ses aspects positifs mais aussi ses faiblesses, on se reportera au rapport de notre collègue M. Alain Barrau () présenté à la Délégation de lAssemblée nationale pour lUnion européenne et à la résolution adoptée (TA n° 267 du 18 mars 1999).
Lobjectif 1, le plus fortement doté, ne sappliquera plus en France quaux DOM. La Corse et le Hainaut, qui en relevaient précédemment, mais dont le PIB par habitant est supérieur à 75% de la moyenne communautaire, bénéficieront dun dispositif transitoire de soutien.
Afin de concentrer les aides, pour chaque Etat membre, la population totale bénéficiant du nouvel objectif 2 ne devra pas représenter plus de 18% de la population totale de la Communauté.
Ce quota de population entraîne pour la France une réduction de 25% par rapport à la population qui était éligible aux objectifs 2 et 5b dans le cadre de la précédente programmation.
Ce nouvel objectif 2, qui concernera, en France, des zones totalisant 18,77 millions dhabitants, a vocation à aider des zones en reconversion industrielle et tertiaire ayant un taux de chômage supérieur à la moyenne communautaire ; des zones rurales en déclin à faible densité de population et à fort taux de chômage ; des zones urbaines caractérisées par un fort taux de chômage, un niveau élevé de pauvreté, une situation environnementale particulièrement dégradée ou encore un faible niveau d'éducation de la population ; enfin des zones dépendantes de la pêche.
La première étape de la mise en place de ces nouveaux programmes a consisté à déterminer leffort de concentration de lintervention communautaire, et donc à définir la population éligible au niveau de chaque région.
Cette répartition a été effectuée par le Gouvernement conformément au tableau ci-dessous. La réduction de la population éligible na pas été répartie de façon identique pour toutes les régions, mais en tenant compte de lévolution socio-économique de chacune delle depuis 1994 et des priorités conjointes de la Communauté et du Gouvernement (problématiques urbaines, massifs montagneux par exemple).
|
|
|
|
|
MONTANT DE POPULATION ÉLIGIBLE À LOBJECTIF 2 POUR 2000-2006 PAR RÉGION
Propositions pour la consultation régionale
|
RÉGION
|
Population
Objectifs 2 et 5b
1944-1999
|
Population
Objectif 2
2000-2006
|
Taux déligibilité
en %
|
Alsace
|
439.010
|
266.230
|
16,4
|
Aquitaine
|
1.891.744
|
1.368.797
|
49,0
|
Auvergne
|
1.208.933
|
874.273
|
66,2
|
Bourgogne
|
886.689
|
724.908
|
45,0
|
Bretagne
|
1.670.805
|
1.171.520
|
41,9
|
Centre
|
569.828
|
634.609
|
26,8
|
Champagne-Ardenne
|
776.702
|
653.648
|
48,5
|
Franche-Comté
|
777.975
|
539.526
|
49,2
|
Ile-de-France
|
0
|
476.368
|
4,5
|
Languedoc-Roussillon
|
1.044.829
|
803.171
|
38,0
|
Limousin
|
547.215
|
436.788
|
60,4
|
Lorraine
|
1.579.632
|
1.140.456
|
47,8
|
Midi-Pyrénées
|
1.572.206
|
1.264.458
|
52,0
|
Nord-Pas-de-Calais
|
2.688.588
|
1.804.942
|
(*) 45,5
|
Basse-Normandie
|
1.177.943
|
756.979
|
54,4
|
Haute-Normandie
|
1.239.948
|
896.908
|
51,6
|
Pays-de-la Loire
|
1.756.171
|
1.095.344
|
35,8
|
Picardie
|
1.033.310
|
763.041
|
42,1
|
Poitou-Charentes
|
1.043.625
|
794.058
|
49,8
|
Provence-Alpes-Côte dAzur
|
1.223.569
|
888.941
|
20,9
|
Rhône-Alpes
|
1.642.277
|
1.213.036
|
22,7
|
Total
|
24.771.000
|
18.568.000
|
32,9
|
(*) Non compris la population du Hainaut français, de 880.000 habitants, qui sera éligible à lobjectif 2 en lan 2006. En tenant compte de cette population, le taux de couverture pour la région sera de 66,7%.
Source : Circulaire de la ministre de laménagement du territoire et de lenvironnement aux préfets de région
du 9 septembre 1999 (annexe 3).
|
Lenveloppe attribuée à la France au titre de l'objectif 2 a été réduite et passe pour la période 2000-2006, à 45,7 milliards de francs (6,9 milliards d'euros), au lieu de 60,6 milliards pour la période précédente.
Compte tenu des critères prévus par les règlements communautaires et rappelés ci-dessus, les préfets de région ont été invités à engager les consultations qui conduiront à des propositions de zonage sur la base desquelles le Gouvernement français et la Commission européenne établiront la carte des zones éligibles à l'objectif 2 en France.
Ces propositions de zonage devront sappuyer sur des statistiques détaillées pour chaque région et harmonisées au plan national ainsi que sur des argumentations plus qualitatives relatives au contexte régional ou local.
Pour chaque territoire proposé à léligibilité, il devra être fait référence au type de zone auquel il se rattache dans la législation communautaire et à son articulation avec les autres zonages nationaux.
Ces propositions devront être élaborées dans le cadre dun partenariat le plus étroit possible, comme cela est dailleurs exigé par le règlement communautaire, associant notamment les collectivités régionales et départementales et les parlementaires nationaux et européens.
Pour la répartition de lenveloppe des fonds structurels, il ny aura pas « d'avantages territoriaux acquis ». Toutefois, la clé de répartition devra garantir à chaque région le maintien au minimum de 50% du montant des fonds perçus durant la période précédente.
Lensemble des transferts financiers qui viennent dêtre évoqués prend en compte les déséquilibres graves, et persistants qui affectent tout particulièrement certaines zones urbaines et rurales très sensibles.
Mais leffort de lEtat en direction de ces territoires défavorisés doit être accentué si lon veut véritablement réduire ces disparités.
Cest pourquoi votre Rapporteur général considère que la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) dans sa première fraction devront être majorées de manière significative au cours des prochaines années.
Par ailleurs, la dotation globale de fonctionnement (DGF) devra prendre en compte les résultats du dernier recensement, dès lors quil fait apparaître, pour certaines communes, une hausse importante de leur population.
Le taux de progression de leffort financier de lEtat au profit des collectivités locales doit, en effet, tenir compte de leur rôle, devenu essentiel, pour le développement des investissements publics.
CHAPITRE III
LA PÉRENNITÉ DE LA CROISSANCE : UN LIEN ÉTROIT AVEC LA VITALITÉ DE LOFFRE
La croissance retrouvée doit beaucoup aux orientations mises en uvre par la puissance publique. Le rôle de celle-ci a été important pour lessor de la demande, qui « tire » la croissance depuis 1997.
Mais la croissance est aussi tributaire de la vitalité de loffre. A cet égard, il apparaît que contrairement au discours défaitiste convenu, notre pays, grâce aux efforts de tous chercheurs, investisseurs, chefs dentreprise, cadres, employés et ouvriers est compétitif. Les bons résultats durables de notre commerce extérieur en sont la première illustration, mais dautres éléments, plus structurels, traduisent lattractivité de notre pays au sein dune économie mondiale globalisée.
Il ne faut cependant pas relâcher leffort : linnovation et linvestissement sont la clé de lavenir et il faut, à cet égard, rompre avec une certaine frilosité, au moment où de vastes mouvements de restructuration affectant l'appareil productif doivent nous inciter à la vigilance.
A.- UN EXCÉDENT COURANT, SYMBOLISANT LEFFICACITÉ DE LAPPAREIL PRODUCTIF NATIONAL
Grâce à un excédent commercial de près de 148 milliards de francs, la France a enregistré, en 1998, un excédent du solde des transactions courantes record de 236 milliards de francs (2,7% du PIB), contre 227 milliards de francs en 1997, ce qui la situe au deuxième rang mondial.
1.- Des échanges extérieurs structurellement excédentaires
a) Un excédent commercial substantiel
Poursuivant la tendance observée depuis 1993, la balance commerciale française a enregistré, en 1998, pour la sixième année consécutive, un excédent atteignant 147,9 milliards de francs (), contre 163,3 milliards de francs en 1997.
Certes, cette performance sinscrit en baisse (-9,4%) par rapport aux résultats enregistrés en 1997, laquelle constituait une année record. Cependant, le solde de la balance commerciale, constaté en 1998, constitue un succès à plus dun titre.
Lexcédent commercial réalisé en 1998 constitue, en effet, la seconde meilleure performance obtenue depuis 1993. Il est, ainsi, deux fois supérieur à celui dégagé en 1996.
Par ailleurs, les performances enregistrées au titre de la balance commerciale ont été obtenues dans un contexte international extrêmement défavorable, marqué par la crise asiatique et celle de la Russie.
Soulignons, enfin, que lexcédent de 1998 est profondément sain, puisquil ne repose pas, contrairement à la situation observée jusquen 1996, sur une faiblesse relative des importations, consécutive à latonie de la demande interne. Ce succès a, cependant, une contrepartie : compte tenu du dynamisme de la demande intérieure, la contribution des échanges extérieurs à la croissance est, en 1998, négative (-0,4%).
Il convient, cependant, dindiquer que le dynamisme du commerce extérieur observé en 1998 semble marquer un net recul au premier semestre 1999. Le solde des échanges FAB-FAB sélève, pour les six premiers mois de lannée, à 51,2 milliards de francs, contre 68,2 milliards de francs au premier semestre 1998, soit une baisse de 25%. Bien quun rebond des échanges ait été observé en mai et juin derniers, le solde du commerce extérieur pourrait se situer, en létat actuel des informations dont dispose votre Rapporteur général, autour de 75 à 80 milliards de francs en 1999.
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COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS 1990-1998
(Résultats bruts FAB-FAB, y compris matériel militaire)
|
(en milliards de francs)
|
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1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Evolution 98/97 en %
|
Importations
|
1.234
|
1.260
|
1.226
|
1.113
|
1.243
|
1.354
|
1.396
|
1.528
|
1.651
|
+ 8,1
|
Exportations
|
1.154
|
1.195
|
1.224
|
1.167
|
1.288
|
1.408
|
1.470
|
1.691
|
1.799
|
+ 6,4
|
Solde
|
- 80
|
- 65
|
- 2
|
54
|
45
|
54
|
74
|
163
|
148
|
- 9,4
|
Source : Direction générale des douanes et des droits indirects.
|
· Lévolution des soldes par branche, observée au cours de lannée 1998, contraste vivement avec les performances réalisées en 1997 : si le déficit énergétique est en nette diminution, les soldes des autres branches, en revanche, subissent tous une dégradation. Soulignons, cependant, que les niveaux des trois principaux soldes excédentaires de la balance commerciale demeurent, en 1998, largement supérieurs aux niveaux atteints en 1996. Le fléchissement de 1998 doit donc être interprété avec prudence.
La facture énergétique a reculé, en 1998, de 25 milliards de francs, soit une baisse de près de 30%. Elle retrouve ainsi son niveau de 1995, pour sétablir à 61 milliards de francs.
Cette baisse est imputable à la chute des cours mondiaux du pétrole brut, le prix du baril exprimé en dollars sétant effondré de 30% en un an.
Soulignons, cependant, quau cours du premier semestre de 1999, la facture énergétique est de nouveau en hausse par rapport aux six derniers mois de 1998.
La branche agro-alimentaire enregistre un excédent de plus de 58 milliards de francs en 1998, ce qui représente un recul de 7 milliards de francs par rapport au record exceptionnel de 1997. Le chiffre de 1998 constitue, toutefois, le second plus fort excédent agro-alimentaire depuis dix ans.
Lexcédent des produits agricoles reste stable, la forte hausse des exportations de vins venant compenser la baisse de celles de céréales. En revanche, les exportations des produits des industries agricoles et alimentaires reculent de 6 milliards de francs en raison de la crise russe et asiatique. Les exportations vers la Russie ont, ainsi, chuté de 27% de 1997 à 1998, tandis que les ventes dalcools vers lAsie subissaient une forte baisse.
Au cours du premier semestre 1999, et bien que le solde du secteur agro-alimentaire dans son ensemble reste relativement stable par rapport aux résultats enregistrés au premier semestre 1998, les flux déchanges au sein de lindustrie agro-alimentaire poursuivent leur érosion.
Lexcédent des biens intermédiaires chute, en 1998, de près de 80% par rapport à lannée précédente : il est désormais réduit à 3,8 milliards de francs, soit le plus faible niveau enregistré depuis 1996.
Cette dégradation sexplique essentiellement par le dynamisme des importations, notamment dans les secteurs de la sidérurgie, du papier-carton et des composants électroniques.
Au premier semestre 1999, les échanges de biens intermédiaires ont poursuivi leur décrue, le ralentissement étant nettement plus marqué à limportation quà lexportation. Le solde est cependant positif et un rebond des échanges est observé depuis le mois de mai dernier.
Lexcédent du secteur des équipements professionnels est, en 1998, en très légère baisse (9%) par rapport au record historique de 1997 : il sétablit à 42 milliards de francs, représentant ainsi le deuxième excédent industriel, derrière lautomobile. Cette performance est, pour lessentiel, imputable aux performances obtenues dans les branches aéronautique et navale.
Cet excédent est dautant plus remarquable quil est intervenu dans un contexte international peu favorable. La part des exportations françaises vers lUnion européenne est, en effet, particulièrement faible dans ce secteur (48%) alors que le poids des pays émergents dAsie () est élevé (11%). Mais, malgré un contexte fragile, les exportations sont demeurées, en 1998, extrêmement dynamiques.
Cette tendance a, cependant, subi un retournement au cours du premier semestre 1999 : les exportations fléchissent, alors que les importations progressent. Le solde se dégrade donc, passant de 27 milliards de francs au second semestre 1998 à 10 milliards de francs au premier semestre 1999. Lindustrie des transports est particulièrement touchée.
Marquant un léger recul par rapport à 1997, de 4,5 milliards de francs, lexcédent de la branche automobile et transport terrestre demeure, avec 59 milliards de francs, le premier poste de la balance commerciale française.
Cet excédent est particulièrement remarquable puisque, contrairement à la situation prévalant en 1997, il sinscrit dans un contexte de forte croissance des importations (+22,5% en 1998). La vigueur des exportations (+13,2%) sexplique, quant à elle, par la bonne santé du marché européen, témoignant ainsi de la compétitivité des produits français.
Au cours du premier semestre 1999, le solde de la branche automobile a subi un recul de 20% par rapport aux six derniers mois de 1998. Attestant de la bonne santé de léconomie française, les importations sont à la hausse, mais les exportations reculent.
Le déficit des biens de consommation saccroît, en 1998, de 45%, pour sélever à plus de 27 milliards de francs. Les échanges dans cette branche ont été particulièrement dynamiques, les exportations et importations augmentant respectivement de 8% et 11%. Le solde de la branche a, toutefois, pâti dun « effet Mondial », à lorigine dune forte poussée des achats de matériel électronique.
Sélevant à 10 milliards de francs, le déficit des biens de consommation est en réduction au cours du premier semestre 1999. Lamélioration est particulièrement sensible sur deux postes : le cuir et lhabillement, dune part, la pharmacie et la parapharmacie, dautre part.
|
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|
EVOLUTION DU SOLDE EXTÉRIEUR PAR GROUPE DE PRODUITS 1990-1999
(Résultats bruts CAF/FAB, hors matériel militaire)
|
(en millions de francs)
|
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Variation 1998/1997
|
Premier
semestre 1999
|
Produits agricoles
|
23.414
|
17.573
|
22.080
|
21.443
|
7.333
|
9.055
|
11.742
|
12.654
|
11.869
|
- 6,20
|
6.059
|
Industrie
agro-alimentaire
|
25.120
|
23.886
|
27.759
|
31.423
|
33.434.
|
38.061
|
40.231
|
52.731
|
46.502
|
- 11,81
|
18.138
|
Total
|
48.536
|
41.460
|
49.840
|
52.865
|
40.766
|
47.114
|
51.971
|
65.388
|
58.369
|
- 10,73
|
24.197
|
Energie
|
- 93.450
|
- 95.669
|
- 80.081
|
- 69.869
|
- 67.584
|
- 60.428
|
- 78.232
|
- 86.288
|
- 61.018
|
- 29,29
|
- 29.985
|
Biens intermédiaires
|
- 61.435
|
- 57.495
|
- 48.251
|
- 19.269
|
- 27.432
|
- 9.876
|
10.089
|
18.774
|
3.863
|
- 79,42
|
2.600
|
Equipement
|
- 31.275
|
- 18.589
|
3.709
|
17.476
|
16.616
|
28.399
|
25.990
|
46.056
|
42.022
|
- 8,76
|
10.491
|
Automobiles
|
23.370
|
32.049
|
30.582
|
29.267
|
30.305
|
22.365
|
24.874
|
63.933
|
59.388
|
- 7,11
|
28.015
|
Biens de consommation
|
- 42.570
|
- 45.311
|
- 37.040
|
- 31.796
|
- 29.631
|
- 27.470
|
- 20.380
|
- 18.842
|
- 27.369
|
45,26
|
- 10.340
|
Total
|
- 110.238
|
- 77.444
|
- 39.201
|
12.039
|
10.385
|
14.164
|
38.379
|
108.432
|
75.391
|
- 30,47
|
30.073
|
Divers
|
1.675
|
11.904
|
11.805
|
16.356
|
20.528
|
746
|
- 2.201
|
- 1.491
|
- 2.513
|
68,54
|
- 694
|
Ensemble CAB/FAB hors matériel militaire
|
155.149
|
- 131.655
|
- 69.440
|
- 4.968
|
- 16.431
|
855
|
12.121
|
87.532
|
72.746
|
- 16,89
|
24.285
|
Source : Direction générale des douanes et des droits indirects.
|
· Le poids de la France dans le commerce international, ainsi que la répartition géographique de ses échanges, ont été relativement stables en 1998. Cependant, le ralentissement de la conjoncture internationale na pas été sans conséquence sur ses exportations.
Daprès les informations fournies par la direction des relations économiques extérieures (DREE), la part du marché mondial en valeur de la France sest élevée, en 1998, à 5,4%, soit le même niveau quen 1997.
LUnion européenne reste le premier partenaire commercial de la France, représentant près des deux tiers de ses exportations.
Le commerce extérieur français avec lUnion européenne dégage un solde positif de 64 milliards de francs, lequel, bien quen réduction de 21% (soit 17 milliards de francs) par rapport à 1997, représente deux fois et demi lexcédent dégagé en 1996. Cette baisse est imputable à une forte croissance des importations (+9,6%), notamment celles en provenance dAllemagne, dItalie, dEspagne et dIrlande, et à une forte décélération des exportations (+7,2% en 1998 contre +12,4% en 1997), notamment celles à destination du Royaume-Uni, de lItalie et des pays du Bénélux.
La baisse de lexcédent commercial est particulièrement accusée avec les pays de la zone euro : il chute de 64% pour sétablir à 11 milliards de francs. Soulignons, toutefois, que les échanges de la France avec cette zone ont été plus dynamiques que pour lUnion européenne prise dans son ensemble, les exportations et les importations progressant respectivement de 7,7% et 10,6%. Les exportations françaises dirigées sur la zone euro ont ainsi crû de 64 milliards de francs en 1998.
Au cours du premier semestre 1999, les échanges avec lUnion européenne, et notamment avec la zone euro, subissent une dégradation en termes de flux. Les importations françaises chutent de 3,4%, tandis que les exportations reculent de 1,8% par rapport au dernier semestre 1998. Mais, compte tenu de ce décalage, le solde enregistre lun de ses excédents semestriels les plus élevés (près de 44 milliards de francs).
Lévolution des échanges avec les pays de lEst reste favorable, le solde avec les pays dEurope centrale et orientale (PECO) et la Communauté des Etats indépendants (CEI) représentant un excédent de 12 milliards de francs, en progression de 9% par rapport à lannée précédente. Ce chiffre couvre, cependant, de fortes disparités.
Les échanges avec les PECO dégagent, en effet, un solde positif de près de 16 milliards de francs, les exportations françaises ayant été particulièrement dynamiques en 1998 (+19%), notamment vers la Pologne, devenue, en 1998, le premier client de la France en Europe de lEst et le sixième excédent bilatéral.
En revanche, les échanges avec la CEI se soldent par un déficit de 3,4 milliards de francs, en augmentation de plus de 16% par rapport à lannée 1997. Ce phénomène est essentiellement imputable à la chute des exportations françaises vers la Russie (-25%) qui ont cependant repris leur progression au premier semestre 1999.
Le déficit commercial français avec les pays de lOCDE, hors Union européenne, fait lobjet dune forte réduction.
Le déficit commercial avec les Etats-Unis, de 16 milliards de francs, est, en effet, en diminution de plus de 30% en 1998 par rapport à lannée précédente. Il sagit du plus faible déficit commercial enregistré depuis dix ans. Stimulées par lappréciation du dollar et lécart de conjoncture positif avec les Etats-Unis, les exportations françaises ont, en effet, augmenté de 20% sur cette zone. Au premier semestre 1999, le recul du déficit commercial avec les Etats-Unis se poursuit, en raison du rythme soutenu de la croissance des achats américains à létranger.
En revanche, le déficit avec le Japon saccroît, en 1998, de 21% (soit 5 milliards de francs) pour sétablir à 29 milliards de francs. Il sagit du plus important déficit bilatéral enregistré depuis 1993. Au premier semestre 1999, le déficit continue de saccroître par rapport au dernier semestre 1998 (+20%).
Les échanges commerciaux de la France avec lAsie subissent également un repli sensible.
Cette détérioration est particulièrement significative pour les pays dAsie à économie en développement rapide. Le solde commercial français chute de 25 milliards de francs, en raison dune forte baisse des exportations françaises sur cette zone (-16% entre 1997 et 1998).
Cette baisse a concerné tous les secteurs : matériel de transport terrestre (-30%), biens de consommation (-25%), biens intermédiaires (-24%), secteur agro-alimentaire (-24%). Indiquons, cependant, que la décélération des exportations françaises de biens déquipement professionnels (-12%) a été moins marquée, des commandes dAirbus ayant été conclues en 1997 et dénouées en 1998.
Le repli des exportations françaises a été très sensible vers les pays de lASEAN (-31%), notamment lIndonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour, ainsi quen direction de la Corée du Sud.
Au premier semestre 1999, les exportations françaises vers lAsie émergente poursuivent leur baisse (-26%) par rapport au dernier semestre 1998, ce phénomène était imputable à une forte chute des ventes dAirbus.
Lexcédent commercial de la France avec le Proche et Moyen Orient progresse, en 1998, de 50% (+ 4 milliards de francs) pour sétablir à 12 milliards de francs, cette évolution sexpliquant par la forte baisse du prix du pétrole brut importé. Les importations françaises ont ainsi chuté de 14%. Notons que les exportations françaises ont subi un léger recul (-1,6%), lequel résulte également de la faiblesse des livraisons dAirbus.
Au premier semestre 1999, lexcédent commercial français est à la hausse, même si les importations tendent à saccroître.
Le solde des échanges avec lAfrique progresse également. Lexcédent français, en augmentation de 67% par rapport à lannée précédente, sétablit à près de 34 milliards de francs. Les exportations françaises vers la zone ont, en effet, été très dynamiques en 1998 (+16%) : lAfrique est redevenue, en 1998, la troisième destination des produits français, après lUnion européenne et les autres pays de lOCDE.
Au premier semestre 1999, les ventes françaises vers lAfrique reculent, mais, compte tenu des moindres importations françaises, lexcédent se maintient à un niveau élevé.
|
|
|
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|
|
|
LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE EN 1998 PAR ZONES GÉO-ÉCONOMIQUES
(Données CAF/FAF, hors matériel militaire)
|
Pays
|
1998
(en milliards de francs)
|
Evolution 1998/1997
(en %)
|
Taux de couverture
1998
(en %)
|
|
Importations
|
Exportations
|
Solde
|
Importations
|
Exportations
|
Solde
|
|
Union européenne
|
1.063,4
|
1.127,7
|
+ 64,3
|
+ 9,61
|
+ 7,25
|
- 20,94
|
106,04
|
|
881,5
|
892,8
|
+ 11,4
|
+ 10,59
|
+ 7,74
|
-64,08
|
101,29
|
|
131,7
|
138,9
|
+ 7,2
|
+ 3,69
|
+ 1,92
|
- 22,37
|
105,48
|
|
86,2
|
82,1
|
- 4,1
|
+ 7,92
|
+ 4,69
|
- 183,25
|
95,25
|
|
293,5
|
285,9
|
- 7,6
|
+ 11,98
|
+ 7,67
|
- 321,91
|
97,41
|
|
169,8
|
163,0
|
- 6,8
|
+ 9,36
|
+ 5,42
|
- 930,56
|
95,99
|
|
121,1
|
155,6
|
+ 34,6
|
+ 14,66
|
+ 15,92
|
+ 20,57
|
128,56
|
|
141,4
|
178,6
|
+ 37,2
|
+ 5,59
|
+ 5,68
|
+ 6,04
|
126,29
|
OCDE hors UE
|
328,9
|
315,7
|
- 13,2
|
+ 7,59
|
+ 9,25
|
+ 21,01
|
95,98
|
|
147,7
|
132,0
|
- 15,7
|
+ 10,68
|
+ 19,76
|
+ 32,4
|
89,37
|
|
56,5
|
27,5
|
- 29,0
|
+ 7,63
|
- 3,66
|
- 21,08
|
48,68
|
Pays de lEst
|
54,3
|
66,7
|
+ 12,5
|
+ 7,85
|
+ 8,12
|
+ 9,33
|
122,96
|
|
35,2
|
51,1
|
+ 15,9
|
+ 28,60
|
+ 19,16
|
+ 2,48
|
145,15
|
|
19,1
|
15,7
|
- 3,4
|
- 16,89
|
- 16,96
|
- 16,58
|
82,04
|
|
16,4
|
11,1
|
- 5,3
|
- 19,24
|
- 24,94
|
+ 4,06
|
67,53
|
Pays dAsie en développement rapide
|
112,2
|
92,0
|
- 20,2
|
+ 6,67
|
- 16,23
|
- 536,37
|
81,98
|
|
42,8
|
19,5
|
- 23,3
|
+ 9,86
|
- 1,54
|
- 21,61
|
45,49
|
Moyen-Orient
|
42,8
|
72,5
|
+ 29,7
|
- 8,49
|
- 0,54
|
+ 17,26
|
141,96
|
Afrique
|
64,7
|
90,5
|
+ 25,8
|
+ 2,46
|
+ 17,44
|
+ 85,25
|
139,93
|
Total CAF/FAB
hors matériel militaire
|
1.697,6
|
1.770,4
|
+ 72,7
|
+ 7,74
|
+ 6,44
|
- 16,89
|
104,29
|
(a) Union économique Belgique Luxembourg.
|
Source : Direction générale des douanes et des droits indirects.
|

b) Un solde des transactions courantes sans précédent
En dépit du ralentissement de la demande étrangère adressée à la France et du dynamisme de la demande intérieure, le solde des transactions courantes a enregistré, en 1998, et ce pour la septième année consécutive, un excédent record de 236 milliards de francs, contre 227 milliards de francs en 1997 et 105 milliards de francs en 1996.
Ce chiffre de 236 milliards de francs équivaut, comme en 1997, à 2,8% du PIB. La France occupe ainsi le deuxième rang mondial, derrière le Japon.
Lannée 1998 marque ainsi lapogée dun mouvement, amorcé en 1992, marqué par une montée croissante de lexcédent du solde des transactions courantes.
Pour le premier semestre de 1999, le solde du compte des transactions courantes a enregistré un excédent de 106,1 milliards de francs en données brutes, contre 96 milliards de francs sur la même période au cours de lannée précédente.
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|
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|
|
|
SOLDES DES TRANSACTIONS COURANTES
(en milliards de dollars)
|
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1998
en % du PIB
|
Pays de lOCDE
Pays du G7
Union monétaire européenne (a)
France
Allemagne
Belgique-Luxembourg
Espagne
Italie
Pays-Bas
Royaume-Uni
Etats-Unis
Japon
Canada
|
28,8
- 1,5
nd
10,9
- 22,6
11,4
0,2
25,7
24,0
- 5,9
- 115,3
110,4
- 4,7
|
- 5,7
- 19,5
nd
20,5
- 13,8
11,3
0,2
40,5
21,8
- 0,9
- 134,9
65,8
3,3
|
33,7
7,2
nd
37,6
- 4,0
11,4
2,3
33,5
23,4
10,1
- 155,2
94,5
- 9,2
|
- 22,6
- 64,7
75,1
39,8
- 3,5
10,6
- 1,5
23,2
21,2
1,1
- 233,4
120,7
- 12,4
|
- 0,1
- 0,3
1,2
2,8
- 0,2
4,2
- 0,3
2,0
5,6
0,1
- 2,7
3,2
- 2,1
|
(a) Source Banque centrale européenne.
Source : Banque de France, Balance des paiements et position extérieure de la France en 1998, élaborée à partir des Perspectives économiques de lOCDE (juin 1999).
|
· Ce résultat sexplique essentiellement par le solde des échanges de biens (), lequel, malgré un léger fléchissement par rapport à 1997, sest élevé, en 1998, à 154 milliards de francs.
Le solde de la balance des biens est lui-même essentiellement imputable à lexcédent du commerce extérieur. Le solde des échanges de marchandises, exprimé selon la méthodologie balance des paiements, sest, en effet, élevé à 145 milliards de francs en 1998, contre 148 milliards de francs en 1997.
· Continuant de progresser, le solde des services sélève, en 1998, à près de 110 milliards de francs, contre 106 milliards de francs en 1997, contribuant ainsi à hauteur de 46% à lexcédent du solde des transactions courantes.
Rappelons que les échanges de services sont traditionnellement excédentaires, la France ayant été, jusquen 1996, le deuxième exportateur mondial de services, jusquà ce quelle cède cette place au Royaume-Uni en 1997. Laccroissement des échanges ayant été moins vigoureux en 1998 que lannée précédente (+ 6,5% contre + 8,1%), la France demeure, en 1998, le troisième exportateur mondial de services, avec une part de marché de 6,1%, contre 18,1% pour les Etats-Unis et 7,7% pour le Royaume-Uni.
Premier poste de lexcédent de la balance des services, le solde des voyages a continué, en 1998, sa progression, pour sétablir à un niveau record de 72 milliards de francs, contre 67 milliards en 1997 et 54 milliards en 1996. Rappelons, à cet égard, que lexcédent touristique avait subi, de 1992 à 1996, une baisse continue. Forte de ses soixante-dix millions de touristes, la France occupe ainsi le troisième rang mondial en termes de recettes touristiques. Ce succès sexplique notamment par lorganisation de la coupe du monde de football, ainsi que par des phénomènes monétaires liés à lappréciation du dollar et au dynamisme de léconomie américaine.
· Poursuivant la tendance amorcée en 1997, le solde des revenus est de nouveau excédentaire en 1998 et sélève à près de 30 milliards de francs, contre 19 milliards de francs en 1997. Cette évolution sexplique essentiellement par le solde des revenus des investissements, lui-même imputable à la montée des excédents courants enregistrée depuis 1992.
· Le déficit structurel des transferts courants sest légèrement accentué en 1998, pour atteindre 56,4 milliards de francs, contre 56 milliards en 1997. Mais, derrière cette apparente stabilité, se cache une légère augmentation du déficit des transferts courants des administrations publiques, essentiellement imputable à un alourdissement de la contribution française au budget européen (92,6 milliards de francs en 1998, contre 88,2 milliards de francs en 1997).
|
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|
|
SOLDES DE LA BALANCE DES PAIEMENTS
Présentation simplifiée
(en millions de francs)
|
|
1996
|
1997
|
1998
|
COMPTE DE TRANSACTIONS COURANTES
Marchandises Données douanières (fab-fab)
- Corrections (a)
- Avitaillement Travail à façon
BIENS
SERVICES (hors voyages)
Voyages
AUTRES BIENS ET SERVICES
TOTAL DES BIENS SERVCIES
REVENUS
TRANSFERTS COURANTS
|
104.984
93.075
- 27.222
10.662
76.515
22.994
54.287
5.965
159.761
- 10.019
- 44.758
|
226.629
163.916
- 16.141
9.557
157.332
39.369
66.732
-
263.433
19.161
- 55.965
|
236.353
151.296
- 5.744
8.425
153.977
38.229
71.615
-
263.821
28.988
- 56.456
|
(a) Le montant des corrections comprend notamment des opérations sans transfert de propriété.
Source : Banque de France, Balance des paiements et position extérieure de la France, 1998.
|
|
|
|
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|
|
LES COMPOSANTES DES TRANSACTIONS COURANTES
(en millions de francs)
|
|
1996
|
1997
|
1998
|
|
Recettes
|
Dépenses
|
Soldes
|
Recettes
|
Dépenses
|
Soldes
|
Recettes
|
Dépenses
|
Soldes
|
Transactions courantes
Biens
Services
Autres biens et services
Biens et services
Revenus
Transferts courants
|
2.230.888
1.441.872
418.796
8.544
1.869.212
249.480
112.196
|
2.125.903
1.365.357
341.514
2.579
1.709.450
259.499
156.954
|
104.985
76.515
77.282
5.965
159.762
- 10.019
- 44.758
|
2.574.045
1.669.014
475.224
0
2.144.238
312.306
117.501
|
2.347.416
1.511.682
369.123
0
1.880.805
293.145
173.466
|
226.629
157.332
106.101
0
263.433
19.161
- 55.965
|
2.774.488
1.777.395
502.974
0
2.280.369
373.040
121.079
|
2.538.135
1.623.418
393.130
0
2.016.548
344.052
177.535
|
236.353
153.977
109.844
0
263.821
28.988
- 56.456
|
Source : Banque de France, Balance des paiements et position extérieure de la France, 1998.
|
2.- Un infléchissement conjoncturel du solde commercial français
Linfléchissement, en 1998, du solde commercial national apparaît comme un phénomène purement conjoncturel, imputable à un ralentissement du commerce international.
a) Des exportations encore vigoureuses
· Les exportations françaises ont, en 1998, progressé deux fois moins vite (+ 6,4%) quen 1997 (+ 15,0%).
La France a, en effet, été confrontée à un contexte international de moindre progression des échanges internationaux. Le taux de croissance annuel moyen des échanges mondiaux en volume na été, en 1998, selon lOrganisation mondiale du commerce (OMC), que de 3,5%, contre 10,5% en 1997 et 7% en moyenne sur la période 1985-1996. La croissance du commerce mondial a même été négative en valeur (baisse de 2%), ce qui représente la plus forte baisse enregistrée depuis 1982.
Dans ce contexte, la demande mondiale adressée à la France sest ralentie en 1998, même si cet infléchissement est moindre que celui observé sur le plan mondial : le taux de croissance de la demande mondiale de produits manufacturés adressée à la France est, ainsi, passé de 9,5% en 1997 à 6,3% en 1998.
|
|
|
|
DEMANDE MONDIALE DE PRODUITS MANUFACTURÉS
(taux de croissance en moyenne annuelle)
|
|
1996
|
1997
|
1998
|
Demande (en volume) adressée
à la France
|
5,8
|
9,5
|
6,3
|
Source : Direction de la Prévision et SEMEF DGE Banque de France.
Réalisation : Banque de France.
|
|
|
|
|
|
CROISSANCE DU COMMERCE MONDIAL
(EXPORTATIONS)
(en pourcentage)
|
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Biens
|
|
|
|
|
|
9,0
|
5,5
|
10,5
|
3,5
|
|
20,0
|
4,5
|
3,5
|
- 2,0
|
Services commerciaux
|
|
|
|
|
|
15,0
|
6,7
|
3,5
|
- 2,0
|
Source : OMC.
Réalisation : Banque de France.
|
· Le ralentissement du commerce international est largement imputable à la crise asiatique, laquelle sest étendue à la Russie et au Brésil.
On rappellera, en effet, que la crise financière qui a touché, en juillet 1997, lAsie du Sud-Est a débouché, dès la fin 1997, sur une sévère récession dans la zone, elle-même à lorigine dun brutal ralentissement du commerce international.
Ainsi, alors que lAsie à économie en développement rapide (« lAsie émergente ») avait largement contribué au dynamisme des échanges mondiaux, le taux de croissance moyen de ses importations en volume progressant de 13% sur la période 1985-1996, celui-ci a chuté à 3,6% en 1998. En valeur, les importations de la zone asiatique, en tenant compte du Japon, ont baissé de 17,5% entre 1997 et 1998. Cette contraction de la demande asiatique a réduit les importations mondiales de 240 milliards de dollars en 1998, ce qui correspond à une ponction de 4% sur le commerce mondial (de 3% si lon exclut le Japon).
Comme votre Rapporteur général la précédemment souligné, la France a été touchée par limpact de la crise asiatique. Ses exportations vers lAsie émergente ont baissé de 17 milliards de francs, soit une diminution de 16%. Au total, le solde avec lAsie émergente a subi un recul de 25 milliards de francs, passant dun excédent de 4,6 milliards de francs en 1997 à un déficit de 20,2 milliards de francs en 1998.
La crise asiatique sest ensuite étendue, à la mi-1998, à la Russie et à lAmérique latine. Une onde de choc commerciale sest, ainsi, diffusée sur le plan international, provoquant une contraction drastique des importations des zones concernées. Comme la précédemment indiqué votre Rapporteur général, les exportations françaises vers la Russie ont, de ce fait, chuté de plus de 25%, passant de 14,8 milliards de francs en 1997 à 11,1 milliards de francs en 1998.
· Limpact de la crise asiatique sur le commerce extérieur français doit, cependant, être relativisé.
Comme la souligné lOCDE dans ses Perspectives économiques de juin 1999, « de tous les pays de la zone euro, la France paraît être celui qui a le moins souffert des crises des économies émergentes. [...]. La part relativement importante des services a [...] contribué à limiter les risques directs que les crises des pays émergents auraient pu faire peser sur léconomie française. En conséquence, la balance des opérations courantes na pratiquement pas été affectée en 1998 [...] ».
Il est vrai que les exportations françaises vers lAsie émergente ou la Russie ne représentent quune part marginale des échanges nationaux. Le poids des exportations françaises vers lAsie émergente sélève, en effet, en 1998, à 5,2% de ses exportations totales et celui de la Russie à 0,63%.
Soulignons, par ailleurs, de manière plus générale, que le niveau de lexcédent commercial dégagé en 1997 octroyait à la France des marges de manuvre, lui permettant de supporter une légère inflexion du solde. Cet infléchissement était dautant plus supportable que la conjoncture internationale sest traduite par une chute brutale de la facture énergétique, laquelle a intégralement compensé la « facture asiatique ».
En réalité, si la France a été touchée par la crise asiatique, elle le fut de manière indirecte. Deux de ses principaux partenaires commerciaux européens, à savoir lAllemagne et lItalie, ont des exportations particulièrement exposées au risque asiatique. La crise de lAsie émergente a, ainsi, eu, en 1998, des répercussions précoces et notables sur lactivité en Italie, ce qui explique que la croissance des exportations françaises vers ce pays (+ 5,4%) y soit inférieure à la moyenne communautaire (+ 7,2%).
· Il convient, à cet égard, de se réjouir de la structure géographique du commerce extérieur français, essentiellement tourné vers lUnion européenne ().
Celle-ci a, en effet, constitué, en 1998, un pôle économique dynamique, du fait de la reprise de la demande intérieure. Ce dynamisme explique que, globalement, lUnion européenne est restée relativement à labri de la crise asiatique. Comme le souligne la direction de la prévision du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie, dans une note de conjoncture internationale publiée en décembre 1998, « il est remarquable de noter qualors que le commerce mondial ralentit de plus de cinq points, les importations des six plus gros pays de la zone euro ne fléchissent que dà peine plus dun point en 1998 ».
Bien que le rythme de progression des exportations françaises vers lUnion européenne se soit réduit de moitié, celles-ci ont néanmoins connu une croissance de 7,2% en 1998, voire de 7,7% pour la seule zone euro. Par ce biais, 64% des exportations françaises ont connu un taux de croissance deux fois supérieur au rythme de croissance observé sur le plan mondial. Cest donc bien la solidité des échanges avec lUnion européenne et le dynamisme économique de cette zone qui ont permis à la France de maintenir à un niveau exceptionnellement élevé son solde commercial.
Il convient donc de relativiser limpact à court terme de la crise asiatique sur les échanges extérieurs français. En revanche, les répercussions à long terme sont plus préoccupantes. LAsie émergente, ainsi que la Russie, représentent, en effet, des zones à fort potentiel de développement. Or, devant les risques quelles représentent, il y a fort à parier que les exportateurs français, déjà fort peu présents sur ces marchés, ne sen détournent encore davantage.
b) Des importations dynamiques
Les importations françaises ont crû, en 1998, à un rythme soutenu (+ 8,1%), comparable à celui de 1997 (+ 9,5%).
Plus que par le ralentissement des exportations, linfléchissement du solde commercial français sexplique par le dynamisme des importations.
Il convient, à cet égard, de rappeler que la croissance de la demande, amorcée à la mi-1996 et amplifiée en 1997, sest poursuivie en 1998 : avec un taux de 3,6% en moyenne annuelle, elle est la plus élevée de la décennie.
Comparativement aux autres Etats membres de lUnion européenne, la France a, ainsi, bénéficié dun « différentiel de conjoncture », qui ne pouvait pas être sans conséquence sur lampleur des importations nationales.
· Votre Rapporteur général tient à souligner que cette reprise économique na, en rien, entaché la pérennité de lexcédent commercial national, ce qui témoigne de la bonne santé de léconomie française.
On rappellera, en effet, que depuis 1992, lamélioration du solde commercial français a dabord résulté dun différentiel de conjoncture « inversé » : devant latonie de la demande interne, les entreprises se tournaient vers les marchés extérieurs. Lexcédent commercial ne reflétait donc nullement la bonne santé de léconomie nationale, mais bien la faiblesse de la consommation des ménages et des investissements des entreprises. Il nétait donc nullement acquis que cet excédent commercial résisterait à une reprise des importations.
Or, tel est pourtant bien le cas actuellement.
Depuis 1997, la reprise économique, tout en se traduisant par une vive croissance des importations, sest accompagnée dune montée en puissance des exportations. Dès lors, cette reprise na pas remis en cause lexcédent commercial. Cest notamment le cas pour lexcédent du secteur industriel, qui, malgré un recul en 1998 par rapport à 1997, reste presque deux fois supérieur au niveau de 1996. Votre Rapporteur général se réjouira, en particulier, de la consolidation des excédents dégagés par les branches des biens déquipements professionnels et du secteur automobile, consolidation obtenue en dépit dune nette progression des importations. Cette évolution témoigne de la bonne compétitivité des produits français, elle-même imputable aux efforts de modernisation de lindustrie.
· Il est vrai, cependant, que le maintien, en 1998, dun solde commercial élevé sexplique également par lallégement, de lordre de 25 milliards de francs, de la facture énergétique, résultant de la chute précédemment évoquée des cours du pétrole. Cet allégement équivaut, pour la France, à limpact de la crise asiatique sur le solde commercial. Autrement dit, la réduction de la facture pétrolière a compensé les effets de la crise asiatique.
Relevons, cependant, que la chute des prix des matières premières a fortement réduit les revenus des pays producteurs. La baisse de leurs importations a, ainsi, par ricochet, grevé les exportations françaises en 1998.
La conjonction de ces différents facteurs a permis à la France de conserver, en 1998, un solde commercial exceptionnellement élevé. Tel ne devrait pas être le cas, toutefois, en 1999.
*
* *
Une détérioration des échanges commerciaux a, en effet, été observée dès la fin de lannée 1998 et sest poursuivie au premier semestre 1999. Malgré un regain attendu de dynamisme des échanges au second semestre 1999, et plus précisément depuis mai dernier, le solde commercial français pourrait se situer autour de 75 à 80 milliards de francs seulement en 1999. Cette détérioration pèserait, notamment, sur le solde industriel et toucherait les secteurs des biens déquipement professionnels et de lautomobile.
La détérioration du solde commercial pour 1999 est imputable à un moindre dynamisme des exportations, conjugué à une consolidation des importations.
Selon la direction de la prévision du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie (), le commerce international saccélérerait, certes, en 1999 (+4,7% contre +3,5% en 1998), mais la demande mondiale adressée à la France ralentirait, passant de +5,9% à +3,8% en moyenne annuelle, en raison de la faiblesse de la demande dorigine européenne.
Lannée 1999 devrait être marquée par une reprise de lactivité sur le continent asiatique et en Europe émergente. Mais, outre le fait que la France est encore peu présente sur ces marchés, les effets escomptés dune accélération de la demande dans ces zones devraient être contrebalancés par une détérioration de la conjoncture en Amérique latine. Ainsi, la demande adressée à la France par les « zones émergentes » resterait peu soutenue.
Lannée 1999 devrait également être marquée, sauf accident majeur, par la poursuite de lexpansion américaine. Celle-ci a, dores et déjà, servi de « locomotive » au commerce international au premier semestre 1999. Mais, encore une fois, les exportations françaises demeurent relativement mal placées sur ce marché pourtant porteur.
Surtout, le ralentissement économique observé sur la zone euro à partir du dernier trimestre 1998 jusquau premier semestre 1999 devrait peser sur les échanges extérieurs nationaux. Rappelons, en effet, que lEurope, notamment lAllemagne et lItalie, a traversé, au cours de cette période, un « trou dair industriel », si bien que les échanges en valeur entre la France et la zone euro se sont repliés de 4,1% à limportation et de 3,7% à lexportation par rapport au précédent semestre. La zone euro a donc cessé de jouer le rôle de « tampon » qui fut le sien en 1998, lorsquelle permit de préserver le commerce extérieur français des effets de la crise asiatique.
Ainsi, en raison de la structure géographique de ses échanges, la France devrait peu tirer parti, en 1999, de la reprise du commerce mondial.
Or, parallèlement, les importations devraient rester particulièrement dynamiques.
Le caractère soutenu de la production industrielle et de la consommation des ménages vont, en effet, jouer dans ce sens. La demande intérieure française devrait dailleurs probablement rester plus dynamique que celle des principaux pays européens, ce différentiel de conjoncture contribuant à la consolidation des importations.
Par ailleurs, comme on la vu précédemment, le mouvement de baisse des cours du pétrole et des matières premières observé en 1998 semble être arrivé à son terme, si bien que la facture énergétique pourrait atteindre, en 1999, 90 milliards de francs, contre 61 milliards de francs en 1998.
Ces différents éléments, sils vont indéniablement contribuer à réduire le solde commercial français, doivent cependant être relativisés. Le maintien de lexcédent de 80 milliards de francs constituerait la troisième meilleure performance de la décennie. Mais, surtout, les résultats récents témoignent de lexcellente compétitivité des produits de notre pays, qui, en dépit dune conjoncture internationale défavorable (crise asiatique en 1998, ralentissement de la zone euro en 1999), conserve la capacité de dégager un solde commercial positif et donc de contribuer à la création demplois.
B.- LA « MAISON FRANCE » DANS LE « VILLAGE PLANÉTAIRE » : COMPÉTITIVITÉ ET ATTRACTIVITÉ
Le haut niveau des exportations et des investissements français à létranger, mais également limportance des importations de notre pays et des investissements étrangers sur son sol, montrent combien la France évolue désormais dans une économie ouverte et mondialisée. La compétitivité et linternationalisation croissante des entreprises françaises, ainsi que lattractivité du territoire national, permettent à la France de profiter de ce phénomène qui suscite, néanmoins, des interrogations légitimes auxquelles les Etats se doivent de répondre en développant des stratégies plus coopératives.
1.- La France sinscrit dans une économie mondiale globalisée
Les résultats, précédemment analysés, de notre commerce extérieur et, plus globalement, des échanges de biens et services, témoignent dune forte intégration de la France dans léconomie mondiale, et plus particulièrement dans ses espaces de croissance. Toutefois, alors que les investissements à létranger (), qui constituent lune des manifestations de la mondialisation, ont longtemps été considérés comme une alternative aux exportations de biens et services pour la pénétration des marchés, de nombreuses études mettent désormais laccent sur leur complémentarité (). Linvestissement direct est parfois indispensable pour accéder à certains marchés (lautomobile en Chine, par exemple, ou le secteur des industries des produits minéraux du fait de la difficulté à exporter de façon économique et compétitive des produits très pondéreux) et il exerce des effets dentraînement évidents sur les exportations dun pays (flux déchanges internationaux internes aux groupes, effets de notoriété, etc.). Cette complémentarité serait même particulièrement forte dans le cas de la France, dont la répartition géographique et sectorielle des investissements à létranger recouvre celle de son commerce extérieur. Une étude publiée en mai 1998 évaluait ainsi à 70 milliards de francs, en 1994, les exportations nettes annuelles imputables à la présence française à létranger, contre 40 à 50 milliards de francs dimportations nettes associées à la présence étrangère en France (). Plus récemment, lOCDE estimait quà chaque dollar dinvestissement direct à létranger correspondent environ deux dollars dexportations supplémentaires, et un excédent commercial de 1,70 dollar.
· La mise en place de leuro, le 1er janvier 1999, au sein de onze pays de lUnion européenne, incite à analyser, en premier lieu, les investissements directs étrangers au niveau de cette nouvelle zone économique de première importance dans laquelle la France évolue désormais. Il ressort dune récente étude () les éléments suivants :
entre 1995 et 1997, les flux dinvestissements directs à destination de la zone euro se sont élevés à environ 30 milliards décus par an (40 milliards décus pour lensemble de lUnion européenne), en provenance, notamment, dAmérique du Nord et des pays de lUnion européenne hors zone euro. Le montant des flux entrant aux Etats-Unis était comparable en 1995, mais a davantage progressé par la suite (60 milliards décus en 1996, 80 milliards décus en 1997) ;
sagissant des flux sortants, les trois zones précitées ont investi chacune près de 60 milliards décus à létranger en 1996. Cependant, en 1997, les flux sortant des Etats-Unis ont atteint 100 milliards décus, soit davantage que lUnion européenne, qui sest néanmoins approchée de ce niveau, et que la zone euro, dont les flux sortants se sont élevés, cette année là, à 77 milliards décus. Les destinations privilégiées par les investisseurs de la zone euro sont également lAmérique du Nord (15 milliards décus en 1995, 20 milliards décus en 1996 et 1997) et les pays de lUnion européenne hors zone euro (environ 20 milliards décus par an). Les pays dAmérique du Sud semblent néanmoins de plus en plus attractifs (11 milliards décus en 1997).
Mis à part le cas des Etats-Unis en 1996, les investissements à destination de lextérieur ont donc été plus importants, sagissant des trois entités précitées, que les investissements reçus de lextérieur. Il en a été de même pour le Japon qui na bénéficié, au cours de la période observée, que de flux entrants marginaux.
A la fin de 1996, les pays de la zone euro détenaient des avoirs dinvestissements directs à létranger (hors zone euro) pour un montant de 435 milliards décus (543 milliards décus en ce qui concerne lUnion européenne, 620 milliards décus pour les Etats-Unis), leurs engagements vis-à-vis de pays extérieurs sélevant, à la même date, à 384 milliards décus (422 milliards décus pour lUnion européenne, 474 milliards décus pour les Etats-Unis). La zone euro est donc celle qui enregistre lécart le plus faible entre ses avoirs et ses engagements, mais elle est également exportatrice nette dinvestissements directs à létranger, du fait, notamment, de puissants courants dinvestissement vers lAmérique du Nord. A linverse, elle est importatrice nette vis-à-vis des pays de lUnion européenne hors zone euro.
La mise en place du marché unique, la libéralisation des mouvements de capitaux et, désormais, la monnaie unique, ont fortement favorisé cette internationalisation des économies européennes ainsi que le développement des investissements intra-zone. La France, dont lancrage européen est, à cet égard, particulièrement marqué, a profité de ce mouvement.
au 31 décembre 1997, le stock des investissements directs étrangers en France était de 845,1 milliards de francs, contre 753,8 milliards de francs un an plus tôt. Notre pays se situait ainsi, comme en 1996, au troisième rang des pays industrialisés, derrière les Etats-Unis (4.081,8 milliards de francs) et le Royaume-Uni (1.691,8 milliards de francs). En rapportant ces stocks dinvestissements directs étrangers aux PIB des différents pays, la France, avec un taux de 10,4%, occupe une position médiane, entre des économies structurellement très « investies », à limage des Pays-Bas (35,7%), lieu daccueil de nombreux sièges de holdings, et, dans une moindre mesure, du Royaume-Uni, du Canada et de lEspagne (environ 20%), et des pays plus faiblement pénétrés par les capitaux étrangers, tels que lItalie (7,5%), lAllemagne (4,4%) ou le Japon (0,7%). La part de lOCDE dans le total du stock des investissements étrangers en France est proche de 97%, les deux tiers provenant de pays de lUnion européenne. Limplantation étrangère en France sorganise autour de trois grands pôles dactivité qui reçoivent 45% des investissements directs étrangers : le secteur des holdings (18,2% du stock), du crédit (16,4%) et des industries chimiques (10,3%) ;
à la même date, la France détenait un stock dinvestissements directs à létranger de 1.135,8 milliards de francs, en hausse de 12,4% par rapport à 1996. Elle figurait toujours parmi les premiers investisseurs au monde, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, lAllemagne et les Pays-Bas. Ces investissements français à létranger sont également fortement concentrés sur lOCDE (83% de lencours total). Les Etats-Unis sont leur principal pays daccueil (24% du stock). Toutefois, ils sont nettement devancés, en stock et en flux, malgré un tassement régulier depuis trois ans, par lUnion européenne considérée dans son ensemble, qui constitue, de très loin, la première destination des exportations (67% en 1997, comme en 1998) et des investissements (49% de lencours et 46% des flux en 1998) français à létranger. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas concentrent près de 44% de lencours des investissements français dans lUnion européenne. Les industries manufacturières, les holdings et le secteur du commerce sont les principaux bénéficiaires de ces investissements.
Ces résultats font de la France un « pays carrefour » des investissements directs (à la fois pays daccueil et pays investisseur), comme la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, mais à la différence de lAllemagne et du Japon qui sont des pays investisseurs (). Cela étant, la France fait partie des pays qui, depuis 1985 (à lexception de 1995), sont constamment exportateurs nets de capitaux destinés à des investissements directs. Sur les dix dernières années, ses placements nets à létranger dus aux investissements directs sélèvent à plus de 500 milliards de francs.
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FLUX DINVESTISSEMENTS DIRECTS DE LA FRANCE AVEC LÉTRANGER DE 1989 À 1998
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(en milliards de francs)
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1989
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1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Flux dinvestissements directs français à létranger
|
- 132,1
|
- 197,3
|
- 141,8
|
- 161,0
|
- 111,8
|
- 135,3
|
- 78,6
|
- 155,6
|
- 207,7
|
- 239,4
|
Capital social
|
- 100,9
|
- 131,1
|
- 104,6
|
- 89,4
|
- 58,2
|
- 55,5
|
- 40,0
|
- 78,0
|
- 105,5
|
- 121,7
|
Bénéfices réinvestis
|
- 7,9
|
- 6,2
|
- 6,6
|
4,8
|
5,8
|
- 8,1
|
15,3
|
- 7,0
|
- 10,9
|
- 12,7
|
Autres opérations
|
- 23,3
|
- 60,0
|
- 30,6
|
- 76,4
|
- 59,4
|
- 71,7
|
- 53,9
|
- 70,6
|
- 91,3
|
- 104,9
|
Long terme
|
- 14,9
|
- 16,3
|
- 11,8
|
- 12,3
|
- 11,6
|
- 5,9
|
- 13,9
|
- 15,2
|
- 11,2
|
1,6
|
Court terme
|
- 8,4
|
- 43,7
|
- 18,8
|
- 64,1
|
- 47,8
|
- 65,8
|
- 40,0
|
- 55,4
|
- 80,1
|
- 106,5
|
Flux dinvestissements directs français en pourcentage du PIB
|
2,14
|
3,03
|
2,09
|
2,30
|
1,58
|
1,83
|
1,02
|
2,03
|
2,60
|
2,90
|
Flux dinvestissements directs étrangers en France
|
83,3
|
85,0
|
85,6
|
94,5
|
93,1
|
86,5
|
118,2
|
112,3
|
135,3
|
165,4
|
Capital social
|
53,5
|
38,0
|
55,4
|
75,4
|
65,1
|
51,0
|
59,1
|
51,1
|
75,9
|
91,3
|
Bénéfices réinvestis
|
18,6
|
14,1
|
1,0
|
- 21,7
|
- 25,1
|
- 4,6
|
- 3,6
|
- 5,4
|
3,1
|
3,1
|
Autres opérations
|
11,2
|
32,9
|
29,2
|
40,8
|
53,1
|
40,1
|
62,7
|
66,6
|
56,2
|
70,9
|
Long terme
|
7,4
|
11,2
|
7,1
|
8,9
|
3,7
|
7,1
|
11,2
|
2,7
|
8,2
|
4,3
|
Court terme
|
3,8
|
21,7
|
22,1
|
31,9
|
49,4
|
33,0
|
51,5
|
63,9
|
48,0
|
66,6
|
Flux dinvestissements directs étrangers en pourcentage du PIB
|
1,35
|
1,31
|
1,26
|
1,35
|
1,32
|
1,17
|
1,54
|
1,43
|
1,69
|
2,00
|
Solde net des investissements directs
|
- 48,8
|
- 112,3
|
- 56,2
|
- 66,5
|
- 18,7
|
- 48,8
|
39,6
|
- 43,3
|
- 72,4
|
- 74,0
|
Signe négatif : investissements nets des entreprises résidentes à létranger ou désinvestissements nets des non-résidents en France.
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Sans signe : investissements nets des entreprises non résidentes en France ou désinvestissements nets des résidents à létranger.
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Source : Banque de France.
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Comme latteste également ce tableau, les flux enregistrés en 1998 confirment les tendances observées les années précédentes () :
les investissements directs français à létranger ont réalisé leur meilleur résultat en valeur (239,4 milliards de francs) et le deuxième en pourcentage du PIB (2,9%). La reprise intervenue à partir de 1996, après un repli tendanciel entre 1991 et 1995, est donc confirmée ;
les investissements directs étrangers en France ont enregistré un nouveau record en 1998 (165,4 milliards de francs, soit 2% du PIB).
Le solde net des investissements directs sélève donc, en 1998, à 74 milliards de francs.
2. La compétitivité et lattractivité sont les conditions dune insertion réussie dans léconomie mondiale
La globalisation simpose largement à la France, et dans ces conditions, seule une stratégie dinsertion volontaire dans léconomie mondiale pouvait permettre à notre pays den profiter pleinement :
lexportation est un facteur de croissance incontournable et, comme on la vu, linvestissement direct est complémentaire, notamment dans le cas français, des échanges de biens et services ;
être une terre dexcellence pour laccueil des investissements étrangers constitue également un facteur favorable à lemploi : la délégation à laménagement du territoire et à laction régionale (DATAR) a ainsi recensé, en 1998, 445 nouveaux projets dinvestissements (362 en 1997), assurant la création ou le maintien de 29.411 emplois directs sur les trois prochaines années (contre 24.212 emplois en 1997).
Ce bilan conforte donc la politique douverture de notre pays, où, depuis février 1996, les investissements directs étrangers sont libres de toute procédure préalable (). Dans le même temps, ce choix impose au Gouvernement de favoriser, à léchelon international, notamment sur le terrain de la fiscalité, la recherche des coopérations nécessaires pour lélaboration et le respect de règles de bonne conduite entre les Etats.
La plasticité du concept de « compétitivité » ressort clairement de cette définition proposée par le Centre de recherches pour lexpansion de léconomie et le développement des entreprises : « La compétitivité est la capacité dune entreprise, dune région ou dune nation à conserver ou à améliorer sa position face à la concurrence des autres unités économiques comparables. De façon plus précise, la compétitivité dune nation est selon une définition classique son aptitude à produire des biens et des services qui satisfont au test de la concurrence sur les marchés internationaux, et à augmenter simultanément et de façon durable le niveau de vie de la population » ().
Bien que ce concept intègre, de toute évidence, des éléments difficilement quantifiables, il est néanmoins dusage, pour juger de la compétitivité dune région par rapport à une autre, de comparer les prix et les coûts pratiqués dans ces deux régions. Le Rapport sur les comptes de la Nation reprend cette méthodologie :
|
La compétitivité-prix à lexportation est égale au rapport dun indice de prix de référence étranger à lindice de prix dexportation français. Lindice de prix de référence étranger est une moyenne pondérée des indices de prix étrangers pour les produits manufacturés, convertis en francs, des huit principaux partenaires commerciaux de la France dans lOCDE ; la pondération et les indices de prix des huit partenaires tiennent compte de limportance de la concurrence exercée par les exportateurs étrangers sur les marchés tiers et par les producteurs nationaux sur leurs marchés domestiques en 1995. Les huit principaux partenaires considérés sont lAllemagne, le Royaume-Uni, lItalie, les Pays-Bas, la Belgique, lEspagne, les Etats-Unis et le Japon.
On calcule selon la même méthode un indicateur de compétitivité-coût qui compare les coûts salariaux unitaires de la France et de ses huit principaux partenaires. Une situation où la compétitivité-coût se détériore et la compétitivité-prix reste stable peut traduire un effort relatif de compression des marges.
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|
Les organismes internationaux ont recours à des indicateurs de compétitivité plus élaborés et, à cet égard, plusieurs approches sont possibles :
une première approche consiste à comparer le niveau courant du taux de change à celui qui égalise les niveaux de prix ou de coûts entre les deux régions considérées. Ce dernier est appelé « taux de parité de pouvoir dachat » (PPA), qui assure légalité des pouvoirs dachat dune unité monétaire dans chacune des régions. Il est ainsi possible de conclure quant à leur position compétitive respective. Une monnaie sous-évaluée ou surévaluée traduit un avantage ou un désavantage de compétitivité en niveau ;
une autre approche, plus souvent retenue car moins complexe, consiste à comparer lévolution des prix lorsquils sont convertis, au taux de change courant, dans une même unité monétaire.
Bien sûr, ces deux approches sont parfois conjuguées. La direction de la prévision sest récemment livrée à cet exercice dans une étude consacrée à la compétitivité relative des Etats-Unis, du Japon et de la zone euro (). Fondée, en conséquence, sur les parités des trois monnaies qui constituent le nouveau socle du système monétaire international (le dollar, le yen et leuro), cette étude justifiait, implicitement, mais avec prudence compte tenu de la multiplicité des périodes de référence et de la diversité des indices de prix ou de coûts, la dépréciation de leuro depuis sa naissance et tout au long du 1er semestre de 1999 : au vu des parités au 15 juin 1999 (1,04 dollar pour un euro et 120 yens pour un dollar), « les indicateurs traditionnels de compétitivité-prix et de compétitivité-coût attestent que les Etats-Unis ne souffriraient pas, avec le dollar à son niveau actuel, dune position compétitive défavorable ».
A lintérieur de lUnion européenne, la situation française, sur la période 1987-1998, sest « modérément améliorée » : à la veille de lunion monétaire, notre pays était, selon lOFCE, « proche du centre de gravité européen », à un niveau de compétitivité situé à mi-chemin entre le point bas qui était le sien en 1987 et le point haut atteint cinq ans plus tard. A compter de 1992, en effet, les gains induits par cinq années de désinflation compétitive ont été partiellement effacés par les crises successives du SME qui se sont prolongées jusquen 1995. Par la suite, en 1996-1997, la normalisation monétaire en Europe et la poursuite de la désinflation compétitive en France ont rendu à notre pays un léger avantage de compétitivité ().
En 1998, toutefois, selon la Banque de France, le franc sest apprécié (+1,8% en moyenne annuelle), du fait, notamment, de la chute des monnaies des pays asiatiques, et, dans une moindre mesure, de la dépréciation du yen (deuxième et troisième trimestres), de la baisse du dollar (dès le second trimestre) et de la livre sterling (quatrième trimestre), ainsi que la dépréciation du rouble (quatrième trimestre). Cela étant, vis-à-vis des principaux pays de lOCDE, le taux de change ne sest apprécié que de 0,5% en termes nominaux (dépréciation du yen), et a même perdu 0,3% en termes réels (inflation plus faible en France) :
à légard des pays du mécanisme de change européen, le taux de change effectif nominal du franc sinscrit en hausse modérée. En termes réels, il est demeuré stable. A lintérieur du système, la compétitivité de la France na guère varié par rapport à lAllemagne ou à lItalie, elle sest légèrement améliorée vis-à-vis du Danemark et des Pays-Bas, et dégradée à légard de lIrlande et de la Grèce ;
par rapport à lensemble de lUnion européenne, la France a enregistré des gains de compétitivité (+0,6%), grâce à la nette amélioration observée à légard du Royaume-Uni ;
vis-à-vis de lensemble de lOCDE, la compétitivité française sest maintenue au niveau atteint lannée précédente. Les gains enregistrés par rapport aux Etats-Unis et à la Suisse ont été effacés par une dégradation à légard des autres partenaires, notamment le Japon ().
Pour sa part, le rapport sur les comptes de la Nation considère que, dans ce contexte de change moins favorable, la compétitivité-coût de la France a cessé de progresser en 1998, voire a reculé, par rapport à ses huit principaux partenaires de lOCDE, notamment les Etats-Unis. Quant à la compétitivité-prix, sa dégradation remonterait au début de lannée 1997. « Cette évolution laisse penser que leffort de marge des entreprises françaises a été relativement moins soutenu que celui de leurs concurrentes étrangères en 1998 » ().
Toutefois, ce phénomène reste mesuré. Le degré de compétitivité des entreprises françaises doit sans doute être amélioré, mais, dans lensemble, il semble se maintenir à un niveau médian. Il est possible quaprès une année 1997 de reconstitution des marges, la vigueur de la demande interne, en 1998, nait pas incité les entreprises françaises à consentir des efforts de marge importants. Mais le Gouvernement est résolu, comme il la fait lannée dernière avec les dispositions fiscales favorables à linnovation et la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle, à soutenir la compétitivité des entreprises françaises. En outre, comme on la vu, lévolution de leuro par rapport au dollar et au yen au cours du premier semestre de 1999 confère aux entreprises des Etats qui participent à lUnion monétaire des gains de compétitivité face à leurs principaux compétiteurs. Toutefois, il conviendra dêtre vigilant, dautant que la France nest pas plus à labri aujourdhui quhier de stratégies de dévaluations compétitives hors de la zone euro. Et à lintérieur de celle-ci, malgré le gel, au 1er janvier 1999, des parités nominales entre les monnaies des Etats concernés, les parités réelles (cest-à-dire les niveaux comparés des prix) pourront continuer à manifester des différences, et ces différences évoluer sous leffet des inflations respectives. Lobservation de ces phénomènes sera importante : ils influeront sur le degré de compétitivité des entreprises françaises et, plus largement, sur la dynamique de lUnion européenne.
b) Lattractivité du territoire français :
des avantages structurels incontestables
Trop souvent, le degré dattractivité dun territoire a été réduit au coût de la main-duvre locale et au niveau des prélèvements obligatoires dans le pays considéré. Ces critères ne doivent pas être négligés : le phénomène de la délocalisation à destination de pays à bas coûts salariaux recouvre une réalité dans certains secteurs, le textile-habillement notamment. Mais lobservation empirique des flux dinvestissement permet déjà de relativiser leur importance : comme on la vu, les pays industrialisés sont le lieu de destination ou dorigine de lessentiel des investissements français à létranger et étrangers en France. A contrario, les pays à bas salaires accueillent une part très faible des investissements français à létranger. De toute évidence, la réalité est donc plus complexe.
A cet égard, lexemple de Toyota bat en brèche bien des idées reçues. Limportance de ses investissements directs en Europe au cours des dernières années illustre la nécessité de produire près des marchés, pour vendre des biens adaptés aux attentes des consommateurs. Et, en 1997, lors du choix de Valenciennes comme lieu dimplantation pour sa deuxième usine européenne de production dautomobiles (investissement de 4 milliards de francs, 2.000 emplois directs), ses dirigeants ont avancé des explications significatives pour justifier leur décision : la situation géographique de Valenciennes (proximité avec les autres unités européennes du groupe, facilités daccès, position stratégique sur les principaux marchés européens) (), la qualité des infrastructures existantes (autoroutes, voies ferrées et fluviales, etc.), la disponibilité déquipementiers automobiles et de sociétés de service, la présence dune main-duvre abondante et qualifiée dans une région dotée dun fort héritage industriel, notamment. De même, en choisissant dimplanter sur le parc international scientifique de Sophia-Antipolis, dans la région Provence-Alpes-Côte-dAzur, son nouveau centre de design, dont la première pierre a été posée le 8 mars dernier (investissement de lordre de 90 millions de francs), Toyota a mis en avant lexistence dun excellent tissu de recherche et développement, dune desserte aérienne internationale, la proximité de Turin et du pôle des designers italiens de lautomobile, ainsi que la créativité de la région et la qualité de son environnement.
Au-delà, les dirigeants dentreprises avancent, le plus souvent, à lappui de leurs décisions dinvestissement, la taille du marché (qui, dans le cas de la France, peut être considérée à léchelle de lUnion européenne), la stabilité et la performance de lenvironnement politique, le cadre législatif et réglementaire, la croissance interne et ses perspectives.
Dès lors, il apparaît que la France possède de nombreux atouts structurels, que les deux événements suivants devraient dailleurs conforter :
selon les indications fournies par la DATAR, la répartition sectorielle des investissements étrangers en France en 1998 révèle que, pour la première fois, le secteur des nouvelles technologies de linformation et de la communication figure en première position, devant lautomobile. Le secteur qui connaît la plus forte croissance est celui du conseil et des services (logistique, centres dappel, centres de services en temps partagé, etc.). De façon générale, les firmes étrangères en France se portent de plus en plus sur les activités où les enjeux sont intensément technologiques (électronique, informatique, télécommunications) et à haute valeur ajoutée, secteurs qui sont considérés comme les gisements demplois de demain ;
la mise en place de leuro crée, par ailleurs, un climat favorable aux investissements en provenance des autres régions du monde, surtout dans un contexte de défiance financière à légard des marchés émergents.
Au total, il nest pas étonnant que, selon lenquête semestrielle réalisée par le centre de recherche et de statistiques américain A.T. Kearney (FDI Confidence Index) auprès des dirigeants des 1000 plus importantes entreprises mondiales, la France ait gagné neuf places, entre juin et décembre 1998, au classement des pays attractifs, atteignant ainsi le dixième rang mondial. Et notre pays parvient à conserver cette confiance puisquil se situait toujours à ce rang dans lindice de juin 1999 : il se place en très bonne position pour la plupart des critères de référence retenus par les investisseurs internationaux : taille du marché (du fait de laccès au marché européen), stabilité et performance de lenvironnement politique et du cadre législatif et réglementaire, perspectives de croissance, qualité des infrastructures, du potentiel technologique et de la main duvre, etc.
|
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|
INDICES DATTRACTIVITÉ
|
JUIN 1998
|
DÉCEMBRE 1998
|
JUIN 1999
|
Rang
|
Pays
|
Rang
|
Pays
|
Rang
|
Pays
|
1
|
Etats-Unis
|
1
|
Etats-Unis
|
1
|
Etats-Unis
|
2
|
Brésil
|
2
|
Brésil
|
2
|
Chine
|
3
|
Chine
|
3
|
Chine
|
3
|
Royaume-Uni
|
4
|
Royaume-Uni
|
4
|
Royaume-Uni
|
4
|
Brésil
|
5
|
Inde
|
5
|
Allemagne
|
5
|
Mexique
|
6
|
Mexique
|
6
|
Pologne
|
6
|
Inde
|
7
|
Pologne
|
7
|
Inde
|
7
|
Australie
|
8
|
Argentine
|
8
|
Mexique
|
8
|
Pologne
|
9
|
Australie
|
9
|
Espagne
|
9
|
Allemagne
|
10
|
Allemagne
|
10
|
France
|
10
|
France
|
11
|
Espagne
|
11
|
Italie
|
11
|
Italie
|
12
|
Italie
|
12
|
Argentine
|
12
|
Canada
|
13
|
Russie
|
13
|
Pays-Bas
|
13
|
Espagne
|
14
|
Hongrie
|
14
|
Australie
|
14
|
Argentine
|
15
|
Thaïlande
|
15
|
Thaïlande
|
15
|
Thaïlande
|
16
|
République tchèque
|
16
|
Corée du Sud
|
16
|
République tchèque
|
17
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Canada
|
17
|
Canada
|
17
|
Corée du Sud
|
18
|
Indonésie
|
18
|
République tchèque
|
18
|
Hongrie
|
19
|
France
|
19
|
Japon
|
19
|
Pays-Bas
|
20
|
Chili
|
20
|
Hongrie
|
20
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Singapour
|
21
|
Corée du Sud
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21
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Irlande
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21
|
Japon
|
22
|
Malaisie
|
22
|
Singapour
|
22
|
Malaisie
|
23
|
Japon
|
23
|
Chili
|
23
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Taiwan
|
24
|
Singapour
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24
|
Belgique
|
24
|
Philippines
|
25
|
Philippines
|
25
|
Taiwan
|
25
|
Hong Kong
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Source : A.T. Kearney.
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Cette position doit être préservée. Les avantages structurels de la France devraient le permettre, qui compensent le niveau encore relativement élevé des coûts et des charges : la dramatisation du discours sur les délocalisations, trop centré sur le coût de la main-duvre, est trompeuse. Celui-ci est loin dêtre le seul critère pour une décision dinvestissement direct à létranger et, au demeurant, notre pays ne se distingue pas, de manière générale, des autres économies industrialisées, par des coûts salariaux plus élevés : le problème nest réel que pour les bas salaires et, à cet égard, les propositions du Gouvernement concernant la réforme des cotisations sociales patronales vont dans le bon sens.
Le rôle de la fiscalité ne doit pas davantage être négligé, mais simplement relativisé. La disparité des systèmes fiscaux nationaux, y compris à lintérieur de lUnion européenne, rend les comparaisons malaisées : au-delà des taux dimposition qui sont aisément identifiables, il convient de tenir compte de lensemble des règles fiscales en vigueur (base imposable notamment), des multiples régimes particuliers ou dérogatoires et de la fiabilité inégale des données (). Ainsi, sagissant de limposition sur les bénéfices, la France est, avec lItalie, un des pays dEurope où le taux apparent (40% en 1999) est le plus élevé. Mais la détermination du résultat net imposable est très différente selon les pays : les règles applicables aux provisions ne sont pas les mêmes (non-déductibilité des provisions pour risques et litiges au Danemark, en Espagne, en Grèce et en Allemagne, des provisions pour dépréciation de stock en Grèce et au Portugal ou de titres en Belgique et aux Pays-Bas, possibilités très diverses sagissant des provisions pour les retraites, etc.), ainsi que les règles damortissement ou le traitement des plus-values de cession. Chaque entreprise, ou chaque investissement, tend à devenir un cas particulier. En outre, comme votre Rapporteur général la déjà souligné, une comparaison du niveau des prélèvements obligatoires sans prise en compte des services rendus en contrepartie na guère de sens : ces prélèvements assurent le financement dinfrastructures et de services collectifs qui sont nécessaires à la croissance et qui constituent, dailleurs, des critères importants pour les investisseurs internationaux. Or, leur qualité est certainement sensiblement supérieure en France par rapport à bien dautres pays. Les investisseurs prennent en compte lensemble de ces facteurs, leurs décisions résultent dun large faisceau de critères, et lintensification, ainsi que la provenance ou la destination des investissements directs étrangers en France et français à létranger, témoignent, encore une fois, quen termes dattractivité, notre pays occupe une place éminente.
Pour autant, il est incontestable que la globalisation impose aux Etats duvrer, en particulier au niveau de lOCDE, dans le sens dun démantèlement des paradis fiscaux et des régimes préférentiels destinés à attirer les investissements étrangers : la concurrence fiscale appauvrit les Etats, affaiblit leur capacité à mettre en uvre des politiques de redistribution, favorise les investissements les plus mobiles (ceux des multinationales, au détriment des PME), et conduit à une taxation relativement plus forte des facteurs de production les plus statiques (le travail par rapport au capital).
Ce risque est renforcé, à lintérieur de la zone euro, par lachèvement de lunion monétaire : faute de pouvoir dévaluer leur monnaie, certains gouvernements pourraient être tentés de recourir à l« arme fiscale » pour améliorer leur avantage compétitif. A cet égard, on constate que la Commission européenne, sous la pression de certains Etats et notamment de la France, adopte sur ce sujet une position plus pragmatique que par le passé : laccent est mis, davantage, sur le caractère dommageable dune concurrence fiscale non maîtrisée. En témoignent les discussions en cours, qui se sont poursuivies à loccasion du Conseil des ministres des finances de Turku le 11 septembre dernier, à propos de ladoption dun code de conduite sur la fiscalité des entreprises ou de la proposition de directive concernant linstauration dune retenue à la source pour les revenus de lépargne. Le Gouvernement devra également sinspirer des réflexions parlementaires menées sur ce sujet : on pensera, en particulier, aux réflexions présentées par notre collègue M. Jean-Pierre Brard, dans son rapport dinformation (n° 1802) sur la fraude et lévasion fiscales examiné par la Commission des finances le 8 septembre dernier.
C.- UNE DYNAMIQUE DE LINVESTISSEMENT ET DE LINNOVATION ENCORE TROP HÉSITANTE
La croissance globalement soutenue depuis le deuxième semestre de 1997 sexplique principalement par le dynamisme de la demande interne, la consommation des ménages étant notamment stimulée par la politique sociale du Gouvernement et les bons résultats en matière demploi, alors que linvestissement des entreprises reste élevé. Pour autant, le moindre dynamisme des exportations dans une économie globalisée rappelle que la pérennité de la croissance dépend également de la vitalité de loffre.
1.- Linvestissement des entreprises : ombres et lumières
La mise en place du nouveau système de comptabilité nationale en base 1995 avec une nouvelle séquence des comptes des secteurs et la révision des agrégats bouleverse les comptes nationaux : le volume des indicateurs économiques annexé au projet de loi de finances dans le rapport sur les comptes de la Nation a été réduit, du projet de loi de finances pour 1999 au projet de loi de finances pour 2000, de 413 pages à 104 pages.
Dans lattente des compléments annoncés par ce document, votre Rapporteur général a souhaité présenter, dans le tableau ci-dessous, lévolution dune année sur lautre de la formation brute de capital fixe (FBCF) des sociétés non financières et des entreprises individuelles (SNF-EI), en francs courants.
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ÉVOLUTION DE LA FORMATION BRUTE DE CAPITAL
FIXE/ANNÉE PRÉCÉDENTE
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(en %)
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1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Sociétés non financières
|
- 8,43 %
|
1,65 %
|
1,99 %
|
1,13 %
|
0,62 %
|
6,83 %
|
Entreprises individuelles
|
- 5,19 %
|
12,82 %
|
1,98 %
|
- 11,47 %
|
4,32 %
|
6,84 %
|
Total SNF + EI
|
- 8,13 %
|
2,71 %
|
1,99 %
|
- 0,18 %
|
0,96 %
|
6,83 %
|
Source : Comptes nationaux.
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La publication des principaux indicateurs trimestriels par lINSEE, en francs constants, permet de mettre en évidence, mieux que le tableau précédent, le retournement de conjoncture du deuxième trimestre de 1997, pour ce qui concerne linvestissement.
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BIENS ET SERVICES : ÉQUILIBRE RESSOURCES EMPLOIS AUX PRIX DE 1995
Variations t/t-1 (en %), données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables
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1997
|
1998
|
1999
|
Acquis (a)
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T1
|
T2
|
T3
|
T4
|
T1
|
T2
|
T3
|
T4
|
T1
|
T2
|
1997
|
1998
|
1999
|
PIB
FBCF totale
dont SNF-EI
Demande intérieure totale
|
0,4
- 1,5
- 1,2
- 2,1
- 2,7
0,0
|
0,6
1,6
2,2
1,3
- 0,6
0,2
|
0,8
0,9
1,2
0,5
- 0,4
0,9
|
1,1
1,6
1,9
1,0
1,5
1,1
|
0,9
1,4
1,9
- 0,2
1,8
1,4
|
0,8
1,9
2,1
2,0
0,8
0,9
|
0,5
1,6
1,8
0,5
2,1
0,3
|
0,6
1,1
0,8
2,0
0,7
1,2
|
0,4
2,2
2,3
2,9
0,6
0,4
|
0,6
1,0
0,7
2,0
0,2
0,5
|
2,0
0,5
1,3
0,6
- 5,0
0,9
|
3,4
6,1
7,3
3,4
4,5
3,8
|
1,7
5,2
4,9
6,8
2,6
2,0
|
(a) Lacquis est le taux de croissance annuel qui serait observé si la variable concernée restait au niveau atteint au dernier trimestre connu. Il ne sagit pas dune prévision mais dune indication de limpact des évolutions passées.
Source : INSEE, Informations rapides, n° 250, septembre 1999.
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Les dernières statistiques, en date du 7 septembre 1999, confirment que la croissance de linvestissement a été particulièrement soutenue depuis le deuxième trimestre de 1997. La croissance de la FBCF des seules SNF-EI a été en 1998 de 6,83% en francs courants et de 7,3% en francs constants et données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables. La baisse de 0,8% au deuxième trimestre 1999, prévue par lINSEE en juin, na pas été confirmée, puisque la croissance constatée aurait atteint 0,7%. Lacquis de croissance est, pour la FBCF des SNF-EI, de 4,9%, à comparer avec une prévision de 4,2% en juin 1999.
Le dynamisme de linvestissement est inégal selon les secteurs () : il est particulièrement élevé dans les services marchands et lindustrie, mais plus faible dans les transports et télécommunications et le commerce. Les PME-PMI auraient particulièrement intensifié leur effort déquipement en 1998, notamment dans le domaine informatique.
La Banque de France () confirme cette analyse et estime quen 1999, linvestissement serait favorablement orienté dans tous les secteurs ; après la forte hausse observée en 1998, il ne progresserait que modérément dans les biens intermédiaires et se replierait légèrement dans les entreprises de 100 à 500 salariés.
Plusieurs facteurs laissent à espérer quun retournement de conjoncture, en matière dinvestissement, nest probablement pas à craindre.
En premier lieu, les principaux ratios des sociétés non financières et entreprises industrielles, dans le nouveau système de comptabilité nationale, mettent en évidence la bonne santé financière persistante des entreprises.
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PRINCIPAUX RATIOS DES COMPTES DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES INDIVIDUELLES
(en %)
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1992
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1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Sociétés non financières et entrepreneurs individuels
Rémunération des salariés/valeur ajoutée
Impôts sur la production/valeur ajoutée
Taux de marge (a)
Taux dinvestissement (b)
Sociétés non financières
Rémunération des salariés/valeur ajoutée
Impôts sur la production/valeur ajoutée
Taux de marge (c)
Taux dinvestissement (b)
Taux dépargne (d)
Taux dautofinancement (e)
Entrepreneurs individuels
Rémunération des salariés/valeur ajoutée
Impôts sur la production/valeur ajoutée
Taux de marge (f)
Taux dinvestissement (b)
|
57,13,9
40,1
18,3
64,8
4,2
32,2
20,4
18,3
90,0
22,3
2,5
75,9
9,3
|
57,2
4,2
39,9
17,0
64,7
4,5
32,1
18,6
17,6
94,8
21,8
2,5
76,5
9,2
|
56,6
4,3
40,4
17,0
64,1
4,6
32,5
18,5
18,0
97,5
20,7
2,4
77,8
10,2
|
56,2
4,3
40,5
16,8
63,6
4,8
32,7
18,2
16,9
93,0
20,4
2,3
78,1
10,3
|
56,8
4,6
39,9
16,6
64,4
5,1
31,9
18,2
17,0
93,3
19,3
2,4
79,3
9,1
|
56,3
4,6
40,2
16,2
63,7
5,1
32,3
17,6
17,3
98,1
19,2
2,3
79,4
9,3
|
56,1
4,6
40,2
16,6
63,5
5,1
32,4
18,0
16,9
93,7
19,0
2,3
79,5
9,6
|
(a) Excédent brut dexploitation et revenu mixte des entrepreneurs individuels/Valeur ajoutée brute.
(b) Formation brute de capital fixe/Valeur ajoutée brute.
(c) Excédent brut dexploitation et revenu mixte/Valeur ajoutée brute.
(d) Epargne brute/ Valeur ajoutée brute.
(e) Epargne brute/Formation brute de capital fixe.
(f) Revenu mixte/ Valeur ajoutée brute.
Source : INSEE, Comptes nationaux.
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Pour la première fois depuis 1990, le taux dinvestissement des SNF-EI, descendu à un niveau très bas, sest redressé en 1998. Le taux de marge progresse et le fléchissement du taux dautofinancement sexplique, non pas par la faiblesse de lépargne, mais par la reprise de linvestissement.
En deuxième lieu, les variations de stocks contribuent négativement à la croissance depuis cinq trimestres : lINSEE observe dans sa Note de conjoncture de juin 1999 quà la suite du ralentissement de lactivité industrielle observé depuis lété 1998, le mouvement de déstockage de produits manufacturés amorcé à lautomne de 1998 sest poursuivi au début de 1999. Elle annonce que le redressement de lactivité en 1999 devrait conduire les entreprises françaises à adopter un comportement de stockage plus porteur.
En troisième lieu, le taux dutilisation des capacités de production, dans lensemble de lindustrie, qui avait relativement fléchi depuis avril 1998, revenant de 84,3% à 83,8% en avril 1999, sest redressé en juillet 1999 à 84,1%.
Enfin, alors que la construction de logements (sauf dans le secteur social) et lactivité du bâtiment en général sont élevées, la production augmentant de 2% et lexcédent brut dexploitation de 23% en 1998, linvestissement a régressé de 5% cette même année dans le secteur du bâtiment et du génie civil. On peut sinterroger sur la poursuite de cette tendance, alors que le Gouvernement et sa majorité ont pris des mesures puissantes pour stimuler aussi bien la construction de logements sociaux (réforme du prêt locatif aidé, réaménagement de la dette des organismes, baisse des taux des prêts) que les travaux dans le secteur privé (application du taux réduit de TVA aux travaux dentretien).
Cependant, même si des éléments significatifs laissent à penser que la croissance de linvestissement devrait se poursuivre et ne pourrait être affectée que par un retournement global de conjoncture, votre Rapporteur général, tout en se réjouissant de ce dynamisme, reste prudent pour lavenir. Le rapport sur les comptes de la Nation annexé au présent projet de loi de finances, cherchant à expliquer, à laide de modèles mathématiques, pourquoi les prévisions ont surestimé systématiquement linvestissement entre 1993 et 1997, ne peut que conclure que la faiblesse de linvestissement pendant cette période « reste en partie inexpliquée ».
La croissance de linvestissement ne semble donc pas devoir faiblir en 2000 (), alors que se pose toujours la question de son orientation : la croissance interne de lentreprise dans les secteurs concurrentiels dépend dans une importante mesure de sa politique de recherche-développement et de sa capacité à innover, alors que le mouvement de croissance externe, et particulièrement celui des fusions-acquisitions, na jamais été aussi puissant à léchelle mondiale.
2.- Le renforcement de la politique favorable à linnovation
La clé de la survie et du développement des entreprises est aujourdhui bien identifiée, il sagit de la capacité à innover dans les produits ou dans les procédés.
Selon lINSEE, la valeur ajoutée des petites entreprises industrielles et de l'artisanat de production (PEIA) innovantes, a crû de 8,5% en 1996 et 1997, contre 3,4% pour les non innovantes.
Cette capacité à innover découle directement dun mécanisme de mieux en mieux perçu, qui est le transfert de technologie, véritable moteur de linnovation.
Le lien entre innovation et croissance est bien mis en relief dans le rapport établi par MM. Robert Boyer et Michel Didier dans le cadre des travaux du Conseil d'analyse économique ().
Le processus interactif dinnovation suppose un ensemble dinitiatives pour quune invention ou une innovation technologique passe du stade de la recherche (le laboratoire), au stade industriel (lentreprise). Si la recherche constitue bien une base essentielle de la croissance économique, lappropriation par les agents économiques des résultats de cette recherche en est le pendant indispensable.
Or la France, comme lEurope, a pris du retard dans les investissements publics et privés en matière de recherche et surtout diffuse moins quailleurs ses connaissances et ses découvertes au tissu économique. On pourra se reporter, en ce qui concerne lEurope, au rapport dinformation présenté à la Délégation de lAssemblée nationale pour lUnion européenne par notre collègue Mme Michèle Rivasi (), à propos du Vème programme-cadre de recherche et de développement de la Communauté européenne (PCRD).
Ce nest pas tant le niveau des dépenses de la recherche française qui est préoccupant que la répartition des moyens entre la recherche scientifique et la stimulation de l'innovation.
Les crédits affectés à la valorisation de la recherche (LAgence nationale de valorisation de la recherche et les centres techniques industriels) sont actuellement de l'ordre de 4 à 5 milliards de francs alors que lensemble des crédits publics de recherche est de lordre de 80 milliards de francs (dont 26 milliards de francs au titre de leffort militaire).
Le transfert de technologie requiert lexistence dinterfaces, réels ou virtuels, entre les organismes de recherche ou les universités et lindustrie, mais aussi des formes de financement adaptées aux besoins des entreprises innovantes ou à leur création (capital-risque, capital-développement).
Lincitation fiscale à la recherche et à linnovation, par lélargissement du crédit dimpôt-recherche et la mise en uvre dun crédit dimpôt-innovation performant, mérite également dêtre envisagée.
Cette démarche nécessite une transformation du rôle de lEtat et de laction publique, vers moins de dirigisme, plus de coordination et de décentralisation. Les résultats contrastés des technopoles (Sophia Antipolis par exemple) qui se sont multipliées sur le territoire, montrent quà limplantation dun centre de recherche ou dun centre universitaire, même avec un potentiel critique, il est indispensable dassocier une véritable dynamique de collaboration recherche-entreprise.
Le rapport « Innovation et croissance » précité, relève la faiblesse du rôle des sources publiques (laboratoires et universités) dans les processus dinnovation des entreprises. La recherche interne et la stimulation du marché en constituent les sources principales. Il faut également préciser que 60% de la dépense consacrée par les entreprises françaises à la recherche est réalisée dans moins de 200 grandes entreprises, la part des PME industrielles dans cette dépense représentant moins de 20%.
La loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur linnovation et la recherche, modifiant la loi du 15 juillet 1982 dorientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique, entend accompagner cette mutation de la recherche publique, afin quelle contribue davantage à la création de richesses.
Le processus d'innovation a vocation à se diffuser dans lensemble de léconomie. Toutefois c'est dans les domaines des technologies de linformation et de la communication ainsi que des biotechnologies (les technologies-clés), que leffort en matière de recherche et de diffusion des résultats doit principalement porter.
Dans la présentation du projet de loi à lAssemblée nationale, le ministre de léducation nationale, de la recherche et de la technologie, a dailleurs rappelé lexemple des Etats-Unis où ces nouvelles technologies constituent un facteur explicatif très important de la croissance soutenue et durable.
La loi a ainsi prévu plusieurs dispositifs pour impulser la recherche et la mise en uvre des implications industrielles.
Elle ouvre dabord la possibilité aux chercheurs de quitter, pour une durée de six ans, le service public, afin de participer à la création dune entreprise qui valorise leurs travaux. Ils pourront également apporter leur concours scientifique à une entreprise sans quitter le service public.
Dautre part, les universités et les organismes de recherche vont pouvoir créer des services dactivités industrielles et commerciales, afin de gérer avec les entreprises des contrats de recherche dans un cadre juridique et budgétaire plus souple. Ils pourront également constituer des « incubateurs » afin de faciliter laccès des entreprises innovantes aux résultats de leurs travaux. Une somme de 200 millions de francs a d'ores et déjà été débloquée pour financer une vingtaine de projets de ce type.
Afin dassouplir les règles de leurs statuts, la loi ouvre aux entreprises innovantes laccès au régime des sociétés par actions simplifiées (SAS), jusqualors réservé aux filiales de grandes sociétés.
Enfin, le cadre fiscal favorable aux entreprises innovantes introduit par la loi de finances pour 1998 a été renforcé. Les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE), soumis à un traitement fiscal et social favorable (article 163 bis G II du CGI) pourront être accordés dans les entreprises dont le capital social est détenu à hauteur de 25 %, et non plus 75%, par des personnes physiques.
Nul doute que cet effort devra être prolongé.
La réflexion dont lengagement a été annoncé par le ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, sur lépargne salariale, fournira un cadre adéquat.
D.- LE TISSU PRODUCTIF : DES ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES DONT LES EFFETS CONTRASTÉS APPELLENT À LA VIGILANCE
La dynamique de la recherche-développement et de linnovation reste globalement insuffisante pour assurer la croissance interne des entreprises par la création de valeur. Leurs dirigeants peuvent également sorienter vers la croissance externe des entreprises : cette tendance se traduit à léchelle mondiale par la vogue des fusions-acquisitions ou M &A (Mergers and acquisitions).
Pour la France, lété 1999 restera dans les mémoires de la communauté financière comme celui des offres publiques déchange concurrentes de la BNP et de la Société générale dans le secteur bancaire, dElf-Aquitaine et de TotalFina dans celui des pétroles et du projet de fusion de Carrefour et de Promodès dans la distribution.
Cependant, la question de lintérêt financier, économique et social des fusions-acquisitions est controversée. Toutes ne se traduisent pas par la création de valeur, ce qui a une incidence sur la valorisation boursière des sociétés concernées, alors que, dune façon générale, les nuisances sociales quelles entraînent sont mésestimées. La restructuration du tissu productif français en accompagnement de la mondialisation de léconomie doit donc être menée avec discernement.
1.- Un nombre croissant de fusions-acquisitions
Le mouvement des fusions-acquisitions saccélère sans nul doute, aussi bien dans le monde quen Europe, même si lappréhension statistique de ces restructurations semble encore balbutiante. Au plan mondial, ces opérations ont augmenté de 50% en 1998 par rapport à lannée précédente pour atteindre un montant de 2.450 milliards de dollars. Aux Etats-Unis, le montant total des transactions a représenté, au premier semestre 1999, 570 milliards de dollars, à comparer aux 528 milliards de dollars du premier semestre 1998. Sur la même période du premier semestre 1999, les fusions-acquisitions en Europe ont représenté 346 milliards de dollars ().
LEurope se situe donc très en-deçà des Etats-Unis, qui ont enregistré environ 1.500 milliards de dollars de fusions-acquisitions en 1998 (20% du PIB), contre 900 milliards de dollars en 1997. Ces opérations auraient représenté en Europe occidentale environ 700 milliards de dollars en 1998 (8% du PIB).
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1980
Pan Am (E-U) National Airlines
1984
Chevron (E-U) - Gulf (E-U)
1988
Philip Morris (E-U) Kraft (Suisse)
1989
KKR (E-U) RJR Nabisco (E-U)
Warner (E-U) Time (E-U)
Pechiney (Fra) American Can (E-U)
Michelin (Fra) Uniroyal Goodrich (E-U)
1990
Saint-Gobain (Fra) Norton (E-U)
1991
Schneider (Fra) Square D (E-U)
1992
Hongkong & Shangai Banking (H-K) Midland-Bank (R-U)
Nestlé (Suisse) Perrier (Fra)
1993
Reed International (R-U) Elsevier (P-B)
1994
BMW (All) Rover (R-U)
1995
Walt Disney (E-U) Capital Cities ABC (E-U)
1996
Axa (Fra) UAP (Fra)
Boeing (E-U) Mc Donnel (E-U)
1997
Sandoz (Suisse) Ciba-Geigy (Suisse)
WorldCom (E-U) MCI (E-U)
Guinness (R-U) Grandmet (R-U)
1998
Citicorps (E-U) Travelers (E-U)
Daimier-benz (All) Chrysler (E-U)
|
0,374
13,3
13,1
24,7
14
3,7
1,9
1,9
2,2
5
2,7
9,3
0,478
19
9,8
13,3
36,3
37
14
70
92
|
En France, une première vague de fusions-acquisitions était intervenue au cours des années 1966-1972, encadrée par lEtat, et intéressant notamment les chantiers navals et la sidérurgie. Lerreur stratégique que ces concentrations ont représentée a entraîné un coût supporté par la collectivité au cours des décennies suivantes.
Une deuxième vague importante est survenue dans la période 1980-1992. Elle a été caractérisée par le recentrage de nombreuses sociétés sur leur métier de base et par le développement des opérations transfrontalières ainsi que par lintroduction en France de méthodes de prédation boursière sur des sociétés anciennes au capital dispersé.
Nous sommes donc dans le cadre dune troisième vague déjà engagée avec, par exemple, les fusions Axa-UAP, Suez-Lyonnaise ou Lyonnaise-Dumez, qui ont précédé les opérations de lété 1999.
Le marché des seules fusions-acquisitions transfrontalières, qui vient de faire lobjet dune étude du cabinet KPMG Corporate Finance, est, lui aussi, en forte expansion (). Alors que la baisse du nombre de transactions est constante, si lon compare les résultats de chaque premier semestre depuis 1996 (3.114 fusions-acquisitions transfrontalières au premier semestre 1996 et 2.415 au premier semestre 1999), la valeur de ces opérations augmente très fortement (119 milliards de dollars au premier semestre 1996, 243 milliards de dollars au premier semestre 1998 et 411 milliards de dollars au premier semestre 1999). La valeur moyenne des fusions-acquisitions transfrontalières est donc de plus en plus élevée. Les Etats-Unis sont, au premier semestre 1999, le principal pays vendeur (183 milliards de dollars) et seulement le deuxième acheteur (75 milliards de dollars) après le Royaume-Uni (151 milliards de dollars). Les acquisitions et prises de participation des entreprises françaises à létranger augmentent fortement depuis 1996 (35 milliards de dollars au premier semestre 1999) et sont très supérieures aux acquisitions et prises de participations étrangères en France (9 milliards de dollars au premier semestre de 1999).
Enfin, encore moins perceptible au plan statistique que les opérations des grands groupes, le marché des fusions-acquisitions intéresse également les PME. Certaines entreprises innovantes en plein essor sont rachetées par des groupes importants dans le cadre de leur politique de recherche et dinnovation. Pour dautres PME, le positionnement et les perspectives de croissance conduisent également à des fusions-acquisitions.
2.- Les motivations diverses des fusions-acquisitions
La croissance externe de lentreprise a pour but, en principe, non pas daugmenter optiquement sa valeur par un coup de bourse, mais de créer réellement de la valeur en améliorant son fonctionnement, soit au stade de la production (économies déchelle, coûts salariaux, recherche-développement), soit au plan de la commercialisation (économies de gamme, de marketing, pouvoir de marché).
La réalisation déconomies déchelle est recherchée, notamment dans les industries traditionnelles comme la sidérurgie ou dans le cadre dopérations de restructuration. Sagissant des fusions les plus récentes, opérées au premier semestre 1999, Exxon et Mobil attendaient de leur rapprochement une réduction des coûts de près de 4 milliards de dollars par an, Deutsche Bank et Bankers Trust 1,6 milliards de dollars et Zeneca et Astra 1 milliard de dollars en trois ans.
Dans les secteurs où les frais de recherche et de marketing sont élevés, les fusions-acquisitions permettent datteindre la taille indispensable à la rentabilisation dinvestissements lourds. Cest le cas, en particulier, dans la pharmacie, où la recherche de nouvelles molécules est extrêmement onéreuse pour un résultat des plus aléatoires. La commercialisation des nouveaux médicaments, dabord aux Etats-Unis (36% du marché mondial) et en Europe (29% du même marché) suppose, à défaut dune fusion, la création dun partenariat entre groupes, afin de conforter les structures de marketing.
Des économies de gamme, des synergies, par exemple en cas de fusion dun fournisseur avec un client, des préoccupations de diversification des risques peuvent, de même, motiver une fusion-acquisition.
Il est également patent que la constitution de groupes extrêmement importants sexplique par la volonté de peser sur la concurrence, grâce à un pouvoir de marché accru. La fusion dExxon et Mobil a abouti à la constitution de la plus grande entreprise du monde (186 milliards de dollars de chiffre daffaires en 1997), celle de BP et Amoco, en août 1998, à la 11ème entreprise du monde. A une moindre échelle, la fusion annoncée Carrefour-Promodès ne pourrait manquer de transformer les relations du nouveau groupe aussi bien avec ses fournisseurs qu'avec ses clients, dans certaines zones de chalandise.
Enfin, le développement des fusions-acquisitions sexplique par une transformation des relations entre les dirigeants et les actionnaires des entreprises. Le capitalisme traditionnel, « à la française », reposait, dans une grande mesure, sur un héritage historique souvent familial à faire fructifier par des dirigeants dautant plus favorisés dans leurs relations avec lEtat quils étaient fréquemment issus de la fonction publique. La mondialisation des financements, lintervention dactionnaires étrangers, par exemple des fonds de pension anglo-saxons ou japonais, a modifié la donne. En septembre 1998, la chute vertigineuse des cours dAlcatel, à la suite de lannonce de résultats jugés décevants par les fonds de pension étrangers, illustre lirruption dun actionnariat qui impose des critères de rentabilité très exigeants aux dirigeants. Si lon ajoute quen cas de fusion, il ne peut y avoir de dyarchie à la tête des nouvelles structures, il est facile de comprendre que la croissance externe des sociétés sexplique, bien sûr, par la volonté de création de valeur, mais aussi par le choc des ego ou linstinct de conservation des dirigeants.
3.- Un environnement favorable aux concentrations
Trois catégories de facteurs ont contribué au contexte favorable à la vague actuelle de rapprochements dentreprises : dabord, la mondialisation de léconomie, quelle se manifeste par la libéralisation du commerce et des mouvements de capitaux, la constitution de sous-ensembles économiques ou monétaires supérieurs aux Etats comme lUnion européenne, ou la déréglementation dans certains secteurs ; en deuxième lieu, la croissance économique ; enfin, le contexte particulier de financements rendus aisés par la baisse des taux dintérêt.
La libéralisation du commerce international a, depuis lentrée en vigueur du GATT en 1948, été jalonnée par les grands cycles de négociations internationales avec le Dillon round (1961), le Kennedy round (achevé en 1967), le Tokyo round (1979), le cycle dUruguay et la création de lOrganisation mondiale du commerce en 1995. Le développement des pays émergents et la création de zones déchanges privilégiés (Alena pour lAmérique du Nord et le Mexique, Mercosur pour lAmérique du sud, Communauté économique européenne) ont facilité lexpansion des grandes entreprises au delà des frontières.
Sagissant de lEurope, la création du marché unique en 1993, puis celle de leuro, contribuent à accélérer les concentrations dentreprises.
La libéralisation des mouvements de capitaux est une autre condition indispensable à la réalisation de fusions-acquisitions transnationales. En 1980, 70% des Etats opéraient un contrôle sur les flux de capitaux et 60% dentre eux un contrôle sur les devises reçues des exportations. Ces taux avaient été abaissés à respectivement 18% et 2% en 1996.
La déréglementation a, dans certains secteurs, joué un rôle essentiel pour favoriser des restructurations. Ainsi, dans celui des télécommunications, le démantèlement dATT imposé aux Etats-Unis par une décision de justice en 1984, a été suivi par la privatisation, en Europe et dans des pays émergents, de nombreux opérateurs nationaux. Les révolutions technologiques ont favorisé des opérations très importantes comme lalliance de British Telecom avec ATT (été 1998) ou la prise de contrôle dOlivetti sur Telecom Italia (mai 1999), en dépit dun projet de fusion de Deutsche Telecom avec cette dernière société. Une déréglementation comparable affecte plus récemment le secteur postal avec un enjeu particulier pour le marché du transport express et des fusions menées notamment par la poste néerlandaise (TNT Post group) et la Deutsche Post. Dans ce contexte, La Poste française est contrainte de sadapter.
Au plan conjoncturel, on considère habituellement quune croissance soutenue favorise le marché des fusions-acquisitions. Dans les périodes de moindre croissance, comme en France de 1973 à 1985, le positionnement extérieur des grandes entreprises se traduit plutôt par une politique défensive de restructurations, avec notamment la cession des activités annexes, que par une politique offensive de croissance au moyen de fusions-acquisitions. En effet, cette dernière forme de croissance externe a pour objectif essentiel le développement des parts de marché, ce qui suppose que le marché soit porteur.
Enfin, la bonne tenue des marchés financiers contribue au dynamisme des fusions-acquisitions. Les actionnaires, qui peuvent être sollicités par des offres concurrentes, comme on la vu cet été en France, sont sensibles aux anticipations de croissance et de valorisation des titres des sociétés concernées. Sagissant des entreprises absorbantes, leurs offres, nécessairement attractives, peuvent nécessiter des financements extérieurs : ils sont rendus plus aisés en périodes de taux dintérêt bas. Ces deux dernières années sont caractérisées, aux Etats-Unis et en Europe, par la conjonction de marchés dactions dynamiques avec des taux dintérêt très peu élevés. La multiplication des rapprochements favorise dautres fusions-acquisitions par une sorte deffet « boule de neige » : les offres concurrentes dElf-Aquitaine et de TotalFina sanalysent ainsi dans le contexte dune concentration accrue de lindustrie pétrolière (Exxon-Mobil, BP-Amoco).
4.- Des effets financiers, économiques et sociaux inégaux
Tous les rapprochements ne réussissent pas et les effets des fusions-acquisitions sont pour le moins contrastés, quil sagisse de la valorisation boursière des sociétés concernées, de limpact économique ou des conséquences sociales de ces opérations.
Sur le plan financier, les opérations de fusion-acquisition font intervenir fréquemment des offres publiques dachat ou déchange adressées aux actionnaires de la société cible. Loffre devant être attractive, la plupart du temps, le cours de bourse de cette société sélève, pendant lopération, de 20% à 35%. Le cours de bourse de la société à lorigine de loffre connaît, pour sa part, une évolution peu significative, voire dans certain cas négative. En effet, les offres réussies, en cas dacquisition hostile, sont généralement des offres trop élevées, phénomène que le jargon boursier appelle la « malédiction du vainqueur ». En phase de croissance boursière, la société acheteuse propose fréquemment une rémunération constituée partiellement par ses actions et par des liquidités. Selon la valorisation du cours de ses actions elle aura un intérêt inégal à proposer des actions ou des espèces. Dans la plupart des cas, les actions du nouveau groupe affichent des performances inférieures à celles des entreprises comparables du même secteur.
Sur le plan économique, les effets des opérations de concentration sont également controversés et posent des problèmes spécifiques en matière dinnovation et de concurrence. La taille des opérations contribue à la difficulté de leur réussite, puisque les transactions dun montant supérieur à 30% du chiffre daffaires de lacquéreur ne débouchent sur des succès que dans 25% des cas. La destruction de valeur, mesurée notamment par la baisse de la profitabilité (), est plus fréquente que la création de valeur.
La croissance externe des sociétés est également dénoncée comme un facteur de stérilisation de linnovation et, dune manière plus générale, de la dynamique de croissance interne. La recherche-développement et linnovation nécessitent des moyens importants détournés par la croissance externe. A contrario, certaines sociétés industrielles françaises, comme LOréal, connaissent une croissance interne forte générant une réussite industrielle et boursière, sans avoir besoin de réaliser des acquisitions extérieures importantes.
Les mécanismes de concentration posent également problème car ils peuvent porter atteinte à la concurrence dans les secteurs économiques concernés. LOrganisation mondiale du commerce sest interrogée () sur lopportunité de transposer au niveau international les législations nationales en matière de concurrence. Laction des autorités a déjà fait échouer certains rapprochements (par exemple les éditeurs Wolters Kluwer et Reed Elsevier dans lUnion européenne, au début de 1998) ou fusions comme celle de Bell Atlantic et de TCI en 1994, dans le secteur du câble aux Etats-Unis. Cette action a pu sembler parfois paradoxale lorsque, en 1991, le projet dachat du fabricant canadien davions de transport régional DeHavilland par Alenia et Aérospatiale a été mis en échec, non pas par le Bureau de la concurrence du Canada, qui avait décidé de ne pas sy opposer, mais par la Commission européenne. Cet été, le projet de fusion de Promodès et de Carrefour a donc suscité une intervention très pertinente du Gouvernement afin que le dossier soit examiné par le Conseil de la concurrence pour déceler les zones où la part de marché du nouveau groupe le placerait en position dominante.
La recherche dun pouvoir de marché peut donc quelquefois difficilement se conjuguer avec les règles applicables en matière de concurrence. Indépendamment de cette réglementation, on peut reprocher à la dynamique de croissance externe des sociétés un même effet stérilisant pour linnovation que celui résultant de la mobilisation financière qui la soutient : lorsquune fusion est motivée par le souci déliminer un concurrent plus performant, il ne peut y avoir de création de richesse.
Enfin, les conséquences sociales des fusions-acquisitions sont souvent négatives, au moins dans un premier temps, avec des suppressions demplois, comme dans le cas des rapprochements BP-Amoco (6000 suppressions demplois), Deutsche Bank-Bankers trust (5500 emplois), ou Zeneca-Astra (6000 emplois supprimés soit 13% des effectifs). Certes, lorsque la fusion est effectivement un succès, son impact sur lemploi peut être représenté par une courbe « en J » car, à moyen ou long terme, lamélioration de la situation de lentreprise permet des créations demplois. Indépendamment de ses effets sur lemploi, la méconnaissance de la gestion des ressources humaines lors dune fusion-acquisition peut conduire à un échec lorsque les différences de culture dentreprise sont trop fortes, par exemple dans le secteur de la pharmacie. On se souvient quaprès le rachat de Marion Merrel Dow, Hoechst a connu quelque difficulté à réaliser lintégration de Hoescht Pharma, Roussel-Uclaf et Marion.
Selon Mercer Management Consulting (), trois critères sont déterminants pour la réussite ou léchec dune fusion : le prix dacquisition, lintention stratégique et la gestion de lintégration de lentreprise absorbée. Selon Elie Cohen (), « les bonnes fusions sont celles où il existe un intérêt économique à marier deux entreprises et où lunion permet de réaliser dimportantes économies déchelle ou de gamme ainsi que des complémentarités géographiques dans les réseaux. La fusion réussie tient compte des cultures managériales et de gestion et répond aux évolutions des structures de marchés. A linverse, en fonction de ces cinq critères, dès lors quil y a mariage hostile dans un contexte où lactif essentiel de lentreprise est le capital humain et où il y a choc des cultures, le risque déchec est sérieux ».
Il nest pas douteux que les entrep
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