N° 3323

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2001.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES(1),
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2002 (n° 3262)

TOME III

DÉFENSE

ESPACE, COMMUNICATION ET RENSEIGNEMENT

PAR M. Bernard GRASSET,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

La Commission de la Défense nationale et des Forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; M. Robert Gaïa, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Voisin, vice-présidents ; M. Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jean-Claude Viollet, secrétaires ; M. Jean-Marc Ayrault, M. Jacques Baumel, M. Jean-Louis Bernard, M. André Berthol, M. Jean-Yves Besselat, M. Bernard Birsinger, M. Loïc Bouvard, M. Jean-Pierre Braine, M. Jean Briane, M. Marcel Cabiddu, M. Antoine Carré, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy-Michel Chauveau, M. Alain Clary, M. François Cornut-Gentille, M. Charles Cova, M. Michel Dasseux, M. Jean-Louis Debré, M. François Deluga, M. Philippe Douste-Blazy, M. Jean-Pierre Dupont, M. François Fillon, M. Christian Franqueville, M. Yves Fromion, M. Yann Galut, M. René Galy-Dejean, M. Roland Garrigues, M. Henri de Gastines, M. Bernard Grasset, M. Jacques Heuclin, M. François Hollande, M. Jean-Noël Kerdraon, M. François Lamy, M. Claude Lanfranca, M. Jean-Yves Le Drian, M. Georges Lemoine, M. François Liberti, M. Jean-Pierre Marché, M. Franck Marlin, M. Jean Marsaudon, M. Christian Martin, M. Guy Menut, M. Gilbert Meyer, M. Michel Meylan, M. Jean Michel, M. Jean-Claude Mignon, M. Charles Miossec, M. Alain Moyne-Bressand, M. Arthur Paecht, M. Jean-Claude Perez, M. Robert Poujade, M. Jean-Pierre Pujol, Mme Michèle Rivasi, M. Michel Sainte-Marie, M. Bernard Seux, M. Guy Teissier, M. André Vauchez, M. Émile Vernaudon, M. Aloyse Warhouver, M. Pierre-André Wiltzer.

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : L'ESPACE MILITAIRE 9

I. - UN BUDGET DÉSORMAIS RÉAJUSTÉ 9

A. DES DISPOSITIONS BUDGÉTAIRES PLUTÔT SATISFAISANTES 10

1. L'effet de ciseau des dotations en faveur de l'espace 10

2. Le problème de l'imputation des crédits duaux 11

B. UN CONTEXTE EUROPÉEN EN DÉCALAGE AVEC LES POLITIQUES DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DANS LE MONDE 12

1. Le contraste de budgets contraints avec de fortes ambitions spatiales 13

2. La priorité américaine accordée à l'espace 21

3. La concurrence du secteur industriel russe 24

4. La compétence désormais avérée des pays asiatiques 26

II. - UNE POURSUITE DES PROGRAMMES MAJEURS SANS GRANDE LISIBILITÉ À LONG TERME 29

A. LE MAINTIEN DE L'OBSERVATION OPTIQUE DE TRÈS HAUTE RÉSOLUTION AU RANG DES PROGRAMMES ESSENTIELS, MALGRÉ QUELQUES INCERTITUDES 29

1. L'achèvement prioritaire du programme d'observation optique 30

2. L'abandon de l'option d'un satellite radar français 32

3. Les enjeux de l'après Hélios 2 33

B. L'AVENIR PARTIELLEMENT ASSURÉ DU PROGRAMME DE TÉLÉCOMMUNICATIONS SPATIALES 35

1. Syracuse 2 : un programme national dont le renouvellement est nécessaire 35

2. Syracuse 3 : une conception en deux étapes dont seule la première est, pour le moment, garantie 36

C. UNE VEILLE TECHNOLOGIQUE MAINTENUE DANS LES AUTRES DOMAINES 37

1. L'écoute électromagnétique 38

2. Les programmes de cohérence 39

DEUXIÈME PARTIE : LES MOYENS DE COMMUNICATION, DE RENSEIGNEMENT ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS 43

I. - LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT : UN DOMAINE BUDGÉTAIREMENT PRIVILÉGIÉ 43

A. LES PROGRAMMES DE NIVEAU INTERARMÉES 43

B. LES PROGRAMMES D'INFORMATION ET DE COMMANDEMENT 44

1. Le SCCOA de l'armée de l'Air 46

2. Les SICF et SIR de l'armée de Terre 46

II. - LE RENSEIGNEMENT : UN ENJEU CRUCIAL À L'ABRI DES VICISSITUDES BUDGÉTAIRES 47

A. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT 48

1. Les programmes stratégiques d'écoute 48

2. Les moyens à vocation tactique 49

B. LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT 53

1. La Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) 54

2. La Direction du Renseignement militaire (DRM) 56

3. La Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD) 57

CONCLUSION 61

TRAVAUX EN COMMISSION 63

I. - AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 63

II. - EXAMEN DE L'AVIS 73

Mesdames, Messieurs,

Le système de forces « Commandement, Conduite des opérations, Communication et Renseignement », que les opérationnels désignent par l'acronyme C3R, est au centre du fonctionnement des armées modernes. Il permet de maîtriser l'information, c'est-à-dire le recueil, le traitement, la diffusion et le stockage des ordres et renseignements indispensables à tous les échelons, du niveau politique jusqu'au commandement sur le terrain.

L'espace, les communications et le renseignement sont les supports essentiels de ce système de forces. Bien qu'ils présentent chacun des spécificités importantes, ils s'analysent comme un ensemble dont la cohérence générale est impérative. Telle est la raison pour laquelle il apparaît nécessaire d'en apprécier le traitement budgétaire dans un seul et même rapport.

Prenant appui sur les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2002, le présent avis s'emploiera à exposer les enjeux budgétaires et stratégiques des différents programmes d'équipement de nos forces en matière d'espace, de communications et de renseignement, tout en resituant l'effort national dans son environnement européen et mondial. Cette démarche paraît d'autant plus opportune que devrait prochainement s'engager l'examen parlementaire du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, qui a été présenté en Conseil des Ministres puis déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 31 juillet dernier.

*

Depuis plusieurs décennies, le ministère de la Défense dispose d'un budget en faveur de l'espace militaire qui place la France au premier rang de l'effort des pays européens : les crédits réellement dépensés chaque année, en moyenne sur les quatre derniers exercices, avoisinent l'équivalent de 380 millions d'euros (2,5 milliards de francs).

On ne peut nier le décalage des dotations de l'Etat par rapport aux objectifs de la loi de programmation militaire. De surcroît, la loi de finances initiale pour 2000 a marqué une rupture importante. Le projet de loi de finances pour 2002, après la loi de finances initiale pour 2001, continue heureusement de rectifier ces évolutions le plus souvent exceptionnelles, liées pour une large part aux aléas des coopérations européennes.

Le texte soumis à l'examen de notre Assemblée poursuit le rattrapage engagé en faveur de l'espace l'année passée. Les grands programmes spatiaux français de télécommunications et d'observation optique de nouvelle génération entrent dans une phase de développement ; les dotations budgétaires suivent donc les besoins. Parallèlement, plusieurs coopérations ont été nouées avec nos partenaires européens, se fondant tantôt sur une participation financière aux programmes lancés par la France, tantôt sur un échange de temps de programmation d'équipements complémentaires réalisés séparément.

Quelques incertitudes se font jour néanmoins, quant à l'avenir plus lointain du programme des télécommunications militaires ou au renouvellement de la filière optique de nouvelle génération de nos forces. Ces points sont essentiels, notamment au regard de l'ambition de la France de jouer un rôle de premier plan dans le domaine du C3R quand l'Union européenne sera en mesure de déployer sa force de réaction rapide, créée par le Traité de Nice.

*

Autre facette du système de forces C3R, les vecteurs de communication et les moyens de renseignement devraient recevoir, comme les années passées, une attention particulière sur le plan budgétaire.

Cet intérêt pour le renseignement se justifie plus que jamais, à l'heure où les menaces dites « asymétriques », tel le terrorisme international, se font plus précises. Les terribles attentats commis simultanément contre les deux tours jumelles du World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington, le mardi 11 septembre 2001, en apportent la tragique confirmation.

Le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunications et de transmissions des forces doivent se poursuivre ou s'achever. Le projet de loi de finances pour l'année 2002 le permet. Les systèmes de recueil de renseignement seront eux aussi améliorés. Les dotations des services de renseignement devraient augmenter, de manière à leur permettre de mener à bien leurs missions et, dans certains cas, leurs réformes internes.

Eu égard à l'environnement international actuel et au développement technologique des différents équipements, ces orientations vont dans le bon sens.

*

Tels sont, en substance, les différents éléments que votre Rapporteur souhaite approfondir et analyser dans le présent avis budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE : L'ESPACE MILITAIRE

Dans un contexte nouveau de dissémination des zones d'instabilité et de crises, face à une économie et à des menaces aux imbrications mondiales dont l'actualité récente a souligné l'ampleur, l'espace, les communications et le renseignement sont devenus un facteur déterminant de toute stature stratégique. Les capacités d'observation, de communication, d'écoute et de localisation qui dépendent des équipements spatiaux sont désormais des préalables à toute prise de décision de déploiement des forces, d'emploi des armes, de présence dans le monde.

La France conduit, depuis plusieurs décennies, une politique spatiale militaire ambitieuse puisque le ministère de la Défense dispose d'un budget qui le place au premier rang de l'effort des pays européens. C'est donc légitimement que notre pays aspire à jouer le rôle de nation-cadre dans ce domaine au niveau européen.

I. - UN BUDGET DÉSORMAIS RÉAJUSTÉ

La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 inscrivait initialement l'évolution pluriannuelle du budget de l'espace militaire dans la perspective d'une réalisation de trois programmes d'envergure, sur la base d'une coopération européenne. Cet équilibre est rompu depuis plusieurs années déjà.

La revue des programmes a conduit au choix d'un budget spatial moins ambitieux. Compte tenu des annulations et des transferts de crédits en exécution des lois de finances initiales et malgré un taux de consommation des crédits d'équipement en constante amélioration, le niveau réel des dépenses exécutées n'a pas dépassé 419,7 millions d'euros (2,75 milliards de francs) au cours des quatre derniers exercices. C'est donc dans le contexte d'un périmètre budgétaire limité que doit être appréhendé le niveau des crédits prévus par le projet de loi de finances pour l'année 2002 en faveur de l'espace militaire.

COMPARAISON DES CRÉDITS VOTÉS
ET DES DÉPENSES RÉALISÉES

(en millions d'euros)

 

1998

1999

2000

2001 (1)

99/98

2000/99

2001/2000

Crédits votés hors BCRD

474,42

412,68

349,72

416,43

- 13,0 %

- 15,3 %

+ 19,1 %

Annulations et reports

- 45,43

- 29,27

- 13,26

- 6,10

- 35,6 %

- 54,7 %

-

Crédits disponibles

428,99

383,41

336,46

410,33

- 10,6 %

- 12,2 %

+ 21,9 %

Dépenses réalisées

419,69

374,41

320,91

178,06

- 10,8 %

- 14,3 %

-

Ecart crédits votés/dépenses réalisées

54,73

38,27

28,81

-

- 30,1 %

- 24,7 %

-

(1) Au 30 juin 2001.

D'un point de vue prospectif, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, adopté par le Conseil des Ministres le 31 juillet dernier, suscite quelques interrogations. Les dotations budgétaires en faveur de l'espace y seront réduites par rapport à celles prévues par la loi de programmation militaire en cours d'achèvement, ce qui pourrait poser des problèmes au sujet de la relève des programmes majeurs qui sont actuellement en développement.

Du fait de contraintes subies par notre pays dans le domaine des coopérations européennes, la loi de finances initiale pour l'année 2000 a amplifié le redimensionnement du budget consacré à l'espace militaire. Tout comme la loi de finances initiale pour l'année 2001, le projet de loi de finances pour l'année 2002 prend le contre-pied de cette évolution qui s'inscrivait dans un contexte particulier, pour ne pas dire exceptionnel.

Les crédits en faveur de l'espace retrouvent un niveau davantage en concordance avec les orientations retenues par la revue des programmes. Cependant, cette évolution est essentiellement mécanique puisque les principaux systèmes spatiaux de nouvelle génération sont entrés en phase de production ; a contrario, le tassement du niveau des autorisations de programme marque un ralentissement prévisible des investissements pour les exercices à venir.

Pour la seconde année consécutive, le secteur de l'espace bénéficie, plus que tout autre domaine des dépenses d'équipement du ministère de la Défense, d'un traitement budgétaire assez favorable. En effet, alors que les crédits de paiement des titres V et VI augmentent seulement de 0,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, ceux de l'espace militaire s'accroissent de 9,1 %. Leur montant s'établit à 454,3 millions d'euros (2,98 milliards de francs), niveau jamais atteint depuis 1998, même sans tenir compte du report de crédits de 3,51 millions d'euros (23 millions de francs).

Cette appréciation mérite d'être nuancée au regard de l'évolution des autorisations de programme ; en effet, les autorisations de programme de l'ensemble des titres V et VI sont en légère hausse tandis que celles qui sont allouées à l'espace militaire diminuent de manière significative, de 28,7 %. On observera d'ailleurs que leur montant, de l'ordre de 343,8 millions d'euros en valeur absolue (2,26 milliards de francs), est assez éloigné de la moyenne constatée sur l'ensemble des annuités de la loi de programmation en cours, depuis la revue des programmes de 1998 (409,4 millions d'euros, soit 2,68 milliards de francs).

Au total, les crédits de paiement et les autorisations de programme en faveur de l'espace militaire connaissent une évolution opposée, assimilable à un effet de ciseau.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES
AFFECTÉS À L'ESPACE

 

Loi de finances initiale en millions d'euros

Évolution en %

1999

2000

2001

2002
(projet)

2000/99

2000/2001

2001/2002

Autorisations de programme

414,3

315,8

482,3

343,8

- 23,78

+ 52,7 %

- 28,7 %

Crédits de paiement

412,6

349,7

416,4

454,3

- 15,26

+ 19,1 %

+ 9,1 %

Ces dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2002 se justifient pour deux raisons :

- en premier lieu, le déroulement des programmes spatiaux majeurs entre dans une phase où le besoin en crédits de paiement s'accroît, ce qui explique l'augmentation des ressources disponibles ;

- d'autre part, peu de projets de très grande envergure sont prévus au delà de l'achèvement des systèmes de nouvelle génération en cours de développement, ce qui justifie la décroissance du niveau des autorisations de programme.

Ainsi, le projet de loi de finances pour l'année 2002 est avant tout un budget de production d'équipements spatiaux.

La préparation de l'avenir n'est pas pour autant négligée puisque les crédits destinés à financer les études amont en faveur de l'espace augmentent sensiblement : le montant des autorisations de programme s'élève à 44,4 millions d'euros (291 millions de francs) et celui des crédits de paiement s'établit à 35,1 millions d'euros (230 millions de francs), contre respectivement 41,2 et 30,5 millions d'euros (270 et 200 millions de francs) inscrits en loi de finances initiale pour l'année 2001. Le poids de la recherche spatiale militaire n'est pas négligeable car le montant des crédits de paiement dont elle bénéficie représente 6,7 % du total des crédits du ministère de la Défense qui sont consacrés aux études amont.

Le projet de loi de finances pour l'année 2002 prévoit une stabilisation, à 190,6 millions d'euros (1,25 milliard de francs), du montant des transferts du ministère de la Défense au titre des crédits de recherche duale du Budget Civil de Recherche et de Développement (BCRD).

Depuis 1997, les dotations du ministère de la Défense aux budgets des ministères civils, au titre de la recherche duale, bénéficient dans leur intégralité au Centre National des Etudes Spatiales (CNES). La loi de programmation militaire du 2 juillet 1996 prévoyait d'y mettre fin de façon graduelle, mais une tendance inverse semble s'être instaurée depuis l'année 1999, comme l'illustre le tableau suivant.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
EN FAVEUR DU BCRD DEPUIS 1998

Montants des crédits inscrits en lois de finances initiales ou projet de loi de finances(1)

Variations

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

PLF 2002

1999/1998

2000/1999

2001/2000

2002/2001

76,2

137,2

228,7

190,6

190,6

+ 80 %

+66,7 %

- 16,7 %

-

(1) En millions d'euros (crédits de paiement et autorisations de programme confondus).

Plus que le principe d'une participation du ministère de la Défense au BCRD, c'est la lisibilité des versements qui en découlent qui est sujette à caution.

L'ampleur de ces transferts suscite également quelques interrogations, quant à leur conformité avec l'esprit de la convention signée entre le CNES et la Délégation Générale pour l'Armement (DGA). En effet, la participation des crédits du ministère de la Défense aux dépenses spatiales civiles représente un simple abondement du budget du CNES. Les crédits transférés sont affectés par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie au budget des organismes civils concernés et ne sont pas gérés par le ministère de la Défense.

De fait, les crédits présentés comme duaux sont comptabilisés deux fois puisqu'ils sont affichés dans la présentation des deux budgets ; par voie de conséquence, le niveau des crédits consacrés à l'espace militaire est calculé de manière quelque peu artificielle. De surcroît, il n'est pas établi de comptabilité séparée de ces crédits ; il devient ainsi impossible de connaître leur utilisation précise.

L'accès à l'espace et la maîtrise des technologies spatiales n'est plus l'apanage de certains pays occidentaux ou de la Russie. Le niveau des dépenses budgétaires ainsi que la priorité accordée à certains programmes témoignent de l'ambition de quelques États asiatiques de devenir des acteurs spatiaux majeurs. Parallèlement, les Etats-Unis cherchent à conforter leur prépondérance militaire et à pallier leur retard en matière de lanceurs commerciaux, faisant de l'espace un des principaux enjeux de leur politique de Défense.

Dans un tel contexte, les principaux pays membres de l'Union européenne ne semblent pas consacrer un effort à la hauteur de l'ambition d'une Europe spatiale de la défense : l'espace est en effet au nombre des capacités reconnues par les Quinze comme étant actuellement insuffisantes pour garantir l'autonomie totale des moyens de renseignement et de communication de la future force européenne de réaction rapide. La France, seul pays du continent à consentir un niveau significatif de crédits dans le domaine spatial (1 658 millions d'euros/ 10,9 milliards de francs de crédits de paiement aux termes du projet de loi de finances pour l'année 2002, dont 1 013 millions d'euros/ 6,6 milliards de francs pour le seul ministère de la Recherche), ne pourra pas assurer à elle seule une capacité de décision autonome de l'Union européenne.

L'EFFORT BUDGÉTAIRE GLOBAL (CIVIL ET MILITAIRE)
DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DU MONDE
EN FAVEUR DE L'ESPACE EN 2001
(comparaisons internationales)*

 

Etats Unis

Russie

Japon

Chine

Inde

Allemagne

Italie

Grande Bretagne

France

 

En milliards d'euros courants

32,7

0,42

2,5

0,18(1)

0,38

1,34

0,59

0,45

1,62

 

* Estimations sur la base de 1 $ = 1,17 euro et 1 £ = 1,5 euro.

(1) Agrégat global à fiabilité contestable

L'effort européen en faveur de l'espace est cinq fois moins important que celui des États-Unis pour les applications civiles et quinze fois inférieur pour les programmes militaires (à peine plus d'un milliard d'euros pour les cinq principales puissances spatiales européennes contre 14 milliards de dollars aux États-Unis).

Les coopérations européennes dans le domaine spatial sont affectées par l'insuffisance des orientations budgétaires des principaux pays européens, au regard des objectifs affichés aux sommets européens d'Helsinki, en décembre 1999, et de Nice, en décembre 2000. En effet, l'objectif global d'Helsinki suppose la mise en _uvre de capacités collectives de commandement, de contrôle, de renseignement et de projection pour 50 000 à 60 000 hommes appuyés par des moyens aériens et navals. Le plan pluriannuel spatial militaire (PPSM) avait, en son temps, évalué les moyens spatiaux nécessaires à ce type de projection de forces, à savoir : une composante de deux satellites de télécommunications sécurisée par un élément redondant ; une composante d'observation optique et radar ; une orientation minimale dans le domaine de l'écoute.

Le niveau actualisé des crédits nécessaires était alors compris entre l'équivalent de 533,6 et 609,8 millions d'euros (c'est-à-dire entre 3,5 et 4 milliards de francs) chaque année. Certains paramètres ont changé : le prix des satellites a été réduit, la technicité des composants a augmenté, les coopérations industrielles ont connu quelques vicissitudes. De même, de nouveaux besoins sont apparus dans les domaines de la navigation et du positionnement, de l'alerte avancée ou de la surveillance de l'espace. Désormais, comme le montre le tableau ci-dessous, issu d'études de l'état-major des armées, ce sont donc 730 millions d'euros (4,8 milliards de francs) par an qui seraient indispensables pour satisfaire aux exigences d'Helsinki ; autant dire que la somme des budgets européens consacrés à l'espace en est éloignée.

COÛT D'UNE CAPACITÉ SPATIALE MILITAIRE EUROPÉENNE

Application

Coût du programme (1)

Durée de vie
du programme

Coût annuel (1)

Télécommunications

3 100

15 ans

207

Observation

2 300

10 ans

230

Ecoute

1 220

10 ans

122

Surveillance de l'espace

760

10 ans

76

Alerte

760

10 ans

76

Navigation

150

8 ans

19

TOTAL

8 290

-

730

(1) En millions d'euros.
Source : Etat-major des Armées, septembre 2001.

_ La politique britannique est marquée par le souci de limiter l'engagement financier public, le budget global en faveur de l'espace civil et militaire étant stabilisé à un niveau de 450 millions d'euros (2,95 milliards de francs) lors de l'exercice 2000-2001. Le secteur privé joue donc un rôle essentiel dans les programmes nationaux.

Dans le domaine spatial civil, le Royaume-Uni ne participe qu'à hauteur de 13,97 % au financement des projets de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) : les grands programmes européens d'infrastructure orbitale et Ariane 5 en bénéficiant peu (5,2 % du montant de la contribution britannique) ; l'essentiel des efforts budgétaires du pays concerne plus particulièrement les sciences de l'univers (34,4 % de la contribution) l'observation de la Terre (30,7 %) et les communications ainsi que la navigation (15,6 %). Par ailleurs, la plus grande partie du financement des programmes nationaux est consacrée à l'observation de la Terre.

Le budget spatial militaire, quant à lui, demeure constant, à un niveau de l'ordre de 160 millions d'euros (1 milliard de francs), soit le tiers de l'effort global en faveur de l'espace. En matière de programmes, les priorités du ministère de la Défense britannique s'articulent autour du renouvellement de l'actuelle génération de Skynet (la réalisation du satellite Skynet 5, dont le coût total est estimé à 1,2 milliard d'euros / 7,9 milliards de francs sur dix ans, devrait être attribuée par le Gouvernement à l'un des consortia en compétition dans les tous prochains mois), l'accès aux données météorologiques au travers du programme Metop, et l'insertion des capacités spatiales d'imagerie et d'observation au c_ur des systèmes d'information et de communication. La Defence Procurement Agency (DPA) du ministère de la Défense supervise également des programmes spatiaux dans le domaine de l'écoute.

Des coopérations internationales avec les nations alliées sont certes recherchées, mais l'option européenne n'est pas prioritaire, comme en témoigne le retrait, en 1998, du projet de satellites de télécommunications pour les besoins de défense Trimilsatcom, programme reposant initialement sur une coopération avec la France et l'Allemagne. Le Royaume-Uni semble préférer l'alternative d'une coopération avec les États-Unis.

_ La participation de l'Allemagne à l'ensemble des grands projets spatiaux européens depuis vingt ans s'est appuyée sur un engagement financier qui a connu une croissance régulière jusqu'en 1993 et a permis à ce pays d'être le second contributeur à l'ESA en s'engageant à hauteur de 22 % du financement d'Ariane 5 et en s'appropriant la maîtrise d'_uvre de l'élément Colombus de la station spatiale internationale. Stabilisé aux alentours de 715,8 millions d'euros (4,7 milliards de francs) sur la période 1994-1997, le budget géré par la Deutsche Luft Raumfahrt (DLR), agence fédérale qui gère toutes les activités civiles depuis 1997, a connu une augmentation jusqu'à 846,2 millions d'euros (5,55 milliards de francs) en 1999, un maintien à niveau en 2000, et à nouveau un accroissement en 2001 à 1 milliard d'euros (6,56 milliards de francs).

Au-delà de cette apparente dynamique, l'Allemagne a décidé de réorienter ses priorités spatiales autour des initiatives industrielles et de la recherche scientifique. Si le « concept spatial » élaboré au printemps 1997 a reconnu que les télécommunications et l'observation de la Terre prennent un rôle croissant dans la sécurité du pays, ce postulat ne s'est pas immédiatement traduit par un développement des filières spatiales en coopération.

Les événements du Kosovo semblent avoir décidé les pouvoirs publics allemands à relancer cette idée à propos de la conception d'un satellite d'observation radar à partir des études menées dans le cadre du projet SAR-Lupe. Néanmoins, cette évolution doit être envisagée avec prudence, compte tenu des mesures d'économies encore présentées par le Ministre allemand des Finances pour le budget de la Défense. A titre d'illustration, on mentionnera que les crédits dévolus au projet SAR-Lupe, prioritaire, sont passés d'une fourchette de 358-409 millions d'euros (2,35-2,7 milliards de francs) à un montant de 340 millions d'euros (2,23 milliards de francs) l'année passée. Le coût total de la phase de développement du projet est estimé à 618 millions d'euros (4 milliards de francs).

_ L'Italie cherche depuis quelques années déjà à affirmer sa présence sur la scène spatiale européenne : l'Agenzia Spaziale Italiana (ASI) a été créée à cet effet en 1988. Un plan spatial national à cinq ans a également été défini, des moyens budgétaires non négligeables étant parallèlement débloqués.

L'ASI devrait disposer d'un budget global de 590 millions d'euros (3,9 milliards de francs) en 2002, en augmentation significative par rapport aux années passées ; pour autant, le budget annuel moyen prévu par le plan spatial national, de l'ordre de 640 millions d'euros (4,2 milliards de francs) sur la période 1998-2002, n'est toujours pas atteint. Ce montant vise autant à apurer la dette de l'agence qu'à permettre le développement de programmes spatiaux d'envergure.

Si la part militaire du budget spatial italien est assez faible, ce qui réduit les opportunités de coopérations, l'Italie a quand même des ambitions spatiales dont les applications peuvent être militaires. Pour preuves, sa participation à Hélios 1, sa maîtrise des télécommunications spatiales à vocations civile et militaire (le premier satellite du programme Sicral, équivalent à Syracuse, a été mis en orbite en février 2001) et ses investissements dans le domaine de l'observation radar (projet Cosmo-Skymed).

Pour ces raisons, l'Italie constitue un partenaire à part entière. Le principe d'une coopération portant sur l'observation spatiale militaire a été envisagé lors du sommet franco-italien de Florence, en septembre 1998. Une déclaration d'intention a été signée en ce sens le 5 mars 2000 et la signature d'un mémorandum d'accord est intervenue lors du sommet de Turin, le 29 janvier dernier. Aux termes de ce dernier, la France et l'Italie se sont engagées à mettre en _uvre de concert une constellation de deux satellites d'observation optique (réalisés par la France pour un coût évalué à 440 millions d'euros) et de quatre satellites radar (produits par les industriels italiens pour un coût estimé à 570 millions d'euros). Ouverte à d'autres pays européens, cette démarche constitue à ce jour une des seules avancées concrètes de l'Europe spatiale militaire.

La coopération pour la réalisation et l'acquisition d'équipements se justifie pour trois raisons :

- elle permet un partage des coûts de développement et d'industrialisation, l'effet sur les prix de série restant toutefois limité par le faible nombre de satellites produits ;

- elle présente également l'avantage de rapprocher les armées des pays coopérants en raison de la définition d'un besoin opérationnel commun et du renforcement de l'interopérabilité des moyens ;

- enfin, elle a un effet structurant sur les pôles industriels d'excellence qui sont amenés à se regrouper, afin d'exploiter leurs synergies.

Des difficultés, parfois importantes, existent. En effet, il est souvent nécessaire de préserver les intérêts économiques des parties. Or, l'exigence de « juste retour industriel » constitue une contrainte qui conduit de temps à autre certains Etats à privilégier la conception de programmes nationaux au détriment de la rationalité économique et budgétaire d'une collaboration. De même, les incertitudes relatives aux ressources budgétaires accordées par chaque participant aux projets communs ainsi que celles afférentes à l'urgence et l'évolution des besoins opérationnels sont autant d'écueils supplémentaires.

Depuis quelques années, la coopération spatiale européenne semble donc changer de nature : après avoir reposé sur le principe d'une conception et d'un financement conjoints, elle s'oriente désormais davantage vers un usage opérationnel commun de filières nationales spécialisées.

A cet égard, il convient d'apporter quelques précisions sur les priorités des politiques spatiales des partenaires traditionnels de la France. L'Italie privilégie le développement du programme de satellites multicapteurs Cosmo-Skymed dans lequel elle disposera d'une maîtrise d'_uvre, au détriment d'Hélios 2, qui présente pourtant un intérêt opérationnel plus immédiat pour ses forces. Le Royaume-Uni s'est, quant à lui, retiré du programme Trimilsatcom alors même que la convergence des besoins de renouvellement de Skynet 4 et de Syracuse 2 constituait une conjoncture idéale pour une coopération européenne efficace et économe. Enfin, l'Allemagne affiche pour priorités son assainissement budgétaire et la réalisation d'une filière d'observation radar à partir du projet SAR-Lupe, obérant ainsi presque définitivement sa participation au financement d'Hélios 2.

Il ne faut pas pour autant conclure à l'absence de toute perspective de coopérations. Ainsi, la déclaration d'Helsinki, formulée à l'issue du Conseil européen de décembre 1999, place les moyens spatiaux de renseignement au rang des capacités communes dont les pays membres de l'Union européenne doivent se doter. Cependant, au-delà des orientations ainsi tracées, les modalités des coopérations européennes sont désormais profondément modifiées.

_ Les télécommunications spatiales militaires restent le domaine dans lequel la coopération industrielle et budgétaire reste la plus envisageable. Des discussions se poursuivent à ce sujet avec l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. Même si le satellite Syracuse 3-A sera défini sur la base d'une maîtrise d'_uvre nationale dans un premier temps, le reste de la constellation nécessaire pourrait être réalisée sur la base d'un programme multinational au-delà de 2003.

_ En ce qui concerne le satellite d'observation optique Hélios 2, l'Allemagne n'a pas formellement dénoncé les accords de Baden-Baden, et conformément à la demande de l'Etat-major français des armées, la composante sol utilisateur (CSU) d'Hélios 2 reste susceptible de concerner les armées allemandes. Des discussions ont également été nouées avec l'Espagne et l'Italie. Il n'y a pas eu d'accord, mais l'Italie a tout de même décidé d'adopter la version améliorée de la CSU d'Hélios 1, compatible avec les options Hélios 2 installées pour la France. Une solution identique est envisagée par l'Espagne. Quant à la Belgique, son Ministre de la Défense a annoncé, le 13 juillet dernier, qu'elle participera au financement du programme à hauteur de 2,5 %.

_ Dans le domaine de l'observation radar, l'Italie est officiellement, depuis l'accord du 29 janvier dernier, le partenaire de la France. L'éventualité d'une coopération avec l'Allemagne ne doit pas, également, être écartée.

Le conseil ministériel de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) des 11 et 12 mai 1999 a adopté le budget spatial de l'Europe pour les prochaines années. Une autre réunion est prévue à Édimbourg, en novembre 2001.

Les programmes majeurs de dimension duale ont été préservés puisqu'ont été affectés :

- 161 millions d'euros (1,06 milliard de francs) au programme d'accompagnement de recherche et de technologie Ariane 5 (ARTA) sur la période 2001-2002, et 589 millions d'euros (3,9 milliards de francs) au programme Ariane 5 plus sur la période 1999-2001 ;

- 759 millions d'euros (près de 5 milliards de francs) à l'observation de la Terre ;

- et 293 millions d'euros (1,92 milliard de francs) à la phase de développement (1999-2001) d'un système européen de navigation par satellites, Galileo, ce montant étant réparti entre 100 millions d'euros (656 millions de francs) prélevés sur le cinquième programme cadre de recherche et développement (PCRD), 100 millions d'euros (656 millions de francs) issus du réseau de transports européens (RTE) et 93 millions d'euros (610 millions de francs) apportés par l'ESA.

_ Programme de lanceurs commerciaux, Ariane fonde l'indépendance spatiale des principaux pays européens. Alors qu'Ariane 4 arrive en fin de vie et qu'Ariane 5 commence ses lancements commerciaux, la famille de lanceurs européens doit faire l'objet d'ajustements techniques. Pour y parvenir, le conseil ministériel de l'ESA a fixé un certain nombre d'objectifs pour l'évolution d'Ariane 5.

Fin 2001-début 2002, la fusée (Ariane 5 « plus ») sera équipée d'un nouvel étage supérieur à propulsion cryotechnique de manière à lui permettre de lancer une charge utile de 9 tonnes contre 6 actuellement. Dans une seconde étape, c'est-à-dire à l'horizon 2004-2005, le moteur Vulcain 2 actuellement mis au point par la SNECMA devrait permettre à la fusée (Ariane 5 « évolution ») d'emporter 11 tonnes de charge utile en orbite géostationnaire.

La raison de ces adaptations essentielles est que le volume des satellites commerciaux augmente (5 tonnes aujourd'hui contre 2,5 à 3 tonnes il y a quelques années), et que la rentabilité du programme implique le lancement de deux satellites à chaque tir. A cet égard, l'objectif affiché par Arianespace est la diminution de 50 % du coût de lancement d'un satellite par Ariane 5 dans les mois qui viennent. Eu égard à l'importance des enjeux économiques et stratégiques, la réussite de cette démarche paraît primordiale.

En complément, il est probable que le conseil ministériel de l'ESA, qui se déroulera en nombre prochain, se prononce en faveur d'une adaptation des infrastructures du centre spatial guyanais afin de permettre des lancements de Soyouz depuis Kourou. Cette option présente en effet deux avantages majeurs : tout d'abord, les coopérations russo-européennes seront maintenues, évitant ainsi une marginalisation totale de l'industrie européenne des lanceurs tout en préservant une voie d'accès à des technologies avancées ; ensuite, Ariane 4 n'étant plus en service à la fin de cette année, l'exploitation d'Ariane 5 bénéficiera d'un lanceur complémentaire capable d'offrir à faible coût une solution de remplacement en cas d'impossibilité d'effectuer certains tirs doubles.

_ L'enveloppe affectée à l'observation de la Terre comprend un volet scientifique et des aspects commerciaux. Cependant, dans ce domaine, les applications sont le plus souvent duales, l'observation météorologique et topographique participant à l'information des forces sur leur environnement.

_ Le lancement prochain de la phase de développement (2002-2005) de Galileo constitue une étape importante dans la réalisation du système européen de navigation par satellites. Le 5 avril 2001, les Ministres des Transports des Quinze ont débloqué 100 millions d'euros (656 millions de francs) à cette fin. De leur côté, les industriels européens intéressés se sont engagés à participer au financement initial à hauteur de 200 millions d'euros (1,3 milliard de francs). Entre 2000 et 2005, près de 460 millions d'euros supplémentaires (3 milliards de francs) devraient être apportés par l'ESA. La Communauté européenne financera un montant équivalent, alors que les industriels participeront également. Néanmoins, ces sommes sont loin de pourvoir au coût de cette constellation de trente satellites à orbite intermédiaire ou, alternativement, de vingt-quatre satellites à orbite intermédiaire couplés à huit satellites en orbite géostationnaire : en effet, le coût global de Galileo est évalué entre 2,47 et 3,75 milliards d'euros (c'est-à-dire entre 16 et 24,6 milliards de francs), selon que le service comportera des applications duales durcies ou non.

Le système de navigation par satellites européen devrait être opérationnel au-delà de 2008 et générer 90 milliards d'euros (590,3 milliards de francs) d'applications entre 2005 et 2025, pour 100 000 emplois créés. Néanmoins, ces estimations de rentabilité commerciale sont sujettes à caution, étant donné la gratuité d'accès au système. Les incidences militaires d'un tel projet sont également importantes puisqu'il permettra aux forces des pays européens de recourir à un système de navigation autonome par rapport au GPS et au Glonass, donc de s'abstraire du contrôle indirect des états-majors américains et russes.

Plusieurs études françaises ont évalué le coût d'une capacité spatiale militaire européenne minimale mais performante dans l'ensemble des domaines qui intéressent la défense. La dernière en date, mentionnée précédemment, a été conduite par le bureau espace de l'état-major des Armées : le coût total de l'investissement nécessaire s'y élève à 8,29 milliards d'euros (54,4 milliards de francs), ce qui représente un flux financier annuel moyen de 730 millions d'euros (4,8 milliards de francs).

Ce poids financier est assurément conséquent ; il resterait néanmoins supportable dès lors qu'il serait assumé par tous les Etats concernés par le processus d'Helsinki.

Le barème de répartition des contributions le plus équitable, et peut-être le plus susceptible de faire consensus, est certainement celui qui s'applique au budget de l'ESA. Transposé au financement d'une politique spatiale militaire commune, il se traduirait par des taux de participation de l'ordre de 30 % pour la France, 25 % pour l'Allemagne, 13,7 % pour l'Italie, 8 % pour le Royaume-Uni, 5,3 % pour la Belgique et 4,5 % pour l'Espagne. Ces chiffres sont indicatifs car les taux varient légèrement d'une année à l'autre ; ils donnent néanmoins un ordre de grandeur des contributions financières annuelles qui seraient supportées par chacun, dont le tableau ci-dessous (qui s'appuie sur les estimations et les échéanciers dévoilés dans le tableau relatif au coût d'une capacité spatiale militaire européenne qui figure plus haut) fournit le détail.

CONTRIBUTIONS ANNUELLES (1) DES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS
À L'ACQUISITION D'UNE CAPACITÉ SPATIALE MILITAIRE COMMUNE,
PAR ANALOGIE AU SYSTÈME DE FINANCEMENT DE L'ESA

 

France

Allemagne

Italie

Royaume-
Uni

Belgique

Espagne

Télécoms

62,1

51,75

28,0

16,2

11,0

9,0

Observation

69,0

57,5

31,0

18,4

12,2

10,3

Écoute

5,7

4,75

2,6

1,5

1,0

0,9

Surveillance de l'espace

36,6

30,5

16,5

9,8

6,5

5,5

Alerte

22,8

19,0

10,3

6,1

4,0

3,4

Navigation

22,8

19,0

10,3

6,1

4,0

3,4

TOTAL

219,0

182,5

98,7

58,1

38,7

32,5

(1) En millions d'euros.

Le montant des différentes contributions n'est pas incompatible avec les efforts financiers actuels de ces pays en faveur de l'espace : à titre d'exemple, la participation de la Belgique représenterait l'équivalent de onze annuités de 2,5 % au programme Hélios 2 (niveau de contribution défini par l'accord franco-belge du 13 juillet dernier) ; de même, l'investissement du Royaume-Uni serait-il égal au tiers de son budget spatial militaire ; quant à la participation française, elle correspondrait à peu près au flux annuel moyen prévisible du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 (de l'ordre de 214 millions
d'euros / 1,4 milliard de francs).

Un projet spatial militaire européen équivaudrait seulement à 32 % des ressources annuelles de l'ESA (2,3 milliards d'euros / 15 milliards de francs). Il est donc financièrement supportable.

Resterait néanmoins à adapter les institutions européennes pour gérer efficacement la planification et la conduite des programmes : l'état-major de l'Union européenne devrait se voir ainsi attribuer des fonctions de définition des systèmes spatiaux ; de même, un organisme intergouvernemental (l'ESA, l'OCCAR ou un CNES européen) devrait être en charge de l'expertise technique et de la maîtrise d'ouvrage, conformément à un mandat donné par les Etats membres.

A ces conditions, l'Europe spatiale militaire deviendrait une réalité. Votre Rapporteur estime que le moment est venu pour les Gouvernements des Etats membres de l'Union européenne d'envisager sérieusement cette éventualité.

Depuis 1994, les Etats-Unis ont réorienté leur politique spatiale afin de conforter leur suprématie technique et d'affirmer leur présence dans toutes les applications liées à l'espace. Pour ce faire, un effort tout particulier a été consenti sur le plan budgétaire, en contrepartie d'une rationalisation des structures et d'importantes réductions d'effectifs. D'ici 2005, ce poids pourrait devenir hégémonique dans tous les secteurs militaires et civils du domaine spatial.

Signe révélateur de l'attention portée par les pouvoirs publics américains à l'espace, une commission présidée par M. Donald Rumsfeld, avant qu'il devienne Secrétaire à la Défense, a été chargée de réfléchir sur la politique spatiale des Etats-Unis. Dans son rapport rendu public le 11 janvier 2001, cette commission s'est prononcée en faveur d'une utilisation accrue de l'espace par les forces armées américaines, y compris en y installant des armes défensives ; elle a également recommandé la création d'une armée de l'espace, au même titre que les armées de Terre et de l'Air ou que la Marine. En tout état de cause, l'espace est bien au c_ur des préoccupations américaines en matière de défense.

Le budget de la NASA reste quasiment stable, aux alentours des 14 milliards de dollars (16,38 milliards d'euros / 107,5 milliards de francs) pour l'exercice en cours. Le budget spatial militaire pour 2001 a été lui aussi maintenu à un niveau de 14 milliards de dollars (16,38 milliards d'euros / 107,5 milliards de francs) mais ce montant ne représente pas la totalité des crédits consacrés à l'espace militaire, dont une partie significative reste occulte (on estime que 7 milliards de dollars soit environ 8,19 milliards d'euros ou 53,7 milliards de francs, sont consacrés aux « black programs »). Les investissements non classifiés sont toujours prioritaires. Le budget spatial militaire pour l'année 2002 devrait bénéficier d'une augmentation significative puisqu'il avoisinera 15 milliards de dollars (17,55 milliards d'euros / 115 milliards de francs).

La politique américaine en matière de lanceurs repose toujours sur un objectif de réduction des coûts d'exploitation et sur la rationalisation des responsabilités. Le Département de la Défense reste chargé de l'amélioration des lanceurs lourds ou semi-lourds existants (Delta-4 de Boeing, Atlas 2-A et Titan de Lockheed Martin). La NASA est responsable de la recherche et de la préparation de lanceurs futurs, en particulier le lanceur monoétage réutilisable Delta Clipper. A l'initiative privée revient la charge du développement des lanceurs de moyenne puissance (Taurus, Pegasus ou LLV de Lockheed Martin). Malgré quelques difficultés de lancement ces dernières années, les États-Unis disposent d'ores et déjà d'une flotte de lanceurs modernisée et concurrentielle par rapport à Ariane.

Les programmes de communication, Milstar 2 et 3 (dont les mises en service ont été avancées), sont en fort développement : l'échec retentissant des programmes commerciaux du type Iridium ont infléchi la stratégie de complémentarité entre moyens civils et militaires, privilégiée jusqu'à présent. Les investissements consentis à la génération de satellites suivants (advanced EHF) sont eux aussi en augmentation significative de 168 % : les crédits qui s'élevaient à 204 millions de dollars (238,7 millions d'euros ou 1,5 milliard de francs) en 2001 passeront à 548 millions de dollars (641,2 millions d'euros ou 4,2 milliards de francs) en 2002. Dans le domaine de la navigation par satellites, la dernière génération GPS Block 2 devrait reposer sur trente-trois plates-formes en cours de développement et dont le lancement est prévu entre 2003 et 2010.

La réorientation de la défense antimissiles et antisatellites est spectaculaire. Près de 25 milliards de dollars ont été dépensés en faveur de l'initiative de défense stratégique entre 1985 et 1992 ; une veille technologique avait été maintenue après son abandon. Désormais, les moyens financiers consacrés à la défense antimissiles devraient augmenter, la nouvelle administration américaine ayant fait de ce programme l'une de ses priorités en termes de défense : après 2,7 milliards de dollars en 1994, 2,9 milliards en 1996, environ 3,55 milliards en 1997 et une rallonge de 6,6 milliards de dollars décidée en 1999 (portant à 11 milliards de dollars - 12,9 milliards d'euros/ 84,6 milliards de francs - les crédits disponibles pour la période 2000-2005), ce sont 8,3 milliards de dollars (9,7 milliards
d'euros / 63,6 milliards de francs) qui sont prévus pour l'année 2002.

La phase de tests, inaugurée avec succès le 3 octobre 1999 (un missile exoatmosphérique ayant décollé de l'atoll Kwajalein, dans les îles Marshall, pour détruire à 6 800 kilomètres un missile balistique simulant une attaque nucléaire contre les États-Unis), a connu deux échecs successifs depuis (les 18 janvier et 8 juillet 2000). Le 14 juillet 2001, un nouvel essai a été conduit avec succès. Le Secrétaire à la Défense, M. Rumsfeld, a indiqué que le Pentagone envisage de mener une vingtaine d'autres tests de ce genre au cours des cinq années à venir. Parallèlement, des travaux d'aménagement de sites potentiels d'installation des batteries de missiles de défense ont commencé cet été en Alaska. A l'heure actuelle, il ne semble pas que l'administration américaine remette en question la poursuite de ce programme ; néanmoins, en raison notamment des attentats meurtriers perpétrés à New York et Washington le 11 septembre dernier, des inflexions y seront peut-être apportées.

Parallèlement, le programme de défense de théâtre TMD (Theater Missile Defense) bénéficie également d'un effort budgétaire soutenu. En ce qui concerne la défense antisatellites, des essais de neutralisation de mini-satellites au laser (MIRACL) ont été réalisés avec succès fin 1997.

Cette politique volontariste sur le plan budgétaire vise à conforter la suprématie américaine dans le domaine spatial ; indéniablement, elle devrait conduire les Etats-Unis vers une position hégémonique à brève échéance.

La politique spatiale américaine répond à deux préoccupations : en premier lieu, assurer une veille permanente et globale permettant de détecter les menaces qui pèsent sur les intérêts américains ; en second lieu, sanctuariser le territoire national contre toute attaque balistique d'un « Etat voyou » susceptible de posséder des armes bactériologiques, chimiques ou même nucléaires, de longue portée.

_ Le premier de ces impératifs a justifié le développement de programmes spatiaux de renseignement très complets.

Les forces américaines disposent de satellites d'observation optique Key Hole d'une résolution de 10 centimètres environ, de satellites d'observation radar Lacrosse et de satellites d'écoute électronique à orbites elliptique (Advanced Jumpseat) ou géostationnaire (Advanced Vortex et Orion). La prochaine constellation de satellites de surveillance photosatellitaire (Future imagery architecture), dont le nombre avoisinera les vingt-quatre unités, est en cours d'étude pour un montant estimé de 4,5 milliards de dollars (5,3 milliards d'euros / 34,5 milliards de francs). Quant à la relève des Lacrosse à partir de 2007, la première phase du programme Discover 2 s'est achevée et la réalisation de deux satellites prototypes d'ici 2004, pour un coût de 592 millions de dollars (692,6 millions d'euros / 4,5 milliards de francs), a commencé cette année. L'investissement total pour la constellation complète devrait excéder 6 milliards de dollars (7 milliards d'euros/ 46 milliards de francs).

Instruments de maîtrise de l'information et de renseignement, de tels équipements peuvent soulever quelques interrogations au sujet de leur emploi. Que l'on songe au réseau d'interception des communications Echelon, reposant sur une couverture satellite et sur des stations d'écoute capables de décrypter la quasi-totalité des communications de toute origine dans le monde. En l'occurrence, des équipements spatiaux américains pourraient avoir été utilisés à des fins contestables.

_ Le second objectif de la politique spatiale américaine suscite également des réserves, compte tenu de ses implications stratégiques et diplomatiques. En effet, le programme d'alerte avancée et de défense antimissiles MD est fortement contesté par la Russie et la Chine, dont la crédibilité en matière de dissuasion nucléaire pourrait se voir plus particulièrement remise en cause. Au demeurant, le traité Anti Balistic Missile (ABM) de 1972 engage l'ensemble des parties à ne pas mettre en _uvre de système ABM « pour la défense du territoire du pays », ce qui explique que certains Etats membres de l'Union européenne, dont la France, aient fait part de leur réticence face à un système globalisant, lui préférant une défense de théâtre. Enfin, l'efficacité supposée de ce système est inexistante contre les menaces asymétriques telles que le terrorisme par exemple.

Là encore, la composante spatiale est au c_ur du dispositif et elle est associée, en réseau, à des radars au sol. Le programme Space Based InfraRed System (SBIRS), destiné à assurer la détection et la poursuite des missiles balistiques adverses, pourrait s'intégrer à un système plus global comportant des batteries de missiles d'interception. Pour l'heure, ce programme d'alerte avancée bénéficie d'un budget de 22 milliards de dollars (25,7 milliards d'euros / 168,5 milliards de francs) pour la réalisation de quatre satellites géostationnaires et deux satellites à orbite haute elliptique (c'est la constellation SBIRS high, prolongeant l'actuel Defense Support Programme, qui sera chargée de la détection des départs de missiles) ainsi que douze à dix-huit satellites en orbite basse (c'est la constellation SBIRS low, qui doit affiner la détection et la localisation du missile agresseur mais dont le développement est très complexe sur le plan technique).

Le secteur spatial occupait une place de premier plan dans le complexe militaro-industriel de l'Union soviétique. Fortement soutenue pour des raisons politiques (liées au prestige national) et militaires, l'industrie spatiale soviétique a atteint un haut niveau de performance dans tous les domaines, qu'il s'agisse des lanceurs (tel Soyouz), des satellites d'observation, de communication et de navigation (à l'image de la constellation Glonass), des vols habités (avec la station orbitale Mir) ou encore de la recherche scientifique.

Avec l'éclatement de l'Union soviétique et la dégradation de la situation économique et financière en Russie, la survie du secteur spatial passait par des restructurations et la recherche de ressources extérieures grâce à une coopération internationale. Des accords ont été passés avec les industriels américains et européens pour l'exploitation de lanceurs à moindres coûts. Sur le marché, les prestations russes demeurent très concurrentielles et attractives.

Exclusivement financé par l'Etat jusqu'au début des années quatre-vingt dix, le secteur spatial a durement souffert de la brutale diminution des ressources consécutive à la crise économique et financière que traverse la Russie. Les entreprises n'ont pu suffisamment renouveler leurs moyens techniques et matériels, si bien que certaines productions ont dû être réduites ou arrêtées. De même, le programme spatial russe a été revu à la baisse. La recherche et le développement de nouveaux projets ont été rigoureusement limités.

Selon les informations publiées par l'Agence aéronautique et spatiale russe (Rosaviacosmos), entre les deux tiers et les trois quarts de la centaine de satellites russes en orbite ont dépassé leur durée de vie et présentent un risque non négligeable de panne.

Face à cette situation, les crédits alloués à l'Agence aéronautique et spatiale russe demeurent largement en deçà du niveau qu'exigerait le déroulement du programme spatial russe. En 2001, le montant des crédits consacrés à l'espace devait s'élever à 211,8 millions d'euros (1,4 milliard de francs / 181 millions de dollars), contre 152,5 millions d'euros (1 milliard de francs / 130 millions de dollars) l'année précédente ; dans les faits, le montant réel des moyens affectés à Rosaviacosmos est inférieur. L'interprétation de ce budget doit néanmoins tenir compte des spécificités du taux de change dollar/rouble ainsi que du faible niveau des coûts de production en Russie.

Il n'en demeure pas moins que les ressources extérieures s'avèrent constituer un appoint non négligeable. Fruit de la commercialisation des savoir-faire et des lancements de fusées russes, elles sont passées de 46,8 millions d'euros (307 millions de francs / 40 millions de dollars) en 1993 à 702 millions d'euros (4,6 milliards de francs / 600 millions de dollars) en 1999 et 842,4 millions d'euros (5,5 milliards de francs / 720 millions de dollars) au cours de l'année 2000.

Le budget spatial militaire russe n'est pas connu, mais il avoisinerait celui de Rosaviacosmos. De fait, la continuité des capacités spatiales à vocation défensive n'est plus totalement assurée.

Il semblerait que la Russie dispose de satellites de reconnaissance optique HIRES, d'écoute électronique, d'alerte en orbite et de surveillance des océans. Néanmoins, l'ensemble de ces capacités ne suffit pas à rendre ces dispositifs complètement opérationnels. Faute d'argent, la Russie n'est pas en mesure d'aligner le nombre de satellites indispensable au bon fonctionnement de ses constellations.

Les capacités russes de défense antimissiles sont plus étoffées. Depuis la fin des années cinquante, l'URSS avait étudié et développé un système de défense capable de faire face à la menace des missiles balistiques intercontinentaux ; la gamme des moyens russes traite une partie importante du spectre de la menace, qu'elle soit aérobie (avions ou missiles de croisière) ou balistique.

Les forces armées russes disposent actuellement de trois systèmes de défense antimissiles de théâtre : le S-300 PMU (SA 10 C) contre les missiles de portée de moins de 600 kilomètres ; le S-300 V (SA 12 B) contre les missiles d'une portée inférieure à 1000 kilomètres ; le S-400 Triomf dont la capacité d'interception concerne les missiles balistiques de moins de 3 500 kilomètres de portée. Conformément aux clauses du traité ABM de 1972, un seul site est protégé par des installations antimissiles en Russie : il s'agit de la capitale, Moscou.

Il semble tout de même difficile de porter une appréciation objective sur l'efficacité réelle de ces systèmes, les difficultés budgétaires du pays devant probablement, là aussi, avoir des incidences.

De nombreux partenariats ont été noués avec des industriels ou opérateurs étrangers depuis le début des années quatre-vingt dix. Parmi l'éventail des activités spatiales russes, certains domaines se sont moins bien prêtés que d'autres à des coopérations commerciales.

Ainsi, la commercialisation d'images auprès d'opérateurs n'a pas connu le développement souhaité. De même, l'utilisation du système de navigation Glonass n'a pas été véritablement recherchée, compte tenu de son état technique général (quinze satellites seulement étaient opérationnel à la mi-2001, alors qu'un minimum de dix-huit satellites est requis pour un fonctionnement dégradé). En revanche, le projet de station spatiale internationale pour les vols habités constitue un domaine de coopération par excellence, avec les Etats-Unis et aussi les membres de l'ESA.

Mais c'est surtout dans le domaine de la propulsion et des lanceurs, plus directement concerné par des retombées commerciales, que les partenariats se sont le plus développés.

Le motoriste américain Pratt & Whitney s'est ainsi associé à la société russe Ergonomast pour le moteur destiné à équiper le lanceur américain Atlas 3.

S'agissant des lanceurs, une société regroupant des actifs du Centre Khrounitchev, d'Energuia International et de Lockheed Martin (LKEI devenue International Launch Service) commercialise le lanceur Proton-K. Depuis le premier tir commercial en 1996, dix-neuf lancements ont eu lieu. De même, Boeing s'est associé à des entreprise russes pour mener à bien le projet Sea Launch, permettant de réaliser des lancements à partir d'une plate-forme maritime. Après le vol inaugural en 1999, cinq lancements commerciaux ont été effectués, dont un a cependant échoué. Enfin, la société franco-russe Starsem a été créée en 1996 pour commercialiser et exploiter sur le marché international les lanceurs de la famille Soyouz et, plus récemment, la société germano-russe Eurockot a été constituée afin d'exploiter le petit lanceur Rockot dont le vol inaugural a eu lieu en mai 2000.

Toutes ces coopérations ont une incidence concurrentielle et commerciale forte. Les graves difficultés du secteur spatial russe ces dix dernières années ont réorienté ce complexe industriel vers les applications civiles et commerciales, même si la Russie possède toujours des équipements à vocation militaire et reste en mesure de s'en doter.

Plusieurs pays d'Asie affichent depuis une dizaine d'années de sérieuses ambitions dans le domaine de l'espace. Longtemps relégués à un rang secondaire, ils ont démontré par de réels succès techniques qu'une politique volontariste s'appuyant sur des investissements soutenus peut rapidement déboucher sur une compétence en matière spatiale. Reste néanmoins que le niveau de leurs équipements est bien en-deçà de celui des puissances spatiales occidentales et russe.

La politique spatiale de la Chine répond à trois objectifs classiques : le renforcement de l'indépendance nationale du pays, l'affirmation de son rôle régional et l'intégration des technologies spatiales dans son développement économique.

Après plusieurs échecs, la République populaire de Chine a amélioré de façon significative la fiabilité de ses lanceurs. Les fusées Longue Marche LM 3-B ont placé sur orbite plusieurs satellites, dont certains de la constellation Iridium, affirmant ainsi la crédibilité du plus puissant des lanceurs chinois tout en relançant la crainte d'une offre à des prix de dumping (même si la République populaire de Chine ne développe pas de lanceur similaire à Ariane 5).

Pour résoudre les difficultés techniques rencontrées, par exemple dans le développement d'un réseau propre de satellites de météorologie, ou pour satisfaire des besoins spécifiques, notamment en télécommunications, la Chine est décidée à poursuivre un effort d'envergure et à recourir plus largement à la coopération internationale. Toutefois, dans l'attente d'une autonomie technique complète qui n'est pas acquise à l'heure actuelle, la République populaire de Chine doit acheter plusieurs satellites sur étagère aux Européens (Sinosat) et aux Américains (Chinasat 7, Chinastar), même si les règles d'exportation de composants incorporant des technologies sensibles ont été considérablement durcies ces dernières années outre-Atlantique.

L'Allemagne, le Brésil (avec lequel la Chine a signé un programme de quatre satellites d'observation de la Terre CBERS) et la Russie sont des partenaires privilégiés.

L'espace constitue un secteur d'activité de très haute importance pour la République populaire de Chine. En témoignent les efforts chinois en faveur d'un programme de vols habités : le succès du démonstrateur de rentrée Shenzhou-1 en novembre 2000 a mis en exergue l'état d'avancement du programme qui devrait connaître son aboutissement en 2003. La politique spatiale chinoise devrait être marquée dans les années qui viennent par la poursuite d'investissements importants et un recours toujours significatif à la coopération internationale.

Afin de soutenir une ambitieuse politique de présence sur la scène mondiale, l'Inde a quasiment triplé son budget spatial au cours des années quatre-vingt dix. Les dotations de l'Indian Space Research Organisation (ISRO) se sont élevées à 384 millions d'euros (2,5 milliards de francs) pour l'année fiscale 2000-2001, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'exercice antérieur.

Une grande partie de ces financements consacrés à l'espace (147 millions d'euros / 964 millions de francs, soit 38 % exactement) est destinée à renforcer l'indépendance du pays en matière de lanceurs. Les générations actuellement en service (ASLV, PSLV, et GSLV-Mk1) ou en développement (GSLV versions Mk2 et 3) s'appuient sur des coopérations avec la France ou la Russie. Les progrès opérés laissent à penser que l'Inde sera capable d'offrir des services commerciaux de lanceurs, même si cet objectif n'est pas affiché. Un accord entre l'agence indienne ISRO et Arianespace a été conclu pour le lancement réciproque de petits satellites. La commercialisation d'images produites par le satellite indien IRS depuis 1995 concurrence directement Spot-Images.

L'Inde affecte la majorité de son budget spatial (216 millions d'euros / 1,4 milliard de francs, soit 56 % du total) au développement de satellites. Quatre familles de satellites (filières SROSS, GRAMSAT, INSAT et IRS) ont été développées depuis vingt ans dans les domaines de la science, des télécommunications et de l'observation optique. L'Inde maîtrise donc aujourd'hui de nombreuses technologies de manière autonome.

Par ailleurs, bien que le programme spatial soit orienté vers les applications civiles, il n'y a pas de doute que les connexions avec les applications militaires sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les missiles balistiques (l'AGNI emprunte de nombreuses technologies au programme spatial de l'ISRO) et les satellites d'observation. D'ailleurs, le 29 décembre 1998, le chef d'Etat-major de l'armée de l'Air indienne a officiellement reconnu l'utilisation à des fins militaires, des satellites civils d'imagerie IRS 1-B, IRS 1-C, IRS 1-D et IRS-P 3. L'engagement du développement de la filière haute résolution CARTOSAT (dont le premier exemplaire sera lancé en 2002) répond très probablement lui aussi à des besoins militaires.

L'augmentation régulière du budget spatial (1,95 milliard d'euros
- 12,8 milliards de francs - en 1996, 2,2 milliards d'euros - 14,4 milliards de francs - en 1998 et 2,5 milliards d'euros - 16,4 milliards de francs - en 2000) correspond au souhait de développer une base industrielle et technologique avancée, grâce à un programme complet d'applications spatiales.

Pour l'année fiscale 2000, le budget spatial japonais était en augmentation de 10,8 % par rapport à 1999. La part de l'agence spatiale japonaise (la NASDA, responsable du développement des satellites d'application et de leurs lanceurs) est passée de 1,75 à 1,83 milliard d'euros (c'est-à-dire de 11,5 à 12 milliards de francs), soit une progression de 4,3 %. Celle de l'institut des sciences spatiales et astrologiques (ISAS, responsable du développement des satellites scientifiques et de leurs lanceurs) a été maintenue à un niveau de 167,7 millions d'euros (1,1 milliard de francs). Le ministère japonais de la science, qui exerce la tutelle de l'ensemble de ces organismes, souhaite regrouper d'ici 2003 la NASDA, l'ISAS et le laboratoire aérospatial national. Les programmes de lanceurs représentent désormais 17 % du budget spatial japonais, contre 27 % les années précédentes. Trois catégories de lanceurs coexistent :

- le lanceur lourd H 2, dont la version améliorée H 2-A a effectué avec succès son vol inaugural le 29 août 2002 ;

- le petit lanceur J 1, capable de placer des satellites de taille moyenne (environ une tonne) sur orbite basse ;

- la fusée à trois étages à poudre M 5, dont le vol inaugural a eu lieu en février 1997 et qui peut lancer en orbite basse une charge utile de 2 tonnes ou envoyer 400 kg dans l'espace plus éloigné. Ce lanceur alimente les soupçons d'une application militaire en raison d'un double emploi évident avec le J-1 et de sa possible transformation en un missile balistique d'une portée de 8 000 km.

La NASDA développe également des satellites scientifiques ou d'application dans les domaines des télécommunications, de la météorologie ou de la télédétection. Elle reste aussi présente sur les programmes liés aux vols habités, portant notamment sur le module JEM de la station orbitale internationale.

Enfin, il est à noter qu'une partie de l'augmentation du budget spatial japonais résulte du financement d'un programme de satellites d'observation optique et radar de haute résolution (Advanced Land Observation Satellite), dont le lancement devrait intervenir à partir de 2002. A la suite du lancement par la Corée du Nord d'un missile qui a échappé aux moyens de détection classiques, le Japon envisage d'acquérir un satellite d'observation optique d'ici 2003. Parallèlement, l'agence centrale de renseignement japonaise vient de créer une unité inter-services d'exploitation et d'analyse de l'imagerie spatiale.

II. - UNE POURSUITE DES PROGRAMMES MAJEURS SANS GRANDE LISIBILITÉ À LONG TERME

La revue des programmes opérée en 1998 a réorienté les efforts budgétaires de la France en faveur de l'espace militaire. Le projet de loi de finances pour l'année 2002 s'inscrit dans la lignée des choix effectués alors.

En conséquence, le devenir des approches spatiales complémentaires de l'observation optique n'est pas toujours lisible : les modalités de la seconde phase du programme Syracuse 3 restent en discussion ; l'accès à la programmation des satellites radars allemands SAR-Lupe en échange d'une réciprocité en matière d'observation optique n'est pas encore acquis ; les capacités d'écoute et d'alerte ne dépasseront pas le stade des démonstrateurs.

Réalisés sur la base des succès de l'imagerie optique française au cours des années quatre-vingts, les satellites militaires d'observation Hélios 1 permettent à la France et à ses partenaires dans ce programme d'affirmer leur autonomie et de crédibiliser leur participation aux opérations de prévention des crises.

Forte de son expertise en la matière, la France continue d'accorder une haute priorité à ces équipements à travers la réalisation des satellites successeurs d'Hélios 1 : Hélios 2-A et Hélios 2-B. Bien que la Belgique ait décidé cette année de participer à hauteur de 2,5 % et que l'Espagne envisage de faire de même, le budget spatial militaire français consacre une large part de ses crédits à ce programme.

Les orientations de plus long terme en matière d'observation optique, quant à elles, n'en sont qu'au stade de la réflexion. En revanche, l'hypothèse de la réalisation d'un satellite radar national est définitivement écartée.

La France est l'une des rares nations à mettre en _uvre un instrument satellitaire d'observation optique précis et autonome. Certes, de nombreuses sociétés commerciales (le plus souvent américaines) se sont spécialisées dans la fourniture d'images susceptibles d'être exploitées à des fins militaires. Néanmoins, le système Hélios soustrait la France à toute dépendance financière ou stratégique ; cette autonomie de décision justifie que le programme d'observation optique Hélios absorbe aujourd'hui encore une grande part des crédits du budget spatial militaire national.

_ Le programme trinational Hélios 1, qui associe la France, l'Italie et l'Espagne, portait sur la réalisation de deux satellites d'observation optique dont le contrôle s'effectue à partir d'un centre principal sur la base de Francazal à Toulouse, et d'installations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception (Colmar, Iles Canaries et Lecce) et un centre de traitement des images (Creil, Torrejõn et aux environs de Rome).

Le satellite Hélios 1-A a été mis en orbite le 7 juillet 1995 par une fusée Ariane 4 et est entré en phase opérationnelle depuis le 11 octobre 1995. Le deuxième satellite, Hélios 1-B, dont la réalisation a débuté en janvier 1994, a été placé en orbite le 3 décembre 1999 par une fusée Ariane 4 et a été admis en service le 25 février 2000. Initialement, la durée de vie du satellite Hélios 1-A avait été fixée de manière contractuelle à cinq ans ; il s'est avéré qu'au terme de ce délai, le satellite était toujours opérationnel et n'avait pas encore consommé ses équipements de secours. Par conséquent, depuis le lancement d'Hélios 1-B, la France et ses partenaires disposent, de fait, de deux satellites d'observation optique Hélios 1 opérationnels.

Le montant des crédits du ministère de la Défense qui ont été consommés jusqu'à présent pour ce programme atteint 1 576,2 millions d'euros (10,4 milliards de francs). Le projet de loi de finances initiale pour 2002 prévoit 29,3 millions d'euros (192,2 millions de francs) en autorisations de programme et 24,2 millions d'euros (158,7 millions de francs) en crédits de paiement pour assurer l'exploitation et le maintien en condition opérationnelle des deux satellites.

_ Dans leur définition actuelle, les satellites Hélios 1 emportent une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques spécialisés EMS, destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Ils comprennent aussi un système d'écoute électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. L'orbite polaire héliosynchrone et les capacités de man_uvre garantissent une possibilité d'observation d'un site donné tous les deux jours (à l'équateur).

Les capacités sont limitées à l'observation de jour et par temps clair. Chaque satellite ne repasse exactement à la verticale d'un point donné que tous les vingt-six jours ; mais, compte tenu du fait que les deux satellites sont situés sur des positions orbitales complémentaires, le balayage est plus fréquent.

Des améliorations ont été incorporées au système Hélios 1-B : emport d'une mémoire de masse statique, en complément des deux enregistreurs magnétiques, pour stocker les images ; modifications apportées aux composantes sol les rendant aptes à recevoir les images civiles (SPOT, ERS ou LANDSAT) et intégrant des logiciels de photo-interprétation assistée par ordinateur ; mise au point de la station de théâtre transportable à partir d'un démonstrateur de station de réception et de traitement des images.

_ Le partage, entre les trois partenaires du programme, des temps d'utilisation (fonction des financements initiaux) est globalement satisfaisant, malgré sa complexité. Il est respecté de manière statistique sur le long terme depuis cinq ans.

Des protocoles ont permis d'étendre la coopération à la phase d'exploitation du programme et au maintien en condition opérationnelle.

La nouvelle génération de satellites Hélios 2 a entre autres objectifs de valoriser les acquis du programme précédent en rentabilisant les investissements, en modernisant les installations à mi-vie et en bénéficiant de synergies avec les programmes civils. Elle doit également intégrer les améliorations technologiques dans les domaines de la capacité de prises de vues, de la réduction des délais d'accès aux informations recueillies et de la résolution des images.

En 1998, la décision a été prise de décaler le lancement d'Hélios 2, notamment en raison des difficultés rencontrées pour établir des partenariats européens. La phase de réalisation du programme a été finalement engagée afin d'assurer la continuité du service d'observation optique, même en cas d'imprévu sur le programme Hélios 1. Le premier exemplaire, Hélios 2-A, sera disponible au lancement en mars 2004.

Depuis le 13 juillet 2001, la France conduit ce programme avec la Belgique. D'autres coopérations européennes devraient être nouées, avec l'Espagne notamment, qui accepterait de participer à un niveau de 2,5 %.

Le coût total du programme Hélios 2 a été estimé à 1 742 millions d'euros (11,4 milliards de francs), le financement de l'adaptation nécessaire des installations au sol dans une démarche d'interopérabilité étant inclus dans cette évaluation. Dans la lignée des enseignements du conflit du Kosovo, il a été décidé de doter Hélios 2 d'une résolution plus précise, de l'ordre de 10 centimètres, induisant par là même un surcoût de quelques 121,95 millions d'euros (800 millions de francs) et un report de la date de lancement du premier satellite initialement prévue pour juin 2003.

D'ores et déjà, la somme des crédits de paiement consommés pour le développement et la réalisation du système s'élève à 1 272,3 millions d'euros (8,3 milliards de francs). La DGA s'est placée dans un contexte de maîtrise des coûts sans transiger sur les capacités opérationnelles.

Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit 99,2 millions d'euros (650,7 millions de francs) d'autorisations de programme et 176,4 millions d'euros (1,16 milliard de francs) de crédits de paiement pour ce programme ; Hélios 2 représentera donc, avec le programme de renouvellement des télécommunications, le poste de dépense le plus important des crédits consacrés à l'espace en 2002.

D'une manière générale, un satellite d'observation radar constitue un instrument d'observation complémentaire du dispositif d'observation optique. Il est d'autant plus utile qu'il permet un meilleur balayage de la zone à couvrir sans même basculer sur lui-même, ce qui évite les mécanismes de stabilisation.

Les estimations prévisionnelles du coût d'un système radar comprenant trois satellites et une composante sol, s'élevaient dans la loi de programmation militaire 1997-2002 à l'équivalent de 990,1 millions d'euros (6,5 milliards de francs), et ce, dans les hypothèses d'une participation allemande de près de 40 %, d'un investissement français équivalent au tiers du programme et d'une contribution italienne de l'ordre de 20 %. Les difficultés budgétaires relatives à la participation allemande ont conduit le Gouvernement français, dans le cadre de la revue des programmes, à arrêter le projet Horus.

A défaut de pouvoir posséder un système radar, la France choisi de s'assurer un accès à de tels équipements. Lors du sommet franco-italien qui s'est tenu à Turin le 29 janvier 2001, les Gouvernements français et italien ont signé un mémorandum sur l'observation spatiale. Aux termes de ce dernier, la France accorde aux autorités italiennes le droit d'accéder à la programmation du système Hélios 2 et de la constellation de deux satellites d'observation optique à vocation duale Pléiades en contre partie d'un droit d'accès réciproque à la programmation de la constellation de quatre satellites d'observation radar Cosmo-Skymed que l'Italie s'apprête à concevoir et qui seront opérationnels à la même date, c'est-à-dire à partir de 2003-2004.

Le ministère de la Défense, en sus de cette coopération opérationnelle avec l'Italie, envisage de s'associer à la mise en _uvre de la composante radar haute résolution militaire SAR-Lupe que l'Allemagne devrait très prochainement décider de réaliser. Cette éventualité est là encore envisageable en contre partie d'un accès aux données optiques du système Hélios.

Sous réserve d'une adaptation des stations de réception des images au sol et d'une garantie de programmation autonome, de telles coopérations devraient compléter le système d'observation spatiale français. Notre pays fera ainsi l'économie d'un investissement non négligeable.

Votre Rapporteur se réjouit de l'aboutissement d'une coopération à moindre coût pour les armées. Il s'interroge néanmoins sur les moyens que les Italiens et les Allemands mettront à disposition du développement de leurs programmes respectifs, dont l'un est réputé agile (Cosmo-Skymed) et l'autre à haute résolution (SAR-Lupe). Compte tenu des vicissitudes qui ont affecté le programme Horus, ainsi que du contexte budgétaire qui prévaut en Italie et en Allemagne, on peut tout de même se demander si une participation française au financement de ces équipements ne serait pas indispensable afin d'en garantir la performance et le caractère opérationnel d'ici deux-trois ans. Au demeurant, les compétences industrielles nationales dans le domaine de l'observation radar ne seront ni valorisées, ni rentabilisées, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la filière technologique spatiale française.

Le satellite Hélios 2-A devrait être opérationnel jusqu'en 2008, tandis qu'Hélios 2-B devrait l'être jusqu'en 2012. Le problème de leur remplacement ne se posera donc pas avant quelques années. Cette question fait pourtant déjà l'objet de réflexions importantes, étant donnée la place des satellites Hélios dans le dispositif français de défense. A cet égard, le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 précise : « Un effort conséquent en matière d'études amont sera réalisé dès la présente loi pour maîtriser toutes les technologies afférentes à de futures plates-formes satellitaires et à leurs segments sol. »

Les moyens d'observation optique par satellites participent à des missions d'intérêts stratégiques et tactiques de plus en plus évidents : la prévention des conflits bien sûr, la surveillance (volet qui prend une importance considérable dans le cadre d'une participation active à la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive), l'évaluation des dégâts causés à l'ennemi (le battle damage assessment), le guidage des munitions de haute précision, l'identification des auteurs d'éventuelles agressions (élément indispensable de toute politique de dissuasion). En conséquence, la mise en _uvre d'équipements spécifiquement militaires se justifie. Hormis certaines caractéristiques communes à tous les systèmes d'observation, c'est-à-dire la résolution qui définit la finesse de l'image, la fonction de transfert de modulation qui caractérise la netteté de l'image, le rapport signal-bruit qui détermine la validité des informations, et la précision et la localisation des images (indispensables à la définition d'une capacité de frappe par missiles de croisière), les systèmes de reconnaissance militaire procèdent de contraintes particulières, à savoir :

- le délai total d'accès à l'information, d'autant plus court que le système repose sur plusieurs satellites et ne procède pas d'une hiérarchisation des priorités selon des critères commerciaux ;

- la confidentialité des demandes de prises de vues, assurée dès lors que le système est dédié, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas en revanche des systèmes commerciaux ;

- l'intégrité de l'information transmise, c'est à dire l'assurance que les images acquises n'ont pas été manipulées par voie informatique ;

- la confidentialité des images transmises, élément essentiel pour les objectifs stratégiques ;

- la protection contre les agressions laser (aveuglement voire destruction des capteurs), d'autant plus nécessaire sur les futurs satellites militaires (à l'horizon de dix-quinze ans) que la technologie des lasers de puissance est d'acquisition aisée.

En définitive, seuls les systèmes dédiés et les systèmes gouvernementaux duaux garantissent un niveau de confidentialité et d'intégrité suffisant. C'est donc en référence à de tels systèmes qu'il convient d'envisager le programme destiné à succéder à Hélios 2.

A l'horizon 2005, les armées françaises seront en mesure de disposer d'images de résolution submétrique (Pléiades et Hélios 2), d'images infrarouges (Hélios 2) et d'images radar (Cosmo-Skymed, SAR-Lupe). Cependant, à l'horizon 2008-2009, la capacité bisatellitaire Hélios 2 ne sera plus assurée, rendant ainsi
plus hypothétique la permanence de l'observation (y compris en infrarouge) de chaque point du globe. De même, la complémentarité radar (facilement brouillable) - optique (plus difficilement leurrable) ne sera plus optimisée. Il faut donc dès à présent réfléchir à un successeur à Hélios 2.

De sources industrielles, il est possible d'esquisser le coût de deux satellites d'1 à 1,3 tonne, de résolution décimétrique dans le visible et métrique dans l'infrarouge, avec une capacité de prise de vues supérieure à Hélios 2 (plus lourd donc moins maniable) : ce coût avoisinerait les 600 millions d'euros (3,9 milliards de francs, soit trois fois moins que le coût d'Hélios), lancement et composante sol inclus.

Sachant que ni l'Allemagne, ni l'Italie ne souhaitent investir dans un système d'observation optique puisqu'elles ont misé sur le développement de filières nationales d'observation radar, il sera difficile à l'Europe d'en posséder un si la France n'assure pas son financement dès la prochaine loi de programmation militaire. Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 ne prévoit que les crédits nécessaires aux recherches. Votre Rapporteur estime pour sa part qu'il aurait été pertinent d'y inscrire un volume d'autorisations de programme suffisant pour envisager le début du développement de la nouvelle génération de satellites d'observation optique français.

Certes, il y a tout lieu de croire que, compte tenu des redondances technologiques des équipements, la durée de vie d'Hélios 2 sera supérieure à ce qui était initialement envisagé ; par conséquent, la France devrait disposer d'une constellation de deux satellites au delà de 2008-2009. Néanmoins, la fabrication des satellites de nouvelle génération ne pourra commencer au moment où la durée de vie d'Hélios 2 ne sera plus garantie. En cela, l'échéancier de la relève du système d'observation optique français apparaît relativement court.

Le projet de loi de finances initiale pour l'année 2002, comme le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, prévoit les financements nécessaires au renouvellement à court terme des moyens spatiaux de télécommunications des armées (Syracuse 3-A). A long terme néanmoins, l'avenir du programme Syracuse 3 reste plus incertain.

L'absence de financement intégral du satellite Syracuse 3-B dans le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 pose le problème de la crédibilité de l'ambition de la France de jouer le rôle de nation-cadre dans le domaine spatial au niveau européen. La réalisation en Europe d'équipements recourant aux techniques EHF est absolument nécessaire pour garantir l'autonomie des systèmes de transmission et de communication des armées du Continent. La France dispose des compétences industrielles nécessaires, sous réserve de financements qui font actuellement défaut.

Les communications spatiales militaires reposent depuis le milieu des années quatre-vingts sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires.

La première génération Syracuse 1 a compris trois satellites : Télécom 1-A lancé en août 1984, Télécom 1-B en mai 1985 et Télécom 1-C en mars 1988. La deuxième génération Télécom 2-Syracuse 2 a assuré la continuité du service grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom 2-A), en avril 1992 (Télécom 2-B), en décembre 1995 (Télécom 2-C) et le 8 août 1996 (Télécom 2-D).

Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre l'écoute, l'intrusion et les brouillages. Elles permettent également d'étendre les capacités du système par la réalisation d'un ensemble complet de stations, terrestres ou navales : près de soixante dix-sept nouvelles stations ont été installées (seize navales, vingt-deux terrestres, dix sous-marines et vingt-neuf sur véhicules légers), entre 1991 et 1997, pour les stations de série. Le parc final atteint ainsi quatre-vingt quatorze stations sol et vingt-trois stations mobiles.

Le coût total du programme Syracuse 2 est estimé à 2 190 millions d'euros (14,3 milliards de francs), dont 555,8 millions d'euros (3,6 milliards de francs) au titre des compléments. Le montant des crédits consommés à ce jour avoisine 1 768 millions d'euros (11,6 milliards de francs) ; 27,14 millions d'euros supplémentaires (178 millions de francs) en autorisations de programme ainsi que 51,1 millions d'euros (335,2 millions de francs) en crédits de paiement sont inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 2002.

La durée de vie des satellites, fixée initialement à dix ans, limitait à 2001 la continuité du service, mais les actions de complément permettront de prolonger le système jusqu'en 2005. Il convient de préparer la nouvelle génération de satellites de télécommunications dès à présent, afin de développer une meilleure interopérabilité avec nos Alliés de l'OTAN. En effet, l'expérience des crises du Kosovo et plus récemment de la Macédoine a montré les limites du système en termes de hauts débits (insuffisants pour transmettre des images numériques) et de couverture. La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 avait inscrit l'équivalent de 609,8 millions d'euros (près de 4 milliards de francs) de crédits de paiement pour le développement de cette troisième génération de satellites, dont le premier exemplaire sera lancé en 2003.

La recherche d'une coopération européenne se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux en service (le britannique Skynet 4 et le français Syracuse 2), et par la convergence des besoins opérationnels avec l'Allemagne. Selon le schéma retenu, il pouvait être envisagé un projet binational (Bimilsatcom) ou trinational (Trimilsatcom). En 1998, le Royaume-Uni a privilégié une solution nationale en raison de différences d'approche sur le recours aux techniques EHF et de considérations industrielles. Aucun pays européen ne maîtrise encore cette technique et on peut supposer qu'une entente a eu lieu avec les Etats-Unis. Le Royaume-Uni semble en réalité avoir fait le pari de l'échec de la coopération européenne et de l'achat « sur étagère » des techniques EHF.

La France ne souhaitait pas renoncer à la coopération mais, dans l'immédiat, une solution intermédiaire s'est avérée nécessaire pour attendre la conception d'un système commun avec l'Allemagne. Pour cette raison, la démarche retenue pour la réalisation du système successeur de Syracuse 2 s'articule en deux étapes :

- la première, sous maîtrise d'_uvre nationale, devrait permettre de mettre en orbite un satellite de nouvelle génération exclusivement dédié aux télécommunications militaires fin 2003 (Syracuse 3-A) ;

- la seconde, reposant sur le principe d'un financement conjoint et d'une coopération industrielle (avec l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Belgique), compléterait d'ici à 2006, fin de vie de Télécom 2-D, la constellation de satellites nécessaires à la satisfaction du besoin opérationnel de la France et conduirait à la conception de nouvelles stations ainsi qu'à la mise en _uvre d'un nouveau système de gestion de l'ensemble.

Le coût total prévisionnel du programme est estimé à 2 051 millions d'euros (près de 13,5 milliards de francs, valeur 2001). Sur cette base, 104,9 millions d'euros d'autorisations de programme (688 millions de francs) et 156,6 millions d'euros de crédits de paiement (1,03 milliard de francs) ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002, contre respectivement 222,3 millions d'euros (1,46 milliard de francs) et 110,1 millions d'euros (722 millions de francs) dans la loi de finances pour l'année 2001. Cette augmentation substantielle des crédits de paiement traduit une accélération de la phase de conception de Syracuse 3-A.

Le premier satellite du programme Syracuse 3, dont la réalisation sera assurée par Alcatel Space Industries, représente un saut technologique important par rapport aux satellites du programme antérieur. Alors que les composantes de Syracuse 2 disposaient de cinq canaux SHF, la charge utile de Syracuse 3-A contiendra neuf canaux SHF et six canaux EHF, conférant ainsi aux équipements une rapidité plus importante des débits et une possibilité de connexion accrue. Le satellite Syracuse 3-A possédera en outre une antenne active antibrouillage SHF de nouvelle génération. Le nombre de stations de réception au sol devrait également être significativement accru : 460 stations navales, terrestres et aéroportées sont ainsi prévues.

Grâce au lancement de Syracuse 3-A, la continuité du service du système Syracuse en matière de télécommunications militaires sera assurée jusqu'en 2005-2006. Le financement d'un second satellite est d'autant plus nécessaire pour la période suivante qu'il conférerait à la France la stature lui permettant d'être nation-cadre en C3R pour les missions dites de Petersberg. Actuellement, le type de financement à retenir pour le deuxième satellite Syracuse 3 n'a pas été défini. Il semble indispensable d'assurer un dimensionnement suffisant en définissant rapidement les modalités d'acquisition du second satellite de la constellation. Une coopération européenne est présentée comme indispensable pour le développement de Syracuse 3-B. Encore faut-il prendre en considération les besoins des partenaires éventuels (de l'Allemagne notamment), en réfléchissant à la possibilité d'intégrer au programme une capacité UHF aujourd'hui inexistante alors même qu'elle constitue le support de la liaison 16, vecteur de communication et de gestion tactique en temps réel qui sera essentiel pour les opérations extérieures de demain.

Les programmes complémentaires de l'observation optique et radar, s'ils ne font pas partie des quatre objectifs prioritaires poursuivis par la politique spatiale française, précisent les informations recueillies par ce biais : en effet, les satellites d'écoute électromagnétique permettent de détecter et de localiser les moyens adverses. Une question se pose néanmoins au sujet de l'adéquation (ou non) des investissements réalisés en la matière avec l'évolution des technologies de communication, la libéralisation du chiffre et les transmissions par fibre optique.

Le renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) est assurément essentiel pour l'alerte d'une crise en gestation ; néanmoins, il est difficile d'anticiper sur des technologies nouvelles et de suivre les investissements fournis par les opérateurs civils (comme l'illustre le développement des normes GSM et UMTS). Par conséquent une réflexion au sujet des efforts nationaux et européens en matière de renseignement d'origine électromagnétique apparaît nécessaire, sinon indispensable. Il en va de même dans le domaine de la « guerre informatique », volet qui devrait être essentiel pour le renseignement à l'avenir.

Les programmes de cohérence, quant à eux, ont plus particulièrement vocation à affiner le cadre d'intervention des forces. L'importance de ces approches n'est pas mésestimée, car elles bénéficient d'un effort d'application maintenu à travers la réalisation de démonstrateurs ou le recours à des moyens civils. Le projet de loi de programmation militaire portant sur les années 2003-2008 envisage d'ailleurs de poursuivre le développement de tels systèmes.

L'écoute électromagnétique par des moyens spatiaux est nécessaire à la connaissance des activités militaires et des caractéristiques des matériels mis en _uvre chez l'adversaire. Un système d'écoute permet de localiser les sources d'émission, de surveiller les déplacements et les variations significatives d'intensité. Ce type d'équipement présente en outre l'avantage de n'être ni visible, ni intrusif, et de constituer de manière continue des bases de référence.

Des études préparatoires avaient débuté dès juillet 1992. Mais la loi de programmation militaire 1995-2000 n'avait pas retenu le projet Zénon et seul le financement d'une veille technologique a été décidé. Dans une première étape, deux micro-satellites scientifiques d'environ 50 kilogrammes ont été développés de manière exploratoire et financés au titre des études amont spatiales.

_ L'un, Cerise, a été lancé en même temps qu'Hélios 1-A le 7 juillet 1995. Il était chargé, jusqu'à l'achèvement de sa mission en 2000, d'effectuer des mesures d'impulsion électromagnétique dans certaines gammes de fréquences. Il a contribué à une meilleure connaissance de l'environnement radioélectrique tout en préparant l'insertion des futurs satellites d'observation dans un spectre de fréquences actuellement encombré. Les dépenses liées à sa réalisation et à son lancement se sont élevées à 12,5 millions d'euros (82 millions de francs). Son maintien en condition opérationnelle a représenté une dépense d'environ 609 796 euros (4 millions de francs) sur la période 1995-2000.

_ Un satellite analogue, Clémentine, portant sur des bandes de fréquences différentes a été lancé avec Hélios 1-B, le 3 décembre 1999. Le coût total de sa réalisation et de son lancement, supporté au titre des études et de la recherche amont, s'est élevé à 15,2 millions d'euros (99,7 millions de francs). Il est probable que le poids financier de son maintien en condition opérationnelle, jusqu'au terme de sa période d'exploitation en 2003, avoisinera celui de Cerise.

La seconde étape, confirmée par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008, consiste à mettre en _uvre le programme de démonstrateurs Comint, Essaim. Quatre micro-satellites d'écoute des communications, destinés à compléter en constellation rapprochée et en bande basse, les démonstrateurs Cerise et Clémentine (fonctionnant en bande haute), devraient être lancés en 2004 et exploités jusqu'en 2009. Cet essaim remplira la fonction d'un indice d'alerte dans la gestion des crises, tout en favorisant l'évaluation des dommages. Le coût total du programme est évalué à 79,3 millions d'euros (519 millions de francs), dont environ 70,1 millions d'euros (460 millions de francs) pour le développement, la réalisation et le lancement conjoint avec Hélios 2-A. Les coûts d'exploitation du système sur cinq ans s'élèveraient à 9,2 millions d'euros (60 millions de francs).

A plus long terme, la réalisation d'un ensemble satellitaire d'écoute électromagnétique ne semble pouvoir être envisagée que dans un cadre multinational. Les premières discussions avec l'Allemagne montrent à l'évidence que ses responsables privilégient le cadre de l'OTAN, dans la mesure où des accords secrets de défense lient déjà la République fédérale aux Etats-Unis pour l'analyse des signaux électromagnétiques.

_ La météorologie et l'océanographie sont considérées comme des éléments majeurs de la planification des opérations militaires. Les besoins actuels en données météorologiques sont couverts par les satellites civils géostationnaires Meteosat (satellites européens qui seront renouvelés à partir de 2002 et complétés par les satellites à orbite polaire Metop à l'horizon 2005) ; les capacités satellitaires en matière d'océanographie reposent sur Topex-Poséidon (satellite français d'océanographie qui sera relevé par Jason 1 à la fin de l'année 2001). Ces équipements suffisent aux forces armées en termes d'infrastructures, mais un meilleur accès aux informations est en cours d'étude afin de recevoir et de traiter les données sur site.

Par ailleurs, une réflexion est actuellement menée au sujet du système européen d'information GMES (Global monitoring for environnement and security), dont l'objet déborde le seul cadre de la météorologie et de l'océanographie pour englober la surveillance des changements climatiques, le contrôle des risques naturels, la gestion des ressources en eau et la sécurité des approvisionnements alimentaires. Ce système s'insère dans la droite ligne des programmes de cohérence. Son intérêt stratégique global justifie que l'Europe y accorde des financements : le satellite Envisat de l'ESA, lancé à la fin de cette année, jouera un rôle majeur pour la mise en _uvre du plan d'action GMES.

_ La mission de surveillance de l'espace constitue un facteur essentiel de sécurité car elle permet d'apprécier les menaces des systèmes adverses en service et de se prémunir contre elles.

A la suite de la revue des programmes, il a été décidé d'arrêter le programme de système de surveillance de l'espace (SSE) mais d'en conserver les acquis. C'est pourquoi le projet de démonstrateur radar Graves, proposé par l'ONERA mais financé sur crédits de la DGA, sera achevé. Les études, qui ont fait l'objet d'un moratoire d'un an, ont repris et permettront d'acquérir une capacité pré-opérationnelle à l'horizon 2002. Cette capacité donnera un certain niveau d'autonomie en matière de détection mais devra être ultérieurement complétée par un moyen d'identification et de poursuite pour constituer véritablement un premier ensemble opérationnel. La revue des programmes a également mis fin au projet de télescope Solstice pour photographier les satellites et les identifier ; elle a également conduit à dénoncer le contrat avec Spot-Images pour l'obtention d'images de satellites en orbite.

_ La navigation et le positionnement ne cessent de prendre de l'importance dans la conduite des opérations militaires. Le système américain de navigation par satellites GPS (Global Positioning System), dont l'accès est gratuit, est de plus en plus utilisé par les forces armées. La réflexion portant sur l'utilisation des systèmes actuels et l'éventuelle constitution d'une constellation concurrente a finalement débouché sur la décision, prise concomitamment par le Conseil des Ministres de l'ESA et par celui de l'Union européenne, de lancer la phase de définition de Galileo, système de navigation par satellites indépendant du GPS, dont il a déjà été fait état lors de précédents développements concernant les coopérations européennes en matière spatiale.

On peut concevoir qu'un réel problème d'autonomie et de sécurité existe, dans la mesure où les Etats-Unis peuvent refuser dans certains cas l'utilisation du service sans préavis et sans motivation. Par conséquent, Galileo offre aux armées européennes la possibilité de disposer de moyens de navigation de haute qualité sans dépendre de l'accord d'une puissance étrangère pour les utiliser. Cette autonomie est d'autant plus importante que le système de navigation par satellites est primordial pour les futurs systèmes de missiles de croisière et de bombes guidées par satellites (et donc efficaces par tous temps). Les ministères français de la Défense, des Affaires étrangères, des Transports, et de la Recherche évaluent actuellement les modalités de mise en _uvre d'un tel système et réfléchissent surtout sur les spécificités à y apporter pour permettre un usage sécurisé par les forces armées. Les contraintes techniques ne posent pas de réel problème car les solutions reposent peu ou prou sur des mécanismes similaires à ceux en vigueur sur le GPS. Par contre, la gratuité du service doit être assurée, de manière à ne pas engendrer un effet dissuasif par d'éventuels surcoûts pour les forces utilisatrices.

_ L'alerte et le contrôle du départ des missiles balistiques paraissent hors de portée d'un seul pays, à l'exception notable peut-être des Etats-Unis. Les études préalables ont montré que, pour détecter un signal infrarouge et déterminer (par calcul) la trajectoire ainsi que le point d'impact d'un missile, le système devrait s'appuyer sur deux à trois satellites en orbite basse, observant en permanence une région donnée. La justification d'un système d'alerte est triple : il s'agit d'un élément de contrôle de la prolifération, d'un élément de dissuasion par l'identification de l'agresseur et d'un élément de défense de théâtre.

Le projet MEADS a été élaboré au sein de l'OTAN. La France a renoncé à poursuivre sa collaboration à ce programme en raison du coût prohibitif qui serait à sa charge. La phase de définition, engagée en 1999, ne réunit donc que les Etats-Unis (Lockheed Martin), l'Allemagne (EADS GmbH) et l'Italie (Alenia Marconi System). Des réflexions relatives à la défense antimissiles et à la détection infrarouge des tirs ont quand même lieu au niveau national. La loi de programmation 2003-2008 prévoit même qu'elles continueront, afin de permettre à la France de se doter, à l'horizon 2010, d'une première capacité de protection de sites ponctuels ou d'une force déployée sur un théâtre d'opérations extérieures face à des missiles balistiques.

DEUXIÈME PARTIE : LES MOYENS DE COMMUNICATION,
DE RENSEIGNEMENT ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS

La programmation militaire a été construite autour du concept de cohérence interarmées. L'analyse stratégique a montré que, dans les conflits auxquels la France devra participer ou auxquels elle sera associée, l'efficacité opérationnelle d'ensemble reposera sur la conjugaison des capacités propres à chaque armée et sur la maîtrise de toutes les fonctions interarmées ; c'est pourquoi, une attention croissante a été portée aux moyens qui relèvent des fonctions de commandement, de communication, de conduite des opérations et de renseignement.

I. - LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT : UN DOMAINE BUDGÉTAIREMENT PRIVILÉGIÉ

Les systèmes de communication en service dans les armées sont marqués par la période de guerre froide pendant laquelle ils ont été conçus. L'obsolescence de certains systèmes a imposé leur refonte complète. Celle-ci prend en compte l'évolution du concept stratégique et intègre les contraintes liées à la projection des forces et au caractère interarmées des opérations.

La refonte des systèmes fait appel à la complémentarité des moyens civils et militaires, même si elle préserve toujours un noyau militaire. Elle privilégie les réseaux et les services interarmées ; elle confère aux autorités organiques la responsabilité de leurs moyens ; elle cherche à renforcer la confidentialité, la sécurité et la fiabilité des systèmes tant au sein des forces qu'entre celles-ci et les différents échelons de commandement. La mise en _uvre des nouveaux systèmes crée ainsi un noyau homogène et plus cohérent sur lequel se greffent les réseaux de desserte et les réseaux tactiques de chaque armée.

Hormis le système de radiocommunications par satellites Syracuse, les moyens de communication de niveau interarmées et du haut commandement incluent trois systèmes :

RIMBAUD (Réseau interministériel de base uniformément durci), qui est un système interministériel au service des plus hautes autorités civiles et militaires impliquées dans la défense nationale. Les matériels utilisés s'appuient sur des concessions civiles de France Télécom mais sont durcis aux impulsions électromagnétiques. Le Secrétariat général pour la défense nationale (SGDN), qui gère le système, a lancé, fin 1997, un programme de valorisation afin de l'ouvrir à de nouveaux services sécurisés (téléphones cellulaires GSM sécurisés, par exemple). Une expérimentation technico-opérationnelle est en cours depuis 1999 ;

RETIAIRE (Réseau interarmées d'infrastructure), qui est principalement orienté vers les unités nucléaires spécialisées. Il supporte aussi certaines applications de l'Etat-major des armées. Comme le réseau RIMBAUD, il est durci à l'impulsion électromagnétique et assure un niveau de confidentialité secret-défense. Mais ses fonctions seront progressivement transférées au système SOCRATE au fur et à mesure de sa montée en puissance ;

SOCRATE, qui, compte tenu de l'obsolescence ou de l'insuffisance des réseaux de transit propres à chaque armée, essentiellement RITTER pour l'armée de Terre, RA 70 pour l'armée de l'Air et réseaux en concessions pour la Marine, devrait remplacer les services existants par un seul système interarmées. Une partie, environ 25 % du réseau cible, est opérationnelle depuis le début de 1998, mais le déploiement complet ne sera achevé qu'en 2005, soit plus de deux ans après le délai prévu par la programmation militaire. Le nouveau réseau fournira des services modernes de téléphonie, de télégraphie et de transmission de données.

Par ailleurs, SOCRATE offrira des possibilités de transit aux réseaux de desserte locale des armées et pourra s'interconnecter aux principaux systèmes, nationaux ou alliés, en offrant un niveau de protection suffisant. Le coût total de ce programme est estimé à 1 041 millions d'euros (6,83 milliards de francs). Le projet de loi de finances initiale prévoit près de 28,2 millions d'euros (185 millions de francs) d'autorisations de programme et 49,4 millions d'euros (324 millions de francs) de crédits de paiement (dont 3,8 millions d'euros/25 millions de francs sont issus de reports de crédits). La réalisation du réseau SOCRATE reste donc prioritaire.

Il convient d'ajouter qu'un réseau national permet des échanges essentiellement télégraphiques et téléphoniques entre la métropole, les DOM-TOM et les points d'appui de la France en Afrique (Djibouti, Dakar, Libreville et Abidjan). L'OMIT, dont les canaux s'appuient sur le système Syracuse et sur les moyens de radio HF, revêt toute son importance en dehors de la couverture de Syracuse, où il reste le seul moyen militaire national de communication. Actuellement vieillissant, il fait l'objet d'une rénovation par l'intermédiaire du programme interarmées Mathilde, dont la phase de réalisation a débuté en janvier 2000.

D'une manière plus générale, la veille informatique destinée à la protection des différents systèmes d'information relève de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information (DCSSI), qui dépend elle même du SGDN. Bénéficiaire d'un plan de développement triannuel depuis l'année 2000, cette structure verra ses effectifs progresser de 18 postes au titre du projet de loi de finances pour l'année 2002.

La maîtrise des moyens de commandement, de contrôle de l'information et de gestion des données a révélé toute son importance au cours des crises récentes à la gestion desquelles la France était partie prenante. Ces moyens connaissent donc un développement significatif.

Comme l'année passée, les systèmes d'information, de télécommunications et de commandement font l'objet d'un traitement budgétaire favorable :

la poursuite de l'équipement de l'armée de l'Air par le nouveau système de transmission MTBA (moyen de transmission des bases aériennes) se traduit par l'équipement de six nouvelles bases. La diminution des crédits de paiement marque un ralentissement des acquisitions : en effet 40,7 millions d'euros (267 millions de francs) sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002 contre 64,9 millions d'euros (426 millions de francs) pour l'exercice 2001. Cependant, à la différence de la loi de finances de l'année 2001, le projet de loi de finances pour l'année 2002 comporte un montant d'autorisations de programme qui s'élève à 5,3 millions d'euros (34,7 millions de francs). Avec vingt-six livraisons cumulées prévues fin 2002, 57 % des commandes prévues par la loi de programmation en cours (qui ont quasiment toutes été passées) auront été honorées ;

l'armée de Terre continue elle aussi de bénéficier de cette priorité à travers le programme de modernisation des MTGT (moyens de transmission des garnisons) : 27,8 millions d'euros (182,4 millions de francs) sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002 en autorisations de programme ; les crédits de paiement s'élèvent quant à eux à 17,6 millions d'euros (115,4 millions de francs). Ces abondements permettront la commande de quarante-neuf systèmes et trente-cinq livraisons, portant le nombre de commandes cumulées à quatre-vingt seize pour quarante et une livraisons effectives. La fin du déploiement est prévue en 2004 ;

- enfin, la Marine nationale devrait poursuivre son programme d'équipement en matière de systèmes de télécommunications et d'espace, les autorisations de programme s'élevant dans le projet de loi de finances pour 2002 à un peu plus de 77,75 millions d'euros (510 millions de francs) alors que les crédits de paiement se montent à 64,49 millions d'euros (423 millions de francs). Les crédits concernant les systèmes d'information, de télécommunications et de commandement avoisinent quant à eux 5,13 millions d'euros (33,65 millions de francs) en autorisations de programme et 3,81 millions d'euros (25 millions de francs) en crédits de paiement.

PRINCIPALES COMMANDES ET LIVRAISONS
D'ÉQUIPEMENTS DE COMMUNICATIONS MILITAIRES EN 2002

Modules

Commandes

Livraisons

Poste de radio de 4ème génération PR4G

0

1 200

MTBA

0

6

SCIF

0

7

COBRA

0

3

MTGT

49

35

Parallèlement, le système informatique de commandement des armées de première génération SICA doit doter les forces d'un outil moderne d'informatique de commandement et de gestion des situations, dont la sécurité sera renforcée et la vulnérabilité réduite. Il regroupe des aides à l'exploitation des données et des outils de gestion des informations. Le projet de loi de finances pour 2002 y affectera 20,7 millions d'euros (135,8 millions de francs) en autorisations de programme et 27,4 millions d'euros (179,7 millions de francs) en crédits de paiement. Il sera prolongé par les systèmes compatibles de chacune des armées, SICF/SIR pour l'armée de Terre, SCCOA pour l'armée de l'Air et SYCOM pour la Marine.

Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 prévoit également le remplacement du système aide au commandement (ACOM) par le système d'information et de commandement du XXIème siècle (SIC 21) : système de commandement d'une force navale française, il devrait être interopérable dans un cadre allié.

L'objectif est de disposer d'architectures flexibles, modulaires et interopérables.

Le SCCOA est un système d'information et de commandement destiné au recueil, à la gestion, au traitement et à la diffusion de l'information pour l'ensemble des missions opérationnelles conventionnelles de l'armée de l'Air. Il regroupe des études et fabrications relatives à des capteurs (radars principalement), à des centres d'opérations associés aux différents échelons de commandement et à des moyens de transmission. Le financement de certains capteurs devrait être assuré par l'OTAN dans le cadre de son programme interopérable ACCS (Air Control and Command System), dont le SCCOA est la partie française.

Le programme a été scindé en trois étapes, dont la première a été lancée en février 1993 et est opérationnelle depuis cette année. Le coût total du programme est aujourd'hui estimé à environ 2 330 millions d'euros (près de 15,3 milliards de francs), dont 794 millions d'euros (5,2 milliards de francs) pour l'étape n°1, 337 millions d'euros (2,2 milliards de francs) pour l'étape n°2 et 1 199 millions d'euros (7,9 milliards de francs) pour l'étape n°3.

Les crédits inscrits pour la période 1997-2002 dans la loi de programmation militaire dépassent 884 millions d'euros (5,8 milliards de francs). A ce jour, 652 millions d'euros (4,3 milliards de francs) ont déjà été consommés. Le projet de loi de finances pour l'année 2002 prévoit quant à lui 159 millions d'euros (1,04 milliard de francs) d'autorisations de programme et 103,6 millions d'euros (680 millions de francs) de crédits de paiement, soit une augmentation par rapport à l'exercice en cours qui marque une accélération du déroulement du programme.

_ Le programme SICF a pour objectifs de constituer le système global d'information et de commandement des PC de division et de fournir tous les éléments de stockage et de traitement de l'information. Il est destiné à améliorer la cohérence et le rendement de la chaîne de commandement par automatisation des manipulations, transferts et traitements réalisés avec les autres systèmes d'information de l'armée de Terre, des autres armées et des Alliés.

L'armée de Terre devrait être dotée au cours des prochaines années d'ensembles d'information et de commandement des forces, dont la mise en service opérationnel est intervenue pour la première brigade le 1er octobre 2000. La mise en service opérationnel de la seconde brigade est effective depuis mars 2001. La première version comprend deux PC de niveau brigade, deux plates-formes d'entraînement et une plate-forme de référence. Son coût total de réalisation s'élève à 63 millions d'euros (413 millions de francs). La seconde version, dont la mise en service opérationnelle est prévue pour décembre 2003, doit équiper onze PC de différents niveaux. Son coût total estimé est de 71 millions d'euros (465 millions de francs).

Sept livraisons de modules opérationnels sont prévues pour l'année 2002. Les autorisations de programme du projet de loi de finances pour 2002 qui concernent le SCIF s'élèvent à 9 millions d'euros (59 millions de francs), dont 6,56 millions d'euros (43 millions de francs) pour le développement ; les crédits de paiement atteignent 20,79 millions d'euros (136,4 millions de francs), dont 12,03 millions d'euros (78,96 millions de francs) pour la production. Au 31 décembre 2001, quarante modules opérationnels auront été commandés et vingt-deux livrés.

_ Parallèlement, pour assurer le commandement des régiments et des unités élémentaires lors de leur engagement, des systèmes modulaires d'information sur véhicules (programme SIR) ont été commandés. Leur livraison est intervenue elle aussi à partir de l'année 2000. Une cible de 441 véhicules de série a été retenue pour un coût total de 141,4 millions d'euros (soit 927,5 millions de francs, valeur 2000) pour le développement et de 219,2 millions d'euros (1,44 milliard de francs, valeur 2000) pour la production. Le projet de loi de finances pour l'année 2002 prévoit 25,2 millions d'euros (165,3 millions de francs) en autorisations de programme et 32,7 millions d'euros (214,5 millions de francs) en crédits de paiement pour mener à bien le système d'information régimentaire : ainsi, soixante-six systèmes seront commandés et treize seront livrés.

II. - LE RENSEIGNEMENT : UN ENJEU CRUCIAL À L'ABRI DES VICISSITUDES BUDGÉTAIRES

Domaine prioritaire aux termes de la loi de programmation militaire, la capacité à acquérir et à traiter le renseignement militaire est une des clés de l'autonomie stratégique de notre pays, tout particulièrement dans un contexte international de prévention et de règlement des crises. L'actualité récente (en l'occurrence les attentats perpétrés sur le territoire américain le 11 septembre dernier) a confirmé le bien-fondé de cette priorité.

Le recueil du renseignement s'appuie sur un ensemble de moyens complémentaires, qui ne se limitent pas aux équipements spatiaux. Les systèmes et les services en charge de cette mission jouent un rôle essentiel. Les premiers bénéficient d'un traitement budgétaire variable alors que les seconds voient se conforter les efforts d'amélioration de leurs capacités, engagés depuis quelques années déjà.

D'un point de vue strictement budgétaire, la fonction « renseignement » reste diffuse au sein du budget du ministère de la Défense : certains éléments sont ainsi rattachés aux lignes budgétaires concernant l'Etat-major, d'autres à celles des différentes armées. Une meilleure identification budgétaire, dans la loi de programmation notamment, serait justifiée car elle permettrait d'optimiser les choix, de rationaliser les outils et enfin d'expliciter à nos partenaires les orientations nationales en ce domaine.

La loi de programmation militaire comme la revue des programmes ont confirmé l'intérêt porté au renseignement stratégique qui assiste les autorités politiques dans leur prise de décision. En dehors des programmes spatiaux, d'autres moyens, aériens ou maritimes, s'inscrivent dans le cadre national de recueil de ce renseignement.

Les moyens tactiques en soutien des unités engagées sur le terrain se développent peu à peu. Mis à contribution lors des opérations extérieures, menées notamment dans les Balkans, ils ont donné pleinement satisfaction aux forces qui les ont employés.

Comme cela a été indiqué auparavant, le projet de satellite d'écoute a été abandonné par la précédente programmation militaire ; seule une veille technologique a été organisée dans le cadre de programmes de micro-satellites expérimentaux. Par conséquent, les moyens d'écoute sont mis en _uvre par les forces elles-mêmes.

Le système aéroporté Sarigue a pour mission essentielle de recueillir des informations électromagnétiques à vocation opérationnelle. Décidé en 1993 pour remplacer le système actuel mis en service en 1977, le programme de nouvelle génération, comprend un segment aéroporté et une composante sol, dont la livraison est intervenue le 17 juillet 2000 et la mise en service opérationnelle est effective depuis juin 2001. Les difficultés liées à la définition du porteur DC 8-72 remotorisé ont conduit à un retard, mais le système complet sera opérationnel en 2002.

Le coût total de réalisation du programme est estimé à 232,3 millions d'euros (1,52 milliard de francs). Une économie de 1,07 million d'euros (7 millions de francs) a été dégagée au niveau des capteurs. Une économie supplémentaire de 10,67 millions d'euros (70 millions de francs) a été réalisée par diminution des marges et provisions grâce aux évolutions techniques. La somme des crédits déjà consommés s'élève à 200 millions d'euros (1,3 milliard de francs). Le projet de loi de finances initiale pour 2002 prévoit quant à lui 1,5 million d'euros (9,8 millions de francs) d'autorisations de programme et 3,05 millions d'euros (20 millions de francs) de crédits de paiement pour assurer le maintien en condition opérationnelle du système.

Le système MINREM (Moyens Interarmées de Renseignements Electromagnétiques) constitue un ensemble d'équipements d'écoute pour l'interception et la goniométrie de signaux électromagnétiques. Ceux-ci sont financés par l'Etat-major des armées et embarqués sur un bâtiment de 3 000 tonnes environ, qui assure la présence de longue durée à la mer.

La programmation, qui a inscrit en faveur de ce programme l'équivalent de 51 millions d'euros (soit 333 millions de francs, valeur 1997), prévoit la rénovation du système dont la charge utile a été transférée cette année sur le Bougainville, afin d'assurer la continuité du service jusqu'à la livraison du nouveau système, qui interviendra, aux termes du projet de loi de programmation pour les années 2003-2008, fin 2005. Le coût de réalisation du programme est de 122,3 millions d'euros (802 millions de francs). Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit 11,4 millions d'euros (91,2 millions de francs) de crédits de paiement, mais seulement 5,3 millions d'euros (34,7 millions de francs) correspondent à des dépenses nouvelles puisque le reste est issu de reports de crédits.

Le conflit du Kosovo a illustré l'importance que revêt la possession des moyens de renseignement tactique pour la gestion de l'emploi des forces et de leurs équipements. Le recours aux hélicoptères Horizon ainsi que l'utilisation de drones ont été l'occasion de démontrer l'efficacité et la pertinence du dispositif français. Etant donné que les évolutions technologiques sont rapides dans ce domaine, un effort budgétaire minimal doit être consenti.

Les avions de patrouille maritime Atlantique 2, qui ont remplacé les Atlantic 1, ont deux missions prioritaires : la sûreté des SNLE pour la mise en _uvre de la force océanique stratégique (FOST) et le soutien des forces, notamment dans la lutte anti-sous-marine. La cible du programme, réduite par la loi de programmation militaire 1995-2000 de quarante-deux à vingt-huit appareils, aujourd'hui commandés, a été maintenue. Les trois derniers appareils ont été livrés en 1998. Il a été prévu de maintenir « sous cocon » six exemplaires, afin de réduire les besoins d'entretien programmé.

_ Le programme héliporté Horizon, dédié à la surveillance du champ de bataille, est adapté aux besoins interarmées dans les domaines du recueil et de la circulation du renseignement tactique. Chaque système comprend deux hélicoptères Cougar Mk-1 équipés de radar Doppler (d'une portée de 150 km) et d'une station au sol. Le premier hélicoptère a été livré en juin 1996 et est opérationnel depuis deux ans. Les deux systèmes prévus ont été livrés, l'un en décembre 1996, l'autre en mars 1998. Le projet de loi de finances pour 2002 affecte à leur maintien en condition opérationnelle 5,8 millions d'euros (38 millions de francs) en autorisations de programme et 0,75 million d'euros (5 millions de francs) en crédits de paiement.

L'escadrille d'hélicoptères d'observation radar (EHOR), créée en 1999, a été déclarée opérationnelle à l'automne de l'année 2000.

Si le système de surveillance de théâtre Horizon a donné pleine et entière satisfaction au cours du conflit du Kosovo, quelques carences ont néanmoins été détectées : retards d'informations en matière de guerre électronique ; manques en moyens de soutien électroniques capables de détecter, classifier et enregistrer les signaux rencontrés ; absence de liaison 16 a.

_ Concourt également à l'acquisition du renseignement sur le champ de bataille, le radar de contre batterie COBRA, installé sur un véhicule de dix tonnes, qui permet de localiser les moyens de tir adverses avec une grande précision. La France prévoit d'acquérir dix systèmes pour un montant total de 374,6 millions d'euros (2,45 milliards de francs). Développé depuis 1988 avec pour échéance butoir l'année 2005, ce programme est entré en phase de production. Trois livraisons sont arrêtées dans le projet de loi de finances pour 2002, lequel prévoit à cette fin un montant de crédits de paiement de 12,8 millions d'euros (84 millions de francs).

_ Enfin, l'avion de reconnaissance Hawkeye permet, grâce à ses moyens de détection lointaine, de guider les aéronefs au cours de leurs missions d'assaut et de les informer des menaces aériennes. Il assure également la sûreté de la force navale en détectant et identifiant tout aéronef ou bâtiment de surface à une distance suffisante pour favoriser leur neutralisation éventuelle. Il contrôle aussi les avions d'interception. Deux appareils ont été livrés à la France à ce jour. Le système est devenu opérationnel en mai 1999. La commande du troisième appareil a été passée en 2001 ; sa livraison devrait intervenir en 2003.

Le coût total des trois avions de guet du groupe aéronaval est estimé à 958,4 millions d'euros (6,3 milliards de francs). Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit un montant d'autorisations de programme de 38,1 millions d'euros (250 millions de francs) et un niveau de crédits de paiement de 53,2 millions d'euros (349 millions de francs).

Les armées françaises témoignent d'un intérêt croissant pour les drones en raison des avantages qu'ils présentent dans le nouveau contexte d'intervention des forces. Le bilan de l'utilisation des systèmes en service lors des opérations extérieures conduites dans les Balkans incite à développer ce nouveau vecteur de recueil de renseignement pour en diversifier les aptitudes. Par ailleurs, le degré de complémentarité de ces moyens peu onéreux avec les supports spatiaux présente de nombreux avantages. Dans un contexte de contraintes budgétaires, il est en effet légitime de se demander dans quelle mesure les drones peuvent partiellement suppléer à des satellites dans le domaine de l'observation.

_ Les drones sont des systèmes réutilisables par principe, télépilotés ou programmés à partir du sol, d'une plate-forme aérienne ou navale. Ils regroupent des composants articulés (un vecteur, une charge utile, un système de liaison des données, un segment-sol d'exploitation et de conduite, un ou plusieurs opérateurs), afin de remplir une mission donnée.

Les intérêts des drones sont nombreux : ils offrent une capacité continue d'observation et d'investigation dans la profondeur du dispositif, devenant indispensables à la man_uvre aéroterrestre ; ils présentent une souplesse d'emploi importante (relais, surveillance, cartographie) ; ils permettent la préservation de personnels pour les missions d'évaluation des dommages après destruction d'un objectif ; enfin, par leur mobilité et leur faible coût unitaire, ils constituent un moyen complémentaire du renseignement tactique par voie aérienne ou spatiale.

Certes, les drones présentent aussi des inconvénients qui limitent leur utilisation (cadre d'emploi et capacités d'adaptation limités du fait de l'absence d'intelligence embarquée, problèmes de compatibilité avec la réglementation internationale de la navigation aérienne, vulnérabilité liée à leurs caractéristiques de vitesse et d'altitude). Toutefois, le bilan de leur utilisation dans des conflits récents milite clairement en leur faveur.

_ La place des drones est aujourd'hui limitée au niveau tactique, en soutien des unités sur le terrain. Plusieurs systèmes sont en service, notamment au 61ème régiment d'artillerie de l'armée de Terre et à l'escadron d'expérimentation des drones 56/330 de l'armée de l'Air.

Parmi les drones en service au sein des unités de l'armée de Terre, le CL 289, destiné au renseignement dans la profondeur, est constitué :

- d'un missile préprogrammé, de portée moyenne (150 kilomètres) et évoluant à grande vitesse (720 km/h) et à faible altitude (de 125 à 1 000 mètres). Il emporte un appareil photographique et une caméra thermique dont les informations peuvent être recueillies en temps réel par une station d'exploitation. Une version « dégradée » de la charge utile peut être transportée dans une nacelle par hélicoptère ;

- d'un système au sol qui assure le lancement par rampe, la récupération du missile par parachute, la réception des informations et la maintenance.

Cet équipement a été développé dans le cadre d'une coopération tripartite (Canadair, Dornier et SAT). Aérospatiale a réalisé les travaux d'adaptation aux besoins opérationnels français. Il restera opérationnel jusqu'en 2008. Actuellement, l'armée de Terre est équipée de quarante-six missiles de reconnaissance de ce type. Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit environ 2,26 millions d'euros (14,8 millions de francs) pour garantir leur maintien en condition opérationnelle.

Le Crécerelle, quant à lui, s'apparente à un petit avion téléprogrammable qui évolue à faible vitesse (180 km/h) et à moyenne altitude (300 à 3 000 mètres). Les informations saisies par la caméra à très haute définition et par la caméra thermique peuvent également être transmises en temps réel à une station. La maîtrise d'_uvre est assurée par Sagem.

Deux systèmes à six drones ont été livrés en mai 1995 et en mai 1996. Chacune de ces deux sections opérationnelles mises en _uvre par l'armée de Terre est composée d'un centre de contrôle et d'exploitation, d'un dispositif de lancement et de tir, d'un dispositif de récupération et de reconditionnement. Le nombre de Crécerelle opérationnels est actuellement de onze. La fin de leur mise en _uvre est programmée pour 2003.

Enfin, le drone Hunter est un système polyvalent de surveillance et d'action (désignation optique et laser), fabriqué par Israël Aircraft Industries et TWR aux Etats-Unis. La France a fait l'acquisition, pour 30,49 millions d'euros (200 millions de francs), d'une section de quatre unités, dont l'évaluation opérationnelle sur la base de Mont-de-Marsan a commencé en janvier 1998 et s'est achevée à l'été 2000. L'objectif était de préciser les spécifications des futurs systèmes de drones de moyenne altitude longue endurance, car le Hunter vole à plus haute altitude (jusqu'à 6 000 mètres) et dispose d'une endurance plus longue (environ 10 heures) que ceux dont disposent les forces actuellement.

Depuis l'année dernière, ces quatre systèmes Hunter sont affectés à l'armée de l'Air. Un montant de crédits de paiement de 0,45 million d'euros (2,95 millions de francs) est inscrit au projet de loi de finances pour 2002 afin d'assurer leur exploitation. Conçus initialement pour satisfaire les besoins de l'US Army, ils ne couvrent pas l'ensemble des besoins de l'armée de l'Air car leur domaine d'action n'est pas totalement cohérent avec celui des aéronefs de combat.

_ Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 prévoit le remplacement des CL 289 et des Crécerelle de l'armée de Terre par des drones multi-charges multi-missions (MCMM) en 2009. Cependant, étant donné la fin de service programmée des Crécerelle en 2003, l'armée de Terre doit se doter d'un système de drone lent et tactique intérimaire : le projet de loi de finances pour 2002 prévoit à cette fin 0,76 million d'euros (5 millions de francs) d'autorisations de programme et 16,7 millions d'euros (109,5 millions de francs) de crédits de paiement. Le drone Sperwer, petit avion lent (165 km/h), mais endurant (5 heures extensibles à 8) et évoluant à moyenne altitude (300 à 5 000 mètres), destiné à l'acquisition de jour comme de nuit des objectifs dans la zone de responsabilité d'une division, semblerait correspondre à ce besoin. Développé par Sagem au profit de l'armée de Terre néerlandaise, il a également été acquis par la Suède.

En outre, l'armée de l'Air va acquérir, d'ici 2003, trois drones intérimaires Eagle de type moyenne altitude longue endurance (MALE) avec une station sol. Le contrat a été notifié à EADS en août 2001 et 3,05 millions d'euros (20 millions de francs) d'autorisations de programme ainsi que 23,48 millions d'euros (154 millions de francs) de crédits de paiement ont été inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2002. Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 prévoit quant à lui de doter les armées de douze unités MALE qui seraient livrées à partir de 2009.

Compte tenu des évolutions des besoins des forces pour la maîtrise de l'information, du combat et du soutien aux opérations, la France s'est également lancée dans plusieurs programmes d'études et de développement concernant :

- des drones très courte portée (TCP) Pointer, à voilure fixe ou tournante, en cours d'évaluation tactique par l'armée de Terre qui envisage l'acquisition très prochaine de cinq drones et deux stations sol ;

- des minidrones, d'une portée limitée à 6 000 mètres, dont un premier démonstrateur développé conjointement avec les armées allemandes devrait être disponible en 2003 pour une mise en service opérationnelle en 2005 ;

- des drones Marine, à vocation de surveillance, de reconnaissance, de désignation d'objectifs, de brouillage et de connaissance du milieu maritime (en remplacement ou en complément des hélicoptères embarqués), avec l'année 2009 pour échéance opérationnelle.

Les services de renseignement jouent un rôle majeur dans la prévention et l'alerte. Les attentats meurtriers qui ont récemment eu lieu aux Etats-Unis ont mis en exergue l'intérêt et la difficulté du renseignement humain. Celui-ci dépend, comme beaucoup d'autres composants de notre défense, des moyens financiers qui lui sont consacrés ; pas seulement cependant.

Comme les années précédentes, le projet de loi de finances pour l'année 2002 prévoit une augmentation des crédits d'équipement et des crédits liés aux rémunérations et charges sociales des différents services de renseignement.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONCERNANT
L'AGRÉGAT BUDGÉTAIRE DU RENSEIGNEMENT HUMAIN

(en millions d'euros)

 

Loi de finances
1999

Loi de finances
2000

Loi de finances
2001

Projet de loi
de finances
2002 (1)

Personnel :

99,36

105,30

112,87

123,65

Fonctionnement :

31,10

31,10

30,87

37,69

TITRE III :

130,46

136,40

143,96

161,34

TITRE V :

101,68

103,71

125,54

127,09

(1) Ces chiffres intègrent pour la première fois les financements attribués à la DRM.

D'un point de vue méthodologique, l'agrégat considéré donne un aperçu relatif des évolutions budgétaires concernant les différents services de renseignement, car ni les effectifs militaires de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ni les programmes d'équipement de l'Etat-major des armées n'y sont retracés. Votre Rapporteur se réjouit néanmoins que, désormais, le budget de la direction du renseignement militaire (DRM) y figure.

Créée par le décret n° 82-306 du 2 avril 1982, la DGSE a pour missions de rechercher et exploiter les renseignements intéressant la sécurité de la France, et également de détecter et entraver les activités d'espionnage dirigées contre les intérêts français hors du territoire national, afin d'en prévenir les conséquences.

Les crédits alloués à la DGSE dans le projet de loi de finances pour l'année 2002 évoluent de manière différenciée, selon qu'il s'agit du titre III ou du titre V.

_ Le titre III est marqué par l'augmentation substantielle des effectifs civils (207 personnels supplémentaires) et la stabilisation des postes d'encadrement militaire, évolution qu'illustre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTISÉS DE LA DGSE

Catégories de personnels

Loi de finances initiale 2001

Projet de loi de finances 2002

Variation 2002/2001

Officiers

492

492

-

Sous-officiers

863

863

-

Militaires du rang

12

12

-

Appelés

10

0

- 100,0 %

Total militaires

1 377

1 367

- 0,7 %

Personnels civils

3 037

3 244

+ 6,8 %

TOTAL

4 414

4 611

+4,4 %

En 2002, les effectifs civils de la DGSE seront portés à 3 244 postes (dont 61 contractuels à la suite de la mise en place des mesures dites « Berkani »), en conformité avec l'objectif de la programmation militaire en cours d'achèvement. Les effectifs militaires diminuent légèrement à 1 367 postes, du fait de la désincorporation des derniers appelés, qui résulte de la fin du service national.

Les dépenses de rémunérations et charges sociales (précisons que seules les rémunérations des personnels civils sont identifiées dans le budget général) progressent en conséquence :

- les rémunérations (principales et autres) des personnels civils, bonifications indiciaires, indemnités et allocations diverses s'élèvent ainsi à environ 110,43 millions d'euros (724,4 millions de francs) de crédits de paiement, contre 100,5 millions d'euros (659,4 millions de francs) pour l'année 2001 ;

- de même, les prestations et cotisations sociales versées par l'Etat atteignent un montant de 13,26 millions d'euros (87 millions de francs) de crédits de paiement, contre un peu plus de 12,35 millions d'euros (81 millions de francs) en 2001.

En revanche, les crédits de fonctionnement courant restent stabilisés à un niveau de crédits de paiement de l'ordre de 24,25 millions d'euros (159,1 millions de francs), contre 24,27 millions d'euros (159,2 millions de francs) en 2001.

_ Le niveau des dépenses en capital de la DGSE, inscrites au titre V, diminue sensiblement par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. Les dotations en faveur des matériels passent de 75,46 millions d'euros (495 millions de francs) de crédits de paiement à 62,5 millions d'euros (410 millions de francs), soit une baisse de 17,2 %. Les crédits de paiement destinés aux infrastructures s'élèvent, quant à eux, à 48,93 millions d'euros (321 millions de francs), en hausse importante de 41,5 %.

Dans la lignée des projets de lois de finances initiales précédents, le projet pour l'année 2002 permet la bonne marche d'une adaptation de la DGSE à des missions toujours plus complexes. Il favorise la dimension humaine du renseignement, composante dont les événements tragiques qui ont affecté les Etats-Unis le 11 septembre dernier ont montré le caractère indispensable.

Votre Rapporteur rappelle néanmoins que les dotations budgétaires détaillées ci-dessus n'incluent pas les crédits des fonds spéciaux du Premier Ministre, qui sont destinés à financer certaines activités opérationnelles. Le contrôle de l'utilisation de ces fonds est assuré par les services financiers de la DGSE et par une commission spéciale de vérification, composée de hauts magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat.

Dans un communiqué en date du 18 juillet 2001, le Premier Ministre a apporté des précisions sur le montant des fonds spéciaux destinés à la DGSE lors de l'exercice en cours : il s'élève à 35,67 millions d'euros (234 millions de francs). Le texte du communiqué souligne que la part affectée à la DGSE a sensiblement augmenté en 2001, passant de 30,03 millions d'euros (197 millions de francs) à 35,67 millions d'euros (234 millions de francs).

Il indique par ailleurs : « Au cours des trois exercices antérieurs, cette part a contribué à alimenter de façon sensible les autres services de renseignement et de sécurité - DST (direction de surveillance du territoire), DRM (direction du renseignement militaire), DPSD (direction de la protection et de la sécurité de la Défense, ex-sécurité militaire) et tout particulièrement la modernisation du GIC (groupement interministériel de contrôle, organisme chargé des écoutes téléphoniques administratives et judiciaires). »

Les ordres de grandeur révélés par le Premier Ministre au sujet de l'exercice budgétaire de 2001 ne seront pas reproduits pour l'année 2002 puisque la part des fonds spéciaux affectée au Gouvernement diminuera de 20,7 %, l'imputation étant entièrement supportée par les fonds spéciaux à destination particulière qui bénéficient principalement à la DGSE, pour plus de la moitié de leur montant.

La DRM a été créée à la suite de la guerre du Golfe, par le décret n°92-523 du 16 juin 1992. Elle a pour principales missions de conduire et coordonner la recherche et l'exploitation du renseignement d'origine militaire et à caractère opérationnel.

_ La loi de programmation militaire 1997-2002 avait prévu un accroissement progressif des effectifs de la DRM, qui devaient augmenter de 20 % pour atteindre près de 1 800 postes au terme de la période. L'objectif de la loi de programmation a été tenu, puisque la direction emploiera en 2002 quelque 1 760 personnes ; l'essentiel des recrutements concerne les personnels civils, notamment en raison de la fin du service national.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE LA DRM,
(EFFECTIFS DES ORGANISMES EXTÉRIEURS RATTACHÉS INCLUS)

Catégories de personnels

Loi de finances initiale 1999

Loi de finances initiale 2000

Loi de finances initiale 2001

Projet de loi de finances initiale 2002

Variation 2002/2001

Officiers

381

381

381

392

+ 2,9 %

Non-officiers

1 032

1 009

1 006

1 000

- 0,6 %

Total militaires

1 413

1 390

1 387

1392

+ 0,4 %

Personnels civils

276

305

336

368

+ 9,5 %

TOTAL

1 689

1 695

1 723

1 760

+2,1 %

Source : ministère de la Défense.

En ordres de grandeur, les effectifs actuels, militaires et civils, se répartissent comme suit :

- 800 personnes en administration centrale sur les deux sites parisiens de la DRM ;

- 200 personnes au sein du Centre de Formation Interarmées d'Interprétation de l'Imagerie (CF3I) ;

- 170 personnes au sein du Centre de Formation et d'Emploi relatif aux Émissions Électromagnétiques (CF3E) ;

- 250 personnes à l'école interarmées du renseignement et des études linguistiques de Strasbourg ;

- le reste en détachements avancés de transmissions.

Au niveau des recrutements, la DRM est confrontée à deux types de difficultés : d'une part, il lui est difficile de proposer aux personnels civils des perspectives de carrières aussi attractives que d'autres services dont les missions et l'organisation ont un caractère un peu moins militaire ; d'autre part, la législation sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique qui a été récemment adoptée entrave la possibilité de recourir à des emplois contractuels, pourtant plus adaptés aux besoins de la DRM dans certaines spécialités. Sur ce point, et compte tenu du contexte international actuel, des dérogations réglementaires ou législatives seraient bienvenues.

Etant donné l'étendue considérable de la mission dont est chargée la DRM (le renseignement d'intérêt militaire recouvre désormais aussi bien le renseignement militaro-politique que le renseignement opérationnel), la dispersion des effectifs parisiens sur deux sites se révèle être un handicap. Le regroupement de l'ensemble semble donc plus que souhaitable.

_ Les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2002, hors rémunérations et charges sociales, s'apprécient de manière assez nuancée. Rappelons à cet égard que les dotations budgétaires de la DRM sont rattachées à l'agrégat relatif à l'état-major des Armées, dont il dépend. Ces dotations offrent une vision incomplète des moyens dont dispose ce service, car celui-ci bénéficie également de certains programmes de l'état-major, notamment en matière d'espace et de systèmes d'information et de communication.

Les crédits de fonctionnement se situent, en crédits de paiement, à 6,75 millions d'euros (44,28 millions de francs), c'est à dire à un niveau significativement supérieur à celui de l'exercice 2001 (6,06 millions d'euros, soit 39,76 millions de francs). Les dotations prévues en faveur des équipements de la DRM, quant à elles, diminuent de 7,9 % pour atteindre un montant de 10,52 millions d'euros (69 millions de francs) de crédits de paiement, contre 11,43 millions d'euros (75 millions de francs) en l'an 2001. Compte tenu du report à 2006 du programme Système d'Intégration du ROEM Interarmées à Usage Spécialisé (SIRIUS), faute de crédits de paiement suffisants dans le projet de budget pour 2002 et faute de perspectives solides dans le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, le montant des autorisations de programme a été revu à la baisse afin d'engager des opérations limitées dans le domaine du ROEM.

La dimension technologique du renseignement militaire à vocation opérationnelle n'est pas négligée par le projet de budget du ministère de la Défense. Les aspects humains, si essentiels dans le traitement des données, font eux-aussi l'objet d'une attention particulière.

Aux termes du décret n° 81-1041 du 20 novembre 1981 fixant ses attributions, la DPSD, direction rattachée au Ministre de la Défense, est notamment chargée de participer à l'élaboration et à l'application des mesures à prendre en matière de protection et de sécurité, de prévenir et rechercher les atteintes à la défense nationale, de contribuer à assurer la protection des personnes susceptibles d'avoir accès à des informations protégées ou à des zones, des matériels ou des installations sensibles.

La DPSD remplit également une mission de protection des entreprises titulaires de marchés classés de défense nationale, ainsi qu'une mission de suivi des dispositions du décret de 1939 sur le commerce illicite de matériels d'armement.

_ Les effectifs de la DPSD sont en baisse tendancielle, conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire, qui a fixé leur diminution à 10 % entre 1997 et 2002. Cependant, cette évolution n'est pas homogène pour toutes les catégories de personnels de la direction, comme le montre le tableau suivant. Cette situation s'explique par la professionnalisation et la diminution des troupes maintenues en poste à l'étranger (hors opérations extérieures).

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTISÉS DE LA DPSD

Catégories de personnels

Loi de finances initiale 2001

Projet de loi de finances 2002

Variation 2002/2001

Officiers

246

244

- 0,8 %

Sous officiers

765

752

- 1,7 %

Militaires du rang

92

102

+ 10,9 %

Appelés

26

0

- 100 %

Total militaires

1 129

1 098

- 2,7 %

Personnels civils

358

363

+ 1,4 %

TOTAL

1 487

1 461

- 1,7 %

Avec la disparition de 2 postes d'officiers et de 13 postes de sous-officiers, le niveau d'encadrement militaire est légèrement diminué. Le nombre des militaires du rang augmente à nouveau, compensant partiellement l'effet de la suppression de la totalité des postes d'appelés. La plupart des tâches dévolues aux appelés du contingent se trouvent également redistribuées, soit par le recours à la sous-traitance, soit par une mise en place de moyens techniques automatisés (caméras, alarmes) assurant des fonctions de surveillance.

S'agissant du personnel civil, la DPSD bénéficie de 5 postes budgétaires supplémentaires. Cependant, pour les mêmes raisons législatives que la DRM, ce service ne peut pas recourir à des postes de contractuels alors que l'ouverture de cette possibilité serait très utile dans certains cas. Par ailleurs, un accroissement du nombre de fonctionnaires de catégories A et B est souhaitable.

_ Les crédits alloués à la DPSD, hors rémunérations et charges sociales, ne subissent pas de variations importantes.

En effet, les crédits de paiement inscrits au titre III pour les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 6,69 millions d'euros (43,9 millions de francs), soit une réévaluation de 1,1 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2001.

S'élevant à 5 millions d'euros (32,8 millions de francs) en crédits de paiement, les abondements du titre V pour les dépenses d'équipement augmentent assez substantiellement, de l'ordre de 28,1 %, par rapport aux dispositions de la loi de finances pour 2001. L'informatique (le système de la DPSD, datant des années quatre-vingts, fait notamment l'objet d'une mise à niveau) et l'adaptation aux nouvelles menaces cybernétiques ainsi qu'aux risques en matière d'intelligence économique et industrielle représentent l'essentiel des dépenses.

Les dépenses d'infrastructure, 140 000 euros de crédits de paiement (918 340 francs) contre une dotation de 152 449 euros (1 million de francs) pour l'exercice budgétaire en cours, devraient permettre de poursuivre l'emménagement de l'administration centrale de la DPSD au Fort de Vanves, où se trouvait déjà la division informatique.

En définitive, les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2002 relatives à la DPSD s'inscrivent dans la continuité de la professionnalisation et garantissent la permanence de ses moyens ; elles devraient permettre au service de remplir ses missions en assurant de manière satisfaisante la couverture de ses besoins prioritaires. Au demeurant, en ce qui concerne les atteintes et ingérences, la DPSD pourra approfondir ses efforts de recherche sur l'environnement de la défense, notamment dans les domaines du terrorisme, de l'espionnage, du sabotage et de la subversion.

CONCLUSION

Le projet de loi de finances pour 2002 confirme que le budget de l'espace militaire se situe désormais à un niveau durablement réévalué, quoique encore significatif. Les perspectives tracées par le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 confortent ce sentiment, priorité étant donnée à l'achèvement des grands programmes engagés, à défaut de lancer de nouveaux investissements d'envergure.

Certes, le contexte des coopérations européennes a très sensiblement évolué. La France a noué un partenariat important avec l'Italie dans le domaine de l'observation. Il pourrait très prochainement en aller de même avec l'Allemagne. Enfin, la Belgique a accepté de participer au financement de la filière optique de nouvelle génération et d'autres pays européens envisagent de faire de même.

Tout en se réjouissant de ces avancées nécessaires, notamment au regard des progrès de l'Europe de la défense depuis le sommet européen d'Helsinki, les 10 et 11 décembre 1999, votre Rapporteur s'interroge sur la détermination des partenaires de la France à consacrer les moyens budgétaires nécessaires aux ambitions qu'ils affichent. Dans un secteur technologique aussi coûteux que l'espace, nous ne pouvons pas faire l'économie de coopérations ; l'intérêt d'une mutualisation des financements ou des moyens est incontestable. Encore faut-il que les engagements pris ne soient pas affectés par des impératifs conjoncturels et que les structures européennes évoluent en conséquence.

Cette remarque vaut également pour la France, dont le budget spatial sert parfois de variable d'ajustement. Plus de constance budgétaire semble nécessaire pour assurer l'avenir des grands programmes qui fondent notre indépendance de décision et aussi pour préserver les compétences industrielles acquises grâce aux investissements de la puissance publique. En l'espèce, il y a un impératif stratégique, car les technologies spatiales sont au c_ur des développements qui concernent la défense de demain. Malgré tout, aujourd'hui encore notre pays demeure celui qui, en Europe, consacre le plus de crédits à l'espace. La prétention de la France à être, d'ici 2006, la nation-cadre de l'Union européenne pour la consultation politico-militaire, la planification et la conduite des opérations militaires de gestion de crises, s'en trouve donc justifiée.

Les systèmes de télécommunications et les moyens de renseignement bénéficient toujours, quant à eux, d'un traitement favorable. Cette évolution marque une priorité justifiée en faveur de l'adaptation des équipements de nos forces aux technologies les plus modernes, tout en prenant en compte l'importance et la place du renseignement aujourd'hui. Il est nécessaire de saluer l'effort entrepris en ces domaines, qui assurent, tout autant que l'espace, l'autonomie décisionnelle de notre pays. On observera quand même que la fonction « renseignement » gagnerait en lisibilité et en cohérence à faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique.

Nonobstant quelques interrogations légitimes, les dispositions du projet de loi de finances pour 2002 qui concernent l'espace, les communications et le renseignement, suscitent une appréciation globalement satisfaisante.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. - AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

La Commission de la Défense a entendu, lors de sa séance du 2 octobre 2001, le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, sur le projet de budget pour 2002.

Le Président Paul Quilès a relevé, parmi les principales caractéristiques du projet de budget, une stabilité globale des crédits d'équipement et une progression sensible du titre III permettant d'accompagner dans de bonnes conditions l'achèvement de la professionnalisation. Il a souligné qu'un effort réel était consenti en faveur des activités et du fonctionnement courant des armées. Dans le domaine des équipements, les programmes paraissent se dérouler conformément aux prévisions. Alors que les dépenses destinées aux armements classiques subissent une légère baisse, de 2% en crédits de paiement, le domaine nucléaire enregistre une augmentation très sensible de ses dotations (13% en crédits de paiement).

Le Président Paul Quilès a noté également une augmentation substantielle, tout particulièrement en autorisations de programme, des crédits d'étude et de développement. Il a enfin observé une amélioration en autorisations de programme des dotations destinées à la protection nucléaire, biologique et chimique (NBC) des forces terrestres. Il a estimé que cette évolution, si elle se concrétisait en crédits de paiement, pourrait répondre aux préoccupations exprimées par la mission d'information présidée par M. Bernard Cazeneuve sur les conditions d'engagement des forces face à la menace NBC, notamment au cours de la guerre du Golfe. Puis, après avoir remercié le Général Jean-Pierre Kelche de sa venue, il lui a demandé de commenter ces observations, dans le cadre de sa présentation du projet de budget de la défense. Il a également remarqué que les membres de la Commission ne manqueraient pas de l'interroger sur l'actualité récente.

Le Général Jean-Pierre Kelche, a tout d'abord indiqué que le projet de loi de finances pour 2002 devait être évalué dans la double perspective de l'achèvement de la programmation militaire 1997-2002 et de l'élaboration de la loi de programmation militaire 2003-2008.

Qualifiant de contrasté le bilan de la loi de programmation militaire 1997-2002, il a jugé que, si le pari de la professionnalisation était gagné, les retards d'équipement accumulés avaient provoqué sinon des ruptures de capacités, en tout cas une lente érosion des matériels, aucun programme n'ayant échappé à des restrictions de crédits. Il a ajouté que, les programmes de cohérence opérationnelle ayant été affectés, des inquiétudes pouvaient naître sur la cohérence des forces.

Il a ensuite considéré que le titre III pour 2002 était satisfaisant, les crédits de fonctionnement apparaissant convenables et la part des crédits de rémunérations et charges sociales stabilisée.

Il a précisé que cette stabilisation des crédits de rémunérations était cependant l'effet d'une conjoncture favorable, le coût des mesures de revalorisation de la fonction publique appliquées à la Défense (mesures dites « Sapin »), qui s'élevait à 1,3 milliard de francs, ayant été plus que compensé par trois facteurs d'économie : un besoin en pécules inférieur de 300 millions de francs à celui de 2001, la linéarisation des recrutements sur l'année, qui avait réduit la dépense de 400 millions de francs, et enfin le sous-effectif d'environ 4 000 postes budgétaires par rapport à l'objectif de la programmation qui diminuait de 700 millions de francs les charges de personnel. Il a observé de plus que les armées présentaient de nombreuses vacances de postes civils et que la nécessité où se trouvaient les militaires d'accomplir les tâches des civils manquants créait des difficultés dans la vie des unités. Il a également souligné les contraintes de la vie militaire, à l'époque des 35 heures dans le monde civil. Il s'est ensuite félicité que des mesures catégorielles, qui profitaient d'abord à la Gendarmerie, aient été inscrites au budget, et considéré qu'elles représentaient une première réponse aux attentes des personnels militaires. Il a cependant estimé que, compte tenu des contraintes de vie et de travail particulièrement sévères auxquelles ces personnels étaient soumis, on ne pourrait s'en tenir là.

Abordant alors les crédits de fonctionnement, il s'est félicité que le projet de loi de finances en poursuive le redressement, le nombre de jours de sortie pour l'armée de Terre passant de 80 à 89, et le nombre de jours à la mer de la Marine s'approchant, avec 97 jours, des 100 souhaités. Il a, de façon générale, jugé satisfaisant que la baisse des dépenses de fonctionnement, fixée à 20 % lors de l'élaboration de la loi de programmation, ait finalement été limitée à 18 %, ce qu'il a qualifié de compromis fonctionnel. Il a cependant attiré l'attention de la Commission sur un risque de paupérisation des armées. Puis il a fait observer que les personnels qui avaient fait le choix de servir dans une armée professionnelle avaient le droit d'être plus exigeants à l'égard du fonctionnement et de l'équipement des forces. Il a également estimé que ce niveau d'exigence ne cesserait pas de monter à l'avenir.

Il a enfin souligné que le titre III reposait sur des paramètres de stabilité fragiles, comme en témoignait notamment la poursuite du transfert des crédits d'entretien programmé du matériel vers le titre V, qui avait permis un allégement des dépenses ordinaires de 265 millions de francs.

Abordant les crédits d'équipement, il a d'abord estimé que, si la cohérence du modèle d'armée avait été maintenue, son contenu s'était dégradé sous la contrainte budgétaire. Il a fait valoir que, dans l'hypothèse d'une exécution intégrale des crédits d'équipement inscrits au projet de loi de finances initiale pour 2002, la programmation ne serait réalisée qu'à 84 %, l'insuffisance de crédits cumulée s'élevant déjà à 68 milliards de francs à la fin 2001.

Il a indiqué que, dans cette situation de contrainte financière, les développements avaient été, autant que possible, préservés, des économies ayant été faites notamment sur les crédits d'infrastructures et d'entretien programmé du matériel. Il a alors exposé que la réduction en loi de finances initiale des dotations de l'entretien programmé du matériel avait sans doute été excessive et que la baisse actuelle du taux de disponibilité des équipements lui était sans doute imputable.

Rappelant ensuite que la revue de programmes avait entraîné l'abandon de 7 programmes et en avait touché 12, il a souligné que les armées allaient aborder la nouvelle programmation avec une double difficulté, une réalisation en termes physiques moins favorable que prévue et une dotation en autorisations de programme et en crédits de paiement qui présentera un écart sensible avec les dotations annuelles prévues par le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. En effet, avec 81,3 milliards de francs de crédits de paiement, auxquels s'ajoutent 2,7 milliards de francs de reports, le titre V subit en 2002 une encoche forte par rapport à la revue de programmes de 1998, qui avait elle-même réduit les dotations initialement prévues par la programmation. Un problème concret de réalisation physique des objectifs de la programmation en cours et de cohérence avec les perspectives fixées pour 2003 est ainsi posé.

Le Général Jean-Pierre Kelche s'est alors déclaré préoccupé du niveau des autorisations de programme. Il a jugé que ce niveau, bien que supérieur de 4 milliards de francs à celui des crédits de paiement, ne suffisait pas à maintenir une politique cohérente de commandes globales. Il a également fait valoir que la limitation de la dotation en autorisations de programme obligeait à repousser au début de 2003 des commandes qui auraient dû être passées en 2002, comme celle du programme M 51.

En conclusion, le Chef d'état-major des Armées a considéré que la France disposait d'une armée solidement professionnalisée capable d'accomplir les missions qui lui étaient demandées dans le cadre d'engagements importants et divers. Il a cependant estimé indispensable de poursuivre le redressement de ses crédits d'activité et la modernisation de ses équipements, compte tenu des retards pris.

Le Président Paul Quilès, constatant l'augmentation sensible des dépenses du titre III, a estimé que la professionnalisation des armées coûtait finalement plus cher que ce qui avait été prévu en 1997, au moment de la discussion de la loi de programmation militaire. Il a jugé que les économies annoncées, notamment en matière de rémunérations ne s'étaient pas traduites dans les faits. Citant en exemple le programme M 51, ainsi que la simulation, il s'est demandé s'il n'y avait pas aussi une dérive des coûts de l'armement nucléaire. Puis, il a demandé au Chef d'état-major des Armées si la France disposait, dans le domaine militaire, de moyens adaptés pour répondre à la menace du terrorisme international, notamment en ce qui concerne le renseignement humain, les drones et les forces spéciales. Il a également souhaité savoir si l'équipement des armées prenait suffisamment en compte les situations de guerre asymétrique.

Le Général Jean-Pierre Kelche a fait valoir que le coût de la professionnalisation des armées n'avait pas été initialement sous-évalué mais que l'imputation à la Défense de dépenses supplémentaires en avait modifié la charge réelle. Il a par ailleurs jugé illusoire de croire que le pouvoir d'achat du titre III pourrait rester constant dans la durée, évoquant à ce propos les dispositions du projet de budget qui prévoyaient une dépense de 1,3 milliard de francs au titre de l'application du « paquet Sapin » aux personnels de la Défense. Se référant aux taux de croissance moyen des dépenses de rémunérations et de fonctionnement des armées américaines et britanniques, dont il a indiqué qu'il était, au cours de la période récente, de l'ordre de 2 % par an en termes réels, il a insisté sur la nécessité d'assurer à des forces professionnelles une revalorisation tendancielle en pouvoir d'achat de leurs dépenses ordinaires.

Abordant la question de la commande globale relative au programme M 51, le Chef d'état-major des Armées a souligné que le volume d'autorisations de programme nécessaires ne pouvait être inscrit au projet de loi de finances pour 2002 sous peine de retarder le déroulement d'un autre grand programme. Il a toutefois précisé qu'il pourrait être inscrit au projet de loi de finances pour 2003 et engagé au début de l'exercice budgétaire correspondant. Il a ajouté que les travaux relatifs à la simulation se poursuivraient à un rythme normal.

Observant que les armées pouvaient contribuer à lutter contre le terrorisme sans que l'outil militaire soit pour autant le mieux adapté en ce domaine, le Général Jean-Pierre Kelche a jugé que les capacités de renseignement devaient être renforcées. Il a souligné à ce propos que les services français n'avaient pas, autant que leurs homologues américains, mis l'accent sur la dimension technologique du recueil d'information. Jugeant que la capacité française de renseignement humain était significative, il a indiqué qu'il procédait actuellement à un travail d'évaluation des moyens des armées en matière de recueil d'information, de forces spéciales et de protection NBC, afin de suggérer rapidement les améliorations possibles.

Le Chef d'état-major des Armées a observé que les armées étaient confrontées depuis longtemps à des scénarios de risques asymétriques sur les théâtres d'opérations extérieures. Se référant à l'exemple de la campagne aérienne contre la Yougoslavie, dont il a rappelé qu'elle relevait de la diplomatie coercitive, il a souligné que les hypothèses de combat classique se faisaient plutôt rares et s'est prononcé en faveur d'une réflexion sur les conclusions à en tirer pour les forces. Après avoir salué la qualité humaine et l'intelligence des situations dont sait faire preuve l'encadrement des forces françaises, il a mis en avant la nécessité de développer la capacité des personnels à s'adapter et à moduler leur comportement en fonction du contexte. Il a évoqué à cet égard l'action d'une unité française chargée de participer à la collecte des armes de la rébellion d'origine albanaise en Macédoine, indiquant qu'elle avait su sécuriser sa zone de déploiement puis négocier avec succès l'arrêt des hostilités et le début du processus de désarmement, alors que des combats sporadiques à valeur de provocation avaient été déclenchés avant son arrivée afin de la dissuader d'accomplir sa mission.

M. Charles Cova a demandé au Chef d'état-major des Armées si le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 ne devait pas être modifié, compte tenu des événements du 11 septembre 2001. Evoquant le fonds de consolidation de la professionnalisation, envisagé pour 2003, il lui a demandé s'il n'y avait pas lieu de le mettre en place dès à présent et souhaité connaître la nature des ressources destinées à l'alimenter.

Rappelant les mises en garde répétées de l'OMS sur les risques d'attentats chimiques et biologiques, Mme Michèle Rivasi a interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur la protection des forces armées françaises contre ces risques. Après s'être demandée si un manque de vaccins n'était pas à craindre, en cas d'attaque utilisant des moyens chimiques ou bactériologiques et notamment l'anthrax, elle a souhaité des informations sur les recherches entreprises aux Etats-Unis et en Russie dans ce domaine.

Après avoir convenu que la professionnalisation des armées était un succès malgré l'insuffisance des moyens consacrés à la Défense, M. Pierre Lellouche a reconnu que l'outil militaire n'était pas le seul moyen de lutte contre le terrorisme. Il s'est néanmoins demandé s'il ne fallait pas revoir la politique militaire à la suite des attentats du 11 septembre. Il a en particulier estimé que le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 se bornait à mentionner la menace terroriste sans en tirer les conséquences. Il a alors jugé qu'il convenait de réécrire ce projet et d'envisager un abondement des crédits militaires, au besoin dans le cadre d'un collectif, pour tenir compte de la nouvelle situation stratégique. Il s'est également prononcé pour un réexamen du dispositif de défense civile du territoire, évoquant en particulier l'insuffisance des moyens de protection NBC. Puis, il a interrogé le Chef d'état-major des Armées sur la coordination des actions menées par les différents services de renseignement, militaires et civils, en matière de terrorisme.

Après avoir estimé que la dissuasion avait été contournée par le terrorisme aux Etats-Unis, il a demandé s'il ne convenait pas d'inverser l'ordre des priorités entre les armements classiques et nucléaires, remarquant que les crédits consacrés aux premiers diminuaient dans le projet de budget, alors que les dotations des seconds augmentaient. Il a enfin regretté l'indisponibilité du porte-avions Charles de Gaulle.

M. Jean-Yves Besselat a estimé que la gravité des événements survenus aux Etats-Unis conduisait à revoir la hiérarchie des valeurs et à faire de la sécurité intérieure et extérieure du pays une priorité absolue. Il a souhaité une augmentation des moyens accordés aux armées, jugeant inacceptable que la loi de programmation militaire 1997-2002 n'ait été qu'incomplètement exécutée alors que les menaces subsistent. Il a également demandé la mise en chantier d'un deuxième porte-avions, estimant qu'elle serait de nature à exprimer une volonté politique forte d'assurer la défense du pays en garantissant la permanence à la mer du groupe aéronaval. Il a enfin déploré l'insuffisance des moyens financiers et techniques accordés au renseignement.

M. Aloyse Warhouver s'est inquiété de la qualité de l'équipement des régiments spécialisés dans le renseignement et de leurs conditions d'entraînement. Il a également demandé si un inventaire des lieux de garnison à caractère historique d'où les armées étaient amenées à se retirer serait entrepris, afin de préserver les sites les plus intéressants. Il s'est enfin interrogé sur la réparation des dommages causés aux infrastructures par les dernières tempêtes, soulignant qu'elle n'était pas encore achevée.

M. Alain Moyne-Bressand a demandé si le Chef d'état-major des Armées avait rencontré ses homologues américain et européens afin d'envisager les modalités du soutien français aux opérations militaires des Etats-Unis. Il s'est interrogé sur les moyens que les armées françaises étaient en mesure de mettre à la disposition d'une coalition internationale. Il a également souhaité savoir si le Général Jean-Pierre Kelche jugeait suffisantes la coordination et la coopération des services chargés du renseignement extérieur et intérieur.

M. Jean Briane s'est préoccupé des perspectives de recrutement des armées, notamment au regard de l'objectif de format fixé dans le cadre de la professionnalisation. Il a également demandé si la linéarisation des recrutements constituait une méthode pérenne de gestion des personnels.

M. André Vauchez s'est enquis de l'effet de la diminution des coûts des programmes sur le taux d'exécution des crédits d'équipement. Il a également souhaité des précisions concernant les incidences de la construction de l'Europe de la défense sur le projet de budget. Se référant enfin à l'accord passé entre le ministère de la Défense et les syndicats des personnels civils pour le passage aux 35 heures, il s'est interrogé sur la transposition de cette mesure aux militaires.

Après avoir observé que la cohérence opérationnelle est au c_ur de l'efficacité de toute armée, M. René Galy-Dejean s'est inquiété des craintes exprimées par le Chef d'état-major des Armées à ce propos. Il a alors demandé plus particulièrement si la cohérence opérationnelle des forces pouvait être mise à mal à risques constants, devant des risques nouveaux, ou face à ces deux types de risques.

M. Jacques Myard, usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère aux députés d'assister aux réunions de commissions dont ils ne sont pas membres, a demandé au Chef d'état-major des Armées quelle était son appréciation sur la stratégie poursuivie par les Etats-Unis à l'encontre de l'Afghanistan.

Après avoir fait référence à ses travaux relatifs à plusieurs lois de règlement, M. François Lamy a souligné que la loi de programmation militaire 1997-2002 était la première à être exécutée jusqu'à son terme depuis de très nombreuses années. Il a également évoqué les conséquences des charges liées aux opérations extérieures sur l'exécution de la programmation. Estimant qu'au terme de l'exercice 2001, le surcoût global de ces opérations pourrait s'élever à 3,3 milliards de francs, il a jugé souhaitable d'inscrire dès les lois de finances initiales une ligne budgétaire pour leur financement.

Mentionnant les réserves, M. Jean-Claude Viollet s'est interrogé sur leur caractère opérationnel, dont il a souligné qu'il était un des éléments de la réussite de la professionnalisation. Il a également évoqué le rôle susceptible d'être tenu par les armées dans le cadre de la défense du territoire, dans les domaines de la sécurité intérieure et de la sécurité civile.

M. Robert Poujade a estimé que la défense opérationnelle du territoire présentait par bien des aspects un caractère virtuel. Il a considéré toutefois que ce domaine de la défense suscitait à présent un plus grand intérêt. Il a rappelé qu'il impliquait tout particulièrement les réserves, dont il a souligné les difficultés d'organisation et d'emploi. Enfin, il s'est interrogé sur le rôle d'appui des armées en réponse aux demandes émanant du ministère de l'Intérieur tant pour la sécurisation de certains lieux que dans le but de rassurer le public ou pour remplir certaines tâches en cas de catastrophe. Après avoir estimé que les armées et la Gendarmerie éprouveraient de grandes difficultés à intervenir à grande échelle pour la défense opérationnelle du territoire, il a jugé qu'il convenait sans doute de dépasser cette notion tout en consentant par ailleurs un effort accru en faveur des réserves.

En réponse aux différents intervenants, le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, a apporté les précisions suivantes :

- le concept français de défense et le modèle d'armée 2015 qui en résulte ne sont pas frappés de caducité même s'il convient d'intégrer des données liées à l'action terroriste internationale. La menace terroriste n'est d'ailleurs pas nouvelle pour notre pays et pour nos forces, qui en ont subi les effets à plusieurs reprises dans le passé ;

- s'il faut réfléchir à des adaptations voire à des accélérations de programmes capacitaires pour améliorer la contribution des armées à la lutte anti-terroriste, l'outil militaire n'est sans doute pas le premier moyen d'action en ce domaine ;

- le projet de loi de programmation militaire pour la période 2003-2008 n'a pas à être revu dans son ensemble à l'exception de certains domaines pour lesquels une accentuation des efforts est envisageable ;

- il est d'autant plus difficile de déterminer à l'avance la contribution des forces armées dans la lutte contre le terrorisme international qu'on se trouve confronté à une grande variété de scénarios possibles ;

- la stratégie mise en _uvre par les Américains s'inscrit dans le long terme. Dans un premier temps, elle vise à réduire au maximum les risques d'une seconde vague d'attentats aux Etats-Unis comme en Europe, ce qui explique le grand nombre des arrestations auxquelles il a été procédé au cours des derniers jours ;

- il s'agit d'une politique qui paraît bien pensée. Face au terrorisme, il convient de ne pas frapper dans le vide afin de ne pas encourir un risque majeur de déconsidération. À ce jour, les Américains ont déployé près de 29 000 hommes tout en menant dans le même temps des actions secrètes ;

- la France dispose de capacités qui lui permettent de coopérer, notamment avec les Etats-Unis, dans la lutte anti-terroriste, en particulier dans le domaine des échanges de renseignements et du contrôle aéromaritime ;

- en matière de renseignement, des progrès ont été réalisés dans la coopération entre les services au plan national, une structure de coordination fonctionne et la Direction du renseignement militaire participe à ses travaux ;

- les régiments français plus spécialement investis de missions de renseignement sont largement engagés tout au long de l'année et notamment dans les Balkans, au point qu'ils se trouvent pratiquement en situation de sur-emploi, ce qui pose la question de l'éventuelle création d'une unité supplémentaire du même type ;

- s'agissant de l'équilibre entre les dépenses dévolues respectivement aux armes conventionnelles et au domaine nucléaire, il convient de l'apprécier au-delà des limites de l'annualité budgétaire : l'exercice 2002 se caractérise par une augmentation au bénéfice du nucléaire en raison du cumul de plusieurs échéances relatives à des programmes d'importance considérable (simulation, SNLE-NG, M 51, ASMP améliorée) ;

- en matière de protection des militaires et des populations civiles contre les risques chimiques et biologiques, le système d'alerte-détection et de protection-décontamination fonctionne correctement face à certains toxiques. C'est ainsi que les appareils Détalac français ont pu détecter de simples traces toxiques au cours de la guerre du Golfe. Pour ce qui concerne plus particulièrement les risques biologiques, les armées françaises ne suivent pas la pratique de vaccination systématique adoptée par d'autres pays. Elles cherchent à adapter la protection des troupes en fonction d'analyses préalables de la situation sanitaire. Plus généralement, une approche globale et européenne est souhaitable en matière de protection des populations. Il conviendrait d'organiser un système d'assistance mutuelle des forces de défense civile à l'échelle européenne pour faire face à des sinistres de grande ampleur ;

- les forces françaises sont tout à fait opérationnelles, elles le démontrent tous les jours. En revanche, les retards pris dans les programmes de cohérence opérationnelle ne permettent pas d'exploiter toujours au mieux les capacités des matériels majeurs récemment entrés en service. Cette situation est d'autant plus dommageable que les programmes de cohérence opérationnelle ne sont pas les plus coûteux. Une tension comparable à celle qui affecte l'entretien programmé des matériels se fait ainsi sentir dans le domaine des programmes de cohérence opérationnelle ;

- s'agissant des réserves, le problème qui se pose dans une armée professionnelle est d'ordre psychologique. En effet, même si le projet est clair tant en ce qui concerne la composition que les modalités de fonctionnement des réserves, il s'agit de le faire vivre dans la pratique. Jusqu'à présent, les réserves ne sont intervenues que sur des créneaux très limités et individualisés, par exemple dans la gestion de la crise de la Somme. Il pourrait être intéressant d'utiliser le concept dans le cadre du plan Vigipirate. En bref, il s'agit d'une question d'acculturation, au sens où les armées doivent apprendre à associer plus étroitement les réserves à leurs activités ;

- la notion de défense opérationnelle du territoire, qui paraît surannée, recouvre une situation qui n'est pas d'actualité puisqu'elle implique un transfert de responsabilité des autorités civiles vers les armées. Il convient néanmoins de repenser la posture de défense en matière de sécurité du territoire national. Aux Etats-Unis, la posture de sécurité du pays a été mise en cause. En effet, en dépit de l'ampleur des moyens, notamment militaires, dont peut disposer la puissance américaine, les attentats du 11 septembre ont fait apparaître une vulnérabilité sur le territoire national lui-même ;

- en matière de défense du territoire, il convient de constituer des capacités de projection intérieure. Il s'agit, non pas de prédéployer des forces, mais de se doter d'une capacité à aider ponctuellement les forces de police et de gendarmerie. La tâche première est de veiller à la réactivité des armées, c'est-à-dire de faire en sorte qu'elles puissent apporter leur savoir-faire, très vite, là où il y a une crise. C'est dans cette perspective qu'a été créée la chaîne interarmées des zones de défense. Cette chaîne de commandement relie directement le Centre opérationnel interarmées (COIA) aux zones de défense, à l'intérieur desquelles ont été mis en place de petits états-majors sous les ordres du préfet. L'organisation est fondée sur une approche modulaire, qui vaut aussi bien pour la conception que pour l'exécution des missions, à géométrie variable ;

- 2 500 militaires sont actuellement employés sur le territoire national dans le cadre de l'opération Eurofiduciaire et plus de 1 000 autres sont à ce jour affectés au plan Vigipirate renforcé. Les armées ont d'ailleurs toujours été disposées à assurer les prestations justifiées qui pouvaient leur être demandées par les autorités gouvernementales pour l'accomplissement de tâches de service public, notamment le domaine de la sécurité intérieure ;

- lors de la récente catastrophe de Toulouse, les armées ont montré leur capacité de réaction rapide. Elles ont mobilisé, à cette occasion, deux avions C-160 médicalisés, 6 hélicoptères et l'Unité spécialisée de sécurité civile de Nogent-le-Retrou. Un élément du Génie, pré-alerté, n'a cependant pas pu être utilisé en raison de l'encombrement des routes dans les premières heures ;

- la question du financement des opérations extérieures est récurrente. La solution idéale serait d'inscrire en loi de finances initiale une dotation provisionnelle qui viendrait s'ajouter à l'enveloppe fixée pour le titre III. A défaut, il vaut mieux garder le système actuel. En matière d'équipement, les surcoûts liés aux opérations extérieures tiennent à une utilisation des matériels trois à quatre fois plus intensive que sur le territoire national ;

- s'agissant des perspectives de recrutement, on observe une baisse du taux de sélection qui s'explique, d'une part, par l'érosion de l'effet de nouveauté lié à l'offre importante d'emplois militaires et, d'autre part, par le redressement de la situation économique. Il n'en reste pas moins que les armées recrutent des personnels du niveau qu'elles souhaitent. Entre 1997 et 2001, 80 000 personnes ont été recrutées. La question qui se pose aujourd'hui est de faire vivre dans la durée l'armée professionnelle. La situation des armées américaines ou britanniques, confrontées à des phénomènes de manque de personnel dans certaines unités, en illustre la difficulté. Pour prévenir de telles situations, les armées doivent être à la fois flexibles et réactives. C'est pourquoi le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 a prévu d'instituer un fonds de consolidation de la professionnalisation doté de 600 millions de francs par an. Ce fonds doit permettre une gestion globale de l'ensemble des mesures existantes par dérogation au principe d'affectation des crédits à un seul objectif. Un facteur d'optimisme quant aux perspectives de recrutement tient au nombre et à la qualité des candidatures féminines, le taux de féminisation des armées étant passé de 8,9 % à 9,8 % en deux ans. C'est ainsi qu'en 2000 de l'ordre de 18 % des recrues de l'armée de Terre étaient des femmes. En fin de compte, les armées françaises échappent totalement au syndrome de l'image d'une institution en perte de vitesse ;

- les événements du 11 septembre 2001 confirment la pertinence de la construction de l'Europe de la Défense. Le Conseil européen de Laeken qui se tiendra à la fin de l'année devrait déclarer, conformément aux prévisions, l'Union européenne opérationnelle pour intervenir dans la gestion militaire des crises là où elle le jugera nécessaire.

II. - EXAMEN DE L'AVIS

La Commission de la Défense s'est réunie le 30 octobre, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 2002 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, Rapporteur pour avis.

M. Bernard Grasset, Rapporteur pour avis, a rappelé que son avis budgétaire portait sur un des huit systèmes de forces, dénommé « Commandement, Conduite des opérations, Communication et Renseignement », que les opérationnels désignent par l'acronyme C3R.

Il a fait valoir que l'espace, les communications et le renseignement permettaient de maîtriser l'information, c'est-à-dire le recueil, le traitement, la diffusion et le stockage des ordres et éléments d'appréciation indispensables à tous les échelons, du niveau politique jusqu'au commandement sur le terrain. Tout en reconnaissant des spécificités importantes à chacun de ces moyens, il a insisté sur la nécessaire cohérence de l'ensemble.

M. Bernard Grasset a alors fait observer que, pour la seconde année consécutive, le secteur de l'espace bénéficiait, plus que tout autre poste de dépenses d'équipement du ministère de la Défense, d'un traitement budgétaire plutôt favorable. Il a notamment relevé que les crédits de paiement alloués à l'espace militaire s'accroissaient de 9,1 % par rapport au budget voté de 2001, leur montant s'établissant à 454,3 millions d'euros (2,98 milliards de francs), niveau jamais atteint depuis 1998.

Il a nuancé son appréciation en présentant l'évolution des autorisations de programme, dont il a indiqué qu'elles diminuaient très sensiblement de 28,7 %. Il a toutefois souligné que l'avenir était préservé, puisque le montant des crédits de paiement et des autorisations de programme consacrés à la recherche en faveur de l'espace, respectivement 44,4 millions d'euros (291 millions de francs) et 35,1 millions d'euros (230 millions de francs), augmentait sensiblement.

Le Rapporteur pour avis a également émis une réserve à l'égard du maintien en 2002 d'un versement du ministère de la Défense, de l'ordre de 190,6 millions d'euros (1,25 milliard de francs), au budget civil de recherche-développement (BCRD). Il a rappelé que cette imputation, essentiellement destinée aux recherches réalisées par le CNES, entrait en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002. Considérant que les dotations ainsi affectées au BCRD ne seraient pas contestables dans leur principe si elles bénéficiaient à des recherches d'intérêt militaire, il a regretté que ce ne soit que partiellement le cas.

M. Bernard Grasset a observé que, dans l'ensemble, le projet de budget permettait d'assurer la continuité des programmes spatiaux majeurs. Il a souligné qu'avec 1 658 millions d'euros (10,9 milliards de francs) de crédits de paiement consacrés à l'espace civil et militaire, la France apparaissait comme le pays européen qui maintenait le niveau d'engagement financier le plus conséquent en faveur de l'espace, regrettant que son exemple ne soit pas davantage suivi.

Il a toutefois reconnu les efforts des autres pays européens, indiquant qu'ils avaient notamment doté l'Agence Spatiale Européenne de moyens suffisants pour adapter Ariane 5 à la concurrence et engager le développement de Galileosat, système de navigation par satellites concurrent du GPS américain et du Glonass russe. Il s'est également réjoui que la Conférence ministérielle de l'Agence Spatiale Européenne, qui se tiendra à Edimbourg à la mi-novembre, soit disposée à permettre le lancement de Soyouz depuis Kourou. Il a souligné cependant que les pays européens investissaient davantage dans des programmes duaux à vocation majoritairement civile. Il a plus particulièrement remarqué que, dans le domaine de l'espace militaire, un décalage subsistait par rapport aux déclarations des sommets européens d'Helsinki, en décembre 1999, et de Nice, en décembre 2000, aux termes desquelles les Etats membres de l'Union européenne s'étaient assigné pour but de mettre en _uvre des capacités collectives de commandement, de contrôle et de renseignement, en vue de projeter pendant un an 50 000 à 60 000 hommes, soutenus par des moyens aériens et navals, sur un théâtre éloigné.

Le Rapporteur pour avis a rappelé que le plan pluriannuel spatial militaire (PPSM) avait, en son temps, évalué à un montant annuel compris entre 533,6 et 609,8 millions d'euros (entre 3,5 et 4 milliards de francs) les moyens spatiaux nécessaires à ce type de projection de forces. Observant que certains paramètres et besoins avaient changé, il a estimé à 730 millions d'euros (4,8 milliards de francs) par an le niveau global d'investissement indispensable pour atteindre les objectifs d'Helsinki, puis regretté que la somme des budgets européens consacrés à l'espace militaire en soit éloignée.

Transposant au financement d'un programme spatial militaire européen complet comportant des systèmes d'observation, de télécommunications, d'écoute, d'alerte avancée et de surveillance, les critères de contribution de l'Agence Spatiale Européenne, il a souligné à titre d'exemples, que la participation de la Belgique représenterait l'équivalent de onze annuités de contribution d'un niveau de 2,5 % au programme Hélios 2, que l'investissement du Royaume-Uni serait égal au tiers de son budget spatial militaire actuel et que la participation française correspondrait à peu près au flux annuel moyen prévisible du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, de l'ordre de 214 millions d'euros (1,4 milliard de francs). Faisant valoir qu'un tel projet spatial militaire européen équivaudrait à 32 % des ressources annuelles de l'Agence Spatiale Européenne, qui s'élèvent à 2,3 milliards d'euros (15 milliards de francs), il a considéré qu'il était financièrement supportable.

M. Bernard Grasset a estimé que l'enjeu de la construction d'une Europe de l'espace militaire était essentiel à un moment où les Etats-Unis reviennent en force sur l'ensemble de ce domaine avec pour volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici 2005 et alors même que le Japon, la Chine et l'Inde confirment leurs ambitions et leur aptitude à venir concurrencer les programmes européens, aussi bien sur le plan des lanceurs que sur celui des satellites. Il a alors mis en exergue le rôle moteur joué par la France dans la poursuite de programmes fondamentaux et l'impulsion des coopérations européennes en matière spatiale militaire.

Il a cité à cet égard l'exemple de la relève de la filière d'observation optique, Hélios 2, qui sera financée par la France à hauteur de 97,5 %, la Belgique ayant accepté de participer au programme le 13 juillet 2001, ce qui se traduit dans le projet de budget par un niveau de crédits de paiement de 176,4 millions d'euros (1,16 milliard de francs). Il a ajouté à ce propos que l'Espagne devrait elle aussi signer prochainement un accord fixant à 2,5 % le niveau de sa participation au financement d'Hélios 2. Evoquant les suites de ce programme, complété par le projet dual Pléiades, il a mentionné l'accord de coopération franco-italienne conclu lors du sommet bilatéral de Turin, le 29 janvier 2001, aux termes duquel des échanges de capacités spatiales optique et radar entre les deux pays interviendront d'ici 2006. Il a ajouté que l'Allemagne pourrait elle aussi rallier cette coopération. Se référant enfin au renouvellement du système de télécommunications militaires spatiales Syracuse 2, il a indiqué qu'il s'effectuerait dans un premier temps sous maîtrise d'_uvre nationale dès 2002-2003, ce qui nécessitait pour 2002 104,9 millions d'euros (688 millions de francs) d'autorisations de programme et 156,5 millions d'euros (1,03 milliard de francs) de crédits de paiement, mais qu'il pourrait donner lieu ultérieurement à une coopération avec l'Allemagne.

Le Rapporteur pour avis a alors observé que le Gouvernement veillait à préserver au mieux la position de pointe de la France dans la plupart des domaines de l'espace militaire, y compris en ce qui concerne les programmes de cohérence et d'écoute électromagnétique. Il a précisé que des efforts étaient désormais consentis pour la réalisation d'un essaim de microsatellites, dont le lancement était prévu pour 2004, alors que l'océanographie et la météorologie continuaient de faire l'objet d'un traitement favorable.

Abordant les dispositions du projet de budget concernant les systèmes de communication et les moyens de renseignement, il s'est félicité que ces domaines continuent de recevoir une attention particulière sur le plan budgétaire.

Il a à cet égard mentionné le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunications et de transmission des forces, citant notamment l'équipement de six nouvelles bases de l'armée de l'Air en moyens de transmission des bases aériennes (MTBA), la poursuite du programme de modernisation des moyens de transmission des garnisons (MTGT) de l'armée de Terre par la commande de quarante-neuf systèmes et la livraison de trente-cinq autres, et enfin l'accroissement des ressources destinées aux équipements de la Marine en matière de systèmes de télécommunications et d'espace, les autorisations de programme demandées à ce titre s'élevant à un peu plus de 77,7 millions d'euros (510 millions de francs) alors que les crédits de paiement avoisinent 64,5 millions d'euros (423 millions de francs).

Le Rapporteur pour avis a ajouté que les systèmes de recueil de renseignement seraient eux aussi améliorés. Il a constaté avec satisfaction qu'un effort particulier était prévu en faveur des drones, conformément aux observations qu'il avait formulées les années précédentes. Il a précisé que l'armée de Terre devait prochainement se doter d'un système de drone tactique intérimaire pour remplacer le Crécerelle dont la fin de service est programmée pour 2003. Il a également indiqué que l'armée de l'Air devait acquérir d'ici 2003 trois drones intérimaires Eagle de type moyenne altitude longue endurance (MALE) avec une station sol. Il a enfin évoqué plusieurs programmes d'études et de développement concernant des drones très courte portée (TCP) Pointer, des minidrones ainsi que des drones Marine.

M. Bernard Grasset a ensuite observé que les dotations des services de renseignement devraient augmenter de manière à permettre à ces derniers de mener à bien leurs missions et, dans certains cas, leurs réformes internes. Il a estimé que l'intérêt ainsi marqué pour le renseignement humain se justifiait plus que jamais, à l'heure où les menaces dites « asymétriques », tel le terrorisme international, se faisaient plus précises.

Il a souligné l'effort de transparence du Gouvernement qui, pour la première fois, avait inclus les dotations de la DRM dans l'agrégat des crédits relatifs au renseignement mais néanmoins souhaité une ligne budgétaire spécifique et globale pour la fonction de renseignement estimant que les moyens qui lui sont alloués pourraient ainsi y gagner en lisibilité et en cohérence.

Concluant son intervention, le Rapporteur pour avis a jugé le projet de budget globalement satisfaisant, aussi bien dans le domaine de l'espace que des communications et du renseignement. Evoquant l'avenir, il a néanmoins souligné que l'appréciation portée par la plupart de ses interlocuteurs sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 était plutôt nuancée. Il a alors mis en garde contre tout relâchement de l'effort français dans un domaine aussi stratégique que l'espace, en évoquant les sérieuses conséquences qui pourraient en résulter pour la capacité de la France à remplir le rôle de nation-cadre pour le C3R en Europe ainsi que pour les compétences des industriels nationaux. Il s'est également prononcé en faveur de coopérations plus étroites avec les autres pays de l'Union européenne, estimant qu'au minimum, une stabilisation du niveau des dotations de la France en faveur de l'espace était nécessaire.

M. Bernard Grasset a alors proposé à la Commission de donner un avis favorable aux crédits de la Défense consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement pour 2002.

Evoquant les perspectives de la coopération européenne en matière aéronavale, le Président Paul Quilès a estimé que cette coopération offrait également de grandes possibilités dans le domaine spatial militaire. Soulignant que l'avance prise aujourd'hui par la France dans ce domaine était le fruit de l'histoire, il a jugé que l'absence de plates-formes spatiales européennes à l'échéance de dix ou quinze ans serait incompréhensible.

S'agissant des services de renseignement, il a regretté que la réflexion menée au sein de la Commission sur leur contrôle démocratique n'ait pas abouti à l'adoption de dispositions législatives.

M. Jean-Yves Le Drian a demandé quelles initiatives de coopération internationale dans le domaine du renseignement avaient été prises à la suite des événements du 11 septembre dernier.

M. Robert Gaïa a regretté que, contrairement aux pays anglo-saxons, la France ne mette pas davantage à contribution des laboratoires et instituts de recherche privés pour alimenter un débat contradictoire sur les crises internationales.

Après avoir exprimé sa satisfaction à l'égard de l'évolution des crédits de l'Espace, des Communications et du Renseignement, M. Jean-Louis Bernard a souligné l'avance prise en Europe par la France dans le domaine spatial. Il a cependant regretté que les conséquences des événements du 11 septembre n'aient pas été prises en compte par le projet de budget de la Défense.

M. Bernard Grasset a apporté les éléments de réponse suivants :

- les événements survenus le 11 septembre n'ont pas fait évoluer profondément la coopération internationale dans le domaine du renseignement, même si les discours témoignent d'une plus grande ouverture ;

- les enseignements du conflit du Kosovo ont été tirés l'année suivante. Le conflit qui a commencé le 11 septembre est quant à lui tout à fait atypique. En tirer des enseignements demandera donc du temps. Parmi les lacunes capacitaires qui apparaissent le plus nettement figure celle relative aux satellites d'écoute.

Le Président Paul Quilès a ajouté que la mission d'information de la Commission sur les conséquences des attentats du 11 septembre avait justement pour objet d'élaborer des propositions d'action.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2002 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement.

*

Au cours de sa réunion du 6 novembre 2001, la Commission de la Défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2002, les membres des groupes RPR, UDF et DL votant contre.

N° 3323-III.- Avis de M. Bernard Brasset (commission de la défense) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Défense : Espace, communication et renseignement.


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© Assemblée nationale

Rapport annexé au projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, p. 11.

D'autres types d'agressions pourraient exister : par rayonnement micro-ondes ou « satellites tueurs » (lanceurs de billes sur les panneaux solaires etc.).