PAR MME NICOLE FEIDT,

Députée.

--

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - DES ENGAGEMENTS TENUS EN FAVEUR DES SERVICES JUDICIAIRES 7

A. UN RENFORCEMENT CONTINU DES MOYENS EN PERSONNELS 7

1. L'augmentation des effectifs 7

2. Les revalorisations statutaires et indemnitaires 13

3. La mise en _uvre de la réduction du temps de travail 16

B. LA POURSUITE DE L'EFFORT EN FAVEUR DES JURIDICTIONS 17

1. Des moyens nouveaux pour le fonctionnement des juridictions 17

2. La remise à niveau du patrimoine immobilier 20

C. L'EFFORT EN DIRECTION DES JUSTICIABLES 22

1. L'augmentation des frais de justice 22

2. La priorité accordée aux associations d'aide aux victimes 23

II. - UN EFFORT RENOUVELÉ EN DIRECTION DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 24

A. DES MOYENS EN PERSONNEL ADAPTÉS 25

1. Un rythme soutenu de créations d'emplois 25

2. La poursuite des revalorisations statutaires et indemnitaires 27

B. LE RENFORCEMENT DES JURIDICTIONS 28

1. La relative stabilité des crédits de fonctionnement courant et d'informatique 28

2. L'augmentation des crédits d'équipement 29

III. - DES CRÉDITS PLUS IMPORTANTS POUR L'ADMINISTRATION CENTRALE 29

A. DES CRÉATIONS MODESTES COMPLETÉES PAR DES TRANSFERTS D'EMPLOIS. 30

1. Les créations d'emplois 30

2. Les transferts d'emplois 30

B. L'IMPORTANCE DES MESURES EN FAVEUR DES PERSONNELS 31

1. Les mesures indemnitaires et statutaires 31

2. Les crédits d'action sociale 32

IV. - UN RAPIDE BILAN DES DEUX RÉFORMES CONDUITES PAR LE MINISTÈRE : L'AIDE JURIDICTIONNELLE ET LA LOI DU 15 JUIN 2000 32

A. LA RÉFORME DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE 33

1. Un nombre d'admission à l'aide juridictionnelle en baisse mais qui devrait à nouveau augmenter avec les réformes récentes 33

2. Le protocole d'accord du 18 décembre 2000 et les principales conclusions du rapport Bouchet 35

B. L'APPLICATION DE LA LOI DU 15 JUIN 2000 36

1. Les moyens mis en _uvre 37

2. Le bilan des premiers mois d'application 39

AUDITION de Mme Marylise LEBRANCHU, garde des Sceaux, ministre de la justice, et EXAMEN EN COMISSION 43

ORGANISATIONS SYNDICALES REÇUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 71

Mesdames, Messieurs

Avec un montant qui dépasse, pour la première fois, la barre symbolique de 30 milliards de francs, le budget de la justice pour 2002 traduit, une fois de plus, la volonté du Gouvernement de faire du service public de la justice une priorité de la politique gouvernementale.

En effet, alors que le budget général de l'Etat augmente de 2 %, les crédits de la justice progressent, eux, de 5,7 %. Sur cinq ans, la hausse est de 6,8 milliards de francs (1,04 milliard d'euros), soit une augmentation de 29 %.

Cet effort sans précédent s'est traduit par la création de près de 7 273 emplois en cinq ans. Le budget 2002 est, de ce point de vue, exemplaire, puisqu'il prévoit 2 792 emplois supplémentaires, contre 1 550 pour la loi de finances précédente.

Les services judiciaires, les juridictions administratives et l'administration centrale, objets de cet avis, profitent largement de cette augmentation exceptionnelle du budget de la justice, puisque leurs crédits progressent respectivement de 4,2 %, 5,2 % et 6,5 %.

Les 963 créations d'emplois prévues par le projet de budget pour ces services permettront de poursuivre la mise en _uvre des réformes engagées par le Gouvernement. Certes, ces créations d'emplois ne se traduiront pas par l'arrivée effective, dès l'année prochaine, d'agents dans les juridictions ou les services, en raison du délai nécessaire de formation. Mais on ne peut, comme certaines organisations syndicales, regretter à la fois l'insuffisance de la formation et souhaiter une arrivée plus rapide en juridictions. Votre rapporteure, pour sa part, estime indispensable d'améliorer cette formation, en réfléchissant notamment à la mise en place d'un tronc commun pour les professionnels du droit, qui, tout en améliorant la qualité de l'enseignement dispensé, permettrait de rationaliser une formation actuellement dispersée.

Plus que des difficultés d'application des différentes réformes engagées, les organisations syndicales rencontrées par votre rapporteure se sont inquiétées de la mise en place de la réduction du temps de travail, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2002. En effet, malgré l'importance des provisions indemnitaires destinées à financer les astreintes et les heures supplémentaires, ces organisations syndicales se sont déclarées insatisfaites des modalités d'application retenues, critiquant notamment l'absence de dialogue social au sein du ministère. Or, seul d'un dialogue social de qualité permettra d'emporter l'adhésion des personnels aux réformes engagées, indispensable pour le succès de celles-ci.

Outre le traditionnel examen des crédits budgétaires votre rapporteure a souhaité, cette année, présenter les grandes lignes des réformes intervenues en matière d'aide juridictionnelle et faire un rapide bilan, loin des polémiques actuelles, de l'application de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

*

* *

I. - DES ENGAGEMENTS TENUS EN FAVEUR DES SERVICES JUDICIAIRES

Avec un montant de 2 milliards d'euros (13,12 milliards de francs), contre 1,92 milliard d'euros (12,6 milliards de francs) l'année précédente, le budget des services judiciaires progresse de 4,2 %. Cette augmentation des crédits permet, notamment, de poursuivre le renforcement des moyens en personnels des juridictions, conformément aux engagements pris par le Gouvernement en mars 2001.

Les créations d'emplois pour 2002 s'inscrivent dans le cadre de la programmation pluriannuelle annoncée par le Premier ministre au printemps dernier, qui prévoit notamment la création de 1200 emplois de magistrats sur quatre ans. Ainsi, en 2005, l'effectif réel des magistrats devrait s'élever à 8 020, contre 6 846 au 1er juillet 2001. Cet effectif prévu est un chiffre net, qui tient compte de l'ensemble des départs à la retraite. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2002 prévoit d'importantes mesures de revalorisation de la situation matérielle des magistrats et des fonctionnaires.

Grâce à la création de 845 emplois, les services judiciaires compteront, en 2002, 27 601 agents.

Ces emplois nouveaux seront, en partie, consacrés à la mise en _uvre des différentes réformes engagées : ainsi, la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence donne lieu à la création de 80 emplois de magistrats et de 23 emplois de greffiers, qui s'ajouteront aux 237 emplois de magistrats et les 137 emplois de fonctionnaires créés en 2001 ; 46 emplois de magistrats sont prévus pour la réforme des tribunaux de commerce ; l'application des décisions du conseil de sécurité intérieur du 27 janvier 1999 se traduira par la création de 25 emplois de juges des enfants et 30 emplois de greffiers ; enfin, les maisons de justice et du droit et l'accès au droit bénéficieront respectivement de 35 et 4 emplois de greffiers et greffiers en chef.

Les services seront renforcés par la création de 602 emplois, dont 169 emplois de magistrats, 418 emplois de fonctionnaires et 15 emplois de contractuels. Ces emplois seront répartis de la manière suivante : le renforcement des juridictions dans le traitement des contentieux bénéficiera des 169 emplois de magistrats et de 345 emplois de greffiers et celui des fonctions d'administration et de gestion des services judiciaires de 67 emplois de greffiers et de 15 emplois de contractuels, ces derniers étant destinés à accompagner le développement des moyens informatiques des juridictions ; par ailleurs, l'Ecole nationale des greffes et le service de documentation et d'études de la Cour de cassation se verront attribuer respectivement 4 et 2 emplois de greffiers en chef.

Au total, ce sont donc 320 magistrats, 500 greffiers, 10 greffiers en chef et 15 contractuels qui viendront, en 2002, renforcer les moyens humains des juridictions.

La plupart des organisations syndicales rencontrées par votre rapporteure se sont inquiétées de la mise en place, au 1er janvier 2002, de la réduction du temps de travail, jugeant insuffisantes les créations d'emplois prévues. Le syndicat force ouvrière-fédération de l'administration générale de l'Etat (FO-FAGE) a évalué à 1 676 le nombre d'emplois nécessaires pour l'application des 35 heures dans les services judiciaires. Le syndicat interco justice CFDT a dénoncé l'absence d'anticipation des pouvoirs publics et regretté, tout comme l'association professionnelle des magistrats (APM), le manque de dialogue social. Il a également souligné l'importance des délais avant que les créations d'emploi annoncées ne se traduisent effectivement par la présence de personnels supplémentaires dans les juridictions. Le syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires a souhaité la création d'emplois supplémentaires en catégorie B et jugé nettement insuffisante celle de 10 greffiers en chef prévue pour l'exercice 2002.

Tout en reconnaissant la réalité des besoins, votre rapporteure tient à faire observer que l'amplification de l'effort actuel de recrutement, déjà extrêmement important, se heurterait à des problèmes de formation : l'école nationale des greffes fonctionne, en effet, au maximum de sa capacité ; quant à l'école nationale de la magistrature, ses promotions ont déjà été augmentées de 200 à 280 magistrats. L'une des solutions pour résoudre ce problème de formation consisterait à mettre en place une grande école du droit, rassemblant l'ensemble des moyens de formation actuellement dispersés, qui serait chargée d'assurer la formation de l'ensemble des professions juridiques (magistrats, greffiers, avocats, notaires...).

L'union syndicale des magistrats (USM) a regretté l'absence de moyens de la justice face aux nombreuses actions judiciaires intentées à la suite de catastrophes comme l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, le naufrage de l'Erika ou encore l'explosion de Toulouse. Il a préconisé la mise en place de pool de crise destiné à gérer au mieux ces événements.

Au 1er juillet 2002, la répartition des emplois de magistrats dans l'ensemble des juridictions judiciaires était la suivante :

Juridictions

Siège

Parquet

Autre

Total

Magistrat de la Cour de cassation

146

24

 

170

Magistrat au service de documentation et d'études

   

12

12

Secrétaire général

   

2

2

Totalité des emplois de la cour de cassation

146

24

14

184

Magistrat des cours d'appel et des tribunaux supérieurs d'appel (dont 20 conseillers en service extraordinaire)

1 036

249

 

1 285

Secrétaire général (cours d'appel de Paris : 2 et de Versailles : 2)

   

4

4

Magistrat placé

119

66

 

185

Totalité des emplois des cours d'appel et T.S.A.

1 155

315

4

1 474

Magistrat du siège non spécialisé

2 724

   

2 724

dont emplois de magistrat chargé du service de l'instance

855

     

Juge du livre foncier

36

   

36

Juge d'instruction

566

   

566

Juge des enfants

376

   

376

Juge de l'application des peines

205

   

205

Magistrat du parquet

 

1 168

 

1 168

Emplois de secrétaire général (tribunal de grande instance de Paris)

   

2

2

Totalité des emplois des T.G.I. et T.P.I.

3 907

1 168

2

5 077

Ensemble des emplois en juridictions

5 208

1 507

20

6 735

Source : Ministère de la justice

A ces 6 735 emplois de magistrats en juridictions, il convient d'ajouter 8 emplois de magistrats du Conseil supérieur de la magistrature, 2 à l'Ecole nationale des greffes et 101 emplois non répartis par juridiction (dont 99 au titre des emplois créés en loi de finances pour 2001), soit un total de 6 846 emplois de magistrats pour les services judiciaires.

Votre rapporteure se félicite que la moitié des 320 postes de magistrats créés par la loi de finances pour 2002 soit affectée au renforcement des parquets, qui ont vu leur charge de travail augmenter de manière sensible ces dernières années, notamment avec la mise en place de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence.

Au 1er septembre 2001, 144 magistrats étaient à temps partiel, ce qui correspond à un total de 88 équivalents temps plein, contre 55,9 en 1999 et 72,3 en 2000. L'augmentation concerne principalement l'exercice des fonctions à 80 %, dont le nombre est passé, en un an, de 32 à 48 magistrats.

Les détachements se stabilisent, puisqu'ils portent sur 253 emplois contre 254 l'année précédente. Pour des raisons de coût budgétaire, l'administration d'accueil privilégie le détachement des magistrats du second grade (129). Plus des trois quarts de ces détachements se font hors du monde judiciaire : organes constitutionnels (Parlement européen, Conseil constitutionnel..), administrations d'Etat (départements ministériels), autorités administratives indépendantes (COB, CNIL), établissements publics et collectivités territoriales, personnes de droit privé.

59 magistrats, dont les postes budgétaires sont localisés dans les juridictions, sont actuellement mis à disposition : 14 d'entre eux exercent leur activité au sein du cabinet de la garde des Sceaux ou auprès de la Cour de cassation ou des cours d'appel (mises à dispositions internes) ; 7 sont magistrats de liaison ; 6 sont maîtres de conférence à l'Ecole nationale de la magistrature et seront, dès 2002, placés en position de détachement ; 8 exercent des fonctions au sein des institutions européennes ; enfin, les 24 derniers sont répartis entre les cabinets ministériels et les missions ministérielles ou interministérielles ou en qualité de Médiateur de la République.

Même si elles ne concernent que 1 % de l'ensemble des magistrats de l'ordre judiciaire, ces mises à disposition soulèvent certaines difficultés, dénoncées par la Cour des comptes dans son rapport d'avril 2001 sur la fonction publique d'Etat. La Cour souligne ainsi que « ces pratiques de « mises à disposition » internes ou externes contribuent [..] à brouiller la connaissance des effectifs réellement disponibles au sein des différentes juridictions « taxées » » et critique « l'absence d'effort de détermination précise des effectifs théoriques de la Chancellerie en général, et de la direction des services judiciaires en particulier » que ces pratiques traduisent.

Afin de répondre à ces critiques, le Gouvernement a prévu que les mises à dispositions « internes », c'est à dire les emplois prélevés sur des juridictions de premier degré au profit des juridictions du deuxième degré ou « prêtés » entre les juridictions, seront régularisées par un redéploiement entre juridictions, favorisé par les créations d'emplois inscrites dans la loi de finances.

Pour les autres mises à disposition, le projet de loi de finances prévoit un transfert sur le budget de l'administration centrale de 20 emplois de magistrats, qui constitueront des postes relais sur lesquels seront nommés les magistrats mis à disposition. Par ailleurs, la Chancellerie cherche, dans la mesure du possible, à transformer les mises à disposition en détachement, comme pour les 6 maîtres de conférence de l'ENM.

L'effectif des conseillers de prud'hommes est de 14 646, pour 271 conseils de prud'hommes. En vue des prochaines élections prévues pour fin 2002, un groupe de travail a été constitué au sein du conseil supérieur de la prudh'ommie afin de procéder à une révision générale des effectifs par conseil de prud'hommes et, à l'intérieur de ceux-ci, par section. Un projet de décret en Conseil d'Etat devrait ainsi être élaboré avant la fin de l'année.

Depuis le décret n °99-659 du 30 juillet 1999 portant suppression de 36 tribunaux de commerce, l'effectifs des juges consulaires est de 3 152, au lieu de 3 336 auparavant.

Au 1er juillet 2001, les services judiciaires comptaient 19 957 fonctionnaires, répartis de la manière suivante : 1 680 greffiers en chef, 6 854 greffiers, 11 360 personnels de catégorie C, 53 contractuels et 10 agents d'autres administrations.

Ce sont les corps des greffiers en chef et des greffiers qui ont le plus profité de l'effort de recrutement mené ces dernières années, puisque les effectifs de ces corps sont passés de 1 415 en 1991 à 1751 en 2001 pour les cadres A et de 4 448 à 7 699, pendant la même période, pour les cadres B. Parallèlement, les effectifs de catégorie C, après avoir diminué de 1994 à 1996, sont, depuis cette dernière date, en progression, étant passé de 10 972 à 12 066 en 2001.

Malgré les récents recrutements, le ratio fonctionnaires/magistrats ne cesse de baisser : de 2,82 en 1999, il est passé à 2,65 en 2001 (2,61 en 2002). Votre rapporteure tient néanmoins à rappeler que cette baisse est essentiellement due à l'important effort de recrutement de magistrats mené ces dernières années.

Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit la création de 525 emplois de fonctionnaires, parmi lesquels 10 greffiers en chef, 500 greffiers et 15 techniciens informatiques.

S'agissant des greffiers en chef, les créations d'emplois projetés, auxquelles s'ajoute la prise en compte des vacances de postes (27) et les projections de départ à la retraite, ont d'ores et déjà permis d'organiser un concours en vue du recrutement de 74 greffiers en chef, l'arrivée effective de ces agents en juridiction étant attendue pour septembre 2003. En outre, 10 greffiers en chef seront recrutés au choix, pour une arrivée en juridiction en juillet 2002.

Concernant les greffiers, une autorisation exceptionnelle de recrutement anticipé a permis de lancer un concours pour 500 nouveaux greffiers. La formation à l'Ecole nationale des greffes devrait débuter en juin 2002 pour 200 d'entre eux et en septembre 2002 pour les 300 restant, l'arrivée en juridiction s'échelonnant entre juin et septembre 2003. Par ailleurs, 40 greffiers seront recrutés au choix, pour une arrivée effective en juridiction en juillet 2002.

Pour les personnels de catégorie C, il est prévu d'organiser un concours au cours de l'année 2002, afin de pourvoir les postes vacants, évalués à 50,8 équivalents temps plein.

Les recrutements massifs de ces dernières années sont intervenus alors que les charges individuelles de travail des magistrats ont évolué de manière contrastée. Certes, le mode de calcul de la charge de travail individuelle (nombre de dossiers par magistrats) est purement mathématique et ne prend pas en compte la complexité croissante des affaires. Il permet, néanmoins, d'indiquer les grandes tendances de cette évolution.

Au niveau des cours d'appels, le nombre d'affaires terminées par magistrat du siège est passé de 273 en 1991 à 287 en 1999, soit une augmentation de 5 % de la charge de travail. Dans cette même période, les magistrats du parquet de ces juridictions ont vu leur charge de travail augmenter de 6  % (267 arrêts par magistrats en 1991 contre 283 en 1999).

Les magistrats du siège non spécialisés des tribunaux de grande instance ont vu leur charge de travail se stabiliser (+0,4 % entre 1991 et 1999). Elle a même diminué de 20 % pour les juges d'instruction, puisque le nombre d'affaires nouvelles par magistrat est passé de 91 en 1991 à 73 en 1999. La durée moyenne des instructions s'est pourtant allongée, passant de 11,6 mois en 1991 à 16,4 mois en 1999. Ce décalage entre charge de travail et durée de l'instruction peut s'expliquer par la plus grande complexité des affaires soumises à l'instruction, notamment pour les affaires financières.

En revanche, les juges des enfants et les juges de l'application des peines ont vu leur charge de travail augmenter entre 1996 et 1999 de respectivement 13 % et 6 %. Le nombre de procès verbaux contre auteurs connus par magistrat du parquet est passé de 1 894 en 1991 à 1 718 en 1999, soit une baisse de 9 %.

Enfin, les magistrats des tribunaux d'instance ont bénéficié, pendant cette même période, d'une diminution de la charge de travail de 44 %.

L'activité judiciaire en 2000 confirme dans l'ensemble ces tendances.

L'activité judiciaire civile connaît une nouvelle diminution, prolongeant le mouvement de baisse amorcé dès 1997.

Devant les tribunaux de grande instance, cette tendance de fond touche presque tous les contentieux civils : contentieux familiaux, de la responsabilité, de l'impayé, de l'exécution ; en 2000, la baisse a été, toutefois, d'ampleur plus modeste (0,9 %), en raison notamment d'une certaine reprise des ruptures d'union. La durée moyenne de traitement des affaires est de 8,9 mois, soit le chiffre le plus bas de la décennie. Les tribunaux d'instance ont connu une hausse modérée de leurs affaires nouvelles, mais la durée de traitement est restée stable, autour de 5 mois. Les affaires nouvelles devant les conseils de prud'hommes ont continué à baisser, tout comme celles des juridictions commerciales. Quant aux cours d'appel, bénéficiant de la baisse d'activité des juridictions de première instance et du relèvement des seuils d'appel pour les petits litiges financiers, elles connaissent, une nouvelle fois, une forte diminution du nombre d'affaires nouvelles, ce qui leur permet de résorber le nombre d'affaires en stock. La durée moyenne de traitement des affaires a néanmoins connu une légère augmentation, passant de 18,1 mois en 1999 à 18,4 mois en 2000.

Le nombre d'affaires pénales transmises aux parquets en 2000 a, en revanche, augmenté de 2,2 %. Cette progression est à rapprocher de la hausse de 5,7 % des crimes et des délits constatée par le ministère de l'intérieur. Sur les 1 289 000 affaires poursuivables, un peu moins de la moitié ont fait l'objet de poursuites ; 19,2 % ont fait l'objet d'une troisième voie réussie et 32,1 % ont été classées pour inopportunité des poursuites. Le taux de réponse pénale est donc en augmentation, passant de 67,5 % en 1999 à 67,9 % en 2000, malgré une diminution de 1,6 % des poursuites pénales. Avec 2 500 arrêts, les cours d'assises ont vu leur activité diminuer de 8 % par rapport à 1999. Pour la première fois depuis 1995, le stock des affaires devant les chambres des appels correctionnels est en baisse. En revanche, la Cour de cassation a connu une hausse de 10,5 % des affaires nouvelles. La durée moyenne du traitement des affaires pénales augmente en 1999 (+ 0,2 mois).

 

1999

2000

Evolution de la durée des procédures civiles (en mois)

   

- Cour d'appel

   

Durée moyenne

18,1

18,4

Durée médiane

15,7

15,7

Durée théorique d'élimination des stocks

17,9

15,8

- Tribunal de grande instance

   

Durée moyenne

9,1

8,9

Durée médiane

5,9

5,5

- Tribunal d'instance

   

Durée moyenne

5,2

5,1

Durée médiane

3,3

3,3

- Conseil de prud'hommes

   

Durée moyenne

10,3

10,2

Durée médiane

8,9

8,2

- Tribunal de commerce

   

Durée moyenne

5,6

4,8

Durée médiane

1,8

1,1

Evolution de la durée moyenne des procédures
pénales (en mois)

   

Crimes

30,8

30,6

Délits

11,2

10,9

L'enveloppe de 16,1 millions d'euros (105,8 millions de francs) inscrite dans le projet de loi de finances permettra d'achever la réforme du statut de la magistrature, dont le coût budgétaire total s'élève à 27,9 millions d'euros (183 millions de francs).

Rappelons que cette réforme, mise en place par la loi organique n° 2001-39 du 25 juin 2001, a pour objectif de débloquer les carrières, favoriser la mobilité et aligner la situation des magistrats de l'ordre judiciaire sur celle des magistrats de l'ordre administratif.

Elle prévoit, notamment, le repyramidage du corps, en augmentant significativement le nombre d'emplois d'avancement au premier grade et hors hiérarchie. Elle unifie le grade d'avancement, par la suppression des deux groupes au sein du premier grade, permettant ainsi une accélération de la progression de la carrière, désormais identique à Paris et en province, et instaure une possibilité d'avancement dès 7 ans d'ancienneté, au lieu de 10 actuellement.

La loi limite également la durée d'exercice de certaines fonctions au sein d'une même juridiction. Ainsi, la durée maximale d'exercice des fonctions de chefs de cour d'appel et de juridiction est de sept ans. En outre, les juges d'instruction, les juges des enfants, les juges de l'application des peines, les juges d'instance et les juges aux affaires familiales ne peuvent exercer leurs foncions plus de dix ans. Ces dispositions ne s'appliqueront, toutefois, qu'aux seules nominations intervenant à compter du 1er janvier 2002.

La mise en _uvre de la réforme, notamment des dispositions relatives à la carrière des magistrats, nécessite d'importantes modifications réglementaires. Un décret en Conseil d'Etat devra ainsi déterminer la liste des fonctions exercées à chaque niveau hiérarchique, la liste des emplois classés hors hiérarchie, le nouvel échelonnement indiciaire de chaque grade et les règles de reclassement au sein de ces grades. L'adoption de ces modifications réglementaires devrait s'échelonner entre décembre 2001 et avril 2002.

L'APM s'est inquiétée des délais d'application de cette réforme et a renouvelé son opposition aux dispositions limitant la durée d'exercice des fonctions de magistrat spécialisé au sein d'une même juridiction, considérant que celles-ci seraient extrêmement difficiles à mettre en _uvre.

Rappelons que, dès 2000, sans attendre le vote de la loi organique, 411 emplois du second grade ont été repyramidés au 1er groupe du 1er grade, afin d'amorcer le déblocage de l'avancement des magistrats. Cette mesure a été financée grâce aux provisions de 5,79 millions d'euros (38 millions de francs) votées en loi de finances pour 1999 et 2000.

Les réformes statutaires concernant les fonctionnaires des services judiciaires ont fait l'objet d'un groupe de travail, constitué à la suite du protocole d'accord conclu le 1er décembre 2000 entre la garde des Sceaux et quatre organisations syndicales. Une provision de 1,2 million d'euros (8 millions de francs) a ainsi été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2002 afin de financer les réformes statutaires des greffiers en chef et des greffiers.

3,95 millions d'euros (25,91 millions de francs) sont également inscrits pour les pyramidages statutaires et les transformations d'emplois. Il est notamment prévu de transformer 448 emplois d'adjoints administratifs en 281 emplois d'adjoints administratifs principaux de 2ème classe et en 167 emplois d'adjoints administratifs principaux de 1ère classe, ainsi que 184 emplois de greffiers du 3ème grade en 92 greffiers du 2ème grade et 92 greffiers du 1er grade.

Le syndicat interco justice CFDT et l'union syndicale autonome justice (USAJ) se sont inquiétées de la faiblesse de la provision prévue pour les réformes statutaires des fonctionnaires des services judiciaires, faisant valoir qu'elle ne permettrait pas de financer les modifications statutaires envisagées lors des discussions avec le Gouvernement. Votre rapporteure tient à rappeler qu'il s'agit d'une simple provision, qui ne présage en rien de l'ampleur financière des réformes et devra naturellement, en fonction de celles-ci, être complétée par des dotations plus importantes lors des prochains exercices.

S'agissant des repyramidages et des transformations d'emplois, le syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires a souhaité que l'ensemble des agents administratifs soit intégré dans le corps des adjoints administratifs. L'USAJ, quant à lui, a proposé la création d'un corps de secrétaires administratifs.

Depuis 1997, un plan de revalorisation des indemnités des fonctionnaires du greffe a été mis en place. Les 8,34 millions d'euros (54,7 millions de francs) obtenus lors des précédentes lois de finances sont complétés par une enveloppe de 2,732 millions d'euros (17,92 millions de francs) inscrite au projet de budget pour 2002.

Cette mesure, issue du protocole d'accord du 1er décembre 2000, permettra de porter à 21 % le taux indemnitaire moyen des greffiers en chef et des greffiers et à 20 % celui des personnels de catégorie C.

 

1995

2001

Greffiers en chef

18,00 %

21 %

Greffiers

17,50 %

21 %

Adjoints administratifs

14,47 %

20 %

Agents administratifs

15,96 %

20 %

Source : Ministère de la justice

Le syndicat FO-FAGE a dénoncé l'absence de revalorisation indemnitaire pour 2002, rappelant que les crédits inscrits en loi de finances correspondaient à l'application d'un protocole d'accord signé en 2000 pour l'année 2001. Le syndicat des greffiers de France a regretté que la répartition de ces revalorisations se fasse de manière égalitaire, estimant préférable une différenciation qui permette de prendre en compte la charge de travail et les contraintes effectivement imposées à certains fonctionnaires.

Comte tenu de la réforme statutaire dont viennent de bénéficier les magistrats de l'ordre judiciaire, aucune mesure de revalorisation n'est prévue en 2002 pour ce corps.

Une modification du décret n° 88-142 du 10 février 1988 fixant le régime indemnitaire des magistrats de l'ordre judiciaire est néanmoins prévue, afin d'actualiser les taux indemnitaires fixés par ce texte en fonction des revalorisations indemnitaires intervenues. Cette modification répond aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport d'avril 2001 sur la fonction publique de l'Etat, dans lequel elle dénonce les conditions irrégulières de versement des primes aux magistrats.

Après six mois de concertation dans les branches et huit semaines de négociations hebdomadaires avec les organisations professionnelles représentatives, un cadre de référence commun a pu être mis en place. Il vise à garantir à tout agent du ministère le maintien de ses rémunérations principales et accessoires, ainsi que celui du nombre de jours non travaillés dont il dispose actuellement.

La Chancellerie envisage également de proposer à ses agents un compte épargne temps. Ce système, refusé par les organisations syndicales, donnerait la possibilité à tous les personnels de différer dans le temps une partie des droits à congé rémunérés, qui seraient placés en réserve.

Au sein des services judiciaires, plus de dix diagnostics sur les temps de travail des personnels ont été réalisés par des consultants extérieurs. La phase de concertation qui a suivi devrait permettre de définir les conditions de la mise en _uvre opérationnelle de l'ARTT au 1er janvier 2002.

La direction des services judiciaires souhaite que cette mise en _uvre soit l'occasion de réfléchir à un meilleur équilibre dans l'organisation et la gestion du temps de travail au sein des juridictions et d'harmoniser, dans un souci d'équité, les situations entre les agents.

A compter du 1er janvier 2002, tous les personnels des greffes bénéficieront des effets de la loi, soit une durée annuelle de travail de 1600 heures pour un agent à temps complet. En contrepartie d'un élargissement des horaires d'ouverture des juridictions aux usagers et d'une plus grande polyvalence des fonctions, cinq jours de repos supplémentaires seront accordés. En outre, les cycles hebdomadaires de temps de travail pourront eux-mêmes générer des jours libérés au titre de l'ARTT.

S'agissant de l'application de l'ARTT aux magistrats, un premier diagnostic relatif au temps de travail et à l'organisation de ce temps a été réalisé par un consultant extérieur, aidé par les services de l'inspection générale des services judiciaires. La négociation, qui s'est engagée en septembre dernier sur la base des éléments de ce diagnostic, porte sur le régime des astreintes, l'organisation du travail et celle des congés. Elle devrait pouvoir aboutir à la fin de l'automne.

Si aucun recrutement spécifique n'est envisagé, contrairement à ce qui est prévu dans les services pénitentiaires, il convient de noter que la mise en _uvre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail s'inscrit dans le cadre d'un plan pluriannuel de créations d'emploi, qui devrait produire ses effets dès 2002 et se prolonger jusqu'en 2005.

Par ailleurs, une enveloppe de 11,77 millions d'euros (77,21 millions de francs) est prévue dans le projet de budget pour « accompagner la mise en _uvre de la réduction du temps de travail ». Cette enveloppe permettra, notamment, de financer la rémunération des heures supplémentaires et des astreintes des magistrats et des greffiers.

L'APM a regretté que le système envisagé de rémunération des astreintes ne tienne pas mieux compte des charges effectivement supportées. A l'opposé, le syndicat interco justice CFDT a exprimé la crainte que ces rémunérations supplémentaires ne créent des différences de traitement néfastes pour la cohésion des personnels des services judiciaires.

6,99 millions d'euros (45,9 millions de francs) de crédits supplémentaires sont inscrits sur le chapitre 37-92 au titre des nouveaux moyens de fonctionnement des juridictions.

Une enveloppe de 1,98 million d'euros (13 millions de francs) financera la mise en service de nouveaux bâtiments judiciaires, comme à Grenoble, Moulins, Toulouse, Douai, Rodez, Dunkerque, Besançon et Narbonne (dépenses de gardiennage, de maintenance des installations techniques, d'entretien des locaux...).

0,457 million d'euros (3 millions de francs) serviront à financer la gratuité de la délivrance de la première copie de pièces pénales, prévue par le décret du 31 juillet 2001. Rappelons que, jusqu'à cette date, l'article R. 165 du code de procédure pénale fixait à 3 F le coût de la copie de chaque pièce pénale et ne prévoyait de copie gratuite que pour les avocats commis d'office ou intervenant dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Cette mesure, qui correspond à une revendication ancienne des avocats, a été décidée dans le cadre du protocole d'accord signé le 18 décembre 2000 avec cette profession.

L'APM a critiqué l'insuffisance de ces crédits, rappelant que, à Paris uniquement, cette mesure se traduisait par 10 millions de copies supplémentaires, soit 56 000 par jour ouvrable.

Les frais de nourriture des personnes sous main de justice bénéficieront d'une dotation de 0,247 million d'euros (1,62 million de francs).

0,81 million d'euros (5,28 millions de francs) sont prévus pour accompagner les 845 créations d'emplois : l'arrivée de magistrats, de fonctionnaires des greffes et de contractuels dans les juridictions génère, en effet, des dépenses d'installation (mobiliers notamment) et des coûts supplémentaires de fonctionnement dont il est nécessaire de tenir compte.

Enfin, 3,5 millions d'euros (23 millions de francs) sont consacrés à la formation initiale et continue des personnels. Les créations d'emplois prévues ont, en effet, un impact lourd sur les moyens du chapitre 37-92, sur lequel sont pris en charge, d'une part, le paiement des indemnités de stage, l'indemnité de costume d'audience et les frais de déplacement des magistrats issus du concours exceptionnel de recrutement et, d'autre part, la formation des personnels des greffes. En outre, la complexité et la technicité croissante des tâches effectuées par les juridictions rendent nécessaire une amélioration de la formation continue.

La formation des fonctionnaires des services judiciaires est assurée par l'école nationale des greffes. La formation initiale des greffiers recrutés par concours dure 12 moins, celle des agents de catégorie C étant de huit semaines. En 2002, 1 099 personnes devraient être formées dans cette école, contre 738 l'année précédente.

FLUCTUATIONS DES CHARGES DE L'ÉCOLE NATIONALE DES GREFFES
AU TITRE DE LA FORMATION INITIALE

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002 *

Greffiers en chef

106

63

131

73

99

58

0

58

63

93

77

86

Greffiers

530

426

463

596

232

523

33

179

370

611

580

773

Agents et adjoints adm.

                   

81

240

Total

636

489

594

669

331

581

33

237

433

704

738

1 099

* Prévisions.

La formation continue a réuni, en 2001, 3 050 participants pour des formations généralistes, des formations des membres des services régionaux administratifs ou des formations informatiques.

FORMATION CONTINUE

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001 *

2002 *

Nombre de sessions

64

85

108

118

158

203

214

150

175

Nombre de participants

1 712

1 771

2 032

2 172

2 026

3 083

2 634

3 050

3 000

* Prévisions.

Cet effort important en faveur de la formation des fonctionnaires des services judiciaires n'a pas empêché le syndicat des greffiers de France de dénoncer l'insuffisance de celle-ci, notamment au regard de celle dispensée aux magistrats.

Le projet de budget prévoit, en effet, une augmentation de 17 % de la subvention de fonctionnement allouée à l'école nationale de la magistrature, qui atteindra, en 2002, 35,7 millions d'euros (234,2 millions de francs). Depuis 1997, la progression s'élève à plus de 64 %. Par ailleurs, 10 emplois administratifs seront créés pour accompagner cette augmentation des effectifs et les crédits de vacation versés aux chargés d'enseignement augmenteront de 0,27 million d'euros (1,8 million de francs).

Les dépenses d'informatique et de télématique augmentent de 1,41 million d'euros (9,25 millions de francs) afin de développer des projets nouveaux (logiciel pour les tutelles majeurs) ou d'étendre les applications existantes (extension du logiciel de gestion « GIBUS » aux territoires d'outre-mer.

Depuis quelques années, les juridictions expérimentent l'utilisation des nouvelles technologies pour alléger et simplifier les procédures judiciaires.

Ainsi, la cour d'appel de Limoges a développé une expérimentation de visio-greffe, dont l'objectif est de permettre aux justiciables résidant dans des communes éloignées du siège du tribunal de grande instance de Limoges d'accomplir des actes de greffe, de recevoir des informations sur l'état d'avancement de leur procédure et de pouvoir retirer des documents, sans avoir à se déplacer.

Ce dispositif, mis en place au cours de l'année 2000, permet, grâce à un équipement informatique avec mini caméra et scanner, d'établir une liaison informatique entre les greffes des tribunaux d'instance de Bellac, Rochechouart et Saint-Yrieix-la-Perche et le service du guichet unique du greffe de Limoges. Les procédures susceptibles de faire l'objet du dispositif de visio-greffe sont, en matière civile, celles pour lesquelles l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire (déclaration de cessation de paiement, saisine du juge aux affaires familiales, du juge de l'exécution, de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions...) et, en matière pénale, les constitutions de partie civile, les appels contre les ordonnances du juge d'instruction, la saisine du procureur de la République pour un dépôt de plainte ou une demande de restitution, les demandes de copies pénales ou encore l'exercice des voies de recours en matière correctionnelle.

Une extension de ce dispositif à quatre ou cinq nouveaux ressorts de tribunaux de grande instance, situés dans des zones rurales ou difficiles d'accès, est prévue pour 2002.

Par ailleurs, deux projets de communication électronique avec les auxiliaires de justice sont en cours d'expérimentation. Ces projets, qui préservent les principes de confidentialité et de sécurité, permettent la consultation à distance des bases de donnés et intègrent les techniques de messagerie applicative.

Le premier projet, qui fait l'objet d'une convention en cours d'élaboration, concerne le tribunal de grande instance et le barreau de Paris.

Le seconde projet, qui porte sur la communication entre les avoués et les cours d'appel, est conduit par la Chancellerie et la chambre nationale des avoués, dans le cadre d'un protocole d'accord, signé le 6 décembre 2000 et approuvé le 10 mars 2001 par l'assemblée générale des avoués.

Cinq cours d'appel pilotes ont été retenues pour la mise en _uvre de cette expérimentation. Il s'agit des cours d'appel d'Aix en Provence, de Bordeaux, de Besançon, de Pau et de Versailles. Celle de Versailles constituera le site pilote de l'expérimentation, qui devrait débuter très prochainement.

Votre rapporteure se félicite de ces différentes expériences et souhaite leur développement, considérant que la réduction des délais de procédure passe nécessairement par le recours aux nouvelles technologies.

Le projet de loi de finances pour 2002 a inscrit 83,847 millions d'euros (550 millions de francs) d'autorisations de programme et 79,273 millions d'euros (520 millions de francs) de crédits de paiement pour les services judiciaires.

Malgré une baisse de respectivement 27,9 % et 31,2 % par rapport à l'année précédente, ces dotations permettront la poursuite du programme d'équipement engagé ces dernières années, qui vise notamment à améliorer le fonctionnement des juridictions grâce à des travaux de construction, de rénovation et de restructuration, à mettre en sécurité les sites, à adapter les locaux à la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes et à créer des zones d'archivage suffisantes et adaptées.

En effet, comme l'a souligné le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2000, la consommation des autorisations de programme et des crédits de paiement est relativement faible, le ministère de la justice choisissant d'inscrire en loi de finances les crédits « correspondant aux engagements gouvernementaux, quel que soit le degré de préparation, sinon d'étude des programmes de travaux ». Dès lors, les crédits de paiement inscrits pour 2002 pourront être abondés des sommes non utilisées à la fin du présent exercice, ce qui permet d'envisager un montant final des crédits de paiement de 129, 273 millions d'euros (820 millions de francs), soit les 79,273 millions d'euros initiaux, auxquels s'ajoutent les 50 millions d'euros de repport.

Cette situation n'est toutefois pas très satisfaisante. C'est pourquoi votre rapporteure se félicite de la création de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice, qui aura pour mission, à compter du 1er janvier 2002, d'assurer, dans le cadre de conventions de mandat, la maîtrise d'ouvrage « des opérations de construction, d'aménagement, de maintenance, de réhabilitation, de restructuration, de gros entretien, d'exploitation » d'immeubles destinés aux services pénitentiaires, aux juridictions et aux établissements d'enseignement relevant du ministère de la justice.

Cet établissement public national à caractère administratif, qui bénéficiera,en 2002, d'une dotation de fonctionnement de 5,9 millions d'euros (38,7 millions de francs) et de 40 emplois, sera amené à se substituer à la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement. Le recours aux conventions de mandat permettra d'accélérer les délais de réalisation des équipements et d'avoir ainsi, il faut l'espérer, un meilleur taux de consommation des crédits.

Sur les 83,847 millions d'euros (550 millions de francs) d'autorisations de programme inscrites pour 2002, 27,443 millions d'euros (180 millions de francs) correspondent à des opérations pilotées par l'Agence de maîtrise d'ouvrage ; le reste des crédits financera des opérations déconcentrées et la rénovation du palais de justice de Paris.

12,9 millions d'euros (80 millions de francs) seront consacrés à l'achèvement de la cour d'appel et du tribunal de grande instance de Grenoble, la livraison du bâtiment étant prévu pour le deuxième semestre 2002, et à l'extension et la restructuration de la cour d'appel et du tribunal de grande instance de Toulouse ; cette enveloppe servira également à engager les travaux de construction des tribunaux d'instance et de grande instance de Narbonne, dont l'achèvement est prévu pour le premier semestre 2003.

Les études et les travaux d'extension et de rénovation de la cour d'appel et du tribunal de grande instance de Basse-Terre bénéficieront d'un crédit de 7,62 millions d'euros (50 millions de francs).

Les travaux d'étude concernant les juridictions de Chartres, Rouen et la cour d'appel de Fort-de-France bénéficieront également d'une enveloppe de 7,62 millions d'euros (50 millions de francs). De même, les études de construction et de rénovation de l'école nationale des greffes de Dijon et du palais de justice de Laon auront une dotation de 3,05 millions d'euros (20 millions de francs).

Aucune autorisation de programme n'est prévue, en revanche, pour les opérations concernant les juridictions de Pontoise et de Versailles, en raison d'un appel d'offre infructueux pour la première et d'une procédure foncière plus longue que prévu pour la seconde.

Une enveloppe de 27,44 millions d'euros (180 millions de francs) de crédits déconcentrés est destinée aux grosses opérations de maintenance et d'entretien. Cette enveloppe, bien qu'en augmentation par rapport à l'année précédente (110 millions de francs, soit 16,77 millions d'euros), paraît insuffisante pour assurer une maintenance satisfaisante de ces bâtiments.

Rappelons, en effet, que l'essentiel du patrimoine judiciaire date du XIXe siècle et que 80 % des bâtiments sont classés monuments historiques. L'état général de ces bâtiments est préoccupant et nombre d'entre eux constituent un réel danger pour la sécurité. Ainsi, à Rouen, la délitage des façades a nécessité des mesures conservatoires, afin d'éviter de mettre en danger la vie des passants. Cette sécurité est d'autant moins assurée que, jusqu'en 1987, le patrimoine judiciaire, qui relevait de la responsabilité des collectivités locales, a souffert d'un défaut d'entretien. Depuis lors, des injonctions de fermer des sites judiciaires sont régulièrement prises par les maires, en application d'avis défavorables des commissions de sécurité, les dernières en date concernant les tribunaux de La Rochelle et des Sables d'Olonne. De même, des mesures de sécurité ont été prises au palais de justice de Laon, ancien évêché du XIIe siècle.

Dans ces conditions, le montant des autorisations de programme allouées, rapporté au nombre de mètres carrés à entretenir (1 830 000 m² répartis sur plus de 1 300 sites), est insuffisant. Le ratio des crédits consacrés à la maintenance lourde est de 99 F/m² (15,09 €/m²), ce qui reste très inférieur aux ratios pratiqués par les professionnels de l'immobilier. Pour les bâtiments historiques classés à gros retard d'entretien lourd, ce ratio devrait être au minimum de 150 F/m² (22,87 €/m²). Il est donc nécessaire que ces crédits soient abondés en cours d'année ou, à tout le moins, substantiellement augmentés l'année prochaine. En outre, il serait souhaitable que les collectivités locales participent financièrement à cet entretien, comme certaines s'y sont déjà engagées.

Comme chaque année, 12,19 millions d'euros (80 millions de francs) sont affectés à la rénovation du palais de justice de Paris. Cette dotation permet de maintenir l'activité d'un immense bâtiment, entièrement classé monument historique, qui regroupe la Cour de cassation, la cour d'appel, le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce les plus chargés de France. En 2002, ces crédits financeront les opérations suivantes : remise en état des façades et des toitures, création d'une troisième salle d'assises, mise en sûreté anti-intrusion du site, poursuite des opérations de sécurité incendie, restructuration des espaces de bureaux et création de surfaces utiles nouvelles.

L'USM s'est inquiété des retards enregistrés dans la construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris, soulignant l'urgence qu'il y avait à pouvoir disposer de nouveaux bureaux. De manière plus générale, il a estimé que les locaux judiciaires étaient inadaptés et en nombre largement insuffisant.

Les frais de justice augmentent de 16, 02 millions d'euros (105 millions de francs), pour atteindre 297,458 millions d'euros (1,951 milliard de francs) en 2002. Cette augmentation est due, d'une part, à des ajustements en matière d'évolution des dépenses, pour un montant de 14,07 millions d'euros (92,3 millions de francs) et, d'autre part, à des mesures nouvelles à hauteur de 1,95 million de francs.

Si les frais de justice pénale augmentent de 5,87 millions d'euros (38,5 millions de francs) et les frais de justice civile de 4,695 millions d'euros (30,8 millions de francs), les frais de justice commerciale diminuent de 1,067 million d'euros (7 millions de francs), pour tenir compte de l'évolution des dépenses.

L'indemnisation des personnes ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement se voit attribuer une enveloppe de 13,980 millions d'euros (91,7 millions de francs), soit 3,963 millions d'euros (26 millions de francs) de plus que l'année précédente.

Rappelons que la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence a posé le principe d'une réparation intégrale et systématique du préjudice moral et matériel causé par le placement en détention provisoire dans une procédure terminée par une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement, sauf en cas d'irresponsabilité pénale, de prescription, d'amnistie ou lorsque la personne s'est volontairement accusée ou laissée accuser à tort. Pour faire face à l'augmentation des demandes, la procédure d'examen a été modifiée : c'est désormais le premier président de la cour d'appel qui examine les demandes d'indemnisation, la commission nationale composée de magistrats de la Cour de cassation n'intervenant plus qu'en appel.

L'année 2000 a été marquée par une forte activité de la commission nationale des détentions provisoires, qui a tenu de nombreuses audiences afin d'épuiser les stocks avant le 16 décembre 2000, date d'application de la nouvelle procédure.

L'application du principe du droit à réparation s'est traduite par une augmentation du taux d'admission des demandes, qui passe de 66 % en 1999 à 83 % en 2000. Rappelons que ce taux était de 20 % en 1995, avant que la loi du 30 décembre 1996 ne supprime la condition liée à l'existence d'un préjudice « manifestement grave et anormal ». Le montant moyen des sommes allouées est également en hausse, avec un peu plus de 11 891 € (78 000 F) par dossier, soit un quasi doublement par rapport à 1996.

Parmi les mesures nouvelles inscrites au chapitre 37-11 figure la revalorisation du tarif des huissiers intervenant au pénal, pour un montant de 2,164 millions d'euros (14,2 millions de francs), qui compense la hausse des prix intervenue depuis la dernière revalorisation, la désignation d'un administrateur ad hoc chargé d'assister les mineurs isolés entrant sur le territoire (0,167 million d'euros, soit 1,1 million de francs), la provision pour la tarification des frais de réquisition au G.I.E. carte bancaire et aux fournisseurs d'accès à internet (0,152 million d'euros, soit 1 million de francs).

Enfin, une économie de 0,53 million d'euros (3,5 millions de francs) résulte de la modification de l'article L. 627-3 du code de commerce proposée par l'article 75 du projet de loi de finances. Cet article limite la part des frais de justice prise en charge par l'Etat dans le cadre d'une procédure collective, lorsqu'il n'existe pas d'actif susceptible de couvrir les frais de procédure, en énumérant précisant les frais éligibles à la prise en charge.

Une dotation de 228 673 € (1,5 million de francs) est prévue pour les associations de médiation familiale, dont le rôle a été reconnu par les récentes réformes du droit de la famille.

Les associations d'aide aux victimes bénéficient, quant à elles, de 1,14 million d'euros (7,5 millions de francs). L'aide aux victimes est, en effet, l'une des priorités de la politique gouvernementale en matière pénale et il est donc souhaitable, parallèlement à la reconnaissance juridique obtenue à travers la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, que ces associations disposent des moyens financiers renforcés. Cette dotation, qui s'ajoute à celle de 2000 et de 2001, permettra de respecter le plan de doublement des crédits sur trois ans, conformément aux engagements pris.

Ces crédits serviront également au financement du numéro téléphonique national d'aide aux victimes d'infractions pénales, géré par l'Institut national d'aide aux victimes (INAVEM), qui vient d'être mis en place.

Votre rapporteure regrette, en revanche, que les subventions aux associations du secteur socio-judiciaire n'aient fait l'objet d'aucune mesure de revalorisation. Ces associations, qui concourent à la mise en _uvre de la politique pénale, puisqu'elles participent à l'exécution des mesures pénales décidées par l'institution judiciaire (médiation pénale, réparation...), connaissent actuellement des réelles difficultés financières.

En effet, elles sont soumises aux variations de la politique pénale au sein d'une même juridiction et, pour la très grande majorité d'entre elles, ne disposent pas d'indicateurs prévisionnels leur permettant de gérer leur activité.

Elles bénéficient de quatre sources de financement :

Conscient de ces difficultés, la Chancellerie a mis en place un groupe de travail sur la politique associative. A la suite de ses travaux, le Gouvernement envisagerait d'augmenter les subventions accordées à ces associations et de modifier la procédure de double habilitation des délégués et médiateurs du procureur de la République, qui oblige les associations habilitées à demander également une habilitation pour leurs salariés.

II. - UN EFFORT RENOUVELÉ EN DIRECTION DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Les crédits consacrés au Conseil d'Etat et aux juridictions administratives progressent de 5,2 %, pour s'établir à 142,8 millions d'euros (936,9 millions de francs), soit 3,05 % des crédits du projet de loi de finances. L'effort de recrutement se poursuit, puisqu'il est prévu de créer 86 emplois supplémentaires, dont 40 emplois de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, ce qui portera l'effectif budgétaire des juridictions administratives à 2 441 agents.

Le niveau des créations d'emplois prévues par le projet de loi de finances pour 2002 est comparable à celui de l'année précédente, qui avait vu la création de 90 emplois. En cinq ans, le nombre total de créations d'emplois aura été de 383, dont 163 emplois de magistrats.

Près de la moitié de ces nouveaux recrutements concerne des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel. Ces emplois budgétaires devraient être pourvus de la manière suivante : 11 postes seront offerts aux élèves de l'Ecole nationale d'administration en avril 2002 ; 11 recrutements auront lieu au tour extérieur ; une vingtaine d'emplois seront enfin offerts au recrutement complémentaire par concours pour occuper les emplois budgétaires restant à pourvoir, compte tenu des vacances liées aux départs à la retraite, aux détachements et aux mises en disponibilité.

RECRUTEMENT DES CONSEILLERS DE TRIBUNAL ADMINISTRATIF ET
ET DE COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DEPUIS 1997

ANNÉE

ENA

Tour

extérieur

Recrutement

complémentaire

Détachement

Loi 70-2

TOTAL

1997

    9

    6

10

16

2

52

1998

    12

    6

20

23

3

64

1999

    12

    7

19

21

2

61

2000

    11

    7

17

14

2

51

2001

    11

    10

23

18

2

64

La répartition devrait se faire de la manière suivante : 1 président hors échelle D pour présider un tribunal administratif dont le niveau d'activité justifie la création d'une cinquième chambre ; un président hors échelle  C pour créer une nouvelle chambre dans une cour administrative d'appel ; 12 présidents pour renforcer l'encadrement dans les tribunaux administratifs, accroître le nombre d'assesseurs dans les cours administratives d'appel et poursuivre la mise en place des nouvelles procédures d'urgence ; 16 premiers conseillers et 10 conseillers, dont 3 dans les cours administratives d'appel.

L'impact de ces créations de postes sera toutefois atténué par la suppression de 11 emplois de magistrats recrutés à titre temporaire sur le fondement de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice. Rappelons, en effet, que cette loi n'a autorisé ces recrutements que pour une période de cinq ans, ce qui a déjà conduit à la suppression de quinze postes en 2000 et en 2001.

Les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel sont également renforcés par l'arrivée de 40 fonctionnaires supplémentaires des greffes. Les recrutements destinés à pourvoir ces emplois, ainsi que les postes laissés vacants par les départs à la retraite ou les détachements, seront effectués par voie de concours délocalisés, de mutations ou de détachements pour les emplois d'agents du cadre national des préfectures et par voie de concours national, de mutation ou de détachement pour les emplois d'administration centrale.

Sur ces 40 emplois, 3 seront affectés aux greffes des juridictions parisiennes et les 37 restant seront destinés à renforcer les greffes des juridictions de province et d'outre-mer.

L'USMA a critiqué le manque de formation des personnels de greffes, considérant que des personnels mieux formés permettraient d'améliorer sensiblement le fonctionnement des juridictions.

Enfin, le Conseil d'Etat bénéficie de 6 emplois de fonctionnaires supplémentaires, ainsi que de deux suppressions de postes destinées à gager des transformations d'emploi qui accroissent la rémunération moyenne.

Ces créations d'emplois s'inscrivent dans un contexte relativement favorable, puisque la situation des tribunaux administratifs s'améliore.

Le nombre d'affaires réglées par ces tribunaux a, en effet, augmenté de 5,9 % entre 1999 et 2000, alors que, dans le même temps, on enregistrait une diminution de 3,7 % du nombre d'affaires enregistrées. Pour la première fois depuis quinze ans, le taux de couverture des sorties sur les entrées dépasse 100 % et le stock d'affaires en cours a été réduit de 3,7 %. Celui-ci est, néanmoins, encore trop important, puisqu'il s'élève 201 534 affaires, et justifie amplement, avec la mise en place du référé administratif, les créations d'emplois proposées par le projet de loi de finances.

Le nombre d'affaires nouvelles enregistrées au Conseil d'Etat se stabilise
(- 0,45 % en 2000), après les fortes augmentations enregistrées en 1998 et 1999, en raison notamment de l'importance du contentieux des étrangers. Le nombre d'affaires en stock, en légère augmentation, s'élève, en 2000, à 10 159, mais reste inférieur à la capacité annuelle de jugement. En outre, ce stock comprend un moins grand nombre d'affaires anciennes : 90 % des affaires en instance sont enregistrées depuis moins de deux ans. Le délai théorique d'élimination du stock est ramené de 11 à 10 mois.

La situation des cours administratives d'appel demeure, en revanche, préoccupante. Même si la productivité des magistrats s'est améliorée, puisque le nombre d'affaires réglées par magistrats est passé de 88,16 en 1999 à 93,84 en 2000, le stock d'affaires en cours s'alourdit (+ 11,6 % en 2000), représentant près de trois années de jugement.

Tout en se déclarant satisfaite du pyramidage des emplois de magistrats proposé par le projet de loi de finances, l'union syndicale des magistrats administratifs (USMA) a regretté la faiblesse du nombre de création de postes, estimant au double les besoins engendrés par l'évolution du contentieux. Le syndicat de la juridiction administrative (SJA) a également jugé ces créations d'emplois insuffisantes, notamment au regard de la mise en place des procédures d'urgence.

Ces deux syndicats se sont inquiétés des conséquences du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui prévoit de confier aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel la présidence des chambres disciplinaires de première instance des ordres professionnels, ainsi que la présidence des commissions régionales d'indemnisation et de conciliation (). Sans contester le bien-fondé de telles dispositions, ils ont regretté l'absence de consultation préalable des organisations représentatives et ont souhaité que cette réforme soit accompagnée des créations d'emplois nécessaires.

S'agissant de la présence des magistrats dans les différentes commissions administratives, l' USMA a souhaité que cette présence se limite aux commissions qui ont un rôle précontentieux, alors que le SJA a estimé que cette participation était importante, mais devait se traduire par des créations d'emplois supplémentaires.

Enfin, l' USMA comme le SJA ont exprimé leurs inquiétudes sur la mise en place des 35 heures, rappelant que les effectifs actuels étaient déjà insuffisants face à une charge de travail de plus en plus lourde.

Une enveloppe de 17 827 € (116 937 F) renforce l'indemnité exceptionnelle versée aux membres et agents du Conseil d'Etat.

L'indemnisation des astreintes, des permanences et des interventions effectuées par les agents de greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et par les agents du Conseil d'Etat pour le traitement du contentieux soumis au juge des référés statuant en urgence bénéficie d'une dotation de 195 598 € (1 283 040 F). Cet abondement indemnitaire fait suite à la publication des décrets et des arrêtés du 26 décembre 2000, qui instituent une indemnisation de ces astreintes, permanences et interventions.

23 002 € (150 884 F) sont destinés à la revalorisation des taux des indemnités alloués aux personnels qui prêtent leur concours à la commission pour la transparence financière pour la vie politique, justifiée par le surcroît d'activité prévisible de la commission.

Afin d'assurer la parité indemnitaire entre les agents des greffes des juridictions administratives et les agents de préfectures, qui appartiennent au même corps, le projet de loi de finances prévoit un abondement des crédits relatifs aux indemnités versés aux agents des greffes d'un montant de 253 248 € (1 661 198 F). De même, une prime spécifique pour les correspondants informatiques dans les juridictions administratives est créée (68 602 €, soit 450 000 F), sur le modèle de celle dont bénéficient les agents des préfectures.

Enfin, une enveloppe de 762 245 € (5 millions de francs) est destinée à permettre la revalorisation du régime indemnitaire des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, afin de réduire l'écart entre le pourcentage moyen de primes de ces magistrats (37 %) et celui des autres corps issus de l'Ecole nationale d'administration (49 %).

Outre les transformations d'emplois liées aux besoins des services et aux pyramidages, le projet de loi de finances prévoit la transformation de 43 emplois d'agents administratifs en adjoints administratifs, dans le cadre du plan de transformation mis en place l'année dernière.

Le SJA regretté l'insuffisance des revalorisations indemnitaires proposées, faisant valoir qu'elles ne permettraient pas de réduire l'écart avec les autres corps issus de l'ENA. Il s'est également inquiété des modalités de mise en place de la nouvelle bonification indiciaire dans les juridictions, estimant qu'il ne fallait pas laisser de côté les présidents de chambre des tribunaux administratifs ni les « faisant fonction » de président de chambre dans les cours administratives d'appel. L'USMA a également critiqué le manque d'attractivité du régime indemnitaire des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel.

Les crédits de fonctionnement courant et d'informatique augmenteront en 2002 de 2,6 % pour atteindre 19,3 millions d'euros (126,5 millions de francs)

La diminution des crédits de fonctionnement en 1994 et 1995, dans un contexte de croissance de l'activité et des effectifs, avait rendu la situation extrêmement difficile. En outre, la loi de programme relative à la justice ne comportait aucune disposition concernant les crédits de fonctionnement nécessaires à son exécution. Aussi, pour tenir compte de la création du tribunal administratif de Melun en 1996, des cours administratives d'appel de Marseille en 1997 et de Douai en 1999, ainsi que celle du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en 2000, les moyens de fonctionnement ont été abondés de 0,84 million d'euros (5,54 millions de francs) entre 1995 et 2001.

Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit une majoration des crédits de fonctionnement de 0,26 million d'euros (1,7 million de francs), dont 45 735 € (300 000 F) pour le Conseil d'Etat et 213 428 € (1 399 995 F) pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel. Ces crédits atteindront ainsi un niveau légèrement supérieur à celui de 1993. Il convient néanmoins de souligner qu'ils seront inférieurs à ceux inscrits en loi de finances initiale pour 1992, alors même qu'entre 1992 et 2002, les effectifs des juridictions administratives se sont accrus de 627 emplois et que quatre nouvelles juridictions ont été créées.

La dotation des crédits informatiques, quant à elle, augmente de 228 673 € (1,5 million de francs).

Depuis le transfert de la gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en 1991, le Conseil d'Etat a mis en _uvre un programme d'amélioration de l'équipement immobilier. Pour des raisons de commodités et de coût, les opérations de relogement, rendues nécessaires par l'accroissement de l'activité contentieuse, sont assurées, dans la mesure du possible, en centre ville.

En 2002, les 6,4 millions d'euros (42 millions de francs) d'autorisations de programme, en progression de 2,5 % par rapport à 2001, permettront de poursuivre ce programme de remise à niveau.

Une enveloppe de 1,2 million d'euros (8 millions de francs) sera consacrée à des travaux de modernisation du Conseil d'Etat. Un logement de fonction devrait ainsi faire l'objet de travaux de réhabilitation, tout comme les bureaux du secrétariat général, afin d'augmenter les surfaces de travail.

Le relogement du tribunal administratif de Rouen bénéficiera d'une dotation de 1,8 million d'euros (12 millions de francs). L'aménagement intérieur du tribunal administratif de Melun se voit attribuer un crédit de 1,982 million d'euros (13 millions de francs), tandis que les travaux de désamiantiage du parking et des salles d'audience du tribunal administratif de Lyon seront financés par une provision de 0,76 million d'euros (5 millions de francs). 0,15 million d'euros (1 million de francs) seront affectés aux travaux de restructuration et d'aménagement du tribunal administratif de Marseille et 0,15 million d'euros (1 million de francs) au relogement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion. Enfin, la transformation du conseil du contentieux de Wallis-et-Futuna en tribunal administratif bénéficiera d'une dotation de 0,15 million d'euros (1 million de francs).

III. - DES CRÉDITS PLUS IMPORTANTS POUR L'ADMINISTRATION CENTRALE

Le budget de l'administration centrale progressera en 2002 de 6,5 %, pour s'établir à 591 millions d'euros (3,8 milliards de francs). La création de 32 emplois nouveaux permettra de renforcer les effectifs de cette administration, qui s'élèveront en 2002 à 1 863 agents.

Sur les 32 emplois supplémentaires prévus, on comptera un chef de service d'administration centrale, 4 administrateurs civils de deuxième classe, 7 attachés d'administration centrale, 3 secrétaires administratifs de classe normale, 1 chargé d'études documentaires, 4 ingénieurs divisionnaires des travaux publics de l'Etat, 4 ingénieurs des travaux publics de l'Etat et 8 agents contractuels.

Comme le reconnaît elle-même la garde des Sceaux dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes figurant dans le rapport sur la fonction publique de l'Etat d'avril 2001, « des progrès devront être réalisés en termes d'effectifs. »

Le manque d'effectifs de l'administration centrale est actuellement compensé par des mises à disposition en provenance des services déconcentrés. Dans son rapport précité, la Cour des comptes évalue le nombre de mises à disposition à environ 450 agents, soit un cinquième des effectifs réels globaux de l'administration centrale.

EFFECTIFS RÉELS AU 31/12

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Magistrats

1

2

2

4

3

5

 

Fonctionnaires de catégorie A

81

75

79

84

89

103

90

Fonctionnaires de catégorie B

95

92

85

78

93

85

92

Fonctionnaires de catégorie C

270

257

254

242

240

244

241

Contractuels

12

11

11

11

10

11

8

Vacataires

11

11

13

9

15

18

 

TOTAL

470

448

444

428

448

461

431

Source : Rapport de la Cour des comptes « La fonction publique de l'État ».

Afin de répondre aux critiques de la Cour des comptes, qui a dénoncé cette « pratique irrégulière aux avantages incertains », la Chancellerie a accéléré son plan de transfert d'emplois des services déconcentrés vers l'administration centrale. Alors qu'en 2001, seulement 8 emplois avaient été transférés (4 greffiers, 2 directeurs des services déconcentrés de la direction de l'administration pénitentiaire et 2 directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse), le projet de loi de finances pour 2002 prévoit le transfert de 49 emplois.

20 magistrats de premier grade seront transférés des services judiciaires pour permettre la rémunération des magistrats mis à disposition auprès d'organismes extérieurs aux juridictions.

24 greffiers seront transférés des services judiciaires, parmi lesquels 8 seront transformés en secrétaires administratifs.

3 attachés des services de la protection judiciaire de la jeunesse seront transformés en attachés d'administration centrale.

10 assistants de service social seront transférés de l'administration pénitentiaire.

Enfin, 1 directeur départemental et 1 contractuel seront transférés des services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Rappelons, par ailleurs, que l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux d'équipement du ministère de la justice, qui se substitue à la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement, bénéficiera du transfert de 25 emplois de l'administration centrale.

Au total, compte tenu des créations brutes inscrites au projet de loi de finances pour 2002 et des divers transferts, l'administration centrale disposera de 61 emplois supplémentaires, dont 20 emplois de magistrats pour les mises à disposition auprès d'organismes extérieurs aux juridictions.

L'USAJ a souligné qu'il ne demandait pas de créations d'emplois supplémentaires, mais simplement la régularisation de la situation des 500 agents des services déconcentrés mis à disposition de l'administration centrale, considérant que les transferts proposés dans ce cadre par le projet de loi de finances étaient insuffisants. Le syndicat interco justice CFDT a également dénoncé cette situation, estimant qu'elle conduisait à bloquer la carrière des fonctionnaires de l'administration centrale.

Une mesure de 0,457 million d'euros (3 millions de francs) est inscrite pour la poursuite de la mise à niveau des indemnités des agents de catégorie A, B et C de l'administration centrale. Cette mesure nouvelle fait suite aux 0,30 million d'euros (2 millions de francs) obtenus dans le cadre de la précédente loi de finances.

Par ailleurs, une enveloppe de 0,294 million d'euros (1,93 million de francs) est prévue pour financer les astreintes et les heures supplémentaires dans le cadre de la mise en place de la réduction du temps de travail.

La deuxième tranche du plan pluriannuel de transformation d'emplois d'agents administratifs et adjoints administratifs se traduit par la transformation de 89 emplois. En outre, il est procédé à des repyramidages statutaires et à des transformations d'emplois liées aux besoins des services.

L'USAJ a critiqué la faiblesse de la revalorisation indemnitaire proposée et souhaité qu'elle soit principalement attribuée aux agents de catégorie C, oubliés lors de la répartition de la dotation de l'année précédente. Il a dénoncé la disparité des primes entre les administrations centrales des différents ministères, faisant valoir que cette disparité constituait un obstacle à la mobilité. Le syndicat interco justice CFDT a regretté l'absence de dialogue social, qui se manifeste notamment dans les négociations sur la mise en place des 35 heures.

Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit une augmentation de 6,7 % des crédits d'action sociale du ministère, gérés par l'administration centrale mais dont bénéficie l'ensemble des agents du ministère. Grâce à une mesure nouvelle de 1,1 million d'euros (7,5 millions de francs), ces crédits atteindront en 2002 18,28 millions d'euros (120 millions de francs). Les crédits d'action sociale par agent passeront donc de 266 € (1 746 F) en 2001 à 272 € (1 785 F) en 2002, traduisant ainsi l'effort de rattrapage avec les autres ministères. Ces moyens nouveaux seront consacrés aux séjours de vacances des enfants, à la restauration administrative et à la réalisation de programmes de logements.

Une enveloppe de 1,067 million d'euros (7 millions de francs) est également prévue pour la revalorisation de la rémunération des vacations des médecins de la prévention.

L'USAJ a regretté l'insuffisance des efforts consentis en faveur des logements affectés aux fonctionnaires. Sans contester le bien fondé de l'augmentation des crédits, le syndicat interco justice CFDT a critiqué l'absence de transparence dans leur gestion et souhaité que celle-ci fasse l'objet d'une vaste remise à plat.

Signalons enfin que ce même syndicat a dénoncé la politique immobilière incohérente et coûteuse du ministère, critiquant notamment la dispersion des bâtiments, qui conduit à augmenter les crédits de fonctionnement de 1,8 million d'euros (12 millions de francs) en 2002.

IV. - UN RAPIDE BILAN DES DEUX RÉFORMES CONDUITES PAR LE MINISTÈRE : L'AIDE JURIDICTIONNELLE ET LA LOI DU 15 JUIN 2000

Cette année, votre rapporteure a choisi de s'intéresser à la réforme de l'aide juridictionnelle et de donner quelques chiffres sur l'application de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence.

Depuis quelques années, le nombre d'admission à l'aide juridictionnelle est en baisse. Les récentes réformes, qui permettent d'étendre le champ d'intervention de cette aide, devraient contribuer à modifier cette tendance.

Par ailleurs, à la suite des mouvements des avocats de l'automne dernier, la Chancellerie a mise en place une commission, présidée par M. Paul Bouchet, chargée de proposer des pistes de réforme de l'aide juridictionnelle. Parallèlement, un protocole d'accord a été signé le 18 décembre 2000 avec la profession pour revaloriser la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats.

Le nombre de décisions prises en 2000 par les bureaux d'aide juridictionnelle s'établit à 784 371, soit une hausse de 0,2 % par rapport à 1999. Les admissions diminuent néanmoins de 0,8 %, en raison notamment d'une progression des rejets de 9,1 %.

Cette augmentation des rejets, plus élevé au civil, le taux de rejet s'établissant à 14,3 %, qu'au pénal, s'explique notamment par une amélioration de la situation économique des justiciables, les rejets étant principalement motivés par le dépassement des seuils d'admission.

L'aide juridictionnelle reste, toutefois, très majoritaire et représente 87 admissions sur 100 demandes.

Tous les contentieux ne donnent pas lieu à l'aide juridictionnelle dans les mêmes proportions.

Sur l'ensemble des procédures civiles, le taux de diffusion moyen de l'aide juridictionnelle en 1999 est de 22 %. C'est en matière de divorce que ce taux est le plus élevé : en effet, la présence de l'avocat est obligatoire et l'octroi de l'aide juridictionnelle ne dépend donc que du niveau de ressources. Ce taux n'augmente pratiquement plus depuis 1997, tous les justiciables susceptibles de bénéficier de l'aide juridictionnelle y ayant accès.

Le nombre des admissions à l'aide juridictionnelle est moins important au pénal qu'au civil, mais la diffusion de l'aide juridictionnelle est plus élevée (34 %).

Si l'aide juridictionnelle n'est accordée que dans 33 affaires sur 100 pour les procédures devant le juge d'instruction, l'assistance du prévenu lors du débat contradictoire à l'issu duquel le juge statue sur la détention provisoire s'accompagne quasi systématiquement de l'octroi d'une aide juridictionnelle, puisque 92 aides juridictionnelles sont accordées pour 100 mesures de détention provisoire prononcées. En matière criminelle, près de deux accusés sur trois bénéficient de l'aide juridictionnelle, soit un ratio nettement plus élevé qu'en matière délictuelle (23 %).

La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits a étendu le champ d'application de l'aide juridictionnelle à la transaction avant l'introduction de l'instance. Le décret n °2001-512 du 14 juin 2001, pris pour l'application de cette loi, précise les modalités de cette extension.

L'aide juridictionnelle s'applique désormais à toutes les transactions intervenues avant l'introduction de l'instance, sauf en matière pénale ou pour les affaires concernant l'état des personnes, pour lesquelles la transaction est impossible.

Si la transaction réussit, la rétribution de l'avocat est identique à celle qu'il aurait perçue si le différend avait fait l'objet d'une décision juridictionnelle. Si elle échoue, la contribution de l'Etat, versée après justification par l'avocat de l'importance et du sérieux des diligences accomplies, est minorée de moitié ; cette minoration peut être réduite par le président du bureau d'aide juridictionnelle quand l'importance des diligences le justifie, sans qu'elle puisse être inférieure à 25 %. Lorsqu'une instance est engagée après l'échec des pourparlers transactionnels, la rétribution versée à l'avocat à raison des diligences accomplies durant ces pourparlers s'impute sur celle qui lui est due pour l'instance.

Le décret énumère également les éléments que l'avocat doit fournir au président du bureau d'aide juridictionnelle, en cas de réussite comme d'échec, pour obtenir le paiement de la part contributive de l'Etat.

Il précise enfin quelques règles de procédure, comme le bureau d'aide juridictionnelle compétent ou les modalités de recours contre les décisions des bureaux d'aide juridictionnelle statuant sur les demandes d'aide à la transaction.

Le décret du 14 juin 2001 fixe également les modalités d'application de l'aide à l'intervention de l'avocat en matière de médiation pénale, décidée par la loi du 18 décembre 1998 précitée, et en matière de composition pénale, prévue par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Il reprend, pour l'aspect financier, les dispositions applicables à l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue et, pour le mécanisme d'attribution, celles applicables à l'aide juridictionnelle.

Par ailleurs, la hausse significative des rejets des demandes d'aide juridictionnelle, motivées principalement par les dépassements des seuils d'admission, a conduit le Gouvernement à relever en 2001 de 4,2 % les plafonds de ressources, qui s'établissent donc à 5 175 F pour l'aide totale et à 7 764 F pour l'aide partielle. Ces plafonds ont progressé de 17,6 % depuis 1992, soit un taux supérieur à l'évolution de prix sur la même période (12,9 %).

Le protocole d'accord signé le 18 octobre 2000 avec les organisations professionnelles représentant les avocats a tout d'abord conduit à la publication du décret n° 2001-52 du 17 janvier 2001, qui revalorise la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats pour les sept contentieux suivant : divorces et autres instances devant le juge aux affaires familiales, assistance éducative, procédures devant le juge de l'exécution, contentieux devant les conseils de prud'hommes, baux d'habitation, procédures correctionnelles, procédures prévues par l'ordonnance du 2 février 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers. De même, le montant de cette contribution pour l'assistance au cours de la garde à vue a été relevé.

Le coût de la revalorisation de la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats a été estimé à 26 millions d'euros (170,55 millions de francs) en 2001. Pour 2002, le projet de loi de finances prévoit une mesure d'ajustement de 39,6 millions d'euros (259,7 millions de francs), destinée à prendre en compte la hausse du nombre prévisionnel d'admission à l'aide juridictionnelle et l'augmentation de la rétribution des avocats prévue par le protocole du 18 décembre 2000.

Ce protocole prévoit également l'extension de l'aide juridictionnelle à l'assistance ou à la représentation des détenus devant les conseils disciplinaires. Cette extension n'allait pas de soi car, s'il est incontestable que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits de citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui prévoit que les décisions individuelles motivées ne peuvent intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis à même de présenter ses observations et permet à la personne concernée de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix, s'applique aux décisions prises par la commission de discipline à l'encontre des détenus, ces décisions relèvent du champ d'application de l'aide à l'accès au droit et du champ de compétence des commissions départementales de l'aide à l'accès au droit, et non de l'aide juridictionnelle.

L'article 74 du projet de loi de finances modifie donc la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique afin d'étendre l'aide juridictionnelle à l'assistance ou à la représentation des détenus devant les commissions disciplinaires. Les modalités de la rétribution de l'avocat seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Une enveloppe de 2,2 millions d'euros (14,2 millions de francs) est, par ailleurs, inscrite au projet de budget pour financer cette extension. Ce montant a été évalué sur la base des éléments suivants : 50 % des 47 000 procédures disciplinaires recensées en 2000 feront l'objet d'une demande d'aide juridique, l'avocat étant rétribué 88 € hors taxe.

Enfin, le protocole du 18 décembre 2000 a prévu la mise en place de deux groupes de travail, l'un sur la gratuité des copies de dossiers pénaux, qui a débouché sur le décret du 31 juillet 2001 instaurant la gratuité de la première copie des pièces pénales, et l'autre sur les incidences du taux de TVA sur l'accès au droit et sur l'exercice de la profession d'avocat.

Le 13 décembre 2000, la garde des Sceaux a mis en place une commission présidée par M. Paul Bouchet, conseiller d'Etat honoraire, regroupant plusieurs personnalités de divers horizons, chargée de réfléchir à la réforme de l'aide juridique.

Son rapport, rendu public le 10 mai dernier, met en exergue les nombreux dysfonctionnements du dispositif actuel et propose un certain nombre de réformes.

La commission suggère notamment d'assouplir les conditions d'admission à l'aide juridictionnelle en augmentant sensiblement le plafond de ressources, qui serait porté à 1 029,03 € (6 750 F), au lieu de 788,92 € (5 175 F) actuellement, ce qui correspondrait à 120 % du SMIC net. L'aide juridictionnelle partielle, qui fonctionne relativement mal, serait supprimée.

Il est également proposé de modifier le système de rémunération des avocats, le dispositif actuel d'unité de valeur étant jugé opaque. La commission envisage la mise en place d'un système de référence à un coût horaire fixé en fonction de deux facteurs clairement déterminés, la rémunération des prestations intellectuelles de l'avocat et la couverture des frais nécessaires à son exercice dans des conditions normales. Elle se prononce également pour le développement d'une offre alternative à la rémunération forfaitaire par dossier, comme le permet la loi du l0 juillet 1991, qui autorise les ordres des avocats à passer des conventions avec des avocats rémunérés au temps, et non plus au dossier.

La commission propose également de rendre obligatoire l'information du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sur la pertinence et les perspectives de succès de l'action envisagée, ainsi que la conclusion d'une convention définissant les droits et les devoirs de chacun et indiquant le montant de la rémunération de l'avocat. Elle suggère enfin la mise en place d'une consultation juridique d'avocat pour toute personne éligible à l'aide juridictionnelle qui envisage d'engager une procédure juridictionnelle ou de recourir à un mode alternatif de règlement des conflits ; la consultation serait rémunérée sur la base d'une heure, au même tarif que pour l'aide juridictionnelle, et s'imputerait, le cas échéant, sur la rémunération de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle.

La Chancellerie procède actuellement à de larges consultations sur les conclusions de la commission Bouchet. L'objectif est de présenter, à l'automne, un projet de loi réformant l'aide juridictionnelle et l'accès au droit. Des réflexions sont également en cours sur l'organisation des services du ministère en charge de ces questions.

Les dispositions de la loi du 15 juin 2000 sont entrées en vigueur à trois dates distinctes.

Les dispositions concernant les perquisitions dans les cabinets d'avocats, le contrôle judiciaire des avocats, l'indemnisation des détentions provisoires, le renforcement du contrôle de la police judiciaire, le réexamen des condamnations définitives à la suite d'une condamnation de la France par la cour européenne des droits de l'homme, la communication et la protection des droits des victimes sont entrées en vigueur immédiatement.

La quasi-totalité des autres dispositions, concernant l'enquête, la garde à vue, le déroulement de l'instruction, en particulier la modification des régimes de mis en examen et de témoin assisté, la détention provisoire, la procédure criminelle et la juridictionnalisation de la libération conditionnelle sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001.

Enfin, certaines dispositions ne sont entrées en vigueur que le 16 juin 2001, comme l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de mineurs en garde à vue, les délais d'audiencement en matière criminelle et la juridictionnalisation des mesures d'application des peines relevant du juge de l'application des peines.

Signalons également que quelques dispositions isolées font l'objet de dates d'entrée en vigueur spécifique : 16 décembre 2000 pour le contentieux de l'indemnisation de la détention provisoire, 16 juin 2002 pour le transfert obligatoire au juge des libertés et de la détention des pouvoirs du président du tribunal de grande instance en matière de libertés individuelles, 16 juin 2003 pour l'encellulement individuel des détenus.

Il est donc malaisé de faire un bilan exhaustif de dispositions qui, pour la plupart, ne sont entrées en vigueur que récemment. Votre rapporteure tient néanmoins, dans l'attente du rapport de la mission d'information sur l'application de cette loi, confiée à Mme Christine Lazerges, à présenter quelques chiffres sur l'effort financier fait par le Gouvernement pour permettre la mise en _uvre de la loi et sur les conséquences positives de celles-ci en terme de libertés individuelles.

La charge de travail résultant de la mise en place du juge des libertés et de la détention a été évaluée à 110 emplois équivalents temps plein de magistrats du siège. Cette évaluation a été réalisée juridiction par juridiction, en tenant compte du nombre moyen de décisions relatives à la détention et du temps moyen de traitement de ces procédures.

Ces 110 emplois ont été créés par les lois de finances initiales pour 1999 et 2000, qui ont également prévu 108 emplois de greffiers supplémentaires. Par ailleurs, l'application de la loi organique du 25 juin 2001 portant statut de la magistrature va permettre aux chefs de cours d'appel de disposer de vice-présidents placés qui pourront également traiter, compte tenu de leur grade, le nouveau contentieux de la détention. Enfin, la possibilité, ouverte par la loi du 30 décembre 2000, de mutualiser entre plusieurs tribunaux d'une même cour les fonctions de juge des libertés et de la détention et celles du ministère public a, semble-t-il, été utilisée par les petits tribunaux pour gérer ce contentieux.

Les besoins en magistrats résultant de l'instauration d'un appel en matière criminelle, de la juridictionnalisation de l'application des peines et des nouvelles procédures et des délais en matière pénale ont été évalués selon les mêmes modalités que la réforme des tribunaux de commerce.

La loi de finances pour 2001 a créé 237 emplois de magistrats et 135 emplois de greffiers pour répondre à ces besoins, répartis de la manière suivante : 75 emplois de magistrats et 36 emplois de greffiers pour l'instauration de l'appel en matière criminelle, 77 emplois de magistrats et 44 emplois de greffiers pour la juridictionnalisation de l'application des peines, 85 emplois de magistrats et 55 emplois de greffiers pour les procédures et les délais en matière pénale.

Rappelons enfin que le projet de loi de finances pour 2002 prévoit la création de 80 emplois de magistrats et de 23 emplois de greffiers pour la mise en _uvre de la loi.

Au total, ce sont 427 emplois de magistrats et 266 emplois de greffiers qui auront été créés pour assurer l'application de la loi du 15 juin 2000.

Plus que de l'insuffisance du nombre d'emplois créés, les difficultés actuelles proviennent des délais nécessaires pour former ces magistrats et ces greffiers, auxquels s'ajoute la difficile mise en place de la réduction du temps de travail.

En 2000, une enveloppe de 2,591 millions d'euros (17 millions de francs) a permis d'acquérir un certain nombre de matériels nécessaires (fax, mobiles, photocopieurs), de renforcer les moyens informatiques, de procéder à des travaux d'aménagement et de restructuration pour accueillir les juges des libertés et de la détention et d'aménager les salles d'assises.

Par ailleurs, 56 véhicules ont été achetés fin 2000 pour un montant de 609 796 euros (4 millions de francs), dont 50 véhicules pour faciliter les déplacements des magistrats du parquet et des juges de l'application des peines qui se rendent aux débats contradictoires tenus dans les établissements pénitentiaires.

Au total, le montant des financements alloués en 2001 pour l'application de la loi s'élève à 3,201 millions d'euros (21 millions de francs).

Le montant des délégations spécifiques, quant à lui, est de 2,896 millions d'euros (19 millions de francs). En outre, 579 306 euros (3,8 millions de francs) ont été alloués en juin 2001 aux cours d'appel pour leur permettre de recruter des agents non titulaires chargés d'assurer le secrétariat des juges de l'application des peines dans l'attente de la nomination de greffiers.

Les dispositions relatives à l'appel en matière criminelle nécessitent la réalisation de travaux dans la plupart des palais de justice, essentiellement pour mettre en conformité les salles d'assises avec l'augmentation du nombre de jurés lors des audiences d'appel ou pour permettre de tenir à la fois des audiences de première instance et des audiences d'appel dans les grands tribunaux. Ainsi, des salles d'audience supplémentaires sont nécessaires à Bordeaux, Douai, Saint Omer, Bobigny, Poitiers ou Charleville.

En outre, des locaux doivent parfois être aménagés pour recevoir le service du juge des libertés et de la détention.

Ces opérations sont financées sur les crédits déconcentrés de fonctionnement des juridictions (chapitre 37-92) et sur les crédits d'équipement.

L'inspection générale des services judiciaires a rendu public en juin 2001 un rapport portant sur le bilan des premiers mois d'application de la loi, effectué à partir de missions réalisées dans cinq cours d'appel et dix tribunaux de grande instance situés dans leur ressort. Les données chiffrées relevées ne constituent des statistiques exhaustives, mais peuvent éclairer les premiers effets de la réforme.

Sur les six premiers mois d'application de la réforme, le nombre de garde à vue a diminué de 9,76 % par rapport à la même période de l'année 2000.

Si la suppression de la possibilité de placer les simples témoins en garde à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance a certainement eu des conséquences sur le nombre de garde à vue, il convient néanmoins de rappeler que la réforme de 1993, qui permettait notamment à la personne gardée à vue de s'entretenir avec un avocat à la vingtième heure, avait également entraîné une diminution du nombre des gardes à vue dans les premiers mois de son application, avant que ce nombre ne retrouve son niveau antérieur.

Il n'existe pas encore de statistiques disponibles sur l'évolution des gardes à vue de mineurs depuis l'entrée en vigueur, le 16 juin 2001, de l'enregistrement audiovisuel de leurs interrogatoires.

Les juridictions ont été équipées en matériel informatique leur permettant de visionner les enregistrements audiovisuels effectués par la police et la gendarmerie, pour un montant de 350 632 euros (2,3 millions de francs), prélevé sur le budget de la mission de modernisation des services judiciaires.

Sur les cinq premiers mois de l'année 2001, le nombre de détentions provisoires ordonnées dans le cadre d'une instruction a baissé de 26 % par rapport à la même période de l'année 2000. Entre le mois de juin 2000 et le mois de juin 2001, la baisse est de 22 %. Il convient néanmoins de rappeler que la loi du 15 juin 2000 est intervenue alors que la tendance était à la baisse du nombre de ces détentions provisoires.

Les détentions provisoires ordonnées dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ont également baissé dans les mêmes proportions (- 19 % entre juin 2000 et juin 2001), bien que la loi du 15 juin 2000 ait uniquement diminué la durée maximale de cette détention provisoire, sans modifier les conditions de placement en détention.

Le rapport de l'inspection générale des services judiciaires précise que le taux de décisions non conformes du juge des libertés et de la détention par rapport aux demandes du juge d'instruction est plus élevé en matière de placement en détention provisoire qu'en matière de prolongation de détention.

L'inspection générale des services judiciaires n'a pas constaté dans les tribunaux visités d'augmentation notable des demandes d'actes pendant le premier trimestre 2001 par rapport au premier trimestre 2000. Il souligne cependant l'augmentation de la charge travail des magistrats instructeurs, dû notamment aux formalités nouvelles en matière de notification d'acte et d'avis à délivrer.

Si les statistiques montrent pour le premier trimestre 2001 une diminution sensible des réquisitoires introductifs (- 9,15 %), il convient cependant de rappeler que la tendance est, depuis plusieurs années, à la diminution du nombre d'ouverture d'informations par les parquets.

Au cours de premier trimestre 2001, les cours d'assises ont prononcé 822 décisions qui ont fait l'objet de 220 appels, soit un taux d'appel de 27 %, très légèrement inférieur au taux d'appel envisagé lors de l'adoption de la réforme (30 %). Pour la même période de l'année 2000, le taux de pourvoi en cassation s'est élevé à un peu moins de 20 %.

Les chefs de juridictions consultés par l'inspection générale des services judiciaires ont unanimement estimé que c'était l'instauration d'un appel en matière criminelle qui, lorsque la réforme aura produit son plein effet, constituera la principale source de difficultés, en termes d'effectifs et d'immobilier.

Les statistiques sur les conséquences de la réforme doivent être appréciées avec prudence. Elles ne portent, en effet, que sur le premier semestre 2001, période au cours de laquelle la réforme s'est mise en place. Les difficultés matérielles et la nouveauté juridique que cette réforme représentait ont pu conduire les juge de l'application des peines et les juridictions régionales de la libération conditionnelle à utiliser les délais maximum pour répondre à une demande (). En outre, s'agissant des mesures relevant de la compétence du juge de l'application des peines, il faut tenir compte du fait que l'intégralité de la réforme n'est entrée en vigueur que le 16 juin 2001.

Au cours du premier semestre 2001, 3 229 libérations conditionnelles ont été accordées, contre 2 744 durant la même période de l'année 2000. Les mesures de semi-liberté ont augmenté de 8,3 %, alors que les placements à l'extérieur diminuaient de 14,8 %.

Le nombre de demandes déposées auprès des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions a augmenté en 2000 de 4 % par rapport à 1999, pour s'élever à 13 910 demandes.

Le montant des indemnités a également progressé de 10,2 %, atteignant en 2000 148,2 millions d'euros (971,9 millions de francs).

*

* *

Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux, ministre de la justice ()

Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux, ministre de la justice - C'est avec plaisir que je vous présente aujourd'hui ce budget de la justice, le premier dont j'aie assuré entièrement la préparation. On peut affirmer sans exagération qu'il s'agit d'un très bon budget. La justice constituant une priorité pour le Gouvernement, les crédits augmentent de 5,7 %, ce qui est supérieur à la hausse moyenne des dépenses de l'Etat, qui s'établit à 2 %.

Au total, mon ministère disposera de 30,7 milliards de francs : pour la première fois, le seuil symbolique des 30 milliards est donc franchi. Votre objectif dans l'avenir sera sans doute de dépasser un nouveau seuil symbolique, celui des 5 milliards d'euros.

En termes d'effectifs, 2 792 emplois sont créés, contre 1 750 en 2001, ce qui était déjà considérable.

Les autorisations de programme représentent 2,4 milliards de francs : il s'agit de financer un grand programme de rénovation et de construction dans le monde judiciaire comme dans l'administration pénitentiaire.

C'est donc un budget cohérent avec la politique du Gouvernement.

Sur les 2 792 emplois nouveaux, 1 525 iront à l'administration pénitentiaire : c'est trois fois plus qu'en 2001. Il s'agit en majorité de postes de surveillants - un peu plus de 1 200 - mais nous allons aussi augmenter les effectifs des personnels d'insertion, des personnels administratifs et techniques, qui sont en nombre insuffisant. Ce recrutement témoigne de notre volonté d'améliorer la sécurité et les conditions de travail dans les établissements. Notre choix d'avoir des prisons à la fois sûres et humaines exige bien entendu des moyens.

En outre, ces créations d'emplois, complétées par d'autres recrutements ultérieurs, permettront de mettre en _uvre la réduction du temps de travail au 1er janvier 2002.

845 emplois seront créés dans les juridictions judiciaires, dont 320 magistrats et 525 fonctionnaires, greffiers, greffiers en chef et contractuels. Nous pourrons ainsi achever la mise en _uvre des réformes récentes, notamment de la loi sur la présomption d'innocence. En quatre ans, 880 emplois ont été créés, dont 427 de magistrats. Nous pourrons aussi continuer à améliorer la qualité de la justice. De ce point de vue, les résultats sont déjà tangibles : la durée moyenne des affaires terminées dans les tribunaux de grande instance au civil est passée de 9,3 mois en 1998 à 8,9 mois en 2000 ; le taux de réponse pénale, c'est-à-dire le pourcentage d'affaires susceptibles d'être poursuivies et qui le sont vraiment ou donnent lieu à une mesure alternative est passé de 64 % en 1997 à 67,9 % en 2000.

Dans le cadre du plan de lutte contre la délinquance des mineurs, la protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 300 créations d'emplois d'éducateurs, de psychologues, d'enseignants et de personnels administratifs.

Enfin, ce budget comporte 32 créations d'emplois à l'administration centrale, 4 à la CNIL, et 86 dans les juridictions administratives, les cours administratives d'appel en particulier étant très encombrées.

Par ailleurs, pour répondre à l'exigence de transparence qui inspire la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, nous réalisons la première tranche d'un plan pluriannuel de résorption des mises à disposition internes. La Cour des comptes avait d'ailleurs critiqué ce dispositif par lequel des magistrats et fonctionnaires affectés pour ordre dans des juridictions et des services déconcentrés sont en réalité à la disposition des administrations centrales ou d'organismes extérieurs.

Un effort, nécessaire et légitime est également fait pour prendre en compte les compétences, les responsabilités et surtout la difficulté de certains métiers, en particulier les surveillants d'administration pénitentiaire et les éducateurs de la police judiciaire de la jeunesse. Ce budget y consacre près de 450 millions de francs.

Les crédits de fonctionnement courants augmenteront de 3,4 % et même de 5,6 % pour les crédits informatiques, la modernisation des méthodes de travail restant une priorité. Nous sommes parvenus au taux de 1,7 agent par ordinateur qui est correct même s'il faut encore l'améliorer dans certains secteurs. Fin 2001, 21 000 agents seront connectés à l'intranet justice alors qu'il n'y en avait aucun fin 1998. A terme, l'impact sur le fonctionnement du ministère sera considérable.

S'agissant des crédits d'intervention, je souligne d'abord la très forte hausse de 18 % des crédits d'aide juridictionnelle qui atteindront 1,8 milliard de francs en raison notamment de la hausse de la rétribution des avocats décidée à la fin de l'année dernière. L'aide juridictionnelle sera étendue aux procédures disciplinaires concernant les détenus. Le plafond de ressources ouvrant droit à l'aide a été relevé en 2001. Cette année il sera simplement revalorisé comme le seuil de la tranche la plus basse de l'impôt sur le revenu. Au vu des conclusions de la commission Bouchet, je préfère en effet m'orienter vers une réforme globale de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit. Je présenterai donc un projet de loi avant la fin de l'année ; sa mise en _uvre exigera, au-delà de 2002, d'importants moyens budgétaires.

D'autre part, nous poursuivons notre effort en faveur de l'aide aux victimes. Les associations qui sont nos partenaires bénéficieront de mesures nouvelles, 7,5 millions de francs, en partie pour financer le nouveau numéro national d'aide aux victimes. L'engagement que nous avions pris de doubler en trois ans les crédits dans ce domaine sera tenu.

S'agissant de l'équipement, notre programme se poursuit à un rythme soutenu. Les 550 millions de francs d'autorisations de programme ouvertes dans le domaine judiciaire permettront de poursuivre ou d'engager des opérations dont les plus importantes concernent les palais de justice de Chartres, Rouen, Fort-de-France et Laon, l'extension de l'école nationale des greffes à Dijon et de gros travaux de sécurité au Palais de justice de Paris.

L'effort sera encore plus marqué dans le domaine pénitentiaire avec 1,7 milliard de francs d'autorisations de programme. 250 millions seront consacrés à des travaux de rénovation et de sécurité et notamment aux mesures d'urgence destinées à lutter contre les évasions par hélicoptère. Dans le cadre du programme de 10 milliards annoncé par le Premier ministre en novembre 2000, 1,45 milliard seront consacrés à la rénovation des établissements existants et notamment des cinq grandes centrales.

Pour ce qui est des constructions neuves, une douzaine d'opérations sont en cours, dont celles de Toulouse et Avignon seront achevées en 2002, et j'ai présenté le vaste programme de 35 établissements neufs qui va être engagé. Il ne s'agit pas d'accroître le nombre de places de détention, mais d'appliquer la norme d'encellulement individuel et de fermer plus de 25 établissements vétustes ou inadaptés. Ce programme sera conduit à un rythme soutenu et la concertation locale va s'engager dès la fin de cette année pour définir les localisations des établissements. Grâce à la nouvelle agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice créée par décret du 31 août 2001, et qui disposera d'effectifs plus importants que l'actuelle délégation générale au programme pluriannuel d'équipement, les grandes opérations immobilières pourront être conduites de façon plus efficace.

Ce budget, très favorable, n'a rien d'un effet d'annonce. Le Gouvernement agit dans la durée pour renforcer les moyens de la justice, qui était bien « pauvre » en France. Il y a cinq ans, ce budget était à un niveau inacceptable. Malgré l'augmentation du contentieux, la difficulté croissante d'exercer le métier pénitentiaire, le changement de nature de la délinquance, aucun effort sérieux n'avait été accompli, l'institution judiciaire n'était pas prioritaire. Plus grave encore, la loi de programme votée en 1995 n'était pas appliquée et c'est finalement Elisabeth Guigou qui l'a mise en _uvre.

Le Gouvernement a fait de la Justice une vraie priorité, avec une augmentation de 29 % du budget en cinq ans. 7 300 emplois ont été créés, dont 1 212 de magistrats. 280 élèves sont entrés à l'École nationale de la magistrature en 2002 contre 148 en 1997 ; les crédits de l'aide juridictionnelle ont augmenté de moitié sur la même période.

Certes, nous sommes encore loin de disposer des moyens nécessaires à une justice totalement efficace, et les usagers ne percevront que progressivement ces améliorations du service public. L'effort doit donc se poursuivre. Le Gouvernement a pris des engagements pluriannuels et les tiendra. Ainsi, dans le cadre du plan de création de 1 200 emplois de magistrats sur quatre ans présenté en mars dernier, nous en créerons 320 en 2002, soit plus que prévu.

Beaucoup reste à faire, les usagers et les personnels sont les premiers à nous le rappeler. Mais le budget 2002 marque une étape importante dans notre action en faveur de la Justice.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances - Si l'on est de bonne foi, on doit reconnaître que l'effort quantitatif accompli dans ce budget 2002 est important. Je n'en disconviens pas, mais j'émettrais trois réserves.

D'abord, si les moyens augmentent, les besoins augmentent aussi considérablement, par exemple pour appliquer la loi sur la présomption d'innocence. Ensuite, le passage aux 35 heures aura aussi des conséquences importantes pour les effectifs. De ce fait, les créations que vous annoncez ne permettent pas une véritable mise à niveau : le déficit subsiste. Enfin, malgré cet effort budgétaire indiscutable, le taux de consommation des crédits continue à diminuer. C'est préoccupant. Ne voulant pas être polémique, je ne dirai pas que le Gouvernement peut bien afficher des chiffres en forte progression, sans que cela l'engage vraiment puisque les crédits ne seront pas consommés. En réalité, c'est la structure du ministère de la justice qui ne permet pas de consommer les crédits votés.

En 2000, les crédits d'équipement n'ont été consommés qu'à 45,7 %, ce qui a laissé 1,4 milliard sans utilisation. Dans le secteur pénitentiaire, objet de votre souci, la situation est encore pire : le taux de consommation n'a été que de 38,3 % et près d'un milliard est ainsi resté inutilisé. Or, cette année, l'amélioration a été à peine sensible puisqu'en août, le taux atteignait à peine 50 %.

Ce qui est particulièrement préoccupant, c'est que ce pourcentage reste stable d'une année sur l'autre, quel que soit le niveau du budget. Il n'est certes pas négligeable d'avoir créé une agence de la maîtrise d'ouvrage. Elle peut contribuer à améliorer le taux de consommation. Mais il faudra quelque temps pour qu'elle « monte en puissance » et opère une révolution culturelle, d'autant que, si j'ai bien compris, 25 de ses agents, sur 40, proviendront de l'ancienne DGPPE. Un effort supplémentaire serait donc souhaitable.

La création de la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC, a représenté une innovation pour l'Assemblée. En effet, des représentants de la commission des finances et de la Cour des comptes ont, pour la première fois, travaillé conjointement en son sein. Le rapport rendu par cette mission contenait nombre d'observations utiles pour le Gouvernement : qu'en avez-vous tiré ? Je ne reviendrai pas sur le problème de la consommation des crédits votés, mais j'aimerais avoir votre réponse, que je crois d'ailleurs connaître, à la question lancinante de la carte judiciaire. Sur ce point, la situation n'a guère évolué depuis cinq ans. En dépit de tous les discours et engagements, on s'est borné à supprimer 30 tribunaux de commerce dans un premier temps, puis la moitié d'un autre. J'ai cependant cru comprendre qu'une dizaine d'autres étaient sur la sellette, mais qu'en est-il réellement ?

Les services de l'administration régionale, les SAR, constituent un outil de qualité pour la modernisation de la justice. Encore faut-il perfectionner cet instrument. Or, depuis plusieurs mois, aucun progrès n'a été enregistré. Les SAR n'ont pas de statut, ils ne figurent pas dans le code de l'organisation judiciaire... Va-t-on enfin avancer sur ce point ?

L'effectif de l'inspection judiciaire est passé de 1 à 19 inspecteurs mais c'est encore largement insuffisant. Pourtant, vous ne créez aucun poste dans ce budget. Surtout, cette inspection est détournée de sa vocation normale, qui consiste à évaluer et à contrôler le fonctionnement judiciaire. En 2000, plus de la moitié des tâches qui lui ont été confiées étaient étrangères à cette mission ! Voudrait-on l'asphyxier ?

Si les choses continuent à ce rythme, il faudra encore 10 ans avant qu'on ne construise à Paris le nouveau tribunal de grande instance, pourtant indispensable. Mon souci sur ce point n'est pas celui d'un élu de la région parisienne : il se trouve simplement que 25 % de la matière judiciaire sont traités dans la capitale et que, par conséquent, sans ces nouveaux locaux, le fonctionnement de la justice ne pourra s'améliorer sensiblement en France. Actuellement, plus de 200 magistrats sont invités à rester chez eux quand ils n'ont pas d'audience, parce qu'on manque de bureaux. A quoi sert dès lors d'en recruter d'autres ? Que devient la « productivité »  ?

Le problème est identique pour la Cour de cassation : les conseillers de province ne disposent pas de bureau à Paris.

Pour cette Cour, la mise en place d'un filtre contribuera à réduire progressivement le nombre des pourvois. Mais le stock des affaires en attente se monte à 40 000. Les magistrats ont donc demandé la mise à disposition d'un certain nombre de conseillers référendaires, pour une durée de cinq ans. On a envisagé de leur en accorder 18 : qu'en est-il réellement ? Par ailleurs, la Cour manque de locaux : va-t-elle pouvoir occuper les 2 500 m2 de bureaux qu'il était question de lui donner au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain ? Enfin, l'écart de rémunération entre ses conseillers et les magistrats de la Cour d'appel s'est réduit depuis quelques années, de sorte qu'on ne recherche plus une nomination à la Cour de cassation que pour l'honneur. Ses membres sont même de 10 à 15 % moins bien payés que les conseillers d'Etat ou les conseillers à la Cour des comptes. L'effort consenti dans ce budget en faveur des personnels leur bénéficiera-t-il ?

D'autre part, avez-vous une idée du supplément d'effectifs qui sera consommé par le passage aux 35 heures ?

Le point est sans doute mineur mais j'ai entendu dire que des magistrats instructeurs avaient lancé une pétition pour protester contre le rendu d'appels. Si l'information est exacte, comment va réagir la Chancellerie ?

Enfin, je veux sans malice aucune revenir sur une question d'actualité, celle de la prison de Borgo. Comment se fait-il que ce soit le ministre de l'intérieur qui ait annoncé cette décision de justice ? La méthode me paraît mauvaise et il semble d'ailleurs qu'elle ait suscité un certain trouble au sein du Gouvernement. Pour m'en tenir au fond, je dirai que je partage totalement votre jugement sur la situation de nos prisons : elle est déshonorante pour notre démocratie. M. Chalandon avait lancé un programme de 15 000 places que M. Rocard a réduit à 13 000, mais il semble maintenant que tout le monde s'accorde sur la nécessité de construire en quantité. Cependant, combien de temps faudra-t-il pour réaliser les 35 établissements annoncés aujourd'hui ? Le coût d'un seul oscille entre 300 et 500 millions de francs et votre ministère ne consomme en moyenne que 450 millions par an pour le secteur pénitentiaire. A ce rythme, il faudrait donc 35 ans. Peut-être la création de l'Agence de la maîtrise d'ouvrage permettra-t-elle de réduire le délai de moitié. Mais quand l'établissement de Borgo ou son annexe pourront-ils ouvrir ? Par ailleurs, le jeu en vaut-il la chandelle pour 8 condamnés ? C'est en effet à ce jour l'effectif qui serait concerné.

S'agissant des objectifs de cette politique de rapprochement, je préfère vous consulter, vous, plutôt que M. Vaillant, car vous me semblez plus compétente.

J'ai cru comprendre que la politique de rapprochement serait destinée uniquement aux condamnés en fin de peine, ceux qui font l'objet d'une procédure d'instruction dans une autre affaire devant toutefois rester à demeure. Mais comment ce rapprochement, qui ne devrait pas concerner uniquement la Corse, peut-il être compatible avec l'article D 74 du code de procédure pénale aux termes duquel la procédure d'orientation consiste à réunir tous les éléments relatifs à la personnalité du condamné, son sexe, son âge, ses antécédents, sa catégorie pénale, son état de santé physique et mental, ses aptitudes, ses possibilités de réinsertion sociale et, d'une manière générale, tous renseignements susceptibles d'éclairer l'autorité compétente pour décider de l'affectation la plus adéquate ? Après toute une batterie de tests effectués à Fresnes, les condamnés sont orientés vers l'établissement le plus propice à leur réinsertion. Telle est la procédure expressément prévue par la loi, entendez-vous revenir sur cette disposition ?

Mme Nicole Feidt, rapporteure pour avis pour l'administration centrale et les services judiciaires - En progression pour la cinquième année consécutive, ce bon budget marque la volonté du Gouvernement de faire de la justice une priorité de sa politique.

Les services judiciaires, les juridictions administratives et l'administration centrale profitent largement de ce mouvement puisque leurs crédits progressent respectivement de 4,2, 5,2 et 6,5 %.

Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement en mars 2001, les services judiciaires profitent de 963 créations d'emplois, en partie consacrées à la mise en _uvre de toutes les réformes engagées depuis la loi du 15 juin 2000. Les critiques adressées au budget 2001 étaient sans fondement, puisque ces réformes ne l'ont nullement déséquilibré.

Toutefois, la plupart des syndicats s'inquiètent de l'application, au 1er janvier, de la réduction du temps de travail. C'est normal, car les créations annoncées ne suffiront pas à couvrir les besoins. En outre, elles n'entraîneront pas l'arrivée des nouveaux agents dès l'année prochaine, en raison des délais de formation. Pourtant, l'Ecole nationale du greffe fonctionne au maximum de ses capacités et l'Ecole nationale de la magistrature a augmenté le nombre d'élèves dans ses promotions. Il paraît indispensable d'améliorer la formation en créant un tronc commun à tous les professionnels du droit. On en parle depuis des années et je m'étonne que cette réforme n'ait pas encore abouti, alors qu'elle permettrait d'améliorer la qualité de l'enseignement et de rationaliser la formation.

Sur les modalités d'application de la réduction du temps de travail, les syndicats regrettent l'absence de dialogue social. Je sais que ce sujet retient toute votre attention, mais j'insiste sur le fait que seul le dialogue peut emporter l'adhésion indispensable au succès de la réforme.

Je me réjouis de l'effort important fait en faveur de la justice et je souhaite qu'il se prolonge car la qualité de ce service passe par ces crédits, que je voterai sans réserve en raison de leur volume et de leur constance.

Je remercie les services du ministère pour la qualité des réponses qu'ils m'ont apportées, mais je souhaite toutefois vous poser quelques questions de plus, afin d'éclairer nos collègues.

En premier lieu une provision de 1,2 million d'euros est inscrite pour « engager les réformes statuaires des greffiers en chef et des greffiers ». Pouvez-vous donner des indications plus précises sur le contenu de ces réformes et sur leur coût final ?

Ensuite, de nombreux textes prévoient la présence de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel au sein de diverses commissions administratives. Pouvez-vous préciser le nombre de ces commissions et indiquer si le Gouvernement envisage de réduire la participation des magistrats administratifs ?

Par ailleurs, le projet de loi relatif aux droits des malades a prévu de confier à des magistrats la présidence des chambres disciplinaires des ordres professionnels et des commissions régionales d'indemnisation et de conciliation. Le Gouvernement envisage-t-il de procéder à des recrutements pour faire face à ces nouvelles missions ?

La Chancellerie a annoncé la création prochaine de pôles de santé chargés de poursuivre et d'instruire les infractions en matière de santé. Cette spécialisation me paraît excellente. Ne pourrait-elle être étendue à la gestion des catastrophes ? En effet, la justice ne dispose pas des moyens suffisants pour gérer les suites judiciaires de catastrophes comme l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, le naufrage de l'Erika ou l'explosion de Toulouse.

Enfin, à la suite de la publication du rapport de la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice, présidée par Paul Bouchet, le Gouvernement a annoncé le dépôt, à l'automne, d'un projet sur l'aide juridictionnelle et l'accès au droit. Vous en avez tracé les grandes lignes ; pouvez-vous nous donner plus de détails ?

M. André Gerin, rapporteur pour avis pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse - Les crédits du ministère de la justice sont en augmentation de 5,7 %, ce qui profite principalement à l'administration pénitentiaire dont l'enveloppe, de 1,4 milliard d'euros, progresse de 9,7 % et qui bénéficie de plus de la moitié des créations d'emplois, tandis que les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse stagnent, avec un montant de 539,6 millions d'euros.

Cette augmentation relative est insuffisante pour faire face aux besoins d'administrations qui souffrent des retards accumulés depuis trente ans. Les difficultés sont en outre aggravées par le décalage de plus en plus important entre l'annonce d'une mesure et sa réalisation effective, qui provoque l'incompréhension des personnels, qui réduit à néant l'effet de l'annonce initiale et qui motive l'avis critique que j'émets ce matin. Ainsi, les effets du plan de 10 milliards de francs annoncé par le Premier ministre en novembre 2000 tardent à se faire sentir. Cela vaut aussi dans le domaine législatif où un certain nombre de réformes, comme le suivi socio-judiciaire ou le placement sous surveillance électronique, sont encore au stade expérimental, plusieurs années après leur adoption par le Parlement.

Le projet de loi pénitentiaire n'échappe hélas pas à cette règle. Alors que son annonce avait suscité de nombreux espoirs, le document de présentation générale de l'avant-projet, rendu public par la Chancellerie en juillet dernier, a provoqué de fortes déceptions chez les détenus comme chez les personnels, car il ne comporte aucune avancée significative pour les droits de l'homme et il ne met pas assez en valeur les missions des personnels. Le Gouvernement doit donc réexaminer ses propositions, afin de représenter rapidement au Parlement un texte plus complet et mieux équilibré.

Le malaise des personnels est accentué par l'incertitude sur les modalités d'application de la réduction du temps de travail. Tous les syndicats m'ont fait part de leurs craintes que cette réforme ne remette en cause les avantages liés à la pénibilité des emplois au lieu d'entraîner une réelle diminution du temps de travail. Ils critiquent aussi le manque de recrutement, la faible capacité d'anticipation de l'administration et l'absence de dialogue social. Or la remise à niveau des services ne pourra se faire sans le soutien des personnels. Il paraît donc indispensable de restaurer le dialogue social, préalable à la réussite des réformes.

Mon avis est critique car le fossé se creuse entre les sommes engagées et les aspirations qu'il faudrait satisfaire. Je ne néglige pas pour autant les efforts sans précédent engagés depuis 1997. Je ne laisserai pas non plus l'opposition remettre en cause les principes et les fondements de l'ordonnance de 1945.

Je ne la laisserai pas plus remettre en cause cette avancée de civilisation qu'est la présomption d'innocence. (M. Leonetti s'exclame !) Il est vrai que cette question souffre d'un certain discrédit car on n'a pas dégagé les moyens nécessaires.

M. Jean-Luc Warsmann - Ah !

M. le Rapporteur pour avis - Notre système pénal est dépassé par l'évolution de la délinquance et le poids des attentes qui pèsent sur lui. Il est vrai que la longueur des procédures est aberrante ...

M. Jean-Luc Warsmann - Absolument !

M. le Rapporteur pour avis - ...et renforce le sentiment d'impunité et le discrédit des autorités publiques. Je ne prendrai que deux exemples : dans ma ville, une altercation a causé la mort de M. Gueneley et le procès n'a eu lieu que 36 mois plus tard ; quant au pompier qui a eu la jambe arrachée par l'explosion d'un véhicule au GPL le 31 janvier 1999, le procès a eu lieu 33 mois plus tard. Les principales victimes de la violence et de la délinquance sont, contrairement à ce qu'on entend dans le discours sécuritaire, les enfants et les adolescents. Ainsi, le remarquable rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck préconisait la création de 500 postes d'éducateurs, d'assistants sociaux et de psychologues par an pendant 6 ans. La commission parlementaire, elle, évoquait « l'éternelle pénurie » d'effectifs pénitentiaires. Aujourd'hui, la réduction du temps de travail nous conduit à la limite de la crise de confiance. Quand décidera-t-on de créer suffisamment d'emplois pour appliquer réellement les 35 heures aux salariés qui sont en première ligne ?

Cet avis non favorable exprimé est un cri d'alarme que je lance. J'en viens à quelques questions précises. D'abord, l'aménagement du temps de travail dans l'administration pénitentiaire suscite des inquiétudes. Quelles en seront les modalités pour le personnel autre que de surveillance et quels sont les recrutements prévus dans les trois prochaines années ? Le corps du personnel administratif souffre de nombreuses vacances de postes, qui se montaient à 147 au 1er juillet. Comment expliquez-vous ce déficit structurel et comptez-vous y remédier ? Une réflexion a été engagée sur le statut des travailleurs sociaux, mais qui ne se traduit par aucune provision dans le projet de budget. Quel est le calendrier envisagé pour la réforme ? Quand la revalorisation de l'indemnité pour charges pénitentiaires sera-t-elle effective ? Enfin, le projet de loi de finances comporte une nouvelle mesure de transformation d'emplois d'agents de protection judiciaire de la jeunesse en emplois administratifs. Envisagez-vous d'appliquer cette mesure à l'ensemble du corps ?

M. Jean-Pierre Michel - Je voudrais d'abord dire que le groupe RCV voit dans ce projet un bon budget, comme les rapporteurs d'ailleurs, même si certains ont teinté leurs propos personnels d'une certaine acidité. Les crédits sont en augmentation constante depuis plusieurs années et nous apprécions, Madame la ministre, la façon dont vous avez traité les dysfonctionnements et les problèmes délicats qui sont survenus depuis votre entrée place Vendôme : avec modestie et pragmatisme. J'ai toutefois quelques réflexions à vous livrer.

Comment, d'abord, la réduction du temps de travail pourrait-elle s'appliquer aux magistrats ? Il s'agit d'une atteinte claire à leur indépendance. Il ne serait guère possible d'évaluer le temps imparti à chaque tâche, mais il ne faut surtout pas le dire car les 35 heures sont l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement.

M. Patrick Devedjian - L'acidité n'est pas réservée à l'opposition !

M. Jean-Pierre Michel - Ensuite, pourquoi le Gouvernement a-t-il cédé à la pression des tribunaux de commerce et renoncé à faire voter les trois textes qui avaient été examinés en procédure d'urgence et qui résultaient des travaux de la commission parlementaire créée en 1997 ? Quant à la loi pénitentiaire, je ne cache pas ma satisfaction qu'elle n'aboutisse pas. Je crois en effet que le Parlement s'est emballé, comme s'il découvrait, à la suite d'un pamphlet écrit par un médecin proche de l'opposition, une situation qu'il n'aurait pas dû méconnaître. Dès les années 1970, un rapport du juge d'application des peines avait clairement décrit la situation dans la prison de Clairvaux. La réflexion doit être plus longue et plus profonde. Il faut savoir qui doit aller en prison, et surtout quel but la société assigne à la prison. Personne n'a d'idée claire à ce sujet et le projet de loi ne satisfaisait ni le personnel pénitentiaire, ni les prisonniers.

En ce qui concerne la lenteur des procédures, je ne cache pas mon agacement. Le Gouvernement a, par exemple, critiqué une décision de justice dans une affaire récente. Sur le principe je ne suis nullement opposé à de telles critiques, mais, en l'occurrence, si la procédure a été si longue, c'est bien que depuis des années nous n'avons cessé de développer les droits de la défense. Cela est bon mais ne doit pas amener les avocats à multiplier les recours et contre-expertises afin de procéder à ce qu'on pourrait qualifier d'obstruction judiciaire. Alors, la Chambre d'accusation aurait certes pu mieux apprécier la personnalité du prévenu en question, mais elle applique strictement les textes en sanctionnant la lenteur de la procédure !

Deux réflexions de fond doivent aussi être engagées, même si la période actuelle n'est guère propice aux réformes. La révision du statut des magistrats d'abord, abordée de façon brouillonne par votre prédécesseur, n'a heureusement pas abouti. Il faut mettre sur le tapis la question de la séparation totale du siège et du Parquet. Nos concitoyens, qui ne font parfois guère la différence entre un avocat et un juge, sont peu à même de la faire entre un juge et un procureur ! Cette réforme permettrait de donner une indépendance totale aux juges. Quant au Parquet, même s'il faut assurer sa liberté de pensée, il ne doit rien être d'autre que le porte-parole de la politique gouvernementale.

Il faudra ensuite remettre à plat l'ordonnance de 1945. Qu'on le veuille ou non, elle est inadaptée à la situation actuelle. Elle s'adressait à la population d'après-guerre et sans aller vers la répression à tout prix, des ajustements sont indispensables. Les élus locaux le savent bien : ils sont en première ligne.

Quand, il y a plusieurs dizaines d'années, l'administration pénitentiaire a été détachée du ministère de l'intérieur pour être rattachée à celui de la justice, tout le monde y a vu un progrès. J'ai donc été étonné que le ministre de l'intérieur s'exprime comme si la prison de Borgo était encore sous sa tutelle. Quelles catégories de détenus veut-on regrouper ? Au nom de quoi devrait-on être emprisonné dans sa région d'origine, comme certains se font enterrer dans leur village natal ? (Sourires). C'est contraire au principe de l'universalité de la République. Chacun sait, en outre, que cet établissement est une passoire. Des travaux seront donc nécessaires. Quel en sera le montant ? Et à quelle échéance ce regroupement interviendra-t-il ?

Le groupe RCV votera ce budget.

M. Jean-Luc Warsmann - Quel gâchis ! Incontestablement, ce budget est en augmentation. Les crédits de la justice progressent depuis le début de la législature ; depuis plus longtemps même, puisqu'ils avaient augmenté de 6 % en 1996. Pourtant, avez-vous amélioré le fonctionnement de la justice ? Vous nous annoncez « un petit frémissement à la baisse » des délais de jugement dans les tribunaux d'instance. Mais, devant les tribunaux de grande instance, le stock d'affaires a encore augmenté de 8 128 dossiers, soit 582 828 affaires pendantes. Devant les cours d'appel, le délai moyen a augmenté de 0,3 mois. Comment expliquer ces évolutions avec un budget en constante augmentation ?

D'une part, un certain nombre de lois ont été votées sans que vous ayez évalué leurs incidences financières ni prévu les moyens nécessaires. Je suis heureux que tous les orateurs l'aient souligné. Vous avez vous-même affirmé, Madame la garde des Sceaux, que « Le Gouvernement continuait de mettre en place les moyens nécessaires pour appliquer la loi du 15 janvier 2000 ». Merci de reconnaître qu'elle n'était pas financée. Ainsi, les moyens nouveaux sont déjà plus que consommés par les nouvelles dispositions législatives. C'est dans ce contexte qu'il faudra encore mettre en place les 35 heures.

D'autre part, le Premier ministre a commis une faute lourde en considérant que la baisse du chômage se traduirait par un recul de l'insécurité. Chacun mesure la gravité de cette forme de jugement.

Aujourd'hui, vous nous annoncez des crédits pour les années à venir. C'est très simple, à quelques mois d'échéances majeures, de promettre des autorisations de programme et des créations de postes... D'ailleurs, Patrick Devedjian a été très clair sur ce point, vos crédits d'investissement ne sont pas consommés. L'année dernière, vous aviez déposé un amendement pour les augmenter, tout en reconnaissant que vous ne pourriez pas consommer ce complément : il s'agissait « d'envoyer un signal ». Mais nous avons à améliorer le fonctionnement de la justice et non à envoyer des signaux.

Le principal dysfonctionnement de la justice réside dans le traitement de la délinquance des mineurs. Le groupe RPR avait déposé une proposition que vous avez repoussée. Vous refusez d'adapter l'ordonnance de 1945 à la situation actuelle. Je constate en outre l'indigence des moyens sur le terrain. Dans mon département, un haut magistrat a expliqué à la population qu'il fallait un an pour qu'un délinquant comparaisse devant le juge des enfants. « Mais ne vous plaignez pas, ajoutait-il, le délai est de 18 mois dans la Marne ! »

Quand vous déclarez que tout acte de délinquance doit avoir une suite judiciaire, je vous approuve. Mais je dois constater un décalage important entre ces bonnes intentions et la réalité.

Quel gâchis, encore une fois. Le groupe RPR ne votera pas ce budget.

M. Patrick Braouezec - Avec 4,7 milliards d'euros, les crédits alloués à la Chancellerie progressent de 5,7 %. Depuis 1997, les moyens dévolus à la justice ont augmenté de 25 %.

Toutefois, le niveau de départ était très bas. On peut donc raisonnablement s'interroger sur les conditions qui permettraient à cette institution d'occuper la place qui devrait être la sienne. La mise en _uvre de la réduction du temps de travail constitue une autre interrogation.

Le budget de la justice ne représente encore que 1,75 % des dépenses de la nation, contre 1,72 % en 2001. C'est peu, si on considère les retards à rattraper ainsi que les besoins croissants de nos concitoyens.

La continuité des efforts consentis depuis plus de quatre ans montre l'importance des réformes engagées pour offrir aux Français une justice de qualité, accessible et impartiale. Mais la mise en application de la loi du 15 juin 2000 mobilise à elle seule un tiers des créations d'emplois et 13 % des crédits ouverts depuis 1999. La création d'un juge de la détention et l'introduction de l'appel en matière criminelle représentent certes des avancées, mais ces réformes limitent les moyens alloués au désengorgement des juridictions.

Avec ce que le Premier ministre a qualifié « d'erreur tragique d'appréciation », c'est-à-dire la mise en liberté de Jean-Claude Bonnal, l'actualité nous rappelle que l'appareil judiciaire ne fonctionne pas comme il le devrait. Mais l'opposition se trompe en exploitant le sentiment d'insécurité pour stigmatiser un prétendu laxisme de l'autorité judiciaire.

Les députés communistes préfèrent rechercher les moyens de garantir la libre et sereine appréciation des juges. Pour cela, nos tribunaux ont besoin de magistrats et de greffiers supplémentaires. Ce budget prévoit la création de 931 emplois dans les juridictions judiciaire et administrative, contre 878 en 2001. Un tiers de cet effort porte sur les effectifs de magistrats. Pour le reste, ce sont essentiellement des postes de greffiers qui sont créés. Tout justiciable sait que ces personnels, débordés aujourd'hui, apportent un concours essentiel au bon fonctionnement de la justice.

Je souhaite que Mme la garde des Sceaux nous indique les moyens nécessaires pour mettre en place une réelle justice de proximité. En effet, malgré la création de 65 nouvelles maisons de la justice et du droit depuis 1997, seulement 50 conseils départementaux d'accès au droit ont été constitués au lieu des 60 prévus pour 2001 et un département sur deux n'en est pas doté.

En outre, la mission d'évaluation et de contrôle vient de remettre un rapport dans lequel est demandée une réforme de notre carte judiciaire. Il existe en effet de grandes disparités dans l'étendue des ressorts juridictionnels : ceux des cours d'appel recouvrent des zones allant de 250 000 à 7 millions d'habitants.

L'augmentation de 18 % des crédits de l'aide juridictionnelle permettra de financer le doublement de l'unité de valeur des avocats. Contrairement aux préconisations du rapport Bouchet cependant, vous ne relevez pas le plafond de ressources, si bien que ce budget n'aura pas d'effet sur le nombre d'ayants droit. Il aurait fallu engager ce relèvement dans un cadre pluriannuel. Trop de personnes modestes sont encore dans l'impossibilité de jouir de leurs droits.

S'agissant de l'administration pénitentiaire, les dysfonctionnements qui ont été dénoncés provoquent de nombreux mouvements sociaux. L'augmentation de 9,7 % des crédits permettra la création de 1 522 emplois, soit l'équivalent de ce qui a été fait depuis le début de la législature. Pendant cette même période, les effectifs de surveillants ont progressé de plus de 10 %. C'est dire le retard accumulé ! Mais il reste à chiffrer précisément les effectifs nécessaires pour mettre en _uvre la réduction du temps de travail au 1er janvier 2002.

Pour ce qui est de l'équipement, un nouvel établissement public sera chargé de la maîtrise d'ouvrage et 221 millions d'euros d'autorisations de programme seront consacrés à la réhabilitation et à la construction d'équipements pénitentiaires. 1 076 millions d'euros y ont déjà été affectés depuis 1998, et le taux de surpopulation carcérale est passé de 122 % à cette date à 104 % en 2001. Continuer à améliorer les conditions d'hébergement des détenus, c'est aussi assurer une meilleure sécurité pour le personnel.

Enfin, je considère que la prévention de la délinquance juvénile ne bénéficie pas d'une priorité suffisamment marquée. Avec 295 emplois supplémentaires contre 380 en 2001, les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent moins que lors des deux précédents exercices et nous restons largement en deçà des 3 000 postes sur six ans - soit 500 postes par an - proposés par le rapport parlementaire de Mme Lazerges et de M. Balduyck. Il faudrait étendre à l'ensemble des secteurs la logique pluriannuelle adoptée pour la création de postes de magistrats et la construction d'établissements.

Au total, ce budget ne répond pas complètement aux questions que pose la mise en _uvre de la réduction du temps de travail et l'effort consenti en faveur de l'administration pénitentiaire, qui était indispensable, conduit malheureusement à marquer le pas en ce qui concerne la justice de proximité et l'accès au droit.

M. Jean-Antoine Leonetti - Comment réussir à faire moins bien avec plus de moyens ? C'est la question que pose ce budget, en augmentation de 5,7 % et qui dépasse les 30 milliards de francs, mais laisse la justice paralysée et incapable de consommer ses crédits d'investissement. Elle serait moins lente ; mais en cinq ans la durée des affaires au civil est passée de 14,7 mois à 18,3 mois, le taux d'affaires sans suite est passé de 78 % à 83 % et 33 % des peines de prison ne sont pas exécutées.

Vous n'avez pas voulu ou pas su engager une réforme de fond. Ce Gouvernement a fait voter des lois qui consomment beaucoup de crédits - un tiers des créations d'emplois pour appliquer la loi sur la présomption d'innocence, 150 magistrats pour la réforme des tribunaux de commerce. En outre, les dotations budgétaires sont insuffisantes cette année pour le passage aux 35 heures. L'augmentation du budget sert donc essentiellement à appliquer vos réformes et non à alléger le travail de la justice. Alors que vous consacrez 100 milliards aux 35 heures, 35 milliards aux emplois-jeunes, la justice dispose de 30 milliards : à l'évidence ce n'est pas votre priorité.

Le recours de plus en plus fréquent à la justice est un fait de société. Dans ce budget vous restez timide sur le développement de la troisième voie que constitue la médiation pénale. Actuellement, elle est prise en charge par les collectivités grâce à des emplois-jeunes, des bénévoles et des vacataires. Envisagez-vous d'améliorer la rémunération de ces derniers afin de recruter des agents compétents ?

Nos concitoyens ont une mauvaise opinion de la justice. Ils étaient 15 % à l'estimer dépendante du pouvoir en 1995 ; ils sont 33 % aujourd'hui. Le renforcement de moyens d'intervention et d'information du garde des Sceaux a contribué à rendre la politique pénale peu lisible et a nourri cette crise de confiance.

Deux événements d'actualité ont porté un coup grave à notre justice. Il s'agit d'abord de ce que le Premier ministre a appelé une dramatique erreur d'appréciation, ce qui laisse supposer que le juge est seul responsable. Si un médecin avait été en cause, il y aurait eu des poursuites. Avez-vous l'intention, de demander des sanctions contre ce juge qui a fait « une erreur dramatique d'appréciation « ? On se tromperait en croyant pouvoir faire des juges les boucs émissaires. Ils doivent pouvoir continuer à juger de façon indépendante et responsable.

En second lieu, même si rapprocher les détenus de leur famille est une bonne chose, pensez-vous vraiment que certaines catégories de prisonniers doivent être rapprochées de leur terre natale parce qu'ils sont des détenus politiques ? C'est bien la façon dont le ministre de l'intérieur a présenté les choses pour certains détenus corses.

Vous nous présentez donc un budget d'ajustement plutôt que de progrès. Au quotidien, nos concitoyens continuent à trouver la justice lente et lointaine. Le groupe UDF ne votera pas ce budget.

Mme Christine Lazerges - Ce budget est intéressant et les crédits de la justice ont augmenté de 29 % en cinq ans. C'était indispensable, mais la hausse aurait pu être moindre. S'agissant de justice, comme d'ailleurs de santé, on constate une véritable boulimie, effet pervers de la société de consommation. La judiciarisation croissante rend plus difficile le bon fonctionnement du service public de la justice.

Comme Mme Guigou avant vous, vous avez mis en _uvre quantité de moyens pour le moderniser. Je pense en particulier au développement formidable qu'ont connu les maisons de justice et de droit, qui sont l'un des instruments, mais pas le seul, de la justice de proximité. Quelles mesures envisagez-vous pour que le magistrat soit plus présent dans ces maisons ? Pour l'instant leur action en ce qui concerne l'accès au droit et l'aide aux victimes est une réussite, grâce aux associations. Mais il importe que les substituts y viennent régulièrement opérer les rappels à la loi indispensables pour limiter les infractions mineures.

Le fonctionnement de la justice au quotidien a été amélioré. A votre demande, un effort énorme a été accompli en ce qui concerne l'accueil du public dans les tribunaux d'instance et de grande instance. Je rends hommage aux présidents des tribunaux de grande instance qui ont su, de façon dynamique, s'entourer d'une équipe de conciliateurs et comprennent que leur fonction ne se limite pas au seul examen juridique des dossiers. Les crédits d'aide juridictionnelle augmentent cette année de 18,4 % et l'aide aux victimes connaît une nette progression. A ce propos d'ailleurs je suis un peu exaspérée d'entendre critiquer comme on le fait la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence. On oublie de parler du volet d'aide aux victimes ; on ne rappelle pas que c'est cette loi qui a consacré le rôle des associations d'information et d'aide aux victimes que Robert Badinter avait mises en place en 1983 ; on omet de relever que la ligne budgétaire consacrée à l'aide aux victimes a doublé depuis trois ans et que le réseau national des associations d'aide a confiance dans ce Gouvernement car il se sent de plus en plus reconnu.

Nous ne parviendrons sans doute jamais à rendre le droit parfaitement accessible à tous, mais ce qui a été fait va indéniablement dans le bon sens, d'autant que la loi du 15 juin 2000 a aussi institué un fonds qui a amélioré l'indemnisation des victimes d'infractions contre les biens. Nous devrions donc faire un effort de pédagogie afin de combattre un certain nombre de déformations ou d'omissions.

Le règlement alternatif des conflits a également bénéficié de progrès très importants. J'entends dire ici que l'on n'emprunterait pas suffisamment la troisième voie : c'est faux, nous y recourons autant que possible, en matière pénale comme en matière civile, mais nous voulons le faire dans les meilleures conditions possibles. La médiation a été introduite dans le projet relatif à l'autorité parentale et dans le projet sur la réforme du divorce ; elle a été développée en matière pénale grâce à la loi de juin 1998 et nous avons cette nécessité présente à l'esprit chaque fois que nous nous préoccupons du droit des mineurs. Nous nous efforçons ainsi de conforter les activités de réparation prévues par l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945...

S'agissant de la délinquance des mineurs, ne prenons pas les Français pour des imbéciles. Ils savent que cette ordonnance de février 1945 offre une gamme de réponses sans équivalent dans aucun autre pays européen, puisqu'elle va de l'admonestation à la réclusion criminelle à perpétuité - celle-ci restant applicable, et sans doute faut-il le regretter, aux mineurs de 16 ans et plus. Ce texte est donc suffisant. Toutefois, nous reconnaissons qu'il conviendrait de l'appliquer de façon plus complète, pour mieux prévenir, mieux punir. Or, malgré la volonté du Gouvernement et des parlementaires, il existe encore trop peu de centres d'éducation renforcée et de centres de placement immédiat - une cinquantaine de chaque sorte. La faute en revient pour une bonne part aux élus locaux...

M. André Gerin - Je proteste !

Mme Christine Lazerges - Il y a sans doute d'excellents élus, qui ont demandé qu'un de ces centres soit implanté dans leur commune, mais beaucoup d'autres se comportent tout autrement et les directeurs régionaux de la PJJ doivent souvent monter quinze dossiers avant de trouver un site. Il conviendrait donc de conforter les conseils communaux de prévention de la délinquance, au sein desquels on peut parvenir à une entente sur les dispositifs utiles. Dans les commissions locales de sécurité, il faudrait que le procureur puisse s'appuyer sur un large partenariat, sans lequel rien ne sera possible. Vous qui connaissez parfaitement le terrain, Madame la garde des Sceaux, vous savez aussi que les éducateurs de la PJJ ne peuvent travailler efficacement qu'en liaison étroite avec les associations habilitées.

Mais ce travail collectif doit bénéficier de moyens. Ce budget les offre, notamment en ce qui concerne les investissements. Certes, ces crédits ne sont pas tous consommés mais, là encore, les freins se trouvent sur le terrain et il conviendrait que les parlementaires réagissent. La mise en place de l'agence de la maîtrise d'ouvrage, le 1er janvier prochain, permettra sans doute d'autres améliorations. C'est en tout cas indispensable car, pour réduire une délinquance des mineurs préoccupante, il faut que la réalisation des travaux prévus, suive d'aussi près que possible l'attribution des crédits.

C'est une évidence de dire que notre justice a besoin de davantage de magistrats, mais on ne peut raisonnablement soutenir que rien n'a été fait. Il a été créé plus de postes en quatre ans que pendant les quinze années précédentes. De même en ce qui concerne les éducateurs de la PJJ. Cette politique va être poursuivie et, je l'espère, renforcée : la justice est pour nous une priorité, nous l'avons prouvé et nous continuerons de le prouver.

M. Philippe Houillon - Je serai bref car je m'associe à ce qu'ont déjà dit, et fort bien, MM. Devedjian, Warsmann, Leonetti et même M. Gerin ! Comme eux je me félicite de la progression de 5,7 % des crédits, mais je note que, par une sorte de paradoxe, à mesure que les budgets croissent, les moyens de la justice diminuent. La raison en est simple : vous créez des besoins nouveaux sans mettre en face les financements correspondants, de sorte qu'il faut faire davantage avec moins.

D'où proviennent ces besoins nouveaux aujourd'hui ? D'abord de la loi sur la présomption d'innocence. Chacun ne peut que se réjouir de l'accroissement des garanties qui en résulte - sauf peut-être M. Michel, qui semble demander la suppression des avocats ! (Exclamations de députés du groupe socialiste) Il les a en tout cas accusés de faire de l'obstruction judiciaire...

Pour concrétiser ces garanties nouvelles, vous n'avez pas dégagé les moyens nécessaires, de sorte que l'explosion du contentieux n'a toujours pas été jugulée. A cela s'ajoute la grande affaire des 35 heures qui, dans la justice comme dans les hôpitaux, « met le bazar », comme tout le monde semble maintenant en convenir.

A ce propos, que Mme Lazerges se rassure : les Français ne sont certainement pas des imbéciles : chaque fois qu'on les consulte sur le sujet, ils répondent que la justice marche mal. Ils sont donc parfaitement conscients de la situation.

J'ai lu, Madame la garde des Sceaux, que vous considériez comme un effort historique celui que vous avez consenti pour la création d'emplois. Cependant, si on y regarde de plus près, on s'aperçoit que sur les 700 créations annoncées, une cinquantaine seulement correspond à des emplois réellement nouveaux (Exclamations de députés du groupe socialiste). Les autres serviront en effet à compenser le passage aux 35 heures ou à doter les nouveaux établissements. Dans ces conditions, vous ne pourrez maintenir qu'un service minimum de la justice. Songez par exemple que notre taux d'encadrement des détenus est un des plus mauvais d'Europe : on compte en effet 2,7 détenus pour un surveillant, contre 1,3 en Grèce. Et, pour ce qui est des magistrats, ils ne sont aujourd'hui que 6 500, contre 5 930 pendant la première guerre mondiale. Le présent budget n'améliorera guère la situation puisque sur 320 postes créés, 169 seulement viendront renforcer les juridictions.

La justice subit donc une situation de plus en plus contrainte.

Je m'associe à la question qui vous a été posée sur l'aide juridictionnelle. Je suis persuadé qu'il faut passer d'une logique d'indemnisation à une logique de rémunération car on voit bien à quel point le service se dégrade parce qu'il n'est pas rémunéré à sa juste valeur.

Je rejoins de même la question sur la modernisation de l'équipement : la présentation des crédits est un peu faussée par les reports et la sous-consommation ne permet pas un contrôle précis par le Parlement.

Enfin, comme l'a souligné M. Devedjian, on ne voit toujours rien venir sur la carte judiciaire. La création des SAR est une bonne mesure mais il est regrettable que les crédits stagnent au moment où une rationalisation permettrait de remédier à un certain gâchis et de faire progresser l'efficacité de la justice.

En l'état, le groupe Démocratie libérale ne votera bien sûr pas ce budget.

Mme la garde des Sceaux - Les questions ont été nombreuses et intéressantes.

M. Devedjian a souligné l'effort constant et significatif que traduit ce budget, je le remercie pour sa bonne foi. Ses réserves ont porté surtout sur l'application des réformes. Pourtant, j'ai tenu à faire figurer dans le fascicule qui a été publié sur le plan d'action pour la justice l'ensemble des moyens nécessaires à son application.

Ainsi, l'application de la loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes a fait l'objet d'un chiffrage extrêmement précis. Sur quatre ans, 875 emplois, dont 427 de magistrats seront créés pour faire face aux besoins liés à la création des juges de la liberté et de la détention, à la juridictionnalisation, à la mise en _uvre de l'appel criminel et au respect des délais d'audiencement. Pour la plupart des juridictions, les prévisions sont tenues. S'il a fallu repousser de six mois la juridictionnalisation, cela a tenu essentiellement au manque de fonctionnaires et de greffiers plutôt qu'à celui de magistrats. Ces difficultés sont rares, en dehors de quelques petits tribunaux. Elles portent surtout sur l'organisation des astreintes pour les parquets et sur le délai entre la fin de la première audience par le juge d'instruction et le rendu de la décision par le JLD. Nous examinons concrètement, avec les chefs de juridiction et avec l'association des magistrats instructeurs, ces modalités d'application de la loi.

Sans vouloir polémiquer, je rappelle que s'il a fallu six mois de plus pour disposer des greffiers nécessaires, c'est essentiellement parce qu'il n'y avait eu aucun élève à l'Ecole des greffes en 1997. Ce sont donc 200 greffiers qui manquaient à la fin de 1998, ce qui a obligé ensuite à faire passer les effectifs de l'école de 200 à 500 élèves par an, avec tous les problèmes d'accueil, de logement et de conditions d'études que cela a entraîné. Il a fallu attendre de disposer de 298 greffiers de plus pour commencer à appliquer cette loi, qui a aussi fait apparaître le besoin de 150 personnels pénitentiaires de plus. Ces chiffres ne sont contestés par aucune organisation professionnelle.

Nous avions estimé le nombre d'appels en cour d'assises à 30 à 35 % des affaires, il n'y en a que 25 % et les magistrats s'en étonnent tout autant que nous. Un vaste échange avec toutes les cours d'appel a permis de régler le problème de la désignation des cours concernées. Si l'application du texte ne pose donc aucun problème de poste, en revanche nous continuons à réfléchir à la possibilité d'appel par le parquet.

Nous avions estimé à 630 millions de francs le coût de ces mesures en frais de fonctionnement des services judiciaires. Nous sommes pour l'instant en dessous, mais le système ne tourne pas à plein régime.

M. Devedjian m'a interrogée aussi sur la réduction du temps de travail. Je réponds également à M. Michel qu'il est difficile de raisonner, pour les magistrats comme pour les cadres de la fonction publique, en termes de durée hebdomadaire. Une enquête auprès des magistrats nous a montré la réalité de leurs pratiques et ils ne revendiquent pas, contrairement à ce que peuvent laisser penser certains tracts, une stricte application des 35 heures. Mais je le leur ai dit, ce n'est pas parce qu'il s'agit des magistrats qu'il ne faut pas parler de rémunération des astreintes, de la prise en compte effective du temps de travail, de son adaptation sur l'ensemble de l'année.

Les 739 postes déjà créés tiennent bien compte des départs en retraite et ce sont 650 magistrats de plus qui seront effectivement sur le terrain. De même, quand j'annonce 1 200 magistrats de plus, je tiens compte des départs en retraite. N'oublions pas toutefois qu'il faut 31 mois pour former un magistrat et que les départs en retraite seront particulièrement importants à partir de 2005. Il faudra donc être vigilant à partir de 2003 et sans doute envisager de prolonger le plan d'action. Les organisations professionnelles elles-mêmes avaient estimé à 1 000 créations de postes les besoins liés à l'application de la loi sur la présomption d'innocence et à la RTT, nous sommes donc au-dessus. Il est vrai toutefois qu'il y a un délai entre l'annonce du plan d'action et l'arrivée des magistrats dans les tribunaux. Pour autant, il n'est pas envisagé de réduire la durée de la formation à l'ENM.

J'ai aussi programmé des concours supplémentaires. Cette possibilité a été inscrite dans la loi sur le statut des magistrats et je vous rappelle, Monsieur Michel, que celle-ci est bel et bien votée. Les magistrats issus de ce recrutement ne sont pas de moins bonne qualité que les autres mais le nombre des candidats admis est difficile à prédéterminer.

Vous avez évoqué l'impact de la RTT sur l'administration pénitentiaire, qui est en grande difficulté. Sur 1 500 emplois nouveaux, 700 sont consacrés aux 35 heures. Une deuxième tranche sera engagée en 2003 et l'ajustement se fera en 2004 en fonction des résultats de 2003. Des heures supplémentaires sont donc prévues jusqu'en 2003, mais l'idéal serait qu'elles disparaissent en 2004. Les négociations continuent sur ce thème avec les organisations professionnelles et le ministère du budget. Je souligne à ce sujet que vous êtes nombreux à demander une programmation pluriannuelle, mais que vous nous reprochez en même temps d'engager les finances futures ! Je vous rappelle qu'il n'est pas possible de faire autrement, compte tenu du temps que requiert la formation. Il est hors de question de réduire celle-ci et le personnel de surveillance, très conscient de cette nécessité, réclame au contraire davantage de formation, notamment continue. Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui au niveau, mais le recrutement doit se poursuivre.

Le protocole établi en 2000 programmait des recrutements anticipés : 251 surveillants, 50 emplois administratifs et 30 techniques. Il prévoyait aussi la revalorisation de trois primes. Tout cela est inscrit dans le budget. Pour le reste des mesures envisagées, les textes seront publiés avant la fin de l'année. Je sais que le personnel trouve le temps long, mais il sait que la discussion budgétaire et la rédaction des textes réglementaires prennent du temps.

En ce qui concerne le taux de consommation des crédits, les critiques sont justifiées. La création de l'Agence, qui sera effective au 1er janvier 2002, permettra de mieux régler les problèmes, avec un nouvel état d'esprit. C'est principalement dans la recherche des terrains que nous perdons du temps. Si au Mans les choses sont allées vite, elles ont été beaucoup plus difficiles à Lyon où la pression foncière est très forte. On connaît par ailleurs l'attachement des élus à garder des terrains au centre ville. Or, nous ne voulons pas d'établissements en pleine campagne, à l'américaine, coupés de tout. Cela oblige les familles à disposer d'une voiture, pose des problèmes d'escorte, sans compter le cadre de vie des surveillants. Les directions régionales et les préfets sont donc chargés parfois de négocier avec les élus pour gagner du temps.

Je prépare également des mandats afin de confier certains dossiers à la CDC, qui les mènera au plus vite. Quant aux crédits d'équipement, je dois rappeler à M. Warsmann que les autorisations de programme ne sont pas comptabilisées en fin d'année, mais que je ne peux ouvrir aucun chantier en leur absence. Toutefois, il est vrai que l'engagement des crédits de paiement pose problème. Trois appels d'offre sont en cours et restent infructueux car les réponses dépassent de 30 % le plafond. Cela devient un véritable problème pour les dépenses publiques.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial - C'est quand ils sont déconcentrés auprès des DDE que c'est le pire !

Mme la Ministre - Il est vrai qu'elles sont souvent débordées. Leur seul défaut est d'accepter un travail qu'elles n'ont pas les moyens d'exécuter.

M. le Rapporteur spécial - C'est de l'incompétence !

Mme la Ministre - Nous avons donc prévu de donner des mandats à la CDC, pour décharger les DDE.

Vous avez insisté sur les SAR. Il s'agit aujourd'hui d'un des principaux sujets des discussions qui ont lieu. On parle de dyarchie, de triarchie, mais personne ne sait qui est responsable de quoi. Les greffiers en chef craignent que l'administration de gestion ne se retrouve en marge de l'organisation des juridictions, comme c'est le cas dans le système hospitalier. Le mouvement de déconcentration s'est arrêté face à ce problème, qui est posé par tous les syndicats. Je ne dispose pas encore de réponse. Elle se trouvera dans les résultats des entretiens de Vendôme qui seront publiés fin novembre.

Vous avez évoqué le manque de moyens humains de l'inspection générale. Depuis 1997 pourtant, les effectifs ont doublé. Vous dénoncez le fait qu'on lui demande d'aller au-delà de ses missions principales : l'évaluation et le contrôle des juridictions et les études thématiques. Il est vrai que la loi sur la présomption d'innocence lui demande d'évaluer les problèmes spécifiques qu'elle rencontre sur le terrain et qu'elle nous a très utilement aidés lors des entretiens de Vendôme. Mais on ne sort en rien de son domaine de compétences. En revanche, vous avez raison de demander le regroupement des inspections, puisqu'il y en a quatre indépendantes. Il est nécessaire d'améliorer cette organisation et la réflexion est en cours.

S'agissant du tribunal de grande instance de Paris, j'ai demandé des crédits supplémentaires pour l'acquisition du terrain dans la loi de finances rectificative. Je ne sais pas si je les obtiendrai. C'est un dossier difficile, ouvert depuis dix ans. Je rencontre bientôt M. Delanoë. Nous avons trouvé une solution, mais elle ne donnera pas satisfaction à tout le monde.

M. le Rapporteur spécial - Est-ce l'hypothèse de l'Hôtel-Dieu qui est retenue ?

Mme la garde des Sceaux - Non. En tout état de cause, les travaux vont durer longtemps. Il faudra donc prendre des mesures pour les installations actuelles.

Pour la Cour de cassation, nous allons chercher des surfaces à louer. Dans les locaux actuels, des travaux de sécurité seront nécessaires. En outre, nous manquons de salles d'audience. Il n'est pas possible d'attendre sans rien faire la construction des nouveaux locaux.

M. Canivet est d'accord pour mettre à la disposition les personnels en surnombre afin de résorber les stocks. J'ai, quant à moi, accepté que des primes variables soient versées aux magistrats.

Si une pétition a bien circulé, dans l'émotion générale, je crois que l'effervescence est en train de retomber.

M. le Rapporteur spécial - Il ne faudrait pas que des gens aussi émotifs soient magistrats du siège...

Mme la garde des Sceaux - J'ai trouvé moi aussi qu'il y avait beaucoup trop d'émotion dans cette affaire.

Ce qui a été dit à propos de Borgo s'appuie sur un article de presse sans rapport avec la réalité. Voici ce que le ministre de l'intérieur a réellement déclaré : « La ministre de la justice examine avec attention les demandes de rapprochement concernant les détenus condamnés à des peines définitives. Il s'agit de trois personnes. Des solutions ont pu être trouvées dans le sud-est de la France. Les décisions de libération conditionnelle sont de la seule compétence des juges. » Toutefois, a-t-il reconnu, les difficultés causées aux familles par l'insularité « posent un problème d'équité ». C'est pourquoi il a envisagé la création d'un centre de détention en Corse.

Nous en avions parlé jeudi dernier. La veille, j'avais estimé qu'il fallait revoir l'ensemble de la carte pénitentiaire, ce qui nécessiterait la création de nouveaux centres de détention. Au Mans, j'avais aussi indiqué qu'un même établissement ne pouvait servir à la fois de maison d'arrêt et de centre de détention. Mais on peut imaginer des cités pénitentiaires composées de plusieurs bâtiments : cela permettrait aussi d'améliorer la détention des mineurs ou des femmes.

Cela vaut pour l'ensemble de la République française. Il n'y a donc aucune raison d'en exclure la Corse. En revanche, je n'imagine pas qu'on transforme la maison d'arrêt de Borgo en centre de détention. Il faut un autre bâtiment. Je donnerai mandat à mon administration ainsi qu'au préfet pour étudier si une telle construction est possible.

Il y a 200 condamnés originaires de Corse dans les établissements français, dont certains sont déjà en Corse : on peut en effet purger des petites peines en maison d'arrêt. Rapprocher les détenus de leur domicile permet de mieux gérer les sorties, les fins de peine et les semi-libertés. Le problème n'est en rien de regrouper les huit détenus nationalistes. Ce n'est pas le sujet.

Actuellement, nous ne disposons que d'un centre national pour gérer toutes les détentions. S'il n'y a aucune raison de privilégier les personnes originaires d'une région en particulier, il ne faut pas non plus pénaliser certaines familles. En outre, notre objectif n'est pas de rassembler dans un centre de détention tous les détenus originaires d'une même région. Il arrive d'ailleurs que des détenus, après avoir été rapprochés de leur domicile, soient éloignés de nouveau, pour des raisons de comportement. L'administration pénitentiaire continuera de fonctionner comme cela. Etre détenu dans sa région d'origine ne constituera en rien un droit. Ne caricaturons pas.

Je tiendrai compte aussi de ce que dit le personnel pénitentiaire à propos des menaces qui sont proférées dans certains établissements.

Quant aux délais, personne n'imagine qu'on puisse construire un centre de détention en un an. C'est dans le cadre d'un plan général que le problème se posera.

Voilà ce que j'avais à vous dire sur ce dossier, qui est de ma seule compétence, en priant le président de m'excuser d'avoir répondu si longuement.

M. le Président de la commission - Vous répondez parfaitement. D'ailleurs M. Devedjian est ravi.

M. le Rapporteur spécial - M. Vaillant l'est sans doute moins.

Mme la garde des Sceaux - Je ne crois pas. Je vous ferai transmettre sa déclaration.

Tout en soulignant qu'il s'agit d'un bon budget, Mme Feidt a posé un certain nombre de questions pertinentes. Il faut effectivement insister sur la formation du personnel. A ce propos je souligne que de nombreux pays voisins ont demandé à l'Ecole nationale de la magistrature d'organiser des formations chez eux. Elle a déjà répondu à sept ou huit appels d'offre et doit maintenant ralentir un peu son activité dans ce domaine. J'ai prévu des moyens supplémentaires pour l'École car l'augmentation des effectifs de chaque promotion ne doit pas nuire à la qualité. Nous travaillerons également avec le directeur à la création de nouveaux modules. Certains ont souhaité que le conseil d'administration soit ouvert à des personnalités extérieures. Je n'y suis pas hostile et j'ai demandé au président du conseil d'administration d'examiner avec nous ce qu'il était possible de faire.

L'Ecole des greffes répond à marche forcée à la demande de formation. Je ne peux pas vous répondre tout de suite en ce qui concerne le tronc commun mais je prends note de ce que vous m'avez indiqué. J'estime en tout cas qu'il faut rapprocher les formations de la PJJ et des autres secteurs qui sont actuellement trop cloisonnées. Ce cloisonnement est particulièrement regrettable entre l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire et les autres formations et de ce point de vue les demandes du personnel seront prises en compte. Ainsi il n'est pas normal que l'administration pénitentiaire ne soit pas représentée lorsqu'il y a une réunion des autres services.

Nous n'avons affecté que 8 millions à titre provisoire pour appliquer la réforme du statut des greffiers en chef. Il est inutile en effet de prévoir des crédits plus importants qui ne seraient pas consommés, puisqu'en raison des délais nécessaires pour élaborer les décrets, les mesures d'avancement s'étaleront dans l'année. Mais il faudra être très attentif à l'exécution du budget 2002 pour préparer la montée en charge au budget 2003. Les greffiers ont bien eu satisfaction comme le prévoyait l'accord, même si la procédure en Conseil d'Etat est effectivement lourde.

La présence des magistrats dans les commissions locales de sécurité a effectivement été un point fort des entretiens de Vendôme. Nous allons poursuivre le travail avec les autres ministères en matière réglementaire sur l'ensemble des commissions.

Suite aux récentes catastrophes, nous avons créé des comités de pilotage de l'aide aux victimes et - il est malheureux de le dire - celui de Toulouse a tiré les leçons de l'expérience du Mont-Blanc. Il regroupe des représentants de la justice, de la préfecture, de la mairie et des assureurs, qui sont très présents, de Total Fina Elf et des associations d'aide aux victimes. En deux semaines a été élaborée une convention qui a permis l'indemnisation rapide des victimes, même si celle-ci n'est pas terminée. Les tribunaux sont un peu débordés. J'ai donc accordé quatre postes supplémentaires au ressort de la Cour d'appel réservés à Toulouse ; ces postes ne seront pas pérennisés.

Le dossier de l'Erika m'est moins connu. J'ai rencontré les représentants des cinq tribunaux de grande instance concernés, car outre la recherche des responsabilités, l'un des problèmes est que des plaintes ont été déposées auprès de plusieurs tribunaux de grande instance. Malgré certaines déclarations tonitruantes comme celles de ces comités de pêcheurs bretons disant ne savoir à quelle juridiction s'adresser, on a trouvé une solution et les plaignants ont généralement accepté de se regrouper. De tout cela nous tirons la leçon qu'il faut mettre au point un protocole utilisable pour toute catastrophe.

J'ai été un peu surprise des réactions à mes propos sur les pôles santé. Ils sont aussi nécessaires que les pôles financiers et j'ai donc proposé cette disposition dans la loi actuellement à l'examen en première lecture. Je parle bien de plusieurs pôles. Bien entendu le premier sera constitué à Paris où des magistrats gèrent déjà ce genre de dossiers, mais ultérieurement cela ne suffira pas et d'ailleurs la centralisation à Paris est également un problème pour les prévenus. Accroître le nombre de magistrats dans un domaine spécialisé n'est pas toujours la solution, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Ainsi pour la lutte anti-terroriste j'ai créé un poste supplémentaire au Parquet mais les magistrats du siège m'ont dit que cela n'était pas nécessaire pour eux et qu'ils préféraient travailler en réseau comme ils le font actuellement.

Suite au rapport Bouchet qui est de grande qualité et qui a été très apprécié, je proposerai un projet de loi global sur l'accès au droit. Néanmoins nous y avons déjà consacré 350 millions en deux ans pour répondre aux demandes. Plutôt que de relever les plafonds, je préfère permettre à un plus grand nombre de gens d'accéder à l'aide juridictionnelle. Cela se révèlera utile avec la simplification des procédures de divorce et la composition pénale. Ce que nous voulons c'est permettre l'accès au droit plus qu'accroître l'activité des tribunaux.

M. Gerin n'était pas content ; c'est dommage. C'est quand même un bon budget. Certes les difficultés qu'il souligne sont réelles. Mais sauf à être hostile au principe de la réduction du temps de travail, il ne faut pas présenter sa mise en place comme une mauvaise nouvelle. L'application n'en sera pas parfaite, des discussions sont en cours, mais tout devra être terminé pour la fin de l'année. Il manquera du personnel pour appliquer totalement la réforme au 1er janvier 2002, je l'ai toujours dit.

Il faudra donc recourir à un volant d'heures supplémentaires, tout en s'efforçant d'aboutir le plus vite possible - ce à quoi je vais m'employer avec les organisations professionnelles.

Cela étant, j'ai fait un choix : celui d'accorder le plus à ceux qui ont les conditions de travail les plus difficiles. L'occasion s'offrait de remettre à plat l'ensemble des conditions de travail de tous les personnels, et il fallait en profiter. Certains travaillent beaucoup plus que d'autres et sont soumis à de lourdes contraintes : je pense en particulier aux surveillants pénitentiaires et aux personnels de la PJJ qui ont à surveiller des jeunes difficiles 24 heures sur 24, ou qui doivent faire face à la violence. De plus, ces personnels travaillent souvent dans des établissements vétustes, sous-équipés et à la sécurité insuffisante. Pour eux, pour ces gardiens de la démocratie et ces garants de la bonne exécution des décisions pénales, j'ai décidé de descendre largement en-dessous des 1 600 heures prévues par la loi pour la fonction publique et le fait que d'autres n'obtiennent pas les mêmes avantages n'a pour moi rien de choquant. Toutefois, nous veillerons aussi à prendre en compte les contraintes horaires, par exemple celles des greffiers qui accepteront de travailler le samedi ou le soir pour que le guichet unique soit plus longtemps ouvert.

Cet effort privilégié en faveur du personnel pénitentiaire consommera sans doute au moins 700 postes en 2002, mais j'essaierai d'obtenir d'autres créations en 2003 pour réduire encore le manque de personnel. Vous estimez, Monsieur Gerin, que je n'ai pas assez fait cette année : c'est votre droit mais je voulais éviter tout effet d'annonce, qui n'aurait pu que décevoir les intéressés.

Nul ne peut regretter l'adoption de la loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes. Quoi qu'on dise, les moyens ont suivi même s'il subsiste deux ou trois problèmes que nous nous employons d'ailleurs à résorber. Ainsi, en ce qui concerne la garde à vue, nous travaillons à resserrer les liens entre la police ou la gendarmerie et le Parquet, nous nous attachons à améliorer les méthodes de travail et à redéfinir le type de documents à produire.

Dénonçant la longueur des procédures, vous avez fait état d'une durée de 31 et de 33 mois pour deux affaires précises. Mais celles-ci étaient lourdes et je ne pense pas qu'on puisse sans dommage descendre en-dessous de ces délais : l'élucidation, l'instruction, la mise en état du dossier et l'organisation de l'audience exigent du temps. On peut certes donner la priorité aux personnes en détention provisoire, mais sera-ce juste pour les autres ? N'entretenons donc pas trop d'illusions en la matière.

Pour conforter l'autorité du Parquet sur la police judiciaire et pour améliorer leur travail en commun, M. Vaillant et moi nous employons à définir une organisation et une méthode. Trop souvent, les OPJ mis sur une affaire importante doivent l'abandonner pour une autre, de sorte que les choses traînent. Il faut y remédier.

J'ai enregistré avec déception votre décision de ne pas voter ce budget, Monsieur Gerin. Puis-je espérer vous faire changer d'avis d'ici à la séance publique ?

M. André Gerin - J'ai en fait laissé la décision à la sagesse de la commission.

Mme la garde des Sceaux - Très bien !

En ce qui concerne la délinquance des mineurs, vous avez bien fait de rappeler le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck. L'ordonnance de 1945 était un texte excellent dans son principe, mais elle a été révisée 18 fois de sorte qu'il n'en reste plus que le triptyque prévention, éducation, sanction. Pour autant, on ne peut raisonnablement soutenir que notre pays serait plus laxiste que ses voisins européens. Ceux-ci refusent même toute extradition de mineurs vers la France en faisant valoir que notre législation est trop sévère. De fait, en Espagne par exemple, les mineurs ne peuvent être incarcérés, et ils ne peuvent être envoyés dans des centres d'éducation renforcée que pour cinq ans au plus, alors que chez nous, un mineur de 13 ans peut être condamné à vingt ans de prison et un mineur de 16 ans à la prison à perpétuité.

Ce qu'il faut améliorer en revanche, plutôt que notre législation, c'est sa mise en _uvre. Notre taux d'élucidation est trop faible et les délais d'exécution des peines trop importants, ce qui nourrit en effet le sentiment d'impunité. Grâce à M. Balduyck, on a pris une initiative intéressante à Tourcoing : le public est informé de la date fixée pour l'audience dès que l'intéressé a été entendu. Avec de telles mesures, ceux qui voient un jeune revenir dans son quartier dès le lendemain de son interpellation cesseraient de penser que la justice en a fini avec lui.

Je pense que la comparution immédiate peut être utile mais, décidée systématiquement, elle risque de mettre à mal les droits de la défense et même ceux des victimes, qui se sentent souvent perdues dans les tribunaux. La meilleure réponse me semble donc être le « temps réel », qui porte le délai à 8 ou 15 jours seulement.

Certains magistrats font valoir que la pression actuelle, concentrée sur la délinquance des mineurs, profite regrettablement aux majeurs, dont certains sont parfois condamnés moins lourdement pour des délits équivalents. Il faut sans doute sanctionner les jeunes délinquants, y compris pour respecter leur dignité, mais il ne faut pas oublier que certains les utilisent, qu'il s'agisse de familles receleuses, de petits malfrats ou de grands mafieux. Trois jeunes ont ainsi récemment volé 700 voitures dans le Sud, mais ce ne sont certainement pas eux qui se sont chargés de leur faire quitter le territoire. La délinquance des mineurs n'est souvent qu'un écran pour des réseaux bien organisés...

Sur le statut des travailleurs sociaux, des négociations sont en cours et je répondrai donc aux questions sur ce sujet par écrit. Je n'ai pas le sentiment que les syndicats aient demandé la mesure à laquelle vous avez fait allusion mais j'entends bien boucler le dossier des indemnités avant la fin de l'année.

Monsieur Michel, je pense vous avoir répondu en ce qui concerne la réduction du temps de travail. Pour ce qui est des tribunaux de commerce, je mène actuellement des discussions avec les élus, y compris les élus consulaires, sur la dizaine de tribunaux de commerce qui posent encore problème. Je souhaite vivement que la loi soit adoptée car il s'agit d'une grande modernisation, mais la commission des lois du Sénat est débordée et il faut faire des choix difficiles.

La carte judiciaire des TGI est un sujet de débats avec les parquetiers, en particulier sur l'organisation des astreintes. La suppression des tout petits TGI ne permettrait de récupérer qu'une quarantaine de postes, cela ne vaudrait pas le coup ! Il est vrai en revanche que ces tribunaux ont des problèmes de fonctionnement et il faudrait sans doute aller plus loin vers la mutualisation des ressources. On voit bien, par ailleurs, à quel point l'annonce de certaines fermetures entraîne une véritable montée au créneau des barreaux, qui excellent dans le lobbying.

Pourtant, il ne faut pas confondre proximité géographique du tribunal et proximité de la justice, on peut très bien organiser cette dernière à partir des maisons de la justice et du droit et des tribunaux d'instance. J'ajoute que l'on serait parfois étonné, y compris dans les grands tribunaux, si l'on appliquait strictement un critère de nombre de dossiers par magistrat... Il serait toutefois inacceptable qu'il n'y ait plus du tout de tribunaux dans certains départements, la population aurait le sentiment d'être abandonnée par la justice qui est la garante de la démocratie.

Vous le voyez, je suis sans doute moins allante sur ce sujet que vous l'auriez espéré.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial - En tout cas moins que Mme Guigou quand elle est arrivée au Gouvernement...

Mme la garde des Sceaux - Telle est mon approche.

Sur la loi pénitentiaire, je me demande si l'on peut progresser sans se poser la question de la gestion des établissements, du personnel et de son statut, de la sécurité - contrairement à ce que disent certains journaux, j'y tiens et je crois que l'administration pénitentiaire doit à la société que ceux qu'on lui confie ne puissent s'en aller en utilisant un fax ou un hélicoptère -, des relations des détenus avec les surveillants et entre eux. Il faut tenir compte de tout cela au moment des constructions. Il me semble aussi, Monsieur Devedjian, que la procédure prévue à l'article D 74 n'empêche pas de prendre des décisions sur l'affectation des détenus. En outre, il n'apparaît pas normal que des détenus subissent des conditions lourdes de détention au motif qu'un seul d'entre eux est très dangereux.

Cette réflexion est bien sûr indissociable de celles, qui se poursuivent, sur la sanction, sur la peine, sur le sens de la peine. Il faut arrêter de dire que toute sanction autre que la prison est une alternative à l'emprisonnement. Peut-on vraiment conclure du fait que personne n'est content que le projet n'est pas bon ? Cela ne signifie-t-il pas plutôt que l'on est au milieu du gué et que l'on peut avancer ?

Comme toujours, M. Warsmann s'est contenté de répéter « Quel gâchis ! Quel gâchis ! »

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial - Vous êtes bien sévère, il me disait précisément que vous ressemblez à Alain Juppé qui trouvait que c'était bon signe quand tout le monde était mécontent. (Sourires)

Mme la garde des Sceaux - Pour un peu, je me laisserais démoraliser...

Le Premier ministre n'a pas dit que la baisse du chômage signifiait la fin de la délinquance, mais - et c'est une belle phrase, que je reprends souvent - que la fin de la crise économique, que le fait que le pays aille mieux, n'effaçait pas les stigmates de la crise sociale. Cette crise est bien une réalité. On a construit des ensembles d'habitat dit social, avec 4 000 logements, parce que des entreprises employaient 3 000 personnes à un kilomètre de là et, quand ces entreprises ont disparu, il est normal qu'il y ait eu des problèmes dans ces quartiers. Aujourd'hui, la production de masse est derrière nous, et c'est tant mieux, mais on n'a pas adapté l'habitat à la nouvelle donne et on est incapable de donner du travail aux enfants de ceux que l'on a obligés à habiter là.

Je m'étonne par ailleurs, Monsieur Warsmann, que vous me reprochiez la programmation pluriannuelle que vous avez appelée de vos v_ux. Oui, annoncer la création de 1 200 postes de magistrats suppose bien un effort pluriannuel. C'est ainsi que l'on parviendra à passer, d'ici 2005, de 6 000 à 8 000 magistrats, certains d'entre eux commençant même à trouver que cela fait beaucoup...

J'aimerais aussi que vous cessiez de confondre autorisations de programme et crédits de paiement. Mais, quoi que je dise, vous continuerez à répéter « Quel gâchis ! Quel gâchis ! ».

J'ai déjà répondu sur l'ordonnance de 1945 en indiquant que je souhaite surtout que l'on applique les textes existants. Mais je sais que je ne pourrai vous convaincre.

Peut-être aurai-je plus de chance avec M. Braouezec (Sourires). Il a raison sur les moyens. J'ai déjà répondu également sur la rémunération des avocats et sur l'aide juridictionnelle.

M. Leonetti a parlé à juste titre de la composition pénale de la troisième voie et des non-magistrats. L'aide aux victimes est en grand progrès. Il faudra tenir compte aussi des nouvelles formes que sont la conciliation et la médiation pénales.

Je remercie Mme Lazerges pour sa position courageuse sur l'ordonnance de 1945. Elle a bien fait également d'évoquer les problèmes de la construction des CER, de la recherche des terrains et de la position des élus locaux.

M. André Gerin, rapporteur pour avis - C'est parce qu'elle a parlé des élus locaux en général que j'ai réagi : les positions sont diverses au sein de l'agglomération lyonnaise.

Mme la garde des Sceaux - J'ai du mal à comprendre pourquoi, pour M. Houillon, plus le budget augmente moins nous sommes bons... A moins qu'il ait voulu dire que les magistrats ne travaillaient pas assez et que c'était là que l'on pouvait réaliser des gains de productivité...

Voilà, je crois avoir répondu à vos questions, en étant trop longue sans doute.

M. le Président de la commission des lois - N'en soyez pas désolée : on reproche si souvent à ces réunions d'être un exercice imposé, que je vous suis reconnaissant d'avoir, pendant une heure vingt-cinq, répondu dans le détail à chacun, tout en replaçant les problèmes dans les perspectives globales de la justice.

*

* *

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice pour 2002 concernant l'administration centrale et les services judiciaires.

ORGANISATIONS SYNDICALES
REÇUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Association des greffiers en chef des tribunaux d'instance et de police

Association professionnelle des magistrats

Fédération FO de l'administration générale de l'Etat

Interco Justice CFDT

Syndicat CGT des chancelleries et services judiciaires

Syndicat de la juridiction administrative

Syndicat des greffiers de France

Syndicat de la magistrature

Union syndicale autonome justice

Union syndicale des magistrats

Union syndicale des magistrats administratifs

_______________

N° 3324-V.- Avis de Mme Nicole Feidt (commission des lois) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Justice : Administration centrale et services judiciaires.


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires

- Cliquez ici pour retourner à la liste des discussions budgétaires



© Assemblée nationale

() Ces commissions pourront également être présidées par un magistrat de l'ordre judiciaire

() Ce délai est de trois mois pour le juge de l'application des peines et de six mois pour la juridiction régionale de la libération conditionnelle.

() Le compte rendu intégral de cette audition, qui était ouverte au public, sera annexé au Journal officiel (débats parlementaires) du 7 novembre 2001.