N° 1112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078)

TOME X
EMPLOI ET SOLIDARITÉ
SANTÉ

PAR M. Bernard Accoyer

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe n° 23).

Lois de finances

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I.- ANALYSE DU CONTENU DU BUDGET DE LA SANTÉ POUR 1999 7

A. LA PRIORITÉ AFFICHÉE EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE L’EXCLUSION 7

1. La mise en œuvre des PRAPS 7

2. Les centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie 9

B. LES CRÉDITS RELATIFS À LA VEILLE SANITAIRE 9

1. L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé 9

2. L’agence française de sécurité sanitaire des aliments 10

3. L’institut de veille sanitaire 10

4. L’Agence française du sang 11

5. L’office de protection contre les rayonnements ionisants 11

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA LUTTE CONTRE LES FLÉAUX SANITAIRES 12

1. Les moyens budgétaires affectés à la lutte contre la toxicomanie 13

2. La faiblesse des moyens consacrés à la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme 16

3. Les crédits consacrés à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles 17

D. L’ORGANISATION DE L’OFFRE DE SOINS 19

1. La baisse des crédits des services d’aide médicale urgente (chapitre 4714 art. 71 et 72) 19

2. L’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) 20

3. Les investissements d’équipement sanitaire 20

II.- L’ÉTAT DE SANTÉ DES ENFANTS ET DES JEUNES EN FRANCE NÉCESSITE LA MISE EN ŒUVRE D’UNE VÉRITABLE POLITIQUE D’ÉDUCATION SANITAIRE. 23

A. UN CONSTAT PRÉOCCUPANT 23

B. LES MOYENS PRÉVENTIFS ET CURATIFS MIS EN OEUVRE 26

C. FAIRE DE L’ÉDUCATION À LA SANTÉ UNE PRIORITÉ DU SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS 30

1. L’amélioration du dispositif institutionnel existant 30

2. L’implication du système éducatif dans l’éducation à la santé 31

3. Agir contre le suicide 32

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

INTRODUCTION

La part consacrée par le budget de l’Etat à la santé est réduite puisque, avec près de 3,8 milliards de francs, elle ne représente qu’une infime partie de l’ensemble des dépenses consacrées à la santé qui s’élèvent à plus de 700 milliards de francs et seulement 4 % du budget santé-solidarité.

La faiblesse du budget de la santé impose donc de relativiser l’importance des choix dont il est la traduction, tant il est vrai que la politique de santé relève aujourd’hui, pour l’essentiel, de la loi de financement de la sécurité sociale.

Néanmoins l’étude des crédits budgétaires consacrés à la santé permet de relever certaines orientations et de souligner certaines lacunes.

Il est parfois difficile de faire le partage entre les crédits consacrés à la santé et ceux qui relèvent de la solidarité présentés dans le même document, notamment en ce qui concerne les moyens des services.

C’est pourquoi le présent rapport sera consacré à l’examen des crédits relevant des agrégats intitulés “ politique de santé publique ” et “ offre de soins ” qui se substituent cette année à l’agrégat unique “ interventions sanitaires ” utilisé l’année dernière.

Avec 2,22 milliards de francs consacrés à la politique de santé publique et 1,56 milliard à l’offre de soins, le budget de la santé s’élève, pour 1999, à 3,792 milliards de francs et progresse de 2 % par rapport à l’année dernière, hausse très modeste par rapport à celle de près de 10 % enregistrée l’année précédente.

I.- ANALYSE DU CONTENU DU BUDGET DE LA SANTÉ POUR 1999

La priorité affichée par ce budget concerne la lutte contre l’exclusion et, dans une moindre mesure, la mise en œuvre de la veille sanitaire. Cependant l’essentiel des crédits est, comme auparavant, consacré à la lutte contre les fléaux sanitaires qui totalise 1,66 milliards de francs.

En revanche, la politique de prévention et d’éducation à la santé des jeunes fait toujours figure de parent pauvre dans ce budget, alors qu’elle mériterait des mesures d’envergure.

A. LA PRIORITÉ AFFICHÉE EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE L’EXCLUSION

La lutte contre les exclusions a été la première priorité de la politique de santé énoncée par M. Bernard Kouchner lors de la présentation du budget de son ministère devant la commission des finances. Il ne faisait ainsi que se conformer à l’article 67 de la loi n° 98-657 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, selon lequel “ l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies constitue un objectif prioritaire de la politique de santé. ” En application de ce principe, l’article 71 de cette même loi institue des “ programmes régionaux pour l’accès à la prévention et aux soins ” (PRAPS) destinés aux personnes les plus démunies. Ces programmes, établis à partir d’une analyse de la situation locale en matière d’accès aux soins, ont pour objet d’organiser des actions coordonnées de prévention et d’éducation à la santé, de soins, de réinsertion et de suivi et d’assurer la coordination entre les services compétents en ce domaine.

1. La mise en œuvre des PRAPS

L’objectif des PRAPS est donc de permettre au système de santé de prendre en compte la précarité. Cette mesure reçoit une traduction budgétaire dans la loi de finances pour 1999 : 250 millions de francs seraient ainsi consacrés aux PRAPS, dont 194 millions de francs de mesures nouvelles par rapport à 1998. Selon le ministère de la santé, ces crédits se décomposent ainsi :

PRAPS

 

montant (MF)

imputation

1 - Crédits en base

56,0

 

lits d’hébergement médicalisés

15,0

47-21-70

éducation à la santé, programmes régionaux de santé

9,0

47-11-20 & 30

actions santé – précarité

32,0

47-11-40

     

2 -Mesures nouvelles

194,0

 

renforcement des structures d’éducation à la santé

21,5

47-11

accès aux soins, développement des lieux d’écoute

36,5

47-11

renforcement des secteurs psychiatriques

18,3

47-11

formation des acteurs de terrain

20,2

47-11

actions spécifiques dans les TOM

3,5

47-19-40

lutte contre le saturnisme

4,5

47-12 & 37-13

actions spécifiques toxicomanie (25 points d’écoute)

18,5

47-15

consultations d’alcoologie dans les centres d’hébergement

25,0

47-17

prise en charge maladies infectieuses adaptées aux plus démunis

12,5

47-18

logistique de la coordination des réseaux santé-social

23,5

37-13

vacations catégorie A pour animer les réseaux santé-social

10,0

31-96

Total moyens des programmes en 1999

250

 

On le voit, les PRAPS bénéficient de crédits dispersés sur de nombreux chapitres budgétaires.

Il semble que les PRAPS correspondent davantage à un artifice de présentation destiné à montrer que l’on agit contre l’exclusion et consistant à rassembler sous ce terme des crédits destinés à des actions très diverses : toximanie, secteurs psychiatriques, éducation à la santé, prise en charge des maladies infectieuses dont l’objectif principal n’est pas obligatoirement ni complètement en rapport avec la lutte contre l’exclusion entendue au sens de pauvreté liée à la perte ou l’absence d’emploi.

Il ressort du tableau ci-dessus que le total des mesures nouvelles du chapitre 47-11 : “ programmes et dispositifs en faveur de la santé des populations ”, soit 96,5 millions de francs, est absorbé par le financement des PRAPS.

La lutte contre le saturnisme bénéficie de 4,5 millions de francs de crédits dont 3,5 millions pour l’équipement des DDASS en appareils de détection et 1 million de francs en moyens nouveaux d’intervention.

Cependant, en dépit de la volonté gouvernementale de faire de la lutte contre l’exclusion une priorité budgétaire, les moyens nouveaux qui lui sont consacrés dans le budget de la santé ne représentent qu’environ 0,5 % de ses crédits.

Il convient par ailleurs de noter que l’essentiel des mesures nouvelles consacrées aux PRAPS provient du chapitre 47-11 et principalement de son article 40 “ dépenses déconcentrées d’intervention sanitaires en direction des publics prioritaires ” dont les crédits avaient fortement régressé en 1998 puisqu’ils avaient subi une baisse de 32 %. Outre que ces évolutions contradictoires d’une année sur l’autre autorisent à s’interroger sur la cohérence de la politique gouvernementale, elles conduisent à relativiser l’importance des hausses intervenues cette année.

2. Les centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie

Le projet de loi de finances pour 1999 tire les conséquences de l’article 72 de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions dotant les CHAA d’un statut juridique stable. Pour répondre à ce changement de statut, il supprime les moyens budgétaires alloués aux CHAA à l’article 20 du chapitre 47-17, qui est ainsi amputé de 122,9 millions de francs. Le financement des CHAA relèvera désormais de l’assurance maladie.

B. LES CRÉDITS RELATIFS À LA VEILLE SANITAIRE

Le projet de budget met en œuvre les dispositions de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme.

Cette loi crée trois nouveaux établissements publics.

1. L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

Cet établissement reprend, élargies à tous les produits de santé, les compétences de l’Agence du médicament. Elle a notamment pour mission d’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation de ces produits ; elle doit assurer le contrôle technique et fournir au ministre de la santé l’expertise nécessaire sur les produits qu’elle doit contrôler.

La loi de finances pour 1998 avait inscrit, à titre de provision, 80 millions de francs à un article 60 nouveau du chapitre 36-81. Ils sont supprimés pour 1999. En revanche, l’agence française de sécurité sanitaire de produits de santé est dotée de 119 millions de francs pour 1999, dont environ 33,7 millions de moyens nouveaux destinés pour moitié au budget de fonctionnement de l’établissement et pour moitié à la création d’emplois non budgétaires.

Il faut noter que la subvention de l’Etat ne représente qu’une partie du budget de l’établissement puisque l’AFSSAPS bénéficiera, comme l’agence du médicament à laquelle elle doit succéder, de droits, taxes et redevances perçus sur l’industrie et les laboratoires d’analyse de biologie médicale.

2. L’agence française de sécurité sanitaire des aliments

L’article 3 de la loi précitée crée un établissement public placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l’agriculture et de la consommation dont la mission est d’assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l’alimentation.

La contribution du budget de la Santé au financement de l’agence de sécurité sanitaire des aliments est de 8 millions de francs pour 1999 dont 3 millions de francs de moyens nouveaux, le solde correspondant à des transferts internes et à des modifications dans la répartition des emplois.

3. L’institut de veille sanitaire

La loi du 1er juillet 1998 crée un institut de veille sanitaire afin d’assurer la coordination et l’organisation de la détection et de la surveillance de tout événement susceptible d’affecter la santé humaine. Les missions de l’institut sont donc très vastes et dépassent l’épidémiologie jusqu’alors confiée au Réseau national de santé publique. Cet organisme, placé sous la tutelle exclusive du ministre chargé de la santé, doit être la “ tête de réseau ” d’un ensemble de correspondants publics et privés.

Ces dispositions induisent des modifications budgétaires. Pour 1999, l’institut est doté de 62,6 millions de francs. Un montant de 34,9 millions de francs de crédits inscrits au chapitre 47-12 “ veille, alerte et interventions sanitaires ” est transféré à l’institut de veille sanitaire qui figure au chapitre 36-81, dotation provenant pour l’essentiel de crédits alloués précédemment au Réseau national de santé publique – 27,3 millions de francs – et dans une moindre mesure, de ceux des observatoires régionaux de la santé qui diminuent de 15 %.

Les moyens nouveaux accordés à l’institut de veille sanitaire représentent 24,6 millions de francs dont 16,4 millions pour la création de 15 emplois non budgétaires et 8,1 millions en moyens de fonctionnement.

Les trois établissements créés par la loi du 1er juillet 1998 bénéficieront au total d’environ 60 millions de francs de moyens nouveaux, montant inférieur aux 80 millions de francs provisionnés pour 1998.

4. L’Agence française du sang

La compétence générale attribuée par la loi à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a des conséquences sur l’Agence française du sang puisque le contrôle sanitaire des produits sanguins labiles et de la transfusion sanguine doit être confiée à la première tandis que l’Etablissement français du sang (EFS) remplacera l’Agence française du sang et aura pour rôle de gérer le système transfusionnel français.

L’organisation territoriale de la transfusion sanguine continuera à se faire dans le cadre des schémas territoriaux mais les établissements de transfusion sanguine seront désormais agréés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à la demande de l’Etablissement français du sang.

Dans ce nouveau contexte, la part de financement assurée par l’Etat à l’Agence française du sang pour 1999 sera de 29,69 millions de francs alors qu’elle était de 30,73 millions de francs en 1998. Cette évolution correspond aux changements prévus par la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la sécurité sanitaire. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit en conséquence le transfert de 12 emplois de l’AFS en direction de l’AFSSAPS. Par ailleurs, des créations d’emplois sont prévues à l’AFS dans la perspective de la mise en place de l’Etablissement français du sang pour permettre la mise en œuvre d’un système d’information et de gestion administrative et financière ainsi que la préparation de la convention collective des personnels de la transfusion sanguine.

5. L’office de protection contre les rayonnements ionisants

L’office est chargé d’assurer la surveillance du rayonnement ambiant su l’ensemble du territoire et dispose à cette fin d’un réseau de prélèvements. L’office a bénéficié en 1998 d’un budget de 89 millions de francs, dont près de la moitié est financée par la dotation figurant au chapitre 36-81 du budget de la santé.

Cette année, la dotation inscrite dans le projet de loi de finances est en forte augmentation, passant de 45,3 millions de francs en 1998 à 55,5 millions de francs pour 1999, soit une hausse de 22,4 %. Le gouvernement tente ainsi de pallier, du moins en partie, l’insuffisance des moyens consacrés à la radioprotection dénoncée notamment par Jean-Yves Le Déaut dans son récent rapport et que l’affaire de La Hague avait mise en lumière. Toutefois, ce rapport ne se limitait pas à préconiser une augmentation des crédits de l’OPRI mais appelait de ses vœux une réforme permettant de créer un grand organisme de radioprotection et de sûreté en rapprochant l’OPRI de l’institut de protection et de sûreté nucléaire.

En tout état de cause, il est souhaitable que l’Etat assure correctement le contrôle des rayonnements ionisants afin de garantir à la population une information correcte et scientifiquement fondée, information indispensable si l’on veut éviter des réactions de rejet à l’égard du nucléaire qui demeure la première ressource énergétique du pays.

*

* *

Si le projet de budget pour 1999 tire les conséquences de la loi sur la veille sanitaire intervenue en 1998, les incidences budgétaires de la réforme demeurent limitées. Pour 1999, comme les années précédentes, la part la plus importante des crédits de la santé concerne la lutte contre les fléaux sanitaires que sont la toxicomanie, l’alcoolisme, le tabagisme et le sida qui absorbent globalement près de la moitié des crédits du budget de la santé.

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA LUTTE CONTRE LES FLÉAUX SANITAIRES

Les moyens budgétaires affectés à la lutte contre les fléaux sanitaires s’élèvent pour 1999 à 1 665 millions de francs au lieu de 1 736 millions en 1998. Cette baisse s’explique par la modification du financement des centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie consécutive à leur changement de statut décidé par la loi relative à la lutte contre les exclusions déjà évoquée, qui se traduit par une diminution de 122 millions de francs de crédits du chapitre 47-14. A structures constantes, les crédits consacrés à la lutte contre les fléaux sanitaires progressent de 2,9 %

Crédits budgétaires consacrés à la lutte contre les fléaux sanitaires

(en millions de francs)

 

1998

1999

Toxicomanie (47-15 + 47-16)

1 073,7

1 052,0

Alcoolisme et tabagisme (47-17)

185

90

sida et maladies transmissibles (47-18)

478

523,5

Total

1 736

1 665

1. Les moyens budgétaires affectés à la lutte contre la toxicomanie

Les moyens budgétaires affectés à la lutte contre la toxicomanie représentent près du tiers du budget de la santé mais leur évolution reflète les incertitudes de l’action gouvernementale. La baisse légère enregistrée pour 1999 recouvre une évolution très contrastée des crédits de chacun des chapitres budgétaires. Le chapitre 47-15 “ programmes et dispositif de lutte contre les toxicomanies ” progresse de 4,6 % tandis que les crédits affectés à l’action interministérielle de lutte contre la toxicomanie (chapitre 47-16) baissent, quant à eux, de 19,5 % après avoir fortement augmenté l’année précédente.

 

1998

1998

1999

Programmes et dispositifs de lutte contre les toxicomanies (47-15)

694.730

779.689

(+ 4 %)

815.730

(+ 4,6 %)

Action interministérielle de lutte contre la toxicomanie (47-16)

230.500

294.000

(+ 27,5 %)

236.358

(- 19,5 %)

·  L’action sanitaire et sociale (chapitre 47-15)

L’article 10 de ce chapitre ne concerne plus, cette année, que le remboursement aux centres hospitaliers de la prise en charge des patients toxicomanes. Les crédits concernant l’achat de méthadone par les centres spécialisés, soit 19,9 millions de francs, sont transférés à l’article 30 et augmentent de 6,45 millions de francs. Cette évolution est la conséquence du développement des traitements de substitution assurés dans tous les départements ; plus de 56 000 patients bénéficient ainsi de traitements de substitution.

L’article 40 qui concerne les dépenses déconcentrées des structures de lutte contre les toxicomanies est doté de 641,3 millions de francs, soit une augmentation de 10,3 millions de francs, ce qui correspond à l’incidence de la revalorisation du taux directeur des établissements médico-sociaux et des structures de soins.

L’année dernière, cet article avait bénéficié d’un montant total de 651 millions de francs, 631 millions de francs résultant de la loi de finances initiale et 20,1 millions de francs provenant de crédits de la MILDT.

Les crédits pour 1998 déconcentrés dans les DDASS, ont permis :

- le financement des centres spécialisés de soins aux toxicomanes (soit 624 469 000 F) ;

- le financement de la partie ville des réseaux toxicomanie-ville-hôpital (soit 6 531 000 F).

Les crédits provenant de la MILDT, déconcentrés dans les DDASS, ont permis :

- de poursuivre le rattrapage des déséquilibres budgétaires de l’ensemble des centres spécialisés de soins aux toxicomanes avec hébergement collectif dus aux incidences des avenants aux conventions collectives et aux protocoles d’accord pour certaines catégories de personnels (soit 4 800 000 F) ;

- le développement du dispositif spécialisé de soins (centres de soins en ambulatoire pour développer les traitements de substitution ; centres avec hébergement collectif) dans le cadre des priorités du plan gouvernemental de lutte contre la drogue du 14 septembre 1995 (soit 12 300 000 F) ;

- le financement des centres de soins en ambulatoire pour le développement de leur rôle de conseil auprès des professionnels : médecins généralistes, institutions d’aide sociale, amenés à prendre en charge des personnes toxicomanes (soit 3 000 000 F).

Les articles 50 et 60 concernent l’action en faveur des toxicomanes et de leur famille. En 1998, les crédits inscrits à ces articles ont permis le financement de points écoute-jeunes et de points écoute-parents. Les points écoute-jeunes sont des permanences d’accueil ayant pour objet de répondre à des situations d’urgence et de permettre à des jeunes l’accès à un service social. 63 points écoute-jeunes fonctionnent actuellement. De même, les points écoute-parents, au nombre de 14, offrent un accueil des familles et proposent des entretiens destinés à prévenir la dégradation de la relation parents-enfants et, le cas échéant, à prendre contact avec le système de soins.

Pour 1999, le total des crédits inscrits aux articles 50 et 60 enregistre une progression d’environ 30 %. Cette augmentation s’accompagne d’un transfert de crédits des dépenses non déconcentrées vers les actions déconcentrées. Une mesure nouvelle de 18,5 millions de francs est destinée à la création de nouveaux points d’écoute et de “ sleep-in ”. Elle fait partie du dispositif des PRAPS analysé précédemment.

·  L’action interministérielle

Les crédits affectés à la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie (MILDT), après avoir augmenté de 27,5 % en 1998, sont réduits cette année de 19,5 %. En réalité, la dotation budgétaire de 1998 anticipait l’adoption d’un nouveau plan triennal 1997-2000 de lutte contre la drogue destiné à succéder au plan triennal 1993-1996 auquel avait succédé un plan annuel.

Ce plan, qui a fait l’objet de plusieurs réunions préparatoires, n’a pas, à ce jour, reçu approbation. Il est vrai que les plans précédents ont fait l’objet de vives critiques de la part de la Cour des comptes qui, dans un rapport public sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie, estime que “ parfois élaborés à la hâte, sans analyse précise des besoins ni évaluation des actions déjà mises en œuvre, les programmes et plans gouvernementaux comportent des mesures insuffisamment étudiées... ” et “ procèdent plus de la juxtaposition des préoccupations de chaque département ministériel que d’une véritable politique commune ”. On ignore encore quelles conséquences le gouvernement entend tirer des observations et recommandations de la Cour des comptes. S’agissant de la MILDT, la Cour préconisait notamment un renforcement du rôle de pilotage qui doit être le sien et soulignait la nécessité de la doter d’un conseil stratégique d’experts de haut niveau afin de l’éclairer sur les actions à entreprendre.

Il semble que les crédits prévus pour 1998, qui comportaient 75 millions de francs de moyens nouveaux n’aient pas été consommés, faute d’une politique volontariste en ce domaine. C’est pourquoi l’article 62 du projet de loi de finances prévoit dans l’état qui lui est annexé le report des crédits du chapitre 47-16 de 1998 à 1999. La baisse des crédits inscrits au budget de la santé s’explique par ce report.

En tout état de cause, il semble aujourd’hui nécessaire que des initiatives soient prises pour préciser et réorienter l’action de la MILDT pour l’avenir car, si la Cour des comptes critique son fonctionnement sur de nombreux points, elle ne remet pas en cause la nécessité d’une structure de coordination qui joue réellement son rôle et souhaite au contraire que la stabilité de la mission soit assurée. On peut craindre que l’annonce faite par le Ministre de la Santé d’élargir la compétence de la mission interministérielle à l’alcool et au tabac ne vienne encore ajouter à la confusion actuelle et ne contribue pas à la remise en ordre souhaitée par la Cour des comptes.

2. La faiblesse des moyens consacrés à la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme

·  La lutte contre l’alcoolisme

Les crédits du chapitre 47-17 enregistrent une baisse de 53 % qui s’explique par le transfert du financement des CHAA à l’assurance maladie ; à structures constantes, les crédits progressent de 17 %. Ils demeurent cependant modestes – 90 millions de francs – au regard de ceux consacrés à la lutte contre la toxicomanie et compte tenu du fléau que représente l’alcoolisme : on estime à environ 5 millions le nombre de personnes ayant des difficultés médicales, psychologiques et sociales liées à la consommation d’alcool.

Il convient à cet égard de rappeler que si la consommation moyenne d’alcool par habitant tend à diminuer, cette tendance globale recouvre des évolutions contrastées ; la consommation des jeunes semble en effet avoir eu tendance à augmenter au cours des dernières années (cf. infra).

La mortalité due à l’alcool serait de 40 000 à 50 000 décès par an. En France, l’alcoolisme est la troisième cause de décès après les maladies cardiovasculaires et le cancer. Une étude réalisée en 1996 évalue le coût de l’alcoolisme en tant que maladie déclarée à 80 milliards de francs.

Pour 1999, les crédits affectés aux dépenses non déconcentrées sont maintenus. Ceux de l’article 20 (dépenses déconcentrées) s’élèvent à 83 millions de francs qui comprennent 27,9 millions de francs de mesures nouvelles dont 2,9 millions de francs pour assurer aux structures concernées la prise en compte des évolutions salariales et 25 millions de francs pour financer la création de consultations d’alcoologie dans les centres d’hébergement et de réadaptation sociale. Cette mesure est incluse dans les crédits annoncés en faveur des PRAPS déjà analysés.

·  La lutte contre le tabagisme ne fait pas cette année l’objet de moyens nouveaux. Les crédits affectés spécifiquement à la lutte contre le tabagisme s’élèvent à 1,5 million de francs. Ils servent à financer quelques actions de prévention mais les grandes campagnes nationales de prévention sont organisées par le Comité français d’éducation à la santé et financées par le Fonds national de prévention et d’intervention en Santé (FNPEIS) de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Les montants affectés à ces actions restent faibles et la politique de l’Etat en matière de lutte contre le tabagisme consiste principalement à augmenter le prix du tabac. C’est ainsi qu’une taxation spécifique du tabac à rouler, moins cher que les cigarettes et particulièrement utilisé par les jeunes, est intervenue en 1998.

3. Les crédits consacrés à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles

Le chapitre budgétaire 47-18 consacré exclusivement à la lutte contre le sida jusqu’à l’année dernière s’élargit cette année aux “ maladies transmissibles ”, ce terme visant principalement l’hépatite C. Si l’ensemble du chapitre progresse de 10,7 % et atteint 523,5 millions de francs, cette hausse s’explique en grande partie par la mise en oeuvre d’un plan national de lutte contre l’hépatite C.

·  La lutte contre le sida

Le nombre de cas de sida déclarés continue de progresser mais à un rythme moindre que par le passé. Ainsi le nombre de cas cumulés de sida déclarés au 31 décembre 1997 était de 47 407, soit une augmentation de 8 % sur un an. 1 671 cas de sida avancé ont été déclarés en 1997. La baisse du nombre de nouveaux cas constatée depuis la fin de l’année 1996 se poursuit et est de 50 % entre 1996 et 1997. De même, le nombre de décès par sida est passé de 2 824 en 1996 à 1 311 en 1997. Cette diminution de nouveaux cas de sida et des décès par sida est le résultat des nouvelles stratégies thérapeutiques. Cependant, d’autres éléments viennent contrebalancer ces évolutions positives. En effet, alors que le nombre de personnes séropositives est évalué à 110 000, 65 000 bénéficient d’une prise en charge thérapeutique régulière, mais 30 000 personnes ne connaîtraient pas leur infection et ne seraient pas suivies. Il convient d’observer à cet égard que parmi les cas de sida déclarés en 1997, 41 % des malades n’avaient pas été dépistés avant le stade sida et 30 % n’étaient pas traités. Ces chiffres permettent de mesurer l’effort qu’il reste à fournir en matière de diagnostic précoce.

Les nouvelles stratégies thérapeutiques qui permettent de retarder l’apparition de la maladie conduisent d’ailleurs à faire du diagnostic précoce l’axe central de la lutte contre le sida qui se fonde sur trois objectifs :

- l’amélioration de la précocité du diagnostic permettant de mettre en œuvre le traitement ;

- la réduction des inégalités d’accès aux soins afin que toutes les personnes dépistées bénéficient d’un traitement ;

- le maintien de l’effort de prévention, d’autant plus que l’évolution des thérapies, si elle est porteuse d’espoir, comporte un risque de relâchement dans les attitudes de prévention.

Cette année, les crédits inscrits au chapitre 47-18 pour la lutte contre le sida enregistrent, à structures constantes, une hausse globale de 5,7 % et s’établissent à 500 millions de francs.

L’an dernier, sur les 472,8 millions de francs gérés par la Direction générale de la santé, 306,7 millions de francs ont été consacrés aux actions de prévention et 166,1 millions de francs à la prise en charge extrahospitalière des malades ;

·  La mise en œuvre de mesures nouvelles concernant l’hépatite C

L’infection par le virus de l’hépatite C est une cause majeure d’hépatite chronique, de cirrhose et de cancer du foie. Selon les estimations du réseau opérationnel de santé publique, 400.000 à 500.000 personnes présenteraient une hépatite C chronique. La transmission se fait principalement lors d’un contact direct avec du sang contaminé. L’usage de drogue par voie intraveineuse apparaît actuellement comme un facteur majeur de contamination. En l’absence de vaccin, la prévention reste le seul moyen d’éviter l’infection. On estime qu’environ trois-quarts des personnes contaminées par le virus de l’hépatite C ignorent qu’elles le sont. Dans près de 20 % des cas, l’hépatite évolue spontanément vers la guérison et dans 80 % des cas vers la chronicité.

L’objectif du Gouvernement est de renforcer la lutte contre les maladies transmissibles. C’est pourquoi les centres de dépistages anonymes et gratuits créés pour lutter contre le sida voient leur mission élargie au dépistage de l’infection par l’hépatite C.

Le lancement d’un programme national de lutte contre l’hépatite C reçoit une traduction budgétaire inscrite au chapitre 47-18 qui comporte une mesure nouvelle de 16 millions de francs : 3 millions doivent permettre de financer l’extension de l’activité des centres de dépistage anonyme et gratuit tandis que le programme national est doté de 13 millions de francs de crédits.

D. L’ORGANISATION DE L’OFFRE DE SOINS

Les crédits relatifs à l’offre de soins sont regroupés cette année dans un agrégat doté de 1.564 millions de francs

Ces crédits se répartissent pour l’essentiel entre le chapitre 43-32 “ professions médicales et paramédicales ” doté de 542 millions de francs, le chapitre 46-22 “ remboursement des dépenses afférentes à l’interruption volontaire de grossesse ” dont le montant – 162 millions de francs – est inchangé, le chapitre 47-19 “ organisation du système de soins ” (315 millions de francs). Les crédits de l’article 20 de ce chapitre “ intervention dans le domaine hospitalier ” sont pour partie transférés à l’AFSSAPS, ce qui est conforme au transfert de compétence résultant de la loi sur la veille sanitaire déjà évoqué. L’agrégat “ offre de soins ” comprend enfin les chapitres 66-11 et 66-12 du titre VI relatifs à l’équipement sanitaire dotés respectivement de 108,5 et150  millions en crédits de paiement.

1. La baisse des crédits des services d’aide médicale urgente (chapitre 4714 art. 71 et 72)

Les crédits relatifs aux “ pathologies, organisation des soins, secours d’urgence ” figurent désormais au chapitre 47-19 et non plus au 47-11.

Les crédits déconcentrés (article 72) diminuent de 36 %, passant de 16 à 10,5 millions de francs. Ils servent à couvrir une partie des dépenses de fonctionnement des SAMU/Centre 15 sous la forme d’une subvention forfaitaire de 150 000 francs par an. Répondant au questionnaire budgétaire, le ministère indique pour toute explication “ la baisse opérée pour le projet de loi de finances pour 1999 amènera à reconsidérer le principe d’une subvention forfaitaire à l’ensemble des centres 15, ces crédits devant être redéployés au profit d’actions plus ciblées correspondant aux objectifs prioritaires de la politique de santé publique ”. Cette situation est d’autant plus inquiétante que ces crédits servent également aux actions relatives à la lutte contre le cancer et doivent en outre être utilisés en 1999 pour le financement du plan triennal de lutte contre la douleur annoncé par le Secrétaire d’Etat à la santé. On peut légitimement se demander comment des crédits en diminution pourront financer un nombre accru d’actions !

2. L’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES)

L’ANAES a été instituée par l’ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée. L’agence est chargée de mettre en œuvre la procédure d’accréditation de tous les établissements hospitaliers publics et privés qui doivent en faire la demande avant avril 2001. L’objectif de cette procédure est de fixer un certain nombre de critères permettant d’apprécier la qualité des établissements et de promouvoir un processus d’amélioration de la qualité des soins.

L’Agence est dotée d’un conseil d’administration et d’un conseil scientifique qui ont été mis en place en octobre 1997. Un collège d’accréditation devait élaborer un manuel d’accréditation qui a été édité en septembre 1998. La procédure d’accréditation doit être expérimentée auprès d’une cinquantaine d’établissements avant la fin de l’année. Sa mise en œuvre nécessite la création d’un réseau d’experts en évaluation et en accréditation en nombre important puisqu’il devrait atteindre à terme plusieurs centaines de personnes.

Pourtant, cette année, les moyens budgétaires affectés à l’ANAES qui représentent le tiers de son budget – le reste étant financé par l’assurance maladie – et qui avaient fortement augmenté entre 1997 et 1998 passant de 26 à 37,3 millions de francs sont seulement maintenus alors que la montée en charge de cet organisme n’est pas terminée puisqu’il emploie actuellement 70 équivalents temps-plein et que l’effectif autorisé est de 128 personnes. On peut donc s’interroger sur la capacité de l’agence à intervenir rapidement et efficacement comme le ministre de la Santé en a émis le souhait lors de la présentation de son budget.

La nécessité d’assurer la transparence en matière d’évaluation des établissements de soins est pourtant largement ressentie par les usagers qui sont en droit d’être informés autrement que par tel ou tel article de presse.

On ne peut donc que regretter les retards dont l’accréditation fait l’objet alors qu’il s’agissait d’un axe majeur de la réforme de 1996.

3. Les investissements d’équipement sanitaire

Les subventions d’équipements sanitaires se répartissent entre deux chapitres : le 66-11 “ subventions d’équipement sanitaire ” et le 66-12 “ fonds d’aide à l’adaptation des établissements hospitaliers ”, le second devant progressivement se substituer au premier dont les crédits diminuent régulièrement depuis 1994. Il n’y a plus cette année d’autorisations de programme et les crédits de paiement s’élèvent pour 1999 à 108,5 millions de francs.

Le chapitre 66-12 qui concerne le fonds d’aide et d’adaptation des établissements hospitaliers créé en 1998 est doté cette année de 250 millions de francs d’autorisations de programme et de 150 millions de francs en crédits de paiement, ce qui paraît faible au regard de l’ampleur des restructurations nécessaires. La mise en œuvre du fonds en 1998 a été lente et peu de projets ont été lancés.

Il a d’abord fallu définir les critères d’éligibilité des projets, ce qui a été fait par une circulaire du 28 janvier 1998. Ils ne permettent de retenir que des opérations réellement restructurantes de l’offre de soins régionale et dotées d’un effet d’exemplarité. Le fonds ne peut être mobilisé pour des projets consistant à moderniser un seul établissement sans prendre en compte les effets de cette action sur l’environnement. Par ailleurs, le fonds doit financer en priorité les opérations devant se traduire par un équilibre en fonctionnement dès la troisième année.

En 1998, 91 dossiers ont été déposés, pour un montant total annoncé de 4.160 millions de francs en travaux et équipements, mais plusieurs opérations ne constituent qu’une première tranche de projets de plus grande envergure, comme la restructuration du centre hospitalier de la Côte Basque.

Les demandes de subvention correspondantes s’élèvent à 1.450 millions de francs environ, soit un taux moyen de 34,7 %. Parmi celles-ci, près de 70 sont au stade de l’avant-projet sommaire (APS) approuvé ou en cours d’approbation, pour un montant total annoncé de 2.800 MF et une demande de subvention de 960 MF environ.

Les opérations dont l’avant-projet n’était pas susceptible d’être approuvé dans des délais permettant l’engagement d’une subvention sur 1998 n’ont pu être examinées. Plusieurs opérations ont cependant été retenues : regroupements de maternités en Bretagne ; restructuration du bassin d’Alès en Languedoc-Roussillon ; mise en place d’une IRM mobile en Midi-Pyrénées ; fusion des activités chirurgicales et réorganisation des soins de suite et de réadaptation dans le Nord-Pas-de-Calais, ou regroupements d’établissements en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Rhône-Alpes.

A l’inverse, nombre d’opérations ne remplissent pas les critères d’éligibilité : elles constituent en effet de simples investissements de modernisation, de mise aux normes, voire de capacité, sans effet restructurant de l’offre de soins.

Le montant total des subventions demandées pour les opérations susceptibles d’être retenues s’élève à 736,96 millions de francs, soit un taux de subvention de 34 % en moyenne. Compte tenu du montant de 500 millions de francs des autorisations de programme pour 1998 et de la liste des opérations à retenir, on aboutit à un taux moyen de subvention de 23 %, ce qui est faible.

Force est donc de constater que, malgré le caractère restrictif des critères d’éligibilité aux subventions qui ont été retenus, les dotations allouées au fonds apparaissent très insuffisantes par rapport à l’ampleur des besoins.

II.- L’ÉTAT DE SANTÉ DES ENFANTS ET DES JEUNES EN FRANCE NÉCESSITE LA MISE EN ŒUVRE D’UNE VÉRITABLE POLITIQUE D’ÉDUCATION SANITAIRE.

Alors que chacun s’accorde sur la nécessité de réorienter notre système de santé, trop axé sur les pratiques curatives, vers la prévention, votre rapporteur a souhaité consacrer la seconde partie de cet avis à l’examen de la politique de prévention mise en œuvre à l’égard des jeunes.

Or, il faut le souligner avec force, l’effort fait en ce domaine reste très insuffisant alors-même que l’analyse des données relatives à la santé des jeunes justifierait une politique volontariste en ce domaine.

A. UN CONSTAT PRÉOCCUPANT

Dans son rapport de 1992 “ Stratégie pour une politique de la Santé ”, le Haut Comité de la Santé publique définissait ainsi la santé des enfants et des adolescents :

“ L’enfance et l’adolescence sont les périodes du développement physique et mental, de l’acquisition d’un capital culturel et scolaire, plus ou moins important, de l’intégration à la vie sociale, plus ou moins réussie. C’est aussi un moment d’identification personnelle et sociale et celui où achève de se constituer son capital de santé. Celui-ci peut et doit atteindre un niveau considérable, mais il risque d’être dilapidé par négligence, ignorance, ou par des conduites à risques, dilapidation qui peut accumuler des facteurs de risques pour les stades ultérieurs de la vie. ”

Or, le rapport de 1997 du Haut Comité de la Santé publique “ Santé des enfants, santé des jeunes ” aboutit aux conclusions suivantes :

“ L’état de santé des jeunes dans la tranche d’âge des 15 à 24 ans est préoccupant : chez les garçons, les accidents sont à l’origine de plus de 70 % des décès, les suicides 15 % et les maladies 12 %. La comparaison avec les autres pays de l’Union européenne montre que la France, suivie par l’Espagne, est le pays où (rapportée à 100 000 habitants) la mortalité due aux accidents et suicides additionnés est la plus élevée. Elle est presque le double de celle de certains pays, Grande-Bretagne par exemple. En contraste, chez les nourrissons et les enfants de moins de 14 ans, la mortalité et la morbidité sont, en France, comparables à celle des autres pays de l’Union européenne, voire meilleures.

Cette position défavorable de la santé en France entre 15 et 24 ans est corroborée par d’autres indicateurs concernant les conduites violentes, la violence subie, les tentatives de suicide, les conduites de consommation et substances licites (alcool, tabac) ou illicites (stupéfiants, psychotropes et tranquillisants hors prescription médicale). L’ensemble de ces données témoigne d’un mal-être dont la gravité ne doit pas être sous-estimée et qui est vraisemblablement le résultat de l’histoire physique et mentale de l’enfant depuis sa naissance ainsi que de l’environnement dans lequel sa croissance s’est faite. ”.

· L’importance de la mortalité évitable

Malgré une décroissance de la mortalité accidentelle depuis 1980, le taux de ce type de mortalité chez les 15-24 ans observé en 1993 reste considérable : 55,2 /100.000 pour le sexe masculin, soit 51,3 % de l’ensemble des causes de décès de cette tranche d’âge. S’agissant des accidents de la route, la tendance à la diminution du nombre de victimes et de la gravité des accidents ne bénéficie pas à la tranche d’âge 15-24 ans dont le nombre de tués a augmenté de 1,7 % entre 1996 et 1997.

Le suicide, dont le taux a progressé depuis le début des années 1970, est la deuxième cause de décès.

Evolution du taux de suicide chez les jeunes de 15 à 24 ans
par sexe, en France de 1950 à 1993

(taux pour 100 000)

 

15 – 24 ans

15 – 19 ans

20 – 24 ans

 

M

F

M/F

M

F

M/F

M

F

M/F

1950

7

3

2,33

           

1960

6

4

1,5

5

3

1,66

8

5

1,6

1965

6

4

1,5

4

3

1,33

9

5

1,8

1970

10

4

2,5

7

4

1,75

12

4

3

1975

12

5

24,

7

4

1,75

17

6

2,9

1980

15

5

3

7

3

2,33

24

8

3

1975

17

5

3,4

9

3

3

25

7

3,5

1990

14

4

3,5

8

3,3

2,6

20,1

5,5

3,8

1993

18,2

5,2

3,5

           

1994

16,1

4,3

3,7

           

NB : Le rapport M/F représente la surmortalité mascule

Source : Inserm, statistiques des causes de décès

· Des signes de mal-être

Si les accidents constituent la première cause de mortalité des 15-24 ans, le suicide la seconde, d’autres éléments concernant la santé des jeunes sont également préoccupants.

Ainsi, la consommation d’alcool est en augmentation. Après un infléchissement entre 1983 et 1991, on a assisté en 1994 et 1995 à une remontée des déclarations en matière de consommation. On note également une augmentation de la consommation occasionnelle. Cette hausse de consommation se caractérise plus particulièrement par une augmentation de la consommation des alcools forts qui se déclare dès l’âge de 12-13 ans et qui semble avoir doublé de 1994 à 1995 (25 % contre 47 %) : 1 jeune sur 5 déclare consommer ne serait-ce qu’occasionnellement des alcools forts et les deux tiers sont concernés dès l’âge de 17 ans.

Une autre enquête, menée en 1996 avec une autre méthodologie, paraît confirmer ces dernières données. L’ivresse est aujourd’hui répandue chez les jeunes : en 1995, 17 % des jeunes de 14-15 ans, 30 % des jeunes à partir de 16 ans déclarent avoir été ivres dans les trois derniers mois.

Les statistiques de la sécurité routière montrent que le nombre de dépistages dont le résultat est positif est en augmentation chez les 15-24 ans. En outre, à alcoolémie égale, le risque d’accident est plus élevé chez les jeunes conducteurs que parmi les conducteurs plus âgés. A ce constat s’ajoute le rôle longtemps méconnu de la prise simultanée de drogues chez les jeunes. On constate en effet que l’usage combiné alcool-cannabis-ectasy se développe.

S’agissant de la toxicomanie, il est difficile de mesurer la consommation des différentes drogues en raison même de leur caractère illicite. Une enquête de l’Inserm sur la santé des adolescents menée en 1993 estimait que 85 % des 11-19 ans n’avaient jamais pris de drogue, tandis que 5 % en avaient pris plus de 10 fois. Selon l’étude, le haschich est la drogue la plus consommée : 12 % des adolescents en ont déjà fumé. Globalement les garçons sont plus consommateurs que les filles. Ces chiffres semblent cependant dépassés. Le rapport 1997 de l’office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants indique que 75 % des usagers, toutes drogues confondues, ont entre 16 et 25 ans. Selon les spécialistes de terrain, les toxicomanies multiples associant des produits très actifs, en constante évolution avec une recrudescence de la prise d’alcool, se développent.

En ce qui concerne l’usage du tabac, le pourcentage de fumeurs dans la tranche d’âge 18-24 ans en France, bien qu’en diminution, est le plus élevé de l’Union européenne. Ainsi 15 % des jeunes scolarisés et 53 % des jeunes en insertion fument quotidiennement.

*

* *

Face à ce constat préoccupant, il faut s’interroger sur les moyens mis en œuvre pour garantir la santé des jeunes et assurer la prévention.

B. LES MOYENS PRÉVENTIFS ET CURATIFS MIS EN OEUVRE

Les moyens mis en œuvre pour promouvoir la santé des jeunes comportent deux volets : l’accès aux soins d’une part et l’éducation à la santé d’autre part. Le dispositif existant dans ces deux domaines est retracé par le tableau suivant :

Le dispositif général de santé pour les enfants (1)

Prévention

Compétence

Population concernée

Protection maternelle et infantile

Départements

Futures mères – Enfants de zéro à six ans

Service de promotion de la santé en faveur des élèves

Etat (2)

Enfants et jeunes scolarisés dans les établissements publics et privés sous contrat, de la maternelle à la terminale

Service social en faveur des élèves

Etat

Enfants et jeunes scolarisés dans les établissements publics et privés sous contrat, plus particulièrement second degré, ZEP, établissements sensibles

Services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé

Etat + participation des étudiants

Etudiants

Médecine du travail

Privé

Jeunes à partir de seize ans (dérogation à partir de quatorze ans)

Centre de planification familiale

Départements

Pas de limite d’âge mais 27,4 % des jeunes ont moins de vingt-cinq ans

Comité français d’éducation pour la santé

Etat, sécurité sociale, départements, collectivités locales

Jeunes de moins de vingt-cinq ans

Fil santé jeunes

Etat + aides ponctuelles de la Fondation de France

Pas de limite d’âge. 57 % des appels viennent des douze-seize ans.

Point accueil jeunes

Etat + départements et/ou municipalités

Enfants et jeunes de dix à vingt-cinq ans.

Prise en charge

   

Santé somatique : dispositif hospitalier

Sécurité sociale, Etat

Accès à tous. Deux millions d’enfants par an aux ugences

Santé somatique : dispositif libéral

Sécurité sociale, municipalités, mutuelles ou associations loi 1901 pour les centres de santé

Accès à tous

Santé mentale : dispositif de service public

Etat

Psychiatrie infanto-juvénile (centres médico-psychologiques, éléments de base du dispositif) jusqu’à seize ans. Psychiatrie générale après

Santé mentale : dispositif libéral

Sécurité sociale, particuliers, centres médico-psychopédagogiques gérés par l’Education nationale ou associations privées à but non lucratif

Centre médico-psychopédagogiques : 100.000 enfants et adolescents par an

Source : HCSP, Santé des enfants, santé des jeunes, juin 1997

(1) Ce tableau ne traite pas des dispositifs spécifiques de prise en charge de la santé des enfants.

(2) Sauf 14 villes ayant gardé un régime d’autonomie pour le premier degré.

La lecture de ce tableau permet de constater la grande diversité des structures appelées à intervenir dans le domaine de la santé des jeunes, particulièrement en matière de prévention.

Les modalités de financement de ces divers services, on le voit, sont également variées : Sécurité sociale, collectivités locales, Etat.

S’agissant des dépenses financées par l’Etat, bien peu relèvent du budget de la santé. Il s’agit principalement du Comité français d’éducation pour la santé (CFES) qui constitue le dispositif central de l’éducation pour la santé. Le budget du CFES est alimenté par une subvention de la Direction générale de la santé – d’un montant de 23,4 millions de francs en 1998, elle devrait être de 23,3 millions en 1999 – et par une subvention des organismes de sécurité sociale de 4,9 millions en 1998.

L’axe enfants/adolescents a été retenu comme axe prioritaire à la suite de la conférence nationale de santé de 1997. A ce titre, les activités les plus significatives ont été les suivantes :

– réalisation et publication de différentes études telles que le baromètre sur la santé des jeunes, les actes du colloque international sur les indicateurs de santé des jeunes ;

– préparation d’une enquête internationale sous l’égide de l’OMS sur la santé des jeunes ;

– réalisation d’ouvrages (guides d’action) et de coffrets pédagogiques destinés aux enfants et aux enseignants d’écoles primaires et de collèges ;

– réalisation de campagnes nationales médiatiques comportant notamment un volet jeune sur les thèmes du tabac, de l’alcool, du sida, de la toxicomanie, des vaccinations, du mal de dos et des accidents de la vie courante ;

– soutien d’actions menées à l’initiative des comités départementaux et régionaux ;

– co-animation du réseau européen des écoles promotrices de la santé ;

– poursuite d’activités régulières avec diffusion de documents sur des sujets variés tels que la nutrition, l’allaitement, l’hygiène de vie, l’enfance maltraitée, l’information sexuelle…

Le ministère de la santé n’est pas le seul concerné par les actions de prévention en direction des jeunes. L’école étant le lieu d’intervention privilégié pour ce type d’action, l’éducation nationale est également partie prenante en ce domaine.

Le service de promotion de la santé en faveur des élèves, malgré quelques améliorations récentes, dispose de moyens très insuffisants. Le budget dont dispose ce service est d’environ 100 francs par élève et par an et cette somme inclut le service social aux élèves.

A la rentrée scolaire de 1998, le nombre total de médecins scolaires était de 1 940 équivalents temps pleins dont 719 vacataires. Chaque médecin scolaire est conduit à prendre en charge 7 600 élèves en moyenne et jusqu’à 12 000 dans certains départements défavorisés. Le taux d’encadrement médical moyen est actuellement de 1 médecin pour 8 500 élèves alors que les besoins sont évalués à 1 médecin pour 3 000 élèves.

Les professionnels du service de santé scolaire sont absorbés par les bilans de santé qui doivent être effectués avant l’entrée à l’école primaire et en classe de 3e et par les campagnes de vaccination (hépatite B). Les moyens alloués à la santé scolaire paraissent donc très insuffisants au regard des besoins que révèlent les principales données concernant la santé des jeunes.

À côté du Service de Santé scolaire, le ministère de l’Education Nationale a tenté de mettre en place d’autres structures chargées de promouvoir l’éducation à la Santé. Il en est ainsi des “ Comités d’environnement social ” dont l’introduction auprès des chefs d’établissement scolaire était recommandée par une circulaire du 22 octobre 1990. Devenues depuis “ Comités d’éducation à la Santé et à la citoyenneté ” (CECS), ces structures ont notamment pour mission d’organiser la prévention des dépendances, des conduites à risque dans le cadre du projet d’établissement, de venir en aide aux élèves manifestant des signes de mal-être ; ils associent sous la présidence du chef d’établissement l’ensemble des acteurs de l’établissement. Cependant, seuls 18,8 % des établissements d’enseignement publics sont dotés de CESC.

D’une façon générale, malgré ou peut-être à cause de la diversité des intervenants, le dispositif institutionnel français de prise en charge de l’enfant et de l’adolescent présente un certain nombre de défauts qui ont été relevés par le Haut comité de la santé publique dans son rapport de 1997 :

- l’absence de coordination et de continuité entre les services concernés et notamment entre les services de PMI et l’action du service de promotion de la santé en faveur des élèves. Ce cloisonnement institutionnel est un facteur d’inefficacité.

– l’intervention dans les établissements scolaires de personnes extérieures à l’éducation nationale pour évoquer les problèmes de santé dont la compétence n’est pas vérifiée et l’action peu ou pas encadrée par l’institution scolaire.

– la multiplication de structures plus ou moins spécialisées pour les jeunes : centres de planification familiale dont la clientèle est constituée à plus de 50 % de personnes de moins de 25 ans, fil santé jeunes, points accueil jeunes, missions locales, PAIO, points écoute jeunes… nécessite une évaluation. Le Haut comité estime souhaitable de “ regrouper ces lieux à mission unique en un seul lieu à missions multiples ” au motif que “ le jeune ne se découpe pas en tranches de vie. Sa demande est, la plupart du temps, globale ”.

*

* *

Il apparaît donc que l’état de santé des jeunes en France aujourd’hui et l’importance de la mortalité évitable dans ces classes d’âge appellent des mesures d’envergure en matière de prévention et, plus généralement, d’éducation à la santé, car, comme l’affirme le Haut Comité de la Santé publique dans son dernier rapport : “ la lutte contre la mortalité et la morbidité évitables avant soixante cinq ans ne relève pas pour l’essentiel d’un renforcement du système de soins mais d’une modification des comportements dont l’habitude et la pratique s’instaurent souvent avant même l’adolescence. ”.

C. FAIRE DE L’ÉDUCATION À LA SANTÉ UNE PRIORITÉ DU SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS

La reconnaissance du caractère prioritaire de l’éducation à la santé passe par une amélioration du dispositif institutionnel existant et l’implication du système éducatif. Enfin, le suicide devrait faire l’objet d’une action spécifique.

1. L’amélioration du dispositif institutionnel existant

Cette amélioration passe d’abord par un renforcement de la coordination nationale et locale entre les ministères concernés mais aussi la PMI et le service de santé scolaire. Un premier pas a été fait en ce sens, avec la création d’un document de liaison entre ces services par un arrêté du 18 août 1997. Le plan de relance pour la santé scolaire adopté en conseil des ministres le 11 mars 1998 prévoit une généralisation de la fiche de liaison PMI-santé scolaire.

L’amélioration du dispositif existant suppose en second lieu un développement du suivi des jeunes qui n’a pas fait l’objet d’une attention suffisante. Le rapport précité du Haut comité de la santé publique préconise la création de “ lieux de santé multiapproches ou multiservices ” à la place des multiples lieux existant qui segmentent le jeune et le cataloguent selon la structure sollicitée.

Il conviendrait enfin de renforcer le dispositif de santé scolaire dont la mission ne doit pas se limiter à effectuer 1 ou 2 bilans au cours de l’ensemble de la scolarité. Les personnels de ce service devraient être les interlocuteurs des jeunes scolarisés, ce qui nécessite une présence suivie au sein de chaque établissement. Ce besoin est exprimé par les enfants eux-mêmes. L’adoption en 1997 d’une proposition de loi “ une infirmière au moins par école ” en est le témoignage.

Indépendamment d’un renforcement des dispositifs spécialisés, c’est le système éducatif dans son ensemble qui doit intégrer dans ses programmes l’éducation de tous à la santé.

2. L’implication du système éducatif dans l’éducation à la santé

L’école est de plus en plus appelée à assurer l’éducation des enfants et n’est plus seulement chargée de dispenser l’instruction.

Diverses études s’accordent pour préconiser le développement de l’éducation à la santé dès le plus jeune âge (4 à 12 ans) à l’intérieur des classes, par l’instituteur lui-même, pour deux raisons :

– cet enseignement s’adresserait à tous les enfants quelle que soit l’origine socio-professionnelle des parents et permettrait de réduire les inégalités sociales et familiales ;

– il permettrait de toucher les enfants avant la puberté, à un âge où leur esprit est particulièrement réceptif.

Le Haut comité pour la santé propose d’institutionnaliser l’éducation pour la santé de façon régulière et continue dans les trois cycles de l’école primaire, ce qui suppose une formation appropriée des maîtres. Cet enseignement devrait dispenser des notions élémentaires dans des domaines tels que l’alimentation, le rythme de vie, le sommeil, l’hygiène corporelle, l’hygiène buccodentaire, la prévention des dépendances et mettre l’accent sur la responsabilité de chacun à l’égard de sa propre santé.

Le second degré doit de même intégrer un volet santé dans les projets d’établissement. Les enseignements dispensés actuellement ne semblent pas très adaptés aux besoins. Une enquête nationale menée en 1993 auprès des jeunes de 11 à 19 ans par l’Inserm montre que l’éducation à la santé n’est pas également assurée selon les académies. Elle s’avère faible au collège, malgré les programmes scolaires puisqu’à part des informations portant sur le corps et son fonctionnement que 44 % des collégiens disent avoir reçues, les autres domaines paraissent plus rarement abordés, en particulier le tabac (22 %), la drogue (20 %) et l’alcool (15 %) . Comme le remarquent les auteurs de l’étude, ces thèmes sont pourtant plus proches de l’expérience personnelle des jeunes que la sexualité, la grossesse, le sida, plus souvent abordés en classe au collège.

Le Haut comité préconise à cet égard de consacrer plusieurs heures trimestrielles à l’éducation pour la santé sous la forme de débats et d’échanges avec les élèves sur des thèmes en rapport avec leurs interrogations personnelles.

3. Agir contre le suicide

Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans et la France a le triste privilège d’avoir le taux de suicide des jeunes le plus élevé d’Europe. C’est aussi dans cette tranche d’âge qu’il a le plus augmenté ces dernières années.

Comparaisons internationales des principales causes de décès
chez les jeunes de 15-24 ans par sexe et en taux pour 100 000
(source : OMS)

 

1993
France

1994
Allemagne

1992
Italie

1992
Espagne

1993
Suède

1994
Royaume-Uni

1992
USA

1994
Japon

 

M

F

M

F

M

F

M

F

M

F

M

F

M

F

M

F

Tumeurs

5,5

3,4

5,1

3,8

7,3

4,8

6,6

4,8

6,0

4,6

6,0

4,1

5,9

4,1

4,8

3,4

Accidents (accidents thérapeutiques non inclus)

55,2

16,0

47,0

12,4

59,9

12,4

68,5

16,7

25,4

8,5

27,8

7,4

55,5

19,3

30,5

7,4

Suicides

18,2

5,2

13,9

3,7

6,8

1,8

6,8

1,3

12,0

6,6

11,5

2,2

21,9

3,7

12,0

5,1

Homicides

1,4

0,5

1,3

1,0

4,4

0,6

1,3

0,6

1,8

0,7

2,1

0,8

36,8

6,4

0,6

0,3

Autres morts violentes

5,3

1,3

2,6

0,6

0,8

0,1

0,9

0,3

3,7

1,5

7,0

1,6

2,0

0,3

1,7

0,6

Symptômes et états morbides mal définis

7,2

3,0

3,9

1,2

3,1

0,8

1,7

0,6

0,5

 

0,5

0,2

2,4

1,1

0,7

0,2

Maladies de l’appareil circulatoire

2,8

1,8

3,5

2,7

4,2

2,0

7,7

2,9

3,3

2,0

3,5

2,0

4,4

2,7

4,4

2,5

Source : Annuaire de statistiques sanitaires mondiales, Genève, 1995

Selon une étude de l’Inserm, un quart des jeunes de 11 à 19 ans a des idées suicidaires, 6,5 % ont fait une tentative de suicide et parmi eux 25 % en ont fait plusieurs. Or diverses études montrent que le risque de récidive est accru chez les patients insuffisamment pris en charge.

Ces chiffres montrent qu’il est nécessaire d’agir pour prévenir les suicides et mieux prendre en charge les jeunes en difficulté. Jusqu’à présent, malgré diverses déclarations, peu d’actions ont été menées en ce domaine.

Cette année, les réponses données au questionnaire parlementaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale indiquent que “ le suicide des jeunes fait l’objet d’une attention particulière. 13 régions l’ont reconnu comme une priorité nationale de santé publique et 9 ont décidé d’élaborer une programmation régionale de prévention du suicide. Le Secrétaire d’Etat à la santé a décidé la mise en place d’un programme national de prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes de 1998 à l’an 2000 en partenariat avec les 9 régions ayant une programmation régionale sur ce thème ”. Ces déclarations ne sont pas corroborées par l’évolution des crédits consacrés à la lutte contre les suicide par le Fonds national de prévention.

Sommes consacrées par le Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire aux campagnes nationales de lutte contre le suicide (en millions de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

3

0

4,5

1

0,10

2

Par ailleurs, le suicide des jeunes est un problème national qui ne se limite pas à telle ou telle région. Pourquoi dès lors limiter les interventions à 9 régions ?

Une véritable politique de prévention du suicide reste donc à mettre en oeuvre. Elle passe par l’amélioration de la connaissance du phénomène, par la sensibilisation des éducateurs : enseignants, médecins scolaires, parents, à ce problème et par une amélioration de la prise en charge des jeunes “ suicidants ” afin d’éviter les récidives.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Bernard Accoyer les crédits de la santé pour 1999 au cours de sa séance du mercredi 4 novembre 1998.

Après l’exposé du rapporteur, M. Denis Jacquat a formulé les observations suivantes :

- Il est regrettable que la simple stabilisation des crédits de l’ANAES ne permette pas d’accélérer la mise en œuvre de l’accréditation et de l’évaluation des établissements hospitaliers.

- S’agissant de la santé des jeunes, il est souhaitable d’améliorer la coordination des moyens et de développer une politique d’éducation sanitaire plus ambitieuse.

Puis il a indiqué que le groupe DL se prononçait contre l’adoption des crédits de la santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, faisant référence au nombre élevé de suicides des jeunes et au développement de l’alcoolisme, du tabagisme et du dopage chez les jeunes et après avoir souligné que l’augmentation de l’espérance de vie moyenne résultait désormais d’une augmentation de la durée de vie des personnes de plus de 60 ans et non plus de celles des jeunes comme par le passé, a estimé que la santé des jeunes était un problème majeur de santé publique qui nécessite la définition d’une politique plus volontariste et concrète permettant notamment d’améliorer la coordination des organismes impliqués et des moyens. Puis elle a annoncé qu’elle voterait contre l’adoption des crédits de la santé.

Mme Catherine Génisson, après avoir rappelé que les crédits de la santé avaient augmenté de 10 % en 1998 et connaîtraient une croissance de 3,6 % en 1999 si l’on prend en compte le transfert des centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie (CHAA) à la charge de l’assurance maladie, a indiqué que son approbation des crédits de la santé ne constituait pas un blanc-seing donné au Gouvernement et que des améliorations étaient souhaitables.

Elle a ensuite formulé les observations suivantes :

- La lutte contre les exclusions dans le domaine de la santé ne passe pas seulement par des mesures budgétaires ; il convient d’améliorer les conditions d’accueil des personnes en difficulté par les personnels hospitaliers et de mieux coordonner l’action des établissements hospitaliers dans ce domaine avec les intervenants extérieurs à l’hôpital.

- En ce qui concerne la lutte contre la toxicomanie, les crédits sont en augmentation et la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie a été réorganisée.

- Il est nécessaire d’accélérer la restructuration du système hospitalier et de modifier le fonctionnement interne des hôpitaux en concertation avec tous les acteurs.

- Etant précisé qu’il est nécessaire de maintenir des services de soins accessibles à tous à l’hôpital, on peut s’interroger sur la réduction des crédits visant à les financer.

- Il faut se féliciter de l’augmentation des crédits affectés à la lutte contre le sida, alors que l’on constate une stabilisation du nombre de malades.

- S’agissant de la santé des jeunes, il faut effectivement améliorer la prévention, mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 apporte des améliorations dans ce domaine.

M. Germain Gengenwin a demandé quel était le nombre annuel de suicides chez les jeunes et s’est interrogé sur les actions à mener pour réduire ces suicides. Puis il s’est prononcé contre l’adoption des crédits de la santé.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les éléments suivants :

- Le suicide des jeunes constitue effectivement un grave problème de santé publique. Selon les statistiques de l’OMS, le taux de suicide des jeunes était en 1993 de 18,2 pour 100 000 pour les jeunes hommes et de 5,2 pour 100 000 pour les jeunes femmes. Ce phénomène témoigne d’un mal-être profond des jeunes que seule une politique d’éducation sanitaire et d’apprentissage d’une bonne hygiène de vie peut permettre de réduire. Il faut toutefois noter que le montant des crédits consacrés à la lutte contre le suicide des jeunes par le Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire, qui était de 4,5 millions de francs en 1995 n’est plus que de 2 millions de francs en 1998.

- Le nombre élevé de jeunes victimes d’accidents de la route qui doivent souvent supporter de graves handicaps durant toute leur vie, pose également un problème majeur de santé publique. Dans ce domaine également, il convient de développer la prévention et l’éducation sanitaire.

- En ce qui concerne la lutte contre la toxicomanie, le rapport de la Cour des comptes appelle des améliorations allant au-delà de la simple réorganisation de la MILDT.

- Il est préoccupant de constater la stabilité des crédits de l’ANAES qui constituent pourtant l’outil essentiel de la restructuration du système hospitalier. A cet égard, les élus locaux, s’ils doivent être informés des évolutions du système de santé, ne sont pas les meilleurs juges de la qualité des soins dispensés par tel ou tel établissement hospitalier local.

- Compte tenu de l’importance fondamentale des secours d’urgence, la baisse des crédits qui leur sont affectés est très grave et justifie le rejet des crédits du budget de la santé.

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la santé pour 1999.

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