N° 1112

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n°1078)

TOME XII
EMPLOI ET SOLIDARITÉ
VILLE ET INTÉGRATION

PAR M. Roland CARRAZ

Député.

___

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe n° 25).

Lois de finances

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I.- UN BILAN LARGEMENT POSITIF 7

A. DES INSTANCES DE LA VILLE RÉNOVÉES 7

1. Un ministre pour conduire la politique de la ville 8

2. Le Conseil national des villes et la Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain sont redynamisés 9

a) Le Conseil national des villes 9

b) La Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain 10

3. Un conseil de sécurité intérieur réorienté 10

4. L’Institut de la ville, nouvelle mémoire de la ville 15

B. DES MISSIONS RICHES D’ENSEIGNEMENT 15

1. Le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, “ Demain, la ville ” 16

2. Le rapport sur une meilleure répartition géographique des forces de sécurité publique 17

3. Le rapport sur les “ réponses à la délinquance des mineurs ” 18

C. UNE LÉGISLATION REFONDATRICE DU PACTE RÉPUBLICAIN 20

1. Intégration 20

a) La loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales 20

b) La loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité 20

c) La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile 21

2. Emploi et lutte contre les exclusions 23

a) La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes 23

b) La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions 24

II.- UN EFFORT BUDGÉTAIRE EN PROGRESSION SPECTACULAIRE 25

A. LES CRÉDITS DE LA VILLE 25

1. Un budget à la hauteur des enjeux 25

2. Les autres ressources 30

B. DES CRÉDITS D’AUTRES MINISTÈRES CONCERNENT LA VILLE 33

1. La politique de la ville de l’éducation nationale 33

2. L’implication du ministère de la justice dans la politique de la ville 34

C. LES CRÉDITS DE L’INTÉGRATION 36

1. Des crédits adaptés 38

2. Une politique renouvelée 38

III.- VERS UNE MAÎTRISE DES LEVIERS DU POUVOIR URBAIN 41

A. ASSURER LA SÉCURITÉ 41

B. CONFORTER L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS 41

1. Recibler la dotation de solidarité urbaine 42

a) Une dotation qui n’est pas à la hauteur des enjeux 42

b) Une majoration exceptionnelle pour 1999 44

2. Réguler les concours financiers de l’Etat 44

C. DE NOUVEAUX OUTILS FINANCIERS 45

1. Le refinancement des communes surendettées 46

2. Les nouveaux prêts de la Caisse des dépôts et consignations 47

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

I.- AUDITION DU MINISTRE 49

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 63

INTRODUCTION

Avant même d’examiner les crédits de la ville pour 1999 et de se féliciter des hausses exceptionnelles dont ils bénéficient, il convient de saluer la rigueur de la méthodologie suivie par le Gouvernement pour relancer la politique de la ville.

Tout en préservant intacte sa capacité d’intervention - c’était l’objet des crédits adoptés l’an dernier - il s’est donné d’abord le temps de la réflexion.

Les missions confiées à M. Jean-Pierre Sueur sur la ville de demain, à Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck sur les réponses à la délinquance des mineurs, à M. Jean-Jacques Hyest et au rapporteur sur le nécessaire redéploiement des forces de sécurité sur le territoire relèvent de cette logique.

Le temps de la réorganisation et des décisions est aussi intervenu, comme l’attestent la création du ministère délégué à la ville, confié à M. Claude Bartolone et l’ordre du jour du comité interministériel des villes du 30 juin 1998.

Avec l’adoption des crédits qui lui sont nécessaires, le temps de l’action peut commencer.

I.- UN BILAN LARGEMENT POSITIF

L’insécurité qui règne dans les quartiers relégués et leurs écoles touchent plus particulièrement les populations les plus défavorisées au point de mettre en péril le pacte républicain sur lequel repose la société française.

C’est pourquoi le Gouvernement accorde une importance de plus en plus grande aux moyens dont il dote sa politique de la ville et à l’attention qu’il porte à sa mise en œuvre.

A cet égard, le bilan de l’action menée depuis bientôt deux ans et demi, avec une montée en puissance très nette durant ces douze derniers mois, est largement positif.

L’effort porte aussi bien sur l’organisation des services publics en charge du dossier, les expérimentations de mesures nouvelles de forte amplitude, la mobilisation plus pertinente des services, des personnels et des moyens existants. Il se traduit par les hausses budgétaires d’une importance rarement égalée inscrites dans le projet de loi de finances.

Au-delà des mesures spécifiques au traitement direct des problèmes des quartiers, la politique sociale conduite par le Gouvernement dans le domaine de l’emploi et de la lutte contre les exclusions s’attaque en profondeur aux origines de la dérive de nos villes.

De la même manière, la redéfinition de certaines règles relatives à la citoyenneté ou au séjour des personnes étrangères sera déterminante pour relancer les processus d’intégration.

Concernant des domaines aux tendances aussi lourdes, les résultats seront forcément lents, mais l’enjeu a ceci de particulier qu’il ne peut cependant être question d’échouer.

A. DES INSTANCES DE LA VILLE RÉNOVÉES

Il peut paraître banal de juger complexes certaines organisations administratives, le dispositif concernant la ville n’échappe pas à cette règle. Il s’est pourtant enrichi, à juste titre, cette année, d’un échelon hiérarchique supplémentaire, tandis qu’une nouvelle instance, chargée de rassembler les connaissances et les savoir-faire relatifs à la politique de la ville est mise à l’essai. Par ailleurs, la composition du Conseil national des villes (CNV) et de la Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DIV) a été renouvelée en même temps que le champ de leur mission a été élargi.

1. Un ministre pour conduire la politique de la ville

Les souhaits qu’exprimait l’an dernier le rapporteur sur la nécessité de densifier l’impulsion gouvernementale ont été suivis.

La présence d’une autorité politique focalisant les énergies montre que l’instauration d’un ministère délégué n’entraîne pas un alourdissement de la chaîne hiérarchique. Elle permet de fédérer les actions de tous les secteurs gouvernementaux sous l’autorité d’une personnalité politique qui peut s’y consacrer à temps plein tout en ayant le poids nécessaire pour être un interlocuteur entendu.

Le décret n° 98-242 du 2 avril 1998 relatif aux attributions déléguées au ministre de la ville précise que M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, exerce par délégation de la ministre de l’emploi et de la solidarité les attributions de celles-ci relatives à la ville. Il dispose de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DIV) et en tant que de besoin, des directions et services des autres ministères qui concourent à la préparation et à la mise en œuvre de la politique de la ville. Il a autorité sur la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la direction générale de la santé, la direction de l’action sociale, la direction de la population et des migrations, la délégation interministérielle à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et il dispose de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Il peut présider le comité interministériel des villes (CIV) qui prend les décisions relatives à la politique de la ville, arrête les orientations, définit les programmes et répartit les moyens. A cet égard, le comité interministériel qui s’est tenu le 30 juin dernier est particulièrement important puisqu’il fixe les quatre objectifs de la nouvelle politique de la ville :

- garantir le pacte républicain sur tout le territoire ;

- renforcer la cohésion sociale dans les villes,

- mobiliser autour d’un projet collectif impliquant tous les acteurs exerçant une responsabilité vers la politique de la ville,

- et construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.

2. Le Conseil national des villes et la Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain sont redynamisés

Le Conseil national des villes (CNV) et la Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DIV) sont tous deux des organismes de niveau national dans la composition, les moyens ou les missions viennent d’être remis à jour pour mieux s’adapter aux nouveaux besoins.

a) Le Conseil national des villes

Instance de propositions à l’élaboration de la politique de la ville, le CNV procède à des études et des recherches principalement dans les domaines suivants : la lutte contre les processus d’exclusion, la définition de nouvelles collaborations entre l’Etat et ses partenaires, la prévention de la délinquance et l’évolution de la ville. Il publie chaque année un rapport destiné à l’information du public.

Par arrêté du 16 juin 1998, sa composition a été renouvelée. Il comprend vingt-cinq élus nationaux ou locaux et quinze personnalités qualifiées désignés par le Premier ministre. Plus représentatif, le nouveau conseil devrait être un lieu de débat politique ouvert, critique et prospectif sur la politique de la ville.

Lors de l’installation du nouveau conseil, le Premier ministre a exprimé qu’ “ à côté de la DIV il revient au CNV d’organiser une véritable confrontation entre les logiques de l’Etat, des élus les besoins des professionnels et les aspirations des populations... il doit animer au niveau local et national le débat et la réflexion sur la politique de la ville sur le long comme sur le court terme. Je souhaite que le conseil soit un lieu de débat et de partage des expériences ; ainsi, il pourra jouer son rôle d’évaluation, de repérage des évolutions... il ramènera toutes ces interpellations vers les pouvoirs publics et facilitera le renouvellement de l’action publique en direction des villes... ”.

Reprenant ces propos pour définir le rôle du CNV, le CIV de juin 1998 a, en outre, décidé que le CNV devait engager une réflexion sur les modalités d’associations et de consultation formelle des habitants dans le cadre des articles L. 2143-2 et L. 2142-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux conseils de quartier ; par ailleurs, il est prévu que la DIV et le CNV organiseront conjointement un séminaire national sur la prévention et la sécurité.

b) La Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain

Administration de mission, la DIV est un service exclusivement consacré à la politique de la ville. Elle est organisée autour de six départements techniques coordonnés par un secrétaire général.

Elle dispose d’un centre de ressources et d’un service de communication et du logement. Par décision du 15 mai 1998, du ministre du l’équipement, des transports et du logement, son effectif vient d’être porté à 100 agents grâce à six mises à disposition de fonctionnaires de l’Etat et au transfert de 5 000 points prélevés sur différents ministères. Toutefois, 84 postes seulement sont actuellement pourvus. Les vacances seront comblées en fonction des missions qui seront confiées à la DIV. Par ailleurs, Mme Claude Brevan, nouvelle déléguée interministérielle à la ville depuis le ber août, est mandatée pour présider un comité des directeurs de la politique de la ville afin d’assurer la mise en œuvre et le suivi des décisions prises par le CI entre les réunions du comité.

3. Un conseil de sécurité intérieur réorienté

Créé à l’origine pour prendre les mesures de sécurité publique qu’imposaient les attentats à la bombe au début des années 80, le conseil de sécurité intérieur a été à nouveau réuni pour tenter de faire face à l’insécurité croissante qui sévit dans les quartiers relégués et dans certaines écoles.

De nombreux secteurs de l’action gouvernementale devant être mobilisés, il rassemble, sous l’autorité du Premier ministre, des membres permanents auxquels peuvent se joindre d’autres ministres concernés par les problèmes abordés.

Sont membres permanents les ministres de la justice, de l’intérieur, de la défense, de l’économie et des finances et de l’industrie et le secrétaire d’état chargé du budget.

Ont participé en outre aux séances des 8 juin et 12 octobre derniers la ministre de l’emploi et de la solidarité, le ministre délégué à la ville, le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie et le ministre délégué à l’enseignement scolaire et, pour la dernière réunion, le secrétaire d’Etat à la santé. Le relevé des décisions prises par le CSI au cours de ces dernières réunions montre que les pouvoirs publics - contrairement à une idée reçue - ne baissent pas les bras. La méconnaissance par le public du travail accompli tendrait en revanche à prouver qu’un effort de communication devait parallèlement être accompli.

Au cours de la réunion du 8 juin, ont été prises des décisions relatives à l’environnement des jeunes, à la réponse systématique rapide et limpide qu’il convient de donner à chaque acte de délinquance et au plan d’action gouvernemental territorialisé.

Il s’agit, dans une dizaine de départements, d’évaluer les relations entre la justice et les conseils généraux en matière de protection de l’enfance, de mettre en place des classes relais, d’établir des conventions départementales pour la prévention des violences scolaires, d’exploiter les résultats d’une enquête sur la santé mentale des adolescents et la protection judiciaire de la jeunesse, et de former les personnels dans 26 départements prioritaires où la délinquance est la plus forte et de la convention avec l’Association AGIR-ABCD pour l’accompagnement vers l’emploi de jeunes confiés à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

La circulaire de politique pénale en matière de délinquance juvénile en date du 15 juillet 1998 met l’accent sur la nécessité :

- d’apporter une réponse rapide aux premiers faits de délinquance en ayant recours aux délégués du Président de la République spécialisés en matière de mineurs - leur effectif devant passer de 117 à 200 fin 1999 - ;

- de développer les mesures de réparation ;

- d’assurer une continuité de l’action éducative ;

- d’améliorer les conditions d’incarcération ;

- d’associer davantage les familles et l’ensemble des acteurs concernés par la délinquance juvénile.

Un premier bilan d’application de la circulaire du 15 juillet 1998 a été demandé aux parquets pour le 15 octobre dernier.

D’ores et déjà, il est permis d’affirmer que si la répression lors des vols, des actes de vandalisme, des dégradations et des violences commis lors des premières manifestations de lycéens du 5 octobre dernier a été rapide, puisque les jugements ont été rendus dans les trente-six heures qui ont suivi les faits, sa crédibilité, en revanche, a été largement amoindrie du fait qu’une vingtaine de coupables seulement ont pu être punis. Or, manifestement, de nombreux auteurs des faits les plus graves n’ont pas pu être appréhendés par les forces de l’ordre, renforçant tant auprès de l’opinion publique que des coupables un fort sentiment d’impuissance de la part de l’autorité publique. Fort heureusement, le dispositif d’encadrement de la seconde journée de manifestation a pu effacer cette fâcheuse impression.

S’agissant de la réorganisation du dispositif d’accueil des mineurs délinquants, des propositions de modification du code de l’organisation judiciaire visant à assurer une spécialisation effective des magistrats du parquet et des juges d’instruction sont en cours au ministère de la justice, une cellule de coordination de l’accueil d’urgence entre PJJ et secteur associatif est mise en place dans chacun des 26 départements prioritaires. 150 emplois nouveaux dont 110 éducateurs sont créés. Deux centres éducatifs renforcés sont maintenus, tandis que huit autres nouveaux projets sont à l’étude. La capacité de placement familial a été augmentée de 40 places en 1998, tandis que 75 autres sont programmées pour 1999.

Il est prévu enfin de créer ou d’aménager des petits quartiers dans les maisons d’arrêt réservées aux mineurs et jeunes majeurs, de réexaminer la carte de ces quartiers et, en collaboration avec l’administration pénitentiaire, de former le personnel qui y est affecté.

La lutte contre la délinquance des mineurs nécessite de mieux coordonner l’intervention de tous les ministères dans le cadre d’actions territorialisées et ciblées. Au plan des méthodes, on note que :

- la compétence des brigades des mineurs de la police nationale sera étendue au traitement des actes commis par les mineurs en milieu scolaire dans les 26 départements prioritaires et le nombre des brigades de prévention de la délinquance juvénile de la gendarmerie sera porté de 10 à 20 dès cette année ;

- un “ correspondant local police-jeunes ” chargé de tenir le “ tableau de bord ” de la délinquance des mineurs sera nommé dans chaque circonscription de sécurité publique ;

- un “ référent police-jeunes ”, officier de police ou cadre de la fonction publique sera en charge de la coordination et de l’information au niveau départemental, tandis que la gendarmerie adoptera un dispositif similaire ;

- les personnels de police et de gendarmerie feront l’objet d’un effort massif de formation aux problèmes posés par les mineurs :

- les vice-présidents des tribunaux pour enfants seront en charge des conseillers délégués à la protection de l’enfance, pour lesquels des postes de magistrats et de juges pour enfants seront créés, assurant la coordination.

Les missions de la PJJ vont évoluer en particulier pour mieux prendre en charge les mineurs les plus difficiles, participer à des actions d’évaluation, de formation et de prévention. Des moyens supplémentaires, une déconcentration accentuée et la réforme, en vue d’une action plus territorialisée, du statut des directeurs territoriaux sont prévus.

La mise en œuvre du plan de lutte territorialisée contre la délinquance a pour base une géographie prioritaire et s’inscrit dans une logique de programmation pluriannuelle, engagé sur tout ce territoire mais les moyens seront néanmoins prioritairement concentrés dans les villes des 26 départements prioritaires.

Le dispositif s’appuie sur une coordination de l’action du préfet, du procureur et des autorités académiques, en liaison avec les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD) et les groupes locaux de traitement de la délinquance.

Préfets, procureurs et recteurs établissent un plan d’action, dans le cadre des contrats locaux de sécurité portant notamment sur la prévention à l’école, la soutien aux parents, le recrutement et la formation de bénévoles comme délégués du procureur et pour assister les éducateurs professionnels, des délégués à la liberté surveillée pour suivre les mineurs faisant l’objet de mesures judiciaires.

La lutte contre les trafics de drogue et la toxicomanie fait partie également des objectifs du plan.

Enfin, une concertation est engagée avec les conseils généraux pour tout ce qui relève de la protection de l’enfance, en particulier pour l’hébergement.

L’ordre du jour du conseil de sécurité intérieur du 12 octobre a porté sur trois points :

- l’évaluation des contrats locaux de sécurité lancés par la circulaire du 28 octobre 1997 ;

- le suivi des décisions du conseil relatives à la délinquance des mineurs ;

- la mise en place d’un groupe de travail chargé de réfléchir à l’élaboration d’une véritable politique publique d’aide aux victimes.

En ce qui concerne le premier point, une circulaire interministérielle, tirant les conséquences des contacts effectués sur le terrain, sera très prochainement diffusée. Elle proposera des avenants pour améliorer les contrats, y associer les conseils généraux et mobiliser certains services d’Etat, en particulier les DDAS pour la lutte contre les toxicomanies et l’alcoolémie ainsi que les agences régionales d’hospitalisation pour qu’elles intègrent dans leur schéma d’organisation les dispositions relatives à la psychiatrie infanto-juvénile. Il est également prévu que le ministre délégué à la ville proposera un protocole simplifié de concertation pour améliorer l’articulation entre politique de la ville et contrats locaux de sécurité. L’affectation des moyens fera l’objet d’une hiérarchisation des priorités et l’animation des contrats locaux de sécurité va être dynamisée : la mise en place de la cellule d’animation présidée par le préfet, le vice-président étant un magistrat, permettra des échanges d’expérimentation et la diffusion d’outils méthodologiques auprès des acteurs locaux.

Les 26 départements prioritaires feront l’objet d’une réunion particulière présidée par les ministres et rassemblant leurs préfets, leurs procureurs et leurs recteurs.

Enfin, il est prévu d’engager une réflexion sur les actions nouvelles à conduire en matière de prévention, de mode d’intervention de la police nationale et sur la participation de la justice.

Le suivi du programme de lutte contre la délinquance des mineurs arrêté le 8 juin a permis de constater la mise en place de nouvelles classes relais -dont le nombre devrait atteindre l’objectif de 100 classes prévu pour la fin de janvier -, la création dans une dizaine de départements prioritaires d’une nouvelle cellule d’accueil d’urgence pour le placement de mineurs délinquants en fin de semaine ainsi qu’une hausse remarquable des mesures de réparation (+ 1 000) ordonnées par les magistrats.

Sur ce dernier point, il convient de signaler que le Premier ministre adresse aux préfets, procureurs généraux et recteurs, dans les jours prochains une circulaire qui insiste tout particulièrement sur la nécessité de donner une réponse systématique à chaque fait répréhensible commis par un mineur.

L’étude relative à la mise en œuvre d’une véritable politique publique d’aide aux victimes demandée par le Premier ministre dans son discours prononcé à Villepinte a été confiée à un groupe de travail présidé par un maire et assisté d’un magistrat qui exercera les fonctions de rapporteur. Le cahier des charges du groupe de travail sera axé sur les trois directions suivantes :

- recenser, évaluer et comparer les dispositifs d’aide aux victimes relevant de l’action publique ;

- proposer une articulation entre ces différents services, au plan local comme au plan national, en veillant à la coordination des actions ;

- développer l’information des victimes.

Par ailleurs, dans le cadre des mesures destinées à assurer une sécurité égale pour tous et portant sur l’ensemble du territoire, il a été décidé de poursuivre certaines actions de fonds. A cet égard, une mission de consultation et de coordination sur l’organisation des forces de sécurité avec l’affectation prioritaire des moyens dans les zones où la délinquance est la plus forte et la réorganisation des services de police et de gendarmerie - chère au rapporteur - a été confiée à M. Guy Fougier.

4. L’Institut de la ville, nouvelle mémoire de la ville

Le comité interministériel des villes (CIV) du 30 juin dernier a décidé la création, en lien avec les associations d’élus locaux, d’un Institut de la ville ayant pour vocation essentielle de rassembler, de valoriser et de diffuser les connaissances et les savoir-faire.

Une mission de préfiguration a été confiée à M. Georges Cavalier, ingénieur général des ponts et chaussées. L’Institut pourra éventuellement prendre part à l’évaluation des politiques publiques afférentes à la ville, mettre au point des programmes de formation de haut niveau et organiser des colloques nationaux et internationaux sur la ville.

Plus qu’une mémoire active de la ville, l’Institut devra évoluer de manière interactive puisque son action devra, en outre, s’articuler avec les centres de ressources qui existent déjà dont celui de la DIV et les cinq nouveaux centres régionaux de ressources dont la création a été également décidée au cours du même CIV.

B. DES MISSIONS RICHES D’ENSEIGNEMENT

Arrivé au terme des contrats de ville, et avant de lancer de nouvelles actions, il était temps de “ prendre le temps de la réflexion ”. C’est pourquoi, soucieux d’entreprendre une politique de la ville qui puisse mettre fin à une quinzaine d’années d’intervention sans réussite probante, le Gouvernement a souhaité pouvoir disposer à la fois d’un état des lieux précis des problèmes des villes et de propositions sur les orientations qu’il conviendrait de suivre pour adapter les villes au siècle qui vient.

Cette mission a été confiée par Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité à M. Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans.

Par ailleurs, l’urgence que représente la restauration de la sécurité, en particulier dans les zones urbaines les plus défavorisées, et sans laquelle rien ne peut être entrepris, a conduit M. Lionel Jospin, premier ministre, à confier à des parlementaires des missions d’analyse et de propositions.

La première, qui porte sur le traitement de la délinquance des mineurs a été confié à Mme Christine Lazerges, députée de l’Hérault et M. Jean-Pierre Balduyck, député du Nord.

La seconde a trait à la nouvelle répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire nationale. Elle a été confiée à M. Jean-Jacques Hyest, sénateur de Seine-et-Marne et au rapporteur.

Les conclusions des deux premiers rapports ont pu donner lieu à un début d’application. En revanche, le déplacement de commissariats de police ou de poste de gendarmerie préconisé dans le dernier suscite des inquiétudes dans les communes concernées. Le Gouvernement a, en conséquence, décidé de prolonger la période de consultation jusqu’à la fin de l’année.

1. Le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, “ Demain, la ville ”

Le rapport de M. Jean-Pierre Sueur dresse un bilan de la politique de la ville de ces quinze derniers années, en dégage les problématiques et formule 50 propositions dont s’inspirent largement les décisions prises par le dernier conseil interministériel des villes du 30 juin dernier.

Parmi les propositions les plus importantes, il convient de noter celles qui suivent :

- donner plus d’ampleur à la politique de la ville qui fait l’objet d’une loi de programmation sur dix ans avec des moyens annuels équivalents à ceux engagés pour les emplois-jeunes (n° 1 et 19) ;

- prévoir la participation démocratique des habitants (n° 2) pour bâtir la ville de demain ;

- inscrire les opérations de “ reconstructions démolitions ” dans un cadre plus large que les quartiers (n° 4) ;

- élever le niveau pertinent de décision à l’agglomération autour de laquelle s’organise l’élection au suffrage universel de son assemblée, des transferts de compétences sociales, urbaines, fiscales (taxe professionnelle) (n° 4 à 11) et les contrats d’agglomération (n° 30) ;

- substituer la “ multimodalité ” au “ tout automobile ” en intervenant dans les transports en commun en site propre (n° 14) ;

- renforcer les pouvoirs propres et le caractère interministériel du ministère chargé de la ville (n°s 17 et 18) ;

- réévaluer les rôles de la DIV et du CNV (n°s 47 et 48) ;

- créer des structures de recherche et de statistique de connaissances sur la ville (n° 49 et 50) ;

- réviser le financement des communes (DSU, DGF) (n° 20) établir de nouveaux prêts de la CDC à taux bonifiés (n° 22) et augmenter la contribution des régions (n° 21) ;

- réorienter la participation de l’Europe (n° 23) ;

- rééquilibrer l’offre de services publics dans les zones défavorisés (n° 33) ;

- rénover la politique de l’immobilier : réhabiliter la loi d’orientation pour la ville pour relancer la mixité sociale, établir des plans locaux d’habitation (PLH) intercommunaux, restaurer les copropriétés dégradées (n°s 34 à 37) ;

- restaurer la sécurité par l’adaptation de la police aux réalités du terrain et un renforcement de la prévention de la délinquance (n°s 37 et 38) ;

- relancer l’insertion et la rénovation urbaine par l’économique (n°39 et 40) ;

- rétablir la chaîne éducative et la chaîne sanitaire (n°s 41 et 43).

2. Le rapport sur une meilleure répartition géographique des forces de sécurité publique

En conclusion de la mission conduite conjointement avec M. Jean-Jacques Hyest, sénateur de Seine-et-Marne, il apparaît clairement que les forces de sécurité publique ayant bien évidemment pour mission essentielle de faire baisser la délinquance de voie publique, objectif pour lequel elles ont une obligation de résultat, toute réforme de ses deux composantes, police et gendarmerie, lui est subordonnée.

Les 65 propositions recensées par la mission peuvent, comme l’ont fait leurs auteurs, être groupées selon trois orientations principales :

- donner une priorité absolue dans la répartition des effectifs dans les régions les plus touchées par la délinquance, - c’est le cas de la grande couronne parisienne - des grandes agglomérations dépourvues et du pourtour méditerranéen ;

- modifier leur mode de fonctionnement pour l’adapter aux besoins ;

- systématiser le partenariat et la collaboration entre ces deux institutions comme avec les administrations et les élus.

Des solutions de bon sens s’imposeront donc à l’évidence :

- La police doit se retirer des petites agglomérations pour se concentrer sur les grandes zones urbaines.

- La gendarmerie doit prendre en charge ces villes et intensifier son action dans les zones péri-urbaines.

- Les deux institutions doivent, d’une part accentuer leur coopération, d’autre part faire évoluer leurs doctrines et leurs modes d’organisation, pour offrir à nos concitoyens une meilleure sécurité.

- Les politiques de partenariat au niveau national et local doivent s’affirmer. En particulier, une politique pénale et préventive plus efficace et plus cohérente doit être mise en œuvre.

- En contrepartie du redéploiement des forces de police et de gendarmerie, il est indispensable d’adapter leurs moyens de fonctionnement et d’équipement à leur nouvelle mission.

- La concertation et la communication avec les personnels comme les élus doivent être, en toute transparence, renforcée.

3. Le rapport sur les “ réponses à la délinquance des mineurs ”

Le rapport remis en avril dernier par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck repose sur le constat que la délinquance des mineurs est un phénomène ancien et qui suscite toujours l’inquiétude. En revanche, sa progression rapide en quantité et en gravité ainsi que le rajeunissement des délinquants sont des faits nouveaux qui nécessitent une réponse globale. Elle sera le fait d’une politique publique d’envergure répondant à deux types d’objectifs.

Le premier consiste à mobiliser les acteurs de la socialisation pour agir en amont de la délinquance.

En aval, il est nécessaire d’affirmer la responsabilité du mineur  : il appartient à la police et à la gendarmerie, ainsi qu’à la justice, de renouveler leurs réponses.

Les 135 réponses formulées par les auteurs ont été en grande partie reprises lors du conseil de sécurité intérieur du 8 juin dernier et ont fait l’objet de décisions prises lors du CIV du 30 juin dont les prolongements budgétaires ont été inscrits dans le projet de loi de finances.

Pour ce qui a trait à la prévention, elles concernent essentiellement :

- les parents, à qui il est nécessaire d’apprendre leur rôle et leur responsabilité ;

- l’éducation nationale qui dispose déjà d’outils adaptés mais qu’il convient de porter à hauteur des besoins ;

- les départements dont les services d’aide sociale à l’enfance et de suivi de la santé mentale des adolescents doivent être également mis à niveau ;

- les collectivités territoriales à travers les conseils de prévention de la délinquance et le bon usage des dispositifs d’emploi pour lesquels ils sont ciblés ;

- les proposition portant sur le second volet - police, gendarmerie et justice - sont bien évidemment les plus nombreuses :

- concernant la police et la gendarmerie, il s’agit de former les personnels et d’adapter les structures à la délinquance des mineurs, d’accélérer le redéploiement des forces de sécurité dans les zones sensibles et de développer une police de proximité, de doter la police de moyens supplémentaires pour accélérer le travail de police  judiciaire et interpeller à brève échéance les auteurs.

Les mesures liées à la justice privilégient le développement d’une justice de proximité, plus rapide, apportant une réponse systématique à chaque acte de délinquance. Il est recommandé de renforcer l’effectif des juges pour enfants, de réorganiser les juridictions pour mineurs, d’utiliser toutes les possibilités de l’ordonnance du 2 février 1945 et de mettre en jeu tous les moyens juridiques dont peuvent disposer les parquets qui doivent par ailleurs définir une politique pénale harmonisée pour tout le territoire. Les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse en charge de l’exécution des mesures de justice à l’égard des mineurs doivent être considérablement renforcées et ses missions redéfinies. Les conditions d’incarcération doivent aussi subir des transformations radicales, le temps de détention devant être consacré à la réinsertion.

Enfin, les capacités d’accueil et d’hébergement doivent être multipliées, qu’il s’agisse de l’accueil familial, des internats ou des centres à encadrement éducatif renforcé pour des séjours dits “ de rupture ”.

C. UNE LÉGISLATION REFONDATRICE DU PACTE RÉPUBLICAIN

L’activité parlementaire, particulièrement dense au cours de la dernière session, a permis d’adopter des textes essentiels pour que soit déclenchée la réforme du processus républicain de progrès social et d’intégration qui semblait avoir disparu depuis bientôt 25 ans.

1. Intégration

Les dispositions, de portée générale, de la loi relative à la réduction du temps de travail et de la loi d’orientation de lutte contre les exclusions favoriseront l’intégration par l’économique tandis que trois autres lois renforçant l’intégration par l’accès à la nationalité, à la citoyenneté et au droit au séjour et à l’asile sont également intervenues depuis l’automne dernier.

a) Loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales

Cette loi, qui répond aussi à un souhait du Président de la République, est un élément du “ Pacte républicain ” proposé par le Premier ministre à l’occasion de la déclaration de politique générale de juin 1997. Cette réforme consiste en l’inscription automatique des jeunes antérieurement à leur majorité sur les listes électorales de leurs communes et vise à une forme de conscience républicaine citoyenne au sein d’une population qui paraissait s’éloigner de plus en plus d’une telle démarche.

b) Loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité

L’entrée en vigueur, le 1er septembre dernier, des nouvelles dispositions de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relatives à l’acquisition de la nationalité française sont largement inspirées des propositions retenues par M. Patrick Weil, membre du Haut conseil à l’intégration en juillet 1997.

Elle va permettre aux 25 000 enfants qui chaque année naissent en France de parents étrangers et ont vocation à devenir français, d’éviter de rester étrangers sans le vouloir expressément.

Combinant droit du sol, qu’elle renforce, et droit du sang, qui est une tradition du droit français de la nationalité, le texte réintroduit la plupart des dispositions relatives à la loi du 22 juillet 1993, en supprimant notamment la manifestation de volonté : le droit des parents étrangers d’obtenir la nationalité française pour leurs enfants mineurs est rétabli à partir de leur treizième anniversaire tandis que la suppression du double droit du sol pour les jeunes d’anciennes colonies françaises autres que l’Algérie est maintenu. La principale mesure porte sur l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française à la majorité dès lors que l’enfant aura vécu en France pendant cinq ans depuis l’âge de onze ans mais cette restriction tombe pour tout mineur né de parents étrangers qui incorpore d’anciens Français en qualité d’engagés.

La nationalité française acquise automatiquement peut être refusée à condition de faire la preuve d’avoir la nationalité d’un Etat étranger.

Par ailleurs, la loi assouplit les conditions d’accès à la nationalité française :

- le délai d’acquisition par mariage est ramené de deux ans à un an ;

- la condition de résidence en France pour un enfant adopté par un Français habitant à l’étranger est supprimée ;

- le délai de naturalisation – cinq ans de résidence en France – est supprimé pour les étrangers bénéficiant du statut de réfugié politique. Le délai d’instruction est limité à 18 mois, pouvant être prolongé d’une seule période de 3 mois et les refus sont motivés par l’administration ;

- la preuve de la nationalité française est facilitée : la délivrance du premier certificat de nationalité figure sur l’acte de naissance dont les extraits listent les mentions relatives à la nationalité ;

- un titre d’identité républicain délivré à tout mineur né en France de parents étrangers titulaires d’une carte de séjour suivie de justificatif d’identité aussi bien pour la circulation à l’intérieur des frontières européennes que pour les actes courants de la vie quotidienne.

c) Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile

La dernière loi est relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile.

Les modifications qu’apporte cette loi à la législation antérieure portent essentiellement aux visas dont le refus doit dans certains cas être motivé, aux titres de séjour dont le nombre est augmenté, au regroupement familial dont les conditions seront assouplies et au droit d’asile.

La loi énonce neuf nouvelles exceptions au principe de non-motivation du refus de visa. Elles concernent principalement les membres de la famille, les personnes résidant en France, le regroupement familial, les travailleurs autorisé à exercer une activité salariée en France et les étudiants suivant des études supérieures.

La loi crée de nouveaux titres de séjour précisant la qualité de résident : retraités, scientifiques, profession artistique et culturelle, vie privée et familiale. Le bénéfice de certaines cartes de séjour temporaires délivrées de plein droit est en outre étendu. Il concerne entre autres le regroupement à caractère familial, les étrangers dont l’état de santé nécessite des soins indispensables qui ne sont pas dispensés dans le pays d’origine, et ceux qui ont fait leur scolarité en France.

La délivrance de plein droit de la carte de résident n’est plus subordonnée à une entrée régulière sur le territoire français, ni à la résidence habituelle en France au moment de la demande.

La commission du titre de séjour remplace la commission du séjour des étrangers. Elle est saisie par le préfet quand il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire ou une carte de résident. Le regroupement familial est facilité : le délai de résidence régulière est réduit de deux ans à un an et les enfants du conjoint peuvent sous certaines conditions vivre en France. Si les ressources du couple sont supérieures au SMIC, l’administration ne peut invoquer leur insuffisance pour refuser le regroupement tandis que le logement pris en compte sera celui dont le demandeur bénéficiera à la date d’entrée de sa famille.

Les dispositions concernant le droit d’asile étendent la reconnaissance de la qualité de réfugié à toute personne persécutée pour son engagement pour la liberté visée par le préambule de la Constitution de 1946 : “ Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ”. En outre, le ministère de l’intérieur peut accorder à un étranger l’asile territorial quand la qualité de réfugié ne lui a pas été reconnue.

En contrepartie, tout en réunissant les proches, il est créé une nouvelle incrimination relative à l’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier. Par ailleurs, les droits de défense des personnes reconduites à la frontière sont renforcés et les critères d’expulsion assouplis.

Enfin parmi les dispositions les plus controversées de l’ancienne législation il faut saluer la disparition du certificat d’hébergement, de l’interdiction administrative du territoire et de l’ajournement avec rétention judiciaire.

La clarté du dispositif adopté n’exclut pas une mise en œuvre délicate sur le plan humain. La fermeté, dans le respect strict de la loi, est cependant nécessaire pour la réussite de l’intégration des populations concernées.

2. Emploi et lutte contre les exclusions

L’emploi est la préoccupation majeure des Français. C’est même la pierre d’achoppement de l’édifice social. Reposent sur lui la richesse de la nation et celles des individus en même temps qu’il donne un sens à leur rôle dans la société. Il sert encore de ressource principale pour financer la solidarité et la mutualisation des risque de la vie. A l’opposé, le chômage qui, à l’instar de nombreux pays européens, frappe notre économie, entre pour une bonne part dans la relégation dont souffre une partie de la population et, en conséquence, dans celles de certaines de nos villes.

Deux lois qui peuvent être considérées comme apportant une contribution majeure à la resocialisation des populations concernées ont été adoptées. L’une, promulguée il y a un an, vise à donner un emploi à un grand nombre de jeunes gens, l’autre, adoptée cet été, a pour objet de lutter contre les exclusions.

a) La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes

L’objet de la loi est de promouvoir le développement d’activités créatrices d’emploi pour les jeunes, répondant à des besoins émergeants ou non satisfaits et présentant un caractère d’utilité sociale, notamment dans les domaines des activités sportives, culturelles, éducatives d’environnement et de proximité.

150 000 emplois jeunes auront été créés d’ici la fin de l’année pour des jeunes de préférence sans qualification âgés de 18 à 26 ans, et jusqu’à 30 ans pour des handicapés ou sous certaines conditions. Cet effectif sera porté à 250 000 fin 1999.

Engagés au terme d’un contrat à durée déterminée pour cinq ans pour un emploi à temps plein, ils sont rémunérés jusqu’à 120 % du SMIC. Leurs employeurs sont l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les autres personnes morales de droit public, les organismes privés à but non lucratif ou les personnes morales chargées de la gestion d’un service public.

Pour chaque contrat, l’aide de l’État s’élève à 92 000 F par an pour 60 mois.

Par ailleurs, tout risque de substitution à un emploi marchand a été écarté.

Au-delà du fait qu’il s’agit de réduire le chômage et en particulier le chômage des jeunes dont le taux était particulièrement élevé au moment de l’adoption de la loi, les fonctions occupées ont une utilité sociale indéniable qui s’inscrit en soutien de la politique de la ville. Il en est ainsi des 40 000 emplois jeunes affectés dans les écoles, en particulier dans les ZEP, au 15 000 emplois jeunes rémunérés par la jeunesse et les sports ou des 20 000 autres rejoignant la police nationale.

b) La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions

Il peut paraître plus pertinent d’évoquer la loi d’orientation contre les exclusions dans le cadre de l’avis budgétaire relatif à la solidarité nationale et à la lutte contre les exclusions.

Toutefois, il convient de souligner la contribution de cette loi à la restauration de la paix dans les quartiers dans la mesure où elle pourra jouer un rôle préventif.

Les mesures relatives au soutien des familles surendettées ou appauvries par manque de ressources couvrent les besoins essentiels de la vie courante. Il s’agit du maintien au logement, des minima insaisissables sur rémunération, prestations familiales ou prestations en matière de l’assurance maladie, des fournitures minimales d’eau, d’électricité et de téléphone, du rétablissement des bourses de collège ou du traitement du surendettement. Elles permettront à certaines familles de ne pas être disloquées par le drame de l’expulsion ou du placement éventuel des enfants.

L’amélioration des conditions de vie, certes à un niveau extrêmement modeste, des familles qui plongeaient dans l’exclusion est indispensable pour assurer correctement leur rôle parental d’éducation et peut, à ce titre, éviter que leurs enfants ne viennent un jour gonfler les troupes de la délinquance.

II.- UN EFFORT BUDGÉTAIRE EN PROGRESSION SPECTACULAIRE

Du fait de la restauration d’un ministère de la ville avec la nomination de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, les crédits de la politique de la ville pour 1999, sont à nouveau réunis dans une seul agrégat (01- Politique de la ville et du développement social urbain) et font l’objet d’un bleu indépendant “ Emploi et solidarité III - ville ”.

En revanche, les crédits de l’intégration ne sont pas cette année présentés isolément puisqu’ils sont rassemblés avec les crédits destinés à la lutte contre l’exclusion inscrits dans l’agrégat 05 et publiés dans le bleu “ Emploi et solidarité II.- Santé et solidarité ”.

A. LES CRÉDITS DE LA VILLE

Il est rare que l’examen du budget du secteur ministériel qu’il est en charge de contrôler soit autant motif à satisfaire un rapporteur parlementaire que le projet de finances peut l’être pour les crédits de la politique de la ville qui bénéficient, pour 1999, de la plus forte progression.

Mais, au-delà même des chiffres, le premier sujet de satisfaction réside dans le fait qu’aucun gel ou annulation de crédit n’a obéré courant 1998 l’action du ministère. Les craintes qu’exprimait sur ce point le rapporteur l’année dernière furent donc, fort heureusement, sans fondement.

1. Un budget à la hauteur des enjeux

Tirant le bilan de plus de quinze années d’interventions et se basant sur les conclusions du rapport de M. Jean-Pierre Sueur, le conseil interministériel des villes du 30 juin 1998 a décidé d’orienter la politique de la ville selon quatre objectifs :

- garantir le pacte républicain sur tout le territoire,

- renforcer la cohésion sociale dans les villes,

- mobiliser autour d’un projet collectif,

- construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.

Une telle ambition a bien évidemment pour corollaire la mise à disposition de moyens renforcés tant au plan du fonctionnement que celui du financement.

Rassemblés dans le tableau ci-contre, les crédits spécifiques de la ville progressent, en crédits de paiement - les plus significatifs car leur existence est nettement moins aléatoire que celle des autorisations de programmes -, de près du tiers et atteignent ainsi le montant hautement symbolique du milliard de francs.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS “ VILLE ”

ENTRE 1997 et 1998 (agrégat 01)

Chapitres

et

articles

 

LFI 97

PLFI 98

Mesures

acquises

Mesures

nouvelles

Total pour 1999

% PLF/99/PLF/98

Chapitres et articles

Titre III

MOYENS DES SERVICES

             

34-60

Information, réalisation et diffusion

de publications (ancien)

             

10-01

Politique de la ville et du développement social urbain (ancien)

4 000 000

0

         
 

Total du chapitre

4 000 000

0

         

37-60

Moyens de fonctionnement des services en charge de la politique de la ville

           

37-60

10-07

Délégation interministérielle à la ville

et au développement social urbain

13 000 000

13 000 000

13 000 000

+ 6 870 000

19 870 000

+ 52,9

10-01

20-07

Dépenses nationales d’animation

2 000 000

0

       

20-01

30-07

Actions déconcentrées d’animation (ancien)

3 950 000

0

         

40-07

Remboursement des frais de soins des appelés ville en quartiers urbains

-

2 000 000

2 000 000

- 500 000

1 500 000

- 25,0

40-01

50-07

Communication

-

3 400 000

3 400 000

+ 1 600 000

5 500 000

+ 47,0

50-01

 

Total du chapitre

18 950 000

18 400 000

18 400 000

+ 7 970 000

26 370 000

+ 43,3

 

37-82

Dépenses déconcentrées de modernisation et d’animation de la politique de la ville

           

37-82

10-07

Projets de service public de quartier

81 000 000

63 500 000

63 500 000

+ 10 000 000

73 500 000

+ 15,7

10-01

20-07

Dépenses déconcentrées d’animation

 

4 100 000

4 100 000

+ 10 000 000

14 100 000

+ 344

20-01

 

Total du chapitre

81 000 000

67 600 000

67 600 000

+ 20 000 000

87 600 000

+ 29,6

 

Titre IV

INTERVENTIONS PUBLIQUES

Action sociale, assistance et solidarité

             

46-60

Interventions en faveur de la politique de la ville et du développement social urbain

           

46-60

10-07

Contrats de ville, programmes d’aménagement concertés du territoire (PACT-Urbains) et autres actions

337 260 000

373 520 000

373 520 000

+ 156 480 000

530 000 000

+ 41,9

10-01

20-02

Initiatives concourant à la mise en œuvre de la politique de la ville (ancien)

15 500 000

0

         

30-07

Partenariat national

10 820 000

8 280 000

8 280 000

+ 20 000

8 300 000

+ 0,2

30-01

40-02

Actions de prévention de la délinquance (ancien)

25 575 000

0

         

50-07

Opérations ville, vie, vacances

44 000 000

45 000 000

45 000 000

+ 5 000 000

50 000 000

+ 11,1

50-01

60-07

Subventions pour la modernisation des services publics de quartiers

   

10 000 000

+ 13 500 000

23 500 000

+ 235

60-01

 

Grands projets urbains

     

+ 45 000 000

45 000 000

-

70-01

 

Total du chapitre

433 155 000

436 800 000

436 800 000

+ 220 000 000

656 800 000

+ 50,4

 
 

Total général des dépenses ordinaires (DO)

537 105 000

522 800 000

522 800 000

 

770 770 000

+ 47,4

 

Titre V

Investissements exécutés par l’Etat -

Equipements administratifs et divers

   

CP

Services

votés 1999

     

Titre V

57-71

Politique de la ville et du développement

social urbain : études et assistance technique

   

AP

demandées pour 1999

     

57-71

10-07

Politique de la ville et du développement social urbain CP

3 670 000

4 000 000

4 000 000

+ 12 000 000

16 000 000

+ 400

10-01

 

AP

4 170 000

2 000 000

18 000 000

 

18 000 000

+ 900

 
 

Totaux pour le chapitre CP

3 670 000

4 000 000

4 000 000

12 000 000

16 000 000

   
 

AP

4 170 000

2 000 000

18 000 000

 

18 000 000

   

Titre VI

Subventions et investissements accordés par l’Etat

Equipements administratifs et divers

   

CP

Services

votés 1999

     

Titre VI

67-10

Politique de la ville et du développement

social urbain

   

AP

demandées pour 1999

     

67-10

10-07

Fonds social urbain : opérations déconcentrées CP

120 025 000

110 000 000

52 000 000

+ 45 000 000

97 000 000

- 13,4

10-01

 

AP

202 025 000

170 000 000

150 000 000

 

150 000 000

- 133

 

20-07

Contrats de ville, programmes d’aménagement concertés du territoire (PACT Urbains) et autres conventions CP

150 000 000

63 000 000

30 000 000

+ 33 300 000

63 300 000

+ 0,5

20-01

 

AP

111 000 000

111 000 000

111 000 000

 

111 000 000

0

 

30-07

Grands projets urbains et établissements publics de restructuration urbaine CP

43 500 000

44 000 000

11 430 000

+ 28 570 000

40 000 000

- 10,0

30-01

 

AP

90 000 000

90 000 000

95 230 000

 

95 230 000

+ 5,8

 

40-07

Fonds social urbain : opérations non

déconcentrées CP

-

10 000 000

3 930 000

+ 9 000 000

12 930 000

+ 29,3

40-01

 

AP

 

30 000 000

30 000 000

 

30 000 000

0

 
 

Totaux pour le chapitre CP

313 525 000

227 000 000

97 360 000

115 870 000

213 230 000

- 6,5

 
 

AP

403 025 000

401 000 000

386 230 000

 

386 230 000

-3,8

 
 

Total général des crédits de paiement CP

317 195 000

231 000 000

101 360 000

127 870 000

229 230 000

- 0,8

 
 

Total général des autorisations de

programmes AP

407 195 000

403 000 000

404 230 000

 

404 230 000

+ 0,3

 
 

Total des moyens de paiement (DO + CP)

854 300 000

753 800 000

   

1 000 000 000

+ 32,7

 
 

Total des moyens d’engagements (DO + AP)

944 300 000

925 800 000

   

1 175 000 000

+ 26,9

 

Les crédits de fonctionnement du titre III bénéficient de 28 millions de francs supplémentaires (+ 32,5 %) répartis de la manière suivante :

- 6,9 millions de francs viennent renforcer les moyens de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) et du Conseil national des villes (CNV) (+ 53 %) qui développera son centre de ressource propre tandis que cinq centres régionaux seront créés en même temps qu’un Institut de la ville destinés à rassembler, échanger et diffuser les informations relative à la politique de la ville.

Par ailleurs, le renforcement des moyens mis à disposition du CNV est destiné à permettre au Conseil de mieux jouer son rôle de consultation, de proposition et de suivi.

- Les crédits de communication et de diffusion sont abondés de 1,6 million de francs, afin notamment d’élaborer les supports méthodologiques nécessaires aux évaluations et à la diffusion de leurs résultats.

- Une mesure nouvelle de 10 millions de francs est prévue en faveur des dépenses déconcentrées d’animation pour financer des programmes interministériels de formation des agents de l’État, notamment dans la perspective de la préparation des nouveaux contrats de ville,

- 10 millions de francs sont également inscrits pour développer les actions d’amélioration de l’accès aux services en particulier par la mise en place de plates-formes prévues dans les projets de service public de quartier.

- Seuls les crédits destinés au remboursement des frais de soins des “ appelés ville ” sont revus à la baisse (- 500 000 francs) afin de prendre en compte la réduction des effectifs du contingent.

Au titre IV, les crédits de subvention progressent de moitié, soit une augmentation de 220 millions de francs ainsi répartie :

- 156,5 millions de francs viennent compléter les dotations d’ores et déjà inscrites aux contrats de ville qui sont prorogés d’un an.

Cette enveloppe est destinée à financer des actions nouvelles ou à compléter la prise en charge des contrats anciens qui sont prorogés d’un an.

- Une dotation nouvelle de 45 millions est ouverte en faveur des communes rencontrant des difficultés à réaliser les grands projets urbains dans lesquels elles se sont engagées.

- 13,5 millions de francs supplémentaires viennent augmenter les subventions versées aux organismes publics participant à un projet de service public de quartier portant ainsi à 23,5 millions de francs le total des ou mesures nouvelles concernant l’aide au service public.

- L’opération “ ville, vie, vacances ” bénéficie d’une mesures nouvelle de 5 millions de francs.

Les crédits d’études et de paiement, assistance technique pour la ville (article 10.01, chapitre 57-71 du tire V) sont multipliés par 4. Ils permettront de financer les études nécessaires  :

- au lancement des nouveaux contrats de ville,

- à l’évolution des grands projets urbains qui devront mieux intégrer toutes les composantes d’une politique de la ville plus globale,

- à l’aménagement des sites pilotes.

Ces crédits sont caractérisés par leur souplesse et leur modernité en termes de financement public. Déconcentrés, fongibles, sans fléchage excessif, ils sont à la disposition des préfets. Cependant, volatiles, ils ne seront pas renouvelés.

La diminution des subventions d’investissements accordées par l’État pour les équipements administratifs (titre VI) (6,5 % en crédits de paiement) tient compte de la sous-consommation au cours d’exercices antérieurs des crédits qui ont fait l’objet de reports successifs.

Ces dotations regroupent les aides accordées aux projets inscrits aux contrats de ville et aux opérations de restructuration urbaines prévues dans les grands projets urbains, ainsi que les moyens alloués au fonds social urbain.

2. Les autres ressources

L’état récapitulatif de l’effort financier consacré à la politique des villes et du développement social urbain public en application de l’article 115 de la loi de finances pour 1990 rend mieux compte cette année de l’ampleur des moyens engagés puisque, pour la première fois, la contribution des collectivités territoriales y est recensée.

Cet effort public global consacré à la politique de la ville progresse de près de 30 %, de 24 milliards de francs en 1998 à plus de 31 milliards en 1999.

Evolution de l’effort financier public global consacré à la politique de la ville et du développement social urbain

(en millions de francs)

 

1997

1998

1999

%

99/98

A. Crédits spécifiques ville

1 368,42

1 389,16

1 660,13

19,5

Crédits relevant de divers ministères contractualisés

1 514,10

1 131,62

1 108,62

- 2,1

Crédits autres ministères inscrits aux programmes d’actions des contrats de ville

948,00

1 067,00

993,00

- 7,5

Crédits relevant de divers ministères concourant à la politique de la ville

4 846,32

7 102,35

9 913,30

39,6

Solidarité urbaine (loi du 13 mai 1991)

2 822,20

2 991,14

3 900,00

30,4

Total A

11 499,04

13 681,27

17 575,05

28,5

B. Dépenses fiscales et compensations

1 830,10

2 559,13

2 612,60

2,1

Total A + B

13 329,141

16 240,40

20 187,65

24,3

C. Fonds européens concourant à la politique de développement social urbain

1 124,00

1 046,00

1 075,00

2,8

D. Intervention de la Caisse des dépôts et consignations

4 050,00

4 100,00

6 900,00

68,3

TOTAL DE L’ÉTAT

18 503,14

21 386,40

28 162,65

31,7

E. Contribution des collectivités territoriales (1)

2 344,36

2 500,00

3 100,00

24,0

TOTAL

20 847,50

23 886,40

31 262,65

30,9

(1) Annexes financières des contrats de ville Source : jaune budgétaire

Cet effort s’appuie notamment sur :

- la contribution des différents ministères qui passent de 9,3 milliards de francs en 1998 à plus de 12 milliards de francs en 1999. La plupart des ministères augmentent leur participation et notamment le ministère de l’emploi et de la solidarité (4,7 milliards de francs avec notamment les emplois-jeunes pour les quartiers et la loi exclusion), l’éducation nationale (2,5 milliards de francs) et l’intérieur (1,2 milliard de francs) ;

- la solidarité urbaine dont les dotations en faveur des collectivités locales augmentent à 3,9 milliards de francs grâce à une hausse de 1 milliard de francs de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Cette augmentation des la DSU aux communes pauvres permettra de mieux accompagner les actions des contrats de ville ;

- les dépenses fiscales et de compensation qui comptabilisent les exonérations accordées aux zones franches urbaines et aux zones de redynamisation urbaine ;

- les fonds structurels européens représentent plus d’un milliard de francs et assurent dorénavant une contribution régulière et essentielle à de nombreuses actions ;

- les concours de la Caisse des dépôts et consignations augmentent de 2,8 milliards de francs auxquels il faut associer les deux enveloppes exceptionnelles de prêts de 10 milliards pour trois ans, destinés aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition, ainsi que le doublement des fonds propres consacrés au renouvellement urbain (300 millions de francs au lieu de 150) ;

- la contribution des collectivités locales dont la participation en 1999 aux contrats de ville devrait passe de 2,5 milliards à 3,1 milliards de francs grâce à l’effet de levier de la DSU.

B. DES CRÉDITS D’AUTRES MINISTÈRES CONCERNENT LA VILLE

La politique de la ville n’a pratiquement pas de secteur d’intervention propre. Elle met en musique de nombreux instruments qui recouvrent tous les domaines de la vie quotidienne. C’est pourquoi tous les ministères, même celui des affaires étrangères et de la coopération – à l’exception peut-être de celui des anciens combattants – participent au moins financièrement aux actions destinées aux quartiers difficiles. Pour schématiser, on trouve parmi eux et en première ligne l’éducation nationale, en charge de former les futurs citoyens et, à l’autre bout de la chaîne, la justice pour dissuader, punir et tenter de remettre dans le droit chemin ceux dont le parcours a dévié.

1. La politique de la ville de l’éducation nationale

Considérant que l’éducation est un facteur d’intégration et de lutte contre l’exclusion, en particulier dans les quartiers en difficulté, le CIV du 30 juin a fixé un grand nombre d’orientations à l’éducation nationale, comme la prévention de la violence et l’apprentissage de la citoyenneté, le soutien aux parents et à l’encadrement scolaire et éducatif, l’ouverture des locaux en dehors des heures scolaires, le suivi sanitaire des élèves de la petite enfance à l’adolescence, l’insertion professionnelle ou encore la remise en état des écoles maternelles situées dans les communes les plus pauvres.

Pour ce faire, il est prévu de relancer la politique d’éducation prioritaire : les informations et, parmi elles, celles relatives aux expériences locales réussies seront mises en réseau. Au plan des effectifs, 3 050 enseignants du second degré, 250 conseillers principaux d’éducation et 616 emplois non enseignants dont 30 médecins, 185 infirmières et autant d’assistantes sociales viendront en 1999 renforcer considérablement l’encadrement des élèves d’âge scolaire en ZEP. Par ailleurs, des mesures indemnitaires, pour un montant de près de 36 millions de francs (sujétion spéciale et tarifications indiciaires) sont inscrites pour les personnels affectés aux ZEP portant, pour 1999, à plus de 2 milliards de francs les crédits spécifiques pour les ZEP.

Le dispositif mis en place dans le cadre du “ plan violence ” en conseil des ministres le 5 novembre 1997 et développé depuis le 1er janvier 1998 dans dix sites expérimentaux des six académies les plus exposées se précise. 300 emplois d’infirmiers et autant d’assistantes sociales, 21 postes d’attachés de direction et 79 de conseillers principal d’éducation ont été créés à cet effet tandis que près de 10 000 emplois-jeunes leur sont affectés. 344 établissements ouvriront en 1998 leurs portes pendant les vacances et les jours de congés inclus dans l’année scolaire contre 210 en 1997 et 164 en 1996. La dotation prévue pour 1999 s’élève à plus de 22 millions de francs, en progression de près de 60 %. L’objectif de cette opération est de faire des établissements scolaires un lieu d’accueil pour les enfants et les jeunes qui vivent dans des contextes culturels et économiques très dégradés. Ils y apprennent à se déterminer à travers les activités qu’ils choisissent et à gérer le temps et l’espace, l’expérience montrant que leur rapport avec l’école s’en trouve modifié de manière positive et que leur parcours scolaire en est souvent amélioré.

2. L’implication du ministère de la justice dans la politique de la ville

Les priorités et les orientations du conseil de sécurité intérieure du 8 juin et du conseil interministériel de la ville du 30 juin derniers qui recoupent la compétence du ministère de la justice sont de trois ordres :

- développer la justice de proximité ;

- lutter contre la délinquance, en particulier celle des mineurs ;

- adopter et diversifier les prises en charge.

L’ampleur de la délinquance, surtout du fait des mineurs, la nécessité d’y répondre plus rapidement ont conduit le Gouvernement à proposer des mesures budgétaires sans précédent. Le ministère de la justice bénéficie, dans le cadre de ce projet de loi de finances, du plus fort contingent de créations de postes avec 930 emplois nouveaux, signe de l’importance qu’il convient de donner à la restauration d’une fonction régalienne de l’Etat par essence : rendre la justice. L’effectif de personnel de surveillance augmente de 220 postes, gage d’un meilleur encadrement des détenus en particulier les jeunes qui par ailleurs seront progressivement incarcérés dans de petites unités de 20 à 25 places. Il est en effet important d’éviter une mixité avec les délinquants chevronnés qui fait que le temps d’incarcération s’apparente davantage à un stage de formation à la criminalité et à la récidive qu’à une période consacrée au retour à la vie normale. La construction de six nouvelles prisons d’ici deux ans, en remplacement d’installations vétustes ou pour faire face au surpeuplement conduira à des conditions d’emprisonnement plus décentes. Participent à ce progrès également les investissement relatifs à l’équipement sanitaire qui permettront d’équiper chaque cellule d’une douche individuelle - sait-on que les douches collectives des prisons sont devenues des lieux de non-droit absolu depuis que le personnel de surveillance a renoncé à y intervenir ? –

78 postes socio-éducatifs renforceront l’effectif destiné au suivi de probation et de réinsertion des détenus, tandis que des crédits de fonctionnement leur permettant de se déplacer pour assurer correctement leurs missions seront remis à niveau. La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) bénéficiera d’un renfort de 150 emplois nouveaux, dont 120 éducateurs affectés dans les 26 départements prioritaires. Ce nombre, en net progrès par rapport à la situation actuelle, reste cependant insuffisant au regard des 500 créations de postes que préconise Mme Lazerges et M. Balduyck dans leur rapport sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs.

La nécessité de rapprocher la justice de la population concernée (victimes et délinquants) est à l’origine du concept des maisons de la justice et du droit dont l’implantation se poursuit. 29 seront en place fin 1998, 7 autres sont à l’étude pour l’an prochain.

Instituées par une circulaire du 19 mai 1993, elles ont pour vocation principale de favoriser l’action judiciaire et de contribuer au développement des mesures alternatives telles que la médiation pénale ou la réparation pour les mineurs. Elles sont créées dans le cadre d’une convention liant les autorités judiciaires, le préfet, le barreau et une ou plusieurs collectivités territoriales et sont placées sous l’autorité d’un magistrat coordinateur. Leur fonctionnement repose sur un cofinancement et une répartition des charges fixée par la circulaire. Il existe également des structures plus légères nommées “ antennes de justice ”.

Le traitement des affaires de délinquance des mineurs par une justice de proximité pourra être mieux assuré aussi grâce au recrutement de 200 nouveaux délégués du procureur qui s’ajouteront aux 117 actuellement en poste.

L’amélioration du suivi médico-psychologique fait aussi partie du programme pour 1999 du ministère de la justice. A ce titre, des consultations de pédo-psychiatrie dans certains des 26 départements prioritaires sont prévues. A cet effet, 6 postes de psychologues, et autant d’infirmiers sont créés et un crédit supplémentaire de 3 millions de francs servira à la rémunération des vacations des médecins-psychiatres.

Au plan de l’hébergement, 15 millions de francs permettront d’en augmenter la capacité, particulièrement dans les départements prioritaires. Il s’agit de l’accueil d’urgence ouvert 7 jours sur 7, du placement familial, des foyers ou des dispositifs éducatifs renforcés pour des séjours de “ rupture ” pour les mineurs les plus difficiles nécessitant la présence permanente d’éducateurs et des classes-relais pour les jeunes déscolarisés (10 classes pour 100 à 150 mineurs).

Enfin, des mesures indemnitaires concernant, en particulier, les personnels d’insertion et de probation, mais aussi le personnel de surveillance pénitentiaire et celui de certains services administratifs sont inscrits dans le budget à hauteur de 12 millions de francs.

C. LES CRÉDITS DE L’INTÉGRATION

Les crédits “ intégration ” ne sont pas présentés cette année dans un agrégat spécifique mais sont regroupés dans le bleu (Emploi et solidarité II - Santé et solidarité) avec les crédits prévus pour la lutte contre l’exclusion.

Il peut paraître comme n’étant pas illogique d’agréger d’une part les moyens mobilisés pour l’intégration des populations d’origine étrangère dans la communauté française et, d’autre part, ceux qui ont pour objet d’éviter qu’une fraction de celle-ci ne s’en trouve progressivement écartée car elles ont en général la pauvreté comme caractéristique commune.

Toutefois, si les mesures de lutte contre l’exclusion peuvent être indifférenciées à l’égard de l’une ou de l’autre catégorie, les crédits d’intégration ont un objectif suffisamment ciblés pour justifier une présentation distincte.

Par ailleurs, suivant en cela la recommandation faite par le rapporteur l’an passé, ne figurent plus dans l’agrégat des crédits destinés à la lutte contre les toxicomanies dont ce n’était pas la place.

A structure constante, les crédits reproduits sur le tableau ci-après sont en progression de plus de 23 millions soit en hausse de 6,3 % dans un contexte de progression du budget général de l’État de 2,3 %.

Ces augmentations permettent de mettre en oeuvre la politique d’intégration et d’accueil rétablie depuis un an et qui vient d’être renouvelée lors du conseil des ministres du 21 octobre dernier.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS “ INTÉGRATION ”

depuis 1997

Chapitres

 

LFI 97

PLF 98

Mesures votées 1999

Mesures nouvelles 99

Total 1999

PLF 99

% PLF 98

46-23

Dépenses d’aide sociale obligatoire

           

art. 21

Centres d’hébergement et de réadaptation sociale pour les réfugiés

287 310 000

294 710 000

294 710 000

+ 9 270 000

303 980 000

+ 3,1

47-15

Programmes et dispositifs de lutte contre les toxicomanies

           

art. 50

Action en faveur des toxicomanes et de leurs familles (nouveau)

7 000 000

13 000 000

       

art. 60

Actions en faveur des toxicomanes et de leurs familles : dépenses déconcentrées

49 689 779

49 689 779

       
 

Total du chapitre

56 689 779

62 689 779

294 710 000

9 270 000

303 980 000

+ 3,1 *

47-81

Population et migrations. Interventions de l’Etat

           

art. 20

Actions en matière de population et d’intégration des migrants étrangers et des réfugiés : dépenses non déconcentrées

40 335 000

39 500 000

39 500 000

- 11 200 000

28 300 000

- 39,6

art. 30

Actions en matière de population et d’intégration des migrants étrangers et des réfugiés : dépenses déconcentrées

19 000 000

19 500 000

19 500 000

+ 11 200 000

30 700 000

+ 57,4

art. 40

Allocations d’attente et aides financières diverses pour les réfugiés et demandeurs d’asile

32 000 000

18 000 000

18 000 000

+ 14 000 000

32 000 000

+ 77,8

 

Total du chapitre

91 335 000

77 000 000

77 000 000

+ 14 000 000

91 000 000

+ 18,2

 

Totaux généraux pour l’agrégat

435 334 779

434 399 779

371 710 000

+ 23 270 000

394 980 000

+ 6,3 *

* à structure égale

1. Des crédits adaptés

Les crédits inscrits à l’article 21 du chapitre 46-23 sont destinés aux centres d’hébergement et de réadaptation sociale pour les réfugiés. Ils atteindront 304 millions de francs, l’augmentation de 9,3 millions de francs (+ 3,1 %) étant prévu pour créer 100 places (5,7 millions de francs) et au financement de la progression du taux directeur (3,6 millions de francs).

Les interventions de portée générale, inscrites aux articles 20 et 30 du chapitre 47-81, resteront stables en 1999, soit un montant de 59 millions de francs destiné aux contrats d’agglomération et à des actions d’accompagnement social. Cette stabilité recouvre, en réalité, une déconcentration importante de 11,2 millions de francs (18,6 %) des crédits consacrés aux contrats locaux pour l’accueil et l’intégration et aux observatoires régionaux de l’intégration.

Par ailleurs les allocations d’attente et différentes aides financières pour les réfugiés et demandeurs d’asile financées sur l’article 40 du même chapitre retrouvent avec une hausse de près de 78 % leur niveau de 1997, la baisse enregistrée l’an dernier correspondant à l’utilisation de crédits disponibles.

2. Une politique renouvelée

La promulgation des lois sur le séjour des étrangers, le droit d’asile et l’accès à la nationalité ayant permis de reconstituer le socle républicain sur lequel repose le mécanisme d’intégration, la France peut désormais renouer avec la tradition d’accueil qui lui a permis de s’enrichir des immigrations qu’elle a connues et qui sont une constante de son histoire.

Il paraît cependant nécessaire, compte tenu des difficultés rencontrées et des manifestations de xénophobe et de racisme qui se développent en particulier pendant les périodes de crise économique, à la fois d’assouplir les critères et de supprimer les dysfonctionnements.

Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité a présenté en conseil des ministres du 21 octobre dernier les trois priorités constituant la nouvelle ligne de la politique d’intégration du Gouvernement. Il s’agit d’améliorer l’accueil, de lutter contre les discriminations et de faire évoluer les procédures de naturalisation.

En premier lieu, il convient de disposer d’instruments de mesure et d’évaluation permettant de guider les décisions publiques.

Dans ce but, un rapport dont la rédaction a été confiée à M. Jean-Michel Belorgey, sur l’adéquation des structures administratives à l’objectif de lutte contre les discriminations, sera remis au Gouvernement en février 1999.

Par ailleurs, un groupe d’étude sur les discriminations (GED) associant administrations, chercheurs et acteurs sociaux est créé en vue d’observer, d’analyser et de sensibiliser le public sur les discriminations raciales.

Constitué en groupement d’intérêt public avec un budget propre et doté de la personnalité morale, il disposera d’une certaine marge d’autonomie pour mener ses investigations et communiquer le résultat de ses recherches.

L’accueil sera réformé. L’accueil personnalisé destiné jusqu’à maintenant aux familles arrivant en France dans le cadre du regroupement familial est étendu aux familles de réfugiés et les personnes déjà présentes en France et qui seront rejointes par leur famille sont invitées à une rencontre avec le service public de l’accueil. La mise en place de points d’accueil, testée dans le Rhône et en Seine-Saint-Denis, sera développée en 1999 dans les dix départements les plus concernés tandis que les plans départementaux d’accueil seront étendus à l’ensemble du territoire.

La lutte contre les discriminations sera menée dans le monde du travail et le domaine du logement. Il s’agit de développer des opérations de parrainage tandis qu’une charte nationale du parrainage sera signée avec les francs réseaux d’employeurs. L’ANPE et l’inspection du travail relaieront l’action du Gouvernement dans les départements. Il sera procédé à une analyse exhaustive des différentes professions dont l’exercice est interdit en droit aux étrangers, pour supprimer les interdictions qui ne sont plus justifiées. En dernier lieu, cette lutte sera inscrite dans les lignes directrices pour l’emploi pour 1999, qui seront adoptées au niveau européen en décembre prochain.

Dans le domaine du logement, les besoins réels - en particulier familiaux - feront, en vue d’une meilleure prise en compte, l’objet d’une enquête menée par la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CLIPI). Les moyens nécessaires au passage des 140 000 personnes vivant dans les foyers pour travailleurs immigrés vers le logement de droit commun seront progressivement engagés tout en respectant l’objectif de mixité sociale poursuivi dans le cadre de la politique de la ville.

Le troisième point est relatif à l’acquisition de la nationalité française et à l’adaptation de la politique des naturalisations aux évolutions de la société.

L’effort portera essentiellement sur la réduction des délais de réponse de l’administration aux demandes de naturalisation qui devront passer de plus de 24 mois à 18 mois.

Par ailleurs, les critères d’appréciation qui sont actuellement appliqués par les services chargés de traiter les dossiers de naturalisation sont fixés par une circulaire du 27 avril 1995.

Quatre domaines devront évoluer :

- l’appréciation sur la stabilité de résidence en France sera portée en fonction d’un faisceau d’indices favorables au demandeur ;

- celle relative à l’insertion professionnelle tiendra compte du parcours personnel du demandeur, des efforts d’insertion qu’il aura accompli et de son dynamisme ;

- les critères d’intégration sociale et culturelle seront également appliqués ;

- la motivation des décisions défavorable sera améliorée.

III.- VERS UNE MAÎTRISE DES LEVIERS DU POUVOIR URBAIN

Le maire est l’élu le plus proche du terrain sans avoir pour autant une maîtrise des moyens nécessaire à l’accomplissement de son mandat.

La sécurité sur la voie publique dans les quartiers relève du pouvoir de la justice et des forces de sécurité sur lesquelles, à l’exception de la police municipale s’il en existe une et des cas prévus par les règles du droit administratif, il n’exerce bien évidemment aucune autorité.

La politique de la ville, même dans un cadre élargi à la communauté urbaine, à l’agglomération ou au bassin nécessite des moyens financiers qui peuvent être trop lourds pour certains budgets municipaux.

A. ASSURER LA SÉCURITÉ

Les mesures annoncées lors du dernier conseil de sécurité intérieur, qui s’inspirent largement des conclusions du colloque de Villepinte d’octobre 1997 et du rapport remis par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck sur les réponses à la délinquance des mineurs ont déjà été traduites dans le projet de loi de finances, en particulier dans les crédits de la justice et de la protection judiciaire de la jeunesse, comme dans les textes d’application.

Par ailleurs, la réforme de la police et de la gendarmerie, sur laquelle le Premier ministre, lors de sa visite à l’école des officiers de la gendarmerie de Melun le 26 octobre dernier, vient de réaffirmer sa détermination, prendra nécessairement sa part dans la lutte contre l’insécurité. Dans l’attente et pour répondre aux besoins en équipements et matériels des forces de police, une mesure budgétaire pour 400 millions de francs vient d’être décidée.

C’est donc avec un certain optimisme sur les moyens mis en œuvre pour restaurer la paix civile dans les villes que nous pouvons aborder les années à venir.

B. CONFORTER L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS

De la même façon que la solidarité à l’égard des individus en détresse économique et sociale relève de la collectivité, les communes pauvres qui ont en charge de ces mêmes personnes, devraient pouvoir disposer de ressources adaptées en niveau et pérennisées pour remplir efficacement leur rôle.

1. Recibler la dotation de solidarité urbaine

La détermination du montant de la DSU relève d’un mécanisme complexe qui ne permet cependant pas de fournir un soutien financier suffisant aux communes les plus exposées aux problèmes sociaux. Le CIV du 30 juin dernier a décidé d’augmenter fortement la DSU pour 1999, mais sans remettre en cause ses modalités de calcul et d’attribution.

a) Une dotation qui n’est pas à la hauteur des enjeux

La DSU a été instituée pour aider les communes confrontées à une insuffisance de ressources et à des charges sociales élevées par la loi du 13 mai 1991.

Elle a été modifiée par la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993, portant réforme de la dotation globale de fonctionnement qui avait introduit un indice d’éligibilité sur la base de critères du potentiel fiscal, de logement social, de bénéficiaires d’aides personnalisées au logement et du revenu moyen par habitant. Cet indice synthétique de charges et de ressources permettait de classer les communes de plus de 10 000 habitants en quatre quartiles dont trois éligibles à la DSU, l’attribution revenant à chaque commune étant pondéré par un coefficient allant de 1,5 à 0,5 correspondant à chaque quartile.

Par ailleurs, la DSU est devenue, avec la dotation de solidarité rurale et la dotation servant à financer l’intercommunalité, la troisième composante de la dotation d’aménagement. Cette dernière constitue, avec la dotation forfaitaire, la dotation globale de fonctionnement.

La loi n° 96-241 du 26 mai 1996 portant diverses dispositions relatives aux concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales et aux mécanismes de solidarité financière entre collectivités territoriales a majoré la prise en compte des bénéficiaires d’aide au logement, critère plus représentatif des charges sociales supportées par les communes, supprimé des effets de seuils d’attribution en remplaçant le coefficient multiplicateur de 1,5 à 0,5 par un coefficient linéaire variant de 2,5 à 0,5 et institué un mécanisme de garantie pour les communes devenues inéligibles.

Actuellement, 679 communes représentant les trois premiers quartiles sur les quatre que constituent les 905 communes de plus de 10 000 habitants retenus selon la valeur décroissante de l’indice synthétique, perçoivent la DSU. Il convient d’ajouter à ce nombre les 101 communes de 5 000 à 9 999 habitants qui sont également attributaires de la DSU.

Le tableau ci-dessous représente les données concernant la première et la dernière commune éligible à la DSU comparées à l’ensemble des communes de plus de 10 000 habitants.

Il met en évidence en premier lieu qu’il y a une proportionnalité inverse entre potentiel fiscal des habitants et part de logements sociaux. En outre, il montre qu’il y a une grande dispersion des communes concernées qu’il s’agisse du critère relatif au potentiel fiscal (1 à 4,4) à la part des logements sociaux (1 à 23) ou au revenu par habitant (1 à 2).

Données 1998

PF/habitant

Part des logements sociaux

Part des bénéficiaires d’allocation logement

Revenu

/habitant

Première commune éligible

(indice le plus élevé)

723,89 F

85,06 %

73,37 %

24 272,03 F

Dernière commune éligible

(indice le plus faible)

3 201,47 F

3,70 %

51,53 %

49 208,52 F

Moyenne des communes de

10 000 habitants et plus

4 032,52 F

23,43 %

62,82 %

48 910,99 F

source : jaune budgétaire

En revanche, la dispersion de la DSU proprement dite telle qu’elle apparaît dans le tableau qui suit met en évidence l’effet amplificateur du coefficient linéaire appliqué depuis 1996 mais dans une moindre mesure que l’an dernier, puisque la dotation par habitant varie de 1 à 22,4 en 1998 contre 1 à 28,8 en 1997.

Dispersion de la DSU

 

1997

1998

Dotation moyenne par habitant

92,53 F

95,22 F

Dotation la plus élevée

370,87 F

385,62 F

Dotation la plus faible

12,86 F

17,21 F

source : documents budgétaires

Malgré la correction apportée par l’indice synthétique de charges et de ressources, la DSU paraît comme étant peu sélective au regard des charges éminemment lourdes que représentent directement et surtout indirectement les parcs de logements sociaux, et diluée entre trop de communes.

Le rapporteur, qui s’inquiétait déjà l’an dernier de l’inadaptation de la DSU à compenser réellement le poids des charges sociales des communes pauvres, souhaite souligner une fois encore l’insuffisance des crédits qui leur sont alloués. Il est permis en effet de s’interroger sur la répartition actuelle DGF/DSU. La première, forfaitaire est attribuée à toutes les communes sans modulation liée à leurs richesses ou leurs besoins. Son montant s’est élevé à 106 613 millions de francs en 1998, la seconde à 2 188 millions de francs, soit 2 % de la DGF. Il y a incontestablement là une piste de réflexion à ne pas négliger.

b) Une majoration exceptionnelle pour 1999

La sortie du pacte de stabilité qui limitait l’évolution du montant total des concours financiers de l’Etat pour les collectivités locales à celle des prix, s’accompagne d’une majoration exceptionnelle de la DSU de 500 millions de francs par ans pendant trois ans, durée du pacte de solidarité et de croissance qui régit désormais cette même enveloppe.

Compte tenu de la forte progression de la DGF en 1999, le montant total de la DSU pour 1999 devrait être supérieur de près d’un milliard de francs à celui de 1998.

2. Réguler les concours financiers de l’Etat

L’examen en séance de l’article 40 du projet de loi de finances qui tend à réformer le montant des concours financiers de l’État aux collectivités locales a permis, une fois encore, de souligner les difficultés financières auxquelles sont confrontées les communes, la complexité des mécanismes des financements de l’État et la nécessité de pouvoir disposer de ressources stabilisées.

Figée jusqu’en 1998, dans le cadre du pacte de stabilité, l’enveloppe dite “ normée ” des dotations doit désormais progresser pour les trois prochaines années selon un pacte dit de “ solidarité et de croissance ” qui prendra en compte une fraction du taux d’évolution du produit intérieur brut s’élevant progressivement à 15 %, 25 % et 33 %.

Les dotations, dites actives parce qu’indexées, qui composent cette enveloppe n’évoluent pas selon les mêmes règles.

La dotation globale de fonctionnement progressera d’un taux égal à la somme du taux d’évolution des prix à la consommation hors tabac et de la moitié de la croissance du produit intérieur brut en volume (PIB). Il en est de même pour la dotation de l’élu local, la dotation spéciale instituteurs, les dotations de financement des transferts de compétence et la dotation globale de décentralisation.

En revanche, les dotations de l’État au fonds national de péréquation évolueront comme les recettes fiscales de l’État, les dotations d’équipements comme la dotation globale d’équipement (DGE) et les dotations d’équipement scolaire comme la formation brute de capital fixe des administrations publiques.

La dernière d’entre elles, la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), sert de valeur d’ajustement à l’enveloppe normée. Elle ne rembourse donc pas intégralement aux communes les pertes de recette de taxe professionnelle résultant de mesures législatives d’allégement de cette taxe.

En période de croissance, la hausse du montant de la somme de ces dotations progresse plus que le taux prévu par le pacte de croissance. Pour 1999, la DCTP subit en conséquence une diminution de 11,12 %. Il était toutefois prévu de moduler la baisse de la DCTP, à hauteur des deux tiers, pour les communes qui perçoivent la DSU, la diminution moyenne étant ainsi ramenée à 7,41 %.

Pour autant, certaines communes qui perçoivent un montant élevé de DCTP pouvaient subir une perte considérable de recettes, pouvant dépasser l’augmentation de l’ensemble des dotations perçues.

Au cours de l’examen de l’article 40 du projet de loi, l’adoption en séance publique de l’amendement n° 562 du Gouvernement a permis d’éviter aux communes les plus pauvres, c’est-à-dire celles qui perçoivent la dotation de solidarité urbaine ainsi que celles qui sont exigibles à la dotation de solidarité rurale pour la fraction dite “ bourgs centre ”, de ne pas subir de diminution de DCTP pendant toute la durée du pacte.

Au-delà du dénouement heureux de cet imbroglio budgétaire, il semble nécessaire qu’une réflexion soit conduite pour établir un système cohérent des concours financiers de l’Etat.

C. DE NOUVEAUX OUTILS FINANCIERS

La participation aux opérations urbaines entreprises dans le cadre des contrats de ville reste inaccessible aux communes dont les ressources sont insuffisantes et pour lesquelles des moyens financiers spécifiques sont nécessaires.

En ce qui concerne le financement par emprunts, le CIV du 30 juin a décidé d’augmenter considérablement le volume d’intervention de la caisse des dépôts et consignations.

1. Le refinancement des communes surendettées

Aussi faibles soient-elles pour certaines d’entre elles, la participation financière de chacune des parties qui souscrivent un contrat est une caractéristique généralisée dans les opérations conduites conjointement entre l’État et les collectivités locales. Chaque souscripteur est responsabilisé puisqu’il a à rendre compte du bon usage et de la pertinence des fonds engagés tandis qu’il est tenu d’honorer ses engagements sans lesquels le projet ne pourrait aboutir.

Toutefois, faute de moyens financiers suffisants, des communes peuvent ne pas être en mesure de participer à des opérations urbaines soit parce que leur capacité d’endettement est déjà obérée par des remboursements d’emprunts précédents, soit parce que leurs ressources sont insuffisantes pour faire face à l’amortissement du nouveau prêt. D’une part, une telle situation peut compromettre la réalisation d’une opération concernant plusieurs communes, d’autre part, il est toujours extrêmement regrettable que, faute de pouvoir financer les 10 % nécessaires pour participer à la réalisation d’une opération dont pourraient bénéficier les habitants d’une commune, les 90 % offerts par les financeurs extérieurs ne puissent être utilisés.

Par ailleurs, la renégociation des taux d’intérêts des emprunts en cours, maintenant achevée, a permis durant un certain temps de dégager de nouvelles capacités de financement. Cependant, si le niveau des taux actuels ne permet plus, en tout état de cause, de dégager des marges aussi substantielles, il les rend très attractifs et facilite une relance des investissements urbains.

Il est paradoxal que certaines communes ne puissent pas profiter de ces deux éléments favorables – taux d’intérêt faibles et aide extérieure massive –.

L’inscription au titre IV (crédits de fonctionnement) du budget de la ville d’une ligne nouvelle de 45 millions de francs destinés à aider les communes les plus pauvres engagées dans un grand projet urbain pour qu’elles puissent rembourser des emprunts souscrits à cette occasion, est une novation qui ouvre des perspectives très intéressantes. Toutefois, il faut être bien conscient que la transposition de cette mesure à l’échelle des besoins de financement des opérations de rénovation urbaine de nombreuses communes nécessiterait des moyens beaucoup plus importants.

Force est de conclure sur l’idée que la solution réside en partie dans une augmentation des ressources propres des communes les plus pauvres et, au risque de se répéter, dans une réforme profonde de la DSU.

2. Les nouveaux prêts de la Caisse des dépôts et consignations

La relance de la politique de la ville nécessite des moyens financiers importants. Sur la base de ce constat, tiré des conclusions du rapport de M. Jean-Pierre Sueur, le CIV du 30 juin dernier a décidé que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) accompagnerait l’action gouvernementale par un élargissement considérable des enveloppes de prêts qu’elle destine, en tant que banquier attitré des collectivités locales, aux opérations menées dans le cadre de la politique de la ville.

La convention triennale conclue le 8 octobre dernier entre l’État et la CDC précise les conditions d’intervention de la caisse, la nature et le montant des enveloppes de prêts qu’elle pourra accorder. Deux types de prêts seront développés.

Les premiers, sur fonds propres, seront renouvelés pour trois ans.

Il s’agit, d’une part, à raison de 300 millions de francs par an (au lieu de 150 auparavant) du programme de développement urbain destiné à soutenir les initiatives locales, notamment en matière de renouvellement urbain, et d’autre part, pour un même montant annuel du programme de développement d’entreprises dans les quartiers et de soutien à l’emploi.

Les seconds, au titre des fonds d’épargne, représentent deux enveloppes de 10 milliards chacune, sommes qu’il convient de comparer à l’enveloppe de 3,5 milliards ouverte en 1989 pour financer les prêts projets urbains (PPU) et à celle de 5 milliards de francs prévue dans le cadre du Pacte de relance pour la ville. Ces deux enveloppes seront mises à disposition des collectivités locales et des organismes HLM.

La première enveloppe de 10 milliards de francs permettra d’accorder des prêts dits de reconstructions démolitions à taux d’intérêt bonifié de 3,8 % indexé sur le livret A, destinés à financer des reconstructions, des restructurations du bâti ou des démolitions ainsi que les aménagements urbains liés à ces programmes. La durée de ces prêts pourra être portée à 25 ans pour les opérations les plus lourdes. Les conditions d’emploi de cette enveloppe de prêts seront précisées par une circulaire interministérielle qui sera diffusée à la fin du mois d’octobre 1998. La comité chargé du suivi de la mise en œuvre de ces prêts est composé de représentants de la DIV, de la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction et de la Caisse des dépôts et consignations.

La deuxième enveloppe, du même montant, servira à des prêts projets urbains (PPU) à taux d’intérêt de 4,3 % aussi indexé sur le livret A. Leur durée pourra être portée à 20 ans et, exceptionnellement, à 25 ans. Ils sont réservés à des opérations de revalorisation urbaine, sociale et économique des quartiers en difficulté. Le comité d’engagement des PPU, dont l’objet et la composition sont maintenus, assure la programmation des prêts, ainsi que le suivi et l’évaluation de leurs engagements.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission a entendu M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, sur les crédits de la ville et de l’intégration au cors de sa séance du mardi 6 octobre 1998.

M. Claude Bartolone a rappelé que le comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par le Premier ministre, avait assigné un nouvel horizon à la politique de la ville. Tirant le bilan de quinze ans de cette politique, il a souhaité qu’une nouvelle ambition pour les villes, où vivront bientôt huit Français sur dix, se dessine. Il convient de reconstruire, avec les habitants, des villes morcelées par trente ans d'urbanisme des grands ensembles et trente ans de crise. Repenser et bâtir la ville comme un territoire de mixité sociale et urbaine, un lieu d'échanges et de bien vivre, une ville faite pour l'homme est un des chantiers du XXIème siècle. L'enjeu consiste en outre à enrayer la montée de l'intolérance, à renouveler la confiance des citoyens à l'égard du projet démocratique et de l'action publique et à lutter contre l'abstention et l'extrémisme.

La crise urbaine est aussi marquée par la violence et l'insécurité dans les cités, dans les écoles, les transports et les centres commerciaux. On ne peut qu’être inquiet devant la montée des violences urbaines, aujourd'hui plus diffuses mais aussi plus fréquentes et plus dangereuses. Les incivilités et les délits commis par des enfants, des adolescents et de jeunes adultes ont un impact qui non seulement met en cause le droit à la sécurité de la population mais contribue aussi à une image négative qui rend plus difficile encore l'intégration des quartiers relégués dans la ville et l'insertion sociale et professionnelle de leurs habitants.

La politique de la ville doit aussi prendre en compte d’autres réalités, notamment celle de quartiers jeunes, en mouvement, riches d'initiatives et de solidarités, dont l'appétit d'intégration et la soif de reconnaissance sont, par exemple, apparus à l'occasion de la Coupe du monde de football.

Les réponses à ces différents enjeux passent nécessairement par une approche politique globale et de long terme, qui tire parti des potentiels et des volontés de chaque territoire.

Cet effort de longue haleine doit être engagé sans tarder, car si les frémissements de la croissance s'arrêtent à l'entrée des quartiers, le fossé entre les deux France s'élargira et l'idéal républicain laissera la place au communautarisme des ghettos. Ceci est d’autant plus vrai que cette population défavorisée peut comprendre qu’elle subit les effets d’une crise généralisée. En revanche, dès lors qu’apparaît une reprise de la croissance économique, que la télévision diffuse une image du bonheur par la consommation, les habitants des quartiers défavorisés admettent mal qu’une amélioration de la situation économique ne les touche pas.

Le Parlement a montré sa détermination en votant des textes aussi importants que les emplois-jeunes ou la loi exclusion. Le gouvernement a engagé des programmes majeurs comme les contrats locaux de sécurité, la réforme des ZEP ou la baisse de la TVA pour le logement social. Il convient maintenant de développer les mécanismes de concertation, de veiller à la coordination des acteurs sur le terrain et à l’égalité de tous devant les services publics.

L’Etat doit en particulier afficher sa détermination à assurer l’égalité devant le service public afin de garantir le respect des valeurs et principes républicains, sur tout le territoire et répondre ainsi aux principales préoccupations des habitants : l'éducation, la sécurité, l'emploi. Telles seront les priorités du gouvernement pour la période 1998-1999. La réalisation de ces objectifs passe par un développement de la déconcentration, notamment pour mieux assurer la coordination des administrations, par la décentralisation - il convient que les régions et les départements soient davantage associés à la mise en oeuvre de la politique de la ville et qu’un meilleur partage de la fiscalité locale soit établi - et par le développement d’une véritable démocratie. Il est important, par égard pour les populations, de veiller à ce que les annonces soient bien suivies d’effet. Les projets interrompus conduisent en effet les populations à ressentir un véritable sentiment d’abandon menant à la désespérance, à l’abstention, voire à l’extrémisme. Cela suppose une transformation profonde des pratiques publiques, afin de faire adhérer et participer les habitants aux projets qui les concernent, d'accepter leurs interpellations et de soutenir leurs initiatives.

Les ambitions du Gouvernement ont un coût, que M. Jean-Pierre Sueur avait estimé à 35 milliards par an pendant dix ans. Le projet de loi de finances pour 1999 propose d'entamer l'effort dès cette année, afin de témoigner de la volonté de l'Etat et préparer la montée en puissance des actions à partir de l’an 2000. Ceci implique en outre un projet de loi sur l’intercommunalité, une augmentation de la dotation de solidarité urbaine et une réforme des contingents d’aide sociale.

L’ambition du ministère de la ville n’est pas de faire à la place des autres, mais de faire ensemble. A cet égard les moyens dont il dispose ne représentent qu’une faible part de l’effort national consacré à la politique de la ville qui bénéficie des interventions d’autres ministères.

La politique de la ville, selon le mot de Jean-Pierre Chevènement, ne doit pas être l’alibi de l’absence de politiques ministérielles ou locales au profit des habitants des quartiers en difficulté. Son efficacité dépend des crédits en provenance de différents ministères, mais également de l’Union européenne et des collectivités locales.

Grâce à leur extrême souplesse sur le plan local et à leur caractère pluriannuel, les crédits spécifiques de la ville sont le ciment indispensable de milliers de projets portés chaque année par les acteurs de terrain. Ces projets devront à l’avenir s’inscrire dans une véritable logique de projet, au niveau des quartiers, des villes et des agglomérations et ne plus rester dans une logique de guichet, qui plus est tatillon. Les milieux associatifs se plaignent d’ailleurs à jute titre du retard avec lequel certaines subventions leur parviennent.

L’augmentation de plus de 32 % des crédits spécifiques, sans précédent depuis la création d’un ministère de la ville, est le signal de la mobilisation générale. Le cap du milliard de francs dans le projet de loi de finances est un symbole fort et le budget bénéficiera en outre de 485 millions de francs supplémentaires en provenance notamment du fonds d’aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) et des différents ministères contributeurs au fonds interministériel d’intervention pour la ville (FIV).

L’année 1999 ne sera donc pas une année de transition, mais une année d’expérimentations concrètes pour préparer une génération plus ambitieuse de contrats de ville (2000-2006) qui, conclus pour les mêmes périodes que les contrats de plan Etat-régions, permettront notamment de coordonner les différentes actions dans le domaine des grandes infrastructures et des transports.

Trois types de priorités sont retenus pour 1999.

Le premier volet sera l’animation de la nouvelle politique de la ville, en augmentation de 86 %. Un important effort de conception et d’animation est nécessaire pour changer l’échelle de la politique de la ville. Les capacités d’animation, de formation, d’ingénierie et de recherche seront donc renforcées au sein de la délégation interministérielle à la ville (DIV), du conseil national des villes (CNV), du futur Institut pour la ville, ou encore des futurs centres de ressources régionaux dont la création sera encouragée. L’Institut pour la ville a vocation à devenir un lieu d’échanges d’expériences et de points de vues entre les associations, les élus locaux et les divers acteurs de terrain. Il est temps, aujourd’hui, d’aller au-delà de la phase des expérimentations pour laisser place à de véritables projets structurés.

Le volet principal sera le soutien des initiatives locales et des expérimentations. L’essentiel des moyens supplémentaires, en augmentation de 30 % en 1999, sera affecté au financement d’actions menées dans le cadre des contrats de ville ou des grands projets urbains, conformément aux orientations décidées par le conseil interministériel du 30 juin dernier. Les actions concerneront prioritairement l’emploi, la sécurité et l’éducation qui correspondent aux préoccupations majeures des habitants.

Il est à noter par ailleurs que :

- Les crédits d’investissement accompagneront des opérations exemplaires de construction-démolition (et non de simples démolitions).

- Les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement de nouvelles formes de participation des habitants seront également soutenues, avant d’être reprises à grande échelle dans les futurs contrats de ville. Il convient de souligner qu’aujourd’hui près de 80 % de la politique de la ville se réalisent à un échelon décentralisé. Les diverses actions prévues dans le cadre de cette politique doivent s’adapter localement et avec la plus grande souplesse, en fonction des habitudes et des pratiques qui se sont développées sur place.

- Une nouvelle ligne budgétaire, dotée de 45 millions de francs, facilitera le financement des investissements des communes impliquées dans un grand projet urbain.

- Les opérations ville-vie-vacances bénéficieront de crédits supplémentaires pour les territoires et les publics les plus en difficulté.

- Une attention particulière sera apportée en 1999 aux seize sites pilotes de métropole et d’outre-mer annoncés le 11 septembre dernier à Lille, ainsi qu’à tous ceux qui souhaitent aller plus loin et plus vite dans la mise en œuvre de la nouvelle ambition pour les villes.

Les sites pilotes permettront en particulier d’expérimenter un nouveau cadre contractuel, simple et efficace, impliquant tous les acteurs locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de développement solidaire, adapté à l’identité de chaque territoire. Ce projet devra permettre de combiner des interventions de proximité sur les territoires jugés prioritaires, sans pour autant les stigmatiser, dans le cadre d’une action intercommunale ou mettant en jeu l’agglomération. L’existence d’une réelle volonté politique de coopération intercommunale a été déterminante dans le choix des sites pilotes, car on ne peut espérer désenclaver des quartiers et introduire plus de mixité sociale et urbaine si l’on ne se donne pas les moyens d’agir ensemble particulièrement en matière d’habitat, de développement économique ou de transports. C’est l’un des enjeux principaux de la prochaine génération de contrats de ville.

Le troisième volet concernera l’égalité devant les services publics, pour laquelle des crédits en augmentation de 32 % permettront de dégager des moyens spécifiques. Une réflexion approfondie sera conduite dans les mois qui viennent, en partenariat avec les collectivités territoriales ou d’autres prestataires comme la Poste, sur le nombre et la qualité des services publics en place dans les quartiers en difficulté. Il est aujourd’hui nécessaire de favoriser leur modernisation.

Le “ jaune budgétaire ”, qui retrace l’ensemble de l’effort de l’Etat en faveur de la politique de la ville, recense plus de 23 milliards de francs de concours divers consacrés à la ville en 1998. Cet effort sera porté en 1999 à 31 milliards de francs, l’objectif de 35 milliards de francs du rapport Sueur devant être atteint à mi-chemin des futurs contrats de ville.

En voici les composantes majeures :

- L’implication forte de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de près de 3 milliards en 1999. Elle concerne les emplois-jeunes, dont des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, qui seront essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté. D’autres mesures importantes contenues dans le projet de loi contre les exclusions ou dans le cadre de la relance des ZEP sont également à signaler.

- Le coût, important, des exonérations fiscales et sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines (ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU) atteindra 2,6 milliards de francs.

- Les concours de la Caisse des dépôts et consignations, qu’il s’agisse de ses interventions sur fonds d’épargne ou sur fonds propres, seront en augmentation de près de 3 milliards de francs. Une convention avec l’Etat fixera prochainement les priorités d’utilisation du programme de renouvellement urbain qui passera de 150 à 300 millions de francs par an, et des deux enveloppes exceptionnelles de 10 milliards de francs pour trois ans, qui serviront aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.

- La sortie du pacte de stabilité a mis en évidence la nécessité de décentraliser davantage la politique de la ville. L’augmentation de 1 milliard de francs dès 1999 de la dotation de solidarité urbaine (DSU) permettra aux communes les plus pauvres, qui sont souvent celles qui ont le plus de charges, de mieux assumer leurs responsabilités et leurs ambitions en la matière.

Signe d’une plus grande implication des communes, des départements et des régions dans la politique de la ville, la progression des crédits pour les contrats de ville actuels, dont 1999 sera la dernière année d’exécution, est de l’ordre de 500 millions de francs.

Enfin, avec plus de 1 milliard de francs, la participation des fonds structurels européens est devenue une composante très importante de la politique de la ville. La réforme en cours de ces fonds doit être l’occasion pour la France de promouvoir le principe d’une intervention plus soutenue de l’Europe en faveur des villes. Aux évolutions urbaines qui placent en effet nos voisins devant les mêmes défis, doivent correspondre souvent désormais des réponses plus fortes et concertées de la part de l’Union européenne. L’Europe construira aussi sa légitimité en démontrant qu’elle améliore la vie quotidienne de millions de citoyens.

En conclusion, M. Claude Bartolone a insisté sur l’importance d’une vaste mobilisation autour de l’enjeu de la ville de demain, et sur la nécessité d’y consacrer un effort financier plus important. Mais cette mobilisation ne doit pas conduire à tourner le dos au monde rural, à opposer les habitants des campagnes à ceux des villes. C’est à l’équilibre global du territoire que doit concourir la politique de la ville, pour que les agglomérations urbaines, conçues comme des espaces de mixité urbaine, soient des moteurs de développement et de progrès social.

Le président Jean Le Garrec a formulé les observations suivantes :

- L’analyse selon laquelle rien n’est pire que le sentiment d’abandon, surtout lorsque la situation générale du pays s’améliore, est particulièrement pertinente.

- On peut s’interroger sur la participation du ministère de l’éducation nationale à la politique de la ville qui ne peut être qu’interministérielle.

- La commission sera très attentive aux modalités de mise en œuvre des programmes TRACE.

- Le projet de loi annoncé relatif à l’habitat et à l’urbanisme témoigne de l’importance des problèmes de logement, qui constituent la principale priorité de l’action gouvernementale après l’emploi. Il faudra en particulier veiller à ce que les architectes et les urbanistes soient étroitement associés aux opérations de constructions-démolitions qui ont été annoncées.

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis des crédits de la ville, a souligné que les annonces faites par le ministre confirmaient que la mécanique de la politique de la ville est aujourd’hui bien enclenchée. Après le discours de Villepinte et la présentation du rapport Sueur, la nomination d’un ministre délégué, les mesures décidées lors du conseil interministériel des villes du 30 juin dernier et la réforme du Conseil national des villes témoignent de l’ampleur de l’action engagée.

Les principales orientations présentées, qui consistent à garantir le pacte républicain sur tout le territoire, à renforcer la cohésion sociale dans les villes, à mobiliser autour d’un projet collectif et à construire la démocratie dans nos villes doivent être approuvées. Les décisions déjà prises ou annoncées, comme la prorogation des contrats de ville ou les expérimentations prévues dans seize sites pilotes, vont dans le bon sens. La traduction en termes budgétaires de l’effort engagé est particulièrement sensible puisque les crédits propres au ministère de la ville augmentent de 32 % pour atteindre le montant symbolique du milliard de francs et le total des crédits consacrés à la ville de 22 %. L’amélioration du financement des contrats de ville ainsi que l’augmentation des crédits du Fonds social urbain (FSU), de modernisation des services publics de quartier et de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) doivent également être salués.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les observations suivantes :

- La sécurité est une préoccupation quotidienne des maires et constitue également une condition indispensable au retour de la démocratie dans les quartiers défavorisés, ce qui justifie des demandes d’effectifs supplémentaires. De ce point de vue, la concertation en cours sur les modalités du redéploiement des effectifs respectifs de la police et de la gendarmerie doit se poursuivre. Il faut souligner que ce redéploiement n’a pas pour objectif unique de fermer des commissariats et qu’il devrait au contraire permettre d’en créer là où cela est particulièrement nécessaire.

- L’importance de l’urbanisme commercial dans la vie des quartiers défavorisés doit être soulignée. L’Etablissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (EPARECA) constitue un instrument très important qui doit être doté de moyens à la hauteur des besoins constatés.

- La reconquête des villes par l’Etat républicain suppose une meilleure présence des administrations de l’Etat dans les quartiers défavorisés. Dans cette optique, des expériences pilotes de déconcentration administrative devraient être envisagées.

- Il serait utile d’obtenir des précisions sur les modalités nouvelles d’élaboration et de mise en œuvre des contrats de ville qui seront expérimentées dans les seize sites pilotes retenus.

- Si l’augmentation de un milliard de francs de la dotation de solidarité urbaine (DSU) constitue un effort significatif qui doit être signalé, il convient de veiller à ce que les ressources nouvelles ainsi apportées aux communes concernées ne soient pas remises en cause par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).

- Les ressources des fonds structurels européens doivent pouvoir bénéficier non seulement aux campagnes mais aussi aux villes.

- L’évaluation de l’efficacité des instruments de la politique de la ville en termes de créations d’emplois doit également prendre en compte les emplois dont ces instruments ont permis le maintien, notamment dans les zones franches.

En réponse, M. Claude Bartolone a apporté les éléments suivants :

- Les engagements forts pris par le Premier ministre lors de la réunion du Conseil interministériel des villes du 30 juin dernier ont permis de faire avancer nombre de dossiers. L’éducation est une composante essentielle de l’intégration dans les villes. Lorsqu’une famille se voit proposer un nouveau logement, elle tient compte des caractéristiques de celui-ci mais aussi des infrastructures et des écoles existant dans le quartier concerné. Même si le logement qu’elle occupe actuellement en centre ville est en très mauvais état, cette famille aura tendance à refuser le nouveau logement qui lui est proposé si elle a en quelque sorte le sentiment d’être “ assignée en résidence ” dans le quartier correspondant. A cet égard, l’école constitue un pôle de peuplement. De plus, elle doit impérativement être un lieu de sécurité pour devenir un facteur de réussite. Dans cet esprit, les ministres de la ville et de l’éducation nationale travaillent ensemble sur la question des réseaux prioritaires d’éducation.

- La poursuite du développement des emplois jeunes et le programme TRACE doivent permettre de donner la chance à tous les jeunes de montrer leurs talents et d’être acteurs et non plus spectateurs de leur propre vie. Ce n’est qu’en gagnant la bataille de l’emploi qu’il sera possible de revitaliser les villes. Pour la réalisation du programme TRACE en particulier, les conseils régionaux devront assumer leur responsabilité en matière de formation.

- En ce qui concerne l’habitat et l’urbanisation, il s’agit de revoir avec M. Louis Besson, ministre du logement, les dispositifs de la loi d’orientation sur la ville. La rénovation urbaine doit être menée en dépassant le traditionnel anathème jeté sur les architectes et urbanistes.

- S’agissant de l’urbanisme commercial, la priorité a été donnée au maintien des activités. A ce titre, l’EPARECA, dont l’objectif est de restaurer la situation d’un certain nombre de copropriétés commerciales et artisanales situées dans les aires d’intervention de la politique de la ville quand il n’y a pas de repreneur privé, est doté d’un capital de 130 millions de francs et d’une capacité d’emprunt identique. Il est dirigé par des personnes connaissant particulièrement bien les problèmes, avec M. Laurent Cathala comme président et Mme Brabant, déléguée interministérielle à la ville, comme vice-présidente.

- Concernant la reconquête des villes par la présence des services publics, il est important de favoriser les échanges entre quartiers en apportant des éléments de vie, comme l’emploi et la culture. L’installation d’antennes de service public dans les quartiers défavorisés doit permettre de redynamiser ces échanges.

- L’objectif des seize sites pilotes est de mener des expériences innovantes qui seront ensuite généralisées et consolidées. Il s’agit à la fois de simplifier les procédures administratives, d’assouplir les modes de financement pour les rendre plus opérationnels et de sortir de la logique des quartiers prioritaires.

- En ce qui concerne la DSU, un geste fort a été fait avec son augmentation d’un milliard de francs. Cet effort significatif doit toutefois concerner toutes les communes. Il faut à tout prix éviter que certaines aient au bout du compte un solde négatif.

- Les fonds structurels européens contribuent significativement à la politique de la ville et il est très important d’obtenir, dans le cadre des négociations communautaires, le maintien de leur montant.

- Il n’est pas souhaitable de supprimer les zones franches urbaines car il est une mauvaise politique de changer d’outils tous les trois ans. L’approche économique de ces zones a permis d’associer de nouveaux acteurs à la politique de la ville, notamment les chambres consulaires. Quant à l’estimation de la réalité et du coût des emplois créés dans ces zones, il faut attendre le rapport que les trois inspections générales : l’IGAS, l’IGF et l’IGA doivent remettre à la fin du mois d’octobre 1998.

M. Denis Jacquat a évoqué les points suivants :

- Il est impératif de favoriser la réussite de la politique de l’emploi. Force est de constater que les CES sont embauchés pour des périodes de plus en plus courtes et que les renouvellements deviennent très difficiles. De même, il existe une sélection par les diplômes pour les emplois-jeunes. De ce fait, on ne donne pas toutes leurs chances aux jeunes les plus défavorisés.

- La préoccupation de sécurité poursuivie par la politique de la ville doit s’appuyer sur deux volets : la prévention tout d’abord avec une augmentation nécessaire du nombre de travailleurs sociaux, la répression ensuite avec le problème que pose la faiblesse des peines infligées aux jeunes mineurs délinquants et particulièrement aux multirécidivistes.

- Il serait souhaitable de clarifier les concepts en ce qui concerne la partie éducative de la politique de la ville, car on ne comprend pas toujours bien pourquoi les zones sensibles ne sont pas classées en zones d’éducation prioritaire.

- En ce qui concerne les opérations de démolition-reconstruction, on est passé du quantitatif dans les années 60 au qualitatif aujourd’hui. Il serait donc souhaitable d’accorder un bonus financier aux collectivités locales qui mettent effectivement en œuvre les trois volets de la politique de la ville, à savoir emploi, sécurité et éducation.

- Les zones franches urbaines ont au moins permis de maintenir les emplois existants et il faut donc apprécier leur efficacité sur la durée.

M. Edouard Landrain après avoir rappelé au ministre que son prédécesseur disposait de crédits dans les domaines culturels et sportifs, s’est étonné de ne pas retrouver dans la liste générale des crédits qui lui sont délégués ceux des ministères de la culture et de la jeunesse et des sports.

M. Maurice Leroy, après s’être félicité que l’action du ministre de la ville s’inscrive dans la continuité de celle de ces prédécesseurs, a fait les observations suivantes :

- En matière de sécurité, un redéploiement consistant d’une manière générale à réaffecter dans des quartiers difficiles des policiers en fin de carrière venant de secteurs tranquilles n’est pas une solution. Il convient de recruter des policiers formés et motivés à ces actions.

- S’agissant des contrats de ville, le délai de versement des subventions aux associations continue de les placer dans des situation d’extrême précarité, une partie des sommes versées étant consacrée au paiement des agios dus aux retards. La reconnaissance du rôle, fondamental, de maillage des quartiers qu’assument les associations implique le respect du principe posé par le pacte de relance pour la ville : 3 mois de contractualisation, 3 ans de financement.

- La création d’un Institut sur la ville est une bonne mesure si elle permet le regroupement de réflexions et d’études éparpillées et cloisonnées, afin de doter la politique de la ville d’une boîte à outils identique à celle qui a conduit au succès de l’aménagement urbain à New-York.

- Il est impératif que les départements qui gèrent le RMI, l’action sociale, le Fonds de solidarité logement et une partie des actions en matière d’éducation soient associés à la politique de la ville.

- L’intervention publique doit pouvoir être harmonisée afin de tendre au “ guichet unique ” que préconisait Hubert Dubedout.

- Les sous-préfets chargés de la ville doivent disposer d’un véritable pouvoir dans leurs secteur, et non le partager avec les secrétaires généraux des préfectures et les directions départementales de l’équipement (DDE).

M. Jean-Claude Mignon après s’être interrogé sur les critères de sélection des sites pilotes, a fait part des réflexions suivantes :

- En matière de projets urbains, l’incitation publique continue de porter sur les réhabilitations des bâtiments ce qui semble contradictoire avec le programme de “ reconstruction-démolition ” présenté comme avec l’objectif de “ dédensification ” des quartiers.

- Il existe un grand contraste entre les programmes des ministres et l’inertie de leurs administrations ; les délais intervenant entre la programmation des actions et leur réalisation effective sont beaucoup trop longs ;

- 98 % de la population scolaire participe aux programmes d’aménagement du temps scolaire, les engagements du ministère de la jeunesse et des sports dans l’organisation du temps extra-scolaire doivent donc être tenus ;

- La mise en place des contrats locaux de sécurité ne doit pas empêcher les communes non contractantes de bénéficier du droit à la sécurité.

Mme Yvette Benayoun-Nakache après s’être réjouie du succès du “ Mondial ” qui se traduit par un afflux d’inscriptions auprès des association sportives, a souhaité qu’elles puissent bénéficier de moyens financiers à la hauteur de leurs nouveaux besoins.

M. Yves Rome s’est félicité de la mise en place du programme de “ reconstruction-démolition ” qui est la traduction, pour la ville, d’une politique s’inscrivant dans la durée.

M. René Couanau après avoir fait part de sa volonté de nuancer les appréciations très positives portées sur le programme d’action du ministre de la ville a souhaité que soit précisés les axes de la redynamisation des sites pilotes retenus en matière de contrat de ville et la coordination des périmètres d’action.

Il a ensuite fait part des réflexions suivantes :

- S’agissant des contrats de ville, ils supposent le respect des engagements de l’Etat qui y est partie, en particulier pour les zones d’éducation prioritaires. Ils doivent également enrichir les contrats de plan Etat-régions, or l’expérience de la région Bretagne, qui possède un réseau de villes conséquent, ne montre pas un travail quelconque dans ce sens.

- Les contrats locaux de sécurité supposent, eux aussi, des engagements réciproques de l’Etat comme des communes. Leur intérêt est donc limité si l’apport de l’Etat est faible.

- L’articulation du développement des emplois-jeunes et de la politique de la ville n’est pas satisfaisante. En effet, créés dans des secteurs non couverts par les recrutements habituels d’emplois locaux, ils ne s’adressent pas aux jeunes peu qualifiés. Il conviendrait de modifier la réglementation afin d’autoriser les collectivités locales à recruter et à former durablement des jeunes sur des emplois traditionnels.

Mme Dominique Gillot s’est félicité que M. Claude Bartolone souhaite faire participer l’ensemble des habitants, en fonction de leurs spécificités et de leur particularités, à la vie et à l’évolution de leur commune. Dans cette logique, les parents constituent un ensemble d’habitants à particularité forte. Leur rôle n’est pas toujours facile en milieu urbain, et tout particulièrement dans des environnements défavorisés et des quartiers en difficulté. La politique de la ville, dans son volet éducatif et préventif, participe très clairement de la politique familiale rénovée développée en juin dernier par le Premier ministre devant la conférence nationale de la famille. Il serait donc intéressant de connaître les mesures spécifiquement destinées à la famille et aux parents qui seront mises en oeuvre par le ministère de la ville.

M. Michel Pajon a formulé les observations suivantes :

- L’emploi, l’éducation et le maintien des services publics dans les quartiers en difficulté sont très certainement des enjeux et des objectifs importants, mais celui de la sécurité doit primer sur tout le reste car un climat permanent de violence et d’insécurité réduit à néant toute action sociale mise en œuvre par ailleurs. Il est donc absolument nécessaire que la justice trouve rapidement un mode de réponse adapté à ce problème.

- En ce qui concerne l’action de l’EPARECA, il existe de très nombreux cas où ils suffirait de quelques mesures et actions ponctuelles pour éviter de tomber dans une situation de “ ghetto commercial ”. Bien souvent cependant, en raison des modalités complexes de propriété des lieux et des locaux, comme par exemple pour les centre commerciaux situés sur des dalles, les travaux d’entretien ne sont pas réalisés et les commerçants finissent par fermer boutique ou bien par céder leur place à des communautés plus résistantes.

- Si l’intercommunalité peut avoir un intérêt sur différents sujets, en raison notamment de sa flexibilité, elle reste relativement inopérante en matière de logement social, les intérêts des villes et des quartiers étant trop spécifiques pour autoriser des coopérations volontaires entre collectivités et une répartition équilibrée des logements sociaux sur le territoire. L’Etat doit donc s’impliquer directement pour faire en sorte que les logements sociaux ne soient plus construits là où il y en existe déjà et que la mixité de l’habitat soit préservée ou restaurée. Les élus locaux doivent par ailleurs se voir reconnu le pouvoir d’attribution des logements afin de ne plus orienter des familles particulièrement difficiles vers des habitats comportant déjà un certain nombre de cas sociaux.

En réponse aux différents intervenants, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, a donné les informations suivantes :

- L’emploi est un élément essentiel de la politique de la ville et demeure la première préoccupation du Gouvernement. La question du niveau de sélection des emplois-jeunes est particulièrement importante et l’on doit se féliciter que le taux d’embauche de jeunes de niveau inférieur au bac soit passé de 27 % en début d’année à 31 % aujourd’hui. Le fait que les embauches par les collectivités locales commencent à se multiplier n’est d’ailleurs par étranger à cette amélioration, car les autorités locales ont bien à l’esprit cette préoccupation. Instruction a, en tout cas, été donnée aux préfets afin d’accroître leur vigilance sur cette question.

- Il convient en effet de faire attention à l’utilisation des contrats emploi-solidarité (CES) car le risque existe de voir apparaître une population “ condamnée ” aux CES à répétition.

- L’accélération du programme des “ maisons de la justice et du droit ” devrait contribuer à l’amélioration de la prise en charge de la délinquance.

- Les contrats de ville sont destinés en priorité à sortir d’une logique de zones dites “ sensibles ”, et donc identifiées comme à risque par les habitants, pour entrer dans une démarche de projet et de responsabilité partagée de l’Etat, des collectivités locales et des habitants.

- Si le ministère souhaite que les démolitions de logements sociaux soient précédées d’une concertation entre offices de HLM et communes voisines, c’est avant tout pour éviter que l’éviction de populations jugées difficiles soit organisée par le biais d’une démolition sauvage, qui conduit à les installer sur un autre territoire et permet ensuite de reconstruire des logements que l’on propose à d’autre personnes moins “ marquées ”. Pour évaluer la nécessité et les conséquences d’une démolition, il convient de tenir compte de toutes les données disponibles et de prendre en compte chaque situation – y compris le fait que certains ensembles doivent effectivement être démolis car plus personne ne veut y habiter – afin de parvenir à une meilleure répartition géographique des logements sociaux et une préservation de la mixité de l’habitat.

- Certains effets pervers des zones franches urbaines (ZFU) doivent être pris en compte : l’implantation des entreprises dans ces zones peut être fictive, être consécutive à une délocalisation ou bien le prétexte à un développement de leurs activités en dehors de la zone franche.

- S’agissant des relations entre la politique de la ville et le sport, une initiative commune des deux ministères devrait prochainement permettre de prolonger l’esprit de la Coupe du monde dans certains quartiers notamment. La participation financière du ministère de la Jeunesse et des sports à la politique de la ville s’élève à 44 millions de francs, consacrés essentiellement aux contrats de ville, et à 33 millions pour le FIV. Celle du ministère de la culture est respectivement de 42 et 60 millions, auxquels s’ajoutent 92 millions destinés à des actions spécifiques.

- Concernant les contrats locaux de sécurité, il n’est nullement question de pénaliser celles des villes qui ne s’en doteront pas. En revanche, celles qui s’engageront dans ce cadre devront mener une réflexion indispensable relative aux heures d’intervention des forces de police. Ces équipes doivent être davantage mobilisées durant les périodes où les délits et actes de délinquance ont le plus de chance de se produire d’un point de vue statistique.

- Il est certain que la politique de la ville devrait davantage associer les départements. Le cas des Hauts-de-Seine doit être salué comme une expérience exemplaire.

- S’agissant des sous-préfets de ville, il convient de mieux définir à l’avenir leur profil et de conduire une réflexion relative à la durée d’occupation dans ce type de poste. Ceux-ci ont vocation à devenir des éléments importants de coordination des actions de l’Etat en matière de politique de la ville.

- Il est indispensable de mieux lier la signature des contrats de ville à celle des contrats de plan Etat-région.

- Il convient de ne pas culpabiliser les parents en difficulté, qui doivent être aidés dans leur rôle éducatif. A titre d’exemple, le programme mis en place dans les écoles de Tourcoing et tendant à favoriser les liens entre l’école et les parents a permis d’observer une diminution de l’absentéisme, du nombre d’actes d’incivilité et un investissement accru des parents dans le suivi scolaire de leurs enfants. Pour conforter les parents dans leur responsabilité éducative, il est prévu, par convention avec la DIV et différentes associations familiales, dont la Fédération des écoles des parents et l’UNAF, de créer un réseau d’associations d’aide aux parents.

- En ce qui concerne le financement, la mutualisation des financements publics permettrait de ne pas trop “ flécher ” les crédits et ainsi de dépenser la totalité des enveloppes. Toutefois, ce dispositif devrait s’accompagner d’une évaluation systématique tous les deux ou trois ans.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la ville et de l’intégration pour 1999.

- Cliquer ici pour retourner au sommaire général.

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis



© Assemblée nationale