N° 1113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999,

TOME III
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
COOPÉRATION

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro 1111 (annexe n° 3)

Lois de finances

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, MM. Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - UN BUDGET RÉFORMÉ 9

A - UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET ATTENDUE. 9

1) Une réforme souhaitée 9

2) Des principes et de la méthode 10

3) Les modalités de la réforme 12

B - UN BUDGET DE MODERNISATION 16

1) Un effort de rigueur 17

2) Des priorités affichées 18

II -UNE POLITIQUE AFRICAINE RÉNOVÉE 21

A -UNE CONTRIBUTION À LA PAIX EN AFRIQUE 21

1) Des conflits meurtriers 21

2) Non-ingérence et non-indifférence 23

B -UNE FIDÉLITÉ RÉAFFIRMÉE 24

1) Une présence utile et reconnue 24

2) Des liens économiques à renforcer 25

CONCLUSION 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

ANNEXES 31

Mesdames, Messieurs,

"Ce ministère de la Coopération ne peut rester comme il est : il devrait être rattaché au Quai d’Orsay. C’est indispensable car c’est le Quai qui mène la politique de Coopération et qui, au fond, en conduit l’application.". Ces mots ne sont pas extraits de la déclaration de politique générale de M. Lionel Jospin du 19 juin 1997 dans laquelle il annonçait "l’indispensable réforme du dispositif de coopération" mais des souvenirs de Jacques Foccart, tels que du moins il les a retranscrits dans son journal "Tous les soirs avec de Gaulle"; ils auraient été prononcés par ce dernier en janvier 1966.

Cette citation du général de Gaulle rappelle, s’il en était besoin, que la réforme de la Coopération est un serpent de mer de la vie politique et administrative française depuis plus de trente ans et que, cycliquement, l’idée revient d’une absorption des services de la Rue Monsieur par le Ministère des Affaires étrangères.

Une première tentative de fusion entre les corps des deux ministères a été tentée en 1981-1982, mais elle s’est heurtée à l’époque à l’opposition des personnels des deux départements. Les agents du Ministère de la Coopération craignaient de perdre leur identité, tandis que ceux du Ministère des Affaires étrangères voyaient d’un mauvais oeil l’arrivée de fonctionnaires que l’on soupçonnait de ne pas avoir sufffisamment la "fibre diplomatique". Cette opposition au sein des administrations était elle-même l’écho d’une division au sein du Gouvernement de l’époque entre partisans d’une politique qualifiée de tiers-mondiste, et ceux prônant la continuation d’une politique de coopération tournée essentiellement vers l’Afrique subsaharienne. Cette dernière position l’a finalement emporté, ce qui a entraîné le changement du Ministre de la Coopération à la fin de l’année 1982.

De même, après les élections présidentielles de 1995, un rapprochement entre les Ministères des Affaires étrangères et de la Coopération a été mis à l’étude, et les travaux semblaient suffisamment avancés pour que le Ministre des Affaires étrangères de l’époque se crût autorisé à annoncer, lors de la conférence des ambassadeurs d’août 1995, que le Ministère de la Coopération allait être intégré au Quai d’Orsay. Mais ce projet a finalement été abandonné à la suite d'un discours du Président de la République, prononcé lors d’un voyage en Afrique, à Cotonou, en décembre 1995, où il affirmait sa volonté de voir maintenir un Ministère de la Coopération indépendant avec ses propres moyens.

Ces rappels historiques illustrent que reparler de la réforme de la coopération était chose dangereuse : c’était ouvrir la boite de Pandore. L’exercice n’était donc pas sans risque même si, jusqu'à présent, la réforme finalement entreprise a été placée sous le signe du consensus. Le Président de la République l’a approuvée et peu de critiques majeures se sont pour l’instant fait entendre. Cette apparente facilité est due en grande partie au travail persévérant des deux principaux ministres concernés : MM. Hubert Védrine et Charles Josselin. Votre Rapporteur voudrait leur rendre hommage pour la façon dont ils ont mené cette réforme qui s’inscrira dans les faits à partir du 1er janvier 1999.

Le principal avantage de cette réforme, selon votre Rapporteur, même si le Gouvernement se garde bien de l’exprimer ainsi pour des raisons diplomatiques, est de rompre définitivement avec une approche post-colonialiste de la Coopération qui prévaut depuis trente ans, tout en essayant de sauvegarder les liens privilégiés qu’entretient la France avec ses anciennes colonies. Les critiques qui portaient sur les zones d’ombre de la politique africaine (détournement de l'aide publique au développement (APD), interventions au service de régimes peu recommandables, complaisances clientélistes, etc...) ont été entendues, mais elles n’ont pas pour autant conduit à brader la relation particulière entretenue par la France avec l’Afrique. Ces liens seront maintenus, mais ils devraient être à l’avenir être empreints de plus de dignité et d’exigence : c’est une évolution dont votre Rapporteur se réjouit et pour laquelle il a souvent plaidé.

Cette modernisation dépendra en grande partie de la capacité à faire évoluer les mentalités en même temps que les pratiques et les structures administratives. Votre Rapporteur se félicite cependant d’ores et déjà de l’esprit de rénovation et d’ouverture qui a prévalu à la mise en place de la réforme.

Les crédits de Coopération qui nous sont aujourd’hui soumis sont pour la première fois présentés à l’intérieur d’un budget unique des Affaires étrangères, ce qui ne facilite pas les comparaisons avec l’année passée. Ces crédits ont toutefois été isolés sur des chapitres particuliers. Il est ainsi possible d’identifier une somme totale de 10,53 milliards de francs consacrés à la coopération internationale et au développement. A structure constante, les crédits consacrés à la coopération diminuent de 8,16 % en 1999 par rapport à 1998 (voir tableau en annexe).

Le Ministre délégué à la Coopération et à la francophonie n’a pas caché, lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, que la Coopération a payé un peu fortement, en termes de crédits, l’application de la réforme, en précisant toutefois que les économies demandées, notamment dans le domaine de l’aide technique civile, ne sont pas de nature à porter atteinte à l’image et l’action de la France en faveur du développement.

Avec 0,45% de son PNB consacré à l’aide publique au développement en 1997 - contre 0,48% en 1996 -, la France se place au premier rang des pays du G8. En termes de volume, elle se situe au deuxième rang mondial derrière le Japon, mais devant les Etats-Unis et l’Allemagne. Loin derrière suivent le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada, la Suède et le Danemark. En 1997, le montant de l’APD des pays de l’OCDE a diminué pour la cinquième année consécutive de 0,33% en 1992 à 0,22% en 1997. C’est le plus bas niveau jamais atteint.

Le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a précisé que les économies éventuelles dégagées par la réforme seraient recyclées dans le processus d’aide au développement. Votre Rapporteur souhaite que la Commission des Affaires étrangères soit en quelque sorte le gardien de cette promesse et veille à l’avenir à ce que la France conserve un haut niveau d’aide publique au développement, mais aussi que cette aide soit effectivement appliquée à des projets de développement.

La réforme des structures ne doit pas cependant en cacher une autre, tout aussi importante : celle de notre politique africaine. C’est pourquoi, après la présentation des grandes lignes de la réforme de la Coopération et son budget, une seconde partie évoquera la réorientation de notre politique à l’égard de l’Afrique.

I - UN BUDGET RÉFORMÉ

A - Une réforme nécessaire et attendue.

1) Une réforme souhaitée

Votre Rapporteur fait partie de ceux qui appelaient depuis longtemps de leurs voeux une réforme de la Coopération. Il l'avait réclamé en 1992 dans un rapport similaire et s’en est à nouveau longuement expliqué l’année dernière. Le dispositif en place depuis le début des années 60 lui semblait devoir être profondément réformé.

Le reproche le plus souvent adressé à l’ancien dispositif était d’être marqué par une certaine confusion institutionnelle, conséquence notamment de la multiplicité des intervenants. En 1997, par exemple, le Secrétariat d’Etat à la Coopération n’a contrôlé que 12,5% de l’APD, le reste étant de la responsabilité du Ministère de l’économie et des finances (pour plus de 40 %), du Ministère des Affaires étrangères, de la Caisse française pour le développement, des Ministères de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, des DOM-TOM, de l’Agriculture... Cet éparpillement aboutissait à une confusion qui empêchait toute vision globale en favorisant les logiques sectorielles et l’éclatement des prises de décisions. Il en résultait une absence de contrôle politique réel, une lourdeur et une opacité de notre système d’aide publique contre laquelle on avait essayé de lutter en créant notamment en mars 1996 une instance de coordination : le Comité interministériel de l’aide au développement (CIAD). De fait, ce Comité est vite apparu comme une réponse insuffisante aux problèmes rappelés ci-dessus : il n’a d’ailleurs eu l’occasion de se réunir qu’une seule fois depuis sa création. Cet échec a eu toutefois comme avantage d’illustrer la nécessité de construire un dispositif institutionnel à la fois plus simple et plus resserré.

Cette confusion institutionnelle avait également un autre inconvénient majeur : celui de faire jouer à l’Etat toute une série de rôles souvent peu compatibles entre eux, puisqu’il était à la fois le concepteur de la politique suivie, l’autorité de tutelle des organismes publics et l’opérateur direct de nombreuses actions de coopération.

Le second reproche que l’on pouvait adresser à l’ancien dispositif était de contribuer insuffisamment à la lisibilité de notre politique de coopération. Le tableau cité en annexe qui met en regard pour chaque pays le montant de notre aide publique par habitant avec celui du PNB par habitant, illustre, s’il en était besoin, que le critère de pauvreté n’est pas le seul à être pris en compte pour l’attribution de l’aide. Votre Rapporteur ne trouve à cela rien de choquant dans son principe : la bonne gestion des affaires publiques, l’existence d’un état de droit, le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme doivent - ou devraient- bien évidemment être tout autant pris en considération. Ces critères doivent être prédominants, ils ne l'ont pas toujours été dans le passé. Encore faut-il retenir quelques lignes de cohérence ! Pour y contribuer, et compte tenu de l’effacement progressif des frontières entre les questions bilatérales et multilatérales, politiques et économiques, M. Hubert Védrine appelait de ses voeux l’acquisition d’une "vision panoramique" des problèmes diplomatiques.

Enfin, dernier reproche qui était souvent entendu, notre ancien dispositif de coopération avait quelques difficultés à adapter ses programmes aux mutations politiques, économiques et sociales que connaissent depuis quelques années les pays du sud. La France avait trop tendance à multiplier les aides hors-projet, à privilégier des approches unilatéralistes et interventionnistes de l’aide au développement, peu propices à une participation directe et active des populations. L’implication de celles-ci constitue pourtant une condition nécessaire à la réussite à moyen terme des politiques de développement. Des efforts d’ouverture du dispositif, notamment vers la société civile, apparaissaient donc comme indispensables.

2) Des principes et de la méthode

La réforme de la Coopération a été, de l’aveu même du Gouvernement, guidée par quatre principes :

- le renforcement de l’unité de conception et de coordination de l’action de la France en matière de coopération internationale;

- l’amélioration de son efficacité et la modernisation de ses procédures;

- la promotion du partenariat et la valorisation des complémentarités;

- un accroissement de la lisibilité de nos actions et l’élargissement de la participation de la société civile.

Ces quatre principes témoignent de la volonté du Gouvernement de répondre aux critiques rappelées ci-dessus. Ils expliquent pourquoi la fusion entre la Rue Monsieur et le Quai d’Orsay a finalement été préférée à la création d’un grand ministère du développement, dont l’idée avait été envisagée et qui aurait regroupé les compétences du Secrétariat d’Etat à la Coopération et une partie de celles du Ministère des Affaires étrangères.

Ce souci affirmé d’efficacité, de rationalisation et de modernisation n’a pas conduit toutefois à supprimer le Ministère de la Coopération. De fait, depuis la création de ce ministère sous cette dénomination par le décret du 18 mai 1961, chaque gouvernement a comporté un titulaire de la Coopération. La seule exception fut le dernier gouvernement Messmer, de mars à mai 1974, mais ce fut davantage le fait d’un oubli, imputable à des changements de dernière minute et des subtilités de dosage politique, que d’une volonté délibérée. La Coopération a été, en février dernier, élevée du rang de Secrétariat d’Etat à celui de Ministère délégué. C’est une promotion dont votre Rapporteur se réjouit pour M. Charles Jossselin, qui siègera désormais chaque semaine au conseil des ministres, et dont les compétences ne sont plus limitées exclusivement aux pays en développement mais concernent l’ensemble des pays étrangers notamment en ce qui touche la coopération culturelle, scientifique et technique et les négociations internationales.

L’une des raisons qui expliquent l'aboutissement de la réforme de la Coopération est sans doute la méthode retenue de consultation et de concertation. Une première phase de consultation a duré tout le second semestre 1997 pour déboucher sur une communication le 4 février 1998 en conseil des ministres. Puis un comité de pilotage a été créé fin février 1998 sous la responsabilité de MM. François Nicoullaud et François Mimin, dont la tâche était de concevoir une nouvelle organisation administrative et d’organiser la concertation avec les personnels. Ils ont animé la réflexion de groupes de travail administratifs sur cinq thèmes prioritaires : l’organisation des services gestionnaires, l’intégration des personnels et la fusion des corps, la structure opérationnelle, l’intégration budgétaire, et enfin l’organisation des réseaux à l’étranger. Ce travail a débouché sur l’élaboration d’un projet qui devrait être officialisé par un décret portant organisation des services du Ministère des Affaires étrangères. La nouvelle structure devrait être en place le 1er janvier 1999. D’ores et déjà toutefois, depuis le début de ce mois d’octobre, les deux directions chargées des affaires administratives ont fusionné en une seule direction générale de l’administration ayant la responsabilité de la gestion des ressources humaines et des moyens matériels et financiers.

Selon M. Charles Josselin, les discussions n’ont pas toujours été faciles, notamment celles qui, avec le quai d’Orsay, ont porté sur les structures et les conditions de l’intégration des personnels, et celles qui avec Bercy, ont concerné la répartition entre le bloc finances et le pôle diplomatique, en particulier sur la tutelle de la Caisse Française de développement.

Si l'efficacité et la lisibilité de la politique de coopération seront ainsi incontestablement améliorées, il est néanmoins probable que des problèmes subsisteront, notamment entre les deux blocs financier et diplomatique, et que l'effort de rationalisation et de coordination devra être poursuivi.

3) Les modalités de la réforme

La première modalité est une tentative de rationalisation des institutions en charge de la Coopération.

Cette volonté de rationalisation s’exprime tout d’abord par la formation "d’un grand ensemble diplomatique" sous l’autorité du Ministre des Affaires étrangères. Le communiqué du conseil des ministres du 4 février 1998 parlait pudiquement d’un rapprochement des administrations centrales. De fait, une simple juxtaposisition aurait entraîné, au mieux des doublons, au pire des conflits de compétences. Le choix de la fusion, qui entraîne une réorganisation en profondeur des services, devrait permettre de donner plus de force et de cohérence à la nouvelle organisation.

La nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) regroupe la direction du développement et le service de la coordination géographique et des études du ministère délégué à la coopération ainsi que l’ancienne direction générale de la coopération culturelle, scientifique et technique du Ministère des Affaires étrangères. La nouvelle DGCID est organisée autour de quatre directions sectorielles qui représentent les quatre grands domaines d’action de la coopération internationale : direction du développement et de la coopération technique; direction de la coopération culturelle et du français; direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche; direction de l’audiovisuel et des techniques de communication. Ces dernières ont vocation, chacune dans son domaine, à mobiliser les savoir-faire français qui peuvent être mis à la disposition des partenaires étrangers. A ces directions par métier, s’ajoute une direction de "pilotage", la direction de la stratégie, de la programmation et de l’évaluation, dont la fonction est double : d’une part, orientation, synthèse et mise en cohérence des politiques de coopération, tant géographique que sectorielle; d’autre part mise en oeuvre et contrôle d’utilisation des moyens, tant humains que budgétaires mis à disposition.

Toutefois, un certain nombre de services précédemment intégrés dans l’administration du Ministère délégué se situent en dehors de la DGCID.

Il en est ainsi de la Mission militaire de coopération (MMC) qui, réunie avec l’ancienne sous-direction de l’aide militaire du Quai d’Orsay, est tranformée en une direction de coopération militaire et de défense, placée au sein de la direction générale des affaires politiques et de sécurité. De même, l’intégralité des problèmes concernant la francophonie sera traitée par le service des affaires francophones, alors que la cellule d’urgence intégrera le service de l’action humanitaire.

Sur le terrrain, les missions de coopération seront transformées en services de coopération et d’action culturelle au sein des ambassades, les chefs de mission se transformant en chefs de service. Les centres de l'Agence Française de Développement (AFD), qui assurent déjà la réalisation des projets et programmes dans les secteurs productifs et techniques, verront leurs compétences étendues aux domaines sociaux (éducation, santé). L’AFD, dont la zone de compétence normale sera la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) mais qui pourra également intervenir en dehors de cette zone, deviendra ainsi le véritable opérateur-pivot de la coopération. L’Etat ne conservera que la gestion des crédits d’aide aux secteurs de souveraineté : justice, état de droit, défense, police.

En ce qui concerne les personnels, la fusion au sein du Ministère des Affaires étrangères interviendra progressivement, corps par corps, au cours des deux années à venir. Le Ministère de la Coopération ne dispose pas aujourd’hui de corps spécifique; tous les corps existants sont à statut interministériel et, exception faite des administrateurs civils, ont en regard un corps homologue au Ministère des Affaires étrangères.

Deux options sont actuellement envisagées. La première consisterait en une fusion simple avec les corps strictement homologues du Ministère des Affaires étrangères qui interviendrait sans aucune modification statutaire et indiciaire. La seconde donnerait lieu à la création de nouveaux corps uniques du Ministère des Affaires étrangères, qui réuniraient corps d’administration et corps de chancellerie, dont les statuts resteraient à élaborer mais qui devraient rester sans incidence indiciaire. Si cette dernière solution devait être retenue, une première fusion ayant valeur de test serait faite entre les corps d’attachés d’administration centrale du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération et le corps des secrétaires adjoints des Affaires étrangères. Cette expérience pourrait être ensuite étendue aux corps de catégorie B et C. Enfin, il sera procédé rapidement à l’intégration, avec droit d’option, des administrateurs civils de la Coopération dans le corps des secrétaires et conseillers des Affaires étrangères. Compte tenu du délai d’option, cette intégration pourrait être achevée avant la fin de l’année 1999.

Cette réforme devrait permettre la rationalisation de la coopération autour de deux grands pôles, dont les préoccupations, il faut toutefois le reconnaître, sont loin d’être toujours convergentes : les Affaires étrangères d’une part, l’Economie, les Finances et l’Industrie d’autre part. Cette dyarchie est notament symbolisée par le partage entre les deux ministères du secrétariat du nouveau comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID). Cette réforme ne devrait pas diminuer le rôle du ministère de l’Economie et des Finances, qui continuera à contrôler une part essentielle de l’APD (44% en 1997), notamment dans le cadre de la gestion des protocoles financiers et sa participation aux principales institutions financières internationales, en particulier celles de Bretton Woods.

Ce CICID, qui s’est substitué à l’évanescent comité interministériel d’aide au développement, a pour fonction principale de veiller à la cohérence des priorités géographiques et sectorielles des diverses composantes de la coopération française. Composé des principaux ministres intéressés (affaires étrangères, économie, intérieur, outre-mer, défense, éducation, recherche...), il se réunira pour la première fois au début du mois de décembre prochain, pour notamment déterminer la zone de solidarité prioritaire. Il est chargé également d'établir en début de chaque année les orientations d'une programmation globale et d'évaluer la conformité de notre aide aux objectifs fixés. Le rôle joué par le CICID est l’une des grandes inconnues de cette réforme et dépendra du caractère plus ou moins "permanent"de son activité. Votre Rapporteur insiste sur l'importance de la fonction d'évaluation qui doit concerner annuellement l'ensemble des projets et des programmes.

La deuxième modalité de cette réforme de la Coopération est la volonté de maintenir des liens étroits avec les partenaires traditionnels de la France, notamment à travers la création d’une zone de solidarité prioritaire (ZSP). Certains chefs d’Etat africains, notamment ceux représentatifs de la première génération des dirigeants de l’Afrique francophone indépendante, auraient souhaité la création d’un "ministère des Affaires africaines". Cette solution n’a pas été retenue mais la création de la ZSP qui a vocation a comprendre "les pays les moins développés en termes de revenus et n’ayant pas accès au marché des capitaux" est une garantie que l’Afrique francophone sera certes désormais traitée à l’égal du reste du monde mais néanmoins, pour reprendre les mots du Premier ministre, "avec plus d’amitié et de générosité". Cette ZSP, dont les contours ont été conçus comme souples et évolutifs, concentrera l’essentiel de l’APD bilatérale de la France. Votre Rapporteur souhaite qu’elle joue un rôle de promotion des valeurs démocratiques, y compris par la pratique d’évictions-sanctions en cas de corruption ou de non-respect des droits de l’Homme. Il souhaite aussi que priorité soit donnée effectivement à des opérations de lutte contre l'extrême misère. En 1997 on assiste encore à 25 000 décès quotidiens d'enfants de moins de 5 ans dans le monde par faute de soins ordinaires et de nourriture, la plupart en Afrique sub-saharienne.

Un accord de partenariat pour le développement sera conclu avec chaque pays de la ZSP. Cet accord précisera, dans un cadre pluriannuel, les différents domaines de coopération : développement, action culturelle, coopération militaire, maîtrise des flux migratoires... Cette contractualisation se veut le symbole d’une relation d’égal à égal, et témoigne de la volonté de la France de privilégier des rapports adultes avec les pays aidés.

Enfin, la troisième modalité prévoit une meilleure association de la société civile au travail de définition et au dialogue nécessaire à la mise en oeuvre des missions de la coopération. A cette fin, et conformément à une suggestion émise par les ONG lors des assises nationales de la solidarité internationale d’octobre 1997, il est prévu de créer un Haut conseil de la coopération internationale. Cette instance rassemblera les différents acteurs de la Coopération : administration, collectivités locales, ONG, organisations professionnelles et syndicales, entreprises, enseignants, journalistes... Votre Rapporteur demande à ce que les parlementaires y soient associés. Ce Haut conseil, au rôle consultatif, devrait être un lieu d’informations et de débats et un moyen d’exprimer questions et recommandations.

Le nouvel organigramme prévoit également au sein de la DGCID une mission pour la coopération non gouvernementale qui a recueilli les compétences de l’ancien bureau commun pour la vie associative ainsi que de l’ancienne unité administrative qui traitait de la coopération avec les collectivités locales.

Au terme de cette rapide présentation, votre Rapporteur voudrait donner son sentiment sur cette réforme qui s’inscrit somme toute dans la lignée d’une évolution que l’on observe depuis le début des années 1990. L’abandon de la notion de pré carré avec l’élargissement du "champ" à d’autre pays que les anciennes colonies françaises puis sa suppression, la méfiance de plus en plus grande vis-à-vis de toute action pouvant être interprétée comme une ingérence dans les affaires internes d’un Etat, méfiance symbolisée notamment par la réduction du dispositif militaire français en Afrique, la perte progressive d’autonomie et d’importance de l’administration de la Rue Monsieur par rapport au Quai d’Orsay, sont à bien des égards des tendances en cours depuis plusieurs années. Cette réforme, qui entérine la disparition des services du Ministère de la Coopération, a le mérite, et il n’est pas mineur, de donner un cadre institutionnel rénové à cette évolution. Par son double aspect symbolique et concret, elle constitue une étape importante dans l’histoire des relations de la France et de ses anciennes colonies africaines.

B - Un budget de modernisation

Le budget unique Affaires étrangères/Coopération pour 1999 est en recul de 0,7% par rapport au cumul des budgets Affaires étrangères et coopération en 1998 : les crédits passent de 20,92 à 20,77 milliards de francs. L’analyse de l’évolution des crédits consacrés à la coopération - eux-mêmes en recul de 8,16 %) - est rendue très délicate du fait de l’introduction d’une nouvelle nomenclature budgétaire.

1) Un effort de rigueur

Il est difficile d’évaluer précisément les économies d’échelle que provoquera à moyen terme la réforme de la Coopération.

En termes d’effectifs tout d’abord, sur les 131 emplois budgétaires supprimés en 1999 pour l’ensemble Affaires étrangères-Coopération, seulement 12 suppressions concernent directement la Coopération.

L’effort demandé est plus important en revanche pour les postes non budgétaires, en particulier pour les postes d’assistants techniques qui diminuent de 170 unités, pour un effectif total en 1997 de 2593. Cette diminution ne fait que continuer un mouvement commencé en 1986. Elle est justifiée par la transformation d’une assistance technique en une coopération d’expertise et de conseil, qui nécessite des coopérants moins nombreux mais plus qualifiés et expérimentés. Cet argument serait cependant plus recevable s’il s’accompagnait d’une véritable réflexion sur le rôle et le volume de l’assistance technique directe dans le nouveau dispositif de la coopération française. La discrétion du Gouvernement sur ce sujet s’explique peut-être par la mission confiée à M. Jean Nemo, ancien directeur général de l’ORSTOM. Il est temps cependant que le volume de l’assistance technique cesse de jouer chaque année le rôle d’une variable d’ajustement budgétaire.

Les montants des concours financiers sont en baisse de 305 millions de francs, ce qui doit être perçu comme une bonne nouvelle puisqu’elle n’est que le reflet de l’amélioration de la situation économique et financière des pays de l’ex-champ et en particulier des pays de la zone franc. Cette amélioration limite d’autant les besoins de financement des Etats de la région. Votre Rapporteur prend acte de cette analyse, mais aurait souhaité que les économies réalisées sur les concours financiers soient recyclées dans l’aide-projet, afin d’avoir un effet levier sur l’éventuelle reprise des investissements entrainés par le retour d’une marge de manoeuvre budgétaire. Or, malheureusement tel n’est pas le cas. Les crédits de paiements qui alimentent le Fonds d’aide et de coopération et les projets de l’Agence française de développement sont en baisse respectivement de 55 et 174 millions de francs. Nous touchons là un plancher sur lequel viendront buter nos actions. Il est vrai toutefois que la stabilité du montant des autorisations de programme préserve le moyen terme.

De fait, il n’est pas sûr, selon votre Rapporteur, que le rétablissement des finances publiques que l’on constate aujourd’hui dans de nombreux pays africains soit tout à fait assuré. Les effets de la crise économique asiatique devraient se faire durement ressentir en Afrique centrale en raison de la baisse des recettes d’exportations liées au bois, en Afrique de l’Ouest en raison de la baisse des recettes d’exportations liées au coton, et pour les pays pétroliers, en raison de la baisse des recettes d’exportations liées au pétrole, aggravées encore par la baisse du dollar. La stabilité que l’on constate aujourd’hui est peut-être en trompe-l’oeil.

2) Des priorités affichées

Ce budget présente le mérite d’afficher très clairement un certain nombre de priorités.

La première priorité concerne le renforcement de notre capacité d’influence culturelle.

Votre Rapporteur citera simplement pour mémoire, puisque ces crédits font l’objet d’une étude détaillée dans un autre avis budgétaire de la Commission des Affaires étrangères, l’augmentation des crédits consacrés à l’action audiovisuelle extérieure qui dépassent pour la première fois le milliard de francs (chapitre 42-26, article 10). Face à la concurrence américaine, il devient urgent d’accroître, de manière substantielle, les capacités de diffusion à l’échelle mondiale de RFI, de CFI et de TV5 et du bouquet satellitaire francophone.

Votre Rapporteur se réjouit également de la hausse du montant des contributions volontaires aux dépenses internationales ( + 50 millions sur le chapitre 42-32) qui devrait contribuer à renforcer l’influence de la France et du français au sein des organismes internationaux. La France a en ce domaine un lourd retard à rattraper puisqu’elle se situait en 1997 seulement au 13ème rang des contributeurs de l’UNICEF, au 12ème de ceux du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), au 12ème de ceux du Programme alimentaire mondial (PAM) et au 14ème de ceux du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR).

Il est à noter également que la subvention à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger augmente de 104,4 millions de francs (chapitre 36-30, article 10).

La deuxième priorité concerne notre politique menée en faveur des futures élites africaines. La coopération dans le domaine de la formation est traditionnellement un point fort de la présence française à l’étranger. Plus de 20 000 bourses sont offertes à des étrangers chaque année. Plus de 800 millions de francs figurent à ce titre au budget pour 1999 du Ministère des Affaires étrangères. Mais la formation des cadres des pays en développement devenant un marché très concurrentiel, du fait notamment de l’attraction de plus en plus grande exercée par les universités anglo-saxonnes, la France se devait de réagir, de mettre en place un dispositif d’accueil et de suivi pédagogique et administratif adapté aux besoins des étudiants étrangers. Cet effort se traduit notamment par une augmentation de 5,4 millions des crédits destinés à la coopération culturelle et scientifique (chapitre 42-11).

Enfin, la troisième priorité concerne une meilleure association de la société civile à la politique d’aide au développement. Voilà pourquoi les collectivités locales et les ONG sont favorisées par le budget 1999. Les crédits de la Coopération décentralisée (chapitre 42-13, article 50), avec 37,7 millions de francs, bénéficient ainsi d’une hausse de un million de francs.

Mais au-delà des crédits, la coopération décentralisée doit aussi faire l'objet d'une meilleure coordination des différentes initiatives.

II -UNE POLITIQUE AFRICAINE RÉNOVÉE

A -Une contribution à la paix en Afrique

1) Des conflits meurtriers

Les années 1997 et 1998 ont été marquées, en Afrique, par la persistance de nombreux foyers de tension mais aussi l’irruption de crises nouvelles, que votre Rapporteur voudrait brièvement retracer.

En ce qui concerne les conflits inter-étatiques, le différend entre le Cameroun et le Nigeria, sur la possession de la péninsule de Bakassi, qui dure depuis 1993, a donné lieu à de nouveaux incidents entre les armées de ces deux pays en novembre 1997 et février 1998. La France intervient régulièrement pour inciter les deux parties à la retenue dans l’attente de l’arrêt que doit rendre fin 1999 la Cour internationale de justice.

Un incident armé le 6 mai 1998 à la frontière éthio-érythréenne, suivi le 12 mai de l’incursion de militaires érythréens dans la région de Badme en territoire éthiopien a dégénéré en conflit ouvert entre l’Ethiopie et l’Erythrée. Une médiation de l’OUA est en cours. La France soutient cette médiation et s’attache à observer une stricte neutralité dans ce conflit.

Mais les conflits les plus nombreux ont pour origine des problèmes internes.

Il en est ainsi tout d’abord en Afrique de l’Ouest. La Casamance est parcourue de mouvements séparatistes, regroupés au sein du Mouvement des forces démocratiques de Casamance. La stabilité de la République centrafricaine, qui a connu trois mutineries en 1996 dont la dernière avait provoqué l’intervention des troupes françaises, n’est toujours pas assurée en dépit de l’action positive de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA). En Guinée-Bissao, le Président Vieira, très affaibli politiquement, doit faire face à des mutins, qui semblent bénéficier de la sympathie des populations. La situation intérieure du Liberia, à l’issue de sept années de guerre civile, est en voie de normalisation mais reste fragile. En Sierra Leone enfin, après un coup d’Etat raté en mai 1997, les rebelles continuent de mener des attaques sporadiques à l’intérieur du pays.

En Afrique centrale et orientale, la situation est particulièrement inquiétante ; cette zone est en train de devenir un des éléments majeurs de déstabilisation de l’Afrique. Au Congo, la victoire par les armes de Sassou Nguesso contre Pascal Lissouba en octobre 1997, après une intervention de l’armée angolaise, a donné naissance à un régime autoritaire, sans perspectives immédiates d’élections. Le gouvernement n’ayant pas réussi à récupérer les armes des milices, une guérilla continue dans les campagnes. La République démocratique du Congo est en proie depuis le début du mois d’août 1998 à une crise profonde qui a pris rapidement une dimension régionale. Cette crise trouve son origine dans le problème non résolu depuis de nombreuses années de la minorité tutsie rwandophone (les Banyamulenge) établie de longue date dans la province orientale du Kivu, à la frontière du Rwanda et du Burundi. En entrant en conflit avec cette minorité qui, avec l’aide des régimes rwandais et ougandais, a joué un rôle déterminant dans sa prise du pouvoir, Laurent Kabila a provoqué une crise profonde qui l’a contraint à faire appel au soutien militaire de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie. L’Ouganda, dont le régime reste stable, doit compter avec une rébellion agissante soutenue par le Soudan. Ce dernier pays pour sa part doit également faire face à une rébellion qui contrôle la zone sud du pays et à une opposition nordiste extérieure qui, soutenue par les pays voisins, a fait le choix de la lutte armée. La Somalie est sans gouvernement depuis la chute de Siyad Barre en 1991. Si le nord (république autoproclamée du Somaliland) et le nord-est (région autoproclamée autonome du Puntland) connaissent une stabilité relative, le centre et le sud du pays, en particulier la capitale, Mogadiscio, sont en état de guerre. En revanche, le Burundi a entamé un processus de paix interne et de réconciliation nationale. Votre Rapporteur, qui a eu l’occasion de se rendre dans ce pays au cours de l’été 1998, souhaite que la France contribue par son action à la levée de l’embargo décrété par les pays voisins, dont les effets n’apparaissent plus aujourd’hui servir le processus de paix auquel s’est prêté le Burundi sous l’égide du facilitateur Julius Nyerere.

En Afrique australe, l’Angola connaît actuellement sa plus grave crise depuis la signature du Protocole de Lusaka de novembre 1994, qui avait relancé laborieusement le processus de paix. Les deux parties semblent s’être désormais engagées à nouveau dans une logique d’affrontement.

Enfin, dans l’Océan indien, en République fédérale islamique des Comores, une solution durable n’a pas encore été trouvée à la revendication indépendantiste anjouanaise qui s’était violemment exprimée en juillet 1997.

2) Non-ingérence et non-indifférence

Tout au long de ces crises, le Gouvernement français a mis en application, l'année écoulée, les principes complémentaires de "non-ingérence" et de "non-indifférence" que le Premier ministre a cités dans son discours du 3 septembre 1998 à l’IHEDN comme les principes fondateurs de la nouvelle politique africaine de la France.

Dans la crise anjouanaise, par exemple, et malgré les sollicitations dont elle était l’objet, la France s’est rangée aux côtés de ses partenaires de la Commission de l’Océan indien pour appeler les parties concernées à poursuivre leur dialogue sous l’égide de l’OUA. Elle a toutefois alloué en juillet 1998 un crédit de 20 millions de francs en faveur de projets de développement économique et social de la République fédérale islamique des Comores, afin de faciliter la reprise du dialogue inter-îles.

De même, pour la Guinée-Bissao, la France, qui considère comme seule autorité légitime le Président Vieira, a appelé les parties en présence à rechercher une solution pacifique à leur conflit, dans le respect de l’ordre constitutionnel existant. Malgré les nombreuses sollicitations dont elle a été l’objet, elle s’est attachée à ne pas s’ingérer dans ce conflit interne et à ne pas interférer avec les différentes tentatives de médiation.

De même, en ce qui concerne la crise que traverse aujourd’hui la République démocratique du Congo, la France a repris l’idée de Conférence pour la paix avancée dès 1994, tout en affirmant qu’il appartenait en premier lieu aux pays concernés de manifester une réelle volonté.

Tous ces exemples témoignent que la France n’entend pas - ou n'entend plus - arbitrer des conflits politiques internes aux pays africains.

Cette volonté s’exprime clairement dans le domaine de la sécurité où la France estime désormais, comme l’a exprimé le Premier ministre, que "la première responsabilité revient aux Africains eux-mêmes, qui peuvent néanmoins compter sur notre soutien en faveur de la paix et de la stabilité du continent". Le projet RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix ) vise à permettre aux pays d’Afrique d’être en mesure de mettre sur pied, en cas de besoin, des unités capables d’être engagées dans des opérations internationales. Des efforts particuliers ont été accomplis dans quatre domaines : l’instruction, avec en 1999, l’ouverture à Zambakro, en Côte d’Ivoire, d’une école de maintien de la paix; l’entraînement, avec l’exercice pratique baptisé "Guidimaka" qui a mobilisé en février 1998, 3 500 hommes, dont 2 600 Africains de huit pays, afin de renforcer la capacité de ces pays à conduire des opérations de maintien de la paix; l’équipement avec le prépositionnement par la France de matériels nécessaires pour l’équipement des forces africaines intervenant dans le maintien de la paix; et enfin l’aide à l’OUA, notamment à travers une subvention de 6 millions de francs au profit du centre de prévention des conflits de cette organisation.

B -Une fidélité réaffirmée

1) Une présence utile et reconnue

Existe-t-il un réel danger pour la France d’être évincée de l’Afrique ? Les tenants de cette thèse font ressortir l’esprit de Fachoda pour évoquer ce qu’ils voudraient décrire comme une menace anglo-saxonne, les Etats-Unis remplaçant la Grande-Bretagne dans son entreprise d’éviction de la France.

Votre Rapporteur est assez dubitatif sur le regain d’intérêt des Etats-Unis pour le continent africain. Certes, le voyage du Président Clinton en Afrique a fait figure de tournée historique puisque cela faisait vingt ans, si l’on écarte la rapide visite de Georges Bush aux troupes américaines en Somalie en 1992, qu’un président américain n’avait pas mis le pied sur ce continent. De fait, au-delà du succès médiatique, les positions des Etats-Unis n’ont guère évolué, notamment dans leur stratégie du "trade, but not aid". Le Président Mandela ne s’y est pas trompé, qui a jugé que la récente loi américaine sur le commerce et les investissements en Afrique, pourtant adoptée quelques jours avant le début du voyage de M. Clinton, n’était simplement "pas acceptable". Les Sud-africains n’ont guère caché qu'ils soupçonnent les Etats-Unis de vouloir étendre leur emprise commerciale sur le continent sans contrepartie réelle.

Plus dangereuse apparaît la tendance actuelle des jeunes élites africaines de préférer les universités américaines aux universités françaises pour leur formation. Votre Rapporteur souhaite qu’une réflexion soit conduite sur les nouvelles orientations stratégiques à donner à la politique des bourses afin de renverser cette tendance.

2) Des liens économiques à renforcer

La France demeure le premier partenaire commercial des cinquante-quatre pays du continent africain, au sein duquel la Zone franc représente, bon an mal an, un tiers des flux d’exportation. Huit cents sociétés françaises sont présentes dans cette Zone, dont nombre d’entre elles sont des filiales de groupes, ayant des dimensions de PME-PMI. D’après une enquête menée en 1997, 75% de ces entreprises seraient bénéficiaires; 13% présenteraient des résultats équilibrés, et 12% seulement accuseraient un déficit. Ainsi, malgré des conjonctures contrastées d’un pays à l’autre, les résultats de gestion ont retrouvé, en zone franc, un régime de croisière satisfaisant. Toutefois, alors que les conséquences de la dévaluation du franc CFA sont aujourd’hui maitrisées, la relance des investissements des sociétés françaises demeure timide. Or, ces dernières représentent, selon les pays, 50% ou plus, du produit intérieur brut du secteur productif et commercial formel. La relance de leurs investissements conditionne en conséquence le développement économique des pays concernés. Des problèmes liés à l’environnement politique des affaires continuent d’affecter la confiance des investisseurs concernés aussi la France s’efforce-t-elle de développer sur le terrain des projets d’amélioration de l’environnement juridique et fiscal.

Il existe également certaines inquiétudes sur le devenir de la Zone franc après le passage à l’euro le 1er janvier 1999. Certains pays s’inquiètent de la perte par la France d’une partie de sa souveraineté monétaire au profit de l’Union européenne dont ils craignent les intentions. Ces inquiétudes ne semblent pas fondées. Les gains de compétitivité obtenus en janvier 1994 n’ont pas été remis en cause et il n’existe, selon les experts du FMI et des grandes banques, aucune raison économique et financière de dépréciation du franc CFA. Au contraire, le passage à la monnaie unique peut être considéré comme une possibilité pour les pays africains d’obtenir un accès plus large au grand marché, ce qui est de nature à favoriser leur intégration régionale et leur insertion dans l’économie mondiale.

CONCLUSION

La réforme de la Coopération n’en est qu’à son premier acte. Sa meilleure chance de succès tient dans ce que le changement institutionnel semble correspondre au changement d’une politique, l’un appuyant l’autre. Il reste bien sûr l’essentiel : la mise en oeuvre des principes et des intentions.

Les moyens que met la France au service de la solidarité internationale sont, il est vrai, en lègère diminution. Mais nous pouvons légitimement espèrer que l’effort de rationalisation et de modernisation de nos actions compensera ces restrictions.

Au bénéfice de ces considérations, votre Rapporteur vous invite à donner un avis positif à l’adoption de ces crédits.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Brana, les crédits de la Coopération pour 1999.

Après l’exposé du Rapporteur, M. Jacques Myard, après avoir souligné la baisse des crédits de la Coopération et rappelé son accord de principe au processus de réforme, s'est inquiété des structures de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) qu'il a jugée inopérationnelle. Il a regretté que le principe d'une double direction - l'une chargée de la coopération en Afrique, l'autre du reste du monde - n'ait pas été retenue.

M. Jacques Godfrain a rappelé que la réforme de la Coopération avait été engagée par le précédent gouvernement comme en témoigne la création du Comité interministériel de l'aide au développement, afin d'améliorer la coordination. Il a regretté que la nouvelle zone de solidarité prioritaire ne soit toujours pas définie. Il a dénoncé l'incohérence qu'il y avait, selon lui, à se faire le défenseur de l'aide au développement dans les instances internationales tout en réduisant les crédits au niveau national. Il s'est indigné de la baisse très importante du nombre de coopérants techniques. Il a demandé si le Rapporteur, en appelant de ses voeux une coopération digne et exigeante, estimait l'ancienne politique indigne et laxiste.

Mme Yvette Roudy a demandé des précisions sur le montant des bourses, l'identité de leurs bénéficiaires et leur suivi. Elle s'est inquiétée du statut des coopérants mis à la disposition des gouvernements - parfois peu démocratiques - et de leur sécurité.

M. Pierre Brana a estimé que la DGCID, divisée entre quatre directions sectorielles et une direction de pilotage, présentait des garanties de cohérence. Il a estimé que M. Godfrain avait raison de s'inquiéter de la baisse du montant de notre aide publique au développement et qu'il avait demandé que les parlementaires soient représentés au sein du Haut conseil de la coopération internationale.

M. Pierre Brana a précisé que par son appel à la dignité et à l'exigence, il n'avait pas voulu dénoncer tel ou tel ministre, mais la pratique répandue des "éléphants blancs", de certains investissements dont les pays n'ont pas les moyens d'assurer la maintenance et le gaspillage de l'aide publique.

Le montant des crédits destinés aux bourses en 1999 s'élève à 800 millions de francs ; elles sont destinées aux meilleurs élèves pour former la future élite africaine.

Le Président Jack Lang a rappelé que Mme Alliot-Marie avait présenté au nom de la Commission des Affaires étrangères un rapport sur les bourses.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération.

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