N° 1115

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),

TOME II
INTÉRIEUR
POLICE

PAR M. LOUIS MERMAZ,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe 32).

Lois de finances.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I.   LES CREDITS CONSACRES A LA POLICE NATIONALE EN 1999 7

A. LES PRINCIPAUX INDICATEURS 7

1. L’évolution des grandes masses budgétaires 7

2. Les dépenses de personnel et l’évolution des effectifs 10

a) La masse salariale 10

b) Les effectifs 17

3. Les moyens matériels de la police 26

a) Le fonctionnement courant 26

b) L’informatique 30

B. LES FINANCEMENTS PRIORITAIRES 32

1. L’équipement immobilier des services 33

2. Les transmissions 34

II. —  LE PANORAMA DE LA DELINQUANCE 37

A. LE CONSTAT D’ENSEMBLE 38

B. LES CARACTERISTIQUES DE LA DELINQUANCE 43

1. Une délinquance de proximité plus violente 43

2. Une délinquance juvénile plus radicale 46

3. Une délinquance plus fluide 50

III. —  L’ACTIVITE DE LA POLICE NATIONALE 51

A. LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLICE DE PROXIMITE. 51

1. L’aménagement des structures 52

a) Le maillage du territoire par les contrats locaux de sécurité 52

b) La réorganisation des services 53

2. L’adaptation des méthodes 57

a) La revitalisation de l’îlotage 57

b) L’accueil du public et le suivi des victimes 60

c) La continuité du travail et l’accélération du traitement des procédures 62

d) L’intensification des investigations 63

B. APERÇU DE QUELQUES AUTRES INTERVENTIONS 64

1. La lutte contre le trafic de drogue 64

2. Le grand banditisme, les trafics illicites et la délinquance économique et financière 66

3. La police scientifique et technique 67

4. Les renseignements généraux 70

EXAMEN EN COMMISSION 72

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR 75

AUDITIONS EFFECTUÉES PAR LE RAPPORTEUR 76

MESDAMES, MESSIEURS,

Au cours de ces dernières années précédant l’avènement d’un nouveau siècle, la police nationale aura vécu une double mutation, expérience d’autant plus remarquable qu’elle concerne à la fois le cœur de l’action régalienne et un corps de fonctionnaire parfois taxé d’immobilisme, voire de corporatisme.

Mutation sur le plan des structures, tout d’abord, avec la réforme des corps et des carrières, conjuguée au réaménagement des rythmes de travail. Même si tous ses effets ne se sont pas encore fait sentir, cette réorganisation fonctionnelle, inspirée par un souci d’efficacité et de modernisation, appartient aujourd’hui au paysage quotidien des policiers qui y ont pris une part active.

Mutation des stratégies policières, ensuite, par la définition et la mise en œuvre progressive d’une police de proximité afin de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. Par cette approche globale, il s’agit de redonner une consistance à un îlotage largement en déshérence, d’améliorer l’accueil du public et le soutien aux victimes et d’accélérer la réponse judiciaire aux infractions, sans toutefois négliger la répression qui reste la clef de voûte de la crédibilité policière. Cette réorientation, qui bouleverse à bien des égards une culture solidement ancrée est à mettre au crédit du ministre de l’Intérieur et du Gouvernement qui veulent traduire en actes concrets les orientations exprimées lors du colloque de Villepinte, mais aussi des personnels qui ont “ joué le jeu ” loyalement.

L’ensemble de ces évolutions s’inscrit dans la durée. Grâce à elles, la police nationale devrait être mieux à même de relever le défi majeur que lancent à la collectivité les manifestations actuelles de la délinquance, caractérisées, comme l’a montré encore une actualité récente, par une violence, une précocité et une mobilité croissante. Votre rapporteur a tenu à observer comment s’opèrent ces transformations sur le terrain. S’il est encore trop tôt pour en tirer des enseignements définitifs, à Paris comme en région Rhône-Alpes, la nouvelle donne se traduit réellement par une réflexion sur les structures et des changements dans les méthodes de travail.

Pour sa part, le projet de budget qui vous est proposé s’insère dans cette démarche de moyen terme : s’il n’apporte pas d’innovation spectaculaire, les 29 milliards de francs qui sont ouverts permettront de consolider les inflexions voulues par le Gouvernement tout en assurant une modernisation plus rapide des moyens technologiques de la police nationale. Pour autant, il ne faut pas dissimuler que les retards accumulés au fil des ans et la satisfaction des besoins de la sécurité justifieraient amplement un effort plus soutenu.

Cela étant, on ne soulignera jamais assez que la réponse policière, même adaptée, n’est qu’un des leviers dont dispose l’Etat pour faire face à une délinquance qui reflète de plus en plus crûment l’enracinement dans la précarité, la rupture du tissu social, le rejet de la norme collective mais aussi, dans bien des cas, le désarroi psychologique Principalement interpellés par la violence des mineurs, les responsables de la sécurité publique doivent plus que jamais appréhender ces phénomènes de manière globale, notamment en repensant le couple prévention-répression.

La prévention doit devenir une composante à part entière de la politique de sécurité publique. Pour être efficace, elle suppose une implication croissante et coordonnée de toutes les parties prenantes – familles, associations, éducation nationale, justice, collectivités locales et, bien sûr, forces de sécurité – une détection précoce des comportements aux franges de la délinquance, une réflexion sur l’urbanisme, le logement social et la politique familiale ainsi que – et peut-être surtout – un effort particulier dans l’apprentissage des valeurs fondant la vie en collectivité.

La mise en œuvre de la répression, quant à elle, ne doit plus se borner à l’application mécanique d’une sanction et doit renouer avec sa vocation dissuasive et pédagogique. Le rappel rapide et systématique à la loi, une réponse judiciaire adaptée, mais aussi proche que possible des faits sont des orientations qui permettent d’éradiquer le sentiment d’impunité et peuvent y contribuer puissamment.

I. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA POLICE NATIONALE EN 1999

Le projet de budget de la police nationale pour 1998, stabilisé en francs constants par rapport à l’année précédente, s’inscrivait dans un contexte difficile ; aussi les quelques marges de manœuvre disponibles avaient été judicieusement concentrées sur le financement du recrutement des adjoints de sécurité, conformément à l’engagement politique du Gouvernement.

Cette année, la police nationale bénéficie d’un surplus de pouvoir d’achat qui permet à la fois de conforter les actions amorcées l’an passé et de donner une impulsion décisive à la modernisation des transmissions. La légère hausse des moyens de fonctionnement est évidemment appréciable après des années de contraction, mais elle ne compense pas les retards accumulés.

A. LES PRINCIPAUX INDICATEURS

1. L’évolution des grandes masses budgétaires

Fondamentalement, le budget de la police nationale est un budget de personnels, ce qui n’est pas surprenant pour une administration qui compte près de 145.000 agents. En contrepartie, les dépenses sont soumises à une forte inertie, comme l’illustre le graphique ci-après.

Cette structure n’est pas sans conséquences dans la mesure où, en période de maîtrise des dépenses budgétaires, les ajustements portent inévitablement sur les moyens de fonctionnement et, surtout, sur ceux consacrés à l’équipement. On se félicitera donc que le budget de 1999 échappe à cette logique, la plupart des postes de dépenses bénéficiant de crédits supplémentaires.

De fait, les crédits, exprimés en dépenses ordinaires et crédits de paiement, atteignent 29,11 milliards de francs contre 28,28 milliards de francs l’an passé, ce qui correspond à une progression nominale de 2,92 %, dont, il est vrai, une bonne part de mesures acquises. Si l’on raisonne en moyens d’engagement, c’est à dire en dépenses ordinaires et autorisations de programme, la progression est du même ordre et atteint 2,88 %. Compte tenu de la prévision d’inflation associée au projet de loi de finances, soit 1,3 %, le pouvoir d’achat du ministère augmenterait donc de 1,6 %, ce qui n’est pas négligeable après la quasi-stabilisation des crédits constatée l’année dernière.

Ce résultat place, a priori, le budget de la police nationale dans une position correcte au sein des budgets civils qui n’augmentent, en moyenne, que de 2,3 % en valeur et de 1,3 % en volume. On regrettera, toutefois, qu’il figure encore loin derrière le budget de la Justice qui progresse de 5,6 %, après 4% en 1998, étant entendu que les besoins de la Chancellerie sont à la hauteur des efforts consentis.

Comme de coutume, la croissance globale du budget n’est pas homogène selon la nature des dépenses. Ainsi, les dépenses ordinaires s’élèvent de 2,57 %, proportion qui agrège une hausse de plus de 3 % des rémunérations, une diminution de plus de 8 % des charges sociales et un gain de 2,4 % pour les dépenses de fonctionnement courant. De leur côté, les dépenses en capital progressent beaucoup plus vivement : les crédits de paiement passent ainsi de 849 à 911 millions de francs, soit + 14,40 %, alors que les autorisations de programme s’élèvent de 1.146 à 1.264 millions de francs, progressant de 10,3 %.

BUDGET 1999 : DÉPENSES ORDINAIRES

Parties et Chapitres
Agrégat 04-Police

Crédits votés
1998 (1)

Mesures acquises 1999

Services votés
1999

Mesures nouvelles
1999

Total 1999 (II)

II/I
(en %)

31-41 : Rémunérations principales

17.117,84

+ 219,53

17.337,37

+ 108,64

17.446,00

+ 1,91

31-42 : Indemnité et allocations diverses


5.167,65


+ 49,42


5.217,10


+ 137,19


5.354,29


+ 3,61

31-95 : Personnel ouvrier,
salaire et accessoire


219,44



219,44


+ 23,69


243,16


+ 10,80

31-96 : Emplois de proximité,
dépenses de personnel (nouveau)


117,15


+ 65,33


182,48


+ 93,28


+ 275,77


+ 135,4 .

31-98 :Non titulaires,
rémunérations et vacations


25,15



25,15


+ 0,68


25,83


+ 2,70

Total rémunérations d’activité

22.647,26

+ 334,28

22.981,54

+ 363,48

23.345,02

+ 3,08

33-90 : Cotisations

321,89

NS

321,89

– 11,29

310,60

– 3,50

33-91 : Prestations sociales

678,72

– 59,42

589,30

– 9,77

609,53

– 10,20

Total charges sociales

970,61

– 59,42

911,19

– 21,06

890,13

– 8,29

34-41 : Moyens de fonctionnement

3.483,55

– 0,35

3.483,20

+ 73,84

3.557,04

+ 2,11

34-82 : Informatique et télématique

244,55

– 47,74

196,80

+ 62,55

259,35

+ 6,07

34-98 : Etudes générales (ancien)

0,26

0,26

– 0,26

0,00

NS

Total matériel et fonctionnement

3.728,36

– 48,09

3.680,26

+ 136,13

3.816,39

+ 2.36

36-40 : Subventions à divers
organismes


20,35



20,35


– 0,4


19,95


– 1,96

36-51 : Participation de l’Etat aux dépenses des services de police de la ville de Paris.



56,95





56,95



+ 1,58



58,53



+ 2,77

Total subventions

77,31

77,31

1,18

78,49

+ 1,52

37-50 : Instituts d’études,
dépenses diverses


10,95



10,95


– 0,65


10,30


– 5,93

TOTAL DÉPENSES
ORDINAIRES


27.434,49


+ 226,77


27.661,26


+ 479,08


28.140,34


+ 2,57

BUDGET 1998 / DÉPENSES EN CAPITAL


Titres, parties et chapitres

Autorisations de
programme 1998

Autorisations de
programme 1999

Crédit de paiement, dotation 1998 (I)

Crédit de paiement services votés
1999

Crédit de paiement,
mes. nouvelles 1999

Crédits de paiement, dotation 1999 (II)

Crédits de paiement, II/I en %

57-40 : Equipement immobilier du ministère


611,00


622,00


377,73


272,50


155,50


428,00


+ 13,30

57-50 : Equipement matériel du ministère de l’Intérieur


75,00


70,00


75,00



70,00


70,00


– 6,60

57-60 : Informatique, télématique et transmissions


315,00


472,00


267,00


276,84


96,16


373,00


+ 39,70

Total équipements

1.001

1.164

719,73

549,34

321,66

871,00

+ 21,01

65-51 : Contribution aux dépenses de construction de logements destinés aux fonctionnaires



145,00



100,00



129,00



51,00



49,00



100,00



– 22,48

TOTAL
DÉPENSES EN CAPITAL


1.146


1.264


848,73


600,34


370,66


971,00


+ 14,40

2. Les dépenses de personnel et l’évolution des effectifs

En 1999, les dépenses de personnels atteindront environ 24,23 milliards de francs, contre 23,62 milliards de francs en 1998, ce qui correspond à une hausse de 2,61 %. Celle-ci est imputable aux seules rémunérations d’activité, puisque les charges sociales sont en diminution de 8,29 %.

a) La masse salariale

Les rémunérations d’activité, qui comprennent les rémunérations principales (chap. 31-41) et les indemnités et allocations diverses (chap. 31-42) s’élèvent à 23,34 milliards de francs. Elles progressent d’environ 690 millions de francs, dont près de la moitié (334,3 millions de francs) représente des mesures acquises.

La mesure nouvelle de 363,5 millions de francs consolide, en fait, trois catégories de dépenses (1) : l’extension en année pleine des mesures de revalorisation intervenues en 1998 et, au titre des mesures d’ajustement, l’application de l’accord salarial conclu dans la fonction publique ; le financement du recrutement d’adjoints de sécurité (A.D.S.) supplémentaires ; un certain nombre de mesures catégorielles.

Le chapitre 31-96 reçoit ainsi 93,28 millions de francs au titre du recrutement de 7.600 A.D.S., les coûts d’accompagnement y afférents, soit 89,68 millions de francs, étant inscrits au chapitre 34-41. Rappelons que cette somme ne correspond qu’à 20 % du coût de rémunération des A.D.S., le solde étant transféré en cours d’année en provenance du budget de l’emploi, selon la clef de répartition propre au financement des emplois-jeunes.

Le total des adjoints de sécurité ainsi recrutés atteindrait 15.850 à la fin de 1999. Le calendrier est donc plus étiré que celui qui avait été annoncé l’an passé, soit 20.000 emplois à la fin de ce même exercice. En fait, le Gouvernement a dû tenir compte de la capacité d’accueil des écoles mais aussi des exigences de la sélection, le profil psychologique de certaines personnes recrutées apparaissant parfois, à l’expérience, inadapté. De surcroît, le rythme d’absorption des A.D.S. par les services actifs dépend des tensions qui pèsent sur leurs effectifs titulaires et qui ne leur permettent pas toujours d’assurer l’encadrement dans de bonnes conditions, comme a pu le constater votre rapporteur lors de ses visites dans le Rhône et dans l’Isère. Ces considérations expliquent que le nombre d’A.D.S. déployés au 5 octobre 1998, soit 5.151 auxquels s’ajoutent les effectifs en formation (752), soit, pour le moment, inférieur aux emplois budgétisés(2).

Les derniers recrutements, soit 4.150, seront effectués en 2000, de manière à compenser la décrue des policiers auxiliaires sur la période 2000–2002, qui portera sur un contingent équivalent.

Le bilan opérationnel des A.D.S. est très positif. Comme on le verra ultérieurement, ils constituent une pièce maîtresse dans la mise en œuvre de la police de proximité, notamment parce qu’ils permettent de structurer et de renforcer les patrouilles d’îlotiers et d’améliorer les conditions d’accueil du public. On indiquera, par ailleurs, que, conformément aux engagements du Gouvernement, 79 % des A.D.S. sont affectés dans les 26 départements très sensibles et 13 % dans les 21 départements sensibles.

En contrepartie, l’afflux massif – on doit s’en féliciter – de personnels motivés mais peu expérimentés soulève un certain nombre de questions.

En premier lieu, la police nationale ne doit pas relâcher sa réflexion sur la place des A.D.S. dans le dispositif policier. Ceux-ci ne constituent pas une “ ressource ” permanente permettant aux services de combler les manques d’effectifs sur le terrain, leur évitant ainsi de faire l’économie d’une interrogation sur la manière dont ils accomplissent leurs missions. En d’autres termes, les A.D.S. ne doivent pas être considérés par les directions de la police nationale comme des ersatz de policiers auxiliaires. Le mode de recrutement, la formation et les caractéristiques des contrats leur confèrent une vocation particulière qui ne se résume pas à une réserve de main d’œuvre bon marché. Toute ambiguïté sur ce point risquerait, à terme, de faire apparaître des difficultés importantes dans la gestion de ces personnels.

En complément, il convient, dès à présent, d’envisager précisément les conditions de sortie des contrats. Les 20.000 A.D.S. recrutés vont constituer un vivier exceptionnel pour les recrutements importants de gardiens de la paix que la police devra organiser dans les années à venir pour compenser les déséquilibres démographiques. Encore faut-il que les modalités des concours leur soient adaptées et que les rythmes de recrutement soient clairement évalués. De même, il faut veiller à la formation de ces candidats dont la qualification initiale est souvent faible, au moment où le niveau général des candidats admis au concours externe de gardien de la paix s’élève de façon saisissante (3). Enfin, il semble nécessaire de réfléchir au devenir de ceux qui, pour une raison ou une autre, n’auront pas pu se présenter aux concours de recrutement.

Comme de coutume, le projet de budget qui vous est proposé comporte un certain nombre de mesures catégorielles. Cette année, l’enveloppe qui y est consacrée, soit 22,33 millions de francs, apparaît modeste au regard des montants dévolus depuis plusieurs années à ce type d’interventions, et notamment par rapport à l’an passé où ils avaient atteint près de 100 millions de francs. Cela étant, l’importance des dotations ouvertes pour 1998 s’expliquait par la mise en place de la réforme du régime indemnitaire des officiers et par la nécessité d’apurer le financement de l’allocation spéciale des commissaires, mesures par définition exceptionnelles.

Cette année, la marge de manœuvre est essentiellement mobilisée au profit du corps de maîtrise et d’application.

8 millions de francs sont d’abord consacrés à l’institution d’une prime pour les gradés et gardiens encadrant les A.D.S.

Sur le principe, cette prime est une bonne chose car, comme a pu le constater votre rapporteur au cours de ses visites dans les directions départementales du Rhône et de l’Isère, l’encadrement des A.D.S. constitue une charge supplémentaire pour les fonctionnaires actifs qui continuent, en outre, à effectuer leur travail normal de policier.

La question en suspens est celle des modalités de répartition de cette enveloppe qui ne sont pas encore arrêtées. Il serait paradoxal que ces crédits soient saupoudrés sans prise en compte des contraintes réelles de service. Même si cette option soulève des difficultés d’application, il est souhaitable que la nouvelle prime soit distribuée le plus finement possible, au vu des réalités du terrain. D’après les informations transmises à votre rapporteur, le ministère tablerait sur 5.000 bénéficiaires, ce qui correspond à un montant annuel moyen de 1.440 francs par bénéficiaire.

Une deuxième mesure porte sur 5, 6 millions de francs. Elle permet le financement de l’échelon exceptionnel des gardiens de la paix, au profit d’environ un millier d’entre eux, dans le prolongement du “ repyramidage ” du corps de maîtrise et d’application résultant de la réforme des corps et de carrières, afin notamment de valoriser ceux d’entre eux qui assurent l’encadrement des A.D.S.

Enfin, 0,9 million de francs servent à financer la prime “ d’O.P.J-16 ” accordée aux gardiens de la paix susceptibles de recevoir bientôt l’habilitation prévue par l’article 16 du code de procédure pénale. Concrètement, environ 1.000 fonctionnaires pourraient bénéficier de cette prime, sachant que la dotation est proratisée sur quatre mois compte tenu de la date espérée d’entrée en vigueur du dispositif et des délais de formation.

La réforme des corps et des carrières implique une diminution sensible des effectifs des corps de conception et de direction et des officiers de police au profit de celui de maîtrise et d’application, dont les personnels ont désormais vocation à exercer certaines des fonctions antérieurement assumées par les inspecteurs et officiers de paix. En dix ans, l’effectif des commissaires devrait ainsi être ramené de 2.200 à 1.600 et celui des officiers de 18.000 à 12.500. Mécaniquement, cette déflation va se traduire par un déficit important en O.P.J., ceux-ci passant de 14.500 à environ 9.000 à l’échéance 2006. D’ores et déjà, des problèmes très préoccupants apparaissent dans le fonctionnement normal des services, privés d’environ 1.600 O.P.J. à ce jour.

Pour pallier ce déficit, le ministre de l’Intérieur et la Chancellerie avaient envisagé, dès 1996, d’étendre la qualification d’O.P.J. à environ 8.000 fonctionnaires du corps de maîtrise d’application. Ce projet prenant du retard, notre collègue François Huwarth a déposé une proposition de loi tendant à modifier l’article 16 du code de procédure pénale en ce sens (4), proposition que l’Assemblée nationale a examinée en première lecture le 30 juin dernier et que le Sénat devrait examiner prochainement.

Anticipant l’adoption définitive rapide de ce dispositif, le Gouvernement provisionne les premières conséquences financières au profit du contingent qui pourrait être habilité d’ici la fin de l’année 1999, option que l’on peut, toutefois, juger optimiste. Les fonctionnaires concernés devraient ainsi toucher 230 francs par mois, à l’instar de la prime versée aux gendarmes O.P.J.. Force est de constater que l’enjeu financier pour les bénéficiaires sera limité puisque le gain net mensuel ne sera que de 90 francs, dans la mesure où ils ne percevront plus la prime dite “ A.P.J.-20 ”, laquelle s’élève actuellement à 140 francs.

Indispensable, cette réforme, encore en gestation, soulève néanmoins quelques interrogations.

Tout d’abord, dans quels services ces nouveaux O.P.J. seront-ils affectés ? En principe, la direction de la sécurité publique devrait profiter, à titre principal, de cet apport mais on ne peut exclure que soient privilégiées des affectations dans des services d’investigation spécialisés. A l’instar de M. Christophe Caresche, rapporteur de la proposition de loi précitée, il faut rejeter cette option qui aboutirait à reconstituer de facto le corps des enquêteurs, en contradiction avec les objectifs de la réforme des corps et des carrières. Au contraire, l’accent doit absolument être mis sur la police de proximité et les services qui y concourent afin d’améliorer la réponse policière à la délinquance, en particulier par la mise en place des services de quart.

Ensuite, quel sera le déroulement de carrière de ces nouveaux O.P.J. et comment s’organiseront les rapports hiérarchiques avec les officiers et commissaires ? En tout état de cause, la nouvelle capacité judiciaire dont bénéficieront des fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application ne peut conduire à rigidifier les structures et à freiner la mobilité. Il est donc probable que certains gardiens ou gradés concernés seront amenés à quitter un service éligible à la qualification d’O.P.J. pour un autre qui ne l’est pas. Comme on le constate, cette hypothèse doit inciter, une nouvelle fois, les responsables de la police nationale à intensifier leur réflexion sur la définition des métiers exercés en son sein.

Enfin, cette mesure est-elle suffisante pour faire face aux besoins ? De fait, en raison de la judiciarisation croissante des procédures, le travail policier devient de plus en plus “ gourmand ” en O.P.J. Cette évolution, conjuguée à l’élévation continue du niveau de recrutement des gardiens, incite certains à envisager l’insertion d’un “ bloc O.P.J. ” lors de leur formation initiale, ce qui serait de nature à modifier considérablement le fonctionnement de la police.

Même si chacune de ces mesures est la bienvenue, il convient néanmoins de se demander s’il n’est pas temps d’envisager une remise à plat du système indemnitaire applicable au corps de maîtrise et d’application, à l’instar de ce qui a été fait pour les corps de direction et de commandement. En définitive, les développements qui précèdent montrent à l’envie que l’empilement de primes ciblées pose des problèmes de lisibilité et de gestion. De surcroît, comme le montrent les primes de fidélisation ou de zones sensibles, la vocation initiale de ces suppléments de traitement finit par se diluer, sans que les fonctionnaires y trouvent leur compte. Tout en étant conscient de l’importance des effectifs concernés, votre rapporteur croit possible de définir un système plus juste et plus efficace, prenant mieux en compte l’évolution des tâches confiées aux gardiens et gradés de la police nationale.

Le corps des officiers bénéficie d’un abondement de cinq millions de francs, destinés à consolider la réforme de son régime indemnitaire entamée l’an passé.

Jusqu’en 1997, les officiers percevaient des indemnités différenciées en fonction de leur appartenance aux anciens corps et, pour certaines d’entre elles, dans des conditions de transparence peu satisfaisantes. La réforme engagée l’an passé a visé à unifier le régime indemnitaire des officiers qui relèvent désormais d’un corps unique, et à le “ moraliser ”, à l’instar de la démarche adoptée lors de l’institution de l’allocation de service des commissaires (5).

D’emblée, les organisations syndicales d’officiers ont estimé que la réforme était légitime mais qu’elle ne pouvait se traduire par une perte de pouvoir d’achat, d’autant que n’était pas réglé le problème des heures supplémentaires non payées. De fait, si la plupart des officiers ont été gagnants, notamment ceux de la sécurité publique, de la D.I.C.C.I.L.E.C. et de la Préfecture de police hors services spécialisés, certains autres, affectés dans les services spécialisés et les services centraux, soit environ 2.000 sur un effectif total de 17.000, ont pu être défavorisés. Au-delà, les représentants des officiers plaidaient en faveur du recyclage à leur profit des gains dégagés par les transformations d’emplois et surtout par la déflation programmée de leur corps, revendication qui s’insère dans l’ensemble des questions que se posent ces fonctionnaires quant à l’évolution de leurs tâches et à leur place au sein de la hiérarchie policière. A cet égard, indiquons que près d’une centaine de circonscriptions de sécurité publique sur un total de 468 sont actuellement dirigées par des officiers.

Sensibilisé à ces demandes, le ministère de l’Intérieur a obtenu un surplus de crédits, 5 millions de francs, qui permet d’apporter un début de réponse. Soulignant que l’économie résultant du repyramidage du corps des officiers représente annuellement entre 20 et 30 millions de francs, toutes les organisations syndicales d’officiers reçues par votre rapporteur déplorent la faiblesse de cette enveloppe, et insistent sur le fait que cette question indemnitaire risque de compromettre, à terme, l’adhésion du corps aux principes mêmes de la réforme.

De surcroît, outre la question de son montant, se pose également celle de la répartition du supplément de prime. Ici encore s’opposent deux logiques : soit le bonus est réparti de manière horizontale, soit il est affecté prioritairement aux fonctionnaires considérés comme les “ perdants ” de la réforme. Bien qu’aucune décision définitive n’ait encore été arrêtée, il faut encore souhaiter qu’une solution juste et équilibrée puisse prévaloir. D’après les informations dont dispose votre rapporteur, il pourrait être ainsi envisagé de verser ce complément de prime aux lieutenants en début de carrière. Force est de constater que, même dans cette hypothèse, le gain unitaire serait modeste puisque de l’ordre de 60 francs mensuels, peu motivant pour des personnels qui bien souvent ne comptent pas leurs heures.

La troisième série de mesures catégorielles concerne les personnels administratifs et scientifiques.

Il s’agit tout d’abord de la poursuite du plan de revalorisation des indemnités des personnels de catégorie B, sur la base du taux moyen du personnel du cadre des préfectures, à hauteur de 1,35 million de francs.

Ensuite, 1,98 million de francs est consacré à la création d’une prime de sujétions pour les agents techniques de laboratoire affectés dans les services actifs, et notamment en sécurité publique, en tant que techniciens de scène du crime et soumis à des contraintes particulières. De la sorte, les personnels actifs et scientifiques effectuant le même travail dans les mêmes conditions seront traités sur un pied d’égalité.

b) Les effectifs

Les effectifs budgétaires pour 1999 seraient de 145.784 emplois (dont 113.045 personnels actifs, 12.579 administratifs et techniques, 160 contractuels, 4.150 policiers-auxiliaires et 15.850 A.D.S.) contre 142.196 l’année précédente, soit un solde positif de 3.288 emplois. En fait, cette variation résulte d’amples mouvements de créations, de suppressions et de transformations d’emplois.

La mesure la plus spectaculaire est évidemment la suppression de 4.175 emplois de policiers auxiliaires, ce qui porte l’effectif budgétaire à 4.150. Comme de coutume, cette suppression d’emploi est en partie optique dans la mesure où elle traduit la diminution du nombre d’appelés effectuant leur service national dans la police et concerne essentiellement des emplois vacants.

La deuxième mesure de suppression porte sur 102 emplois administratifs. A priori paradoxale au moment où il faudrait libérer les personnels actifs des tâches qui ne ressortissent pas directement à leur mission, cette proposition représente la contribution du ministère aux “ efforts d’économies ”. Partant, elle confirme de facto l’abandon d’un des objectifs prioritaires de la L.O.P.S. qui tablait sur la création de 5.000 emplois administratifs, alors qu’environ 1.200 seulement ont vu le jour, auxquels s’ajoutent quelques emplois “ dégelés ” au compte goutte.

Une troisième mesure de suppression porte sur 26 agents des services techniques, auxquels devraient s’ajouter un certain nombre d’ouvriers d’Etat, sur le contingent de 40 suppressions à répartir entre la police et les préfectures.

Enfin, sept emplois d’officiers sont supprimés afin de gager un emploi de directeur et deux emplois de sous-directeur au profit de la nouvelle direction de la formation de la police nationale prévue au dernier trimestre 1998.

Comme les années précédentes, le projet de budget prévoit un certain nombre de transformations d’emplois qui s’inscrivent dans le cadre de la réforme des corps et des carrières.

Tout d’abord, vingt emplois de capitaines et 33 de lieutenants sont transformés en 50 emplois d’attachés de police. On rappellera que ce corps a été créé en 1996 en application de la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, afin de dégager un certain nombre d’officiers de tâches administratives et de gestion.

Ensuite, il est proposé la transformation de 448 emplois de commissaires et d’officiers en autant d’emplois de brigadiers-majors et gardiens de la paix.

Depuis 1995, 140 textes réglementaires, et un règlement général d’emploi ont modifié en profondeur le visage de la police nationale en substituant à la structure en cinq corps, une articulation en trois corps unifiant les fonctions en civil ou en tenue (6). Outre ces modifications structurelles, cette réforme implique une réorganisation des missions imparties à chacun des corps et une diminution des effectifs du corps de conception et de celui des officiers au profit du corps de maîtrise et d’application (7).

Chacune de ces transformations traduit cette réorganisation. Ainsi, le corps de conception perd 24 commissaires principaux, les officiers perdent 205 commandants, 70 capitaines et 149 lieutenants. En face, sont créés 175 brigadiers-majors et 273 gardiens de la paix ; les brigadiers-majors, désormais au nombre de 2.980 – ce qui est encore insuffisant au regard de la taille du corps de maîtrise et d’application – ont vocation à exercer des fonctions d’encadrement de terrain ou de recherche et d’investigation. Aussi faut-il veiller à ce que les nouveaux postes ne soient pas affectés dans les états-majors.

Opérant une transformation poste pour poste, la mesure dégage une économie de 27,8 millions de francs. Conformément aux arbitrages rendus dès 1996, cette enveloppe gage les mesures indemnitaires et catégorielles.

Il est évident que la contraction des corps intermédiaire et supérieur pose des problèmes de ressources humaines dans la mesure où elle s’opère sur un laps de temps très étiré. Elle induit également des difficultés personnelles et professionnelles car les intéressés peuvent avoir du mal à se situer les uns par rapport aux autres.

Si les flux de départs en retraite vont faciliter la gestion de la période transitoire (8), il faut souhaiter que le Gouvernement accélère autant que faire se peut les mouvements de rééquilibrage tout en les déterminant avec précision. On notera que, cette année, sont supprimés une majorité d’emplois de commandants et que ne sont pas créés des emplois de commandants fonctionnels. Cette option peut surprendre du point de vue de l’organisation du déroulement de carrière, mais elle repose sur une analyse précise des besoins, de sorte que les corps d’encadrement ne se retrouve pas en situation “ d’armée mexicaine ”.

En outre, le ministère doit élaborer au plus vite de véritables référentiels métiers – les fiches d’emploi et fiches de poste actuellement disponibles étant encore beaucoup trop imprécises – permettant à chacun de trouver sa place dans la nouvelle organisation.

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DES CORPS DE LA POLICE NATIONALE

 

BUDGET 1998

P.L.F. 1999

PERSONNELS ACTIFS

113.104

113.045

directeur de service actif

9

10

chef de service I.G.P.N.

1

1

chefs de service, inspecteurs généraux

15

15

directeurs adjoints, sous-directeurs, contrôleurs généraux

60

62

commissaires divisionnaires échelons fonctionnels

198

198

commissaires divisionnaires

319

319

commissaires principaux

790

790

commissaires

769

745

commandants de police emploi fonctionnel

815

815

commandants de police

3.956

3.751

capitaines de police

4.994

4.902

lieutenants de police

7.135

6.946

brigadiers-majors de police

2.805

2.980

brigadiers de police

16.651

16.651

gardiens de la paix

74.587

74.860

PERSONNELS ADMINISTRATIFS

12.657

12.579

Corps des attachés

135

185

Corps des secrétaires administratifs de la police nationale

1.220

1.220

Corps des adjoints administratifs

4.522

4.522

Corps des agents administratifs

4.635

4.533

Corps des agents de service

1.514

1.488

Corps de la police technique et scientifique

568

568

Corps des infirmiers et infirmières

34

34

Corps des médecins

6

6

Corps des chargés d’études

1

1

Corps des documentalistes

1

1

Corps des traducteurs

20

20

Corps des professeurs d’éducation physique et sportive

1

1

PERSONNELS CONTRACTUELS

160

160

ADJOINTS DE SÉCURITÉ

8.250

15.850

POLICIERS AUXILIAIRES

8.325

4.150

     

TOTAL

142.496

145.784

Source : Ministère de l’Intérieur

Cette approche comptable et budgétaire des mouvements d’effectifs ne doit cependant pas dissimuler les vives tensions que l’on observe sur le terrain. De fait, aussi bien les organisations syndicales que les responsables de la sécurité publique et tous les fonctionnaires des services visités dans le Rhône et en Isère, ont fait part de leurs préoccupations s’agissant de l’évolution des effectifs de policiers actifs.

A Villeurbanne, par exemple, les personnels actifs en tenue ont diminué de 31 % depuis 1989, alors que, dans le même temps, les faits de délinquance augmentaient de 46 %. La même érosion s’observe à Grenoble, où la circonscription a perdu 110 fonctionnaires titulaires (officiers et gradés) soit 18 % de son effectif total. Le commissaire de Bourgoin-Jallieu, circonscription “ difficile ” de 23.000 habitants, soulignait, de son côté, que l’insuffisance notoire et continue de personnel (soit 26 fonctionnaires pour l’unité de voie publique) a entraîné en 1997, la suppression de l’îlotage de jour, l’affectation de policiers auxiliaires au roulement et l’interruption pendant plusieurs mois de la B.A.C. de nuit ... Ajoutons à cela le fait que les effectifs réels sont souvent bien inférieurs aux effectifs théoriques en raison des arrêts-maladie ou des départs anticipés du fait de la capitalisation des récupérations non prises.

Certes, de l’aveu des responsables concernés, la réforme des rythmes horaires mise en œuvre en 1997 a permis de dégager des gains de productivité de nature à amortir les effets de cette diminution tendancielle. Ainsi, à Grenoble, la suppression de la cinquième brigade et le passage au cycle 4/2 ont fait gagner 23 postes de fonctionnaires en tenue. Il reste qu’il s’agit d’une “ arme à un coup ” dont les effets positifs sont gommés dès cette année.

Par ailleurs, il est patent que le déploiement des A.D.S. permet d’alléger les tensions. Cependant, comme l’a déjà souligné votre rapporteur, on ne peut y voir une solution permanente, d’autant que l’encadrement de ces personnels mobilise des fonctionnaires actifs fortement sollicités par ailleurs.

La question des effectifs est d’autant plus prégnante qu’une augmentation nette du nombre de policiers ne semble pas envisageable. D’abord, les contraintes budgétaires s’imposent au ministère de l’Intérieur comme aux autres départements ministériels. Mais surtout, les effectifs globaux de policiers actifs apparaissent suffisants pour faire face aux besoins – le ratio policiers/habitants est satisfaisant – pour peu que ces derniers ne soient pas détournés de leurs missions essentielles et qu’ils soient correctement répartis sur le territoire.

D’une manière générale, ce débat s’intègre dans une évolution préoccupante des effectifs du corps de maîtrise et d’application à moyen terme.

En effet, la pyramide des âges de ce corps montre que les flux de départs en retraite vont être très importants dans les années qui viennent, nécessitant, à due concurrence, des recrutements considérables. Ces besoins seront, en outre, gonflés par le remplacement des commissaires et officiers dont les effectifs seront réduits dans le cadre de la réforme des corps et des carrières.

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Retraites

2.560

3.004

3.397

3.369

4.175

4.211

3.983

3.912

3.928

Autres départs

1.245

1.050

1.060

1.070

1.150

1.150

1.150

1.150

1.150

Total

3.805

4.054

4.457

4.439

5.325

5.361

5.133

5.062

5.078

Source : Ministère de l’Intérieur

Cette situation a mécaniquement des conséquences opérationnelles dès lors que le nombre d’élèves en formation augmente plus vite que les effectifs disponibles : il y a un décalage d’au moins un an, voire deux, correspondant à la durée de formation des gardiens de la paix, entre le moment où un emploi budgétaire est inscrit et celui ou l’agent prend ses fonctions.

Depuis de nombreuses années, la plupart des observateurs déplorent l’absence de gestion prévisionnelle des effectifs. Il est vrai qu’une telle démarche est complexe dans la mesure où l’administration maîtrise mal les départs en retraite anticipés, les capacités d’accueil et de formation et le rythme de repyramidage des corps. A tout le moins, plutôt qu’une conception stricte de l’annualité budgétaire, il serait opportun de privilégier une politique souple de lissage des recrutements, par exemple en accordant des surnombres certaines années, compensés lorsque les besoins de recrutements apparaissent inférieurs à ceux prévus. Notons que, dans cette perspective, la mise en place de l’outil informatique de gestion des ressources humaines baptisé “ DIALOGUE ” constitue un préalable nécessaire.

Cette année, il semble que le ministre de l’Intérieur ait réussi à convaincre le ministère des finances de l’intérêt de cette approche. 1.400 gardiens devraient être ainsi recrutés par anticipation, mesure théoriquement sans incidence budgétaire. Souhaitons que le ministère puisse mener à bien cette opération, faute de quoi l’efficacité de nombreux services pourrait en pâtir.

Cela étant, la mesure de la contrainte démographique n’épuise pas le sujet et la police doit impérativement mettre en œuvre une stratégie significative de redéploiement.

Il s’agit en premier lieu du redéploiement matériel, c’est-à-dire de l’affectation prioritaire des personnels aux tâches essentielles de police. Votre rapporteur a largement évoqué cette question l’an dernier, aussi se contentera-t-il d’en rappeler ici les grandes lignes.

Outre la recherche des nombreux gains de productivité qui restent possibles dans l’organisation et le fonctionnement de la police, la réaffectation sur la voie publique des policiers occupés à des tâches importantes mais non prioritaires, ou qui ne ressortissent pas à leur vocation, constitue un enjeu majeur. Participent de cette démarche une réflexion sur les détachements, notamment dans les fonctions techniques (la direction de la logistique de la préfecture de police emploie, par exemple, 1.281 policiers actifs pour 368 administratifs et techniques), et la poursuite de la politique de réduction des gardes statiques qui absorbent encore de trop nombreux fonctionnaires de voie publique.

Dans le même esprit, il convient de réexaminer ce que l’on appelle les “ charges indues ”, c’est-à-dire l’ensemble des tâches non prioritaires confiées à la police nationale et qui grèvent ses disponibilités, évaluées, en 1995, à l’équivalent annuel de 7.400 fonctionnaires.

Il s’agit cependant d’un exercice difficile car si les enregistrements de vote par procuration (162 fonctionnaires) ou le port de plis ou de documents (106 fonctionnaires) ne constituent à l’évidence pas des tâches de police, il en va sans doute différemment de certaines escortes de fonds ou de la garde et de la gestion des centres de rétention administrative. La circulaire du 10 janvier 1997 a permis de faire quelques progrès, notamment en matière de délivrance de passeports (26, 3 fonctionnaires) ou d’attestations de sortie de territoire pour mineurs. Cependant, beaucoup reste à faire comme en attestent les conclusions d’une étude récente de l’I.G.P.N. s’agissant des ports de plis ou documents, des déclarations de perte ou de vol de documents ou des enquêtes diverses sans fondement juridique.

En réalité, l’essentiel du débat porte sur les activités para-judiciaires qui accapareraient l’équivalent annuel de 2.646 fonctionnaires, dont 704 pour la garde des détenus hospitalisés et 1.057 pour les présentations, extractions et transferts. Sur ce dernier point, une commission interministérielle a conclu plutôt en faveur du statu quo dès lors que ces tâches sont confiées, non sans raison, à la police et à la gendarmerie par le code de procédure pénale. Notons par ailleurs que le règlement de cette question conduirait à des transferts de charges entre ministères, transferts dont la police nationale pourrait ne pas ressortir gagnante.

La seconde orientation est le redécoupage géographique entre zones de police et de gendarmerie.

L’an passé, votre rapporteur avait mis en évidence les inégalités entre circonscriptions de sécurité publique s’agissant de l’encadrement policier rapporté au taux de délinquance, tout en expliquant que cette situation résultait davantage de facteurs historiques ou administratifs que d’une volonté consciente de favoriser certaines localités. Parallèlement, il avait souligné les imperfections de la répartition entre zones de police et de gendarmerie, trop souvent inadaptée aux conditions réelles de sécurité.

Reprenant les orientations du décret du 19 septembre 1996 (9) jusqu’alors pour le moins timidement appliqué, les conclusions du rapport de MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest visent à donner la priorité aux zones urbaines les plus touchées par la délinquance de voie publique, c’est à dire la grande couronne parisienne, les grandes agglomérations de province et le pourtour méditerranéen.

Concrètement, il s’agit de redéployer des fonctionnaires de police vers les aires concernées en organisant des transferts de compétence entre police et gendarmerie, cette dernière dégageant par ailleurs environ 1.200 militaires pour renforcer les brigades dans les secteurs périurbains de son ressort.

Ces orientations ont été validées par le conseil de sécurité intérieur du 27 avril dernier. A la suite de celui-ci, la direction centrale de la sécurité publique a proposé une démarche en deux temps :

—  le transfert d’environ 90 circonscriptions de sécurité publique de police à la gendarmerie sur un total de 468, représentant 182 communes, ainsi que d’une dizaine de communes appartenant à d’autres circonscriptions, soit un total de 1,4 million d’habitants ; près de 3.250 policiers pourraient ainsi être redéployés ;

—  le rattachement d’une quarantaine de communes actuellement en zone de gendarmerie à des circonscriptions de sécurité publique, soit 400.000 habitants ; ces circonscriptions devraient être renforcées en conséquence de plus de 850 fonctionnaires.

Au total, ces mouvements feraient apparaître un solde positif d’environ 2.400 fonctionnaires, qui pourraient être concentrés dans les zones urbaines connaissant de forts taux de délinquance.

Contrairement à une idée reçue, il ne s’agit évidemment pas de déplacer massivement et d’un seul tenant les fonctionnaires de la province vers les grands centres urbains. L’idée est de privilégier les réaffectations au sein d’aires géographiques limitées, de sorte que peu de fonctionnaires soient tenus de déménager. Concomitamment, les ajustements nécessaires seraient progressivement effectués par le biais des mutations individuelles et des affectations en sortie d’école. Dans cette perspective, le développement de la régionalisation des recrutements – pour le moment limitée aux S.G.A.P. de Paris et Versailles – serait de nature à améliorer les choses. Enfin, le Gouvernement envisage de soutenir financièrement les fonctionnaires qui pourraient être amenés à déménager.

En théorie ce projet devait être soumis à une large concertation locale et départementale animée par les préfets. Il est de notoriété publique qu’il n’en a pas été partout ainsi, de nombreux élus exprimant les craintes de leurs administrés et la plupart des organisations syndicales de policiers émettant des réserves. Dans bien des cas la population concernée ne souhaite pas voir disparaître son commissariat, dans d’autres elle reste attachée à sa brigade de gendarmerie. Il est également évident que le travail d’explication n’a pas toujours été à la hauteur de l’enjeu et que plus d’un intéressé a appris la teneur de ce projet dans la presse.

Si ces attitudes traduisent parfois une peur du changement, elles sont aussi, dans certains cas, justifiées par des considérations qui méritent d’être examinées avec soin, tenant aux méthodes de travail de chacune des forces de sécurité ou aux caractéristiques propres des collectivités concernées. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a décidé d’élargir le processus de consultation et d’approfondir le travail d’explication. M. Guy Fougier, chargé du suivi de la réforme, devra être véritablement à l’écoute des élus et devrait pouvoir remettre ses conclusions avant la fin de l’année.

Cependant, si un décalage du calendrier initialement fixé et des ajustements sont souhaitables, il ne faudrait pas que le principe de la réorganisation soit remis en cause. Celle-ci doit pouvoir être mise en œuvre pour peu qu’il y soit consacré le temps nécessaire, que tous les outils mis à la disposition du ministère – mobilité, sorties d’école, etc... – soient utilisés et que les mesures d’accompagnement suivent. De ce point de vue, les déclarations récentes du Premier ministre sont une invite à la reprise du dialogue.

3. Les moyens matériels de la police

a) Le fonctionnement courant

En 1998, les moyens de fonctionnement courant des services, recensés au chapitre 34-41, progresseront d’un peu plus de 2 %. Si l’on neutralise les frais de police, transférés sur les crédits de rémunération mais antérieurement supportés par ce chapitre, la progression atteint 2,6 % (10).

Cette évolution globale contracte, en réalité d’importants mouvements de crédits. Ainsi, le chapitre reçoit environ 110 millions de francs de crédits d’accompagnement pour les A.D.S., mais perd, en revanche, les crédits de fonctionnement afférents aux 4.175 emplois de policiers auxiliaires supprimés, soit 193,5 millions de francs. A cet égard, notons que l’arasement de tous les emplois vacants de policiers auxiliaires va priver le département d’une ressource traditionnellement bienvenue (11) pour boucler la gestion en cours d’exercice.

A vrai dire, l’appréciation que le Parlement porte sur cette enveloppe budgétaire ne peut être que très impressionniste dans la mesure où les crédits qui sont inscrits en loi de finances sur les différents articles n’ont, pour la plupart, qu’une valeur indicative. En effet, la répartition définitive de ce chapitre réservoir est effectuée, en début d’année, dans le cadre du plan d’emploi des crédits. A ce stade, on ne peut donc que se borner à constater que la progression nominale des crédits permet grosso modo d’assurer une adéquation entre l’évolution des effectifs, compte tenu des A.D.S., et des moyens de fonctionnement courant mis à leur disposition.

Toutefois, elle ne permet pas de combler le retard accumulé depuis plusieurs années, aggravé en 1998 par les événements de Corse qui ont induit un surcoût de l’ordre de 20 millions de francs et, surtout, par l’organisation de la coupe du monde de football dont la charge représente un montant de plus de 100 millions de francs, 20 millions de francs étant par ailleurs assumés par le C.F.O. Comme de coutume, le besoin de financement correspondant a été dégagé par redéploiement interne au chapitre 34-41, ce qui a évidemment pesé sur les autres postes de dépenses, et en particulier sur les crédits automobiles. D’ores et déjà, on peut considérer que l’exécution 1998 n’est supportable qu’à la condition de bénéficier d’abondements conséquents en collectif de fin d’année.

Par ailleurs, la gestion de ce chapitre doit faire face, à court et moyen terme, à d’importantes contraintes de nature à la rendre problématique.

Tout d’abord, il faut évoquer l’utilisation croissante des C.R.S. à des missions de “ sécurisation ”, qui représentaient, en 1997, près de 57 % de l’activité de ce service, soit 20, 3 unités par jour. Par rapport à 1996, les effectifs engagés à ce titre ont cru de 34,5 %.

Le coût de ces missions a atteint 115, 51 millions de francs en 1995 (dont 28,14 au titre des heures supplémentaires et 89,3 pour les indemnités d’absence temporaire et le fonctionnement), 141,27 millions de francs en 1996 (dont respectivement 28,3 et 112,9 millions de francs) et 131,73 millions de francs en 1997. Pour l’ensemble de l’année 1998, le coût devrait être encore plus élevé, d’autant que le Gouvernement a récemment mis en place un vaste plan de sécurisation pour faire face aux soubresauts récents de la délinquance. Pour 1999, le budget prévoit une provision en augmentation sensible, puisque les frais de déplacements augmentent de 66,4 millions de francs, soit une hausse de 37,4 %.

Il faut tenir compte du fait que le coût de déplacement journalier d’une unité de C.R.S. (90 hommes + 5 civils) varie considérablement selon l’éloignement de l’unité, le jour de sa mission et le délai disponible de sa mise en œuvre. Si l’on prend le cas d’un emploi pendant sept jours à Paris, le coût quotidien moyen varie de 1.850 F pour une C.R.S. parisienne à 48.400 F (cantonnement) ou 64.400 F (hôtel) pour une C.R.S. de Nice.

Comme on le constate, ces coûts, peu maîtrisables lors de la préparation de la loi de finances, constituent une contrainte budgétaire qui pèse sur la gestion de l’ensemble des crédits de fonctionnement en cours d’exercice.

S’il n’est pas question de contester l’apport inestimable des C.R.S. à la préservation de la sécurité publique, ces considérations militent, à tout le moins, en faveur d’une réflexion sur les conditions de localisation et d’utilisation de ces unités au moment où le Gouvernement entend mettre l’accent sur la police de proximité.

Un deuxième sujet de préoccupation est celui de la gestion du parc automobile.

A partir de 1997, la diminution des crédits a très fortement handicapé la réalisation du programme automobile qui a, de ce fait, pris un important retard sur la base du maintien des capacités opérationnelles. De surcroît, cette contraction des crédits s’est inscrite dans un contexte d’augmentation tendancielle des coûts d’entretien des véhicules due au vieillissement du parc, à la hausse des prix des carburants (+ 24,25 % depuis 1992) et à l’évolution générale des prix (+ 16,5 % depuis 1992).

Or, les besoins nécessaires au maintien des capacités opérationnelles sont désormais considérables, comme le montre le tableau ci-après, réalisé par le ministère, en tenant compte des retards accumulés et tablant sur leur résorption d’ici 2003.

ANALYSE PRÉVISIONNELLE DU FINANCEMENT DU RENOUVELLEMENT AUTOMOBILE DU TITRE III

(en millions de francs)

Année N

Besoins
année N

Reliquat
année N-1

Besoin
total (*)

P.E.C.

Autres fin.
(L.F.R.+
domaines)

Dépense

Reliquat année N

% réalisé

 

1

2

3 = 2 + 1

4

5

6

7 = 6 – 3

8 = 6/3x100

I. —  Programmes réalisés

1993

   

323,15

288,5

6,9

295,4

27,75

91,41

1994

362,65

27,75

390,4

239,2

– 18,62

220,58

169,82

56,50

1995

270,68

169,82

440,5

195,23

140,27

335,5

105

76,16

1996

426,92

105

531,92

180

232,86

412,86

119,06

77,62

1997

382,81

119,06

501,87

90

229,13

319,13

182,74

63,59

II. —  Programme en cours

1998

293,15

182,74

475,89

35

197,64

232,64

243,25

48,89

III. —  Besoins théoriques

1999

349,4

243,25

592,65

460

30

490

102,65

82,68

2000

464

102,65

566,65

460

30

490

76,65

86,47

2001

359

76,64

435,65

380

30

410

26,65

94,11

2002

416

26,65

441,65

380

30

410

31,65

92,83

2000

354

31,65

385,65

355,65

30

385,65

0

100

Source : Ministère de l’Intérieur

Alors que la dotation théorique pour 1999 est de 460 millions de francs, les perspectives retenues pour l’élaboration du plan d’emploi des crédits oscillent entre 200 et 250 millions de francs. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour mesurer les conséquences du décalage entre ces moyens et ceux qui seraient nécessaires.

Depuis le milieu de 1997, le ministère gère la pénurie en focalisant ses disponibilités sur l’équipement des 26 départements sensibles et en jonglant avec les redéploiements. Cette méthode rencontre désormais ses limites et la fin de la gestion 1998 ne peut être raisonnablement envisagée que moyennant un abondement d’une centaine de millions de francs dans le cadre du collectif de fin d’année. A défaut, il faut s’attendre à une réduction effective des capacités de la police au moment où la délinquance pourrait montrer des signes préoccupants de reprise.

Le troisième sujet d’inquiétude est lié à la propagation exponentielle de l’utilisation des téléphones portables.

Par définition, ceux-ci constituent un outil idéal pour les délinquants. A Grenoble, les fonctionnaires du service d’investigation et de recherche ont souligné à quel point la généralisation de cet instrument pénalise les enquêtes, jugement évidemment partagé par les responsables de la police judiciaire à la Préfecture de police.

Techniquement, si les interceptions sont possibles, elles s’avèrent extrêmement coûteuses (environ 250 francs en moyenne par interception) compte tenu des facturations exigées par les opérateurs qui n’ont pas été contraints d’adapter leurs logiciels par un dispositif législatif expresse, contrairement à ce qui a été prévu dans beaucoup de pays étrangers. Lorsqu’elles sont diligentées dans le cadre d’une instruction, les interceptions sont prises en charge par les frais de justice, mais les magistrats instructeurs se montrent de plus en plus réticents compte tenu des coûts croissants auxquels exposent ces pratiques. En outre, dans le cadre d’une enquête préliminaire, le problème reste entier.

Inquiet des risques que fait courir le G.S.M. au regard de la lutte contre la délinquance, le ministère a engagé une réflexion avec les opérateurs et les autres administrations concernées, défense et douanes, en vue de modifier les logiciels afin de faciliter les interceptions judiciaires, celles-ci pouvant ainsi être facturées à moindre coût. Sans même évoquer son environnement juridique, ce projet, qui doit être mis en œuvre au premier trimestre 1999, se caractérise par un coût élevé. D’après les informations transmises à votre rapporteur, la quote-part du ministère pourrait ainsi atteindre environ 60 millions de francs.

b) L’informatique

Les crédits informatiques et télématiques, isolés sur le chapitre 34-82, atteignent 259,35 millions de francs contre 244,55 millions de francs l’année précédente, ce qui correspond à une hausse significative de 6 %, la mesure acquise négative de 47,7 millions de francs, qui correspond à la traditionnelle “ remise à niveau des compteurs ”, étant plus que compensée par une mesure nouvelle positive de 62,55 millions de francs. En fait, cette hausse de crédit est essentiellement imputable à la dotation spécifique consacrée au système d’information Schengen (S.I.S.), dont les crédits passent de 23,7 à 40 millions de francs. Abstraction faite de ce poste, les crédits, qui atteignent 219,38 millions de francs sont à peu près reconduits par rapport à l’année précédente.

Mise à part la dotation au S.I.S., il est difficile de ventiler précisément les crédits inscrits par programme, cette répartition étant effectuée dans le cadre du plan d’emploi des crédits. Moyennant quoi, il est possible de dresser un bilan et de brosser quelques perspectives en ce qui concerne les grandes applications.

L’année 1999 est une année importante pour l’informatisation de la police puisqu’elle correspond, outre le passage à la monnaie unique, au démarrage du nouveau schéma directeur 1999-2003. Parallèlement, les projets en cours vont s’étendre au moment ou de nouveaux projets seront mis en exploitation ou à l’étude.

Parmi les programmes en cours, le projet CHEOPS (Circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de police sécurisés) correspond à la mise en place d’une nouvelle architecture permettant l’intercommunication des systèmes, la sécurité des applications, une bonne ergonomie des postes de travail et la mise à disposition du fonctionnaire de police d’un nombre plus élevé d’applications. 22 millions de francs devraient être consacrés à cette application en 1999, permettant le raccordement de 400 sites comportant 2.500 micro-ordinateurs.

En termes de productivité et d’efficacité opérationnelle, le projet dit “ système de traitement automatisé de l’information criminelle ” (S.T.I.C.) est le chantier essentiel.

Compte tenu de son ampleur, ce projet a été scindé en deux sous-systèmes : d’une part le logiciel de rédaction des procédures (L.R.P.), qui est un outil bureautique destiné à faciliter la saisie et l’édition de documents de procédure, et d’autre part la base nationale, qui doit permettre à tous les postes connectés d’acquérir, de rechercher et de mettre à jour des informations nationales ; en outre, ce programme se construit en quatre phases : création et mise en œuvre de la première version des deux sous-systèmes ; extension fonctionnelle de ces derniers ; convergence ; intégration.

Au 31 décembre 1997, les deux premières étapes étaient franchies. Au moins 30.000 fonctionnaires utilisaient quotidiennement le L.R.P. S’agissant du sous-système base nationale, 3.000 postes de travail, implantés dans 800 services, étaient raccordés à la base nationale dans laquelle ont été intégrés les objets du fichier des recherches criminelles (43.000 armes, 807.000 documents d’identité, 505.000 billets) (12). En 1998, l’intégration des informations en provenance de la police judiciaire de la Préfecture de police est devenue opérationnelle et de nombreuses applications sont en cours de vérification d’aptitude (recherches criminelles multi-critères, recherches couplées STIC-Schengen).

Pour 1999, il est prévu que les procès-verbaux rédigés par le L.R.P. seront mémorisés dans une base locale qui comprendra à la fois les P.V. mais aussi les pièces annexes non encore numérisées (manuscrits, photos, ...). En outre, le système de gestion des images mis en place va permettre d’accéder aux documents graphiques et de reprendre les images du STIC-CANONGE, et des liaisons seront établis avec les autres systèmes d’information du ministère, tels que le fichier des personnes recherchées ou celui des véhicules volés. Globalement, 12,35 millions de francs devraient être consacrés à l’extension de cette application.

L’autre grand projet est le fichier automatisé des empreintes digitales (F.A.E.D.), amorcé en 1984. Au 31 décembre 1997, la base centrale comprenait environ 889.755 personnes physiques ; 3 sites utilisateurs permettaient la mise à jour de la base (le service central d’identité judiciaire, les services d’identité judiciaire de la préfecture de police et de la gendarmerie) ; 11 sites permettaient l’interrogation (Lyon, Lille, Marseille, Rennes, Strasbourg, Rouen, Toulouse, Versailles, bordeaux, Orléans, Dijon). Les résultats opérationnels de cette application sont probants : entre 1996 et 1997, l’augmentation des identifications autorisée par le F.A.E.D. a permis d’accroître de près de 19 % le nombre d’affaires résolues. En 1999, 16 millions de francs devraient permettre l’implantation des derniers sites (Nancy, Reims, Limoges, Clermont-Ferrand, Antilles/Guyane).

En matière d’informatique de gestion, le ministère est engagé dans une opération d’envergure concernant la gestion des ressources humaines (projet DIALOGUE).

Pour simplifier, il n’existe pas d’outil unique de gestion des ressources humaines : coexistent un système pour la paie, un autre système pour la gestion administrative, auxquels s’ajoutent le système indépendant de la Préfecture de police. En outre, il n’y a pas de système commun aux policiers, aux cadres des préfectures et aux personnels techniques. Cette hétérogénéité entraîne évidemment des effets pervers, dont en particulier l’impossibilité de mettre en œuvre une gestion prévisionnelle des effectifs.

Conscient de la nécessité d’avancer rapidement sur ce dossier, le ministère, contrairement à son habitude, a opté pour l’achat d’un progiciel de gestion des ressources humaines, les études de spécificités fonctionnelles ayant commencé cette année.

On notera que cette politique “ d’achat sur étagère ”, qui permet des gains financiers et des réalisations plus rapides, a également été utilisée pour la généralisation de deux applications nationales relatives à la gestion des habillements (5 millions d’articles), à celle de l’armement (250.000 armes) et au suivi du parc automobile. (25.000 véhicules). D’une manière générale, le nouveau schéma directeur devrait favoriser cette option, de même que le recours aux sociétés de service privées pour la maintenance des grandes exploitations et le développement des projets nouveaux. On ne peut que souscrire à cette démarche, dès lors que les contrôles assurés en interne permettent de maîtriser la gestion des coûts et la vérification des prestations ainsi fournies.

B. LES FINANCEMENTS PRIORITAIRES

En 1999, l’effort est concentré sur l’équipement, pour lequel les crédits progressent de 14,4 % en crédits de paiement et de 10,3 % en autorisations de programme. Pour l’essentiel, ce sont les transmissions qui sont privilégiées puisque les crédits consacrés à ACROPOL devraient permettre de boucler le programme dans des délais décents, ce qui n’était pas assuré jusqu’alors. Contrairement aux années précédentes, l’équipement immobilier n’est pas pour autant sacrifié, les dotations étant fixées à un niveau satisfaisant qui ne permet cependant ni de combler le retard accumulé ni, a fortiori, de faire face aux besoins.

1. L’équipement immobilier des services

Contrastant avec la chute drastique des crédits en 1997 (– 40 % en autorisations de programme et – 30 % en crédits de paiement), la loi de finances pour 1998 a opéré une première remise à niveau des dotations afin d’accélérer l’équipement immobilier dans les zones sensibles, dans le droit fil des préoccupations prioritaires du Gouvernement.

Cet effort sera consolidé en 1999 car si les autorisations de programme enregistrent une légère contraction de 1,5 %, les crédits de paiement augmenteront vigoureusement de plus de 14 %. Ce surplus est le bienvenu mais il ne permet pas d’assurer la couverture des A.P. ouvertes, gonflées par un reliquat de plus de 150 millions de francs, d’autant que les reports de crédits de paiement de la gestion 1998 devraient être limités
– moins de 50 millions de francs – contrairement aux années passées où 195 millions de francs avaient été reportés de 1997 sur 1998, 201 millions de francs de 1996 sur 1997 et 131 millions de francs de 1995 sur 1996.

Cette observation justifie les inquiétudes que l’on peut nourrir vis à vis des dotations en crédits de paiement, notamment pour l’exercice 1998. Si l’on veut éviter que le défaut de crédits de paiement ne serve de prétexte commode à une réfaction correspondante d’autorisations de programme, il faut que le collectif de fin d’année opère une remise à niveau.

Bien évidemment, l’enveloppe envisagée par la loi de programmation pour la période 1995-1999 n’a été que partiellement atteinte puisque sur les 4.976 millions de francs prévus, seulement 3.280 ont été ouverts.

Ces dotations doivent, en réalité, être appréciées dans un cadre pluriannuel. De fait, la poursuite des opérations initiées conduirait, en théorie, à un besoin prévisionnel en A.P. et C.P. supérieur à 2 milliards de francs. Si l’on raisonne en remise à niveau du parc immobilier pour la même période, les besoins atteignent alors plus de 900 millions de francs par an.

Contrairement à ce que pensent certains, ces besoins ne correspondent pas à des dépenses “ pharaoniques ” mais à la nécessité d’entreprendre à court terme la réalisation d’équipements lourds dans les grandes agglomérations où la déficience du parc est manifeste. Pour ne citer que quelques opérations parmi les plus significatives, on citera les commissariats de secteurs, le centre de rétention administratif et le commissariat de la DIRCILEC de Marseille pour 150 millions de francs, l’hôtel de police de Bordeaux (170 millions de francs), celui de Montpellier (110 millions de francs), celui de Nantes (120 millions de francs), celui de Lille (230 millions de francs), et celui de Bobigny (150 millions de francs).

Le poids de la charge financière en acquisition conduit à envisager des opérations de location avec option d’achat, notamment pour les hôtels de police de Strasbourg, de Lyon-Montluc ou de Lille. Toutefois, indépendamment du fait que ces montages n’ont pas reçu l’aval du ministère des finances, cette solution optiquement satisfaisante ne constitue pas une panacée puisqu’elle conduit à grever d’autant le budget de fonctionnement, déjà fort sollicité par ailleurs. On peut ainsi estimer que le financement par L.O.A. de ces trois opérations coûterait environ 100 millions de francs par an en régime de croisière.

Outre ces opérations lourdes, le ministère doit assurer la réhabilitation d’un parc “ secondaire ” de plus en plus inadapté aux besoins. Les projets ne manquent pas, qu’il s’agisse des commissariats de police, d’hôtels de police d’arrondissement à Paris (5ème, 11ème, 12ème, 13ème, 17ème) et de cantonnements de C.R.S. dont un grand nombre sont dans un état inacceptable. D’autres services expriment également des besoins évidents, tels les laboratoires de police scientifiques de la Préfecture de police qui sont actuellement logés, comme votre rapporteur a pu le constater, dans des conditions bien peu satisfaisantes.

Enfin, l’augmentation des recrutements dans les années à venir, et, partant, les besoins croissants de formation correspondants, nécessite des travaux importants dans les écoles. L’acquisition de l’école de Nîmes devrait, dans un premier temps, permettre de faire face mais il est probable qu’une seconde école devienne nécessaire d’ici peu.

2. Les transmissions

L’acronyme ACROPOL (automatisation des communications radioélectriques opérationnelles de la police) désigne un projet essentiel pour l’avenir de la police nationale, puisqu’il s’agit de substituer à un système de transmission analogique – aujourd’hui largement obsolète – un réseau numérique crypté (13). Doter les fonctionnaires de police de moyens de communication modernes est en effet une priorité incontestable – la gendarmerie nationale a su, en son temps, mesurer l’importance de l’enjeu en déployant rapidement RUBIS – au moment où les délinquants sont à même de se doter d’outils sophistiqués et facilement disponibles à un coût modéré.

Pourtant, force est de constater que le ministère de l’Intérieur peine, depuis 1993, année de lancement du programme, à faire valoir son point de vue dans un contexte budgétaire difficile, étant entendu que le projet a également souffert d’une maturation sans doute perfectible.

De fait, l’implantation du réseau ne serait achevée, au rythme actuel, qu’au-delà de 2010...

Les réseaux du Rhône, de l’Isère et de la Loire d’une part, des trois départements de la Picardie d’autre part, sont opérationnels depuis novembre 1995 et décembre 1996 et n’ont fait l’objet que de faibles modifications depuis.

A partir de 1997, le ministère a lancé le déploiement d’ACROPOL sur le S.G.A.P. de Paris. Conformément au planning initial, le système a subi une phase de test d’octobre à novembre 1997, puis une vérification d’aptitude au bon fonctionnement a été effectuée sur le réseau de la Seine-Saint-Denis au mois de décembre 1997.

Pour la coupe du monde de football, le parc a atteint 1.200 terminaux portatifs et 700 terminaux mobiles ; en outre, 120 terminaux embarqués ont été déployés. Plus de 4.000 fonctionnaires (Seine-Saint-Denis et DICCILEC) ont été formés. De fait, ACROPOL a assuré l’intégralité des radiocommunications des services de police et des autorités préfectorales sur trois des dix sites où se sont déroulés un tiers des matchs (Stade de Gerland à Lyon, stade Geoffroy Guichard à Saint-Etienne, et stade de France à Saint-Denis).

Pour les autres départements, la situation est nettement moins avancée : l’infrastructure des Hauts-de-Seine est en cours de déploiement et le réseau devait être mis en service en septembre 1998. En ce qui concerne le Val-de-Marne et Paris, les matériels ont été commandés en 1998. L’objectif de mise en service des réseaux est fixé au milieu de l’année 1999 pour le Val-de-Marne et à la fin de 1999 pour Paris.

Depuis 1993, l’ensemble des moyens mobilisés sur ce programme a atteint près de 1,26 milliards de francs en A.P. et 830 millions de francs en crédits de paiement, ainsi ventilés.

Années

disponible :
autorisations
de programme

disponible :
crédits
de paiement

exécution :
autorisations
de programme

exécution :
crédits
de paiement

1993

96,00

9,00

96,00

9,00

1994

466,00

147,00

163,00

48,00

1995

136,00

153,00

227,20

181,00

1996

176,00

136,00

384,00

177,00

1997

178,50

254,00

128,00

234,80

1998

311,00 *

289,90

261,98

179,13

Total

1.363,50

988,90

1.260,18

828,93

* Hors reports

Le budget 1998 s’est élevé à 323 millions de francs dont 265 millions de francs au titre de la loi de finance initiale, 46 millions de francs en loi de finance rectificative et 12 millions de francs de report de l’année 1997. Ces ressources devaient financer 276 millions de francs de matériels et de prestations à Matra Nortel Communications, 17 millions de francs pour la construction des sites, 19 millions de francs de mesures d’accompagnement et 11 millions de francs d’ingénierie. Au 7 septembre 1998, la consommation s’élève à 80 % des engagements figurant au plan d’emploi des crédits.

Pour 1999, le projet de loi de finances inscrit un crédit de 422 millions de francs en autorisation de programme et 318 millions de francs en crédits de paiement, qui devraient être abondés de 90 millions de francs en loi de finances rectificative 1998 pour couvrir les besoins en services votés.

En premier lieu, 142 millions de francs sont prévus pour réaliser l’installation d’ACROPOL en Corse (14). Le reste de la dotation sera principalement consacré à la couverture de Paris (15).

Ces moyens devraient garantir le déploiement complet d’ACROPOL pour l’année budgétaire 2006, année budgétaire, soit 2007 en année civile. Bien que l’on puisse continuer à s’interroger sur ce délai, on se réjouira que cet échéancier confirme le choix du scénario médian (390 millions de francs annuels) décrit par la mission interministérielle et non celui du scénario lent (230 millions de francs annuels).

Précisons enfin que le scénario alternatif permettant d’abréger le déploiement est le scénario dit “ rapide ”, soit l’achèvement du déploiement en 2004, qui nécessiterait une enveloppe annuelle d’autorisations de programme voisine de 550 millions de francs.

II. —  LE PANORAMA DE LA DÉLINQUANCE

L’analyse de la délinquance conduit à un constat paradoxal. Alors que les statistiques sont encourageantes, du moins jusqu’au milieu de 1998, il semble que l’insécurité augmente. On peut y voir, bien sûr, la traduction d’un enracinement du sentiment d’insécurité, parfois nourri par une couverture médiatique de plus en plus efficace, que ne mesurent pas les statistiques officielles mais qui est mis en évidence par un certain nombre d’enquêtes à caractère sociologique. Mais il faut également y voir le reflet de l’évolution de la délinquance, qui, inéluctablement, tend à devenir plus précoce, plus violente, plus “ proche ” et, en définitive, qui affecte de plus en plus l’équilibre de la collectivité.

Quelle que soit l’appréciation portée sur l’évolution du nombre des crimes et délits, il faut cependant garder présent à l’esprit que les statistiques officielles constituent un indicateur utile mais non exhaustif. Ne recensant que les infractions portées à la connaissance de la police ou de la gendarmerie, elles ne retracent pas la criminalité “ réelle ” qui intègre le “ chiffre noir ” de la délinquance. Gonflée par certains, minorée par d’autres, l’importance de celui-ci est variable selon les infractions : probablement marginale en ce qui concerne les meurtres, les vols à main armés et généralement toutes les infractions entraînant la mise en jeu d’une assurance, elle est sans aucun doute plus significative pour les escroqueries, les fraudes, les violences familiales ou sexuelles. Enfin, les statistiques du ministère de l’Intérieur ne permettent pas d’évaluer la plupart des comportements qualifiés “ d’incivilités ” mais qui, pourtant, polluent gravement la vie quotidienne de nos concitoyens.

A. LE CONSTAT D’ENSEMBLE

Pour la troisième année consécutive, les statistiques officielles ont attesté d’une baisse de la délinquance en 1997. La stabilisation constatée en 1993 et 1994, puis le reflux enregistré par la suite, semblaient donc bien illustrer un retournement de tendance.

Le nombre de crimes et de délits constatés par la police et la gendarmerie en 1997, étant entendu que la police nationale a constaté 74 % des faits, a diminué de 66.175, soit une baisse de 1,86 % dont 0,66 % pour la police nationale et 5,13  % pour la gendarmerie. Le taux de criminalité s’est établi à environ 5,9 % et a ainsi été ramené au niveau de la fin des années 1980.

Progression de
la criminalité globale

Nombre de crimes
et délits

Taux pour
100 habitants

1987 : – 3,7 %

1988 : – 1,2 %

1989 : + 4,3 %

1990 : + 6,9 %

1991 : + 7,2 %

1992 : + 2,32 %

1993 : + 1,33 %

1994 : + 0,96 %

1995 : – 6,47 %

1996 : – 2,88 %

1997 : – 1,86 %

3.170.970

3.132.694

3.266.442

3.492.712

3.744.112

3.830.996

3.881.894

3.919.008

3.665.320

3.559.617

3.493.442

5,7 %

5,6 %

5,8 %

6,2 %

6,6 %

6,7 %

6,7 %

6,7 %

6,3 %

6,1 %

5,9 %

Source : Ministère de l’Intérieur

Les résultats du premier semestre 1998 apparaissent toutefois moins bien orientés, puisque la criminalité globale augmente de 2,32 % par rapport au premier semestre de l’année précédente, ce pourcentage consolidant cependant une progression de 1,53 % des faits constatés par la police mais de 5 % de ceux constatés par la gendarmerie. De prime abord, ce résultat est préoccupant, d’autant que cette tendance concerne tous les types d’infractions. Toutefois, il n’est pas exclu que cette progression soit en partie liée aux conséquences de l’événement exceptionnel que constitue la coupe du monde, de nature à susciter une “ criminalité d’importation ”. Ainsi, on note que la hausse de la délinquance a dépassé 5 % à Paris, où les vols ont augmenté de plus de 15 %. Par ailleurs, il est difficile de porter de jugement définitif dans la mesure où, en 1997, le premier semestre avait également enregistré en hausse de la délinquance, l’ensemble de l’année connaissant finalement une diminution sensible. Enfin, en tout état de cause, ces chiffres sont peu éclairants sur l’efficacité de la politique du Gouvernement, celle-ci n’ayant pas encore eu le temps de produire tous ses effets.

Au risque de relativiser l’impact des politiques publiques, on notera que la tendance globalement favorable de ces dernières années n’est pas propre à la France, même si elle y est davantage marquée. Ainsi, dans des proportions variables, l’Autriche, le Danemark, la Finlande les Pays-Bas, le Portugal, le Luxembourg et le Royaume-Uni (hors Irlande du Nord) ont enregistré des baisses de la délinquance en 1995 et 1996, voire, pour ce dernier pays, depuis 1993. Ce phénomène n’est cependant pas général puisque l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et la Grèce ont connu une tendance inverse.

Il reste que les résultats enregistrés en France depuis quelques années méritent d’être nuancés dès lors que l’on raisonne sur longue période. Le taux de criminalité atteignait ainsi 4,80 % en 1980, 3,63 % en 1975, 2,23 % en 1970 et ... 1,35 % en 1965. Comme l’illustre le graphique ci-après, la hausse de la délinquance s’est très fortement accélérée entre 1975 et 1985, les évolutions apparaissant plus contrastée depuis lors. Cependant, son niveau reste sans commune mesure avec la situation observée il y a seulement vingt ans.

Comme de coutume, la diminution globale de la délinquance en 1997 consolide des évolutions divergentes selon les catégories d’infractions.

Ainsi, les vols, qui représentent environ 64,2 % des infractions en 1997, enregistrent une nouvelle baisse de 3,7 %, ce qui conduit à une contraction de 15 % depuis 1993, notamment du fait de ceux liés à l’automobile et aux deux roues ; cette tendance s’inverse au premier semestre 1998, les vols augmentant de 2,6 %, sous réserve des observations formulées plus haut. De leur côté, les infractions économiques et financières baissent de 4,95 % en 1997, après 12,5 % en 1996 et 18,9 % en 1995, mouvement qui se poursuit au premier semestre 1998 (– 2,97 %).

Confirmant une évolution sur laquelle on reviendra plus loin, les infractions impliquant un recours à la violence contre les personnes sont en hausse de 8,5 %, essentiellement en raison de la progression des coups et blessures volontaires (+ 8,6 %). De même, les atteintes aux mœurs progressent vivement, notamment, il faut le souligner, en raison des atteintes sexuelles contre mineurs (+ 33 %). Les premiers résultats définitifs pour 1998 confirment cette tendance : les coups et blessures volontaires augmentent de 10,4 % au premier semestre, les vols avec violence sans arme à feu de 6,5 % ; seuls les vols à main armée connaissent une décrue significative de 6,8 %.

Enfin, les autres infractions sont en légère progression (2,65 %,) celles liées à la législation sur les stupéfiants augmentant en revanche significativement de 9,22 % (+ 7,82 % pour le premier semestre 1998), ce pourcentage exprimant autant une croissance brute du nombre de délits qu’une amélioration des performances de la police et de la gendarmerie dans ce domaine.

ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ PAR TYPE D’INFRACTION

Désignation des infractions

1997

Variation 97/96

TOTAL DES INFRACTIONS (faits constatés)

3.449.442

– 1,86 %

1. Vols (y compris recels) dont :

2.244.301

– 3,72 %

Vols à main armée

8.295

– 12,02 %

Autres vols avec violences et sans arme

72.203

+3,10 %

Cambriolages

407.385

+ 6,65 %

Vols liés à l’automobile et aux deux roues à moteur

1.089.461

– 5,16 %

dont vols d’automobiles

321.418

– 6,80 %

2. Infractions économiques et financières dont :

295.511

– 4,95 %

Falsifications et usages de chèques volés

126.815

– 6,90 %

Escroquerie et abus de confiance

84.233

+ 0,26 %

3. Crimes et délits contre les personnes dont :

214.975

+ 8,49 %

Homicides

963

– 17,76 %

Atteintes aux mœurs

35.090

+ 18,44 %

Coups et blessures volontaires

81.910

+ 8,60 %

4. Autres infractions (dont stupéfiants) dont :

738.655

+ 2,65 %

Infractions à la législation sur les stupéfiants

86.961

+ 9,22 %

Destructions et dégradations de biens privés

424.098

+ 1,93 %

Nombre de personnes mises en cause

797.362

– 0,91 %

Source : Ministère de l’Intérieur

   

Si l’on s’intéresse désormais à la répartition de la délinquance par zone géographique, l’évolution est également contrastée.

Sur 22 régions, 7 ont connu, à contre-courant, une hausse de la criminalité (16) qui n’a cependant pas dépassé 2 %, à l’exception des pays de Loire (+ 3,7 %). S’agissant des départements, 51 enregistraient une baisse, dont un certain nombre une diminution beaucoup plus importante que la moyenne nationale tels que l’Aisne (– 13,45 %), les Hautes-Alpes
(– 9,99 %), les Bouches du Rhône (– 4,99 %), la Corse du Sud (– 16,54 %), ou la Seine-Maritime (– 7,34 %). D’autres déploraient, en revanche, une hausse spectaculaire comme l’Eure (+ 10,22 %), l’Yonne (+ 9,62 %) et surtout la Guadeloupe (+ 12,87 %), où les crimes et les délits contre les personnes ont cru de près de 28 %.

Enfin, on précisera que 8 des 11 villes dont la population est supérieure à 250.000 habitants ont enregistré une érosion du nombre de crimes et délits. C’est en particulier le cas à Rouen (– 11,38 %), Nantes (– 8,29 %), Nice (– 7,01 %), et Strasbourg (– 5,76 %). En sens inverse, la délinquance a augmenté significativement à Lille (+5,23 %) et à Lyon (+ 4,49 %).

Face à cette délinquance, quelle est l’efficacité de la réponse policière ? Usuellement, celle-ci peut être approchée par l’évolution du “ taux d’élucidation ” c’est-à-dire le rapport entre les faits constatés et ceux qui sont élucidés, sachant toutefois que ces chiffres sont à manier avec précaution (17) et qu’ils ne permettent pas de porter d’appréciation définitive sur la “ performance ” de la police ou de la gendarmerie.

En 1997, ce taux est de 29,47 %, en baisse par rapport à l’année précédente où il atteignait plus de 30 %, sachant qu’il recouvre de fortes disparités selon les infractions. Ainsi, traditionnellement supérieur à 80 % en matière d’homicides, il ne dépasse pas 10 % pour les infractions les plus courantes, comme on le verra ultérieurement. Cela étant, en dix ans, cet indicateur s’est nettement érodé, cette tendance s’observant quelles que soient les grandes catégories d’infractions considérées. Elle se confirme également au premier semestre 1998, le taux d’élucidation globale passant sous la barre des 29 %.

B. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE

En dépit des annonces parfois volontaristes des responsables de la sécurité publique, beaucoup de nos concitoyens se considèrent moins en sécurité aujourd’hui qu’hier. Sans chercher à alimenter une peur malsaine, bien trop souvent entretenue à des fins politiques, il faut reconnaître que ce sentiment s’appuie sur un constat objectif : la délinquance actuelle est plus “ proche ” et plus violente ; elle concerne de plus en plus les jeunes ; les frontières entre la petite, la moyenne et, parfois, la grande délinquance s’estompent. Autant de traits dont l’actualité nous fournit des illustrations désormais quotidiennes.

1. Une délinquance de proximité plus violente

Depuis une quinzaine d’années, l’évolution de la délinquance est indéniablement caractérisée par l’augmentation de la part prise par ce que l’on peut appeler les infractions “ de masse ”. D’aucuns y voient d’ailleurs la résultante de tous les maux de notre société, à savoir chômage endémique, exclusion, déchirement du tissu social traditionnel, perte de substance des valeurs qui fondent la vie en collectivité, urbanisme mal maîtrisé, pour ne citer que les plus évidents.

Pour mesurer ce phénomène, on peut retenir une conception un plus large que celui de délinquance de voie publique habituellement retenue par le ministère de l’Intérieur, de sorte que soient pris en compte tous les crimes et délits, des dégradations aux coups et blessures volontaires, qui affectent le plus la vie quotidienne de nos concitoyens.

Même ainsi retaillé, cet indicateur reste néanmoins réducteur. En particulier, il ne permet pas d’évaluer une bonne part des “ incivilités ”, c’est-à-dire les petites violences infra pénales quotidiennes tels que les graffitis, les violences verbales, les gestes obscènes, les attroupements menaçants, les petites dégradations, la fraude, autant de manifestations qui minent la vie des habitants et qui constituent le terreau du sentiment d’insécurité, en particulier dans certains quartiers où ces comportements constituent, hélas, le quotidien.

Pour en rester aux agissements incriminés par la loi pénale au titre des crimes ou délits, le tableau qui suit illustre clairement une tendance lourde, en dépit du léger tassement observé depuis peu, puisque ces infractions sont passées de 55 % du total de la criminalité à près de 70 % entre 1994 et 1997.

De surcroît, on observe une forte augmentation des infractions à caractère violent. Ainsi, sur la période considérée, les coups et blessures volontaires ont cru de 113 %, les vols avec violences sans armes à feu de 43,7 % et les dégradations de près de 230 %. Quant à l’érosion apparente de l’ensemble depuis le début des années 1990, elle est imprimée par le tassement des vols de véhicules, des vols à la roulotte et des cambriolages qui représentent la majorité des infractions recensées.

ÉVOLUTION DES INFRACTIONS DE MASSE ENTRE 1984 ET 1997

Infractions

1984

1988

1992

1997

Coups et blessures volontaires

38.389

42.512

55.613

81.910

Cambriolages

444.030

375.851

462.497

407.385

Vols avec violence sans arme à feu

50.246

43.409

60.324

72.203

Vols à l’étalage

93.934

63.355

70.856

57.055

Vols à la tire

99.305

102.990

79.747

Vols de véhicules

440.836

360.509

504.939

417.360

Vols roulotte

702.360

675.032

886.011

672.101

Recels

23.036

26.963

34.089

35.381

Falsifications

173.891

180.721

154.675

Dégradations

225.366

204.218

374.569

454.180

Total infractions

2.036.170

2.065.045

2.732.609

2.431.997

Criminalité

3.681.453

3.132.694

3.830.996

3.493.442

Total sur % criminalité

55,31

65,92

71,33

69,62

Les premiers résultats pour 1998 amplifient ce mouvement : par rapport au premier semestre 1997, les coups et blessures volontaires augmentent de 10,4 %, les vols avec violence de 6,5 % et les dégradations de 3,7 %.

La violence croissante de cette délinquance de masse s’observe dans les statistiques mais, surtout, elle constitue le quotidien des forces de l’ordre. Ainsi le Directeur départemental adjoint de la sécurité publique du Rhône constatait-il que les vols devenaient de plus en plus violents, qu’ils donnaient lieu à des agressions systématiques, le tout pour des butins souvent dérisoires. De plus, la banalisation des armes tend à rendre moins étanches les frontières de la petite, de la moyenne et de la grande délinquance, phénomène sur lequel on reviendra. Dans ces conditions, on ne sera pas surpris des propos du même responsable, selon lequel cinq policiers sont blessés par semaine sur le territoire de sa circonscription.

Pour la période la plus récente, le ministère de l’Intérieur fait état d’une diminution de la délinquance de voie publique de 3,82 % en 1997, après – 0,59 % en 1996 et – 5,88 % en 1995. Ces données sont incontestables, mais elles confirment surtout la baisse des cambriolages (– 6,65 %) et des vols liés aux véhicules (– 5,16 %), largement imputable aux efforts déployés par les particuliers, les constructeurs automobiles et les compagnies d’assurance pour prévenir le vol. En revanche, on déplore une nouvelle progression des vols avec violence sans arme à feu (+ 3,10 %) et, surtout, des coups et blessures volontaires (+ 8,60 %). Au premier semestre 1998, ce type de délinquance augmente de 1 % par rapport à la même période de l’année précédente.

Sans vouloir sous-estimer le travail des forces de police, on peut également se demander si l’orientation globalement favorable des statistiques de la délinquance de voie publique, entre 1995 et 1997 ne reflète pas partiellement l’impact du plan VIGIPIRATE, en vigueur depuis septembre 1995, dans la mesure où les infractions qui la constituent ont, par définition, une assez grande sensibilité au déploiement de forces de l’ordre sur le terrain.

Bien que la mesure de “ l’effet statistique ” de VIGIPIRATE soit aléatoire, votre rapporteur avait constaté que la baisse des infractions de voie publique en 1996 avait été plus significative à Paris intra muros et en Ile-de-France, où le déploiement de force de sécurité était le plus visible, que dans le restant de l’hexagone. Cette observation pouvait plaider en faveur d’une relation de cause à effet mais, pour 1997, cette corrélation ne peut pas être établie : ainsi, à Paris, les vols liés aux véhicules automobiles ont régressé de seulement 3,10 %, alors que les vols simples ont cru de 5,85 %. Quant aux vols avec violence et dégradations, ils ont augmenté dans des proportions malheureusement comparables à celles de la moyenne nationale, soit respectivement 9,1 % et 10,18 %.

Les avatars de la délinquance de masse sont aggravés par la relative impunité dont semblent bénéficier ses acteurs, comme en attestent les résultats plus que contrastés des taux d’élucidation des différentes infractions. Au sein de la délinquance de voie publique, seuls les coups et blessures volontaires semblent correctement traités par la police, la nature de l’infraction excluant l’anonymat. Bien qu’elles soient délicates d’interprétation, ces données confirment néanmoins qu’une bonne partie des vols et des dégradations restent sans suites pénales.

Infractions

1995

1996

1997

Vols à la roulotte

8 %

8 %

6 %

Vols d’automobiles

10 %

10 %

8,7 %

Destructions et dégradations de biens privés

14 %

14 %

12,5 %

Cambriolages

12 %

12 %

10,6 %

Vols violents sans arme à feu

21 %

20 %

20 %

Vols à main armée (avec arme à feu)

39 %

36 %

36 %

Coups et blessures volontaires

75 %

75 %

74,6 %

Viols

88 %

87 %

88,5 %

Criminalité globale

32 %

30 %

29,5 %

2. Une délinquance juvénile plus radicale

Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas d’explosion continue de la violence des mineurs. Cette mise au point, rappelée notamment dans le rapport remis au premier ministre par Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck (Réponses à la Délinquance des mineurs), repose sur l’analyse – ambiguë il est vrai – des statistiques tenues par la police et la gendarmerie nationale.

De prime abord, les chiffres semblent parler d’eux-mêmes. Entre 1973 et 1997, le nombre total des mineurs (18) mis en cause (19) pour crime ou délit par la police et la gendarmerie est passé de 72.742 à 154.437. En terme relatif, leur proportion au sein de la population délinquante globale s’est accrue fortement au cours de la même période, passant de 9,7 % à 19,4 %. Pour le premier semestre 1998, ce pourcentage connaît une nouvelle poussée et atteint 22,4 %.

Cela étant, l’observation sur longue période conduit à un constat qui, s’il reste préoccupant, mérite d’être nuancé.

PERSONNES MISES EN CAUSE – MINEURS POUR L’ENSEMBLE DES CRIMES ET DÉLITS

Années

Total
mis en cause

Evolution
%

Mineurs
mis en cause

Evolution
%

Part des mineurs dans le
total des M.E.C.

1977

582.770

13,0 %

82.151

16,1 %

14,1 %

1978

574.937

– 1,3 %

81.765

– 0,5 %

14,2 %

1979

609.669

6,0 %

93.723

14,6 %

15,4 %

1980

686.354

12,6 %

104.292

11,3 %

15,2 %

1981

746.893

8,8 %

101.564

– 2,6 %

13,6 %

1982

801.036

7,2 %

104.749

3,1 %

13,1 %

1983

874.052

9,1 %

107.808

2,9 %

12,3 %

1984

921.983

5,5 %

105.027

– 2,6 %

11,4 %

1985

925.114

0,3 %

103.585

– 1,4 %

11,2 %

1986

809.059

– 12,5 %

90.501

– 12,6 %

11,2 %

1987

775.756

– 4,1 %

93.470

3,3 %

12,0 %

1988

770.156

– 0,7 %

92.143

– 1,4 %

12,0 %

1989

768.890

– 0,2 %

94.302

2,3 %

12,3 %

1990

754.161

– 1,9 %

98.284

4,2 %

13,0 %

1991

770.370

2,1 %

101.631

3,4 %

13,2 %

1992

712.407

– 7,5 %

98.864

– 2,7 %

13,9 %

1993

690.455

– 3,1 %

92.912

– 6,0 %

13,5 %

1994

775.701

12,3 %

109.338

17,7 %

14,1 %

1995

793.393

22,8 %

126.233

15,4 %

15,9 %

1996

804.655

14,1 %

143.824

13,9 %

17,8 %

1997

797.362

– 0,9 %

154.437

7,4 %

19,4 %

Tout d’abord, ce mouvement n’est pas linéaire puisqu’on note l’alternance de périodes de hausse, de stagnation, mais aussi de baisse du nombre des mineurs impliqués. Toutefois, depuis 1976, année où elle atteint le chiffre de 13,7 %, la part des mineurs dans le total des mis en cause s’est établie à un niveau élevé, toujours supérieur à 10 %, se maintenant même pendant de longues périodes au-dessus de la barre des 13 % (20).

Ensuite, les présentations statistiques issues du ministère de l’Intérieur comportent un biais dans la mesure où elles ne neutralisent pas la dépénalisation des chèques volés, ce qui conduit à majorer corrélativement la représentation des mineurs à partir de 1993. Si l’on effectuait cette correction statistique, la part des mineurs mis en cause en 1997 serait du même ordre que celle de 1980 (21), même s’il faut noter que le nombre absolu de mineurs impliqués a augmenté de moitié depuis cette date.

Cette mise en perspective ne doit cependant pas masquer trois véritables motifs de préoccupation.

Tout d’abord, on note une hausse régulière et rapide de la part des mineurs mis en cause depuis 1994. En termes bruts, le nombre des moins de dix-huit ans impliqués a augmenté de 41 %. Les chiffres du premier semestre 1998 confortent cette tendance puisque, sur les huit premiers mois de l’année, ce chiffre a de nouveau grimpé de 11,25 % par rapport à la même période de 1997. Corrélativement, la part des mineurs dans le total des mis en cause connaîtrait un nouveau bond et atteindrait 22,11 % contre 19,7 % de janvier à août 1997. Par ailleurs, il convient de signaler que la part des mineurs dans la délinquance de voie publique augmente selon un trend comparable : elle représentait 31,66 % en 1996, 33,5 % en 1997 et 36,52 % pour les six premiers mois de l’année 1998.

Ensuite, les mineurs impliqués sont de plus en plus jeunes. Bien qu’aucune étude statistique ne vienne étayer ce constat, tous les fonctionnaires rencontrés par votre rapporteur au cours de ses déplacements ont mis l’accent sur le rajeunissement des mis en cause. Beaucoup évoquent ainsi des bandes constituées de jeunes de 11 à 13 ans, voire moins.

Enfin, la délinquance des mineurs devient manifestement de plus en plus violente (22).

S’agissant des vols à main armée et des vols avec violences commis sans arme à feu, le nombre des mineurs impliqués a augmenté de manière très alarmante au cours de ces deux dernières décennies. Ainsi, 43,4 % des vols avec violence sans arme à feu constatés en 1997 ont donné lieu à la mise en cause d’un mineur contre 30 % vingt ans plus tôt.

De même, la présence des mineurs dans la criminalité violente, hors vols, progresse au cours des vingt dernières années et connaît, depuis 1993, une hausse encore plus considérable. Ce sont surtout les affaires de coups et blessures volontaires qui rassemblent le plus d’auteurs mineurs, soit 14,6 % du total des mis en cause. Les auteurs ou complices de viols sont, dans 17,19 % des cas, des mineurs. Leur part dans le total des mis en cause ne cesse de croître puisqu’elle était de 7,8 % en 1973, de 14,7 % en 1988 et de 17,3 % en 1995.

Ces quelques données rappellent, s’il en était besoin, l’intensité du problème posé à la société, et en particulier dans certains quartiers où se concentrent tous les maux.

Certes, la plupart des fonctionnaires sur le terrain estiment que, dans chacun d’entre eux, les difficultés les plus importantes sont le fait d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’individus, le plus souvent réitérants, et que “ l’éloignement ” de cette minorité de meneurs serait de nature à ramener le calme.

Il faut savoir en effet que l’évolution de la délinquance des mineurs, et surtout de sa portion la plus radicale, traduit une crise de l’intégration, une culture de la contestation des normes et de l’identité républicaine, que d’aucuns assimilent parfois à un processus de “ décivilisation ”. A Bourgoin-Jallieu les fonctionnaires du commissariat ont ainsi souligné que ces jeunes “ incivils ” concevaient leurs rapports avec la police comme un affrontement de bande à bande, dans lequel chacun des protagonistes se trouverait placé sur un pied d’égalité sans relation d’autorité. Pour ces cas les plus difficiles, irréductibles aux modes de socialisation traditionnels, il reste à inventer des structures d’accueil assurant, sur longue période, un encadrement éducatif et, le cas échéant, un accompagnement psychologique.

Nécessaire, le traitement pénal des meneurs n’est cependant pas une fin en soi. En effet, derrière cette fraction dure, une génération, fragilisée par les difficultés de l’insertion scolaire et professionnelle, par l’évanescence des structures familiales et de la responsabilité parentale, s’oriente peu à peu, si l’on n’y prend garde, vers une vie sans repère où la délinquance peut apparaître, à un moment donné, comme une réponse parmi les autres à une situation de désarroi. C’est vers ces derniers que la prévention doit porter tous ses efforts, afin de détecter précocement les situations de prédélinquance et d’y mettre un terme.

3. Une délinquance plus fluide

Traditionnellement, la criminalité semble compartimentée, les acteurs du grand banditisme ne côtoient pas les petits ou moyens délinquants ; concomitamment, les moyens mis en œuvre par les uns diffèrent nettement de ceux utilisés par les autres.

Comme l’ont confirmé les acteurs de terrain rencontrés aussi bien à Paris qu’en Rhône-Alpes, cette vision est largement dépassée et les frontières entre grande, moyenne et petite délinquance s’estompent.

Le milieu, avec ses prétendues règles et son soit-disant code de l’honneur relève désormais, selon les policiers, de l’image d’Epinal. Le Directeur de la police judiciaire de la Préfecture de police évoquait ainsi “ l’atomisation ” du grand banditisme et la disparition du milieu traditionnel. Les responsables de la police dans le Rhône ont décrit le même phénomène : il n’y a plus de “ famille ”, plus de clan, plus de groupe structuré ; les équipes s’agrègent au gré des circonstances, pour une opération déterminée, puis se séparent.

De plus, les mêmes acteurs sont susceptibles de passer indifféremment de la moyenne à la grande délinquance, tendance aggravée par la surenchère des moyens mis en œuvre et la banalisation de l’armement. Par exemple, dans la circonscription de sécurité publique de Lyon, on assiste de plus en plus fréquemment aux scènes de “ casse-bélier ” : un groupe d’individus vole un véhicule puissant, s’en sert pour défoncer la devanture d’un magasin, n’hésite pas, le cas échéant, à ouvrir le feu sur la police, puis repart brûler le véhicule. En principe utilisé pour de grosses opérations (banques, bijouteries), ce modus operandi l’est aussi de plus en plus fréquemment pour certaines de beaucoup moindre envergure. En somme, les mêmes personnes, selon les occasions, selon les rencontres, peuvent un jour participer à un vol à la roulotte et le lendemain, prendre part à une quasi-opération de commando.

Mobile dans sa composition et dans ses modes d’action, la délinquance l’est aussi sur le plan géographique. Pour en revenir aux opérations de “ casse-bélier ”, celles qui sont effectuées à Lyon ou dans les villes voisines sont le fait de délinquants qui résident souvent dans des communes de la périphérie lyonnaise, des migrations identiques étant courantes entre Grenoble et les villes avoisinantes, ce qui pose de redoutables problèmes à ces circonscriptions “ d’accueil ”. Dans ces conditions, les forces de l’ordre sont obligées d’adapter leurs méthodes de travail : les interceptions ou le flagrant délit s’avérant hautement risqués, il faut développer le travail d’investigation et la coordination entre service pour opérer des arrestations “ en douceur ”.

III. —  L’ACTIVITÉ DE LA POLICE NATIONALE

Parce qu’il s’agit d’une nouvelle orientation stratégique de la police nationale, la mise en œuvre de la police de proximité attire tout spécialement l’attention. Cela ne doit cependant conduire à négliger les domaines habituels d’interventions dans lesquels la police enregistre des résultats souvent convaincants.

A. LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLICE DE PROXIMITÉ.

Maîtrisée dans les pays anglo-saxons, largement analysée par les spécialistes des questions de sécurité, la notion de police de proximité, quoiqu’appartenant de longue date au vocabulaire policier français, est restée longtemps un concept flou, sans grande consistance pratique. Dans le meilleur des cas elle servait à désigner l’îlotage, sans que la réflexion ne soit poussée plus avant. Si quelques prémices apparaissaient en filigrane des réformes de la police engagées à la suite du vote de la loi d’orientation, c’est à l’occasion du colloque de Villepinte que la police de proximité est véritablement abordée comme une stratégie opérationnelle et un concept global de service. De fait, sa mise en œuvre nécessite non seulement des réorganisations des structures mais surtout une adaptation des méthodes de travail, autant d’évolutions actuellement en cours sur le terrain, comme a pu le constater votre rapporteur à l’occasion de ses déplacements à la Préfecture de police ou en région Rhône-Alpes.

1. L’aménagement des structures

a) Le maillage du territoire par les contrats locaux de sécurité

Les contrats locaux de sécurité (C.L.S.) sont la clef de voûte de la nouvelle donne policière. Si leur objet ne se limite pas à l’organisation locale de la police de proximité, ils en sont néanmoins le support privilégié. C’est en effet par le truchement de ces documents collectifs que sont déterminés précisément les besoins, que sont affectés en conséquence les moyens humains et matériels et qu’est organisé le partenariat entre les parties concernées.

Votre rapporteur ne reviendra pas sur la description de cette procédure. Rappelons toutefois que, loin de constituer une nouvelle mouture des plans locaux ou départementaux de sécurité, les C.L.S. procèdent d’une démarche originale dans la mesure où ils sont dotés de moyens spécifiques (adjoints de sécurité et emplois-jeunes (23)) et où ils supposent une méthode particulière associant l’utilisation de données objectives, l’analyse du sentiment d’insécurité, l’adaptation des politiques publiques et l’option pour des mesures concrètes.

Au 20 août 1998, 110 contrats avaient été signés, 397 étaient en cours d’élaboration. En outre, la réunion du 8 juillet dernier a permis de dégager un large consensus sur l’architecture du C.L.S. de Paris qui devrait donc prochainement voir le jour. Ce contrat d’un type particulier, eu égard à la spécificité de la capitale, sera composé de deux parties : un contrat proprement dit, comprenant le diagnostic de sécurité, le plan d’actions et le dispositif opérationnel ; des annexes thématiques (toxicomanie, délinquance des mineurs et sécurité dans les transports) et territoriales par arrondissement.

A ce stade, il est encore tôt pour dresser un bilan précis et significatif de la méthode mais les premières observations attestent indubitablement de l’intérêt de la démarche partenariale, même si celle-ci se heurte parfois au cloisonnement administratif et à l’inertie des pratiques professionnelles.

Au chapitre des défauts de jeunesse, on évoque parfois une insuffisante prise en compte des aspirations concrètes de la population, l’inadaptation des services opérationnels à l’application du C.L.S. et les lacunes dans les processus d’évaluation. Une autre imperfection résulte des limites du cadre communal dans lequel s’inscrivent ces documents. Cette critique peut cependant être facilement contournée par l’élaboration de contrats particuliers, tel celui concernant les transports urbains de l’agglomération grenobloise, signé le 8 juin 1998 par le préfet, le procureur et les sociétés de transports. Celui-ci prévoit ainsi, outre un partenariat très poussé, le renforcement de la médiation par l’affectation de 50 agents de prévention en partie formés par la police nationale, l’adaptation de la présence de cette dernière en fonction des besoins et le rappel systématique à la loi.

A la lisière des imperfections des C.L.S. et de celles tenant à la formation des personnels, précisons enfin que quelques problèmes sont apparus dans la formation et l’encadrement des agents locaux de médiation sociale. Si certaines communes ont recruté des cadres dans ce but, d’autres se sont tournées vers leurs partenaires dans le cadre du C.L.S. ; quelques unes, enfin, ont confié cette tâche à leur police municipale, ce qui ne correspond pas aux objectifs fixés, notamment dans le protocole d’accord signé en novembre 1997 entre le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’emploi et de la solidarité.

Bien que la mission emplois-jeunes mise sur pied par la D.G.P.N. ait élaboré, dans le cadre d’une structure de liaison interministérielle, un document intitulé “ recruter et former des A.L.M.S. ”, le suivi de la formation et du travail de ces emplois mériterait d’être amélioré si l’on souhaite que ceux-ci se professionnalisent et se pérennisent.

b) La réorganisation des services

La modification des organigrammes n’est pas une condition sine qua non de la police de proximité. Dans bien des cas, les structures existantes sont compatibles avec celle-ci et il suffit de quelques ajustements ou de la création, localement, d’unités spécialisées pour la mettre en œuvre dans de bonnes conditions.

Dans d’autres cas, les changements s’imposent, tant pour des raisons de fond que pour satisfaire un objectif pédagogique.

L’exemple le plus spectaculaire est sans doute celui de la Préfecture de Police, engagée dans une profonde réforme.

Le 9 septembre 1997, le ministre de l’Intérieur a invité le préfet de police à engager une réforme des services, de manière à favoriser la création d’une police de proximité, plus proche des besoins de la population et recentrée sur la prévention de la délinquance.

Au début de 1998, la Préfecture de police comptait près de 18.000 fonctionnaires actifs, regroupés au sein de cinq directions : directions de la sécurité publique (environ 13.000 fonctionnaires), de la police judiciaire (3.100 fonctionnaires), des renseignements généraux (680 fonctionnaires), de la logistique (1.200 fonctionnaires) et Inspection générale des services (150 fonctionnaires).

Sans entrer dans le détail, indiquons que la D.S.P. est organisée en services centraux et en services territoriaux comprenant six districts (24) et 20 commissariats d’arrondissement (25). De son coté la direction de la police judiciaire comprend des services centraux spécialisés (26), des services d’aide à l’investigation, des moyens communs de gestion et des services territoriaux, soit six divisions de police judiciaire (compétentes pour la délinquance locale et la coordination des implantations locales) et 50 commissariats de quartiers auxquels s’ajoutent 4 centres de police judiciaire et administrative et 10 antennes de police judiciaire au sein des commissariats d’arrondissement.

Cette organisation a fait ses preuves et l’efficacité opérationnelle de la Préfecture de police est incontestable. Ses atouts sont bien connus, qu’il s’agisse de l’unité hiérarchique du préfet de police qui associe le pouvoir réglementaire de police administrative et la direction des services d’exécution, de la qualité et de la motivation de ses fonctionnaires, de la technicité de ses services spécialisés ou de la performance de ses outils technologiques, en particulier de la salle d’information et de commandement, dont votre rapporteur a pu apprécier l’intérêt (27) lors d’une visite effectuée les 8 et 9 juillet derniers.

A cette occasion, il a également pu mesurer le professionnalisme de services tels que la brigade de protection des mineurs, unique en France, en charge de la protection et de la prévention de l’enfance et de l’adolescence mais aussi de la répression des infractions dont ces derniers sont victimes. Environ 3.800 mineurs sont ainsi suivis chaque année par une équipe d’environ 90 fonctionnaires dévoués qui effectuent un travail difficile et méritent d’être reconnus à ce titre. Dans un registre différent, la valeur ajoutée produite par la brigade des stupéfiants, qui assure à la fois le contrôle de la toxicomanie et la répression du trafic n’est plus à démontrer.

Pour autant, l’organisation actuelle apparaît perfectible au regard des objectifs de la police de proximité. Deux types de critiques lui sont principalement adressées.

Tout d’abord, les commissariats d’arrondissement assurent des tâches effectuées au détriment de la police de proximité. Ainsi, la gestion de l’ordre public pèse sur les fonctionnaires du service général. La Préfecture de police, estime que cette ponction est modérée – moins d’1 % des effectifs pour le maintien de l’ordre stricto sensu en 1997 mais près de 4,5 % pour les services d’ordre qui ne sont pas purement locaux – mais elle reconnaît qu’elle produit des effets pervers du fait du caractère imprévus des événements. Par ailleurs, la disponibilité des fonctionnaires est grevée par des servitudes – déjà évoquées – telles que la garde des points sensibles (environ 312 gardiens par jour) ou celle des détenus et les conduites aux urgences médico-judiciaires. La Préfecture de police mentionne également la tenue des points d’école (730 recensés) qui concerne près de 500 personnels relevant de la D.S.P. Pour mémoire, votre rapporteur rappellera, en outre, que de nombreux fonctionnaires de police sont encore affectés dans des services éloignés de toute vocation opérationnelle.

Ensuite, l’organisation verticale actuelle qui dissocie, aussi bien au niveau central qu’à l’échelon territorial, la police judiciaire et la sécurité publique rencontre vite ses limites. Si des progrès ont été accomplis, les inconvénients subsistent s’agissant notamment du traitement et du suivi des plaintes, de la répartition des compétences en matière administrative (28), de la complémentarité opérationnelle et de l’efficacité de la lutte contre la petite délinquance locale.

Sous l’impulsion du préfet de police, un projet ambitieux a été élaboré en vue de pallier ces défauts. Il a pour caractéristique principale d’adapter les structures locales aux actions de proximité puis d’en tirer les conséquences aux échelons supérieurs.

La première innovation consiste en la mise en place, dans chacun des arrondissements, d’une circonscription unique de police urbaine de proximité regroupant, sans les juxtaposer, les moyens des commissariats de sécurité publique et de ceux de police judiciaire. Selon le schéma le plus probable, cette entité comprendrait : un service de la voie publique décliné en service général, unité de circulation et de stationnement et équipe d’information de voie publique ; un service d’accueil, de recherche et d’investigation judiciaire, ouvert 24 heures sur 24, chargé de recueillir les plaintes et de diligenter les enquêtes et dont l’action est concentrée sur la petite délinquance locale ; enfin, un service de police de quartier comprenant les unités de quartier (accueil, traitement des incivilités et îlotage) et un bureau de police administrative.

Au niveau central, l’organisation cloisonnée actuelle devrait donner la place à un schéma en trois “ filières ” illustrant la scission entre l’ordre public et la police de quartier. Seront ainsi créées une direction de l’ordre public et de la circulation et une direction de la police urbaine de proximité assurant le pilotage de la police territoriale, le commandement des unités de lutte contre la délinquance (29) et la gestion de certaines unités spécialisées. Viendra s’ajouter la direction de la police judiciaire, en charge des grandes brigades et de trois directions aux contours redéfinis. Un protocole devra être élaboré entre ces trois entités afin d’éviter les rigidités et d’organiser la répartition des missions.

Enfin, l’échelon intermédiaire sera profondément réorganisé. Aux six districts de sécurité publique et aux six divisions de police judiciaire succéderont trois districts d’ordre public, trois divisions de police judiciaire et six secteurs de police urbaine de proximité dont les responsables seront également commissaires d’arrondissement.

Ce projet d’envergure dans lequel s’est impliqué fortement le préfet de police, devrait être soumis aux comité technique paritaire départemental et au C.T.P. central de la police nationale, puis pourrait entrer en vigueur début 1999. S’il apparaît intelligent et novateur dans son principe, il convient cependant d’attendre sa mise en œuvre pratique pour juger de sa pertinence.

D’une dimension plus modeste, mais également significative, est l’adaptation des structures dans la circonscription de sécurité publique de Grenoble.

Il y a quelques années, a été créé un service de police de proximité et de prévention, service autonome dirigé par un commissaire principal. C’est un service de police territoriale qui couvre les six communes de l’agglomération. Il dispose de dix implantations immobilières qui regroupent 5 officiers, 77 gradés et gardiens et, depuis juin 1998, 37 A.D.S.

Chargé du traitement immédiat des infractions ou troubles à l’ordre public survenant au niveau local, il utilise, pour mener sa mission à bien, des outils particuliers tels que la création de cellules de travail dans les quartiers, l’ouverture d’un centre de loisirs jeunes qui agit en partenariat avec les collectivités locales et les M.J.C. ou enfin des relations privilégiées avec une association d’aide aux victimes.

Les priorités de ce service sont le traitement des violences urbaines par la prévention et la répression, la lutte contre les incidents en milieu scolaire grâce à un accord conclu avec l’éducation nationale, la lutte contre la délinquance des mineurs et contre la petite et moyenne délinquance et les incivilités.

Positive, cette démarche a cependant été progressivement infléchie. Ainsi le service a-t-il dû aussi se “ judiciariser ”, au point d’immobiliser de nombreux personnels en tenue pour la rédaction des procédures, d’où la nécessité du renforcement des effectifs et de la qualification des policiers affectés dans les secteurs sensibles.

2. L’adaptation des méthodes

Parce qu’il privilégie le contact avec le public, la prise en compte de ses besoins et la sécurité de voisinage, l’îlotage est l’outil privilégié de la police de proximité. Cependant, celle-ci ne se limite pas à cette pratique : elle repose également sur une véritable politique d’accueil ainsi que sur une répression plus systématique, plus rapide et plus efficace.

a) La revitalisation de l’îlotage

Par le passé, l’îlotage a parfois été considéré comme le remède miracle contre la petite et moyenne délinquance de voie publique et contre les incivilités. Par manque d’effectifs, par manque de réflexion sur sa consistance ou en raison de la priorité parfois donnée à une stratégie purement réactive privilégiant la chasse au flagrant délit, cette technique n’a souvent pas apporté les résultats escomptés.

Au début de 1997, la Direction centrale de la sécurité publique a redéfini les contours de l’îlotage, désormais qualifié d’îlotage opérationnel. Cette nouvelle approche a été approfondie depuis que la police de proximité est devenue l’orientation cardinale de la politique de sécurité publique et que le déploiement des adjoints de sécurité a permis sa généralisation.

A la fin de 1997, 3.802 fonctionnaires étaient employés dont 539 à temps partiel, assistés ponctuellement par 2.023 policiers auxiliaires. Leurs missions s’exerçaient sur 2.592 îlots, dont 524 en zones urbaines sensibles.

L’îlotier n’est pas un gardien de square amélioré ; c’est un fonctionnaire de police à part entière dont la mission consiste à assurer, selon les termes du commissaire principal de Villeurbanne, “ la prévention, la dissuasion, la neutralisation ”.

De fait, l’îlotier est d’abord un fonctionnaire de police chargé d’améliorer le contact avec les habitants d’un quartier. Pour ce faire, il doit être volontaire, être affecté un temps suffisant à son îlot et se consacrer presqu’exclusivement à celui-ci afin d’en maîtriser parfaitement les caractéristiques. A cet égard, notons qu’à Villeurbanne (environ 150.000 habitants y compris le campus), le territoire communal à été divisé en huit îlots qui regroupent des quartiers à forte identité : deux îlots comptent moins de 10.000 habitants, trois entre 10 et 15.000 habitants et trois plus de 25.000. Dans le même esprit, les fonctionnaires du service de proximité de la circonscription de Grenoble connaissent parfaitement le contenu des cinq C.L.S. signés en 1998 avec les communes et la société de transports publics et sont tout particulièrement chargés d’en assurer le suivi.

Bien évidemment, les horaires doivent tenir compte des spécificités locales. Cette souplesse dans l’organisation des emplois du temps est une réalité sur le terrain. Par exemple, à Lyon, au poste de police du quartier de La Duchère, à partir d’octobre 1998, l’îlotage s’articule en groupes successifs de 10 heures à 23 heures du lundi au samedi. Dans le même esprit, les îlotiers de Villeurbanne opèrent de 7 à 20 heures, 21 heures l’été, et six jours sur sept. Pour adapter la présence policière dans les quartiers difficiles de Vaulx-en-Velin, a été créée une unité particulière à mi chemin entre l’îlotage et la recherche du flagrant-délit. Elle travaille en rythme “ 4/2 ” sept jours sur sept afin d’améliorer la présence dans des créneaux horaires souvent délaissés, en particulier entre 16 et 24 heures. De même, la présence policière pendant les week-ends est une nécessité absolue.

Ainsi spécialisé, l’îlotier est mieux à même de diffuser les messages de la police et, en sens inverse, de fournir rapidement des renseignements aux services spécialisés. Cette dimension suppose nécessairement une coordination étroite entre les différents services et les îlotiers et un échange réciproque d’informations, afin d’éviter que ceux-ci ne soient livrés à eux-mêmes, ce qui a été trop souvent le cas dans le passé. Il semble que des efforts aient été accomplis dans ce domaine, comme, par exemple, dans la circonscription de Grenoble en ce qui concerne la lutte contre les violences urbaines.

Bien que la prévention reste la vocation essentielle du policier îlotier, notamment au travers de réunions de quartier et de l’établissement de relations privilégiées avec les associations locales, celui-ci reste un agent de police judiciaire en charge de la répression. Le cas échéant, il doit être capable d’assurer le traitement du petit judiciaire et de recourir aux actes simples de police scientifique.

A Grenoble, 700 à 800 arrestations sont effectuées annuellement en flagrant délit par le service de police proximité et de prévention, 5.000 dossiers sont traités conduisant à la mise en cause de près de 1.200 personnes. Ces résultats sont appréciables et méritent d’être évoqués, mais lors d’une table ronde organisée avec des représentants de l’ensemble des fonctionnaires du commissariat central, votre rapporteur a noté que cette mise en exergue des activités répressives de la police de proximité ne faisait pas l’unanimité au sein des personnels. Et cependant, en cas d’échec de la prévention, en dernier recours bien entendu, la répression assure la crédibilité de l’îlotier qui est par essence un policier polyvalent. Cela ne doit cependant pas nuire à sa spécificité ni transformer la patrouille d’îlotage en une quasi “ BAC de quartier ”, sachant que d’autres unités sont en charge des investigations et du flagrant délit.

Une fois conçu au sein d’une démarche globale de “ sûreté de voisinage ”, l’îlotage a reçu une impulsion décisive avec le déploiement des adjoints de sécurité, dont le nombre en poste devrait atteindre 6.705 pour l’ensemble des circonscriptions de sécurité publique à la fin de 1998. Au premier septembre de cette même année, sur 8.250 emplois budgétisés, 5.151 avaient été déployés, dont 4.554 pour la seule Direction centrale de la sécurité publique. Quant aux recrutements, les moyens budgétaires disponibles permettront de les porter à 15.850 à la fin de 1999.

On constate que la répartition géographique des A.D.S. reflète fidèlement les orientations prônées par le ministre de l’Intérieur dans la circulaire du 30 octobre 1997. Ainsi, tous services confondus, au premier septembre 1997, 3.497 d’entre eux étaient en service dans les 26 départements considérés comme très sensibles, 641 dans les 21 départements sensibles et 8 % dans les autres départements.

Sur le terrain, les résultats sont spectaculaires car les A.D.S. permettent de structurer et d’augmenter les patrouilles d’îlotiers. A Villeurbanne, les quinze îlotiers encadrés de deux gradés ont été renforcés par l’apport de quinze adjoints de sécurité, ce qui permet presque de dédoubler la présence policière sur le terrain. De même, le service de proximité et de prévention de Grenoble, qui compte 5 officiers et 77 gradés et gardiens, bénéficie du complément de 37 A.D.S. qui devraient être 55 à terme. Cet effet démultiplicateur s’observe également dans les petites circonscriptions : au commissariat de Bourgoin-Jallieu, l’unité de voie publique a reçu 5 A.D.S. pour un effectif théorique de 32 gardiens et brigadiers.

L’impact quantitatif de ce déploiement est indéniable et est reconnu par tous, chefs de postes et îlotiers. En outre, les A.D.S. sont motivés, se sentent impliqués et prennent véritablement leur travail à cœur comme votre rapporteur a pu le constater à de nombreuses reprises.

Il convient toutefois de veiller à l’équilibre des affectations. Une patrouille d’îlotier composée de deux fonctionnaires actifs et d’un A.D.S. ne fournit pas les mêmes “ prestations ” qu’une patrouille de deux A.D.S. encadrés par un seul policier actif comme cela s’observe parfois. Outre le défaut de qualification judiciaire des A.D.S. – nuance juridique qui n’est pas toujours comprise par la population ainsi que le soulignait le commissaire principal de Villeurbanne – cette situation constitue une charge lourde pour les fonctionnaires actifs qui ont du mal à conjuguer travail normal de police, formation des A.D.S. mais aussi protection de ces personnels qui sont exposés à des situations parfois difficiles alors que leur expérience reste limitée. Que se soit dans le Rhône ou dans l’Isère, la plupart des gradés et gardiens interrogés par votre rapporteur ont confié leurs préoccupations à ce sujet. En tout état de cause, il est clair que si le recrutement d’A.D.S. constitue un complément original et adapté susceptible d’apporter une authentique valeur ajoutée à l’action locale de la police, il ne doit en aucun cas apparaître comme le moyen de compenser à peu de frais le manque de personnels titulaires.

b) L’accueil du public et le suivi des victimes

Il n’y a sans doute rien de plus dégradant pour l’image de la police que ces guichets d’un autre âge devant lesquels patientent des victimes venant porter plainte, obligées d’évoquer leurs problèmes au vu et au su de tout le monde, devant un fonctionnaire souvent débordé, peu disponible parce que non formé à cette tâche difficile. Force est de constater que la police française a pris dans ce domaine un retard certain alors que de nombreuses autres démocraties – Royaume uni, Canada – ont depuis longtemps consenti d’importants efforts pour améliorer l’accueil du public et la prise en charge des victimes.

S’il faut reconnaître que la prise de conscience de ce déficit du service public remonte à plusieurs années, les projets ont commencé à prendre forme depuis peu. Ceux-ci portent sur tous les aspects de l’accueil : les locaux, la compétence des agents qui en sont chargés, l’accueil téléphonique, l’information et l’orientation des victimes. Mais il faudra aller beaucoup plus loin, de l’avis des responsables et de nos concitoyens.

Depuis plusieurs années, un effort a été consenti s’agissant de l’accueil téléphonique et surtout du traitement des appels d’urgence effectués au moyen du 17. Votre rapporteur a pu apprécier la qualité du service offert par la salle du “ 17 ” implantée au sein de la salle d’information et de commandement de la préfecture de police. Ce très bel outil informatisé, qui gère plus de 400.000 appels par an, est manié par des fonctionnaires volontaires, spécialement formés au contact téléphonique et à la gestion des situations de tensions. Un projet semblable a été mené à bien pour la salle d’information et de commandement de Lyon pour un coût voisin de 830.000 francs.

En dehors de ces réalisations, l’accent a été mis sur l’aménagement des locaux, tant il est vrai que le premier contact avec la police a souvent lieu au poste de police. Des moyens importants sont ainsi consacrés à l’amélioration des locaux d’accueil, en particulier afin d’assurer la confidentialité des entretiens. Votre rapporteur a, par exemple, observé ce genre d’aménagement dans les locaux du commissariat du 13ème arrondissement de Paris. Pour la circonscription de sécurité publique de Lyon, près de 900.000 francs ont ainsi été engagés en 1997 et 1998 pour l’amélioration des conditions d’accueil du public.

L’adaptation des structures est un autre des leviers utilisé pour améliorer l’accueil. Cela passe par l’élargissement des plages horaires (par exemple, l’accueil au commissariat de Vaulx-en-Velin est assuré de 6 heures à 21 heures les jours ouvrables), par le détachement d’emplois-jeunes de la Mairie comme à Bourgoin-Jallieu. Parfois, a été décidée la création d’un service ad hoc : tel est le cas à Grenoble où la brigade d’accueil judiciaire, composée de 8 fonctionnaires en tenue et de trois A.D.S. assure l’accueil proprement dit de 5 heures à 21 heures, l’orientation et la prise des plaintes et dépositions de main-courante de 8 heures à 20 heures (de 6 heures à 21 heures à court terme), ainsi que le dimanche après-midi depuis la rentrée.

Cela étant, la question de l’accueil ne se résout pas seulement par des moyens supplémentaires, quelques équipements nouveaux ou des aménagements dans l’organisation. Elle doit procéder d’une démarche globale et plus achevée, à l’instar de celle mise en œuvre au commissariat de police de Villeurbanne où, s’appuyant sur le contrat local de sécurité signé le 23 juin 1998, plusieurs mesures ont été prises afin d’améliorer l’accueil tout en favorisant les conditions de travail du personnel.

Ainsi, un service d’accueil spécifique est ouvert de 8 heures à 20 heures du lundi au vendredi et de 9 heures à 17 heures le samedi ; il prend en charge toute personne se présentant physiquement ou téléphonant au commissariat et enregistre les plaintes et déclarations des victimes d’infractions. Il est composé de 8 policiers titulaires et de quatre A.D.S. ainsi que d’une médiatrice linguistique recrutée dans le cadre des emplois jeunes. Toutes ces personnes sont volontaires et spécialement formées à cet effet. Les locaux ont ici également été aménagés pour garantir la confidentialité des entretiens mais aussi pour créer un environnement agréable.

Partant du principe que toute victime a besoin d’aide et de conseils qui nécessitent un entretien particulier, un bureau est ouvert dans l’enceinte du commissariat mais confié à un intervenant extérieur à la police nationale, l’association “ Villeurbanne Information Femmes Familles – aide aux victimes – documentation ” qui intervient depuis 1989 dans ce domaine. Le bureau d’aide aux victimes permet notamment d’orienter les victimes vers les services compétents.

L’originalité de la démarche expérimentée à Villeurbanne tient à ce qu’elle s’inscrit dans une approche partenariale définie conjointement par la directrice de l’association et le commissaire de police. Trois prestations complémentaires sont ainsi proposées en vue d’améliorer les conditions de travail et l’efficacité des policiers du poste : l’élaboration d’outils documentaires, la formation sur site de tous les personnels qui y sont affectés mais aussi la “ supervision professionnelle ” des volontaires, c’est-à-dire l’organisation d’un lieu d’expression bimensuel permettant d’évacuer le stress dû à la multiplication des situations de tensions.

Comme on s’en doute, le soutien aux victimes n’est pas propre à Villeurbanne (il existerait environ 150 associations de ce type). Ainsi, depuis mai 1996, une association d’aide aux victimes assure une permanence au commissariat central de Grenoble et propose une orientation, voire une médiation “ en temps réel ” ou une enquête sociale. Elle n’intervient cependant qu’en relais du travail des services de police, l’objectif étant, non seulement d’améliorer la prise en charge des victimes, mais aussi de décharger les policiers de ce qui ne concerne pas directement le traitement de l’affaire. Comme on le constate, cette initiative est intéressante mais elle est moins ambitieuse que celle expérimentée à Villeurbanne.

c) La continuité du travail et l’accélération du traitement des procédures

Bien qu’elle ne relève pas uniquement du concept de la police de proximité, l’organisation de la continuité du travail participe directement de l’amélioration de la qualité du service offert au public. Pouvoir accueillir dans de bonnes conditions une personne venant porter plainte dans des plages horaires plus étendues est certes un préalable nécessaire, mais lui demander de revenir ultérieurement pour effectuer les procédures nuit à l’efficacité globale de la démarche.

C’est pourquoi, un des objectifs des réformes de la police nationale depuis 1996 est d’assurer l’unité de commandement, la continuité du service et l’accélération du traitement des procédures.

La mise en place des services de quart est la clef de voûte de cette orientation. Amorcé en 1997, cette innovation structurelle permet de réduire les délais d’attente des victimes et d’assurer un traitement plus rapide des dossiers judiciaires dont la complexité ne nécessite pas le transfert vers un service spécialisé. Actuellement, 69 services de ce type sont opérationnels, regroupant 933 fonctionnaires, dans les circonscriptions les plus importantes, au niveau du district ou des départements pour les quarts de nuit. Dans les circonscriptions plus petites, ce sont les unités de traitement judiciaire en temps réel qui assure cette mission ; elles regroupent actuellement environ 1.053 fonctionnaires.

Pour illustrer cette politique, on prendra l’exemple de Grenoble où la direction départementale de la sécurité publique a créé un “ pool ” de commandement, composé de 11 officiers travaillant selon un cycle 3/3 avec un groupe de nuit. Cette organisation permet d’assurer l’unité du commandement des unités de voie publique, d’accomplir immédiatement les actes essentiels de procédure et d’exploiter immédiatement les plaintes des victimes de manière à accélérer la réponse judiciaire, les infractions les plus graves étant toutefois orientées vers les services spécialisés. L’efficacité de cette manière de travailler est avérée puisque 75 % des mesures de garde à vue ont été décidées par le service de quart.

Votre rapporteur plaide pour une accélération de la mise en place de ces structures, qui sont un outil essentiel de l’amélioration de l’efficacité de la police. Bien évidemment, il faut que les officiers de police soient motivés pour exercer ces nouvelles fonctions d’encadrement et, corrélativement, qu’une solution soit rapidement trouvée au déficit actuel en O.P.J.

d) L’intensification des investigations

Le développement de la police scientifique de proximité participe directement à la police de proximité parce qu’elle permet des réponses judiciaires rapides à une plainte. On imagine facilement ce que peut apporter à l’image de la police la possibilité de montrer à la victime d’un cambriolage, par exemple, dans des délais très rapides, une liste de suspects possibles identifiés grâce au relevé des empreintes effectué sur place par un fonctionnaire du poste formé à cet effet.

De fait, la formation des gardiens de la paix, la distribution de mallettes d’identifications judiciaires ont permis une augmentation significative des signalements : 2.436 auteurs ont été identifiés par prélèvement en 1997 contre 2.152 en 1996.

B. APERÇU DE QUELQUES AUTRES INTERVENTIONS

1. La lutte contre le trafic de drogue

Bien que la priorité des services chargés de la répression du trafic de stupéfiants soit le démantèlement des filières internationales, des trafics locaux et du “ deal de rue ”, les chiffres des saisies de drogues sont un indicateur qui permet de mesurer leur activité.

 

1995

1996

1997

Variation
97/96

6 premiers mois
de 1998

Interpellations

69.432

77.640

89.285

+ 15 %

32.959

dont

         

Trafiquants

7.107

8.412

6.560

– 24%

2.193

Usagers-trafiquants

10.213

13.084

12.281

– 6,14 %

3.446

Usagers

52.112

56.144

70.444.

+25,47 %

27.320

           

Les saisies

         

Héroïne (Kg)

499

617

415

– 32,69 %

195

Cocaïne (Kg)

865

1.742

844

– 51,54 %

178

Cannabis(Kg)

42.271

66.860

55.122

– 17,56 %

29.570

Source : Ministère de l’Intérieur

Alors que les chiffres de saisie et d’interpellations étaient en hausse régulière depuis plusieurs années, les résultats pour 1997 apparaissent plus contrastés : tous services confondus, les saisies diminuent, ainsi que les interpellations, à l’exception de celles d’usagers. Si l’on s’en tient aux seuls services de police, on constate que l’évolution est plus erratique et donc peu significative.

Saisies (kg)

1994

1995

1996

1997

1er sem.1998

Héroïne

316

236

281

192

78

Cocaïne

196

122

110

146

34

Cannabis

4.703

7.531

25.065

9.336

10.494

En fait, peu d’éléments permettent d’expliquer ces fluctuations, étant entendu que l’année 1996 avait connu un certain nombre de prises exceptionnelles.

Les pays d’approvisionnement diffèrent selon les drogues. Les Pays-Bas (50 %) sont prépondérants pour l’héroïne, la Colombie arrive en tête pour la cocaïne, suivie du Brésil, du Surinam et du Venezuela, les Antilles françaises servant de relais entre l’Amérique du Nord et du Sud alors que l’Espagne maintient son rôle de tête de pont des filières en Europe. Quant au cannabis, il faut distinguer l’herbe, en provenance principalement de Colombie, de la résine qui arrive du Maroc, l’Espagne se chargeant de la redistribution selon un axe nord-sud très net puisque l’essentiel de la résine saisie en France est destinée aux Pays-Bas (28,2 %), au Royaume-Uni (21 %), à la Belgique (11,5 %), à l’Italie (9,86 %) et à l’Allemagne (6,5 %).

Pour les autres drogues, on note essentiellement une diminution des saisies d’Ecstasy, vraisemblablement en raison du fait que ce produit est désormais traité comme une drogue et que sa circulation devient plus confidentielle.

En ce qui concerne les usagers, les interpellations effectuées par la police ont augmenté de 15 %, mais on note, en revanche, une décrue sensible, environ 19 %, du nombre d’usagers héroïnomanes appréhendés. Ce constat résulte sans doute de la crainte face aux conséquences de l’injection intraveineuse. Elle s’inscrit par ailleurs dans le contexte de l’élargissement des protocoles de substitution, qui bénéficieraient à environ 45.000 personnes.

D’une manière générale, il faut rappeler que la France, par sa position géographique, se trouve sur les grands axes de transit intra et extracommunautaires. De surcroît, elle est fragilisée par les trois départements d’Amérique, proches des centres de production d’Amérique centrale et du Sud.

Comme ses voisins, la France connaît une diffusion du trafic de la consommation de drogue qui ne sont plus seulement localisés dans les grands centres urbains mais touchent aussi les zones rurales.

Si l’on constate un développement du “ narco-tourisme ”, les usagers continuent à s’approvisionner auprès des dealers locaux, de plus en plus organisés en petits réseaux ethniques, voire familiaux, qui assurent la prise en main du marché local moyennant une radicalisation des méthodes, et qui n’hésitent pas à réinvestir leurs profits illégaux dans des affaires commerciales ou immobilières. Pour illustrer cette “ économie domestique ” de la drogue, précisons que les officiers de la brigade des stupéfiants de la Préfecture de police ont jugé compatibles avec leurs observations quotidiennes les chiffres avancés il y a quelques années par l’institut de criminologie de Paris, en vertu desquels un réseau familial groupant cinq ou six dealers gérant une moyenne d’une centaine de kilos de cannabis par semaine génère un chiffre d’affaires net d’environ 10 millions de francs par an.

A coté de la répression du trafic confiée principalement aux offices centraux et aux S.R.P.J. et de celle du “ deal de rue ” qui relève de la responsabilité principale de la sécurité publique et des services spécialisés de la préfecture de police, la police nationale s’investit largement dans la prévention.

Celle-ci prend, entre autres, la forme d’action d’information et de conseils assurés par des correspondants départementaux et des 217 policiers formateurs anti-drogues. En 1997, 27 centres de loisirs jeunes et 91 opérations prévention-été, animés par 436 moniteurs de la sécurité publique, ont permis d’accueillir plus de 89.427 jeunes. Structure spécifique de la préfecture de police, le groupe “ SOS drogue ” a reçu plus de 3.000 appels en 1996. Lors d’une rencontre avec la brigade des stupéfiants de la Préfecture de police, les fonctionnaires ont souligné que la consommation de drogue en milieu scolaire s’intensifie, ce qui justifie pleinement les 617 interventions dans les établissements scolaires réalisées par ce même groupe permettant de rencontrer près de 22.900 élèves, enseignants et parents.

2. Le grand banditisme, les trafics illicites et la délinquance économique et financière

La lutte contre le crime organisé et la délinquance spécialisée relève principalement des services centraux et régionaux de la police judiciaire. Toutes infractions confondues, les services spécialisés de la direction centrale ont traité 24.045 procédures en 1997, contre 23.212 l’année précédente. Ces enquêtes ont permis d’élucider 9.804 affaires de crimes et délits, donnant lieu à 8.479 mesures de garde à vue et au placement sous écrou de 3.700 personnes mises en cause.

S’agissant du grand banditisme et des autres trafics illicites, l’activité des services a été soutenue et efficace. En matière de vols à main armée, 627 malfaiteurs ont été interpellés et placés sous écrou. Parmi les affaires élucidées, on rappellera le démantèlement de l’équipe dite “ des casinos ”, responsable d’attaques contre les casinos de l’ouest et du nord de la France et d’homicides ou tentatives d’homicides sur des gendarmes dans l’Oise et dans le Maine-et-Loire, ou encore l’interpellation des membres de l’équipe qui avait attaqué et tué deux convoyeurs de fonds en octobre 1997, porte de la Chapelle à Paris. En ce qui concerne la lutte contre le proxénétisme, les services spécialisés ont mis fin à cinq filières internationales de prostitution et d’immigration clandestine en provenance du Nigeria, du Brésil, de Bulgarie, de Thaïlande et d’Albanie.

L’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels a également été fortement sollicité en 1997. 1.089 objets et œuvres volés, représentant une valeur de 78 millions de francs, ont ainsi été retrouvés, parmi lesquels le tableau de Picasso dérobé en 1992 au musée de Grenoble ou les tapisseries du XVIème siècle volées en 1989 dans la collégiale de Saint-Gaudens.

Au chapitre de la délinquance économique et financière, les sections et divisions économiques et financières de la police judiciaire ont été saisies de 10.077 dossiers en 1997, contre 13.856 en 1996. En fait, cette diminution des saisines résulte d’une sélection plus rigoureuse des affaires, qui a pour effet de confier à la police judiciaire les dossiers les plus lourds et les plus complexes. La 8ème division centrale, chargée de la répression des infractions au droit des affaires a traité 53 saisines de l’autorité judiciaire, donnant lieu à l’établissement de près de 2.000 procès-verbaux et au déferrement de 25 personnes mises en cause De son côté, la 9ème division chargée de la lutte contre les escroqueries et les fraudes nationales ou internationales a reçu 150 dossiers conduisant à écrouer 23 personnes. Au sein de cette division, la brigade chargée de la criminalité informatique a neutralisé des équipes se livrant au piratage ou à la contrefaçon de logiciels, de cartes de communication ou matériels informatiques.

3. La police scientifique et technique

Sur le plan de l’organisation, la police scientifique et technique a connu plusieurs changements en 1997. Tout d’abord, a été réglé le problème de la répartition des honoraires d’expertise perçus par les personnels des laboratoires. En application du décret du 31 mai 1997, ces personnels bénéficient désormais d’une indemnité d’expertise financée par le ministère de la justice, les expertises étant, en contrepartie, réalisées gratuitement par les laboratoires. A cet égard, notons que le dossier du statut des laboratoires n’est pas encore bouclé, leur regroupement, y compris celui de la Préfecture de police, sous l ’égide d’un établissement public, achoppant sur des problèmes de contributions budgétaires des différentes parties intéressées.

De son côté, la sous-direction de la police technique et scientifique s’est dotée de deux structures nouvelles : d’une part, un département d’analyse des téléphones portables et des cartes à puces a été ouvert au sein du laboratoire d’analyse du traitement du signal ; d’autre part, le service central d’identité judiciaire s’est doté d’une unité d’intervention constituée de spécialistes du traitement de la scène du crime.

Au plan opérationnel, le bilan 1997 des actions de soutien logistique apporté aux enquêteurs par l’ensemble des services de la police technique et scientifique traduit une progression sensible des résultats dans la plupart des secteurs.

Les laboratoires de police scientifique ont été saisis de 11.334 affaires en 1997 contre 11.232 en 1996, soit un accroissement de 0,90 % de leur activité.

En particulier, il convient d’insister sur l’augmentation des affaires de biologie dont le nombre, qui avait plus que doublé entre 1995 et 1996, s’est encore accru en 1997 avec une hausse de 37,6 % des saisines. Le traitement des 2.355 demandes exigeant de recourir aux techniques de la biologie moléculaire (empreintes génétiques) a nécessité près de 8.500 analyses dont 810 pour la seule affaire de Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine). Lors de sa visite au laboratoire de police scientifique de la Préfecture de police, votre rapporteur a pu constater à quels points ces procédés pouvaient, dans certains cas, accroître l’efficacité de l’action policière, étant entendu que la fiabilité des conclusions dépend de la nature et de l’ancienneté de l’indice et ne dispense en aucun cas des investigations traditionnelles.

De son côté, le laboratoire d’analyse et de traitement du signal (L.A.T.S.), créé fin 1994, a vu une nouvelle fois le nombre de ses saisines plus que doubler en une année. Il a été amené à traiter 123 affaires en 1997, soit une hausse de 134 % par rapport à l’année précédente.

Le fonctionnement du fichier automatisé des empreintes digitales (F.A.E.D.) (30), sous l’impulsion du service central d’identité judiciaire et de sa section dactyloscopique, a permis d’enregistrer en 1997 une augmentation de la saisie des fiches décadactylaires (+ 23 %), liée notamment au développement de la police technique de proximité, un accroissement des détections de fausses identités et une progression du nombre des traces papillaires exploitées et identifiées aussi bien au niveau central (11.141 traces dont 737 identifiées, soit + 55 %) que pour l’ensemble des sites (52.293 traces dont 3.656 identifiées, soit + 37 %).

Pour sa part, le service central de documentation criminelle, en sa qualité de direction d’application du système de traitement de l’information criminelle (S.T.I.C.), a veillé en 1997 à la poursuite du programme d’équipement et d’accès au système des services de la police nationale. Au 31 décembre 1997, ce sont au total plus de 1.200 services de police qui peuvent accéder à la base nationale du S.T.I.C, conduisant à une augmentation de 25 % du nombre des consultations.

Désormais installée sur 364 sites de police (338 pour la sécurité publique, 26 pour la police judiciaire), l’application S.T.I.C.–Canonge a permis l’identification en 1997 de 8.500 auteurs de crimes ou délits.

S’agissant des grands fichiers nationaux dont la police technique et scientifique a la charge, 15 millions d’interrogations ont été enregistrées en 1997 pour le fichier des personnes recherchées (F.P.R.), qui contient 330.000 fiches régulièrement mises à jour. Le fichier des véhicules volés (F.V.V.) a fait l’objet de 3,5 millions de consultations d’une base comportant les données relatives à 405.000 véhicules immatriculés, 136.000 véhicules non immatriculés et 3.300 bateaux.

Ces quelques données illustrent l’intérêt de la police scientifique et technique et justifient l’attention que doit lui porter le ministère de l’Intérieur. Certes, beaucoup a été fait, notamment sous l’égide de la loi d’orientation votée à l’initiative de M. Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur, qui a permis le véritable démarrage de cette activité qui appartient aujourd’hui au paysage quotidien de la police.

Cependant, cet effort décisif n’a pas été maintenu à son niveau initial et, comme le faisait remarquer la directrice du laboratoire de la Préfecture de police, la police scientifique française se situe actuellement dans une position médiane par rapport à ses principales concurrentes étrangères. En tout état de cause, il devient urgent de remplacer les matériels acquis entre 1985 et 1990 qui commencent à devenir obsolètes, faute de quoi les laboratoires français auront du mal à satisfaire aux standards de qualité imposés par les normes européennes en matière de police scientifique et technique. D’après les informations dont dispose votre rapporteur, l’enjeu budgétaire correspondant n’est pas considérable, un programme triennal de l’ordre de 6 à 8 millions de francs garantissant une remise à niveau des équipements.

4. Les renseignements généraux

Déjà amorcée, la réorientation des missions des renseignements généraux a été consolidée, conformément aux engagements pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 19 juin 1997, selon lequel “ L’action des services de sécurité intérieure exclura désormais tout renseignement sur la vie politique démocratique. Dans la République, il n’y a pas de place pour une police politique. ”

De fait, les renseignements généraux ont abandonné également la réalisation des sondages d’opinion au bénéfice du Gouvernement. L’office central de sondages et de statistiques qui était directement rattaché à la direction centrale des renseignements généraux devrait, en conséquence, être prochainement dissout.

Par ailleurs, les renseignements généraux ont été invités à renoncer à assister aux sessions et réunions des assemblées locales (conseils généraux et municipaux). Toutefois, placés sous la double autorité du préfet et du directeur central, ils continuent à assurer leur mission de conseiller du préfet pour les affaires départementales en lui faisant part des évolutions de l’opinion publique dans son département, à l’exclusion de toute note sur les partis politiques.

En 1998, l’accent a été mis sur la lutte contre les violences urbaines et les comportements antisociaux, qui constituait déjà une priorité, notamment au plan de l’analyse du phénomène. Depuis cette année, afin d’assurer une meilleure synergie entre les différents services de police, plusieurs réunions se sont tenues sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur et ce service s’est vu confier une mission spécifique en matière de recherche et d’exploitation du renseignement. A cet effet, un recrutement exceptionnel de gardiens de la paix, affectés à des unités spécialisées dans la recherche opérationnelle, a été engagé au cours du premier semestre 1998. Il portera sur 70 fonctionnaires, qui bénéficieront d’une formation ad hoc.

S’agissant plus spécifiquement de la préfecture de police, après avoir abandonné le suivi de l’activité politique, les renseignements généraux ont recentré leurs activités sur le renseignement d’ordre public. Dans ce cadre, le service veille à déceler l’émergence de conflits catégoriels au cours desquels sont relevées des modalités d’actions classiques ou nouvelles sur la voie publique (occupations et actions spontanées) et de phénomènes de société qui engendrent de nouvelles formes de revendication sociale. En outre, les renseignements généraux de la préfecture de police sont en charge du renseignement de protection des institutions, c’est-à-dire principalement de la surveillance des milieux extrémistes et terroristes.

Effective sur le plan des organigrammes et des structures, la réorientation des activités des renseignements généraux semble l’être également sur le plan opérationnel. Cela étant, les missions qui leur sont imparties sont encore formulées en termes larges. Aussi convient-il de rester vigilant, de sorte que l’engagement du Gouvernement soit une réalité incontestable.

*

* *

A l’issue de la présentation des crédits par le rapporteur pour avis, M. Dominique Bussereau a fait part de ses inquiétudes à propos des contrats locaux de sécurité et a souhaité que soit établi rapidement un bilan de cette opération. Il s’est ensuite étonné que les adjoints de sécurité se voient confier des armes alors que leur formation demeure insuffisante. Il a enfin considéré que, dans le cadre de la suppression des commissariats de police, les élus n’avaient pas été correctement traités, le Gouvernement parlant de concertation alors que la réforme était déjà très avancée, regrettant que les élus soient, en quelque sorte, placés devant le fait accompli. A titre incident, il a déploré que le ministre de l’Intérieur par intérim ne soit pas venu présenter son budget devant la commission des Lois.

Jugeant le budget du ministère de l’Intérieur extrêmement décevant, M. Jean-Luc Warsmann a rappelé que la part de ce budget par rapport au produit intérieur brut atteignait son niveau le plus bas depuis 1991, ajoutant que les dépenses de fonctionnement par agent étaient en baisse de 3,6 %. Notant que la préparation des adjoints de sécurité à leurs missions était un point particulièrement important, il a regretté que les dépenses de formation connaissent une chute de 4,68 %. Il a estimé que le recrutement de ces adjoints de sécurité ne suffisait pas à compenser le départ de 8.000 policiers auxiliaires à moyen terme. Il a indiqué, par ailleurs, que la suppression de postes de policiers et de gendarmes était mal vécue, d’autant plus que les élus n’avaient pas été véritablement entendus sur cette question. Il a ainsi regretté que, à la fin du mois d’août dernier, le ministre de la Défense ait donné instruction aux commandants de légions de gendarmerie de fermer certaines brigades avec la consigne de ne pas en parler aux élus. Il a jugé qu’au total, ce budget n’était pas à la hauteur de la situation alors que la délinquance ne cesse de s’étendre.

Mme Christine Lazerges a appelé ses collègues à manipuler avec précaution les statistiques, surtout pour ce qui concerne la question de la délinquance. Elle a ensuite rappelé que c’est la commission des Lois qui avait décidé de ne pas entendre le ministre de l’Intérieur par intérim et non pas celui-ci qui avait refusé de s’expliquer sur son budget.

M. Jean-Antoine Léonetti a noté que l’analyse du budget du ministère de l’Intérieur faite par le rapporteur pourrait recueillir l’assentiment de tout député de l’opposition. Jugeant ce budget critiquable du fait de ses insuffisances, il s’est déclaré étonné que la majorité plurielle puisse proclamer que la sécurité était une valeur de gauche.

M. Jacques Floch a tout d’abord indiqué qu’il existait des maires, dont il était, qui avaient accepté que des postes de police ou de gendarmerie soient fermés. Exprimant son accord avec le rapporteur, il a estimé que ce budget soulevait des difficultés qui justifieraient des suppléments d’informations et de moyens.

Il a par ailleurs indiqué que M. Jacques Brunhes, retenu par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au mode d’élection des conseils régionaux, lui avait demandé de faire connaître à la Commission que le groupe communiste n’approuverait pas, en l’état, le budget de la police qu’il jugeait mauvais, parce qu’il ne permettrait ni de moderniser les forces de sécurité, ni de rénover le parc des commissariats, ni de répondre aux attentes des syndicats, tandis que le problème de l’encadrement des adjoints de sécurité restait posé.

M. Alain Vidalies a précisé que le droit à la sécurité était bien une valeur de gauche et qu’il ne devait pas être confondu avec l’idéologie sécuritaire. Il a considéré que le budget présenté par le ministre de l’Intérieur pouvait être approuvé avec la mention “ peut mieux faire ”. Il a jugé que le ratio policier par habitant était plutôt favorable, admettant cependant que la question des moyens telle qu’elle a été posée par le rapporteur méritait d’être examinée avec attention et souhaitant que des réponses positives soient apportées à ces interrogations. A propos de la réorganisation des forces de police et de gendarmerie, il a indiqué que la concertation était ouverte, les élus pouvant s’exprimer non seulement sur la carte du redéploiement mais également sur le principe même de celui-ci, comme l’a fait savoir très clairement le Premier ministre. Il a insisté sur la complexité de ces questions au regard en particulier des enjeux liés à l’aménagement du territoire. Il a approuvé ensuite le budget présenté par le ministre de l’Intérieur ainsi que les propositions complémentaires faites par le rapporteur.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisons suivantes :

—  La hausse apparente des dotations pour 1999, qui résulte largement de l’impact de mesures acquises, ne doit pas dissimuler les lacunes ; à cet égard, il appartient aux parlementaires de la majorité de les mettre en exergue et, tout en l’approuvant, de faire en sorte que le projet de budget soit amélioré par le Gouvernement.

—  Les Contrats locaux de sécurité sont des instruments utiles mais ils n’empêchent pas de recruter des policiers titulaires.

—  L’absence de gestion prévisionnelle du corps des gardiens et gradés est préoccupante au moment où l’on va assister à de très importants départs en retraites ; de ce point de vue, les effectifs d’adjoints de sécurité vont constituer une pépinière pour les recrutements importants qui devront être organisés dans les années à venir, mais il faudra veiller attentivement à la formation que ces derniers recevront.

—  S’agissant de la répartition entre police et gendarmerie, il est incontestable que la concertation initiale a été menée dans de mauvaises conditions, aussi doit-on souhaiter que celle qui vient d’être engagée puisse effectivement associer l’ensemble des parties concernées et, en particulier, les parlementaires et les élus locaux.

—  Au-delà d’une approche purement quantitative, l’accent doit être mis sur l’amélioration continue de la qualité du service rendu par la police nationale, et notamment sur l’évolution de l’état d’esprit dans cette administration.

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du ministère de l’Intérieur pour 1999 : Police.

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS
PAR LE RAPPORTEUR

· Préfecture de police (8-9 juillet 1998)

Services visités : brigade des stupéfiants ; brigade de protection des mineurs ; laboratoire de police scientifique ; brigade anti-criminalité de nuit ; salle d’information et de commandement ; hôtel de police du 13ème arrondissement ; service de protection et de sécurité du métropolitain.

· Direction départementale de la sécurité publique du Rhône (16 septembre 1998)

Services visités : hôtel de police de Lyon ; bureau de police de la Duchère (Lyon 9ème) ; commissariat de police de Villeurbanne ; commissariat de police de Vaulx-en-Velin.

· Direction départementale de la sécurité publique de l’Isère (17 septembre 1998)

Services visités : hôtel de police de Grenoble ; poste de police de La Villeneuve ; commissariat de Bourgoin-Jallieu.

AUDITIONS EFFECTUÉES
PAR LE RAPPORTEUR

· Organisations syndicales

— Syndicat des commissaires et hauts-fonctionnaires de la police nationale.

— Syndicat national des officiers de police.

— Synergie officiers.

— Alliance.

— U.N.S.A.-Police

— Syndicat général de la police.

· Ministère de l’intérieur

— M. Thierry Leleu, conseiller technique.

— M. Nicolas Fourrier, conseiller technique.

— M. Didier Cultiaux, directeur général de la police nationale.

— M. Jacques Laine, directeur de l’administration de la police nationale.

— M. Alexandre Jevakhoff, directeur de la programmation des affaires financières et immobilières.

1

) A cet égard, indiquons que l’augmentation de 1,75 % du point indiciaire conduit mécaniquement, en terme brut, à une majoration de crédit de 360,6 millions de francs.

2

) Entre novembre 1997 et octobre 1998, 6.251 jeunes auront été recrutés. 5.151 sont dans les services (4.554 à la D.C.S.P., 336 à la Préfecture de police, 184 à la DICCILEC, 57 dans les C.R.S., 20 dans les autres services), 752 étaient en formation, et 348 avaient quitté le dispositif dont 125 à la suite de la réussite d‘un concours de la police nationale et 64 pour cause de licenciement.

3

) Plus de 85 % des admis en 1997 avaient au moins le BAC, dont près de 25 % un diplôme égal ou supérieur à BAC+2

4

) Pourraient ainsi recevoir la qualification d’O.P.J. les fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application comptant trois ans de services en qualité de titulaires. Ils devront être nominativement désignés, après avis conforme d’une commission. Volontaires, les candidats devront obtenir l’aval de leur hiérarchie. La formation, se déroulerait sur deux années, comprenant 55 jours de cours. Un examen de passage en deuxième année est prévu, ainsi qu’un contrôle continu noté. L’objectif de cette formation, sanctionnée par l’examen d’aptitude à la qualité d’O.P.J., est de rendre les candidats capables d’accomplir tous les actes relevant de la compétence d’un O.P.J., que ce soit dans le cadre d’une enquête préliminaire, d’une délégation judiciaire ou lors de procédures spécifiques.

A titre transitoire, afin de combler un déficit immédiat d’environ 400 O.P.J., un cycle court, réservé aux ex-enquêteurs et aux gradés et gardiens titulaires d’un D.E.U.G. ou d’une licence, pourrait être mis en place pour les deux premières années. Il serait effectué sur un an, moyennant vingt-huit jours de formation.

Dans les deux cas de figure, cette formation est en alternance, les fonctionnaires continuant à exercer leurs missions habituelles auxquelles s’ajouterait le travail personnel. A l’évidence, il s’agit donc de consentir un effort important qui implique une forte motivation, étant entendu que les formations sur sites ou en délégations devraient logiquement être imputées sur le temps de travail effectif.

5

) La nouvelle indemnité s’élève actuellement à 500 F pour un lieutenant stagiaire, 1.400 F pour un lieutenant, 1.600 F pour un capitaine, 1.800 pour un commandant et 2.500 F pour un commandant fonctionnel et chef d’unité organique. Ces montants doivent être appréciés moyennant deux précisions : d’une part, ils ne correspondent pas à un solde net puisqu’ils agrègent des primes anciennement perçus par les intéressés, d’autre part, ces sommes seront intégralement fiscalisées, ce qui n’était pas le cas des frais de police versés aux anciens inspecteurs.

6

) Le corps de conception et direction regroupe les commissaires de police; le corps de commandement et d’encadrement, décliné en grades de lieutenant, capitaine et commandant fusionne les corps des inspecteurs et des officiers de paix, le corps de maîtrise et d’application (gardien de la paix, brigadier et brigadier-major) qui réunit les anciens corps des enquêteurs et des gradés et gardiens de la paix.

7

) En 1996, le corps des officiers s’élevait à 17.926 et celui des gradés et gardiens à 93.085; en 1997 ces chiffres seront de respectivement 16.609 et 94.341; ils s’établiront à 14.100 et 97.103 en 2005.

8

) Dans le corps de conception et de direction, le rythme annuel de départ en retraite devrait s’accélérer très fortement ces prochaines années passant de 38 en 1998 à environ 90 à l’horizon 2010 après avoir culminé à 162 en 2004.

9

) A l’exception des chefs-lieux de département maintenus sous le régime de la police d’Etat, le décret n° 96-827 du 19 septembre 1996 a posé le principe de l’étatisation ou de la désétatisation selon que les communes possèdent ou non une population supérieure à 20.000 habitants et une délinquance dont les caractéristiques sont celles des zones urbaines.

10

) Les 18 millions de francs transportés sur le chapitre 31-42 correspondaient, en théorie, à la quote-part des frais de police versés aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d’application affectés dans des services d’investigation. En fait, ces crédits ont été utilisés en 1998 pour abonder la prime de commandement, étant entendu que les primes versées aux enquêteurs continuaient à l’être par redéploiement à partir d’autres articles. En 1999 le ministère tire les conséquences de cette opération sur la nomenclature : 18 millions de francs sont inscrits sur le chapitre 31-42 et les primes des enquêteurs seront désormais versées à partir de l’article 92 du chapitre 34-41, alimenté par un abondement de 4 millions de francs auquel va s’ajouter le produit d’un fonds de concours pour le solde, de sorte que le montant des primes sera inchangé.

11

) En effet, les crédits correspondants aux emplois vacants étaient budgétés mais ne donnaient pas lieu à dépenses. Précisons que le coût de fonctionnement d’un policier-auxiliaire est voisin de 50.000 francs, notamment en raison des frais d’alimentation et de transport, alors que celui d’un A.D.S. est inférieur à 15.000 francs.

12

) Fin 1997, la base comportait 7,7 millions de procédures, 3,13 millions dossiers d’archives, 8,3 millions de faits, 8,9 millions d’infractions, 2,84 millions de personnes mises en cause, 4,85 millions de victimes, 1,9 million d’objets.

13

) Les principales caractéristiques en sont les suivantes : c’est un système numérique à ressources radioélectriques partagées, c’est-à-dire que l’utilisation des fréquences est optimale ; il est fédérateur des services de police (gestion de groupes permettant de structurer les communications en temps réel pour répondre au besoin de confidentialité des missions ou d’interconnexion des services) ; c’est un système crypté automatiquement de bout en bout assurant une confidentialité et une protection contre l’intrusion et, enfin, il est hautement sécurisé contre d’éventuels dysfonctionnements. Les différents services fournis aux utilisateurs sont les suivants : mode conférence ; appel individuel ou multiple ; différents modes tactiques assurent un moyen de communication opérationnel quelles que soient les circonstances ; l’appel de détresse et, enfin, la transmission de données qui permet à chaque fonctionnaire de disposer d’un service de messagerie, compatible avec la messagerie du ministère de l’Intérieur, de rédiger des comptes rendus et d’accéder aux bases de données nationales à partir de son véhicule.

14

) 122 millions de francs pour le matériel et l’infrastructure fournis par Matra Nortel Communications

1 millions de francs pour les dépenses d’accompagnement (salles de commandement et véhicules)

19 millions de francs pour la construction des sites

15

) 261,7 millions de francs pour l’achèvement du S.G.A.P. de Paris, les évolutions techniques et les études (équipement et prestations Matra Nortel Communications)

2,3 millions de francs pour l’infrastructure des sites

7,5 millions de francs pour l’équipement des commissariats de police

5 millions de francs pour l’équipement des véhicules

2 millions de francs pour l’atelier de maintenance

1,5 millions de francs pour les outils et les études techniques

16

1) Il s’agit des régions Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées Lorraine Bourgogne, Limousin,, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne.

17

) En effet, il y a un décalage entre les faits constatés une année n et ceux qui sont élucidés la même année; ensuite, certaines infractions sont élucidées en même temps qu’elles sont constatées (cas de certaines infractions économiques et financières ou de la toxicomanie) alors que d’autres sont portées à la connaissance de la police sans éléments d’identification (cas des vols avec plainte contre X) et ne donnent en fait lieu qu’à enregistrement de la part des services sans que ceux-ci se livrent à un véritable travail policier.

18

) Est considéré comme “ mineur ” par la statistique des crimes et délits du ministère de l’Intérieur toute personne âgée de 13 à 18 ans, c’est-à-dire n’ayant pas atteint la majorité légale mais pouvant faire l’objet de poursuites pénales.

19 ) Mis en cause : personne à l’encontre de laquelle sont recueillis par la police ou la gendarmerie des indices graves et concordants qui font présumer qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit.

20 ) Pour restituer ces tendances dans leur contexte, il convient de préciser que selon les statistiques de l’I.N.S.E.E., la population globale des mineurs de 13 à 18 ans a connu en France une progression de 10 % environ entre 1975 et 1993, passant de 4.180.700 à 4.580.900. Dans le même temps, leur représentation à l’intérieur de l’ensemble de la population française ne s’est que très faiblement accrue. Elle est passée de 7,93 % en 1975 à 7,96 % en 1993 alors qu’au cours de la période considérée, la part de mineurs dans la population délinquante est passée, elle, de 10,7 à 13,5 %.

21

) Sur ce point, cf. rapport “ réponses à la délinquance des mineurs ” déjà cité, annexe 4, statistiques. - La documentation française, mai 1998.

22

) D’une manière générale, les moins de dix-huit ans sont peu impliqués dans les infractions économiques et financières où ils ne représentaient que 3,72 % des mis en cause en 1997. En sens inverse, 32 % des personnes mises en cause dans les vols sont mineures. En moyenne, ces 25 dernières années, près d’un auteur ou complice de vol sur quatre est mineur, cette proportion tendant vers un rapport de 1 à 3 en 1997. Leur implication est surtout notable en matière de vols liés aux véhicule (36,5 % des mises en cause) ; sans que cela constitue une véritable surprise, le vol de deux-roues est la seule infraction pour laquelle de nombre des mineurs mis en cause (59 % du total) est supérieur au nombre des majeurs.

23

) Au premier semestre 1998, 2.543 emplois d’agents locaux de médiation sociale (A.L.M.S.) étaient prévus dans les 83 premiers contrats signés, et 1.126 jeunes avaient déjà été recrutés à ce titre. Il est cependant difficile de tenir un bilan précis de ces recrutements car les A.L.M.S. ne font pas l’objet d’un rubriquage spécifique; de surcroît, de nombreux postes sont partagés entre plusieurs collectivités.

24

) Les districts emploient environ 1.300 actifs; ils ont compétence sur tous les services de sécurité publique de leurs ressorts et assurent la coordination des services locaux et le commandement des unités d’ordre public dont ils disposent; chaque district gère ainsi une compagnie d’intervention.

25

) Les commissariats emploient 6.700 fonctionnaires, qui veillent à la sécurité du public et à l’ordre public. Les commissariats d’arrondissement (environ 330 fonctionnaires par postes) sont organisés en un service général (activités courantes, police secours, garde des points sensibles...) de patrouilles d’îlotiers et d’une BAC. Ils sont ouverts sans discontinuer 24 heures sur 24.

26

) Brigade criminelle, brigade de répression du banditisme, brigade des stupéfiants, brigade de répression du proxénétisme, brigade de protection des mineurs, brigade de recherche et d’intervention et sous-direction des affaires économiques et financières.

27

) En fait cette salle comprend quatre unités, à savoir les salles des opérations générales, de la circulation, des appels “ 17 ” et de coordination zonale, qui associent la téléphonie, l’informatique, la vidéo et, bientôt la radiolocalisation des unités, Très performant, cet outil exige de la part des fonctionnaires qui y sont affectés une déontologie irréprochable tant sont précises les informations documentaires et visuelles qui peuvent y être récoltées.

28

) Par exemple les nuisances de voisinage et le contrôle des commerces relèvent de la police judiciaire alors que les contraventions pour vente d’alcool sont du ressort des commissariats d’arrondissement...

29 ) BAC de nuit, nouveau service de protection et de surveillance des réseaux ferrés parisien qui résulte de la fusion du service de protection et de sécurité du métropolitain et du commissariat spécial des réseaux ferrés.

30

) Le fonds documentaire du F.A.E.D. comporte au 31 décembre 1997 les données relatives à 890.000 individus mis en cause pour crime ou délit.

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