N° 1115

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),

TOME VI
JUSTICE
SERVICES PÉNITENTIAIRES ET

PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR M. ANDRÉ GERIN,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe 35).

Lois de finances.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. — LES SERVICES PÉNITENTIAIRES 7

A. LES EFFORTS POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES DÉTENUS 7

1. L’évolution de la population carcérale et des conditions d’incarcération 7

2. L’amélioration de la vie quotidienne 8

3. Un système de soins globalement satisfaisant 9

B. DES CRÉATIONS D’EMPLOI ORIENTÉES VERS L’INSERTION ET LA PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE 12

1. La priorité donnée à l’insertion et la prévention de la récidive 12

2. Les autres créations d’emplois et les mesures statutaires et indemnitaires 15

C. LA POURSUITE DU PROGRAMME DE CONSTRUCTION ET DE RÉNOVATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 19

II. — LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 22

A. LES PRIORITÉS DU CONSEIL DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE 22

B. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE CES PRIORITÉS 25

C. L’AMÉLIORATION DU SUIVI MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE DES MINEURS 28

AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, garde des sceaux, ministre de la justice, et EXAMEN EN COMMISSION 31

ORGANISATIONS SYNDICALES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 39

MESDAMES, MESSIEURS,

Cette année a été marquée par l’annonce de nouvelles orientations politiques, tant dans le domaine pénitentiaire que dans celui de la lutte contre la délinquance des mineurs.

Lors de sa communication au Conseil des ministres du 8 avril dernier, la Garde des Sceaux a mis l’accent sur la nécessité d’améliorer les conditions de prise en charge des personnes prévenues et condamnées, notamment grâce à un effort pour faciliter leur vie quotidienne, de privilégier la réinsertion et les alternatives à l’incarcération et d’engager une réflexion sur l’évolution des missions des personnels.

Les grandes lignes de l’action publique pour lutter contre la délinquance des mineurs ont, quant à elles, été définies dans le cadre du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998. Il a ainsi été décidé de mettre en place une politique de réponse systématique et rapide aux actes de délinquance, quelle qu’en soit la gravité, de développer les mesures de réparation et de renforcer les dispositifs d’hébergement et d’éloignement.

Ces nouvelles priorités ont reçu leur traduction financière dans le projet de loi de finances pour 1999. Alors que le budget de la justice progresse de 5,6 %, contre 4 % l’année précédente pour atteindre plus de vingt-six milliards de francs, les crédits consacrés aux services pénitentiaires et à la protection judiciaire de la jeunesse augmentent respectivement de 5,79 % et de 6,42 % : au sein d’un budget lui-même en pleine expansion, cette progression illustre l’importance que le Gouvernement attache à ces deux secteurs.

Il reste maintenant à convaincre les personnels pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse de s’associer à la mise en œuvre de ces nouvelles orientations qui ne pourront donner des résultats que si elles sont portées par l’ensemble des services. Or les organisations syndicales nationales rencontrées par votre rapporteur pour avis ont dans l’ensemble exprimé un avis négatif sur le projet de budget, dénonçant notamment la faiblesse des créations d’emplois et l’insuffisance des revalorisations indemnitaires.

Ce jugement semble partagé au plan local, comme votre rapporteur pour avis a eu l’occasion de le constater lors des visites de la maison d’arrêt de Lyon-Perrache et du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier organisées dans le cadre de son programme de visites des établissements pénitentiaires. Le mouvement actuel de protestation des personnels de surveillance semble prouver que le malaise est réel.

Il ne faudrait pas que ces nouvelles mesures, que votre rapporteur pour avis approuve sans réserve, se trouvent privées d’efficacité faute de personnels en nombre suffisant, à l’exemple de ce qui se passe souvent pour les mineurs délinquants qui se voient condamnés à des mesures de réparation appliquées de manière tardive ou partielle en raison d’un manque de moyens.

*

* *

I. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Les crédits consacrés aux services pénitentiaires pour 1999 s’élèvent à 7.421,9 millions de francs, soit 28,27 % du budget de la justice. Leur augmentation de 5,79 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 permettra de mettre en application la nouvelle politique pénitentiaire définie par la Garde des Sceaux lors du conseil des ministres du 8 avril dernier et principalement axée sur l’amélioration des conditions de détention et de réinsertion et la poursuite du programme de rénovation et de construction des établissements pénitentiaires. La ministre a par ailleurs réuni pour la première fois depuis douze ans le conseil supérieur de l’administration pénitentiaire et souhaité que la réunion de cet organisme soit désormais annuelle, illustrant ainsi la priorité qu’elle entend donner à l’évolution de la politique pénitentiaire.

A. LES EFFORTS POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES DÉTENUS

1. L’évolution de la population carcérale et des conditions d’incarcération

La population carcérale s’élevait au 1er janvier 1998 à 53.844 personnes, en diminution de 1,2 % par rapport à l’année précédente. Le nombre de prévenus baisse également, passant de 22.603 à 21.676. La durée moyenne de détention en revanche augmente, avec une moyenne en 1997 de 8,1 mois.

 

1996

1997

1998

Population carcérale au 1er janvier :

–  dont prévenus

–  dont condamnés

55.043

21.889

33.154

54.496

22.603

31.893

53.844

21.676

32.168

Taux d’occupation au 1er juin :

–  parc classique

–  parc 13.000

114 %

124 %
(130 % pour
les maisons d’arrêt)

86 %

116 %

121 %
(135 % pour
les maisons d’arrêt)

97 %

114,8 %

118,8 %
(132,1 % pour
les maisons d’arrêt)

98,7 %

Durée moyenne de détention

(en mois)

–  dont détention provisoire

7,8

4,2

8,1

4,4

Source : Ministère de la justice.

Le taux d’occupation est en diminution par rapport à l’année précédente puisqu’il est de 114,8 % en moyenne au 1er juin 1998 contre 116 % au 1er juin 1997 ; le parc classique continue de connaître un taux d’occupation supérieur au parc 13.000 (118,8 % contre 98,7 %).

Rappelons qu’au 1er juillet 1998, le milieu fermé comprenait 187 établissements pénitentiaires offrant 49.632 places, soit 36.849 places pour le parc classique et 12.783 pour le parc 13.000, dont 11.500 en gestion mixte.

Cette légère diminution du taux d’occupation des établissements pénitentiaires contribue à l’amélioration des conditions d’incarcération des détenus, d’autant plus que la baisse de la population carcérale n’a pas, bien au contraire, entraîné de relâchement dans l’effort budgétaire des pouvoirs publics en faveur des services pénitentiaires.

2. L’amélioration de la vie quotidienne

L’ensemble des crédits destinés aux services pénitentiaires contribue de manière plus ou moins directe à l’amélioration des conditions de vie des détenus, que se soient par la construction d’établissements modernes ou l’augmentation du nombre de personnels de surveillance. Parallèlement à un effort financier important dans ces domaines, la ministre de la justice a souhaité, par des mesures concrètes, faciliter la vie quotidienne des personnes emprisonnées.

Le projet de loi de finances prévoit ainsi de consacrer 10 millions de francs au renouvellement du mobilier des cellules. Les produits d’hygiène corporelle seront désormais fournis gratuitement aux détenus, tout comme ceux nécessaires à l’entretien de leurs cellules. Le nombre de douches hebdomadaires sera augmenté, passant de deux à trois conformément à la nouvelle réglementation. Sur ce dernier point, votre rapporteur pour avis a noté lors de ses déplacements que le nombre de douches hebdomadaires pouvait être supérieur à ce minimum, notamment dans les établissements récents. Enfin, il est prévu de fournir un petit déjeuner chaud aux détenus. Le coût de ces trois dernières mesures est évalué à 22,8 millions de francs, prélevés sur les 40,8 millions de francs supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances au titre de l’amélioration de conditions de prise en charge des détenus.

Toujours dans le domaine de l’hygiène, il est prévu d’installer des douches individuelles dans chaque cellule lors de la construction de nouveaux établissements et de mettre à disposition des machines à laver le linge.

La situation des détenus les plus pauvres fait également l’objet d’une attention particulière, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite. Le projet de budget pour 1999 consacre ainsi deux millions de francs pour lutter “ contre l’indigence des sortants de prison ”. Par ailleurs, il est prévu de développer des actions permettant un accompagnement individualisé à l’emploi, tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé.

Lors de sa communication du 8 avril, la ministre de la justice a également annoncé une amélioration de la perception des mandats postaux par une réduction des frais d’envoi, une informatisation des réservations des visites aux parloirs qui devrait faciliter l’accueil des familles et la poursuite de la réflexion sur la création des unités de vie familiale.

Symbole de cette nouvelle orientation politique, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est depuis cette année affichée dans tous les établissements pénitentiaires.

3. Un système de soins globalement satisfaisant

Les soins en milieu carcéral

Depuis le 1er janvier 1994, toute personne détenue est, à compter de la date de son incarcération, obligatoirement affiliée au régime général de la sécurité sociale ; l’Etat acquitte les cotisations sociales correspondantes et finance également la part qui n’est pas pris en charge par l’assurance-maladie ; les ayants droit bénéficient également des prestations en nature des assurances maladie et maternité. Il reste néanmoins à régler la question de la continuité de la couverture sociale qui permettrait aux personnes malades d’obtenir le suivi sanitaire dont elles ont besoin à leur sortie de prison.

Sauf dans les établissements du programme 13.000 où les soins ne nécessitant pas d’hospitalisation sont gérés par des groupements privés, le service public hospitalier est responsable des soins en prison. Une unité de consultations et de soins ambulatoires (U.C.S.A), qui dépend d’un service hospitalier, est présente dans chaque établissement pénitentiaire ; les soins, tant somatiques que psychiatriques, sont prodigués par des équipes pluridisciplinaires de l’hôpital et financés par les budgets des hôpitaux, principalement à partir des cotisations sociales versées chaque année par le ministère de la justice pour l’ensemble de la population pénale. La somme correspondante inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 (322,2 millions de francs) est en baisse de 3 % par rapport à l’année précédente, cette baisse correspondant un ajustement à l’évolution de la population carcérale. Le financement de la rénovation des infirmeries des établissements pénitentiaires est lui à la charge de la direction de l’administration pénitentiaire.

Ce système semble fonctionner de manière relativement satisfaisante, comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses déplacements. Ainsi, à la maison d’arrêt de Lyon-Perrache, l’U.C.S.A est le seul service qui dispose de locaux modernes et propres.

Par ailleurs, certains établissements pénitentiaires disposent d’un service médico-psychologique régional (S.M.P.R.) qui permet de soigner les détenus présentant des troubles psychiatriques graves, notamment les délinquants sexuels. Leur nombre (26 auxquelles s’ajoutent 7 antennes locales) est cependant notoirement insuffisant par rapport aux besoins croissants de la population carcérale.

Le problème des extractions pour consultation dans les hôpitaux

Lorsque la personne incarcérée ne peut être soignée dans l’établissement pénitentiaire, elle est transférée vers un service hospitalier dont la localisation dépend du protocole passé par le directeur de cet établissement. Pour prévenir toute évasion, ce transfert doit être entouré d’un maximum de sécurité. Or il existe de fortes réticences de la part des forces de police à assurer cette sécurité, notamment dans les petites agglomérations où les agents sont peu nombreux, ce qui conduit parfois à différer les consultations. Ainsi, au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, les extractions soulèvent d’énormes difficultés, le personnel pénitentiaire étant obligé, faute d’escorte policière, d’en assurer la sécurité.

L’affectation de personnels de surveillance aux escortes désorganise les établissements pénitentiaires et fait peser un risque sur la sécurité au sein de ces établissements, sans parler de la sécurité même des escortes puisque les personnels de surveillance ne sont pas formés pour cela. L’accompagnement des détenus à l’extérieur des prisons à l’évidence ne relève pas de leur mission, qui est d’assurer la sécurité à l’intérieur des établissements. Il contribue en outre à brouiller leur image en les assimilant aux forces de l’ordre, alors même que le Gouvernement cherche à faire évoluer leur métier vers la formation et l’insertion des détenus. Même si certains syndicats sont favorables à la participation des personnels de surveillance aux escortes, participation qu’ils estiment valorisante pour la profession, une telle solution reviendrait à remettre en cause à la fois la mission de ces derniers et le rôle des forces de police et de gendarmerie.

Celles-ci sont en effet chargées d’assurer la sécurité publique : la sécurité du transfert de prisonniers vers les hôpitaux fait donc bien partie de leur mission et ne constitue pas une charge indue.

Chargé en application de la loi d’orientation et de programmation du 21 janvier 1995 relative à la sécurité d’étudier la possibilité de transférer à l’administration pénitentiaire la charge d’assurer les transfèrements, les translations judiciaires et les extractions relevant de la responsabilité de la police nationale et de la gendarmerie, le groupe de travail présidé par le conseiller d’Etat Guy Fougier et composé de représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de l’administration pénitentiaire a jugé ce transfert difficile et coûteux et considéré que le nombre de personnels de police et de gendarmerie rendus ainsi disponibles ne permettrait pas d’améliorer significativement la sécurité publique.

Répondant aux critiques relative à la “ charge indue ”, il a estimé que cette notion “  paraît être, en l’espèce, une notion fausse. L’escorte et la garde des détenus hors des établissements pénitentiaires relèvent, sans aucun doute possible, de la sécurité publique et il appartient à la police et à la gendarmerie d’assurer cette sécurité. C’est dans la nature de leurs fonctions ”. Pour Guy Fougier, cette mission présente un caractère moins “ indu ” que la surveillance des plages ou la réalisation d’activités sportives dans les quartiers difficiles.

Cette étude publiée en octobre 1995 n’a malheureusement pas permis de régler définitivement cette question et de nombreuses difficultés subsistent. Certains établissements, grâce à des arrangements locaux, parviennent à assurer de manière relativement satisfaisante les extractions vers les établissements hospitaliers. Ainsi, les services de police lyonnais assurent les extractions pour consultation des prisons de Lyon en échange du prêt d’un véhicule des services pénitentiaires.

Ces solutions ponctuelles ne sont néanmoins pas satisfaisantes et votre rapporteur pour avis souhaite que soit clairement réaffirmé que la responsabilité de la sécurité des extractions incombe aux services de police et de gendarmerie. A cet égard, le communiqué de presse de la Chancellerie sur le budget de la justice, précisant que les augmentations d’effectifs prévues permettront de répondre aux besoins sanitaires de la population pénale, notamment aux extractions pour consultation dans les hôpitaux, lui paraît regrettable, car prêtant à confusion.

Il serait souhaitable que les deux ministères concernés, le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur, se mettent d’accord pour donner à leurs services des directives claires et incontestables qui permettent de régler une fois pour toute cette question.

B. DES CRÉATIONS D’EMPLOI ORIENTÉES VERS L’INSERTION ET LA PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE

1. La priorité donnée à l’insertion et la prévention de la récidive

La généralisation du projet d’exécution des peines

L’administration pénitentiaire a mis en place depuis 1995, de façon expérimentale, un projet d’exécution des peines (P.E.P.), dans dix établissements pénitentiaires. Ce projet a pour objectif d’impliquer davantage le détenu dans l’évolution de la peine privative de liberté, d’améliorer l’individualisation judiciaire et administrative de la peine en proposant au juge des éléments objectifs sur le comportement du détenu (indemnisation des victimes, participation à des formations qualifiantes..) et d’assurer une prise en charge qui permette une meilleure connaissance du détenu afin de renforcer l’efficacité des mesures de réinsertion et d’accroître la sécurité des établissements.

Cette expérience a fait l’objet en novembre 1997 d’une évaluation par un comité national composé de quatre magistrats et de onze fonctionnaires pénitentiaires. Il ressort de cette évaluation que le projet d’exécution des peines améliore la prise en charge des détenus tout en valorisant les missions des personnels pénitentiaires dans l’exécution de la peine ; il inscrit la personne détenue dans un schéma d’évolution individuelle et permet aux juges de l’application des peines de prendre les décisions d’individualisation les plus adaptées.

Devant ce bilan positif, la Chancellerie a décidé de généraliser le P.E.P à l’ensemble des établissements pénitentiaires sur une période de trois ans. Une circulaire sur les conditions de cette généralisation devrait être diffusée avant la fin de l’année.

Sur les 344 emplois dont la création est prévue par le projet de loi de finances, 180 serviront, selon le communiqué de la Chancellerie, à “ améliorer la prise en charge des personnes prévenues et à généraliser le projet d’exécution de peine pour les personnes condamnées ”.

La réforme des services d’insertion et de probation

Annoncé en mai 1996, la réforme des services d’insertion et de probation est organisée autour de trois axes :

—  réaliser la mutualisation des moyens et des missions des comités de probation et d’assistance aux libérés (C.P.A.L.) et des services socio-éducatifs du milieu fermé avec la création d’un “ service pénitentiaire d’insertion et de probation ” assurant la continuité des actions menées en milieu fermé et en milieu ouvert ;

—  inscrire l’action de ce nouveau service dans un cadre départemental afin de lui permettre d’exercer sa mission de réinsertion au plus près ;

—  renforcer les pouvoirs administratifs du directeur de probation en lui confiant la responsabilité de l’organisation et de la gestion du futur service.

La mise en œuvre de la réforme a été progressive et cette dernière devrait entrer dans sa phase opérationnelle au cours du dernier trimestre de cette année.

Des mesures d’accompagnement ont été mises en place. Après les 200 emplois de la loi de finances pour 1998, le projet de budget pour 1999 prévoit la création de 78 emplois. En outre, 44 emplois sont transférés des services judiciaires vers les services d’insertion et de probation : ce transfert de personnel administratif complétera les créations d’emploi de catégorie B et C par ailleurs demandées et permettra aux futurs services pénitentiaires d’insertion et de probation de disposer de la logistique indispensable à leur fonctionnement.

L’administration pénitentiaire disposera donc au total de 574 emplois d’insertion et de probation sur les 768 prévus par la loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 pour mettre en œuvre la réforme des services d’insertion et de probation qui, rappelons-le, prennent en charge 123.000 personnes en milieu ouvert et plus de 57.000 en milieu fermé.

La création des centres pour peines aménagées

La création des centres pour peines aménagées répond au souci d’améliorer l’insertion des condamnés à des courtes peines. Ces centres ont vocation à prendre en charge les personnes condamnées à des peines privatives de liberté de moins d’un an afin de les préparer à leur sortie de prison grâce à une organisation de la vie plus collective et plus ouverte sur le monde extérieur. Les maisons d’arrêt, dont le taux moyen d’occupation dépasse 120 %, se trouveront ainsi déchargées de détenus qui n’y trouvent pas de prise en charge adaptée.

Les centres pour peines aménagées accueilleront trois types de populations :

—  les condamnés détenus volontaires avec une peine ou un reliquat de peine de moins d’un an et qui n’ont pas de projet d’insertion immédiat leur permettant de bénéficier de mesures d’aménagement de peine ; ces condamnés, qui bénéficieront dès leur arrivée de permissions de sortir ou au minimum d’autorisations de sorties accompagnées, seront affectés à ces centres par décision administrative régionale ;

—  les condamnés à des mesures restrictives de liberté (travail d’intérêt général, sursis avec mise à l’épreuve, libération conditionnelle) ; les centres pour peines aménagées pourront notamment accueillir le siège d’une antenne du futur service d’insertion et de probation ;

—  les condamnés placés sous surveillance électronique.

Compte tenu de leur vocation, ces nouveaux établissement pourront être dirigés par un sous-directeur des services pénitentiaires, un chef des services pénitentiaires ou un chef des services d’insertion et de probation. La mission des personnels de surveillance sera double : assurer la sécurité générale de l’établissement d’une part, exercer un rôle de référent ou de tuteur, comparable à celui des surveillants en poste fixe dans le quartier des mineurs, d’autre part. Cette dernière fonction permettra d’offrir des opportunités valorisantes pour les personnels de surveillance.

Les centres pour peines aménagées, ouverts sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour s’adapter à la diversité des projets individuels, comprendront deux secteurs :

—  un secteur hébergement d’une capacité de 50 à 80 lits ; les chambres seront individuelles ou doubles, dotées de sanitaires. L’intendance (alimentation, blanchisserie, maintenance) sera déléguée à une collectivité locale ou une entreprise privée pour éviter des alourdissements de structures. Les détenus bénéficiant de permissions de sortir ou d’autorisations de sortie accompagnées, il n’y aura pas de visites de familles dans les établissements, donc pas de parloirs. La responsabilisation étant la ligne directrice du fonctionnement de tels établissements, chaque détenu possédera sa clé et pourra accéder librement dans la journée aux parties communes. En revanche, les personnes suivies en milieu ouvert n’auront pas accès au secteur hébergement ;

—  un secteur éducatif composé de salles de réunions, de salles d’entretiens et de bureau pour les personnels d’insertion et de probation et pour les personnels de surveillance.

Condition indispensable de leur réussite, les centres pour peines aménagées devront être implantés en zone urbaine, à proximité des transports en commun et le plus près possible du centre. Les villes de moyenne importance dépourvues d’établissement du type centre de semi-liberté et les grands sites urbains seront privilégiés.

Le coût moyen d’un centre pour peines aménagées d’une capacité de soixante places accueillant une antenne milieu ouvert de douze personnes a été évalué à 200 millions de francs environ, toutes dépenses confondues.

Les premiers centres pour peines aménagées verront le jour à Metz (actuel centre de détention) et Marseille (ancienne prison hôpital des Baumettes) ; des travaux de rénovation étant nécessaire, leur ouverture est prévue à la fin de l’année 1999. Un site est recherché pour la construction d’un centre pour peines aménagées en région parisienne. Le projet de budget pour 1999 a prévu 16 millions de francs pour financer ces premiers établissements.

Votre rapporteur pour avis approuve pleinement la création de ces nouveaux établissements qui rejoint son souci maintes fois exprimé de favoriser la réinsertion des détenus en intégrant davantage les prisons dans la ville.

2. Les autres créations d’emplois et les mesures statutaires et indemnitaires

Les autres créations d’emploi

Outre les 78 emplois destinés à la réforme des services d’insertion et de probation, le projet de loi de finances prévoit la création de 266 emplois, dont 220 pour les personnels de surveillance. S’agissant de la répartition de ces derniers emplois, chaque direction régionale bénéficiera d’une enveloppe déterminée en fonction de critères objectifs (population pénale, taux d’encadrement existant des détenus..) et soumettra au comité technique paritaire régional ses propositions d’affectation qui devront tenir compte des objectifs gouvernementaux et de la nécessité de rationaliser l’organisation du service.

—  180 emplois seront affectés à l’amélioration de la prise en charge des détenus : amélioration de la prise en charge des prévenus et généralisation progressive du P.E.P. , renforcement de l’encadrement des mineurs détenus, prise en compte de la réforme santé qui induit des mouvements internes des détenus vers les U.C.S.A. et les S.M.P.R., besoin de sécurité des établissements pénitentiaires.

—  58 emplois sont destinés à l’ouverture de nouveaux établissements, dont une partie aux futurs centres pour peines aménagées. 25 emplois, dont 15 de personnels de surveillance, sont prévus en vue de la mise en service des premiers établissements du nouveau programme de construction.

—  Enfin, 28 emplois seront consacrés à la restructuration des métiers et à la formation. L’administration pénitentiaire doit en effet être capable de moderniser son mode de fonctionnement et de s’adapter aux nouvelles caractéristiques de la population pénale, tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé.

Avec au total 344 emplois (y compris les emplois destinés à la réforme des services d’insertion et de probation), le projet de budget pour 1999 progresse de 15 % par rapport à la loi de finances pour 1998 qui avait déjà créé 300 emplois, dont, il est vrai, seulement 53 pour les personnels de surveillance.

A ces créations nettes d’emploi, il convient d’ajouter une autorisation de surnombres temporaires actuellement en négociation avec le ministère des finances. En 1998, l’autorisation de 400 surnombres temporaires d’élèves-surveillants a permis de maîtriser l’augmentation des vacances prévisionnelles d’emplois consécutive à la mise en place de la réforme du régime de retraite des personnels de surveillance, dite bonification du cinquième.

Les mesures statutaires et indemnitaires

Le projet de loi de finances a prévu de consacrer douze millions de francs aux mesures statutaires et indemnitaires des personnels pénitentiaires.

3 millions de francs sont inscrits en vue de la réforme statutaire du personnel technique, la création d’emplois fonctionnels de directeur de service d’insertion et de probation bénéficiant, quant à elle, d’une provision de 2 millions de francs.

S’agissant des crédits indemnitaires, le projet de budget a choisi d’y consacrer 6,086 millions de francs.

Les comptables pénitentiaires verront leur indemnité augmenter pour un montant total de 0,24 million de francs. Cette indemnité est en effet actuellement pratiquement équivalente aux taux supérieurs de l’indemnité allouée aux régisseurs, alors même que les sommes qui transitent par leur caisse sont bien supérieures.

0,1 million de francs seront affectés à l’indemnité des régisseurs des services d’insertion et de probation issus de la réforme des services d’insertion et de probation. La prime des personnels d’insertion et de probation sera revalorisée à hauteur de 0,7 million de francs afin de maintenir la parité indemnitaire avec les corps de conseillers techniques et d’assistants de service social, conformément au protocole d’accord du 9 janvier 1995. Enfin, 0,48 millions sont demandés au titre de l’augmentation du taux de l’indemnité de sujétions spéciales du personnel d’insertion et de probation à compter du 1er juillet 1999 ; les agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation étant appelés à exercer leurs missions en milieu ouvert comme en milieu fermé, le différentiel indemnitaire existant jusque-là n’a plus lieu d’être.

0,65 million seront consacrés à la revalorisation de la prime de responsabilité du personnel de direction et de certains personnels de surveillance.

3,4 millions de francs seront affectés à la revalorisation de l’indemnité pour charges pénitentiaires (I.C.P.) dont bénéficient les personnels de surveillance, administratifs et techniques ; cette indemnité, versée selon deux taux en fonction de la durée des contacts avec la population carcérale, n’avait pas été revalorisée depuis 1995.

Enfin, l’indemnité de nuit allouée aux personnels de surveillance, qui n’avait fait l’objet d’aucune augmentation depuis 1996, est revalorisée pour un montant total de 0,5 million de francs.

Les observations des organisations syndicales

Les organisations syndicales ont fait à votre rapporteur pour avis les observations suivantes sur le projet de budget pour 1999.

Tout en reconnaissant l’augmentation significative des crédits budgétaires, elles ont jugé insuffisantes les créations d’emplois de personnels de surveillance, soulignant que les missions de ces derniers avaient fortement évolué ces dernières années (U.C.S.A., P.E.P.) ; le syndicat national Force ouvrière des personnels de direction a estimé entre 800 et 1500 le nombre d’emplois supplémentaires nécessaires et a regretté que le sous-effectif actuel conduise à réduire la durée de formation des surveillants alors même que leurs missions se développent. L’ensemble des syndicats s’est inquiété de l’absence de précisions sur un éventuel surnombre permettant de compenser les conséquences de la bonification du cinquième. Le syndicat national Force ouvrière des personnels administratifs a demandé qu’une partie des personnels de surveillance qui occupent des postes administratifs soient affectés à des tâches de surveillance, ce qui permettrait d’accroître le nombre de personnels de surveillance tout en réalisant des économies, le recrutement de personnels administratifs étant moins onéreux pour les finances publiques que celui de personnels de surveillance.

La revalorisation de la prime de surveillance de nuit, qui correspond à une augmentation de 95 centimes, a été ressentie comme une provocation par l’ensemble des syndicats, l’union des syndicats pénitentiaires (U.S.P.) estimant même préférable dans ces conditions de ne procéder à aucune revalorisation. Ce syndicat a estimé que la prime du dimanche devait être accordée les nuits encadrant ce jour, le syndicat national Force ouvrière des personnels de surveillance réclamant par ailleurs sa revalorisation. Pour ce dernier syndicat, le Gouvernement a fait porter ses priorités sur la réinsertion des détenus, négligeant les personnels de surveillance qui n’obtiennent pas la reconnaissance qu’ils méritent. Il regrette, tout comme l’union fédérale autonome pénitentiaire (U.F.A.P.), que l’engagement des pouvoirs publics d’aligner la carrière des personnels de surveillance sur celle des policiers n’ait pas été complètement tenu.

Le syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire-F.E.N. a critiqué la faiblesse du nombre de création d’emploi dans les services d’insertion et de probation. Tout en estimant que les centres pour peines aménagées constituaient une innovation intéressante, il s’est interrogé sur la direction de ces établissements, se demandant si celle-ci serait confiée aux services d’insertion et de probation. Il a enfin regretté que les personnels d’insertion et de probation soient les seuls à ne pas toucher l’indemnité pour charges pénitentiaires.

L’U.F.A.P., le syndicat national Force ouvrière des personnels administratifs et le syndicat national Force ouvrière des personnels de direction ont critiqué la faiblesse des créations d’emplois administratifs, au moment même où la départementalisation des services d’insertion et de probation se met en place. L’U.F.A.P. et le syndicat national F.O. des personnels administratifs ont dénoncé le blocage existant sur la prime de sujétions particulières, calculée en pourcentage du traitement brut moyen, alors que 7,4 millions de francs avaient été inscrits pour cette prime au budget 1998. Ce dernier syndicat a regretté l’absence d’organigramme permettant d’avoir une idée précise des besoins administratifs dans chaque établissement.

Après s’être félicité de la provision de trois millions de francs inscrites au budget 1999, le syndicat national Force ouvrière des personnels techniques a souhaité que la réforme statutaire s’achève avant la fin de l’année. Avec l’U.F.A.P., il a critiqué l’absence de créations d’emploi et le nombre élevé des personnels de surveillance occupant des emplois techniques. Ces deux syndicats ont regretté la tendance des pouvoirs publics à déléguer de plus en plus d’activités au secteur privé. F.O. a souhaité qu’une place significative soit accordée aux personnels techniques dans les établissements 4.000 comme dans les établissements 13.000.

Tout en se félicitant de la revalorisation de la prime de responsabilité, le syndicat F.O. des personnels de direction s’est inquiété des modalités d’attribution de cette prime, refusant que l’augmentation obtenue soit redistribuée selon un critère de mérite ou de rentabilité étranger à l’objet même de cette prime. Sans être totalement opposé à l’introduction de la notion de mérite, il a estimé préférable de réfléchir à l’instauration d’une prime spécifique. Il a regretté que le nouveau statut des sous-directeurs ait entraîné une diminution de 17 % à 15 % de l’indemnité de sujétions spéciales, alors même que ce taux est le plus bas de l’administration pénitentiaire.

C. LA POURSUITE DU PROGRAMME DE CONSTRUCTION ET DE RÉNOVATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

L’état des lieux

L’administration pénitentiaire dispose d’un parc de 187 établissements comprenant 118 maisons d’arrêt, 56 établissements pour peines, 12 centres autonomes de semi-liberté et 1 hôpital national pénitentiaire.

Un effort de modernisation considérable a été accompli au cours de la dernière décennie puisque 39 établissements ont été mis en service depuis 1987, dont les 25 établissements du programme 13.000. Parallèlement, les pouvoirs publics fermaient pendant la même période 30 prisons vétustes ou inadaptées, dont 3 outre-mer.

Cet effort significatif ne doit pas occulter le fait que le reste du parc immobilier est vétuste, souvent dégradé et inadapté sur le plan fonctionnel. Ainsi, 92 établissements sont installés dans des immeubles construits depuis plus d’un siècle, dont certains sont des anciens biens d’Église transformés en prison pendant la période révolutionnaire. Les bâtiments sont souvent insuffisamment entretenus et un grand nombre d’installations, notamment les cuisines, ne sont pas conformes aux normes techniques et sanitaires ; cette situation s’explique par l’absence de tout programme de maintien à niveau des immeubles pendant la période 1940-1964, la surpopulation des maisons d’arrêt et l’interruption en 1987 des programmes de rénovation du secteur classique afin de mobiliser les ressources au profit du programme 13.000. Enfin, plus de la moitié des établissements ont des structures en nef qui traduisent des conceptions pénitentiaires anciennes, tout à fait inadaptées aux régimes modernes de détention.

La maison d’arrêt de Lyon-Perrache cumule ces trois inconvénients. Elle est divisée en deux quartiers, Saint-Joseph et Saint-Paul, séparés par une rue, la liaison s’effectuant par un souterrain creusé sous cette rue. Le quartier Saint-Paul a été construit en 1880 ; quant au quartier Saint-Joseph, c’est un ancien couvent du XIIème siècle transformé en prison en 1830. La vétusté des installations, notamment des sanitaires, est impressionnante, contribuant à donner l’image d’une prison du siècle passé. Les efforts de rénovation sont à peine perceptibles, tant l’ensemble dégage une impression de délabrement. Cet établissement peu fonctionnel, c’est le moins que l’on puisse dire, est également un gouffre en personnel puisque le taux de surveillance, c’est à dire le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de personnels chargés de la surveillance, est de 2 détenus par surveillant, contre 3 en moyenne en métropole. Par ailleurs, la maison d’arrêt de Lyon-Perrache connaît une surpopulation carcérale chronique : au 1er septembre 1998, l’effectif était de 626 détenus pour 379 places, soit un taux d’occupation de 165 %, bien supérieur à la moyenne nationale.

Une telle situation ne pourra pas se prolonger indéfiniment et les pouvoirs publics devront dans un avenir proche prendre une décision définitive sur l’avenir de cet établissement, en concertation avec les organisations syndicales.

Notons enfin que le ministère de la justice a engagé une série d’audits sur l’état général du patrimoine pénitentiaire menés par la délégation générale au programme pluriannuel d’équipement et par la direction de l’administration générale et de l’équipement.

Les projets de construction et de rénovation

La Garde des Sceaux a lancé en 1998 un programme de construction de six établissements pénitentiaires (maisons d’arrêt et centres de détention) à Lille, Meaux, Toulouse, Avignon, Toulon et Liancourt. Un septième établissement, une maison d’arrêt de 400 places, est à l’étude. Ces établissements, qui répondront à des normes sanitaires plus strictes (douche dans chaque cellule, cloisonnement des toilettes), fonctionneront en gestion déléguée pour la maintenance, l’entretien, le travail et la formation professionnelle, comme dans le programme 13.000.

Après une année consacrée à la validation définitive du choix des terrains et à leur acquisition, à l’organisation du concours d’architecture et à la réalisation des études, les travaux de construction de trois établissements (Avignon, Lille et Toulouse) devraient commencer dès l’année prochaine pour une livraison en 2001-2002. La dotation de 696 millions de francs d’autorisation de programme inscrite au projet de budget pour 1999 permettra de préparer la construction des trois autres établissements.

LE PROGRAMME DES PLACES NOUVELLES DE DÉTENTION

Programme

 

Sites
(terrains pressentis)

Catégorie de places

Capacité

1ère tranche

1

Agglomération de Lille

maison d’arrêt

600

1ère tranche

2

Agglomération d’Avignon (Le Pontet)

centre pénitentiaire

600

1ère tranche

3

Agglomération de Toulouse (Muret-Seysses)

maison d’arrêt

600

2ème tranche

4

Agglomération de Meaux (Chauconin-Neufmontiers)

maison d’arrêt

600

2ème tranche

5

Agglomération de Toulon (La Farlède)

maison d’arrêt

600

2ème tranche

6

Agglomération de Liancourt (Oise)

centre pénitentiaire

600

2ème tranche

7

En option : non encore localisée

maison d’arrêt

400

Source : Ministère de la justice.

Ces nouveaux établissements, situés dans des zones de forte pression démographique, devraient permettre de soulager certaines maisons d’arrêt particulièrement surpeuplées.

Les travaux de rénovation menés dans le cadre du programme pluriannuel pour la justice ont permis de mettre aux normes les infirmeries dans le cadre de la loi du 18 janvier 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus (87,2 millions de francs), de rénover les quartiers de mineurs (25,4 millions de francs), de désamianter la maison d’arrêt de Fleury (75,8 millions de francs), de remettre en état des bâtiments et de mettre aux normes des installations techniques (558,6 millions de francs), d’étendre enfin les locaux des sièges des directions régionales (49 millions de francs).

En 1999, il est prévu de consacrer 200 millions de francs à la rénovation du parc existant selon la répartition suivante : 120 millions de francs sont destinés aux travaux de sauvegarde et d’adaptation des bâtiments et de mise en conformité des installations techniques, 50 millions au programme de réhabilitation des grands établissements (Fleury-Mérogis, La Santé, Fresnes, Les Baumettes), 10 millions à l’aménagement d’une nouvelle tranche de quartiers réservés aux mineurs et 20 millions au câblage informatique des établissements pénitentiaires (système G.I.D.E.).

II.—  LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les dotations consacrées à la protection judiciaire de la jeunesse pour 1999 s’élèvent à 2.770,8 millions de francs, soit une augmentation de 6,42 % par rapport à 1998. Rappelons que cette progression n’était que de 4,14 % en 1997 et de 1,47 % en 1996.

Cette hausse sensible des crédits est destinée à financer les priorités en matière de lutte contre la délinquance des mineurs définies par le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et reprises dans la circulaire du 15 juillet 1998 adressée aux parquets.

A. LES PRIORITÉS DU CONSEIL DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

Quelques mois après la publication du rapport de Mme Christine Lazerges et de M. Jean-Pierre Balduyck sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs, le Gouvernement a réuni le conseil de sécurité intérieure pour déterminer les principales orientations de la politique qu’il entend mener en la matière.

Cette politique s’inscrit dans le cadre général de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le Gouvernement souhaitant “ mettre en œuvre toutes les possibilités offertes par la législation en vigueur, tant en ce qui concerne les mesures éducatives que les sanctions pénales ”. La remise en cause parfois évoquée de certains principes de l’ordonnance de 1945, comme l’excuse atténuante de minorité ou la double compétence du juge des enfants, en charge des mineurs victimes et des mineurs délinquants, est ainsi expressément écartée. Votre rapporteur pour avis se félicite de cette position de principe, la spécificité de la justice des mineurs garantie par l’ordonnance de 1945 étant une avancée démocratique qu’il convient de préserver à tout prix.

Le conseil de sécurité intérieure a mis l’accent sur la nécessaire responsabilisation des parents : outre le lancement d’une campagne nationale sur leur rôle éducatif, il a été décidé de convoquer systématiquement, à tous les stades de la procédure judiciaire, les parents d’enfants délinquants, afin de leur rappeler leur responsabilité ; les parents défaillants seront poursuivis, tout comme ceux qui encouragent la délinquance de leurs enfants. La politique de soutien aux familles en difficulté, arrêtée par la conférence de la famille du 12 juin 1998, devrait leur permettre d’assumer dans de meilleures conditions leur rôle éducatif.

La circulaire adressée le 15 juillet dernier aux parquets reprend les orientations de politique pénale décidées dans le cadre du conseil de sécurité intérieure.

Des réponses rapides devront être données à tous les actes de délinquance. Pour ce faire, les procureurs de la République devront être informés en temps réel par les services de police et de gendarmerie de tous les faits commis par des mineurs. Ils pourront décider d’un simple avertissement, délivré par les services de police ou de gendarmerie, d’un classement sous condition ou d’une mesure de réparation. Ils seront assistés dans cette tâche par des délégués (200 en 1998), issus de la société civile, qui interviendront notamment dans les maisons de justice et du droit.

Les mesures de réparation, qui permettent de faire comprendre aux mineurs la portée de leurs actes tout en répondant à l’attente des victimes, devront être développées ; les collectivités locales seront incitées à participer à la réalisation de ces mesures. L’objectif est de permettre de prendre en charge environ 2.000 mesures supplémentaires en 1999.

Pour permettre l’exercice effectif des mesures de liberté surveillée ou de contrôle judiciaire, les capacités d’accueil des centres de jour seront augmentées.

Les dispositifs d’hébergement seront développés. Une cellule de coordination de l’accueil d’urgence, associant le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur associatif habilité et éventuellement l’aide sociale à l’enfance devrait être mise en place dès septembre 1998 dans certains départements, en liaison avec les juridictions. Les placements familiaux seront encouragés et de nouveaux foyers seront ouverts dans le secteur public.

Le nombre de dispositifs éducatifs renforcés, qui permettent aux mineurs les plus difficiles de bénéficier d’une présence permanente d’éducateurs au cours d’un séjour dit “ de rupture ”, sera augmenté.

Ce renforcement de moyens devrait concerner vingt-six départements prioritaires où la délinquance des mineurs est la plus forte.

Enfin, il a été décidé d’adapter les conditions d’incarcération des mineurs. Pour cela, la carte pénitentiaire des établissements habilités à accueillir des mineurs sera réexaminée et des nouveaux quartiers seront aménagés, principalement en Ile-de-France.

Ces orientations nécessitant l’association de tous les acteurs concernés, notamment celle des conseils généraux responsables des politiques de prévention et celle des municipalités, une vaste concertation devra s’engager avec ces partenaires locaux. Les contrats locaux de sécurité, élaborés en application de la circulaire interministérielle du 28 octobre 1997, devront intégrer ces priorités.

Votre rapporteur pour avis soutient sans réserve ces nouvelles orientations. Il lui paraît en effet essentiel de traiter en temps réel toutes les incivilités et les faits délictueux et d’éviter les classements sans suite qui donne une image d’inefficacité de la justice auprès des victimes comme des auteurs. Le développement des mesures de réparation, qui permettent de sortir du faux débat qui oppose prévention et répression en proposant des dispositifs à la fois répressifs et concourant à la réinsertion des mineurs délinquants, lui semble également très positif. Il regrette cependant que le travail d’intérêt général, qui contribue également à recréer un lien entre le délinquant et la société civile, ne soit pas davantage valorisé, alors même que les condamnations à cette peine diminuent (- 8,34 % entre 1995 et 1996). Enfin, l’accent mis sur la responsabilité parentale, notamment la convocation des parents de mineurs délinquants à tous les stades de la procédure judiciaire, lui paraît une excellente mesure propre à rappeler aux parents la nécessité d’assumer leur rôle d’éducateur.

B. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE CES PRIORITÉS

Le secteur associatif habilité

Les crédits destinés à la rémunération des prestations du secteur associatif habilité progressent en 1999 de 5,2 % pour atteindre 1.232,7 millions de francs, soit 44,5 % du budget de la protection judiciaire de la jeunesse. L’augmentation de 60,8 millions de francs par rapport à 1998 résulte d’une part d’une mesure d’ajustement (58 millions de francs) et d’autre part de l’accroissement de la dotation destinée aux mesures de réparation (2,8 millions de francs), conformément aux orientations décidées dans le cadre du conseil de sécurité intérieure.

Rappelons que le secteur associatif habilité prenait en charge au 1er janvier 1996 105.787 jeunes, dont 101.028 mineurs en danger, soit 76 % des jeunes suivis.

Le secteur public

Les crédits destinés au secteur public, avec 1.538,17 millions de francs, représentent 55,5 % du budget de la protection judiciaire de la jeunesse.

Outre la création de 150 emplois et des améliorations indemnitaires (voir ci-dessous), les mesures nouvelles concernent l’abondement des crédits de fonctionnement des services (19 millions de francs) qui permettra d’accompagner ces créations d’emplois et de renforcer les prises en charge diversifiées des mineurs, l’augmentation des subventions destinées aux associations développant des activités d’insertion intéressant la protection judiciaire de la jeunesse (1,3 millions de francs) et l’accroissement des crédits d’investissements, qui s’élèveront en 1999 à 84 millions de francs en autorisations de programme et à 97 millions de francs en crédits de paiement ; cet accroissement financera notamment la construction de deux foyers d’hébergement supplémentaires (14 millions de francs) à Melun-Sénart et Mulhouse et la poursuite de la rénovation et l’adaptation d’établissements anciens à Paris, dans les départements du Nord, du Pas de Calais, du Rhône et des Bouches du Rhône.

S’agissant plus particulièrement du développement des structures d’accueil des mineurs, l’essentiel des crédits supplémentaires (15 millions de francs) seront utilisés pour augmenter les capacités d’hébergement, que ce soit en hébergement collectif avec l’ouverture des deux nouveaux foyers mentionnés ci-dessus et la mise en place de sept dispositifs éducatifs renforcés, ce qui portera le nombre total de ces unités à vingt, ou en hébergement individualisé avec l’ouverture de 75 places supplémentaires en famille d’accueil ; enfin, les capacités d’accueil du milieu ouvert seront renforcés avec la mise en place de 10 classes-relais (soit 100 à 150 mineurs déscolarisés pris en charge) et la création de nouveaux modules d’insertion dans les centres de jour.

Les créations d’emploi et les mesures indemnitaires

Le projet de loi de finances prévoit la création de 150 emplois supplémentaires, contre 100 emplois en 1998, se concentrant sur les deux thèmes suivants : le renforcement de la prise en charge des mineurs et l’amélioration de l’efficacité du service public au travers une déconcentration de la gestion des ressources humaines et de l’outil informatique.

Parmi ces 150 emplois, 113 concernent des postes d’éducateurs ou chefs de service éducatif, 8 des secrétaires ou des adjoints administratifs (déconcentration de la gestion des personnels, informatique) et 12 sont liés au suivi médico-social des mineurs (psychologues, infirmiers).

Par ailleurs, la transformation de vingt emplois permettra d’ajouter à ces chiffres 13 agents administratifs et 7 agents techniques.

Les services de protection judiciaire de la jeunesse compteront donc en 1999 6.393 emplois, dont 3.067 éducateurs ou chefs de service éducatif.

S’agissant des mesures indemnitaires, le projet de loi de finances y consacre une dotation de 5,3 millions de francs. Un peu plus d’un million sera destiné à la revalorisation de l’indemnité pour travaux des dimanches et jours fériés (passage de 12 à 17 francs) et de l’indemnité de surveillance de nuit (passage de 36 à 47 francs), tandis que les éducateurs et les chefs de service éducatif verront leur régime indemnitaire revalorisé de 100 francs par mois, pour un montant total de 3,74 millions de francs. Enfin, une provision de 500.000 francs est prévue pour la revalorisation du régime indemnitaire des directeurs afin de tenir compte de leurs charges et sujétions spécifiques.

Les observations des organisations syndicales

Consultées, comme chaque année, par votre rapporteur pour avis sur le projet de budget, les organisations syndicales lui ont fait les observations suivantes.

Tout en appréciant l’effort budgétaire consenti en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, elles ont regretté la faiblesse des créations d’emplois, soulignant notamment la quasi absence de postes administratifs pourtant essentiels pour le bon fonctionnement des services. Le syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse - F.E.N. (S.P.J.J.-F.E.N.) et le syndicat national des personnels de l’éducation surveillée - protection judiciaire de la jeunesse (S.N.P.E.S.-P.J.J.) ont demandé un recrutement exceptionnel d’éducateurs, en faisant valoir que le chiffre avancé par la Chancellerie (113) était très éloigné des propositions formulées par Mme Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck dans leur rapport sur la prévention de la délinquance des mineurs (500 postes d’éducateurs, d’assistantes sociales et de psychologues par an pendant six ans). Le S.P.J.J.-F.E.N a demandé le développement des emplois d’éducateurs-remplaçants au niveau régional, sur le modèle de ce qui existe à l’Éducation nationale, afin de remédier à certaines difficultés de fonctionnement dues à la féminisation du corps.

Le syndicat national Force ouvrière de la protection judiciaire de la jeunesse (S.N.-F.O.-P.J.J.) et le S.N.P.E.S.-P.J.J. ont souhaité que le statut des personnels éducatifs soit modifié sur le modèle de ce qui a été fait à l’Éducation nationale pour les instituteurs passés en catégorie A. S’agissant des primes, ces deux syndicats ont regretté que seuls les éducateurs et les directeurs bénéficient d’une revalorisation, les autres catégories étant oubliées ; le S.N.P.E.S.-P.J. J. a proposé de transformer la prime de 100 francs pour les éducateurs, jugée insuffisante, en revalorisation indemnitaire pour tout les personnels.

Les organisations syndicales se sont toutes montrées réservées sur la création de classes-relais, considérant que ces structures devaient dépendre de l’Éducation nationale et non de la protection judiciaire de la jeunesse. Tout en reconnaissant qu’un partenariat était indispensable, le S.P.J.J.-F.E.N. et le S.N.-F.O.-P.J.J. ont souligné que l’obligation scolaire, à laquelle sont soumis les jeunes concernés par les classes-relais, relève de la responsabilité de l’Éducation nationale.

Le S.P.J.J.-F.E.N. et le S.N.-F.O.-P.J. ont critiqué le recrutement des délégués du procureur, exprimant la crainte que ce recrutement rompt l’équilibre entre le siège et le parquet et affaiblisse les droits de la défense.

Enfin, le syndicat national d’éducation et d’administration-Force ouvrière a dénoncé les conditions inacceptables d’incarcération des mineurs et souhaité que la formation des éducateurs soit plus proche de la réalité, avec notamment un enseignement sur les droits de l’homme.

C. L’AMÉLIORATION DU SUIVI MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE DES MINEURS

L’amélioration de la prise en charge médicale des mineurs fait partie des priorités définies par le conseil de sécurité intérieure à laquelle votre rapporteur pour avis est très attaché. L’existence et la qualité du suivi médico-psychologique peuvent en effet être des éléments déterminants dans l’évolution du mineur en danger ou du mineur délinquant.

L’insuffisance d’information sur la santé des jeunes dont elle a la charge a conduit la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à demander à l’INSERM une enquête épidémiologique dont les résultats seront connus à l’automne et permettront de déterminer les actions à mener.

Cette insuffisance d’information n’a pas empêché la protection judiciaire de la jeunesse de s’intéresser depuis longtemps à ces questions et de chercher à travailler en liaison avec des équipes de professionnels de la santé. Elle s’est fixé comme objectifs d’améliorer la formation des personnels en matière de pharmaco-dépendance et de santé des mineurs et d’aider les associations qui prennent en charge les mineurs toxicomanes, associations dont les subventions ont récemment fortement diminué.

Souhaitant favoriser la liaison entre réponse éducative et réponse sanitaire, la protection judiciaire de la jeunesse va développer en 1999, à titre expérimental, des prises en charge conjointes dont les modalités seront arrêtées localement par les partenaires concernés.

En matière de santé mentale, plusieurs directions départementales travaillent en partenariat avec les services de psychiatrie infanto-juvénile et participent aux conférences régionales de santé. C’est le cas notamment dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, de la Moselle, des Vosges, de la Seine-Maritime et des Hauts-de-Seine qui ont signé des conventions de collaboration avec ces services. Certains départements engagent des efforts plus importants avec des détachements de personnels infirmiers ou médicaux des services hospitaliers vers des établissements éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse, comme à Millau. A Paris, un dispositif expert régional pour les adolescents difficiles a été mise en place par la protection judiciaire de la jeunesse et l’institut mutualiste Montsouris, présidé par le professeur Jeammet.

Une cellule de coordination entre la direction générale de la santé et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est en cours de création afin de mettre en place des consultations de pédopsychiatrie dans un certain nombre de département parmi les vingt-six considérés comme prioritaires par le conseil de sécurité intérieure.

Le projet du budget pour 1999 traduit cette nouvelle priorité. Outre la création de six postes de psychologues et de six postes d’infirmiers – ces derniers devant être partagés, il est vrai, avec l’administration pénitentiaire – la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a obtenu un crédit supplémentaire de 3 millions de francs destiné aux vacations des médecins psychiatres.

*

* *

En conclusion, votre rapporteur pour avis se félicite de ce budget en forte progression qui donne la priorité aux mesures alternatives à l’incarcération et à la réinsertion. Cet accroissement sensible des moyens financiers ne doit cependant pas conduire à faire l’impasse sur une analyse globale des missions du service public judiciaire. Il importe notamment de définir clairement les finalités assignées aux services de protection judiciaire de la jeunesse et d’approfondir la réflexion sur les moyens de lutter contre la délinquance des mineurs, notamment par une politique de prévention menée très en amont auprès des enfants.

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* *

Avant d’émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l’audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, s’est réjouie du fait que son ministère bénéficie, dans le cadre des engagements pris par le Gouvernement de mener une réforme d’ensemble de la justice, d’une progression encore plus marquée pour 1999 que pour l’année précédente. Après avoir souligné que les crédits totaux de la Justice augmenteraient en 1999 de 1 milliard 400 millions, soit une progression de 5,6 % dans un contexte de progression du budget général de l’Etat de 2,3 %, elle a ajouté que la Justice bénéficierait de la plus forte création d’emplois parmi tous les ministères, 930 créations d’emplois contre 752 en 1998. Elle a indiqué que les mesures nouvelles affectées au fonctionnement des services s’élevaient à 394 millions, soit 75 millions de plus qu’au budget 1998, précisant qu’en matière d’équipements, la Justice se situait au premier rang après le secteur des transports pour les investissements civils directs de l’Etat, avec 1,7 milliard d’autorisations de programmes nouvelles et une augmentation des crédits de paiement de l’ordre de 13 %. Elle a enfin annoncé que des mesures substantielles avaient été prévues en faveur des personnels, avec plus de 70 millions de crédits indemnitaires et statutaires prévus pour 1999.

S’agissant des conditions de mise en œuvre des politiques judiciaires, elle a souligné que la plupart des mesures innovantes en matière pénale serait financée au titre du chapitre des frais de justice, dont les crédits se montent à 1 milliard 776 millions de francs pour 1999, soit une hausse de 121 millions de francs et une mesure nouvelle de 42 millions de francs. Elle a fait observer que cette hausse devrait permettre l’amélioration du contrôle judiciaire socio-éducatif, des enquêtes sociales ou de personnalités, le développement des alternatives aux poursuites avec la médiation pénale et les classements sous condition ainsi que la relance de la politique pénale d’aide aux victimes prévue par une circulaire du 13 juillet 1998.

S’agissant de la lutte contre la délinquance des mineurs, elle a expliqué que le Gouvernement avait arrêté ses orientations lors du Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998, à la suite des travaux réalisés par la mission conduite par Madame Christine Lazerges et Monsieur Jean-Pierre Balduyck, une circulaire ayant été adressée le 15 juillet 1998 aux parquets. Dans ce cadre, elle a annoncé que 200 délégués des procureurs spécialisés en matière de mineurs seraient recrutés afin d’apporter une réponse à tous les faits de délinquance commis par les mineurs, quelle que soit leur gravité, que les mesures de réparation seraient développées et que les dispositifs d’accueil de jour et d’hébergement seraient améliorés pour permettre de prendre en charge sans délai tous les jeunes adressés par les juges. Elle a par ailleurs fait part de l’accroissement des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse en vue de répondre à l’augmentation du nombre de mineurs interpellés par les services de police et de gendarmerie, passé de 92.000 en 1993 à 126.000 en 1995 et à 154.400 en 1997. Elle a ainsi annoncé qu’une cellule de coordination de l’accueil d’urgence associant le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur associatif habilité et l’aide sociale à l’enfance, en concertation avec les juridictions, serait mise en place dans 26 départements prioritaires. Enfin, elle a informé la Commission que le nombre des dispositifs éducatifs renforcés permettant d’organiser des séjours de rupture pour les mineurs les plus difficiles passerait de treize à vingt d’ici fin 1999. Elle a également indiqué que la protection judiciaire de la jeunesse connaîtrait pour 1999 le plus fort taux annuel d’augmentation de ses effectifs depuis 1982, avec 150 créations d’emplois, dont 113 d’éducateurs et de chefs de service éducatif, et que ses crédits de fonctionnement augmenteraient de 6,8 %, soit une hausse de 19 millions de francs, les crédits d’investissements affectés entre autres à la création de nouveaux foyers d’hébergement et à la rénovation des foyers existants s’élevant pour leur part à 97 millions de francs.

La garde des Sceaux a ensuite précisé les orientations de sa politique vis-à-vis des services pénitentiaires. Rappelant qu’elle avait présenté en conseil des ministres le 8 avril 1998 une communication sur le rôle et la place des services pénitentiaires dans l’amélioration de l’exécution des décisions de justice, elle a déploré la surpopulation carcérale, précisant que le nombre des détenus au 1er juillet 1998 était de 57.458 tandis que la durée moyenne d’incarcération continuait de s’allonger, passant de 7,8 mois en 1996 à 8,1 mois en 1997. Elle a, en outre, fait état de l’augmentation des publics suivis en milieu ouvert avec un effectif de 123.000 personnes en 1997, soit une augmentation de 5 % par rapport à 1996. Annonçant un taux de croissance du budget de l’administration pénitentiaire proche de 6 % avec 344 créations d’emplois dont 220 de personnels de surveillance, elle a indiqué que 11,7 millions de francs seraient consacrés à l’amélioration de la situation indemnitaire ou statutaire de ces personnels. Elle a ensuite précisé qu’elle souhaitait améliorer la prise en charge des détenus tout en développant des alternatives à l’incarcération. S’agissant des conditions de détention, elle a déclaré qu’elle souhaitait généraliser la mise en place d’un projet d’exécution des peines, reconsidérer les conditions de détention des prévenus, améliorer les conditions d’hygiène et l’assistance accordée aux indigents à leur entrée et à leur sortie de prison, maintenir les liens familiaux en réfléchissant à la mise en place des unités de visite familiale pour les établissements de longue peine, augmenter le nombre de postes de surveillants affectés aux quartiers des mineurs, poursuivre la modernisation du parc pénitentiaire avec la construction de trois nouveaux établissements à Lille, Toulouse et Le Pontet, et entamer la rénovation des établissements anciens, dont Fresnes, Fleury, La Santé, Loos et les Baumettes. Enfin, évoquant le développement des alternatives à l’incarcération, elle a considéré que la réforme en cours des services pénitentiaires d’insertion et de probation fondée sur la mise en place d’une organisation unique à compétence départementale et la création de 78 emplois nouveaux pour 1999 devait améliorer le fonctionnement des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires et des comités de probation et d’assistance aux libérés. Elle a, par ailleurs, indiqué que les sites de Metz-Barrès et des Baumettes avaient été retenus pour la réalisation de centres pour peines aménagées qui ont pour objet d’améliorer la prise en charge des détenus de courte peine et a ajouté que des études pour la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique institué par la loi du 19 décembre 1997 étaient actuellement en cours.

Evoquant tout d’abord les crédits budgétaires afférant à la protection judiciaire de la jeunesse, le rapporteur pour avis a souligné que la priorité devrait porter sur le traitement de la délinquance des mineurs et se traduire par la mise en place de réponses judiciaires plus rapides, par le raccourcissement des délais pour l’application des mesures de prise en charge, par l’accroissement du suivi médico-psychiatrique et enfin par l’augmentation du nombre de mesures de réparation. Il a, toutefois, insisté sur le fait que le problème de la délinquance des mineurs était inséparable de celui de l’enfance en danger, ajoutant qu’il devait recevoir une réponse globale associant notamment les parents, lesquels doivent renouer avec leurs responsabilités dans la chaîne de l’autorité. S’agissant des crédits consacrés à l’administration pénitentiaire, il a évoqué l’amélioration de la prise en charge des détenus lors de leur sortie de prison, l’amélioration des conditions de travail des personnels, la nécessaire rénovation d’établissements pénitentiaires trop souvent vétustes et le développement des alternatives à l’incarcération. Le rapporteur a ensuite interrogé la garde des sceaux sur des éventuels recrutements en surnombre afin de compenser les départs en retraite des personnels de surveillance, liés à la bonification du cinquième, estimant, par ailleurs, qu’environ 250 agents de l’administration pénitentiaire, exerçant actuellement des tâches administratives, pourraient être réaffectés à des missions de surveillance. Il a également souhaité connaître le délai d’achèvement de la réforme statutaire des personnels techniques, ainsi que l’état d’avancement de la revalorisation des indemnités des personnels administratifs et de la construction d’un septième établissement pénitentiaire. Après avoir déploré le délabrement et la vétusté des prisons de Lyon, il a souhaité obtenir des précisions sur les réflexions du ministère concernant l’avenir de ces établissements. Enfin, le rapporteur a attiré l’attention de la garde des sceaux sur le dossier de l’extraction des détenus en cas de consultation hospitalière, indiquant que celui-ci devrait, au plus tôt, faire l’objet d’un accord entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice, conformément aux conclusions du rapport confié à M. Guy Fougier.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a rappelé que l’opposition, tout en plaidant pour une stabilisation en francs constants des dépenses publiques, estimait néanmoins que les grandes fonctions régaliennes constituaient une priorité. A cet égard, il s’est interrogé sur l’opportunité de proposer au Parlement une programmation pluriannuelle afin de mesurer les besoins et de planifier les moyens budgétaires correspondant. Reconnaissant que les lois de programmation faisaient l’objet d’une application souvent aléatoire, il a cependant fait valoir que celles-ci constituaient un instrument utile pour les ministères dépensiers au moment des arbitrages budgétaires.

M. Louis Mermaz s’est d’abord félicité de l’augmentation du budget de la justice qui permet de combler une partie du retard accumulé ces dernières années. Tout en approuvant les différentes mesures évoquées par la ministre pour lutter contre la délinquance des mineurs, il a estimé nécessaire de mettre en place un suivi médico-psychologique de cette population. Il a ensuite souhaité savoir si la réforme des cours d’assises était abandonnée. Après avoir considéré qu’il y avait trop de détenus dans les prisons françaises, il a suggéré que l’on réfléchisse aux moyens d’humaniser les conditions de détention des personnes condamnées à perpétuité, faisant valoir que la peine de mort n’avait pas été supprimée pour être remplacée par une “ mort à petit feu ”.

, M. Jean-Luc Warsmann s’est déclaré sceptique sur l’efficacité du budget proposé. Evoquant le nombre de mineurs interpellés, il s’est demandé si les mesures prévues étaient à la hauteur des difficultés que connaissent certains quartiers. Il a, enfin, fait référence au malaise de l’administration pénitentiaire, qui s’est traduit récemment par des mouvements de protestation.

Après s’être félicité de l’augmentation du budget de la justice, M. Alain Tourret a estimé nécessaire que les prévenus puissent, comme les condamnés, disposer de cellules individuelles. Faisant valoir que la justice devait participer à l’aménagement du territoire, il s’est inquiété du fait que les pouvoirs publics envisagent de supprimer des tribunaux et des postes de police ou de gendarmerie dans sa circonscription.

Après avoir fait part de sa satisfaction de voir le budget de la justice augmenter, M. Jacky Darne a néanmoins remarqué que quelques points faibles demeuraient concernant en particulier le suivi des décisions de justice. Il a insisté sur la nécessité de renforcer l’effort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse. Après avoir constaté que la prison n’assurait pas correctement sa fonction de dissuasion et de réinsertion, ce qui conduit à de nombreuses récidives, il a souhaité que soient développées des mesures d’évaluation pour remédier à ces faiblesses du système. Il a ajouté que le suivi psychologique et psychiatrique était nettement insuffisant, jugeant qu’il convenait, là aussi, de prendre les dispositions adéquates.

Considérant que l’établissement pénitentiaire de la Guadeloupe n’était pas suffisamment sûr et soulignant que l’on y observait bon nombre d’évasions, M. Ernest Moutoussamy a demandé à la ministre de lui faire connaître quels étaient les moyens qui pourraient être dégagés pour améliorer cette situation.

Mme Christine Lazerges a exprimé tout d’abord sa satisfaction de voir que, dans la circulaire du 15 juillet 1998, un grand nombre de ses propositions avaient été reprises. Elle a jugé que la création de 200 postes de délégués du Procureur était suffisante pour une première année, soulignant qu’il convenait d’organiser sérieusement leur recrutement et leur formation. En revanche, elle a considéré que la création de 150 postes nouveaux pour la protection judiciaire de la jeunesse était en deçà des véritables besoins qu’elle a évalués à 300 postes. Par ailleurs, relevant la création à Toulouse d’un quartier pour l’emprisonnement des mineurs doté de 50 places, alors que l’effectif maximal devrait être de 25 pour qu’un tel quartier fonctionne dans des conditions satisfaisantes, elle s’est demandé s’il ne s’agissait pas en fait de deux quartiers. Concernant la prison, elle s’est félicitée des moyens mis en œuvre pour une meilleure organisation du temps de détention et a émis le vœu que ces moyens soient également à disposition de la protection judiciaire de la jeunesse au sortir des maisons d’arrêt. Enfin, elle a souhaité savoir si les 3 millions de francs affectés à la médiation familiale permettraient la mise en place de nouvelles associations orientées vers la médiation ou favorisant la réparation.

En réponse aux questions des commissaires, la ministre de la justice a apporté les précisions suivantes sur les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse :

—  Il est nécessaire d’attendre l’évaluation du coût des trois établissements pénitentiaires prévus dans la première tranche du programme de construction pour savoir si le ministère dispose de moyens suffisants pour construire un septième établissement qui, en tout état de cause, ne dépassera pas 400 places, puisque son budget ne peut être supérieur à 300 millions de francs.

—  Les personnels de surveillance, qui exercent un métier très difficile, ne se sentent pas suffisamment reconnus. Il existe sans doute une insuffisance des effectifs mais ce corps connaît également un très fort taux d’absentéisme, reconnu par les syndicats eux-mêmes, qui résulte souvent de l’insuffisance du dialogue social. L’objectif du ministère est de ramener les 200 personnels de surveillance affectés à des tâches administratives à des postes de surveillance dans le cadre du programme de gestion informatisée des détenus en établissement (G.I.D.E.). S’agissant de la compensation des départs anticipés à la retraite, les 502 postes d’élèves-surveillants en surnombre que le ministère vient d’obtenir permettront de régler le problème pour cette année.

—  Concernant la provision de 7,4 millions de francs destinée au régime indemnitaire des personnels administratifs, seul l’accord du ministère de la fonction publique est encore nécessaire pour pouvoir débloquer cette somme, le ministère du budget ayant donné son feu vert.

—  Les extractions pour consultation dans les hôpitaux suscitent de réelles difficultés, les réticences de la police et de la gendarmerie pour assurer la sécurité des escortes étant de plus en plus fortes.

—  Il est difficile d’assurer la visibilité des grandes décisions prises en matière de politique pénitentiaire, personne ne voulant voir ce qui se passe dans les prisons. Il convient cependant de noter qu’une communication a eu lieu en Conseil des ministres le 8 avril dernier et que le Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire s’est réuni cette année pour la première fois depuis douze ans.

—  L’enveloppe financière consacrée à la médiation familiale a été multipliée par deux et les emplois destinés à la protection judiciaire de la jeunesse ont fortement augmenté, mais il est difficile de combler les déficits accumulés les années précédentes.

—  Les dispositifs d’urgence mis en place dans les vingt-six départements prioritaires permettront une meilleure articulation entre les différents services qui concourent à la protection de la jeunesse. La diversification des modes d’accueil, la création des délégués du procureur et les mesures de simplification de la procédure pénale permettront d’apporter une réponse mieux adaptée et plus systématique aux actes de délinquance.

—  Pour être effectives, les mesures de réparation, notamment le travail d’intérêt général, nécessitent la collaboration des collectivités locales. Elles doivent être organisées dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Une réflexion est actuellement en cours avec les présidents de conseils généraux, qui sont chargés de la prévention de la délinquance, pour arriver à une meilleure articulation avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

—  L’éducation nationale a largement contribué à la création de classes-relais. Mais il faut avoir conscience qu’on ne peut pas tout demander à la justice, notamment de régler le problème des incivilités.

*

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la justice pour 1999 concernant les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

ORGANISATIONS SYNDICALES

REÇUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

— U.F.A.P. (Union fédérale autonome pénitentiaire)

— U.S.P. (Union des syndicats pénitentiaires)

— F.O. Personnels de surveillance

— F.O. Personnels administratifs

— F.O. Personnels techniques

— F.O. Personnels de direction

— S.N.E.P.A.P. – F.E.N. (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’éducation pénitentiaire – F.E.N.)

— S.N.P.E.S. – P.J.J. (Syndicat national des personnels de l’éducation surveillée – P.J.J.)

— S.P.J.J. – F.E.N. (Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse – F.E.N.)

— S.N.E.A. – F.O. (Syndicat national d’éducation et d’administration – F.O.)

— S.N.F.O. – P.J.J. (Syndicat national Force ouvrière de la protection judiciaire de la jeunesse)

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