N° 1116

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),

TOME X
EMPLOI et SOLIDARITÉ
VILLE et INTÉGRATION

PAR M. ANDRÉ SANTINI,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe 25)

Lois de finances.

La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Laurent Fabius, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alfred Marie-Jeanne, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Bernard Schreiner, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Alain Veyret, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

I.— UNE POLITIQUE DE LA VILLE EN QUÊTE DE STRUCTURATION 6

A.— UNE POLITIQUE DE LA VILLE EN RECHERCHE DE COHÉRENCE ET DE LISIBILITÉ 6

1. Le bilan en demi-teinte du pacte de relance pour la ville 6

2. Une politique de la ville dispersée dans une multiplicité d’acteurs et d’instruments contractuels 8

a) Des acteurs nombreux aux responsabilités partagées 8

b) Une superposition d’instruments contractuels nuisible à l’efficacité de l’action publique 9

B.— UNE PROGRAMMATION DES RELATIONS ETAT-VILLE EN ATTENTE DE CLARTÉ ET DE MODERNITÉ 12

1. Du rapport Sueur à l’annonce d’une politique rénovée 12

a) Les conclusions du rapport Sueur 12

b) Vers une relance de la politique de la ville 14

2. Une modernisation des contrats de ville encore différée 16

II.— DES CHOIX PARFOIS CONTESTABLES EN DÉPIT D’UN EFFORT BUDGÉTAIRE RÉEL 20

A.— UN EFFORT SUBSTANTIEL EN FAVEUR DE LA CONCEPTION ET DE L’ANIMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 23

B.— LES ACTIONS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 24

1. Le Fonds interministériel d’intervention pour la ville 24

2. Le Fonds social urbain 25

3. Les grands projets urbains 25

4. Les opérations “ville-vie-vacances” 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

Mesdames, Messieurs,

Votre rapporteur avait regretté que le projet de loi de finances pour 1998 n’accorde pas à la politique de la ville des crédits proportionnés à l’étendue de ses missions.

La nomination d’un ministre délégué à la ville au printemps dernier, dont les crédits du département progressent de plus de 30 % pour atteindre le seuil symbolique du milliard de francs, ne peut qu’être saluée comme rendant justice, avec quelque retard, à la pertinence des critiques adressées l’année dernière.

Votre rapporteur est donc en droit d’espérer que les observations que lui inspire le projet de loi de finances pour 1999 seront entendues dans un moindre délai.

Les moyens budgétaires, si abondants soient-ils, ne sont qu’un instrument au service d’une politique. Au-delà des annonces symboliques, force est malheureusement de constater que la volonté fait défaut et que la relance de la politique de la ville est encore différée.

Le constat, parfois sévère, dressé par le rapport Sueur ne semble pas donner lieu à une véritable réflexion sur la modernisation des procédures et des financements, dans le sens d’une plus grande liberté mais aussi d’une plus grande responsabilité des collectivités territoriales. Au contraire, la perspective qui se dessine est celle de la pérennisation d’outils contractuels dont les faiblesses sont fréquemment relevées par les observateurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre rapporteur ne peut vous inviter à donner un avis favorable à l’adoption des crédits pour 1999 du ministère de la ville.

I.— UNE POLITIQUE DE LA VILLE EN QUÊTE DE STRUCTURATION

A.— UNE POLITIQUE DE LA VILLE EN RECHERCHE DE COHÉRENCE ET DE LISIBILITÉ

1. Le bilan en demi-teinte du pacte de relance pour la ville

Le pacte de relance pour la ville, mis en place par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, est le fruit d’une volonté de réduire les inégalités à travers une politique de discrimination positive, organisée selon trois axes principaux : retour de l’activité et de l’emploi dans les quartiers défavorisés, renforcement de la paix publique et amélioration des conditions de vie quotidienne.

Le dispositif des zones franches urbaines (ZFU) fonctionne depuis le 1er janvier 1997. Il fait aujourd’hui l’objet d’une évaluation approfondie par la délégation interministérielle à la ville1, qui sera complétée par le bilan des dix-huit premiers mois d’application demandé à une mission conjointe de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale de l'administration et de l’Inspection générale des affaires sociales.

Les zones de redynamisation urbaine (ZRU), au nombre de 416 à l’heure actuelle, offrent aux entreprises qui s’y implantent la possibilité de bénéficier, sous certaines conditions, d’une série d’exonérations fiscales et sociales :

– exonération de la taxe professionnelle durant cinq ans sur la totalité de la base imposable, dans une limite fixée à un million de francs par entreprise et par an ;

– exonération d’impôt sur le bénéfice dégressive pendant cinq ans (100 % pendant les deux premières années, puis 75 %, 50 % et 25 %) ;

– exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

– réduction des droits de mutation sur les fonds de commerce ;

– exonération des charges sociales patronales pour les cinquante premiers salariés pendant un an .

Le tableau ci-dessous récapitule les pertes de recettes et compensations versées aux collectivités territoriales et organismes sociaux concernés, imputables aux exonérations bénéficiant aux zones de redynamisation urbaine et aux zones franches urbaines.

DÉPENSES FISCALES ET SOCIALES ET EXONÉRATIONS
Source : ministère de la ville (données provisoires)

(en millions de francs)

En AP ou DO

LFI 1997

LFI 1998

PLF 1999

ZONES DE REDYNAMISATION URBAINE

     

Exonération d’impôt sur les bénéfices

340.0

530.0

530.0

Réduction des droits de mutation
sur fonds de commerce

150.0

150.0

150.0

Exonération de T.P. compensée par l’Etat

511.0

525.0

525.6

Exonération de charges patronales
sur les 50 premiers salariés

21.4

62.1

115

TOTAL

1 022.4

1 267.1

1 320.6

ZONES FRANCHES URBAINES

     

Exonération d’impôt sur les bénéfices

180.0

350.0

350.0

Exonération de T.P. compensée par l’Etat

191.5

252.0

252.0

Exonération taxe foncière sur les propriétés bâties

50.0

50.0

50.0

Exonération de charges patronales
sur les 50 premiers emplois

350.0

600.0

600.0

Exonération personnelle d’assurance-maladie
des artisans et commerçants

36.2

40.0

40.0

TOTAL

807.7

1 292.0

1 292.0

TOTAL GENERAL

1 830.1

2 559.1

2 612.6

Outre le coût très élevé de ces aides, insuffisamment protégées par des mécanismes efficaces de lutte contre les effets d’aubaine ou de seuil ou les distorsions de concurrence, votre rapporteur regrette la mise en activité tardive de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), que la complexité des travaux préparatoires à son installation semblerait expliquer2.

2. Une politique de la ville dispersée dans une multiplicité d’acteurs et d’instruments contractuels

a) Des acteurs nombreux aux responsabilités partagées

La politique de la ville souffre de sa dispersion entre plusieurs instances de réflexion et de décision.

La mise en œuvre de la politique de la ville et l’animation de l’action du Gouvernement en ce domaine relèvent du ministre de l’emploi et de la solidarité et, par délégation, du ministre délégué à la ville (décret n° 98-242 du 2 avril 1998). Pour l’exercice de ses attributions, ce dernier dispose des services compétents placés sous l’autorité du ministre de l’emploi et de la solidarité et sollicite, en tant que de besoin, les directions et services des autres ministères qui concourant à la préparation et à la mise en œuvre de la politique de la ville (art. 3 du décret du 2 avril 1998 précité).

Le Comité interministériel des villes, qui associe l’ensemble des ministres concernés par la politique de la ville sous la présidence du Premier ministre, est chargé de définir, animer et coordonner les actions de l’Etat dans le cadre de la politique nationale des villes, avec le concours du Conseil national des villes. Il définit les programmes et les modalités de leur mise en œuvre, répartit les moyens et veille à l’exécution des engagements financiers arrêtés. Il délibère sur les conditions d’emploi des crédits du Fonds social urbain destinés à financer les opérations relevant de la solidarité nationale à l’égard de certains quartiers et zones urbaines.

Le Conseil national des villes, dont la présidence et le secrétariat sont respectivement assurés par le Premier ministre et le délégué interministériel à la ville, est associé à l’élaboration de la politique de la ville et propose des thèmes d’étude et de recherche.

La délégation interministérielle à la ville, placée sous l’autorité du ministre délégué à la ville, a une mission d’impulsion et d’animation qui revêt plusieurs aspects :

– suivi de l’évolution des quartiers et liaison entre les acteurs de terrain et les administrations centrales ;

– impulsion et coordination du travail interministériel ;

– gestion des actions spécifiques (crédits du ministère de la ville, décisions du Comité interministériel des villes, suivi des procédures et des dispositifs, prévention de la délinquance) ;

– animation des réseaux de professionnels ;

– évaluation de la politique de la ville.

Il faut ajouter que le Comité interministériel des villes du 30 juin 1998 a décidé la création d’un organisme supplémentaire, ayant pour vocation essentielle de “ valoriser et diffuser les connaissances et les pratiques ” et dénommé “ Institut pour la ville ”.

b) Une superposition d’instruments contractuels nuisible à l’efficacité de l’action publique

Les procédures concourant à la politique de la ville sont aujourd’hui au nombre de cinq : contrats de ville, conventions de sortie des opérations de quartiers du Xème plan, conventions de PACT urbains, contrats d’action et de prévention pour la sécurité et grands projets urbains.

Les contrats de ville ont pris le relais à partir de 1994 d’une dizaine d’années de politique contractualisée du développement social urbain, avec une double préoccupation :

– situer la lutte contre l’exclusion dans les quartiers à l’échelle de l’ensemble de l’agglomération, sans abandonner toutefois les interventions au niveau des quartiers eux-mêmes, qui avaient constitué l’essentiel de la politique de développement social des quartiers des IXème et Xème plans ;

– simplifier cette politique et en accroître l’efficacité, en proposant aux maires concernés une procédure unique étroitement articulée avec la planification régionale.

Associant l’Etat, les maires (ou les présidents des établissements de coopération intercommunale) et parfois les représentants d’autres organismes (conseils régional et général, caisse d’allocations familiales, HLM, Caisse des dépôts et consignations) autour d’un programme quinquennal, les contrats de ville s’organisent dans la plupart des cas autour des préoccupations centrales du développement social urbain — aménagement et habitat, développement économique, citoyenneté et prévention de la délinquance et amélioration des services au public — et doivent en principe constituer le cadre contractuel unique des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales pour la durée du XIème plan.

Les 215 contrats aujourd’hui signés, qui concernent 215 agglomérations, 750 communes et près de 1 300 quartiers3, traduisent ces préoccupations en démarches plus concrètes :

– rénovation du cadre de vie, depuis la réfection des bâtis et de l’environnement des quartiers jusqu’aux problèmes de leur desserte et de l’intégration des minorités ;

– restauration du droit dans les quartiers en difficulté : encouragement aux initiatives de prévention de la toxicomanie, prévention de la récidive, information et soutien aux victimes ou encore protection des lieux sensibles (établissements d’enseignement, lignes de transports publics ou commerces) ;

– présence des services publics mieux adaptée à la réalité des besoins sociaux ;

– soutien à l’intégration des minorités, en partenariat étroit avec les actions conduites par le Fonds d’action sociale ;

– soutien à la création d’emplois dans les quartiers : entreprises d’insertion, utilisation des contrats emploi-solidarité à diverses tâches d’utilité sociale, emplois ville.

Si l’idée d’une approche globale adaptée aux différentes causes et formes de l’exclusion urbaine, la souplesse de l’instrument quant aux territoires retenus, aux contenus et aux signataires et la volonté d’une approche décentralisée ont été saluées comme autant d’éléments positifs, l’expérience prouve que le dispositif rencontre certaines limites :

– la globalité recherchée est souvent restée à l’état d’esquisse ou de velléité : des considérations locales ont fréquemment fait obstacle au passage d’une logique de quartier à celle d’agglomération, au point que certains ont parlé d’un “ échec presque général de l’élaboration des contrats de ville à une échelle d’agglomération pluri-communale ”4 ;

– les contrats ont été mis en place après un diagnostic souvent superficiel et se sont fixé des objectifs imprécis ;

– le dispositif a parfois glissé d’une logique de partenariat à une logique de guichet, le contrat de ville étant considéré comme une clé de financement des actions propres au lieu d’être un instrument de synergie entre institutions complémentaires ;

– la procédure s’est révélée excessivement lourde.

Les conventions de sortie des opérations de quartier du Xème plan, qui visent à terminer dans de bonnes conditions les opérations amorcées à la période précédente, concernent 57 quartiers.

Les conventions de programmes urbains d’aménagement concerté du territoire (PACT) ont pour objet de mettre en place sur les sites en proie à de graves difficultés économiques et sociales liées à la fin d’une mono-activité structurante (mines, sidérurgie, textile), des programmes globaux de développement économique, d’aménagement du territoire et de lutte contre l’exclusion sociale : 26 agglomérations ou bassins d’emploi sont concernés pour la durée du XIème plan.

Les contrats d’action pour la prévention et la sécurité dans la ville (CAPS) signés entre l’Etat et les communes partenaires, instituent dans le cadre des conseils communaux ou intercommunaux de prévention de la délinquance des programmes triennaux de prévention associant les collectivités territoriales, certains services déconcentrés (police, justice) et les intervenants du champ social et éducatif.

Les grands projets urbains, au nombre de 13 aujourd’hui, ont enfin pour vocation de maîtriser le développement d’un quartier, notamment du point de vue de sa structuration urbaine :

“ Un grand projet urbain se fixe comme objectif majeur la réinsertion urbaine. Il s’agit pour l’Etat de donner une impulsion décisive pour changer l’image de ces quartiers et les réinsérer dans leurs villes, en agissant sur l’aménagement urbain et le développement économique local. Il faut traiter d’urbanisme, d’habitat, d’économie, d’emploi, de transport, de services publics. ”5

Il convient d’ajouter à ces instruments, qui concernent la politique de la ville au sens large, les dispositifs à finalité économique.

Les zones de redynamisation urbaine (ZRU) ouvrent droit au bénéfice d’une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pendant douze mois pour les embauches jusqu’au cinquantième salarié.

Les zones franches urbaines (ZFU) permettent aux entreprises de moins de cinquante salariés qui s’y sont implantées d’obtenir une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pendant soixante mois.

Il faut enfin mentionner, sans être exhaustif, les dispositifs propres à certains ministères :

– zones d’éducation prioritaire (ZEP) du ministère de l’éducation nationale ;

– projets locaux d’animation jeunesse (PLAJ) et contrats locaux d’animation, de sport, d’expression et de responsabilité (LASER) ayant vocation à fusionner dans le contrats local éducatif et social (CLES), distincts du dispositif d’aménagement des rythmes de l’enfant et du jeune (ARVEJ) reformulé dans le cadre du nouveau contrat éducatif local (CEL) ;

– programmes locaux de l’habitat (PLH) et opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) du ministère de l’équipement, des transports et du logement.

B.— UNE PROGRAMMATION DES RELATIONS ETAT-VILLE EN ATTENTE DE CLARTÉ ET DE MODERNITÉ

1. Du rapport Sueur à l’annonce d’une politique rénovée

L’actuel Gouvernement a confié à M. Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans, une mission de réflexion et de propositions sur l’avenir de la politique de la ville, dont les objectifs sont développés par une lettre de mission en date du 9 septembre 1997 :

“ Les agglomérations urbaines se sont beaucoup transformées en quelques décennies. Le développement de quartiers périphériques où se sont, trop souvent, concentrées toutes les difficultés de la société est allé de pair avec des interrogations sur l’évolution des centres-ville. L’organisation commerciale et économique s’est opérée selon de nouveaux critères qui appellent de nouvelles réflexions sur les transports et les déplacements (…).

“ Que ce soit dans le domaine éducatif, social, culturel ou économique, les difficultés rencontrées par certains territoires dans nos villes et leurs habitants nécessitent des interventions spécifiques de la part des pouvoirs publics. Vous examinerez quelles pourraient être les politiques d’urbanisme, de logement, d’éducation, de prévention, de sécurité qu’il importe de développer sur ces territoires. Vous examinerez comment doit être assurée la cohérence des politiques publiques et rechercherez quel doit être le niveau territorial compétent pour assurer cette cohérence. Il s’agira notamment, au regard des champs de compétences des diverses collectivités publiques, de réfléchir aux évolutions souhaitables dans la mise en œuvre des politiques sectorielles et de leurs moyens spécifiques pour une meilleure efficacité. ”

Les propositions du rapport Sueur ont ouvert la voie au Comité interministériel des villes du 30 juin dernier, qui marque le départ d’une relance annoncée de la politique de la ville.

a) Les conclusions du rapport Sueur

La politique de la ville s’est structurée autour des notions de “ géographie prioritaire ” et de “ discrimination positive ”. Le bilan dressé par le rapport Sueur souligne l’échec relatif des politiques récentes à lutter contre les déséquilibres urbains.

L’analyse des prestations publiques dans les sites concernés par la politique de la ville, rapportées à des moyennes nationales ou aux niveaux de services rendus ailleurs, révèle des situations très contrastées. Une analyse quantitative met même en évidence dans certains cas une discrimination négative, correspondant à une situation de sous-dotation relative.

En matière de police, le rapport Picq avait ainsi dénoncé une forte inégalité de traitement au détriment des zones suburbaines :

“ La France dispose d’une des plus fortes densités policières d’Europe (1 policier ou 1 gendarme pour 384 habitants). Mais ces moyens sont mal répartis : la surdensité à Paris et dans les zones rurales laisse certaines zones urbaines et surtout suburbaines dramatiquement démunies. ”

Lors du colloque “ Des villes sûres pour des citoyens libres ” d’octobre 1997, M. Gilles Sanson, inspecteur général de l’administration, en a précisé les modalités en analysant

“ le manque d’adéquation satisfaisant entre la répartition des forces de police et la géographie criminelle (...).

“ Les disparités d’effectifs entre les zones aux besoins pressants (petite et grande couronne parisienne, quartiers sensibles...) et d’autres qui le sont indéniablement moins, n’ont pas été encore totalement comblées.

“ Cela se vérifie en masses, mais aussi dans le détail, à l’image du rapport entre les OPJ [officiers de police judiciaire] et celui de l’ensemble des personnels dont dispose chaque unité de police ou de gendarmerie : il est très défavorable aux services de police urbaine placés en première ligne dans les villes et les banlieues et qui ont à gérer le plus de faits délictueux.

“ Malgré des rigidités certaines — l’inélasticité du volume global de moyens, des freins catégoriels et politiques qui ne sont pas anodins et des inévitables viscosités de gestion — des avancées ont été réalisées en matière de redéploiement, mais celles-ci restent sans doute très en-deçà des arbitrages et des basculements que l’urgence et l’impératif d’égalité devant l’insécurité commandent. ”

En matière de justice, Mme Mireille Ballestrazzi, directeur régional de la police judiciaire de Montpellier, a souligné lors de ce colloque l’inadéquation entre la répartition des effectifs et les besoins. L’inadaptation de la carte judiciaire a, au demeurant, été analysée de longue date : en 1994, le rapport Carrez calculait que la population desservie par chaque tribunal de grande instance présentait un écart de 1 à 31 (1 à 20 en excluant Paris), alors que pour les tribunaux d’instance le rapport était de 1 à 90. Selon cette étude, la densité géographique des juridictions, au lieu d’être adaptée aux besoins actuels, correspond largement à “ des réalités démographiques, économiques et sociales disparues ” reflétant encore, dans certaines régions, “ le réseau des places fortes et des villes médiévales ”.

Le rapport montrait que les moyens de la justice sont très inégalement répartis sur le territoire, privilégiant Paris et les petites juridictions au détriment notamment des tribunaux de la périphérie parisienne. Les moyens disponibles ne sont pas davantage corrélés au taux de délinquance qu’à la population : ainsi, en région parisienne, le Val d’Oise est à la fois le département où le taux de criminalité est le plus élevé (après Paris) et celui où le nombre de magistrats du siège, du parquet et de fonctionnaires de justice par habitant est le plus faible.

C’est non seulement la proximité de la justice qui est en cause, mais aussi sa qualité :

“ Les écarts sont d’une telle ampleur et leurs conséquences sur le travail des juridictions si importantes qu’il faut considérer que la justice n’est d’ores et déjà pas rendu uniformément sur le territoire français. ”

Le service public de l’emploi ne semble pas exempt de déséquilibres6 :

“ Alors que, compte tenu de leurs handicaps, il apparaîtrait légitime que les quartiers en difficulté bénéficient, en matière d’emploi, d’une densité d’aide et de services supérieure à la moyenne, force est de reconnaître que c’est plutôt la situation opposée qui prévaut. La discrimination n’est pas positive, mais négative, au moins pour toutes les actions ouvrant un accès direct à l’emploi.

“  Cette situation s’explique sans doute, en partie, par la faiblesse de l’implantation de l’Agence nationale pour l'emploi dans les quartiers en difficulté. Dans ce domaine, la mission considère qu’il existe aussi un déséquilibre au détriment des banlieues. ”

Dans le cas de La Poste, entreprise de service public, les écarts sont particulièrement accusés entre les zones urbaines et les zones rurales, puisqu’il y a en Lozère un bureau de poste pour 900 habitants et un pour 15 000 habitants en Seine-saint-Denis. Sur les 17 000 bureaux du réseau, 58 % se trouvent en milieu rural (communes de moins de 2 000 habitants) et regroupent 35 % du personnel, alors que 25 % sont situés dans les communes de 2 000 à 10 000 habitants et 17 % dans les villes de 10 000 habitants et plus, qui rassemblent 50 % de la population française.

Au sein même des zones urbaines, les zones sensibles sont comparativement mal desservies : seuls 431 bureaux de poste sont localisés à l’intérieur des périmètres des zones urbaines sensibles délimitées par le Pacte de relance, qui regroupent 4,7 millions d’habitants.

b) Vers une relance de la politique de la ville

Le Comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par le Premier ministre, a été l’occasion pour le Gouvernement de présenter ses nouvelles orientations pour la politique de la ville. Il s’agit, selon les termes employés par le ministre de l’emploi et de la solidarité, d’un “ grand chantier sur plusieurs années, qui ne peut se résumer à une somme d’actions, mais veut s’affirmer comme un projet cohérent et global, un projet de société ” qui doit répondre à la question suivante : “ quelle forme auront les villes au XXIème siècle ? ”

Le Premier ministre a assigné quatre objectifs principaux à cette politique rénovée : refonder et garantir le pacte républicain sur tout le territoire, renforcer la cohésion sociale dans les villes, mobiliser autour d’un projet collectif et construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.

La refondation et la garantie du pacte républicain sur l’ensemble du territoire répond au souci d’apporter une réponse “ globale et territorialisée ” à une crise urbaine caractérisée par un niveau de chômage élevé, par la paupérisation et la précarisation des habitants des quartiers sociaux, par une progression inquiétante de la violence et de l’insécurité dans les cités, les écoles ou les transports.

Evolution des actes de violence recensés
Source : ministère de la villle (pour 1998, données du 1er semestre annualisées)

La crise urbaine étant “ la conséquence de mutations économiques et sociales profondes qui s’inscrivent dans le contexte de villes déchirées par l’urbanisme des grands ensembles (…), les réponses (…) [passent] nécessairement par une approche politique et globale de long terme ” redonnant au service public “ son rôle d’intégration dans le corps social, tout en réaffirmant le sens de la citoyenneté dans les droits qu’elle ouvre mais aussi les obligations qu’elle crée. ”

Le renforcement de la cohésion sociale dans les villes constitue un deuxième objectif prioritaire :

“ Concilier [les] différentes logiques suppose de ne pas traiter seulement les quartiers en difficulté, mais de penser globalement et sur le moyen terme le développement social, urbain et économique de chaque agglomération, dans une logique de développement durable, afin de rechercher les moyens de mieux y vivre ensemble. Ce projet est celui d’une ville équilibrée, territoire de mixité urbaine et sociale, favorisant la mobilité et les échanges entre les habitants et entre les quartiers, une ville dont chaque habitant, homme ou femme, quelle que soit sa situation, n’est pas affecté dans ses choix, ses aspirations et les opportunités de travail, de loisirs, qui se présentent à lui par le quartier dans lequel il vit. ”

La politique de la ville se doit, en troisième lieu, de mobiliser autour d’un projet collectif à travers une mobilisation de l’ensemble des acteurs qui la structurent — Etat, collectivités territoriales, bailleurs sociaux et gestionnaires de services publics.

Construire un “ nouvel espace démocratique avec les habitants ” représente le quatrième enjeu de l’action publique. La Gouvernement entend ainsi encourager “ au-delà de notre système de représentation et sans modèle préconçu, les démarches qui permettent d’associer les habitants au devenir de leur ville : initiatives associatives et projets éducatifs visant à entretenir le lien social, interpellation des services publics et des autorités municipales et étatiques sur les problèmes liés à l’environnement et au cadre de vie ou encore formes plus abouties d’expression et de participation, comme les actions de médiation ou les projets de quartiers. ”

2. Une modernisation des contrats de ville encore différée

Afin de préparer le lancement de la nouvelle génération de contrats de ville appelée à s’insérer dans le cadre des contrats de plan Etat-région conclus pour la période 2000-2006, le Gouvernement a arrêté le 11 septembre dernier une liste de quinze sites pilotes en métropole, au terme d’un bilan des contrats actuels.

A l’occasion de cette expérimentation, dont les travaux débutent à l’heure actuelle et doivent durer neuf mois (afin de permettre la signature des contrats de ville pilote à compter du deuxième semestre 1999), le Gouvernement a été conduit à préciser les axes structurants de la démarche qu’il a engagée.

Le premier objectif des sites pilotes est de prendre en compte l’ensemble des enjeux de la crise urbaine et de penser le développement de la ville dans sa globalité, afin d’enrayer la dynamique de ségrégation sociale. Outre les actions visant à faciliter la vie quotidienne — accompagnement social, service public, culture, éducation — relevant du quartier et de la commune, le contrat de ville doit être l’instrument d’une structuration de la solidarité intercommunale en matière de politique du logement, de croissance économique et de transports.

Le deuxième axe consiste à renforcer la place des acteurs locaux au sein de la politique de la ville. Les pouvoirs publics souhaitent notamment privilégier les projets élaborés à l’échelon local, à travers une identification des quartiers prioritaires reposant sur une proposition des maires concernés.

Le troisième objectif consiste à mieux assurer l’implication des habitants à tous les niveaux d’élaboration et de mise en œuvre du projet.

Enfin, la mise en place de ces opérations pilotes doit être l’occasion d’une simplification administrative des procédures de financement7 et d’une évaluation du projet menée en continu.



SITES PILOTES POUR LA PRÉPARATION

DES NOUVEAUX CONTRATS DE VILLE

La liste des sites pilotes retenue par le Gouvernement atteste d’une volonté de diversité dans les sensibilités politiques et les situations géographique et démographique des communes participantes.

Amiens

Signé en 1994, le “ contrat de développement social urbain ” est un contrat monocommunal auquel le conseil général de la Somme, non signataire, est toutefois associé par l’intermédiaire d’une convention avec la ville sur des objectifs correspondant à son champ de compétences. Il identifie quatre sites prioritaires : le quartier Nord, Etouvie, le Sud-Est et l’ensemble Renaucourt, Elbeuf, Petit-saint-Jean et Saint-Maurice.

Bastia

Un contrat de ville a été signé en avril 1994 entre l’Etat, la collectivité territoriale de Corse, la ville de Bastia et le Fonds d’action sociale, auxquels le conseil général de Haute-Corse s’est associé en septembre 1994. Les territoires prioritaires d’intervention sont le centre ville et les quartiers Sud.

Boucle Nord 92

Quatre communes (Asnières, Colombes, Gennevilliers et Villeneuve-la-garenne) ayant chacune signé un contrat de ville rassemblent huit quartiers qui constituent un corridor de zones sensibles. Cet ensemble, caractérisé par une forte désindustrialisation et trois priorités (sécurité, emploi et éducation), bénéficie en outre d’infrastructures lourdes et de projets en commun (autoroute A 86, mise en place d’un réseau de tramways, prolongation du métro parisien). L’association des communes, de la régie autonome des transports parisiens (RATP) et des prestataires privés doit permettre d’inscrire l’offre de transport dans le cadre d’un véritable service public urbain.

Grenoble

Le contrat de ville intercommunal Grenoble, Echirolles, Saint-Martin-le-Vignoux, Pont-de-Claix, Eybens, Fontaine, Saint-Egrève, Saint-Martin-d’Hyères a également été signé par le conseils régional et général, le Fonds d’action social, la caisse d’allocations familiales, la Caisse des dépôts et consignations et les bailleurs sociaux. Les quartiers prioritaires des contrats de ville font également l’objet d’un classement en ZUS et ZRU dans le cadre du PACT urbain.

Le mantois

Le mantois constitue un pôle urbain de plus de 100 000 habitants aux franges de la région Ile-de-France et à l’intérieur du bassin de vie et d’emploi de la Seine. Il est aujourd’hui affecté par certaines difficultés économiques, sociales et urbaines dues à la désindustrialisation de la vallée de la Seine, alors que celle-ci a été identifiée comme l’un des pôles de développement dans le cadre du schéma directeur de la région Ile-de-France. Le contrat de ville, signé par six des huit communes du district urbain, a donné lieu à une mise en œuvre dans les communes de Mantes-la-jolie et de Mantes-la-ville. Parallèlement, des moyens substantiels ont été mobilisés dans le cadre des grands projets urbains, des avantages attachés aux zones franches et des crédits européens du PIC-Urban pour requalifier et rééquilibrer l'habitat social, améliorer l’attractivité du Mantois et conduire une politique d’action sociale coordonnée. L’intercommunalité devrait être relancée par l’intégration de la ville de Limay au sein du district urbain.

Les portes de Paris

Les trois communes de Noisy-le-grand, Villiers-sur-Marne et Bry-sur-Marne font partie de la ville nouvelle de Marne-la-vallée. Villiers-sur-Marne a signé un contrat de ville et compte sur son territoire le quartier prioritaire des Hautes-noues. A Noisy, où la municipalité a créé une mission de développement social urbain et une conférence communale du logement, se trouvent deux quartiers classés en zone urbaine sensible (Champs-les-hauts-bâtons et Pavé neuf). Bry-sur-Marne, dont le territoire jouxte les quartiers du Pavé neuf et des Hautes-noues, se trouve naturellement concernée par la démarche de projet intercommunal à développer.

Lille-Roubaix-Tourcoing

Le contrat de ville de l’agglomération lilloise a été conçu dès l’origine comme un “ contrat à géométrie variable ”, dont la souplesse préfigure la capacité du futur contrat de ville à s’adapter aux multiples domaines dans lesquels il sera conduit à intervenir. Le contrat actuel soutient ainsi des projets de dimension communale à l’échelle des quartiers, des opérations intercommunales en matière d’action sociale, de prévention de la délinquance ou d’amélioration du cadre de vie, mais aussi des actions à l’échelle de la communauté urbaine dans son ensemble (habitat, aménagement urbain, transports, développement économique).

Mulhouse

L’intégration urbaine et l’insertion par l’économique constituent les lignes directrices du contrat de ville monocommunal de Mulhouse, qui inclut également le conseil communal de prévention de la délinquance, le plan local d’insertion par l’économique, le PIC Urban, le contrat local de sécurité, le programme “ Cinquante quartiers ” et l’appel à projets “ Partenaires pour la ville ”. La ville a identifié six quartiers prioritaires : deux en ZRU, trois en ZUS et le dernier en zone franche (éligible au PIC Urban).

Orléans

Le contrat intercommunal qui associe Orléans, sept villes partenaires et les conseils régional et général, est marqué par le souci de lutter contre l’enclavement urbain, à travers une politique volontariste en matière de transports publics.

Perpignan

Le contrat de ville signé par le représentant de l’Etat, le maire de la ville, le président de la caisse d’allocations familiales et le délégué régional du Fonds d’action sociale intervient dans un contexte économique et social (présence d’une importante communauté gitane) difficile. Outre un conseil communal de prévention de la délinquance, la ville dispose depuis 1998 d’une zone franche dans le quartier du Vernet et s’intègre dans une communauté de communes.

Poitiers

La ville de Poitiers dispose d’une longue expérience du développement social urbain et la politique de la ville est intégrée au fonctionnement de la municipalité depuis 1994 (à l’échelon du district). La lutte contre les exclusions a conduit à des efforts particuliers du point de vue de la politique du logement, de la prévention de la délinquance (signature d’un contrat local de sécurité), du renforcement des équipements publics dans les quartiers prioritaires et de l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie.

Port-de-Bouc / Martigues

Alors que Martigues ne s’était pas engagée dans la voie d’une politique contractuelle globalisée, la ville de Port-de-Bouc a bénéficié successivement d’un contrat de développement social des quartiers (DSQ) puis d’un contrat de ville signé avec l’Etat et le conseil régional, visant à engager des actions de requalification urbaine et de réhabilitation (Tassy, Les Comtes, Aigues-Douces). Martigues dispose en revanche d’un conseil communal de prévention de la délinquance très actif, sous l’impulsion duquel de nombreuses actions ont été menées au niveau du cadre bâti, du soutien et de l’entraide scolaires, de l’aide aux victimes, de la médiation pénale, des soins aux toxicomanes ou de l’action collective des citoyens.

Rennes

Signé par le préfet de région, le président du district, les maires de Rennes et de Saint-Jacques-de-la-lande, les présidents des conseils régional et général et le Fonds d’action social, le contrat de ville, qui combine une approche thématique et géographique, porte sur les services aux habitants, l’habitat, l’urbanisme, les transports, l’action économique et la prévention de la délinquance (contrat local de sécurité à Rennes). Il bénéficie d’une tradition d’intercommunalité ancienne et solide, adossée au district depuis vingt ans et dotée de moyens spécifiques.

Saint-Dizier

Le seul contrat de ville de la Haute-Marne a été signé par les conseils régional et communal, et désigne quatre quartiers prioritaires — dont l’un est situé en zone franche (Vert-Bois) et l’autre en zone de redynamisation urbaine (Grand-Lachat). La ville, dotée d’un conseil communal de prévention de la délinquance, s’est engagée dans un programme de restructuration de son centre commercial (situé en zone franche) avec l’aide de crédits du FSV et du FEDER.

Créteil, Maisons-Alfort, Alfortville et Bonneuil-sur-Marne

Ces quatre communes bénéficient chacune d’un contrat de ville, et les quartiers prioritaires représentent 16 800 logements. La densité a créé des continuités entre des quartiers appartenant à des communes différentes et conduit à des équipements publics communs, notamment scolaires.

Saint-Denis-de-la-Réunion

La ville a signé l’un des premiers contrats de ville en 1990 puis, au titre du XIème plan et en intercommunalité avec Saint-Marie, un des trois contrats de ville de l’île. Une géographie de six quartiers prioritaires a fait l’objet de cette contractualisation : aujourd’hui, quatre de ces quartiers sont inscrits en ZUS, dont trois figurent en zone de redynamisation urbaine.

Source : Actualités HLM (664), 15 octobre 1998

II.— DES CHOIX PARFOIS CONTESTABLES
EN DÉPIT D’UN EFFORT BUDGÉTAIRE RÉEL

La priorité qu’accorde le Gouvernement aux problèmes de la ville trouve sa traduction dans le niveau très élevé de la croissance de l’effort budgétaire au sein du projet de loi de finances pour 1999.

Les crédits spécifiquement affectés au ministère de la ville, hors éventuels effets de structure, atteignent en effet le seuil symbolique du milliard de francs en moyens de paiement (+ 32,7 % par rapport à 1998) et le dépassent en moyens d’engagement (1,2 milliard de francs, soit une croissance de 26,9 % par rapport à 1998).

Projet de loi de finances pour 1999

Crédits du ministère délégué à la ville

Ce constat favorable doit toutefois être nuancé. La croissance d’ensemble est effet essentiellement due aux dépenses des titres III et IV (dépenses ordinaires), qui progressent de 47,4 %, alors que les dépenses en capital sont stationnaires en autorisations de programme (+ 0,3 %) et régressent même en crédits de paiement (- 0,8 %).

Ces moyens budgétaires constituent le support d’une politique qui se décline en trois axes principaux : développer la conception et l’animation de la politique de la ville, renforcer les actions sectorielles et garantir l’égalité devant le service public.

TABLEAU

A.— UN EFFORT SUBSTANTIEL EN FAVEUR DE LA CONCEPTION ET DE L’ANIMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Le Gouvernement estime nécessaire de renforcer “ les capacités d’animation, de formation, d’ingéniérie et de recherche de la politique de la ville afin d’agir à la fois sur la vie quotidienne dans les quartiers et sur les leviers de l’exclusion au niveau des agglomérations ”. En pratique, cet objectif doit être atteint par le soutien à une série d’actions complémentaires :

– renforcement des moyens du Conseil national des villes ;

– constitution d’un réseau d’échanges entre les ministères et avec les acteurs de terrain ;

– mise à disposition des préfets de crédits d’ingéniérie “ pour les aider à constituer un point de vue de l’Etat sur les territoires concernés, notamment dans les seize sites pilotes préfigurant les futurs contrats de ville ” ;

– création d’un “ Institut pour la ville ” qui sera un “ carrefour d’échanges, de pratiques et de réflexions sur la politique de la ville ”.

L’ensemble des moyens consacrés à la conception et l’animation de la politique de la ville représente un total de 64,8 millions de francs et progressent de 86,1 % par rapport à 1998 (34,8 millions de francs).

Les crédits des structures administratives en charge de la politique de la ville sont substantiellement renforcés. Les moyens de la délégation interministérielle à la ville et du Conseil national des villes passent ainsi de 13 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1998 (dépenses ordinaires) à 19,9 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1999 (+ 52,8 %). Compte tenu d’un abondement des crédits de communication de 1,6 millions de francs, le chapitre 37-60 (moyens de fonctionnement des services en charge de la politique de la ville) hors remboursement des frais de soins de certains appelés progresse donc de 8,5 millions de francs par rapport à 1998.

Votre rapporteur regrette que les finalités et les moyens du futur Institut pour la ville restent entachés d’une grande imprécision. L’intérêt de la création d’une structure administrative supplémentaire ne paraît pas très clair, dès lors qu’elle ne manquerait de venir concurrencer l’actuel Conseil national des villes.

L’article 10 du chapitre 57-71 met à la disposition des préfets des crédits d’ingéniérie dotés à hauteur de 16 millions de francs en crédits de paiement (contre 4 millions de francs en 1998) et 18 millions de francs en autorisations de programme. Votre rapporteur observe à ce propos que la finalité de ces crédits apparaît très imprécise, dès lors qu’il appartient précisément à l’institution préfectorale d’assurer la coordination et la cohérence des actions des services déconcentrés de l’Etat.

Le programme interministériel de formation des acteurs de la politique de la ville finance des dépenses d’animation déconcentrées. Il bénéficie d’une dotation en forte progression relative, puisque les crédits de l’article 20 du chapitre 37-82 sont portés à 14,1 millions de francs contre 4,1 millions de francs en 1998.

B.— LES ACTIONS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

La décision de proroger d’une année les actuels contrats de ville conduit le Gouvernement à devoir dégager des moyens supplémentaires pour en assurer la continuité.

1. Le Fonds interministériel d’intervention pour la ville

Le Fonds interministériel d’intervention pour la ville (FIV) est doté par le projet de loi de finances pour 1999 de moyens figurant à l’article 10 du chapitre 46-60 — 530 millions de francs — et à l’article 20 du chapitre 67-10 —150 millions de francs en autorisations de programme (contre 170 millions de francs en 1998, soit une baisse de 11,8 % par rapport à l’année dernière) et 97 millions de francs en crédits de paiement.

Il a été rappelé ci-dessus que les PACT urbains, pilotés conjointement par la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) et la délégation interministérielle à la ville, constituent un cadre d’action visant à mener simultanément une reconversion industrielle, une restructuration urbaine et un développement social urbain.

La démarche entamée lors du Xème plan a été reconduite par le XIème plan. La circulaire conjointe DIV/DATAR en date du 1er mars 1994 établissait le bilan des actions déjà engagées et précisait les objectifs poursuivis, le contenu des PACT urbains et les modalités de leur financement.

Les objectifs actuels sont dans la continuité de la période précédente, avec le souci d’une meilleure cohérence entre les politiques d’aménagement du territoire et de développement social urbain : 26 sites de PACT constituent le cadre unique d’intervention de ces deux politiques, mettant ainsi fin au cumul des procédures. Dans ce cas, le PACT doit assurer la continuité des actions précédemment engagées au titre du développement social des quartiers et le maintien des équipes de maîtrise d’oeuvre urbaine et sociale (MOUS).

Les PACT urbains ont également pour objet de constituer un cadre de référence pour coordonner pendant cinq ans sur un même territoire un faisceau de politiques publiques d’origine européenne (Fonds social européen, FEDER au titre des objectifs 1 et 2), nationale (ville, aménagement du territoire, environnement, santé, logement, culture) et régionale (développement économique et formation professionnelle).

2. Le Fonds social urbain

Le Comité interministériel des villes du 25 février dernier a arrêté les enveloppes régionales de crédits du FSU pour 1998 déléguées aux représentants de l’Etat dans les régions, soit 108 millions de francs, ainsi que la répartition des crédits afférents à l’appel à projets “ Paysage et intégration urbaine ” dont la principe avait été posé lors du Comité interministériel des villes du 2 juillet 1996.

Parmi les actions engagées à une date récente, il faut mentionner les 2 millions de francs accordés au préfet de la région Ile-de-France pour Noisy-le-grand et la subvention exceptionnelle de 1,5 million de francs accordée à la commune de Montereau-Fault-Yonne par imputation sur l’article 10 du chapitre 67-10 (Comité interministériel des villes du 25 février 1998), ainsi que le versement de 1,2 million de francs à Cergy-Pontoise8.

3. Les grands projets urbains

Dans le champ de la politique de la ville, les grands projets urbains constituent un programme spécifique.

Les treize sites retenus9 ont pour caractéristiques communes, au-delà de leurs éventuelles disparités territoriales, d’inclure dans leur périmètre des quartiers à forte proportion de logements sociaux et de copropriétés dégradées. Ces espaces ont connu un fort accroissement de leurs handicaps urbains, sociaux et économiques au cours des années récentes.

La politique des grands projets urbains vise à réinscrire les quartiers concernés dans une logique de développement territoriale, puisque leur périmètre se définit par référence à un objectif de transformation urbaine et de réinsertion de ces quartiers dans la ville et l’agglomération.

Dans la plupart de ces sites ont été instaurées des zones franches urbaines, des zones de redynamisation urbaine, parfois confortées par le soutien issu du programme d’initiative communautaire Urban.

Le désenclavement exige une série d’actions spécifiques : amélioration du cadre de vie, réorganisation de la trame urbaine, renforcement de l’accessibilité, maintien et développement des activités économiques, implantation et diversification des services. L’Etat a donc été conduit à s’engager de façon substantielle au cours des années récentes.

Les subventions d’investissement accordées par l’Etat aux communes engagées dans une démarche de grand projet urbain figurent à l’article 30 du chapitre 67-10, doté par le projet de loi de finances pour 1999 de 95,2 millions de francs en autorisations de programme (+ 5,8 % par rapport à 1998) et 40 millions de francs en crédits de paiement.

L’expérience a toutefois mis en lumière les difficultés de certaines collectivités territoriales à faire face aux dépenses de fonctionnement induites par le nouvel équipement urbain. L’Etat a donc décidé d’ouvrir au titre IV un ligne budgétaire nouvelle (article 70 du chapitre 46-60) dotée de 45 millions de francs, précisément destinée à aider les communes à subvenir aux charges de cette nature.

4. Les opérations “ville-vie-vacances”

Après les événements survenus dans la banlieue lyonnaise en 1982, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif d’animation estivale pour les jeunes des quartiers en difficulté, successivement dénommé “ opération anti-été chaud ”, “ opération prévention-été ” en 1993 et enfin "ville-vie-vacances" depuis une communication en conseil des ministres du 21 juin 1995.

La circulaire du ministre de l’emploi et de la solidarité du 30 mars 1998 rappelle que ce dispositif, qui concerne 91 départements depuis 1997 (c’est-à-dire la presque totalité du territoire), a pour vocation de prévenir la délinquance et les comportements inciviques pendant les congés scolaires, de revitaliser les quartiers en crise, de favoriser une insertion durable des enfants et adolescents marginalisés et de faire œuvre de solidarité sociale.

D’une manière générale, les activités se rapportent à une offre de loisirs traditionnels. Sur les dix mille projets financés actuellement au titre des opérations "ville-vie-vacances", les activités se répartissent comme suit :

Activités des opérations "ville-vie-vacances"
Source : ministère de la ville

Les grandes tendances marquent une baisse des activités socio-culturelles et sportives traditionnelles et une demande accrue des jeunes en faveur des activités s’exerçant en dehors du cadre de vie quotidien (+ 3,6 % par rapport à 1996).

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 20 octobre 1998, la commission a entendu M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les crédits de son département pour 1999.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, a tout d’abord évoqué les orientations majeures de la politique de la ville, arrêtées par le Gouvernement lors du Comité interministériel des villes (CIV) du 30 juin 1998, ainsi que les principales orientations retenues pour l’année 1999.

Il a fait observer que cette politique, qui vise à garantir le pacte républicain sur l’ensemble du territoire et à répondre au mieux aux préoccupations des habitants, s’inscrit dans une continuité, initiée avec M. Hubert Dubedout et poursuivie avec le rapport présenté par M. Jean-Pierre Sueur. Elle doit être aujourd’hui renforcée et réorientée : tel est le sens du comité interministériel du 30 juin dernier, qu’a présidé le Premier ministre et qui a entendu donner un nouvel horizon, une nouvelle ambition à une politique de la ville désormais âgée de près de 15 ans. C’est le chantier du XXIème siècle.

L’enjeu principal consiste à enrayer la montée de l’intolérance, à renouveler la confiance des citoyens à l’égard du projet démocratique et de l’action publique, à lutter contre l’abstention et l’extrémisme. La crise urbaine que nous connaissons est marquée par le développement de la violence à propos de laquelle le ministre s’est déclaré inquiet, par la multiplication des incivilités et des délits que commettent des adolescents, parfois des enfants. Cette délinquance des mineurs, leur difficulté à vivre leur citoyenneté, a été bien analysée dans le rapport présenté par deux députés, Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck, et ne peut que susciter l’inquiétude. Pour autant, il faut se garder de faire l’amalgame entre violences et banlieue, comme cela a été parfois fait avec les casseurs des manifestations lycéennes. Les jeunes des banlieues étaient comme les autres dans la manifestation, réclamant de meilleures conditions d’éducation.

Les actes de violence doivent être sanctionnés, mais la véritable réponse à la crise urbaine viendra d’un traitement préventif et à la base du problème de l’exclusion et de la “ ghettoïsation ” de certains quartiers.

La politique de la ville doit être renforcée. Beaucoup de Français avaient jusqu’à maintenant le sentiment de vivre mal dans les quartiers ; désormais, la volonté de changer le cours des choses est la plus forte, notamment avec la croissance retrouvée. C’est donc maintenant qu’il faut consentir les efforts, car le sentiment de ne pas profiter du regain de croissance dans les quartiers peut accroître la fracture sociale et conduire à la désespérance. Le Parlement a montré, à cet égard, sa détermination en adoptant des textes sur les “ emplois-jeunes ” ou sur la lutte contre les exclusions. Quant au Gouvernement, il a engagé des programmes majeurs tels que les contrats locaux de sécurité, la réforme des zones d’éducation prioritaire ou la baisse de la TVA pour le logement social.

L’Etat se doit d’assurer l’égalité devant le service public sur tout le territoire et de répondre aux préoccupations des habitants touchant à l’éducation, à la sécurité ou à l’emploi. La réalisation de cet objectif essentiel suppose le renforcement de la déconcentration – en d’autres termes, que les diverses administrations coordonnent leurs actions sous l’impulsion d’un Etat-stratège – mais aussi de la décentralisation, car beaucoup de décisions doivent être prises par les élus locaux au plus près du terrain. A cet égard, le fait que le Parlement ait décidé de consacrer un milliard de francs supplémentaires à la dotation de solidarité urbaine (DSU) constitue un symbole, qui devra être suivi d’autres décisions permettant de promouvoir une solidarité réelle entre communes riches et pauvres. Mais il importe aussi d’assurer le développement d’une véritable démocratie, ressentie comme un besoin par tous les acteurs concernés.

Le Gouvernement a décidé de proroger en 1999 les actuels contrats de ville, afin de préparer une nouvelle génération plus ambitieuse dans le cadre de la prochaine contractualisation Etat-régions (2000–2006). Quinze sites pilotes en métropole et un site pilote dans les départements et territoires d’outre-mer ont été retenus pour préfigurer les futurs contrats de ville. Ces nouveaux contrats, qui entreront en vigueur en l’an 2000, s’appuieront sur les réformes introduites par les projets de loi sur l’intercommunalité et l’aménagement et le développement durable du territoire prochainement soumis à la discussion du Parlement.

M. Claude Bartolone a ensuite détaillé les crédits du ministère de la ville et fait remarquer que l’augmentation de plus de 32 % prévue pour les crédits spécifiques était sans précédent depuis la création d’un ministère de la ville.

Le franchissement du seuil du milliard de francs constitue à cet égard un symbole fort. Le budget de la ville sera en outre abondé par 485 millions de francs supplémentaires en provenance du Fonds pour l’aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) et des différents ministères contributeurs au Fonds interministériel d’intervention pour la ville (FIV).

L’année 1999 ne sera pas une année de transition, mais une année d’expérimentations concrètes permettant de préparer une génération plus ambitieuse de contrats de ville. Le ministre a fait part de son intention de proposer aux présidents de conseils régionaux et généraux d’inscrire une action commune dans le cadre de conventions intermédiaires. Le récent communiqué de l’Association des présidents de conseils généraux faisant état de la volonté de ces derniers d’être de véritables acteurs de la politique de la ville, apparaît à cet égard comme un élément très positif.

Le budget de la ville pour 1999 présente trois  priorités. La première concerne le renforcement des capacités d’animation et d’ingénierie des institutions en charge de la politique de la ville, qui bénéficient de 30 millions de francs supplémentaires (c’est-à-dire une hausse de 86 % par rapport à l’année dernière). La Délégation interministérielle à la ville (DIV) voit son rôle d’impulsion conforté alors que le Conseil national des villes (dont la composition a été renouvelée et dont la vice-présidence est assurée par deux parlementaires, Gilles de Robien et Laurent Cathala) sera renforcé pour jouer un rôle utile de conseil et de réflexion. Enfin, la création d’un Institut pour la ville, structure à faible coût, permettra de capitaliser les recherches interdisciplinaires et de développer les échanges avec les divers acteurs de terrain. Un second souffle était incontestablement nécessaire quinze ans après les premières réalisations de la politique de la ville.

Le deuxième volet important de la nouvelle politique — le soutien des initiatives locales et des expérimentations — bénéficiera de crédits en hausse de 30 %, à hauteur de 191 millions de francs. L’essentiel de ces moyens supplémentaires sera affecté au financement d’actions menées dans le cadre des contrats de ville ou des Grands projets urbains (GPU). Les actions soutenues s’inscriront dans le cadre des orientations retenues par le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 et notamment de ces trois grandes priorités que sont l’emploi, la sécurité et l’éducation. Les crédits d’investissement serviront à accompagner des opérations exemplaires de construction-démolition et non de simples destructions, rompant ainsi avec les réalisations parfois spectaculaires d’un passé récent qui conduisaient à disperser la misère sociale sans y apporter de réponse cohérente.

Une nouvelle ligne budgétaire, dotée de 45 millions de francs, doit aider les communes investies dans un grand projet urbain à faire face aux dépenses de fonctionnement qu’un tel projet appelle. Enfin, les opérations “ ville, vie, vacances ” bénéficient de crédits supplémentaires pour les territoires et les publics les plus en difficulté.

Le dernier volet retenu pour le budget de la ville pour 1999 concerne l’égalité devant le service public, pour laquelle les crédits prévus sont en progression de 24 millions de francs, soit + 32 % par rapport à l’année dernière. Ces moyens nouveaux n’ont pas pour seul objet de financer l’implantation de services publics dans les quartiers, mais aussi d’aider à la modernisation du réseau existant. Un large partenariat est, sur ce point, recherché avec les collectivités territoriales et d’autres prestataires tels que la Poste afin de faire émerger une dynamique commune, au service de la lutte contre les exclusions.

Au delà des seuls crédits spécifiques du ministère, qui par leur souplesse et leur fongibilité sont souvent le ciment des milliers de projets sur le terrain, c’est la progression d’un tiers de l’effort global consacré à la politique de la ville qui montre la volonté d’ensemble du Gouvernement. Celui-ci passera de 23 milliards de francs en 1998 à 31 milliards de francs en 1999, et devrait atteindre les 35 milliards de francs mentionnés par le rapport Sueur à mi-chemin des prochains contrats de ville.

M. André Santini, rapporteur pour avis des crédits de la ville, a estimé que la croissance soutenue des crédits du ministère de la ville dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, rendait implicitement justice aux observations critiques qu’il avait formulées l’année dernière. L’augmentation de l’effort public en faveur de la politique de la ville de 23,9 milliards de francs l’année dernière à 31,3 milliards de francs aujourd’hui ou les crédits exceptionnels débloqués par la Caisse des dépôts et consignations en faveur des quartiers les moins favorisés ne peuvent qu’être salués.

Il a ensuite présenté une série d’observations.

Il a tout d’abord déploré que la croissance des crédits du ministère de la ville ne s’appuie que sur la progression des dépenses de fonctionnement au détriment des crédits d’investissement. Dans le prolongement du rapport Sueur, il a estimé que la lisibilité de l’action publique exigerait le dépôt d’une loi de programmation pluriannuelle, qui pérenniserait les principales orientations de l’action de l’Etat.

Il s’est interrogé sur la nécessité d’adjoindre au comité interministériel de la ville (CIV), au conseil national des villes CNV) et à la délégation interministérielle à la ville (DIV) un nouvel Institut pour la ville alors même que la plupart des observateurs s’accordent à appeler la mise en place d’un guichet unique des interventions publiques en faveur de la ville. La relance de l’action de la DIV lui paraît également d’une urgence incertaine.

Il a interrogé le ministre sur le bilan qu’il dresse de l’action des maisons de la justice et du droit, eu égard à la faiblesse des moyens dont elles disposent.

S’agissant des zones franches, aujourd’hui au nombre de 44 sur l’ensemble du territoire, il a estimé qu’un bilan de leurs actions et de leur insertion dans la multiplicité des dispositifs de soutien aux quartiers en difficulté (associations intermédiaires, régies de quartiers, etc.) s’impose, et s’est interrogé sur l’opportunité de réaliser un audit à leurs propos.

Il a enfin appelé l’attention du ministre sur l’extinction progressive de l’aide qu’apportent les appelés du service national, au nombre de 12 000 en 1997 et de 2 500 en 1998. Il a notamment souhaité savoir si les emplois-jeunes seraient susceptibles d’en prendre le relais.

Il a conclu en laissant la commission de la production et des échanges libre de son jugement sur les crédits soumis à son appréciation.

En réponse aux propos du rapporteur, le ministre a apporté les éléments d’information suivants :

– l’effort particulier consenti en faveur des crédits de fonctionnement s’explique par la nécessité d’apurer des crédits d’investissement non encore consommés en fin de contrat de plan. Par ailleurs, l’expérience démontre que des investissements financés dans le cadre des grands projets urbains (GPU) induisent des dépenses de fonctionnement que les communes intéressées ont parfois du mal à couvrir ;

– s’agissant du dépôt d’une loi de programmation, il a souligné que ce type d’instrument est souvent privé de contenu du fait des contraintes tenant à l’annualité budgétaire ;

– l’articulation des compétences entre l’Institut pour la ville et le conseil national des villes ne soulève pas de difficultés particulières : alors que celui-là se voit confier la responsabilité d’une animation s’appuyant sur des réseaux déjà existants (associations d’élus ou d’universitaires), celui-ci a vocation à être un lieu d’échanges entre l’Etat et les représentants des collectivités territoriales. La DIV représente l’instrument pertinent de mobilisation des acteurs engagés dans la politique de la ville et il lui semble nécessaire d’en redéfinir les missions afin d’en accroître l’efficacité ;

– les maisons de la justice et du droit ont été créées pour renforcer une justice de proximité, seule à même de lutter efficacement contre la petite délinquance et de rapprocher le juge du citoyen. Elles s’appuient sur un financement partenarial auquel participent la justice (informatique, greffiers), la DIV (installation) et les collectivités territoriales (locaux et fonctionnnement courant). Les informations dont il dispose renvoient l’image d’une institution bien perçue par la population, comme l’attestent les nombreuses demandes de création déposées au ministère de la justice ;

– le ministre a rappelé sa réticence de principe au système des zones franches urbaines (ZFU), tout en admettant la nécessité de maintenir la continuité de l’action de l’Etat en dépit des alternances politiques. Par nature, la politique de la ville est une politique de structure qui a besoin de temps et de pragmatisme. Un rapport a été demandé à l’Inspection générale des finances, à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale de l’administration pour en évaluer les effets (emplois créés, phénomènes de délocalisation, effets pervers), ensuite seront décidées, le cas échéant, les mesures de correction qui pourraient s’imposer. Il a rappelé néanmoins la nécessité d’inscrire la politique de la ville dans une approche économique, en direction d’acteurs qui en étaient traditionnellement absents, telles les chambres consulaires ;

– s’agissant enfin de l’appoint représenté par les appelés du service national, il a indiqué que la plupart de leurs tâches seront susceptibles d’être reprises, et peut-être pérennisées, dans la cadre quinquennal des emplois-jeunes, dont le coût pour les structures concernées n’est pas supérieur à l’indemnité versée aux “ appelés ville ”.

Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus.

S’agissant des zones franches, M. Patrick Rimbert a contesté la pertinence de certains critères fondant la délimitation des périmètres. Cette situation n’est pas saine car elle permet parfois à des intervenants de bénéficier d’un effet d’aubaine et génère des distorsions de concurrence au détriment des personnes déjà installées.

Il a par ailleurs déploré l’importance des inégalités entre communes riches et pauvres et estimé que la solidarité entre celles-ci devrait jouer d’abord au niveau de l’agglomération. A cet égard, il a souhaité que soient définis le plus tôt possible les dispositifs relatifs à la taxe professionnelle d’agglomération.

Il a appelé à davantage de clarté dans l’attribution des aides et de garanties au plan financier afin de mieux soutenir les projets qui pâtissent aujourd’hui de délais de paiement trop importants.

Il a demandé que le financement des seize sites pilotes expérimentés ne se fasse pas au détriment des contrats de ville existant et s’est interrogé sur la redéfinition du contenu et du rôle des bureaux de poste et des maisons de la justice et du droit.

Il a enfin évoqué les projets de loi qui seront prochainement examinés par le Parlement, relatifs à l’intercommunalité et à l’aménagement durable et au développement du territoire, s’interrogeant sur leur articulation avec la politique de la ville.

Mme Annette Peulvast-Bergeal, tout en se réjouissant de la politique volontariste conduite par le ministre, a déclaré partager les réserves exprimées précédemment à propos des zones franches.

Relevant la difficulté des relations entre la population, les collectivités et les élus dans les zones particulièrement difficiles, où même les structures associatives intermédiaires font défaut, elle a salué les déclarations du ministre en faveur du développement d’une démocratie participative, tout en souhaitant obtenir un appui et des conseils sur les moyens de sa mise en œuvre.

Elle a également interrogé le ministre sur l’état de sa réflexion, s’agissant de l’évolution de l’emploi des fonds structurels européens.

Elle s’est enfin prononcée en faveur d’une simplification des financements de la politique de la ville, nécessaire pour améliorer son efficacité.

M. François Brottes a tout d’abord salué la cohérence de la politique et le pragmatisme du ministre délégué à la ville. Contestant certaines critiques parfois exprimées à l’encontre de l’efficacité de la politique d’implantation de services publics dans les villes, il a estimé que celle-ci se développait globalement dans de bonnes conditions, s’agissant notamment de l’ouverture de bureaux de la Poste.

Citant l’exemple de la région Rhône-Alpes, il a par ailleurs dénoncé la politique de désengagement financier conduite par certains conseils régionaux. Il a demandé à ce propos comment l’Etat pourrait aider les communes pénalisées par la défaillance de leur partenaire régional, qui s’oppose à la bonne exécution des contrats qu’elles ont signés.

Souscrivant aux orientations annoncées, M. Jean-Claude Daniel a interrogé le ministre sur la nouvelle géographie de la politique de la ville, en mettant l’accent sur les zones “ rurbaines ”. Après avoir rappelé que les villes petites ou moyennes insérées dans un tissu rural étaient souvent exclues de la contractualisation mais menaient une politique de la ville active, à travers les contrats locaux de sécurité, les missions locales d’insertion ou les chartes environnementales, il a souhaité savoir si leurs actions seraient reconnues et pourraient être soutenues dans le cadre des futurs contrats prévus pour la période 2000-2006.

Soulignant que le projet de budget pour 1999 marquait la volonté de développer la politique de la ville à une autre échelle, M. Michel Vaxès a estimé qu’il fallait se garder d’opposer l’effort de fonctionnement et l’effort d’investissement.

Il a indiqué que sa propre expérience de quatorze ans de contractualisation montrait que l’accompagnement social nécessitait la présence d’équipements sportifs et culturels. Après avoir fait observer que la reconquête de la ville passait par la requalification urbaine autant que par la réhabilitation des logements, l’introduction de l’activité économique dans les quartiers en difficulté, la démocratie participative et la réalisation d’équipements publics, il a demandé des précisions sur l’augmentation des crédits globaux de la politique de la ville, en relevant que sur les 31,3 milliards de francs inscrits dans le projet de loi de finances, 3 milliards de francs seulement seraient consacrés aux opérations de démolition-reconstruction (au titre de l’enveloppe de la Caisse des dépôts et consignations de 10 milliards de francs pour 3 ans).

Il a également mis l’accent sur la nécessité de développer l’action interministérielle et jugé positif, à cet égard, de créer un lien entre contrats de ville et contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006.

M. Stéphane Alaize, intervenant à son tour à propos des zones “ rurbaines ”, a souhaité savoir si les actions actuellement menées dans les villes moyennes pourront se poursuivre en 1999. Après avoir relevé que les contrats de ville venant à échéance avaient permis de constater que tous les partenaires n’avaient pas toujours respecté leurs engagements, il a plaidé pour que les zones “ rurbaines ” soient prises en compte dans les futurs contrats de ville et souhaité à cette occasion une simplification des circuits financiers, facilitant le montage des dossiers et améliorant la lisibilité des actions.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a donné les indications suivantes :

– s’agissant de la redéfinition des périmètres des zones franches urbaines, il a rappelé que la circulaire du 30 juin 1998 permet au représentant de l’Etat de proposer les aménagements qui lui sembleraient nécessaires en vue d’éviter des distorsions inopportunes pour prendre en compte en particulier les deux côtés des rues bordant le périmètre ;

– le problème de la solidarité intercommunale constitue le cœur du texte qui sera présenté au Parlement au début de l’année 1999. La reconstruction de la ville impose en effet de sortir de périmètres d’intervention dans les quartiers dont l’expérience a prouvé l’étroitesse. La création d’une véritable mixité urbaine et sociale ne peut conduire à la concentration des interventions publiques sur certaines villes, les mêmes ne pouvant accueillir l’ensemble des investissements locatifs sociaux. La sélection des sites pilotes s’est précisément opérée en fonction de leur insertion dans une coopération intercommunale développée. La mise en oeuvre des politiques structurantes (transports, développement économique, infrastructures, équipements, logement) inscrites dans le cadre des contrats de plan Etats-régions doit être articulée avec la politique de la ville et les contrats de ville ;

– les inquiétudes sur les avantages dont bénéficieraient les quinze sites pilotes métropolitains doivent être dissipées. La volonté du Gouvernement est bien de renforcer l’ensemble des moyens affectés aux contrats de ville, quoique les sites pilotes bénéficient naturellement de financements complémentaires pour les aider à inventer les procédures innovantes qui préfigureront les futurs contrats de ville ;

– la présence des services publics dans les quartiers défavorisés sera confortée à travers le dispositif des plates-formes communes de service public dont la généralisation doit permettre d’éviter le sentiment d’abandon trop souvent constaté dans les zones défavorisées. La convention que l’Etat a signée avec La Poste en constitue une illustration manifeste ;

– le ministre s’est dit en accord avec la préoccupation de renforcer la démocratie participative à l’échelon du quartier mais a observé que celle-ci ne se décrète pas. Au-delà des circulaires et de recettes miracles qui n’existent pas, il s’est dit soucieux d’adopter l’approche plus modeste qui convient, celle de l’enseignement tiré des pratiques les plus innovantes ;

– le désengagement de certains exécutifs régionaux n’est pas acceptable et des rapports ont été demandés aux représentants de l’Etat à ce sujet. En toute hypothèse, le choix par un exécutif territorial d’opérer une discrimination entre ses engagements dans le cadre d’un contrat de plan qu’il a signé avec l’Etat ne peut être accepté ;

– enfin, les axes de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville ne sont pas arrêtés aujourd’hui, dans l’attente des propositions que feront à ce sujet les représentants de l’Etat. Il faut à l’évidence éviter un zonage excessif, toujours traumatisant. Comme l’a dit le ministre de l’intérieur, “ la politique de la ville ne doit pas être l’alibi de l’absence de politique ministérielle ou locale au profit des habitants des quartiers en difficulté ” ;

– les crédits d’investissements prévus pour 1999 atteignent ceux inscrits en 1998 mais la priorité, avant une nouvelle étape de la politique de la ville à partir de 2000, est d’apurer les crédits d’investissement accordés dans le passé.

Pour éviter une dérive libérale à l’américaine, le ministre a conclu qu’il fallait inventer une politique de la ville intelligente et ambitieuse vecteur du renouveau du pacte républicain.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la ville pour 1999.

1 Cette évaluation constituera un élément de référence pour le rapport prévu à l’article 45 de la loi du 14 novembre 1996.

2 Les articles 25 à 28 de la loi du 14 novembre 1996 ont confié à l’EPARECA la mission essentielle d’aider au remembrement des commerces et locaux artisanaux dans les sites urbains en difficulté et l’ont doté à cette fin de pouvoirs d’intervention étendus. Il est actuellement financé par une enveloppe budgétaire de 130 millions de francs, issue du produit de la taxe additionnelle sur les grandes surfaces — qui alimente également le Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC).

3 Chiffres tirés du rapport de Jean-Pierre Sueur, “ Demain la ville ”, Rapport au ministre de l’emploi et de la solidarité, 13 février 1998, p. 121.

4 Jacques Donzelot et Philippe Estebe, “ Réévaluer la politique de la ville ”, décembre 1997, cité par Jean-Pierre Sueur, op. cit., p. 126.

5 Comité interministériel des villes du 22 février 1994.

6 Inspection générale des affaires sociales, Rapport d’enquête sur l’implication des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle dans la politique de la ville, mars 1996.

7 A l’issue du CIV du 30 juin dernier, un groupe de travail national a d’ailleurs été installé à cette fin.

8 Ce versement correspond à la deuxième tranche d’une subvention de 1,8 million de francs sur deux ans accordée par le Comité interministériel des villes du 30 avril 1997.

9 Ces treize sites sont Argenteuil, Aubervilliers/La Courneuve/Saint-Denis, Aulnay-sous-bois, Clichy-sous-bois/Monfermeil, Epinay-sur-Seine, Gennevilliers, Grigny/Viry-Châtillon, Le mantois (Mantes-la-jolie, Mantes-la-ville, Buchelay), Marseille, Meaux, Roubaix/Tourcoing/Croix/Wattrelos, Vaulx-en-Velin et Vénissieux.

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