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le 9 novembre 1998

N° 1111

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR
LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n°1078),

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur Général,

Député.

--

ANNEXE N° 20
EMPLOI ET SOLIDARITÉ
AFFAIRES SOCIALES

Rapporteur spécial :
M. Pierre FORGUES

Député

____

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Lois de finances.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, président ; Didier Migaud, rapporteur général ; Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents ; Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Alain Belviso, Christian Bergelin, Éric Besson, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 5

I.- LA GESTION DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ EN 1997 ET EN 1998 9

II.- LES MOYENS ACCORDÉS AUX INTERVENANTS 13

A.- LES ÉTABLISSEMENTS NATIONAUX POUR JEUNES SOURDS
 ET AVEUGLES 13

1.- La subvention de fonctionnement 13

2.- La subvention d'investissement 14

B.- LE SERVICE NATIONAL DES OBJECTEURS DE CONSCIENCE 14

C.- LA FORMATION DES PERSONNELS SOCIAUX 19

1.- Les aides aux centres de formation 20

a) Les subventions de fonctionnement 21

b) Les subventions d'investissement 22

2.- Les aides financières aux étudiants en travail social 23

D.- L'INNOVATION SOCIALE 23

III.- LES POLITIQUES SOCIALES 25

A.- LES PERSONNES HANDICAPÉES 25

1.- L'allocation aux adultes handicapés 27

2.- Les établissements 29

3.- La tutelle et la curatelle d'État 32

4.- L'action sociale 34

5.- Des progrès à accomplir 35

a) Les enfants handicapés 35

b) L'accès aux loisirs 37

B.- L'INSERTION 39

1.- Le revenu minimum d'insertion 39

2.- Les centres d'hébergement et de réadaptation sociale 41

3.- L'aide médicale 42

4.- Les dépenses d'intervention 44

5.- L'insertion par l'économique 46

6.- Les autres dépenses d'aide sociale obligatoire de l'État 46

a) L'aide sociale 46

b) Les allocations diverses et supplémentaires 47

c) Le règlement de dépenses à des pays étrangers 48

C.- LA FAMILLE ET L'ENFANCE 48

1.- L'allocation de parent isolé 48

2.- L'action sociale en faveur de la famille et de l'enfance 49

D.- LES PERSONNES ÂGÉES 49

1.- L'action sociale 49

2.- La transformation des établissements d'hébergement 50

3.- L'amélioration des retraites agricoles se poursuit 51

4.- Les exonérations dans le secteur des aides à domicile ont été rationalisées 53

E.- L'INTÉGRATION 55

1.- Les dispositifs de portée générale 55

2.- Les dispositifs destinés aux réfugiés 56

F.- LES DROITS DES FEMMES 57

G.- LES SUBVENTIONS À CERTAINS RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE 58

1.- Le régime des mineurs 58

2.- La protection sociale de l'outre-mer 59

EXAMEN EN COMMISSION 62

A.- AUDITION DES MINISTRES 63

B.- EXAMEN DES CRÉDITS 81

ARTICLE 82 : Prise en charge par l'État du financement de l'allocation
de parent isolé
85

ARTICLE 83 : Limitation à 60 ans de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés pour les allocataires relevant de l'article L.821-2 du code de la sécurité sociale 89

INTRODUCTION

Ceux qu'il est convenu d'appeler les " exclus " seront-ils également les laissés pour compte du retour de la croissance et de la baisse du chômage ?

Deux services du ministère de l'Emploi et de la Solidarité ont récemment effectué un étude conjointe dans laquelle ils mettent en lumière " la chronicisation inquiétante et massive de la pauvreté dans notre pays ". Un ménage sur dix, pour s'en tenir à des indicateurs d'ordre purement monétaire, vivrait en dessous du seuil de pauvreté, soit 3.700 francs par mois pour une personne seule. Près de 3,2 millions de personnes bénéficient aujourd'hui de minima sociaux, soit une population couverte de près de 6 millions de personnes.

Votre Rapporteur considère que la seule véritable solution de fond au problème de l'exclusion est le retour à une croissance durable et créatrice d'emplois. La nouvelle majorité crée les conditions nécessaires à la croissance et à la création d'emplois par sa politique économique et fiscale, mais aussi par sa politique de l'emploi (trente-cinq heures, emplois-jeunes).

En attendant, le Gouvernement tient ses engagements en matière de lutte contre les exclusions : non seulement il a mis en place un programme d'urgence, mais il a mené à bien l'adoption d'une loi d'orientation, dont le financement est assuré par le projet de budget pour 1999.

Un programme d'urgence : dès le mois de janvier dernier, un décret d'avance a dégagé un milliard de francs pour les fonds d'urgence sociale (FUS), abondés - souvent à due concurrence - par les collectivités locales et destinés à apporter une réponse financière immédiate aux personnes et aux familles en situation de détresse grave. Cette opération a été mise en place très rapidement, les montants ayant été délégués aux préfets, qui ont institué des missions d'urgence sociale, associant des représentants des organismes sociaux et des collectivités locales. À la fin de l'été, 814.000 demandes avaient été déposées et 584.000 aides déjà versées, pour un montant moyen de 1.600 francs par aide. 180.000 demandes ont été rejetées et 56.000 ont été réorientées vers d'autres guichets.

Bien que les besoins soient permanents - 83 % des demandeurs mettant en avant une insuffisance durable de ressources -, ce dispositif, qui est désormais clos, ne pouvait avoir qu'un caractère provisoire.

L'article 154 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions confie à l'État et aux départements le soin de créer des commissions de l'action sociale d'urgence (CASU) chargées d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés. La coordination des dispositifs d'aide engagée avec les FUS sera ainsi préservée et les nouvelles demandes d'aides seront orientées vers les dispositifs de droit commun.

Une loi adoptée : le projet de loi de " renforcement de la cohésion sociale ", longtemps promis par la précédente majorité, n'a pu être mené à terme, dans des conditions qu'il n'est pas nécessaire de rappeler, mais qui ont montré que des " expériences " de nature plus politique avaient pu interrompre brutalement l'examen d'un texte aussi fondamental. La nouvelle majorité, quant à elle, a adopté un ensemble de mesures cohérent et exhaustif, la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Votre Rapporteur aura souvent l'occasion de revenir sur différents aspects de cette loi et, pour une présentation plus générale, il ne peut que renvoyer à l'excellent travail pédagogique accompli par les trois rapporteurs de notre Assemblée et intitulé " Contre l'exclusion : une loi, quarante-trois mesures concrètes " (rapport d'information n° 1062).

Une loi financée : nombre de lois, quel que soit l'enthousiasme qui ait présidé à leur adoption, achoppent sur une absence de moyens financiers. Tel ne sera pas le cas de la loi d'orientation. Dès 1998, une provision de 225 millions de francs avait été constituée sur le chapitre 44-76 du budget des charges communes. Elle a été répartie par arrêté du 28 septembre dernier au profit de trois budgets :

· solidarité et santé (155 millions, dont 17 millions pour les services communs, 102 millions pour la solidarité et 36 millions pour la santé), votre Rapporteur renvoyant, sur ce point, aux développements qu'il consacrera ultérieurement à l'exécution du budget pour 1998 (p. 11) ;

· emploi (40 millions), pour les primes des contrats de qualification (formation en alternance) ;

· logement (30 millions), à destination des fonds de solidarité logement départementaux (FSL).

Conjuguée à des redéploiements, cette répartition a donc permis de financer la loi en 1998. En outre, pour le seul budget de la solidarité, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit 414 millions de francs de mesures nouvelles, ainsi réparties :

LOI D'ORIENTATION CONTRE LES EXCLUSIONS

MESURES NOUVELLES (1999)

(en millions de francs)

Formation des travailleurs sociaux

52

Mobilisation des fonds d'aide aux jeunes dans le cadre du TRACE

120

Renforcement de l'appui social individualisé

100

Accroissement de l'accueil en résidences sociales

80

Extension du dispositif de veille sociale

40

Équipement des centres d'hébergement et de réadaptation sociale

22

Total

414

Source : projet de loi de finances.

*

* *

Le budget de la solidarité est composé, pour près de 85 %, par les trois allocations prises en charge par l'État que sont le revenu minimum d'insertion, l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation de parent isolé. Par conséquent, une part significative (de l'ordre de 70 %) de la progression globale du budget de la solidarité résulte simplement de l'évolution du montant et du nombre des bénéficiaires de ces allocations.

Ceci étant, le projet de budget pour 1999 respecte les engagements financiers qu'implique la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. En même temps, il poursuit ou renforce les interventions venant à l'appui des différentes politiques sociales.

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I.- LA GESTION DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ
EN 1997 ET EN 1998

En cours d'exécution, les crédits du budget de l'action sociale et de la solidarité (section II du budget du travail et des affaires sociales) pour 1997 ont progressé de 0,8 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Hors transferts et répartitions, l'augmentation s'élève à 1,1 %. Enfin, les crédits de dépenses ordinaires disponibles en 1997 étaient supérieurs de 2,68 % à ceux de 1996. Le tableau ci-dessous permet d'identifier les causes de ces évolutions :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS AU COURS DE L'EXERCICE 1997

(en millions de francs)

 

Dépenses
ordinaires

Dépenses
en capital

Total
(crédits de paiement)

Crédits ouverts en loi de finances initiales

61.022,3

424,1

61.446,4

Mesures positives

617,0

107,0

724,0

· Reports

362,7

88,0

450,7

· Loi de finances rectificative

185

19,1

204,1

· Fonds de concours

50,1

-

50,1

· Décret de virement

18,5

-

18,5

· Transferts

0,7

-

0,7

Mesures négatives

- 380,4

- 41,5

- 421,9

· Annulations

- 163,9

- 41,5

- 205,4

· Transferts

- 109

-

- 109

· Répartitions

- 89

-

- 89

· Décret de virement

- 18,5

-

- 18,5

Crédits disponibles nets

61.258,9

489,6

61.748,5

Source : rapport du contrôleur financier.

Il en ressort que les reports ont constitué le premier facteur d'accroissement des crédits au cours de l'exercice 1997. On relève en particulier 179 millions de francs sur le chapitre 46-21 (RMI) - ne représentant toutefois que 0,7 % de la dotation initiale) - et 126 millions de francs de reports de fonds de concours sur les chapitres 47-21 (programmes d'action sociale de l'État) et 46-23 (dépenses d'aide sociale obligatoire).

Une loi de finances rectificative est venue, comme en 1996, pallier les insuffisances de la loi de finances initiale, les ouvertures ayant porté sur 185 millions de francs, ainsi répartis :

· 110 millions de francs afin d'ajuster les dotations aux besoins pour la contribution de l'État au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), soit une hausse de 0,5 % du chapitre 46-92, justifiée par l'augmentation du nombre des bénéficiaires ;

· 75 millions de francs, soit 37,2 % du chapitre 37-01, afin de remédier au retard pris dans le remboursement aux organismes d'accueil des frais de prise en charge des objecteurs de conscience. Il faut d'ailleurs relever que la loi de finances rectificative a prévu une dotation supplémentaire de 215 millions de francs, tous ministères confondus, l'inscription directe d'une partie de cette dotation sur les budgets des ministères concernés autres que celui de l'Emploi et de la Solidarité permettant de raccourcir le délai de versement aux organismes d'accueil, qui reste cependant trop long ;

· 20,1 millions de francs en autorisations de programme et 19,1 millions de francs en crédits de paiement au bénéfice du chapitre 66-20  (subventions d'équipement social) ; il ne s'agissait en fait que d'un changement de nomenclature destiné à prendre en compte le fait que le bénéficiaire de ces crédits, à savoir l'institut national de jeunes sourds de Paris, se voyait confier la maîtrise d'ouvrage des opérations correspondantes.

Les arrêtés d'annulation du 9 juillet et du 19 novembre, en contrepartie, ont porté sur 205,4 millions de francs :

· 136,5 millions de francs au titre de la subvention au régime spécial de retraite des mineurs (chapitre 47-23, article 10), la hausse des transferts de compensation ayant pour incidence de minorer cette subvention d'équilibre ;

· 22,5 millions de francs sur le chapitre 66-20 (subventions d'équipement social), touché par la régulation budgétaire ;

· 18,5 millions de francs sur le chapitre 56-10 (équipement des établissements nationaux), correspondant à l'ouverture précédemment évoquée sur le chapitre 66-20 ;

· 15,8 millions de francs sur le chapitre 46-23, justifiés par les économies constatées sur les dépenses de fonctionnement des centres d'aide par le travail (CAT) ;

· 11,6 millions de francs sur différents chapitres de dépenses ordinaires, consolidant les mesures de gel antérieures : établissements nationaux à caractère social (chapitre 36-21), formation des professions sociales (chapitre 43-33) et innovation sociale (chapitre 44-01).

Les transferts (109 millions de francs) décrivent l'abondement du budget de la ville par les chapitres 47-21 et 47-22 du budget de l'action sociale et de la solidarité. Quant aux répartitions effectuées en cours d'exercice (89 millions de francs), elles ont toutes porté sur le chapitre 37-01 (service national des objecteurs de conscience), à destination des différents ministères concernés.

En 1997, comme de coutume, les taux d'engagement de la quasi totalité des lignes ont été proches de 100 %, ce qui illustre souvent des conditions d'exécution extrêmement tendues.

Enfin, s'agissant de l'exécution de la loi de finances pour 1998, aucune mesure de gel n'est intervenue, contrairement à ce qui s'était produit au cours des exercices précédents.

Le décret d'avance du 16 janvier est même venu renforcer le chapitre 47-21 (programmes d'action sociale) afin de financer les mesures d'urgence prises par le Gouvernement au début de cette année. 1 milliard de francs ont ainsi été prévus à cet effet (cf. p. 5).

Par ailleurs, un arrêté du 28 septembre a réparti la provision de 225 millions de francs inscrite au budget des charges communes au titre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. 102 millions de francs ont ainsi bénéficié au budget de la solidarité proprement dit et, plus précisément :

· 85 millions pour le chapitre 47-21, c'est-à-dire la veille sociale, les résidences sociales, les fonds d'aide aux jeunes (30 millions) dans le cadre du programme TRACE (trajet d'accès à l'emploi), l'appui social individualisé (30 millions), etc. ;

· 17 millions pour la formation, soit 13 millions pour le financement de la croissance de 10 % des effectifs formés à compter de septembre et 4 millions pour l'amélioration de la filière supérieure en travail social.

Une annulation de 2,4 millions de francs en autorisations de programme est intervenue par arrêté en date du 8 juillet, portant sur 0,6 % des montants inscrits au chapitre 66-20 (subventions d'équipement social) ; il s'agissait d'autorisations datant de plus de quatre ans ou constituant des restes d'opérations achevées. En revanche, le décret d'avance du 21 août a ouvert 0,5 million de francs de crédits en autorisations de programme et en crédits de paiement sur ce même chapitre, correspondant à une rectification suite à une imputation erronée sur le budget de l'intérieur.

Enfin, un arrêté du 4 juin a permis le report de 22,6 millions de francs de crédits de 1997 sur 1998, principalement sur le chapitre 46-23 (dépenses d'aide sociale obligatoire). Par ailleurs, 37 millions de francs de crédits du chapitre 37-01 (service national des objecteurs de conscience) ont été répartis au profit des ministères concernés par un arrêté en date du 12 mars.

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II.- LES MOYENS ACCORDÉS AUX INTERVENANTS

Une partie du budget de la solidarité correspond à des crédits destinés à certains des intervenants des politiques sociales. Outre les moyens de fonctionnement des administrations sanitaires et sociales, traditionnellement examinés avec les crédits de la santé publique, il faut mentionner les subventions aux établissements nationaux pour jeunes sourds et aveugles, la contribution au service national des objecteurs de conscience, les aides à la formation des professions sociales ainsi que les crédits de l'innovation sociale.

A.- LES ÉTABLISSEMENTS NATIONAUX POUR JEUNES SOURDS
 ET AVEUGLES

Le budget de la solidarité comprend à la fois une subvention de fonctionnement, qui couvre les rémunérations et la formation des enseignants, et une subvention d'investissement.

Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution des subventions à ces établissements depuis 1993.

ÉTABLISSEMENTS NATIONAUX POUR JEUNES SOURDS ET AVEUGLES (1993-1999)

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Subventions de fonctionnement

68,6

71,9

75,5

76,8

74,8

70,8

76,0

Subventions d'équipement

             

l autorisations de programme

12,4

17,2

5

1

2

19,2

21,7

l crédits de paiement

6,2

13,2

1,5

0,3

21,5

9,3

20,6

Total (DO + CP)

74,8

85,1

77

77,1

96,3

80,1

96,6

Source : budgets votés et projet de loi de finances.

1.- La subvention de fonctionnement

Inscrite au chapitre 36-81, article 91, elle était d'un montant de 70,8 millions de francs en 1998. Elle progressera de 5,2 millions de francs en 1999 (+ 7,3 %), grâce à deux mesures positives : un ajustement pour compenser le prélèvement exceptionnel sur fonds de roulement effectué en 1998 (4 millions de francs) ainsi que la transposition de l'accord salarial dans la fonction publique (+ 1,3 million de francs).

2.- La subvention d'investissement

21,7 millions de francs en autorisations de programme (+ 13,2 %) et 20,6 millions de francs en crédits de paiement (+ 122 %) sont inscrits pour 1999 au chapitre 66-20, article 60. La subvention d'investissement sert actuellement à financer l'opération de réhabilitation de l'institut national de jeunes sourds de Paris, d'un montant total de 75,4 millions de francs. Le chantier, qui a débuté en septembre dernier, devrait durer quatre ans. Compte tenu des montants engagés, aucun autre financement n'est prévu pour les autres instituts nationaux.

B.- LE SERVICE NATIONAL DES OBJECTEURS DE CONSCIENCE

L'accroissement régulier du nombre des objecteurs de conscience a été interrompu depuis le début de l'année 1996 par l'annonce de la mise en _uvre de la réforme du service national. Ce recul s'est confirmé en 1997, les demandes étant, au 31 décembre, inférieures de 43,3 % par rapport à 1996. L'évolution du nombre des appelés incorporés en 1997 a été comparable (- 33 %). Il faut toutefois noter que près d'un million de jeunes ayant atteint l'âge de dix-huit ans avant 1997 restent astreints aux obligations nationales d'ici 2002, en fonction des reports d'incorporation auxquels ils ont accès pendant quatre ans. Tous ont le droit de se déclarer objecteur de conscience et sans doute plusieurs milliers exprimeront cette volonté.

La répartition des 9.445 objecteurs de conscience en poste au 15 mars 1998 était la suivante :

RÉPARTITION DES OBJECTEURS DE CONSCIENCE (MARS 1998)

Affaires sociales et office national des forêts

5.097

Jeunesse et sports

1.515

Enseignement supérieur

970

Environnement

618

Agriculture

450

Culture

392

Éducation nationale

277

Urbanisme

66

Économie et finances

41

Justice

19

Total

9.445

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Par rapport à 1997, certaines administrations perdent plus de 40 % de leur contingent (éducation nationale, jeunesse et sports), tandis que d'autres sont relativement épargnées par cette baisse (agriculture, enseignement supérieur, culture). Services de l'État, collectivités locales ou associations agréées à l'échelon départemental, ce sont aujourd'hui 5.670 structures qui offrent des postes de travail à ces appelés.

Leur entretien était intégralement assuré, jusqu'en 1996, par l'État, sur la base de 55 francs par jour pour la nourriture et de 16 francs par jour pour le logement, ces taux n'ayant pas été revus depuis 1984. Cependant, pour les contingents affectés postérieurement au 15 janvier 1997, il a été décidé que les structures d'accueil pourvoiraient à ces prestations ou verseraient aux appelés une indemnité mensuelle d'un montant de 1.700 francs. Demeurent donc à la charge du chapitre 37-01 du budget de la solidarité la solde quotidienne spéciale dont bénéficient les appelés militaires de seconde classe (17,90 francs), une indemnité d'habillement et d'entretien (1.800 francs), les remboursements de frais de santé et de transports ainsi que l'organisation des séances médico-administratives d'incorporation et de libération des recrues.

Les structures d'accueil avancent les sommes prises en charge par l'État, soit désormais une moyenne de 3.000 francs par mois et par objecteur. On relèvera d'ailleurs qu'elles sont les seules à avancer le montant de la solde qui est pourtant due à tout appelé dans le cadre du service national. Restent à leur charge, outre les frais de nourriture et de logement, l'ensemble des frais d'organisation, particulièrement la tâche de formation qu'elles assument, soit au titre des activités exercées par l'objecteur, soit même au titre de son insertion.

Qu'on le veuille ou non, l'objection de conscience est l'une des modalités du service national obligatoire pour tous les jeunes nés avant 1979. Il serait donc logique et juste que l'État assure la totalité de son financement. Votre Rapporteur s'étonne que l'on ait pu revenir sur ce principe, ce qui le conduit à s'interroger sur ce qui a pu motiver une telle décision : s'agissait-il de simples motifs budgétaires ou entendait-on décourager les structures d'accueil et les candidats au statut d'objecteur ?

Au-delà même de cette notion d'obligation, il est pour le moins surprenant de voir le peu de cas que l'on fait des objecteurs de conscience, alors même que la réflexion sur le volontariat est en cours et que l'Union européenne a adopté, sous l'impulsion de la Commissaire chargée de l'éducation, de la formation et de la jeunesse, un ambitieux programme de " service volontaire européen pour les jeunes ". Doté de 47,5 millions d'écus pour 1998 et 1999 (315 millions de francs), il permettra à environ 10.000 jeunes âgés de 18 à 25 ans de travailler dans des secteurs tels que le social, la culture ou l'environnement. Les crédits communautaires couvrent la participation, à hauteur de 50 %, aux différents frais (indemnité, assurance, hébergement, nourriture, formation, transports, gestion administrative).

Vérité à Bruxelles, erreur à Paris ?

Depuis 1993, les organismes d'accueil souffrent de l'insuffisance de la dotation inscrite en loi de finances initiale. Il semble que les crédits aient d'abord été sous-évalués lorsque le dispositif a connu une forte montée en charge et qu'ensuite, la décroissance du nombre des objecteurs ait été excessivement anticipée. En effet, la décrue du nombre des déclarations ne signifie pas, ipso facto, que les entrées effectives dans le dispositif de l'objection de conscience diminuent immédiatement, en raison du délai qui peut intervenir entre ces deux événements.

En 1996 et en 1997, les lois de finances rectificatives ont donc ajusté une dotation largement sous-évaluée. Malgré le transfert de charges opéré sur les structures d'accueil depuis 1997, les dettes n'en ont pas moins persisté sur ce chapitre, alors même qu'il semble qu'il ait été convenu à cette occasion de remédier à ces retards de remboursement.

OBJECTEURS DE CONSCIENCE
(Chapitre 37-01)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

PLF 1999

211

230

265

300

201,6

118

106

Source : budgets votés et projet de loi de finances.

De ce fait, les montants versés aujourd'hui aux structures d'accueil servent à payer des frais parfois engagés depuis près de deux ans. On en arrive à la situation quelque peu absurde dans laquelle une association ne reçoit les premiers remboursements concernant un jeune que lorsque celui-ci vient de quitter son poste, à l'issue de ses dix-sept mois de service civil... Admettrait-on de tels retards pour des dispositifs voisins, tels les emplois-jeunes ou les contrats emploi-solidarité, ces derniers étant même assortis d'un mécanisme de versement mensuel automatique couvrant la quasi totalité des charges afférentes ?

Certes, des efforts sont consentis de telle sorte que les associations, et particulièrement les plus fragiles d'entre elles, soient remboursées avant les collectivités locales. Mais il n'y a pas lieu de se féliciter outre mesure de ces aménagements à une situation qui ne devrait pas exister. Bien au contraire, il faut relever la situation extrêmement préoccupante de la trésorerie de certaines associations qui attendent le versement de sommes parfois considérables : 3 millions de francs pour AIDES, 1,4 million pour la FNAPEC... Dans ces conditions, elles sont parfois amenées à licencier une partie de leurs salariés, alors que l'État consent au même moment un effort considérable dans le domaine de l'emploi.

En conséquence, les jeunes qui se sont vu reconnaître le statut d'objecteur éprouvent même des difficultés à trouver une affectation. Cette situation est inadmissible, car, outre le fait que les DRASS sont amenées à prononcer des reports d'intégration successifs sans base légale, pendant ce temps, ces jeunes ne disposent pas de couverture sociale. Certes, il semble que conformément au souhait formulé par votre Rapporteur l'année passée, des exemptions aient été plus facilement accordées à ceux qui demandaient à bénéficier du statut d'objecteur. Mais cet expédient, qui se fonde sur une tendance nécessairement incertaine, ne peut prétendre résoudre toutes les difficultés. Surtout, il ne constituerait, s'il devait être systématisé, qu'un pis-aller, de nature à accélérer la disparition prématurée de cette modalité du service national obligatoire.

La création des contrats emplois-jeunes n'a pas été sans incidences sur le service national des objecteurs de conscience, même si leur finalité n'est pas exactement comparable : en effet, les emplois-jeunes visent à développer des branches d'activité au service de la citoyenneté, tandis que l'objection de conscience et le volontariat s'inscrivent dans une démarche individuelle d'engagement et de formation civique. Il n'en reste pas moins qu'un emploi-jeune est - à coût comparable, en raison de l'aide de l'État - plus attractif pour une association, compte tenu des conditions de motivation et de formation qui s'attachent aux emplois-jeunes. Ceci n'est pas sans incidences sur les difficultés croissantes que rencontrent les objecteurs dans la recherche d'un poste.

Les crédits pour 1998, réduits de 83,6 millions de francs (- 41,5 %), ne se montent plus qu'à 118 millions de francs. Pour les raisons précédemment exposées, cette somme paraît d'ores et déjà insuffisante et devra à nouveau être complétée en loi de finances rectificative. Compte tenu du retard moyen constaté par les structures d'accueil, au moins 250 millions de francs seraient nécessaires pour mettre fin à ces retards, hors frais médicaux et de transport. Dès lors, deux années de dotation budgétaire ont été financés par la trésorerie des structures d'accueil.

Certes, une fois de plus, la loi de finances rectificative viendra sans doute abonder le chapitre 37-01, mais cette méthode n'est pas satisfaisante.

En effet, même si l'ensemble des arriérés pouvait être provisionné par ce biais, il resterait un problème de délai, tenant à la lenteur inhérente à la délégation des crédits dans ce domaine, puisque l'ensemble des factures doit remonter à l'échelon central pour ordonnancement puis visa du contrôle financier. Autrement dit, une partie des crédits ouverts en loi de finances rectificative ne pourrait probablement être utilisée en temps utile, même compte tenu de la faculté ouverte par l'article 17 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 de reporter les crédits correspondant à des dépenses effectivement engagées mais non encore ordonnancées, dans la limite de 10 % de la dotation du chapitre intéressé.

En tout état de cause, il n'est pas de bonne politique d'inscrire en loi de finances initiale des dotations dont on sait non seulement qu'elles seront très largement insuffisantes mais aussi qu'elles devront être complétées en fin d'exercice par une loi de finances rectificative.

La dotation demandée pour 1999 diminue nettement moins (- 10,2 %) que les effectifs. Selon le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, la résorption des retards de paiement pourra ainsi être poursuivie. Outre les incertitudes déjà relevées sur le nombre d'appelés effectivement incorporés, votre Rapporteur craint que les montants inscrits correspondent tout juste à la dépense effective, de telle sorte que les arriérés de paiement ne seraient pas réduits.

Enfin, il est regrettable qu'au moment où cette forme du service national connaît de graves difficultés, la commission de gestion des objecteurs de conscience prévue à l'article R. 227-18 du code du service national ne se soit pas réunie avec une régularité suffisante. En effet, cette commission a pour fonction de " connaître de la gestion du régime des objecteurs de conscience, des difficultés éventuelles et d'étudier les propositions d'adaptations jugées nécessaires. Elle peut entendre des représentants des organismes habilités et des associations concernées par l'objection de conscience ".

Certes, dans ses réponses au questionnaire écrit de votre Rapporteur, le ministère indique que " les différentes administrations participant au suivi des objecteurs de conscience se sont réunies à six reprises en 1996 et en 1997 en vue de mettre au point de nouvelles règles de gestion " et que " s'agissant de l'année 1997, deux réunions interministérielles ont été organisées par le cabinet du Premier ministre, l'objet de ces rencontres étant précisément l'examen des problèmes liés à cette gestion, rendant superfétatoire la réunion formelle de la commission interministérielle ".

Votre Rapporteur s'étonne cependant de découvrir que les réunions interministérielles organisées par le cabinet du Premier ministre se substituent à une commission dont le rôle et le fonctionnement sont clairement établies par des dispositions d'ordre réglementaire et qui permet surtout d'associer les associations à la gestion du service national des objecteurs de conscience. Bien sûr, il ne s'agit pas de la seule des commissions ou instances consultatives ou délibératives énumérées par le document jaune annexé au projet de loi finances qui se réunirait peu, voire pas du tout, quand bien même son existence serait - en l'espèce, et contrairement à d'autres - pleinement justifiée.

Mais ce type de comportement ne peut qu'alimenter le sentiment d'un manque de considération pour les associations, voire d'une pratique à la fois secrète, expéditive et dépourvue de la plus élémentaire concertation avec les intéressés. Selon le ministère, " la commission précitée est appelée à se réunir dans le courant de l'année 1998 ". Toutefois, à la date de rédaction du présent rapport (5 novembre), aucune réunion n'avait encore été organisée.

Le service national des objecteurs de conscience sera suspendu, dans sa forme actuelle, en même temps que la conscription, c'est-à-dire en 2002. Seulement en 2002, devrait-on même dire, car trop souvent prévaut le sentiment que l'objection de conscience n'a plus lieu d'être et que les derniers appelés bénéficiant de ce statut n'ont pas droit à la considération qu'ils mériteraient. Votre Rapporteur souhaite donc que cette forme de service national obligatoire soit maintenue, avec des moyens suffisants, jusqu'à son terme normal.

C.- LA FORMATION DES PERSONNELS SOCIAUX

Les 153 centres de formation en travail social regroupent actuellement plus de 30.000 étudiants.

FORMATION DES TRAVAILLEURS SOCIAUX (1997-1998)

Assistant de service social

6.044

Conseiller en économie sociale familiale

937

Éducateur spécialisé

7.604

Éducateur de jeunes enfants

3.197

Éducateur technique spécialisé

924

Moniteur éducateur

3.647

Aide médico-psychologique

5.156

Travailleuse familiale

275

Aide à domicile (CAFAD)

3.062

Total

30.846

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Il faut souligner, parmi les évolutions récentes dans ce secteur, le vote de l'article 151 de la loi d'orientation du 29 juillet 1998, modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 et portant spécifiquement sur l'appareil de formation des travailleurs sociaux et les étudiants en travail social. Il vise à clarifier et à consolider les fondements juridiques, administratifs et financiers des centres de formation et il reconnaît des droits aux étudiants, parmi lesquels celui aux aides financières de l'État.

Par ailleurs, si l'on en croit le budget coordonnée de l'enseignement supérieur (BCES), annexé au projet de loi de finances pour 1999, " les relations juridiques entre l'État et les centres de formation devraient être clarifiées par l'instauration d'un contrat dont la signature engagera les établissements à s'inscrire dans la logique d'un schéma national des formations éducatives et sociales, décliné en schémas régionaux et à recruter des directeurs et formateurs inscrits sur une liste d'aptitude nationale. En contrepartie, l'État garantira le financement des dépenses de fonctionnement afférentes aux formations initiales des professions sociales, ce qui permettra de suivre l'évolution des dépenses de personnel des écoles ".

Le budget de la solidarité comporte deux types d'aides, destinées aux centres de formation, d'une part, et aux étudiants, d'autre part.

1.- Les aides aux centres de formation

L'essentiel des aides concerne le fonctionnement des centres, mais il faut relever le maintien, en 1999, d'un haut niveau d'investissement. Le tableau ci-après récapitule, par type d'action, les différentes interventions et subventions de l'État dans ce secteur :

FORMATION DES PROFESSIONS SOCIALES (1998-1999)

(en millions de francs)

 

1998

1999

Fonctionnement (chapitre 43-33)

537,2

598,4

· Dépenses non déconcentrées (art. 10)

1,5

1,5

· Dépenses déconcentrées (art. 20)

533,5

594,6

- formations initiales

517,5

578,6

- intervenants à domicile

1,5

1,5

- formation professionnelle

12,8

12,8

· Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (art. 60)

2,2

2,3

Investissement (chapitre 66-20, art. 50)

5,0

6,2

Total (DO + CP)

542,2

604,6

Source : projet de loi de finances.

a) Les subventions de fonctionnement

En application de l'article 29 de la loi du 30 juin 1975, l'État finance les dépenses de fonctionnement des centres au titre de la formation initiale. Le cas échéant, il participe également aux formations supérieures en travail social dans le cadre de conventions spécifiques de formation professionnelle ainsi qu'à la formation des intervenants à domicile. Certaines régions soutiennent également le fonctionnement ou l'investissement des centres et accordent des aides aux étudiants.

Globalement, c'est l'État qui finance la plus grande partie des aides des collectivités pour les formations initiales en travail social, comme le montre le tableau ci-dessous, qui retrace les dernières données disponibles :

FORMATIONS INITIALES EN TRAVAIL SOCIAL
FINANCEMENTS ACCORDÉS PAR LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES (1995-1996)

(en millions de francs)

 

État

Régions

Départements

Autres collectivités

Total

1995

459,3

4,4

10,6

3,6

477,8

1996

464,8

3,5

12,1

3,7

484,1

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Les établissements sont également financés, au titre de la formation continue, par les fonds d'assurance formation à la charge des employeurs, par l'État et par les aides des collectivités locales.

Les montants versés par l'État sont regroupés au chapitre 43-33, qui progresse globalement, hors transferts, de 11,4 %.

L'article 10, dont les crédits resteront fixés à 1,5 million de francs en 1999, retrace les montants accordés aux actions nationales en faveur de la formation de travailleurs sociaux : d'une part, le soutien aux organismes fédératifs des centres de formation en travail social (organisation nationale des formations au travail social et groupement national des instituts régionaux du travail social) ; d'autre part, l'aide à certaines associations dans le cadre de la réflexion et de l'expérimentation sur le travail social.

En progression globale de 11,5 %, l'article 20 rassemble les dépenses déconcentrées en faveur de la formation des professions sociales.

Il s'agit d'abord de la formation initiale de près de 22.000 étudiants, qui recouvre les formations préparant aux diplômes et certificats d'assistant de service social, d'éducateur spécialisé, d'éducateur de jeunes enfants, de moniteur éducateur, de conseiller en économie sociale et familiale et d'éducateur technique spécialisé. La dotation sera accrue de 61,1 millions de francs (+ 11,8 %) par rapport à 1998 : 9,1 millions de francs afin de couvrir l'évolution de la masse salariale et 52 millions de francs permettant d'assurer la montée en charge, en 1999, de l'augmentation des capacités d'accueil depuis la rentrée de 1998.

Cette progression très significative des moyens est d'autant plus remarquable qu'elle succède à l'augmentation déjà constatée en 1998. Surtout, elle traduit l'une des priorités de la loi d'orientation du 29 juillet 1998, en permettant d'accroître de 10 % les effectifs formés dans les centres et d'améliorer la qualité des filières de formation.

L'article 20 comporte également les quelques crédits qui sont encore destinés à la formation de certains des intervenants de l'aide à domicile (travailleuse familiale en cours d'emploi, travailleuse familiale en voie directe), soit 1,5 million de francs en 1999.

Le financement direct de la formation des travailleurs sociaux dans le cadre de conventions de formation professionnelle qualifiante à certains diplômes, certificats ou titres (diplôme d'État à la fonction d'animation, diplôme supérieur en travail social, attestation de formateur de stage, certificat d'aptitude aux fonctions de professeur de jeunes sourds et aveugles, certificat de délégué à la tutelle) est également couvert par l'article 20. Malgré les difficultés de trésorerie rencontrées par les centres de formation, dues aux régulations budgétaires opérées en cours d'exercice, les crédits ont été réduits de 33 % en 1998. La ligne sera simplement reconduite en 1999, soit 12,8 millions de francs, permettant de former 3.300 stagiaires.

Enfin, l'article 60 (fonctionnement du GIP " Institut de formation aux carrières administratives et sociales " de Dieppe) progressera de 4,9 % en 1999, en raison d'un transfert provenant du titre III.

b) Les subventions d'investissement

Le chapitre 66-20, article 50, permet de financer la réhabilitation des écoles de formation des travailleurs sociaux, c'est-à-dire en priorité des travaux visant à améliorer la sécurité et l'accessibilité de ces bâtiments car la dotation ne permet pas de répondre aux demandes d'extension de locaux et de rénovation.

En loi de finances initiale pour 1998, 6,7 millions de francs étaient inscrits en autorisations de programme et 5 millions de francs en crédits de paiement. En 1999, 6,6 millions de francs en autorisations de programme (- 1,5 %) et 6,2 millions de francs en crédits de paiement (+ 24 %) sont prévus. Les travaux de sécurité et d'accessibilité demeureront prioritaires.

2.- Les aides financières aux étudiants en travail social

Les crédits, qui financent à la fois les bourses d'État, les indemnités aux travailleuses familiales en cours d'emploi et des rémunérations aux étudiants dans le cadre du programme ministériel de formation professionnelle, augmenteront de 1,4 % en 1999, pour atteindre 82,2 millions de francs (chapitre 43-34, article 20).

Les modalités d'attribution des bourses d'État en travail social sont sensiblement différentes de celles en vigueur dans l'enseignement supérieur. En effet, pour ces dernières, les conditions requises font intervenir les ressources et les charges familiales, moyennant divers barèmes et pondérations. En outre, un quota national, maintenu à 3.400 bourses à taux plein, est réparti entre les régions, de telle sorte que le fait de remplir les conditions nécessaires à l'octroi d'une bourse n'entraîne pas le versement de l'aide dans les régions dont le quota est saturé.

Votre Rapporteur considère que cette situation est anormale. Faute de progression du quota national et afin de remédier à ces injustices, les DRASS ont été donc contraintes de recourir à des bourses à mi-taux, ce qui permet de satisfaire davantage de demandes. C'est pourquoi le nombre total de bénéficiaires, soit 4.080 au cours de l'année scolaire 1997-1998, était supérieur au quota national.

L'article 151 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, précédemment évoqué, devrait mettre fin à cette situation peu satisfaisante. Il a inséré dans la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales un article 29-2 ainsi rédigé : " Les étudiants inscrits dans les établissements [publics ou privés dispensant des formations sociales, initiales, permanentes et supérieures] peuvent, pour l'accomplissement de leur scolarité, prétendre à l'attribution d'aides de l'État, dont la nature, le taux et les conditions d'attribution sont fixés par décret ". Cette disposition offre le cadre juridique qui permettra d'harmoniser les modalités d'attribution des bourses d'État en travail social, paramédicales et de l'enseignement supérieur.

Le montant de la bourse à taux plein, qui était de 19.692 francs à la rentrée 1997, sera aligné, comme de coutume, sur celui du 5ème échelon applicable aux bourses de l'enseignement supérieur.

D.- L'INNOVATION SOCIALE

La délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale (DIISES) assure le développement des coopératives, des mutuelles et des associations ainsi que la promotion de l'innovation sociale. Elle s'efforce de faciliter l'adaptation de l'économie sociale à l'environnement économique général et de donner aux organisations de ce secteur les moyens leur permettant de remplir leur rôle de cohésion sociale et d'innovation. La DIISES entend ainsi mobiliser les acteurs de l'économie sociale autour de l'emploi et de la lutte contre l'exclusion.

Les crédits, inscrits au chapitre 44-01 du budget de la solidarité, seront reconduits en 1999, soit 8,5 millions de francs. Cette stabilité, qui succède à une longue période de forte diminution des dotations, marque un souci de relance de la DIISES, selon la volonté exprimée par le Premier ministre et la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. En témoignent l'extension des compétences de la délégation par un décret en date du 27 mai 1998 et la nomination d'un nouveau délégué, M. Hugues Sibille, en juin 1998.

7 millions de francs bénéficient à des opérations nationales (article 10) : le soutien aux réseaux de l'économie sociale (associations engagées dans la lutte contre l'exclusion, fédérations coopératives), la mobilisation pour l'emploi et la lutte contre l'exclusion ainsi que la promotion de l'innovation sociale.

17 % des crédits sont déconcentrés (article 20). Ces 2 millions de francs bénéficieront à cinq régions dans le cadre des contrats de plan, afin de financer l'appui-conseil à la création d'activités et d'entreprises ainsi que le développement des services de proximité.

III.- LES POLITIQUES SOCIALES

La lecture du " bleu " ne peut donner une vision globale de l'ensemble des politiques sociales. Mais le budget de la solidarité n'en apporte pas moins, pour nombre de publics prioritaires - qu'il s'agisse des handicapés, des exclus, des personnes âgées, des femmes, des immigrés de la famille ou de l'enfance - une contribution souvent essentielle. Le tableau ci-dessous montre la part tenue par ces différentes politiques dans les interventions du budget de la solidarité :

INTERVENTIONS SOCIALES (1998-1999)

(dépenses ordinaires et crédits de paiement, en millions de francs)

 

1998

1999

Évolution
(en %)

Handicapés

30.238,3

31.818,7

+ 5,2

Insertion

29.943,8

31.338,3

+ 4,7

Personnes âgées

232,8

235,1

+ 1

Intégration

2.489,6

2.581,1

+ 3,7

Droits des femmes

72,2

80,5

+ 11,5

Familles et enfance

62,8

124,7

+ 98,6

Régimes de protection sociale

1.763,1

1.821,3

+ 3,3

Total

64.802,6

67.999,7

+ 4,9

Source : projet de loi de finances.

A.- LES PERSONNES HANDICAPÉES

Le budget de la solidarité ne retrace pas l'ensemble des crédits budgétaires en faveur des personnes handicapées. Deux autres budgets apportent également leur contribution : celui de l'emploi, mais aussi celui de l'agriculture, pour une part de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

CONTRIBUTION DES DIFFÉRENTS BUDGETS À L'EFFORT EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES

(Dépenses ordinaires et crédits de paiement)

(en millions de francs)

Solidarité

31.818,7

84,3 %

Emploi

5.458,5

14,5 %

Agriculture

456

1,2 %

Total

37.733,2

-

Source : projet de loi de finances.

En 1999, les crédits budgétaires destinés aux personnes handicapées enregistreront à nouveau une progression de près de 5 %. Le tableau ci-après décrit l'évolution des différents dispositifs soutenus par l'État, parmi lesquels les aides financières demeurent prépondérantes (80,1 %).

CRÉDITS BUDGÉTAIRES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES

(dépenses ordinaires et crédits de paiement, en millions de francs)

 

Budget

Chapitre

Article

PLF 1999

PLF 1999

LFI 1998

(en %)

Ressources

     

30.224,5

+ 4,6

Allocation aux adultes handicapés

Solidarité

46-92

10

24.569

+ 5,0

 

Agriculture

46-32

30

456

- 12,0

Garantie de ressources

Emploi

44-71

40

5.199,5

+ 4,4

Accueil et travail protégé

     

6.574,9

+ 4,6

Établissements nationaux pour jeunes sourds

Solidarité

36-81

91

76,0

+ 7,3

et aveugles

Solidarité

66-20

60

20,6

+ 121,5

Centres d'aide par le travail

Solidarité

46-23

10

6.263,5

+ 3,7

Subventions d'équipement aux établissements pour enfants et adultes

Solidarité

66-20

10

59,8

- 35,4

Ateliers protégés et centres de distribution de travail à domicile

Emploi

44-71

30

155,0

+ 6,7

Insertion en milieu ordinaire

     

104

+ 1,4

Mesures en faveur de l'emploi

Emploi

44-71

10

49

- 0,3

EPSR

Emploi

44-71

50

55

+ 3,0

Action sociale

     

829,8

+ 7,0

Tutelle et curatelle d'État

Solidarité

46-23

60

571,5

+ 11,0

Aide sociale (1)

Solidarité

46-23

90

112,4

- 1,7

Personnes handicapées - Dépenses non déconcentrées (1)

Solidarité

47-21

30

16,9

0

Personnes handicapées - Dépenses déconcentrées

Solidarité

47-21

50

129

0

Total

     

37.733,2

+ 4,7

(1) La présente récapitulation ne prend en compte que les crédits consacrés, parmi ces articles, aux personnes handicapées.

Source : projet de loi de finances.

Afin de disposer d'une vue plus globale des aides publiques aux personnes handicapées, il convient de prendre également en compte l'effort des départements dans ce domaine, soit 19,4 milliards de francs en 1995 (dernière année connue), comprenant 9,8 milliards d'aide sociale au logement et 9,5 milliards d'aide sociale à domicile (essentiellement au titre de l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne).

Enfin, les différentes branches de la sécurité sociale apportent leur contribution : famille, au titre de l'allocation d'éducation spéciale (1,9 milliard de francs), maladie, au titre des pensions d'invalidité (18 milliards de francs) et, à un niveau plus modeste, de l'action sanitaire et sociale (près de 40 millions de francs).

Toutes institutions publiques confondues, la solidarité nationale consacre donc près de 80 milliards de francs, sous diverses formes, aux personnes handicapées, sans compter les prestations versées au titre de l'invalidité.

Votre Rapporteur souligne d'ailleurs à ce propos que le partage des compétences ne se caractérise ni par sa lisibilité, ni par son efficacité. Ainsi la responsabilité se trouve-t-elle parfois éclatée entre plusieurs intervenants sur un même domaine, comme dans le cas du maintien à domicile, ou même insuffisamment déterminée, comme pour l'hébergement des adultes lourdement handicapés.

Une distinction suivant les fonctions serait sans doute plus satisfaisante, confiant la prise en charge de l'activité à l'État, celle de l'hébergement aux départements et celle des soins à l'assurance maladie. En tout état de cause, cette remise à plat ne pouvant se faire, pour les uns comme pour les autres, qu'à charge constante, votre Rapporteur estime qu'elle exigera une concertation préalable avec l'ensemble des intéressés et qu'elle ne devra donc en aucun cas se faire dans l'urgence.

1.- L'allocation aux adultes handicapés

Selon les statistiques de la CNAF, 631.093 personnes bénéficiaient, en 1997, de cette allocation différentielle d'un montant de 3.471 francs par mois, prise en charge par le budget de l'État. Par ailleurs, 113.357 personnes percevaient le complément d'AAH (555 francs par mois).

La progression du nombre des allocataires se serait ainsi stabilisée, confirmant ainsi le ralentissement déjà constaté en 1996. En dix ans, l'augmentation n'en a pas moins atteint 27,4 %.

BÉNÉFICIAIRES DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

495.000

511.000

524.000

539.000

552.000

563.000

583.000

597.000

617.000

630.000

631.000

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

La progression des montants budgétaires consacrés à l'AAH est parallèle à celle des allocataires. Votre Rapporteur relève que depuis 1993, la ou les lois de finances rectificatives ont dû, chaque année, compléter les montants inscrits au budget de la solidarité, comme le montre le tableau ci-après :

ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS
(Budget de la solidarité)

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

Loi de finances initiale

16.819

18.121

18.739

20.764

22.260

Lois de finances rectificatives

1.076

540

1.342

760

110

Accroissement de la dotation initiale (en %)

6,4

3,0

7,2

3,7

0,5

Source : budgets votés.

En 1999, les crédits, retracés au chapitre 46-92 du budget de la solidarité et au chapitre 46-32 du budget de l'agriculture, se monteront, respectivement, à 24,6 milliards de francs et 456 millions de francs, soit un total de plus de 25 milliards de francs (+ 4,7 %).

En valeur absolue, l'augmentation des crédits du budget de la solidarité est de 1.180 millions de francs, résultant de deux évolutions contraires :

· un ajustement de 1.211 millions de francs (+ 4,9 %), qui s'explique par un effet prix (+ 1,2 %), mais surtout par un effet volume (+ 3,75 %) ;

· une réduction de 31 millions de francs correspondant à l'économie attendue de la limitation à soixante ans de l'attribution de l'AAH pour les allocataires au titre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, prévue par ailleurs à l'article 83 du projet de loi de finances pour 1999, rattaché au budget de l'emploi et de la solidarité (cf. p. 89).

Différents facteurs permettent d'expliquer la persistance d'une progression soutenue des dotations budgétaires. Certes, le montant de l'allocation a été régulièrement revalorisé, de telle sorte que sur une base 100 en 1980, elle atteint désormais 285,3, contre 270,1 pour le SMIC net et 233,5 pour les prix à la consommation.

Mais c'est surtout l'accroissement du nombre des allocataires qu'il convient de tenter d'expliquer. Parmi les causes évoquées, on peut mentionner :

· une meilleure connaissance de leurs droits par les intéressés ;

· une forte inertie de la population des bénéficiaires, dans la mesure où près de la moitié d'entre eux sont âgés de moins de quarante ans, ce qui entraîne un effet mécanique de permanence dans le bénéfice de la prestation, d'autant qu'on peut se féliciter de ce que l'allongement de l'espérance de vie des personnes handicapées se révèle au moins aussi important que celui du reste de la population ;

· le maintien d'un fort flux d'entrées, tenant lui même à plusieurs éléments : le volume des sorties des IMPRO (entraînant un passage de l'allocation d'éducation spéciale vers l'AAH) ainsi que l'extension du bénéfice de l'AAH aux malades du sida, et, à terme, à certains étrangers en situation régulière qui quitteront sans doute le dispositif RMI, car le bénéfice de l'AAH leur est désormais ouvert par l'article 42 de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

· la faiblesse des ressources des intéressés, consécutive à la crise économique, 60 % d'entre eux percevant ainsi une allocation à taux plein.

2.- Les établissements

Les établissements et services médico-sociaux comprennent aujourd'hui 130.700 places pour enfants et 187.800 places pour adultes. Le doublement en dix ans de la capacité d'hébergement en structures pour adultes handicapés n'a toutefois pas suffi à satisfaire entièrement la demande et, surtout, à mettre fin aux disparités régionales.

Se pose, en effet, le problème de l'orientation des jeunes adultes lorsqu'ils doivent quitter les établissements pour enfants. On rappellera que pour pallier le manque de places dans les structures pour adultes, l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989 (" amendement Creton ") permet aux jeunes adultes d'être maintenus dans les structures de l'éducation spéciale. Une circulaire du 27 janvier 1995 est intervenue pour répondre aux nombreuses difficultés soulevées par l'application de cette disposition, notamment la procédure de décision de maintien ainsi que la répartition de la charge financière entre les départements et l'assurance maladie.

L'expérience a montré les difficultés d'application de cette circulaire : les modalités d'application de la contribution financière des départements sont très diversement respectées et le règlement des sommes qu'ils doivent à l'assurance maladie pour la période antérieure au 1er janvier 1995 s'effectue difficilement. La circulaire a finalement été annulée par le Conseil d'État le 9 juillet 1997, l'ensemble de ces péripéties venant à l'appui de la nécessité, déjà évoquée par votre Rapporteur, de clarifier les compétences dans le domaine social et médico-social.

Le nombre des jeunes adultes encore maintenus dans les établissements pour enfants faute de places dans les établissements qui leur sont destinés s'élevait, au 31 décembre dernier, à 4.230, dont 1.860 auraient été orientés en centres d'aide par le travail (CAT), 1.170 en maisons d'accueil spécialisé (MAS) ou foyers à double tarification (FDT), 1.050 en foyer occupationnel ou foyer de vie et 100 en ateliers protégés. Ces chiffres donnent un ordre de grandeur des besoins qui restent à satisfaire.

L'année passée, votre Rapporteur avait souhaité que le début de la présente législature soit l'occasion d'une mise en perspective pluriannuelle de la résorption de ces besoins. Compte tenu des situations dramatiques auxquelles sont confrontées les familles qui, dans certaines régions, doivent attendre huit à neuf ans qu'une place se libère après l'orientation par la COTOREP, il paraissait opportun, en effet, de se fixer un objectif qui apporterait, en cinq ans, une solution à ces problèmes.

Votre Rapporteur se félicite donc que le Gouvernement ait décidé de mettre en _uvre un programme pluriannuel (1999-2003) de création de 5.500 places de MAS-FDT, de 8.500 places de CAT et de 2.500 places d'ateliers protégés, qui permettra de résorber totalement la situation des jeunes adultes maintenus en établissements d'éducation spéciale mais également d'absorber et de réguler le flux annuel de sortie des jeunes.

Les 8.500 places de CAT et les 2.500 places d'ateliers protégés seront créées selon l'échéancier suivant :

PROGRAMME PLURIANNUEL DE CRÉATION DE PLACES POUR HANDICAPÉS (1999-2003)

 

1999

2000

2001

2002

2003

Total

CAT

2.000

2.000

1.500

1.500

1.500

8.500

Ateliers protégés

500

500

500

500

500

2.500

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Dans ces conditions, le financement des dépenses de fonctionnement des CAT (chapitre 46-23, article 10) s'élèvera, en 1999, à 6,3 milliards de francs (+ 3,7 %), soit une hausse de 224 millions de francs. Cette augmentation traduit d'abord la création de 2.000 places nouvelles (soit 131 millions de francs, pour une moyenne de 65.500 francs par place), conformément au programme pluriannuel précédemment mentionné. Mais elle résulte également de l'évolution de la masse salariale (+ 93 millions de francs).

Il faut souligner que les créations effectuées en 1997 et en 1998 ont été réparties dans le souci de réduire les écarts entre régions, même si le taux d'équipement varie toujours de un à dix selon les départements.

S'agissant des subventions d'investissement aux établissements pour enfants et adultes handicapés (chapitre 66-20, article 10), les autorisations de programme (46,5 millions de francs) et les crédits de paiement (50,2 millions de francs) en loi de finances initiale étaient en léger recul en 1998 par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, mais n'en devaient pas moins permettre d'assurer les opérations figurant aux contrats de plan État-régions.

Pour décrire l'exécution de ces crédits en 1998, votre Rapporteur peut se contenter de reproduire la réponse qui a été donnée sur ce point à son questionnaire écrit : " les délégations des autorisations de programme de l'exercice budgétaire 1998 ont été suspendues en raison de difficultés qui ne peuvent être que provisoires au niveau des crédits de paiement disponibles. Pour ces raisons, aucune opération nouvelle n'a pu être réalisée au titre de l'article 10 du chapitre 66-20 ".

Autrement dit, le décalage entre les autorisations de programme et les crédits de paiement en compte, soit respectivement 2,4 milliards et 1,6 milliards de francs pour l'ensemble du chapitre, constitue un obstacle à de nouvelles délégations d'autorisations de programme, qui a conduit le contrôle financier à suspendre tout engagement. Ce décalage, qui est de l'ordre de 800 millions de francs, provient de ce qu'un volume important de crédits de paiement a été annulé au cours des dernières années et de ce que le calcul des crédits de paiement inscrits en services votés n'a pas toujours été suffisamment exact. De ce fait, le montant des crédits de paiement est trop faible pour que des autorisations de programme puissent être déléguées.

La difficulté est d'autant plus grande que ces crédits sont contractualisés. Cependant, cet obstacle pourrait être levé soit par une inscription de crédits en loi de finances rectificative, soit par une décision du contrôle financier.

En 1999, aucune autorisation de programme n'est inscrite. Toujours selon le ministère, " une priorité est en effet donnée au programme de rénovation des centres d'hébergement et de réadaptation sociale ". Votre Rapporteur comprend que ces centres puissent être privilégiés dans la mise en _uvre de la loi contre les exclusions. Toutefois, pour avoir constaté lui-même la situation de nombreux CAT, il considère que ceux-ci devraient également bénéficier d'un important effort d'investissement.

Sur la question de l'application de loi d'orientation relative à la réduction du temps de travail aux CAT, votre Rapporteur ne dissimulera pas une certaine perplexité. Si, dans les ateliers protégés, qui emploient des salariés, l'application des trente-cinq heures va de soi, les handicapés qui travaillent dans les CAT doivent en revanche être considérés comme les usagers d'un établissement médico-social. Il faut rappeler, en outre, que dans les CAT, la semaine comprend trente-cinq heures de temps de production et quatre heures de temps de soutien social.

Il n'est évidemment pas concevable que le passage aux trente-cinq heures soit opéré par simple suppression des quatre heures de soutien. Certes, du point de vue de la personne handicapée, il s'agit bien de 39 heures de présence effective dans les centres, mais il est sans doute souhaitable, dans la plupart des cas, de ne pas accroître un sentiment d'isolement en diminuant cette présence. De ce fait, on pourrait davantage admettre que la réduction du temps de travail soit compensée, à présence constante, par une augmentation à due concurrence des heures de soutien, mais il faudrait alors trouver le financement de ces nouvelles heures auprès des départements ou des caisses de sécurité sociale.

En tout état de cause, si la réduction du temps de travail devait s'appliquer, il conviendra de maintenir la même qualité de service, ce qui implique soit une augmentation de la productivité, soit un effort des salariés, soit des embauches supplémentaires. Dans ce dernier cas, qui est de loin le plus souhaitable, puisqu'il permettrait de satisfaire des demandes d'emploi qui ne le sont pas actuellement, il faudra veiller, bien entendu, à ce que le coût pour l'État ne s'impute pas sur le programme pluriannuel de créations de places.

Il conviendrait donc que tous les intéressés engagent une concertation sur cette question complexe et encore entourée de nombreuses incertitudes.

Pour mémoire, votre Rapporteur indiquera enfin que le budget de l'emploi traduit également, pour ce qui le concerne, le programme pluriannuel, avec 500 nouvelles places en ateliers protégés, comme en 1998. Quant au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, il prévoit effectivement la création de 1.100 places de MAS ou FDT.

3.- La tutelle et la curatelle d'État

L'article 427 du code civil dispose que " la tutelle, protection due à l'enfant, est une charge publique ". En conséquence, l'article 433 du même code prévoit que si celle-ci est vacante, le juge des tutelles la défère à l'État si l'enfant est majeur et au service de l'aide sociale à l'enfance s'il est mineur.

Les dépenses engagées à ce titre, c'est-à-dire les rémunérations allouées par l'État aux personnes physiques ou morales qualifiées pour exercer la tutelle d'État, présentent un caractère quelque peu particulier, puisque ce sont les décisions des juges des tutelles, au sein du tribunal d'instance, qui déterminent l'ampleur des moyens requis.

On rappellera, par ailleurs, que les caisses d'allocations familiales assurent la charge de l'aide aux familles dans ce domaine (tutelle aux prestations sociales), pour un montant d'environ 500 francs par mois.

En 1997, le fort accroissement du nombre des mesures prononcées par les juges s'est confirmé : avec 88.080 mesures en cours, la progression est de 30,7 % par rapport à 1995. Les estimations pour 1998 et pour 1999 sont, respectivement, de 100.000 et de 113.000. Le nombre brut des nouvelles mesures a dépassé 21.000 en 1997, contre 17.191 en 1996. Après déduction des mesures arrivées à terme en cours d'année, le nombre net des mesures nouvelles s'élève à 11.075, contre 9.623 en 1996.

Par conséquent, les dépenses inscrites au chapitre 46-23, article 60, ont poursuivi leur croissance :

TUTELLE ET CURATELLE D'ÉTAT (*)

(en millions de francs)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

287,3

328,7

374

439,2

515

571,5

(*) y compris fonds de concours.

Sources : ministère de l'Emploi et de la Solidarité et projet de loi de finances.

L'écart entre les dépenses constatées et la dotation votée en loi de finances a commencé à se réduire en 1997. L'année 1999 permettra de poursuivre l'ajustement des crédits aux besoins effectifs : en effet, les montants inscrits en loi de finances initiale passeront de 515 millions de francs à 571,5 millions de francs (+ 11 %, après une augmentation de 18,3 % en 1998).

S'il se félicite naturellement de ce que le présent projet de loi de finances continue de prendre toute la mesure des aspects financiers du problème, votre Rapporteur considère cependant que le constat établi l'année passée s'en trouve conforté : il est urgent de réfléchir à un dispositif, éventuellement de nature législative, qui permettrait, en amont, de contenir la progression des dépenses par un recours plus rigoureux aux mesures de tutelle.

A cette fin, il serait souhaitable que l'ensemble des départements ministériels concernés - solidarité, justice, budget - entreprennent une réflexion commune sur le coût et le devenir de ce dispositif. Si elle est menée en concertation avec les associations tutélaires, elle évitera ainsi l'erreur qui a consisté, en avril dernier, à augmenter la participation des majeurs à leurs frais de tutelle et à réduire le montant des sommes versées au titre des mesures décidées avant 1990 pour les personnes hébergées en établissement.

S'il est peu contestable que la tâche incombant aux associations est moins lourde à l'égard de ces personnes, votre Rapporteur n'en estime pas moins qu'une concertation préalable aurait été nécessaire - certaines associations risquant de perdre, de ce fait, jusqu'à 50 % de leurs ressources - d'autant que cette décision a finalement dû être rapportée.

4.- L'action sociale

Deux articles du chapitre 47-21 retracent les crédits d'action sociale en faveur des personnes handicapées.

D'une part, les subventions aux associations et organismes d'aide aux personnes handicapées sont retracées à l'article 30 (dépenses non déconcentrées), qui comprend également 2,8 millions de francs destinés à l'action sociale en faveur des personnes âgées. Maintenus à 16,9 millions de francs, les montants permettront de verser la subvention prévue, soit 9,6 millions de francs, au centre technique national d'études et de recherche sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI) ainsi que des aides aux associations nationales et à divers programmes ou actions.

La répartition des crédits pour 1998 permet de mieux apprécier les actions menées sur cet article :

ACTION SOCIALE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES

DÉPENSES NON DÉCONCENTRÉES (1998)

(en millions de francs)

Subvention au CTNERHI

9,545

Institut national des jeunes aveugles

1,1

Programmes particuliers

1,6

- formation des appelés

0,65

- CNRH

0,65

Handibase

0,3

Subventions aux associations nationales

4,1

Subventions à des actions d'intégration sociale

0,605

Total

16,85

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

D'autre part, l'article 50 (dépenses déconcentrées) restera également stable en 1999 (129 millions de francs). Les crédits sont délégués aux DDASS, afin de financer, d'une part, les services gestionnaires d'auxiliaires de vie (1.864 équivalents temps plein, soit 118 millions de francs) et, d'autre part, les centres régionaux d'aide à l'enfance et à l'adolescence (CREAI, 11 millions de francs).

5.- Des progrès à accomplir

Au-delà de l'analyse des crédits budgétaires pour 1999, votre Rapporteur souhaite attirer l'attention sur deux domaines qui connaissent aujourd'hui des difficultés spécifiques.

a) Les enfants handicapés

Compte tenu de la baisse des accidents à la naissance et de l'allongement de la durée de vie des handicapés, l'effort porte sans doute davantage, aujourd'hui, sur les adultes handicapés. Peut-on pour autant considérer que la situation des enfants handicapés soit pleinement satisfaisante ?

Vingt-trois départements sont encore dépourvus de centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), structures de dépistage et de prise en charge précoce des enfants handicapés. Même si la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a prévu une enveloppe de 20 millions de francs afin de commencer à résorber ces disparités, il conviendra qu'il soit rapidement remédié à cette anomalie.

C'est sur l'éducation et la scolarisation des jeunes handicapés que votre Rapporteur souhaite insister. Actuellement, pour s'en tenir aux 120.000 enfants handicapés mentaux âgés de 4 à 16 ans, 80.000 sont dans les établissements de l'éducation spécialisée (IME, IMP, IMPRO...) et 20.000 sont en milieu ordinaire. Environ 20.000 enfants, souvent autistes ou polyhandicapés, se trouvent donc en dehors de tout établissement ou changent trop fréquemment d'établissement.

En effet, les listes d'attente s'allongent dans les établissements ordinaires ou spécialisés, de telle sorte que de nombreux enfants ne se voient pas offrir de véritable solution d'éducation. Les besoins sont particulièrement criants dans le secteur des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), où les inégalités entre régions demeurent considérables.

Certes, leur capacité s'est considérablement développée avec la réforme du secteur de l'éducation spéciale (1988-1989), passant de 4.953 à 16.603 places (dont 12.794 organisées dans le cadre d'un service autonome) entre 1985 et 1996. Dans ses réponses au questionnaire écrit de votre Rapporteur, le ministère assure que " le développement de [ces] services demeure une priorité des DRASS et des DDASS lorsque les besoins repérés ne sont pas couverts ", tout en précisant que " les contraintes imposées par la nécessaire maîtrise des dépenses d'assurance maladie ralentissent la mise en _uvre des programmes d'action qui s'opère par redéploiements de moyens financiers soit sanitaires, soit médico-sociaux ".

L'insertion scolaire et universitaire, consacrée par la loi d'orientation du 30 juin 1975 et entamée depuis le début des années 1980, nécessite l'organisation de modalités adaptées aux diverses situations des élèves (classes d'intégration scolaire, sections d'enseignement général et professionnel adapté, unités pédagogiques d'intégration), le cas échéant, dans les établissements ordinaires. Elle passe également par la sensibilisation et la formation des personnels. Bien entendu, la volonté des enseignants n'est pas en cause, mais faute de spécialisation, ils préfèrent s'abstenir d'intervenir dans ce domaine, plutôt que de prendre le risque de porter préjudice aux enfants dont ils auraient la responsabilité. Il faut enfin mentionner l'amélioration des conditions d'accessibilité des locaux ainsi que le développement des services assurant le suivi médico-social des élèves handicapés

Ceci étant, le ministère admet lui-même que " ces résultats encourageants ne doivent cependant pas masquer les difficultés réelles qui subsistent à l'admission et au maintien des jeûnes handicapés en milieu ordinaire à tous les niveaux d'enseignement ". Particulièrement, le nombre de postes d'instituteurs spécialisés est extrêmement insuffisant, alors même que la mise en place de classes spécialisées en milieu ordinaire, permettant l'intégration de la personne handicapée dès l'enfance, est une voie à privilégier.

Dans ces conditions, votre Rapporteur se félicite qu'une réunion du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) se tienne d'ici la fin de l'année sur le thème de l'intégration scolaire et de l'enseignement spécialisé. Surtout, il prend note de ce que le Gouvernement a retenu trois objectifs de travail pour permettre la socialisation et l'intégration des jeunes handicapés :

· le renforcement de la formation générale : les schémas d'équipement devront désormais prendre en compte le développement des services de soutien à l'intégration scolaire, tandis que le programme " nouveaux services - nouveaux emplois " permettra de promouvoir des activités de soutien et d'accompagnement ;

· la préparation à la vie professionnelle : un système de validation des acquis sera mis en place avec les ministères concernés ;

· le renforcement des partenariats, notamment avec le ministère de l'éducation nationale : les commissions départementales de l'éducation spéciale seront ouvertes aux représentants des collectivités locales intéressées et tiendront, sous la conduite des DDASS et des inspecteurs d'académie, un débat annuel sur la politique d'intégration scolaire.

b) L'accès aux loisirs

Un bénéficiaire de l'AAH hébergé en foyer ne dispose, dans la pratique, que de 420 francs par mois pour l'habillement et la cotisation à une mutuelle. Dans ces conditions, les loisirs, trop souvent, se limitent à ceux éventuellement organisés par la structure d'hébergement, ce qui ne peut pas être considéré comme suffisant.

Votre Rapporteur estime que la question des loisirs des personnes handicapées n'est donc pas résiduelle, ne serait-ce que parce qu'elle n'est pas sans liens avec la réduction du temps de travail dans les CAT précédemment évoquée. En outre, la situation économique et juridique de ce secteur est actuellement très peu satisfaisante.

L'obstacle financier ne doit pas être sous-estimé. Il faut savoir en effet que le coût journalier d'un animateur en colonie de vacances ordinaire est de 38 francs par enfant, pour un prix de journée de 260 francs au minimum. Pour un enfant lourdement handicapé ou pour un adulte handicapé nécessitant la présence d'une tierce personne en permanence, le prix de journée est porté à plus de 500 francs, soit 250 francs de différence. Même pour une personne handicapée autonome en séjour de vacances adapté, le surcoût est de 100 francs par jour.

Dès lors, les handicapés ont du mal à s'insérer dans les dispositifs d'aide aux loisirs de droit commun. Si une commune organise des vacances pour les jeunes les plus défavorisés, les enfants handicapés en sont exclus dès lors qu'ils perçoivent l'allocation d'éducation spéciale, quand bien même la charge du séjour leur reviendrait finalement de deux à trois fois plus cher. Si une commune ou le ministère de la jeunesse et des sports développent des activités périscolaires, les jeunes handicapés non scolarisés ne peuvent, de ce fait, en bénéficier. Trop peu de communes ont mis en place des mécanismes plus satisfaisants - c'est-à-dire de nature sociale au lieu de renvoyer la responsabilité au secteur médico-social - soit sous la forme d'un quota de jeunes handicapés dans les activités qu'elles organisent, soit sous la forme d'aides à la personne, de l'ordre de 200 francs par jour.

Naturellement, la personne handicapée doit payer ses vacances, mais le surcoût doit être compensé, d'autant que les loisirs sont d'autant plus chers, et donc plus rares, que le handicap est élevé. C'est pourquoi des fonds d'aide individualisée (FAI) - c'est-à-dire destinée aux personnes, non aux associations - ont été constitués depuis 1992, afin d'associer le plus grand nombre possible de financeurs (collectivités locales, caisses d'allocations familiales, comités d'entreprise, _uvres diverses) à la compensation de ce surcoût.

Par ailleurs, les foyers occupationnels étant fermés en août, on pourrait croire que les départements, qui participent à leur financement le reste de l'année, contribuent aux loisirs des personnes handicapées au titre de ce mois de fermeture et ce, sur une base inférieure à celle des autres mois de l'année. En réalité, il n'en est rien et les intéressés sont simplement renvoyés vers les centres d'action sociale des communes.

Les lacunes d'ordre réglementaire ne sont pas moins préoccupantes, car les loisirs des handicapés, concernent à la fois les jeunes et les adultes, les vacances et le temps libre, les handicaps lourds et les handicaps légers, le milieu ordinaire et le milieu adapté. De ce fait, trois ministères différents - jeunesse et sports, solidarité, tourisme - sont compétents, chacun ayant nécessairement une approche distincte de la question.

Le ministère de la jeunesse et des sports continue à s'en tenir au principe selon lequel les handicapés doivent être intégrés en centres de vacances ordinaires. Cette politique n'est pas mauvaise en elle-même, mais elle trouve rapidement ses limites : d'une part, elle ne peut profiter aux handicapés les plus fragiles ; d'autre part, l'offre dans ce domaine (350 places) reste dérisoire par rapport à la demande, soit sans doute plus de 100.000 jeunes et adultes. Difficulté supplémentaire : les jeunes qui s'occupent de personnes handicapées sont pénalisés, dans la mesure où ils sont souvent confrontés à des refus de validation de leur formation et d'habilitation de leur stage.

Le ministère du tourisme, quant à lui, s'en tient aux dispositions du droit commercial protégeant les adultes capables lors de leur séjour en milieu ordinaire. L'agrément " tourisme " a un caractère trop général qui ne permet pas de couvrir la situation des handicapés qui n'ont pas la possibilité juridique ou matérielle de contracter.

Enfin, le ministère de la solidarité intervient seulement au titre des aspects sanitaires et sociaux des séjours des personnes handicapées, dans le cadre des articles 93 et suivants du code de la famille et de l'aide sociale. En application de ces dispositions, le décret du 29 janvier 1960 concernant la protection des mineurs à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels et des loisirs en partage la responsabilité avec les services de la jeunesse et des sports. Par conséquent, les majeurs protégés n'entrent pas actuellement dans le champ de ce décret, alors même que leur situation est juridiquement délicate : un établissement qui confie un handicapé sous tutelle à une association demeure responsable, car un droit de tutelle ou de curatelle sur un majeur protégé n'est pas transmissible par contrat, à la différence de la décharge de responsabilité pour un mineur.

La dernière réunion de la commission interministérielle " loisirs handicapés " datant de... 1978, votre Rapporteur estime donc que toutes ces questions doivent être remises à plat, en réunissant l'ensemble des intéressés autour d'une même table : les trois ministères concernés, les associations nationales généralistes (UNAPEI, APF, APAJH) ainsi que les associations nationales spécialisées (UNAHL, JPA, FNTLA).

B.- L'INSERTION

Le présent projet de loi de finances enregistre, en matière d'insertion, une forte hausse (+ 4,7 %). À première vue, votre Rapporteur serait plutôt enclin à s'en inquiéter, car c'est le signe que la situation l'économique continue de créer des phénomènes d'exclusion et de pauvreté. Mais il faut se féliciter qu'au-delà des solutions innovantes mises en _uvre par la nouvelle majorité, les mécanismes traditionnels du budget de la solidarité, à commencer par le RMI, soient significativement renforcés.

1.- Le revenu minimum d'insertion

Si la montée en charge du nombre des allocataires a été rapide, entre 1989 et 1994, la progression n'est toujours pas enrayée et le cap du million est désormais largement dépassé, comme le montrent à la fois le tableau et le graphique ci-après :

EFFECTIFS DES TITULAIRES DU RMI (1989-1997)

(au 31 décembre)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Effectifs

407.081

510.146

582.361

671.243

792.947

908.336

946.010

1.010.472

1.067.901

Évolution (en %)

-

+ 26,0

+ 14,2

+ 15,2

+ 18,1

+ 14,6

+ 4,2

+ 6,8

+ 5,6

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Le nombre d'allocataires comprend 956.596 personnes en métropole (+ 5,8 %) et 111.305 dans les DOM (+ 4,3 %). La réduction de la croissance est donc plus sensible en métropole que dans les DOM. L'année 1997 aura été marquée par un accroissement de la part des personnes isolées et des allocataires âgés de 50 à 54 ans, mais par un recul de la part des moins de 29 ans. On relève également d'importantes disparités selon les départements, six d'entre eux enregistrant même une diminution des effectifs, mais les dix départements les plus importants, à dominante urbaine, continuent de se caractériser par des taux de croissance supérieurs à la moyenne. Il faut souligner que la proportion de personnes couvertes par le RMI varie de un à cinq suivant les départements.

Contrairement à une idée reçue, les flux d'entrées et de sorties peuvent être considérés comme importants : 365.405 personnes ont quitté le dispositif en 1997, représentant 34,2 % du total des allocataires, soit 9,7 % de plus qu'en 1996 ; à rebours, 423.069 entrées ont été enregistrées en 1997.

Pour le premier semestre de 1998, les estimations de la CNAF semblaient indiquer une légère tendance à la stabilisation, voire à un léger recul, ce qui correspondrait à l'amélioration de la conjoncture et de l'emploi. Le nombre de personnes bénéficiant du RMI, c'est-à-dire l'allocataire et son foyer, atteignait 2.029.485 à la fin de 1997.

Parmi les facteurs influant sur l'évolution du RMI, il est établi que les entrées sont étroitement corrélées avec le nombre de personnes n'ayant pu bénéficier d'une allocation de chômage. Par conséquent, la réforme de ces allocations et la croissance de la précarité sur le marché du travail se sont immédiatement traduites dans l'évolution du RMI.

A court terme, l'extension des mesures d'intéressement contenues dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, dont les textes d'application devraient être prochainement publiés, ainsi que l'ouverture de l'AAH et de l'allocation de solidarité spécifique aux étrangers influeront sans doute sur le nombre des allocataires.

Le projet de loi de finances prévoit un montant de 26,4 milliards de francs de crédits pour le RMI (+ 4,2 %), compte tenu des besoins estimés pour 1999 (+ 3 %) et de la revalorisation du montant de l'allocation (+ 1,2 %). Si l'on conserve à l'esprit les tendances précédemment décrites, il faut souligner que l'objectif de croissance peut être tenu, malgré les apparences, pour volontariste.

ALLOCATION DE RMI EN LOI DE FINANCES INITIALE

(en millions de francs)

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

5.810

8.668

14.318 (*)

13.163

16.631

19.217

22.022

23.000

24.230

25.327

26.400

(*) dont 1.989 de régularisation au titre d'exercices antérieurs.

Source : budgets votés et projet de loi de finances.

En réalité, ces montants recouvrent moins de 60 % du coût global du dispositif, soit environ 45 milliards de francs. Il faut y ajouter, en effet, pour l'État, la créance de proratisation destinée aux DOM (815 millions de francs en 1999) et les mesures spécifiques pour l'emploi (6,7 milliards en 1997), le logement (1 milliard) ou la santé (400 millions) et, pour les départements, les crédits d'insertion obligatoires (4 milliards) et l'aide médicale (6,1 milliards).

Quelques signes encourageants méritent tout particulièrement d'être relevés. Ainsi, le taux de consommation des crédits d'insertion obligatoires, même si la situation varie sensiblement d'un département à l'autre, est resté globalement élevé en 1996 (94,4 %). Le montant des reports n'en représente toujours pas moins de 48,6 % de la dotation annuelle.

Le taux de contractualisation, c'est-à-dire le nombre d'allocataires ayant signé un contrat d'insertion, est resté stable (52,3 % en 1997), même si tous les contrats ne portent pas sur une solution effective d'insertion et si tous les départements n'obtiennent pas les mêmes résultats. 711.797 contrats ont ainsi été signés ou renouvelés en 1997 (+ 12,1 %). Cette forte progression est liée à celle des renouvellements de contrats, ce qui tend à montrer qu'est accompli un effort de suivi des personnes ayant le plus de difficultés à s'insérer.

En outre, un tiers des bénéficiaires a accès, chaque année, à une insertion professionnelle. Cette proportion est restée quasiment stable depuis 1990, mais ceci ne saurait faire oublier que les solutions d'insertion, ayant crû parallèlement au RMI, touchent presque trois fois plus de personnes qu'en 1990 et que la part de l'emploi marchand tend à y augmenter.

Un tiers des sorties, soit environ 130.000 personnes, s'analysent comme une reprise d'emploi durable (emplois non aidés du secteur marchand). Cette hausse fait plus que compenser la baisse des contrats aidés. Pour 1998, on sait d'ores et déjà que 2.000 jeunes bénéficiaires du RMI ont eu accès à un emploi-jeune.

Enfin, il faut noter que 28.500 suspensions ont été prononcées en 1997, soit pour refus d'établir ou de renouveler un contrat, soit pour non respect du contrat.

2.- Les centres d'hébergement et de réadaptation sociale

L'ensemble des moyens budgétaires affectés aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) a évolué comme suit depuis 1995 :

CENTRES D'HÉBERGEMENT ET DE RÉADAPTATION SOCIALE (1995-1999)

(Crédits de paiement)

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1999

Fonctionnement

2.130

2.222

2.348

2.413

2.490

Investissement

4

21

14

21

43

Total

2.134

2.243

2.362

2.433

2.533

Sources : budgets votés et projet de loi de finances.

Au 1er janvier 1996, 735 centres hébergeaient 28.500 personnes et suivaient, hors de leurs murs, un peu moins de 3.500 personnes. Au-delà de leur vocation d'accueil d'urgence, ils s'efforcent également d'assurer le retour à l'autonomie. Ainsi l'article 157 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions étend-elle le rôle des CHRS au soutien et l'accompagnement social ainsi qu'à l'adaptation à la vie active.

La plupart des centres sont des organismes privés gérés par des associations, mais le financement est assuré par l'État.

Il s'agit d'abord d'une subvention de fonctionnement, qui figure au chapitre 46-23, article 22. Les dépenses inscrites au projet de loi de finances pour 1999 conservent un rythme de progression soutenu, justifié par l'ampleur des besoins. Elles s'élèveront à 2,5 milliards de francs (+ 3,2 %).

L'augmentation de 77,5 millions de francs s'explique d'abord, comme en 1998, par la création de 500 places nouvelles (+ 42 millions), obtenue par transformation de places de centres d'accueil d'urgence. S'y ajoute l'évolution de la masse salariale (+ 35,5 millions).

Les CHRS bénéficient également d'une subvention d'équipement. Les autorisations de programme continueront de progresser en 1999, pour atteindre 75 millions de francs. En crédits de paiement, la croissance est également forte (+ 104,8 %). Elle permet de traduire l'un des objectifs du programme de lutte contre les exclusions, consistant à améliorer la sécurité, la salubrité et la protection de la personne dans ces centres.

3.- L'aide médicale

Aux côtés des départements, qui assurent plus de 90 % de l'aide médicale (6,9 milliards de francs en 1997, selon les estimations de l'ODAS), l'État, conformément à l'article 8 de la loi du 29 juillet 1992 (article 190-1 du code de la famille et de l'aide sociale), contribue également aux dépenses de soins, de forfait journalier et de cotisations à l'assurance personnelle des personnes dépourvues de résidence stable et ayant fait élection de domicile auprès d'un organisme agréé à cet effet.

La gestion de cette aide est confiée aux organismes d'assurance maladie, en vertu d'une convention conclue en 1995 entre l'État et les caisses. De ce fait, les services déconcentrés ne paient plus directement les praticiens et les établissements de soins, mais les crédits d'aide médicale sont répartis sous forme d'acomptes annuels aux caisses, qui assurent le règlement intégral des facturations.

Les crédits budgétaires sont inscrits au chapitre 46-23, article 81. Ils resteront fixés à 807 millions de francs en 1999, ce qui permettra de poursuivre l'apurement des dettes de l'État. En effet, les montants engagés ayant été inférieurs aux crédits disponibles et, surtout, aux besoins, on constatait, au 1er janvier 1997, que 808 millions de francs de charges avaient été reportés au cours des années précédentes. Le total des besoins était donc évalué, pour 1997, à 1.442 millions de francs.

Les besoins annuels seraient de l'ordre de 650 à 700 millions de francs, de telle sorte que 100 à 150 millions de francs resteraient disponibles pour résorber les retards de paiement.

150.000 personnes ne sont pas affiliées à un régime de base d'assurance maladie, tandis que 7 millions de personnes ne bénéficient pas de couverture complémentaire dans ce domaine. Annoncée dès 1995 dans le cadre du " plan Juppé " de réforme de la sécurité sociale, la mise en place d'une couverture maladie universelle s'est cependant heurtée à de nombreuses difficultés techniques.

Le rapport effectué par notre collègue Jean-Claude Boulard à la demande du Premier ministre et rendu public le 10 septembre dernier envisage trois scénarios :

· une " couverture décentralisée encadrée ", fondée sur les conseils généraux, qui gèrent déjà le RMI et l'aide médicale, et assortie, afin d'éviter les difficultés rencontrées avec la prestation spécifique dépendance (PSD), d'un barème national ; le rapport relève toutefois que les départements ne souhaitent pas conserver la compétence en matière de santé et sont donc favorables à la recentralisation du risque ;

· une " couverture centralisée " qui aurait pour avantages de faire évoluer l'accès aux soins d'une démarche d'action sociale vers une logique de santé publique et d'ouvrir à tous le droit commun de l'assurance ; cette hypothèse impliquerait cependant une gestion de la couverture complémentaire par le régime général, évolution à laquelle s'opposent les intéressés ;

· une " couverture partenariale " consistant en un régime de base centralisé auquel les acteurs de la couverture complémentaire (mutuelles, assurances) contribueraient, permettant ainsi de placer les exclus dans le champ commun ; le rapport suggère les modalités de financement de cette extension de la couverture complémentaire, évaluée à 6 milliards de francs : 1,4 milliard pour les bénéficiaires (une cotisation de 30 francs par mois), 2,2 milliards pour l'État et 2,2 milliards pour le secteur complémentaire.

Dans ces conditions, il est impossible, à ce stade, d'en évaluer avec précision les incidences budgétaires pour l'État, même s'il est probable qu'une partie des moyens requis pourra être mobilisée par des redéploiements de crédits.

4.- Les dépenses d'intervention

Le chapitre 47-21, article 60 retrace les crédits non déconcentrés destinés à la lutte contre l'exclusion. Ils ont permis de financer en 1998 :

· des postes FONJEP (foyers de jeunes travailleurs, centres sociaux, animation locale, emplois locaux d'insertion), qui font l'objet d'un engagement de financement pluriannuel, à hauteur de 113 millions de francs environ ;

· les conventions d'objectifs avec les grandes associations caritatives ;

· des conventions spécifiques en vue de venir en aide à des populations très précarisées (gens du voyage, chômeurs) ou de faire face à des fléaux sociaux particuliers (prostitution, sectes, suicide).

Les crédits diminueront, en 1999, de 33 millions de francs. En réalité, certaines actions locales seront dorénavant prises en charge par l'article 70 (crédits déconcentrés). Par conséquent, l'évolution de cet article pour 1999 peut être récapitulée comme suit :

· un ajustement de 37 millions de francs dans le cadre des programmes de prévention et de lutte contre l'exclusion, afin de concentrer les moyens sur l'échelon local ;

· le transfert des 4,2 millions de francs inscrits jusqu'alors à l'article 80 (dépenses non déconcentrées d'insertion par l'économique) ;

· le non renouvellement d'une mesure nouvelle de 0,6 million de francs.

En revanche, l'article 70, qui retrace les interventions déconcentrées, progresse de 38,8 %. Il finance :

· les réponses apportées à l'urgence sociale (hébergement des personnes sans abri, lieux d'accueil de jour, SAMU social, aide alimentaire, prise en charge des factures d'énergie impayées, accompagnement social dans le logement) ;

· l'appui social individualisé (ASI), c'est-à-dire l'orientation et le suivi des personnes qui, trop éloignées ou trop longtemps exclues du marché du travail, ont besoin de retrouver des repères, de restaurer leurs droits et d'être accompagnés avant de pouvoir aborder la réinsertion professionnelle ; l'ANPE ou les missions locales orientent les personnes vers les associations mandatées ;

· les fonds d'aide aux jeunes ;

· des actions spécifiques (gens du voyage, prévention-été, ...) ;

· un prélèvement au profit du fonds interministériel d'intervention pour la politique de la ville (FIV), qui a atteint 80 millions de francs en 1998.

S'agissant d'un domaine prioritaire de l'action sociale de l'État et des collectivités locales, votre Rapporteur estime qu'il est anormal qu'en dépit de ses demandes réitérées, il n'ait pu disposer en temps utile de la moindre information sur le montant, le rôle et l'évolution récente des fonds d'aide aux jeunes.

L'accroissement de 213,7 millions de francs des crédits pour 1999 se décompose comme suit :

· extension de l'appui social individualisé (100 millions, sans compter une contribution d'un même montant du fonds social européen), ces crédits (130 millions au total) étant transférés à l'article 90 du chapitre 47-21 ;

· renforcement des résidences sociales (80 millions) ;

· urgence sociale et veille sociale (40 millions) ;

· augmentation des fonds d'aide aux jeunes (120 millions) ;

· un transfert positif au titre du FIV (15 millions) ;

· une révision de services votés correspondant à la transformation de places d'accueil d'urgence (asiles de nuit) en places de CHRS (10 millions) ;

· le non renouvellement d'une mesure nouvelle de 1,3 million de francs.

5.- L'insertion par l'économique

Les crédits du budget de la solidarité destinés à l'insertion par l'économique complètent ceux du budget de l'emploi, comme le montre le tableau ci-après :

INSERTION PAR L'ÉCONOMIQUE (1995-1999)

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1999

Emploi (44-70, article 51)

310

317,2

320

348,5

363

Solidarité (47-21, article 90)

146,7

134,5

132,5

135,7

183,2

Total

456,7

451,7

452,5

484,2

546,2

Source : budgets votés et projet de loi de finances.

La forte progression constatée en 1999 tient au transfert des 130 millions de francs de crédits prévus pour l'appui social individualisé. L'ensemble des aides aux postes, qui étaient jusqu'alors partagées entre les budgets de l'emploi et de la solidarité, sont désormais regroupées sur le seul budget de l'emploi. Les moyens ainsi dégagés permettent de renforcer l'action sociale en faveur des familles (cf. p. 48).

Il est regrettable que votre Rapporteur n'ait reçu du ministère de l'Emploi et de la Solidarité aucune autre précision sur la nature et l'évolution des actions financées sur les crédits de l'insertion par l'économique.

6.- Les autres dépenses d'aide sociale obligatoire
de l'État

Compte tenu des changements intervenus dans la nomenclature budgétaire, quatre articles du chapitre 46-23 (dépenses d'aide sociale obligatoire) concourent désormais à différentes dépenses d'aide sociale obligatoire de l'État.

a) L'aide sociale

Trois différents types de dépenses sont prévus au chapitre 46-23, article 90 : hébergement et allocations des personnes âgées et handicapées sans domicile fixe, aides aux familles, remboursements d'aide à l'enfance aux départements.

La dotation en loi de finances initiale s'élève, comme en 1998, à 320,8 millions de francs. Cet article est abondé, en outre, par rattachement de crédits de fonds de concours.

AIDE SOCIALE (1994-1999)

(en millions de francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Crédits disponibles (*)

425,2

425,2

356,8

367,4

394

350

Consommation

387,3

369,3

357,8

370,4

380

-

(*) y compris fonds de concours, sauf 1999.

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité et budgets votés.

Selon les réponses communiquées à votre Rapporteur, compte tenu de l'extinction des remboursements d'aide sociale à l'enfance et des aides sociales à la famille, les dépenses se stabilisent aux alentours de 350 millions de francs, soit environ 250 millions pour les personnes âgées et 100 millions pour les personnes handicapées.

Par conséquent, la dotation pour 1999 devrait permettre à l'État de continuer à honorer la dette constituée au titre des exercices antérieurs, qui atteignait 110 millions de francs en 1998.

b) Les allocations diverses et supplémentaires

· Les allocations et prestations diverses

Figurant au chapitre 46-23, article 70, elles concernent deux allocations d'aide sociale relevant de l'État : l'allocation différentielle servie aux personnes handicapées au titre des droits acquis aux anciennes allocations aux infirmes remplacées par la loi de 1975 (44 millions de francs), d'une part, et l'allocation simple d'aide sociale aux personnes âgées attribuée aux personnes qui ne peuvent prétendre à l'allocation spéciale de vieillesse (19 millions de francs), d'autre part. En outre, cet article permet également d'aider l'action d'organismes de prévention de la prostitution, à hauteur de 28 millions de francs en 1998. Pouruisvant la diminution enregistrée depuis 1992, les dépenses seront de 92,1 millions de francs en 1999, en recul de 6,6 %.

· Les allocations supplémentaires en faveur des ressortissants de l'aide sociale

L'article 82 du chapitre 46-23 finance des dépenses d'allocations supplémentaires en faveur des ressortissants de l'aide sociale. Il s'agit, pour l'essentiel, de personnes âgées bénéficiaires de l'allocation simple d'aide sociale et de certaines personnes handicapées encore titulaires d'anciennes allocations d'aide sociale.

Les dépenses ont considérablement diminué depuis 1993, passant de 56,1 millions de francs à 9,3 millions de francs. Ce recul s'explique par la modification intervenue dans le mode de financement de l'allocation supplémentaire des personnes âgées réfugiées, désormais éligibles à l'allocation spéciale vieillesse et à l'allocation complémentaire des articles 814-1 et 815-2 du code de la sécurité sociale. En 1999, il a donc paru suffisant de maintenir la dotation de 1997 et de 1998, soit 9,3 millions de francs.

c) Le règlement de dépenses à des pays étrangers

L'État doit acquitter des dépenses d'aide sociale dans certains pays étrangers. En réalité, il s'agit principalement, en application d'une convention d'assistance franco-suisse de 1931, du remboursement réciproque des frais occasionnés par les nationaux de chacun des deux États résidant sur le territoire de l'autre État cosignataire.

Cette compensation est retracée au chapitre 46-23, article 30 (dépenses non déconcentrées d'aide sociale obligatoire). Compte tenu du niveau des dépenses constatées au cours des exercices précédents, la dotation sera maintenue 20 millions de francs.

C.- LA FAMILLE ET L'ENFANCE

Jusqu'en 1998, les crédits spécifiquement consacrés à l'enfance et à la famille étaient peu importants (63,7 millions de francs). En 1999, deux innovations vont profondément modifier la nature des interventions budgétaires dans ce domaine : la prise en charge de l'allocation de parent isolé par le budget de l'État, d'une part, et le développement du soutien à la fonction parentale, d'autre part.

1.- L'allocation de parent isolé

Dans le cadre de la conférence de la famille, une importante réforme des aides aux familles a été mise en _uvre. Celle-ci comporte trois volets : le rétablissement des allocations familiales sans condition de ressources, l'abaissement du plafond du quotient familial et, afin de préserver l'équilibre de la branche famille, la prise en charge par l'État de l'allocation de parent isolé (API).

Ce transfert de 4,2 milliards de francs est opéré par l'article 82 du projet de loi de finances pour 1999, rattaché au budget de l'emploi et de la solidarité. Il sera donc examiné de façon plus détaillée à un stade ultérieur du présent rapport spécial (p. 85), auquel votre Rapporteur invite à se reporter, se bornant à observer que l'API rejoint ainsi le RMI et l'AAH parmi les minima sociaux versés par les CAF et retracés dans le budget général.

2.- L'action sociale en faveur de la famille et de l'enfance

Comme la politique de l'enfance est de la compétence du département, les crédits budgétaires inscrits à cet effet aux articles 10 et 20 du chapitre 47-21 ne sont pas très significatifs : 124,7 millions de francs en 1999.

L'article 10 (dépenses non déconcentrées) permet de financer les associations intervenant dans le domaine de l'action parentale, de l'information et du conseil familial ainsi que les associations travaillant pour l'insertion des familles défavorisées au cours des vacances (tourisme social). Après une forte hausse des crédits en 1998 (+ 74,5 %), ils resteront stables en 1999 (34,9 millions de francs).

À l'échelon local, l'article 20 (dépenses déconcentrées) est appelé à financer, dans les DDASS, tous types d'actions pour l'enfance et la famille : il s'agit, en particulier, des établissements d'information, de consultation ou de conseil familial, des associations de médiation familiale et des lieux de visite enfants-parents. Grâce à des redéploiements effectués sur les articles 60 et 90 du chapitre 47-21 précédemment évoqués (p. 46), en 1999, la dotation est augmentée de 63 millions de francs : suite à la conférence de la famille, un réseau d'écoute et d'appui aux parents sera mis en place afin de les aider à assumer leurs responsabilités éducatives.

D.- LES PERSONNES ÂGÉES

Au-delà des quelques crédits budgétaires spécifiques, votre Rapporteur abordera, comme l'an passé, deux questions de fond : les retraites agricoles, d'une part, et l'aide à domicile, d'autre part. Dans ces domaines, nul ne pourra contester que des progrès significatifs ont été accomplis.

1.- L'action sociale

Les dépenses d'action sociale en faveur des personnes âgées sont regroupées avec les dépenses correspondantes pour les personnes handicapées, précédemment évoquées (cf. p. 34).

En 1998, les crédits non déconcentrés s'élevaient à 2,8 millions de francs. Ils sont destinés à subventionner des organismes nationaux, tels que la fondation nationale de gérontologie (FNG) et le centre de liaison, d'études, d'information et de recherche pour les problèmes des personnes âgées (CLEIRPA), ou des actions innovantes s'inscrivant dans les priorités de la politique nationale dans ce domaine.

Il faut rappeler, en outre, que la subvention au comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA), soit 0,6 million de francs, est inscrite, depuis 1998, parmi les crédits du chapitre 34-98, article 10.

L'article 50, comme en 1997 et en 1998, ne comporte plus de crédits déconcentrés pour les personnes âgées. Pourtant, c'est sur ce chapitre qu'est financé le fonctionnement des comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA) et des conférences régionales des retraités et des personnes âgées (CORERPA).

Les CODERPA sont des instances à caractère consultatif sont des lieux de dialogue, d'information et de réflexion au sein desquels les représentants des retraités et des personnes âgées participent à l'élaboration et à l'application des mesures de toute nature les concernant, en concertation avec les professionnels et les principaux organismes chargés de mettre en _uvre les actions en leur faveur dans le département. Le préfet en est le président et le président du conseil général le vice-président.

Consulté lors de l'élaboration du schéma gérontologique départemental, le CODERPA participe également à l'information des personnes âgées et de leurs familles. Suivant les recommandations d'une circulaire de 1982, neuf régions ont créé, quant à elles, une CORERPA.

En 1997, la loi de finances initiale, dotée de 0,4 million de francs, à la suite d'un amendement non reconductible de majoration de crédits, a été augmentée d'un mouvement de crédits interne de 4 millions de francs. Il en a été de même en 1998, à hauteur de 5 millions de francs. Il conviendra donc à nouveau que des modalités de financement appropriées soient trouvées, en cours d'exercice, pour les CODERPA, d'autant qu'un décret en date du 22 juillet dernier modifie leur fonctionnement dans le sens d'une meilleure représentation des personnes âgées : désormais, ils devront se réunir au moins trois fois par an et un second vice-président devra être élu parmi les membres du collège des retraités et des personnes âgées.

2.- La transformation des établissements d'hébergement

Les subventions d'équipement social (chapitre 66-20) sont consacrées, pour plus des deux tiers, soit 227 millions de francs en autorisations de programme et 232,25 millions de francs en crédits de paiement, à la transformation des établissements d'hébergement des personnes âgées (article 30).

Le programme entrepris dans le cadre de la loi du 30 juin 1975 touche presque à sa fin : sur les 216.300 lits d'hospice publics originels, il restait, au 1er janvier 1998, 4.897 lits à transformer juridiquement, principalement en unités de soins de longue durée relevant de la loi de 1970, mais également en unités médico-sociales relevant de la loi de 1975.

Les 211.403 lits transformés ont permis de créer, compte tenu des opérations d'humanisation, 148.522 lits de maisons de retraite, 48.300 lits d'unités de soins de longue durée, 2.640 lits de soins de suite et 4.450 lits pour adultes handicapés, soit un total de 203.916 lits.

Dans le cadre du XIème plan (1994-1998), 22.198 lits devaient être humanisés, les collectivités locales (départements et régions) et l'État s'étant engagées, respectivement, à hauteur de 2 milliards de francs et de 1,8 milliard de francs. On rappellera cependant que les contrats de plan ont été étalés sur une année supplémentaire.

Dans ses réponses au questionnaire écrit de votre Rapporteur, le ministère précise toutefois, s'agissant de l'exercice 1998, que " les délégations d'autorisations de programme ont été suspendues en raison de difficultés, qui ne peuvent être que provisoires, au niveau des crédits de paiement disponibles ". Les raisons justifiant ces " difficultés provisoires " ont déjà été mises en lumière s'agissant de l'article 10 du même chapitre 66-20 (cf. p. 31).

3.- L'amélioration des retraites agricoles se poursuit

Dans son rapport spécial consacré aux crédits de la solidarité pour 1998, votre Rapporteur s'était penché sur la situation des retraités agricoles, compte tenu du fait que le montant de certaines pensions, particulièrement celles des conjoints et aides familiaux, demeurait encore largement inférieur au minimum vieillesse, voire au revenu minimum d'insertion.

Le problème n'est pas nouveau, puisque l'article 18 de la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980 disposait que " les retraites des exploitants agricoles sont progressivement revalorisées et adaptées en vue de garantir, à durée et effort de cotisation comparables, des prestations de même niveau que celles qui sont servies par le régime général de la sécurité sociale ou par les régimes de base des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales ". Mais c'est la nouvelle majorité qui a donné la véritable impulsion à ce qui sera, à terme, un alignement des retraites agricoles sur le minimum vieillesse puis sur le SMIC.

La loi de finances pour 1998, dans le cadre du BAPSA, comprenait des mesures nouvelles d'un montant de 760 millions de francs en 1998, soit, en réalité, plus d'un milliard de francs en année pleine. Elles ont permis un relèvement de 5.100 francs par an, dès 1998, pour les 275.000 conjoints ou aides familiaux bénéficiant de la seule retraite forfaitaire et ayant effectué l'intégralité ou l'essentiel de leur carrière dans l'agriculture. Leur revenu a ainsi été porté à 2.000 francs par mois, toujours inférieur au RMI.

Votre Rapporteur avait souhaité, l'an dernier, que l'effort soit poursuivi de telle sorte qu'aucune retraite ne soit inférieure au minimum vieillesse. Cet effort se poursuit effectivement en 1999 au titre de la mesure décidée pour les petites retraites.

Les personnes ayant pris leur retraite avant 1998 et cotisé plus de 32,5 années bénéficieront en effet d'une amélioration forfaitaire, visant à les porter les pensions à des montants minimaux, différents selon les catégories concernées. Cette mesure permettra à 607.000 retraités de percevoir des pensions minimales de 2.200 à 2.800 francs par mois, soit un coût de 1.159 millions de francs en 1999 (1.545 millions en année pleine). Elle est complétée par une mesure d'harmonisation destinée à compenser des situations inéquitables apparues lors des mesures précédentes de revalorisation : 20.000 retraités seraient concernés pour un coût brut en année pleine de 37 millions de francs.

Une mesure similaire a été adoptée dans le cadre du projet de loi d'orientation pour les conjoints, " carrières mixtes " et aides familiaux prenant leur retraite à partir de 1998. Son coût serait de 46 millions de francs en année pleine.

Le coût brut cumulé de ces trois dispositifs serait donc de 1.219 millions de francs en 1999, soit 1.628 millions en année pleine.

Ceci étant, demeure toujours le problème des rééquilibrages qui pourraient s'opérer en faveur des moins favorisés dans le calcul de la pension. Ainsi, la majoration pour enfants, qui s'élève à 10 %, serait autrement plus juste si elle consistait en une somme forfaitaire : actuellement, en effet, plus la retraite est élevée, plus la bonification est importante.

Enfin, il serait souhaitable que soit mis en place un régime complémentaire obligatoire, fondé sur la répartition. Compte tenu de la situation démographique du monde agricole, il serait juste que la solidarité nationale apporte sa contribution à ce futur régime, d'autant que l'on sait que 75 % des chefs d'exploitation ont des revenus inférieurs au SMIC.

4.- Les exonérations dans le secteur des aides à domicile ont été rationalisées

Votre Rapporteur avait souhaité, l'année dernière, que l'État établisse une neutralité dans les conditions de choix offertes aux particuliers qui ont besoin de recourir à un service à domicile.

Actuellement en effet, les particuliers employeurs bénéficient, notamment s'ils sont âgés de plus de soixante-dix ans ou titulaires de la PSD, de l'exonération à 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale, en vertu de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, et de la taxe sur les salaires, en vertu de l'article 231 bis P du code général des impôts.

Les associations d'aide à domicile, quant à elles, bénéficient de l'exonération de 30 % au titre de l'aide à domicile (article L. 241-10 du code de la sécurité sociale), de l'exonération de 30 % dans le cadre du temps partiel (article L. 322-12 du code du travail), de l'abattement partiel sur les bas salaires (article L. 241-13 du code de la sécurité sociale) et de l'abattement partiel de la taxe sur les salaires (article 1679 A du code général des impôts).

On rappellera, par ailleurs, que l'abattement sur les bas salaires, s'il n'est pas cumulable avec l'exonération au titre de l'aide à domicile, l'est en revanche avec l'exonération dans le cadre du temps partiel. Dans ce cas, l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour les associations est proche de 100 %.

Malheureusement, la quasi totalité des personnels des associations ne peut bénéficier de ce cumul, car celui-ci ne s'applique qu'aux personnes employées à temps complet qui passent à temps partiel ou aux nouvelles embauches, pour une durée minimale de seize heures par semaine. Or chacun sait que les salariés des associations d'aide à domicile travaillent généralement déjà à temps partiel.

En outre, l'abattement de la taxe sur les salaires est calculé sur une base forfaitaire (28.530 francs) : par conséquent, plus le service prestataire a de salariés, moins il en bénéficie proportionnellement.

Ces différences de régime fiscal et social avantagent nettement la formule du particulier employeur et du mandataire, le choix ayant été de solvabiliser la demande, plutôt que d'aider l'offre. Or, votre Rapporteur considère qu'elle n'est pas toujours la plus appropriée, compte tenu des publics visés. Certes, pour des personnes fragilisées, âgées ou handicapées, l'association mandataire garantit une aide administrative (bulletin de paie, déclaration URSSAF), une aide au recrutement, un remplacement éventuel et un accompagnement de l'intervention.

Mais l'employeur reste, dans ce cas, la personne aidée et le rôle d'accompagnement de l'association s'en trouve nécessairement limité, avec les risques d'inadaptation, voire d'abus vis-à-vis de la personne aidée. En outre, peu habituées à exercer la responsabilité d'employeur, la plupart de ces personnes se trouvent démunies, en cas de conflit, dans un contentieux devant les prud'hommes.

L'autre inconvénient majeur du système mandataire est qu'il ne permet ni la pérennisation, ni la professionnalisation des emplois. Pour les intervenants, qui dépendent souvent de plusieurs employeurs, l'intermédiation d'une association garantit une ancienneté, une formation et, surtout, un employeur unique. Par conséquent, les associations présentent l'avantage de structurer l'offre dans un domaine qui peut se révéler créateur de véritables emplois de proximité, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain.

Face aux difficultés rencontrées par certaines associations, le secrétaire d'État au budget s'est engagé, lors de l'examen par notre Assemblée du projet portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, à allouer une enveloppe de 30 millions de francs pour des soutiens d'urgence.

Surtout, faisant siennes les conclusions du rapport remis en juillet dernier par Mme Hespel et M. Thierry au nom des inspections générales des finances et des affaires sociales, le Gouvernement a accepté, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, que l'exonération de cotisations sociales patronales des associations prestataires soit portée à 100 %, pour peu que celles-ci concluent des contrats à durée indéterminée. Le coût de cette mesure est estimé à 670 millions de francs.

En contrepartie, l'exonération accordée aux particuliers de plus de soixante-dix ans, dès lors qu'elle est seulement fondée sur l'âge, sera plafonnée à quinze heures par semaine et par foyer. Il faut souligner que les personnes invalides, dépendantes ou handicapées ne seront pas touchées par cette mesure et que 90 % des employeurs se situent en dessous de ce seuil. En revanche, les 10 % restants totalisent 50 % des heures à domicile, ce qui tend à prouver qu'ils disposent des ressources suffisantes. L'économie attendue de ce volet du dispositif est de 420 millions de francs.

E.- L'INTÉGRATION

Deux chapitres de crédits d'intervention du budget de la solidarité visent à répondre aux besoins spécifiques d'accueil, de formation linguistique et d'insertion des populations immigrées. Le premier tend à regrouper diverses actions d'intégration bénéficiant à l'ensemble des migrants (chapitre 47-81), tandis que le second est plus spécifiquement consacré aux réfugiés et demandeurs d'asile (chapitre 46-23, article 21).

1.- Les dispositifs de portée générale

Les interventions en matière de populations et de migrations restent stables en 1999, s'élevant à 59 millions de francs.

Les dépenses non déconcentrées (article 20) portent d'abord sur les contrats locaux pour l'accueil et l'intégration, nouvelle appellation des contrats d'agglomération, au nombre de quarante-sept en 1998. Depuis 1997, 11 millions de francs ont été consacrés à cette aide destinée aux communes qui s'engagent avec l'État à mener un programme local d'intégration des immigrés. Toutefois, à compter de 1999, ces opérations seront déconcentrées, de telle sorte que 11 millions de francs sont transférés à l'article 30 dans le projet de loi de finances pour 1999. Les autres actions financées sur cet article consistent en des opérations à caractère national ou expérimental :

· la coordination du réseau national d'accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile, soit 6,9 millions de francs en 1998 ;

· l'accompagnement social dans les centres de rétention d'étrangers, à hauteur de 5 millions de francs environ ;

· les subventions aux organismes intervenant en matière d'intégration (16,2 millions).

Les dépenses déconcentrées (article 30) sont d'abord affectées aux actions de formation linguistique et professionnelle des réfugiés (15,4 millions de francs en 1998), qui bénéficient, en outre, de 8 millions de francs de concours du fonds social européen (FSE). Les autres interventions comprennent l'accompagnement scolaire (réseaux " solidarité école ", 2,4 millions), les actions de parrainage de jeunes vers l'emploi (1,5 million), abondées par un montant identique du FSE) ainsi que des aides au GIP " Habitat et interventions sociales pour les mal logés et les sans-abri " en Île-de-France (0,2 million) et à l'observatoire régional de l'intégration et de la ville (ORIV) d'Alsace pour un montant identique (transféré de l'article 20).

2.- Les dispositifs destinés aux réfugiés

La baisse du nombre des admissions au statut de réfugié s'est confirmée en 1997, comme le montre le tableau ci-après :

RÉFUGIÉS ACCUEILLIS

Origine

1990

1993

1997

Europe

2.944

3.020

947

Amérique

587

537

126

Asie

8.396

4.767

2.050

Afrique

1.516

1.487

935

Indéterminée ou apatrides

5

0

54

Total

13.448

9.811

4.112

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Respectant ses obligations internationales découlant de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la France a mis en place un dispositif national d'accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile organisé autour de trente centres provisoires d'hébergement (CPH), de soixante-deux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et de deux centres de transit, qui disposent respectivement de 1.169, 3.721 et 116 places.

Les allocations d'attente et aides financières diverses pour les réfugiés et demandeurs d'asile (chapitre 47-81, article 40) sont gérées par le service social d'aide aux émigrants (SSAE). Les 18 millions de francs inscrits en loi de finances initiale ont pu être complétés par 12 millions de francs de crédits disponibles au SSAE à la fin de 1997. En 1999, grâce à la réintégration d'une mesure d'économie non reconductible opérée en 1998, soit 12 millions de francs, et compte tenu de la remontée du nombre de demandeurs d'asile constatée à la fin de 1997, la dotation sera augmentée de 2 millions de francs pour atteindre 32 millions de francs.

En 1999, les crédits des centres d'hébergement et de réadaptation sociale pour les réfugiés seront portés à 304 millions de francs, soit une augmentation de 3,1 %. Cette progression, qui démontre l'existence d'un besoin social malgré une relative stabilité des flux de demandeurs d'asile, se résulte de la création de 100 places nouvelles de CADA (5,7 millions de francs) et d'un ajustement des dépenses de fonctionnement (3,6 million de francs).

F.- LES DROITS DES FEMMES

La constante amélioration du taux de féminisation dans la vie publique, dont les élections législatives ont marqué une étape spectaculaire, ou dans le monde du travail, n'ôte rien à la nécessité de maintenir un effort spécifique dans ce domaine.

Les champs d'intervention couverts par les actions en faveur des droits des femmes en 1998 suffisent en effet à se convaincre que cet effort doit être poursuivi : lutte contre les violences et la prostitution, intégration des femmes étrangères, régulation des naissances et éducation familiale, emploi et formation professionnelle.

Les crédits de rémunérations et les emplois du service des droits des femmes sont regroupés avec ceux de l'administration centrale. Parmi les crédits des DRASS (chapitre 37-13), ceux des délégations régionales aux droits des femmes sont maintenus.

Les crédits d'intervention (chapitre 43-02), qui s'élèvent à 80,5 millions de francs, augmentent de 11,5 %. Cette progression rompt ainsi avec la forte baisse (- 8,5 %) enregistrée en 1998. S'y ajoutent des concours communautaires au titre de l'objectif 3 du FSE pour l'ensemble des actions de formation et d'accès à l'emploi. Cet apport s'est monté à 5,1 millions de francs en 1997 et est estimé à 5,9 millions de francs en 1998.

L'évolution récente du chapitre 43-02 est décrite ci-après :

DROITS DES FEMMES (1993-1999)

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Dotation initiale

86,5

86

85

83,8

78,7

72,1

80,5

Dotation finale (1)

83,5

86,9

90,9

89,0

83,8

78,0 (2)

-

(1) après annulations et concours communautaires.

(2) estimations.

Source : ministère de l'emploi et de la solidarité et budgets votés.

Pour 1999, 18,5 millions de francs sont consacrés aux dépenses non déconcentrées (article 10), c'est-à-dire les aides aux associations ou organismes à vocation nationale ou participant à l'élaboration, à l'évaluation ou à la mise en _uvre d'une politique d'intérêt national, notamment le centre national d'information sur les droits des femmes (CNIDF). La progression des moyens est de 2.450.000 francs, soit 800.000 francs au titre de la conférence des ministres de l'Union européenne chargés de l'égalité des chances et 1.650.000 francs pour les associations ou organismes précédemment mentionnés.

A l'article 20, les dépenses déconcentrées atteignent 62 millions de francs. Ces crédits permettent de financer l'aide aux centres d'information sur les droits des femmes (CIDF), les structures pour les femmes victimes de violences, les bureaux de ressources juridiques internationales, les interventions des " femmes relais " pour l'insertion et les mesures dans le domaine de l'emploi et de la formation. Les moyens augmentent ainsi de 6 millions de francs, dont 5,1 millions dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi afin de renforcer l'égalité des chances, et 850.000 francs pour les subventions de projets et les permanences d'écoute pour les femmes victimes de violences.

G.- LES SUBVENTIONS À CERTAINS RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La solidarité s'exerce également à l'égard de la protection sociale des mineurs, d'une part, et de celle de l'outre-mer, d'autre part.

1.- Le régime des mineurs

Conformément à un décret du 27 novembre 1946, la contribution de l'État au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) est destinée à assurer l'équilibre de l'ensemble des opérations de l'assurance vieillesse-invalidité de ce régime spécial.

C'est la structure démographique particulièrement déséquilibrée du régime qui fonde cette intervention de la solidarité nationale : en effet, on comptait, en 1997, 26.631 cotisants pour 252.332 bénéficiaires de droits propres et 157.545 bénéficiaires de droits dérivés.

L'aide de l'État prenant la forme d'une subvention d'équilibre, le montant inscrit au projet de loi de finances (chapitre 47-23, article 10) devrait être égal au solde prévisionnel des opérations de l'assurance vieillesse du régime.

La subvention d'équilibre sera, en 1999, de 1.563,8 millions de francs. Elle avait atteint, en 1998, 1.505,7 millions de francs, mais l'exercice devrait se clore par un solde négatif de 383 millions de francs, de telle sorte qu'une ouverture de crédits sera sans doute nécessaire en loi de finances rectificative pour 1998. Cette évolution s'explique en partie par l'augmentation du taux de la pension de réversion, qui est passé de 52 à 54 % depuis le 1er juillet dernier.

COMPTES DU RÉGIME SPÉCIAL DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LES MINES

(vieillesse et invalidité)

(en millions de francs)

 

1998

1999

Emplois

14.380

14.427

Prestations sociales légales

12.992

13.028

Transferts versés entre gestions

1.383

1.394

Autres dépenses

5

5

Ressources

13.997

14.671

Cotisations sociales

553

530

Taxe sur les hydrocarbures

25

20

Compensation généralisée

1.908

2.071

Compensation régimes spéciaux

9.865

10.348

Subvention de l'État

1.506

1.564

Autres recettes

98

98

Solde des opérations courantes

- 383

+ 244

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

Pour 1999, au contraire, comme le souligne la commission des comptes, la subvention de l'État " suréquilibrerait le régime de 244 millions ". Cette anomalie tient au fait que l'élaboration du projet de loi de finances est antérieure aux prévisions de la commission des comptes, mais elle doit être relativisée en raison du déficit attendu en 1998.

En outre, comme l'observe la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1997, le déficit de la branche maladie du régime minier " n'est finalement contenu que grâce à une dotation du fonds des retraites (6,8 % des pensions versées). Cette dotation contrevient au principe, qui devrait prévaloir, de l'autonomie des branches. Dès lors que l'équilibre financier du régime des retraites est assuré en dernier ressort par la subvention de l'État, elle masque le fait que cette subvention contribue également au financement de l'assurance maladie ".

2.- La protection sociale de l'outre-mer

Pour un montant total de 257,5 millions de francs, l'État concourt, au travers de ces trois articles du chapitre 47-23, à la protection sociale dans les collectivités territoriales et les territoires d'outre-mer. Chacun de ces articles restera stable en 1999.

L'article 50 permet de financer l'allocation vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit 7,2 millions de francs.

Les 30 millions de francs inscrits à l'article 60 pour Mayotte représentent le montant de la participation de l'État, soit 75 %, dans le cadre de la convention de développement conclue avec Mayotte le 5 avril 1995, permettant le versement de diverses allocations et le financement de l'aide sociale. En principe, l'État avait souscrit un engagement financier de 105 millions de francs sur quatre ans (15 millions en 1995, puis 30 millions chacune des trois années suivantes). Les montants effectivement versés à ce jour ne correspondent cependant pas aux engagements prévus :

PROTECTION SOCIALE À MAYOTTE

(Chapitre 47-23, article 60)

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

1998

Total

Subvention prévue par la convention

15

30

30

30

105

Subvention versée

8

4

45

30

87

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Par conséquent, 18 millions de francs doivent encore être réglés au titre de cette convention. Compte tenu des indications fournies par la collectivité territoriale, ce montant sera finalement ramené à 15 millions de francs et devrait faire l'objet d'une inscription en loi de finances rectificative pour 1998.

Dans la perspective du renouvellement de la convention de 1995, le maintien de la dotation, soit 30 millions de francs, est prévu dans le projet de loi de finances pour 1999.

A l'article 70, l'essentiel des montants est destiné à la Polynésie française. En application de l'article 10 de la loi d'orientation de 1994, le versement de l'État à ce territoire était de 195 millions de francs en 1998. Compte tenu du fait que le renouvellement de l'ensemble du dispositif n'est pas encore conclu, la dotation prévue pour 1998 est reconduite en 1999.

Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie, en vertu d'une convention conclue le 6 février 1991 avec l'État, dispose de 11,6 millions de francs pour le financement d'une allocation d'aide sociale destinée aux personnes âgées. 4 millions de francs contribuent par ailleurs aux actions menées dans le territoire en faveur des personnes handicapées, en application d'une convention du 23 décembre 1980. Dans le cadre des contrats de développement, l'État finance également une opération de soutien à des actions de maintien à domicile des personnes âgées et handicapées ; compte tenu de la prolongation de ces contrats au-delà de 1997, date d'échéance initialement prévue, 2,5 millions de francs sont à nouveau prévus à ce titre en 1999. Enfin, l'État participe à hauteur de 0,11 million de francs une convention de gestion des tutelles et des curatelles d'État.

A Wallis-et-Futuna, 4,3 millions de francs sont destinés à une allocation d'aide sociale aux personnes âgées sans ressources financée conjointement par l'État et le territoire en vertu d'une convention du 3 juillet 1992. Par ailleurs, le budget de la solidarité finance également l'aide sociale à l'enfance créée par la convention de développement du 2 mars 1995 (1995-2000), à raison de 2,2 millions de francs par an. Enfin, un arrêté du 21 novembre 1989 prévoit une aide de l'État de 0,45 million de francs par an afin de soutenir des actions en faveur des personnes handicapées.

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EXAMEN EN COMMISSION

A.- AUDITION DES MINISTRES

Dans sa séance du 23 septembre 1998, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, de M. Bernard Kouchner, Secrétaire d'État à la Santé, et de Mme Nicole Péry, Secrétaire d'État à la Formation professionnelle, sur les crédits de leur ministère pour 1999.

Soulignant que l'emploi était la priorité qui avait conditionné les choix budgétaires pour 1999, Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a observé que les taux de progression des budgets de l'emploi, d'une part, et de la santé et de la solidarité, d'autre part, soit respectivement 4 % et 4,5 %, étaient le double de celui de l'ensemble des dépenses budgétaires. Convenant que les grandes orientations du budget 1999 n'étaient pas nouvelles, elle a néanmoins constaté que celles-ci étaient désormais fondées sur trois grands textes législatifs votés en 1998 : réduction du temps de travail, lutte contre les exclusions et sécurité sanitaire.

Abordant, en premier lieu, le budget de l'emploi, la Ministre a insisté sur les choix opérés en faveur des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail, entraînant une charge financière supplémentaire de 13 milliards de francs, reports compris. Elle a précisé que ces actions avaient été financées par 11 milliards de francs d'économies et de redéploiements, la progression du budget de l'emploi s'établissant ainsi à 6 milliards de francs sur un total de 156 milliards de francs. Reconnaissant que la reprise économique permettait de réduire les crédits consacrés aux préretraites et au chômage partiel, elle a déclaré que l'objectif principal était de concentrer l'ensemble des dispositifs sur le retour à l'emploi des publics les plus fragiles. Remarquant que la situation du marché de l'emploi rendait d'autant plus difficile l'insertion de ces publics, elle a observé que 70 % des contrats emploi-consolidés (CEC), dont le nombre sera porté à 60.000, bénéficieraient à des personnes grandement prioritaires, que 10.000 contrats de qualification pour adultes pourraient être conclus en 1999, que le programme TRACE permettrait à 40.000 jeunes connaissant des difficultés particulières d'accéder à une formation qualifiante et que les crédits de l'insertion par l'économique seraient doublés en 1999. Elle a indiqué que les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats initiative-emploi (CIE) seraient également recentrés sur les publics prioritaires et que, dans un souci d'efficacité de la dépense publique, la contribution de l'État au financement des plans sociaux serait atténuée par un effort des entreprises les mieux portantes.

S'agissant de l'approfondissement de la politique de formation professionnelle, elle a renvoyé à l'exposé de Mme Nicole Péry puis a insisté sur le renforcement des moyens du service public de l'emploi, principalement destiné aux chômeurs de longue durée, conformément au programme national d'action présenté au récent Conseil européen de Luxembourg. Évoquant à cet égard l'ANPE, dont les effectifs augmenteront de 1.000 et dont la subvention s'accroîtra de 11 % en 1999, elle s'est félicitée de ce que la modernisation de l'agence ait permis, depuis 1991, de faire progresser de 33 à 50 % sa part dans les offres d'emploi. Elle a conclu en annonçant que les moyens des missions locales seraient renforcés dans le cadre du programme TRACE et que les services du ministère bénéficieraient de mesures favorables aux emplois de catégorie C et de créations de postes dans les secteurs du contrôle et de l'inspection du travail.

Présentant ensuite les crédits de la santé et de la solidarité qui, hors politique de la ville, passent de 72 à près de 80 milliards de francs, Mme Martine Aubry a constaté que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions était, ici aussi, prise en compte dans le projet de loi de finances, qu'il s'agisse de l'augmentation des crédits destinés aux fonds d'aide aux jeunes, de la veille et de l'accueil en matière d'urgence sociale ou de l'accès aux soins, un projet de loi sur la couverture maladie universelle devant être déposé au Parlement d'ici quelques semaines, sur la base du rapport remis par M. Jean-Claude Boulard. Abordant le revenu minimum d'insertion, elle a souligné que l'accroissement de 3 % en volume des crédits inscrits pour 1999 devait être relativisée par la stabilisation du nombre des allocataires entrevue au cours des deux derniers mois. Concernant les personnes handicapées, elle a mis l'accent sur la création de 2.000 places dans les centres d'aide par le travail (CAT) et sur l'augmentation de 3,75 % des crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés. Estimant que l'accent mis sur l'intégration des populations étrangères était illustrée par la création de 100 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asiles (CADA), elle a enfin décrit les mesures bénéficiant aux agents de catégorie C et aux emplois à statut précaire, l'administration de son ministère étant l'une des premières à parvenir à la résorption intégrale de ces emplois.

S'interrogeant sur la mise en _uvre concrète du dispositif de surveillance multilatérale en matière d'emploi créé par le Conseil européen de Luxembourg, M. Didier Migaud, Rapporteur général, s'est demandé dans quels délais la faculté de cumul entre minima sociaux et revenus d'activité serait effectivement offerte aux intéressés. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la réforme annoncée dans le secteur de l'aide à domicile, sur le prochain renouvellement de la convention UNEDIC et sur l'extension du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) aux personnes âgées de moins de cinquante-huit ans ayant cotisé plus de quarante années.

Répondant au Rapporteur général, Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a précisé que le Conseil européen de Vienne procéderait, au mois de décembre prochain, à une première évaluation du dispositif mis en place au Conseil européen de Luxembourg, mais qu'il était d'ores et déjà possible de considérer que les diagnostics et les stratégies se rapprochaient et que les conseils des ministres étaient désormais le lieu de débats et d'engagements s'agissant des nouveaux emplois et de la réduction du temps de travail. Elle s'est félicitée de ce que les programmes nationaux ne soient pas de simples compilations de mesures, la Commission européenne ayant d'ailleurs estimé que les programmes présentés par la France et par l'Espagne étaient les meilleurs. Elle a souligné que ce dispositif permettrait à notre pays de s'inspirer des bonnes pratiques observées par nos partenaires, comme le développement local tel qu'il est pratiqué en Italie, même si on pouvait regretter que les indicateurs sur le chômage demeurent très disparates, ce qu'illustre la décision récente du gouvernement britannique de retenir une définition plus large du nombre des demandeurs d'emploi, et préférer, par conséquent, des indicateurs de taux d'activité.

Elle a indiqué, par ailleurs, que les mesures d'application du cumul minima sociaux - revenus d'activité devaient être prochainement publiées et qu'elles viseraient à renforcer les dispositifs existants, à créer des dispositifs pour les minima sociaux qui n'offrent pas encore de possibilités de cumul et à assurer une information appropriée sur ces différents mécanismes, compte tenu des délais requis et de la multiplicité des organismes concernés. Relevant que l'absence de cohérence des diverses sortes d'aides à domicile accordées par les collectivités publiques et les caisses de sécurité sociale fondait la mission commune confiée aux inspections générales des finances et des affaires sociales, elle a précisé que le rapport de Mme Hespel et de M. Thierry, qui lui a été récemment remis, proposait un système plus cohérent prenant en compte à la fois la situation financière et l'état de dépendance réel de la personne aidée. Elle a rappelé que le secrétaire d'État au Budget avait annoncé, le 20 mai dernier, des mesures exceptionnelles en faveur des associations pour un montant total de 60 millions de francs et a constaté que, pour l'heure, très peu de dossiers lui avaient été présentés à ce titre.

Insistant sur le fait que le Gouvernement n'avait pas à s'immiscer dans la négociation entre les partenaires sociaux sur l'avenir de l'UNEDIC, elle a cependant souligné que l'État s'était engagé à financer une extension de l'ARPE à hauteur de 40.000 francs par personne et que le CNPF avait récemment donné son accord pour engager la négociation sur cette extension, d'un coût estimé à 1 milliard de francs pour 1999 et à 1,5 milliard de francs après 2000, que les comptes du régime paraissaient pouvoir supporter, avec un excédent évalué, au minimum, à 700 millions de francs en 1998 et à 1,8 milliard de francs en 1999. Indiquant que 87 % des entrées sur le marché du travail se faisaient au travers d'un contrat à durée déterminée, elle a précisé qu'il conviendrait de tenir compte de cette situation dans la réflexion en cours sur les modalités d'indemnisation du chômage, dans la mesure où les conditions de bénéfice des allocations pénalisent depuis quelques années les personnes qui ont fréquemment eu recours à des contrats à durée déterminée.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial des crédits du travail et de l'emploi, a fait état de sa sérénité à la veille de la discussion du projet de loi de finances, face à un budget en augmentation sensible, plus efficace en raison des redéploiements opérés pour financer les priorités du Gouvernement, qui traduit un effort de présentation et de simplification et qui renforce les moyens de services appelés à de nouvelles tâches. Après avoir demandé des précisions sur la montée en charge du dispositif des emplois-jeunes, il s'est interrogé sur les délais d'élaboration des décrets d'application de la loi de lutte contre les exclusions, notamment en ce qui concerne le cumul des allocations et d'un revenu d'activité et le dispositif très attendu d'incitation à la création d'entreprises.

Il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur le dossier de l'allégement des charges sociales et de la réforme des cotisations patronales. S'agissant de l'aide financière liée à la conclusion d'accords de réduction du temps de travail, il s'est interrogé sur les modalités de la prise en charge partielle par la sécurité sociale.

Enfin, il a attiré l'attention du Ministre sur la situation des assistantes maternelles à domicile confrontées aux effets de la reproratisation de la ristourne progressive particulièrement dommageables en raison du mode d'évaluation des heures de garde d'enfants.

Évoquant les 2.000 places créées dans les centres d'aide par le travail (CAT), M. Pierre Forgues, rapporteur spécial des crédits des affaires sociales, a estimé que la situation de ces centres était globalement préoccupante, comme le révèle l'existence de listes d'attente sur une période pouvant atteindre jusqu'à huit ans et a plaidé, compte tenu de ces besoins, pour un plan pluriannuel de créations de places. Il a demandé si les CAT donneraient l'exemple de l'application des 35 heures.

Évoquant le rapport Hespel-Thierry dont il a souhaité qu'il soit rendu public ou du moins communiqué aux rapporteurs spéciaux, il a demandé si le Gouvernement envisageait de prendre des mesures permettant d'harmoniser le régime des associations d'aide à domicile avec celui des employeurs individuels.

Rappelant que le rapport de M. Jean-Claude Boulard proposait la mise en place d'une couverture maladie universelle dont il évalue le coût à 6 milliards de francs, dont 2,2 milliards de francs à la charge de l'État, il s'est interrogé sur l'imputation budgétaire de cette contribution et sur les moyens de financement de la réforme.

Après avoir constaté que les crédits consacrés au RMI augmenteraient en 1999 alors que dans certains départements, dont les Hautes-Pyrénées, le nombre de bénéficiaires diminuait, il a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution nationale du nombre de bénéficiaires et son évolution prévisible dans une période de croissance.

Faisant observer que l'accès des handicapés aux loisirs marquait le pas, depuis de nombreuses années, en raison de problèmes administratifs et financiers, il a estimé souhaitable la mise en place d'une structure de concertation entre les trois ministères concernés qui travaillerait en liaison avec les associations spécialisées.

Répondant aux rapporteurs spéciaux, Mme Martine Aubry a d'abord souligné qu'elle ne considérait pas qu'un bon budget était forcément un budget en forte augmentation. Elle a rappelé que le respect des engagements du Gouvernement l'avait conduite à revoir l'ensemble des dispositifs et à réduire d'environ 11 milliards de francs certaines lignes budgétaires : le recadrage des contrats initiative-emploi sur les publics en difficulté ayant par exemple permis d'économiser 3 milliards de francs.

Elle a ensuite apporté les précisions suivantes :

· malgré le scepticisme qui l'avait accueilli, l'objectif du Gouvernement de créer 150.000 emplois-jeunes en 1998 sera tenu, 120.000 conventions ayant déjà été signées à la fin du mois d'août et 85.000 jeunes ayant été effectivement embauchés à cette même date ; le chiffre de 150.000 conventions devrait être atteint en novembre et les embauches effectives intervenir à la fin de 1998 ou au tout début de 1999. Les conventions signées avec les associations ou les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses malgré un départ assez lent, puisqu'il fallait identifier les besoins nouveaux et s'assurer de la non-concurrence avec des activités privées existantes. Plus de la moitié des jeunes recrutés ont un niveau de formation inférieur au baccalauréat et les contrats conclus avec les associations sont souvent à durée indéterminée, la rémunération de 40 % d'entre eux étant comprise entre 1 et 1,15 SMIC ;

· l'élaboration des décrets et des circulaires d'application de la loi de lutte contre les exclusions s'est faite dans un délai raisonnable, compte tenu du nombre de ministères intéressés, puisque la quasi-totalité devrait être publiée d'ici la fin du mois d'octobre ; l'examen du projet de décret relatif au dispositif d'aide à la création d'entreprises par le Conseil d'État est prévu pour le 6 octobre, et la circulaire correspondante est déjà prête ;

· il est difficile de faire des prévisions sur l'évolution du nombre de allocataires du RMI puisque, si l'on constate certaines diminutions dans les départements les moins peuplés, ce n'est pas le cas dans les plus gros départements malgré la reprise de la croissance ; l'augmentation des crédits pour 1999 résulte de l'effet-report de la forte augmentation du nombre de bénéficiaires jusqu'en mars 1998 ;

· l'augmentation des charges supportées par les assistantes maternelles qui résulte de la reproratisation de la ristourne progressive est un problème transitoire qui sera réglé dans le cadre de la fixation du montant des prestations de service pour 1999 ;

· le Gouvernement souhaite analyser avec soin le rapport Hespel-Thierry avant de le rendre public ;

· le Gouvernement n'a pas encore arrêté ses choix en ce qui concerne la mise en place de la couverture maladie universelle, dont l'objectif est de faire en sorte que toute personne dont les revenus sont inférieurs au RMI soit couverte gratuitement, et que celles dont les revenus sont compris entre le RMI et le minimum vieillesse puissent recevoir une aide pour faire face au ticket modérateur et au forfait hospitalier. Il attend le résultat de la double négociation qui doit s'engager, d'une part, avec les conseils généraux, négociation rendue difficile par le fait que certains départements mettent à l'application de la loi des restrictions excessives alors que d'autres vont au-delà de leurs obligations légales, et, d'autre part, avec les assurances et la mutualité ; la couverture des personnes aujourd'hui non couvertes devrait représenter un coût de 600 millions de francs pour le régime général ; aucun crédit n'est, pour l'instant, inscrit au budget, dans la mesure où les négociations ne sont pas encore engagées ;

· dans le dossier de la réforme des cotisations patronales, le problème des charges sociales sur les bas salaires est, de fait, crucial. La réduction du temps de travail est d'ailleurs liée à une aide qui, abaissant les charges sociales, a un effet sur les bas salaires ; elle n'est pas exclusive d'une action directe sur les charges sociales pesant sur ceux-ci. Mais le Gouvernement a la volonté de mener cette action en respectant une double contrainte : qu'elle ne soit pas financée par les ménages, comme l'ont été dans le passé certains allégements par le biais d'une augmentation de la TVA, et qu'elle reste à l'intérieur de l'enveloppe globale des cotisations payées par les entreprises. La baisse de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle crée, à cet égard, un contexte favorable à un transfert de charges des secteurs de main d'_uvre vers les secteurs plus capitalistiques. L'affaire a pris du retard, parce qu'il fallait faire le point sur l'effet de la substitution de l'assiette valeur ajoutée à l'assiette salaires. Le récent rapport Malinvaud a souligné, avec raison, l'effet pervers d'un transfert massif sur la valeur ajoutée pour des secteurs innovants. Au vu de ses conclusions, il est apparu utile d'inviter les organisations patronales et syndicales à une nouvelle formulation de leurs analyses, étant observé que l'accord est déjà réalisé entre partenaires sociaux sur l'objectif, s'il ne l'est pas sur les modalités ;

· un programme pluriannuel d'accueil des handicapés portant sur les années 1999-2003 prévoit la création de 8.500 places en CAT, 2.500 places en ateliers protégés et 5.500 places en maisons d'accueil spécialisé ; il doit mettre un terme au maintien de jeunes adultes en établissement d'éducation spécialisée et résorber les listes d'attente. La première phase d'application de ce programme représente un coût de 230 millions de francs pour les caisses d'assurance maladie et de 131 millions de francs pour l'État pour les 2.000 places en CAT. Le Gouvernement n'a pas encore examiné les conditions d'application des 35 heures dans ces centres.

M. Philippe Auberger a demandé à la Ministre si elle souscrivait aux prévisions de création d'emplois supplémentaires rendues publiques, lors de la présentation à la Commission du projet de loi de finances, le 9 septembre dernier. Il a souhaité savoir si ces chiffres prenaient en compte l'incidence de la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes. Constatant l'évolution, depuis un an, de la position gouvernementale, dorénavant favorable à la baisse des charges sociales sur les bas salaires, il s'est étonné que le Gouvernement ait paru surpris par les conclusions du rapport de M. Edmond Malinvaud, alors que celui-ci y avait tout simplement repris ses analyses habituelles en faveur d'un allégement de charges sur les seuls bas salaires. Il s'est enquis des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur l'embauche, et préconisé une baisse de la taxe sur les salaires, qui pénalise notamment le secteur de la santé et celui des assurances. Enfin, il s'est interrogé sur la cohérence de la prévision de croissance du revenu des ménages pour 1999, compte tenu de la moindre croissance de leur pouvoir d'achat et de la tendance générale des conventions conclues pour la réduction du temps de travail à stipuler la stabilisation des salaires sur trois ans.

M. Pierre Méhaignerie a estimé que les difficultés de certains secteurs à trouver la main d'_uvre qui leur est nécessaire obligeait à s'interroger sur les moyens d'inciter au retour à l'emploi. Il a rappelé que, selon des études britanniques, un différentiel de 35 % entre revenu d'activité et revenu de substitution était la condition nécessaire d'une telle incitation, et que la législation danoise comportait une sanction en cas de refus de propositions d'emploi.

Il a dénoncé la contradiction de l'attitude du Gouvernement, qui allège la base salaires de la taxe professionnelle tout en refusant de poursuivre dans la voie de la franchise des charges sociales sur les bas salaires, estimant que ce choix n'était ni efficace ni équitable. Soulignant que l'allégement de taxe professionnelle, tel qu'il était conçu par le Gouvernement, apporterait une aide beaucoup plus considérable aux entreprises à forte valeur ajoutée qu'aux entreprises de main d'_uvre à basses rémunérations, il s'est déclaré disposé à engager une concertation avec la Ministre pour travailler à des amendements qui corrigeraient ce défaut. Il a, par ailleurs, marqué son intérêt pour une simplification du régime d'incitation à l'aide à domicile, qui passerait par l'allégement des charges sociales plutôt que par la voie fiscale, et s'est interrogé sur les moyens de financer la médicalisation annoncée des maisons de retraite. Enfin, évoquant les différents contrats d'insertion - contrats emploi-solidarité, contrats emplois consolidés, contrats d'initiative emplois -, il a souhaité que soit laissée dans ce domaine une marge d'initiative plus grande aux régions et aux départements, y compris pour l'utilisation des enveloppes correspondant à chacun de ces contrats.

M. Jean-Pierre Delalande s'est référé aux propos de M. Claude Allègre qui, entendu la veille par la commission des Finances, avait déclaré ne pas envisager que le dispositif emplois-jeunes puisse être supprimé au ministère de l'Éducation nationale. Il a demandé si le financement budgétaire de ce renouvellement, au titre de l'embauche de prestataires, était prévu et si, à la sortie du dispositif, les jeunes employés sous ce statut ne risquaient pas de revendiquer le statut de la fonction publique ou, du moins, la pérennisation de leur situation dans de meilleures conditions. Il a rappelé qu'il avait proposé, pour un coût budgétaire identique, un statut de jeunes employés dans le secteur privé, rémunérés au SMIC sous contrat à durée déterminée d'un an, et déploré que cette solution n'ait pas été retenue. Convenant que le rapprochement entre charges sociales et valeur ajoutée avait un coût trop important pour les salaires compris entre le SMIC et 10.000 francs, il a évoqué à son tour les comportements de refus d'emploi liés au trop faible différentiel entre revenu d'activité et indemnité de chômage, et déploré qu'aucune mesure concrète ne soit prise en vue d'un allégement des charges sociales sur les bas salaires, alors même qu'un accord de principe existait sur ce point entre majorité et opposition. Il a demandé à la Ministre des précisions sur les relations qu'elle paraissait établir entre le gain résultant pour les entreprises de la diminution de la pression fiscale pesant sur elles et le financement d'éventuels allégements de charges sociales, concluant sur le caractère primordial de tels allégements dans une politique de relance de l'emploi.

M. Yves Cochet a interrogé la Ministre sur la possibilité de financer la réduction du temps de travail par la prise en compte du taux de marge des entreprises, qui s'est considérablement amélioré ces dernières années, sur l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité et, enfin, sur l'opportunité d'augmenter le plafond de l'avance remboursable créée par la loi relative à la lutte contre l'exclusion en faveur des chômeurs qui rachètent leur entreprise.

M. Jean-Jacques Jegou a regretté que les chômeurs ne ressentent pas assez la nécessité de reprendre un emploi. Il a indiqué, à titre d'illustration, que dans la commune dont il est maire, un dixième seulement des bénéficiaires se présentaient aux réunions pour l'emploi organisées par la mairie, et estimé qu'il fallait inciter à l'adoption une attitude plus responsable. Abordant ensuite le problème de la formation des emplois jeunes, il a suggéré la conclusion, à cette fin, d'une convention spécifique entre l'AFPA et les collectivités locales.

Répondant aux divers intervenants, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

- l'exercice de prévision est, par nature, un art difficile ; rien ne permet pour autant de mettre en cause la prévision de 249.000 emplois créés associée au projet de loi de finances, et de 40.000 emplois induits par la réduction du temps de travail. Cette prévision n'intègre pas les effectifs d'emplois-jeunes, considérés comme des emplois non marchands ;

- dans ses déclarations publiques, elle a toujours affirmé que le niveau excessif des charges sur les bas salaires posait problème, mais qu'en finançant le système de ristourne dégressive par une hausse de la TVA, M. Alain Juppé - il l'a d'ailleurs récemment reconnu - avait déprimé la consommation intérieure, et donc la croissance, et que le dispositif aurait sans doute un meilleur effet quand celle-ci repartirait. Au demeurant, la ristourne dégressive, dans sa conception d'origine, est une trappe à bas salaires ; c'est pourquoi il est nécessaire d'en revoir les règles de manière à aboutir à un système plus lissé ;

- il était demandé à M. Edmond Malinvaud d'évaluer les conditions du transfert de l'assiette des cotisations sociales sur la valeur ajoutée des entreprises ; il a saisi l'occasion qui lui était offerte pour réaffirmer ses positions de toujours favorables à la baisse des charges sur les bas salaires. Le principe de cette baisse est acquis, mais ses modalités précises restent à définir, notamment en ce qui concerne un éventuel élargissement de l'assiette et l'impact de la réforme sur les transferts entre des secteurs capitalistiques et des secteurs de main d'_uvre. Le financement de cette réforme ne fera pas intervenir de nouveaux prélèvements sur les ménages. Il n'appellera pas non plus un supplément de la contribution globale des entreprises ; si la réforme peut comporter une autre répartition des charges entre les secteurs d'activités et les entreprises, celles qui seraient amenées à contribuer davantage à ce titre ne verraient pas leurs prélèvements fiscaux et sociaux s'alourdir, compte tenu de la baisse de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle décidée par ailleurs.

En réponse à M. Jean-Pierre Delalande, Mme Martine Aubry a souligné qu'elle se fixait pour règle de ne pas commenter les propos tenus par d'autres ministres sur les affaires de leur département ministériel et qu'elle souhaitait, bien entendu, un traitement de réciprocité ; elle a ajouté que, par conséquent, elle ne se prononçait que sur les emplois-jeunes dont la gestion relevait de sa responsabilité, et non sur les emplois-jeunes du ministère de l'Éducation nationale ou d'autres ministères.

M. Jean-Pierre Delalande a, alors, objecté que la responsabilité globale de la politique des emplois-jeunes incombait bien à la ministre de l'Emploi et de la solidarité qui avait soutenu, devant le Parlement, la discussion du projet de loi instituant ces emplois.

La Ministre a encore apporté les précisions suivantes :

- l'augmentation prévisible de la masse salariale tient compte à la fois du retour au travail de nombreux salariés et de la moindre évolution du pouvoir d'achat liée au ralentissement de la croissance ;

- la question du manque de personnels qualifiés dans certains secteurs, comme le textile et l'habillement par exemple, qui ne bénéficient pas d'une image positive auprès des jeunes, est effectivement préoccupante. Le Gouvernement avait décidé de mettre au point une procédure de pré-recrutements en vue de sélectionner parmi les demandeurs d'emploi ceux qui étaient susceptibles de bénéficier d'une formation et de les orienter. Les modalités de cette procédure sont en cours de négociation ;

- pour les allocataires du RMI qui retrouvent un emploi, la véritable difficulté tient moins à l'accoutumance au statut d'assisté qu'à la peur de l'échec. Le cumul entre la rémunération d'activité et le RMI donne aux intéressés l'assurance de ne pas subir de perte de ressources. En 1992, la loi avait institué un contrôle des demandeurs d'emplois, prévoyant leur radiation des listes de l'ANPE en cas de refus de deux offres d'emplois ou de formation ; l'application de cette loi montre qu'elle ne touche que des cas marginaux (environ 15.000 personnes par mois), mais l'existence de ce contrôle est importante pour les autres chômeurs. Des instructions ont été données aux directions départementales du travail pour favoriser, en liaison avec les conseils généraux et les commissions locales d'insertion, le retour à l'emploi des allocataires qui bénéficient de ce revenu depuis sa création, c'est-à-dire environ 10 % des inscrits. Après évaluation de la situation de ces personnes, une aide adaptée à leurs besoins leur sera proposée, par exemple sous la forme d'un CES ou d'une formation en vue d'un retour à l'emploi. Le fait d'aller à la rencontre de ces personnes et de les accompagner dans leurs démarches est un élément essentiel de renforcement de la lutte contre les exclusions ;

- la globalisation des crédits pour les mesures-emploi accordés aux départements est de nature à permettre une utilisation de ces crédits adaptée à la situation réelle des personnes susceptibles d'en bénéficier ;

- il n'est pas acceptable qu'au moment d'entrer dans des maisons de retraite médicalisées ou qui se prétendent telles, les personnes âgées ne puissent connaître à l'avance la nature des prestations auxquelles elles pourront prétendre. La réforme de la tarification permettra la clarté dans ce domaine. Il a été demandé à la Caisse nationale d'assurance maladie de sanctionner les pratiques de certains établissements où les consultations accélérées de nombreux résidents par un généraliste sont assimilées abusivement à l'existence d'une prestation médicalisée. Un problème identique se pose pour la prise en charge de la dépendance. Dans les deux cas, il est fait appel à de véritables métiers dont le financement est, en principe, assuré par le biais du prix de journée ; il est donc indispensable d'introduire davantage de rigueur et de transparence en vue de garantir un réel service de médicalisation ;

- les emplois-jeunes ont permis de répondre à des besoins nouveaux qui n'étaient jusqu'alors pas solvabilisés ; on a assisté à une montée en charge du dispositif, certes lente au début, mais qui s'est révélée de qualité. La préoccupation du ministère porte désormais sur la pérennisation du système, à laquelle de nombreux jeunes bénéficiaires ont d'ailleurs spontanément réfléchi, et sur la formation des intéressés. Des conventions ont été signées avec différents réseaux associatifs en vue de déterminer des nouvelles grilles de métiers et de qualifications correspondant aux compétences qui étaient apparues grâce à ces emplois ; un travail de programmation de formations adaptées à ces nouveaux métiers est en cours. Des crédits sont inscrits dans le budget de l'État afin de favoriser la mise en place de plates-formes d'ingénierie pour ces formations ; certains conseils généraux participent à leur fonctionnement ;

- l'aide de l'État aux entreprises s'engageant dans la réduction du temps de travail permet une compensation totale de son coût pour les emplois rémunérés jusqu'à un SMIC et demi. 20 % des entreprises de moins de vingt salariés ont signé, à ce jour, des accords, montrant bien ainsi l'intérêt qu'elles pouvaient trouver à cette aide. Une modification des modalités d'aide au financement de la réduction du temps de travail pour les entreprises n'est donc pas actuellement envisagée ;

- la projection des évolutions de ces derniers mois conduisait à évaluer le nombre de bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité à 430.000 personnes en 1999 contre 480.000 aujourd'hui ;

- le décret d'application relatif à l'aide aux chômeurs reprenant l'activité d'une entreprise prévoit effectivement une avance remboursable d'un montant de 40.000 francs pour une initiative individuelle et 180.000 francs pour une reprise d'activité. Si l'expérience révèle l'insuffisance de ce dernier montant, sa révision pourra être mise à l'étude. Mais l'effort actuellement consenti n'est pas négligeable.

M. Bernard Kouchner, Secrétaire d'État à la Santé, a ensuite présenté les principales évolutions du budget consacré à la santé pour 1999. Il a indiqué que ce budget s'élevait en 1999 à 3.792 millions de francs, ce qui constitue une augmentation par rapport à 1998 de 0,3 % et de 3,6 % à structure constante. Il a souligné qu'il s'articulait autour de quatre priorités.

Au titre de la lutte contre les exclusions, il a cité la mise en _uvre de programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (250 millions de francs) destinés à coordonner les acteurs de l'accueil et de la dispensation des soins aux personnes en situation de grande précarité, confrontés à des pathologies spécifiques. Il a ajouté que l'accent serait également mis sur le soutien aux équipes de psychiatrie ainsi qu'aux lieux d'écoute pour les publics d'accès difficiles.

S'agissant, en second lieu, de la lutte contre les maladies infectieuses et la toxicomanie, il a fait état d'une ouverture de crédits d'un milliard de francs, réparti sur le chapitre 47-15 (Programmes et dispositifs de lutte contre la toxicomanie) à hauteur de 815 millions de francs et le chapitre 47-16 (Action interministérielle de lutte contre la toxicomanie) à hauteur de 236 millions de francs ; la compétence de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie est élargie aux drogues légales qui sont l'alcool et le tabac. Il a annoncé qu'une mesure nouvelle de 16 millions de francs était inscrite dans le budget pour 1999, afin de lancer une campagne de dépistage de l'hépatite C, qui touche entre 600.000 et 800.000 personnes en France et de mettre en réseau des établissements afin d'apporter une réponse thérapeutique adaptée aux personnes atteintes de cette maladie.

Abordant, en troisième lieu, l'organisation du système de soins, il a cité les mesures suivantes : 791 millions de francs destinés aux actions de formation des professionnels de santé, avec la reconduction des dotations accordées aux écoles de formation des sages-femmes et des professions paramédicales ; 107,7 millions de francs prévus pour les agences régionales de l'hospitalisation dans lesquelles travaillent 222 personnes, 26 directeurs et 46 agents ; la programmation quinquennale du financement du fonds d'intervention pour la modernisation des hôpitaux avec, dès 1999, une ouverture de 250 millions de francs en autorisations de programme et 150 millions de francs en crédits de paiement ; la création d'unités hospitalières sécurisées ainsi que le financement particulier prévu pour les services de santé des TOM et de Mayotte d'un montant de 179 millions de francs.

Traitant, en dernier lieu, de la veille et du contrôle de la sécurité sanitaire, M. Bernard Kouchner a fait état de la création de trois nouvelles agences chargées de la sécurité des produits de santé et des produits alimentaires qui bénéficieront de subventions à hauteur de 338 millions de francs, contre 296 millions de francs en 1998 avec une provision de 80 millions de francs. Le Secrétaire d'État a enfin précisé que la subvention à l'école nationale de la santé publique s'élèverait à 65 millions de francs.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial des crédits de la santé, après avoir appelé l'attention du Ministre sur l'importance d'une réponse dans des délais convenables à son questionnaire budgétaire, a demandé quelle était la part des moyens nouveaux et celle des transferts dans les dotations accordées en 1999 aux trois nouveaux établissements s'occupant de sécurité sanitaire : l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'institut de veille sanitaire. Puis, faisant part de son inquiétude sur l'état d'avancement de la mise en place du fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers créé en 1998 et doté dans la loi de finances initiale pour 1998 de 500 millions de francs en crédits de paiement et de 150 millions de francs en autorisations de programme, il s'est interrogé sur le niveau de consommation actuelle des crédits destinés à financer ce fonds ainsi que sur le caractère effectif des mesures prises en charge par le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux, créé par la dernière loi de financement de la sécurité sociale et doté de 300 millions de francs. Il s'est demandé si des moyens suffisants avaient été accordés à l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) dont 1999 serait la première année pleine de fonctionnement. Il s'est enquis de l'état de la réalisation des 32 programmes de prévention des risques annoncés en 1998 et des orientations correspondantes en 1999. Il a souhaité des précisions sur l'informatisation du système de santé et sur l'extension de la carte Sésame Vitale, ainsi que sur la relance du marché des produits génériques, qui appelle une consécration législative du pouvoir de substitution et une intervention du législateur sur la promotion et la vente directe des médicaments.

M. Yves Cochet a demandé au Ministre si la création d'une agence chargée d'étudier les liens entre la santé et l'environnement, qui faisait actuellement l'objet d'une mission confiée à Mme Odette Grzegrzulka et à M. André Aschiéri, rencontrait son accord, et si des crédits budgétaires étaient prévu, à cet effet, dès 1999.

Répondant aux intervenants, M. Bernard Kouchner a apporté les précisions suivantes :

- l'institut de veille sanitaire bénéficiera de transferts de crédits inscrits en 1998 au titre du réseau national de santé publique à hauteur de 27,4 millions de francs et de moyens nouveaux à hauteur de 35,819 millions de francs. Ces crédits permettront d'assurer la montée en charge de cet établissement ainsi que la poursuite des programmes décidés en 1998, tels que l'étude de l'hépatite C, la résistance aux antibiotiques ou encore la surveillance du cancer du sein ou les maladies et traumatismes professionnels. Le projet de budget prévoit la reprise de personnels de l'ancien Réseau national de santé publique, le transfert de neuf agents d'État travaillant pour le Centre européen d'épidémiologie et un recrutement supplémentaire de 15 personnes ;

- les moyens de l'office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) s'élèveront en 1999 à 55 millions de francs au titre du budget de la santé, à 3,5 millions de francs au titre du budget du travail ;

- l'agence française de sécurité alimentaire bénéficiera d'une dotation de 35 millions de francs, provenant à part égale du ministère de l'agriculture, du ministère de la santé, et des crédits de la direction générale de la concurrence du ministère de l'économie ;

- la mise en place du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux avait entraîné le dépôt de 91 dossiers auprès des directeurs des agences régionales de l'hospitalisation. La sélection définitive du projet retenu s'est faite, après un premier tri, sur trois critères : l'existence d'un avant-projet sommaire prêt à être appliqué rapidement, la présentation d'une restructuration effective de l'établissement, un réaménagement portant sur l'ensemble de la structure de l'établissement. Sur les 46 opérations déjà agréées, 8 concernent la mise en place d'une complémentarité entre des établissements privés et publics (pour 112 millions de francs), 7  des opérations de regroupement d'établissements privés (pour 130 millions de francs), 10 concernaient la fusion d'hôpitaux privés et publics (pour 72 millions de francs), 12 des établissements de prise en charge de la santé mentale (pour 50 millions de francs) et 9 des opérations de restructuration internes d'hôpitaux publics (pour 135 millions de francs). Le texte instituant le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux, créé pour cinq ans à partir du 1er janvier 1998, a été soumis au conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et aux organisations syndicales qui ont donné leur accord. Il doit être désormais soumis à la caisse nationale d'assurance maladie, notamment pour le personnel non médical, avant d'être transmis au Conseil d'État ;

- le budget de 100 millions de francs accordé, en 1999, à l'ANAES devrait lui permettre de disposer des moyens en personnel et en matériel suffisants pour développer son action de classification des établissements hospitaliers. L'écho rencontré par la publication, dans la presse, de classements privés des hôpitaux établis sur la base des données brutes produites par le Secrétariat d'État à la Santé, a montré la nécessité, pour asseoir l'autorité de l'agence, d'une intervention rapide et efficace dont la récente édition d'un guide de référence constitue un premier témoignage ;

- en dépit des craintes manifestées par certaines organisations, la télétransmission des feuilles de soins, première étape pour l'utilisation de la carte Sésame Vitale, a commencé et près de 60 % des praticiens se sont engagés à informatiser leurs cabinets. La mise en place dans une seconde étape, du réseau santé social commencera en octobre prochain, sous la surveillance d'une commission présidée par M. Christian Babusiaux, comportant la mise à disposition des médecins de logiciels d'aide au diagnostic, d'aide à la prescription, de classification des médicaments complémentaires ou incompatibles ; elle facilitera la responsabilisation de l'ensemble des professionnels de la santé. Compte tenu du décalage constaté dans la réalisation de l'opération, les crédits inscrits en 1998 et en 1999 suffiront à financer la mise en place du nouveau système. Seule, la mise en _uvre de la carte Sésame Vitale 2 intégrant la transmission des dossiers des malades nécessiterait des crédits supplémentaires ;

- la substitution automatique par les pharmaciens des médicaments génériques aux médicaments princeps, sauf indication expresse contraire du médecin prescripteur, est prévue par le projet de loi de financement de la sécurité. Plus de la moitié des médicaments princeps actuellement disponibles en France, peuvent être remplacés par des génériques qui sont en moyenne 35 % moins chers ; l'économie nationale résultant de cette substitution peut être évaluée à 4 milliards de francs. Les premières réactions des médecins paraissent positives. La difficulté de la réforme de la promotion des médicaments est illustrée par le contraste entre le coût de la formation médicale continue des médecins assurée par les laboratoires pharmaceutiques soit 2,7 milliards de francs, et l'effort budgétaire de l'État soit 300 millions de francs, qui oblige, en conséquence, les pouvoirs publics à faire un effort particulier pour sortir du dilemme. Une taxation de la promotion à hauteur de 10 % pour financer des actions de recherche, pourrait être une piste. Par ailleurs, des économies pourraient être réalisés en réduisant le nombre quotidien de livraisons des grossistes répartiteurs de médicaments ;

- l'étude des rapports entre santé et environnement dans l'action des pouvoirs publics est rendue particulièrement complexe par la multiplicité des administrations et des intervenants impliqués. Il faut en tout cas éviter de mêler idéologie et santé publique ; à défaut, on fait naître des peurs illégitimes, dont certaines sont liées à l'environnement. Une démarche de rigueur et de distance est bien préférable. On ne peut, de toute manière, préjuger les conclusions du rapport de Mme Grzegrzulka et de M. Aschiéri, qui ne concluront pas nécessairement en faveur de la création d'une agence.

Mme Nicole Péry, Secrétaire d'État à la Formation professionnelle, a tout d'abord précisé qu'en s'établissant à 26 milliards de francs, dont 7,8 milliards de francs pour la dotation de décentralisation et 18 milliards de francs pour le financement proprement dit de la formation professionnelle, les crédits de la formation professionnelle inscrits au projet de budget pour 1999 augmentaient de 5,3 %. Elle a fait part de son intention de procéder à un diagnostic complet des circuits de financement de la formation professionnelle, à la lumière des travaux parlementaires réalisés dans ce domaine, dont elle a relevé la tonalité généralement critique. Elle a fait part de la convergence de ses préoccupations avec les observations présentées, lors des débats du Parlement, sur l'inefficacité de certains modes de gestion ou l'immobilisation de certains fonds. Elle a rappelé que le budget de la formation professionnelle s'inscrivait dans des moyens de financement plus vastes, d'un total de 138 milliards de francs, partagés entre l'État (56,1 milliards de francs), les entreprises (55 milliards de francs), les collectivités locales (13 milliards de francs) et d'autres organismes comme l'UNEDIC (14,1 milliards de francs).

S'agissant de l'apprentissage, la Ministre a indiqué que le dispositif de collecte n'avait guère été affecté par la loi quinquennale et qu'elle réfléchissait aux moyens d'en améliorer l'efficacité. Elle a considéré qu'il était temps de s'attaquer aux inégalités observées dans les moyens de financement affectés aux centres de formation d'apprentis (CFA). Elle a indiqué qu'une étude récente montrait que le coût moyen annuel d'un apprenti variait sensiblement selon le secteur d'activité et le niveau de formation. Elle a attribué à l'absence de lien financier direct entre l'entreprise et les CFA ces inégalités.

Elle a précisé que, pour les formations en alternance, qui constituent la priorité du budget de la formation professionnelle, 130.000 nouveaux contrats de qualification et 230.000 nouveaux contrats d'apprentissage étaient prévues pour un effort budgétaire respectif de 2,95 et 9,25 milliards de francs. Elle a ajouté que les contrats de qualification, en progression de 13,8 % au cours des huit premiers mois de l'année 1998, connaissaient une augmentation constante, et relativisé la moindre évolution des contrats d'apprentissage au cours de la même période (+ 1,8 %) en rappelant que la conclusion de ces contrats suivait le rythme de l'année scolaire. Elle a fait état avec satisfaction des résultats d'une étude récente de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère selon laquelle, au terme de leur contrat de qualification, 61,8 % des jeunes avaient obtenu un diplôme ou une validation de leur formation, et que les deux tiers d'entre eux occupaient un emploi. Après avoir fait observer qu'en 1997 les jeunes suivant une formation de niveau 5 ou de niveau inférieur, ne représentaient que 43,5 % des entrées dans le dispositif, elle a indiqué que le Gouvernement avait décidé de recentrer les primes versées aux contrats de qualification et d'apprentissage sur les publics les plus défavorisés.

Elle a, d'autre part, attiré l'attention sur l'inégalité de l'accès à la formation, les dernières statistiques montrant que les femmes, les salariés des petites entreprises et les salariés peu qualifiés accédaient beaucoup plus difficilement à la formation professionnelle. Elle a déclaré que le Gouvernement avait pour ambition de rendre l'accès à la formation plus égalitaire et plus ouvert afin d'en faire un facteur de progrès personnel et de performance professionnelle.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial des crédits de la Formation professionnelle, a félicité la Ministre pour son investissement personnel dans un domaine dont l'approche est rendue difficile par la complexité des circuits de financement et l'intervention croisée de nombreux partenaires (État, collectivités locales, etc.). Il a mentionné à ce propos le fonds de péréquation de l'apprentissage, créé à son initiative, qui ne faisait que produire ses premiers fruits. Il s'est déclaré très réservé à l'égard du recentrage des primes aux contrats d'apprentissage sur les formations des niveaux inférieurs dont il a craint qu'il donne une image négative de l'apprentissage. Il a, d'autre part, demandé quelle dynamique le Gouvernement entendait donner à l'AFPA, notamment par son rapprochement avec l'ANPE. Il a préconisé, non une régionalisation de l'agence, mais la négociation, en vue d'une meilleure efficacité des actions, de contrats d'objectif au niveau régional. Il a, enfin, interrogé la Ministre sur le calendrier des mesures prévues pour le développement de la formation continue des salariés tout au long de leur vie active.

Faisant état de l'expérience de plusieurs pays étrangers qui, en ouvrant leurs universités le soir et l'été, facilitaient l'accès à la formation et permettaient ainsi de véritables promotions, M. Pierre Méhaignerie a estimé qu'à défaut de recourir à un tel système, le Gouvernement n'obtiendrait jamais des résultats convenables pour un coût limité.

Mme Nicole Péry a indiqué que le Gouvernement, en recentrant les primes sur les formations de niveaux inférieurs, souhaitait renforcer le rôle de l'alternance dans l'insertion des jeunes au sein du monde du travail. Elle a minimisé l'impact de la mesure sur les entreprises, faisant valoir qu'en comparaison avec les autres aides directes et les exonérations qui sont maintenues, le montant de la prime (6.000 francs), d'ailleurs versée en une seule fois, ne lui paraissait pas déterminant pour l'avenir des contrats en alternance. Elle a, par ailleurs, annoncé qu'elle réfléchissait sur la possibilité de faire accéder les salariés à la formation professionnelle tout au long de leur vie, et qu'elle serait en mesure de communiquer au Parlement, dès le début du mois de novembre 1998, le résultat de cette réflexion, les éventuelles modifications législatives ne pouvant intervenir qu'après une indispensable concertation interministérielle. Elle a, enfin, rappelé que l'élargissement des horaires d'ouverture des universités était une des préoccupations du ministre de l'Éducation nationale, qui avait d'ailleurs conduit, cet été, des expériences en ce sens.

Mme Martine Aubry a ajouté que l'AFPA allait signer prochainement un nouveau contrat de progrès recentrant son action sur les plus démunis, en décidant notamment de former, en liaison avec l'ANPE, des chômeurs de longue durée. Elle a constaté qu'en concentrant le financement de l'apprentissage sur les formations de haut niveau, certaines régions avait privilégié les actions les plus valorisantes, et oublié les plus démunis, notamment les jeunes rencontrant des difficultés à réussir dans le système scolaire.

À M. Raymond Douyère qui suggérait que l'AFPA puisse intervenir directement sur les chantiers pour y dispenser des formations au bénéfice de personnes en insertion professionnelle, Mme Martine Aubry a précisé que la réglementation actuelle ne prévoyait pas le type de formation suggéré mais qu'elle prenait bonne note de cette proposition.

B.- EXAMEN DES CRÉDITS

Au cours de sa séance du 12 octobre 1998, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, les crédits des Affaires sociales ainsi que les articles 82 et 83 rattachés à ce budget.

Soulignant que le budget des affaires sociales, d'un montant de près de 71 milliards de francs, progresserait de 11,4 %, M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, a indiqué, en premier lieu, qu'après l'engagement d'un milliard de francs en faveur des fonds d'urgence sociale en 1998, l'effort serait poursuivi, en 1999, dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, plus de 400 millions de francs de mesures nouvelles étant prévues à ce titre dans le seul budget des affaires sociales.

Présentant ensuite l'évolution des minima sociaux retracés dans ce budget, il a noté que les crédits s'élèveraient à 26,4 milliards de francs pour le revenu minimum d'insertion, en hausse de 4,2 %, à 24,6 milliards de francs pour l'allocation aux adultes handicapés, en augmentation de 5 %, et à 4,2 milliards de francs pour l'allocation de parent isolé, soit un total de plus de 55 milliards de francs, représentant 78 % du budget des Affaires sociales. Il a ensuite détaillé les 400 millions de francs de mesures permettant la mise en _uvre de la loi contre les exclusions : 120 millions pour les fonds d'aide aux jeunes, 100 millions de francs pour l'accompagnement social individualisé, 80 millions pour les résidences sociales, 52 millions pour la formation en travail social, 40 millions pour l'urgence sociale et 22 millions pour l'équipement des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS).

Le Rapporteur spécial a insisté, par ailleurs, sur la poursuite de l'effort de création de places dans les différents types d'établissements sociaux, soit 2.000 places en centres d'aide par le travail (CAT), 500 places en CHRS et 100 places dans les centres pour réfugiés. Observant que les crédits de l'aide médicale, de l'aide sociale et de l'intégration seraient reconduits, il a relevé la progression de 11,5 % des crédits en faveur des droits des femmes ainsi que le développement, pour un montant de 63 millions de francs, de " relais-parents ". Il a enfin évoqué l'évolution atypique de deux chapitres : d'une part, la poursuite de la progression des crédits de la tutelle d'État ; d'autre part, la diminution des crédits destinés aux objecteurs de conscience, dont la baisse sera cependant moins forte que celle du nombre des personnes incorporées, permettant à l'État de continuer à rattraper son retard dans les remboursements aux organismes d'accueil.

Mme Nicole Bricq a dénoncé l'ampleur des retards de paiement de l'État susceptibles de mettre en péril les associations employant des objecteurs de conscience.

Soulignant à son tour les difficultés financières rencontrées par les associations d'accueil des objecteurs de conscience, M. Dominique Baert s'est demandé si les crédits inscrits à ce titre suffiraient à financer les dépenses prévues au titre de 1999, voire à poursuivre le rattrapage des retards accumulés.

M. Pierre Hériaud a souhaité savoir si la création, en 1999, comme au cours des deux exercices précédents, de 2.000 places en CAT, permettrait de satisfaire l'ensemble des besoins.

Espérant que le rapport de la Commission comporterait des précisions sur la répartition géographique des bénéficiaires du RMI, M. Michel Inchauspé s'est interrogé sur la possibilité d'exiger des bénéficiaires une contrepartie sous forme de travail, à l'image de l'expérience menée dans les Pyrénées-Orientales.

Répondant aux intervenants, le Rapporteur spécial a d'abord précisé qu'il n'avait pu obtenir, à ce jour, de données précises sur le montant de la dette de l'État à l'égard des associations employant des objecteurs de conscience. S'agissant des CAT, il a rappelé qu'il fallait parfois attendre aujourd'hui jusqu'à sept ans, dans certains départements, pour obtenir une place, mais que les créations de places s'inscrivaient désormais dans un plan pluriannuel d'ajustement des besoins à la demande effective. Estimant que des comparaisons sur le nombre des allocataires du RMI d'un département à l'autre n'apporteraient pas beaucoup au débat, il a indiqué qu'il s'inquiétait, à titre personnel, de l'évolution à la hausse de la dotation budgétaire. Il a regretté que les départements n'accomplissent pas toujours l'effort requis pour que soient trouvées des contreparties à l'allocation en termes de travail ou de formation, afin d'éviter que certains publics ne demeurent définitivement au RMI.

La Commission a adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits des affaires sociales et vous demande d'émettre un vote favorable à leur adoption.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

Article 82

Prise en charge par l'État
du financement de l'allocation de parent isolé

Texte du projet de loi :

I. Le 5° de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

" 5° La subvention de l'État correspondant aux sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé prévue aux articles L. 524-1 et L. 755-18. ".

II. A l'article L. 524-1, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

" L'État verse au fonds national des prestations familiales, géré par la Caisse nationale des allocations familiales, une subvention correspondant aux sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé. ".

Exposé des motifs du projet de loi :

Cet article procède à la budgétisation de l'allocation de parent isolé, désormais à la charge non plus de la branche famille mais de l'État, pour un coût estimé à 4.223 millions de francs en 1999.

Ce transfert obéit à une logique de prise en charge par l'État des prestations ayant le caractère de minima sociaux, au même titre que le revenu minimum d'insertion ou l'allocation aux adultes handicapés.

Il permet de préserver la répartition des charges entre administrations publiques après la substitution de l'abaissement du plafond du quotient familial à la mise sous condition de ressources des allocations familiales qui avait été adoptée en loi de financement de la sécurité sociale en 1998.

Observations et décision de la Commission :

Créée par la loi du 9 juillet 1976 (articles L. 524-1 sq. et L. 755-18 du code de la sécurité sociale), l'allocation de parent isolé (API) est une prestation familiale visant à garantir un revenu minimal à toute personne isolée résidant en France et assumant seule la charge d'un ou plusieurs enfants. Il s'agit d'une allocation différentielle, dont le montant, qui varie avec le nombre des enfants, est égal à la différence entre un revenu plafond calculé en fonction de la base mensuelle des allocations familiales et les ressources de l'intéressé. Il convient de préciser à cet égard que toutes les prestations familiales, hormis l'APJE (allocation pour jeune enfant) courte, sont intégrées à la base de ressources de l'API. L'allocation s'élève aujourd'hui à 3.198 francs par mois pour une femme enceinte sans enfant à charge. Elle est augmentée de 1.066 francs par enfant à charge.

L'API est versée dans les douze mois suivant le fait générateur de l'isolement ou jusqu'à ce que le plus jeune enfant ait atteint l'âge de trois ans. En outre, la perception de cette allocation, qui est exonérée de CRDS, ouvre droit aux prestations en nature de l'assurance maladie-maternité si l'intéressé n'en bénéficie pas à un autre titre. Dans ce cas, les cotisations sont à la charge de la caisse d'allocations familiales.

Au 30 juin 1997, 162.602 personnes bénéficiaient de l'API, dont 149.000 en métropole. La structure par âge des allocataires était alors la suivante :

ALLOCATION DE PARENT ISOLÉ
STRUCTURE PAR ÂGE

(en %)

moins de 25 ans

37,5

25 à 29 ans

25,8

30 à 34 ans

17,9

35 à 39 ans

10,7

40 à 44 ans

5,4

45 à 49 ans

2,7

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité

Les montants versés par la CNAF à ce titre ont évolué comme suit, étant précisé que ces chiffres ne portent que sur la métropole (ainsi, en 1999, le montant total, départements d'outre-mer compris, sera de 4.233 millions de francs et non 4.060 millions) :

ALLOCATION DE PARENT ISOLÉ (1993-1999)

(en millions de francs)

1993

4.279

1994

4.487

1995

4.528

1996

4.409

1997

4.411

1998

4.285

1999

4.060

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

Le recul observé en 1998 et en 1999 est imputable, pour partie, aux conséquences de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, qui a instauré un " forfait logement ", aligné sur le dispositif applicable au revenu minimum d'insertion et destiné à prendre en compte dans le calcul de la condition de ressources l'allocation de logement ou la gratuité de l'hébergement. Après déduction de ce forfait, le montant de l'allocation est de 2.906 francs par mois pour une femme enceinte sans enfant à charge. L'économie résultant de cette mesure est ainsi évaluée, pour 1998, à 265 millions de francs et, pour 1999, à 560 millions de francs.

On relèvera par ailleurs que du fait de son indexation sur la base mensuelle des allocations familiales, l'API a évolué sensiblement moins vite que l'indice des prix à la consommation hors tabac (respectivement + 4,7 % et + 6,1 % entre 1993 et 1997).

Par son caractère différentiel, l'API se distingue nettement des autres prestations familiales, y compris de celles qui sont assorties d'une condition de ressources, telles que le complément familial servi aux familles nombreuses sans enfant de moins de trois ans, l'APJE, l'allocation d'adoption ou l'allocation de rentrée scolaire (ARS), qui ont toutes un caractère forfaitaire. De ce fait, même si son montant évolue, par construction, parallèlement à celui des prestations familiales, elle s'apparente davantage à un minimum social, tel que le RMI ou l'AAH.

Il faut également avoir à l'esprit que pour l'API comme pour d'autres minima sociaux, l'article 9 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a ouvert une possibilité de cumul avec les revenus tirés d'une activité professionnelle ou d'un stage de formation, dans des conditions qui seront précisées par décret. Selon les indications fournies par le Gouvernement, les nouvelles règles seraient les suivantes : pendant les 90 premiers jours, cumul total avec le revenu d'activité si celui est inférieur ou égal à un demi SMIC ; pendant les 180 jours suivants, premier abattement ; pendant les 90 derniers jours, second abattement, d'un montant réduit. Il est vrai que trop souvent, la sortie de l'API consiste simplement en une entrée dans le RMI, qui est assorti, contrairement à l'API, d'un mécanisme d'insertion.

Il était manifestement illogique que l'État prenne en charge des minima sociaux tels que le RMI ou l'AAH et que le financement par la solidarité ne s'étende pas à l'API. Votre Rapporteur se félicite que le présent article mette fin à cette anomalie. En conséquence, le budget de la Solidarité comprend désormais, par transposition du dispositif en vigueur pour le RMI et pour l'AAH, un nouveau chapitre 46-20 intitulé " Contribution de l'État au financement de l'allocation de parent isolé ", doté de 4.233 millions de francs en 1999.

Si cette opération est donc entièrement neutre pour les intéressés, elle ne doit pas moins être mise en relation avec l'article 2 du projet de loi de finances et avec l'article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : après la concertation menée au sein de la conférence de la famille organisée au mois de juin dernier, le Gouvernement propose d'abaisser le plafond du quotient familial tout en rétablissant les allocations familiales pour toutes les familles à partir du deuxième enfant à charge.

En tant que tel, ce double mouvement se traduira par un gain de 3,9 milliards de francs pour le budget de l'État et par une charge de 4,68 milliards de francs pour la CNAF. C'est pourquoi la budgétisation de l'API vise également à compenser l'essentiel de ce supplément de prestations remis à la charge de la CNAF.

En tout état de cause, le solde est globalement positif pour les familles, à hauteur de 780 millions de francs, indépendamment même des autres mesures proposées par le Gouvernement, telles que la majoration et l'extension de l'ARS ou l'extension des allocations familiales jusqu'à l'âge de vingt ans. Parmi ces 780 millions de francs, 300 millions de francs constituent une charge nette pour l'État (budgétisation de 4,2 milliards de francs rapportée à un gain de recettes de 3,9 milliards) et 480 millions de francs une charge nette pour la CNAF (4,68 milliards de francs de prestations supplémentaires à rapprocher du transfert de 4,2 milliards à destination du budget de l'État).

S'agissant du dispositif proprement dit de l'article, il présente deux éléments distincts :

- d'une part, il inclut parmi les recettes de la CNAF énumérées à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale la subvention de l'État correspondant aux sommes versées au titre de l'API ;

- d'autre part, il complète les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à l'API (article L. 524-1) par un alinéa, dont la rédaction transpose celle retenue au dernier alinéa de l'article L. 821-5 pour l'AAH, prévoyant que l'État verse à la CNAF une subvention correspondant aux sommes versées au titre de l'API.

*

* *

Lors de l'examen de cet article par la Commission, le 12 octobre 1998, M. Pierre Forgues, rapporteur spécial a précisé qu'il s'agissait, à l'image de ce qui existait déjà pour le RMI et pour l'AAH, de faire porter par la solidarité nationale la charge de l'allocation de parent isolé, allocation familiale versée sous condition de ressources, cette mesure étant indissociable de la réduction du plafonnement du quotient familial, proposée dans le projet de loi de finances, et du rétablissement des allocations familiales pour l'ensemble des familles, prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Sur proposition du Rapporteur spécial, la Commission a adopté l'article 82.

Article 83

Limitation à 60 ans de l'attribution de l'allocation
aux adultes handicapés pour les allocataires relevant
de l'article L.821-2 du code de la sécurité sociale

Texte du projet de loi :

I. Il est inséré entre le deuxième et le troisième alinéa de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi rédigé :

" Pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés sont réputés inaptes au travail à l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse. ".

II. Il est ajouté à l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale un alinéa ainsi rédigé :

" Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 821-1. ".

III. Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes atteignant l'âge de soixante ans à compter du 1er janvier 1999. Pour les personnes ayant atteint l'âge de soixante ans antérieurement au 1er janvier 1999, elles sont applicables lors du premier renouvellement de l'allocation.

Exposé des motifs du projet de loi :

Aux termes de l'article L. 821-1 actuel du code de la sécurité sociale, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) doivent faire valoir les droits aux avantages de vieillesse auxquels ils peuvent prétendre. Lorsque ces avantages sont d'un montant inférieur à celui de l'AAH, une allocation aux adultes handicapés différentielle leur est versée sans que le total de ces avantages et de l'allocation puisse excéder le montant de l'AAH.

Le présent article a pour objet d'assurer une meilleure cohérence entre le bénéfice de l'AAH et des avantages de vieillesse :

1°) Tous les titulaires de l'AAH, qu'ils perçoivent cette prestation au titre de l'article L. 821-1 (taux d'incapacité au moins égal à 80 %) ou de l'article L. 821-2 (taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, et impossibilité reconnue par la COTOREP de se procurer un emploi) seront réputés inaptes au travail à l'âge de soixante ans ; ainsi, l'ensemble des bénéficiaires de l'AAH pourront, dès cet âge, percevoir une prestation de vieillesse d'un montant au moins égal au minimum vieillesse ;

2°) Pour les titulaires de l'AAH au titre de l'article L. 821-2, l'entrée dans le dispositif vieillesse entraînera la fin du droit à l'AAH. L'AAH au titre de l'article L. 821-2 étant accordée aux personnes dans l'impossibilité médicale de se procurer un emploi, il serait en effet incohérent de verser une AAH à des personnes déjà bénéficiaires d'un avantage de vieillesse et n'appartenant donc plus au champ des personnes susceptibles de reprendre une activité professionnelle.

Observations et décision de la Commission :

L'allocation aux adultes handicapés (AAH), prévue aux articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale, est un revenu minimal garanti par l'État, géré par les caisses d'allocation familiale. Peuvent en bénéficier les personnes de nationalité française et, depuis l'entrée en vigueur de l'article 42 de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, les personnes de nationalité étrangère titulaires d'un des titres de séjour ou documents justifiant la régularité de leur séjour en France.

Outre une condition d'âge (plus de vingt ans), les bénéficiaires doivent justifier d'une incapacité permanente d'au moins 80 % en vertu de l'article L. 821-1 ou d'une incapacité permanente d'au moins 50 % et d'une impossibilité reconnue, compte tenu de leur handicap, de se procurer un emploi en vertu de l'article L. 821-2. Ils doivent, au préalable, faire valoir leurs droits éventuels au titre d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité, ou d'une rente d'accident du travail.

L'AAH est une allocation différentielle d'un montant mensuel de 3.470,91 francs, identique à celui du minimum vieillesse, versée sous un plafond de ressources de 42.193 francs par an pour une personne seule, majoré de 100 % pour le conjoint et de 50 % par enfant à charge. L'allocation bénéficie aujourd'hui à plus de 630.000 personnes, pour une dépense budgétaire totale évaluée à 24,6 milliards de francs en 1999.

Le présent article vise à assurer une meilleure cohérence entre l'AAH et les avantages de vieillesse.

En effet, comme l'article R. 815-2 du code de la sécurité sociale dispose que le minimum vieillesse n'est attribué dès 60 ans qu'aux personnes reconnues inaptes au travail, le versement de l'AAH se prolonge donc aujourd'hui jusqu'à 65 ans ou jusqu'à ce qu'une décision d'inaptitude ait été prise. En prévoyant que pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de l'AAH seront réputés inaptes au travail dès l'âge de 60 ans, le I. du présent article permettra donc de faire basculer automatiquement au minimum vieillesse l'ensemble des bénéficiaires de l'AAH âgés de plus de 60 ans. Les dispositions applicables à l'AAH seront ainsi alignées sur le régime des pensions d'invalidité (article L. 341-15), qui prévoit un basculement automatique sur les avantages vieillesse dès l'âge de 60 ans.

Cette modification aura des conséquences pour les bénéficiaires de l'AAH au titre de l'article L. 821-2, c'est-à-dire les personnes justifiant d'une incapacité permanente d'au moins 50 % et d'une impossibilité reconnue, compte tenu de leur handicap, de se procurer un emploi. En effet, comme ils seront pris en charge dès l'âge de 60 ans au titre d'un avantage de vieillesse, il ne serait plus logique qu'ils puissent continuer de prétendre à l'AAH, puisque celle-ci leur était versée à raison de leur incapacité à se procurer un emploi. Or, en tant que bénéficiaires d'un avantage de vieillesse, ils n'appartiendront plus, de ce simple fait, aux personnes susceptibles de reprendre une activité professionnelle. C'est pourquoi le II. du présent article tend expressément à mettre fin au droit à l'AAH dès lors que ces personnes ont atteint l'âge de 60 ans.

Si le montant et le plafond de ressources de l'AAH et du minimum vieillesse sont identiques, il ne faut pas perdre de vue que les éléments pris en compte pour la détermination du plafond de ressources diffèrent. Dans le cas de l'AAH, c'est le revenu imposable, en tenant compte de la déduction forfaitaire de 10 %, de l'abattement général de 20 % ainsi que de l'abattement spécifique aux personnes invalides (article 157 bis du code général des impôts) ; en outre, le plafond est majoré en fonction du nombre d'enfants à charge. Dans le cas du minimum vieillesse, l'ensemble des ressources sont prises en compte, à l'exception des prestations familiales, des pensions alimentaires, des majorations pour tierce personne et de l'allocation de logement.

Par conséquent, le plafond de ressources de l'AAH est plus favorable que celui du minimum vieillesse : non seulement il est susceptible d'être majoré en fonction du nombre d'enfants à charge, mais il donne une définition plus étroite des ressources prises en compte. Dès lors, certaines personnes qui basculeront au minimum vieillesse en vertu du présent article n'en continueront pas moins à percevoir un solde d'AAH. C'est pourquoi le dispositif ne prévoit une extinction expresse du droit à l'AAH que pour les personnes allocataires au titre de l'article L. 821-2.

Cette mesure se traduira, dès 1999, par une économie de 31 millions de francs sur le chapitre 46-92 du budget de la Solidarité. Au cours de ses cinq années d'application, elle devrait rapporter 300 millions de francs. Elle s'analyse, en réalité, comme un transfert de charges sur le FSV et, subsidiairement, sur les régimes d'assurance vieillesse, sans incidence, par conséquent, sur les intéressés.

*

* *

Lors de l'examen de cet article par la Commission, le 12 octobre 1998, M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, a indiqué que cet article permettrait, par souci de cohérence, de considérer que tous les titulaires de l'AAH seraient réputés inaptes au travail à l'âge de soixante ans et bénéficieraient ainsi d'un avantage de vieillesse, et qu'il serait mis fin, en conséquence, au droit à l'AAH des allocataires qui en bénéficient au titre de l'impossibilité de se procurer un emploi (article L. 821-2 du code de la sécurité sociale).

M. Pierre Hériaud s'est demandé si les bénéficiaires ayant un taux de handicap compris entre 50 et 80 % n'auraient pas à pâtir de cette disposition.

S'inquiétant du sort de ceux qui n'auraient pu cotiser aux régimes d'assurance vieillesse, M. Michel Inchauspé a observé que la disposition proposée se traduirait, en réalité, par des transferts de charge sur ces régimes, voire, au besoin, sur le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Le Rapporteur spécial a fait remarquer qu'il était normal que les personnes de plus de soixante ans considérées comme inaptes au travail ne puissent prétendre qu'à des avantages de vieillesse et que cette mesure n'aurait qu'un effet marginal pour les allocataires au titre de l'article L. 821-2. Rappelant que les personnes qui n'auraient pas cotisé aux régimes d'assurance vieillesse bénéficieraient, en tout état de cause, du minimum vieillesse, qui ne se distingue de l'AAH que par une appréciation légèrement moins favorable des ressources à intégrer dans le plafond, il a souligné qu'une majorité des allocataires, ayant cotisé durant leur carrière, se verraient servir, dès l'âge de soixante ans, une pension de vieillesse leur permettant de dépasser le minimum vieillesse. Il a mis en lumière, à cet égard, le décalage existant entre l'âge de la retraite, qui est désormais de soixante ans, et l'âge minimal d'éligibilité au minimum vieillesse de droit commun, qui est demeuré de soixante-cinq ans.

Sur proposition du Rapporteur spécial, la Commission a adopté l'article 83.

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