ASSEMBLÉE NATIONALE

 

 

 

 

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

 

 

 

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

 

 

 

 

Mercredi 28 octobre 1998
(Séance de 10 heures)

 

 

 

Présidence de M. Jack Lang, président

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

 

 


– Crédits du Commerce extérieur pour 1999 (avis)


3


– Crédits de la Coopération pour 1999 (avis)


4


– Crédits de la Défense pour 1999 (avis)


6

 

 

 

 

Crédits du Commerce extérieur pour 1999

 

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Louise Moreau, les crédits du Commerce extérieur pour 1999.

 

Mme Louise Moreau s'est félicitée de l'excédent record de 169 milliards de francs dégagé par nos échanges extérieurs en 1997, soit un doublement par rapport à celui de 1996. Au cours des six premiers mois de 1998, le commerce extérieur a enregistré un résultat comparable puisqu'il atteint un solde positif de 85 milliards de francs. Mais, au deuxième trimestre, le ralentissement de la demande mondiale provoquée par la crise financière dans les pays émergents d'Asie du Sud-Est et l'exacerbation de la crise russe risque d'obérer ce résultat. Les économies des pays développés seront touchées par ricochet. Le repli, même faible, des exportations françaises dès juillet 1998 doit être considéré comme un signe annonciateur d'un retournement de tendance plus grave.

 

L'analyse sectorielle de nos échanges au 1er semestre 1998 montre que la facture énergétique a baissé de 10 milliards de francs par rapport au premier semestre 1997. Hors énergie, notre excédent commercial recule de 12 milliards de francs par rapport au semestre précédent. La baisse du prix moyen du baril a masqué notre recul dans les autres secteurs. Au dynamisme de l'année 1997 devrait succéder une progression plus modérée des échanges. Les crédits du projet de budget du commerce extérieur s'élèvent à 4,7 milliards de francs et sont réduits de 10 % par rapport au budget voté en 1998. Ils ne sont pas en phase avec la conjoncture internationale.

 

Le budget de l'expansion économique, dont les crédits figurent aux services financiers, s'élève à 1 032,5 millions de francs et progresse de 7,5 % par rapport à 1998. Mais cette progression résulte de l'augmentation des dépenses en personnel alors que globalement les crédits de fonctionnement de la DREE restent orientés à la baisse.

 

Les crédits des organismes d'appui au commerce extérieur, 244,3 milliards de francs, sont également en baisse (- 0,2 %). La dotation du Centre français du commerce extérieur, 128 millions de francs, augmente de 6,7 % mais celle du Comité Français des Manifestations Economiques à l'étranger et de l'Agence pour la coopération technique industrielle et économique, 116,4 millions de francs, recule de 6,9 %. L'assurance "prospection/foire" diminue de 34 %. Ces baisses pénalisent inutilement la présence des entreprises françaises à l'étranger, ce qui est extrêmement préoccupant. Il serait souhaitable que ces crédits retrouvent leur niveau de 1998.

 

Lors de sa mission en Allemagne, Autriche, Espagne, Italie et Royaume-Uni, votre Rapporteur a constaté que ces pays avaient mis en place des procédures intéressantes d'appui au commerce extérieur et à l'expatriation alors que le système français reste complexe en raison de la multiplicité des intervenants.

 

La volonté de rester à long terme présent sur le marché russe est affichée par les opérateurs économiques de ces pays, mais le chaos de l'économie inquiète particulièrement les Allemands, les Autrichiens et les Italiens. En revanche, la crise asiatique est considérée comme un phénomène réversible qui ne devrait pas remettre en cause les projets d'implantation à long terme. La confiance dans l'avenir de l'euro est unanimement affirmée, y compris au Royaume-Uni

 

L'initiative française de transformer le comité intérimaire du FMI en instance politique est bien perçue. Le rôle du FMI en Russie est unanimement critiqué.

 

Britanniques et Allemands, très attachés au libéralisme et plus en retrait sur la préférence communautaire, sont favorables à l'initiative de traité transatlantique. Les autres pays sont dans l'expectative.

 

Votre Rapporteur a pu mesurer les efforts entrepris par nos partenaires européens pour inciter leurs PME à exporter, alors que la France accuse un certain retard dans ce domaine, retard que ce budget ne permettera pas de combler.

 

 

M. Charles Ehrmann a demandé si les échanges entre la France et les DOM-TOM sont comptabilisés dans l'excédent commercial. Il a souligné l'importance du volume des échanges entre la France et l'Union Européenne.

 

 

M. Jacques Myard a considéré que la préférence communautaire n'existait pas car l'Union européenne n'a plus d'identité propre, elle est dépassée par la mondialisation. Les règles commerciales sont mondiales, la politique agricole commune ne devrait pas survivre à moyen terme.

 

Bien que partageant certaines analyses du Rapporteur, il a déclaré ne pas approuver le budget du commerce extérieur.

 

 

Mme Louise Moreau a indiqué que l'excédent budgétaire dégagé ne prenait pas en compte les échanges avec les DOM TOM. Elle a reconnu qu'il fallait être vigilant quant au maintien de la préférence communautaire. L'Union européenne est une réalité, l'attachement de nos partenaires à l'euro le montre.

 

 

Le Président Jack Lang a estimé que l'Union européenne ne se réduisait pas à des règles commerciales.

 

L'adhésion à l'Union européenne est fondée sur de multiples critères, économique, culturel et surtout politique. Deux grandes sensibilités s'affrontent, l'une favorable à l'Europe majoritaire dans notre pays, l'autre minoritaire qui reste très réticente.

 

Suivant l'avis du Rapporteur, la Commission a donné un avis favorable aux Crédits du Commerce extérieur pour 1999.

 

 

 

Crédits de la Coopération pour 1999

 

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Pierre Brana, les crédits de la Coopération pour 1999.

 

 

M. Pierre Brana a rappelé que la réforme de la Coopération, mise en oeuvre actuellement par le Gouvernement, est un serpent de mer de la vie politique et administrative française depuis trente ans. Cette réforme était souhaitée pour trois raisons tenant à la confusion institutionnelle, l'absence de lisibilité et les difficultés d'adaptation de notre ancien dispositif.

 

La réforme a tenté une rationalisation des institutions en charge de la Coopération par la fusion de la Rue Monsieur et du Quai d'Orsay afin de former "un grand ensemble diplomatique" sous l'autorité du Ministre des Affaires étrangères. Elle maintient cependant des liens étroits avec les partenaires traditionnels de la France, notamment à travers la création d'une zone de solidarité prioritaire. Elle prévoit une meilleure association de la société civile au travail de définition et de mise en oeuvre des actions de coopération.

 

Les crédits de la Coopération, qui sont présentés au sein du budget unique des Affaires étrangères, sont en recul de 8,16 % à structure constante par rapport à l'année dernière. Ce recul s'explique principalement par la suppression de 170 postes d'assistants techniques et la baisse des concours financiers, présentée comme une conséquence de l'amélioration économique des pays de la zone franc. Les crédits de paiement qui alimentent le Fonds d'aide et de coopération et les projets de l'Agence française de développement sont également en baisse.

 

En revanche, le Rapporteur s'est félicité de l'augmentation des crédits consacrés à notre coopération culturelle, et notamment de ceux destinés à l'action audiovisuelle extérieure et à la formation des élites africaines.

 

Le Rapporteur a ensuite dressé un tableau de la situation politique en Afrique sub-saharienne et a explicité les principes complémentaires de "non-ingérence" et de "non-indifférence" qui animent aujourd'hui la nouvelle politique africaine française.

 

 

M. Jacques Myard, après avoir souligné la baisse des crédits de la Coopération et rappelé son accord de principe au processus de réforme, s'est inquiété des structures de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) qu'il a jugée inopérationnelle. Il a regretté que le principe d'une double direction - l'une chargée de la coopération en Afrique, l'autre du reste du monde - n'ait pas été retenue.

 

 

M. Jacques Godfrain a rappelé que la réforme de la Coopération avait été engagée par le précédent gouvernement comme en témoigne la création du Comité interministériel de l'aide au développement, afin d'améliorer la coordination. Il a regretté que la nouvelle zone de solidarité prioritaire ne soit toujours pas définie. Il a dénoncé l'incohérence qu'il y avait, selon lui, à se faire le défenseur de l'aide au développement dans les instances internationales tout en réduisant les crédits au niveau national. Il s'est indigné de la baisse très importante du nombre de coopérants techniques. Il a demandé si le Rapporteur, en appelant de ses voeux une coopération digne et exigeante, estimait l'ancienne politique indigne et laxiste.

 

 

Mme Yvette Roudy a demandé des précisions sur le montant des bourses, l'identité de leurs bénéficiaires et leur suivi. Elle s'est inquiétée du statut des coopérants mis à la disposition des gouvernements - parfois peu démocratiques - et de leur sécurité.

 

 

M. Pierre Brana a estimé que la DGCID, divisée entre quatre directions sectorielles et une direction de pilotage, présentait des garanties de cohérence. Il a estimé que M. Godfrain avait raison de s'inquiéter de la baisse du montant de notre aide publique au développement et qu'il avait demandé que les parlementaires soient représentés au sein du Haut conseil de la coopération internationale.

 

M. Pierre Brana a précisé que par son appel à la dignité et à l'exigence, il n'avait pas voulu dénoncer tel ou tel ministre, mais la pratique répandue des "éléphants blancs", de certains investissements dont les pays n'ont pas les moyens d'assurer la maintenance et le gaspillage de l'aide publique.

 

Le montant des crédits destinés aux bourses en 1999 s'élève à 800 millions de francs ; elles sont destinées aux meilleurs élèves pour former la future élite africaine.

 

 

Le Président Jack Lang a rappelé que Mme Alliot-Marie avait présenté au nom de la Commission des Affaires étrangères un rapport sur les bourses.

 

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération.

 

 

 

Crédits de la Défense pour 1999

 

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Bernard Raimond, les crédits de la Défense pour 1999.

 

 

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis, a exposé que le projet de loi de finances pour 1999 prévoyait pour la Défense des crédits un peu plus satisfaisants que ceux qui avaient été votés pour l'année 1998. En effet, l'année précédente, l'équipement avait fait les frais de la politique de maîtrise du déficit public. Cette année, le budget de la Défense est en augmentation de 2,9% par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. Il s'élève à 190 milliards de francs, dont 86 milliards pour les titres V et VI.

 

Ce budget doit permettre la poursuite de la professionnalisation des forces. S'agissant des équipements, le projet prévoit une remise à niveau. Par ailleurs, le Gouvernement a mené une revue de programmes qui s'est traduite par 20 milliards d'économie pour la période 1999-2002.

 

Il convient de souligner que de nombreux programmes ont subi d'importants retards au cours des dernières années. Le porte-avions Charles de Gaulle devrait entrer en service actif vers la fin de l'année 1999. Le char Leclerc sera opérationnel à la fin de 1998 et le Rafale en 2002 pour la Marine et 2005 pour l'Armée de l'Air. Initialement, il avait été prévu que tous ces équipements seraient mis en service en 1996. Quant au NH-90, il devrait être livré en 2003 à l'Allemagne et aux Pays-Bas, en 2005 à notre Marine et en 2011 à notre Armée de Terre alors que la date retenue à l'origine était 1999. Le Gouvernement doit encore confirmer publiquement la commande groupée de 48 avions Rafale. Ces programmes d'armement doivent donner à la France les moyens de sa politique étrangère, notamment de sa politique d'intervention extérieure. A la lumière de ce qui se passe aujourd'hui au Kosovo, qui peut dire que l'obtention de ces moyens peut sans cesse être différée ?

 

Par ailleurs, la modernisation de la force de dissuasion se poursuit. La réalisation du Téméraire s'achèvera à l'été 1999. Il faut se féliciter que la revue de programmes ait abouti à avancer la mise en service du M51 à 2008 au lieu de 2010.

 

Les dépenses de défense des pays occidentaux ont fortement diminué depuis 1990. Cependant, elles semblent avoir atteint un plancher et nos alliés programment même une légère reprise.

 

Compte tenu de ces observations, et en soulignant que la Commission des Affaires étrangères devait être vigilante s'agissant de la bonne exécution des programmes d'armement, le Rapporteur s'en est remis à la sagesse de la Commission pour l'adoption des crédits de la Défense pour 1999.

 

M. Jean-Bernard Raimond a ensuite évoqué la situation de la Russie. Cette dernière est très affaiblie sur le plan militaire, mais elle reste un acteur stratégique majeur, notamment pour le règlement des crises régionales comme l'illustre la crise du Kosovo.

 

Globalement, la Russie applique correctement les accords de désarmement. Le traité START II n'a toujours pas été ratifié par la Douma, mais les présidents russe et américain sont convenus d'en repousser l'échéance à 2007 et d'engager de nouvelles négociations. La dissuasion nucléaire demeure au coeur de la politique de défense russe. La modernisation des forces nucléaires se poursuit. Il existe des incertitudes quant au nombre des armes nucléaires tactiques russes qui ne fait pas l'objet d'un système de vérification. Cependant, ce nombre a fortement diminué. Quant aux forces conventionnelles, elles subissent de plein fouet les conséquences de la crise budgétaire. Ces forces jouent un rôle, peu efficace, dans les crises régionales de la CEI. La renégociation du traité sur les forces conventionnelles en Europe n'a toujours pas abouti.

 

Il convient de rester prudent à l'égard de la Russie. Dans le passé, les dirigeants occidentaux n'ont pas assez gardé leurs distances, notamment pendant la guerre en Tchétchénie. Cependant, les Occidentaux ont besoin de la Russie pour résoudre les conflits régionaux et la menace à l'Est s'est considérablement réduite. Lors de la révision du concept stratégique de l'Alliance, ce dernier point mériterait d'être davantage souligné. Si la défense collective demeure une dimension fondamentale de l'Alliance, il ne paraît plus indiqué de désigner précisément un éventuel agresseur.

 

M. Jean-Bernard Raimond a exposé que la relation entre les Européens et les Américains était l'élément moteur de l'évolution de l'Alliance. L'OTAN est la seule organisation militaire qui fonctionne. Son importance grandissante justifie que la France s'en soit rapprochée. Mais le pilier européen doit également se renforcer.

 

Quelques progrès ont été réalisés dans le sens d'une affirmation de l'identité européenne de défense mais sans résultats très concrets. Récemment, le Premier ministre britannique a fait des déclarations intéressantes à propos du pilier européen de défense. Toutefois, ces déclarations ne précisent pas quel rôle la Grande-Bretagne souhaite voir confier à l'UEO.

 

Par ailleurs, la révision du concept stratégique donne lieu à un débat sur les interventions de l'OTAN hors de sa zone et sur la nécessité d'un mandat du Conseil de Sécurité pour toute intervention de l'OTAN hors cas de légitime défense.

 

M. Jean-Bernard Raimond a indiqué que son rapport écrit contenait un développement sur la prolifération. Le système de surveillance internationale des essais nucléaires ne semble pas au point. Cependant, les risques de la prolifération doivent être relativisés. Des essais dans le sous-continent indien n'ont pas les mêmes conséquences que dans d'autres régions du monde.

 

Le désarmement de l'Irak a beaucoup progressé depuis 1991. Quelques doutes subsistent sur les dossiers chimique et biologique. Mais dans ces domaines, il est impossible d'avoir des certitudes. C'est pourquoi l'on peut considérer que la levée des sanctions contre l'Irak est surtout une affaire politique, c'est-à-dire américaine.

 

L'issue de la crise du Kosovo est encore incertaine. Il faut regretter que les Européens n'aient pas anticipé dès 1989 cette crise qui a été à l'origine de l'ensemble de la guerre dans l'ex-Yougoslavie. On peut espérer que le traité d'Amsterdam renforcera les capacités d'analyse et de décision de l'Union européenne.

 

 

M. François Loncle a estimé que le traité d'Amsterdam, en créant un "M. PESC", permettra de renforcer la conscience européenne dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. Mais cela suppose que cette personnalité soit un politique.

 

 

M. Pierre Brana s'est demandé si l'élargissement de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et orientale, notamment à la Roumanie, ne permettrait pas de renforcer le pilier européen au sein de l'Alliance.

 

 

M. Jean-Bernard Raimond a approuvé la réflexion de M. François Loncle en rappelant que M. Tony Blair avait estimé que "M. PESC" devait être "un homme de qualité".

 

L'élargissement de l'OTAN à la Roumanie doit être soutenu mais les pays d'Europe centrale et orientale se tournent essentiellement vers les Etats-Unis. On peut espérer cependant qu'ils évolueront lorsqu'ils seront membres de l'Alliance.

 

 

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 1999.

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· Budget pour 1999 : coopération, commerce extérieur, défense



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