ASSEMBLÉE NATIONALE

 

 

 

 

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

 

 

 

 

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

 

 

 

 

Mercredi 7 octobre 1998
(Séance de 9 heures 30)

 

 

 

 

 

Présidence de M. Paul Quilès, Président,
puis de M. Didier Boulaud, Vice-Président

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

 

 

 

 

pages

Projet de loi de finances initiale pour 1999 (n° 1078)

– Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la Défense

2

– Audition de M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’Armement

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La Commission a entendu les représentants des syndicats des personnels civils de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999 (n° 1078).

Le Président Paul Quilès a souligné l’intérêt de cette audition dans la période de transformation profonde que traverse l’appareil de défense.

 

M. Albert Sparfel, Secrétaire général de la Confédération générale du travail-Force ouvrière, relevant que le projet de budget de la Défense respectait les engagements pris par le Gouvernement lors de la revue de programmes et fournissait des perspectives plus précises pour l’avenir de l’industrie de défense, a néanmoins dénoncé les risques auxquels était exposée cette industrie. Faisant référence au récent conflit social de Toulon, il s’est prononcé contre l’externalisation des missions de réparation navale de la DCN, qui va à l’encontre du maintien des compétences et du développement des activités en partenariat. Rappelant que le coût des restructurations était imputé sur les coûts d’intervention de la DCN et d’autres organismes de la Défense, il a souhaité que soit dressé un bilan de la réforme de la DGA.

Appelant l’attention de la Commission sur la politique d’emploi des personnels civils, notamment sur les responsabilités qui leur sont confiées dans les organismes de soutien et auprès des forces, il a mis l’accent sur la nécessité d’un strict respect des statuts de ces personnels. Puis, il a considéré que le projet de règlement-cadre sur l’aménagement et la réduction du temps de travail ne permettrait pas, malgré ses objectifs affichés, de préserver des emplois ni d’en créer de nouveaux. Ce projet favorise en effet uniquement l’aménagement du temps de travail en autorisant notamment son annualisation et n’oblige pas les employeurs à faire connaître les postes concernés par les restructurations. En raison de leur manque d’ambition, les mesures envisagées en matière de réduction du temps de travail ne seront pas suffisantes pour remédier aux conséquences sociales des restructurations dans les bassins d’emploi.

 

M. François Pillet, Délégué central Force Ouvrière de l’établissement de Bourges de GIAT-Industries, a tout d’abord rappelé que la politique d’acquisition d’entreprises d’armement en difficulté menée dès 1991 par l’ancien Président Directeur Général du groupe, M. Pierre Chiquet, avait abouti à de graves échecs financiers. S’il est vrai que son successeur, M. Jacques Loppion, a suivi une démarche inverse, le Gouvernement a néanmoins accepté, en juillet 1998, un quatrième plan social exceptionnellement rigoureux. Ce plan réduira les effectifs de près de 44 % entre 1997 et 2002 alors que la production ne diminuera que de 30 %, et prévoit des fermetures de sites. L’Etat actionnaire devra recapitaliser GIAT-Industries afin de permettre à l’entreprise d’achever l’exécution du contrat de chars Leclerc avec les Emirats Arabes Unis et de payer le plan social. L’avenir de GIAT-Industries reste ainsi suspendu au soutien de l’Etat et à sa volonté d’aboutir dans la négociation d’un contrat de 350 chars avec l’Arabie Saoudite.

Estimant le prix auquel les chars Leclerc sont offerts à l’Arabie Saoudite supérieur à celui du contrat avec les Emirats Arabes Unis, il s’est interrogé sur la volonté réelle du Gouvernement d’obtenir un nouveau marché d’exportation pour le Leclerc. Il s’est alors inquiété des conséquences sur l’emploi et sur le maintien de l’activité de nombreux sites de l’échec éventuel du contrat négocié avec l’Arabie Saoudite, et s’est interrogé sur le maintien des compétences françaises en cas de nouvelles fermetures d’établissements et d’intégration de GIAT-Industries dans un cadre européen. Au nom de son organisation, il a enfin condamné la profonde restructuration industrielle en cours, estimant qu’elle était menée sans concertation.

 

M. Jean-Louis Naudet, Secrétaire général de la Fédération des travailleurs de l’Etat-CGT, a souligné que la situation sociale des industries d’armement, source de malaise et d’angoisses pour les personnels civils, appelait d’autres choix que ceux qui conduisent au déclin de tout un secteur industriel. Estimant que le projet de budget pour 1999 ne préparait aucunement l’avenir, il a demandé au Parlement de l’infléchir pour qu’il soit à la hauteur des attentes des salariés. Puis, il s’est élevé contre la chute de 9 % des crédits de fonctionnement et la suppression de 1 800 emplois dont 1 500 à la DCN et au Service de maintenance aéronautique (SMA), s’ajoutant aux dégagements de cadres militaires qui ne seront pas compensés par des embauches.

Il a successivement insisté sur la nécessité :

— de supprimer le système salarial des abattements de zone ;

— d’en finir avec la précarité des personnels ne bénéficiant pas de statuts ;

— de mettre un terme aux suppressions d’emplois dès le budget 1999 et de renoncer aux plans d’adaptation ou de restructuration précédemment annoncés ;

— de promouvoir parallèlement une réelle politique d’embauches pluriannuelles ;

— de mettre en adéquation les effectifs réalisés avec les effectifs budgétaires ;

— de mettre en oeuvre une vraie réduction du temps de travail sans baisse ni gel des salaires ;

— de réorienter les crédits d’équipement en faveur des forces conventionnelles et de lancer en particulier le programme Vextra.

Il s’est également prononcé en faveur d’une reconquête par l’Etat de ses missions de fabrication d’armements et du développement d’activités complémentaires, estimant que la réorientation sociale et industrielle du budget 1999 est possible sans augmentation des crédits. Il a enfin considéré que l’on ne pouvait pas attendre des mesures de compensation aux restructurations de la Défense un réel développement des bassins d’emplois.

 

M. Daniel André, Secrétaire général de la Fédération des Établissements et Arsenaux de l’Etat-CFDT, a tout d’abord estimé que la deuxième phase de restructuration, annoncée par le Ministre de la Défense le 7 juillet dernier, constituait un mouvement d’une ampleur inégalée puisqu’il touchait, sur l’ensemble de la période 1999-2002, 332 sites ou établissements et 8 500 personnels civils, soit par des mesures de départ à la retraite anticipée, soit par des mobilités géographiques ou professionnelles. Les restructurations envisagées affecteront également les bassins d’emplois et les populations des régions concernées tant sur le plan économique que social, malgré une mobilisation des fonds d’adaptation industrielle ou européens sur la gestion desquels les partenaires sociaux ne peuvent toujours pas exercer un droit de regard.

Considérant que l’évolution de l’outil industriel de défense devait permettre son adaptation au nouveau contexte géostratégique, M. Daniel André a estimé au nom de la CFDT que cette évolution devait s’inscrire dans le cadre d’une action prioritaire en faveur de l’emploi et s’accompagner d’une politique ambitieuse de diversification des activités, de réduction massive du temps de travail et d’accompagnement social à la hauteur des transformations entreprises. Il a noté avec satisfaction l’extension progressive à l’ensemble du ministère de la Défense d’une démarche d’aménagement et de réduction du temps de travail qui correspond à une réelle attente des personnels, en soulignant toutefois la nécessité de mesures plus ambitieuses en ce domaine, qui se traduiraient par des effets durables sur l’emploi.

Face aux fermetures de sites, aux restructurations, transferts et suppressions d’emplois qui vont affecter les établissements, M. Daniel André a considéré qu’il convenait d’orienter en priorité les directions et établissements vers la recherche de charges de substitution pour faire face aux baisses affectant leurs activités traditionnelles. S’agissant des restructurations en cours au sein de Giat-Industries, M. Daniel André a rappelé les exigences de la CFDT au plan social : aucun licenciement, le développement, dans un cadre négocié, de solutions alternatives aux fermetures de sites et le maintien des seules mesures d’âge. Au plan industriel, il a indiqué que son organisation demandait la formulation d’engagements précis sur les commandes budgétaires en attente, ainsi qu’un soutien du Gouvernement à l’exportation et une action de la tutelle ministérielle en faveur de la diversification. Pour ce qui concerne la DCN, il a estimé que sa nécessaire évolution ne devait pas compromettre la situation de l’emploi. Il a regretté que le projet de budget de la Défense pour 1999 ne marque pas de réel changement d’orientation, les augmentations de crédits consacrés aux aides à la mobilité et au départ ainsi qu’au fond d’adaptation industriel démontrant la permanence de la logique suivie par le ministère. Il a pris acte de la progression de l’enveloppe consacrée aux mesures catégorielles mais a regretté que les revendications formulées par la CFDT concernant l’ouverture de la filière ouvrière, le déplafonnement de l’indemnité pour travaux supplémentaires des secrétaires administratives et le repyramidage statuaire du corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrication n’aient pas été prises en compte.

Soulignant qu’un malaise se développait au sein des personnels civils de la défense, il a considéré qu’il convenait de mieux définir les missions et les compétences revenant à chaque catégorie afin d’en préserver l’équilibre général.

Après avoir souligné que le projet de budget pour la Défense présentait une hausse de 2,8 % par rapport au budget précédent, M. Jean-Pierre Dussaussois, Président de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la Défense, a noté que d’une manière générale, les budgets votés n’étaient jamais respectés et que le projet de loi de finances pour 1999 était inférieur à l’annuité de la loi de programmation correspondante. La revue de programme aura pour effet de décaler le troisième SNLE-Ng et les livraisons du Rafale Air et Marine, d’anticiper le retrait du porte-avions Foch et deux escadrons Jaguar, d’arrêter certains programmes de satellites et de missiles, de réduire le nombre de missiles Mistral et d’engins porte-blindés du Char Leclerc, de diminuer de 5 % les programmes d’infrastructure et d’entretien des matériels et d’accentuer la réduction des coûts de fonctionnement de la DGA. L’ensemble de ces mesures ne sera pas sans conséquence sur les qualités opérationnelles des armées, il limitera la puissance de la force de frappe et accentuera la dérive de l’industrie française de défense et des établissements de la DGA.

M. Jean-Pierre Dussaussois a fait part au nom de la CFTC de ses interrogations sur la volonté du ministère de la Défense de s’inscrire dans le cadre de l’action prioritaire du Gouvernement en faveur de l’emploi. En effet, les emplois de militaires du rang, limités quant à la durée du contrat, s’apparentent à des emplois précaires, de même que les créations d’emplois civils dans les armées seront en majorité destinées à l’accueil des personnels en provenance de la DGA ou de GIAT-Industries. Par ailleurs, M. Jean-Pierre Dussaussois s’est inquiété de l’accueil réservé par les militaires aux personnels civils venus occuper des emplois de substitution et a souhaité qu’à terme, la gestion des ressources humaines des personnels de la défense intègre une gestion prévisionnelle des emplois, ce qui éviterait que ne se posent des problèmes de déroulement de carrières.

S’agissant de la sous-traitance, M. Jean-Pierre Dussaussois a noté une augmentation des crédits qui lui sont consacrés mais a considéré que le recours aux entreprises sous-traitantes ne constituait pas toujours une solution satisfaisante, d’autant plus qu’elle était susceptible de s’accompagner d’une forte externalisation des compétences industrielles. Il a estimé que, dans le domaine industriel, le projet de budget ne permettait pas de préserver l’emploi, mais risquait au contraire d’intensifier la perte de compétences et de métiers de base par des départs prématurés, de même que le recours aux achats sur étagères pourrait mettre en péril les activités d’études.

M. Jean-Pierre Dussaussois a souhaité faire part au nom de son organisation de l’inquiétude qu’il éprouve face à la politique de regroupement des industries européennes de la défense. Il a souligné que les difficultés rencontrées dans les programmes en coopération, les choix budgétaires des partenaires européens de la France et le renforcement de l’OTAN, font craindre une dépendance grandissante vis-à-vis des Etats-Unis. Dans ce contexte, la signature de la convention renforçant la personnalité de l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement (OCCAR) risque de déstabiliser la DGA et de faire perdre à la France une part de son identité.

En conclusion, et malgré quelques améliorations dues à des mesures catégorielles, M. Jean-Pierre Dussaussois s’est déclaré opposé au nom de la CFTC à un projet de budget qui cache des réductions massives d’effectifs, notamment à la DCN, entérine la disparition progressive de la DGA et de ses établissements et risque de faire perdre à l’industrie nationale de Défense ses pôles d’excellence.

 

M. Gilbert Desmur, représentant de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)-Défense, a souhaité revenir sur les événements intervenus au cours de l’année 1998, avant d’évoquer les perspectives dans lesquelles s’inscrit l’action de son organisation. L’année 1998 a été notamment marquée par le conflit social qui a éclaté à la DCN de Toulon. Si certaines revendications ont été satisfaites, la source essentielle du mécontentement demeure puisque les missions de la DCN se trouvent à nouveau remises en cause par des réflexions à peine voilées sur l’évolution statutaire de cette direction. M. Gilbert Desmur a estimé au nom de l’UNSA-Défense que la situation de la DCN présentait de nombreuses analogies avec celle du GIAT et qu’elle s’y dégradait selon le même scénario. Il a estimé qu’il appartenait à l’Assemblée nationale de choisir entre une politique permettant à la DCN de conforter sa place de premier constructeur naval militaire dans le cadre de son statut actuel et la remise en cause de ce statut.

M. Gilbert Desmur a évoqué ensuite l’acquisition par l’OCCAR de la personnalité morale et s’est inquiété de l’accroissement de la part des programmes gérés par cet organisme sans compensation industrielle à la hauteur des enjeux. Il a également déploré le transfert vers les entreprises privées de la maintenance des équipements dont il a jugé qu’il traduisait une dérive vers les pratiques de nos principaux partenaires européens.

Il a constaté ensuite que le nouveau plan de restructurations annoncé au mois de juillet accroîtrait encore le nombre d’établissements touchés, faisant observer que l’accompagnement social des mesures concernant le personnel civil était moins favorable que celui qui concernait les personnels militaires. C’est pourquoi il a demandé au nom de l’UNSA-Défense un traitement social plus équitable de ces restructurations sur la base de l’amélioration du dispositif existant.

De manière plus générale, il a regretté que les travaux tendant à la revalorisation du rôle et de la place du personnel civil ne débouchent pas sur des avancées significatives et que de nombreuses négociations catégorielles s’enlisent. S’agissant du projet de loi de finances pour 1999, il a considéré au nom de l’UNSA-Défense que les aspirations des personnels civils n’y étaient pas suffisamment prises en compte et que les mesures de saupoudrage prévues ne pouvaient être considérées comme une politique sociale digne d’un ministère tel que celui de la Défense. M. Gilbert Desmur a enfin fait état des difficultés de la DGA à exécuter les crédits dont elle a la charge et déploré que le Parlement soit appelé à se prononcer sur un budget sans disposer d’éléments sur l’exécution des crédits de l’exercice en cours.

 

M. Jean-François Munoz, Président de la FECD-CGC, a tout d’abord fait valoir que l’évolution du budget de la Défense pour 1999 était satisfaisante, avec une hausse de 2,9 % hors pensions, dont 6,2 % pour les seuls crédits d’équipement et qu’il fallait féliciter le Ministre de la Défense pour avoir refusé une nouvelle encoche. Il a jugé cependant que la puissance militaire de la France était diminuée, les économies réalisées sur les crédits d’équipement allant au-delà des seuls gisements d’économies identifiés par la DGA.

Il a relevé ensuite qu’en dépit d’une information et d’une communication soutenues, la véritable concertation était toujours absente de la politique de restructuration. Il a regretté en outre que l’ampleur de la restructuration de la Direction des centres d’essais de la DGA soit sous-estimée. L’absence de concertation est néfaste pour le dialogue social et ne permet pas une bonne utilisation des fonds de toute origine mis à disposition des différents acteurs. Son organisation a d’ailleurs demandé un bilan sur l’action des société de conversion.

M. Jean-François Munoz a ensuite souligné qu’il fallait d’abord définir une stratégie de survie des entreprises de défense avant d’envisager des mesures de dégagement des cadres et qu’il convenait d’éviter les hémorragies de personnels mettant en cause le maintien des compétences industrielles et étatiques. S’agissant des mesures en faveur du personnel civil, il a déploré au nom de la CGC la divergence de traitement entre les personnels civils et militaires dans les domaines de la formation, des rémunérations et de la protection sociale. Il a estimé que l’application du plan formation mobilité II était difficile pour les cadres civils et pénalisante à la Délégation générale pour l’Armement. Il a enfin souhaité que l’effort porte prioritairement au sein du ministère de la Défense sur l’amélioration de la carrière des cadres civils.

 

M. Robert Poujade a estimé que, de même qu’il fallait distinguer en économie les effets micro-économiques et leurs répercussions macro-économiques, a souligné les conséquences considérables, à long terme, sur le plan local, de décisions prises au niveau national concernant l’organisation des forces armées. Evoquant le cas du régiment de circulation routière qui existait à Dijon avant d’être déplacé à plusieurs reprises, il a exprimé la crainte que de tels types de décisions incohérentes se multiplient.

 

M. Jean-Noël Kerdraon a souhaité que la date de l’audition des représentants des personnels soit avancée. Il a relevé les appréciations mitigées des syndicats sur le budget, tout en notant que la revue de programmes conférait une lisibilité de long terme à l’évolution du titre V. Il a ajouté que la Commission de la Défense suivait avec attention les problèmes relatifs à la DCN et au GIAT qui, dans un contexte et pour des raisons différentes, étaient confrontés à une situation difficile. Il a exprimé le vœu que, dans le cas de la DCN notamment, la construction d’un outil industriel performant répondant au mieux aux besoins de la défense s’effectue dans la concertation. Il a enfin demandé aux différentes délégations leur sentiment sur le rapport d’information consacré par Mme Martine Lignières-Cassou à la diversification des industries de défense dont il a souligné la qualité.

 

M. Albert Sparfel, approuvant les propos de M. Robert Poujade, a rappelé que le département de l’Yonne avait été particulièrement touché par les restructurations et a convenu qu’il importait d’être très attentif aux conséquences d’une succession de décisions locales, notamment en matière sociale. Concernant le rapport établi par Mme Martine Lignières-Cassou, il a déclaré que l’organisation syndicale à laquelle il appartenait l’avait examiné de manière approfondie et avait d’ailleurs fait connaître au rapporteur ses observations, les unes critiques, les autres favorables à ses conclusions.

 

M. Jean-Paul Clément, représentant de la Confédération générale du travail-Force ouvrière, évoquant le futur projet d’entreprise de la DCN, a estimé que la méthode employée pour son élaboration semblait avoir pour seul objectif de faire valider par les organisations syndicales un projet dévastateur.

Il a vivement déploré que ne soit laissée aucune place à la négociation. Même si, pour Force ouvrière, la modernisation de la DCN est impérative, même s’il est nécessaire de mettre fin aux gaspillages et aux doublons, l’externalisation à outrance doit être totalement rejetée. Le processus de modernisation industrielle de la DCN, qui doit s’effectuer dans le strict respect des statuts des personnels et des établissements, doit concerner l’ensemble des étapes de la production : l’ingénierie, la fabrication et l’assemblage. La relance des embauches constitue la première urgence, la deuxième priorité consistant à réduire le temps de travail sans perte de salaire afin de créer de nouveaux emplois. Il est également nécessaire d’améliorer la formation et la promotion sociale des personnels. Il est en définitive possible de pérenniser la DCN dans le cadre du statut actuel et en conséquence un projet d’entreprise dont l’objectif serait de remettre en cause ce statut paraît inacceptable.

 

M. Jean-Louis Naudet, faisant écho aux paroles du représentant de Force ouvrière concernant la DCN, a estimé que, comme l’illustrait un article récemment paru dans Les Echos, le projet d’entreprise de la DCN paraissait définitivement arrêté, sans que les organisations syndicales en aient été saisies. Il s’est interrogé, dans ces conditions, sur la pertinence des réunions programmées pour en discuter. Faisant allusion au rapport Foillard-Picketti relatif à l’établissement de Cherbourg, il a émis la crainte que la désétatisation qui y était prônée soit progressivement étendue à toute la DCN. Il a jugé que si telle était l’optique de la majorité actuelle, il était nécessaire qu’elle le dise ouvertement et qu’il était inutile de chercher à tromper les organisations syndicales. S’agissant du rapport de Mme Martine Lignières-Cassou, il a regretté que celle-ci n’ait pas pris contact avec sa fédération au niveau national.

 

Le Président Paul Quilès a observé que le contact avait été pris avec la Confédération mais qu’il n’y avait pas à l’évidence été donné suite.

 

M. Jean-Louis Naudet a estimé que le rapport de Mme Martine Lignières-Cassou contenait relativement peu de propositions, hormis celles concernant les entreprises et les sociétés de conversion. Il a jugé qu’il n’ouvrait pas de perspective pour une véritable politique de diversification.

 

M. Jean-Claude Sandrier a estimé qu’il convenait d’être attentif au malaise créé par les restructurations et d’apporter une réponse concrète aux revendications des personnels sous peine d’accroître leur démoralisation. Il a ainsi considéré que l’annonce d’un retour à l’équilibre de GIAT-Industries en 2002 succédait à d’autres annonces du même type sans proposer de réelles perspectives.

Il a ensuite regretté, d’une part, l’absence de débat sur les restructurations tant à l’Assemblée nationale qu’avec les syndicats, d’autre part, l’importance accordée à la logique de marché et d’alliances européennes dans la politique d’équipement militaire. Après avoir considéré que la diversification des activités avait été opérée jusqu’à présent à partir de compétences périphériques des établissements et non au cœur de leurs spécialités, il a plaidé pour un débat d’ensemble qui porterait non seulement sur la diversification mais aussi sur l’évolution des plans de charges et sur l’aménagement et la réduction du temps de travail.

Il a alors demandé aux représentants syndicaux s’ils avaient réfléchi à la question de la cohérence entre la taille des entreprises et leur marché, et s’ils estimaient que GIAT-Industries avait déjà atteint une masse critique dans le secteur de l’armement terrestre.

 

Mme Claudine Kervella, Secrétaire fédérale de la Fédération des Établissements et Arsenaux de l’Etat-CFDT, s’est déclarée satisfaite que la question de la diversification ait fait l’objet d’un rapport parlementaire en raison de l’intérêt qu’elle présente pour l’emploi et de la présence au sein des établissements industriels de la Défense de compétences et d’un capital humain à valoriser. Elle a rappelé que les organisations syndicales avaient déjà mené des réflexions sur la diversification dans les bassins d’emploi et que les personnels des établissements concernés avaient procédé à des analyses et formulé des propositions intéressantes à ce sujet. Elle a insisté sur la nécessité d’anticiper les actions de diversification, 15 à 20 ans pouvant s’écouler entre les recherches préliminaires et le développement de nouveaux produits.

 

M. Albert Sparfel, après avoir regretté que Mme Martine Lignières-Cassou n’ait pu prendre contact avec les fédérations nationales des syndicats, a estimé que son rapport sur la diversification des industries de défense ne constituait qu’une étape et devrait être prolongé. Il a plaidé pour des échanges thématiques en cours d’année entre la Commission de la Défense nationale et des Forces armées et les organisations syndicales et a souhaité qu’une attention particulière soit portée à l’égard des personnels civils dans les restructurations.

 

M. Claude Hoffsteter, représentant de l’UNSA-FADN, a fait part d’un décalage entre la présentation de la réforme de la DCN par le Ministre de la Défense et la vision qu’en donnait la DCN elle-même. Il a par ailleurs rappelé que le groupe de travail sur l’avenir de la DCN, auquel avait participé M. Michel Praderie, n’était parvenu à aucune conclusion, bien qu’il ait mené une très large concertation. Soulignant que le ministère de la Défense avait déploré le manque d’initiative des cadres de la DCN, il a expliqué leur démotivation par le fait que leurs propositions n’étaient jamais prises en compte et a demandé un meilleur dialogue social.

 

M. Charles Sistach, représentant de la Confédération générale du travail-Force ouvrière, a soutenu que la fabrication d’armements ne devait pas, en raison de sa nature même, être soumise aux lois du marché et obéir aux mêmes règles de compétitivité que les productions civiles. Il a également considéré que les diversifications d’activités devaient relever des responsabilités propres des établissements et s’intégrer à leur projet d’entreprise. Après s’être demandé si l’Etat avait encore la volonté d’exercer ses missions, il a émis la crainte que la DCN ne connaisse prochainement la même évolution que GIAT-Industries.

 

M. Jean-Louis Naudet a insisté sur le fait que l’armement ne saurait être assimilé à n’importe quel produit marchand et qu’il revenait à l’Etat, dans un domaine qui relève de l’exercice de sa souveraineté, de se prononcer clairement en faveur du maintien d’entreprises industrielles de défense sous son autorité directe. La politique de coopération industrielle à l’échelle européenne pose elle aussi la question de l’indépendance nationale d’autant plus que les regroupements qui se dessinent ne manqueront pas d’avoir de lourdes conséquences sociales. Il s’est étonné que l’on puisse aujourd’hui tirer argument du manque de spécialisation de la DCN pour s’en prendre à son statut alors qu’il y a une dizaine d’années des arguments opposés avaient été exprimés pour conduire à la désétatisation du GIAT. La politique menée à l’égard de la DCN semble d’autant moins cohérente qu’elle avait su, notamment sur le site de Lorient, développer une activité pilote dans le domaine des matériaux composites qu’on lui a demandé d’abandonner et qu’il lui faut à nouveau revitaliser. Enfin, il a souhaité que s’instaure un vaste débat national, débordant le cadre du Parlement, sur la question de l’avenir de la défense de la France.

 

M. Jean-Jacques Le Gourrierec, Secrétaire général de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la Défense, s’est déclaré satisfait de la possibilité offerte aux représentants syndicaux de dialoguer avec les membres de la Commission. Il a souhaité exprimer le malaise profond ressenti par les personnels de la DCN face aux atermoiements qui entourent l’avenir de leur direction alors qu’il conviendrait d’engager de réelles négociations à ce sujet. Il a demandé qu’une attention particulière soit accordée aux conditions dans lesquelles s’effectuaient les opérations de sous-traitance, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de travaux d’études effectués par des sociétés qui omettent parfois de prendre en compte la culture de l’entreprise pour laquelle elles sont censées intervenir. Enfin, citant l’exemple du bâtiment anti-mines océanique développé à Lorient, puis abandonné, il a douté de la réalité de la volonté politique affichée en faveur de la diversification tout en s’interrogeant sur l’efficacité des services commerciaux de la DCN.

 

M. Gilbert Desmur s’est déclaré favorable à l’institution d’un dialogue plus fréquent avec la Commission de la Défense, plus particulièrement sur le thème de la réorganisation de l’outil de défense.

 

Mme Thérèse Manouvriez, représentant Force ouvrière, a souhaité que la prochaine audition des syndicats des personnels de la Défense puisse être organisée plus en amont du débat budgétaire. Elle a insisté sur la nécessité de mieux accompagner l’affectation des personnels civils aux états-majors et services communs, soulignant la nécessité de leur garantir respect et égalité de rémunération.

 

Le Président Paul Quilès a tenu à remercier les participants pour la qualité du débat.

Il a souligné que, dans le secteur de l’armement, la politique industrielle avait des incidences directes pour la souveraineté nationale et que la coopération européenne y soulevait des questions essentielles pour la construction d’une union politique. Il s’agissait donc de sujets politiques d’une grande importance sur lesquels le Parlement aura à débattre prochainement.

Il a précisé que, lors de l’élaboration de son rapport d’information, Mme Martine Lignières-Cassou avait pris contact, par écrit, avec les différentes organisations syndicales.

Il a encouragé les représentants syndicaux à nouer des liens avec les rapporteurs budgétaires spécialisés et leur a proposé des rencontres thématiques plus fréquentes avec la Commission ou des groupes de travail constitués en son sein.

Enfin, il a suggéré qu’une audition des représentants des syndicats se tienne avant l’été 1999, de façon à permettre une meilleure prise en considération de leurs préoccupations en amont du processus d’élaboration du projet de loi de finances.

 

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La Commission a ensuite entendu M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’Armement, sur le projet de loi de finances pour 1999 (n° 1078).

Le Président Paul Quilès a accueilli M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’armement, en indiquant que son audition se situait dans un contexte budgétaire favorable, avec un volume global de crédits d’équipement répondant aux nécessités d’une exécution satisfaisante de la loi de programmation. Il a souligné que les modalités d’exécution de l’exercice 1998 ayant été profondément modifiées, les nouvelles techniques de gestion budgétaire devaient être à même d’assurer plus de transparence et d’efficacité à la dépense dans un contexte financier désormais contraint. Enfin, il a rappelé le rôle tenu par la DGA dans la recomposition de l’industrie française de Défense et dans sa participation aux regroupements européens en cours.

 

M. Jean-Yves Helmer a tout d’abord tenu à rappeler que la gestion des crédits d’équipement par la DGA avait produit de bons résultats en 1997: assainissement de la situation financière avec un retour à la normale du report de charge sur l’exercice suivant (3 milliards de francs contre 10,2 milliards de francs en 1996), une forte réduction des intérêts moratoires (295 millions de francs contre 700 millions de francs l’année précédente), une exécution satisfaisante des paiements et un niveau d’engagement de commandes à hauteur de 65 milliards de francs, du fait notamment de la passation de cinq commandes pluriannuelles globales en 1997 (MICA, Apache, Scalp/emploi général, MU 90 et démonstrateur Vesta).

Il a indiqué qu’en raison de la réforme de la gestion budgétaire des crédits du ministère de la Défense (mise en place de la comptabilité spéciale des investissements, découpage des articles en opérations budgétaires d’investissement, déconcentration du contrôle financier, adaptation de la nomenclature budgétaire), le début de l’exercice 1998 s’était avéré difficile. Toutefois, les prévisions de réalisation de l’exercice en cours se présentaient désormais sous un jour meilleur, bien que la reprise comptable ne fût intervenue qu’en avril, alors que le montant total des factures à payer atteignait 15 milliards de francs. Les retards de paiement ont été résorbés fin juin. L’ensemble des crédits gérés par la DGA devrait, normalement, être consommé en fin d’exercice avec un niveau de commandes équivalent à celui de l’exercice précédent. Les reports de charge devraient se situer également à un niveau proche de celui de 1997. Des commandes globales ont déjà été notifiées (modernisation des moyens de transmission des bases aériennes, dépanneurs Leclerc, développement du missile PAAMS équipant la frégate Horizon et deux années d’activités de développement du missile M51).

La DGA a consacré un effort important à la préparation du futur en établissant un plan prospectif à trente ans, document qui, à partir de la mise en perspective formalisée des hypothèses de plans d’équipement des forces jusqu’en 2025, a pour vocation de dégager les priorités en matière d’études amont. Ces priorités se traduisent par le choix de grands axes de recherche qui rassemblent l’ensemble des programmes d’études amont (ramenés d’un nombre de plus de 1 000 à environ 300) dans des projets fédérateurs, orientés vers la mise au point de démonstrateurs, ou des plans structurants. La gestion des crédits de recherche est donc, davantage que par le passé, tirée par les besoins de préparation des programmes, en évitant la dispersion. Si le plan prospectif à trente ans constitue désormais l’outil de dialogue qui manquait en matière de prospective à l’intérieur du ministère, notamment avec les états-majors, il autorise également l’instauration d’un véritable partenariat stratégique avec l’industrie, dont les relations avec la DGA ne se situent plus exclusivement dans le contexte habituel des échanges entre client et fournisseurs.

La DGA participe par ailleurs à la construction de l’Europe de l’armement en agissant, en premier lieu, sur la demande, par le développement de la coopération pour la réalisation de programmes d’équipement communs. La signature le 9 septembre dernier par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie de la convention accordant une personnalité juridique à l’OCCAR, représente un progrès majeur en ce domaine. La construction de l’Europe de l’armement passe aussi par une action sur l’offre qui consiste à favoriser la consolidation de l’industrie de défense à l’échelle européenne. M. Jean-Yves Helmer a souligné à ce propos que le rapprochement en cours entre Matra Hautes Technologies et Aérospatiale était de nature à lever certains préalables posés par nos partenaires à la constitution de la grande société aéronautique européenne civile et militaire, mais qu’il restait des problèmes à résoudre tant en ce qui concerne les équilibres de pouvoir que la valorisation des actifs ou la nature de l’actionnariat.

Enfin, la DGA s’efforce d’accompagner également les industriels dans leurs activités exportatrices. Toutefois, les marchés d’exportation deviennent plus difficiles, en raison notamment de la baisse du cours du pétrole et de la crise asiatique.

S’agissant des programmes, le Délégué général a indiqué que leur état d’avancement était conforme aux prévisions et a, à ce propos, mentionné le déroulement des programmes relatifs au porte-avions Charles de Gaulle, à l’hélicoptère Tigre ou à l’avion Rafale. Il s’est félicité de la signature, au mois d’août, du contrat de poursuite du développement du missile balistique M 51, du lancement récent de la conception du sous-marin nucléaire d’attaque de nouvelle génération, ainsi que de la poursuite des programmes de systèmes d’information et de commandement qui bénéficient d’une grande priorité.

S’agissant de l’objectif de la DGA tendant à réaliser 100 milliards de francs d’économies sur 81 programmes, représentant en septembre 1996 un total de crédits restant à engager de 537 milliards de francs, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que des réductions de coût de 43,5 milliards de francs avaient d’ores et déjà été obtenues.

Il a également souligné le caractère prioritaire que revêtait à ses yeux la diminution du coût d’intervention de la DGA, en commentant la réduction de plus de 10 % obtenue en 1997 par rapport à 1996.

S’agissant des activités industrielles de la DGA, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que la mise en oeuvre du plan DCN 2000 se poursuivrait. Il a mentionné en particulier, parmi les actions menées dans ce cadre, le redéploiement des activités dans les domaines de l’exportation et de la diversification, 8,9 milliards de francs de commandes ayant été passées à ce titre en 1997 dont 7,5 milliards de francs pour les exportations, l’année 1998 se révélant moins favorable en raison du marché. Il a noté que l’adaptation des effectifs au plan de charge se poursuivait et qu’était mené un travail de rénovation des outils et des méthodes de gestion visant à rapprocher le fonctionnement de la DCN de celui d’une entreprise. Il a fait remarquer à ce propos que la DCN avait pu absorber le coût de sa sous-activité sans alourdir les devis de fabrication des bâtiments destinés à la Marine. Il a annoncé que le plan d’entreprise de la DCN, qui vise à aller plus loin encore dans l’amélioration de la compétitivité de cet organisme, serait très prochainement soumis au Ministre de la Défense. Quant au Service de maintenance aéronautique (SMA), il a réalisé en 1997 un chiffre d’affaires de 1,7 milliards de francs, dont 120 millions de francs de prise de commandes à l’exportation.

M. Jean-Yves Helmer a ensuite décrit les perspectives ouvertes par le projet de budget pour 1999.

S’agissant de l’évolution globale des titres V et VI, il a noté que leur progression de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale précédente était à saluer puisqu’une telle hausse ne s’était pas produite depuis une décennie. Il a rappelé que le projet de budget était conforme aux décisions prises à l’issue de la revue de programmes. Il a évoqué le changement de nomenclature budgétaire, qui consiste à rassembler dans un seul chapitre l’ensemble des crédits d’études amont, à regrouper dans les mêmes chapitres les crédits de développement et de fabrication, et à mieux suivre l’évolution de 25 programmes, objets d’articles spécifiques. Il a souligné que cette nouvelle présentation contribuait à l’amélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense. Il a toutefois fait observer qu’elle risquait de perturber à nouveau la gestion financière dans le premier trimestre de l’année 1999, compte tenu de la poursuite de la mise en oeuvre de nouvelles procédures.

Présentant les principales tendances du projet de budget de la défense pour 1999, il a fait observer que si l’on constatait une légère baisse des crédits destinés aux études, on observait en revanche une forte augmentation des crédits de développement.

Il a ensuite présenté la liste des principales commandes et livraisons prévues en 1999. En ce qui concerne la dissuasion, il faut notamment retenir l’admission au service actif du deuxième SNLE-Ng prévue en juillet 1999 . Dans le domaine des communications et du renseignement, la redéfinition du programme successeur de Syracuse II est en cours, menée conjointement avec l’Allemagne. S’agissant de la mobilité stratégique et tactique, l’année 1999 verra le lancement du NTCD, le lancement de la coopération sur l’avion de transport futur et la notification de l’industrialisation du NH 90. Pour ce qui est de la frappe dans la profondeur dans le domaine naval, il convient de retenir que le porte-avions Charles de Gaulle devrait être admis au service actif à la fin de l’année 1999, que la réalisation du programme de frégate Horizon, mené en coopération avec la Grande-Bretagne et l’Italie, devrait également être lancée l’année prochaine.

S’agissant du titre III, le Délégué général pour l’Armement a relevé que s’il augmentait globalement, la diminution de l’ensemble des crédits de fonctionnement du ministère de la Défense atteignait 9,1 % en francs courants. La DGA participe de cet effort avec un budget de fonctionnement pour 1999 en baisse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. Sachant que ce budget comprend, à hauteur d’environ 40 %, des dépenses sur lesquelles il existe peu de marge de manoeuvre (subventions à des établissements publics), la baisse du coût de fonctionnement de la DGA de 1998 à 1999 s’établira à 11 %, soit une contraction de 26 % depuis 1996. Quant aux effectifs budgétaires, ils diminueront de 5,6 %, soit, depuis 1996, une réduction de 14,5 %.

En conclusion, M. Jean-Yves Helmer a présenté les priorités de la DGA pour 1999. Il s’agira d’abord de la préparation du futur avec la mise à jour annuelle du plan prospectif à 30 ans. La DGA accordera également une attention particulière au lancement des activités de l’OCCAR dont le premier contrat pourrait être conclu avant la fin de l’année 1999. Elle continuera d’accompagner les restructurations industrielles, dans une perspective de consolidation européenne. Elle favorisera le développement de la coopération interétatique en amont, au niveau des études et de la recherche et s’efforcera de participer à l’harmonisation des besoins des différentes forces européennes. La DGA poursuivra par ailleurs son plan d’économie sur les programmes et sur son propre coût d’intervention. Enfin, le plan d’entreprise de la DCN qui sera approuvé par le Ministre de la Défense à la fin de l’année 1998 constituera un axe majeur de l’action de la DGA au cours de l’année 1999.

 

M. Michel Meylan a souhaité avoir des précisions sur le coût d’intervention de la DGA, notion qu’il a jugée particulièrement difficile à définir, sur les résultats obtenus en ce domaine en 1998 et sur les objectifs retenus pour 1999.

Il a également interrogé M. Jean-Yves Helmer sur l’évolution de la Direction des centres d’essais (DCE), qui participent pour une part importante au coût de fonctionnement de la DGA. Evoquant la rationalisation en cours de cette direction, il a souhaité savoir comment il serait remédié aux inconvénients de la dispersion géographique des centres et si la part étatique de l’activité de la DCE serait isolée de sa part commerciale.

 

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

— le coût d’intervention de la DGA s’est établi à 7,4 milliards de francs en 1996 et à 6,6 milliards de francs en 1997. Il devrait être stable en 1998, l’année 1997 ayant été caractérisée par un très faible niveau d’investissement. Pour 1999, l’objectif n’a pas encore été fixé. Il pourrait se situer entre 6,2 et 6,3 milliards de francs ;

— la réduction du coût d’intervention sera notamment obtenue par la poursuite de la réduction des effectifs. Ainsi, les rémunérations et charges sociales devraient passer de 4,64 milliards de francs en 1998 à 4,17 milliards de francs en 1999. Des économies seront également obtenues sur le fonctionnement ;

— un plan stratégique de la DCE a été établi qui procède d’une analyse centre par centre en essayant de dégager pour chacun les pôles d’excellence qui lui sont propres. Des choix ont été ainsi opérés, après une large concertation, ce qui a permis l’établissement d’une fourchette cible d’effectifs en 2002 pour chacun des sites ;

— un seul centre, le centre d’essais en vol de Brétigny, voit la plus grande partie de ses activités transférées. Elles seront réparties entre les centres d’essais en vol d’Istres et de Cazaux. Même s’il est vrai que la dispersion géographique des centres a des conséquences en termes de coût, il n’est pas prévu de fermetures, étant donné l’importance des investissements réalisés et les enjeux sociaux et régionaux qui y sont attachés ;

— la DCE fait partie de la DGA étatique, au sein de laquelle elle assure, d’une part, une mission de prestation de services au profit des autres directions de la DGA, et d’autre part, une activité commerciale d’expertise en faveur de clients étrangers. Il convient d’ailleurs de développer cette branche d’activité. Il n’est pas prévu de séparer fonctionnellement ces deux types d’activité. Toutefois, la création d’un compte de commerce, qui retracerait l’ensemble des activités de la DCE, est à l’étude. Dans l’immédiat, Une démarche de contractualisation interne a été adoptée.

Après avoir estimé que l’enveloppe globale des crédits d’équipement fixée pour 1999 paraissait inespérée lorsqu’ont été connus les résultats de la revue de programmes, M. René Galy-Dejean, a émis la crainte que les dotations du Titre III soient en revanche insuffisantes en raison de l’importance des coûts induits par la professionnalisation des armées et ne permettent pas d’assurer dans de bonnes conditions le maintien en condition opérationnelle des forces. Il s’est donc inquiété de l’éventualité d’un transfert d’une fraction des dotations en capital vers des dépenses de fonctionnement, au regard de ses conséquences sur l’entretien programmé des matériels. Il a ensuite fait observer une contradiction entre la réduction des crédits d’études amont et la vision de long terme qui, selon la présentation du Délégué général, devait désormais orienter, davantage que par le passé, la gestion des programmes et souligné qu’actuellement, les Etats-Unis augmentent les crédits militaires consacrés aux études et aux prototypes. Tout en se félicitant de la décision d’avancer la date de mise en service du missile M 51 de 2010 à 2008, il s’est demandé si cette mesure n’avait pas comme corollaire un retard dans l’admission au service actif du quatrième SNLE-NG qui en sera directement doté. Il a souhaité savoir par ailleurs si l’assemblage du missile aurait bien lieu à Brest et non plus à l’établissement de l’Aérospatiale à Bordeaux et quelle était la rationalité industrielle d’un tel transfert.

 

M. Bernard Grasset s’est interrogé sur les raisons ayant conduit la Grande-Bretagne à se retirer du programme devant assurer, pour la France, la succession de Syracuse II et sur les délais nécessaires pour élaborer un nouveau programme de satellites de télécommunications avec l’Allemagne.

 

M. Jean-Noël Kerdraon a expliqué la démobilisation des personnels de la DCN par l’absence de perspectives concernant l’entreprise et estimé que le plan d’entreprise devrait être l’occasion de lui rendre un nouveau dynamisme s’il était précédé d’une bonne concertation avec les syndicats. Il a également souligné que la réduction des effectifs de la DCN contribuait à la démobilisation des personnels qui avaient le sentiment d’une perte de compétences et souhaité que l’entreprise procède à des recrutements non seulement pour maintenir ces compétences mais aussi pour rajeunir la pyramide des âges. Il a indiqué que le lancement d’une activité de construction de plates-formes offshore montrait que les personnels du bassin d’emploi de Brest étaient capables de se mobiliser pour relever des défis industriels. Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur l’application du concept de coût objectif dans le cas du NTCD.

 

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

— aucun transfert du titre V vers le titre III n’a été envisagé dans l’élaboration du projet de loi de finances pour 1999. Concernant l’entretien programmé des matériels, il existe un gisement d’amélioration de l’efficacité dans ce domaine d’activités et de réduction des coûts de maintenance. Des groupes de travail ont d’ailleurs entamé une réflexion sur la possibilité d’améliorer l’organisation existante entre les états-majors et la DGA en vue d’une meilleure maîtrise du coût de l’entretien programmé ;

— les études amont ont pour premier objet de préparer les programmes futurs. La diminution des crédits qui leur sont consacrés conduit la DGA à être plus sélective qu’auparavant sur les projets de recherches. Quant aux développements, ils entretiennent pour une large part, comme les études amont, les compétences des bureaux d’études. Il est donc légitime d’analyser de manière globale l’évolution des ressources disponibles pour les crédits d’études amont et de développement. Il convient enfin de relever qu’en conclusion de la revue des programmes, il a été décidé d’assurer une stabilité jusqu’en 2002 des crédits d’études amont ;

— un économie de 5,5 milliards de francs sur les programmes concourant à la force océanique stratégique (missile M 51, SNLE-Ng) a été réalisée au cours de l’opération MINOS qui a rassemblé les équipes de la DGA, les états-majors et les industriels. Les décisions qui ont suivi cette réflexion ont notamment permis de préparer le contrat de deux années de développement du missile M 51 notifié à l’été. Le maintien de la seule composante sous-marine de missiles nucléaires ne justifie plus que soient réalisées des opérations de montage et de démontage au centre d’achèvement et d’essais des propulseurs et engins (CAEPE) près de Bordeaux, avant le montage et la vérification finale à Brest. Cette disposition s’appliquera à partir du lancement de la production des missiles M 51 qui doit intervenir après 2005. Quant à la fixation de l’année 2008 pour l’admission au service actif du quatrième SNLE-Ng, elle n’entraîne pas de retard significatif et garantit pleinement la posture nucléaire décidée par le Président de la République ;

— le Royaume-Uni a justifié son retrait du programme Trimilsatcom par son inquiétude sur le respect du calendrier du programme, les besoins de remplacement du système britannique actuel de télécommunications Skynet 4 étant impératifs ;

— la France a engagé des discussions avec l’Allemagne en vue de poursuivre une coopération sur le programme successeur de Syracuse II. En cas de besoin, ou de retard de ce programme, il serait possible de recourir à une solution intermédiaire pour assurer une continuité de service avec Syracuse I ;

— on ne peut parler de démobilisation mais plutôt d’inquiétudes à la DCN. Ces inquiétudes sont légitimes. Pour les apaiser, les perspectives doivent être éclaircies. C’est le rôle du plan d’entreprise qui devra aborder tous les problèmes posés par la gestion du personnel, en particulier ceux ayant trait au maintien des compétences ;

— pour le programme NTCD, sera appliquée la démarche comparative, qui consiste à fixer un coût objectif après analyse des prix pratiqués sur le marché pour des bâtiments de ce type, puis à demander à la DCN de proposer une organisation industrielle permettant d’atteindre ce coût, en conservant en interne les activités qui correspondent à ses pôles d’excellence et en faisant appel à des sociétés extérieures, lorsqu’elle est moins compétitive.

 

M. Robert Poujade s’est inquiété de l’évolution du titre III du budget de la Défense, citant notamment l’exemple de la Gendarmerie. A cet égard, il a relevé le paradoxe entre les efforts demandés au titre III et l’exigence de sécurité exprimée par la société. Il a demandé à M. Jean-Yves Helmer de faire le point sur le programme de VBCI et sur le nombre de frégates antiaériennes susceptibles d’être modernisées.

 

M. Alain Moyne-Bressand a relevé que la DGA s’efforçait d’évoluer mais qu’il existait d’importantes lourdeurs au sein de cette institution. Il s’est demandé par quels moyens elle pourrait mieux s’adapter et quels en étaient les points forts et les points faibles. S’agissant de la DCN, il s’est interrogé sur la nécessaire évolution de son statut, qui lui permettrait de fonctionner comme une entreprise, de baisser ses coûts et de gagner des marchés. Il a par ailleurs souhaité que soit organisée une visite par la Commission de la Défense du porte-avions Charles de Gaulle.

 

M. Didier Boulaud, Président, a fait observer qu’une telle visite avait déjà eu lieu il y a environ un an mais qu’il n’était pas impossible d’en organiser une nouvelle en 1999.

 

M. Jean-Claude Sandrier a regretté que l’objectif des réformes actuelles soit de piloter la Défense selon une logique d’entreprise. Il s’est inquiété, notamment pour des raisons de souveraineté nationale, du développement des études dans des cadres européens et d’un risque d’abandon de compétences techniques au niveau national. Relevant que l’échelon central de l’OCCAR était à Bonn, il s’est interrogé sur le choix de conduire les études relatives au VBCI dans le cadre d’un programme européen. Il a estimé que les choix de programmes d’armement devaient faire l’objet de débats en amont au plan local et national et qu’il fallait traiter au fond des problèmes posés par ces choix en n’hésitant pas à aborder la question de la souveraineté.

 

M. Didier Boulaud, Président, a interrogé le Délégué général pour l’Armement sur les conditions juridiques de passation des commandes globales et s’est demandé s’il était envisageable d’assurer l’information du Parlement sur leur conclusion, leur montant et leur contenu.

Il a ensuite souhaité savoir quelles conclusions M. Jean-Yves Helmer tirait de l’avis du Conseil d’Etat sur la valeur des droits de vote doubles détenus par l’Etat dans Dassault Aviation et s’il estimait que cette situation juridique clarifiée ouvrait de nouvelles perspectives pour la politique industrielle.

Il lui a ensuite demandé comment il envisageait le partage des activités de Matra-Aérospatiale et de Thomson-CSF dans le domaine des satellites et quel était le statut juridique de la clause de non rétablissement d’activités dans le secteur des satellites acceptée par l’Aérospatiale lors de l’apport de ses activités satellitaires à Thomson-CSF.

Enfin, il a voulu savoir comment il voyait le progrès des négociations industrielles et gouvernementales pour la création de la nouvelle société européenne aérospatiale civile et militaire.

 

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

— le programme VBCI, conduit en coopération avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, est en phase de négociation active avec l’industrie. Cette négociation a notamment pour but d’obtenir la garantie que les spécificités du besoin opérationnel français seront satisfaites par le consortium industriel retenu ;

— la distinction entre l’activité industrielle et l’activité étatique de la DGA constitue son premier atout. Au sein même de la DGA étatique, l’adoption d’un mode de fonctionnement transversal est également un gage d’efficacité, dans le contexte d’administration qui est celui de la délégation. Une large marge de manoeuvre existe toutefois, en particulier en matière de " management " et de gestion des ressources humaines, que la DGA s’efforce d’exploiter. Une gestion motivante a également été introduite, les responsables de programme recevant la mission d’atteindre un certain nombre d’objectifs et disposant d’une marge étendue d’initiative mais devant rendre compte régulièrement de leurs résultats ;

— s’agissant de la DCN, des orientations politiques très claires, définies par le Gouvernement, prévoient le maintien du statut actuel ;

— la préservation des capacités de défense de la France passe par la construction d’une Europe de l’armement. Si le siège de l’OCCAR se situe certes à Bonn, les bureaux de programme sont quant à eux répartis dans les quatre pays signataires, une majorité d’entre eux étant implantés en France ;

— des informations sur les commandes globales, qui sont des contrats de marchés publics, avec des dispositions spécifiques, mais sans particularité juridique, pourront être apportées au Parlement, en réponse aux demandes de la Commission de la Défense ;

— les avis du Conseil d’Etat sont secrets tant que le Gouvernement ne les a pas rendus publics, il n’est donc pas possible pour le Délégué général de les commenter ;

— les industriels concernés ont une interprétation différente de la clause de non-rétablissement d’activités dans le secteur des satellites. Il leur a été demandé de se rapprocher en vue de trouver un accord. Le Délégué général pour l’Armement et le Directeur du Trésor sont chargés de suivre ce dossier et d’en rendre compte au Gouvernement 

— s’agissant de la constitution de la future société européenne d’aéronautique civile et militaire, le rapprochement entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies constitue un progrès notable puisqu’il lève certains obstacles opposés par nos partenaires, notamment en ce qui concerne la participation de l’Etat, et qu’il favorise la rationalisation nécessaire de l’outil industriel français.



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