ASSEMBLÉE NATIONALE

 

 

 

 

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

 

 

 

 

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

 

 

 

 

Mercredi 21 octobre 1998
(Séance de 17 heures 15)

 

 

 

 

 

Présidence de M. Paul Quilès, Président

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

 

 

 

 

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Projet de loi de finances pour 1999 : Défense

Avis : Marine (M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis)

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– Audition du Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre

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La Commission a tout d’abord examiné les crédits de la Marine pour 1999, sur le rapport de M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Le Drian a indiqué que l’Amiral Jean-Charles Lefebvre, ayant présenté ce matin les grandes lignes du projet de budget pour 1999, il souhaitait faire part des observations qui lui semblaient essentielles.

Il a d’abord fait observer que la contrainte budgétaire était partiellement levée, mais il a remarqué que les crédits se situaient toujours en retrait par rapport à la programmation militaire et n’avait pas résorbé l’encoche faite en 1998. De plus, comme les autres armées, la Marine est affectée des mêmes " turpitudes " budgétaires et connaît notamment un transfert sur le titre V de charges d’entretien programmé des matériels (EPM). La progression des crédits de près de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 représente un léger redressement qui a pour effet de desserrer les contraintes sur les programmes d’équipement.

M. Jean-Yves Le Drian a alors souligné que la priorité accordée à la professionnalisation se reflétait dans la progression des rémunérations et charges sociales et la déflation des effectifs (3 392), notamment d’appelés (3 340), ainsi que dans la création de 948 emplois civils. Il a rappelé que la Marine devrait cependant répondre à deux défis spécifiques :

— la réduction du format de 20 % oblige à désarmer avant terme des bâtiments et à professionnaliser en priorité les forces projetables, donc à remplacer les appelés embarqués ;

— le rythme d’intégration du personnel en provenance de la DCN s’est fortement ralenti en 1998, ce qui témoigne des difficultés de l’exercice, notamment pour des raisons d’inadéquation géographique et professionnelle.

La progression des rémunérations et charges sociales de près de 1,3 % s’opère au détriment des dépenses courantes de fonctionnement des unités. La diminution de ces dernières (12,16 %) est en partie liée à la réduction des effectifs et du format. Mais certains postes budgétaires restent structurellement sous-dotés comme l’entretien immobilier, les locations ou les frais de déplacement.

Après avoir fait remarquer que les décisions de la revue des programmes ne remettaient pas en cause les missions de la Marine et la cohérence de son format et que l’essentiel des économies provenait d’un réaménagement des calendriers et d’un désarmement anticipé d’équipements, M. Jean-Yves Le Drian a indiqué que les capacités de la FOST seraient préservées avec la livraison en 2008 du quatrième SNLE-NG directement équipé du missile M51, dont le programme serait ainsi avancé. La constitution du nouveau groupe aéronaval se poursuivra avec l’admission au service actif du Charles de Gaulle en 1999, l’acquisition du troisième Hawkeye et la livraison du premier Rafale Marine en 2001.

Il a alors fait part de plusieurs interrogations :

— la disponibilité du groupe aéronaval est amoindrie par le retrait du Foch en 2001 et le retard de la première flottille Rafale en version intercepteur. De plus, à deux reprises, les indisponibilités périodiques pour entretien et réparation (IPER) immobiliseront le Charles de Gaulle, une première fois vers 2004-2005, une deuxième fois vers 2010-2011. La disponibilité du groupe ne sera donc pas assurée pendant ces périodes ; la commande d’un second porte-avions apparaît dès lors indispensable si les missions de la Marine ne sont pas redéfinies ; les trois années d’expérimentation du Charles de Gaulle seront importantes pour définir le nouveau type de porte-aéronefs souhaitable ;

— l’âge moyen de la flotte de surface est compris entre 17 et 18 ans, son vieillissement est en outre inéluctable puisque le dernier programme de renouvellement des bâtiments concerne les frégates de souveraineté Lafayette, dont le numéro 4 sera admis au service actif en 1999 et le numéro 5 en 2002. La définition d’une nouvelle génération de TCD n’est pas achevée en raison des réflexions en cours sur les doctrines amphibies et du souci de la DGA d’obtenir une construction à coût-objectif. Le vieillissement des bâtiments a par ailleurs un effet immédiat sur les dépenses d’EPM ;

— l’incertitude demeure sur la réalisation du programme de frégates antiaériennes Horizon dont le déroulement apparaît paradoxal. D’un côté, la décision de lancer l’industrialisation devrait être prise d’ici la fin de l’année, ce qui semble confirmer l’accord des trois partenaires sur la phase de définition. Pourtant l’architecture du projet n’a jamais paru aussi incertaine en raison, non seulement des restructurations affectant les entreprises partenaires et de la modification de la composition des consortiums candidats, mais aussi d’un partage industriel difficile à réaliser.

M. Jean-Yves Le Drian a souligné que la réforme de la Direction des constructions navales (DCN) se poursuivait avec la séparation comptable de ses services étatiques et industriels et l’adaptation des effectifs de ses différents établissements au plan de charge. L’ampleur de cette adaptation mérite d’être relevée, puisque, de 1993 à 1998, 30 % des emplois ont été supprimés. Les conséquences sociales et professionnelles en sont considérables : les objectifs de déflation ont nécessité des mesures d’âge exceptionnelles à 55 ans et à 52 ans et comportent par ailleurs le risque d’une réelle perte de compétences.

M. Jean-Yves Le Drian a estimé que l’approfondissement de la réforme de la DCN était indispensable pour accroître la lisibilité du projet industriel et regretté que la modification des procédures de gestion n’ait pu être menée à terme comme il l’estimait souhaitable. Il appartient désormais au plan d’entreprise demandé par le Ministre de la Défense à la DCN fin 1997 de donner des perspectives cohérentes à court et moyen termes afin de préciser le périmètre et le calendrier des activités de construction et de réparation navales. Il a déploré que les recommandations faites en 1998 par la Commission de la Défense nationale n’aient pas été suivies d’effet et a proposé de les renouveler.

Félicitant le rapporteur pour avis pour l’acuité de son diagnostic, M. Arthur Paecht l’a interrogé sur le groupe aéronaval. Il s’est interrogé sur sa disponibilité réelle, l’estimation donnée par l’Amiral Jean-Charles Lefebvre d’un taux des deux tiers lui paraissant optimiste et a souligné l’incohérence des choix faits en la matière. Concernant les avions de guet aérien embarqués Hawkeye, il a estimé de la même façon que la possession de seulement deux de ces appareils obérait leur capacité opérationnelle, qui ne peut être pleinement atteinte qu’à partir de trois unités.

Concernant la conception d’un éventuel second porte-avions, il s’est étonné de la remise en question de la propulsion nucléaire et de la conduite d’études sur d’autres techniques. Il a fait observer à ce propos que, d’une part, la France ne disposait plus des savoir-faire nécessaires et que, d’autre part, un tel choix serait plus onéreux que celui de la fabrication d’un porte-avions à propulsion nucléaire, alors même qu’il importe de tenir compte des contraintes de la " bosse de financement " des programmes après 2002. Il a jugé que l’on s’engageait sur une mauvaise voie et a souhaité connaître le montant et le contenu des études engagées sur le porte-avions à propulsion classique.

Soulignant son attachement à la dissuasion dont il a considéré qu’elle reposait essentiellement sur la FOST, M. Bernard Cazeneuve a souhaité que l’attention du Gouvernement soit attirée sur la nécessité de respecter les engagements budgétaires et industriels pris lors de la revue des programmes concernant le quatrième SNLE-NG et le sous-marin d’attaque futur. S’agissant du quatrième SNLE-NG, il a rappelé qu’il avait été décidé de retarder sa mise en service de façon à la faire coïncider avec celle du missile M51 ; concernant le programme de sous-marin d’attaque futur, il a souhaité, sans mettre en doute la volonté du Gouvernement d’entreprendre ce programme, que la représentation nationale obtienne des garanties sur un volume significatif d’études. Se déclarant en accord avec le paragraphe de l’observation proposée par M. Jean-Yves Le Drian relatif à l’autorisation d’embauche de civils par la Marine, il a fait remarquer qu’il pourrait être également proposé, lors du débat en séance publique, que les postes vacants soient ouverts aux personnels des entreprises de sous-traitance internes à la DCN.

 

M. René Galy-Dejean a relevé que le projet de budget de la Marine pour 1999 était, par rapport à celui des autres armées, le moins bon, soulignant notamment que le transfert des crédits d’EPM du titre III vers le titre V obérait les possibilités de nouvelles commandes, sans améliorer l’entretien pour autant. Abordant à son tour la question de la nature de la propulsion du second porte-avions, il a fait observer que les besoins de la Marine en la matière dépendraient de l’évolution des missions du groupe aéronaval, selon qu’elles s’orientent davantage vers la protection des côtes nationales, des missions à l’étranger, de courte durée ou menées conjointement avec d’autres pays, ou plutôt vers des interventions sur des théâtres lointains nécessitant une autonomie importante.

Faisant part de son adhésion totale au paragraphe de l’observation proposée par le rapporteur pour avis relative à l’autorisation d’embauche de civils par la Marine, M. Jean-Noël Kerdraon a fait observer que la DCN non plus n’était pas autorisée à recruter, ce qui entraînait des pertes de compétence technique. Il a ensuite souligné la nécessité d’être attentif au reclassement des personnels engagés, lors de leur retour à la vie civile, seuls 20 % d’entre eux étant susceptibles, dans un système d’armée professionnelle, d’atteindre les quinze années de service leur permettant de bénéficier de leurs droits à la retraite, contre les deux tiers actuellement.

 

M. Antoine Carré a estimé que la qualité du rapport pour avis présenté par M. Jean-Yves Le Drian ne suffisait pas à faire apparaître comme bon un budget qui ne l’était pas.

 

M. Jean-Yves Le Drian a apporté les éléments de réponse suivants :

— il est certain que, dans l’attente de la mise en service du second porte-avions, la disponibilité du groupe aéronaval sera plus faible, notamment à cause des IPER. De plus le retard du programme Rafale amoindrira temporairement ses capacités. Il s’agit toutefois d’un risque pris par la loi de programmation militaire elle-même ;

— un second porte-avions est nécessaire si l’on souhaite que la Marine conserve la place qui est la sienne, un porte-avions unique, même complètement équipé, comme cela sera le cas en 2010, n’étant opérationnel que les deux tiers du temps ;

— s’agissant du quatrième SNLE-NG et du sous-marin d’attaque futur, il convient effectivement de souligner la nécessité de respecter le calendrier prévu par la loi de programmation militaire et la revue des programmes. Les études sur le sous-marin d’attaque futur ont commencé en 1998 et la première commande interviendra en 2001. Quant à la commande du quatrième SNLE-NG, elle aura lieu en 2000 ;

— les salariés des entreprises de sous-traitance de la DCN peuvent d’ores et déjà postuler à des emplois proposés par la Marine. Mais là aussi existe un problème d’inadéquation entre les besoins de la Marine et les profils de ces candidats ;

— des débats ont également lieu aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sur la nature de la propulsion des porte-avions futurs. Il semble que l’on s’oriente vers le choix de plates-formes moins élaborées que celles qui existent actuellement. Il convient de prendre le temps de la réflexion sur ce sujet ;

— c’est la première fois depuis plusieurs années que la part du budget de la Marine dans le budget total des armées ne baisse pas.

 

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La Commission a ensuite entendu le Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 1999 (n° 1078).

Le Président Paul Quilès accueillant le Général Philippe Mercier, a rappelé que l’Armée de terre était, de toute évidence, celle qui devait faire face aux plus grandes transformations dans le cadre de la professionnalisation et de la réduction du format des forces.

 

Le Général Philippe Mercier a tout d’abord souligné que le projet de budget des forces terrestres permettait de poursuivre leur refondation. Il a précisé que l’écart marginal des ressources du titre V par rapport à celles prévues à l’issue de la revue des programmes, confirmait, d’une part, la validité de la démarche retenue pour une plus grande lisibilité de la politique d’équipement des armées et que, d’autre part, le respect de l’évolution des effectifs prévue par la programmation marquait bien la poursuite de l’effort en faveur de la professionnalisation. Il a toutefois fait remarquer que l’équilibre du titre III n’avait été obtenu qu’au prix d’une réduction sévère des crédits de fonctionnement entraînant une réduction draconienne des objectifs de soutien et d’activités de l’Armée de terre.

L’année 1999 représente une étape charnière de la réorganisation de l’Armée de terre qui aboutira à une dissociation entre son organisation permanente et les structures opérationnelles de circonstances. Elle constitue la dernière année de la restructuration des forces, entreprise depuis une décennie, au cours de laquelle l’Armée de terre aura dissous un peu plus de la moitié de ses formations et amélioré sa capacité de projection par redéploiement de ses effectifs professionnels. L’année 1999 sera également marquée par une évolution symbolique avec la dissolution de la dernière division blindée stationnée en Allemagne, seules demeurant outre-Rhin les formations françaises de la brigade franco-allemande ainsi qu’un groupe de chasseurs à Sarrebourg. C’est aussi en 1999 qu’aura lieu la mise en œuvre par anticipation des premières mesures nécessaires à l’adaptation du dispositif de formation et de soutien au nouveau format de l’Armée de terre et aux besoins spécifiques liés à la projection et à la professionnalisation. D’ici 2002, 24 formations et 154 organismes seront dissous, près de 200 organismes seront transférés ou restructurés et 8 seront créés ; l’importance de cette réorganisation démontre l’intérêt qu’il y avait à procéder par étapes successives pour limiter les conséquences des restructurations sur les capacités opérationnelles.

Le système de commandement évolue également dans des conditions permettant de garantir sa continuité pendant la réorganisation de l’Armée de terre. C’est ainsi que la chaîne de commandement organique fonctionnelle à vocation opérationnelle a été récemment réorganisée avec la création du commandement de la force d’action terrestre à Lille et du commandement de la force de logistique terrestre à Montlhéry. La phase suivante verra la transformation du commandement organique régional par la substitution de cinq régions terre aux neuf circonscriptions militaires de défense actuelles.

Le Général Philippe Mercier s’est déclaré satisfait des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette réorganisation, à laquelle l’Armée de terre a été en tous points étroitement associée, de même qu’il s’est félicité de la clarté des perspectives d’évolution à moyen terme fixées par le pouvoir politique sans remise en cause des choix initiaux. Il a enfin rendu hommage à l’action des chefs de corps soutenue par l’esprit de solidarité qui anime l’Armée de terre.

La professionnalisation constitue le cœur de la refondation de l’Armée de terre. Elle est la priorité de la loi de programmation, en permettant de réaliser le " système d’hommes " du modèle d’armée choisi. Parvenu au tiers du chemin, le Chef d’état-major de l’Armée de terre s’est déclaré optimiste malgré quelques sujets de préoccupation à court et moyen termes.

Les moyens budgétaires permettent le recrutement des militaires du rang engagés et les jeunes français répondent de façon satisfaisante à la proposition qui leur est faite. Le quart des nouveaux engagés ont un niveau de formation égal ou supérieur à la classe terminale des lycées, plus de la moitié sont détenteurs d’un BEP ou d’un CAP et moins du cinquième sont sans qualification. Cette diversité permet à la fois de répondre aux besoins de l’Armée de terre, de maintenir sa tradition de promotion interne et de prendre part au combat mené en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes sans diplôme. Ce recrutement a été favorisé par des campagnes d’information d’un coût encore limité que le Chef d’état-major a jugées de bonne qualité et auxquelles il a considéré qu’il faudrait, à moyen terme, consacrer davantage de moyens.

Le départ anticipé d’officiers et de sous-officiers, rendu nécessaire par la réduction de format de l’Armée de terre se déroule de façon tout à fait satisfaisante. Si, dans un premier temps, les pécules d’incitation au départ ont pu être accordés à un grand nombre de cadres proches de la limite d’âge de leur grade, leur attribution devra être dans l’avenir plus ciblée pour permettre de corriger progressivement les anomalies de la pyramide des sous-officiers. Une certaine reprise du recrutement de jeunes sous-officiers et un assouplissement des critères d’avancement ont d’ores et déjà été rendus possibles.

La professionnalisation ne sera réussie que si le transfert de tâches au personnel civil ou " civilianisation " qui l’accompagne, ainsi que le recours au personnel appelé qui la rend possible pendant la phase de transition, sont eux-mêmes garantis. Or les emplois de personnels civils souffrent d’un sous-effectif de 11 %. De même, il manque en moyenne, depuis le début de l’année, environ 6 % des effectifs de personnels appelés autorisés par le budget. Ce déficit a atteint en août le chiffre record de 12 % alors même que la qualité des personnels appelés qui continuent à rejoindre les rangs de l’Armée de terre ne s’est jamais démentie. Pour faire face à ce défaut de ressources en personnel appelé, le Chef d’état-major de l’Armée de terre a mis en oeuvre une politique volontariste en utilisant notamment les possibilités offertes par le volontariat service long.

Le Général Philippe Mercier a précisé que, comme les années passées, l’année 1998 confirmait la place prééminente de l’Armée de terre dans toutes les opérations conduites, tant à l’extérieur que sur le territoire national. L’Armée de terre vit sans discontinuité, tout en se réorganisant, la réalité des opérations extérieures et celle des opérations intérieures, telle sa participation au plan Vigipirate depuis trois ans sans interruption.

S’agissant des équipements, le projet de budget prévoit des ressources équivalentes en autorisations de programme et en crédits de paiement à hauteur de 18,5 milliards de francs. Le total des crédits de paiement est en augmentation significative par rapport à la loi de finances précédente puisqu’il progresse de 6,5 % en francs courants. Cette année, l’évolution de ces crédits est conforme à celle prévue à l’issue de la revue des programmes au cours de laquelle ont été faits les véritables choix budgétaires. Leur montant ne s’en écarte qu’à la marge, de 268 millions de francs, soit 1,45 % du titre V. Le Général Philippe Mercier a relevé, parmi les décisions prises dans le cadre de la revue des programmes, la contrainte financière imposée à l’entretien programmé des matériels, qui l’a conduit à limiter l’objectif de disponibilité technique opérationnel des moyens en ligne à 75 % pour les matériels terrestres et 65 % pour les matériels aériens.

D’un point de vue financier, l’abattement résultant de la revue des programmes s’élève à 2,2 milliards de francs (tant en autorisations de programme qu’en crédits de paiement) pour la période de programmation restant à courir, soit l’équivalent du montant de l’encoche de 1998. Cet abattement a pour conséquence des dégradations capacitaires qui ne remettent toutefois pas en cause la réalisation du modèle prévu pour 2015. La revue des programmes se traduit ainsi par l’abandon du missile antichars de 3ème génération à longue portée destiné au Tigre, la réduction de moitié de la cible des engins porte-blindé destinés aux Leclerc, la réduction d’un cinquième de la cible du stock de missiles sol-air Mistral, la révision à la baisse des spécificités techniques retenues pour la rénovation de l’AMX-10RC et l’abandon du programme de mine antichars MACPED. La réduction des crédits consacrés au flux régulier d’investissements, à hauteur de 1 milliard de francs, se traduira en particulier par un retard d’environ deux ans des opérations d’infrastructure liées aux restructurations ainsi que par un ralentissement des commandes de renouvellement de matériels destinés aux troupes aéroportées.

La revue des programmes a montré que les crédits d’équipement de l’Armée de terre ne pouvaient plus être entamés qu’à la marge, sauf à consentir de véritables ruptures capacitaires, ce que les arbitrages politiques ont écarté.

Du fait de l’absence de toute marge de manoeuvre, l’amputation, pourtant limitée, des crédits inscrits au projet de budget pour 1999 n’est pas sans conséquences sur les équipements, notamment en termes de calendrier. Elle se traduira par des réductions de commandes ou des retards dans la fabrication ou le développement de certains programmes. Néanmoins, les sommes inscrites au titre V permettent de poursuivre les objectifs d’équipement confirmés par la revue des programmes : 44 chars Leclerc seront commandés et 33 devraient être livrés en 1999 ; le programme de valorisation du système sol-air Roland sera poursuivi. L’absence d’autres commandes significatives s’explique par le fait que plusieurs commandes globales ont été ou seront passées en 1998 : radar de contrebatterie Cobra, hélicoptère Tigre, dépanneur Leclerc.

Enfin, depuis la rupture de 1995, qui a conduit de facto à un abaissement de 3 milliards de francs de leur niveau, la gestion des crédits du titre V a été soumise à de fortes perturbations. Aux restructurations du ministère, s’ajoutent des réformes " technico-administratives " dont les effets induits viennent perturber la réalisation des plans d’engagement prévus annuellement pour optimiser l’utilisation des crédits. C’est ainsi que la mise en œuvre, en 1997, de la comptabilité spéciale des investissements et du contrôle financier déconcentré, ainsi qu’en 1998 des opérations budgétaires d’investissement, ont été source de délais supplémentaires dans la passation des marchés et entraînent aujourd’hui des difficultés de consommation des crédits alloués. Le Chef d’état-major de l’Armée de terre a, à ce propos, exprimé le voeu que le changement de nomenclature décidé pour 1999 n’aggrave pas la situation. Il lui est apparu important que la référence physico-financière de la loi de programmation, soigneusement redéfinie à l’occasion de la revue des programmes, ne soit pas écornée par des difficultés de gestion et rappelé que toute annulation ou report de crédits signifierait en réalité pour l’Armée de terre une amputation ou un retard de réalisation des équipements du modèle d’armée visé en 2015.

Après avoir exprimé une satisfaction lucide à l’égard des crédits d’équipement, le Chef d’état-major de l’Armée de terre a fait part de son inquiétude raisonnée quant au volume et à l’évolution des crédits de fonctionnement. Avec 30,7 milliards de francs de crédits de paiement, le titre III progresse d’un peu moins de 0,4 % en francs courants par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. En fait, en tenant compte des transferts survenus en construction budgétaire, notamment de l’accession à l’autonomie budgétaire de la Direction du service national, la progression, légèrement supérieure, s’établit à 0,9 %.

L’évolution des effectifs est conforme à la troisième annuité du référentiel de programmation, qu’il s’agisse de la suppression de postes d’officiers et de sous-officiers (respectivement 230 et 1 220) ou de la création de 5 879 postes d’engagés volontaires. Le nombre de postes de volontaires du service national créés s’élève à 1 335 au lieu des 1 900 prévus mais cet écart est strictement compensé par le maintien du nombre correspondant de postes de personnels appelés (565). Ainsi, lors du passage à l’an 2000, l’Armée de terre comptera dans ses rangs près des trois quarts des effectifs de militaires du rang professionnels prévus dans son modèle. Par ailleurs, les effectifs budgétaires civils mis à la disposition de l’Armée de terre croîtront en 1999 de 368 postes, même si, du fait des mesures de transfert, l’augmentation effective s’établira à 174.

Le Général Philippe Mercier a souligné que dans le cadre de la loi de programmation, les effectifs militaires ont été calculés au plus juste pour remplir le contrat opérationnel défini pour l’Armée de terre : la projection d’un volume de 50 000 hommes dans différentes configurations. Il a insisté sur le fait que le recrutement de personnels civils en nombre suffisant participe à la réalisation des objectifs de ce contrat. Or, que ce soit pour des raisons de contraintes sociales ou de restrictions à l’embauche, plus surprenantes dans la situation actuelle du marché de l’emploi, plus les effectifs budgétaires d’emplois civils augmentent, plus le déficit se creuse par rapport aux effectifs réalisés. Le deuxième train de restructurations affectant des régions économiques différentes de celles où le déficit d’effectif est déjà sensible, il conviendra donc de tout mettre en œuvre pour faciliter les 2 000 mouvements de personnels civils qui doivent l’accompagner, de façon à ne pas détourner le personnel militaire des missions qui sont les siennes.

Le bon déroulement de la réorganisation nécessite par ailleurs de répondre normalement aux besoins de l’Armée de terre en personnel appelé. Aujourd’hui, bien qu’évoluant au rythme des aléas de gestion de cette catégorie de personnel, le déficit réel est dû, pour l’essentiel, à l’application de l’article L. 5 bis A du code du service national, les demandes de report d’incorporation ou de retour anticipé à la vie civile pour les titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée étant actuellement satisfaites à plus de 90 %. Au mois de décembre prochain, l’extension de ces dispositions aux détenteurs d’un contrat à durée déterminée ne manquera pas d’amplifier le phénomène. Pour faire face à la conjonction de ces deux facteurs, défavorables au bon déroulement de la professionnalisation et de la réorganisation de l’Armée de terre, celle-ci utilise la ressource procurée par les volontaires pour un service long. Face à la charge budgétaire qui en résulte, elle en limite les effets par une utilisation au plus près de ses besoins.

Les rémunérations versées aux personnels militaires s’élèvent à plus de 24,6 milliards de francs et représentent, pour la première fois, plus de 80 % des crédits du titre III. Bien que conforme aux prévisions de la loi de programmation, cette évolution s’avère toutefois plus rapide que prévu, en raison notamment des répercussions de l’accord salarial de la fonction publique.

Les crédits de fonctionnement courant des forces et des services constituent un réel sujet de préoccupation. A cet égard, l’année 1999 marque un véritable décrochage qui a atteint, et probablement dépassé, ce qui est supportable et qui, s’ajoutant à la dégradation rampante observée depuis plusieurs années, pourrait conduire inexorablement l’Armée de terre sur la voie de la paupérisation. L’encoche ainsi réalisée devra impérativement être corrigée dans les budgets futurs, ce d’autant plus que la modicité relative des sommes en jeu est sans commune mesure avec les implications qu’elle peut avoir sur les conditions de vie et donc sur le moral des personnels de l’Armée de terre.

Les crédits d’alimentation, dont l’évolution est directement liée à celle des effectifs, n’ont pas fait l’objet d’actualisation, pour tenir compte de la hausse des prix depuis trois ans, et ont subi cette année une mesure de réduction supplémentaire de 1,6 %. Du fait de la combinaison d’un ensemble d’abattements arbitraires sur les crédits de fonctionnement général ou d’entretien immobilier et d’un moindre apport de ressources nouvelles, le niveau des crédits de fonctionnement courant est globalement inférieur de 230 millions de francs au montant espéré à l’issue des travaux d’actualisation de la programmation conduite au sein du ministère, ce qui représente un écart de 5 %. Compte tenu du caractère inéluctable de la plupart de ces dépenses, des mesures sévères pour les forces et les soutiens ont été prises dans une période de restructuration qui engendre des besoins supplémentaires. Les crédits de fonctionnement propre des services seront ainsi amputés de 4 % et les dépenses de soutien qu’ils réalisent seront globalement diminuées de 8 %, l’essentiel des réductions portant sur l’entretien immobilier. Parallèlement, les budgets de fonctionnement des forces ne pourront pas être épargnés, ce qui provoquera une baisse des objectifs d’activité qui seront fixés à 70 jours de sortie, dont 35 avec matériel organique, pour les unités et à 140 heures de vol pour l’entraînement des pilotes d’hélicoptère, soit respectivement 10 jours d’activité et 10 heures de vol de moins qu’en 1998. Le Général Philippe Mercier a estimé qu’une baisse temporaire des activités, bien qu’elle ait été prévue pendant la période de transition, atteignait vraisemblablement un seuil préjudiciable au niveau de préparation opérationnelle et, par voie de conséquence, au moral des unités.

Evoquant les conditions de la gestion financière des ressources allouées aux armées, le Général Philippe Mercier s’est inquiété d’un ralentissement du rythme de consommation des crédits d’équipement qui pourrait avoir de lourdes répercussions sur la modernisation des équipements. En outre, tout retard pris aujourd’hui aura un prix demain.

Il s’est également déclaré convaincu que, eu égard au caractère limité des sommes en jeu, il convenait de ne pas envisager de report de charges de fonctionnement en fin d’exercice 1998, compte tenu des contraintes financières de l’année à venir. Le décret d’avance du 21 août 1998 a permis de couvrir les besoins de financement de dépenses de rémunérations au titre des reports de charges de l’exercice 1997 et du surcoût lié aux opérations extérieures. Il apparaît indispensable qu’un apport de crédits supplémentaires, dans le cadre de la loi de finances rectificative, en fasse de même pour le fonctionnement courant.

Le Général Philippe Mercier a alors souhaité tracer quelques pistes pour les exercices budgétaires futurs dans le cadre de la programmation, considérant que le raisonnement qui entendait contraindre les dépenses de fonctionnement dans une enveloppe stabilisée en francs constants avait atteint ses limites. Il a estimé qu’il n’était pas réaliste de laisser les armées à l’écart de l’accroissement de la richesse nationale et de réduire leur part budgétaire en pourcentage du produit intérieur brut. La loi de programmation avait planifié l’augmentation d’un certain nombre de dépenses alors que des alourdissements de coût sont constatés sur d’autres postes. Il en est ainsi de la masse salariale, pour laquelle les dépenses liées à la professionnalisation sont, comme prévu, couvertes par la réduction de format, mais que les hausses de rémunération au titre de l’année en cours et de l’année à venir alourdissent d’un montant de 750 millions de francs. Il en va de même des dépenses qui visent à rendre les conditions de vie des personnels et des unités plus conformes aux modes de vie actuels, qu’il s’agisse d’hygiène, de protection de l’environnement ou de normes de sécurité. Ce " coût de la modernité " ne peut pas être payé indéfiniment par le redéploiement des moyens existants.

En conclusion, le Chef d’état-major de l’Armée de terre a exprimé le vœu que les mesures correctives destinées à combler l’encoche pratiquée sur les crédits de fonctionnement interviennent dès l’an prochain. Ainsi, les hommes et les femmes de l’Armée de terre, qui se sont engagés avec détermination dans la refondation de leur institution, recevront l’assurance de disposer des moyens garantissant le succès de leur entreprise, dans laquelle il s’est déclaré résolument confiant.

 

Le Président Paul Quilès s’est interrogé sur les inquiétudes exprimées par le Chef d’état-major de l’Armée de terre à l’égard des contraintes imposées par la deuxième année de mise en œuvre de la professionnalisation dans le cadre de la loi de programmation militaire. Il a fait remarquer que, l’Armée de terre ayant participé à l’élaboration du projet de loi de programmation, elle savait qu’elle allait avoir à y faire face.

Relevant ensuite qu’un journal du soir citait des propos du Général Philippe Mercier selon lesquels la réorganisation en cours portait atteinte au moral de l’Armée de terre, il lui a demandé d’indiquer à la Commission de quels éléments il disposait pour formuler des inquiétudes d’une telle gravité.

Abordant la question des effectifs d’appelés, le Président Paul Quilès a observé que, si un déficit de 15 172 hommes par rapport aux prévisions de la programmation était susceptible d’apparaître fin 1998, il fallait mettre ce chiffre en regard de la suppression, au 1er janvier 1999, de 22 260 emplois d’appelés. Le sous-effectif prévisible en décembre 1998 se transformerait ainsi, au 1er janvier 1999, en un excédent de plus de 7 000. Il a, par ailleurs, fait remarquer que l’incorporation d’octobre avait été bonne et montrait qu’il était possible en gestion de combler des sous-effectifs occasionnels.

Le Président Paul Quilès a ensuite demandé au Général Philippe Mercier son évaluation des surcoûts entraînés pour l’Armée de terre par les opérations extérieures en 1998.

 

Le Général Philippe Mercier s’est défendu d’avoir fait aucune déclaration publique sur le moral des armées. Il a indiqué que l’article auquel le Président Paul Quilès s’était référé rendait compte d’un exposé qu’il avait fait devant 350 officiers généraux de 2ème section pour les informer sur l’évolution de l’Armée de terre et qu’il avait également répondu dans deux revues militaires à des questions relatives à la situation de cette armée. Il a démenti avoir dit que le moral des personnels de l’Armée de terre était mauvais.

 

Le Président Paul Quilès ayant alors relevé que, selon l’article évoqué, le Général Philippe Mercier avait parlé d’" un moral des personnels mis à rude épreuve ", le Chef d’état-major de l’Armée de terre a répondu qu’un moral " mis à rude épreuve " n’était pas nécessairement " mauvais ". Il a ajouté que le moral était en baisse sensible, qu’il était fragile, mais que " le front tenait ".

Il a précisé que si la professionnalisation avait été dans un premier temps accueillie de façon très diverse, elle était aujourd’hui comprise. Il a ajouté cependant que, devant l’ampleur de la réforme, le développement des carrières courtes et les nouveautés que représentait l’augmentation du nombre des engagés volontaires et la présence accrue de personnels civils, les cadres, et notamment les sous-officiers, avaient pu s’interroger sur leur avenir professionnel et leurs perspectives d’avancement. Il a considéré que l’encoche faite dans les prévisions de la programmation à l’occasion du budget de 1998 et l’amendement élargissant les reports d’incorporation aux jeunes gens titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée avaient été durement ressentis par les cadres de l’Armée de terre alors même qu’ils s’étaient engagés avec toute leur énergie pour la réussite de la réforme, une fois les incertitudes levées et des orientations claires tracées.

Il a souligné qu’en tout état de cause, l’Armée de terre avait devant elle 18 mois très difficiles, dans la mesure où les corps qui allaient devoir mettre en œuvre les réorganisations profondes nécessitées par la professionnalisation allaient, pendant cette période, en ressentir les effets de façon directe.

Faisant valoir qu’il se devait de ne pas cacher ces préoccupations, ni au Ministre, ni à la Commission de la Défense, il a réaffirmé sa confiance dans la réussite de la transformation de l’Armée de terre.

S’agissant des effectifs, il a indiqué que l’incorporation d’octobre 1998 avait été exceptionnellement favorable mais maintenu que l’Armée de terre faisait bien face à un sous-effectif d’appelés de 6 % en moyenne sur l’année 1998. Il a ajouté cependant que la difficulté venait de la conjonction de ce déficit et des vacances de postes de personnels civils. Par ailleurs on ne peut pas considérer les effectifs budgétaires au 1er janvier 1999 comme représentatifs du besoin. Il faut considérer le plan de gestion qui est bien sûr en " biseau ". En effet on ne dissout pas les unités le 1er janvier mais au cours de l’été. Le Général Philippe Mercier a réitéré son inquiétude quant aux conséquences de l’application des dispositions de l’article 5 bis A du code du service national sur les incorporations à réaliser à partir du mois de décembre, les reports pouvant désormais être demandés par les titulaires d’un contrat à durée déterminée.

S’agissant des opérations extérieures, il a indiqué que leur surcoût n’avait pas été intégré dans les prévisions budgétaires, à l’exclusion d’une dotation pour les rémunérations. Il a expliqué qu’actuellement, lorsque des opérations extérieures sont menées, l’Armée de terre en supporte les surcoûts et reçoit en contrepartie des ressources nouvelles dans le cadre d’un décret d’avance. Il a indiqué que pour 1998 les charges supplémentaires de rémunération avaient été couvertes par le décret d’avances du 21 août et le surcroît de dépenses d’équipement par des redéploiements au sein du titre V, mais qu’en revanche, 230 millions de francs de surcoûts de fonctionnement restaient toujours à financer. Il a estimé que, dans ces conditions, un nouvel apport de ressources devrait être assuré avant la fin de l’année dans le cadre de la loi de finances rectificative si l’on voulait éviter que l’Armée de terre entame l’exercice 1999 avec un report de charges trop lourd.

S’exprimant au nom du groupe du Rassemblement pour la République, M. René Galy-Dejean a remercié le Chef d’état-major de l’Armée de terre pour la netteté, l’objectivité et la rigueur intellectuelle avec lesquelles il avait présenté la situation de l’Armée de terre.

Il a ajouté que la représentation nationale ne pouvait s’étonner de la situation décrite, dans la mesure où le Général Philippe Mercier l’avait prévenu l’an dernier des conséquences qu’auraient ses décisions si elle s’obstinait dans la voie qu’elle avait choisie et qu’aucune carence dans la gestion des effectifs n’était à l’origine du déficit de personnels appelés dont souffrait l’Armée de terre .

 

Le Président Paul Quilès a alors fait remarquer qu’il n’y avait pas eu obstination mais un large débat et qu’il n’avait pas souvenir que beaucoup de parlementaires se soient opposés à la disposition sur l’extension des reports d’incorporation.

 

Le Général Philippe Mercier a fait observer qu’il ne souhaitait pas que ses propos sur l’état des effectifs et le niveau des crédits de fonctionnement soient considérés comme la description d’une situation dramatique. Il a rappelé que, si l’année précédente, il avait fait part de ses préoccupations sur les insuffisances du titre V et insisté sur ses conséquences à terme, la revue des programmes intervenue depuis à l’initiative du Ministre et avec l’appui des Chefs d’état-major avait donné satisfaction aux responsables des armées. Il a estimé de même que, si une baisse de l’activité et de l’entraînement avait bien été prévue par l’Armée de terre en conséquence de la loi de programmation, elle ne devrait être que temporaire et qu’un ajustement des crédits de fonctionnement à compter de la prochaine loi de finances devrait permettre de revenir au niveau correspondant aux exigences d’une armée professionnelle. Réaffirmant que le sous-effectif moyen des personnels appelés était préoccupant, il a néanmoins ajouté que ses craintes portaient surtout sur l’approfondissement du fossé entre les effectifs budgétaires et les effectifs réalisés et sur le cumul de cette situation avec l’aggravation des vacances de postes de personnels civils.

 

M. René Galy-Dejean a alors proposé que le Président de la Commission de la Défense demande au Gouvernement une correction des crédits de fonctionnement courant de l’Armée de terre, soulignant que cet effort, d’un montant modéré au regard du volume global du budget de l’Etat, permettrait de préserver le niveau de l’entraînement.

Faisant également remarquer que le projet de loi de finances avait été établi sur la base d’une hypothèse de taux de croissance qui pourrait bien ne pas être vérifiée dans les faits, il a invité la Commission à veiller, en ce cas, à ce que des gels et des annulations opérés sur les crédits de la Défense ne viennent pas transformer une situation tendue en une situation dramatique.

 

M. Michel Voisin a souhaité savoir si le projet de budget pour 1999 remettait en cause les capacités de projection de l’Armée de terre, fixées à 50 000 hommes par la loi de programmation militaire, et s’il prévoyait des crédits en faveur des réserves. Il a demandé des précisions sur l’utilisation des pécules et des congés de reconversion ainsi que sur le taux de satisfaction des demandes exprimées en ce domaine par les personnels. Enfin, il a demandé au Chef d’état-major si sa vision de la situation de l’Armée de terre avait été modifiée au cours de sa carrière.

Rappelant que le Chef d’état-major de l’Armée de terre avait exprimé une " satisfaction lucide " et une " inquiétude raisonnée ", M. Jean-Claude Sandrier s’est demandé s’il n’allait pas devoir faire preuve d’" un optimisme conquérant ". Il a estimé que le pacte de stabilité budgétaire lié à l’introduction de la monnaie unique et l’objectif de réduction des dépenses publiques qu’il entraînait expliquaient le cadre contraint du budget militaire. Il a ensuite interrogé le Général Philippe Mercier sur les dispositions prises pour faciliter le recrutement et la formation des personnels civils, pour améliorer l’accueil d’un nombre plus important de familles d’engagés et pour rendre plus efficace la gestion du patrimoine de l’Armée de terre. Après avoir indiqué que, d’après le magazine Spiegel, le projet de véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) pouvait être remis en cause par le nouveau Gouvernement allemand, il a demandé pourquoi l’Armée de terre ne choisirait pas dans une telle hypothèse le projet Vextra proposé par GIAT-Industries qui paraît mieux répondre à ses besoins. Constatant l’accent mis sur la projection des forces, il s’est inquiété du risque de négliger les programmes d’équipement plus directement liés à la défense de la Nation. Il a enfin demandé quel était le premier bilan de l’appel de préparation à la Défense.

 

Le Général Philippe Mercier a apporté les éléments de réponse suivants :

— si la loi de programmation militaire prévoit effectivement une capacité de projection de 50 000 hommes en 2002, le contrat opérationnel pour l’Armée de terre durant la période de transition ne porte que sur 20 000 hommes ; l’Armée de terre a actuellement les capacités requises pour remplir ce contrat sans difficulté ;

— l’Armée de terre a attribué, dans une première tranche, les pécules de manière préférentielle aux personnels proches de la limite d’âge de leur grade de manière à limiter le montant individuel des sommes versées et à accroître l’effectif concerné. Il conviendra à l’avenir de sélectionner davantage les bénéficiaires pour améliorer les pyramides d’âge dans certaines spécialités. Le taux de satisfaction des demandes est d’environ 50 % dans le cas des officiers, et d’environ 33 % en ce qui concerne les sous-officiers ;

— le projet de budget prévoit une augmentation de 6,7 millions de francs des crédits destinés aux réserves ;

— le Général Philippe Mercier a le sentiment de ne pas avoir modifié son attitude à l’égard de l’Armée de terre au cours de sa carrière ;

— l’optimisme conquérant est en effet une qualité nécessaire ;

— la seconde étape de la restructuration des organismes n’étant pas mise en œuvre, l’Armée de terre n’est pas en mesure d’employer dans les forces les civils compris dans ses effectifs budgétaires et ne peut compter que sur les personnels volontaires en provenance de la DCN et de GIAT-Industries. Plus de 600 personnes de la DGA ont ainsi été recrutées mais le déficit en personnels civils est fortement déséquilibré selon les régions et se fait plus particulièrement sentir dans le Nord, en Ile-de-France et en Champagne-Ardennes ;

— les actions de formation des personnels civils sont absolument nécessaires pour permettre les ajustements et les adéquations de postes nécessaires ;

— la progression du taux d’encadrement et l’arrivée des engagés volontaires nécessitent 8 à 10 000 logements supplémentaires. C’est pourquoi une politique active est menée au sein du ministère de la Défense pour poursuivre la réhabilitation et la rénovation des logements existants et prendre des parts accrues de participation dans les programmes conduits par la SNI et les organismes locaux comme les HLM. Un accord a été passé avec le ministère de l’Equipement et du Logement en vue de l’attribution de 750 PLA en faveur du logement des familles des engagés volontaires. Il importe de lier, dans un cercle vertueux, l’amélioration des conditions de vie, celle des conditions de travail, la reconversion et l’attractivité des emplois offerts par l’Armée de terre. La reconnaissance de la nécessité de ce cercle vertueux a justifié la création d’une chaîne spécifique consacrée à la condition des personnels qui concerne aussi bien l’état-major que les bureaux de recrutement, de reconversion et de condition du personnel au sein des régiments ;

— l’Allemagne n’a pas annoncé qu’elle souhaitait mettre fin à sa participation au programme VBCI. Il s’agit d’une rumeur suscitée par le changement de Gouvernement dans ce pays. Les trois pays intéressés ont défini un programme commun et ont exprimé leurs préférences pour un consortium germano-britannique auquel GIAT-Industries s’est associé. La lettre d’intention (memorandum of understanding) ne sera pas signée tant que ne seront pas levées les réserves exprimées par la France sur le niveau de protection du véhicule et son équipement par une véritable tourelle. Bien qu’il existe théoriquement deux solutions alternatives au VBCI, le projet Vextra de GIAT-Industries, inaccessible financièrement pour l’Armée de terre, et un projet développé en coopération par GIAT-Industries et Renault véhicules industriels (RVI), il paraît difficile de se replier sur une solution nationale au moment où se nouent de grandes alliances industrielles au niveau européen ;

— il n’existe pas d’unité dédiée aux actions de protection du territoire et toutes les forces de l’Armée de terre ont vocation à participer à cette mission. Seule l’Armée de terre dispose d’équipements lourds, par exemple pour faire face aux catastrophes naturelles. Elle a d’ailleurs fait la preuve de ses capacités et de sa réactivité en ce domaine ;

— le bilan de l’appel de préparation à la Défense est très positif et le soutien de l’Armée de terre à cette opération est jugé satisfaisant. Le niveau de participation des élus et des représentants des services déconcentrés de l’Etat a souligné l’intérêt de cette journée. La séance pédagogique paraît un peu trop intellectuelle et a été jugée dense par les participants. Il conviendra, sans doute, d’élaborer un programme plus simple et plus léger.

Après s’être déclaré plutôt rassuré sur le moral de l’Armée de terre, malgré les préoccupations exprimées par le Chef d’état-major, M. André Vauchez s’est interrogé sur les délais existants entre le moment où les candidats se présentent pour un poste de militaire du rang et la date de leur admission effective dans l’armée. Evoquant les difficultés de nombreux futurs appelés à comprendre les conditions mises aux reports d’incorporation, il s’est néanmoins félicité du choix de critères incontestables par la loi portant réforme du service national, dans la mesure où seuls sont pris en compte les contrats de travail souscrits avant la date d’incorporation, à l’exclusion de toute autre considération.

 

Relevant les critiques émises par M. René Galy-Dejean et s’exprimant en tant que rapporteur sur la loi portant réforme du service national, M. Didier Boulaud a voulu rappeler les réserves que la représentation nationale avait émises sur l’abandon total du service national, notamment lors des débats qui ont eu lieu au sein de la mission d’information présidée par M. Philippe Séguin. Il a souligné qu’à cette époque, la décision d’abandonner la conscription avait déjà été prise par le comité stratégique, en dépit notamment des mises en garde réitérées des parlementaires sur les risques d’une dérive du titre III.

Dans le contexte évoqué par M. Didier Boulaud, le président Paul Quilès a rappelé qu’un rapport parlementaire avait alors estimé que la professionnalisation entraînerait une économie de l’ordre de 9 à 14 milliards de francs, estimation que la mission d’information sur le service national n’avait pas reprise à son compte.

 

Le Général Philippe Mercier a souligné que le facteur essentiel d’accroissement du titre III tenait à la part prépondérante prise par les rémunérations et charges sociales qui représentaient 80% de son montant total mais qu’il existait aussi un autre facteur prévu de surcoût, lié au fonctionnement quotidien des armées qui doivent sous-traiter dorénavant certains types de services antérieurement assurés par les appelés. Il a, par ailleurs, fait observer que, grâce à une politique de communication active, tant sur le plan national que local, l’Armée de terre avait su améliorer son image de marque. Il en résultait d’ailleurs actuellement un nombre élevé de candidatures aux emplois de militaires du rang. Il a précisé que, pour les hommes, un poste était actuellement offert pour trois candidats contre un poste pour douze candidates, chez les femmes.



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