ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

 

COMPTE RENDU N° 74

(Application de l'article 46 du Règlement)

 

Mercredi 23 septembre 1998
(Séance de 15 heures)

 

 

 

 

 

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

 

 

 

pages

Audition de Mme Martine Aubry, Ministre de l’emploi et de la solidarité, de M. Bernard Kouchner, Secrétaire d’État à la santé, et de Mme Nicole PÉry, Secrétaire d’État à la formation professionnelle, sur les crédits de leur ministère pour 1999



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La Commission a procédé à l’audition de Mme Martine Aubry, Ministre de l’emploi et de la solidarité, de M. Bernard Kouchner, Secrétaire d’État à la santé, et de Mme Nicole Péry, Secrétaire d’État à la formation professionnelle, sur les crédits de leur ministère pour 1999.

Soulignant que l’emploi était la priorité qui avait conditionné les choix budgétaires pour 1999, Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, a observé que les taux de progression des budgets de l’emploi, d’une part, et de la santé et de la solidarité, d’autre part, soit respectivement 4 % et 4,5 %, étaient le double de celui de l’ensemble des dépenses budgétaires. Convenant que les grandes orientations du budget 1999 n’étaient pas nouvelles, elle a néanmoins constaté que celles-ci étaient désormais fondées sur trois grands textes législatifs votés en 1998 : réduction du temps de travail, lutte contre les exclusions et sécurité sanitaire.

Abordant, en premier lieu, le budget de l’emploi, la Ministre a insisté sur les choix opérés en faveur des emplois–jeunes et de la réduction du temps de travail, entraînant une charge financière suppémentaire de 13 milliards de francs, reports compris. Elle a précisé que ces actions avaient été financées par 11 milliards de francs d’économies et de redéploiements, la progression du budget de l’emploi s’établissant ainsi à 6 milliards de francs sur un total de 156 milliards de francs. Reconnaissant que la reprise économique permettait de réduire les crédits consacrés aux préretraites et au chômage partiel, elle a déclaré que l’objectif principal était de concentrer l’ensemble des dispositifs sur le retour à l’emploi des publics les plus fragiles. Remarquant que la situation du marché de l’emploi rendait d’autant plus difficile l’insertion de ces publics, elle a observé que 70 % des contrats emploi–consolidés (CEC), dont le nombre sera porté à 60.000, bénéficieraient à des personnes grandement prioritaires, que 10.000 contrats de qualification pour adultes pourraient être conclus en 1999, que le programme TRACE permettrait à 40.000 jeunes connaissant des difficultés particulières d’accéder à une formation qualifiante et que les crédits de l’insertion par l’économique seraient doublés en 1999. Elle a indiqué que les contrats emploi–solidarité (CES) et les contrats initiative–emploi (CIE) seraient également recentrés sur les publics prioritaires et que, dans un souci d’efficacité de la dépense publique, la contribution de l’État au financement des plans sociaux serait atténuée par un effort des entreprises les mieux portantes.

S’agissant de l’approfondissement de la politique de formation professionnelle, elle a renvoyé à l’exposé de Mme Nicole Péry puis a insisté sur le renforcement des moyens du service public de l’emploi, principalement destiné aux chômeurs de longue durée, conformément au programme national d’action présenté au récent Conseil européen de Luxembourg. Évoquant à cet égard l’ANPE, dont les effectifs augmenteront de 1.000 et dont la subvention s’accroîtra de 11 % en 1999, elle s’est félicitée de ce que la modernisation de l’agence ait permis, depuis 1991, de faire progresser de 33 à 50 % sa part dans les offres d’emploi. Elle a conclu en annonçant que les moyens des missions locales seraient renforcés dans le cadre du programme TRACE et que les services du ministère bénéficieraient de mesures favorables aux emplois de catégorie C et de créations de postes dans les secteurs du contrôle et de l’inspection du travail.

Présentant ensuite les crédits de la santé et de la solidarité qui, hors politique de la ville, passent de 72 à près de 80 milliards de francs, Mme Martine Aubry a constaté que la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions était, ici aussi, prise en compte dans le projet de loi de finances, qu’il s’agisse de l’augmentation des crédits destinés aux fonds d’aide aux jeunes, de la veille et de l’accueil en matière d’urgence sociale ou de l’accès aux soins, un projet de loi sur la couverture maladie universelle devant être déposé au Parlement d’ici quelques semaines, sur la base du rapport remis par M. Jean-Claude Boulard. Abordant le revenu minimum d’insertion, elle a souligné que l’accroissement de 3 % en volume des crédits inscrits pour 1999 devait être relativisée par la stabilisation du nombre des allocataires entrevue au cours des deux derniers mois. Concernant les personnes handicapées, elle a mis l’accent sur la création de 2.000 places dans les centres d’aide par le travail (CAT) et sur l’augmentation de 3,75 % des crédits consacrés à l’allocation aux adultes handicapés. Estimant que l’accent mis sur l’intégration des populations étrangères était illustrée par la création de 100 places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asiles (CADA), elle a enfin décrit les mesures bénéficiant aux agents de catégorie C et aux emplois à statut précaire, l’administration de son ministère étant l’une des premières à parvenir à la résorption intégrale de ces emplois.

S’interrogeant sur la mise en œuvre concrète du dispositif de surveillance multilatérale en matière d’emploi créé par le Conseil européen de Luxembourg, M. Didier Migaud, rapporteur général, s’est demandé dans quels délais la faculté de cumul entre minima sociaux et revenus d’activité serait effectivement offerte aux intéressés. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la réforme annoncée dans le secteur de l’aide à domicile, sur le prochain renouvellement de la convention UNEDIC et sur l’extension du bénéfice de l’allocation de remplacement pour l’emploi (ARPE) aux personnes âgées de moins de cinquante-huit ans ayant cotisé plus de quarante années.

Répondant au Rapporteur général, Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, a précisé que le Conseil européen de Vienne procéderait, au mois de décembre prochain, à une première évaluation du dispositif mis en place au Conseil européen de Luxembourg, mais qu’il était d’ores et déjà possible de considérer que les diagnostics et les stratégies se rapprochaient et que les conseils des ministres étaient désormais le lieu de débats et d’engagements s’agissant des nouveaux emplois et de la réduction du temps de travail. Elle s’est félicitée de ce que les programmes nationaux ne soient pas de simples compilations de mesures, la Commission européenne ayant d’ailleurs estimé que les programmes présentés par la France et par l’Espagne étaient les meilleurs. Elle a souligné que ce dispositif permettrait à notre pays de s’inspirer des bonnes pratiques observées par nos partenaires, comme le développement local tel qu’il est pratiqué en Italie, même si on pouvait regretter que les indicateurs sur le chômage demeurent très disparates, ce qu’illustre la décision récente du gouvernement britannique de retenir une définition plus large du nombre des demandeurs d’emploi, et préférer, par conséquent, des indicateurs de taux d’activité.

Elle a indiqué, par ailleurs, que les mesures d’application du cumul minima sociaux – revenus d’activité devaient être prochainement publiées et qu’elles viseraient à renforcer les dispositifs existants, à créer des dispositifs pour les minima sociaux qui n’offrent pas encore de possibilités de cumul et à assurer une information appropriée sur ces différents mécanismes, compte tenu des délais requis et de la multiplicité des organismes concernés. Relevant que l’absence de cohérence des diverses sortes d’aides à domicile accordées par les collectivités publiques et les caisses de sécurité sociale fondait la mission commune confiée aux inspections générales des finances et des affaires sociales, elle a précisé que le rapport de Mme Hespel et de M. Thierry, qui lui a été récemment remis, proposait un système plus cohérent prenant en compte à la fois la situation financière et l’état de dépendance réel de la personne aidée. Elle a rappelé que le secrétaire d’État au Budget avait annoncé, le 20 mai dernier, des mesures exceptionnelles en faveur des associations pour un montant total de 60 millions de francs et a constaté que, pour l’heure, très peu de dossiers lui avaient été présentés à ce titre.

Insistant sur le fait que le Gouvernement n’avait pas à s’immiscer dans la négociation entre les partenaires sociaux sur l’avenir de l’UNEDIC, elle a cependant souligné que l’État s’était engagé à financer une extension de l’ARPE à hauteur de 40.000 francs par personne et que le C.N.P.F. avait récemment donné son accord pour engager la négociation sur cette extension, d’un coût estimé à 1 milliard de francs pour 1999 et à 1,5 milliard de francs après 2000, que les comptes du régime paraissaient pouvoir supporter, avec un excédent évalué, au minimum, à 700 millions de francs en 1998 et à 1,8 milliard de francs en 1999. Indiquant que 87 % des entrées sur le marché du travail se faisaient au travers d’un contrat à durée déterminée, elle a précisé qu’il conviendrait de tenir compte de cette situation dans la réflexion en cours sur les modalités d’indemnisation du chômage, dans la mesure où les conditions de bénéfice des allocations pénalisent depuis quelques années les personnes qui ont fréquemment eu recours à des contrats à durée déterminée.

 

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial des crédits du Travail et de l’Emploi, a fait état de sa sérénité à la veille de la discussion du projet de loi de finances, face à un budget en augmentation sensible, plus efficace en raison des redéploiements opérés pour financer les priorités du Gouvernement, qui traduit un effort de présentation et de simplification et qui renforce les moyens de services appelés à de nouvelles tâches. Après avoir demandé des précisions sur la montée en charge du dispositif des emplois–jeunes, il s’est interrogé sur les délais d’élaboration des décrets d’application de la loi de lutte contre les exclusions, notamment en ce qui concerne le cumul des allocations et d’un revenu d’activité et le dispositif très attendu d’incitation à la création d’entreprises.

Il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur le dossier de l’allégement des charges sociales et de la réforme des cotisations patronales. S’agissant de l’aide financière liée à la conclusion d’accords de réduction du temps de travail, il s’est interrogé sur les modalités de la prise en charge partielle par la sécurité sociale.

Enfin, il a attiré l’attention du Ministre sur la situation des assistantes maternelles à domicile confrontées aux effets de la reproratisation de la ristourne progressive particulièrement dommageables en raison du mode d’évaluation des heures de garde d’enfants.

Évoquant les 2.000 places créées dans les centres d’aide par le travail (CAT), M. Pierre Forgues, rapporteur spécial des crédits des Affaires sociales, a estimé que la situation de ces centres était globalement préoccupante, comme le révèle l’existence de listes d’attente sur une période pouvant atteindre jusqu’à huit ans et a plaidé, compte tenu de ces besoins, pour un plan pluriannuel de créations de places. Il a demandé si les CAT donneraient l’exemple de l’application des 35 heures.

Évoquant le rapport Hespel–Thierry dont il a souhaité qu’il soit rendu public ou du moins communiqué aux rapporteurs spéciaux, il a demandé si le Gouvernement envisageait de prendre des mesures permettant d’harmoniser le régime des associations d’aide à domicile avec celui des employeurs individuels.

Rappelant que le rapport de M. Jean–Claude Boulard proposait la mise en place d’une couverture maladie universelle dont il évalue le coût à 6 milliards de francs, dont 2,2 milliards de francs à la charge de l’État, il s’est interrogé sur l’imputation budgétaire de cette contribution et sur les moyens de financement de la réforme.

Après avoir constaté que les crédits consacrés au RMI augmenteraient en 1999 alors que dans certains départements, dont les Hautes–Pyrénées, le nombre de bénéficiaires diminuait, il a souhaité obtenir des précisions sur l’évolution nationale du nombre de RMIstes et son évolution prévisible dans une période de croissance.

Faisant observer que l’accès des handicapés aux loisirs marquait le pas, depuis de nombreuses années, en raison de problèmes administratifs et financiers, il a estimé souhaitable la mise en place d’une structure de concertation entre les trois ministères concernés qui travaillerait en liaison avec les associations spécialisées.

Répondant aux rapporteurs spéciaux, Mme Martine Aubry a d’abord souligné qu’elle ne considérait pas qu’un bon budget était forcément un budget en forte augmentation. Elle a rappelé que le respect des engagements du Gouvernement l’avait conduite à revoir l’ensemble des dispositifs et à réduire d’environ 11 milliards de francs certaines lignes budgétaires : le recadrage des contrats initiative–emploi sur les publics en difficulté ayant par exemple permis d’économiser 3 milliards de francs.

Elle a ensuite apporté les précisions suivantes :

– malgré le scepticisme qui l’avait accueilli, l’objectif du Gouvernement de créer 150.000 emplois–jeunes en 1998 sera tenu, 120.000 conventions ayant déjà été signées à la fin du mois d’août et 85.000 jeunes ayant été effectivement embauchés à cette même date ; le chiffre de 150.000 conventions devrait être atteint en novembre et les embauches effectives intervenir à la fin de 1998 ou au tout début de 1999. Les conventions signées avec les associations ou les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses malgré un départ assez lent, puisqu’il fallait identifier les besoins nouveaux et s’assurer de la non–concurrence avec des activités privées existantes. Plus de la moitié des jeunes recrutés ont un niveau de formation inférieur au baccalauréat et les contrats conclus avec les associations sont souvent à durée indéterminée, la rémunération de 40 % d’entre eux étant comprise entre 1 et 1,15 SMIC ;

– l’élaboration des décrets et des circulaires d’application de la loi de lutte contre les exclusions s’est faite dans un délai raisonnable, compte tenu du nombre de ministères intéressés, puisque la quasi–totalité devrait être publiée d’ici la fin du mois d’octobre ; l’examen du projet de décret relatif au dispositif d’aide à la création d’entreprises par le Conseil d’État est prévu pour le 6 octobre, et la circulaire correspondante est déjà prête ;

– il est difficile de faire des prévisions sur l’évolution du nombre de RMIstes puisque, si l’on constate certaines diminutions dans les départements les moins peuplés, ce n’est pas le cas dans les plus gros départements malgré la reprise de la croissance ; l’augmentation des crédits pour 1999 résulte de l’effet–report de la forte augmentation du nombre de bénéficiaires jusqu’en mars 1998 ;

– l’augmentation des charges supportées par les assistantes maternelles qui résulte de la reproratisation de la ristourne progressive est un problème transitoire qui sera réglé dans le cadre de la fixation du montant des prestations de service pour 1999 ;

– le Gouvernement souhaite analyser avec soin le rapport Hespel–Thierry avant de le rendre public ;

– le Gouvernement n’a pas encore arrêté ses choix en ce qui concerne la mise en place de la couverture maladie universelle, dont l’objectif est de faire en sorte que toute personne dont les revenus sont inférieurs au RMI soit couverte gratuitement, et que celles dont les revenus sont compris entre le RMI et le minimum vieillesse puissent recevoir une aide pour faire face au ticket modérateur et au forfait hospitalier. Il attend le résultat de la double négociation qui doit s’engager, d’une part, avec les conseils généraux, négociation rendue difficile par le fait que certains départements mettent à l’application de la loi des restrictions excessives alors que d’autres vont au–delà de leurs obligations légales, et, d’autre part, avec les assurances et la mutualité ; la couverture des personnes aujourd’hui non couvertes devrait représenter un coût de 600 millions de francs pour le régime général ; aucun crédit n’est, pour l’instant, inscrit au budget, dans la mesure où les négociations ne sont pas encore engagées ;

– dans le dossier de la réforme des cotisations patronales, le problème des charges sociales sur les bas salaires est, de fait, crucial. La réduction du temps de travail est d’ailleurs liée à une aide qui, abaissant les charges sociales, a un effet sur les bas salaires ; elle n’est pas exclusive d’une action directe sur les charges sociales pesant sur ceux-ci. Mais le Gouvernement a la volonté de mener cette action en respectant une double contrainte : qu’elle ne soit pas financée par les ménages, comme l’ont été dans le passé certains allégements par le biais d’une augmentation de la TVA, et qu’elle reste à l’intérieur de l’enveloppe globale des cotisations payées par les entreprises. La baisse de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle crée, à cet égard, un contexte favorable à un transfert de charges des secteurs de main d’oeuvre vers les secteurs plus capitalistiques. L’affaire a pris du retard, parce qu’il fallait faire le point sur l’effet de la substitution de l’assiette valeur ajoutée à l’assiette salaires. Le récent rapport Malinvaud a souligné, avec raison, l’effet pervers d’un transfert massif sur la valeur ajoutée pour des secteurs innovants. Au vu de ses conclusions, il est apparu utile d’inviter les organisations patronales et syndicales à une nouvelle formulation de leurs analyses, étant observé que l’accord est déjà réalisé entre partenaires sociaux sur l’objectif, s’il ne l’est pas sur les modalités ;

– un programme pluriannuel d’accueil des handicapés portant sur les années 1999-2003 prévoit la création de 8.500 places en CAT, 2.500 places en ateliers protégés et 5.500 places en maisons d’accueil spécialisé ; il doit mettre un terme au maintien de jeunes adultes en établissement d’éducation spécialisée et résorber les listes d’attente. La première phase d’application de ce programme représente un coût de 230 millions de francs pour les caisses d’assurance maladie et de 131 millions de francs pour l’État pour les 2.000 places en CAT. Le Gouvernement n’a pas encore examiné les conditions d’application des 35 heures dans ces centres.

 

M. Philippe Auberger a demandé à la Ministre si elle souscrivait aux prévisions de création d’emplois supplémentaires rendues publiques, lors de la présentation à la Commission du projet de loi de finances, le 9 septembre dernier. Il a souhaité savoir si ces chiffres prenaient en compte l’incidence de la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes. Constatant l’évolution, depuis un an, de la position gouvernementale, dorénavant favorable à la baisse des charges sociales sur les bas salaires, il s’est étonné que le Gouvernement ait paru surpris par les conclusions du rapport de M. Edmond Malinvaud, alors que celui–ci y avait tout simplement repris ses analyses habituelles en faveur d’un allégement de charges sur les seuls bas salaires. Il s’est enquis des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur l’embauche, et préconisé une baisse de la taxe sur les salaires, qui pénalise notamment le secteur de la santé et celui des assurances. Enfin, il s’est interrogé sur la cohérence de la prévision de croissance du revenu des ménages pour 1999, compte tenu de la moindre croissance de leur pouvoir d’achat et de la tendance générale des conventions conclues pour la réduction du temps de travail à stipuler la stabilisation des salaires sur trois ans.

 

M. Pierre Méhaignerie a estimé que les difficultés de certains secteurs à trouver la main d’oeuvre qui leur est nécessaire obligeait à s’interroger sur les moyens d’inciter au retour à l’emploi. Il a rappelé que, selon des études britanniques, un différentiel de 35 % entre revenu d’activité et revenu de substitution était la condition nécessaire d’une telle incitation, et que la législation danoise comportait une sanction en cas de refus de propositions d’emploi.

Il a dénoncé la contradiction de l’attitude du Gouvernement, qui allège la base salaires de la taxe professionnelle tout en refusant de poursuivre dans la voie de la franchise des charges sociales sur les bas salaires, estimant que ce choix n’était ni efficace ni équitable. Soulignant que l’allégement de taxe professionnelle, tel qu’il était conçu par le Gouvernement, apporterait une aide beaucoup plus considérable aux entreprises à forte valeur ajoutée qu’aux entreprises de main d’oeuvre à basses rémunérations, il s’est déclaré disposé à engager une concertation avec la Ministre pour travailler à des amendements qui corrigeraient ce défaut. Il a, par ailleurs, marqué son intérêt pour une simplification du régime d’incitation à l’aide à domicile, qui passerait par l’allégement des charges sociales plutôt que par la voie fiscale, et s’est interrogé sur les moyens de financer la médicalisation annoncée des maisons de retraite. Enfin, évoquant les différents contrats d’insertion – contrats emploi–solidarité, contrats emplois consolidés, contrats d’initiative emplois –, il a souhaité que soit laissée dans ce domaine une marge d’initiative plus grande aux régions et aux départements, y compris pour l’utilisation des enveloppes correspondant à chacun de ces contrats.

 

M. Jean-Pierre Delalande s’est référé aux propos de M. Claude Allègre qui, entendu la veille par la commission des Finances, avait déclaré ne pas envisager que le dispositif emplois-jeunes puisse être supprimé au ministère de l’Éducation nationale. Il a demandé si le financement budgétaire de ce renouvellement, au titre de l’embauche de prestataires, était prévu et si, à la sortie du dispositif, les jeunes employés sous ce statut ne risquaient pas de revendiquer le statut de la fonction publique ou, du moins, la pérennisation de leur situation dans de meilleures conditions. Il a rappelé qu’il avait proposé, pour un coût budgétaire identique, un statut de jeunes employés dans le secteur privé, rémunérés au SMIC sous contrat à durée déterminée d’un an, et déploré que cette solution n’ait pas été retenue. Convenant que le rapprochement entre charges sociales et valeur ajoutée avait un coût trop important pour les salaires compris entre le SMIC et 10.000 francs, il a évoqué à son tour les comportements de refus d’emploi liés au trop faible différentiel entre revenu d’activité et indemnité de chômage, et déploré qu’aucune mesure concrète ne soit prise en vue d’un allégement des charges sociales sur les bas salaires, alors même qu’un accord de principe existait sur ce point entre majorité et opposition. Il a demandé à la Ministre des précisions sur les relations qu’elle paraissait établir entre le gain résultant pour les entreprises de la diminution de la pression fiscale pesant sur elles et le financement d’éventuels allégements de charges sociales, concluant sur le caractère primordial de tels allégements dans une politique de relance de l’emploi.

 

M. Yves Cochet a interrogé la Ministre sur la possibilité de financer la réduction du temps de travail par la prise en compte du taux de marge des entreprises, qui s’est considérablement amélioré ces dernières années, sur l’évolution du nombre de bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité et, enfin, sur l’opportunité d’augmenter le plafond de l’avance remboursable créée par la loi relative à la lutte contre l’exclusion en faveur des chômeurs qui rachètent leur entreprise.

 

M. Jean-Jacques Jegou a regretté que les chômeurs ne ressentent pas assez la nécessité de reprendre un emploi. Il a indiqué, à titre d’illustration, que dans la commune dont il est maire, un dixième seulement des RMIstes se présentaient aux réunions pour l’emploi organisées par la mairie, et estimé qu’il fallait inciter à l’adoption une attitude plus responsable. Abordant ensuite le problème de la formation des emplois jeunes, il a suggéré la conclusion, à cette fin, d’une convention spécifique entre l’AFPA et les collectivités locales.

Répondant aux divers intervenants, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

– l’exercice de prévision est, par nature, un art difficile ; rien ne permet pour autant de mettre en cause la prévision de 249.000 emplois créés associée au projet de loi de finances, et de 40.000 emplois induits par la réduction du temps de travail. Cette prévision n’intègre pas les effectifs d’emplois-jeunes, considérés comme des emplois non marchands ;

– dans ses déclarations publiques, elle a toujours affirmé que le niveau excessif des charges sur les bas salaires posait problème, mais qu’en finançant le système de ristourne dégressive par une hausse de la TVA, M. Alain Juppé – il l’a d’ailleurs récemment reconnu – avait déprimé la consommation intérieure, et donc la croissance, et que le dispositif aurait sans doute un meilleur effet quand celle–ci repartirait. Au demeurant, la ristourne dégressive, dans sa conception d’origine, est une trappe à bas salaires ; c’est pourquoi il est nécessaire d’en revoir les règles de manière à aboutir à un système plus lissé ;

– il était demandé à M. Edmond Malinvaud d’évaluer les conditions du transfert de l’assiette des cotisations sociales sur la valeur ajoutée des entreprises ; il a saisi l’occasion qui lui était offerte pour réaffirmer ses positions de toujours favorables à la baisse des charges sur les bas salaires. Le principe de cette baisse est acquis, mais ses modalités précises restent à définir, notamment en ce qui concerne un éventuel élargissement de l’assiette et l’impact de la réforme sur les transferts entre des secteurs capitalistiques et des secteurs de main d’œuvre. Le financement de cette réforme ne fera pas intervenir de nouveaux prélèvements sur les ménages. Il n’appellera pas non plus un supplément de la contribution globale des entreprises ; si la réforme peut comporter une autre répartition des charges entre les secteurs d’activités et les entreprises, celles qui seraient amenées à contribuer davantage à ce titre ne verraient pas leurs prélèvements fiscaux et sociaux s’alourdir, compte tenu de la baisse de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle décidée par ailleurs.

En réponse à M. Jean–Pierre Delalande, Mme Martine Aubry a souligné qu’elle se fixait pour règle de ne pas commenter les propos tenus par d’autres ministres sur les affaires de leur département ministériel et qu’elle souhaitait, bien entendu, un traitement de réciprocité ; elle a ajouté que, par conséquent, elle ne se prononçait que sur les emplois–jeunes dont la gestion relevait de sa responsabilité, et non sur les emplois–jeunes du ministère de l’Éducation nationale ou d’autres ministères.

 

M. Jean–Pierre Delalande a, alors, objecté que la responsabilité globale de la politique des emplois–jeunes incombait bien à la ministre de l’Emploi et de la solidarité qui avait soutenu, devant le Parlement, la discussion du projet de loi instituant ces emplois.

 

La Ministre a encore apporté les précisions suivantes :

– l’augmentation prévisible de la masse salariale tient compte à la fois du retour au travail de nombreux salariés et de la moindre évolution du pouvoir d’achat liée au ralentissement de la croissance ;

– la question du manque de personnels qualifiés dans certains secteurs, comme le textile et l’habillement par exemple, qui ne bénéficient pas d’une image positive auprès des jeunes, est effectivement préoccupante. Le Gouvernement avait décidé de mettre au point une procédure de pré-recrutements en vue de sélectionner parmi les demandeurs d’emploi ceux qui étaient susceptibles de bénéficier d’une formation et de les orienter. Les modalités de cette procédure sont en cours de négociation ;

– pour les RMistes qui retrouvent un emploi, la véritable difficulté tient moins à l’accoutumance au statut d’assisté qu’à la peur de l’échec. Le cumul entre la rémunération d’activité et le RMI donne aux intéressés l’assurance de ne pas subir de perte de ressources. En 1992, la loi avait institué un contrôle des demandeurs d’emplois, prévoyant leur radiation des listes de l’ANPE en cas de refus de deux offres d’emplois ou de formation ; l’application de cette loi montre qu’elle ne touche que des cas marginaux (environ 15.000 personnes par mois), mais l’existence de ce contrôle est importante pour les autres chômeurs. Des instructions ont été données aux directions départementales du travail pour favoriser, en liaison avec les conseils généraux et les commissions locales d’insertion, le retour à l’emploi des RMistes qui bénéficient de ce revenu depuis sa création, c’est-à-dire environ 10 % des inscrits. Après évaluation de la situation de ces personnes, une aide adaptée à leurs besoins leur sera proposée, par exemple sous la forme d’un CES ou d’une formation en vue d’un retour à l’emploi. Le fait d’aller à la rencontre de ces personnes et de les accompagner dans leurs démarches est un élément essentiel de renforcement de la lutte contre les exclusions ;

– la globalisation des crédits pour les mesures–emploi accordés aux départements est de nature à permettre une utilisation de ces crédits adaptée à la situation réelle des personnes susceptibles d’en bénéficier ;

– il n’est pas acceptable qu’au moment d’entrer dans des maisons de retraite médicalisées ou qui se prétendent telles, les personnes âgées ne puissent connaître à l’avance la nature des prestations auxquelles elles pourront prétendre. La réforme de la tarification permettra la clarté dans ce domaine. Il a été demandé à la Caisse nationale d’assurance maladie de sanctionner les pratiques de certains établissements où les consultations accélérées de nombreux résidents par un généraliste sont assimilées abusivement à l’existence d’une prestation médicalisée. Un problème identique se pose pour la prise en charge de la dépendance. Dans les deux cas, il est fait appel à de véritables métiers dont le financement est, en principe, assuré par le biais du prix de journée ; il est donc indispensable d’introduire davantage de rigueur et de transparence en vue de garantir un réel service de médicalisation ;

– les emplois-jeunes ont permis de répondre à des besoins nouveaux qui n’étaient jusqu’alors pas solvabilisés ; on a assisté à une montée en charge du dispositif, certes lente au début, mais qui s’est révélée de qualité. La préoccupation du ministère porte désormais sur la pérennisation du système, à laquelle de nombreux jeunes bénéficiaires ont d’ailleurs spontanément réfléchi, et sur la formation des intéressés. Des conventions ont été signées avec différents réseaux associatifs en vue de déterminer des nouvelles grilles de métiers et de qualifications correspondant aux compétences qui étaient apparues grâce à ces emplois ; un travail de programmation de formations adaptées à ces nouveaux métiers est en cours. Des crédits sont inscrits dans le budget de l’État afin de favoriser la mise en place de plates-formes d’ingénierie pour ces formations ; certains conseils généraux participent à leur fonctionnement ;

– l’aide de l’État aux entreprises s’engageant dans la réduction du temps de travail permet une compensation totale de son coût pour les emplois rémunérés jusqu’à un Smic et demi. 20 % des entreprises de moins de vingt salariés ont signé, à ce jour, des accords, montrant bien ainsi l’intérêt qu’elles pouvaient trouver à cette aide. Une modification des modalités d’aide au financement de la réduction du temps de travail pour les entreprises n’est donc pas actuellement envisagée ;

– la projection des évolutions de ces derniers mois conduisait à évaluer le nombre de bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité à 430.000 personnes en 1999 contre 480.000 aujourd’hui ;

– le décret d’application relatif à l’aide aux chômeurs reprenant l’activité d’une entreprise prévoit effectivement une avance remboursable d’un montant de 40.000 francs pour une initiative individuelle et 180.000 francs pour une reprise d’activité. Si l’expérience révèle l’insuffisance de ce dernier montant, sa révision pourra être mise à l’étude. Mais l’effort actuellement consenti n’est pas négligeable.

 

M. Bernard Kouchner, Secrétaire d’État à la Santé, a ensuite présenté les principales évolutions du budget consacré à la Santé pour 1999. Il a indiqué que ce budget s’élevait en 1999 à 3.792 millions de francs, ce qui constitue une augmentation par rapport à 1998 de 0,3 % et de 3,6 % à structure constante. Il a souligné qu’il s’articulait autour de quatre priorités.

Au titre de la lutte contre les exclusions, il a cité la mise en œuvre de programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (250 millions de francs) destinés à coordonner les acteurs de l’accueil et de la dispensation des soins aux personnes en situation de grande précarité, confrontés à des pathologies spécifiques. Il a ajouté que l’accent serait également mis sur le soutien aux équipes de psychiatrie ainsi qu’aux lieux d’écoute pour les publics d’accès difficiles.

S’agissant, en second lieu, de la lutte contre les maladies infectieuses et la toxicomanie, il a fait état d’une ouverture de crédits de un milliard de francs, réparti sur les chapitres 47-15 (Programmes et dispositifs de lutte contre la toxicomanie) à hauteur de 815 millions de francs et 47-16 (Action interministérielle de lutte contre la toxicomanie) à hauteur de 236 millions de francs ; la compétence de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie est élargie aux drogues légales qui sont l’alcool et le tabac. Il a annoncé qu’une mesure nouvelle de 16 millions de francs était inscrite dans le budget pour 1999, afin de lancer une campagne de dépistage de l’hépatite C, qui touche entre 600.000 et 800.000 personnes en France et de mettre en réseau des établissements afin d’apporter une réponse thérapeutique adaptée aux personnes atteintes de cette maladie.

Abordant, en troisième lieu, l’organisation du système de soins, il a cité les mesures suivantes : 791 millions de francs destinés aux actions de formation des professionnels de santé, avec la reconduction des dotations accordées aux écoles de formation des sages-femmes et des professions para-médicales ; 107,7 millions de francs prévus pour les agences régionales de l’hospitalisation dans lesquelles travaillent 222 personnes, 26 directeurs et 46 agents ; la programmation quinquennale du financement du Fonds d’intervention pour la modernisation des hôpitaux avec, dès 1999, une ouverture de 250 millions de francs en autorisations de programme et 150 millions de francs en crédits de paiement ; la création d’unités hospitalières sécurisées ainsi que le financement particulier prévu pour les services de santé des TOM et de Mayotte d’un montant de 179 millions de francs.

Traitant, en dernier lieu, de la veille et du contrôle de la sécurité sanitaire, M. Bernard Kouchner a fait état de la création de trois nouvelles agences chargées de la sécurité des produits de santé et des produits alimentaires qui bénéficieront de subventions à hauteur de 338 millions de francs, contre 296 millions de francs en 1998 avec une provision de 80 millions de francs.

Le Secrétaire d'État a enfin précisé que la subvention à l’École nationale de la Santé publique s’élèverait à 65 millions de francs.

 

M. Gilbert Mitterrand, Rapporteur spécial des crédits de la Santé, après avoir appelé l’attention du Ministre sur l’importance d’une réponse dans des délais convenables à son questionnaire budgétaire, a demandé quelle était la part des moyens nouveaux et celle des transferts dans les dotations accordées en 1999 aux trois nouveaux établissements s’occupant de sécurité sanitaire : l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l’Institut de veille sanitaire. Puis, faisant part de son inquiétude sur l’état d’avancement de la mise en place du fonds d’aide à l’adaptation des établissements hospitaliers créé en 1998 et doté dans la loi de finances initiale pour 1998 de 500 millions de francs en crédits de paiement et de 150 millions de francs en autorisations de programme, il s’est interrogé sur le niveau de consommation actuelle des crédits destinés à financer ce fonds ainsi que sur le caractère effectif des mesures prises en charge par le fonds d’accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux, créé par la dernière loi de financement de la sécurité sociale et doté de 300 millions de francs. Il s’est demandé si des moyens suffisants avaient été accordés à l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) dont 1999 serait la première année pleine de fonctionnement. Il s’est enquis de l’état de la réalisation des 32 programmes de prévention des risques annoncés en 1998 et des orientations correspondantes en 1999. Il a souhaité des précisions sur l’informatisation du système de santé et sur l’extension de la carte Sésame Vitale, ainsi que sur la relance du marché des produits génériques, qui appelle une consécration législative du pouvoir de substitution et une intervention du législateur sur la promotion et la vente directe des médicaments.

 

M. Yves Cochet a demandé au Ministre si la création d’une agence chargée d’étudier les liens entre la santé et l’environnement, qui faisait actuellement l’objet d’une mission confiée à Mme Odette Grzegrzulka et à M. André Aschiéri, rencontrait son accord, et si des crédits budgétaires étaient prévu, à cet effet, dès 1999.

Répondant aux intervenants, M. Bernard Kouchner a apporté les précisions suivantes :

– l’Institut de veille sanitaire bénéficiera de transferts de crédits inscrits en 1998 au titre du Réseau national de santé publique à hauteur de 27,4 millions de francs et de moyens nouveaux à hauteur de 35,819 millions de francs. Ces crédits permettront d’assurer la montée en charge de cet établissement ainsi que la poursuite des programmes décidés en 1998, tels que l’étude de l’hépatite C, la résistance aux antibiotiques ou encore la surveillance du cancer du sein ou les maladies et traumatismes professionnels. Le projet de budget prévoit la reprise de personnels de l’ancien Réseau national de santé publique, le transfert de neuf agents d’État travaillant pour le Centre européen d’épidémiologie et un recrutement supplémentaire de 15 personnes ;

– les moyens de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) s’élèveront en 1999 à 55 millions de francs au titre du budget de la santé, à 3,5 millions de francs au titre du budget du travail ;

– l’Agence française de sécurité alimentaire bénéficiera d’une dotation de 35 millions de francs, provenant à part égale du ministère de l’agriculture, du ministère de la santé, et des crédits de la direction générale de la concurrence du ministère de l’économie ;

– la mise en place du fonds d’investissement pour la modernisation des hôpitaux avait entraîné le dépôt de 91 dossiers auprès des directeurs des agences régionales de l’hospitalisation. La sélection définitive du projet retenu s’est faite, après un premier tri, sur trois critères : l’existence d’un avant-projet sommaire prêt à être appliqué rapidement, la présentation d’une restructuration effective de l’établissement, un réaménagement portant sur l’ensemble de la structure de l’établissement. Sur les 46 opérations déjà agréées, 8 concernent la mise en place d’une complémentarité entre des établissements privés et publics (pour 112 millions de francs), 7  des opérations de regroupement d’établissements privés (pour 130 millions de francs), 10 concernaient la fusion d’hôpitaux privés et publics (pour 72 millions de francs), 12 des établissements de prise en charge de la santé mentale (pour 50 millions de francs) et 9 des opérations de restructuration internes d’hôpitaux publics (pour 135 millions de francs). Le texte instituant le fonds d’accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux, créé pour cinq ans à partir du 1er janvier 1998, a été soumis au Conseil supérieur de la Fonction publique hospitalière et aux organisations syndicales qui ont donné leur accord. Il doit être désormais soumis à la Caisse nationale d’assurance maladie, notamment pour le personnel non médical, avant d’être transmis au Conseil d’État ;

– le budget de 100 millions de francs accordé, en 1999, à l’ANAES devrait lui permettre de disposer des moyens en personnel et en matériel suffisants pour développer son action de classification des établissements hospitaliers. L’écho rencontré par la publication, dans la presse, de classements privés des hôpitaux établis sur la base des données brutes produites par le ministère de la Santé, a montré la nécessité, pour asseoir l’autorité de l’Agence, d’une intervention rapide et efficace dont la récente édition d’un guide de référence constitue un premier témoignage ;

– en dépit des craintes manifestées par certaines organisations, la télétransmission des feuilles de soins, première étape pour l’utilisation de la carte Sésame Vitale, a commencé et près de 60 % des praticiens se sont engagés à informatiser leurs cabinets. La mise en place dans une seconde étape, du Réseau santé social commencera en octobre prochain, sous la surveillance d’une commission présidée par M. Christian Babusiaux, comportant la mise à disposition des médecins de logiciels d’aide au diagnostic, d’aide à la prescription, de classification des médicaments complémentaires ou incompatibles ; elle facilitera la responsabilisation de l’ensemble des professionnels de la santé. Compte tenu du décalage constaté dans la réalisation de l’opération, les crédits inscrits en 1998 et en 1999 suffiront à financer la mise en place du nouveau système. Seule, la mise en oeuvre de la carte Sésame Vitale 2 intégrant la transmission des dossiers des malades nécessiterait des crédits supplémentaires ;

– la substitution automatique par les pharmaciens des médicaments génériques aux médicaments princeps, sauf indication expresse contraire du médecin prescripteur, est prévue par le projet de loi de financement de la sécurité. Plus de la moitié des médicaments princeps actuellement disponibles en France, peuvent être remplacés par des génériques qui sont en moyenne 35 % moins chers ; l’économie nationale résultant de cette substitution peut être évaluée à 4 milliards de francs. Les premières réactions des médecins paraissent positives. La difficulté de la réforme de la promotion des médicaments est illustrée par le contraste entre le coût de la formation médicale continue des médecins assurée par les laboratoires pharmaceutiques soit 2,7 milliards de francs, et l’effort budgétaire de l’État soit 300 millions de francs, qui oblige, en conséquence, les pouvoirs publics à faire un effort particulier pour sortir du dilemne. Une taxation de la promotion à hauteur de 10 % pour financer des actions de recherche, pourrait être une piste. Par ailleurs, des économies pourraient être réalisés en réduisant le nombre quotidien de livraisons des grossistes répartiteurs de médicaments ;

– l’étude des rapports entre santé et environnement dans l’action des pouvoirs publics est rendue particulièrement complexe par la multiplicité des administrations et des intervenants impliqués. Il faut en tout cas éviter de mêler idéologie et santé publique ; à défaut, on fait naître des peurs illégitimes, dont certaines sont liées à l’environnement. Une démarche de rigueur et de distance est bien préférable. On ne peut, de toute manière, préjuger les conclusions du rapport de Mme Grzegrzulka et de M. Aschiéri, qui ne concluront pas nécessairement en faveur de la création d’une Agence.

 

Mme Nicole Péry, Secrétaire d’État à la formation professionnelle, a tout d’abord précisé qu’en s’établissant à 26 milliards de francs, dont 7,8 milliards de francs pour la dotation de décentralisation et 18 milliards de francs pour le financement proprement dit de la formation professionnelle, les crédits de la formation professionnelle inscrits au projet de budget pour 1999 augmentaient de 5,3 %. Elle a fait part de son intention de procéder à un diagnostic complet des circuits de financement de la formation professionnelle, à la lumière des travaux parlementaires réalisés dans ce domaine, dont elle a relevé la tonalité généralement critique. Elle a fait part de la convergence de ses préoccupations avec les observations présentées, lors des débats du Parlement, sur l’inefficacité de certains modes de gestion ou l’immobilisation de certains fonds. Elle a rappelé que le budget de la formation professionnelle s’inscrivait dans des moyens de financement plus vastes, d’un total de 138 milliards de francs, partagés entre l’État (56,1 milliards de francs), les entreprises (55 milliards de francs), les collectivités locales (13 milliards de francs) et d’autres organismes comme l’UNEDIC (14,1 milliards de francs).

S’agissant de l’apprentissage, la Ministre a indiqué que le dispositif de collecte n’avait guère été affecté par la loi quinquennale et qu’elle réfléchissait aux moyens d’en améliorer l’efficacité. Elle a considéré qu’il était temps de s’attaquer aux inégalités observées dans les moyens de financement affectés aux centres de formation d’apprentis (CFA). Elle a indiqué qu’une étude récente montrait que le coût moyen annuel d’un apprenti variait sensiblement selon le secteur d’activité et le niveau de formation. Elle a attribué à l’absence de lien financier direct entre l’entreprise et les CFA ces inégalités.

Elle a précisé que, pour les formations en alternance, qui constituent la priorité du budget de la formation professionnelle, 130.000 nouveaux contrats de qualification et 230.000 nouveaux contrats d’apprentissage étaient prévues pour un effort budgétaire respectif de 2,95 et 9,25 milliards de francs. Elle a ajouté que les contrats de qualification, en progression de 13,8 % au cours des huit premiers mois de l’année 1998, connaissaient une augmentation constante, et relativisé la moindre évolution (+ 1,8 %) des contrats d’apprentissage au cours de la même période en rappelant que la conclusion de ces contrats suivait le rythme de l’année scolaire. Elle a fait état avec satisfaction des résultats d’une étude récente de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère selon laquelle, au terme de leur contrat de qualification, 61,8 % des jeunes avaient obtenu un diplôme ou une validation de leur formation, et que les deux tiers d’entre eux occupaient un emploi. Après avoir fait observer qu’en 1997 les jeunes suivant une formation de niveau 5 ou de niveau inférieur, ne représentaient que 43,5 % des entrées dans le dispositif, elle a indiqué que le Gouvernement avait décidé de recentrer les primes versées aux contrats de qualification et d’apprentissage sur les publics les plus défavorisés.

Elle a, d’autre part, attiré l’attention sur l’inégalité de l’accès à la formation, les dernières statistiques montrant que les femmes, les salariés des petites entreprises et les salariés peu qualifiés accédaient beaucoup plus difficilement à la formation professionnelle. Elle a déclaré que le Gouvernement avait pour ambition de rendre l’accès à la formation plus égalitaire et plus ouvert afin d’en faire un facteur de progrès personnel et de performance professionnelle.

 

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial des crédits de la Formation professionnelle, a félicité la Ministre pour son investissement personnel dans un domaine dont l’approche est rendue difficile par la complexité des circuits de financement et l’intervention croisée de nombreux partenaires (État, collectivités locales, etc.). Il a mentionné à ce propos le fonds de péréquation de l’apprentissage, créé à son initiative, qui ne faisait que produire ses premiers fruits. Il s’est déclaré très réservé à l’égard du recentrage des primes aux contrats d’apprentissage sur les formations des niveaux inférieurs dont il a craint qu’il donne une image négative de l’apprentissage. Il a, d’autre part, demandé quelle dynamique le Gouvernement entendait donner à l’AFPA, notamment par son rapprochement avec l’ANPE. Il a préconisé, non une régionalisation de l’Agence, mais la négociation, en vue d’une meilleure efficacité des actions, de contrats d’objectif au niveau régional. Il a, enfin, interrogé la Ministre sur le calendrier des mesures prévues pour le développement de la formation continue des salariés tout au long de leur vie active.

Faisant état de l’expérience de plusieurs pays étrangers qui, en ouvrant leurs universités le soir et l’été, facilitaient l’accès à la formation et permettaient ainsi de véritables promotions, M. Pierre Méhaignerie a estimé qu’à défaut de recourir à un tel système, le Gouvernement n’obtiendrait jamais des résultats convenables pour un coût limité.

 

Mme Nicole Péry a indiqué que le Gouvernement, en recentrant les primes sur les formations de niveaux inférieurs, souhaitait renforcer le rôle de l’alternance dans l’insertion des jeunes au sein du monde du travail. Elle a minimisé l’impact de la mesure sur les entreprises, faisant valoir qu’en comparaison avec les autres aides directes et les exonérations qui sont maintenues, le montant de la prime d’ailleurs versée en une seule fois (6.000 francs) ne lui paraissait pas déterminant pour l’avenir des contrats en alternance. Elle a, par ailleurs, annoncé qu’elle réfléchissait sur la possibilité de faire accéder les salariés à la formation professionnelle tout au long de leur vie, et qu’elle serait en mesure de communiquer au Parlement, dès le début du mois de novembre 1998, le résultat de cette réflexion, les éventuelles modifications législatives ne pouvant intervenir qu’après une indispensable concertation interministérielle. Elle a, enfin, rappelé que l’élargissement des horaires d’ouverture des universités était une des préoccupations du ministre de l’Éducation nationale, qui avait d’ailleurs conduit, cet été, des expériences en ce sens.

 

Mme Martine Aubry a ajouté que l’AFPA allait signer prochainement un nouveau contrat de progrès recentrant son action sur les plus démunis, en décidant notamment de former, en liaison avec l’ANPE, des chômeurs de longue durée. Elle a constaté qu’en concentrant le financement de l’apprentissage sur les formations de haut niveau, certaines régions avait privilégié les actions les plus valorisantes, et oublié les plus démunis, notamment les jeunes rencontrant des difficultés à réussir dans le système scolaire.

A M. Raymond Douyère qui suggérait que l’AFPA puisse intervenir directement sur les chantiers pour y dispenser des formations au bénéfice de personnes en insertion professionnelle, Mme Martine Aubry a précisé que la réglementation actuelle ne prévoyait pas le type de formation suggéré mais qu’elle prenait bonne note de cette proposition.

 

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