Assemblée nationale
COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 1998-1999 - 42ème jour de séance, 108ème séance
1ère SÉANCE DU JEUDI 3 DÉCEMBRE 1998
PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT
vice-président
SOMMAIRE :
RÉGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET 1995 (deuxième lecture) *
ART. 15 *
COLLECTIF 1998 *
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ *
QUESTION PRÉALABLE *
ANNEXE ORDRE DU JOUR *
La séance est ouverte à quinze heures.
RÉGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET 1995
(deuxième lecture)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du
projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le
Sénat a modifié, le 29 octobre, l'article 15 du projet relatif au transport
aux découverts du Trésor de l'écart d'intégration des CCP.
La Cour des comptes a relevé, en 1993, une disparité dans les
modalités de comptabilisation des dépôts CCP entre les comptes de la Poste et ceux de
l'Etat, à la suite de la clôture du budget annexe des PTT et de la création de
l'exploitant public autonome, la Poste, le 1er janvier 1991.
Le compte de la Poste au Trésor figurant au passif du bilan de l'Etat
est, en effet, présenté comme la contraction d'un crédit correspondant aux dépôts des
fonds, CCP et d'un débit d'un montant de 18 milliards de francs, figurant dans un
sous-compte intitulé "Ecart d'intégration des dépôts des CCP, ex-budget annexe
des PTT". Du coup, le montant du compte de la Poste figurant au passif de l'Etat ne
correspond pas à celui figurant en pied de bilan de la Poste.
Cette situation résulte du déficit structurel de la branche postale
du budget annexe des PTT. En exécution, ce besoin de financement de l'exploitation était
assuré non seulement par le recours à l'emprunt mais aussi par un mécanisme pouvant
s'assimiler à des avances du Trésor.
Lors de la clôture du budget annexe, le bilan de la branche postale
affichait donc une situation nette négative. Malgré la réévaluation de l'actif
transféré à la Poste, la reprise de l'écart d'intégration au passif aurait conduit à
créer le nouvel exploitant public avec des fonds propres à l'origine fortement
négatifs. Il n'a donc pas été retranscrit dans le bilan d'ouverture de la Poste et a
été isolé, au sein des comptes de l'Etat, dans le sous-compte "Écart
d'intégration des dépôts des CCP" mentionné précédemment.
Cette présentation comptable a été jugée par la Cour des comptes
non compatible avec l'exigence d'une présentation sincère et cohérente des comptes de
l'Etat et de la Poste. La Cour a donc appelé les gouvernements successifs à y remédier.
Tel est l'objet de la mesure proposée, qui met en cohérence les
comptes de l'Etat et de la Poste en constatant une perte de trésorerie de
18 milliards dans les comptes de l'Etat.
Il est précisé que la dette publique, calculée selon les règles
servant à l'appréciation des critères de convergence définis par le traité de
Maastricht et notifiée à la Commission européenne, intègre déjà le montant des
dépôts CCP figurant au bilan de la Poste. La mesure n'a donc aucun impact sur les
statistiques de la comptabilité nationale et n'affecte en rien nos engagements
européens.
Le Sénat a cru devoir adopter un amendement diminuant à compter du
1er janvier 1996 le montant des avoirs des CCP rémunérés par l'Etat de
18 milliards de francs. Or le patrimoine de la Poste découle de son bilan
d'ouverture défini, conformément à la loi du 2 juillet 1990, par l'arrêté du
13 octobre 1992. Depuis la création de l'exploitant public, les avoirs des
déposants des CCP sont identiques dans les comptes de la Poste et dans les comptes de
l'Etat.
Dans ces conditions, la rémunération de la Poste est strictement
conforme aux dispositions définies par la loi.
Du point de vue juridique, comptable ou de l'opportunité financière,
il n'est ni fondé, ni légitime de revenir sur la rémunération de la Poste depuis 1991.
J'ajoute que le taux de rémunération des avoirs déposés par la
Poste est fixé, conformément à la loi, par le contrat de plan conclu entre l'exploitant
public et l'Etat.
La formule de rémunération actuellement en vigueur, qui indexe la
rémunération de la Poste sur le taux des bons du Trésor sur formules à
13 semaines, a été arrêtée en 1994 par le gouvernement de l'époque, dans le
cadre de la préparation du contrat de plan 1995-1997. Elle a été reprise dans le
contrat de plan conclu en juin dernier pour la période 1998-2001, en fixant un
taux-plancher de 4,75 % en application des dispositions de la loi du
2 juillet 1990 dont l'article 16 stipule que la rémunération des fonds des CCP
déposés au Trésor doit atteindre "un niveau au moins égal" au coût de
collecte de ces fonds "en tenant compte des gains de productivité obtenus".
Le Gouvernement se prononce, en conséquence, pour un retour au texte
initialement adopté par l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du
groupe socialiste).
M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des
finances - Le Sénat ayant modifié son article 15, ce texte revient
donc devant nous en deuxième lecture, ce qui est peu courant s'agissant d'un projet de
loi de règlement. Un tel approfondissement de l'examen de ce type de projet peut être
l'occasion d'un meilleur contrôle parlementaire. Toutefois, le sujet soulevé par le
Sénat ne pose pas réellement problème.
Celui-ci a adopté un amendement présenté par M. Yves Fréville,
visant à diminuer de 18,16 milliards la base de rémunération des avoirs aux
comptes chèques postaux déposés par la Poste auprès du Trésor.
Compte tenu de la nature très technique des dispositions en
discussion, je reviendrai sur l'origine de l'écart d'intégration des dépôts des
comptes chèques postaux de l'ex-budget annexe des PTT et sur son traitement comptable.
Sous le régime du budget annexe des PTT, la branche postale était en
déficit structurel. En l'absence d'une gestion distincte des flux de trésorerie, des
prélèvements sur les avoirs des CCP ont été opérés pour couvrir les besoins de
financement courants de l'exploitation, ce qui pouvait s'assimiler à des avances du
Trésor.
Lors de la transformation de la Poste en exploitant public autonome au
1er janvier 1991, une commission a été chargée de procéder à l'identification et
à l'évaluation définitive des éléments d'actifs et de passif constituant le
patrimoine d'origine de l'établissement. Il est alors apparu que l'écart entre le
montant crédité dans les écritures du Trésor au titre des dépôts des CCP et les
écritures de la Poste atteignait 18,16 milliards de francs. Cette perte pouvait être
imputée soit sur les comptes du nouvel exploitant public, soit sur les écritures du
Trésor. Il a été décidé de faire supporter cette charge à l'Etat, afin de ne pas
compromettre la situation financière de départ de la Poste. Dans le cas contraire,
l'exploitant public aurait, en effet, présenté un bilan d'ouverture faisant apparaître
des capitaux propres négatifs, ce qui n'était guère envisageable.
C'est donc moins la prise en charge de la perte par l'Etat que le
traitement comptable de cette décision dans les écritures du Trésor qui a fait l'objet
de critiques de la part de la Cour des comptes.
Ce traitement comptable a deux conséquences peu conformes à
l'orthodoxie financière : d'une part, un écart de 18,6 milliards existe entre
les comptes de l'Etat et ceux de la Poste, au titre des avoirs CCP en dépôt au
Trésor ; d'autre part, cet écart, qui constitue une perte, n'est pas enregistré
comme telle dans les comptes de l'Etat, contrairement à la règle de non-compensation
entre éléments d'actifs et de passif. Cela affecte donc la transparence en matière de
rémunération versée à la Poste pour le dépôt au Trésor des encours collectés sur
les CCP. En effet, selon la loi du 2 juillet 1990, la Poste dépose au Trésor les
fonds des comptes courants postaux et la rémunération de ce dépôt ne peut être
actuellement inférieure à un taux plancher de 4,75 %. Or "l'assiette" de la
rémunération n'apparaît pas dans son intégralité dans les écritures du Trésor.
Parallèlement, depuis 1993, le compte 427 supporte en débit 18,16 milliards de francs.
En réduisant l'"assiette" de la rémunération de ce
montant, l'amendement du Sénat revient sur un arbitrage désormais ancien relatif au
patrimoine d'origine de la Poste, établissement public, ayant conduit à faire peser la
perte constatée de l'administration postale sur les comptes de l'Etat.
Cet amendement aurait pour l'exploitant public de lourdes conséquences
financières. L'objet du présent article est d'apurer une situation comptable
insatisfaisante relevant de l'Etat et dont le traitement a été différé d'année en
année, sans que la Poste ait une quelconque responsabilité sur ce point.
Le transport en augmentation des découverts du Trésor, proposé par
l'article 15 dans sa rédaction initiale, permet de constater définitivement la
perte, restée "latente" depuis 1993, et de rétablir la concordance entre les
écritures du bilan de la Poste et celles du Trésor.
Il convient donc de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale
en première lecture.
M. Jean-Jacques Jegou - Permettez-moi de revenir sur cette
affaire de comptes chèques postaux, sur ce "petit lézard" découvert par notre
ancien collègue Yves Fréville, aujourd'hui sénateur. Chacun sait que des prélèvements
étaient opérés sur les CCP pour financer le déficit structurel de la branche postale
du budget annexe des PTT. Lorsque la Poste est devenue autonome, on a découvert un écart
d'un peu plus de 18 milliards entre les écritures du Trésor et celles de la Poste.
Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1994, la Cour des comptes a
révélé l'existence d'un sous-compte 427-9 "Écart d'intégration des dépôts des
CCP de l'ex-budget annexe des PTT" justement débité de ces 18,16 milliards.
L'article 15 de ce projet avait donc pour but d'apurer ce sous-compte
en transportant aux découverts du Trésor le montant du sous-compte 427-9, ce qui revient
à transformer l'avance de trésorerie en dépense définitive, ou plus précisément, en
subvention de l'Etat à la Poste, qui plus est rémunérée à 4,75 % l'an, de quoi
faire dresser l'oreille aux marchés financiers...
Or, comme l'a dit le sénateur Charasse, qui connaît également bien
ces questions, "à partir du moment où cette somme est transformée en subvention,
les intérêts ne peuvent plus être versés".
Tel était finalement l'objet de l'amendement de M. Fréville,
adopté par le Sénat et que notre assemblée devrait également voter.
Un mot, enfin, à propos des marchés financiers. Après avoir noté la
hausse de 2,6 % du CAC 40, qui réjouira chacun d'entre nous, une dépêche de
l'AFP évoque une baisse des taux.
M. Christian Cuvilliez - C'est exact.
M. Jean-Jacques Jegou - Peut-on continuer à rémunérer à
4,75 % la subvention à la Poste que je viens d'évoquer alors que la Bundesbank a
réduit son taux de prise en pension de 3,30 à 3 % et que la Banque de France a fait
de même pour son taux d'appel d'offres ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)
M. Jacques Desallangre - L'examen de ce projet présente
comme intérêt l'examen de la disposition introduite par le Sénat relative aux
prétendus milliards fantômes de la Poste. Il nous faut mettre fin à cette tentative de
coup médiatique, qui fait un flop, mais qui avait pour objet d'embarrasser le
Gouvernement, qui est pourtant le premier depuis 1992 à régulariser le compte
"Écart d'intégration des départs des comptes chèques postaux de l'ex-budget
annexe des PTT", et de porter préjudice à la Poste à l'heure où celle-ci doit
continuer à remplir ses missions de service public tout en s'adaptant à la concurrence
européenne.
Un rapide historique mettra en exergue l'impéritie de nos collègues
sénateurs. Avant d'obtenir la personnalité juridique, la Poste, comme d'ailleurs France
Télécom, relevait du budget de l'Etat et bénéficiait depuis 1923 d'un budget annexe.
Le poids des sujétions de service public, notamment la présence postale en tout point du
territoire, entraînait un déficit d'exploitation structurel.
Mais ces sujétions avaient un coût intégralement couvert par les
recettes provenant de l'exploitation, le prix unique du timbre permettant la péréquation
mais ne couvrant pas la totalité des coûts d'acheminement. Le budget général de l'Etat
participait donc directement au financement de ce service public bénéficiant par
ailleurs également des excédents d'exploitation de l'activité télécommunication.
Cette participation du budget général au budget annexe était
toutefois insuffisante et le déficit structurel connu de tous s'élevait à plus de
13 milliards entre 1970 et 1979 et à plus de 7 milliards entre 1980 et 1990. Les
budgets faisaient clairement apparaître ce déficit qui devait être couvert par des
emprunts ou par un financement déterminé. Le Parlement, qui votait ces budgets a donc sa
part de responsabilité dans cet imbroglio comptable. La Poste devait-elle pour autant
cesser de remplir ses missions, ne plus respecter le principe d'égalité des usagers,
diminuer la qualité de son service ? Les gouvernements de droite comme de gauche ont
judicieusement refusé cette solution. Mais dès lors, où trouver les fonds ?
L'Etat a opéré des prélèvements sur les avoirs CCP pour couvrir les
besoins de financement courant de ses services, ce qui fut rendu possible par l'unicité
du circuit de trésorerie du budget annexe. Cette pratique fort contestable et ne
répondant pas au principe de présentation sincère du budget n'a pourtant autant jamais
fait courir le moindre risque aux épargnants ayant déposé leurs fonds auprès de la
Poste. En effet, celle-ci ne possédant pas de personnalité juridique propre, l'Etat, qui
est toujours solvable, était directement responsable des avoirs déposés par les
particuliers et les entreprises.
Lors de la réforme du statut par la loi du 2 juillet 1990, la Poste
est devenue un établissement public industriel et commercial bénéficiant ainsi d'une
personnalité juridique propre, donc d'une plus grande autonomie, notamment financière,
et d'un patrimoine. Cette réforme impliquait une évaluation des éléments d'actifs et
de passifs composant le patrimoine de cette nouvelle entité et une commission fut
constituée à cet effet.
Lors de la clôture du budget des postes et télécommunications, un
écart de 18,16 milliards apparut entre le montant des avoirs des CCP et celui
effectivement mis à la disposition du Trésor. Le Gouvernement aurait pu alors
considérer ces 18 milliards comme une dette de l'entité juridique nouvellement créée,
ce qui semblait peu justifié car l'attitude de l'Etat qui n'avait pas suffisamment
financé sa propre administration en était à l'origine. De plus, la nouvelle institution
n'aurait pas été viable, incapable dès lors de supporter un patrimoine négatif, avec
37 milliards d'immobilisations et 53 milliards de dettes à moyen et long termes. La
seconde solution envisageable était de considérer que le nouvel établissement public
devait certes reprendre l'actif et le passif mais non être tenu pour responsable des
problèmes de financement de l'Etat, l'écart de 18,2 milliards étant assimilé à une
avance faite par le Trésor.
C'est cette seconde solution qui fut retenue en 1992, car elle seule
garantissait la pérennité du service public. Depuis la clôture du budget annexe, le
montant des fonds CCP reçu de la Poste par le Trésor correspond exactement à ce qui
figure au bilan de la Poste. Néanmoins, il aurait été nécessaire que le Gouvernement
clarifie et régularise comme il le fait aujourd'hui cet écart d'intégration. La
décision d'apurement ne fut pas prise en 1992 car se posait alors la question des
critères de convergence imposés par le traité signé à Maastricht. Ce retard fut fort
justement relevé par la Cour des comptes qui, dans son rapport sur l'exécution de la loi
de finances pour 1994, le qualifiait de perte et précisait que la non-inscription de
cette perte dans les comptes de l'Etat portait atteinte au principe de présentation
sincère et cohérente des comptes de l'Etat. C'est ce qui a conduit le présent
gouvernement à prendre ses responsabilités et à régulariser une situation léguée par
ses prédécesseurs.
L'opposition choisit donc la facilité en dénonçant aujourd'hui une
hypothétique dissimulation. La CSSPPT comme tous les gouvernements de 1970 à 1995
avaient une connaissance précise de ces pratiques contestables et cet écart se
retrouvait dans les rapports sur la gestion financière et la marche des services du
budget annexe, réglementairement publiés au Journal officiel.
Les dispositions introduites par le Sénat visant à ne plus
rémunérer les fonds CCP déposés à hauteur de 18,2 milliards par la Poste auprès
du Trésor se fonde sur une interprétation erronée. Il est en effet inexact que le
montant des fonds rémunérés et des fonds effectivement déposés fasse toujours l'objet
d'un écart. La carence en trésorerie imputable aux gestions des années 1970 à 1991 fut
intégralement transférée sur un compte séparé, rétablissant ainsi l'identité des
comptes CCP entre la Poste et le Trésor.
Cette proposition est en outre incohérente car les sénateurs ont
voté le premier alinéa de l'article 15 qui révèle précisément que l'écart de
18 milliards était depuis 1992 transféré sur un compte distinct, il y a bien
depuis cette date identité des écritures comptables entre la Poste et le Trésor.
L'Assemblée saurait donc voter cet article 15 en l'état.
Cette disposition serait en outre désastreuse pour la Poste qui aurait
à reverser dès 1998 2,6 milliards et se verrait ensuite amputée de
860 millions. Or son bilan est fragile. Après de nombreuses années de déficit,
1997 marque le retour à l'équilibre avec un bénéfice de 58 millions pour un
chiffre d'affaires de 90 milliards. Cet effort de tous les postiers ne doit pas être
anéanti par un amendement injustifié et irresponsable qui marquerait la fin d'un service
public auquel tous les citoyens sont attachés. L'amputation que subirait la Poste
entraînerait, en effet, la suppression de 2 000 bureaux ruraux ou de
6 000 emplois.
Avec la transposition de la directive postale, la Poste sera demain
confrontée à une concurrence extrêmement vive de la part des autres postes
européennes, mais aussi de groupes privés.
Le moment est-il bien choisi pour porter un coup peut-être fatal au
seul établissement garantissant un service public de qualité sur tout le
territoire ? Je m'interroge vraiment sur les motivations de nos collègues
sénateurs.
M. Gilles Carrez - Je voudrais rassurer M. Dessalangre. Si
vous aviez connu M. Yves Fréville, vous ne parleriez pas "d'impéritie" ou
de "coup médiatique". Notre ancien collègue, qui est aujourd'hui sénateur,
est un spécialiste reconnu des finances publiques, animé par le seul souci de la
sauvegarde des intérêts financiers de l'Etat. Tous les ministres, de droite comme de
gauche, ont toujours écouté attentivement ses interventions (Applaudissements sur les
bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).
Ce n'est donc pas un esprit polémique ou politicien qui a inspiré le
Sénat, mais la préoccupation de respect et de défense des contribuables qui, trop
souvent, qu'il s'agisse du Crédit Lyonnais ou de la Société marseillaise de crédit,
sont appelés à financer des dépenses qui ne leur incombent pas.
Bien entendu, l'opposition est consciente des difficultés de la Poste
et des coûts qu'entraîne sa mission de service public. Vous avez d'ailleurs fait une
confusion entre les 18 milliards, dont nous n'avons jamais dit que la Poste devait
les rembourser à l'Etat, et le traitement comptable de cette somme, qui devrait être
considérée comme une avance de l'Etat donnant lieu à intérêts. C'est d'ailleurs ce
qu'a dit M. Charasse, sénateur socialiste et ancien ministre du Budget. Il n'y a
donc aucune intention politique dans cette affaire, mais un souci de rigueur financière.
Pour en revenir à l'ensemble de cette loi de règlement, je fais
remarquer qu'en 1995 le déficit budgétaire a été ramené à 323 milliards, contre
350 milliards auparavant, et ceci dans un contexte économique difficile. Cela s'est
fait grâce à la maîtrise de la progression de la dépense publique qui a été limitée
à 2,3 % pour une inflation de 1,3 %. Cette réduction courageuse du déficit a
ralenti la progression de la dette (Interruptions sur les bancs du groupe communiste),
ce qui vous a permis de trouver, en 1997, des comptes publics assainis (Applaudissements
sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).
M. Gilbert Gantier - L'examen de ce projet de loi doit nous
permettre de tirer du passé des enseignements pour l'avenir : en particulier, il
prouve que l'exercice consistant à tabler sur des prévisions de croissance pour afficher
un objectif budgétaire est délicat -le gouvernement actuel devrait s'en souvenir.
Deuxième constat, ce même gouvernement n'a pas su poursuivre la
politique de réduction de déficit public de ses prédécesseurs.
Ce projet comporte en son article 15 une disposition tout à fait
contestable. C'est un nouvel exemple de l'art du Gouvernement de faire passer en catimini
des dispositions dont il ne cherche pas à se vanter. En effet, cet article 15, dont
la suppression a été votée au Sénat, tend à apurer une distorsion comptable
constatée entre le budget de la Poste et les dépôts de l'exploitant de droit public au
Trésor en transformant la "dette" de l'exploitant public vis-à-vis du Trésor
en dépense définitive effectuée par l'Etat à son profit. C'est donc bien une
subvention déguisée.
En effet, le montant inscrit au bilan de la Poste au titre des comptes
chèques postaux est de 168 milliards alors que celui effectivement déposé au
Trésor est de 150 milliards. L'écart porte donc sur environ 18 milliards de
francs. L'article 15, pour régler la question, élimine tout simplement cet écart.
Pourtant, un problème majeur se pose. La rémunération que l'Etat
verse à la Poste au titre de ses dépôts au Trésor porte sur les 168 milliards
constatés au bilan de celle-ci, et non sur les 150 milliards de francs effectivement
déposés. Donc 18 milliards de trop ont été rémunérés par l'Etat, au taux très
avantageux de 4,75 %. Ces intérêts indus peuvent être évalués à environ
800 millions.
Ceci constitue le premier étage de ce qui apparaît comme une
subvention déguisée de l'Etat, décidément fort généreux.
Mais, de plus, le taux de rémunération des comptes courants spéciaux
est fixé, à 4,75 %, alors que le taux d'intérêt au jour le jour se situe aux alentours
de 3 %. L'Etat verse donc une surprime à la Poste sans aucune justification
économique. Ceci constitue le deuxième étage de la subvention déguisée de l'Etat à
l'établissement public.
La Cour des comptes, dans son rapport sur le règlement du budget de
l'exercice 1994, avait d'ailleurs relevé l'anomalie en précisant que l'écart de
18 milliards constaté provenait des pertes cumulées de la Poste.
Par l'article 15, le Gouvernement cherche à régler définitivement
une situation anormale sans pour autant donner de justifications. S'il semble en effet
légitime de vouloir régler une anomalie constatée par la Cour des comptes, il est très
contestable de fermer les yeux sur le passé en "blanchissant" en quelque sorte
les opérations de paiement d'intérêts sur une somme de 18 milliards qui n'a jamais
été déposée au Trésor. La Poste, qui bénéficie du statut particulier d'exploitant
public autonome depuis la loi du 2 juillet 1990, a continué ainsi à profiter des
largesses de l'Etat, alors qu'elle ne faisait plus partie de l'administration publique (Interruptions
sur les bancs du groupe communiste).
M. Christian Cuvilliez - Qui gouvernait à l'époque ?
M. Gilbert Gantier - Cette situation reflète en fait
l'échec de l'Etat actionnaire dans la gestion des entreprises publiques, ou de celles à
statut équivalent, comme la Poste. Plus de transparence financière serait nécessaire
pour éviter que des situations anormales soient entérinées de fait par une loi de
règlement.
Le présent projet de loi montre les travers habituels du Gouvernement (Interruptions
sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), à commencer par l'excès
de confiance, le gaspillage systématique des efforts des gouvernements précédents (Interruptions
sur les bancs du groupe communiste) et le recours à des opérations en catimini pour
régler des situations contestables ou bénéficier de rallonges budgétaires, comme cela
a été le cas avec le prélèvement de 5 milliards sur les caisses d'épargne
opéré par la loi de finances pour 1999.
Sous cette réserve, le groupe Démocratie Libérale votera ce texte (Exclamations
sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).
M. le Secrétaire d'Etat - Je me félicite, comme M. Jegou,
que les banques centrales de France et d'Allemagne aient diminué de 0,3 % leurs taux
d'intérêt, ce qui va renforcer la croissance. Les pronostics de M. Gantier seront, je
l'espère, infirmés.
En ce qui concerne la Poste, la bonne foi de M. Fréville n'est pas en
cause, mais il a confondu deux questions : la rémunération des comptes chèques
postaux, dont le montant est passé de 140 milliards en 1990 à 160 milliards en
1997, et les déficits accumulés de la Poste, soit 18 milliards. Il a été décidé
en 1990 que l'Etat les prendrait à sa charge en mettant cette créance dans un compte
particulier. En 1993, la Cour des comptes a déclaré que cette procédure n'était pas
correcte. En accumulant aujourd'hui la créance de 18 milliards que l'Etat avait sur
la Poste, le Gouvernement ne fait que rétablir la transparence, comme l'a relevé
M. Desallangre. L'article 15 ne touche en rien aux comptes chèques
postaux : s'il a pu y avoir confusion à cet égard, cela ne provient que d'une
erreur de présentation -les comptes chèques postaux et les avances du Trésor étaient
regroupés sur une même ligne.
L'Etat rémunère évidemment les sommes que lui confie la Poste, et ce
au taux normal, qui est celui des bons du Trésor à 13 semaines. Un taux plancher a
été défini par ailleurs dans le contrat de plan 1995-1997. Ce taux de 4,75 % a
été reconduit dans le prochain contrat de plan, approuvé par la commission supérieure
du service public de la Poste. Il convient, en effet, de tenir compte des charges
particulières qui incombent à celle-ci.
J'espère que ces précisions vous convaincront de revenir au texte
initial adopté par l'Assemblée.
M. le Président - En application de l'article 91,
alinéa 9, du Règlement, j'appelle dans le texte du Sénat l'article du projet de
loi sur lequel les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
ART. 15
M. le Rapporteur général - Je pense avoir défendu déjà
l'amendement 1. Je me bornerai donc à signaler que, si nous maintenions la
disposition présentée par M. Fréville, la Poste perdrait 860 millions par
an !
M. Jacques Desallangre - J'ai également présenté mon
amendement 2, identique.
M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.
M. Jean-Jacques Jegou - La référence au contrat de plan
signé entre l'Etat et la Poste ne saurait m'impressionner : les parlementaires, à
l'exception d'un ou deux sans doute, n'en ont pas été informés.
Vous avez avancé, Monsieur le secrétaire d'Etat, le chiffre de
160 milliards pour le montant des dépôts : il y va donc chaque année d'une
somme qui n'est pas mince -7,6 milliards, me souffle M. Hériaud, qui est un
spécialiste. Même si la Poste est un service public dont nous n'avons certes pas à
rougir, elle doit améliorer encore son fonctionnement, comme on le lui a d'ailleurs
demandé quand on a modifié son statut. Il me semble en outre que l'Etat rémunère à un
taux excessif le service qu'elle lui rend, surtout compte tenu de la baisse générale des
taux. Il ne s'agit certes pas de demander la restitution de ces 18 milliards, mais on
peut souhaiter un progrès en matière de productivité. C'est pourquoi nous voterons
contre l'amendement.
Les amendements 1 et 2, mis aux voix, sont adoptés.
L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.
COLLECTIF 1998
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de
finances rectificative pour 1998.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Je
vous prie d'excuser l'absence de M. Strauss-Kahn, retenu à Saint-Malo par le sommet
franco-britannique.
Ce projet de loi de finances rectificative, très semblable à celui de
l'an passé, diffère en revanche notablement des collectifs antérieurs. Tout d'abord, le
déficit a été réduit de trois milliards par rapport à ce que prévoyait la loi de
finances initiale. Ensuite, les surcroîts de dépenses courantes apparus en cours
d'année, pour 20 milliards, sont entièrement financés par des économies. Enfin,
les plus-values de recettes enregistrées grâce à une relance de la consommation
intérieure qui nous a valu une croissance de plus de 3 %, sont pour l'essentiel
utilisées à apurer les retards de paiement accumulés par l'Etat.
A cette stimulation de la croissance, à cette réduction du déficit
et à cette maîtrise des dépenses publiques, s'est ajoutée une volonté de
transparence : ce collectif démontre que les recettes et dépenses qui vous ont
été soumises il y a un an, étaient calibrées aussi exactement que possible.
Enfin, ce collectif accentue la préoccupation sociale qui nous avait
animés l'an passé.
Un premier décret d'avance d'un milliard a été ouvert le 16 janvier
pour venir en aide aux chômeurs en grande détresse. Un autre, de 5 milliards, a suivi le
21 août pour accroître le nombre des contrats de qualification et pour abonder les
crédits de rémunération de la Défense. Par ailleurs, 5,7 milliards sont prévus au
titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire versée à l'automne dernier
-le Gouvernement ayant quadruplé cette allocation, ces deux dernières années,
conformément à sa politique familiale (Exclamations sur les bancs du groupe UDF).
Un crédit d'un milliard est par ailleurs inscrit pour couvrir la revalorisation des
allocations versées au chômeurs en fin de droits, ainsi que le coût de la nouvelle
allocation servie aux chômeurs âgés. Ce milliard, s'ajoutant à celui du premier
décret d'avance, témoigne de notre souci d'alléger le fardeau des Français en grande
difficulté. Enfin, 900 millions figurent ici au titre du RMI.
Comme le souligne de M. Migaud dans son rapport remarquable, le
montant des ouvertures proposées ici ne tranche pas avec ce que l'on trouve d'habitude
dans un collectif. Il est même moindre que celui des collectifs des années 1994-1996. Si
donc ce Gouvernement n'est pas hostile par principe à la dépense publique, il sait la
maîtriser ! Je n'insisterai pas sur le contraste avec d'aucuns de nos
prédécesseurs qui, tenant un discours de rigueur, devaient en fin d'année corriger
fortement leur estimation des dépenses !
Par rapport à la loi de finances initiale, les recettes ont crû de
13,9 milliards, dont 600 millions ont servi à financer le décret d'avance du 21 août.
Les recettes fiscales ont été révisées à la hausse de 11 milliards, grâce au
surcoît de TVA procuré par la relance de la demande intérieure ; les recettes non
fiscales progressent quant à elles de 1,6 milliard, mais sont toutefois inférieures de 2
milliards à celles que nous avons prévues pour l'an prochain car nous avons revu à la
baisse les recettes de la COFACE en raison de la situation internationale incertaine.
Enfin, les prélèvements sur recettes ont été réduits de 1,3 milliard, pour tenir
compte d'un moindre dynamisme du FCTVA.
S'agissant des dépenses, les ouvertures de crédits s'élèvent à
30,8 milliards, soit 20,5 milliards au titre des dépenses courantes et 10,3 milliards
pour apurer des dettes héritées du passé et anticiper des allégements d'impôts
locaux. La ligne du Gouvernement est claire : les dépenses courantes seront
financées par redéploiement, les excédents étant consacrés aux autres opérations.
Dans les dépenses courantes, mentionnons les 5,3 milliards de
l'allocation de rentrée scolaire, le milliard débloqué au profit des chômeurs en fin
de droits ou âgés, les 900 millions consacrés au RMI et les 2,5 milliards de
la recapitalisation du GIAT. En outre, 2,2 milliards ont servi à renforcer la
participation française à différents fonds internationaux de développement et de
garantie.
Quant aux apurements de dettes, 5,6 milliards ont servi à
financer l'exonération des charges sur les bas salaires, 2,4 milliards sont allés
à la construction navale et 700 millions ont permis de rattraper certains retards de
paiement, qu'il s'agisse des routes ou du ministère de l'intérieur.
Par ailleurs, un crédit de 1,6 milliard a été prévu pour
compenser les conséquences, sur les finances régionales, de la baisse des droits de
mutation sur les immeubles d'habitation, votée en première lecture dans la loi de
finances pour 1999.
De même, 2,5 milliards sont inscrits pour financer la suppression
des droits sur les cartes d'identité et les permis de conduire, l'encouragement à la
transmission anticipée de patrimoine et certains allégements d'impôts.
Les annulations de crédits s'élèvent à 20,5 milliards, dont
11,6 milliards sur les budgets civils, 7,4 sur les crédits d'équipement militaires
et 1,5 sur la charge nette de la dette. Celle-ci en effet diminue, pour la deuxième
année consécutive, en raison de la politique du Gouvernement, de notre gestion active de
la dette et de l'évolution favorable des taux d'intérêt.
Le compte d'affectation spécial no 902-24 a reçu 15 milliards en
conséquence de la cession d'actifs de France Télécom.
Le déficit de l'Etat est passé de 257,9 milliards en loi de
finances initiale à 254,6 milliards en loi de finances rectificative. Cette
réduction de 3 milliards est cohérente avec la volonté du Gouvernement, notifiée
à ses partenaires européens, de réduire la part dans le PIB des déficits publics de 3
à 2,9 %. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement est en situation de
respecter les équilibres de la loi de finances initiale, mais aussi de préparer
l'avenir, en apurant certaines dettes et en tablant de manière prudente sur les recettes
liées à l'évolution du contexte international. Telles sont les grandes lignes de ce
projet que je vous demande d'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe
socialiste et du groupe communiste).
M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des
finances - Après la correction de trajectoire qu'a imposée, à l'automne
1997, la situation de nos finances publiques, dans la perspective de la qualification de
la France pour l'euro, le présent projet de loi de finances rectificative présente une
physionomie plus habituelle. Il ne vise en effet qu'à corriger les prévisions initiales
et de procéder à l'ajustement des crédits aux besoins.
C'est ainsi que la première partie est réduite à sa plus simple
expression : un tableau d'équilibre retraçant l'évolution des recettes et fixant
de nouveaux plafonds de charges.
Les dépenses de la loi de finances pour 1998 ont été affectées en
cours d'exercice par deux décrets d'avance. Le 16 janvier 1998, le Gouvernement a
débloqué 1 milliard pour les chômeurs en situation difficile, dotation
entièrement gagée par des économies réparties sur la quasi-totalité des fascicules
budgétaires. Le 21 août 1998, il a fallu ouvrir 5 milliards de crédits, dont
3,8 milliards pour les rémunérations de personnels militaires et 500 millions
pour le financement de la formation professionnelle.
Le collectif 1998 tend à ouvrir 50,4 milliards de crédits nets,
dont une grande partie correspond à des ajustements classiques de fin d'année :
5,8 milliards pour l'allocation de rentrée scolaire, 5,6 milliards pour le
financement des allégements de cotisations sur les bas salaires, 2,3 milliards pour
l'ajustement de la charge brute de la dette, 530 millions pour un apurement de
dépenses FEOGA, sans oublier les 15 milliards demandés sur le compte d'affectation
spéciale no 902-24, qui ont une contrepartie exacte en recettes nouvelles.
Un certain nombre de dépenses résultent d'opérations exceptionnelles
et non reconductibles : la recapitalisation de GIAT Industries, la participation de la
France au capital de divers organismes et fonds internationaux, la compensation aux
collectivités locales de la réduction des droits de mutation intervenue par anticipation
au début du mois de septembre 1998, le règlement d'un contentieux concernant l'EPAD, le
financement du recensement général de la population, le remboursement des dettes de
l'Etat envers France Télécom, et le plan d'urgence en faveur des lycées. Par ailleurs,
300 millions sont nécessaires pour aider la SNCF à financer l'augmentation des
péages dus à Réseau ferré de France et 230 millions pour résorber une partie des
retards dans les crédits de paiement des routes, générés par les régulations
budgétaires aveugles du précédent gouvernement.
Ces demandes d'ouverture de crédits sont tout à fait comparables à
celles effectuées dans le projet de loi de finances rectificative pour 1994, 1996 et
1997, dont le total s'élevait, respectivement, à 37,3, 34,3 et 46,3 milliards.
Les annulations de crédits associées au collectif, qui représentent
15,7 milliards, sont moins élevées qu'en 1997 -23,8 milliards- ou
1996 -21,8 milliards-, mais inférieures au total de 1994, qui était de
5,6 milliards.
La principale annulation, de 7,5 milliards, porte sur le budget de
l'emploi, l'amélioration de la conjoncture économique et les premiers effets de la
politique du Gouvernement permettant de réduire les entrées dans un certain nombre de
dispositifs.
L'incidence sur le niveau de la dépense des annulations opérées sur
le budget d'équipement de la Défense, soit 3,2 milliards, devrait être nulle en
raison de l'absence de tensions constatée sur les besoins de paiement du ministère,
constatée lors du débat sur le budget 1999 de la Défense. L'impact des annulations se
fera cependant sentir sur les reports de crédits de l'exercice 1998 vers l'exercice 1999.
Un examen serein et objectif de ce collectif ne permet donc pas de
conclure sans mauvaise foi à ce "dérapage des dépenses" stigmatisé par
certains.
S'agissant des ressources, la conjoncture économique et le recentrage
de la croissance sur la demande intérieure ont fait progresser les recettes nettes du
budget général de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale. Cette situation
est connue depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 1999, car les prévisions
figurant dans le présent projet s'écartent peu des prévisions révisées de septembre
dernier.
Les plus-values, non négligeables, sont loin cependant de constituer
ce pactole que d'aucuns soupçonnent le Gouvernement de dissimuler. Au total, les recettes
nettes du budget général s'élèveraient à 1 368,2 milliards. Leur total n'a
été que très marginalement modifié. Le recul de 656 millions s'explique surtout
par certaines décisions d'appliquer de manière anticipée des mesures adoptées lors de
la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, dont
330 millions au titre de l'exonération de TVA pour les acquisitions de terrains à
bâtir réalisées par les particuliers aux opérations réalisées par un acte
authentique signé à compter du 22 octobre 1998.
Je ne reviendrai pas sur les plus-values constatées au titre de
l'impôt sur le revenu ni sur les moins-values d'impôt sur les sociétés, déjà
étudiées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999. Toutefois,
l'évaluation révisée se fonde sur une croissance des recettes de TVA de 3,9 %,
contre 5,5 % en "glissement annuel", de septembre à septembre.
Pourquoi conserver une prévision de recettes aussi prudente pour 1998,
compte tenu des encaissements constatés ? Il semble que certains remboursements et
dégrèvements attendus ne soient pas encore intervenus. Par ailleurs, la baisse notable
des importations induit mécaniquement une baisse de la TVA correspondante. Ce
phénomène, constaté sur les recouvrements de septembre, pourrait avoir une incidence
notable jusqu'à la fin de l'année. C'est une situation que notre commission suivra avec
attention, en liaison avec le secrétariat d'Etat au budget.
Comme il est d'usage, les principaux ajustements de recettes concernent
les recettes non fiscales. Le présent projet prévoir leur diminution, limitée il est
vrai. Elles baisseraient de 2,52 milliards, dont 2 milliards du fait d'une réduction
des prélèvements sur la COFACE. Au total, les recettes non fiscales progresseraient de
5,6 % par rapport aux prévisions initiales, contre 7,3 % dans l'évaluation
révisée associée au projet de loi de finances pour 1999.
L'évaluation des prélèvements sur recettes n'a été que très
légèrement modifiée, tout comme les remboursements et dégrèvements.
Au total, les recettes nettes du budget général progressent de 1,6 %
par rapport à la loi de finances initiale. Hors recettes d'ordre, cette croissance est de
1 %, soit une plus-value de 13,92 milliards.
En définitive, le déficit général est ramené de 257,88 à
254,62 milliards, pour l'essentiel en raison de l'amélioration du solde des
opérations à caractère définitif. La part du déficit de l'Etat dans le PIB est
ramenée de 3,1 % à 3,05 %.
Quant aux dispositions permanentes, très hétérogènes, elles n'ont
qu'une portée relative. Nous reviendrons sur ces dispositions à l'occasion de l'examen
des articles. Je n'évoquerai, à ce stade, que deux dossiers, qui touchent à
l'information du Parlement.
En premier lieu, la commission a débattu des conditions d'intervention
du Fonds monétaire international dans la crise financière qui, depuis l'été 1997, a
successivement frappé l'Asie du Sud-Est, la Corée du Sud, la Russie puis le Brésil et,
à un moindre degré, l'Amérique latine. L'action du FMI a pu être contestée et des
réflexions sont en cours, en vue de renforcer la solidité du système monétaire
international et de le remodeler. Dans ce contexte, avec l'article 18 du présent
projet, il est demandé au Parlement d'autoriser l'augmentation de la quote-part de la
France au FMI. Il convient qu'à cette occasion, sa capacité à évaluer la politique du
FMI et l'action de la France au sein de ses instances dirigeantes soit renforcée.
M. Christian Cuvilliez - En effet !
M. le Rapporteur général - En second lieu, la commission
a rejeté l'article 21 du projet de loi, qui vise à autoriser le ministre de
l'économie, à accorder à la banque Chaix, repreneur de la Société marseillaise de
crédit, la garantie de l'Etat contre certains risques potentiels, dans la limite de
435 millions.
La commission ne conteste pas le bien-fondé de cette garantie, mais
veut marquer son irritation quant à la façon dont le Parlement a été informé sur
cette affaire.
M. Jean-Louis Idiart - Très bien !
M. le Rapporteur général - Nous avons, en effet,
éprouvé quelques difficultés à obtenir des précisions sur les circonstances qui ont
provoqué cette faillite virtuelle de la SMC, sur l'action des autorités de contrôle et
sur la façon dont les responsables de cette situation seront appelés à en rendre
compte. J'espère que la lenteur de certaines administrations à répondre aux
interrogations du Parlement s'explique par leur ardeur nouvelle à renforcer leur action,
comme autorité de tutelle et de contrôle. Nous nous en féliciterions d'autant plus que
l'actuel Gouvernement a su saisir à bras le corps un dossier que les précédents avaient
laissé pourrir.
M. Germain Gengenwin - Il serait temps de tourner la
page !
M. le Rapporteur général - Nous nous félicitons aussi de
l'adoption, par le conseil des ministres, du projet de loi relatif à l'épargne et à la
sécurité financière qui tend notamment à renforcer les moyens d'action des autorités
de contrôle du secteur financier.
En définitive, l'année 1998 aura permis de franchir une première
étape de la réalisation des objectifs définis par la nouvelle majorité : réduire
les déficits publics, amorcer la décrue des prélèvements obligatoires ; financer
les priorités choisies par les Français, au service de la croissance, de l'emploi et de
la solidarité.
Dans ces conditions, votre commission, sous réserve des amendements,
qu'elle vous propose, a adopté ce projet de loi de finances rectificative et invite
l'Assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du
groupe RCV et du groupe communiste).
M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la
défense - Comme chaque année, la commission de la défense s'est saisie pour
avis du projet de loi de finances rectificative. C'est souvent l'occasion de constater que
le budget du ministère de la défense a servi de variable d'ajustement du budget de la
nation et que, de gels en annulations, les crédits votés en loi de finances initiale ont
beaucoup contribué à la maîtrise des dépenses publiques.
Une lecture partielle -sinon partiale- du présent projet pourrait
laisser penser qu'il en est de même cette année. Ainsi, en 1998, les annulations brutes
s'élèvent à 7,4 milliards sur les crédits d'équipement. Quant aux ouvertures de
crédits, elles sont de 4,5 milliards. Une comparaison hâtive suggèrerait donc que le
ministère de la défense a été fortement mis à contribution, malgré un contexte
favorable de rentrées fiscales supplémentaires.
En fait, une autre grille de lecture s'impose. D'abord, une partie des
annulations a été gagée sur des reports de crédits de 1997 pour un montant de 3,8
milliards. Ensuite, ces annulations ont largement des origines internes. Les 2,8 milliards
d'annulation nette portent sur des crédits qui de toute façon, n'auraient pu être
consommés. En effet, la réforme de la comptabilité d'investissement entreprise par le
ministère a empêché la consommation de crédits durant les premiers mois de l'année et
ce retard n'a pu être rattrapé. Cette ambitieuse réforme a donc un prix à court terme.
A moyen terme, elle rendra plus efficace la dépense d'investissement militaire, ce dont
nous nous réjouissons.
Et s'il reste des esprits chagrins, un bref rappel du solde entre
annulations et ouvertures de crédits des années précédentes -7 milliards en 1995, 4,6
milliards en 1996, et un peu plus de 3 milliards en 1997- montrera que le niveau
d'annulation de cette année reste correct.
D'autre part, l'ouverture de 700 millions de crédits pour le titre III
permettra de réduire les reports de charge pour l'an prochain et de compenser les
insuffisances de la dotation initiale en matière de fonctionnement ou de rémunérations.
225 millions de francs sont ouverts pour la gendarmerie, 185 millions pour l'armée de
terre, 75 pour l'armée de l'air, enfin 215 millions serviront à abonder les subventions
de la France à l'OTAN. Ainsi, les entreprises françaises ne seront plus pénalisées
dans les choix de l'alliance pour la réalisation de ses travaux d'infrastructure.
La loi de finances rectificative est aussi traditionnellement
l'occasion de régler les surcoûts liés aux opérations extérieures qui s'élèvent à
2,1 milliards pour 1998 -contre près de 3,5 milliards en 1997-, soit 160 millions pour
huit opérations menées sous la bannière des Nations Unies, 1,28 milliard pour les cinq
opérations menées sous commandement international, comme en ex-Yougoslavie, enfin près
de 270 millions pour les opérations extérieures menées sous commandement national,
principalement en Afrique.
La nette diminution de ces sommes par rapport aux années
précédentes, s'explique d'abord par le redimensionnement de notre dispositif en Afrique,
avec la suppression du prépositionnement en Centrafrique, ensuite par la réforme du
régime indemnitaire des personnels, laquelle met fin à un système injuste qui
pénalisait les célibataires.
Je voudrais aussi aborder la question de la définition des opérations
extérieures et d'une meilleure évaluation de leur coût en loi de finances initiale.
Sur le premier point, une différence subsiste entre le surcoût global
des OPEX -2,1 milliards et l'addition des opérations que j'ai citées plus haut. Elle
s'explique par le fait que certaines opérations sont considérées à tort comme des
opérations extérieures. C'est le cas de l'opération Epervier au Tchad qui, au fil des
ans, est devenue un véritable dispositif prépositionné et ne devrait donc être
financée en loi de finances initiale, ou encore de l'envoi d'escadrons de gendarmerie
dans les DOM-TOM pour 54 millions. Pour le Tchad, la situation devrait s'éclaircir l'an
prochain. Pour ce qui est du surcoût des opérations de maintien de l'ordre dans les
DOM-TOM, il conviendrait que l'ordonnateur, à savoir le ministère de l'intérieur, soit
également le payeur. Ces opérations seraient ainsi considérées comme des missions
internes, ce qui serait moins choquant.
Plus généralement, dans la mesure où elles sont prévisibles, les
dépenses liées aux opérations extérieures devraient faire l'objet d'un financement en
loi de finances initiale sans que cela se fasse au détriment des crédits prévus par la
loi de programmation et par la revue de programmes. Les opérations extérieures
permettent à notre pays de garder son rang international. Il faut donc financer sans
priver les armées des moyens de les exercer.
En conclusion, la commission se félicite de l'absence de lien entre
les annulations du budget de la défense et les 2,5 milliards prévus dans ce
collectif pour la recapitalisation du GIAT. Il aurait été pour le moins paradoxal
d'augmenter la trésorerie de GIAT Industries tout en diminuant les capacités du
ministère de la défense à lui passer des commandes.
Sous réserve de ces remarques, le présent collectif est globalement
bon et la commission de la défense l'a majoritairement adopté (Applaudissements sur
les bancs du groupe socialiste).
M. le Secrétaire d'Etat - Après l'excellent rapport de
M. Lamy, je tiens à compléter votre information sur les opérations extérieures.
M. Alain Richard, qui l'a déjà fait devant votre commission, aurait aimé le faire
aujourd'hui devant vous mais il est retenu pour le sommet franco-britannique de
Saint-Malo.
Tout d'abord, il faut souligner le rôle important joué par notre pays
comme agent de paix et de sécurité au service du droit. La plupart de nos opérations,
dans le cadre fixé par les Nations Unies, apportent dans des régions troublées
l'apaisement et la stabilité dont les populations sont les premières à bénéficier.
Sur le plan budgétaire, les surcoûts liés aux opérations
extérieures diminuent sensiblement de 2,1 milliards en 1998 contre
3,45 milliards en 1997, dont les quatre cinquièmes représentent des dépenses de
rémunération et de fonctionnement.
Cette réduction s'explique par la modification du dispositif militaire
extérieur -en particulier la suppression de la force prépositionnée en République
Centrafricaine et par la réforme du régime indemnitaire des personnels participant aux
opérations.
La France est actuellement engagée dans huit opérations de maintien
de la paix : la FINUL -Force intérimaire des Nations Unies au Liban- créée en
application d'une résolution de mars 1978, dont le mandat est régulièrement renouvelé
et à laquelle participent 257 militaires français ; la MINURCA -Mission des
Nations Unies en République Centrafricaine- dont le mandat a été reconduit jusqu'en
février 1999 et à laquelle participent 240 militaires français ; la MINUBH
-Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine- créée par une résolution du
15 décembre 1995 et instituant un groupe international de police chargé de former
et d'assister les forces de police locale, qui compte 119 gendarmes français ;
la MINURSO, au Sahara occidental, décidée en avril 1991, et à laquelle la France
fournit 25 observateurs ; la MIPONUH -Mission de Police civile des Nations Unies
en Haïti- chargée pour une année, par la résolution du 28 novembre 1997, d'aider le
gouvernement haïtien à créer une force de police, à laquelle participent
24 gendarmes français ; la MONUA, en Angola, déployée en application de la
résolution du 30 juin 1997, qui comprend 13 observateurs français ; la
MONUIK, pour l'Irak et le Koweit, soumise à réexamen tous les six mois et dont le mandat
est d'assurer le contrôle de la zone démilitarisée entre l'Irak et le Koweit. La France
lui fournit un détachement de 11 militaires ; la MONUG, en Géorgie, créée en
1993, à laquelle participent cinq observateurs français. Les charges supportées à
l'occasion de ces opérations font l'objet de remboursements partiels de la part de l'ONU,
mais ceux-ci interviennent généralement avec un décalage de deux années.
La France est également engagée dans cinq opérations dont la
conduite est déléguée à des commandements internationaux par le conseil de sécurité
des Nations Unies : l'action menée par la SFOR pour mettre en oeuvre les aspects
militaires de l'accord de paix en Bosnie-Herzégovine, cette mission fait l'objet d'un
réexamen semestriel. Un détachement de 3 714 hommes y participe ;
l'opération Southern Watch visant à interdire à l'Irak l'utilisation de ses moyens
aériens et anti-aériens au sud du 32ème parallèle et à laquelle contribuent
174 militaires français ; la mission d'observation de la Communauté
européenne et de l'OSCE en ex-Yougoslavie, qui joue un rôle d'observation, de médiation
et de compte rendu, et à laquelle participent 46 militaires français.
Enfin, la France a conduit en 1998 diverses opérations sous
commandement national, notamment en Afrique, en vue d'assurer le maintien de la paix, la
sécurité des ressortissants français, le respect des accords de défense ou le
désengagement des forces françaises.
Parmi ces opérations, je citerai la protection de l'ambassade de
France en Algérie, la sécurisation d'une zone frontalière du Cameroun, l'accompagnement
du désengagement des assistants opérationnels en République Centrafricaine,
l'évacuation des ressortissants français au Congo, ou encore la mission Epervier au
Tchad.
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ
M. le Président - J'ai reçu de Monsieur José Rossi et des
membres du groupe DL une exception d'irrecevabilité, déposée en application de
l'article 91, alinéa 4, du Règlement.
M. Francis Delattre - Pourquoi défendre une motion de
procédure sur un texte technique tel que ce projet de loi de finances rectificative, qui
n'est pour beaucoup qu'une simple formalité ?
C'est que les collectifs budgétaires sont en marge de la scène
médiatique, et par là permettent de faire passer beaucoup de mesures en catimini, et ce
texte ne déroge pas à ces regrettables usages gouvernementaux.
Il est aisé d'afficher des objectifs ambitieux dans la procédure
initiale, mais trop souvent ces derniers se trouvent mis à mal dès le mois de février,
par des mesures dites de "régulation". Les deux objectifs que vous vous étiez
proposé d'atteindre lors de la discussion du budget 1998, la réduction du déficit
budgétaire et la baisse des prélèvements obligatoires, la loi de finances rectificative
les a oubliés. Le collectif budgétaire de fin d'année permettra, dites-vous, de finir
l'année comme prévu.
Non, l'année finit mieux que prévu, puisque le Gouvernement dégage
un bonus fiscal de 11,6 milliards. Mais il opte pour des dépenses nouvelles à
hauteur de 10,3 milliards, sous la forme d'un saupoudrage, d'un patchwork
inintelligible ne concernant qu'un secteur d'activité fort limité.
Nous soulevons donc l'exception d'irrecevabilité parce que cette loi
de finances donne des signaux extrêmement négatifs pour le pays. Vous utilisez une
croissance fragile pour financer des dépenses nouvelles alors qu'il eût été plus sage
de réserver ce bonus fiscal inattendu au déficit, voire à des dépenses consacrées aux
grands investissements publics. Or les dépenses nouvelles dégagées par redéploiement
de crédits iront pour la plupart aux dépenses d'assistance, alors que les politiques
menées depuis vingt ans dans ce sens se sont soldées par l'aggravation de la fracture
sociale.
La loi de finances initiale pour 1998 tablait sur des perspectives de
croissance de 2,5 %, quand il est avéré aujourd'hui que la croissance effective
sera de 3 %.
Or votre collectif s'efforce d'ignorer le retour de la croissance. Le
dynamisme de la consommation intérieure a même surpris le ministère des finances,
puisque Bercy avait prévu 3,1 % pour la croissance de la consommation et que
l'INSEE revoit plutôt le chiffre à la hausse avec 3,7 %.
Ces rentrées fiscales inattendues vous ouvraient deux possibilités.
Soit, en gestionnaire avisé, vous affectiez du bonus fiscal au
déficit, afin de ne pas alourdir la charge de la dette pour l'an prochain, et de ne pas
en accroître le stock qui ne cesse d'augmenter depuis 1993. En volume, la dette est
passée de 45,6 % du PIB en 1993 à 58,2 cette année pour atteindre 58,7 % du
PIB en 1999.
Soit, soucieux d'épargner le contribuable et de ne pas donner des
signes de rigueur précoces à l'ensemble des agents économiques, vous affectiez le
surplus de recettes à des réductions d'impôts, notamment de l'impôt sur le revenu.
C'eût été logique, puisque vous tablez sur le dynamisme de la consommation intérieure
pour tirer la croissance.
Au lieu de cela, vous augmentez les dépenses de 10,3 milliards. Il est
vrai que contrairement à l'an dernier, le Premier ministre n'a pas l'ardente obligation
de réduire le déficit en deçà des 3 % du PIB, seuil de qualification pour l'euro.
En ramenant le déficit à 254,6 milliards pour 1998 et avec un
déficit prévu pour 1999 à 237 milliards, la réduction totale sera sur une année,
de presque 7 %. C'est habile, car vous montrez ainsi le pragmatisme du Gouvernement.
En affectant dès cette année les 14 milliards de surplus fiscal à la réduction du
déficit, il ne serait plus réduit l'an prochain que de 3 %, chiffre beaucoup moins
convaincant. Mais cette habileté pourrait se révéler fort dangereuse si la croissance
était inférieure aux 2,7 % prévus. Avec un taux de 2,4 %, conforme aux
prévisions de tous les instituts de conjoncture, le déficit pour 1999 se creuserait bien
au-delà de 237 milliards. Et, selon les conjoncturistes d'entreprise, la croissance
pourrait même ne pas excéder 2,1 %. L'effet d'optique serait alors renversé :
243,9 milliards de déficit en 1998, plus de 250 milliards en 1999... Vraiment,
on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut : la baisse du déficit budgétaire
n'est que le résultat d'une présentation des chiffres en trompe-l'oeil.
Le Gouvernement gaspille par ailleurs sciemment les fruits de la
croissance.
Avec 0,5 % de taux de croissance en plus par rapport aux
2,5 % prévus par la loi de finances initiale, notre pays a retiré
13,9 milliards de recettes supplémentaires. Qu'allait faire le Gouvernement de cette
nouvelle marge ? L'affecter à la réduction à due concurrence du déficit
budgétaire eût été un mauvais signe pour la gauche plurielle, un avant-goût de
rigueur difficile à assumer. Alors que la loi de finances initiale prévoyait
257,9 milliards de déficit et que 14 milliards de recettes supplémentaires
sont engrangés, 3,3 milliards seulement seront consacrés à la réduction du
déficit budgétaire. Est-ce raisonnable alors que nous avons été les derniers à nous
qualifier pour l'euro ?
Pour agréer aux composantes de sa majorité plurielle, le Gouvernement
dépense dès que la croissance permet d'engranger un surplus de recettes fiscales, et il
taxe dès que les déficits se creusent. La logique exigeait pourtant l'inverse : une
politique de réduction des déficits et d'assainissement des finances publiques. C'est
d'ailleurs ce qu'on fait tous les gouvernements sociaux-démocrates.
Ces milliards nouveaux ne permettent même pas de relever sérieusement
les minima sociaux et ne représentent qu'une goutte d'eau dans l'océan de la
précarisation. Or, si l'efficacité de la dépense n'est pas prouvée, la réduction du
déficit budgétaire liée à l'abaissement des prélèvements reste le meilleur soutien
d'une saine croissance, donc de l'emploi.
De plus, la réduction du déficit budgétaire annoncée est tout
artificielle, puisqu'elle n'est pas le résultat d'une politique volontariste. Elle ne
provient que du jeu des stabilisateurs automatiques, qui, à recettes fiscales
inchangées, voit le rendement des impôts se gonfler grâce à la croissance.
Si l'on sort du cadre annuel pour se placer dans une perspective
cyclique, le solde conjoncturel est nul en moyenne. L'annualité biaise donc le
raisonnement, puisque c'est seulement sur la durée du cycle qu'on peut se rendre compte
de la réduction effective du déficit. Or, à niveau de PIB constant, au contraire, il
augmente.
Vous faites des choix que nous paierons lorsque la croissance
fléchira. Si l'on compare la loi de finances rectificative pour 1997 et le collectif
budgétaire de 1998, l'ouverture de 30 milliards de crédits n'est pas nouvelle. Mais
dans le cadre du collectif de 1997, en raison des critères de Maastricht, on avait
opéré un financement par redéploiement de crédits. Certes, cette année,
20,5 milliards de dépenses nouvelles sont compensées par des économies
équivalentes, mais 10,3 milliards représentent des dépenses nouvelles nettes, sans
économies en contrepartie.
Troisième point : les économies sont toujours réalisées sur
les mêmes postes. C'est le budget de la défense qui, comme chaque année, subira les
principales restrictions budgétaires : 3,2 milliards en 1998. Ces crédits sont
l'éternelle variable d'ajustement fiscal...
Les études de la délégation générale pour l'armement sont
amputées de 1,35 milliard, 985 millions sont annulés au titre des fabrications
d'armes. 120 millions sont supprimés pour les services communs et la gendarmerie,
83,7 millions pour le nucléaire militaire, 147 millions pour l'espace et
431 millions pour les infrastructures.
Ces mesures vont bien sûr à l'encontre des lois de programmation
militaire votées par le Parlement, mais que le Gouvernement grignote chaque année un peu
plus : 3,9 milliards ont ainsi été annulés en 1997 sur les crédits
d'équipement du titre V et 3,2 milliards le seront cette année.
Que proposez-vous en contrepartie ? Une énorme dotation en
capital de 2,5 milliards à GIAT Industries, dont les pertes sont chaque année
considérables. Cette dépense n'est absolument pas productive (M. le rapporteur
pour avis s'esclaffe).
GIAT a perdu 2,85 milliards en 1997, il se retrouve cette année avec
une ardoise de 5,5 milliards. Cette politique de rebouchage des trous, au jour le jour, ne
peut plus durer. Surtout que des secteurs stratégiques de pointe, comme le nucléaire
militaire ou la recherche spatiale, sont laissés de côté.
Des corps comme la gendarmerie en sont arrivés à la plus extrême
indigence. Les moyens qui lui sont accordés ont atteint une limite en deçà de laquelle
elle ne pourra plus assurer ses missions, qui ne cessent de s'accroître. Une telle
politique de défense est-elle crédible ?
Vous privilégiez les dépenses à rendement électoral, le
médiatiquement correct, le saupoudrage des crédits !
Vous avez économisé par ailleurs 7,7 milliards sur le budget de
l'emploi, ce qui est paradoxal au regard de la politique affichée en ce domaine. Vous
prétendez réaliser des économies sur les aides à l'emploi, certains dispositifs comme
les CES ayant été moins coûteux en raison du chômage. Sans doute, mais ces contrats
permettaient un premier contact avec le marché du travail. Dès 1997, vous avez choisi de
recentrer la politique sociale vers d'autres publics : allocataires du RMI,
travailleurs handicapés, bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité, etc.
Ce budget va dans le même sens, avec 900 millions de plus pour les allocataires du RMI,
et 1 milliard pour une nouvelle allocation pour les chômeurs âgés. En privilégiant
l'assistance, en salariant l'exclusion, vous la pérennisez.
J'en viens à la Société marseillaise de crédit. La garantie obscure
apportée par le Gouvernement témoigne de son habituel mépris pour l'autorisation
parlementaire, de son goût pour les dispositions prises en catimini, à l'occasion des
collectifs budgétaires.
Les conditions de sortie de l'Etat du capital des entreprises du
secteur financier public font toujours l'objet du moins de publicité possible. L'an
dernier, les parlementaires avaient toutefois réussi à poser un plafond pour garantir
les pertes futures du GAN. Aujourd'hui, vous expliquez en un peu moins de 8 lignes,
comment l'Etat va garantir à une filiale du CCF, la banque Chaix, une garantie de cession
à hauteur de 435 millions, que le Parlement n'a en fait qu'à enregistrer...
Je pensais même que le rapporteur général avait demandé le rejet de
l'article 21 en commission, afin de demander au Gouvernement ce qu'il nous est demandé
exactement de garantir. La Marseillaise de crédit, véritable petit Crédit Lyonnais, a
déjà englouti 6,3 milliards d'aides d'Etat. Et vous présentez le présent dispositif de
garantie, comme une nécessité pour épargner au contribuable français quelques
milliards de plus... En cas d'échec d'une cession, la banque devrait entrer en
liquidation, et reverser à l'Etat les 6 milliards perçus au titre de ces dotations en
capital, qui n'ont jamais reçu le feu vert de la Commission européenne.
Le commissaire européen Karel Van Miert aurait été sensible à vos
arguments, Monsieur le ministre. En raison du changement de direction à la SMC et de la
nécessité de procéder à un examen complet du groupe, la Commission a accordé un
délai supplémentaire. Elle ne se montrera pas conciliante pour autant, car la France a
accumulé un tel nombre de sinistres d'entreprises publiques que les services de Bruxelles
sont plus que perplexes sur le fonctionnement de notre secteur public bancaire.
Pressé de vous débarrasser d'une nouvelle banque publique, vous
oubliez d'éclairer les parlementaires sur la situation financière de la SMC, sur le
dispositif précis et sur les conditions de la garantie ainsi octroyée. Et le courrier
reçu ce midi par la commission des finances n'a guère convaincu que son rapporteur
général...
Avec ce collectif, vous jouez sur les effets d'optique, pour nous faire
croire qu'avec des marges de manoeuvre budgétaires étroites, on peut dépenser plus et
réduire le déficit. Vous gâchez les marges de manoeuvre que vous offre la croissance.
Vous hypothéquez l'avenir par vos imprévoyances. Pour toutes ces raisons, je demande à
l'Assemblée de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs
du groupe du RPR et du groupe UDF).
M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez souhaité vous
exprimer sur ce collectif, c'est votre droit, mais pas une fois vous n'avez fait
référence à la Constitution pour défendre votre exception d'irrecevabilité...
J'ai toutefois le sens du dialogue républicain et je vous répondrai.
Vous avez opposé le taux de croissance réel -3 %- aux
prévisions -2,5 %. Mais ces prévisions étaient celles de l'opposition. Pour sa
part, le Gouvernement misait bien sur un taux de 3 %, qui sera légèrement
dépassé.
Vous considérez que les plus-values de recettes ainsi dégagées
devraient être affectées à la réduction du déficit. Mais un Gouvernement qui les
utilise pour raccourcir des délais de paiement et pour apurer des dettes de trésorerie
fait-il preuve de mauvaise gestion ?
Vous avez par ailleurs affirmé que le GIAT était improductif.
Salariés et élus apprécieront cette déclaration peu responsable. Si telle est vraiment
votre pensée, que n'avez-vous fermé l'entreprise entre 1993 et 1997 ? Les salariés
qualifiés, déjà inquiets pour leur avenir, méritent mieux que de tels propos à
l'emporte-pièces.
M. Francis Delattre - J'ai le droit de dire ce que je
pense ! J'assume mes propos.
M. le Secrétaire d'Etat - J'ai quant à moi le droit de
dire le contraire.
Vous avez dit par ailleurs que le RMI a créé la fracture sociale...
M. Francis Delattre - Je n'ai jamais dit cela !
M. le Secrétaire d'Etat - Au contraire, il a été créé
parce que de nombreuses personnes étaient en situation d'exclusion.
Vous êtes donc dans une logique qui n'est pas celle du Gouvernement,
mais celle de la majorité sénatoriale, qui a voulu réduire de 5 % les crédits du
RMI pour 1999.
Nous, nous pensons que la nation doit aider ses membres les plus
faibles.
MM. Jean-Louis Idiart et Gérard Bapt - Tout à fait !
M. le Secrétaire d'Etat - En ce qui concerne le SMC, vous
avez fait preuve de peu d'esprit de responsabilité. Quand nous sommes arrivés au
Gouvernement, en juillet 1997, nous avons aussitôt demandé un audit à la commission
bancaire.
M. Francis Delattre - Il était déjà commencé !
M. le Secrétaire d'Etat - Cet audit a montré que l'année
1997 allait se solder par une perte de 3,1 milliards. Le Gouvernement a alors
remplacé les responsables de cette banque et l'a recapitalisé à hauteur de
2,9 milliards. Au total, cet établissement pourrait coûter 6 milliards au
contribuable !
Le Gouvernement a joué la transparence, puis il a cherché à adosser
la SMC à un partenaire solide : la banque Chaix l'a reprise pour 10 millions,
ce qui montre que la SMC n'avait pas la valeur mirifique que certains lui
prêtaient !
Le Gouvernement a donc évité que la charge pesant sur le contribuable
n'augmente encore. En outre, si la SMC avait continué à décliner, des milliers de PME
de la Côte d'Azur auraient été menacées. Le Gouvernement a donc bien agi à la fois du
point de vue financier et du point de vue économique.
M. le Rapporteur général - J'invite notre assemblée à
rejeter cette exception d'irrecevabilité, notre collègue n'ayant soulevé aucune
objection d'ordre constitutionnel.
En ce qui concerne la SMC, dans un premier temps la commission des
finances a repoussé l'article 21 ; depuis, le ministère nous a fait part
d'informations complémentaires. Mais nous y reviendrons en discutant cet article.
L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.
QUESTION PRÉALABLE
M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des
membres du groupe RPR une question préalable, déposée en application de
l'article 91-4 du Règlement.
M. Gilles Carrez - Quand nous avons discuté, il y a un
mois et demi, du projet de loi de finances pour 1999, des doutes sérieux pesaient déjà
sur vos hypothèses de croissance. Depuis, ils n'ont fait que se confirmer. Or le
Gouvernement n'en tient aucun compte dans ce projet : la dépense publique augmente
et la dette ne cesse de s'enfler.
Pourtant, les signaux se multiplient : baisse de 0,7 % de la
consommation en octobre, stagnation des projets d'investissement, reflux des exportations
depuis juin dernier, les bons résultats de septembre n'étant dus qu'à la vente d'avions
Airbus et de matériel militaire.
D'ailleurs, vous avez affirmé vous-même que vous teniez compte de la
dégradation de la conjoncture internationale en réduisant de 2 milliards le
remboursement de la COFACE à l'Etat en 1998. Il conviendra d'être cohérent en faisant
de même dans le budget 1999, qui prévoit 7 milliards de remboursement COFACE.
Au troisième trimestre, la croissance n'a été que de 0,5 %,
alors qu'elle avait repris en 1997-1998 : au cours de ces années, la consommation
intérieure a été importante et l'alourdissement de la fiscalité semble avoir eu des
effets limités -encore que la baisse de 8 milliards du rendement de l'impôt sur les
sociétés soit un peu inquiétante : nous en sommes sans doute arrivés au point de
rendement décroissant de cet impôt, dont le taux est le plus élevé d'Europe.
M. le Secrétaire d'Etat - Il va baisser !
M. Gilles Carrez - Je l'espère !
La dégradation actuelle touche aussi nos partenaires de l'Union
européenne, avec qui nous réalisons 60 % de nos exportations. En outre, ces
dernières semaines, la consommation a été découragée par les effets très négatifs
de l'alourdissement de la CSG décidé l'an dernier. Des millions de Français, en
recevant leur avis de paiement, ont été stupéfaits et furieux de l'extravagante
envolée de leur CSG. Ils avaient cru comprendre que seules les grandes entreprises et les
ménages les plus riches seraient pénalisés et ce n'est pas le cas. Pour beaucoup de
couples de retraités ou de ménages à revenus moyens, la CSG a doublé, voire
triplé ! La sanction a été immédiate, c'est le mauvais chiffre de consommation
d'octobre.
C'est dans ce climat de détérioration, que vous nous présentez un
projet de loi de finances rectificative qui gaspille les fruits de la croissance
réalisée en 1998.
Le rapporteur général a qualifié ce collectif budgétaire de
"banal". Certes, dans la mesure où il illustre à l'extrême votre incapacité
à maîtriser la dépense publique. Ainsi, sur les 14 milliards de recettes
supplémentaires, 3 seulement sont affectés à la réduction du déficit. La
dépense publique engloutit le reste, avec 31 milliards d'ouverture de crédits face
à 15 milliards d'annulations réelles.
Vous comparez ce collectif, avec ceux des exercices antérieurs. Mais
je rappelle qu'en 1994 il était absolument indispensable de relancer l'économie car en
1993, pour la première fois depuis la Libération, la croissance avait été négative.
M. le Secrétaire d'Etat - M. Carrez est keynésien !
M. Gilles Carrez - Je le suis quand il faut l'être mais,
aujourd'hui, je ne le serai pas. Je pense qu'il faut au contraire faire refluer une
dépense publique qui, avec les dépenses sociales, absorbe chaque année
54 % de la richesse produite. Parmi tous les grands pays de l'OCDE, seuls deux
font "mieux" que nous à cet égard : la Suède et, dans une mesure
d'ailleurs de plus en plus faible, la Finlande. Or les études de la même OCDE le
montrent, il existe une corrélation entre le niveau de la dépense publique et le taux de
chômage, corrélation qui s'explique au reste aisément : des prélèvements
obligatoires excessifs entravent l'initiative, favorisant les délocalisations et
décourageant les agents économiques.
En dépit de ces évidences, la dépense publique s'accroîtra en 1999
de 2,3 %. Vous nous avez expliqué il y a un mois et demi que, l'inflation devant
s'établir à 1,3 %, ces dépenses ne croîtraient que de 1 % en volume, ce qui
serait raisonnable. Mais vous ne pourriez plus tenir le même propos aujourd'hui ! En
effet, selon les derniers chiffres de Bercy, l'inflation sera comprise entre 0,5 et 0,8 %
et ces dépenses vont en réalité croître quatre fois plus vite qu'elle. Le cas est
unique dans l'Union européenne ! Ce choix compromet l'avenir et creusera entre les
Français des inégalités déjà criantes. L'augmentation sera en effet d'abord celle des
rémunérations de personnel, comme d'ailleurs dans ce collectif.
A ce propos, je ne comprends pas que vous ayez accepté l'accord
salarial de février, qui prévoit une revalorisation indiciaire de 1,3 %, en 1998 comme
en 1999, soit du double si l'on tient compte de l'effet GVT : le pouvoir d'achat des
fonctionnaires croîtra ainsi de 2 % de plus que celui des autres Français ! Or leur
revenu moyen est déjà supérieur de 12 % à celui des salariés du privé...
Nous sommes pour que les fonctionnaires soient correctement
rémunérés, que leurs mérites soient récompensés et qu'ils soient intéressés aux
résultats de leur administration. Vous préférez augmenter le nombre, sans le
dire : en 1999, de 3 000 à 4 000 seront recrutés à l'Éducation
nationale, sans qu'il y ait créations correspondantes de postes budgétaires ! La
chose est d'autant plus critiquable que des redéploiements s'imposeraient, au bénéfice
de la sécurité notamment.
Nos partenaires de l'Union européenne ont adopté la politique
contraire et les deux qui ont fourni le plus gros effort en ce sens, réduisant de
25 % en quinze ans le nombre de leurs fonctionnaires, sont aussi ceux qui ont le
taux de chômage le plus faible : il s'agit des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne.
Dans cette loi de finances rectificative, vous privilégiez les
dépenses qu'il sera difficile de réduire en cas de retournement de la conjoncture :
les dépenses de fonctionnement, les dépenses récurrentes. En corollaire, les dépenses
d'investissement sont sacrifiées et, d'abord, les dépenses d'investissement
militaire : en trois arrêtés, vous avez annulé pour 12,5 milliards de
crédits sur un total d'un peu plus de 80 ! En matière civile, les annulations se
montent à 5 milliards : 1 milliard par l'arrêté de janvier et 4 par ce
collectif !
M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des
finances - Mais il y a eu des ouvertures !
M. Gilles Carrez - Certes, mais elles ne vont ni à
l'équipement ni à l'investissement. Elles visent pour l'essentiel à recapitaliser GIAT
Industries, à aider les chantiers navals et à tenir nos engagements internationaux.
Autrement dit, on supprime des routes et des voies ferroviaires ! La conséquence de
cette défaillance de l'Etat est que les collectivités réalisent déjà 75 % de
l'investissement civil.
M. Jean-Louis Idiart - Vous oubliez la SNCF !
M. Philippe Auberger - Il s'agit d'un compte d'affectation
spéciale.
M. Gilles Carrez - D'autre part, comme M. Delattre l'a
démontré, vous anticipez dans ce collectif sur les dépenses de 1999 afin de présenter
sous un meilleur jour votre politique de réduction des déficits. Ainsi vous abondez de
400 millions le fonds d'études et d'aide au secteur privé, sous prétexte de mettre
en place un fonds de garantie destiné à remplacer le CODEX, mais ce fonds n'est toujours
pas créé à la date d'aujourd'hui : peut-on sérieusement croire que la somme sera
dépensée d'ici au jour de l'an ? Etait-il indispensable d'anticiper ainsi alors que
les dépenses croîtront l'an prochain quatre fois plus vite que l'inflation ?
En réalité, votre souci semble avoir été de ne pas réduire trop le
déficit pour 1998, de peur qu'il ne soit proche de celui que vous avez annoncé pour
1999 ! Il faut que l'effort dont se vante M. Strauss-Kahn pour l'an prochain
n'apparaisse pas pour ce qu'il est : des plus limités. C'est pourquoi vous vous
contentez d'affecter à cette réduction 3 des 14 milliards de recettes : si
vous y aviez consacré le total, nous serions arrivés à peu près aux 238 milliards
programmés pour 1999 !
Le souci politique l'a donc emporté sur le souci de la gestion, ce qui
ne vous ressemble guère, Monsieur le secrétaire d'Etat !
Le rapporteur général a donné dans son rapport un tableau fort
intéressant : il montre que la France est, des Quinze, le seul pays où la dette
publique continue d'augmenter. Même la Grèce et l'Italie la réduisent ! Nous
sommes le plus mauvais élève de la classe ! Ainsi, entre 1997 et 1999, alors qu'au
Royaume-Uni, cette dette sera tombée de 53,5 à 49,9 % du PIB et en Espagne de 68,9
à 66 %, elle passera chez nous de 58,1 à 58,6 %. Pourtant, nous nous souvenons
tous que M. Strauss-Kahn, présentant son budget, s'est employé une demi-heure
durant à prouver qu'elle baisserait. Un colloque s'imposerait entre lui et
M. Migaud...
Le constat est le même pour les prélèvements obligatoires :
entre 1996 et 1999, les recettes fiscales nettes de l'Etat passeront de 1 359 à
1 533 milliards -abstraction faite de la part de la CSG non concernée par le
basculement des cotisations sociales. La croissance s'établira donc à 14,1 % alors
que le PIB n'aura progressé que de 11,6 % en valeur. Sans être polytechnicien, je
crois bien que la pression fiscale se mesure au rapport entre les prélèvements de l'Etat
et la production. S'ils progressent plus vite que le PIB, la pression fiscale augmente.
M. le Président de la commission des finances - Vous
additionnez des choux et des carottes !
M. Gilles Carrez - Pas du tout.
Certains chiffres donnent le vertige. Ainsi, la CSG acquittée par les
Français s'élevait à un total de 43 milliards en 1996. Elle se montera à 352 milliards
en 1999, c'est-à-dire neuf fois plus ! Même en tenant compte du basculement des
cotisations d'assurance maladie, il s'agit d'une somme colossale. Nos concitoyens n'ont
pas l'impression que les prélèvements obligatoires diminuent.
A propos de la CSG, un hebdomadaire vient de parler d'arme fatale...
Elle est déjà fatale au contribuable et elle le sera sans doute à terme pour le
Gouvernement et sa majorité.
Je ne vois aucune baisse d'impôts, si ce n'est la diminution des
droits de mutation à compter du 1er septembre. Encore le coût de cette mesure pour les
finances locales, d'un montant de 1,6 milliard, apparaît-il en dépense dans le budget
général de l'Etat. Or le contribuable national n'est pas différent du contribuable
local. En définitive, les Français continuent de payer et il n'y a aucune diminution
d'impôts.
Quel contraste avec les décisions du nouveau chancelier allemand, qui
va réduire de 50 milliards le produit de l'impôt sur le revenu ! A croire qu'il
s'est inspiré du plan Juppé... (Rires sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Président de la commission des finances - Soyons
sérieux ! Racontez cela à vos électeurs, mais pas à nous.
M. Gilles Carrez - Certes, le plan Juppé portait sur 75
milliards, alors que M. Schröder se contente de 50 milliards. Mais on observe en
Allemagne la même tendance qu'au Royaume-Uni, sous les gouvernements conservateurs comme
sous celui de Tony Blair : une baisse constante et importante des prélèvements
obligatoires. Nous sommes les seuls à faire le contraire.
Comment allons-nous réussir à nous coordonner avec nos partenaires
européens ? Ne comptez-vous pas, en définitive, sur la discipline européenne pour
faire revenir notre pays à la vertu ? Ce serait un grave abandon de
responsabilités, et même de souveraineté.
M. Michel Bouvard - Ce ne serait pas le seul !
M. Gilles Carrez - Par ailleurs, je m'associe au rapporteur
général pour souligner que la représentation nationale a droit à plus d'égards. Il
est anormal que nous ne disposions pas d'une information synthétique sur les engagements
extérieurs de la France, dont certains ont un coût élevé. Je pense aux dépenses de
l'article 7, qui visent à consolider les dettes envers la France de certains pays
étrangers. De même, l'article 18 majore de 27 milliards notre quote-part au FMI, sans
que nous ayons reçu la moindre information préalable ! Aux Etats-Unis, le Congrès
a longuement débattu de la quote-part américaine.
M. Auberger a déposé un amendement visant à améliorer
l'information du Parlement, ce que souhaite aussi le rapporteur général. Du moins
l'a-t-il affirmé en commission. J'espère qu'à l'avenir, la commission pourra se réunir
pour examiner l'ensemble des engagements extérieurs de la France et les programmer sur
plusieurs années.
J'en viens au compte d'affectation spéciale recevant les produits de
cession d'actifs détenus par l'Etat. Majoré de 29 milliards l'année dernière, il en
collectera encore 15 cette année. On ne peut que féliciter le Gouvernement pour le
dynamisme de sa politique de privatisation ! Il faut continuer dans cette voie. Mais
je voudrais insister sur la Société marseillaise de crédit, sorte de concentré de
Crédit Lyonnais... Depuis six ans, à travers une demi-douzaine de recapitalisations,
elle a reçu de l'Etat l'équivalent de son produit net bancaire, c'est-à-dire
6 milliards ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)
M. Michel Bouvard - De quoi boucler le TGV Est !
M. Gilles Carrez - En 1982, pour des raisons idéologiques,
vous avez voulu nationaliser le crédit. L'Etat a acheté des banques pour des sommes
astronomiques. A cette époque déjà, la SMC ne valait pas grand-chose. Vous l'avez
achetée 400 millions. Quelle aubaine pour les actionnaires ! Ils n'en
revenaient pas. Certains, même, sont restés aux commandes de la banque, avec un salaire
à la clef... Aujourd'hui, vous voulez vendre la SMC pour 10 millions, et comme c'est
encore trop cher, vous nous demandez d'approuver une garantie de l'Etat à hauteur de 435
millions ! Il y a de quoi se sentir amer.
Dans cette affaire, toute la chaîne de responsabilité a été
défaillante (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), qu'il s'agisse de
la commission bancaire, de la direction du Trésor, des commissaires aux comptes et de
dirigeants. Vous nous avez dit que la commission bancaire était intervenue en 1998. Elle
l'a fait aussi en 1992, 1994 et 1996... En août 1993, elle évaluait à
3,7 milliards l'insuffisance de provisions du Crédit Lyonnais, qui se révéla, un
an plus tard, de 50 milliards !
Avant toute recapitalisation, avant que l'Etat apporte sa garantie, je
demande que les comptes de la SMC soient examinés par la Cour des comptes plutôt que par
la commission bancaire, dont l'avis ne nous inspire qu'une confiance limitée.
M. Robert Pandraud - Aucune confiance !
En outre, je ne comprends pas bien l'articulation entre une clause de
retour à meilleure fortune, demandée par la commission de privatisation et qui ne porte
que sur un an, et une demande de garantie à l'Etat qui, elle, va durer trois ans.
Quand vous étiez dans l'opposition, vous étiez très prompts à
défendre le contribuable, à l'occasion des privatisations. Il ne fallait pas brader le
patrimoine de l'Etat, disiez-vous. Je me demande si vous n'avez pas perdu cette ardeur,
avec cette privatisation à la hussarde. Qui fait la bonne affaire ? Est-ce l'Etat,
ou le CCF ? J'approuve la position du rapporteur général et du président de la
commission, qui vous ont demandé de ne pas voter l'article autorisant l'Etat à apporter
sa garantie.
La Société française de production offre un autre exemple de
l'incapacité des entreprises publiques de s'adapter à la concurrence. Cette société
bénéficiera d'une recapitalisation supérieure à 1 milliard qui représente trois
années de chiffre d'affaires...
M. Michel Bouvard - Et plus que la diminution du budget des
routes !
M. Gilles Carrez - ...Les contribuables et les
parlementaires seraient en droit de connaître les projets de l'Etat pour cette
entreprise. Ce milliard en assurera-t-il la pérennité ? Servira-t-il à financer un
programme de modernisation et d'investissement ? Les relations de la SFP avec les
chaînes de télévision seront-elles clarifiées ? Il n'en est rien ! Ce
milliard ne servira qu'à financer un plan social pour réduire les effectifs de plus de
moitié. La subvention de l'Etat n'est qu'une sorte d'anesthésiant préparant la
disparition de l'entreprise. Ce sont les mêmes raisons qui font que l'Etat est incapable
d'assurer un avenir à la SFP et qui expliquent le report sine die du projet de loi
sur l'audiovisuel public (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe
UDF et du groupe DL).
J'en viens à l'ensemble SNCF, Réseau ferré de France -RFF- qui sera
affectataire de 23 milliards sur les exercices 1998-1999. Chaque année, la SNCF
bénéficie de 55 milliards de crédits publics ; autrement dit, chaque
Français paie environ 1 000 F par an. J'invite les Français à prendre le
train le plus souvent possible pour amortir cette dépense ! Pendant combien de temps
supporterons-nous encore de telles charges ? Les structures de défaisance qui ont
été créées pour réparer des erreurs de gestion des entreprises publiques appellent
les mêmes observations.
Pour conclure sur le compte d'affectation spéciale, il conviendrait
que les parlementaires connaissent à l'avance la programmation des aides de l'Etat aux
entreprises publiques et non, comme cette année, au mois de décembre pour l'année en
cours ! Lorsque les administrations de tutelle protègent aussi mal le contribuable,
il est normal que les parlementaires disposent de tous les moyens de contrôle
nécessaires pour pallier cette carence.
M. le Président - Je vous prie de conclure pour respecter
l'accord qui a été passé.
M. Gilles Carrez - Bref, nous sommes inquiets pour
l'avenir. Nous avions dénoncé par anticipation le gaspillage des fruits de la croissance
au titre du budget pour 1999. Le présent projet illustre parfaitement les occasions
perdues de diminuer les impôts, en particulier la TVA (Exclamations sur les bancs du
groupe socialiste), de réduire le déficit pour le ramener à un niveau comparable à
celui de nos partenaires européens.
Tous comptes faits, comme l'a dit le rapporteur général, ce collectif
est, en effet, assez banal puisqu'il ne rompt pas avec la routine d'une dépense publique
qui n'est toujours pas maîtrisée. Cette situation est contraire à l'intérêt du
pays : c'est ce qui justifie notre question préalable (Applaudissements sur les
bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).
M. le Secrétaire d'Etat - Outre que M. Carrez a dit
certaines choses inexactes, il a fait preuve d'une amnésie étonnante de la part d'un
parlementaire aussi talentueux.
En ce qui concerne la conjoncture et la croissance, les comptes
économiques du troisième trimestre de 1998 font apparaître une progression de la
consommation de 3,7 %, cependant que les ventes d'automobiles augmentent de 17 %
par rapport à l'an dernier. C'est dire que les consommateurs n'ont pas ce comportement
timoré que vous leur prêtez. Quant aux exportations, elles sont le signe d'une
compétitivité satisfaisante. A cet égard, la prudence du Gouvernement sur le risque
financier étranger appelle davantage les compliments que la critique... D'autre part,
l'investissement des entreprises sera élevé cette année. Enfin, vous connaissiez
l'adage "quand le bâtiment va, tout va" : or les mises en chantier
progresseront de près de 9 % par rapport à 1997.
Les entreprises ont fait preuve d'une certaine attention et, au cours
de ce troisième trimestre, au lieu de produire davantage pour satisfaire une demande qui
existe, elles ont puisé dans leurs stocks. Par nature, ce phénomène est passager.
Peut-être ont-elles aussi été impressionnées par la crise financière mondiale.
Bref, la prévision de croissance de 2,7 % du Gouvernement est une
bonne cible. Pour l'atteindre, il faut que les consommateurs gardent confiance et que les
investissements des entreprises conservent un dynamisme qui contraste avec la langueur
constatée de 1991 à 1997.
Vous avez critiqué les choix opérés dans l'utilisation des
plus-values fiscales. Ils tiennent au fait que la croissance repose davantage sur une
demande intérieure qui acquitte de la TVA que sur une demande externe qui n'en paie pas.
Pour ce qui est des 5,6 milliards destinés à rembourser les
dettes de l'Etat à la Sécurité sociale au titre des exonérations de charges, ils ne
s'expliquent que par les retards de paiement accumulés avant 1998.
S'agissant de l'inflation, sa baisse équivaut à une augmentation du
pouvoir d'achat des retraites et des salariés, donc de la consommation et de la
croissance.
J'en viens aux sujets sur lesquels vous avez fait preuve d'une certaine
amnésie. Vous avez tenu des propos un peu alarmants sur la dette publique qui passerait
de 58,1 % à 58,6 % du PIB. Mais entre 1994 et 1997, et j'ai choisi deux années
pour lesquelles les responsabilités sont claires -elle a progressé de 7 %.
M. Gilles Carrez - C'était la conséquence du déficit de
1993.
M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement entend
stabiliser cette dette en 2 000 : vous l'avez promis, nous le ferons.
En ce qui concerne les prélèvement obligatoires, vous nous avez
donné des leçons, mais dois-je vous rappeler que la CSG a été relevée de 1,3 % par le
gouvernement Balladur, puis de 0,5 % par le gouvernement Juppé. En revanche, la
hausse de 1998 était la contrepartie d'un allégement des cotisations sociales salariales
(Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).
M. Michel Bouvard - Les citoyens ne s'en sont pas aperçus.
M. le Secrétaire d'Etat - Enfin, lorsque le Gouvernement a
repris le dossier de la Société marseillaise de crédit, celle-ci connaissait une chute
abyssale. Face à une telle situation, il y a d'un côté les spectateurs vociférants qui
n'ont rien fait de 1993 à 1997, malgré les rapports de la commission bancaire, et les
acteurs clairvoyants (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe
DL).
Le Gouvernement cherche à ne pas aggraver le passif de l'Etat qui
s'est beaucoup creusé de 1993 à 1997.
Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de la question préalable (Applaudissements
sur les bancs du groupe socialiste).
M. le Rapporteur général - Loin de démontrer qu'il n'y a
pas lieu de délibérer, M. Carrez a expliqué qu'il y avait de nombreuses raisons de
débattre. C'est une première raison de repousser la question préalable.
Il est vrai que les dépenses d'investissement sont sacrifiées par
rapport aux dépenses de fonctionnement mais, sur ce point, l'actuel gouvernement fait
quand même beaucoup mieux que ses prédécesseurs. C'est ce qu'on peut déduire des
observations de la Cour des comptes l'année dernière.
Ainsi, les dépenses civiles en capital sur la loi de finances
rectificative augmentent beaucoup plus en pourcentage que les dépenses civiles
ordinaires, ce qui traduit le souci de privilégier les dépenses d'investissement.
En ce qui concerne la réduction des déficits, je regrette votre
vision subjective des chiffres présentés dans mon rapport. La réduction des déficits
publics doit résulter d'une politique équilibrée, car l'imposition d'un rythme trop
rapide de diminution des déficits publics s'avère incompatible avec notre volonté de
financer des actions prioritaires tout en diminuant les prélèvements obligatoires.
L'objectivité commande de reconnaître que la dette n'a pas été
maîtrisée certaines années, particulièrement 1994, 1995 et 1996, sous les
gouvernements de MM. Balladur et Juppé. On constate en effet un surcroît de dette
de 1 100 milliards sur cette période, l'écart entre 1994 et l'année
précédente se montant par exemple à 442 milliards.
Nous nous efforçons de renverser la pente que vous avez suivie et de
limiter cet endettement à 240 milliards en 1999.
Les résultats rapportés par la Commission européenne sont d'ailleurs
conformes aux prévisions de printemps.
Concernant la Société marseillaise de crédit, faut-il rappeler que
la procédure de privatisation a été engagée dès le 26 octobre 1995, mais qu'on n'a
pas su alors la mener à terme ? La solution présentée par le Gouvernement a quand
même le mérite de sauver l'entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe socialiste)
La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La séance, suspendue à 18 heures 5 est reprise à 18 heures 20.
M. le Président - A la demande du Président et du rapporteur
général de la commission des finances, un accord a été passé en Conférence des
présidents pour essayer de terminer ce soir. J'invite donc chacun à respecter son temps
de parole.
M. Gilbert Gantier - Voici un collectif, sans relief, qui
traduit clairement le manque d'imagination d'un Gouvernement paralysé par les soubresauts
de sa majorité. Il nous promettait une grande réforme de la taxe d'habitation... Nous
avons droit qu'à 21 articles techniques, à moins que le Gouvernement tienne en
réserve quelque article additionnel.
Ce projet n'en est pas moins pernicieux car il relève du laxisme
budgétaire. En effet, sur près de 14 milliards de recettes supplémentaires,
3,3 milliards seulement seront consacrés à la réduction du déficit, la plus
grande partie des plus-values fiscales étant utilisée pour financer des dépenses
nouvelles et pour colmater des dettes.
Le Gouvernement prévoit 31 milliards de dépenses nouvelles.
Même avec 20 milliards d'annulations de crédits, le total des dépenses
supplémentaires est de 10 milliards.
En affectant l'ensemble des recettes supplémentaires et des
annulations de crédits à la réduction du déficit, il n'aurait plus été que de
2,5 % du PIB, ce qui nous aurait placé dans la moyenne européenne. En ne pratiquant
qu'une baisse homéopathique, le gouvernement Jospin maintient la France au dernier rang
des pays qualifiés pour l'euro.
Nous aurions pu au moins espérer un allégement de la pression fiscale
qui pèse sur les ménages. Las, le Gouvernement fait un hold-up sur la croissance et les
Français n'en profiteront en rien. Il n'y a dans ce projet ni baisse de la TVA, ni baisse
d'impôt sur le revenu, ni baisse des impôts locaux, ni suppression de la redevance
télé. Pourtant, face à la grogne anti-impôt, vous auriez dû faire un geste. En effet,
les Français comprennent cet automne que la réduction des prélèvements obligatoires
que vous annoncez depuis des mois est une illusion. Ils croulent sous les feuilles
d'impôts. Ils ont dû acquitter, ces dernières semaines, leur troisième tiers, la CSG,
dont le produit est passé d'une centaine de milliards à plus de 350 milliards en un
an, les impôts locaux, la vignette. Ils ont bien vu qu'il n'y avait aucune baisse.
1998 sera l'année des occasions manquées. Avec un taux de croissance
de plus de 3 %, le meilleur de la décennie, le Gouvernement aurait dû engager des
réformes de structures et mieux préparer la France à l'euro. Il a opté pour la
facilité des dépenses.
Au lieu de se projeter dans l'avenir, il tente de colmater la sphère
publique. Ainsi 8,7 milliards de recettes nouvelles sont affectés à des apurements
de dettes : 5,6 milliards pour la Sécurité sociale, 2,4 milliards pour la
construction navale, 700 millions pour compenser des retards de paiement de l'Etat.
Et, pour financer les dépenses supplémentaires, le gouvernement
Jospin a recours, une fois de plus, à des annulations de crédits d'équipement
militaire.
Ce projet est aussi celui des occasions manquées par un Gouvernement
qui a mangé son pain blanc. Malgré l'optimisme de façade affiché par le ministre de
l'économie, les indicateurs économiques traduisent tous un ralentissement.
Au troisième trimestre, le taux de croissance trimestrielle est passé
de 0,8 % à 0,5 %, il pourrait même s'affaisser à 0,2 %.
En septembre, la production industrielle a reculé de 1 % et la
consommation de 0,7 % en octobre.
Les carnets de commandes se dégarnissent et les programmes
d'investissement se resserrent. Selon une étude de l'INSEE, l'investissement stagnerait
l'année prochaine, alors que le Gouvernement table sur une progression de 8 %.
Il est malheureusement de plus en plus improbable que le taux de
croissance atteigne les 2,7 %. Or, moins de croissance, c'est plus de dépenses et
moins de recettes. Vous devriez donc vous mettre à revoir dès maintenant le projet de
loi de finances pour 1999 ou du moins préparer un collectif budgétaire pour 1999,
d'autant que l'inflation prévue ne serait pas de 1,3 % mais de 0,5 % et que de
ce fait, le dépenses de l'Etat en francs constants n'augmenteront pas de 1 %, mais
de 1,8 %.
Pour respecter la norme de progression des dépenses de 1 % qu'il
s'est fixée, le Gouvernement devrait donc réduire de 0,8 % le montant des dépenses
pour 1999.
Votre politique budgétaire est donc mal orientée et les Français
commencent à le comprendre : selon BVA, ils sont 47 % à juger votre politique
mauvaise, contre 42 % qui la jugent bonne.
L'article 21 sur la Société marseillaise de crédit est une parfaite
illustration de ce retour en arrière.
La Société marseillaise de crédit a été nationalisée par la loi
du 11 février 1982. Nous nous y sommes bien opposés, mais en vain. A l'époque, Pierre
Mauroy voyait dans la nationalisation "l'une des formes du génie français".
M. Philippe Auberger - C'est un poète !
M. Gilbert Gantier - André Labarrère la qualifiait de
"cadeau à notre pays".
M. Michel Bouvard - Pas pour les contribuables !
M. Gilbert Gantier - Pour François Mitterrand, les
entreprises nationalisées étaient "les outils du monde prochain" (Exclamations
sur les bancs du groupe du RPR).
Dix-sept ans après, le bilan est lourd, mais il était prévisible. Je
disais déjà à cette tribune, le 14 octobre 1981, que les nationalisations appartenaient
au passé et ne sauraient constituer une bonne politique. On serait bien en mal d'en citer
de bénéfiques.
M. Christian Cuvilliez - EDF-GDF ! France
Télécom ! Même Renault !
M. Gilbert Gantier - Nous en reparlerons !
J'annonçais que "le secteur public ne serait en aucun cas une source de croissance
et d'emplois". De fait, les entreprises publiques n'ont pas été des pôles de
croissance et de progrès.
M. Christian Cuvilliez - Mais si, mais si !
M. Gilbert Gantier - Bien au contraire, elles ont licencié
encore plus que le secteur privé et elles ont coûté cher aux contribuables. Mon
collègue Carrez a rappelé les sommes payées pour acquérir la Société marseillaise de
crédit, puis pour la maintenir en vie, enfin pour s'en débarrasser !
Lors des sept dernières années, les entreprises publiques ont été
déficitaires, et l'excédent de 1997 résulte uniquement de l'excédent de France
Télécom. Pendant la même période, 100 000 emplois ont été supprimés dans le
secteur public.
Le Crédit Lyonnais est le symbole le plus médiatique de l'échec des
nationalisations. Mais, si on prend en compte sa petite taille, la Société marseillaise
de crédit bat tous les records.
Elle qui compte 2 000 salariés, 162 agences, 17 milliards de
francs de dépôts, elle a perdu plus de 3 milliards en 1997. Dans les cinq dernières
années, l'Etat l'a recapitalisée à hauteur de 6 milliards.
Le 22 octobre dernier, le ministre de l'économie a décidé de la
céder à une filiale du CCF pour 10 millions de francs. Comme l'article 21 de ce projet
prévoit l'octroi par l'Etat d'une garantie de plus de 400 millions, la Société
marseillaise de crédit n'a pas fini de coûter de l'argent au contribuable. Le
Gouvernement fait ainsi payer aux Français la facture d'une mauvaise gestion publique et
l'incapacité des autorités de tutelle à contrôler les entreprises publiques.
Le rapporteur général a d'ailleurs dénoncé "les insupportables
insuffisances du contrôle tant des entreprises publiques que des activités
bancaires" et mis en cause la direction du Trésor, la commission bancaire, la Cour
des comptes et les commissaires au comptes.
Si son analyse est juste, il se trompe néanmoins de cibles. Le
problème, ce n'est pas le contrôle des entreprises publiques, mais leur possession par
l'Etat. Par définition, l'Etat est incapable de veiller au bon développement et à la
bonne gestion d'une entreprise.
En commission des finances, j'avais déposé un amendement de
suppression de cet article 21. Le rapporteur s'y est opposé, mais ensuite il a fait voter
cette suppression par la commission. Je comprends mal cette logique, n'étant député que
depuis vingt-cinq ans... (Sourires)
Les mécanismes de contrôle ne peuvent pas fonctionner pour les
entreprises publiques. Nous avons pu le constater avec le Crédit Lyonnais, avec le GAN,
avec le Crédit Foncier, et maintenant avec la Société marseillaise de crédit. Les
Français ne s'y trompent pas. Ils sont majoritairement favorables, selon le sondage de
BVA, à la privatisation du Crédit Lyonnais, d'Air France et de la SNCF.
Le parti socialiste est en retard, une fois de plus, par rapport aux
évolutions de notre économie. Dans la déclaration finale de sa convention sur
l'entreprise, les 21 et 22 novembre dernier, il se prononce pour l'autorisation
administrative de licenciement, la restriction des contrats à durée déterminée, le
durcissement de la loi sur les 35 heures et contre les fonds de pension.
A la différence de plusieurs partis socialistes européens, le PS
français demeure profondément étatiste.
Ce retard est d'autant plus criant que nous sommes entrés dans un
processus de concentration à l'échelle mondiale qui suscite quelques inquiétudes.
M. Yves Cochet - Eh bien, c'est le libéralisme !
M. Gilbert Gantier - En quelques semaines, nous avons
assisté au mariage de Daimler Mercedes avec Chrysler, au rachat de Bankers Trust par la
Deutsche Bank et au rachat par Exon de Mobil. Cette valse mondiale préfigure la course à
la productivité qui concerne les principales firmes mondiales. Or, dans ce combat de
titans, la France ne semble pas très bien placée. Le premier groupe français n'occupe,
en effet, que la 18ème place dans le monde. A force de nous enfermer dans nos
"exceptions" qui ne sont que des archaïsmes, nous risquons d'être
définitivement exclus de la compétition mondiale.
C'est la raison pour laquelle le groupe DL votera contre ce collectif
budgétaire, qui organise le gaspillage des fruits de la croissance (Applaudissements
sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).
M. Jean-Louis Idiart - Ce projet s'inscrit très clairement
dans les orientations définies par le Premier ministre et correspond aux voeux de la
majorité des Français : réduire les déficits publics et servir la croissance,
l'emploi et la solidarité.
Cette politique de bon sens est opposée aux dogmes du libéralisme
prôné par les gouvernements précédents. Ses effets se sont fait immédiatement sentir,
comme en témoigne cette loi de finances rectificative. La partie recettes, d'ordinaire
riche de "mesures nouvelles", est cette année réduite à sa plus simple
expression. Cette année 1998 aura vu une croissance de 3,1 %, supérieure aux
prévisions, et le déficit est tombé au-dessous de 3 % du PIB.
Cela témoigne à la fois de la confiance retrouvée et de l'esprit de
responsabilité du Gouvernement. Les 30,8 milliards de dépenses nouvelles portent
essentiellement sur la solidarité -augmentation de l'allocation de rentrée scolaire,
baisse des cotisations sur les bas salaires, revalorisation des allocations de chômage et
du RMI-, sur la sécurité -moyens de fonctionnement de la police, programme ACROPOL,
rénovation des commissariats etc.- et sur les aides à certaines industries en
difficulté -GIAT, construction navale, etc.
Nous adhérons à toutes ces mesures. Toutefois, trois dispositions de
ce texte appellent quelques éclaircissements de votre part, Monsieur le ministre :
l'affectation de la redevance pour la télévision, la garantie de l'Etat sur la cession
de la SMC et la réforme du droit de bail.
Votre texte ne précise pas l'affectation de 71,5 millions issus
de la redevance télévision. Notre devoir est de ne faire aucune concession sur la
transparence de cette affectation. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement
répartissant cette somme entre les trois chaînes publiques.
La commission a voté contre l'article 21, par lequel l'Etat
accorde, pour 435 millions, sa garantie à la banque Chaix à raison des préjudices
qu'elle subirait du fait de la cession de la Société marseillaise de crédit. Nous ne
l'avons pas fait pour des raisons de fond : les gouvernements précédents avaient
tardé à régler le problème...
M. Michel Bouvard - Il fallait ne pas l'acheter !
M. Jean-Louis Idiart - Vous avez laissé dégénérer la
situation pendant quatre ans : nous, nous prenons nos responsabilités ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe socialiste)
Nous approuvons le principe de cette garantie, mais nous n'accepterons
jamais que l'administration tarde à informer les parlementaires : d'où notre vote.
Cela étant, vous nous avez donné des éclaircissements convaincants, Monsieur le
secrétaire d'Etat et les compléterez tout à l'heure.
A l'article 11 enfin, la réforme du droit de bail et de la taxe
additionnelle constitue, à première vue, une simplification administrative : il n'y
aura plus à porter les revenus tirés de locations immobilières sur une déclaration
spécifique. Cependant, venant après la simplification relative à la TVA payée par les
micro-entreprises, celle-ci a forcément des incidences sur l'organisation de
l'administration fiscale. Or la "modernisation" de celle-ci se fait de façon
trop classique, trop verticale, sans concertation avec l'extérieur, notamment quant aux
incidences qu'elle peut avoir pour les territoires.
M. Michel Bouvard - Exact !
M. Jean-Louis Idiart - L'administration s'éloigne ainsi
des contribuables se repliant sur elle-même et négligeant les réalités humaines, au
rebours de ce que devrait faire une administration réellement moderne. Les réformes et
les simplifications que nous votons ne doivent pas servir à de simples transformations
internes.
Sous ces réserves, cette loi de finances rectificative est conforme
aux engagements que nous avions pris envers les Français en juin 1997 et le groupe
socialiste le votera donc (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. Philippe Auberger - Faire le point sur la conjoncture
économique n'est pas hors sujet, quoi que vous en disiez, Monsieur le secrétaire
d'Etat : apprécier la situation en cette fin d'année nous permettra de dire si les
prévisions que vous faisiez il y a deux mois pour 1999 ont quelque chance de se
réaliser. Or il faut bien constater que ce que le ministre de l'économie qualifiait il y
a quelques semaines de sornettes prend de la consistance : la croissance est en train
de se ralentir. Mais il est vrai que le Gouvernement n'en est plus à un cafouillage
près...
A défaut d'aller à Canossa, M. Strauss-Kahn est d'ailleurs venu
à repentance hier : il a reconnu que nous n'étions plus sur la trajectoire des
2,7 % de croissance. Les derniers chiffres de la comptabilité nationale confirment
ce retournement de la conjoncture : après avoir été de 0,7 % au premier
trimestre et de 0,8 % au deuxième, la croissance n'était plus que de 0,5 % au
troisième, au lieu des 0,9 % prévus en octobre encore. L'erreur est du double au
simple ! Si l'on prend en compte le nombre de jours ouvrables, on tombe même à 0,2
ou 0,3 %.
Les perspectives sont très inquiétantes en ce qui concerne les
investissements des entreprises : la progression, qui était de 2,5 % au premier
trimestre, a été ramenée à 1,6 % au deuxième et à 0,9 % au troisième.
Selon la dernière enquête, ces investissements pourraient être étaler l'an prochain,
alors qu'il y a trois mois, vous annonciez qu'ils croîtraient de 9 % !
Si donc les 3 % de croissance sont à peu près assurés pour 1998, il
vous faut revoir totalement vos prévisions pour l'an prochain.
D'autre part, il semble peu réaliste de penser que l'inflation va
compenser le défaut de croissance.
On peut certes se réjouir que les recettes fiscales dépassent ce qui
était prévu, mais on le doit pour l'essentiel à la bonne tenue de la consommation, qui
a crû de 3 %, au lieu des 2 % attendus. Vous avez évalué les plus-values
de TVA à 12 milliards et l'estimation est même prudente, mais il faut bien voir que
cela se traduit par une aggravation de la pression fiscale, aggravation que vous ne voulez
pas reconnaître. Contrairement à tous vos engagements, les prélèvements obligatoires
ne diminueront pas en 1998 !
A l'automne 1997 puis lors de la dernière discussion budgétaire, vous
aviez annoncé que les prélèvements sociaux seraient stabilisés à 22,3 %, que
ceux de l'Etat passeraient de 15,2 à 15 % et ceux des collectivités de 7,2 à
7,1 %. Or les premiers seront plus élevés que prévu, en raison d'une
sous-estimation des effets de l'extension de la CSG ; compte tenu de 12 milliards de
plus-values et d'une moindre progression du PIB en valeur, les seconds seront au mieux
étalés, s'ils ne progressent pas légèrement ; enfin, selon la dernière note de
conjoncture de la DGCL, le produit de la fiscalité locale a crû de 3,9 %, cependant que
le PIB devrait augmenter de 4 ou 4,1 % : le poids de ces prélèvements ne
devrait donc pas diminuer. Au total, on aura une nouvelle fois trompé les Français.
En 1997, alors qu'on annonçait une stabilisation, les prélèvements
fiscaux ont battu un record historique, s'établissant à 46,3 %. Vous allez pourtant
poursuivre sur la lancée, en 1998 mais aussi en 1999 puisque les recettes de l'Etat
augmenteront alors de 62 milliards, soit de 4,3 %, alors que le PIB ne croîtra que
de 3,5 ou 3,6 %, probablement.
L'essentiel des 14 milliards de recettes supplémentaires sera
consacré à des dépenses nouvelles : 3,3 milliards seulement iront à la
réduction du déficit. Une fois de plus, vous privilégiez délibérément la dépense,
alors que l'endettement public, de 58,1 % du PIB en 1997, passera à 58,2 % en 1998 et à
58,7 % en 1999. Le seuil des 60 % risque d'être atteint rapidement.
De surcroît, le fait de consacrer plus de 10 milliards à des
dépenses nouvelles remet en cause les arbitrages intervenus lors de la loi de finances
initiale pour 1998 : ces dépenses ne devraient pas augmenter de plus de
21 milliards, soit de 1,36 %. En fait, elles progresseront de moitié plus, soit
de plus de 2 % !
Beaucoup de dépenses n'ont pas leur place dans un collectif de fin
d'année : ainsi, la fameuse majoration de l'allocation de rentrée scolaire,
inscrite ici pour 5,7 milliards, était annoncée à l'automne dernier et aurait donc
dû figurer dans la loi de finances initiale. Le milliard demandé pour le recensement
général de l'an prochain devrait, lui, être porté dans la loi de finances pour 1999.
De même, les 450 millions d'indemnisation des commissaires-priseurs : le texte
qui décidera la mesure n'a pas encore été examiné. Etait-ce si urgent de prévoir
161 millions pour la célébration de l'an 2000 ou d'inscrire des crédits
d'investissement pour des immeubles diplomatiques ?
Ce sont au total 10 milliards de dépenses qui n'avaient pas leur place
ici. Tout cela témoigne d'une gestion bien laxiste, à un moment où les Français ont
bien du mal à acquitter leurs impôts.
Le Parlement a été traité de manière très désinvolte. Alors que
le FMI engage des sommes de plus en plus importantes pour faire face aux crises de
paiement de la Russie et des pays d'Amérique latine et d'Asie, alors que ses actions
structurelles sont de plus en plus contestées, on nous demande d'augmenter ses
ressources, sans nous apporter aucune garantie sur l'utilisation des fonds. Tandis que le
Congrès américain a discuté pendant dix mois de l'augmentation de la quote-part
américaine, qui n'a été accordée qu'assortie de conditions draconiennes, on prétend
en France procéder au détour d'un collectif... Il y a un fossé entre la démocratie
américaine et la démocratie française.
De même, on a pris l'habitude d'annuler les dettes des pays
surendettés sans en informer le Parlement autrement qu'a posteriori. Ainsi, vous
nous demandez d'augmenter les prêts aux pays endettés auprès de la France, sans
information préalable. Quant aux reversements sur provisions de la COFACE, ils ont fondu
entre septembre et novembre, sans qu'aucune explication nous soit fournie.
Dans le passé pourtant, les socialistes nous ont régulièrement
demandé d'augmenter substantiellement les dotations de la COFACE.
Pour tout ce qui concerne nos interventions extérieures, votre
désinvolture confine à l'irresponsabilité. Le groupe RPR ne peut accepter ce
collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe
DL).
M. le Président - Je vous propose de prolonger cette séance
jusqu'à 20 heures pour terminer la discussion générale. La séance de ce soir
pourrait commencer après 21 heures.
M. Christian Cuvilliez - Monsieur le ministre, je suis
surpris que ce collectif ne porte que sur 30 milliards alors que la marge de
manoeuvre dans laquelle vous nous proposez de faire évoluer le projet de loi de finances
pour 1999 est de 75 milliards dont le tiers est intangible puisqu'il servira à
réduire le déficit à 2,3 % pour nous conformer aux critères de convergence.
30 milliards de francs d'un côté, 50 milliards de l'autre.
Ma surprise est d'autant plus grande que ces 30 milliards ont
été dégagés par le Gouvernement en cours d'exercice, sans que le Parlement ait à en
débattre.
Ce n'est pourtant pas nous, communistes, qui vous aurions fait grief de
consacrer 8 milliards à des interventions sociales aussi nécessaires que le
renouvellement de l'allocation de rentrée scolaire pour les familles, la nouvelle
allocation pour les chômeurs âgés ou l'abondement de l'enveloppe consacrée au RMI.
Tout au plus, si nous avions été consultés, aurions-nous demandé
davantage. L'opposition en aurait fait des gorges chaudes, mais vous y auriez peut-être
souscrit. Au lieu de cela, il nous est demandé de constater et d'entériner les
décisions prises.
Quand je songe au tintamarre que font certains parlementaires à propos
de la révision constitutionnelle et de l'article 88-4, en exigeant un droit de
contrôle du Parlement sur les directives européennes, je me dis que peut-être, dans
notre propre maison, il y aurait lieu de renforcer notre pouvoir.
Je ne parle pas de ces dépenses obligées que constituent l'apurement
des dettes de l'Etat et la compensation de la baisse des droits de mutation.
En revanche, on peut s'interroger sur les 10 milliards d'abondement et
les 20 milliards d'économies qui affectent les dotations de plusieurs ministères.
Quand on sait combien les redéploiements ont été douloureusement
ressentis à la Culture et à la Défense, ne fallait-il pas nous consulter avant de
procéder à tout arbitrage ou de geler 3,3 milliards au nom de la lutte contre les
déficits ?
Nous avons déjà donné notre point de vue sur cette manière, peu
contraignante pour les marchés financiers, de lutter contre l'endettement de l'Etat. Nous
préférerions que soient dégagées des ressources nouvelles en approfondissant la
réforme fiscale ou en levant un emprunt obligatoire qui mette à contribution ceux qui
tirent profit de l'endettement public. Vous répondrez qu'en évitant ce débat délicat,
vous nous épargnez un discours incantatoire et dénué de portée. Il suffirait pourtant
que la majorité plurielle se décide, pour qu'il en aille autrement.
Puisque nous disposons d'un excédent de recettes, pourquoi ne pas le
consacrer à soutenir la croissance ? Mon groupe s'apprêtait à profiter des
fenêtres ouvertes dans notre ordre du jour pour déposer une proposition relative aux
conditions d'admission à la retraite, avec l'assentiment du groupe ami. On nous a opposé
l'article 40, alors que notre proposition coûterait tout juste 2 à 2,5 milliards.
Le gel en début d'année de dépenses programmées et votées par le
Parlement, de même que les annulations de crédits en cours d'exercice sont des pratiques
à proscrire.
Il y va du respect des engagements pris par le Parlement comme de la
crédibilité de certains des membres du Gouvernement.
On nous dit souvent : "Bercy met son veto" "Bercy
ne l'entend pas de cette oreille", Bercy ceci, Bercy cela... Je vous pose donc la
question, Monsieur le secrétaire d'Etat : Bercy est-ce l'arbitre des élégances, ou
une école de lycanthropie ? (Sourires)
J'imagine assez bien la discussion que nous aurions pu avoir en janvier
dernier, quand les associations de chômeurs demandaient l'augmentation des minima
sociaux, ce qu'elles n'ont cessé de faire depuis et qu'elles s'apprêtent à redemander
avec force à l'approche des fêtes de fin d'année. J'imagine assez bien l'arbitrage que
nous aurions pu rendre, entre annulations ou réaffectations de crédits.
En tout cas, je souhaite qu'en 1999, sauf nécessité impérieuse et
déclarée, il n'y ait pas de gels de crédits qui ne soient d'abord soumis à
l'appréciation de l'Assemblée. Cette demande me paraît d'autant plus justifiée que de
toutes parts, on voit se modifier les pronostics sur l'évolution de la crise financière,
dont la propagation serait pour le moment contrôlée dans les pays du G7, mais dont les
ravages économiques et sociaux en Russie, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine sont
considérables et peut-être contagieux.
Dans une de ses réponses aux questions d'actualité, M. Dominique
Strauss-Kahn a attisé nos craintes en affirmant que 1998 serait la meilleure année
budgétaire de la législature.
Il serait donc dangereux d'admettre que, par gel, redéploiement ou
restrictions de crédits, on puisse nous enlever les moyens budgétaires encore ouverts
pour soutenir la croissance et la consommation intérieure.
Ce serait revenir aux politiques d'austérité rejetées par nos
concitoyens en 1997. Ce serait donner satisfaction à la droite et à tous les
néo-libéraux qui nient et qui sapent l'autorité des Etats pour rétablir à l'échelle
mondiale le "laisser-faire, laisser-passer" archaïque, ce serait cautionner la
doctrine scandaleuse du FMI et de la Banque mondiale, pour qui la dépense publique, et
donc la dépense sociale, doivent nécessairement être réduites.
Il nous demande d'abonder la contribution de la France au FMI de 27
milliards. On nous explique doctement que cette opération sera neutre, puisque la France
récupérera en droits de tirage spéciaux le montant de sa contribution.
Cependant ces 27 milliards sont inscrits en dépenses, mais les DTS
font l'objet d'une créance. Dans ces conditions, je ne suis pas certain que l'opération
soit aussi neutre que cela.
Pouvons-nous, par les DTS dont nous disposons, soustraire le FMI à
l'influence des marchés financiers et des Etats-Unis ?
A l'heure où certains mettent en cause la légitimité du FMI, quelle
influence pouvons-nous exercer pour que la coopération financière soit orientée vers le
soutien au développement de l'économie réelle et de l'emploi ? Quel rôle le
Parlement peut-il espérer jouer dans la détermination de l'utilisation des DTS et de
notre stratégie générale à l'égard du FMI ?
Nous avons appris ce matin que, suite à vos efforts et à ceux de
M. Schröder auprès de la nouvelle Banque centrale européenne, gardienne de
l'orthodoxie monétariste, les taux d'intérêt allaient baisser. Est-ce le résultat de
votre action ? Est-ce une nécessité ? En tout cas, dans un contexte de crise,
la baisse des taux peut stimuler la croissance.
C'est Jacques Delors qui, évoquant la persistance de facteurs
explosifs comme le rétrécissement du crédit ou l'effondrement des cours des matières
premières, a estimé que seule une croissance forte en Europe peut nous permettre
d'éviter un nouveau krach.
Nous proposons que la monnaie et le crédit devienne des instruments
non plus de prédation, mais d'incitation à la croissance et à l'embauche. Il faut en
finir avec les schémas conformistes des réseaux financiers.
Le projet de marché paneuropéen des actions devrait nous inciter à
renforcer le pôle public bancaire, éventuellement européen, pour donner à la monnaie
et au crédit leurs véritables fonctions d'outils de développement et de progrès
social.
Est-ce bien le moment pour les banques centrales françaises et
allemandes de ne chercher qu'à harmoniser les taux, alors que l'urgence commande de les
baisser et d'orienter le crédit vers la formation, l'emploi, la création et le
développement d'activités de productions et de services ?
A ce propos, je déplore que le projet de restructuration des caisses
d'épargne sur lequel nous avons exprimé des désaccords ait été déposé hier devant
le conseil des ministres.
Que devient, dans ces conditions, l'engagement de débattre de la
constitution d'un pôle public bancaire, sur la foi duquel nous avions renoncé à opposer
une motion d'irrecevabilité à l'article 36 de la loi de finances pour 1999 relatif
au prélèvement de 5 milliards sur les réserves des caisses d'épargne ?
Et, surtout, que devient ce projet de pôle public réunissant les
caisses d'épargne, le CCF, le Crédit Lyonnais et les autres éléments du système
bancaire national ?
Faute de temps, je passe sur l'audiovisuel.
D'une manière générale, l'examen du présent projet révèle les
mêmes insuffisances que celui du projet de loi de finances pour 1999 qui doit nous être
soumis en deuxième lecture. Dans les deux cas, la discussion reste formelle. Des
améliorations significatives pourraient être apportées en deuxième lecture. C'est
pourquoi le groupe communiste ne fera pas de ce collectif budgétaire un ferment de
division de la majorité plurielle.
Toutefois, nos questions appellent les réponses et même des actes. Ce
n'est pas pour nous-mêmes que nous voulons être entendus comme composante à part
entière de la majorité, mais parce que nous ne faisons qu'exprimer les attentes et les
revendications de ceux qui luttent -journalistes, professionnels des médias, cheminots,
enseignants, lycéens, ouvriers menacés de licenciement, chômeurs. C'est pour eux que
nous devons donner de la consistance à nos projets.
M. Gérard Bapt et M. Yves Cochet - Très bien !
M. Jean-Jacques Jegou - J'avais cru être précédé à
cette tribune par un orateur de la majorité plurielle, mais rien dans ce projet n'a
semblé trouver grâce à ses yeux, au point que je vois mal, Monsieur le secrétaire
d'Etat, comment vos alliés communistes pourront le voter ! L'avenir nous réserve
peut-être des surprises.
Cela dit, une croissance qui s'essouffle, des dépenses qui
progressent, un déficit qui ne se réduit guère malgré des excédents de rentrées
fiscales, tel est le contexte dans lequel s'inscrivent la loi de finances pour 1999, et ce
collectif.
S'agissant de la loi de finances, vous aviez quelques excuses : au
moment des arbitrages budgétaires, en juillet 1998, la croissance était forte. Hélas,
elle s'est ralentie depuis quelques semaines, et risque d'être inférieure aux 2,7 %
que vous avez prévus pour 1999.
Alors que l'objet principal de ce collectif semble être de continuer
à accroître les dépenses, d'autres choix auraient été plus judicieux. En effet, si la
tendance actuelle persistait ou, pire, s'aggravait, on pourrait vous demander, dans
quelques mois : "Que faisiez-vous aux temps chauds ? Je dépensais, et bien
taxez maintenant !" (Sourires) Ou, si vous préférez une métaphore
empruntée à la voile, quand on traverse un grain, il faut réduire la toile.
Or, ce grain, nous risquons d'avoir à l'essuyer en 1999, si l'on en
croit les articles des journaux financiers, en particulier les prévisions sectorielles
publiées dans Les Echos d'hier, à propos des biens intermédiaires, des biens
d'équipement et de consommation. Peut-être la construction gardera-t-elle un certain
dynamisme, mais il n'est dû qu'aux acquéreurs qui se bousculent pour profiter de la loi
Périssol avant sa suppression. Il est, du reste, regrettable de mettre fin à ce
problème, véritable "booster" de la construction.
M. le Secrétaire d'Etat - Pour les résidences secondaires
de luxe !
M. Jean-Jacques Jegou - C'est faux. Dans ma ville, qui
n'est pas spécialement favorisée, l'amortissement Périssol a permis à de jeunes
couples d'acheter à des conditions intéressantes.
M. le Secrétaire d'Etat - M. Besson a prévu un dispositif
de remplacement.
M. Jean-Jacques Jegou - Nous verrons ce que nous proposera
M. Besson. Quoi qu'il en soit, si nous sommes sur la tangente des critères de
Maastricht, -c'est bien le moins à vingt-neuf jours de l'euro-, nous restons bons
derniers de la classe avec 2,9 % de déficit, soit loin derrière l'Espagne ou
l'Allemagne et de l'Italie. N'est-ce pas contradictoire avec votre volonté que la France
soit le moteur de l'Europe ? Pour revenir au collectif, avec 11 milliards de
recettes fiscales supplémentaires, 1,6 milliard de recettes non fiscales et 1,3
milliard de baisse des prélèvements sur recettes des collectivités
locales -FCTVA-, ce sont près de 14 milliards de marges supplémentaires pour
le budget de l'Etat. Pour ce qui est du FCTVA, il est un peu cynique, de la part du
Gouvernement, de parler d'une absence de dynamisme qui résulte précisément du fait que
l'Etat "chipote" depuis plusieurs années sur les dépenses d'investissement qui
donnent lieu à remboursement de TVA.
Je m'en voudrais d'oublier les 14,8 milliards d'annulations de
crédits, que vous avez pratiqués méconnaissant ainsi les décisions du Parlement, mais
c'est une habitude.
M. Christian Cuvilliez - Une mauvaise habitude !
M. Jean-Jacques Jegou - En fait, vous modifiez vous-même
ce que vous avez décidé ! Ce qui prouve bien que vous avez des marges de manoeuvre.
Que dire des psychodrames qui ont lieu sous tous les gouvernements, chaque fois qu'un
parlementaire tente de supprimer ou de déplacer 1 milliard !
Le Gouvernement considère, en fait, le Parlement comme un incapable
majeur, lui-même ayant toujours raison, ayant tous les droits. Non seulement, les
décisions du Parlement ne sont pas respectées, mais son pouvoir de contrôle est
inexistant !
Bref, les recettes supplémentaires que j'ai énumérées ne serviront
pas à réduire significativement le déficit, qui est seulement ramené de
257,9 milliards à 254,6 milliards de francs !
Ces recettes n'auraient-elles pu être utilisées pour abaisser les
impôts des ménages ou des entreprises ? Croiriez-vous que les Français qui paient
des impôts ne font pas partie de votre électorat ?
Ce collectif illustre bien la formule "trop d'impôt tue
l'impôt". En effet, alors que vous avez ajouté à l'impôt sur les sociétés une
contribution temporaire de 15 % l'an dernier, vous enregistrez un manque à gagner de
8 milliards !
En fait, les bonnes rentrées fiscales viennent de la TVA encaissée
grâce à une augmentation de la consommation des ménages, alors que les entreprises ont
réduit la toile, pour poursuivre une métaphore maritime, parce qu'elles savaient
qu'elles auraient à acquitter beaucoup d'impôt.
D'autre part, la politique menée à l'égard de la fonction publique a
abouti à couper les Français en deux catégories. Il y a quelques années, être
fonctionnaire présentait le double avantage d'échapper au chômage et d'être assuré
d'une bonne retraite, au prix de salaires moins intéressants que ceux du privé. Tel
n'est plus le cas aujourd'hui, si j'en juge par les informations de Bercy, selon
lesquelles "le salaire net médian des fonctionnaires est supérieur de 32 % à celui
des salariés du privé" -11 330 F pour les fonctionnaires contre
8 600 F pour la salariés du privé. Bref, les fonctionnaires sont désormais
mieux rémunérés, ils ont un emploi plus sûr, et la garantie d'une bonne retraite, sans
même parler du système PREFON dont eux seuls bénéficient. En revanche, les salariés
du secteur privé, exposés à la précarité de l'emploi, voient leur pouvoir d'achat
diminuer sous l'effet des prélèvements croissants que l'Etat effectue pour financer une
fonction publique pléthorique et un système de retraite qui s'effondre. Ils ne
bénéficient même pas d'un système de retraite par capitalisation, faute d'accord sur
ce sujet au sein de la majorité plurielle.
Actuellement, la fonction publique représente 41 % du budget de
l'Etat, excusez du peu, soit 18 milliards de plus que l'année dernière, avec
l'accord salarial du 10 février dernier qui coûtera 9,5 milliards en 1999 et
23,3 milliards en 2000 !
Ces chiffres s'expliquent par l'augmentation des rémunérations des
fonctionnaires -3,4 % en 1999- mais aussi parce que l'Etat compte aujourd'hui pas
moins de 40 000 fonctionnaires supplémentaires depuis 1990. Le contribuable
français appréciera, d'autant que l'on s'attend à un rapport l'an prochain faisant
état de la dérive du coût de la fonction publique et des dettes de l'Etat hors budget.
La seule politique responsable consisterait d'abord à baisser les
déficits, et ensuite à faire partager par tous les fruits de la croissance, et pas
seulement à une catégorie de Français. Cela suppose de redonner du pouvoir d'achat aux
salariés du privé en diminuant leurs prélèvements, et en leur construisant le plut
tôt possible un système de retraite satisfaisant.
Ce collectif est déterminé par l'augmentation des dépenses, sans
doute pour payer une partie des promesses faites ces derniers mois. Cependant le
groupe UDF ne conteste pas toutes ces dépenses, en particulier celles qui sont
productives ou créatrices d'emplois, comme les 5,6 milliards de la ristourne
dégressive sur les bas salaires. Mais qu'en est-il de la baisse des charges patronales,
seule base valable d'une véritable reprise de l'embauche ? Car ce n'est
5 pauvres milliards qu'il aurait fallu y consacrer, mais trois ou quatre fois plus.
On peut cependant espérer que vous évoluez puisque Mme Aubry élabore un projet
allant dans ce sens.
A part l'allocation de rentrée scolaire ou le plan d'urgence en faveur
des lycées, toutes les autres dépenses nous paraissent superflues, particulièrement
dans la période que nous traversons.
S'agissant de la Société marseillaise de crédit, les contribuables,
un peu plus de quinze ans après, doivent payer au prix fort une nationalisation
désastreuse. Aujourd'hui, cet établissement est bradé à 10 millions, et comme le
dit très justement notre rapporteur : "Le dossier de la SMC illustre de nouveau
les insuffisances insupportables du contrôle tant des entreprises publiques que des
activités bancaires dans notre pays". A mon sens, c'est tout le contrôle de la
dépense publique qui est insuffisant.
Ce collectif apporte la garantie de l'Etat à hauteur de
435 millions, pour clore enfin cette mauvaise affaire. Mais l'article du projet est
fort imprécis
En conclusion, j'émets le voeu de voir le Gouvernement revenir à la
réalité : celle du déficit de l'Etat qu'il faut réduire, celle aussi du manque
d'énergie de notre pays du fait de prélèvements beaucoup trop importants pour décider
les employeurs à embaucher.
En attendant, le groupe UDF se prononcera contre ce projet (Applaudissements
sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).
M. Yves Cochet - L'augmentation régulière de la
quote-part de la France au FMI se trouve inscrite dans le collectif : cette
procédure fait d'ordinaire l'objet d'un projet de loi à part entière, dont le
rapporteur est généralement le président de la commission des finances. Notre
rapporteur général y a consacré près de 40 pages de son rapport, en compensation,
pourrait-on dire, du débat qui n'a pas eu lieu. Car le FMI mérite un vrai débat de
fond, sur la base d'un rapport annuel du Parlement. On ne peut continuer à contribuer à
hauteur de 27 milliards sans en débattre.
Quid des rapports entre le FMI, la spéculation et l'économie
réelle ?
Tout à l'heure, M. Auberger citait la démocratie américaine en
exemple. Or qu'il s'agisse du directeur général de Soros investissment fund, du senior
vice-président de la Fed, ou encore du secrétaire général adjoint aux affaires
économiques pour l'ONU, que j'ai rencontrés récemment à New York, chacun s'accorde sur
le fait qu'il existe un découplage complet entre la sphère financière et l'économie
réelle. L'inflation spéculative, qui n'a plus rien à voir avec les bases fondamentales
de l'économie, n'a pas contribué à la croissance de cette dernière, tandis que les
investissements ont un comportement irrationnel. Il convient de le souligner : les
marchés ne reflètent pas en permanence l'état de l'économie, comme voudrait le faire
croire la théorie néo-libérale qui est en fait une fable idéologique. La France
est-elle capable de proposer une réforme des statuts et du fonctionnement du FMI ?
En premier lieu, il faudrait que l'éligibilité au FMI soit corrélée
à l'application de la taxe Tobin, que chaque Etat devrait mettre en oeuvre. Le FMI
devrait d'ailleurs cesser de collaborer avec ce que M. Jacques Attali -qui fut un
temps banquier (Murmures sur les bancs du groupe du RPR)- appelle
"économie de la panique". Les Etats-Unis se sont servis du FMI pour forcer les
pays asiatiques à ouvrir leurs frontières -on a vu le résultat... Permettez-moi de vous
signaler, Monsieur Auberger, qu'aux Etats-Unis, il y a 50 millions d'illettrés,
soit 20 % de la population ; 90 millions de jeunes n'atteignent pas la
fin des études primaires. Quel exemple !
En deuxième lieu, il convient de se pencher sur un "aléa
moral" qui est en vérité une défaillance en matière de prévention, d'expertise
et de transparence. Le rapporteur propose à juste titre de renforcer la politique en
créant un organe collégial de décision, en mettant en place une gestion préventive des
crises, et en améliorant les règles prudentielles nationales.
Enfin, il convient de proposer une nouvelle forme d'action du FMI,
consistant à encourager le micro-crédit, de manière à aider le développement local,
au lieu de déstabiliser les pays du Sud par l'ajustement structurel à l'échelon des
Etats.
J'en viens plus directement au collectif budgétaire, et j'y observe
que plus de 50 % des économies budgétaires sont réalisées sur le budget de
l'emploi et de la solidarité. N'est-il pas paradoxal de voir un tel budget diminuer de
5,56 % ?
Sur les 7,5 millions d'économies réalisées, 5,62 milliards
sont redéployés. Mais d'où viennent ces 7,9 milliards ? Essentiellement du fonds
national pour l'emploi, puisque l'on comptabilise 350 000 emplois-solidarité au lieu
des 500 000 prévus. Je voudrais d'ailleurs évoquer la suppression et le
remplacement de ces CES qui ont démontré leur inefficacité. Dans les collectivités
territoriales et les établissements publics, il faudrait revenir aux fonctionnaires
titulaires et aux contractuels standard.
Dans le secteur privé à but non lucratif, il faudrait promouvoir un
tiers secteur d'utilité sociale et écologique, subventionné par l'Etat à hauteur du
RMI et dispensé de cotisations sociales, réservé aux organisations à but non lucratif.
Les CES pourraient être transformés en postes de contractuels ou
relever de ce statut du tiers secteur.
Les 5,62 milliards redéployés via une dotation budgétaire aux
charges communes destinée à la politique de l'emploi iront ainsi à l'allègement des
charges sociales pour les entreprises, intégralement compensé par l'Etat. Mais, puisque
c'est votre ministère qui contrôle ce chapitre et non Mme Aubry, pouvez-vous nous dire
pour combien d'emplois créés ?
Fortement augmentées en 1993 par M. Balladur, les exonérations
de charges atteignent 50 milliards par an pour, selon une évaluation bien imprécise de
1996, 40 à 200 000 créations d'emplois. Mieux vaudrait selon nous utiliser ces
crédits pour relever les minima sociaux, ce qui relancerait de 1 % la consommation
des ménages en entraînerait dans un cercle vertueux toute l'économie, les entreprises
ayant un besoin immédiat de 170 000 embauches pour satisfaire la demande. Il
s'agirait ainsi d'emplois réels alors que les emplois prétendument créés par les
allègements de charges sont virtuels.
M. Jean-Jacques Jegou - Parce que les allègements sont
virtuels !
M. Yves Cochet - Efficacité économique et justice sociale
iraient ainsi enfin de pair.
Nous pensons vraiment que les marges de manoeuvre dégagées par la
bonne croissance auraient dû être consacrées à un effort en faveur des minima sociaux.
Nous souhaitons aller vers un revenu social universel -l'insertion ne concerne que
20 % des bénéficiaires du RMI- étendu aux 18-25 ans et incluant la gratuité des
transports, la simplification des démarches, l'allocation logement.
Autre dossier auquel nous attachons une grande importance, nous l'avons
montré lors du débat sur l'exclusion, le surendettement. Face à un nombre croissant de
dossiers, il faut augmenter les moyens humains, afin d'en accélérer le traitement. Cela
vaut aussi pour les dossiers de naturalisation.
Sous réserve de ces observations, les députés verts voteront ce
collectif.
M. Christian Cuvilliez - Très bien !
M. Gérard Bapt - Le collectif de fin d'année permet de
financer des dépenses non prévues et d'ajuster et de redéployer des crédits. Cette
année, les dépenses nouvelles atteignent 30,8 milliards, financés pour moitié par
des annulations-redéploiements, et pour moitié par une diminution des charges de la
dette et par le surplus de recettes. La loi de finances initiale avait été construite
avec une hypothèse de croissance de 3 %, le résultat final sera de l'ordre de
3,1 %, les recettes de l'Etat augmentant ainsi de 13,9 milliards.
Je limiterai mon intervention au budget de l'emploi et de la
solidarité. Les dépenses consacrées au RMI sont ajustées à la hausse de
900 millions pour répondre aux besoins en année pleine, même si le nombre des
allocataires concernés croît maintenant moins vite.
Les dépenses nouvelles portent sur d'importants engagements
sociaux : 5,7 milliards pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire,
960 millions pour la revalorisation des allocations de chômage et de solidarité, ce
qui correspond à l'engagement d'indexation des minima sociaux pris par le Premier
ministre.
J'insisterai surtout sur les dépenses nouvelles inscrites au titre de
la ristourne dégressive sur les charges sociales patronales, qui s'élèvent à
5,620 milliards. Les besoins seront supérieurs de 2,7 milliards à la
prévision, en outre des arriérés datant de la gestion du gouvernement précédent
doivent être apurés auprès de l'ACOSS, pour près de 3 milliards.
Alors que l'opposition reproche sans cesse au Gouvernement de ne pas
faire assez pour l'allégement des charges sociales patronales sur les bas salaires, ce
collectif ajuste les dépenses aux besoins de l'exercice 1998, et prend en charge celles
que le gouvernement Juppé n'avait pas financées...
Il apparaît toutefois nécessaire de réformer l'assiette de ces
charges dans un sens plus favorable à l'emploi et de corriger l'effet pervers de trappe
à bas salaires de l'effet de seuil qui se manifeste à 1,3 fois le SMIC.
Toutes les pistes doivent être explorées, y compris celle d'un
transfert de tout ou partie de ces cotisations sur une assiette constituée par la valeur
ajoutée par l'entreprise.
M. Yves Cochet - Très bien !
M. Gérard Bapt - La piste valeur ajoutée semblait, ces
dernières semaines, devoir être abandonnée au profit d'une modulation des taux. Mais
celle-ci peut aussi présenter des effets pervers et le rapport Malinvaud lui-même
n'exclut pas totalement la piste valeur ajoutée.
Au titre du budget de l'emploi, 7,720 milliards concernent des
annulations de crédits au titre du CIE et du chapitre préretraites. La baisse de
consommation des crédits CIE est due à son recentrage vers les publics les plus en
difficulté : chômeurs de longue durée, titulaires de minima sociaux, handicapés,
personnes de plus de 50 ans ou jeunes de faible qualification. Le chapitre
préretraites -notamment les allocations spéciales du FNE et les préretraites
progressives- permet des annulations de crédits en rapport à la fois avec
l'amélioration de la situation économique, mais aussi avec la volonté du Gouvernement
de mieux gérer les effectifs lorsque cette gestion est financée sur fonds publics. La
polémique sur la diminution des crédits inscrits aux mêmes chapitres de la loi de
finances initiale pour 1999 était donc bien artificielle.
Au total, la balance de ce collectif est positive de 500 millions
pour le budget emploi et solidarité, ce que confirme la priorité donnée par le
Gouvernement à l'emploi et à la solidarité.
Un mot enfin, concernant la dépense nouvelle de 100 millions
inscrite au chapitre "rapatriés". Elle s'ajoute aux 135 milliards déjà
inscrits à l'article 46-03 de la loi de finances initiale. Ces crédits feront
l'objet de reports, puisque la liquidation de ces dossiers ne se fera pas en 1998 ne
serait-ce que parce que la commission nationale, qui doit prendre le relais des
commissions départementales, n'est pas encore créée. Les crédits pourront donc être
réexaminés, au vu de leur consommation, au cours du prochain exercice.
Il faut aujourd'hui retenir la signification politique de cet
abondement, d'ailleurs réclamé par le rapporteur spécial de la commission des finances,
dont on ne peut donc que s'étonner qu'il ait tout à l'heure éprouvé le besoin de
défendre une exception d'irrecevabilité contre ce collectif...
Le 9 novembre, Mme la ministre de la solidarité s'est engagée à
solder définitivement les 300 derniers dossiers de désendettement en instance de
rapatriés réinstallés dans une profession non salariée. Des amendements seront
présentés pour améliorer ce traitement, je ne doute pas qu'ils recevront un avis
favorable du Gouvernement.
C'est dans le même esprit constructif que le groupe socialiste votera
ce collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
La discussion générale est close.
M. le Secrétaire d'Etat - M. Gantier clamant
"Déficit ! Déficit" me rappelait ce personnage de Molière réclamant
"La saignée ! La saignée !" (Sourires). Nous sommes parvenus
à une médecine moins primitive...
Quant aux crédits militaires, il n'y aura pas en 1998 de difficultés
en matière d'investissement.
M. Idiart a employé des termes excellents, parlant de "texte
concret, de valeur, attendu par nos concitoyens".
Il m'a interrogé sur l'affectation de la redevance télé. Nous aurons
l'occasion d'en reparler, de façon positive.
Je reconnais, au nom du Gouvernement, que nous aurions dû informer
plus rapidement la commission des finances à propos de la SMC.
M. Idiart a en outre souligné l'importance de l'effort proposé par le
Gouvernement pour alléger les formulaires fiscaux des entreprises et des particuliers. Il
faut, en effet, tenir davantage compte du point de vue des citoyens et des élus. Dans le
programme de modernisation décidé par Dominique Strauss-Kahn et les secrétaires d'Etat,
la priorité est donnée à l'usager.
Vous avez, Monsieur Auberger, évoqué la croissance. M. Strauss-Kahn a
reconnu que la pente actuelle n'allait pas vers 2,7 %. Mais l'économie ne progresse
pas de façon rectiligne, un sursaut est possible pour la consommation comme pour
l'investissement productif. Il demeure donc possible d'atteindre, pour l'ensemble de 1999,
la cible de 2,7 %.
En ce qui concerne le FMI, la majorité républicaine du Congrès
américain, que vous ne pouvez renier, se montre isolationniste. La
France -Président de la République, Gouvernement et, je pense, large majorité de
l'Assemblée- souhaite que l'on continue à stabiliser le système financier
international. Elle doit pour cela tenir toute sa place au sein du FMI. Je vous rappelle
que les droits de vote sont proportionnels aux quotas des différents pays.
M. Cuvilliez a attiré l'attention sur des pratiques budgétaires qui
étaient davantage celles des gouvernements précédents. En 1998, il n'y a pas eu de
régulation. Il y a eu deux décrets d'avance gagés, l'un d'un milliard en janvier en
faveur des chômeurs en détresse, l'autre de 5 milliards en août. Les
14 milliards d'économies ne résultent pas de décisions brutales, il s'agit
simplement de crédits non utilisés. En particulier, les économies constatées sur
certains dispositifs d'aide à l'emploi ont permis de rattraper des retards de paiement de
l'Etat à la Sécurité sociale.
Vous avez salué, comme nous, la baisse des taux d'intérêt annoncée
aujourd'hui par les banques centrales : c'est une contribution positive à la
croissance.
Vous avez insisté sur la nécessité d'un débat sur l'avenir du
système financier. Nous tiendrons notre promesse : ce débat aura lieu avant
l'examen du texte sur la sécurité financière.
Sur ce dernier sujet, M. Auberger a fait en 1996 un rapport
remarquable, qui n'a eu aucune suite.
M. Philippe Auberger - J'ai déposé une proposition de
loi !
M. le Secrétaire d'Etat - C'est nous qui donnerons suite
à ces travaux.
Selon M. Jegou, le Gouvernement considère le Parlement comme un
incapable majeur. Cela me paraît excessif. Les 14 milliards d'économies constatées
n'étaient pas prévisibles en janvier, pas plus que les recettes supplémentaires.
M. Jegou n'aime pas les fonctionnaires, ni les entreprises publiques.
C'est son droit. Mais le cas de la SMC est exceptionnel : le rapport récent de
M. Dominique Baert montre que le secteur public est dans une situation financière
convenable. Quant aux nationalisations des années 1980, elles ont permis de sauver
beaucoup d'entreprises, dans la sidérurgie notamment, et la plupart ont été revendues
beaucoup plus cher -je pense notamment à Paribas et Suez.
M. Cochet, selon son habitude, a ouvert de vastes débats et son
intervention alimentera la réflexion du Gouvernement. Il tirera également tout son fruit
des remarques intéressantes de M. Bapt sur les cotisations patronales (Applaudissements
sur les bancs du groupe socialiste).
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le Président - Il résulte d'une lettre de M. le ministre
des relations avec le Parlement en date du 3 décembre que l'ordre du jour
prioritaire des mardi 8, mardi 15, jeudi 17 et vendredi 18 décembre
est modifié. L'ordre du jour des mercredi 9, jeudi 10 et
mercredi 16 décembre reste inchangé. L'ordre du jour ainsi modifié sera
annexé au compte rendu de la présente séance.
DÉCLARATION D'URGENCE
M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre des
lettres m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement durable du territoire, du projet de loi relatif
à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, du
projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande
de renouvellement du mandat des deux membres de l'Assemblée nationale au sein de la
commission centrale de classement des débits de tabac.
Le soin de présenter les candidats a été confié à la commission
des finances.
Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le
18 décembre 1998, à 17 heures.
Prochaine séance ce soir, à 21 heures 45.
La séance est levée à 20 heures 5.
Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,
Jacques BOUFFIER
ANNEXE ORDRE DU JOUR
L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi
18 décembre inclus tel qu'il résulte de la lettre du Gouvernement en date du 3 décembre
1998, a été ainsi fixé :
MARDI 8 DÉCEMBRE, à 10 heures 30 :
- questions orales sans débat ;
à 17 heures et à 21 heures :
- suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.
MERCREDI 9 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au
Gouvernement :
- explications de vote et vote par scrutin public sur la proposition de loi relative au
pacte civil de solidarité ;
- deuxième lecture du projet sur l'accès au droit et la résolution amiable des
conflits, ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ;
- quatre projets adoptés par le Sénat autorisant l'approbation de conventions
internationales, chacun de ces quatre projets faisant l'objet d'une procédure d'examen
simplifiée ;
- proposition de loi sur la validation législative d'actes pris après avis du comité
technique paritaire du ministère des affaires étrangères, ce texte faisant l'objet
d'une procédure d'examen simplifiée ;
à 21 heures :
- éventuellement,
suite de l'ordre du jour de l'après-midi ;
- proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur
certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et
financiers, et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire ;
- nouvelle lecture du projet sur les animaux dangereux, ce texte faisant l'objet d'une
procédure d'examen simplifiée ;
- projet adopté par le Sénat sur l'emploi des fonds de la participation des employeurs
à l'effort de construction.
JEUDI 10 DÉCEMBRE, à 9 heures :
- proposition de loi adoptée par le Sénat et proposition de loi de M. Brard et
plusieurs de ses collègues tendant à renforcer le contrôle de l'obligation
scolaire ;
- proposition de loi de M. Belviso et plusieurs de ses collègues tendant à limiter
les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de
plus de cinquante ans ;
(séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par
l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)
à 15 heures et à 21 heures :
- éventuellement,
suite de l'ordre du jour de la veille ;
- projet adopté par le Sénat sur l'organisation de certains services au transport
aérien ;
- projet adopté par le Sénat portant diverses mesure relatives à la sécurité
routière.
MARDI 15 DÉCEMBRE, à 10 heures 30 :
- questions orales sans débat ;
à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à
21 heures :
- lecture définitive du projet sur les conseils régionaux ;
- projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.
MERCREDI 16 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au
Gouvernement, et à 21 heures :
- projet sur les conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de
prévoyance, ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ;
- texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances
pour 1999.
JEUDI 17 DÉCEMBRE, à 9 heures, 15 heures et
21 heures :
- projet de loi créant le Conseil national des communes "Compagnons de la
Libération" ;
- projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne sur la
reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non
gouvernementales ;
- projet de loi autorisant l'approbation de la charte sociale européenne
(révisée) ;
- projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la charte sociale
européenne prévoyant un système de réclamations collectives ;
- proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les
agissements, l'organisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit
"Département protection sécurité" et les soutiens dont il bénéficierait.
VENDREDI 18 DÉCEMBRE, à 15 heures :
- lecture définitive du projet de loi de finances pour 1999.
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