ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES
ARMÉES
COMPTE RENDU N° 15
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 25 novembre 1998
(Séance de 17 heures)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
SOMMAIRE
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Examen de
lavis sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 (M. François
Lamy, rapporteur pour avis) 2 |
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La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de
M. François Lamy, le projet de loi de finances rectificative pour 1998
(n° 1210).
M. François Lamy, rapporteur pour avis, a souligné que
lexamen du projet de loi de finances rectificative représentait généralement
loccasion, pour la Commission de la Défense, de constater la contribution du
ministère de la Défense au rétablissement des finances publiques. Il a observé que ce
constat restait vrai en 1998, même sil convenait de le nuancer. Il a considéré en
effet que la participation du ministère de la Défense à la réduction du déficit
budgétaire nétait pas la seule grille de lecture pertinente du projet de loi de
finances rectificative pour 1998.
Il a rappelé que le budget déquipement de la Défense
supportait, sur lexercice 1998, un montant total dannulations brutes
conséquent qui sélevait, en crédits de paiement, à 7,4 milliards de francs,
les ouvertures de crédits sur le titre III sétablissant, quant à elles,
globalement à 4,5 milliards de francs. Il a noté toutefois que lautorisation
de consommer une partie des crédits reportés de lexercice 1997 faisait
apparaître un montant net dannulations de 3,5 milliards de francs, chiffre qui
se situait dans le même ordre de grandeur quen 1997. Il a ajouté que les
annulations avaient porté sur des crédits qui, en tout état de cause, nauraient
pas pu être consommés du fait des réformes comptables mises en oeuvre au sein du
ministère de la Défense. Il a jugé quelles étaient, de ce fait, conformes à
lordonnance organique, puisquelles portaient sur " des crédits
devenus sans objet ", ce qui représentait une rupture majeure avec
les années précédentes, notamment avec les exercices 1995 et 1996. Il a fait valoir
que, contrairement à la pratique suivie au cours de ces deux exercices, les annulations
décidées en 1998 nétaient pas le fruit dune régulation imposée de
lextérieur au ministère de la Défense mais correspondaient au contraire à une
gestion rationnelle des dotations.
Il a observé à ce propos que la contrainte majeure qui avait pesé
sur le budget de la Défense en 1998 était dordre interne et tenait à la réforme
de la gestion des crédits déquipement. Il a souligné que, si cette réforme avait
un prix à court terme, à moyen terme toutefois, elle permettrait daccroître
lefficacité de la dépense.
Il a ensuite évoqué la question du lien entre lannulation, dans
le cadre du projet de loi de finances rectificative, de 3,2 milliards de francs de
crédits de paiement et la recapitalisation de 2,5 milliards de francs en faveur de
Giat Industries. Il a pris acte des propos du Ministre de la Défense, qui, devant la
Commission, avait récusé tout lien entre ces deux mesures. Il a estimé que cette
position était logique, relevant quune recapitalisation de Giat Industries
financée par une réduction des crédits dinvestissement de la Défense
naurait pas grand sens dans la mesure où elle conduirait à doter lentreprise
dune abondante trésorerie, alors que le niveau de commandes de lEtat serait
abaissé. Il a rappelé enfin que tel navait pas été le choix du Gouvernement
lorsquen février 1998, il avait apporté 4,3 milliards de francs à
Giat Industries sans opérer dannulations sur le budget de la Défense.
Il a conclu que le collectif budgétaire lui paraissait bon et
quil retraçait des mesures de saine gestion, tant pour le titre V que pour le
titre III. Puis il a abordé la question du financement des opérations extérieures.
Il a rappelé que les surcoûts qui leur étaient liés
sélevaient à 2,1 milliards de francs en 1998, chiffre qui recouvre des
réalités très diverses et correspond, pour lessentiel, à trois grandes
catégories dopérations :
les opérations extérieures menées sous la bannière des
Nations Unies, dont le surcoût global sélève à 160 millions de francs
environ ;
les opérations menées sous commandement international, en
dehors du cadre de lONU, sous légide de lOTAN par exemple. Cest
dans ce cadre que se déroule lopération Joint Force en Bosnie-Herzégovine
à laquelle participent plus de 3 700 soldats français pour un surcoût qui
peut être évalué à 1 milliard de francs environ. Cette catégorie
dopération extérieure représente dailleurs la principale source de
surcoûts pour la France (1,28 milliard de francs en 1998) ;
les opérations extérieures menées sous commandement
national, en Afrique pour la plupart, dont le surcoût représente en 1998 plus de
260 millions de francs.
M. François Lamy a relevé que laddition de ces
différentes charges représentait un total de 1,7 milliard de francs environ, soit
un chiffre inférieur à lévaluation globale de 2,1 milliards de francs
établie par le ministère de la Défense. Il a fait observer que la différence entre ces
chiffres posait la question de la définition de la notion dopérations
extérieures. Il a précisé, en effet, quau-delà des opérations extérieures par
nature, existaient des opérations dénommées " extérieures " du
fait de leur mode de financement en cours dannée par des ouvertures de crédits
supplémentaires. Il a expliqué que tel était le cas de lopération Epervier
au Tchad dont les surcoûts sélevaient à 341 millions de francs ou encore des
opérations de maintien de lordre menées par la Gendarmerie mobile dans les
départements et territoires doutre-mer. Il a précisé que cette situation complexe
pourrait être partiellement éclaircie, notamment pour ce qui concerne lopération Epervier,
dont la budgétisation en loi de finances initiale est à létude.
Il a par ailleurs observé que le montant des surcoûts liés aux
opérations extérieures ne cessait de diminuer depuis trois ans, principalement en raison
de la réforme des rémunérations qui se traduit en moyenne par une réduction de solde
de 20 % pour les officiers, de 12 % pour les sous-officiers et de 8 % pour
les militaires du rang. Il a souligné que cette réforme mettait fin à un système
injuste et inadapté puisque calqué sur le mode de rémunération des agents en poste à
létranger et donc fortement pénalisant pour les célibataires.
Après avoir précisé que lessentiel des surcoûts liés aux
opérations extérieures serait financé par louverture de crédits supplémentaires
ou par des redéploiements, il a fait remarquer que le principe fixé en Conseil de
Défense, en mars 1997, de couvrir par des ressources extérieures au budget initial de la
Défense les dépenses découlant des opérations extérieures exceptionnelles -du type de
celles menées en ex-Yougoslavie-, navait pas toujours été respecté. Il a
souligné que la projection prenant une place croissante dans le nouveau système de
défense, il apparaissait pourtant nécessaire den tirer les conséquences
budgétaires.
Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la question du contrôle
budgétaire des opérations extérieures par le Parlement. Relevant que des progrès
avaient été accomplis en ce domaine, comme en témoignait laudition, pour la
deuxième année consécutive, du Ministre de la Défense sur les opérations extérieures
en cours, il sest interrogé sur les moyens daméliorer les procédures
existantes. Il a jugé souhaitable, à cet égard, que les surcoûts liés aux opérations
extérieures prévisibles fassent lobjet dun financement en loi de finances
initiale, sans prélèvement à due concurrence sur lenveloppe normalement allouée
aux crédits déquipement ou de fonctionnement. Il a admis cependant quune
augmentation de la provision de 160 millions de francs, dores et déjà
inscrite dans le projet de loi de finances initiale pour 1999 pour couvrir une faible part
des surcoûts des opérations extérieures prévisibles, représentait un exercice
difficile pendant la période de transition vers larmée professionnelle.
Il sest, par ailleurs, prononcé en faveur dune
amélioration de linformation générale du Parlement dans le domaine des
opérations extérieures et a rappelé que la Commission de la Défense avait décidé de
formuler des propositions à cet effet dans les prochains mois.
En conclusion, M. François Lamy a considéré que le collectif
budgétaire permettait au ministère de la Défense daborder lexercice 1999
sur des bases saines. Il sest réjoui que le ministère de la Défense ait réduit
de façon significative les reports de charges pesant sur le titre III, effort
dautant plus remarquable quil sinscrivait dans un contexte
financièrement contraint. Rappelant que le budget déquipement de 1998 devrait
être exécuté à hauteur de 70 milliards de francs en raison dune
consommation des crédits plus faible que prévue, il a noté toutefois que, sur les trois
derniers exercices, le niveau réel des dépenses nettes en capital sétait établi
autour de 75 milliards de francs, alors quétaient affichés des montants très
supérieurs en loi de finances initiale. Il a alors fait valoir que la réforme en cours
de la gestion des crédits déquipement du ministère de la Défense était de
nature à réduire cet écart en améliorant le lien entre loi de finances initiale et
budget exécuté.
M. François Lamy a alors invité la Commission de la Défense à
donner un avis favorable à ladoption du projet de loi de finances rectificative
pour 1998.
Après sêtre félicité du souci de transparence qui inspirait
la réforme de la gestion des dotations déquipement militaires, M. Arthur
Paecht a rappelé quil avait vivement critiqué les annulations de crédits
associées aux lois de finances rectificatives précédentes et quil ne pouvait à
présent que renouveler avec la même vigueur sa condamnation de cette pratique. Il a
également estimé que, si les crédits ouverts nétaient pas consommés,
cétait en grande partie en raison des pratiques de gel qui empêchaient leur mise
à disposition. Il a noté la coïncidence quil a qualifiée de curieuse, entre le
montant des annulations nettes de crédits sur le budget de la Défense et celui des
dotations affectées à la recapitalisation de Giat Industries. Il sest enfin
inquiété de linsuffisance des dotations prévues au titre des opérations
extérieures, au regard notamment de lévaluation donnée par le Ministre de la
Défense des surcoûts entraînés par la mise en place de la force de protection de la
mission de vérification du Kosovo.
Le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission avait
décidé de formuler des propositions relatives au financement et aux procédures de
déclenchement des opérations extérieures. Il a souligné que cette question revêtait
une actualité dautant plus grande que les opérations extérieures se
multipliaient. Sagissant des opérations reconduites constamment depuis plus de dix
ans, comme Epervier, il a observé quun réexamen de leur statut
simposait.
M. Michel Voisin sest félicité de la volonté de
transparence dont le Ministre de la Défense avait fait preuve en matière
dopérations extérieures. Il sest également réjoui de linscription de
crédits supplémentaires pour couvrir les dépenses de fonctionnement courant de la
Gendarmerie, considérant que les nombreuses remarques des députés sur les difficultés
rencontrées par cette arme ne devaient pas y être totalement étrangères. Il sest
étonné que lon puisse assimiler les opérations de maintien de lordre de la
Gendarmerie mobile dans les départements et territoires doutre-mer à des
opérations extérieures. Enfin, estimant que le surplus de recettes de 14 milliards
de francs aurait dû conduire non à des annulations des crédits militaires mais à des
autorisations de report sur lexercice suivant, il a précisé que les groupes DL et
UDF sopposeraient à ladoption du projet de loi de finances rectificative.
M. Georges Lemoine sest interrogé sur les conditions
dans lesquelles étaient financées les interventions des Compagnies Républicaines de
Sécurité dans les DOM-TOM et sest demandé si lon nappliquait pas deux
types de comptabilité selon quil sagissait de forces de Police ou de
Gendarmerie. Il sest déclaré heureux que les demandes damélioration des
crédits de fonctionnement des brigades de Gendarmerie aient pu être prises en compte.
Enfin, il sest interrogé sur le contentieux relatif au logement des Gendarmes, qui
nécessite linscription dune dotation de 200 millions de francs dans le
projet de loi de finances rectificative et sest inquiété des retards de paiement
qui restaient à résorber en ce domaine.
M. Robert Poujade sest également félicité du sort
réservé à la Gendarmerie dans le projet de loi de finances rectificative et de
leffort entrepris pour trouver une solution au problème des loyers impayés de la
Gendarmerie. Il a considéré que ces améliorations jetaient un peu de lumière dans le
clair-obscur qui enveloppait le budget de la Gendarmerie pour 1999.
M. Michel Dasseux a indiqué, à titre dexemple,
quen sa qualité de Président dun Office public de HLM, il avait pu constater
quil était arrivé à la Gendarmerie de laisser saccumuler dimportants
retards de paiement.
M. François Lamy, rapporteur pour avis, a précisé que
laffectation de 60 millions de francs supplémentaires aux dépenses de
fonctionnement de la Gendarmerie laissait subsister une interrogation sur la consommation
de ces crédits dans la mesure où ils ne peuvent faire lobjet de reports.
Sagissant du financement des opérations outre-mer des Gendarmes mobiles, il a émis
le vu que lordonnateur du surcroît de dépenses supportées en soit
également le payeur. Il a également souhaité que la provision affectée aux opérations
extérieures en loi de finances initiale soit plus en rapport avec les dépenses
prévisibles et sest étonné que le modèle darmée dont sest dotée la
France ne soit pas en mesure de remplir dans un cadre budgétaire normal les missions pour
lesquelles il a été élaboré. Il a par ailleurs regretté que la mission Epervier
au Tchad, qui peut être désormais assimilée à un dispositif prépositionné, soit
toujours considérée comme une opération extérieure, notamment du point de vue
budgétaire.
Le Président Paul Quilès a souligné la nécessité dun
financement plus rationnel des opérations extérieures. Il a également souhaité que
cela permette un débat sur leur justification, voire leur opportunité.
M. François Lamy, rapporteur pour avis, sest interrogé
sur le financement en loi de finances rectificative des surcoûts liés à la sécurité
des ambassades. Il a précisé, à cet égard, que la protection de lambassade de
France en Algérie avait entraîné un surcoût supérieur à 50 millions de francs
en 1997, que lon pouvait évaluer pour 1998 à plus de 35 millions de francs,
avec la participation de 151 militaires.
Sagissant de lexécution du budget déquipement
militaire en 1998, il sest félicité quil nait donné lieu à aucun gel
transformé en annulation. Après avoir indiqué que le montant des reports de crédits
déquipement sur 1999 sélèverait à environ à 7 milliards de francs,
il a relevé que ni le Chef dEtat-major des Armées, ni le Chef dEtat-major de
lArmée de terre navaient exprimé dinquiétudes à légard des
annulations associées au projet de loi de finances rectificative lorsquil les a
rencontrés.
La Commission a alors donné un avis favorable au projet
de loi de finances rectificative pour 1998, les députés RPR et UDF votant contre.
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