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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 21 novembre 2012

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la rémunération pour copie privée

– Informations relatives à la Commission

– Présence en Commission

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 21 novembre 2012

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation organise une table ronde, ouverte à la presse, sur la rémunération pour copie privée, réunissant M. Édouard Barreiro, directeur des études de l’Union fédérale des consommateurs UFC-Que Choisir, M. Bernard Heger, délégué général du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC), M. Laurent Petitgirard, président du conseil d’administration de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), et M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

M. le président Patrick Bloche. Chers collègues, j’ai le plaisir d’accueillir en votre nom M. Édouard Barreiro, directeur des études de l’Union fédérale des consommateurs UFC-Que Choisir, M. Bernard Heger, délégué général du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC), M. Laurent Petitgirard, président du conseil d’administration de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), qui vont participer à cette table ronde sur la situation et les perspectives du dispositif de la rémunération pour copie privée.

Nous avons souhaité organiser cette réunion un an pratiquement après le vote, à la quasi-unanimité, de la loi du 20 décembre 2011. Celle-ci visait à préserver un dispositif en vigueur depuis la loi dite Lang de 1985, qui a créé une exception au droit d’auteur et, en contrepartie, une rémunération pour copie privée, et l’instauration de la Commission de la copie privée. Je rappelle que le législateur n’a pas considéré cette rémunération comme la réparation d’un préjudice. Ont ainsi été collectés 193 millions d’euros en 2011, dont 25 %, comme le prévoit la loi, ont contribué au financement de la création dans notre pays. On estime à 5 000 le nombre des manifestations financées l’année dernière, pour quelque 50 millions d’euros.

C’est à la suite d’une jurisprudence européenne et d’un arrêt du Conseil d’État que nous avions été conduits à légiférer dans l’urgence et à voter cette loi du 20 décembre 2011, qui prévoyait un délai d’un an pour permettre aux membres de la Commission de la copie privée – ayants droit, industriels, consommateurs – de parvenir à un accord sur les barèmes afin que le dispositif puisse perdurer. Alors que l’expiration du délai approche, la démission de représentants des industriels, le 13 novembre dernier, nous a interpellés.

Cette table ronde vise à faire le point et à entendre toutes les parties, qu’elles siègent au sein de la Commission de la copie privée, comme la SACEM et la SACD, qu’elles viennent de la quitter, comme le SIMAVELEC, ou qu’elles refusent d’y entrer comme UFC-Que Choisir. Ce sera aussi l’occasion d’avoir un échange car la représentation nationale doit être informée avant d’être éventuellement conduite à prendre ses responsabilités, le moment venu. L’année dernière, nous avions également considéré que le dispositif de la copie privée, auquel nous sommes attachés et qui fait souvent l’objet de remises en cause au niveau communautaire, pouvait être amené à évoluer s’il voulait perdurer, vingt-sept après sa création. Ayons l’imagination nécessaire !

Commençons par entendre les quatre intervenants. La parole est d’abord à M. Heger, le SIMAVELEC ayant fait l’actualité en quittant la Commission de la copie privée, le 13 novembre dernier.

M. Bernard Heger, délégué général du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC). Je précise que, globalement, c’est quasiment l’ensemble des parties prenantes représentant les industriels qui a quitté la Commission de la copie privée.

Un chiffre pour commencer : selon l’Observatoire du numérique, les industriels ayant quitté la Commission de la copie privée représentent quelque 650 000 emplois, sans compter le secteur de la distribution des produits, physique ou via internet. Nous participons au bien-être de tous, nos produits irriguant l’éducation, la santé, entre autres. Nous contribuons aux gains de compétitivité, à l’innovation et au développement du monde du contenu. Si donc la copie privée est une préoccupation importante à nos yeux, notre univers est bien plus vaste.

Entrons dans le vif du sujet : si ce n’était pas mieux avant, c’était au moins plus simple ! Au temps de l’analogique, il suffisait d’acheter une cassette vidéo de quatre-vingt-dix minutes pour copier un film et, au bout de trois copies, la qualité était très dégradée. Au temps de l’analogique, il y avait peu de chaînes de télévision et peu de contenus. Au temps de l’analogique, on ne pouvait regarder un film chez soi que sur un téléviseur. Au temps de l’analogique, il n’y avait pas de piratage, pas d’usage professionnel. On pouvait bloquer les magnétoscopes à Poitiers. C’était en 1985, c’était le temps du Minitel.

Aujourd’hui, c’est le règne de l’abondance et de la diversité. L’abondance des produits, d’abord, puisqu’on peut dorénavant regarder aussi la télévision sur une tablette, sur un smartphone, sur un ordinateur. L’abondance des contenus, ensuite : la seule télévision numérique terrestre (TNT) va offrir très bientôt vingt-quatre chaînes à Paris, et l’offre légale est facilement accessible à tous. En outre, les comportements de nos concitoyens ont changé : les jeunes regardent ainsi souvent deux écrans en même temps, et on peut être en lien direct, en streaming, avec tous les contenus. De ce fait, il y a moins de copies privées. Selon certaines études, leur nombre aurait diminué de 37 % entre 2008 et 2011.

Toutes ces évolutions ont conduit à des ajustements dans la vision et la caractérisation de ce qu’est la copie privée, notamment à travers les textes européens. Et les faits sont têtus. Certes, la copie privée impose une compensation équitable. Mais celle-ci n’est pas un salaire ; nous ne sommes pas dans une négociation salariale. Elle n’est pas en relation avec un niveau d’exception culturelle ; nous ne sommes pas dans le cadre d’un débat sur l’exception culturelle. Elle n’est pas en relation avec une politique de l’emploi. La compensation équitable couvre un préjudice, et seulement un préjudice : les textes européens sont très clairs à cet égard. On peut réfuter ces faits mais telle est bien la réalité et, à un moment ou à un autre, la France, qui est un État de droit, devra bien suivre le droit européen.

Un préjudice, c’est du rationnel, c’est du mesurable, c’est de l’objectif. Avouez qu’il est curieux que ce soit ceux qui bénéficient des sommes dues en raison du préjudice, qui déterminent ce préjudice ! Si vous subissez un préjudice sur votre voiture, ce n’est pas vous qui le fixez : il n’y a pas de négociation, l’appréciation relève d’un expert indépendant des parties. Certes, les représentants des ayants droit vous jureront, la main sur le cœur, qu’ils sont très objectifs et qu’ils vont jusqu’à financer des études pour définir le préjudice. Promis, juré, ce n’est que du rationnel !

Voici quelques éléments de réflexion. Les décisions n°7, 8, 9, 10 et 11 de la Commission de la copie privée ont été cassées par le Conseil d’État – et il en ira certainement de même, prochainement, de la décision n° 13 – pour deux raisons. La première tient au fait que les copies réalisées à partir d’un contenu piraté étaient considérées par les ayants droit comme un acte licite, et donc intégrées dans les calculs, ce qui revenait à rendre légal le recel de contrefaçons. Dès lors, il a fallu soustraire du calcul des barèmes tout ce qui relevait du piratage. Or nous parvenons aux mêmes sommes, au centime près. Cela montre bien que nous ne sommes pas dans la réparation d’un préjudice.

La deuxième raison tient au fait que les achats professionnels ne doivent pas entrer dans les calculs de la rémunération pour copie privée. Il en est ainsi, par exemple, des DVD achetés par un radiologiste pour stocker les données de ses patients.

Nos demandes ont d’ailleurs été relayées par votre Assemblée avec quelques commentaires. J’en citerai quelques-uns. M. Christian Kert déclarait, il y a un an : « Deux problèmes principaux se posent. En premier lieu, celui de la gouvernance de la Commission de la copie privée et celui de la méthodologie de la rémunération. Il nous faudra donc réinscrire l’ouvrage parmi les chantiers de notre Commission. » Or rien n’a avancé. M. Patrick Bloche disait, quant à lui : « On peut s’interroger sur la manière dont les barèmes sont établis à partir d’études payées par certains des membres de la Commission de la copie privée. Bref, ces mécanismes ont vécu et plus de transparence s’impose. » Je dirai exactement la même chose, aujourd’hui. En tout état de cause, le niveau de collecte aurait dû diminuer puisque les achats professionnels n’étaient plus pris en compte. Mais les professionnels n’arrivent pas à se faire rembourser. Notons au passage que si le droit européen avait prévu que les professionnels ne devaient pas être assujettis à la rémunération, le droit français, quant à lui, stipule qu’ils doivent être remboursés, ce qui est très différent.

À la suite des décisions du Conseil d’État, de nouveaux barèmes ont été proposés et alors qu’on pouvait s’attendre à un statu quo, la « taxe » a augmenté de 50 % en moyenne, avec des pics à plus 225 %, ce qui est particulièrement indécent en cette période de crise.

Ayant considéré que cette situation était inadmissible, et ne relevait pas de la réparation d’un préjudice, nous avons décidé de démissionner de la Commission de la copie privée pour ne plus cautionner ce fonctionnement.

Dernière observation, enfin : s’il est véritablement question de préjudice, celui-ci doit être à peu près le même dans tous les pays européens. Or, en Espagne, la taxe pour copie privée est de l’ordre de 5 millions, contre 250 millions, TVA comprise, en France. Cela montre qu’il faut changer le système. Nous demandons que la directive européenne soit respectée : le préjudice, rien que le préjudice. Au terme des études auxquelles nous avons fait procéder par des bureaux indépendants – ceux qu’utilisent les autorités judiciaires – nous estimons que le préjudice dû à la copie privée est de l’ordre de 50 à 60 millions en France. Nous demandons donc que le préjudice soit défini par une autorité indépendante de toutes les parties – consommateurs, ayants droit, industriels – qui s’appuie sur les travaux d’experts auprès des tribunaux.

M. Laurent Petitgirard, président du conseil d’administration de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). Avant d’être le président du conseil d’administration de la SACEM, je suis un compositeur de musique. À ce titre, je suis sans doute le seul dans cette salle à ne pas être salarié.

M. le président Patrick Bloche. Ici, monsieur Petitgirard, il y a une majorité de non-salariés car les députés perçoivent des indemnités.

M. Laurent Petitgirard. Disons que je ne bénéficie pas d’une rémunération garantie qui procure des avantages sociaux. Je représente ceux qui sont à la base de tout et qui sont les plus fragiles. Notre discussion n’aurait pas lieu, en effet, sans les créateurs. On entend beaucoup parler des ayants droit, et en ma qualité de président de la SACEM, je suis solidaire des producteurs et des interprètes, mais je représente avant tout ceux qui sont à l’origine de la création des œuvres. La filière n’existerait pas sans eux.

Pour moi, quiconque bénéficie, d’une façon directe ou indirecte, du droit d’auteur doit participer au financement de la création. Ce système de rémunération pour copie privée est vertueux parce qu’il dirige les sommes en question vers ceux qui en ont besoin et qui sont les victimes des progrès de la technique, même si ceux-ci favorisent une diffusion extraordinaire des œuvres. Je citerai un exemple personnel : il y a quelques années, alors que la création française de mon premier opéra avait lieu à Nice, une choriste est arrivée avec le disque que j’avais moi-même produit et m’a expliqué qu’elle en avait fait soixante copies afin que chaque choriste puisse en disposer. Si l’auteur a été flatté, il en est allé tout autrement du producteur que j’étais aussi… Une cohérence s’impose donc pour que nous puissions continuer à produire. Je rappelle que 75 % des sommes sont répartis entre leurs membres par les différentes sociétés de gestion collective à partir de critères extrêmement précis, et que 25 % sont consacrés à des actions d’aide à la culture. Cet élément est aujourd’hui essentiel d’autant que ce sont les différents collèges d’artistes et d’ayants droit qui décident, au sein des différentes sociétés de perception et de répartition des droits. Si le système était remis en question, il est peu probable que le ministère de la culture ait les moyens de compenser – le président Bloche l’a rappelé cela a représenté quelque 50 millions d’euros l’année dernière.

Je m’inscris en faux contre les propos tenus par l’intervenant précédent s’agissant de l’Espagne : la rémunération pour copie privée y a été supprimée. Les 5 millions d’euros représentent la compensation que l’État doit verser, ce qu’il n’a pas encore fait.

Il faut voir au quotidien quelles seraient les conséquences d’une modification du système. Comme chef d’orchestre et directeur musical de l’orchestre Colonne, j’ai proposé qu’on inscrive une œuvre de musique contemporaine dans chaque programme et que toutes les places de première catégorie en abonnement soient à dix ou douze euros afin de permettre à tout le monde d’aller au concert. J’ai souhaité qu’on puisse inviter trois jeunes chefs sans notoriété pour leur faire connaître l’orchestre. Eh bien toutes ces actions, qui sont soutenues par la SACEM, par la société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), par Musique nouvelle en liberté, ne pourront plus être menées à bien si le système actuellement en vigueur est modifié dans de grandes proportions !

Il me semble que le problème fondamental est moins lié à une difficulté de fonctionnement de la Commission de la copie privée qu’au sentiment des grands importateurs de voir baisser leurs marges bénéficiaires. J’aimerais que leurs représentants soient heureux de se dire qu’ils soutiennent la création et qu’ils comprennent que, plus il y aura de création, plus ils auront de possibilité de vendre leurs appareils. Quant aux consommateurs, au lieu de chercher toujours la gratuité, qu’ils prennent conscience qu’ils ont besoin de diversité. Or pour qu’il y ait choix, il faut que la création, la production soient soutenues. Toutes les techniques merveilleuses que nous connaissons aujourd’hui existent finalement grâce à elles. Certes, le système peut être amélioré. Pascal Rogard pourra rappeler, à cet égard, que 2 000 conventions d’exonération ont été passées avec des industriels, et que si certains ne peuvent pas être remboursés, c’est que le ministère de l’économie et des finances n’a pas encore défini le taux de TVA approprié. La balle est dans le camp des autorités et non des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD).

Je me réjouis que le président Bloche ait pris l’initiative d’organiser cette table ronde. Il faut effectivement dépassionner les choses, et remettre au centre du débat la problématique essentielle, à savoir permettre à la création d’exister et d’être diverse sans dépendre de la volonté de sponsoring d’une marque de téléphone ou de machine à laver. Il s’agit de donner les moyens de créer. Tel est l’esprit, évidemment constructif et solidaire de la filière musicale, dans lequel nous travaillons. Mais je rappelle une fois encore que je représente ici les plus fragiles, ceux qui sont à la base de tout, les créateurs et leurs éditeurs.

M. Édouard Barreiro, directeur des études de l’Union fédérale des consommateurs UFC-Que choisir. UFC-Que choisir a toujours défendu la rémunération pour copie privée, contrairement à ce qui est souvent dit. Et nous nous efforçons de participer au débat car, à l’inverse de ce qui est dit aussi, ce ne sont pas les industriels ou les importateurs qui paient cette rémunération : ce sont les consommateurs. De ce fait, nous ne pouvons être absents du débat. Voilà pourquoi j’ai accepté avec plaisir de participer à cette table ronde.

Cependant, nous ne pouvons accepter le mode de fonctionnement de la Commission de la copie privée. Nous ne pouvons pas accepter que toutes les décisions passent parce qu’elle est majoritairement composée d’ayants droit. Nous ne pouvons pas accepter que les préjudices, les barèmes, les montants versés soient uniquement fixés par les ayants droit. Nous ne pouvons pas accepter que ceux qui s’estiment victimes d’un préjudice soient ceux qui estiment leur indemnisation. Nous ne pouvons pas accepter non plus la méthodologie, actuellement instable, peu transparente et qui évolue au gré des besoins de financement des ayants droit. Nous ne pouvons pas accepter, par exemple, qu’une copie soit systématiquement assimilée à un préjudice. C’est faux pour la copie privée comme pour le piratage.

Nous avons toujours défendu la copie privée parce qu’il nous a toujours semblé essentiel de pouvoir copier – ce n’est pas un droit, c’est une exception au droit d’auteur. Rappelons-le, pendant des années, nous avons payé alors que nombre de contenus n’étaient pas copiables. Les CD étaient protégés, les fichiers numériques également, avec les DRM. Aujourd’hui, les musiques ne sont plus protégées. Mais prend-on en compte le streaming, et toutes les nouvelles offres dans lesquelles la possibilité de copier n’est en fait que de la location, avec l’utilisation de Deezer, Qobuz ou Spotify ? Je doute que cela soit pris en compte dans les barèmes.

Si la situation s’est légèrement améliorée pour la musique, qu’en est-il des films ? Il n’existe pas un seul contenu copiable : les DVD, les Blu-ray sont protégés, la vidéo à la demande (VOD) n’est pas copiable. Seuls sont copiables les contenus de la télévision. Mais quel est le préjudice ? Pendant des années, on nous a dit que Médiamétrie comptabilisait les copies dans l’audimat ; il n’y avait donc pas de préjudice. Lesquelles ne sont pas comptabilisées ? Quand y a-t-il préjudice ? La proportion est infime d’autant que les pratiques de copiage à la télévision sont de moins en moins importantes du fait de la possibilité de revoir les programmes en différé et du streaming.

On nous dit qu’il faut financer l’exception culturelle. Les propos de M. Petitgirard étaient très touchants, sauf que c’est à l’État de financer la culture et non à la rémunération pour copie privée, dont les statuts sont définis par le droit européen. Le Gouvernement doit soutenir la culture, comme il le fait pour l’éducation ou la santé. En outre, les 25 % consacrés aux actions d’aide à la création sont aux mains des ayants droit, qui en font ce qu’ils veulent, comme ils le veulent. Leur communication, à cet égard, est pour le moins curieuse. M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM, a ainsi déclaré lors des dernières rencontres cinématographiques de Dijon : « Je me suis fait expliquer par beaucoup d’entre vous qu’un grand nombre de parlementaires se sont mobilisés quand on a eu besoin d’eux grâce à la copie privée, car tous en bénéficient. Ce sont les 25 % qui contribuent, dans leur commune, leur département, leur région à soutenir la création. » L’ancien député Bernard Carayon a même expliqué qu’il avait fait l’objet de chantage et qu’on lui avait fait savoir que s’il ne se mobilisait pas, il perdrait un des instruments du financement de l’animation culturelle dans sa ville. Voilà pourquoi il est essentiel que le financement de la culture soit aux mains, non pas des ayants droit, mais des institutions de l’État.

Voilà pourquoi nous souhaitons, comme le SIMAVELEC – nous avons été à l’origine de cette proposition – que le préjudice soit déterminé par une institution totalement indépendante, dans lequel ne siégeront ni consommateurs, ni industriels, ni ayants droit, et que les fameux 25 % soient pris en charge par le budget de la culture. Ce serait d’ailleurs un juste retour des choses puisque, en janvier 2011, M. Laurent Petitgirard avait précisé que ces 25 % étaient un palliatif pour compenser les aides que ne versait plus le ministère de la culture.

M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Comme l’a dit Albert Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde ». C’est ce qui vient d’être fait. Parler de taxe en évoquant la rémunération des auteurs est une tromperie. La rémunération pour copie privée est la rémunération d’une exception au droit d’auteur, qui permet d’autoriser ou d’interdire les reproductions. Les auteurs, les créateurs, les artistes interprètes, les producteurs sont expropriés de ce droit et bénéficient donc, en échange, d’une rémunération. Tel est le système français, qui a été voté à l’unanimité en 1985, dans le cadre de la loi Lang et qui, ensuite, a été repris par l’Union européenne, dans le cadre d’une directive qui, malheureusement et comme c’est fréquemment le cas, ne s’applique par partout. Il en est ainsi en Angleterre, ce qui peut poser des problèmes de marché gris avec des importations parallèles.

Par ailleurs, une partie des membres de la Commission de la copie privée se plaisent à s’appeler « industriels ». De quelles industries s’agit-il ? Où sont donc fabriqués tous ces appareils qui permettent de copier et qui se sont formidablement développés ? Souvenez-vous, il y a dix ans, vous ne pouviez rien copier sur un téléphone, les tablettes n’existaient pas ! Je dirai quant à moi qu’il y a au sein de la Commission des importateurs, des revendeurs, qui ont démissionné, et, d’autre part, des industriels qui, eux, sont restés, pour le moment en tout cas. Il s’agit des opérateurs de télécommunications, qui créent les réseaux et nous permettent de communiquer et d’avoir accès à internet.

Pour ce qui est du départ de la Commission, la procédure n’est pas nouvelle : en 2002, huit réunions sur seize avaient été annulées car certains avaient pratiqué la politique de la chaise vide ; en 2008, onze réunions sur vingt-deux ; en 2009, deux réunions sur cinq ; et, actuellement, quatre sur dix-sept. Au cours d’une certaine période, M. Heger s’est ainsi abstenu de siéger au sein de la Commission.

Concernant la composition de la Commission, celle-ci est paritaire et identique à celle des autres commissions fixées par la loi Lang sur le droit d’auteur. Je pense à la Commission sur la rémunération équitable qui fixe la rémunération des artistes interprètes et des producteurs au titre du passage des phonogrammes sur les radios, et qui est composée pour une moitié de représentants des radios et pour l’autre de représentants des artistes et producteurs et présidée par une personnalité nommée par l’État. Il en est de même pour la rémunération du droit voisin des artistes interprètes à l’égard des producteurs de cinéma et de l’audiovisuel. Au sein de la Commission de la copie privée, on retrouve pour moitié ceux qui vont payer la rémunération en s’en acquittant, ce sont les importateurs et les revendeurs, et ceux qui la paieront effectivement, à savoir les consommateurs. Dans certains cas, ceux-ci paient la rémunération tandis que de très grandes entreprises multinationales ne la reversent pas. Ce sont les mêmes, d’ailleurs, qui ne paient pas leurs impôts sur le territoire européen alors qu’elles réalisent des chiffres d’affaires colossaux.

La Commission de la copie privée est actuellement présidée par une personnalité incontestable : M. Hadas-Lebel, qui préside également le Conseil d’orientation des retraites. Jamais une décision n’a été prise avec la simple majorité des ayants droit ou même au vote du président. Des représentants de consommateurs ont toujours soutenu les positions qui ont été adoptées. La méthodologie a également été critiquée : celle-ci repose sur des études faites par des organismes indépendants. Il s’agit actuellement de GfK. Et les études sont normalement financées par le ministère de la culture. Ce ne fut pas le cas la dernière fois car le délai prévu pour les appels d’offres de marchés publics ne nous aurait pas permis d’avoir les réponses dans les temps. Il y a donc eu un consensus sur les questionnaires. Les ayants droit ont ensuite payé l’étude, les consommateurs ayant simplement versé un euro symbolique, faute de moyens.

S’agissant de l’impact de la mesure sur les consommateurs, dans certains pays où il n’y a pas de rémunération pour copie privée, la tablette vendue par une marque symbolisée par un fruit coûte pourtant plus cher qu’en France. En outre, lorsque nous fixons, par exemple, une rémunération pour copie privée à un euro sur un support, un certain nombre de revendeurs font une marge. Ils y ajoutent en effet leur pourcentage, faisant payer plus au consommateur sans que les ayants droit aient de rémunération supplémentaire.

En ce qui concerne les comparaisons européennes, on compare des systèmes qui n’ont rien à voir : les niveaux de vie, les usages de copie privée sont différents. Ainsi, en Allemagne, les supports d’enregistrement ne sont pas les seuls à être soumis à la rémunération pour copie privée : les appareils d’enregistrement le sont également.

Enfin, contrairement à ce qui a été dit, aucun barème n’a été jugé excessif par le Conseil d’État. Ce dernier n’a jamais annulé une seule décision de la Commission de la copie privée parce que les barèmes étaient excessifs. Les deux annulations auxquelles il a procédé, et qui ont entraîné des cascades d’annulation pour toutes les décisions qui avaient été prises sur le même motif juridique, étaient dues pour l’une au fait que nous avions tenu compte des copies illicites et, pour l’autre à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne prévoyant que les usages professionnels ne devaient pas être soumis à la rémunération pour copie privée. En France, nous tenions déjà compte des usages professionnels, mais de manière globale. C’est-à-dire qu’on appliquait un abattement pour usage professionnel pour l’ensemble des copies, ce qui réduisait le niveau de la rémunération. Contrairement à ce qu’a dit M. Heger, si l’on en revient au système de copie privée en annulant l’effet de la décision, le barème pour le particulier devrait être augmenté.

Pour terminer, il est faux de dire que nous n’avons pas appliqué la loi sur les exonérations. Nous avons signé 2 000 conventions d’exonération et nous avons reçu des demandes de remboursement pour un montant de 60 000 euros. Mais l’État ne nous a toujours pas indiqué le taux de TVA applicable à ces remboursements.

M. le président Patrick Bloche. La loi que nous avons votée il y a un an prévoyait ce délai qui nous permet de faire le point aujourd’hui. Chacun s’exprime ici avec sa conviction propre. Lorsque je dis, par exemple, que, pour moi, la rémunération pour copie privée est la contrepartie de la création d’une exception au droit d’auteur en 1985 et qu’il ne s’agit pas de la réparation d’un préjudice, je ne prends pas parti : je dis ma conception des choses. Législateur, je fais la loi, comme tous les députés ici présents, et je m’intéresse à ce sujet depuis une bonne quinzaine d’années.

De la même façon, lorsque je dis que le système doit évoluer ; il ne s’agit pas pour moi d’élargir l’assiette indéfiniment. Si nous voulons maintenir une rémunération pour copie privée, parce que nous sommes dans le pays de l’exception culturelle, il faut le faire sur des bases qui seront inévitablement amenées à évoluer.

Enfin, concernant les propos prêtés à Jean-Noël Tronc, je précise que, lorsque nous avons légiféré sur la copie privée, il y a un an, nous n’étions pas animés du souci de sauver nos manifestations culturelles dans nos circonscriptions. Nous savons très bien que les enjeux électoraux dépassent l’existence ou non de manifestations culturelles. En revanche, nous avons pensé à tous ces artistes, réalisateurs, et autres acteurs qui contribuent à la vitalité du spectacle vivant dans notre pays. Pour avoir mis en place une mission d’information sur les emplois dans les métiers artistiques, et notamment pour prendre en compte toutes les problématiques liées à l’intermittence, nous savons combien c’est important. Je le rappelle, nous légiférons en fonction de l’intérêt général.

M. Hervé Féron. Je tiens tout d’abord à remercier les intervenants d’avoir accepté de participer à cette table ronde, sur un sujet qui est plus que jamais d’actualité, même si, nous l’avons bien compris, les membres de la Commission de la copie privée ne prévoient pas de partir en vacances ensemble.

Lorsque la création artistique rencontre l’invention technologique, la logique voudrait que cela constitue une avancée pour l’une et pour l’autre. Or, si le développement des technologies et l’explosion du numérique ont permis de donner une nouvelle dimension à l’expression artistique, ces phénomènes ont, dans le même temps, fragilisé le mécanisme de financement de la création culturelle et le dispositif de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) – inadapté dès son origine – n’a pas permis de contrebalancer les effets négatifs de ce choc et de retrouver l’équilibre nécessaire à une juste rémunération des auteurs.

C’est la raison pour laquelle Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture, a chargé Pierre Lescure d’une mission sur l’acte II de l’exception culturelle française en lui confiant notamment la tâche de trouver des mécanismes de protection de la diversité culturelle. Et c’est dans ce contexte que nous réfléchissons à un système qui, certes, doit être corrigé et adapté aux supports nouveaux mais dont le principe reste de valeur.

Nous avions, il y a un an, voté en cette Assemblée le projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée, et ce bien au-delà des différences partisanes, car c’était une nécessité. Il convient ici de rappeler le contexte dans lequel ce texte a été élaboré, en indiquant peut-être au préalable que c’est la loi du 3 juillet 1985 de Jack Lang qui a permis d’instaurer une compensation juste et équitable pour les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins, dans le but de préserver ce que nous appelons l’exception de copie privée, au bénéfice du consommateur.

L’arrêt Padawan de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 21 octobre 2010, suivi de la décision du Conseil d’État du 17 juin 2011, avait sérieusement menacé ce dispositif, et l’objectif de la loi du 20 décembre 2011 n’était donc pas d’élaborer une nouvelle loi sur la copie privée, mais seulement de tenir compte de la décision du Conseil d’État et d’adapter notre loi aux exigences du droit communautaire. Ce qui n’était finalement pas chose aisée, puisqu’il s’agissait en parallèle de garantir la pérennité du dispositif français et de permettre aux ayants droit de continuer à percevoir une compensation.

Je tiens aujourd’hui à remercier le président Patrick Bloche pour son initiative, qui intervient dans un climat de tension, à la suite de la démission de certains importateurs de supports assujettis à la rémunération pour copie privée de la Commission chargée de la fixation de cette dernière. J’émets le souhait que cette table ronde soit l’occasion de favoriser le dialogue, l’information, ainsi que la confrontation sereine des points de vue, tant les enjeux sont importants et les innovations à étudier sont nombreuses. Il est à mon avis nécessaire de poursuivre activement les discussions pour aboutir à des résultats pondérés, prenant en compte les réalités et les intérêts en présence. Force est de constater que la rémunération pour copie privée constitue un élément majeur de la rémunération légitime du travail artistique et du financement des activités culturelles nationales.

Cela permet de générer un grand nombre d’emplois artistiques, non délocalisables, et de consolider le tissu social par un accès facilité aux œuvres et à la création artistique sur l’ensemble du territoire national ainsi dynamisé.

S’il est nécessaire de penser la pérennisation de la rémunération pour copie privée, il est aussi prudent de prendre en compte, progressivement, les évolutions qui affectent structurellement la pertinence du cadre actuel de rémunération. Nous n’oublions pas que ce sont précisément les demandes de réévaluation du périmètre des tarifs de la copie privée, notamment à l’égard des nouveaux outils du numérique, qui sont à l’origine des tensions et des tentatives de pression. Toutefois, il faut collectivement dépasser ces clivages : tel est l’objet de cette table ronde.

Et il y a urgence à discuter. Le Conseil constitutionnel a en effet réaffirmé, comme l’avait fait le Conseil d’État dans son arrêt du 17 juin 2011 puis le législateur en décembre dernier, la nécessité d’assurer la continuité de la perception de la rémunération pour copie privée dans le cadre fixé par la CJUE prévoyant le non-assujettissement des supports utilisés à des fins professionnelles. Nous approchons du terme des douze mois impartis à la réévaluation des barèmes et à l’adoption d’une nouvelle décision se substituant à la décision n° 11, comme défini par les articles 2 et 6 de la loi. Il s’agit d’établir de nouveaux barèmes pérennes, à la suite d’études d’usage qui doivent tenir compte des nouvelles capacités techniques des matériels ainsi que de leur évolution. Les discussions ont entraîné le départ de représentants des industriels et ont créé un climat de défiance.

Par ailleurs, si la Commission n’était pas en mesure d’adopter une nouvelle décision dans les délais impartis par la loi de décembre 2011, compte tenu des annulations par le Conseil d’État, la rémunération reposerait sur les décisions n°s 3 à 6, qui représentent seulement 27 % des recettes actuelles.

Aussi, je souhaiterais entendre les propositions des différents acteurs pour tenter de débloquer cette situation. Seuls les points de blocage ont été exposés. Comment peut-on avancer ensemble ?

Il est important de trouver un prolongement à ce dispositif souple, fondé sur la négociation, le consensus entre les représentants du public, les ayants droit et les industriels. Il faut faire montre de notre capacité d’adaptation face aux bouleversements technologiques de la rénovation numérique pour que le pacte entre créateurs et public demeure.

M. Christian Kert. Un an après, nous nous retrouvons quasiment à la case départ. Nous rejouons le même scénario à des sièges différents, cependant… Monsieur Rogard, Albert Camus, qui repose à quelques kilomètres de chez moi, tenait souvent des propos plus optimistes que celui que vous avez rapporté, et c’est heureux !

Apparemment, les industriels et les ayants droit n’ont pas la même conception de cette rémunération. Les premiers rappellent qu’il s’agit d’une redevance visant à compenser l’usage pour copie privée quand les seconds semblent y voir un outil de compensation globale des pertes enregistrées du fait des nouvelles techniques numériques. De fait, mécaniquement, le montant des barèmes proposés de part et d’autre ne peuvent être identiques. Nous sommes dans l’impasse. Les deux problèmes que nous avions soulevés n’ont pas été résolus. Le doute sur la vocation même de la rémunération, qui date de 1985, subsiste toujours. C’était l’époque des cassettes audio et vidéo. Aujourd’hui, non seulement les supports taxés sont de plus en plus nombreux mais la redevance n’est plus du tout clairement adaptée aux nouvelles technologies. Le second problème porte sur la gouvernance. Le fonctionnement de la Commission de la copie privée est apparemment difficile. On peut pointer le fait que les ayants droit y soient majoritaires, ce qui biaise par définition le processus de négociation, même si j’ai entendu les arguments de Pascal Rogard. On peut surtout souligner le nombre impressionnant d’arrêts du Conseil d’État venant annuler les décisions de la Commission depuis 2006.

Lors de l’examen de la loi de 2011, le groupe UMP avait été très clair : l’urgence de la situation ne devait pas éluder la nécessité d’une réflexion sur le long terme, en vue de la rénovation de cette rémunération. Quelles qu’en soient les responsabilités, le chantier a été laissé en plan, à tel point que les mesures réglementaires prévues dans la loi de 2011 n’ont pas encore été prises.

Nous ne pouvons rester dans cette impasse. Il faut trouver une solution claire. Nous le devons aux consommateurs, qui paient la rémunération, les industriels n’en étant que les collecteurs. C’est nécessaire pour les industriels, quels qu’ils soient, qui doivent répercuter sur leur prix de vente le montant de la rémunération, à hauteur de 190 millions d’euros. C’est aussi indispensable pour le monde de la culture, 25 % de la rémunération servant à financer le spectacle vivant. Il le faut enfin pour les ayants droit car il est légitime qu’ils aient droit à une compensation de l’usage pour copie privée. Néanmoins, la rémunération ne doit pas être détournée de sa vocation première pour compenser les effets de la révolution numérique. M. Hervé Féron a fait allusion à la commission Lescure : on peut effectivement espérer qu’elle s’emploie à chercher d’autres solutions.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP demande à la Commission des affaires culturelles d’auditionner la ministre de la culture et le ministre du budget, qui restent particulièrement silencieux sur le sujet en dépit des difficultés rencontrées. Nous saurons ainsi si un projet de loi est en préparation pour parer à l’urgence ou si le Gouvernement envisage, au contraire, de tenter de réconcilier des points de vue très divergents au sein de la Commission de la copie privée, et d’aboutir ainsi à de nouveaux barèmes.

M. le président Patrick Bloche. Je prends en compte votre demande.

Mme Isabelle Attard. Merci, monsieur le président, d’avoir organisé cette table ronde.

Que souhaitons-nous ? Réparer un préjudice ? L’évaluer est un exercice très difficile. Alors que le dispositif actuel permet d’atteindre quelque 193 millions d’euros, une étude du cabinet Eight Advisory a estimé, quant à lui, ce préjudice à 52 millions. S’agissant des sommes collectées par l’audiovisuel, ce cabinet les a estimées à 0,3 million d’euros contre 88 millions actuellement. Ce décalage est alarmant.

Les tableaux qu’on nous a communiqués montrent également que le montant de la rémunération pour copie privée a beaucoup évolué ces dernières années. Sur quelles bases, quels critères, cette évolution s’est-elle produite ?

Sur la composition de la Commission de la copie privée, vous avez rappelé qu’elle comprenait 50 % de membres représentant les ayants droit, puis un quart représentant les usagers et un dernier quart les industriels. Il suffit donc d’une abstention pour que les ayants droit aient toujours la majorité. Avez-vous d’autres exemples d’instances où des ayants droit fixent eux-mêmes le montant des barèmes ? Je n’en trouve aucun, quant à moi.

Comment sont réparties les sommes collectées entre les auteurs, les créateurs ? Il me semble que le dispositif manque de transparence sur ce point.

Comment rémunérer les créateurs ? Ce n’est pas parce que, jusqu’à présent, les créateurs ont été rémunérés par les droits d’auteurs et des droits dérivés, telle la rémunération pour copie privée, qu’il faut faire perdurer le modèle. Si les décisions n°s 7 à 11 ont été annulées, c’est peut-être parce qu’il faut passer à autre chose. Nous sommes tous convaincus qu’il faut trouver une façon de rémunérer les auteurs, d’aider à la création. Mais est-ce par ce moyen, qui me semble totalement inéquitable, qu’on pourra le faire ? Dans une question écrite adressée à Mme Aurélie Filippetti, un collègue du groupe UDI demandait clairement s’il fallait continuer à considérer la rémunération pour copie privée comme un salaire. Ne faut-il pas remettre tout à plat alors qu’on constate d’importants écarts et un manque de transparence ? Certes, les professionnels peuvent signer des conventions pour être exonérés. Mais doivent-ils en signer une pour ne pas payer de TVA ? Non, cela se fait d’office. Pourquoi le leur demander s’agissant de la rémunération pour copie privée ? Cela pose un problème. Et comment distinguez-vous l’usage professionnel de l’usage privé ?

M. Thierry Braillard. Les mots ont un sens : on ne peut pas parler de salaire lorsqu’on évoque la rémunération du droit d’auteur. On ne peut pas non plus, monsieur Barreiro, demander à l’État, qui n’en a pas les moyens, de prendre à sa charge une rémunération définie par une directive européenne et validée par la législation française. En outre, l’objectif est de laisser à la création toute son indépendance, et de ne pas « fonctionnariser » les auteurs et compositeurs.

Par ailleurs, il semblerait que les décrets d’application de la loi de décembre 2011 n’aient toujours pas été publiés, et notamment celui qui devait expliciter les modalités de conclusion des conventions d’exonération ou celles permettant d’obtenir le remboursement de la rémunération pour copie privée.

Enfin, s’agissant de la situation de blocage dans laquelle se trouve la Commission de la copie privée, seul M. Heger a fait une proposition pour en sortir. J’en fais une à mon tour : seriez-vous prêts, messieurs, à mettre en place une médiation à travers une procédure d’arbitrage ? Un collège de trois arbitres pourrait être désigné par les différentes parties afin de trouver une issue à cette crise.

M. Marcel Rogemont. On ne peut que le constater : les révolutions technologiques auxquelles nous assistons fragilisent la valeur des biens culturels. Dès lors, tout dispositif qui redonne de la valeur doit être regardé avec les yeux de Chimène.

Une chose est sûre : la rémunération pour copie privée a droit de cité en France, et en Europe. Le dispositif est-il gravé dans le marbre ? Non. Il s’adapte. Après l’arrêt Padawan de la CJUE et la décision du Conseil d’État, nous avons ainsi voté une loi en décembre 2011. Elle venait s’ajouter à toutes celles qui avaient été adoptées depuis 1957 et 1985, et qui montraient que des évolutions sont possibles.

Je poserai trois questions. La première porte sur la gouvernance. Les ayants droit ne sont pas majoritaires : ils représentent 50 % de la Commission de la copie privée, en plus des six représentants associatifs et six représentants des industriels. Mais une partie de ceux-ci ont quitté cette instance. Le président se voit ainsi conférer un pouvoir important. Doit-on aller plus loin ? Faut-il rapatrier la décision dans un espace plus « gouvernemental » ? La Commission donnerait alors des avis préalables à toute décision.

Deuxièmement, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique s’est penché sur la question de l’informatique en nuage. En octobre dernier, il n’a proposé aucune solution. Quel regard portez-vous sur cette évolution technologique qui aura un impact sur le dispositif actuel de la rémunération pour copie privée ?

Troisièmement, le système autrichien, qui consacre 50 % – contre 25 % en France – de la rémunération pour copie privée à des actions culturelles collectives, est remis en cause par l’Union européenne. Qu’en pensez-vous ?

Je conclurai en citant Saint-Augustin : « la lettre tue, l’esprit vivifie », a-t-il dit. Pour avoir été présent à Dijon et y avoir entendu nombre des propos qui ont été tenus par les uns et les autres, je crois que ceux qui ont été rapportés, dans leur sécheresse, ont perdu tout leur esprit.

M. Lionel Tardy. Ma première question concernera les professionnels. Je le rappelle, la loi du 20 décembre 2011 prévoit que les professionnels peuvent désormais se faire rembourser la redevance pour copie privée. Combien ont-ils réclamé depuis le 1er janvier 2012 ? Théoriquement, 40 millions d’euros, si l’on suit l’étude d’impact ; en pratique, seulement 70 000 euros sur les huit premiers mois de l’année. Des dizaines de millions d’euros sont donc conservés par les bénéficiaires alors qu’ils sont prélevés illicitement sur des flux professionnels. Quel est aujourd’hui le montant en souffrance ?

Deuxièmement, la directive 2001/29 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information dit que seuls les particuliers doivent payer la copie privée. Or la réalité des chiffres français montre que les professionnels payent encore et toujours malgré ce texte transposé en décembre 2002. Que compte faire la France pour éviter une procédure en manquement ?

Troisièmement, pourquoi ces sommes ne sont-elles pas réclamées ? Cela tient d’un défaut d’information – la fameuse notice inexistante dont nous avons largement débattu l’année dernière – mais aussi au fait que l’arrêté d’application de la loi du 20 décembre 2011 exige que la facture fournie par le professionnel mentionne « le montant de la rémunération pour copie privée acquittée lors de l’achat ». On peut aller dans n’importe quelle FNAC ou Auchan, le montant de la copie privée n’est jamais fourni sur la facture. Les professionnels ne pourront donc pas se faire rembourser tant que l’ensemble des systèmes de facturation en France ne sera pas impérativement remis à niveau. Je proposerai en conséquence une autre solution : pourquoi ne pas supprimer cette obligation à laquelle je m’étais d’ailleurs opposé fin 2011 et dont on constate qu’elle est inapplicable ?

Quant aux rares entreprises qui ont réclamé le remboursement, elles ne sont pas au bout de leur peine puisque la procédure est bloquée à la suite d’une difficulté d’appréciation de la TVA applicable, signalée dès les travaux parlementaires – l’amendement que j’avais défendu l’année dernière pourrait être redéposé. Un an plus tard, pourquoi le Gouvernement tarde-t-il encore à remédier à ce problème fiscal ?

Avec cette loi, les professionnels peuvent aussi se faire exempter. Pourquoi la société de perception Copie France n’établit-elle pas une liste des professionnels qui vendent des supports sans rémunération pour copie privée ? Cela serait très utile pour les entreprises désireuses d’acheter en France plutôt qu’à l’étranger – gain de TVA, impôt sur les sociétés, etc.

Quatrièmement, s’agissant des 25 % affectés aux actions culturelles, on nous dit que cela financerait environ 5 000 manifestations par année. Peut-on avoir un décompte exact des sommes ?

Cinquièmement, sur la composition de la Commission de la copie privée, la loi impose que six représentants des industriels soient présents au sein de l’instance. Comment peut-elle fonctionner alors que cinq d’entre eux ont désormais démissionné ?

Sixièmement, les ayants droit critiquent les industriels, qualifiés de simples importateurs, ennemis de l’exception culturelle française. Est-ce que la copie privée profite à des ayants droit étrangers ou installés dans des pays à fiscalité douce, comme le souligne le SIMAVELEC ?

Septièmement, la Commission de la copie privée a englouti plus de 100 000 euros pour quinze réunions. Nous aimerions en savoir plus sur l’utilisation de ces fonds publics, sachant que les ayants droit ont pris en charge la principale étude d’usage organisée en 2011.

Huitièmement, les ayants droit perçoivent une rémunération pour copie privée sur la duplication des bandes-annonces. Est-ce normal ?

Enfin, les nouveaux barèmes votés à la suite de la loi du 20 décembre 2011 doivent exclure les copies illicites et celles réalisées par les professionnels du calcul des barèmes. Comment justifier du coup les probables hausses de prélèvement à venir ? Comment est véritablement déterminé le préjudice de cette indemnité pour copie privée ?

Mme Martine Martinel. Je citerai quant à moi, et très approximativement, Pascal Rogard, qui a souligné que la rémunération pour copie privée n’était pas une taxe.

Si la Cour des comptes rappelle que les SPRD doivent procéder à certaines économies, il reste que ce sont elles qui défendent le mieux les intérêts des créateurs.

On retire des propos échangés un sentiment d’amertume et d’opacité qui semble exiger des clarifications. En outre, à vous entendre, il y aurait une opposition entre les intérêts des auteurs et ceux des consommateurs. N’y a-t-il pas un danger à laisser se développer ce type de débat sur la culture ?

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Merci pour les précisions que vous nous avez apportées, messieurs, même si les choses n’ont guère évolué.

Sur les 25 %, comment les choix sont-ils opérés ? J’ai noté par ailleurs que je n’avais pas la même utilisation des supports de stockage que des jeunes adolescents. Lorsqu’on achète ce type de matériel, on ne souhaite pas forcément y stocker des contenus soumis au droit d’auteur. Or on paie la rémunération.

M. Pascal Rogard. Je vais vous parler avec franchise. Je défends depuis trente ans l’exception culturelle. Je me suis battu aux côtés de Jacques Toubon, pour défendre la création. Or nous sommes aujourd’hui l’objet d’une offensive généralisée sur le plan européen. Elle est menée par de grandes multinationales, qui fabriquent ces appareils, très loin, et vise à détruire le système de la rémunération pour copie privée. Une médiation est d’ailleurs en cours à l’initiative de Michel Barnier au sein de l’Union européenne. Sachez qu’en Allemagne, censée être plus raisonnable que la France, il y a quatre-vingts contentieux sur la rémunération pour copie privée. On retrouve le problème dans tous les pays d’Europe.

Un certain nombre d’importateurs-revendeurs ont décidé de quitter la Commission de la copie privée dernièrement. Mais ils l’avaient déjà fait par le passé. Ils partent surtout lorsqu’on doit prendre des décisions importantes et fixer les rémunérations. La Fédération française des télécoms est plus responsable. Nous continuons de travailler ensemble et je pense que nous pourrons arriver à un accord sur un certain nombre de supports très importants de stockage – les box internet, les téléphones et les tablettes.

Mais lorsque certains reçoivent des ordres venus de l’étranger, monsieur Heger, parfois de Cupertino, et décident de détruire le système, cela sème le désordre.

Une erreur a été commise en 2006, lorsque, après l’adoption de la directive européenne relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), le gouvernement de l’époque n’a pas voulu tenir compte, dans le cadre de la transposition dans le droit français, des évolutions du numérique, et qu’on n’a pas redonné un coup de jeune à la rémunération pour copie privée.

Je répondrai simplement aux accusations d’opacité : la Commission de la copie privée est transparente. Elle doit publier des procès-verbaux, elle remet un rapport au Parlement. Quant aux sociétés d’auteurs, elles sont soumises à un contrôle annuel d’une commission dépendant de la Cour des comptes. Monsieur Tardy, si vous voulez savoir comment sont affectées les sommes relevant des 25 %, lisez donc le rapport d’activité de la SACD : vous y trouverez toutes les réponses. Je le répète, nous sommes transparents, mais à force de nous accuser du contraire à longueur de journée, on va finir par créer le doute…

S’agissant des usages professionnels, nous avons signé 2 000 conventions d’exonération. Et nous conformant à la loi, nous en avons refusé vingt-deux. Sur les demandes de remboursement, 67 500 euros sont en attente car le Gouvernement n’a pas encore déterminé le taux de TVA applicable au système.

Pour ce qui concerne le décret d’application portant sur la notice explicative, vous avez raison, il n’est toujours pas sorti. Cela dépend de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

M. Lionel Tardy. Tout a été fait pour !

M. Pascal Rogard. Suggérez-vous que la SACD a demandé à Bercy de ne pas sortir le décret ?

M. Lionel Tardy. Dans le débat de l’année dernière, tout a été fait pour que le système ne soit pas applicable ! Reprenez le compte rendu, vous verrez que tout s’est passé comme je l’avais prévu. Qui a fait du lobbying ensuite ?

M. Pascal Rogard. Sur l’informatique en nuage, l’avis du Conseil supérieur de la propriété littéraire artistique (CSPLA) reflète en effet des positions divergentes, y compris parmi les ayants droit. Une majorité très large de ces derniers considèrent que déporter les capacités de stockage d’un appareil vers le nuage relève de la rémunération pour copie privée. Mais une autre catégorie d’ayants droit estime que cela relève du droit exclusif et qu’il faudrait obtenir une rémunération par les systèmes de DRM. Je rappelle à cet égard, qu’au moment de la discussion de la directive de 2006, une partie des ayants droit plaidaient pour l’éradication de la rémunération pour copie privée au profit des DRM et des systèmes d’autorisation ou d’interdiction, qui auraient été très gênants pour les consommateurs.

S’agissant des questions juridiques, je rappelle que la loi votée à l’unanimité, l’année dernière, a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui a été repoussée par le Conseil constitutionnel. Si j’ajoute qu’une deuxième – et peut-être une troisième – QPC est en instance, vous comprendrez que parler de « harcèlement juridique » est tout à fait justifié.

Sur les 25 %, mesure votée à l’unanimité dans la loi Lang, nous avons demandé aux ayants droit de réserver une partie de leur rémunération pour l’affecter à la création culturelle. Ce n’est pas de l’argent en plus. Cette très bonne disposition a favorisé la création dans toute sa diversité. Surtout, certaines sociétés – la SACEM, l’ADAMI, la SACD, notamment – ont mutualisé des rémunérations générées par le système audiovisuel en faveur du spectacle vivant, qui connaît de grandes difficultés.

Enfin, oui, c’est vrai, lorsqu’on achète un téléphone ou une tablette, on paie la rémunération comme si l’on devait forcément copier. Au final, ceux qui copient énormément d’œuvres paient une rémunération pour copie privée inférieure à celle qu’ils devraient normalement acquitter tandis que ceux qui ne copient pas en paient une alors qu’elle n’est pas justifiée. Mais c’est la seule solution, sauf à en revenir au système du droit d’autoriser ou d’interdire et aux DRM : cela vous obligera, chaque fois que vous voudrez copier, à sortir votre carte de crédit pour vous acquitter de la rémunération portant sur l’œuvre en question. Le numérique a induit une mutualisation du système qui n’existait pas avec l’analogique.

M. Édouard Barreiro. Je trouve amusant que Pascal Rogard défende la copie privée alors que tous les contenus audiovisuels font l’objet de DRM. C’est plutôt incohérent.

Vous avez été nombreux à dire que la rémunération pour copie privée était un palliatif à la suite du passage au numérique. Tel n’est pas notre avis. En outre, d’autres outils de financement de la création ont été mis en place : je pense notamment aux taxes sur les fournisseurs d’accès à internet. D’ailleurs, des rapports de l’Inspection générale des finances et de la Cour des comptes montrent que les sommes perçues à ce titre par des établissements comme le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), et qui ont fortement augmenté, ne sont même pas utilisées. On a créé des prélèvements mais on ne sait pas quels besoins ils viennent satisfaire. Cela entraîne des dérapages en matière de frais de fonctionnement de ces institutions qui doivent consommer ces crédits pour justifier un nouveau prélèvement, l’année suivante.

N’oublions pas non plus que les maisons de disques bénéficient d’un crédit d’impôt pour favoriser le développement de la carrière d’un artiste. Mais c’est une plaisanterie : il ne faut pas avoir vendu plus de deux fois cent mille albums pour y avoir droit ! Vous imaginez bien que ce ne sont pas les nouveaux artistes qui profitent de la mesure.

On parle de perte de valeur. Or je constate que la SACEM, la SACD et toutes les autres sociétés qui collectent les droits n’ont pas subi de pertes de revenus. Au contraire. La SACD a même effectué des reversements supplémentaires. Universal a peut-être connu une baisse en termes de chiffre d’affaires mais sa rentabilité a explosé. Précisément parce que ces maisons s’appuient sur Apple, Amazon, Google et vendent très cher leur licence. Elles vendent leur âme à ces importateurs, ces entreprises américaines qui importent des iPod et qui n’ont que faire du pluralisme et de la culture française. Elles se plaignent après avoir vendu leur catalogue. À côté de cela, Jiwa est mort et Deezer ne gagne pas un sou : la grande industrie préfère donner de l’argent aux grands acteurs du secteur.

On retrouve le même problème au sein du CSPLA : il n’y a pas d’accord parce que les maisons de disques préfèrent donner du droit exclusif à Apple. Je vous renvoie à tout le débat sur iTunes Match : les ayants droit souhaitant obtenir le versement de la rémunération pour copie privée au titre des contenus stockés sur iTunes Match. Mais les maisons de disque ont négocié avec Apple sur le fondement de droits exclusifs et le transfert de données est subordonné au paiement d’un abonnement. Ces dernières en sont même venues à justifier le transfert de contenus piratés, c’est ce que l’on a pu qualifier de blanchiment du piratage.

Il faut donc en finir avec cette hypocrisie : il n’y a pas de problème d’argent. D’ailleurs, et cela permettra de tout mettre à plat et de voir s’il y a des manquements dans certains secteurs, nous proposons d’organiser un audit de l’argent de la culture. Cela vous évitera peut-être par la suite d’être attaqués. Je rappelle que tous les ans, la Cour des comptes met à l’index les SPRD à propos de problèmes de gestion et constate que ses recommandations ne sont pas suivies d’effet.

Sur la gouvernance, comment pouvez-vous parler de parité alors que la Commission de la copie privée comprend douze ayants droit, six consommateurs et six industriels ? La parité, ce serait d’avoir six ou douze représentants de chaque catégorie. Les consommateurs ne sont pas toujours d’accord avec les industriels. Les décisions et la nature des débats seraient bien différentes si la parité était réelle.

Enfin, vous avez expliqué que l’État n’avait pas les moyens de financer la politique culturelle. Oui, dans l’absolu. Mais si l’argent prélevé sur les consommateurs au titre de la rémunération pour copie privée était perçu comme un supplément d’impôt, cela reviendrait exactement au même sauf que le système serait plus transparent, que l’argent serait mieux redistribué et qu’il n’y aurait pas de conflit d’intérêt.

M. Laurent Petitgirard. Les sommes perçues par les sociétés de gestion collective et notamment la SACD et la SACEM seraient, à vous entendre, en progression constante. Tel n’est pas le cas, y compris au cours des deux dernières années, et ce en dépit de la régularisation versée par Orange et de celle versée par France Télévisions. En vérité, les recettes de la SACEM étaient en baisse l’année dernière de 1,5 % et ils le seront de 4 % environ cette année, alors que l’on dénombre 4 000 à 5 000 nouveaux auteurs tous les ans. J’ai d’ailleurs demandé une étude, en euros constants, sur les dix dernières années. Il semble que la baisse moyenne pour les auteurs soit de 26 %.

Ce matin encore, il est beaucoup question d’opacité. Je vous renvoie au portail SACEM.fr où vous pourrez consulter nos règles de répartition des 75 %. Pour les phonogrammes par exemple, vous pourrez constater que la rémunération perçue est répartie à 18 % en fonction des programmes diffusés par la radio, et à 82 % en fonction des ventes de disques et des téléchargements. Elle profite évidemment à tous les ayants droit, y compris étrangers et qui ne sont pas membres de la SACEM.

Comment sont répartis les 25 % ? Je vous rappelle que la SACEM comporte deux structures : le fonds d’action SACEM, qui ne compte que des personnalités extérieures invitées et qui présente ses propositions, et le conseil d’administration, qui a des équipes relayées dans toutes les régions qui examinent localement ce qu’on peut entreprendre. Il y a enfin les soutiens que nous apportons aux grands festivals, tel Musica. Le principe de base, c’est d’aider les genres les plus en difficulté. Mais il doit être exaspérant pour certains que des artistes décident eux-mêmes à qui il faut accorder des aides. Nous sommes tellement habitués à ce que des personnes ne connaissant rien à l’art se trouvent aux manettes… Sur les 5 000 demandes que nous recevons, 1 500 sont acceptées. Et j’ai proposé au conseil d’administration de prévoir des modifications de nos statuts afin que, pour l’action culturelle SACEM, des personnalités extérieures puissent assister aux délibérations finales et participer au vote du budget culturel. Certains s’imaginent que cela fonctionnerait mieux si l’État décidait. Mais lorsqu’on voit la confusion qui règne en matière de politique culturelle au niveau local, du fait que les collectivités assument de plus en plus de responsabilité et que la part de l’État est de plus en plus faible, on peut en douter. La volonté de conduire une politique nationale, relayée par les régions, s’est transformée en une multitude de politiques locales sous l’œil d’un État sans moyens véritables d’action.

En outre, les aides au titre des 25 % sont extrêmement encadrées et ne peuvent, en aucun cas, représenter l’essentiel du financement d’une manifestation. Le cumul des subventions apportées par les différentes SPRD ne peut dépasser 25 % du budget total. Un site internet regroupe toutes les aides de toutes les sociétés. C’est une sorte de bilan de l’action culturelle menée au titre de la rémunération pour copie privée, toutes sociétés confondues.

Sur les comparaisons avec les autres pays européens, je vous signale qu’en Espagne, où le système a été supprimé, le prix des appareils n’a pas baissé. Voici d’ailleurs quelques exemples de prix : pour une tablette de 64 Go vendue 814 euros, la rémunération pour copie privée est de 12 euros, soit 1,5 % du prix ; pour une tablette de 32 Go à 709 euros, elle est de 10 euros, soit 1,4 % du prix ; et pour une tablette de 16 Go à 609 euros, elle est de 609 euros, soit 1,3 % du prix. Cela n’a rien d’exorbitant.

Vous avez fait allusion à une augmentation très importante des montants de rémunération pour copie privée : nous sommes effectivement passés de 126 millions d’euros en 2002, à 192 millions d’euros en 2011. Mais n’oubliez pas le nombre d’appareils nouveaux qui sont arrivés sur le marché entre ces deux dates. N’oubliez pas non plus l’inflation. En tout état de cause, nos prévisions pour 2012 sont nettement en baisse à 163 millions d’euros.

Ainsi que je l’ai dit devant la commission Lescure, la SACEM propose d’élargir le champ des aides au titre des 25 % culturels. Il recouvre pour l’instant la création, la formation et le spectacle vivant : nous souhaitons y ajouter l’éducation artistique du public, domaine où les moyens font défaut. Si, comme je l’espère et compte tenu de la profusion des nouveaux appareils, la rémunération pour copie privée progresse, nous pourrons soutenir l’État dans ce vaste champ d’action.

M. Bernard Heger. Je le confirme, nous ne passerons pas nos vacances ensemble. On fait de moi le représentant de la cinquième colonne, on dit que je veux tout détruire : or je viens d’expliquer que je souhaitais simplement modifier le système. Laurent Petitgirard s’est ému du fait qu’on avait fait soixante copies de son œuvre : mais cela relève du piratage, pas de la copie privée. N’est-ce pas ceux qui confondent copie privée et piratage qui détruisent le système ? Il est clair que la rémunération pour copie privée dépasse son cadre initial.

Les études des ayants droit prouvent qu’on copie de moins en moins : entre 2008 et 2011, le nombre d’actes copiés a diminué de 37 %. Pourtant, les barèmes ont augmenté. Moins on copie et plus on paie ! N’est-ce pas en procédant ainsi qu’on détruit le système ? Que ceux qui nous accusent de tous les maux se montrent plus prudents.

Sur les prix, je donnerai quelques exemples : pour le prix de 10 DVD achetés à la FNAC, vous pouvez en avoir 100 sur un site allemand. On a évoqué la mutualisation qu’impliquait le numérique, mais ceux qui font beaucoup de copies n’achètent pas leurs produits en France. Sur les DVD, 80 % sont achetés à l’étranger, 50 % pour les disques durs externes multimédia. Les prix sont éclairants : le même disque dur multimédia est vendu 90 euros en Angleterre, 89,90 euros en Espagne, et 119,50 euros en France. Quant à l’iPod touch, il est à 439 euros en France, contre 409 euros en Angleterre. On ne peut donc prétendre qu’on ne répercute pas la rémunération pour copie privée sur les prix.

De même, il est faux de dire que la taxe ne représente que 1,5 % ou 2 % du prix. Cela ne correspond pas à la réalité car on se base sur les produits les plus chers et au moment de leur lancement. Or les prix dans l’électronique grand public baissent d’année en année.

Quant à la parité, s’en tenir aux chiffres ne suffit pas. Si le Barça rencontre un club de départementale 2, il y aura bien onze joueurs de chaque côté, mais pourra-t-on parler d’égalité ? Le CSPLA est censé, lui aussi, être égalitaire, avec une soixantaine de personnes dont cinquante-cinq ayants droit, un consommateur et deux ou trois industriels. Il est clair que ce sont les ayants droit qui définissent les barèmes.

Sur les conventions d’exonération, c’est essentiellement l’audiovisuel qui est exonéré.

Sur les 25 %, il va falloir réfléchir à ce dispositif. Les industriels feront des propositions.

Enfin, prévoir des procédures d’arbitrage assises sur des études d’experts indépendants auprès des tribunaux me semble une très bonne chose, à titre personnel.

Mme Isabelle Attard. Certes, le nombre des appareils mis sur le marché a augmenté mais leur prix a baissé ! Ne pas vouloir remettre à plat le système me semble préoccupant. Par ailleurs, inclure l’éducation artistique dans le champ d’action des 25 % me paraît une très bonne initiative. Passons alors à 50 % ! Pourquoi ne pas imaginer un changement de taux ? Vous l’aurez compris, nous nous sentons très concernés par ces questions.

M. Lionel Tardy. M. Petitgirard nous explique que les sommes prélevées au titre de la rémunération pour copie privée sont négligeables. Je ferai simplement observer qu’un disque dur d’1 To vaut 130 euros et que la taxe de rémunération pour copie privée est de 20 euros, soit 16,67 %, pour un disque de 2 To, à 180 euros, la rémunération pour copie privée est de 30 euros. Ce n’est pas rien, bientôt cela sera même plus que le coût de la TVA.

Sur les 25 %, M. Rogard m’a renvoyé au rapport de la SACD. Il a dit que la rémunération pour copie privée était la compensation d’un préjudice et non pas une taxe. Mais alors, c’est 100 % du produit qui doivent aller aux ayants droit. Il y a un problème de cohérence qui n’a toujours pas été résolu. La Cour de justice de l’Union européenne est d’ailleurs saisie de ce dossier. Comment envisagez-vous l’avenir de ces 25 %, monsieur Rogard ?

Je rappelle enfin que la France est championne d’Europe des prélèvements au titre de la copie privée puisqu’ils y sont quatre fois plus élevés qu’ailleurs. La rémunération pour copie privée représente en effet 65 % du prix d’un CD ou d’un DVD vierge, et les disques durs externes sont taxés à hauteur de 40 %. Or cette hausse des tarifs pénalise gravement le pouvoir d’achat des consommateurs français qui, au final, paient plus cher leurs produits numériques que leurs voisins européens.

Monsieur le président, je souhaite que l’on procède à un audit sur les revenus de la culture, et plus précisément sur la rémunération pour copie privée, le CNC et le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (Cosip).

Pour conclure, et compte tenu de la composition de la Commission de la copie privée, je crains que les choses ne restent figées et que cette situation ubuesque, qui permet aux ayants droit de décider de leur propre rémunération, ne perdure. Comment comptez-vous, messieurs, débloquer la situation d’ici à fin décembre ? Il me semble urgent de faire venir la ministre de la culture pour débattre de ce problème.

Mme Laure de La Raudière. Le système en vigueur date de l’époque des cassettes audio et obéit à la logique des années 80. Aujourd’hui, la logique de consommation est tout à fait différente. Il faut donc changer de système et de réflexion. Les raisonnements seront faux tant qu’on s’efforcera de modifier le dispositif pour tenter de l’adapter au monde numérique. Taxer l’informatique en nuage – ou cloud – relève ainsi de l’ineptie, pour moi, notamment sur un plan économique. Avez-vous réfléchi à un nouveau système ? Avez-vous ouvert des pistes de réflexion ?

M. le président Patrick Bloche. N’anticipons pas sur le débat à venir, madame de La Raudière. Nous en sommes au bilan de la loi du 20 décembre 2011.

M. Pascal Rogard. Je tiens tout d’abord à remercier Bernard Heger de nous avoir comparés à l’équipe du Barça.

Sur les 25 %, la loi française, qui avait fait l’objet d’un consensus, a effectivement été votée avant l’adoption de la directive européenne. Si la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie, c’est parce qu’en Autriche, 50 % des sommes perçues sont affectées à des actions d’intérêt général. Peut-être considérera-t-elle qu’une affectation de 50 % n’est pas fondée ou qu’elle est excessive parce qu’elle revient à détourner une partie de la rémunération des ayants droit étrangers vers le territoire national. Si une telle décision était prise, la directive pourrait être modifiée à l’échelon européen. Si tel n’était pas le cas, les ayants droit, et je le regretterai, ne pourront plus affecter les sommes en questions à des actions culturelles et devront les répartir entre les auteurs, artistes et producteurs.

Madame de La Raudière, je suis d’accord avec vous. Une occasion a en effet été manquée au moment de l’élaboration de la loi transposant la directive DADVSI. Mais ce n’est pas parce que nous sommes à présent dans un univers numérique que la problématique relative à la rémunération pour copie privée ne se pose pas, d’autant qu’elle concerne un nombre beaucoup plus important d’appareils. En outre, les fabricants de cassettes, audio ou vidéo, étaient des « Bisounours », comparés aux multinationales auxquelles nous avons affaire, aujourd’hui. Celles-ci ne paient pas d’impôt, ou très peu, ce qui induit une forme de concurrence déloyale à l’encontre de l’ensemble des sociétés installées en Europe et contraint les citoyens à payer plus d’impôt qu’ils ne le devraient. Elles disposent de surcroît d’armée de lobbyistes et d’avocats, et de moyens colossaux, qui leur permettent de répandre partout l’idée que le système de la rémunération pour copie privée est opaque et que c’est la pagaille en France. Je le répète, l’offensive est généralisée. On trouve des contentieux en Allemagne, en Hollande. En Espagne, le Gouvernement a remplacé la rémunération pour copie privée par une subvention budgétaire de 5 millions d’euros, mais qui n’est pas versée. En tout état de cause, il est lamentable de solliciter le contribuable dans ce pays durement frappé par la crise.

Notre système est bon. Il peut être amélioré, bien sûr. Et j’espère que nous parviendrons à un accord. Cela prouvera que cela peut fonctionner et que les gens qui entrent et qui sortent au sein de la Commission de la copie privée ne sont pas sérieux. Pendant deux ans les représentants d’UFC-Que Choisir n’ont pas siégé. Une telle attitude est-elle sérieuse ? Le Gouvernement leur avait pourtant confié une mission. Cela a conduit Éric Besson et Christine Albanel à les sortir de l’instance.

M. Édouard Barreiro. Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées.

M. Pascal Rogard. Si ! Et je peux en apporter la preuve. Le siège qui devait être occupé par Que Choisir était vide.

M. Édouard Barreiro. Nous sommes partis volontairement ! La personne qui siégeait a renoncé à le faire en signe de protestation parce que les décisions passaient systématiquement. J’ai accepté de revenir au sein de la Commission de la copie privée à l’arrivée de M. Hadas-Lebel et après avoir posé nos conditions. Mais lorsque le procès-verbal a été rendu public, j’ai constaté que je n’y figurais pas ! Nous n’avons jamais été sanctionnés. On ne voulait pas nous voir siéger dans la Commission parce qu’on ne voulait pas nous entendre réclamer plus de transparence.

Sur le cloud, si cela relève d’une commission indépendante, nous n’aurons pas à nous interroger sur la technologie qu’il faudra taxer. Il importera simplement de savoir où est le préjudice à compenser. Puisque le cloud repose majoritairement sur des contrats de droits exclusifs, les maisons de disques signant directement avec Apple ou Google, pourquoi devrions-nous payer la rémunération pour copie privée ? Le droit de copier est dans le contrat ! Monsieur Rogard, qui signe avec Apple ou Google ? Vous nourrissez le monstre que vous combattez ! Et lorsqu’on en vient à parler du niveau d’imposition de ces sociétés dans le débat qui nous occupe, c’est qu’on est vraiment à court d’arguments !

M. Laurent Petitgirard. Si la SACEM ne signait pas avec iTunes, j’aurais quelques problèmes avec l’ensemble des sociétaires…

Monsieur Tardy, je vous renvoie au site monprojetmusique.fr, vous y trouverez toutes les aides apportées par toutes les SPRD.

Madame Attard, la rémunération pour copie privée représente 7 % de la rémunération des auteurs dont je vous rappelle que les revenus sont déjà en diminution de 26 % sur dix ans. Ce serait formidable de développer l’éducation artistique amateur mais il ne faut pas que cela se fasse aux dépens de la rémunération des auteurs.

Mme Isabelle Attard. Ce n’est pas un salaire : c’est la rémunération d’un préjudice !

M. Laurent Petitgirard. Nous verrons ce que dira la Cour de justice européenne. Il me semble cependant qu’un pourcentage de 50 % lui paraîtra trop élevé. Il est d’ailleurs dommage que le dossier soit arrivé devant la Cour par le plus mauvais vecteur, l’Autriche dont le prélèvement est le plus fort. Si la rémunération pour copie privée évolue normalement, sans spolier personne, prévoir un nouveau paramètre qui permettra de préparer le futur me paraît une très bonne chose. Le compositeur et chef d’orchestre que je suis aussi est sidéré devant le manque de culture musicale des jeunes français. Nous avons le devoir d’éveiller la jeunesse, souvent submergée par la quantité.

M. Bernard Heger. Ah, que la société serait belle sans recours ! Il n’y aurait pas quatre-vingts contentieux en Allemagne et les décisions n°s 7 à 11 n’auraient pas été annulées. Quand on en vient à dénoncer une offensive mondiale, c’est vraiment qu’on n’a rien à dire !

Nous ne sommes pas dans le même univers : lorsque nous parlons de copie privée et de préjudice, d’autres évoquent l’exception culturelle ou la fiscalité générale des grandes entreprises. Or ce n’est pas le sujet du débat.

La Commission de la copie privée ne fonctionnera jamais. Nous pensons qu’il faut trouver un autre système, reposant sur l’arbitrage et où seul le préjudice serait indemnisé. Nous allons faire des propositions en ce sens et en matière d’utilisation des 25 %.

M. le président Patrick Bloche. Merci, messieurs. Je pense que nous serons amenés à reparler de la copie privée.

La séance est levée à onze heures cinquante.

——fpfp——

Informations relatives à la commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné M. Jean-Charles Taugourdeau rapporteur sur sa proposition de loi visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat (n° 222).

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné le président, le rapporteur et les membres de la mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs :

 

Groupes politiques

Mme Annie Genevard – Présidente

UMP

M. Michel Ménard – Rapporteur

SRC

Mme Isabelle Bruneau

SRC

    Mme Valérie Corre

SRC

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini

SRC

Mme Michèle Fournier-Armand

SRC

Mme Colette Langlade

SRC

Mme Lucette Lousteau

SRC

Mme Sylvie Tolmont

SRC

M. Dominique Le Méner

UMP

M. Frédéric Reiss

UMP

(à pourvoir ultérieurement)

UDI

Mme Barbara Pompili

Écologiste

(à pourvoir ultérieurement)

GDR

M. Ary Chalus

RRDP

Présences en réunion

Réunion du mercredi 21 novembre 2012 à 9 heures 30

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, M. Xavier Breton, Mme Isabelle Bruneau, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Gérald Darmanin, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, Mme Françoise Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Sylvie Tolmont

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Luc Belot, M. Jean-Louis Borloo, M. Malek Boutih, M. Ary Chalus, M. Jean-Pierre Giran, Mme Sonia Lagarde, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot, M. Stéphane Travert, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – Mme Laure de La Raudière, M. Lionel Tardy