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Commission des affaires économiques

Mardi 30 octobre 2012

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. François Brottes

– Projet de loi de finances pour 2013 (n° 235)

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

– Avis sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » :

- Pêche (Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis)

– Informations relatives à la commission

La Commission a auditionné M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les crédits du programme 205 consacrés à la pêche et à l’aquaculture de la Mission « Écologie, développement et aménagements durables ».

Je laisse tout d’abord la parole à Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis sur les crédits de la pêche et de l’aquaculture du programme 205 : « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ».

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis sur les crédits de la pêche et de l’aquaculture du programme 205 : « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le regroupement de l'ensemble des questions relatives à la mer au sein d'un même portefeuille ministériel. Ce regroupement me semble être un gage de cohérence de l'action publique en ce domaine, et la conduite de ces questions par un « homme de la mer », la traduction d'une ambition réelle du Gouvernement en faveur de l'économie maritime.

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit malgré tout, pour les crédits de l'action 6 consacrée à la gestion durable des pêches et de l'aquaculture au sein du programme 205 de la mission « écologie, développement et aménagement durables », une baisse de 7 % pour les autorisations d'engagement et de 10 % pour les crédits de paiement en regard des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012. Cette évolution s'explique par le retour à un budget désormais stabilisé après l'extinction des crédits alloués temporairement au titre du plan pour une pêche durable et responsable – PPDR –, dit plan Barnier. L'importance du secteur économique de la pêche et de l'aquaculture ne se résume évidemment pas à son enveloppe budgétaire de 52 millions d'euros – c’est très peu par rapport à l’enveloppe de l’agriculture, par exemple –, mais découle bien davantage de l'activité de toute une filière, du pêcheur au distributeur et au commerçant en passant par les armateurs, le mareyage, les criées et les transformateurs. Il serait d'ailleurs utile de disposer d'une vision consolidée des efforts publics en faveur de la pêche et de l'aquaculture, recensant les crédits des différentes missions, les aides fiscales ainsi que les crédits européens dont bénéficie le secteur.

Les réformes de la politique commune de la pêche – PCP – et de l'organisation commune de pêche – OCM – constituent la toile de fond de ces crédits en faveur de la pêche. Au-delà de cet exercice budgétaire, c'est l'organisation même de la pêche pour les dix prochaines années qui se décide actuellement au niveau européen. Je tiens d'ailleurs à souligner les évolutions positives qui sont intervenues entre la rédaction du Livre vert et les projets actuels. Ces évolutions sont largement dues à la position ferme et unitaire des responsables français dans ce dossier. L'abandon de l'idée de quotas individuels transférables par navire en est la meilleure illustration. Les crédits alloués au secteur de la pêche et de l'aquaculture répondent aux objectifs de la PCP, soit que les crédits de l'État viennent en contrepartie de l'Union européenne – Fonds européen pour la pêche –, soit que l'Union européenne participe aux dépenses engagées par l'État pour la mise en œuvre de certains règlements – contrôle des pêches –, soit au cas par cas par le biais de la validation des aides d'État notifiées à la Commission européenne.

Comme chaque année, on constate que trois dispositifs concentrent près de la moitié des crédits nationaux en faveur de la pêche : les plans de sortie de flotte – PSF – pour 7 millions d'euros ; les contrats bleus pour 10 millions ; la participation de l’État aux caisses de chômage pour intempéries et avaries gérées par le Comité national des pêches maritimes et élevages marins – CNPMEM –, pour un montant équivalent à celui des marins pêcheurs cotisants, soit 6,84 millions d'euros, comme en 2012 et en 2011.

Parmi les autres postes budgétaires importants pour la filière, il importe de souligner l'effort consenti en matière de suivi statistique et scientifique ainsi que le soutien aux organismes scientifiques spécialisés. J’appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur le risque de pénurie d’ingénieurs halieutes. Leurs travaux ne sont sans doute pas suffisamment valorisés, notamment au sein d’IFREMER, alors que la filière pêche a besoin d'une expertise pointue et réactive pour répondre à certaines assertions des organisations environnementales comme d’ailleurs à celles de la Commission européenne elle-même, hier sur le thon rouge, aujourd'hui sur la pêche en eau profonde.

Je souhaite vous interroger plus précisément sur quatre points.

Le Fonds européen pour la pêche – FEP –, qui a permis au secteur des pêches maritimes de bénéficier d'un important accompagnement financier de l'Union européenne, sera remplacé en 2014 par un nouveau fonds doté de 6,5 milliards d'euros, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP. Outre que les missions de ce fonds sont élargies aux affaires maritimes et aux accords internationaux de partenariat pour la pêche, plusieurs États se sont déclarés défavorables au maintien des aides à l'ajustement des capacités de la flotte et à la modernisation des navires. Pouvez-vous nous indiquer les initiatives de la France en la matière ?

L'effort financier de l'État en direction des contrats bleus – 10 millions d'euros annuels –, illustre la volonté politique de les pérenniser, tant ces contrats bleus symbolisent l'engagement des adhérents des structures collectives porteuses à pratiquer une pêche responsable et de qualité. La coopérative bretonne Ar Mor Glaz, après l'opposition initiale de la Commission européenne, semble être désormais reconnue pour les prestations halio-environnementales qu'elle assure. En revanche, vous connaissez les difficultés du Fonds pour le développement durable de la pêche – F2DP – à la suite des demandes de remboursements d'aides formulées par l'Europe dans le cadre des contrats bleus. Selon vous, quelles sont les perspectives de parvenir, dans ce dossier, à une issue favorable ?

L'Inspection générale des finances devait rendre le mois dernier un rapport sur l'évolution de la répartition des quotas de pêche. Quels enseignements tirer de ce rapport ? Est-il disponible ?

L'aquaculture marine n'a pas encore l'importance qu'elle pourrait avoir dans notre pays, notamment en raison de nombreux conflits d'usage. Quel est l'état d'avancement des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine créés par l'article 85 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche – LMAP – ?

Je terminerai mon intervention en revenant brièvement sur l'association France Filière Pêche, à laquelle je consacrerai un développement plus important dans le rapport. Dans une période économique difficile, je salue la création et l'action de cette association de nature interprofessionnelle qui a vocation à promouvoir les initiatives en faveur d'une pêche durable. Elle regroupe en effet quasiment tous les acteurs de la filière pêche, les producteurs, les acteurs du commerce et de la transformation, ainsi que les distributeurs. Elle bénéficie d'un financement important puisque les enseignes de la grande distribution ont accepté de contribuer à hauteur d'environ 30 millions d'euros par an sur une période de cinq ans, soit annuellement quasiment la moitié du montant de l'ancienne « taxe poisson », dont les pêcheurs ont d'ailleurs regretté de ne pouvoir déceler de retour profitable pour la filière. Lors des récentes auditions que j'ai conduites, j'ai pu mesurer l'espoir des parties prenantes à France Filière Pêche, tout comme le succès rencontré par le lancement récent de la première marque nationale des produits issus de la pêche fraîche française : « Pavillon France ». Grâce à une campagne publicitaire réussie et à un étiquetage spécifique sur les étals de la grande distribution et des poissonniers, c'est à la fois un métier, marin pêcheur, et un produit de qualité, le poisson frais, qui sont valorisés auprès des consommateurs et des restaurateurs.

Les aides aux navires qui s’engagent dans des démarches de réduction de la consommation de gazole ou de plus grande sélectivité des engins de pêche ont également rencontré un franc succès puisque plus de 1 500 bateaux sont concernés, sur les quelque 4 700 que compte la France métropolitaine. D’autres initiatives ont été prises pour soutenir la recherche scientifique dans les domaines des économies d'énergie, de la sélectivité et de l'évaluation des ressources halieutiques. Les interventions du ministère de la mer et de la pêche et celles de France Filière Pêche doivent être complémentaires pour permettre aux marins et aux autres acteurs de la filière de connaître des perspectives d'avenir satisfaisantes.

Pour toutes les raisons évoquées et en raison de la dynamique désormais engagée, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 205 consacrés à la pêche et à l'aquaculture.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’être venus si nombreux, témoignant ainsi de votre intérêt pour la pêche française, même si vous n’êtes pas tous des élus littoraux. Votre présence est un message de soutien adressé au Président de la République dans sa volonté d’engager la France sur la voie d’une politique maritime intégrée. La mer, ce n’est pas, pris isolément, la pêche ou la biodiversité ou le transport maritime ou les énergies marines renouvelables : la mer, c’est un tout. Une vision maritime intégrée nous permettra de définir des orientations, de donner un cap et de prévenir les conflits d’usages tout en nous intéressant aux modes de gouvernances, notamment à la structuration des services de l’État pour les rendre plus efficaces et plus lisibles. Un tel ministère de la mer et de la pêche est également précurseur au plan européen : la réunion informelle des ministres européens chargés des questions maritimes, au début du mois d’octobre à Limassol, a permis d’amplifier la démarche lancée par le président Barroso en 2007 autour de la logique de politique maritime intégrée – PMI –, dans laquelle est entrée au plan européen la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche. Il est donc important pour la France d’être pionnière en la matière. La constitution d’un ministère des transports, de la mer et de la pêche au sein du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie donne toute sa dimension à la vision maritime intégrée. Je suis heureux que la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture – DPMA – ait rejoint le ministère de la mer et de la pêche : l’enjeu de l’économie maritime s’en trouve conforté.

La pêche a généré en 2010 plus d'1 milliard d'euros de chiffre d’affaires et plus de 90 000 emplois directs et induits. L'aquaculture, qui regroupe la conchyliculture, la pisciculture et l'algoculture, ne doit pas être laissée de côté : son chiffre d'affaire de 680 millions d'euros parle de lui-même. Ce secteur est à valoriser et la France doit en devenir un acteur majeur, alors même que 80 % des produits de la mer que nous consommons sont importés, ce qui est un paradoxe pour un pays, le nôtre, qui possède le deuxième domaine maritime mondial.

Le contexte actuel du secteur de la pêche est difficile, car il est marqué notamment par la variation continue et structurelle des prix du carburant. Cela n’en rend que plus important les crédits alloués à la question énergétique et à l’aide à la motorisation, en vue de diminuer la consommation de carburant. Sur ce point, nous devons éviter les erreurs du passé, notamment la mise en place d'aides pour le gazole qui se sont révélées illégales, que nos pêcheurs sont aujourd'hui dans l’obligation de rembourser.

Le contexte actuel est celui de la négociation sur la réforme de la politique commune de la pêche, dans toutes ses composantes. Les propositions de la Commission européenne étaient, à mon entrée en fonction, très en retrait par rapport à nos objectifs. J’ai dû mener, notamment le 12 juin dernier, un vrai combat pour éviter des décisions préjudiciables à la pêche française, dont les caractéristiques ne sont pas les mêmes que celles de ses partenaires. Elle repose en effet sur différentes catégories de navires et de pratiques, ce qui n’est pas le cas d’autres pays européens, qui pratiquent une pêche artisanale plus homogène ou, au contraire, se livrent à une pêche industrielle, voire minotière, dont les captures massives sont transformées en farine : cette pêche n’est respectueuse ni de l’environnement ni de la biodiversité. J’aurai l’occasion d’y revenir lors des prochaines négociations sur les totaux acceptables de captures – TAC – et les quotas.

La semaine dernière, j’ai participé aux négociations relatives au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP –, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Ces négociations sont très importantes car elles conditionneront l’ensemble des dispositifs d’aides jusqu’en 2020. Je me suis également rapproché, dans une démarche assez nouvelle, des parlementaires européens. Il s’agit en effet d’un cas de codécision du Parlement européen et du Conseil de l’Union et nous devons les sensibiliser à la démarche de la France. J’espère que le Parlement européen, dont je suivrai de près les travaux, améliorera encore le texte.

Le résultat de la dernière négociation est positif et équilibré. Nous sommes parvenus à un bon compromis qui maintient, contrairement à la proposition initiale de la Commission, les aides à la flotte et à la pêche, notamment à la motorisation des navires. En revanche, les aides au renouvellement de la flotte ont été refusées par la Commission et le Conseil des ministres. Ces aides à la modernisation sont capitales pour, à capacité de pêche constante, garantir une meilleure hygiène, assurer la sécurité et adapter les moteurs.

La commissaire européenne chargée de la pêche, Mme Maria Damanaki, a par ailleurs repris la demande française de mise en place d’aides à l’installation des jeunes pêcheurs. C’est un dispositif innovant. De plus, nous avons obtenu le maintien des aides aux arrêts temporaires qui permettent aux pêcheurs de passer des périodes difficiles d’interdictions de pêche pour urgence sanitaire ou reconstitution des stocks – je pense notamment au cabillaud, à l’anchois ou au requin taupe. Ces aides étaient limitées à la Méditerranée. J’ai obtenu, au terme d’un combat difficile, leur généralisation à toutes les façades maritimes.

Le soutien à l’aquaculture durable est une autre avancée significative. J’ai relancé l’ensemble des préfets littoraux pour que soient élaborés avant la fin de l’année les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine. Il s’agit de promouvoir une aquaculture non pas intensive mais durable pour laquelle nous devons développer des capacités nouvelles et qui entre dans une logique de complémentarité avec les autres activités. Le dossier, pour lequel les services de l’État n’avaient pas, jusque-là, fait preuve d’un grand enthousiasme, accusait un retard certain lorsque je l’ai repris.

La reconnaissance des outre-mer est également très importante. Le 12 juin dernier nous étions parvenus à arracher la création d'un conseil consultatif des régions ultrapériphériques – RUP –, qui sera subdivisé en trois sous-conseils, pour tenir compte des différences entre les bassins maritimes ultrapériphériques, ce qui nous a permis d’obtenir l’extension du régime de compensation des surcoûts – POSEI ou Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité Pêche – à toutes les RUP françaises. Les Espagnols et les Portugais en bénéficiaient contrairement aux Français. Cette extension est importante, notamment pour Mayotte. M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, est très heureux de cette avancée, qui permet d’obtenir un traitement particulier des capacités de pêche des outre-mer, qui représentent quelque 35 % des navires français, ce qui nous fait échapper à une accusation de surcapacité.

Nous espérons que la France sera mieux servie par le FEAMP que par le FEP, dans le cadre duquel elle ne recevait, comme la Roumanie, que 216 millions d’euros, soit 4 % de l’enveloppe. Nous demandons un rééquilibrage afin d’accompagner de futurs cofinancements publics.

La flotte doit s'adapter à l’évolution de la ressource et à la hausse du coût du carburant afin de maintenir sa compétitivité. Cela passe par la mobilisation des crédits du FEP, puis du FEAMP, les aides à l'investissement et le soutien de projets innovants. Dans une démarche plus prospective et de long terme, un projet de « navire de pêche du futur », intégré dans le cadre des Investissements d'avenir, devrait favoriser la diffusion de concepts innovants en matière d'économies d'énergie, de sécurité des hommes, ainsi que de sélectivité et de qualité des produits. Parfois, la sortie de flotte est malheureusement nécessaire sur certains segments en surcapacité. Les façades maritimes ne sont pas toutes concernées de manière identique. La Bretagne a déjà connu beaucoup de sorties de flotte. Il faut également poursuivre l'amélioration de la structuration de la filière.

Nous devons maintenir les actions collectives, comme les contrats bleus, qui encouragent les pratiques de pêche respectueuses de la ressource et qui permettent de compenser les manques à gagner. Les contrats bleus seront maintenus à la hauteur de 2012, soit 12,5 millions d’euros – 10 millions d’euros de crédits complétés par 2,5 millions en provenance du FEP. Le FEAMP prévoit des dispositifs équivalents à partir de 2014.

Vous avez eu raison, madame la rapporteure pour avis, de souligner l’intérêt de France Filière Pêche : 30 millions par an pendant cinq ans ne représentent assurément qu’une partie de la taxe poisson, mais comme celle-ci était illégale, il est nécessaire d’adopter une stratégie de complémentarité des aides publiques et privées. France Filière Pêche, de par sa structuration même, ne pourra pas tomber sous le coup de la réglementation européenne : elle ne saurait, en effet, être accusée de dissimuler des aides d’État illégales.

Le budget de la pêche est également mobilisé pour le financement des actions de collectes de données et de contrôle des pêches, dans un contexte d'accroissement de la charge des obligations communautaires dans ces domaines. J’ai demandé au Président-directeur général de l'IFREMER, M. Jean-Yves Perrot, de mobiliser les moyens nécessaires au secteur de la pêche, y compris en termes de matière grise. Si nous ne pouvons pas présenter des analyses scientifiques satisfaisantes, notamment de l’état des stocks, nous permettant d’engager les négociations dans des conditions favorables, la Commission européenne ou le Conseil des ministres adopteront une démarche prudentielle. C’est un enjeu d’économie maritime auquel d’autres pays sont mieux préparés que nous.

Comme vous l’avez rappelé, le budget est mécaniquement diminué des moyens exceptionnels déployés dans le cadre du plan pour une pêche durable et responsable, ainsi que des crédits nécessaires à l’équipement des navires en journaux de bord électroniques, compte tenu des réalisations de 2011 et de 2012. Ces journaux permettent de relever l’activité des marins.

Comme vous l’avez également rappelé, 6 millions vont au suivi statistique et scientifique, 6,1 millions au contrôle des pêches, 7 millions à l’adaptation de la flotte de pêche, en complément des aides européennes, sans oublier 21,5 millions d’actions économiques cofinancées par le FEP et 6,8 millions au titre des caisses de chômage intempéries et avaries.

Nous venons de recevoir le rapport sur les quotas de pêche, un document de quelque 500 pages en cours d’analyse par les différentes directions du ministère, qui ne manqueront pas de vous en faire parvenir une synthèse. Vous devez d’ores et déjà savoir que les négociations, à la fin de l’année, sur les quotas seront très dures, compte tenu des propositions de la Commission concernant notamment le golfe de Gascogne. Nous bataillerons.

S’agissant du F2DP, je tiens à vous rappeler que j’ai trouvé une situation déplorable. Les négociations ont été très dures pour obtenir le déblocage des contrats bleus postérieurs à 2009. Cet après-midi des rencontres étaient encore prévues à ce sujet.

M. Daniel Fasquelle. Je tiens à saluer votre action, monsieur le ministre, car elle s’inscrit dans un contexte difficile. Je ne doute ni de votre détermination à défendre les intérêts des marins pêcheurs ni de votre force de persuasion.

Mes inquiétudes portent notamment sur l’emploi le long des littoraux, qui pourrait souffrir du résultat des négociations qui s’ouvriront bientôt sur les quotas – je pense surtout au cabillaud et au maquereau – et sur les mesures techniques. J’ai une pensée pour les marins pêcheurs boulonnais de la coopérative maritime étaploise. Je tiens également à évoquer les négociations sur la future politique commune de la pêche, le rendement maximum durable – celui-ci concernera-t-il toutes les espèces ? –, la question des rejets, qui préoccupe les marins pêcheurs car elle touche à l’équilibre de leur activité économique, ou encore les concessions de pêche transférables. Ne pourrait-on pas profiter de ces négociations sur la PCP pour régler certains conflits avec nos voisins, notamment hollandais, qui viennent, avec la méthode de la senne danoise, vider les mers où les marins français ont l’habitude de pêcher ? Quelques navires suffiront demain à remplacer la pêche artisanale qui mobilise aujourd'hui un grand nombre de bateaux et de marins. C’est un véritable enjeu.

Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes déjà battu sur la question des aides à la construction de navires neufs : il faut y revenir. Vous aurez notre soutien. On ne peut pas continuer de retaper les vieux bateaux. J’ai rendu un rapport sur le sujet à la demande du Premier ministre François Fillon, ce qui m’a permis de visiter presque tous les ports de pêche de France. Notre flotte vieillit : elle a entre vingt et vingt-cinq ans d’âge. Moderniser les navires ne suffit plus. Si on n’en construit pas de nouveaux, on court à la catastrophe. La Commission européenne se trompe en refusant le renouvellement de la flotte de pêche sous le prétexte que des bateaux neufs augmenteraient la capacité de pêche. C’est le contraire qui se produit : comme les vieux navires dépensent beaucoup de carburants, les patrons doivent intensifier la pêche pour équilibrer leurs comptes. C’est en empêchant la construction de nouveaux navires qu’on favorise la surpêche, sans oublier les conséquences en termes de sécurité et de conditions de vie à bord.

Je suis assurément très heureux du lancement récent du label « Pavillon France ». Quelles autres actions est-il possible de mener afin de favoriser la valorisation des produits, qui participe également de l’équilibre économique des entreprises ? Des navires neufs, des produits valorisés et des quotas légèrement desserrés permettraient de redonner un véritable avenir à la pêche française et européenne. Il faut défendre la pêche artisanale pour éviter le regroupement des capitaux entre quelques mains. Sinon, la pêche ne sera plus pratiquée que par quelques gros navires employant du personnel non européen. Telles seront les dérives auxquelles nous assisterons demain si la PCP n’affirme pas avec force la nécessité de conserver un grand nombre de navires et de marins pêcheurs : la vie de nos littoraux est en jeu.

Une dernière remarque : le ministère de la mer est désormais détaché du ministère de l’agriculture. Cette évolution, vous nous l’avez assuré, est voulue par l’Union européenne. Personnellement, je n’y suis pas opposé. Toutefois, il faut prendre garde à ne pas rompre la synergie avec l’agriculture, s’agissant notamment de l’alimentation. En revanche, profitez de la proximité de votre ministère avec celui de l’écologie pour éviter la multiplication des éoliennes en mer, surtout lorsque leur implantation, affectant des zones de pêche, altère l’activité des marins pêcheurs. Ils comptent sur votre soutien lorsqu’ils s’opposent à certains projets d’implantation devant les côtes françaises.

M. Frédéric Roig. Monsieur le ministre, promouvoir la sécurité maritime, la sûreté, la protection de l’environnement et la pêche est un enjeu essentiel pour le deuxième domaine maritime mondial qu’est la France. Nous nous réjouissons de ce que le projet de loi de finances pour 2013 consacre 194,3 millions d’euros à la politique maritime.

Le champ que couvrent ces crédits ayant été élargi, le changement budgétaire donne une réelle dynamique à l’activité maritime française et souligne la forte préoccupation du Gouvernement en direction d’une pêche et d’une aquaculture responsables. Il faut effectivement favoriser une exploitation durable des ressources aquatiques afin d’accompagner efficacement l’ensemble de la filière. Avec une zone économique exclusive de 10 millions de kilomètres carrés, la France doit jouer un rôle important dans ce domaine.

En 2011, elle se situait au quatrième rang communautaire en termes de volume de captures de poissons, crustacés, mollusques et algues. Le total des ventes de la pêche maritime représente autour d’1 milliard d’euros. Aussi, ce programme 205, rebaptisé « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », sera-t-il consacré à une mise en œuvre dynamique du défi maritime français porté par le Gouvernement.

Les principaux efforts s’articuleront autour de la sécurité et des affaires maritimes dont les crédits s’élèvent à 142,3 millions d’euros – ils n’entrent pas dans le champ de notre présent examen pour avis.

Concernant la pêche et l’aquaculture dont les crédits atteignent 52 millions d’euros, l’objectif est d’améliorer la compétitivité des entreprises de ces filières, dans le respect de l’environnement. Le Fonds européen pour la pêche soutiendra la plupart des opérations, telles que la modernisation des ports de pêche, la restructuration de la flotte, la valorisation et la promotion des produits. Les financements européens s’élèveront à 19,5 millions d’euros en 2013.

Il est également important d’évoquer les « contrats bleus », démarche innovante permettant de soutenir financièrement les pêcheurs qui mettent en œuvre des pratiques responsables comme le respect de l’environnement marin et de la ressource halieutique, s’engagent dans le ramassage des déchets ou participent à la collecte de données en mer au profit d’organismes scientifiques. Mobiliser et sensibiliser les acteurs de la pêche et de l’aquaculture aux problématiques environnementales permettra de préserver durablement notre puissance maritime : 10 millions d’euros sont prévus en 2013 pour ces actions. Élu dans une circonscription où la conchyliculture et la pêche, notamment du thon rouge, sont des enjeux économiques importants, il est à mes yeux nécessaire de rappeler le rôle important en termes d’équilibre joué par l’ensemble des métiers de la pêche et par les prud’homies sur les lagunes littorales.

En dépit des avancées réalisées, il est nécessaire d’aborder la situation de la politique commune de la pêche. Le rapport d’information sur le projet de budget pour 2013 de l’Union européenne présenté par Mme Estelle Grelier et par M. Marc Laffineur fait état d’une baisse des crédits destinés à la politique commune de la pêche – ils s’élèveront désormais à 257 millions d’euros –, baisse qui soulève de légitimes interrogations. Toutefois, il est important de rappeler, comme vous l’avez signalé, que cette baisse est susceptible d’être actualisée à l’automne dans le cadre de la lettre rectificative du projet de budget pour 2013.

La pêche et l’aquaculture contribuent de façon déterminante à l’économie de notre pays. Le poisson et les produits de la pêche font partie des denrées alimentaires de base les plus échangées dans le monde. Ce secteur joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire.

En Méditerranée, quelque 1 500 navires de pêche sont actifs, représentant plus de 3 000 emplois. L’aquaculture, qui connaît dans l’Hérault un fort dynamisme, exerce un attrait considérable.

Promouvoir la pêche et l’aquaculture durables encouragera une gestion plus avisée de notre écosystème. C’est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste, républicain et citoyen émet un avis favorable au programme 205, dont les efforts, fixés par le Président de la République et le Gouvernement, favoriseront une bonne gouvernance au service de la pêche et de l’aquaculture.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur la lutte contre la surpêche, afin de permettre le renouvellement des stocks prévu à l’horizon 2020. L’État doit privilégier des objectifs à long terme plutôt que chercher des gains économiques à court terme. La protection environnementale doit être la condition préalable, puisque c’est elle qui rendra la politique de la pêche durable.

Des quantités innombrables de poissons sont rejetées à la mer : quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre un terme à ce gaspillage ? Il conviendrait d’édicter des règles de contrôle claires et précises rendant la surpêche illégale.

Par ailleurs, les deniers publics doivent aider à la reconversion des flottes de pêche. Il faudrait également favoriser des engins de pêche sélective permettant de rompre avec les pratiques de pêche destructives.

Il est en outre nécessaire de donner un accès prioritaire aux bateaux qui ont un moindre impact environnemental et qui sont créateurs d’emplois. Il faudrait à cette fin ne plus fixer les quotas de pêche en fonction de ceux des années précédentes, car cette pratique contribue à la surpêche.

Il convient également d’édicter de nouvelles règles au profit de la conchyliculture et de l’ostréiculture, qui subissent une crise sanitaire et qui doivent être aidées. IFREMER devrait consacrer des crédits à enquêter en amont sur la qualité des eaux qui se déversent dans la mer.

Il faut enfin favoriser une formation qualitative aux métiers de la pêche.

Pêcher de manière responsable est une nécessité tant européenne que mondiale. Les mêmes règles favorisant une pêche durable devraient s’appliquer sur toutes les mers, chacun se devant de les respecter, même s’il se trouve loin de ses côtes.

M. Philippe Le Ray. Monsieur le ministre, s’agissant de la pêche et des cultures marines, nous sommes dans une logique d’union sacrée.

Le nombre des bateaux de pêche côtière diminue, notamment dans le sud de la Bretagne, tandis que leur âge moyen augmente : comment comptez-vous enrayer ce phénomène ?

Peut-on imaginer un plan de sauvetage de l’ostréiculture, notamment dans le Morbihan ?

Pourriez-vous enfin nous rassurer sur la pêche à la civelle ?

Mme Pascale Got. La conchyliculture connaît, notamment sur le bassin d’Arcachon et l’estuaire de la Gironde, une grosse mortalité des naissains, qui menace les bassins d’emplois vivant de cette activité. Les rives charentaises, voire la Bretagne sont touchées par le même phénomène. C’est pourquoi les acteurs du Médoc ont lancé avec les scientifiques des protocoles expérimentaux, visant notamment à capturer des naissains dans l’estuaire de la Gironde pour relancer la production d’huîtres dans l’estuaire, qui avait été arrêtée en raison de la pollution au cadmium des eaux. Ces acteurs ont toutefois besoin de l’appui du ministère de la mer et de la pêche et d’Agrimer pour mener à bien ces protocoles, qui visent à sauver une filière en grande difficulté et à redonner des débouchés à l’estuaire médocain qui vivait auparavant de cette activité. Financer la recherche pour sauver l’ostréiculture girondine est une nécessité. Les professionnels du secteur sont d’ailleurs heureux que la pêche et l’aquaculture soient désormais traitées au sein d’un même ministère.

M. Hervé Pellois. La création de France Filière Pêche est évidemment une bonne nouvelle, d’autant que nous importons deux tiers de notre consommation de poisson frais. Il est toutefois regrettable que le comité national des pêches maritimes et des élevages marins ne participe pas à cette filière. De plus, est-il heureux que celle-ci dépende désormais de la grande distribution ?

Enfin, les ostréiculteurs s’inquiètent de l’augmentation de la mortalité touchant les huîtres âgées de dix-huit à vingt-quatre mois.

M. Patrick Lebreton. Nos collègues sénateurs ultramarins vous ont fait part, en juillet dernier, de leur souhait de voir la politique commune de la pêche s’adapter aux réalités ultramarines. Je vous remercie de cette avancée, qui doit être vécue comme une première étape. Si la France s’enorgueillit à juste titre d’être le deuxième domaine public maritime mondial, elle ne doit pas oublier qu’elle le doit aux zones maritimes entourant ses territoires ultramarins.

Sur le plan économique, la problématique de la pêche outre-mer, notamment dans l’Océan indien, est à l’inverse de celle de la pêche dans les eaux européennes. En effet, les ressources ultramarines sont abondantes mais les capacités de pêche modestes. Le potentiel est encore trop peu exploité : il est nécessaire de développer l’économie de la pêche notamment à La Réunion et à Mayotte.

Le développement de la pêche ne saurait non plus être négligé sur le plan social, alors même que les niches de croissance sont rares. En tant que maire de la commune la plus australe de l’Union européenne, je regrette de n’avoir pu faire aboutir le projet de construction d’un port.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le ministre, M. Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, a mis en garde contre la ruée sur l’or bleu. Il préconise une division par deux de la capacité de la flotte mondiale. Elle serait en effet deux fois plus importante que nécessaire pour une exploitation durable des océans. Il faudrait selon lui encourager les efforts de réduction des flottes et diminuer les subventions qui favorisent la surcapacité, via les aides aux carburants ou à la construction de nouveaux navires. Plus les stocks se réduisent, plus on pêche en eau profonde, ce qui ne fait qu’aggraver le problème.

À ses yeux, le développement de l’aquaculture permettrait de limiter la surpêche tout en répondant à la demande de poissons. Il préconise l’élevage par les pays occidentaux du hareng et de la sardine, au détriment du saumon et du thon.

Monsieur le ministre, partagez-vous ce diagnostic ? Si oui, quelles solutions préconisez-vous ?

Monsieur le président François Brottes. Monsieur le ministre, la Cour des comptes serait-elle devenue un service intégré de la Commission européenne ? On serait tenté de le croire en lisant les critiques relatives au contrôle des points de débarquement dont elle a pensé relever les insuffisances dans un rapport.

Par ailleurs, la production d’énergie maritime ou éolienne en mer recèle des potentiels considérables : comment faire cohabiter de manière équilibrée ces activités à vocation durable avec la pêche ?

M. le ministre. Monsieur Fasquelle, le renouvellement de la flotte est un combat commun – je l’ai évoqué au cours du Conseil des ministres de la pêche. Il faut toutefois être lucide : le rapport de forces au sein du Conseil européen ne nous est pas favorable. Peu de pays soutiennent le renouvellement des flottes de pêche, si bien que nous ne réussissons pas à enclencher une politique en ce sens. Au cours de plusieurs conversations bilatérales, j’ai tenté de convaincre Mme Marina Damanaki que notre objectif n’était pas, avec le renouvellement des flottes, d’augmenter nos capacités de pêche, fixées par quotas, mais au contraire de diminuer l’impact écologique de la pêche, notamment en matière de consommation de carburants. C’est pourquoi la motorisation a été incluse dans les aides à la modernisation, mais le Conseil a refusé d’aller plus loin, notamment en acceptant des aides à la modernisation des coques. « Moins pêcher pour mieux pêcher », tel a été mon slogan tout au long des négociations. Je n’ai malheureusement pas été suivi. L’âge moyen des bateaux français, notamment bretons, est préoccupant, je vous l’accorde bien volontiers, monsieur Fasquelle, d’autant que la mobilisation bancaire en direction du secteur de la pêche se révèle toujours difficile.

Monsieur Roig, je vous remercie du soutien apporté par le groupe socialiste, républicain et citoyen au programme 205.

S’agissant du thon rouge, la redistribution des quotas a permis à la petite pêche de recouvrer des droits supplémentaires, grâce à une meilleure répartition des autorisations de pêche. Il faut cependant que les grandes flottes évitent tout contournement des quotas en pratiquant une pêche vertueuse, sans quoi nous nous retrouverions dans une position inconfortable vis-à-vis de la Commission européenne. Chacun doit mesurer ses responsabilités.

Madame Allain, seuls des éléments objectifs permettent de prouver la surpêche. Or les analyses scientifiques sont encore incomplètes du fait que nous ne connaissions encore qu’une partie des stocks. Elles révèlent toutefois une véritable amélioration de la situation : 52 % des stocks étaient pêchés durablement en 2012, contre seulement 27 % en 2010. Les stocks se reconstituent donc, grâce notamment à la démarche du rendement maximal durable. Les pêcheurs n’ont pas pour objectif de décimer les stocks, la surpêche d’aujourd'hui les privant de la pêche de demain. Chacun a pris conscience qu’il fallait mieux pêcher, protéger les espèces menacées et réguler le marché. Mieux coordonner les sorties de pêche à la demande est également nécessaire.

Le contrôle de la pêche est évidemment une priorité. J’ai répondu aux critiques, injustifiées à mes yeux, de la Cour des comptes sur le sujet, et Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a tenu à cosigner la lettre. Le ministère de l’écologie et le ministère de la mer et de la pêche partagent donc le même diagnostic sur la qualité et l’intensité des contrôles exercés et la mobilisation des agents qui les effectuent – la Cour des comptes produit des chiffres erronés. Il convient de tenir compte des modes de pêche, de la structuration des façades littorales et de la réalité du patrimoine maritime. Les lieux de débarquement du poisson sont souvent de petits ports de pêche. L’administration doit-elle diligenter des contrôles dans chaque petit port, sous peine d’entrer dans une logique d’économie administrée ? J’aimerais aussi connaître les pratiques des autres pays européens : appliquent-ils les mêmes précautions au pied de la lettre ? Je le répète, le rapport de la Cour des comptes est injustement sévère à l’encontre de la Direction des affaires maritimes.

J’ajouterai qu’il n’existe pas de définition de la « petite pêche » : chaque pays la définit de manière différente. Pour la Commission européenne, la petite pêche s’achève aux bateaux de douze mètres, ce qui ne correspond pas à la définition de la pêche artisanale française, qui prend en compte le nombre de pêcheurs embarqués et l’embarquement du patron sur son propre navire. Cette terminologie est donc contraire aux intérêts de nos littoraux, de nos ports et de la réalité sociale et économique maritime française.

Les rejets sont assurément choquants. Toutefois, je n’ai pas obtenu de la Commission européenne la possibilité d’évaluer les rejets découlant d’une réglementation inadaptée. Lorsque les quotas sont atteints ou que les prises accessoires dépassent un certain pourcentage, le navire est dans l’obligation de rejeter. Il conviendrait d’ailleurs de connaître la réalité des rejets. De plus, les bateaux ne sont pas adaptés à l’interdiction de rejeter, laquelle poserait une question de sécurité. Enfin, pourquoi interdire les rejets s’il n’existe en aval aucune filière économique pour les absorber ? Or la Commission ne souhaite pas valoriser ces produits. Quelle serait dès lors la finalité de conserver les rejets ?

Les ostréiculteurs ont reçu en 2011 et en 2012 des aides et des indemnités. Toutefois, l’évolution du phénomène ne laisse d’inquiéter, en ce que la mortalité, comme vous l’avez rappelé, concerne désormais les huîtres adultes. IFREMER se penche sur la question, dont MM. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, traitent les aspects sanitaires. L’aggravation de la situation ne sera pas sans poser des problèmes de pérennité des indemnisations.

Monsieur Pellois, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins participe à France Filière Pêche. Il est assurément regrettable que la filière dépende désormais en partie de fonds privés, mais ceux-ci sont nécessaires à son développement du fait qu’ils se substituent à la taxe poisson. France Filière Pêche, qui doit demeurer en relation avec l’État, a l’obligation morale d’accompagner les dispositifs auxquels l’Europe interdit à l’État de participer.

Monsieur Lebreton, le Président de la République a, dès son arrivée, voulu que les outre-mer soient présents au sein de tous les ministères. Comment le ministère de la mer et de la pêche aurait-il pu ne pas répondre à la volonté du Président de la République et ignorer la spécificité des outre-mer ?

Mme Marcel, il est nécessaire de doter de moyens supplémentaires la recherche scientifique pour améliorer les connaissances en matière de stocks dégradés. Nous aurons évidemment besoin des études du Conseil international pour l'exploration de la mer – CIEM – sur la question de la pêche en eau profonde. Nous ne souhaitons pas toutefois utiliser le mot « surpêche », qui accrédite l’idée d’une atteinte volontaire aux stocks et d’une dégradation par l’activité de pêche, alors même que de nombreux stocks sont encore méconnus ou inconnus. Du reste, les quotas et le rendement maximal durable sont des instruments permettant d’éviter toute surpêche – il est inutile de vous rappeler le rendez-vous de 2020 en la matière.

Monsieur le président, j’ai rencontré M. Alain Coudray, président du comité local des pêches de Saint-Brieuc, lorsque je suis allé à Perros-Guirec. Les pêcheurs se sont convertis aux éoliennes en mer pour des raisons vertueuses, évidemment – relativiser les conflits d’usages –, mais aussi dans la perspective d’une démarche plus collective dans le traitement des retombées financières pouvant découler des énergies marines renouvelables. Il est indispensable d’aider les marins et de le faire sur des bases identiques pour chaque commune et chaque groupement.

De plus, l’impact des éoliennes sur la présence des poissons et la pratique de la pêche sera moins lourd demain. Il faut également se poser la question du respect des paysages ou celle de la sécurité maritime en évitant les a priori. Les mesures d’accompagnement doivent soutenir l’activité de pêche.

M. Daniel Fasquelle. J’avais déposé un amendement, rédigé en collaboration avec M. Pierre-Georges Dachicourt, alors président du Comité national des pêches, visant à dédommager les marins pêcheurs qui subiraient les conséquences de l’installation d’éoliennes en mer. Il faut savoir que leur impact dépend de l’endroit où elles sont installées. Les zones de pêche du détroit du Pas-de-Calais étant situées juste devant les côtes, du fait que les poissons se reproduisent dans les estuaires proches, les marins pêcheurs du Pas-de-Calais vont moins loin en mer que les marins pêcheurs bretons. Aussi craignent-ils davantage l’installation d’éoliennes face aux côtes.

Mme la rapporteure pour avis. Qu’en est-il du projet de sanctuariser au nom de la biodiversité certains secteurs maritimes du sud de l’Irlande et du sud-ouest de l’Angleterre, où vont traditionnellement pêcher les marins bretons ? Ils m’ont fait part de leur inquiétude à ce sujet.

Par ailleurs, des jeunes qui ont obtenu le brevet de capitaine 500 ou de capitaine 3 000 ne trouvent aucun embarquement pour valider leur diplôme, faute de quoi ils le perdront d’ici quelques années. Que faire pour les aider, alors même qu’ils sont concurrencés par l’embarquement de marins étrangers dont les rémunérations sont inférieures ?

M. le ministre. S’agissant du maquereau, l’Europe a adopté une position très ferme vis-à-vis de l’Islande, qui s’est octroyé unilatéralement une augmentation de 140 % de ses quotas, et de la Norvège. C’est un sujet de tension : c’est pourquoi la ministre norvégienne chargée de la pêche a souhaité me rencontrer.

Les zones marines de conservation – ou Marine Conservation Zones –, qui sont l’expression du réalisme britannique, nous préoccupent car elles répondent à une stratégie de sanctuarisation, même si elles ne sont pas nécessairement interdites à la pêche. L’approche doit être homogène afin que les pêcheurs français ne soient pas les seuls à faire l’objet de mesures d’interdiction.

Nous sommes, par ailleurs, d’autant plus sensibilisés par l’avenir des jeunes marins diplômés que nous souhaitons garantir l’attractivité des métiers de la pêche et de la mer. Il faut que le Conseil national des pêches fasse connaître les problématiques en jeu.

Enfin, la pêche à la civelle est un sujet compliqué et l’anguille est une espèce menacée. La civelle subit en quelque sorte une double peine puisqu’elle est pêchée aussi bien en eau douce qu’en mer. Il s’agit à la fois d’une pêche professionnelle et d’une pêche de loisir, comme le prix du kilo atteint 450 euros, on peut parler d’un loisir lucratif. Il faut également mettre un terme aux pratiques de pêche peu vertueuses. C’est pourquoi la ministre de l’écologie, Mme Delphine Batho, est favorable à une démarche très stricte. Des contrôles réalisés en eau douce ont permis de réaliser des progrès. J’ajoute que nous sommes parvenus il y a deux heures à peine à un accord équilibré portant sur 34 tonnes, soit un quota équivalent au niveau de pêche constaté en 2012.

Monsieur le président François Brottes. Je vous remercie, monsieur le ministre.

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À l’issue de l’audition de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, la Commission des affaires économiques examine, pour avis, les crédits du programme 205 consacrés à la pêche et à l’aquaculture de la Mission « Écologie, développement et aménagements durables ».

Monsieur le président François Brottes. Je rappelle que Mme la rapporteure pour avis a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 205 relatifs à la pêche et à l’aquaculture de la Mission « Écologie, développement et aménagements durable ».

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 205 relatifs à la pêche et à l’aquaculture de la Mission « Écologie, développement et aménagements durables ».

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Informations relatives à la commission

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement a été déposé à l'Assemblée nationale le 17 octobre dernier et renvoyé pour examen au fond à la commission des finances. Il devrait être examiné en séance publique au cours de la dernière semaine du mois de novembre.

Je vous propose de nous saisir pour avis de ce texte et de nommer en tant que rapporteure pour avis Mme Clotilde Valter.

Par ailleurs, trois propositions de loi ont été inscrites à l'ordre du jour de la séance publique, à la demande du groupe UDI, et seront examinées le 22 novembre prochain.

La proposition de loi n° 63, adoptée par le Sénat, vise à assurer l'aménagement numérique du territoire.

La proposition de loi n° 221 de M. Jean-Christophe Lagarde tend à prévenir le surendettement.

La proposition de loi n° 285 de M. Jean-Louis Borloo vise à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz naturel.

Je vous propose de nommer en tant que rapporteurs de ces trois textes : sur l'aménagement numérique du territoire, M. Thierry Benoit ; sur la prévention du surendettement, M. Jean-Christophe Lagarde, sous réserve qu'il rejoigne la commission ; sur le prix du gaz, M. Franck Reynier.

Nous délibérerons également, au titre de l’article 13 de la Constitution, sur la proposition de nomination par le Président de la République de M. Pierre-Franck Chevet au poste de président de l’Autorité de sûreté nucléaire en remplacement de M. André-Claude Lacoste, dont le mandat arrive à échéance le 12 novembre prochain. C’est un poste très important. Nous auditionnerons M. Pierre-Franck Chevet le mardi 6 novembre à 16 heures 15 et voterons dans la foulée.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, je vous remercie de saisir pour avis la Commission sur le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement car nous sommes concernés par le financement des entreprises.

La Commission des finances a abordé cet après-midi la question de la TVA sur la restauration, sujet qui intéresse directement la Commission des affaires économiques. C’est en effet à l’occasion de l’examen du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques que la baisse de la TVA sur la restauration avait été adoptée. Je souhaite que ce sujet demeure dans le giron de notre commission. Cet après-midi, la commission des finances a évoqué les conséquences de la baisse du taux de TVA dans la restauration dans le cadre d’un rapport d'information. J’ai participé à l’audition du rapporteur. Il convient d’avoir sur ces questions les deux points de vue, financier et économique.

M. Henri Jibrayel. M. Fasquelle a raison.

M. le président François Brottes. Je déplore comme beaucoup d’entre vous que les nouvelles règles, adoptées sous la précédente législature, attribuent à la Commission des finances la quasi-exclusivité des questions relevant de la fiscalité. Nous ne devons pas toutefois nous en désintéresser.

La commission a nommé :

– Mme Clotilde Valter, rapporteure pour avis sur le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement (n° 298) ;

– M. Thierry Benoit, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à assurer l’aménagement numérique du territoire (n° 63) ;

– M. Jean-Christophe Lagarde (sous réserve qu’il rejoigne la commission), rapporteur sur la proposition de loi tenant à prévenir le surendettement (n° 221) ;

– M. Franck Reynier, rapporteur sur la proposition de loi visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz naturel (n° 285).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 30 octobre 2012 à 18 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. François Brottes, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Audrey Linkenheld, M. Jean-Claude Mathis, Mme Béatrice Santais

Assistait également à la réunion. - M. Patrick Lebreton