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Commission des affaires sociales

Mardi 16 octobre 2012

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 06

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Suite de l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (n° 287) (MM. Gérard Bapt, Christian Paul, Mme Martine Pinville, M. Michel Issindou, et Mme Geneviève Levy, rapporteurs)

– Amendements examinés par la commission (cf. compte rendu n° 05)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 16 octobre 2012

La séance est ouverte à vingt-et-une heures quinze.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission poursuit l’examen, sur le rapport de MM. Gérard Bapt, Christian Paul, Mme Martine Pinville, M. Michel Issindou et Mme Geneviève Levy, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (n° 287).

Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement AS 42 de Mme Bérengère Poletti, portant article additionnel après l’article 15.

M. Jean-Pierre Door. Je ne doute pas que notre rapporteur acceptera cet amendement destiné à apporter une bouffée d’oxygène aux zones manquant de médecins. Il s’agit de favoriser dans ces territoires l’exercice des médecins retraités, dont le nombre s’élève aujourd’hui à plus de 10 000.

À 65 ou 70 ans, beaucoup d’entre eux sont encore tout à fait capables d’exercer et peuvent faire des vacations, des remplacements, voire participer à des consultations avancées ou donner des consultations dans des hôpitaux locaux ou des maisons de retraite, à raison de quelques journées ou demi-journées par semaine. L’objet de l’amendement est de les exonérer alors d’une partie des cotisations à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF). En effet, dès lors qu’ils sont déjà à la retraite, ces cotisations ne sont pas créatrices de droits supplémentaires. Bien entendu, le régime fiscal applicable aux honoraires resterait inchangé. Cette exonération permettrait de trouver, j’en suis certain, bon nombre de praticiens disposés à continuer d’exercer à temps partiel.

M. Rémi Delatte. L’inégalité de l’accès aux soins en raison du manque de personnel médical frappe tout particulièrement les zones rurales et les zones urbaines sensibles. L’exercice de professionnels retraités est une aubaine pour ces territoires. Il faut les encourager et non les dissuader. Dans les zones sous-dotées, on le sait, les mesures coercitives ne donnent aucun résultat. Or l’exonération proposée serait à la fois juste et incitative.

M. Bernard Accoyer. La crise de la démographie médicale constitue, nous en sommes tous d’accord, un problème grave, qui tient à plusieurs facteurs : le départ à la retraite des générations du baby boom, les effets du numerus clausus, les changements sociologiques qui font naître parmi les jeunes générations de médecins des aspirations nouvelles. La question se pose de façon particulièrement aiguë en ce qui concerne les généralistes, qui font cruellement défaut dans certaines zones urbaines et rurales, mais aussi pour certaines spécialités – gynécologie-obstétrique, ophtalmologie, urologie...

D’autre part, la retraite des médecins libéraux est souvent relativement modeste. La retraite complémentaire ASV (allocation supplémentaire vieillesse), qui représente un peu plus d’un tiers des montants versés, est en train de fondre comme neige au soleil. Les engagements pris n’ayant pas été tenus, ce qui était au départ un régime par capitalisation est devenu au fil du temps un régime par répartition qui peine à faire face à ses besoins de financement.

Notre Commission doit remédier dans la mesure du possible à ces deux situations et encourager l’exercice des praticiens retraités en les exonérant d’une partie des cotisations de retraite lorsqu’ils acceptent de poursuivre leur activité.

M. Denis Jacquat. Cet amendement apporte une solution partielle au problème de la pénurie de médecins qui affecte beaucoup de zones rurales et de zones urbaines sensibles. Certains médecins retraités souhaiteraient travailler « à la carte » une ou deux journées par semaine et sont prêts à le faire dans ces territoires, mais les cotisations de retraite sont très élevées. L’exonération partielle prévue par l’amendement serait un premier pas pour remédier à une pénurie qu’aggraveront encore les très nombreux départs à la retraite des prochaines années. Elle ne coûterait rien à l’État, puisque les praticiens qu’elle ramènera vers un exercice partiel ne travaillent pas actuellement ; elle rapporterait même un peu d’argent, puisque les cotisations seraient en partie recouvrées.

Bref, cet excellent amendement mérite un vote unanime de notre Commission.

M. Arnaud Robinet. La mesure proposée est d’abord pragmatique dans la mesure où elle vise à faire reculer les déserts médicaux que sont devenus de nombreux territoires et, par exemple, dans ma région, les départements des Ardennes et de la Haute-Marne.

Cela dit, nous devons porter notre réflexion plus loin et donner un véritable statut juridique aux médecins retraités actifs. Pourquoi ne pas recourir au statut d’auto-entrepreneur, de travailleur indépendant ou encore à un statut de salarié ? Mais on pourrait aussi bien, après avoir auditionné les syndicats de médecins libéraux, envisager une contractualisation entre le médecin retraité actif et l’agence régionale de santé. On relèverait ainsi en partie le défi posé par la désertification médicale.

Mme Jacqueline Fraysse. Combien de médecins la mesure peut-elle concerner ? Quels sont les montants en jeu ? Et comment se fait-il que la droite, qui n’a pas adopté cette disposition auparavant, se réveille brusquement – sans pour autant nous fournir de chiffres précis ?

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’amendement aurait pu être adopté il y a quelques années, en effet !

J’ai du mal à suivre le raisonnement selon lequel la mesure rapporterait de l’argent alors qu’elle entraînera une baisse des cotisations à la CARMF…

M. Jean-Pierre Door. Si des médecins retraités se remettent au travail, ils paieront des cotisations.

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’entends bien mais, sur les 10 578 médecins retraités âgés de 65 à 70 ans, plusieurs milliers participent déjà à l’offre de soins.

M. Denis Jacquat. Il y en aurait davantage grâce à cette exonération.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne nie pas que vous posiez un problème réel, mais je ne suis pas en situation d’accepter votre amendement ce soir. Cela étant, je propose que vous le redéposiez en vue du débat en séance publique et, dans l’intervalle, j’interrogerai la ministre à ce sujet afin qu’elle se détermine. Une mesure ayant l’agrément du Gouvernement serait en effet la bienvenue : j’ai entendu à plusieurs reprises des représentants de syndicats médicaux soulever la question.

M. Christian Paul. Je ne suis pas surpris que la majorité précédente n’ait pas adopté un tel dispositif au cours des cinq dernières années. Elle a en effet perdu beaucoup de temps en matière de lutte contre les déserts médicaux. Nous avons consacré au sujet de longues heures de discussion en commission et plusieurs missions d’information, mais la loi « HPST » n’a pas apporté le moindre début de solution concrète.

M. Rémi Delatte. Mais si !

M. Christian Paul. Vous me présenterez alors les médecins implantés dans les zones déficitaires de la Côte-d’Or grâce à cette loi ! Pour ma part, je n’en ai encore croisé aucun.

Cela dit, nous cherchons tous des solutions. Le problème ne tient pas tant au nombre de médecins en France qu’à leur très mauvaise répartition sur l’ensemble du territoire. La liberté d’installation poussée à l’extrême a provoqué une crise de la démographie médicale qui touche la moitié du territoire français, villes comme campagnes, et qui affecte aussi bien l’exercice libéral que l’exercice salarié. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend donc plusieurs outils pour lutter contre ce phénomène et la majorité déposera des amendements pour enrichir encore cet arsenal.

Pour en revenir à l’amendement AS 42, nous approuvons l’idée de soumettre la mesure au Gouvernement. Nous remarquons toutefois que la question des exonérations de cotisations sociales se pose chaque fois qu’il y a cumul emploi-retraite. Je ne suis pas sûr que ces exonérations doivent aller en priorité à l’exercice des médecins retraités. Il existe d’autres moyens, comme les solutions conventionnelles ou les surrémunérations, pour les inciter à exercer dans les zones déficitaires. Nous sommes donc quelque peu réservés sur cette proposition. Nous souhaitons refonder avec le Gouvernement la politique d’incitation qui jusqu’à présent a échoué. Les incitations financières dont vous en êtes les zélateurs ne suffisent pas. Notre objectif est donc d’élargir la gamme d’outils mis à la disposition des territoires et des professionnels qui souhaitent s’y installer.

Pour résumer, nous accueillons cet amendement avec une grande réserve sans pour autant le condamner sans appel. On peut essayer d’en évaluer l’efficacité dans les prochains jours mais, pour l’instant, la démonstration n’est pas faite.

M. Denis Jacquat. La liberté d’installation est un des facteurs qui incitent les étudiants à s’engager dans des études de médecine. Si on la supprimait, beaucoup renonceraient à suivre cette voie. Il est vrai qu’il existe des zones surdotées et des zones sous-dotées mais, s’il existait une solution miracle, elle serait déjà appliquée ! L’incitation que nous proposons fait seulement partie des moyens à déployer à court terme pour remédier à une pénurie qui est en train de s’aggraver rapidement.

Je ferai d’autre part observer qu’une personne bénéficiant d’une retraite à taux plein qu’elle cumule avec un emploi paie des cotisations à taux plein à raison de ce travail sans pouvoir prétendre à des prestations supplémentaires à ce titre.

Enfin, pourquoi appartiendrait-il au Gouvernement de trancher ? Notre Commission est chargée d’étudier les mesures proposées. Il lui est arrivé à maintes reprises d’affirmer ses choix face au Gouvernement. Ce n’est pas à ce dernier de nous dire ce que nous devons faire.

M. Michel Issindou. Je doute que l’exonération de cotisations constitue un véritable moteur pour les médecins retraités visés par l’amendement. Si l’on reprend le travail après l’âge de 65 ans, ce n’est pas forcément pour l’argent : c’est parce que l’on en a envie ou parce que l’on souhaite rendre service. L’attrait d’une telle exonération doit être relativisé !

Certes, la cotisation versée par le retraité ne lui sert à rien puisqu’elle ne lui procure aucun droit supplémentaire. Mais si l’on octroie une exonération aux médecins exerçant dans les déserts médicaux, pourquoi ne pas l’accorder aussi aux couvreurs dans les zones où les effectifs de cette profession sont insuffisants ? Tous les métiers en déficit ou en pénurie de professionnels pourront prétendre à une telle mesure.

Je pense donc que cette dérogation, qui du reste ne serait guère incitative, n’a pas lieu d’être.

M. Jean-Pierre Door. Je m’explique mal la frilosité de la majorité sur un sujet qui appelle des solutions pragmatiques. Nous aurons l’occasion de revenir sur la démographie médicale dans d’autres débats. Ce que nous proposons ici, c’est une solution partielle et immédiate. Aujourd’hui, quelque 2 000 à 2 500 médecins retraités ont accepté de travailler dans certaines zones mais la CARMF évalue la population susceptible d’être mobilisée à plus de 10 000 praticiens. Si ces derniers souhaitent exercer quelques demi-journées par semaine ou par mois, il faut leur en donner la possibilité. Sans l’exonération de charges de retraite qui ne leur ouvrent plus droit à prestations, ils risquent de ne pas se décider, d’autant que le revenu supplémentaire qu’ils tireront de leur activité sera imposable.

En outre, les retraites versées par la CARMF se réduisent de plus en plus. Le régime ASV des médecins, comme celui des chirurgiens-dentistes, est en difficulté. Les médecins seront donc volontaires si on leur propose une petite activité supplémentaire tant que leur condition physique et intellectuelle le leur permet.

Pourquoi ne pas tenter l’essai, monsieur le rapporteur ? Il sera toujours temps ensuite d’évaluer les effets de cette mesure.

M. Gérard Sebaoun. Alors que les situations sont diverses, la mesure paraît bien univoque ! Les médecins arrivant à 65 ans après avoir eu une importante activité de généraliste, par exemple, prennent souvent du recul. Lorsqu’ils continuent une activité, c’est sur un tout petit pied : quelques vacations dans le centre médical ou dans l’hôpital où ils ont longtemps exercé, pour garder le contact avec leurs collègues mais certainement pas pour bénéficier d’une réduction de leur cotisation ! D’autres, praticiens libéraux, peuvent agir de même pour des raisons financières, mais il est peu probable alors qu’ils soient tentés d’aller dans des zones manquant de médecins. Enfin, les médecins exerçant dans des zones très tendues sont plutôt enclins à s’arrêter définitivement, par lassitude – sans d’ailleurs toujours trouver un successeur.

Il existe donc plusieurs cas de figure. Votre amendement, louable dans son intention, ne correspond pas à la diversité des pratiques des médecins libéraux arrivés à l’âge de la retraite.

Mme Véronique Louwagie. Nous souhaitons tous enrichir une palette de dispositions qui ne peuvent être que complémentaires les unes des autres. Les collectivités territoriales, communes et communautés de communes, se sont saisies les premières du problème en créant des pôles de santé et des maisons de santé. Beaucoup de départements et de régions accordent des bourses aux étudiants en médecine pour les inciter à rester sur place. Le gouvernement précédent avait quant à lui adopté des mesures d’exonération fiscale pour faciliter l’organisation des astreintes et pour favoriser l’installation sur certains territoires. Il faut tout essayer ! Au surplus, la mesure proposée peut faciliter le passage de relais entre les médecins retraités et les jeunes médecins qui s’installent dans les pôles de santé et cela sans rien coûter : elle procurera même des recettes supplémentaires !

M. Denys Robiliard. Je partage l’avis du rapporteur. Nous ne disposons pas des informations nécessaires pour nous prononcer ce soir. Un certain nombre de médecins retraités poursuivent aujourd’hui une activité partielle pour laquelle ils paient des cotisations, mais il nous faudrait savoir combien d’autres seraient susceptibles de les imiter, afin d’évaluer la perte de recettes que subirait le régime vieillesse du fait de cette exonération.

Pour ma part, je ne pense pas que la perspective de devoir cotiser à un régime de retraite arrêtera un médecin ayant envie – par sens du devoir, souvent – de continuer à exercer.

Lors de la séance de questions au Gouvernement de cet après-midi, certains orateurs ont dénoncé les discordances supposées entre les propos d’un député et la position d’un ministre. Que la majorité parlementaire veuille au contraire discuter et se coordonner avec le Gouvernement ne se résume pas à un acte de soumission : ce n’est qu’une procédure normale. Vous ne pouvez pas à la fois nous reprocher de tenir parfois un discours différent de celui du Gouvernement et nous demander de voter sans discuter préalablement avec ce dernier.

En l’état, je ne voterai pas cet amendement. S’il pouvait inciter des médecins retraités qui ne le feraient pas sinon à continuer à exercer, je le soutiendrais mais, ce soir, je ne suis pas du tout convaincu que ce soit le cas.

M. Olivier Véran. Les problèmes de l’accessibilité géographique ou financière aux soins, et à des soins de qualité, se posent de façon d’autant plus aiguë que le patient s’est mué en « usager du système de soins ». La pression est alors forte sur les pouvoirs publics, alors même qu’il est extrêmement difficile de répondre à cette demande.

Des solutions existent pourtant, mais elles doivent être pragmatiques et pérennes. Or, pour louable que soit son intention, la mesure proposée par l’amendement est clairement une recette du passé.

Je doute que le médecin qui a exercé toute sa vie dans une zone urbaine puisse se trouver alléché par un allégement de cotisations au point d’aller s’installer en zone rurale pour y travailler après 65 ans. Quant au médecin de famille « taillable et corvéable à merci », dont toute la carrière s’est déroulée en zone rurale ou périurbaine, il arrive à 65 ans à bout de souffle et ce n’est pas une exonération de cotisations qui l’incitera à renoncer à sa retraite.

En revanche, la mesure peut avoir un coût et constituer une aubaine pour les médecins qui, de toute façon, auraient continué leur activité en zone sous-dotée après 65 ans.

Soyez certains, en tout cas, que la majorité proposera une palette de mesures ambitieuses et pragmatiques pour améliorer l’accessibilité aux soins de l’ensemble des Français sur tout le territoire.

M. Christian Paul. Je suis ravi de voir l’opposition prendre enfin la pleine mesure du problème que posent les déserts médicaux.

Permettez-moi un rappel à l’intention de nos jeunes collègues. Sous la législature précédente, cette Commission avait adopté à l’unanimité trente propositions pour lutter contre les déserts médicaux. Ces dispositions faisaient suite à une mission d’information rapportée par notre ancien collègue Marc Bernier. Lorsqu’elles sont arrivées en discussion dans le cadre de l’examen du projet de loi « HPST », le Gouvernement et la majorité d’alors n’en ont retenu aucune. Vos leçons d’indépendance parlementaire ou de clairvoyance à ce sujet, monsieur Jacquat, font l’impasse sur cet épisode !

Notre objectif est que toutes les dispositions destinées à lutter contre ce problème soient en cohérence. Le présent projet en contient certaines, la grande loi pour l’accès aux soins annoncée par la ministre des affaires sociales et de la santé pour l’année 2013 en contiendra d’autres.

Enfin, nous sommes un peu échaudés par certaines incitations financières qui, par le passé, se sont révélées inopérantes. Nous n’écartons pas a priori ce type de mesures, mais il nous faut au moins nous donner le temps de la réflexion avant le débat en séance publique.

Mme Monique Iborra. Le problème déjà ancien des déserts médicaux est très difficile à résoudre. Ce n’est pas au détour d’un amendement, pour louable que soit son intention, que l’on parviendra à une solution. Il faut un projet beaucoup plus ample et cohérent que cette « mesurette ».

M. Gérard Bapt, rapporteur. De toute façon, il conviendra de revoir l’amendement avant la discussion dans l’hémicycle. Sa rédaction actuelle le rendrait inapplicable puisqu’elle ne précise pas à quelle hauteur se monterait l’exonération de cotisations. Je suggère à ses auteurs de le retravailler tandis que nous nous concerterons avec le Gouvernement, et nous reprendrons la discussion en séance publique.

La Commission rejette l’amendement AS 42.

Article 16 : Contribution additionnelle sur les pensions de retraite et d’invalidité au profit de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 37 de Mme Bérengère Poletti, AS 65 de M. Dominique Tian et AS 149 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à supprimer l’article 16.

M. Denis Jacquat. L’article 16 est surprenant. Il crée une taxe destinée, dans un premier temps, à combler très partiellement un trou avant d’être affectée, à partir de 2014, à une prestation relative à la dépendance et à la perte d’autonomie dont on ne sait ce qu’elle permettra de prendre en charge. Cela rappelle fâcheusement l’épisode de la vignette automobile !

J’ai déjà eu l’occasion de le dire à Mme la ministre : la dépendance et la perte d’autonomie sont deux choses différentes. Au niveau national, les problèmes de solvabilité se posent en rapport avec la perte d’autonomie, qui concerne aussi bien les personnes handicapées que les personnes âgées. La dépendance, en revanche, concerne principalement les personnes âgées. Alors que certains voudraient cantonner le débat sur la dépendance aux groupes iso-ressources (GIR) 1 et 2, je pense que l’approche doit être globale et concerner l’ensemble de la perte d’autonomie. Or le texte du Gouvernement et l’exposé des motifs parlent tantôt de dépendance, tantôt de perte d’autonomie. Je vous renvoie au « Livre noir » et au « Livre blanc » où les associations ont répertorié, il y a quelques années, tout ce qui n’allait pas dans notre pays et tout ce qu’il était souhaitable de faire. Nous pouvons nous inspirer des travaux existants et des nombreux colloques qui se sont tenus à ce sujet. Le tour de France réalisé en son temps par Mmes Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp avait permis de dégager des conclusions qui ont recueilli l’unanimité.

Par ailleurs, les 0,3 % de la contribution que vous instituez sur les pensions de retraite seront bien insuffisants pour financer la prise en charge de perte d’autonomie ou de la dépendance. Mieux vaut prendre des mesures que des mesurettes !

Les associations de retraités rappellent que cet article représente une perte de pouvoir d’achat. Le prélèvement de 0,15 % au bénéfice du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dans un premier temps est déjà très injuste, mais verser une cotisation de 0,3 % pour une prestation inconnue est encore plus difficile à admettre !

Je souhaite donc que l’on nous présente un texte cohérent optant clairement entre la perte d’autonomie et la dépendance, et que l’on indique le coût de la mesure et les recettes qu’il faudra mettre en face. Pour avoir longtemps défendu la notion de cinquième risque et de cinquième branche, je sais que les Français sont tout disposés à faire un effort si on leur explique quelles prestations correspondent à quelles cotisations.

Cela dit, j’ai aussi pris connaissance des amendements AS 199 et AS 202, qui viendront en discussion immédiatement après et qui visent à remodeler le texte gouvernemental.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vois mal comment la perte d’autonomie ne pourrait pas déboucher sur la dépendance.

Mme Isabelle Le Callennec. Avant de voter un tel dispositif, nous aimerions en savoir un peu plus sur la future réforme de la dépendance et sur son calendrier. Ceux qui nous accusent de ne pas être allés au bout de notre propre réforme ignorent la crise sans précédent que nous avons vécue. L’article 16 met la charrue avant les bœufs : il instaure un prélèvement sans que l’on sache dans quel cadre il s’inscrira.

Mme Jacqueline Fraysse. Il y avait bien d’autres moyens d’améliorer le financement de la protection sociale sans taxer les retraités, ce qui est d’autant plus inopportun que certains vont devenir imposables du fait que vous maintenez le gel du barème de l’impôt sur le revenu ! J’ai proposé pour ma part, après l’article 11, huit mesures propres à dégager des recettes nouvelles et à lutter contre des inégalités flagrantes dans les prélèvements sociaux. Aucune n’a été retenue. On a jugé mes amendements pertinents mais prématurés et nécessitant des perfectionnements. On m’a également renvoyée au travail en cours. Or je note que, pour les personnes âgées, le dispositif est tout prêt et les études déjà réalisées : il ne resterait plus qu’à voter !

Cet article constituant un mauvais signal à bien des égards, nous considérons qu’il n’est pas recevable en l’état.

M. Bernard Accoyer. Cet article soulève en premier lieu un problème de constitutionnalité, car il est l’exemple même d’un dispositif insincère. Son exposé des motifs explique, d’un côté, que l’on veut mettre en place un mécanisme de prise en charge de la dépendance et, d’un autre, que l’on affecte, pour 2013, les 350 millions d’euros attendus de la nouvelle contribution au FSV… tout en annonçant une augmentation de 100 % de ce prélèvement pour 2014 et son affectation à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – dont la création, en même temps que l’institution de la journée de solidarité, avait pourtant provoqué les hurlements de l’opposition de l’époque.

En deuxième lieu, avant d’imaginer des prélèvements nouveaux sur les retraites, il conviendrait de se préoccuper du financement de celles-ci. Or, comme le montre le projet de loi de financement, celui-ci n’est toujours pas complètement assuré : la branche vieillesse sera de nouveau déficitaire, pour 6 milliards d’euros. La mesure proposée relève donc de la cavalerie et de la fuite en avant.

De surcroît, le rétablissement partiel de la retraite à 60 ans vient encore déséquilibrer un peu plus le régime général, ainsi qu’un régime complémentaire dont on ne sait comment il pourra se refinancer après avoir consommé toutes ses réserves dans les deux années qui viennent. Il en va de même des régimes alignés et de ceux de la fonction publique, qui creusent le déficit de l’État.

On aurait pu se dispenser de cette mesure incompréhensible si on avait retenu pour l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) le même taux de progression que l’année dernière, en prenant des dispositions pour qu’il soit respecté comme il l’a été au cours des trois dernières années.

M. Christian Paul. Bernard Accoyer trouvera une partie des réponses à ses questions dans des amendements qui vont venir en discussion, en particulier dans les amendements AS 201 et AS 200 qui fixent le taux du prélèvement et, surtout, sa destination : il servira à la préparation de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie et de la dépendance.

Notre objectif est en effet de procéder à une réforme réelle, après que vous avez passé cinq ans à parler d’une réforme virtuelle, qui a été finalement enterrée. Il nous paraît important de lancer ce chantier dès le début de la législature, c’est-à-dire dès ce premier projet de loi de financement, qui n’est pas un texte de transition mais bien un texte qui fixe le cap, en vue d’inverser un certain nombre de tendances. La réforme ne ressortira pas de l’assurance mais bien de la solidarité et de la protection collective et nous en amorçons dès maintenant le financement.

Mme Martine Pinville. Denis Jacquat a rappelé que, sous la précédente législature, nous étions parvenus à une position unanime sur les conclusions des différents groupes de travail sur la dépendance. Mais cela n’a débouché sur aucune mesure concrète. À travers cet article, nous montrons clairement notre volonté de travailler à la prise en charge de la perte d’autonomie. Mme Michèle Delaunay, ministre chargée des personnes âgées et de l’autonomie, situe d’ailleurs cette réforme dans le cadre plus large de l’adaptation de la société au vieillissement. La perte d’autonomie n’est pas seule en cause, en effet : il faut aussi prendre en compte les thèmes de la prévention, de l’habitat et de l’urbanisme, afin de parvenir en 2013 à un projet global.

M. Dominique Tian. Il est étonnant de voter des recettes supplémentaires en se fondant sur une étude d’impact à peu près vide : elle ne dit pas qui sera concerné, ni comment le prélèvement sera calculé, ni combien il rapportera… En outre, des amendements à venir vont modifier sensiblement le texte initial. Nous naviguons donc dans la nuit et dans le brouillard ! On sait seulement que des millions de retraités vont supporter une charge nouvelle. Ce qui correspond à l’une des obsessions de ce Gouvernement : frapper au portefeuille les plus modestes – tout à l’heure 10 millions de particuliers employeurs et maintenant autant de retraités –, ce qui est tout de même paradoxal de la part d’une majorité prétendument de gauche. Si l’UMP avait proposé de telles mesures, j’imagine les réactions…

M. Michel Issindou. Les leçons que voudrait nous donner l’opposition m’obligent à rappeler que le précédent gouvernement et sa majorité ont instauré quarante taxes nouvelles et laissé un déficit de 170 milliards qu’il nous faut combler.

La réforme des retraites n’est pas seulement incomplète, monsieur Accoyer : elle n’est pas assurée du tout et ne tiendra pas au-delà de 2017. Tous les régimes sont déjà dans le rouge. Mais nous proposerons des solutions.

Le coût de la réforme de la dépendance, à laquelle nous avons consacré de nombreuses auditions lors de la précédente législature, était alors estimé à 5 ou 6 milliards d’euros sur un coût total déjà évalué à 30 milliards. Les 350, puis 700 millions d’euros résultant du prélèvement que nous proposons sont donc encore loin de couvrir les besoins. Mais c’est un premier pas vers une réforme de solidarité très attendue par nos anciens.

M. Jean-Louis Roumegas. Notre groupe n’est pas choqué par l’instauration d’une contribution à la charge des retraités, mais nous aurions souhaité qu’elle fût plus juste et plus efficace grâce à une progressivité qui aurait permis d’exonérer les petites retraites. Nous défendrons le même point de vue concernant la CSG.

M. Michel Liebgott. Le courage politique doit s’exprimer dès le début de la législature. La réforme des retraites votée à la fin de la précédente législature ne résout pas le problème de leur financement puisqu’il faudra la remettre sur le métier dès 2013, malgré le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), créé par le gouvernement Jospin et utilisé à d’autres fins par les gouvernements de droite ultérieurs.

Cette première démarche en annonce d’autres. Elle confirme la priorité accordée à la prise en charge de la dépendance, selon le principe de la solidarité plutôt qu’en faisant payer les collectivités territoriales comme vous l’avez fait pendant des années.

Mme Bérengère Poletti. On nous propose, dans cet article, une mesure incantatoire qui permet seulement au parti socialiste d’essayer de faire croire qu’il va traiter le problème de la dépendance. On commence par instaurer un prélèvement, minime au regard des besoins. Ceux-ci atteignent en effet 7 ou 8 milliards d’euros, en plus des 22 à 23 milliards déjà inscrits en dépit de la crise que nous avons essuyée au cours de ces années. C’est pourquoi nous avions dû, à regret, repousser la réforme.

De surcroît, le nouveau prélèvement sera affecté à un autre objectif en 2013.

M. Arnaud Robinet. Le passage du taux de prélèvement de 0,15 à 0,30 % – le « durcissement » du dispositif, pour reprendre un terme employé par notre rapporteur dans une interview au Figaro – servirait à exonérer les retraités modestes, redevables d’un impôt sur le revenu inférieur à 61 euros, tout en assurant l’équilibre des comptes. Mais de quels comptes ? Nous ne connaissons pas aujourd’hui les objectifs de votre plan dépendance. La nouvelle taxe, qui va toucher 8 millions de retraités et donc réduire leur pouvoir d’achat, ne va pas financer la dépendance mais se fondre dans la masse des besoins non couverts.

M. Jean-Marc Germain. On ne redressera le pays que dans la justice, condition nécessaire de toute réforme sociale. Il faut donc rééquilibrer les comptes en faisant davantage contribuer les plus fortunés et en veillant à améliorer le sort de ceux qui ont moins. Tels sont les objectifs assignés aux amendements que nous allons vous proposer.

Les retraités sont prêts à participer à cet effort national et ne sont pas choqués qu’on leur demande une contribution de 2 ou 3 euros par mois, si elle sert effectivement à prendre en charge la dépendance. C’est pourquoi nous voulons que, dès la première année, cette contribution alimente la CNSA.

Pour que le prélèvement soit juste, nous en exonérons les retraités non imposables et souhaitons encore étendre cette exonération aux personnes imposables mais dont l’impôt n’est pas recouvré parce qu’inférieur à 61 euros. Les recettes en seront certes diminuées de 100 millions d’euros en régime de croisière, puisque la disposition bénéficiera à 2,5 millions de contribuables supplémentaires, mais c’est une mesure de justice.

Le prélèvement est présenté de façon parfaitement transparente. Nous souhaitons que, dès 2013, son produit soit affecté à la CNSA et son taux fixé à 0,3 %. Tel est l’objet des amendements AS 199 à AS 202.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne peux que donner un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.

Un prélèvement a déjà été créé en faveur de l’autonomie : la journée nationale de solidarité. Et le taux en était déjà de 0,3 %. Mais on l’avait assis uniquement sur les salariés, en épargnant les professions libérales et indépendantes, de même que les retraités. Or, aujourd’hui, les associations de retraités se disent toutes disposées à participer à l’effort de solidarité nécessaire pour mieux prendre en charge la dépendance, à condition que le prélèvement soit bien consacré à cette fin. Nous entendons rester dans cette logique.

Quel objectif de déséquilibre – et non hélas d’équilibre – des comptes pouvons-nous tenir ? En 2012, sans le milliard et demi de recettes supplémentaires apporté aux différents régimes, les objectifs de la loi de financement de la sécurité sociale n’auraient pu être tenus. Le précédent gouvernement a certes subi la crise économique mais nous, nous en vivons les conséquences – déficit, dettes, chômage – et la façon dont elle fut gérée. Nous entendons la gérer différemment et c’est pourquoi nous demandons cette contribution de solidarité visant à préparer la loi annoncée par le Gouvernement, qui concernera le vieillissement en général et visera à préserver l’autonomie.

La Commission rejette les amendements de suppression AS 37, AS 65 et AS 149.

Elle examine ensuite les amendements AS 199 à AS 202 de M.  Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement AS 199 vise à limiter l’assiette de la contribution additionnelle sur les retraites aux retraités assujettis à la CSG au taux de 6,6 %, à l’exclusion de ceux qui bénéficient du taux réduit de 3,8 %, que l’on appelle les « imposables non recouvrés », leur cotisation à l’impôt sur le revenu étant inférieure à 61 euros.

Dans l’amendement AS 202, nous proposons que le dispositif ne s’applique qu’à compter du 1er avril 2013.

L’amendement AS 201 précise que le produit du prélèvement alimentera la CNSA tout en préservant les ressources du FSV.

Enfin, l’amendement AS 200 porte le taux de la contribution additionnelle à 0,3 %, mais il serait satisfait par l’adoption de l’amendement AS 201.

M. Bernard Accoyer. Notre rapporteur a déclaré dans la presse qu’il déposerait un amendement afin de supprimer, avant sa venue à échéance, le droit d’option pour les travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant dans un autre pays de l’Union européenne. Cet amendement sera-t-il déposé en séance ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce que vous évoquez là n’a pas de rapport avec notre présente discussion.

M. Bernard Accoyer. Mais si ! Car notre rapporteur explique que son amendement permettra de diminuer le taux du prélèvement dont nous sommes en train de parler.

M. Denis Jacquat. Ces amendements me donnent l’impression d’un vaste bricolage. Nous avons, il y a quelques jours, en présence des ministres compétents, examiné un texte pour cet article 16. Et voici que maintenant nous assistons à un exercice de rétropédalage tel que ce Gouvernement semble les aimer. Nous n’avons toujours pas de texte relatif à la perte d’autonomie. Mme Michèle Delaunay, ministre chargée des personnes âgées, a constitué à cet effet trois groupes de travail, présidés par des personnalités éminentes. Nous devrions donc attendre leurs conclusions avant d’instituer des recettes sans savoir encore à quoi on les affectera, sauf à constituer une cagnotte pour la CNSA.

Au regard des mesures attendues par les associations intervenant dans la prise en charge de perte d’autonomie, un taux de prélèvement de 0,3 % ne sera pas suffisant, même si certaines associations de retraités se disent prêtes à un effort de solidarité dès lors que la nouvelle contribution sera parfaitement fléchée.

Il serait donc préférable de nous présenter un projet d’ensemble.

Le choix du 1er avril correspond à la date de réajustement des pensions mais il est cocasse de lire, dans l’exposé sommaire de l’amendement AS 202, que le coût de la taxe sera compensé par la revalorisation annuelle des retraites : on indique ainsi aux retraités qu’on leur donnera d’un côté ce qu’on leur reprendra de l’autre, ce qui se traduira par une diminution de leur pouvoir d’achat, sans qu’ils sachent pour autant quelle sera la destination d’une partie de leur contribution.

Je ne peux donc approuver ces quatre amendements qui nous laissent dans le brouillard.

Mme Isabelle Le Callennec. Notre rapporteur a indiqué dans son commentaire daté du 16 octobre que, pour 2013, les recettes du nouveau prélèvement seront, à titre exceptionnel, affectées au FSV. Or l’amendement AS 201 vise à les affecter dès la même année à la CNSA « tout en préservant les recettes du FSV ». Je voudrais donc comprendre comment on passe d’un dispositif à l’autre. Dans quel but et sur quel fondement ?

M. Dominique Tian. Nous sommes vraiment dans « Nuit et Brouillard ». Ce que vous voulez faire est absolument incompréhensible, pour la majorité probablement comme pour l’opposition. Les taux changent, les modalités d’exonération et les dates d’application aussi. Comment s’y retrouver ? Une petite étude d’impact me semble indispensable pour nous indiquer quelles sont les recettes escomptées, le montant du produit attendu, les personnes concernées, lesquelles bénéficieront d’une exonération en fonction de leur taux d’imposition et de la CSG, … Qu’on puisse au moins y voir un peu plus clair !

M. Jean-Pierre Door. Je sens notre rapporteur, qui connaît parfaitement bien les arcanes des projets de loi de financement, très gêné par ce qui se passe. Nous savons depuis hier, par la presse, que le Gouvernement et sa majorité veulent faire marche arrière. Vous avez donc cherché plusieurs formules afin de réduire la contribution des retraités, envisageant par exemple de taxer les boissons énergisantes ou les travailleurs transfrontaliers. Mais vous restez dans le flou !

M. Jérôme Guedj. Les commissaires, notamment socialistes, ont cherché à enrichir le texte présenté par le Gouvernement. On ne saurait nous reprocher à la fois de nous comporter comme des godillots et, dans d’autres situations, d’amender un projet de loi.

Le seul argument de l’opposition à l’encontre de l’article 16 consiste à contester la création de la nouvelle taxe au service de la future réforme de la perte d’autonomie en disant que nous mettons « la charrue avant les bœufs. » Venant de ceux qui, pendant cinq ans, ont contemplé le bœuf d’un côté et la charrue de l’autre sans chercher à les rapprocher, il y a de quoi s’étonner…

La contribution additionnelle de solidarité vise précisément à crédibiliser la réforme de la perte d’autonomie que nous allons mettre en place alors que, pendant des années, vous vous êtes contentés de déclarations de principe en accumulant études et rapports sans qu’il en sorte jamais rien – le précédent Président de la République annonçait tous les six mois une réforme qui ne venait pas.

Vient un moment où il faut créer les conditions d’une réforme effective. Il se trouve que je suis administrateur de la CNSA. Depuis quelques années, nous regardons attentivement l’évolution et l’utilisation de son budget dans ce but. Mais nous dégageons d’autres moyens : quand l’ONDAM médico-social progresse de 4,6 % au bénéfice des personnes âgées, cela permet de consacrer 146 millions d’euros supplémentaires à la médicalisation des maisons de retraite et de créer, dans chacun des 900 établissements, six à sept postes de personnel soignant. Le projet de loi de financement contribue également à la réforme en mettant en œuvre certains des engagements qui figuraient dans le plan « Solidarité grand âge » mais qui n’étaient pas financés.

Depuis deux ans, le plan d’aide à l’investissement des établissements et services pour personnes âgées et pour personnes handicapées (PAI) était gelé, rendant impossible le financement de projets par la puissance publique. Il a été dégelé en 2012, permettant à la CNSA de relancer des investissements et, là encore, d’amorcer la réforme de la perte d’autonomie.

Le dispositif proposé s’insère donc dans un projet global, qui impliquera aussi une réforme de l’aide personnalisée d’autonomie (APA) et de l’aide sociale.

Certains se sont offusqués de ce que nous mettions à contribution les retraités imposables, soit 10 millions sur 16 millions. Le cœur de l’amendement AS 199 consiste à limiter encore, dans un souci de justice sociale, le champ du prélèvement à 7,5 millions de retraités. Nous proposons de la sorte un compromis responsable, là où vous n’avez pas eu le courage de prendre les mesures nécessaires, et nous fléchons clairement le dispositif vers la CNSA. L’attribuer momentanément au FSV risquait de brouiller un peu le message. C’est pourquoi l’amendement AS 201, par un subtil mécanisme de vases communicants du fait de l’affectation d’une partie de la CSG à la fois à la CNSA et au FSV, permet d’augmenter les crédits du second en diminuant, à due concurrence, la base de l’abondement de 0,1 % en faveur de la première.

Il faudra bien sûr dégager d’autres recettes pour financer la réforme de la perte d’autonomie. Elles pourront provenir de l’assurance maladie, de l’ONDAM sanitaire, des départements et de certains organismes.

Mme Bérengère Poletti. Je rappelle que c’est nous qui avons créé le plan d’aide à l’investissement pour en finir avec la non-consommation des crédits de la CNSA censés aller à la médicalisation des établissements. Malheureusement, cette situation perdure.

Les amendements dont nous discutons permettent certes de mieux orienter le nouveau prélèvement vers la prise en charge de la dépendance, mais ils vont aussi grossir les crédits non consommés. Va-t-on les répartir entre les départements pour compenser la charge de l’APA ? Ou bien les mettre de côté pour alimenter une future réforme dont on ignore encore les contours ? Vous créez une taxe dont nous ignorons à quoi elle sera utilisée.

M. Jean-Marc Germain. Vous voici amplement informé, monsieur Tian. Les amendements sont peut-être compliqués, mais leur objet est simple. Nous avons fixé la date d’entrée en application au 1er avril parce que c’est celle à laquelle les retraites sont augmentées. Pour donner un ordre de grandeur, si l’inflation constatée est de 1,5 %, une retraite de 1 000 euros augmentera de 12 euros au lieu de 15 du fait de l’instauration du prélèvement. D’autre part, il était compliqué de prévoir un taux de 0,15 % la première année et de 0,3 % les années suivantes, avec en outre des affectations différentes. Nous proposons donc de fixer d’emblée ce taux à 0,3 %. Quant au public concerné par l’exonération, il s’agit des retraités qui sont assujettis à l’impôt sur le revenu, mais ne subissent aucun prélèvement à ce titre parce que celui-ci serait inférieur au seuil forfaitaire de recouvrement – autrement dit ceux qui se situent juste au-dessus des foyers non imposables. Cela représente 2,5 millions de personnes sur les 10 millions de retraités.

Voilà des années que nous dépensons de l’argent que nous n’avons pas. Nous vous proposons aujourd’hui de mettre de l’argent de côté pour répondre à un besoin croissant, celui de la dépendance. C’est une meilleure politique que celle qui a été mise en œuvre durant les dix dernières années !

M. Denis Jacquat. J’ai écouté Jérôme Guedj avec intérêt. En tant que rapporteur du projet de loi qui l’a créée, je ne peux que me réjouir d’entendre la gauche chanter les louanges de la CNSA. Cela change du discours que nous entendons depuis quelques mois !

La perte d’autonomie pose avant tout le problème de la solvabilité des personnes concernées et de leurs familles. Les pensions de retraite ne permettent en effet pas toujours d’assumer le coût du maintien à domicile ou du placement en institution spécialisée. Nous devons donc assurer la pérennité des ressources permettant de faire face à ce cinquième risque. En ce sens, je me félicite que l’on s’attache à garantir des ressources à la CNSA, dont la création constitue une réussite. En l’absence de plan d’ensemble, il est cependant malaisé d’appréhender la recette que vous proposez avec cette contribution de 0,3 %. Il eût mieux valu estimer la dépense avant de trouver les recettes, en l’expliquant aux Français. Je me méfie des recettes « à tiroirs ». Dois-je rappeler que le gouvernement Jospin n’a jamais réussi à abonder le FRR comme il était prévu ?

Parmi les pistes à étudier, on pourrait prévoir une cotisation dès le premier salaire pour la perte d’autonomie. En tout état de cause, je crains que les conseils généraux ne puissent payer leur part : cela représente une charge bien trop lourde pour eux, alors même que le coût de la perte d’autonomie est appelé à augmenter.

Nous devons donc aller vite, et nous impliquer tous ensemble dans la réflexion.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis rapporteur de la partie recettes et équilibre général du projet de loi de financement, monsieur Accoyer. Il n’y a aucun rapport entre la suppression du droit d’option dont bénéficient les frontaliers et la contribution additionnelle au profit de la CNSA, si ce n’est l’objectif du Président de la République – qui était aussi celui de son prédécesseur – de limiter le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Or vous demandez la suppression de nombreuses recettes, mais vous nous proposez bien peu de mesures permettant d’atteindre cet objectif ! Par ailleurs, vous ne pouvez nous reprocher à la fois de nous comporter en godillots et de présenter des amendements au projet du Gouvernement !

Le dispositif que nous proposons assure à la CNSA une recette de 525 millions d’euros en 2013, recette qui se verra amputée de 75 millions par l’amendement AS 199. Elle s’établira donc à 450 millions. Pour 2014, année pleine, elle sera de 600 millions d’euros. Conformément à ce que le Gouvernement a prévu, le déficit du FSV, qui s’établira néanmoins à 2,6 milliards en 2013, sera réduit. Si cette contribution est affectée à la CNSA, le FSV recevra, à titre exceptionnel, une partie des recettes de CSG de la caisse. Au bout du compte, le dispositif aboutit à une recette nette de 100 millions d’euros pour la CNSA. Le président du conseil général de mon département a autorisé la création d’établissements médico-sociaux, mais il manque toujours la part de l’État. Ces sommes pourront donc être utilisées, madame Poletti.

S’agissant de la justice et de l’équité, je rappelle que la journée nationale de solidarité que vous avez instituée était financée par une contribution de 0,3 % sur les salariés actifs. Cette contribution était due pour un salarié rémunéré au SMIC ou légèrement au-dessus, tandis qu’un retraité percevant plusieurs milliers d’euros de retraite en était exonéré – alors même que la dépendance concerne davantage de retraités que d’actifs. Notre proposition va au contraire dans le sens d’une prise en charge solidaire de la dépendance.

Vous dites que la réforme a été reportée à cause de la crise, madame Poletti. Mais nous ne l’avons jamais vue ! Certes, il y a eu des débats – Mme Bachelot est venue en personne à Toulouse. Nous n’en avons cependant jamais vu le contenu envisagé, notamment pour ce qui est de la part que vous entendiez attribuer respectivement à la solidarité et à l’assurance individuelle.

Tout cela me paraît clair. Je vous appelle donc à voter ces amendements.

La Commission adopte successivement les amendements AS 199, AS 202 et AS 201.

En conséquence, l’amendement AS 200 devient sans objet.

La Commission adopte l’article 16 modifié.

Article 17 : Élargissement de la couverture sociale des élus locaux

La Commission est saisie de l’amendement AS 150 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai déposé cet amendement quelque peu provocateur, puisqu’il vise à supprimer l’article 17, pour susciter le débat. Si les objectifs d’harmonisation, d’équité et d’amélioration de la couverture invoqués par le Gouvernement sont louables, cet article soulève en effet deux interrogations. La première tient au glissement de la notion d’indemnité d’élu vers celle de salaire, alors qu’être élu n’est pas une profession, et ne doit pas le devenir – un mandat procède du suffrage universel. La seconde concerne le statut de l’élu. Ces dispositions auraient davantage leur place dans une réforme d’ampleur de ce statut, permettant de mieux reconnaître celui-ci et de faciliter l’exercice de la démocratie dans notre pays.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Être élu n’est pas une profession, mais un état qui, comme la santé, est transitoire…

Dans le contexte actuel, les élus de la Nation doivent apporter la preuve qu’ils participent à l’effort général. Je suis donc au regret de donner un avis défavorable à cet amendement.

M. Denis Jacquat. Je ne comprends pas la réponse du rapporteur. Qui dit cotisations sociales dit prestations. Or il existe déjà des régimes de retraite complémentaire pour les élus. Tout cela manque de clarté.

Ceci étant, je suis d’accord avec l’argumentation de Jacqueline Fraysse. Voilà des années qu’on nous explique en long et en large la différence entre indemnités et revenus. Il importe que nous restions cohérents.

Quoi qu’il en soit, il faut savoir si cette cotisation ouvre droit à des prestations.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article rend universels le champ des élus couverts et l’étendue de la couverture. Il ouvre donc droit à des prestations auxquelles un certain nombre d’élus n’accédaient pas jusqu’à présent.

La Commission rejette l’amendement AS 150.

M. Dominique Tian. Le rapport parle de niche sociale, certaines indemnités étant assujetties alors que d’autres ne le sont pas. Mais à quoi ces cotisations donnent-elles droit ? Au versement de retraites ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elles ouvrent droit à toutes les prestations des régimes de base.

M. Dominique Tian. C’est donc du « lourd », comme on dit. Je réitère ma question : ces cotisations ouvrent-elles droit au versement de retraites ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article a trois mérites. Tout d’abord, il était anormal que certaines indemnités d’élus soient assujetties à cotisations alors que d’autres ne l’étaient pas. Ensuite, la différence de traitement entre élus locaux était difficilement justifiable. Enfin, le champ des prestations est désormais ouvert aux élus qui ne cotisaient pas auparavant.

Mme Bérengère Poletti. Il y a là une modification importante du statut de l’élu, qui est traitée de manière bien légère, sans que nous ayons la moindre idée de son impact potentiel. J’aimerais tout de même pouvoir comprendre les conséquences que cet article pourrait avoir sur la prise en charge des retraites des élus.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous renvoie à l’étude d’impact jointe au projet de loi : il suffit de la lire !

M. Dominique Tian. Que dit-elle ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Que le seuil sera fixé à la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 1 516 euros par mois. Il permettra ainsi d’exonérer les maires des villes de moins de 1 000 habitants, soit environ 27 000 maires, ainsi que tous les adjoints aux maires des villes de moins de 50 000 habitants, de telle sorte que seuls 700 des 160 000 adjoints resteraient ainsi assujettis. Tous les conseillers généraux et régionaux seront assujettis. Au total, sans préjudice d’éventuels cumuls, plus de 17 000 élus, dont plus de la moitié sont des maires, disposent d’indemnités dépassant le seuil de 1 516 euros par mois.

Trois commentaires importants doivent être formulés à propos de ce seuil : il empêche d’ouvrir des droits au profit de ceux dont les indemnités se situent à un niveau inférieur ; il n’évite pas une rémanence de niche sociale ; il ne constitue pas une franchise de cotisations, de telle sorte que les indemnités, dès lors qu’elles seront assujetties, le seront au premier euro.

L’article procède donc aux adaptations rédactionnelles et aux aménagements de références nécessaires pour l’ensemble des collectivités. En particulier, la condition de cessation de toute activité professionnelle est ainsi effacée, tant pour l’assurance maladie que pour l’assurance vieillesse, au profit de la référence aux nouvelles conditions d’affiliation fixées par l’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale.

Enfin, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2013.

Retenant l’hypothèse que seuls 20 % des élus ont cessé toute activité professionnelle et sont déjà affiliés au régime général pour les seuls risques maladie et vieillesse, le Gouvernement évalue à 140 millions d’euros par an la recette supplémentaire procurée au régime général par cette réforme. Environ un cinquième de ces nouvelles cotisations seront à la charge des élus, le reste revenant aux collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Door. Poursuivons donc la lecture : « pour les collectivités territoriales, la charge nette sera légèrement inférieure à la charge brute, qui s’élève à 112 millions d’euros, dans la mesure où elles bénéficieront d’un transfert de charges d’indemnités journalières et de dépenses d’accidents du travail et maladies professionnelles ». Je réitère à nouveau la question : à quelles prestations ces cotisations ouvrent-elles droit ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il suffit. Nous avons déjà rejeté cet amendement. Vous aviez tout le temps de prendre la parole après Jacqueline Fraysse ; vous attendez que le vote soit intervenu pour le faire ; vous vous inquiétez maintenant de l’étude d’impact. Vous avez huit jours pour la lire. Vous poserez vos questions dans l’hémicycle.

M. Dominique Tian. Les élus vont donc pouvoir être en arrêt maladie…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous réclamiez un statut, nous y venons !

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS 221, les amendements de conséquence AS 222 et AS 223 et l’amendement de rectification d’une erreur AS 224, tous de M. Gérard Bapt, rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 17 modifié.

Article 18 : Alignement des taux de cotisation au régime général d’assurance maladie des salariés de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

Article additionnel après l’article 18 : Prolongation de la possibilité pour les pédicures-podologues de s’affilier au Régime social des indépendants.

Elle examine ensuite l’amendement AS 244 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Cet amendement vise à reconduire l’option offerte aux pédicures-podologues de s’affilier au RSI jusqu’en 2013, le temps que les négociations conventionnelles aboutissent.

M. Bernard Accoyer. Peut-être faudrait-il, pour la séance publique, changer l’exposé sommaire qui est rédigé à la première personne du pluriel. Il y est question de « nos confrères et consœurs »…

La Commission adopte l’amendement AS 244.

Article 19 : Augmentation de la contribution tarifaire d’acheminement

La Commission est saisie de l’amendement AS 38 de Mme Bérengère Poletti.

M. Denis Jacquat. Cet amendement vise à supprimer l’article 19. J’en ai parlé la semaine dernière au nom de mon groupe devant les ministres. On peut s’étonner que les retraites dites « surcomplémentaires » d’un régime spécifique soient payées par l’ensemble des personnes qui acquittent leurs factures d’électricité. La ligne « CTA » – contribution tarifaire d’acheminement – qui figure sur ces factures alimente en effet le financement de ces retraites « surcomplémentaires ». Personnellement, j’ai toujours été opposé au principe de cette contribution.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le groupe UMP ne cesse de présenter des amendements de suppression, mais il ne fait aucune proposition ! Il s’agit pour nous de répondre aux besoins de financement d’un régime spécial de retraite, besoins qui découlent des dispositions que vous avez vous-mêmes adoptées dans le cadre de la loi du 9 août 2004. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Dominique Tian. Le scandale continue ! Lors de l’examen de la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie, nous avons défendu des amendements pour rappeler que 300 000 personnes en France ne payent pas leur énergie. Plus exactement, elles payent entre 5 et 10 % du montant de la facture réelle. Je veux parler des agents d’EDF et de leurs conjoints et enfants, sachant que cet avantage vaut à vie et concerne aussi bien la résidence principale que la résidence secondaire. C’est d’autant plus choquant que selon la Cour des comptes, ces personnes consomment trois fois plus d’électricité que la moyenne.

Vous nous proposez maintenant de demander aux consommateurs de payer plus cher leur électricité, pour que le régime des industries électriques et gazières continue à permettre à ses agents de partir à la retraite plus tôt et de cotiser moins ! Ne comptez pas sur nous pour soutenir cette flagrante injustice !

M. Michel Issindou. La CTA a une histoire. Elle découle de la réforme des retraites de 2003, dite réforme Fillon, qui a rapproché les régimes spéciaux du régime des fonctionnaires. En contrepartie, le gouvernement de l’époque avait accepté de créer cette contribution. Ne venez donc pas nous reprocher de chercher à préserver un dispositif que vous avez vous-mêmes instauré et que vous aviez tout le temps de supprimer…

M. Denis Jacquat. C’est exact. Je tiens cependant à rappeler qu’il s’agit de financer un régime « surcomplémentaire ». Nous n’avons peut-être pas fait au mieux en 2004, mais nous vous offrons ce soir l’occasion de réparer cette erreur en votant notre amendement…

M. Dominique Tian. Le tarif préférentiel de l’électricité et du gaz accordé par EDF et GDF à leurs agents induit un manque à gagner de 2,5 milliards d’euros. Ce n’est pas rien ! Nous avions en son temps proposé que ces agents s’acquittent de 50 % du montant de leurs factures. Tout en restant un avantage considérable par rapport au citoyen ordinaire qui doit bien, lui, les payer en totalité, c’eût été mieux que 5 % seulement ! Au surplus, il a déjà fallu voler au secours du régime spécial de retraite de ces salariés et le renflouer à hauteur de 8 milliards d’euros. Ce scandale devra bien cesser un jour.

La Commission rejette l’amendement AS 38.

Puis elle examine l’amendement AS 66 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. La hausse prévue concernera-t-elle également les agents statutaires d’EDF et de GDF, en activité ou non ? Ce serait la moindre des choses.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oui, ils supporteront eux aussi cette augmentation. Votre amendement est donc satisfait.

S’agissant des modalités de prise en charge de leurs factures d’énergie par leurs employeurs, elles ne peuvent être modifiées que par accord professionnel. Cela n’est pas de la compétence du Parlement.

La Commission rejette l’amendement AS 66.

Puis elle adopte l’article 19 sans modification.

Après l’article 19

La Commission est saisie de l’amendement AS 67 de M. Dominique Tian portant article additionnel après l’article 19.

M. Dominique Tian. Je ne m’étends pas davantage ici sur le problème de la fourniture d’électricité et de gaz par EDF et GDF, à tarif très préférentiel, à leurs salariés et retraités. Nous y reviendrons en séance publique.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 67.

Article 20 : Régime social de l’indemnité spécifique versée à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 39 de Mme Bérengère Poletti, AS 68 de M. Dominique Tian et AS 109 de M. Arnaud Richard, tendant à supprimer l’article.

Mme Véronique Louwagie. Nous proposons de supprimer l’article 20 qui assujettit à un forfait social de 20 % l’indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail.

Alors qu’il n’existait auparavant que deux façons de mettre fin à un contrat de travail – le licenciement, à l’initiative de l’employeur, ou la démission, à l’initiative du salarié, – le dispositif de rupture conventionnelle permet aujourd’hui à un salarié et à son employeur de convenir d’une rupture d’un commun accord. C’est d’ailleurs souvent à la demande du salarié que l’employeur propose une rupture conventionnelle. En même temps qu’elle ouvre des droits au salarié, elle limite le risque pour l’employeur d’une procédure devant le conseil des prud’hommes, voire ensuite en appel. Le dispositif connaît un grand succès puisque quelque 300 000 ruptures de ce type ont d’ores et déjà eu lieu. Cela a désengorgé la justice prud’homale et les cours d’appel.

Taxer davantage l’indemnité de rupture conventionnelle dissuadera les employeurs de recourir à un mécanisme qui fonctionne à la satisfaction des deux parties. Vous allez tuer ce dispositif !

M. Dominique Tian. Dispositif dont on perçoit tout l’intérêt quand on sait qu’à Marseille par exemple, il faut en moyenne attendre trois ans avant qu’une affaire ne soit jugée aux prud’hommes ! Taxer davantage ce dispositif souple, plébiscité par les salariés comme par les employeurs, n’aboutira qu’à encombrer un peu plus la justice prud’homale. Vous prenez là une très mauvaise mesure.

M. Francis Vercamer. Le dispositif de la rupture conventionnelle, issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, a fait ses preuves : il évite les conflits, toujours dommageables aux entreprises, entre employeur et salariés. Il mérite d’être maintenu tel quel. Notre amendement vise donc à supprimer l’article qui inévitablement le rendrait moins attractif.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce dispositif marche bien, en effet. En attestent les quelque 300 000 conventions qui devraient être homologuées en 2012 – à rapprocher de 305 000 licenciements et 30 500 mises à la retraite.

Vous vantez les mérites d’une rupture qui se ferait toujours à l’amiable, dites-vous. Les syndicats ne voient pas les choses du même œil : la CGT dit qu’une seule rupture conventionnelle sur dix intervient à la demande du salarié ; la CFDT pense qu’il y en a tout au plus trois sur dix. Même avec accord entre les parties, il n’en reste pas moins que c’est souvent une manière d’alléger les effectifs de l’entreprise.

D’autre part, cette indemnité de rupture n’est pas une véritable indemnité, dans la mesure où, un accord étant intervenu, il n’y a pas préjudice. Elle s’apparente davantage à une rémunération. Il est donc logique qu’elle soit en partie assujettie au forfait social, au taux de 20 % tel que fixé par la loi de finances rectificative d’août dernier.

M. Michel Issindou. Notre philosophie est simple : tous les revenus, quelle qu’en soit l’origine, doivent contribuer d’égale façon à la solidarité nationale et au rétablissement des comptes sociaux.

Chers collègues de l’opposition, vous refusez toutes les recettes que nous proposons. Faudrait-il donc, selon vous, continuer à laisser filer les déficits ? Si vous pensez que non, proposez au moins d’autres recettes pour renflouer la sécurité sociale.

Mme Isabelle Le Callennec. À vous entendre, chers collègues de la majorité, vous n’avez rien contre les auto-entrepreneurs, non plus que contre l’intéressement, les particuliers employeurs et la rupture conventionnelle du contrat de travail. Seulement, par toutes vos mesures, vous cassez la dynamique de ces dispositifs souples qui favorisent l’emploi et améliorent le dialogue entre employeur et salarié. Où seront désormais les incitations ?

M. Denys Robiliard. Le dispositif de la rupture conventionnelle demeure très incitatif. Selon le Centre d’études pour l’emploi, c’est l’employeur qui, dans 61 % des cas, prend l’initiative d’y recourir. Et, même avec des indemnités assujetties au forfait social, il y aura toujours intérêt car le coût est moindre – si, comme dans 88 % des cas, la convention de rupture est homologuée, il n’a à payer que l’équivalent de l’indemnité de licenciement – et le risque judiciaire en est considérablement amoindri, même si un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation a annulé une rupture conventionnelle consécutive à un conflit. N’ayez donc crainte : le dispositif continuera d’être très largement utilisé par les entreprises. Au premier semestre de 2012, le nombre de ces ruptures a augmenté de 22 % par rapport au premier semestre de 2011.

Il n’est du rôle ni de l’État ni du législateur d’inciter de quelque façon que ce soit à la rupture du contrat de travail. La situation est bien sûr tout autre une fois que les partenaires sociaux se sont accordés sur un mode de rupture déterminé : il nous appartient alors de leur donner la possibilité légale d’agir en conséquence.

M. Arnaud Robinet. Taxer à 20 % les indemnités de rupture conventionnelle – qui ne sont pas un revenu ! –, voilà un nouvel exemple de votre folie taxatrice ! Vous n’avez en tête que de taxer et taxer encore et toujours, bref de chercher de l’argent partout où vous pouvez en trouver, fût-ce au prix de la destruction de dispositifs qui fonctionnent. Mais au moins ne biaisez pas, soyez francs vis-à-vis de nos concitoyens.

Mme Jacqueline Fraysse. Les ruptures conventionnelles interviennent surtout à l’initiative des employeurs et à leur bénéfice. Il est normal de taxer à 20 % les indemnités : cela procurera des ressources supplémentaires et cela dissuadera peut-être les employeurs d’y recourir autant qu’ils le font aujourd’hui.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Un million de ruptures conventionnelles, intervenues donc « de gré à gré » : cela laisse dubitatif quand on sait la difficulté pour les salariés de retrouver un travail aujourd’hui en pleine crise économique. C’est à se demander si le dispositif n’a pas été détourné.

M. Gérard Sebaoun. D’autant que, comme l’indique l’étude d’impact, 40 % des ruptures conventionnelles concernent des salariés âgés de 55 à 60 ans…

M. Arnaud Richard. Ce dispositif séduit et les employeurs et les salariés. Voulez-vous dire, madame la présidente, que les employeurs exercent des pressions sur les salariés ? Je ne nie pas que cela puisse arriver, mais cette rupture intervient bien de gré à gré car personne n’est obligé de signer quoi que ce soit ! Du point de vue fiscal, les indemnités sont considérées comme des revenus exceptionnels. Je ne comprends pas votre frénésie à taxer toujours davantage ni votre défiance quasi psychotique vis-à-vis de tout assouplissement de la relation employeur-salarié.

Mme la présidente Catherine Lemorton. À chacun sa psychose !

Mme Véronique Louwagie. La rupture conventionnelle, qui se substitue à une démission ou à un licenciement – et ne vient pas en sus –, satisfait les deux parties.

La Commission rejette les amendements identiques AS 39, AS 68 et AS 109.

Puis elle examine l’amendement AS 69 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Vous voudriez qu’il en aille de la rupture entre employeur et salarié comme il en allait par le passé du divorce qui, ne pouvant être prononcé que pour faute, exigeait de chacun des époux qu’il invente des griefs contre l’autre et donnait lieu à d’homériques batailles d’avocats, Je ne comprends pas qu’enfermés dans votre tour d’ivoire, aveugles aux évolutions, vous vous défiiez ainsi de la nouveauté, refusiez la souplesse et cherchiez toujours à entraver ce qui marche – et qui, en l’espèce, est accepté par les syndicats. Vous oubliez en effet que le dispositif de la rupture conventionnelle a été institué en accord avec les syndicats patronaux et ouvriers. Continuez à servir le lobby des avocats, dont le poids me surprendra toujours. Pendant ce temps, des ouvriers attendront plusieurs années une décision des prud’hommes !

Mme la présidente Catherine Lemorton. On recourt aussi à des avocats dans beaucoup de ruptures conventionnelles.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 69.

Puis elle adopte l’article 20 sans modification.

Article 21 : Réforme des modalités de remboursement de la couverture maladie universelle complémentaire aux organismes gestionnaires

La Commission adopte l’article 21 sans modification.

Article additionnel après l’article 21 : Exonération de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance des contrats couvrant les étudiants

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS 131 de M. Jean-Louis Roumegas et AS 180 de M. Jean-Marc Germain, et l’amendement AS 108 de M. Francis Vercamer.

Mme Véronique Massonneau. Aujourd’hui, 19 % des étudiants n’ont pas de complémentaire santé. Par manque de moyens, beaucoup d’entre eux se soignent par eux-mêmes. Pour leur faciliter l’accès aux soins, nous proposons d’exonérer de taxe spéciale sur les contrats d’assurance (TSCA) les contrats d’assurance complémentaire qui les couvrent.

Le coût de la mesure s’élève à 8 millions d’euros. Pour compenser cette perte de recettes, nous suggérons d’augmenter la contribution des entreprises de l’industrie pharmaceutique. Pour nous, cette mesure serait temporaire et n’exclut bien sûr pas d’ouvrir un chantier plus vaste sur l’accès aux soins des étudiants, et de la jeunesse en général.

Divers rapports ont souligné les difficultés de gestion que rencontrent les mutuelles étudiantes. Cela milite en faveur d’une grande réforme. En attendant, il est urgent de prendre pour notre jeunesse une première mesure du type de celle que nous préconisons.

M. Arnaud Robinet. L’idée est généreuse mais la solution proposée n’est pas acceptable. Vous ne pouvez pas une nouvelle fois faire payer l’industrie pharmaceutique. Elle connaît des difficultés aujourd’hui dans notre pays, comme en atteste la diminution de 1,5 % ou de 2 %, si ce n’est de 5 %, de son chiffre d’affaires. Acteur majeur de la politique de santé et de sécurité du médicament, elle ne saurait être une vache à lait – non plus qu’un bouc émissaire. Sans compter qu’il en va aussi d’emplois, et de recherche et d’innovation sur le territoire national : quand on la met ainsi à mal, il ne faut pas s’étonner que certaines firmes, notamment étrangères, commencent à fermer des centres de recherche en France, comme on le voit à Dijon et à Reims, et dégraissent leurs effectifs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous vous éloignez du sujet de cet amendement, la santé des étudiants.

M. Jean-Marc Germain. La situation sanitaire des jeunes est inquiétante, de même d’ailleurs que leur situation générale. Notre jeunesse en effet se paupérise. Alors qu’il y a trente ans, les pauvres dans notre pays étaient les personnes âgées, ce sont aujourd’hui les jeunes. Face au doublement du nombre d’étudiants dépourvus de couverture complémentaire, nous proposons, sans remettre en question le principe de la TSCA, de faire un geste en leur faveur en venant en aide à ces mutuelles. Le coût de la mesure, 8 millions d’euros, serait supporté par l’industrie pharmaceutique que cela ne mettra pas en difficulté. C’est peu d’ailleurs par rapport à l’effort qui lui sera demandé au travers de la baisse des prix des médicaments par exemple.

M. Arnaud Richard. Considérant, pour notre part, que tout n’a pas à être gratuit, nous ne pensons pas de bonne méthode d’exonérer totalement de TSCA les contrats d’assurance santé complémentaire des étudiants. Nous proposons simplement d’en ramener le taux de 7 % à 3,5 %. Tel est l’objet de l’amendement AS 108.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Chers collègues de l’opposition, du moins les plus anciens d’entre vous, vous vous souvenez certainement que notre commission avait déjà évoqué le sujet sous la présidence de notre ancien collègue Jean-Michel Dubernard. Celui-ci avait déjà alerté à l’époque sur la situation sanitaire des étudiants, laquelle ne s’est pas améliorée depuis lors, bien au contraire comme l’ont établi plusieurs rapports. La situation sanitaire de notre jeunesse en général n’est plus acceptable.

M. Christian Paul. Nous soutenons l’amendement de notre collègue Jean-Marc Germain. Le diagnostic est posé : les étudiants ont des difficultés à accéder aux soins et la prévention sanitaire est insuffisante dans cette catégorie de la population. Nous faisons le choix politique de remédier à cette situation. Un autre constat s’impose : vous avez laissé les mutuelles étudiantes dans une situation très difficile. Celles-ci ont connu de graves difficultés de trésorerie à cause, d’une part, de relations compliquées avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et, d’autre part, d’insuffisantes remises de gestion pour le traitement des dossiers de leurs adhérents. Une bouffée d’oxygène leur est donc aujourd’hui indispensable.

Cela ne nous dispense pas de les inviter à améliorer leur mode de gestion, leurs délais de traitement et leurs politiques de prévention. Tout en faisant ce geste, nous devons par conséquent l’assortir de préconisations en ce sens.

Par cet amendement, nous revenons sur l’ensemble de la taxe que vous aviez, chers collègues de l’opposition, votée en deux fois : en l’instaurant à un taux de 3,5 % puis en portant celui-ci à 7 %. Peut-être conviendra-t-il également, dans les mois qui viennent, de revenir au moins en partie sur la taxation des mutuelles, s’agissant de certains publics confrontés à des difficultés sociales ou en situation de précarité. Les étudiants ne sont pas les premiers à bénéficier d’une exonération de la TSCA : c’est déjà le cas des adhérents de la Mutualité sociale agricole (MSA) et d’autres catégories sociales ou professionnelles. La taxation généralisée des mutuelles n’était pas une bonne mesure. Une approche sélective semble nécessaire. C’est un chantier que nous ouvrons.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS 108 vise, comme l’a dit Arnaud Richard, à revenir au taux antérieur de 3,5 %. Le groupe UDI a déjà défendu une mesure analogue l’année dernière lors de l’examen du projet de loi de financement pour 2012. Les étudiants doivent pouvoir s’offrir une mutuelle à moindre coût. Or les tarifs de ces complémentaires explosent de sorte que 19 % d’entre eux n’y ont toujours pas accès, cette proportion ayant d’ailleurs tendance à augmenter.

Il ne nous paraît toutefois pas pédagogique d’exonérer entièrement les mutuelles étudiantes. Chacun doit participer à l’effort national, le groupe SRC le rappelle à l’envi. Il convient donc de maintenir une cotisation réduite.

M. Dominique Tian. Le problème de la médecine scolaire en France n’est jamais évoqué alors qu’elle est l’une des plus mauvaises en Europe, voire au monde. Pourquoi manque-t-on de médecins et d’infirmières scolaires ? Pourquoi la prévention fait-elle défaut ? L’état de délabrement physique, voire psychologique, dans lequel les étudiants arrivent à l’université devrait nous interpeller.

Pour complaire aux syndicats, vous avez préféré conserver cette compétence à l’État plutôt que de la confier aux régions. Or la médecine scolaire, en l’état, ne rend pas les services qu’on est en droit d’attendre d’elle.

Nous sommes tous d’accord pour améliorer le régime des mutuelles étudiantes. En revanche, il est malvenu de le faire en créant des taxes supplémentaires sur l’industrie pharmaceutique qui connaît une situation difficile, comme en atteste le plan social chez Sanofi. Nous devrions plutôt débattre des économies à réaliser. Vous vous êtes prononcés contre le jour de carence pour les fonctionnaires qui permet pourtant d’économiser plus de 200 millions d’euros. Mais d’autres pistes existent : la lecture attentive des rapports de la Cour des comptes révèle que 10 milliards d’euros d’actes inutiles sont pratiqués chaque année dans notre pays.

M. Arnaud Richard. Nous sommes tous très attachés à la santé des étudiants. Pour autant, nous n’avons pas de raison de nous féliciter de la situation de leurs mutuelles. L’UFC-Que Choisir, dont le sérieux est reconnu, a publié une étude critique à leur égard. Elles gèrent un service public obligatoire de la sécurité sociale, distinct du régime général. Leurs coûts de gestion sont cependant largement supérieurs à ceux de l’assurance maladie et leurs délais de traitement peu satisfaisants. La publication prochaine du rapport du Sénat sur la protection sociale des étudiants nous amènera à examiner leur situation de plus près, le cas échéant en séance.

M. Jean-Pierre Door. Les amendements de Jean-Marc Germain et Jean-Louis Roumegas constituent un mauvais signal : outre qu’ils suppriment complètement la TSCA pour les mutuelles étudiantes, ils instaurent une taxe sur l’industrie pharmaceutique, ce qui est révélateur du manque d’intérêt de certains pour ce secteur.

L’amendement de Francis Vercamer paraît, lui, tout à fait satisfaisant : il se contente de réduire la taxation de 7 % à 3,5 %, la perte de recettes étant compensée de façon classique par la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs.

Je rappelle aussi qu’il existe une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui a été réévaluée et peut aller jusqu’à 500 euros.

Je soutiendrai donc l’amendement de Francis Vercamer.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est question, dans l’exposé sommaire de l’amendement de Jean-Marc Germain, d’assurer la pérennité du régime étudiant de sécurité sociale. La taxation de l’industrie pharmaceutique semble être la solution de court terme. D’autres pistes sont évoquées : la baisse du prix des complémentaires santé, des efforts de gestion pour améliorer la qualité de service et, à moyen terme, l’engagement de discussions avec l’ensemble des acteurs.

Avez-vous, monsieur le rapporteur, obtenu des assurances de la part du Gouvernement sur l’ouverture de telles discussions ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La ministre des affaires sociales et de la santé a évoqué, notamment lorsqu’elle a présenté le présent projet de loi devant notre Commission, le problème d’accès aux soins auxquels sont confrontés de trop nombreux étudiants. Elle a précisé que son ministère réfléchissait à des mesures allant au-delà de l’exonération de la TSCA pour les mutuelles étudiantes, qui ne suffira évidemment pas à le régler. La discussion en séance avec Mme la ministre pourra porter sur ces points.

J’émets un avis favorable aux amendements identiques de Jean-Marc Germain et Jean-Louis Roumegas.

Je suis sensible à l’acte de contrition de Jean-Pierre Door, qui accepte aujourd’hui ce qu’il avait refusé l’an dernier à Francis Vercamer.

Je suis également sensible au souci manifesté par Arnaud Robinet pour la santé de l’industrie pharmaceutique. Il semble en cela regretter ses précédents votes : les prélèvements sur le chiffre d’affaires des industries pharmaceutiques ont atteint des sommets en 2010 et 2011.

La Commission adopte les amendements identiques AS 131 et AS 180.

En conséquence, l’amendement AS 108 devient sans objet.

Article 22 : Mesures relatives à la fiscalité des tabacs

La Commission examine l’amendement AS 137 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à corriger une injustice : pourquoi les cigares et cigarillos seraient-ils moins taxés que d’autres formes de tabac ? Ils sont tout aussi meurtriers.

Néanmoins, la lutte contre les deux grands fléaux que sont le tabac et l’alcool ne peut pas passer uniquement par une augmentation indéfinie des taxes qui s’y appliquent. Si elles présentent un intérêt, ces taxes ont aussi leurs limites : au-delà d’un certain niveau, elles peuvent avoir des effets pervers et ne répondent plus à l’objectif fixé.

Puisque la droite ne l’a pas fait, il convient de s’attaquer à la question de fond : celle des moyens consacrés à la prévention sanitaire. Nous manquons cruellement, dans notre pays, d’actions de prévention et de moyens pour les financer. Dominique Tian se plaint de la situation de la médecine scolaire, mais ses amis politiques n’ont rien fait pour y remédier lorsqu’ils étaient au pouvoir.

La situation sanitaire préoccupante des étudiants a été évoquée, je n’y insiste pas. Une étude a révélé que nous consacrions à peine 1 euro par an et par étudiant aux actions de prévention qui leur sont destinées. Il est nécessaire d’aller au-delà de l’augmentation des taxes sur les tabacs et les alcools, et de revoir notre politique de prévention.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’article 22 concerne également les cigares : le taux normal du droit de consommation qui leur est applicable passe de 27,57 à 28 %, alors que celui qui est applicable aux cigarettes demeure inchangé, à 64,25 %.

Le Gouvernement propose une réforme structurelle de la fiscalité sur les tabacs. Il augmente tout d’abord les droits de consommation sur l’ensemble des produits à base de tabac, augmentation qui s’appliquera indépendamment du prix de vente afin que la hausse des taxes ne se traduise plus par une augmentation du chiffre d’affaires des fabricants de cigarettes. D’autre part, il procède aussi à un rattrapage pour certains de ces produits – le tabac à mâcher ou à priser – qui bénéficiaient d’un avantage de prix. Il convient en effet d’éviter que les jeunes ne se tournent vers ces formes de tabac moins chères.

Enfin, cette réforme va s’insérer dans un nouveau plan de lutte contre le tabagisme annoncé par Mme la ministre.

Votre amendement, madame Fraysse, aurait pour effet de doubler le prix des cigares. Avis défavorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Dans les commentaires sur l’article 22, il est expliqué que cette mesure profite « quasi intégralement » à la sécurité sociale. À quel autre dispositif bénéficie-t-elle ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Une petite part revient au fonds de solidarité ainsi qu’au Fonds national d’aide au logement (FNAL).

La Commission rejette l’amendement AS 137.

Puis elle adopte l’article 22 sans modification.

La séance est levée à minuit.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 16 octobre 2012 à 21 heures

Présents. – M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, Mme Gisèle Biémouret, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Marc Germain, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, Mme Véronique Massonneau, Mme Ségolène Neuville, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer

Excusés. – M. Guy Delcourt, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu