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Commission des affaires sociales

Mardi 19 mars 2013

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 44

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, des organisations patronales signataires de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (CGPME, MEDEF, UPA) sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 774)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 19 mars 2013

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend les représentants des organisations patronales signataires de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME en charge des affaires sociales, accompagnée de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, M. Patrick Bernasconi, membre du bureau exécutif du MEDEF, et M. Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA et président de la Confédération générale de l'alimentation en détail et de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie) sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 774).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous poursuivons nos auditions des partenaires sociaux à propos du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.

Après les ministres, les trois organisations syndicales signataires de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier et la CGT, qui ne l'a pas signé, nous recevons aujourd'hui les représentants des trois organisations d'employeurs signataires de l'accord. Je rappelle que nous terminerons ce cycle d'auditions avec celle de FO jeudi matin à 9h30.

Nous recevons donc aujourd'hui M. Patrick Bernasconi, membre du bureau exécutif du MEDEF, Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME en charge des affaires sociales, accompagnée de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, et M. Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA depuis le 24 janvier dernier, et président de la Confédération générale de l'alimentation en détail et de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie, qui pourra à ce titre évoquer l'expérience de cette branche professionnelle en matière de complémentaire santé.

Vous nous direz, madame, messieurs, quelle est votre vision globale de l'accord national interprofessionnel que vous avez négocié et signé. Vous nous direz quelles sont vos principales satisfactions s'agissant du contenu de cet accord et, le cas échéant, vos éventuels regrets.

Enfin, vous nous direz si vous êtes satisfaits de la manière dont le projet de loi retranscrit l'accord. Jugez-vous cette retranscription fidèle ? Quelle appréciation portez-vous sur les choix faits par le Gouvernement sur les points sur lesquels l'accord était ambigu, imprécis ou incomplet, voire comportait des contradictions ?

M. Patrick Bernasconi, membre du bureau exécutif du MEDEF. Je vous remercie de nous recevoir pour évoquer cet accord qualifié d’historique par de nombreux observateurs. Le caractère potentiellement historique de l’accord national interprofessionnel ne pourra néanmoins être apprécié qu’une fois qu’il aura été appliqué, à l’aune de ses effets sur les entreprises et sur l’emploi. En outre, il ne faut pas se tromper sur la nature de l’accord : il concerne, non pas la compétitivité-coût – objet du crédit d’impôt compétitivité emploi –, mais la compétitivité hors coût dont les effets ne se font sentir qu’à long terme.

Si le caractère historique du contenu de l’accord se révèlera à l’usage, ce qualificatif peut néanmoins s’appliquer au champ d’application de l’accord et au contexte dans lequel il s’inscrit. Il faut, en effet, remonter très loin dans le temps pour trouver un accord couvrant un aussi grand nombre de sujets. En outre, cet accord a suscité des attentes multiples non seulement en France, de la part des organisations syndicales comme des entreprises, mais aussi à l’étranger. De nombreux pays européens se sont en effet intéressés au contenu de l’accord. Au plan international, le FMI, l’OCDE ou encore les agences de notation l’ont aussi examiné avec une grande attention.

Pour le MEDEF, un véritable équilibre a été trouvé dans cet accord. Il n’y a pas de victoire des organisations patronales sur les organisations syndicales ou l’inverse. L’objectif était de parvenir à un accord, non pas donnant-donnant, mais gagnant-gagnant. Pour construire cet accord, chacun a fait son travail en s’inscrivant dans une logique qui tendait à renforcer le dialogue social dans l’entreprise. Nous y avons veillé chaque fois que cela était possible, comme de nombreuses dispositions de l’accord en témoignent.

Cela passe aussi par une meilleure information des institutions représentatives du personnel sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Nous savons en effet qu’une information anticipée permettant un meilleur partage de ces orientations facilite la prise de décisions importantes et leur acceptation au sein de l’entreprise.

Pour nous, cet accord devait également définir un modèle de flexi-sécurité à la française. Nous souhaitions que, dans un contexte économique difficile, l’accord apporte aux entreprises des outils pour rebondir rapidement en cas de retour de la croissance.

L’accord comporte donc des éléments de flexibilité. Ils portent, en premier lieu, sur la vie courante de l’entreprise. Afin de permettre une adaptation de cette dernière au fil de l’eau, de nouveaux outils sont mis à disposition en matière de mobilité interne ou de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Les mesures concernant les délais préfix permettent d’accélérer la prise de décisions et de sécuriser celles-ci. Ils constituent un gain de temps et une simplification bienvenus pour favoriser la croissance de nos entreprises.

Les éléments de flexibilité introduits par l’accord permettent aussi de faire face aux difficultés conjoncturelles : l’accès au chômage partiel est ainsi rendu plus facile et plus rapide – chômage partiel et activité partielle relèvent désormais d’un seul et même dispositif ; les accords de maintien dans l’emploi qui prennent la suite des accords compétitivité emploi, discutés avant l’élection du Président de la République, sont un outil supplémentaire.

L’accord permet enfin de résoudre les difficultés structurelles des entreprises en améliorant la gestion des plans de sauvegarde de l’emploi.

L’accord cherche donc à apporter des réponses point par point aux difficultés rencontrées par les entreprises, qu’elles soient structurelles ou conjoncturelles. Sur ces questions comme en matière de ressources humaines, il propose des solutions par le biais de dispositifs adaptés.

Par ailleurs, la lutte contre la précarité, dont la taxation des contrats courts est devenue la mesure symbolique, a fait l’objet d’un débat qui a suscité beaucoup d’incompréhension. La volonté de limiter l’utilisation excessive des contrats à durée déterminée a pour corollaire la demande d’un recours accru aux contrats à durée indéterminée. Afin de renforcer ces derniers, nous avons préconisé l’adoption de mesures permettant de vaincre la peur de l’embauche chez les entrepreneurs. Les chefs d’entreprise doivent être incités à recruter en contrat à durée indéterminée plutôt que déterminée. Les dispositifs de déjudiciarisation répondent à cet objectif. La conciliation prud’homale, la réforme des délais de prescription ou la prévalence du fond sur la forme sont autant de dispositions destinées à vaincre cette peur de l’embauche.

En contrepartie de cette flexibilité nouvelle, synonyme de mise en danger pour le salarié, les organisations syndicales ont revendiqué la sécurisation des parcours professionnels. Il était important de répondre à cette demande afin de faciliter l’acceptation de la flexibilité. Des droits nouveaux portables sont ainsi créés par l’accord : le compte personnel de formation – il s’agit d’un nouvel outil à disposition du salarié dès le début de sa carrière et à tout moment de sa vie professionnelle pour améliorer sa formation – et la couverture complémentaire santé qui garantit la portabilité de la prévoyance et de la santé.

Une meilleure information des salariés ainsi que des droits nouveaux portables qui améliorent leur employabilité et sécurisent leur parcours professionnel en cas de difficultés, compensent donc une plus grande flexibilité.

Nous sommes parvenus à un équilibre qui fut difficile à trouver – vous devez en avoir conscience. Il a été construit pas à pas, après de multiples réunions. Il vous appartient aujourd’hui de retranscrire dans la loi cet équilibre global. Si l’on souhaite que la méthode perdure, que le dialogue social engagé se poursuive demain avec la signature de nouveaux accords, il est important de respecter le travail des partenaires sociaux. Sachez que, sur le terrain, la première, et souvent la seule, question qui préoccupe les chefs d’entreprises, de PME comme de grandes entreprises, est de savoir si l’accord négocié sera transposé dans la loi. Leur vraie demande porte sur ce sujet. Voilà le message que je souhaitais vous faire passer.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME en charge des affaires sociales. La CGPME est attachée à la politique conventionnelle qui est un des éléments du pacte social de notre pays. Nous avons donc pris une part active à la négociation. Nous avons été le porte-voix des entreprises et des territoires.

L’accord national interprofessionnel nous paraît équilibré. S’il ne créera pas la croissance et l’emploi, il devrait, au moment de la reprise, rendre les chefs d’entreprise moins effrayés – le mot est peut-être un peu fort – à l’idée d’embaucher. Les chefs d’entreprise sont prêts à recruter si les carnets de commande se remplissent mais veulent savoir comment ajuster leur masse salariale à une baisse d’activité.

L’objectif pour nous était donc de repérer les freins à l’embauche. Ainsi, en matière de licenciements, la procédure prud’homale est compliquée à appréhender pour les chefs de petites et moyennes entreprises en raison, notamment, du manque de lisibilité sur les risques encourus. Pour les plus grandes entreprises, le plan de sauvegarde de l’emploi est une autre source de difficulté car il est porteur d’une insécurité juridique trop importante là où les chefs d’entreprise ont précisément besoin de sécurité. Nous avons par conséquent beaucoup travaillé sur la question des licenciements et des plans de sauvegarde de l’emploi.

Concernant la mobilité interne, nous regrettons que la rédaction du projet de loi diffère de celle de l’accord. Le refus du salarié, qui était dans l’accord un motif de licenciement personnel, a ainsi été transformé en motif de licenciement économique dans le texte.

Sur ce point comme sur les autres, et sans vouloir nous substituer à vous, il nous semble que le législateur doit rester au plus près de l’accord car l’équilibre a été très difficile à trouver. L’échec a été évité mais ce fut très compliqué. Je ne viens pas chercher devant vous ce que je n’ai pas obtenu dans la négociation : je vous demande de reprendre l’accord, rien que l’accord, et de respecter son équilibre.

En matière de prescription, nous regrettons que le délai de transition ne corresponde pas à celui prévu par l’accord.

Nous sommes aussi très attachés au délai d’un an octroyé aux entreprises qui franchissent les seuils pour se conformer aux obligations de consultation du comité d’entreprise.

Quant au contrat de travail intermittent, il était jusqu’à présent prévu par le code du travail, qui soumettait son utilisation à la signature d’un accord de branche. Nous avons demandé l’expérimentation d’un recours direct à ce type de contrat dans certaines branches. Il s’agit de déterminer si l’entreprise est capable d’accepter d’embaucher un salarié en contrat à durée indéterminé alternant des périodes de totale inactivité et des périodes d’activité, avec une rémunération lissée sur l’année.

La CGPME est réservée sur l’application de la majoration prévue pour les contrats courts mais elle en a accepté le principe. Elle sera intégrée dans la convention Unédic que nous signerons. Je rappelle que les contrats à durée déterminée sont déjà très encadrés et que les abus sont sanctionnés. Ils donnent également lieu au versement d’une prime de 10 % qui est une forme de compensation de la précarité. Nous craignons donc que cette majoration ne soit contre-productive car ces contrats répondent au besoin de souplesse des entreprises en raison de la fluctuation de l’activité. Nous l’avons néanmoins acceptée afin de dissuader certaines entreprises qui en font un usage excessif. Le projet de loi, qui prévoit un décret, est conforme à l’accord sur cette question.

La complémentaire santé est un sujet important pour la CGPME dont la devise est : « notre valeur ajoutée, c’est l’homme. » Sa généralisation a certes un coût mais elle représente aussi un investissement, à nos yeux. Nous n’avons pas milité en faveur d’une clause de désignation. L’accord, qui prévoit la possibilité d’une clause de recommandation, nous paraît équilibré. Je souhaite donc que vous repreniez le texte de l’accord puisqu’il offre le choix aux entreprises tout en permettant aux branches d’émettre une recommandation. Cette solution répond aux objectifs de la CGPME.

L’information consultation sur l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui est prévue par le projet de loi mais ne figure pas dans l’accord, nous semble particulièrement contre-productive. Si vous voulez que les chefs d’entreprise s’emparent de ce dispositif, il faut les laisser libres de décider de son utilisation car ils sont les mieux à même, en ces temps difficiles, d’apprécier la nécessité de privilégier l’investissement, l’innovation ou les rémunérations. Nous souhaitons que toute ambiguïté soit levée et que les entreprises de moins de cinquante salariés soient exonérées de cette obligation.

Cet accord est très riche. J’aurais encore beaucoup à dire sur le temps partiel mais j’y reviendrai sans doute dans mes réponses à vos questions.

M. Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA. L’UPA a signé cet accord car elle est une organisation responsable bien que mal connue. Elle représente pourtant, au travers d’entreprises de moindre importance que pour les intervenants précédents, quelque quatre millions de personnes.

Je ne reviens pas sur les responsabilités de chacun et les objectifs poursuivis dans cette négociation, je m’en tiendrai aux points de l’accord auxquels l’UPA est très attaché.

Le premier concerne la complémentaire santé, parce que les entreprises de petite taille que nous représentons ne sont pas capables de négocier individuellement. Il est donc souhaitable de confier aux branches le soin de choisir l’organisme compétent comme le prévoit l’accord. Nous nous inscrivons dans une démarche, non pas de consommation, mais de prévoyance à l’instar de ce qui existe pour les retraites complémentaires.

Nous avons déjà une expérience en la matière avec l’accord intervenu pour le secteur de la boulangerie en 2007, que je connais très bien pour en avoir été à l’origine. Nous avons le recul suffisant pour évaluer l’utilité pour les salariés de cette couverture, qui n’a pas entraîné d’augmentation des cotisations, et prévoit une prévention annuelle pour les risques spécifiques de ces métiers. La recherche de l’efficacité économique et l’intérêt pour les salariés justifient donc l’attachement de l’UPA au dispositif de complémentaire santé.

Les entreprises représentées par l’UPA ne sont pas des utilisatrices abusives du temps partiel. Il faut néanmoins tenir compte des spécificités de certaines d’entre elles dans les secteurs de l’alimentation et des services qui les conduisent à recourir au temps partiel d’une durée de moins de vingt-quatre heures – limite fixée par l’accord en deçà de laquelle des dérogations doivent être négociées par accord de branche. Il serait dommageable de ne pas satisfaire les besoins de main-d’œuvre à temps partiel de ces entreprises liés à une suractivité en fin de semaine. Il est donc important de laisser aux branches professionnelles le soin de gérer les possibilités de dérogations au temps partiel dans les secteurs de l’alimentation et des services.

Sur la taxation des contrats courts, il faut laisser la discussion de la convention avec l’Unédic suivre son cours. Nous serons particulièrement attentifs au maintien de l’exonération pendant les premiers mois de cotisation employeur pour l’embauche en contrat à durée indéterminée d’un jeune de moins de 26 ans.

La réduction des délais de prescription est une avancée très importante. Pour la transmission et la reprise des entreprises, le précédent délai de cinq ans pesait trop lourd dans la garantie du passif qui est inscrite pour couvrir un litige prud’homal. Nous aurions souhaité, à l’instar de ce qui a cours dans d’autres pays européens, que le délai de prescription soit abaissé en deçà des deux ans prévu par l’accord.

En matière de franchissement des seuils, il nous semble raisonnable de laisser un délai d’un an aux petites et moyennes entreprises pour mettre en place les institutions représentatives du personnel.

Enfin, nous ne pouvons qu’approuver l’expérimentation du recours direct au contrat de travail intermittent dans le secteur de la chocolaterie que nous représentons.

En conclusion, nos mandants souhaitent la stricte retranscription de l’accord par la loi, sans modification puisqu’il est le fruit d’un échange entre les partenaires sociaux. Il faut que chacun assume ses responsabilités. Nous essayons d’assumer les nôtres dans la négociation avec les partenaires sociaux mais nous ne sommes pas responsables des décisions prises ensuite.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je veux remercier les intervenants pour leur présence qui témoigne de l’importance de la négociation sociale. Vous avez tous évoqué le rôle du Parlement. Vous nous avez d’ailleurs fait part de la préoccupation des chefs d’entreprise que vous rencontrez quant à la transcription intégrale de l’accord. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes car ceux que je rencontre s’inquiètent plutôt de leur carnet de commandes et de la compétition internationale.

L’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale indique que la négociation précède et inspire la loi. Cela correspond selon moi à la bonne méthode. Je ne crois pas que le Parlement ait la science infuse et soit capable de faire des lois sociales meilleures que les partenaires sociaux. Je crois en revanche que les parlementaires sont porteurs d’une certaine légitimité qui les autorise à améliorer un texte s’il le mérite.

L’équilibre du texte est une question difficile. Vous avez souligné le caractère équilibré de l’ensemble des dispositions de l’accord. La plupart des parties à la négociation me semblent d’ailleurs défendre les avancées contenues dans l’accord. Nous n’avons pas eu le sentiment de divergences d’appréciation entre salariés et employeurs ou d’un affrontement entre patronat et syndicats. En période de crise, les intérêts patronaux et salariaux peuvent diverger mais ils peuvent aussi se rencontrer plus que d’habitude : il s’agit non pas de partager les richesses mais de sauver les entreprises et de les rendre plus performantes.

Je souhaite vous poser plusieurs questions. D’abord, on a cru comprendre que le MEDEF cherchait dans cette négociation à écarter le juge judiciaire au profit du juge administratif, ou à tout le moins de lui donner moins de poids dans les relations sociales. Je m’interroge sur cette substitution : d’une part, les deux juridictions ne sont pas selon moi de nature très différente ; d’autre part, cette volonté me semble contradictoire avec l’objectif affiché d’une plus grande sécurité juridique puisque la nouvelle jurisprudence administrative en matière de plans sociaux ne sera pas établie avant plusieurs années.

Concernant les délais de prescription, cette dernière a longtemps été trentenaire en matière de contrat de travail car elle était initialement justifiée par le déséquilibre entre le salarié et l’employeur. Le délai a été ramené par harmonisation avec le code civil à cinq ans. Dans cette négociation, vous avez fortement insisté pour qu’il soit réduit à deux ans. En matière de baux commerciaux, le délai de prescription est pourtant de cinq ans alors que l’argument évoqué par M. Crouzet – le poids de la garantie du passif en cas de litige – me semble aussi valable pour les conflits commerciaux. La prescription pour le contrat de travail devient ainsi plus courte que pour les baux commerciaux. Cela me paraît paradoxal. Je souhaite donc connaître les raisons profondes qui ont inspiré ce choix.

Par ailleurs, je considère que l’accord est timide sur deux questions : la formation qualifiante et la présence des salariés au conseil d’administration des grandes entreprises.

Chacun reconnaît que le droit individuel à la formation est un progrès. Mais le verrou que constitue le plafond de 120 heures pour la durée des formations, demeure un obstacle à l’objectif que poursuivent de manière conjointe les entreprises, les salariés et le pays, d’une augmentation de la qualification des salariés. On peut donc être surpris que l’accord n’ait pas été l’occasion de lever cet obstacle et de financer ainsi des formations véritablement qualifiantes.

Sur le second sujet, nous avons entendu des grands patrons souhaiter précisément une forte présence de salariés au conseil d’administration. M. Louis Gallois préconise ainsi la présence d’un tiers d’administrateurs issus des salariés. Il fait d’ailleurs de cette mesure un élément important de compétitivité. M. Jean-Louis Beffa partage le même avis, estimant que, dans la mondialisation, les salariés et les dirigeants doivent travailler ensemble, y compris dans un lieu stratégique comme le conseil d’administration, pour défendre la vocation industrielle de la France. L’accord entrouvre seulement la porte en permettant la présence d’un ou deux administrateurs. Pourquoi l’occasion d’aller plus loin n’a-t-elle pas été saisie ? Quels sont les obstacles à une participation accrue ? M. Louis Gallois propose même pour les grandes entreprises, à l’instar de la pratique en Allemagne, qu’un représentant des salariés soit désigné par chaque branche.

En matière de santé, on a cru percevoir des tensions au sein de la délégation patronale dans la dernière ligne droite sur la question de la clause de désignation. M. Crouzet, pour l’UPA, a fait valoir que la branche professionnelle était la mieux placée pour favoriser la mutualisation et développer des actions de prévention. On ne sait pas quelle est la position de la CGPME. Elle réclame le respect de l’accord alors que celui-ci comporte trois phrases peu claires sur le sujet. Existe-t-il une position patronale sur les clauses de désignation ? Que contient véritablement l’accord ? Interdit-il les clauses de désignation ?

Ce n’est en tout cas pas la solution retenue dans le projet de loi selon lequel l’accord laisse toutes les options ouvertes : désignation, recommandation et liberté de choix totale. Pouvez-vous me dire si cette interprétation est correcte ? Ce n’est pas pour le moment ce que j’ai compris de vos propos liminaires.

Enfin, l’instauration de droits rechargeables a été saluée comme un progrès pour l’indemnisation des salariés aux parcours précaires. Comment vont-ils cependant être mis en œuvre dans le cadre de la négociation de la convention de l’Unédic ? Cela ne se fera-t-il pas au détriment des autres salariés puisque le MEDEF s’est prononcé contre une hausse des cotisations ? Il ne faudrait pas déshabiller Paul pour habiller Pierre.

M. Michel Issindou. La démocratie sociale que nous souhaitons développer a plutôt bien fonctionné dans le cadre de cet accord national, et c’est pour nous une source de satisfaction. Même si deux organisations syndicales ne l’ont pas signé, elles sont toutefois restées à la table des négociations. Nous préférons ce dialogue à la culture du conflit permanent.

Cet accord contient des avancées significatives : la taxation des contrats à durée déterminée (CDD), les droits rechargeables, la généralisation de la complémentaire santé au bénéfice de 4 millions de salariés, la substitution du compte personnel de formation au droit individuel à la formation, l’instauration d’une durée minimale de travail de vingt-quatre heures hebdomadaires, la participation des salariés au conseil d’administration avec voix délibérative. La loi devra préciser les dispositions de cet accord en vue de concrétiser les avancées qu’il contient.

Toutefois, cet accord donne lieu à des lectures diamétralement opposées. Certains syndicats de salariés et vous-mêmes en faites une lecture positive alors que d’autres en font une lecture très négative. Un tel écart, qui est rare, ne peut que troubler les législateurs que nous sommes.

À mes yeux, l’enjeu majeur demeure la préservation de l’emploi : il faut éviter les licenciements, qui donnent lieu à des conflits sociaux très durs liés, notamment, à la difficulté de retrouver un emploi. Conserver dans l’entreprise durant une période difficile le maximum de salariés est une bonne idée, même si ces salariés sont légitimement inquiets des sacrifices considérables qu’ils devront consentir en termes d’augmentation du temps de travail et de diminution des salaires, contre la garantie de l’emploi.

Il est encore trop tôt pour savoir si l’accord national du 11 janvier 2013 est historique. Il ne le deviendra que si les partenaires sociaux réussissent à faire en sorte que les salariés, le moment venu, partagent les fruits de la sortie de crise.

Quels sont les points de l’accord qui ont suscité votre enthousiasme ?

M. Gérard Cherpion. Le projet de loi pose certaines difficultés, notamment la clause de désignation à l’article 1er ou, à l’article 16, le recours au principe, en cas de litige, du versement au salarié d’une indemnité forfaitaire déterminé sur le fondement d’un barème fixé par décret. Ce barème sera-t-il indicatif ou prescriptif ? Cet article de la loi s’imposera-t-il aux parties ?

L’article 6, quant à lui, traite des droits rechargeables dont les parties signataires de l’accord du 11 janvier sont convenues de la mise en place dans le cadre du régime d’assurance chômage : ils entrent donc dans le cadre de la prochaine négociation entre les partenaires sociaux sur l’Unédic. Je souhaiterais toutefois d’ores et déjà savoir si vous êtes favorables, pour les financer, à l’instauration d’une cotisation supplémentaire. L’Unédic connaît aujourd'hui un déficit structurel important : pourra-t-elle supporter une charge supplémentaire ?

S’agissant de l’article 2, qui crée le compte personnel de formation, la discussion, hier, au sein du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), n’a pas abouti à un consensus sur les modalités d’application, très complexes, de cette disposition. Comment envisagez-vous son abondement et son utilisation ?

S’agissant du temps partiel, la durée minimale de vingt-quatre heures de travail hebdomadaires, transcrite à l’article 8 du projet de loi, n’est pas non plus sans poser de problèmes, notamment aux particuliers employeurs, aux mandataires comme aux prestataires, ou au secteur du portage de la presse, dont les horaires sont très limités dans la semaine. Ce secteur emploie non seulement des étudiants mais aussi des adultes, voire des jeunes retraités, pour lesquels le portage représente un complément de salaire ou de pension indispensable.

S’agissant de la création d’un droit à une période de mobilité volontaire sécurisée, prévue à l’article 3 du projet de loi – déclinant l’article 7 de l’accord –, dans quelles conditions précises, notamment de temps, le salarié aura-t-il la possibilité d’opter pour le retour dans son entreprise d’origine ?

Enfin, alors que le ministre du travail, monsieur Sapin, s’est engagé, au cours de son audition, à ce que le projet de loi respecte l’accord signé le 11 janvier, Mme Parisot a fait paraître mardi 19 mars un communiqué demandant au Gouvernement de modifier le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, jugeant que certaines de ses dispositions n’étaient « pas conformes à l’esprit de l’accord » entériné par les partenaires sociaux le 11 janvier. Son communiqué vise notamment les modalités de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, les ambiguïtés sur les délais préfix qui encadrent les procédures judiciaires et « les dispositifs liés à la mobilité interne ou aux accords de maintien dans l'emploi », qui ne lui « paraissent pas sécurisés juridiquement ». Mme Parisot ajoute : « Cela est susceptible de nous faire regarder l'accord d'une autre façon. […] Tout n'est pas perdu. […] J'espère que tout le monde comprendra qu'il en va de l'esprit du dialogue social et du paritarisme ».

M. Christophe Cavard. Les écologistes se félicitent, eux aussi, de la méthode qui a présidé à la signature de cet accord national : personne ici ne souhaite remettre en cause le dialogue social. L’objectif commun est d’aider l’emploi dans le cadre de l’entreprise privée – je tiens à le réaffirmer.

Toutefois, dans le rapport entre démocratie sociale et démocratie politique, il ne peut être question pour des parlementaires, qui ont des conceptions politiques et sociales différentes, de se contenter de réaliser un copier-coller. Il vous appartient à votre tour de reconnaître la légitimité du temps des parlementaires, dont le rôle est d’apporter des réponses non seulement juridiques mais aussi politiques.

Comment seront financés les droits rechargeables, qui représentent assurément une avancée ? Nous aimerions connaître votre avis sur la question, même si elle relève de la future négociation entre les partenaires sociaux sur l’Unédic.

Pouvez-vous également nous préciser pourquoi les contrats très courts sont surutilisés à l’heure actuelle ? Comment pensez-vous stabiliser leur progression et permettre à des salariés de s’inscrire dans des durées de contrats plus longues ? La surcotisation des CDD très courts ne concernant pas l’intérim, qui fait actuellement l’objet de négociations, les entreprises ne risquent-elles pas de recourir davantage à celui-ci ? Je rappelle que l’article 7 du projet de loi permet aux conventions collectives d’assurance chômage de prévoir des majorations et des minorations de cotisations différenciées en fonction de la nature du contrat de travail, de sa durée, du motif du recours, de l’âge du salarié ou de la taille de l’entreprise.

Le projet de loi prévoit également, aux articles 10 et 12, que le licenciement d’un salarié pour refus d’un accord de baisse de salaire ou de temps de travail, dans le cadre du maintien dans l’emploi, ou pour refus de mobilité interne, « repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d’accompagnement que doit prévoir l’accord ». Cela entraîne ni plus ni moins la disparition du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), puisque le refus de cinquante salariés provoquera cinquante licenciements économiques individuels. Quelles seront les conséquences de l’abandon pur et simple des plans de sauvegarde de l’emploi ?

Par ailleurs, les chefs d’entreprises eux-mêmes ont des conceptions différentes de l’accord en raison, notamment, de la taille de leurs entreprises. Il faut poser la question de la diversité des efforts que les salariés doivent consentir selon qu’ils travaillent dans une grande entreprise ou une PME et que, par exemple, ils bénéficient ou pas de l’actionnariat salarié.

S’agissant enfin de la complémentaire santé, comment faire pour que le choix d’un organisme privé d’assurance ne soit pas dicté par le seul critère du mieux-disant financier ?

M. le président de l'UPA. Je tiens tout d’abord à rappeler que les artisans cotiseront à hauteur de 1,1 milliard d’euros supplémentaires dans le cadre du régime social des indépendants (RSI) : leur contribution à l’effort général sera donc importante.

S’agissant de la formation, les artisans sont à la recherche de compétences : il n’est donc pas question pour eux de pénaliser le caractère transférable du droit à la formation, dont il faudra discuter.

La durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires devra faire l’objet de dérogations en raison de l’activité des entreprises. Il est important, en particulier, de maintenir l’emploi des jeunes qui, souvent, travaillent moins de vingt-quatre heures par semaine.

Si le délai de prescription, en cas de litiges concernant les baux commerciaux, est bien de cinq ans, l’UPA n’est pas hostile à une réduction générale des délais de prescription. Une entreprise ne doit pas subir trop longtemps un passif éventuel qui ne peut que pénaliser son développement.

Longtemps, la juridiction prud’homale a semblé ne favoriser qu’une des deux parties : or la réduction du délai de prescription concernera autant les litiges soulevés par les chefs d’entreprises que les litiges soulevés par les salariés, même s’il est vrai que ces derniers sont les plus nombreux. Des délais trop longs pénalisant les deux parties, il faut avoir pour objectif de développer la conciliation. Le développement du dialogue social devrait permettre d’y parvenir.

S’agissant de la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé, qui fait beaucoup de bruit et qui est traitée aux articles 1er de l’accord et du projet de loi, l’UPA a tenu, à travers le mot « notamment », à donner aux branches professionnelles la possibilité de gérer au mieux le dispositif pour les entreprises qu’elles regroupent. Il faut rappeler que des accords de branches ont déjà permis, depuis plusieurs années, de supprimer le délai de carence ou d’assurer la portabilité des droits dans le cadre de la solidarité. Ces accords, à la suite de nombreux recours, ont donné lieu à de nombreux arrêts de cours d’appels – une trentaine –, du Conseil d’État et de la Cour de justice de l’Union européenne. Nous nous inscrivons dans la philosophie de la solidarité, dans l’intérêt de nos entreprises comme de nos salariés.

Le coût de cette politique de solidarité, incontestable pour les entreprises, a été compensé par une amélioration de la sécurité de nos salariés dans leur emploi. S’agissant de la complémentaire santé, vous n’ignorez pas que les entreprises artisanales sont incapables de négocier avec les assureurs. Il ne saurait être question pour nous de favoriser un opérateur par rapport à un autre – institutions de prévoyance, mutuelles ou assureurs privés. Je le répète, nous souhaitons favoriser le mieux-disant dans un esprit de solidarité.

Je prendrai l’exemple de la boulangerie : l’accord de branche est entré en application le 1er janvier 2007. Or, depuis cette date, les cotisations n’ont pas augmenté et les prestations servies vont bien au-delà du plancher prévu par l’accord du 11 janvier, avec notamment des mesures de prévention annuelles spécifiques et gratuites pour tous les salariés, en particulier en matière de carie dentaire ou d’asthme du boulanger. Ce résultat n’aurait pas pu être atteint si nous n’avions pas eu affaire à un seul opérateur, qu’il revient aux partenaires sociaux de choisir.

Les chefs d’entreprises que sont les artisans ont vocation à réaliser des dépenses non pas exagérées mais appropriées aux intérêts des salariés et de leurs employeurs.

M. Jean-Pierre Door. Je ne suis pas d’accord avec M. Crouzet sur la clause de désignation, laquelle, du reste, ne se trouve pas dans l’accord national. Cette clause aura des effets dévastateurs sur le marché des organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) – assureurs privés, institutions de prévoyance et mutuelles –, sur lequel je me suis penché au sein de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), il y a quelques années.

En effet, en créant un monopole d’opérateurs, cette clause entraînera, à son tour, la disparition de 25 000 à 30 000 emplois dans les toutes prochaines années via la disparition des acteurs de santé de proximité, qui sont le plus souvent des assureurs tournés vers les PME.

La clause de désignation est contraire à la transparence et à la liberté de choix des entreprises.

M. Denys Robiliard. Monsieur Crouzet, on ne saurait attendre des parlementaires, qui ne sont pas des notaires, qu’ils entérinent un texte rédigé par les partenaires sociaux, « sans amendements ni modifications » pour reprendre vos termes. Du reste, le projet de loi lui-même contient des différences significatives avec l’accord.

Vous paraît-il conforme à l’accord qu’un salarié, qui bénéficie d’une mobilité volontaire sécurisée mais voit son contrat dans l’entreprise d’accueil rompu, puisse rentrer dans l’entreprise d’origine dans un délai qu’il restera à déterminer ?

S’agissant du refus par un salarié de la mobilité interne dans le cadre des accords de maintien dans l’emploi, on est passé, à la demande du Conseil d’État, du licenciement pour motif personnel, prévu dans l’accord, au licenciement pour motif économique dans le projet de loi, afin de respecter la convention 158 de l’Organisation internationale du travail. Le licenciement économique individuel – y compris lorsqu’il concerne plusieurs salariés – inscrit dans le projet de loi, est-il compatible avec la directive européenne 98/59/CE ? Le Parlement se doit d’adopter des textes conformes aux engagements juridiques internationaux de la France.

Le projet de loi propose par ailleurs de reverser dans l’ordre administratif une partie du contentieux jusque-là traité par l’ordre judiciaire : le Conseil d’État ne risque-t-il pas de développer une nouvelle jurisprudence, ce qui serait une source d’instabilité et de risque juridiques majeurs ?

M. Dominique Dord. Cette discussion ne laisse pas de m’inquiéter car la commission des affaires sociales n’a toujours pas tranché la question fondamentale du respect de la rédaction de l’accord initial – M. Denys Robiliard vient ainsi de préciser que les parlementaires ne sont pas des notaires. Or céder à la tentation d’amender le texte de l’accord risquerait d’inciter les partenaires sociaux, qui se sont engagés dans un compromis, à n’en plus signer à l’avenir.

Chacun ayant admis que cet accord est exceptionnel, notamment en raison de la méthode qui y a présidé, comment faire autrement que de le transcrire en ne l’amendant qu’à la marge pour des raisons d’ordre juridique ? Des représentants des organisations patronales commencent à se plaindre de ce que le projet de loi aurait trahi l’accord : si tel est le cas, alors c’est la porte ouverte à tous les amendements possibles et imaginables.

M. Gérard Sébaoun. S’agissant de la désignation des administrateurs représentant les salariés, le MEDEF s’était dit opposé, au cours d’une précédente audition, à l’élection ou à la désignation de représentants par un syndicat : or l’article 5 du projet de loi semble ouvrir le champ de tous les possibles. Cet article vous semble-t-il conforme à l’esprit de l’accord ?

Si l’article 10 du projet de loi, relatif à la mobilité interne, est, à mes yeux, essentiel, il me semble en revanche imprécis au regard, notamment, de la jurisprudence. L’accord national prévoit en effet, à l’article 15, que « la mobilité interne s’entend de la mise en œuvre des mesures collectives d’organisation courantes dans l’entreprise, ne comportant pas de réduction d’effectifs », alors que le projet de loi précise « sans projet de licenciement ». Convient-il à vos yeux de revenir au texte de l’accord ?

M. Bernard Perrut. La généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés a besoin d’être clarifiée – Jean-Pierre Door a raison et je ne reviendrai pas sur le sujet.

S’agissant en revanche du temps partiel, traité à l’article 8 du projet de loi, je tiens à préciser l’inquiétude, notamment, du secteur du nettoyage, qui recourt abondamment au temps partiel – il s’agit le plus souvent d’emplois de proximité –, à l’instar, du reste, des particuliers employeurs, des collectivités locales et d’un grand nombre d’autres secteurs. Il ne faudrait pas que le texte nuise à l’intérêt de ceux qui trouvent dans le temps partiel une activité indispensable à leur subsistance. Le texte doit être précisé à cette fin.

M. Jean-Patrick Gille. Si vous voulez convaincre de la portée du texte, peut-être devriez-vous faire preuve d’un plus grand enthousiasme à le défendre.

Vous avez par ailleurs peu mis en avant la question de la formation, qui fait pourtant l’objet, dans l’accord, de dispositions intéressantes dont toutes ne relèvent pas du domaine législatif.

De nouvelles négociations seront nécessaires pour mettre au point le compte personnel de formation ou les droits rechargeables à l’assurance chômage : quelle garantie avons-nous que vous respecterez, au cours de ces négociations, vos engagements, conformément à l’esprit de l’accord ?

Mme Isabelle Le Callennec. La portée de cet accord, dont vous souhaitez que le projet de loi respecte l’équilibre – il vise en effet à concilier la compétitivité économique et la sécurisation des parcours professionnels –, sera jugée à ses effets.

Quelle réponse apportez-vous à ceux qui prétendent que cet accord est mieux accepté par les grandes entreprises que par les petites ? Vous avez évoqué, madame Roy, la surcotisation des contrats courts, le coût de la généralisation de la complémentaire santé et la consultation sur le crédit d’impôt compétitivité emploi.

Ce texte est-il de nature à vaincre la peur qu’ont les chefs d’entreprises d’embaucher ? Les organisations syndicales nous ont déclaré que le CDI devait redevenir la norme et les CDD l’exception.

Par ailleurs, l’accord permettra-t-il vraiment de renforcer la formation durant l’activité partielle ? C’est un aspect très important. Sécurisera-t-il également le prêt de main-d’œuvre, qui peut être une opportunité pour les salariés, à condition toutefois qu’ils aient l’assurance de pouvoir revenir dans leur entreprise d’origine ?

Le texte semble renforcer le poids des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), notamment dans le cadre de l’homologation ou de la validation des accords d’entreprise. D’aucuns s’inquiètent de voir réapparaître les autorisations administratives de licenciement : quel est votre avis ?

Mme Véronique Louwagie. Il est vrai que la transcription de cet accord soulève de nombreuses questions chez les parlementaires, car s’ils valident la méthode qui y a présidé, tous ont envie d’y apporter des modifications, sans le dénaturer mais en traduisant la volonté commune des partenaires sociaux.

L’avancée que constitue la généralisation des complémentaires santé entraînera, il faut le savoir, une augmentation du coût du travail, laquelle pèsera sur de nombreuses entreprises : qu’en pensez-vous ?

Si, par ailleurs, l’accord a prévu, ce qui est louable, la mise en place d’un dispositif des droits rechargeables, il a également tenu à préciser que « les partenaires sociaux veilleront à ne pas aggraver ainsi le déséquilibre du régime d’assurance chômage ». Puisque vous sembler refuser une éventuelle augmentation des taux de cotisations, quelles sont les autres pistes de réflexion ?

L’article 13 du projet de loi, qui vise à renforcer l’encadrement des licenciements collectifs, ne risque-t-il pas d’entraîner le retour de l’administration dans le processus de décision puisqu’elle devra donner son avis sur les accords négociés – elle disposera de huit jours pour ce faire – ? L’inquiétude est la même dans le cadre du document unilatéral, en cas d’absence ou d’échec des négociations. Certains perçoivent dans ce document unilatéral un retour en force de l’entreprise quand d’autres y voient celui de l’administration, en raison notamment du poids des DIRECCTE. Qu’est-ce qui a dicté le choix des parties signataires en la matière ?

Au cours des négociations, la question du verrou des 35 heures a-t-elle été évoquée ? A-t-on envisagé à un moment ou un autre de le faire sauter ?

M. Arnaud Robinet. Le chef de l’État et M. Michel Sapin, le ministre du travail, ont affirmé que cet accord est historique. Il représente plus simplement, à nos yeux, une avancée du dialogue social, que le groupe auquel j’appartiens salue comme telle. Cet accord permettra de résoudre certains des problèmes de compétitivité que connaissent les entreprises françaises.

Une ratification pure et simple aurait été souhaitable : moins les politiques s’immiscent dans la vie de l’entreprise, mieux c’est, d’autant qu’ils ont, depuis plusieurs années, durci le code du travail, ce qui a freiné l’embauche. La méthode suivie ayant été saluée par le chef de l’État et l’ensemble du Gouvernement, nous devons respecter l’accord signé le 11 janvier entre les partenaires sociaux

Le texte de l’article 4 du projet de loi, qui porte sur l’amélioration de l’information et des procédures de consultation des institutions représentatives du personnel semble modifier, tout en le transcrivant, l’article 12 de l’accord national. Il prévoit notamment que le juge des référés pourra prolonger le délai préfixé si les informations nécessaires au comité d’entreprise pour motiver son avis ne sont pas fournies par l’employeur. Qu’en pensez-vous ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Notre travail de parlementaires consiste à regarder le projet de loi article par article, non seulement pour en souligner les éléments positifs mais également pour en relever les mesures qui nous paraissent inquiétantes pour les salariés – je pense notamment à l’absence de toute mesure d’encadrement géographique de la mobilité interne.

Si nous sommes favorables à la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé, nous veillerons à ce que celle-ci concerne aussi les non-salariés qui ne sont pas aujourd'hui couverts – ce qui soulève la question des marges de manœuvre financières dont nous disposerons.

La durée maximale de la portabilité de la couverture des frais de santé et de prévoyance est portée de neuf à douze mois. La mutualisation pourrait se faire par branche ou par entreprise : dans ce dernier cas, que se passera-t-il si l’entreprise est en liquidation et disparaît ? Une mutualisation interbranches a-t-elle été envisagée ?

M. le président de l'UPA. Vous comprendrez aisément qu’il est impossible à une entreprise de 10 salariés d’assurer la portabilité. Or les entreprises artisanales ne comptent en moyenne que 5 salariés. Il faut se garder de comparer la situation spécifique de ces 1,2 million d’entreprises et celle des grands groupes. Dans l’intérêt des entreprises comme des salariés, nous sommes donc très attachés à la clause de désignation. L’entreprise demeure en effet une structure qui peut disparaître demain. Qu’adviendrait-il dans ce cas de la portabilité pour ses salariés ?

M. le membre du bureau exécutif du MEDEF. Vous nous interrogez sur la démocratie sociale et la démocratie politique. Si nous voulons encourager la démocratie sociale dans notre pays, il faut renforcer le dialogue social, afin d’aller vers un dialogue social à l’allemande. Mais pour aller vers ce dialogue social plus mature, encore faut-il que vous compreniez dans quelle logique nous avons essayé de travailler.

Nous sommes partis du principe que la meilleure façon de régler les problèmes était de le faire au niveau de l’entreprise, donc de laisser aux partenaires sociaux le maximum de latitudes pour trouver les bonnes solutions pour l’entreprise, donc pour l’emploi. Telle est l’ambition qui nous a animés. Ne pas le comprendre serait faire fausse route et compromettre les chances d’autres accords constructifs, qui pourraient demain aller plus loin. Je suis le premier à reconnaître que nous ne sommes pas allés assez loin dans de nombreux domaines, mais les évolutions ne peuvent être négociées que pas à pas.

Nous sommes parvenus à un accord intéressant pour les entreprises et pour les salariés. Si nous ne savons pas en tirer les bénéfices, nous ne pourrons pas en négocier d’autres demain. Il est donc important que la représentation nationale reste proche du texte de l’accord et respecte le travail de ceux qui ont accepté de s’engager dans l’aventure – car c’en est une que d’essayer d’expliquer les enjeux de l’accord sur le terrain. Sa transposition et les suites à y donner – selon la même méthode, c’est-à-dire par des accords laissant le plus de champ possible à la négociation au sein de l’entreprise – sont donc de vraies questions.

Le pouvoir judiciaire est aujourd’hui trop loin des réalités de l’entreprise : bien souvent, les réponses apportées ne sont pas assez favorables à l’entreprise et à l’emploi. À notre sens, mieux vaut renforcer le dialogue social et rechercher des solutions propres aux entreprises qu’aller vers une judiciarisation excessive de notre société. Là se trouve d’ailleurs l’explication des différences de posture observées entre les organisations syndicales qui font le choix du dialogue social et se sont pleinement investies dans la négociation de l’accord, faisant ainsi le jeu des accords de demain, et celles qui privilégient la judiciarisation pour, somme toute, exploiter leur fonds de commerce et recruter de nouveaux adhérents. J’ai pour ma part fait le pari qu’à terme, la première posture deviendrait la règle.

La règle qui a permis d’obtenir cet accord est celle d’avant la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale. Il y a eu débat sur le point de savoir si cet accord était majoritaire ou non. Selon les règles actuelles, il l’est incontestablement – et les partenaires sociaux qui se sont engagés l’ont fait en pleine connaissance de cause. Demain, lorsque d’autres règles seront en vigueur, la posture des uns et des autres changera sans doute. Certaines organisations syndicales en auraient peut-être adopté une autre si les règles de validité des accords et de représentativité des syndicats avaient été différentes. Mais nous avons appliqué les règles actuelles, et il faut les accepter : cet accord est majoritaire. Faisons donc confiance à ceux qui se sont engagés. Si les organisations patronales ou syndicales s’estiment trahies par le texte de loi, n’espérez plus les réunir autour d’une table avant longtemps ! Nous avons pris nos responsabilités, en travaillant sans relâche pour aboutir à cet équilibre ; j’en appelle aujourd’hui à la vôtre.

Quelques points nous préoccupent bien sûr encore. J’espère que nous pourrons ensemble trouver des solutions. Mais la première question à vous poser lorsque vous déposerez des amendements au projet de loi devra être de savoir s’ils sont acceptables pour l’ensemble des parties signataires. Si elles vous disent que votre proposition ne correspond pas à l’esprit dans lequel elles ont bâti l’accord, il vous faudra l’entendre. Certes, celui-ci mérite sans doute des précisions sur certains points, mais c’est animés de ce souci que vous devrez amender le texte. Si vous sortez de la logique de l’accord pour renforcer le pouvoir du juge ou sécuriser un dispositif au détriment de tel ou tel, si les choses ne s’écrivent que dans un sens, bref si nous ne retrouvons pas l’esprit dans lequel nous avons travaillé, soyez sûrs que nous prendrons nos responsabilités. Nous n’en sommes cependant pas là : il nous reste de nombreuses semaines pour trouver ensemble le bon texte et répondre aux interrogations que vous avez soulevées.

S’agissant du contentieux, nous avons fait un choix clair. Nous sommes revenus au tribunal administratif, car nous avons estimé que le système fonctionnait mieux auparavant. Mais il ne s’agit pas d’une autorisation : il doit être clair qu’à aucun moment le tribunal administratif n’a à se prononcer sur le motif – c’est le rôle du pouvoir judiciaire. Le tribunal administratif a vocation à examiner si les mesures d’accompagnement prévues sont les bonnes et si les formes ont été respectées.

J’en viens au délai de prescription. Deux ans vous paraissent peu, car le délai était auparavant de cinq ans. Mais sachez qu’en Allemagne, il est de trois semaines. Ce qu’a dit Jean-Pierre Crouzet est très vrai : dans la vente d’une affaire ou sa transmission aux héritiers, les garanties de passif sont toujours un élément d’insécurité important. Au-delà de cet aspect, avoir une possibilité de revenir cinq ans en arrière peut tuer une entreprise. Le cas d’Olympia en est un exemple.

Le compte personnel de formation est certes plafonné à 120 heures, mais le droit individuel à la formation (DIF), qui ne fonctionnait pas, se voit supprimé au profit d’un dispositif plus opérationnel, qui permet aux chômeurs d’avoir accès à la formation. Cette dernière n’est plus monétarisée. Le compte personnel de formation est un droit universel, portable et utilisable à tout moment du parcours professionnel. Enfin, il peut être abondé par les régions, avec lesquelles nous espérons trouver un accord, et par le Fonds de sécurisation des parcours professionnels (FSPP). Il importe d’associer celui-ci, les branches, les entreprises et les régions afin de trouver les réponses adaptées pour chaque salarié, et d’identifier précisément les besoins des filières, région par région et branche par branche. Si nous mettons en place ce compte personnel de formation suivant les principes que nous avons fixés, nous aurons à notre disposition un outil très performant.

Vous avez évoqué les représentants du personnel au conseil d’administration. L’accord a mis en place un certain nombre de « cales dans les portes » – pour prendre une expression que j’utilise souvent – en particulier en ce qui concerne le nombre de ces représentants. En revanche, il n’a pas fixé toutes les modalités de mise en œuvre de cette disposition. Je regrette notamment que celles-ci n’aient pas pris en compte les actionnaires salariés, qui auraient mérité de figurer parmi ces représentants du personnel.

Pourquoi ne sommes-nous pas allés plus loin ? Le rapport Gallois préconisait que les représentants des salariés puissent représenter jusqu’à un tiers des membres du conseil d’administration. En France, les conseils d’administration comptent en moyenne 12 membres, dont la moitié sont indépendants, c’est-à-dire extérieurs à l’entreprise – ce qu’il faut conserver si l’on veut assurer une certaine indépendance au conseil d’administration. Par ailleurs, un problème de gouvernance se posera inévitablement si celui-ci ne compte pas suffisamment d’administrateurs au fait de la situation de l’entreprise. Il ne faut donc pas aller trop loin. Nous pouvons certes passer de 12 à 24 administrateurs, mais la tendance actuelle est plutôt à la réduction du nombre de sièges dans les conseils d’administration, et on peut difficilement envisager de réduire celui des administrateurs indépendants. C’est pourquoi l’accord a limité le nombre des représentants du personnel siégeant au conseil d’administration à un pour les entreprises dont le nombre d’administrateurs est inférieur à 12 et à deux pour celles où il est supérieur à 12. Elle a en outre réservé la mise en œuvre de cette disposition aux entreprises de plus de 5 000 salariés, ce qui élimine de fait les entreprises de taille intermédiaire. Attendons que ces administrateurs aient trouvé leur place au sein des conseils d’administration des 200 grandes entreprises concernées avant d’envisager d’abaisser ce seuil. Sachons donner du temps au temps. La pédagogie des décisions que nous prenons est importante : nous devons pouvoir démontrer qu’elles portent leurs fruits avant d’envisager leur extension.

J’en viens à la clause de désignation du ou des organismes assureurs pouvant garantir la couverture complémentaire des frais de santé. L’accord me paraît clair : l’appel d’offres pour la mise en œuvre de cette couverture complémentaire santé est lancé en toute transparence par les branches. Nous avons préféré la recommandation, car nous souhaitons laisser leur libre arbitre aux entreprises. Du reste, l’organisme recommandé par une branche professionnelle est assuré de capter la clientèle de 80 % à 90 % des entreprises de cette branche. Prévoir une clause de désignation n’est donc pas nécessairement opportun. L’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) ne l’a d’ailleurs pas fait. J’ai moi-même recommandé au conseil exécutif du MEDEF de demander aux branches qui y siègent de ne pas appliquer cette clause de désignation. Je préférerais que la loi aille dans le même sens.

Les droits rechargeables seront mis en œuvre. Une négociation devra avoir lieu pour bâtir le futur équilibre du régime d’assurance chômage ; laissons-là se dérouler. Nous allons réunir à nouveau le groupe de travail qui avait été constitué sur le sujet pour tenter de définir les paramètres de ce dispositif, afin qu’ils puissent être abordés dans le cadre de la négociation de la future convention de l’Unédic. C’est une question de confiance entre les partenaires sociaux : si nous nous trahissons sur de tels sujets, nous ne pourrons plus négocier demain.

Vous vous demandez pourquoi l’accord est un bon texte pour certains et un mauvais pour d’autres. L’appréciation qui est portée dépend des choix qui sont faits par rapport au dialogue social. Ceux qui croient à la judiciarisation, à la revendication, au pouvoir de la rue et à la contestation seront par nature moins favorables à la voie du dialogue, certes plus difficile, car elle exige du temps, mais davantage susceptible de conduire à des changements dans notre société. Si les partenaires sociaux sont assurés que les accords qu’ils signent seront fidèlement retranscrits, cela renforcera leur volonté de continuer à négocier. Le plus mauvais service à leur rendre serait – comme on a hélas toujours fait en France – de leur laisser croire qu’il est possible de ne pas signer un accord et de recourir ensuite au lobbying auprès des élus. C’est ainsi qu’on tue le dialogue social. Ayons donc le courage de rompre avec cette habitude et de faire comprendre à ceux qui ne s’engagent pas qu’ils ne pourront plus « rentrer par la fenêtre » après la signature de l’accord : vous verrez que leur posture dans la négociation changera du tout au tout. Si vous couplez cette évolution avec la représentativité à 50 %, vous aurez les éléments fondateurs d’un autre dialogue social dans notre pays.

Je note avec amusement que l’on me reproche tantôt d’être trop enthousiaste et tantôt de ne pas l’être assez, ce qui signifierait dans un cas une victoire du MEDEF, et dans l’autre une déception – l’accord n’aurait pas les effets que j’avais escomptés. J’espère bien qu’il les aura, mais il nous faudra attendre de voir comment il est appliqué pour le savoir. Quoi qu’il en soit, ma conviction est que nous avons travaillé intelligemment.

J’en viens à l’encadrement du temps partiel, avec l’instauration d’une durée minimale hebdomadaire de 24 heures. L’article de l’accord relatif au temps partiel a été construit lors d’une négociation à part, avec les grandes entreprises de la propreté, de la distribution et du commerce – qui sont celles qui recourent le plus au temps partiel. C’est un accord équilibré : en échange de l’instauration de cette durée minimale hebdomadaire de 24 heures, la sécurisation des avenants se trouve garantie. Il est néanmoins possible de déroger à la durée minimale hebdomadaire de 24 heures par un accord de branche – existant ou à conclure – ou dans le contrat de travail du salarié, si celui-ci en est d’accord. La seule contrainte consiste à organiser son temps de travail par demi-journées ou par journées, afin qu’il puisse cumuler son emploi avec un autre. C’est une contrainte qui peut être comprise et qui répond à une attente importante des salariés.

Mme la vice-présidente de la CGPME en charge des affaires sociales. S’agissant du temps partiel, certains ont soulevé le cas des particuliers employeurs. Nous les avions exclus de l’ANI, et ils ne sont pas concernés par le projet de loi. Le plus important consistait pour nous à éviter qu’un employeur puisse imposer à son salarié à temps partiel des horaires décalés d’un jour sur l’autre, l’empêchant ainsi de trouver un autre emploi. Nous avons établi une durée minimale hebdomadaire et mis fin à ces dysfonctionnements concernant l’organisation du temps de travail. Cela répond au souci qu’ont exprimé certains d’entre vous au sujet des distributeurs de presse.

J’en viens à la barémisation. Il s’agit pour nous d’un forfait à l’instant t, au moment de la conciliation. Dans la mesure où la problématique prud’homale reste une vraie préoccupation pour les employeurs, nous avions commencé à travailler sur une barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour licenciement abusif. Cela s’est révélé complexe, notamment au regard de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et du droit européen. Nous nous sommes donc rabattus sur une barémisation au moment de la conciliation. Chacun, employeur ou salarié, pourrait en effet y trouver son compte ; en cas de refus, la procédure suivrait son cours.

Un mot sur le compte personnel de formation. Pour la CGPME, il constitue la première brique d’un édifice. Nous pourrions sans doute aller plus loin en envisageant la fusion du congé individuel de formation (CIF) et du droit individuel à la formation (DIF)
– qui ne pèseraient plus sur les entreprises. Il nous paraissait important que le salarié ait à tout moment, y compris en période de chômage, un droit de tirage sur ce compte personnel. Comme bien d’autres dispositions de l’accord, c’est un premier pas pour aller plus loin. Vous ne pouvez pas à la fois estimer qu’il n’existe pas de dialogue social dans notre pays, en invoquant systématiquement l’exemple allemand, et dire que vous auriez fait autrement lorsque les partenaires sociaux acceptent de prendre des risques, ce qui est le cas aujourd’hui – je constate par exemple que la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé est très mal accueillie sur le terrain. Sans doute auriez-vous fait autrement, mais les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités. L’accord doit donc être retranscrit au plus près de ce qu’ils ont signé.

J’en viens aux droits rechargeables. Il faut impérativement éviter d’aggraver le déficit de l’Unédic – qui s’élève déjà à 18 milliards d’euros. Certes, ce régime est extrêmement sensible à l’activité, mais il souffre tout de même d’un déficit structurel. Tous les éléments devront donc être mis sur la table. Conformément à ce que nous avons signé, les droits rechargeables figureront bien dans la nouvelle convention de l’Unédic, mais cela devra se faire à enveloppe constante. La tâche ne sera donc pas aisée.

Quant à la clause de désignation, elle a à la fois des avantages et des inconvénients. Le fait d’avoir désigné un organisme rend plus facile l’établissement d’un coût au moment de l’élaboration du cahier des charges. Cela étant, les organismes assureurs – qui ne sont pas paritaires – sont aussi capables de le faire. Cette désignation facilite également la mise en œuvre d’actions de prévention. Jean-Pierre Crouzet a évoqué le cas de la boulangerie. Je suis pour ma part chef d’entreprise dans l’hôtellerie et la restauration, secteur où des accords de santé ont été mis en place. Nous avons désigné un opérateur, et nous œuvrons à la prévention de l’alcoolisme dans la restauration et des troubles musculo-squelettiques dans l’hôtellerie.

La clause de désignation a néanmoins des inconvénients. Les institutions de prévoyance, qui sont aujourd’hui en situation dominante, seront demain en situation de monopole. Les avantages tarifaires qu’elles consentent aujourd’hui risquent donc de disparaître. Par ailleurs, la liberté de choix de l’entreprise est importante. Dès lors, la clause de recommandation nous paraissait constituer un bon compromis. Dans mon esprit, il s’agissait bien – au moment où nous avons négocié – d’interdire les clauses de désignation au profit d’une recommandation, sur la base d’un cahier des charges, afin que les entreprises aient la possibilité de choisir leur opérateur. Peut-être iront-elles vers l’opérateur recommandé, que celui-ci soit un assureur ou une institution de prévoyance, mais peut-être préféreront-elles se tourner vers leur propre assureur.

M. le membre du bureau exécutif du MEDEF. Vous nous avez également interrogés sur la norme du CDI et sur la taxation des contrats courts ; vous vous demandez notamment pourquoi celle-ci ne s’applique pas à l’intérim.

Les contrats courts peuvent être utilisés pour faire face à un surcroît d’activité, mais aussi pour assurer le remplacement d’un salarié, ou encore pour les travailleurs saisonniers. Ces deux derniers cas sont des cas particuliers qui appellent une réponse particulière. Il nous paraissait donc inopportun de taxer ce type de contrats : cela n’aboutirait qu’à renchérir le coût du travail.

Par ailleurs, la proportion des salariés en CDI est constante depuis de nombreuses années : elle s’établit à environ 85 % des salariés. J’observe que la fonction publique reste l’un des plus importants utilisateurs de contrats courts. Que l’État commence donc par balayer devant sa porte !

La dérive que vous observez dans le recours aux CDD, notamment au démarrage de la carrière, pose surtout problème aux jeunes, qui souhaitent accéder plus rapidement à un CDI. Nous avons pris une mesure qui va dans le bon sens en exonérant de cotisations d’assurance chômage toute entreprise qui embauche un jeune de moins de 26 ans en CDI. La durée de l’exonération varie selon la taille de l’entreprise : elle s’élève à trois mois pour les entreprises de 50 salariés et plus et à quatre pour les entreprises de moins de 50 salariés. Il s’agit d’un dispositif incitatif et non répressif.

Pour que le CDI devienne la norme, il faudra aller plus loin que ce qui a déjà été fait pour faire reculer la peur de l’embauche en CDI. Nous aurions pu ici nous inspirer d’un dispositif qui existe dans mon secteur, celui du bâtiment et des travaux publics (BTP). Je veux parler des contrats de chantier, qui peuvent se définir comme des CDI pour la durée d’un chantier. Par exemple, la construction de la ligne à grande vitesse (LGV) entre Tours et Bordeaux a donné lieu à de nombreux contrats de chantier de trois ou quatre ans. Ce type de contrat serait sans doute applicable à d’autres branches ou filières. Il est intéressant pour les salariés, qui peuvent se prévaloir d’un CDI à l’appui d’une demande de prêt ou d’une recherche de logement et ont l’assurance de se qualifier dans le cadre du chantier, donc d’acquérir une employabilité qui n’a rien à voir avec celle qu’ils acquerraient avec un CDD. Cela nous paraissait donc une bonne idée. Malheureusement, certains y ont vu un « détricotage » du CDI, et elle n’a pas été retenue. C’est l’un de mes regrets.

Permettez-moi enfin d’évoquer un exemple précis. Dans la seule région d’Annecy, 60 000 Français passent chaque jour la frontière pour aller travailler en Suisse. Ils ne le font certes pas pour le droit du travail suisse – on peut licencier très facilement en Suisse – mais parce qu’ils gagnent dans ce pays deux à trois fois ce qu’ils gagneraient en France. Pour l’entreprise suisse, le coût est plutôt inférieur, car le niveau des charges est moins élevé que dans notre pays. Chaque jour, 60 000 talents formés dans nos écoles vont donc travailler chez Rolex ou dans d’autres entreprises suisses. Convenez qu’il y a matière à réflexion…

Il faut alléger la pression du droit du travail, tout en sécurisant le parcours professionnel des salariés, afin qu’ils bénéficient d’une meilleure formation, retrouvent plus rapidement un emploi, et que la formation puisse être dispensée pendant les périodes de chômage ou dans le temps partiel. Ce sont de bonnes initiatives, mais il convient avant tout de desserrer les contraintes pour permettre aux entreprises de s’adapter plus rapidement. Car le temps est fondamental pour l’entreprise. Si nous privilégions une solution en interne plutôt que le recours au juge, si nous avons tant besoin de savoir combien cela coûte, c’est pour avoir une certitude sur le temps dans lequel nous engageons notre action et sur notre capacité à restaurer les performances de l’entreprise. Un chef d’entreprise qui perçoit un danger potentiel ne peut mettre trois ans à adapter son outil industriel – l’entreprise sera morte avant. Nous devons donc travailler en ce sens, et cela doit se faire par un dialogue social renforcé au sein de l’entreprise. Il vous appartient de montrer l’exemple, en respectant le travail qui a été celui des partenaires sociaux dans l’accord qui est transcrit, et en les incitant à être plus nombreux à participer aux accords de demain. Nous aurons ainsi plus d’accords, moins de sources de conflit et une paix sociale retrouvée. C’est en tout cas ce à quoi je crois et ce pour quoi je me bats tous les jours.

Chef d’entreprise d’une PME, à la tête de trois petites entités de 50 salariés, j’ai eu à restructurer une entreprise dans les années 1990. Si je ne l’avais pas fait, l’entreprise serait morte. J’ai pu m’appuyer sur le comité d’entreprise, ce qui m’a permis de prendre des mesures très dures, en montrant moi-même l’exemple. De 100 salariés, nous sommes passés à 50 ; j’ai diminué les rémunérations de mes salariés, mais je me suis aussi appliqué cette diminution de rémunération. Laissons les entreprises croire au dialogue social. C’est possible dans de nombreuses PME. Mais de grâce, aidez-nous : n’entrez pas dans des jeux politiques, et favorisez ceux qui croient au dialogue social.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons bien compris votre message : il faut respecter l’accord, rien que l’accord et tout l’accord. Permettez-moi cependant de rappeler que le Parlement n’est pas qu’une chambre d’enregistrement. Même si M. Sapin, ministre du travail et de l’emploi, est très attaché à cet accord, il y a séparation des pouvoirs. Lorsque la loi de modernisation du marché du travail a été votée, en juin 2008, nous avons été quelques parlementaires à émettre des doutes sur la rupture conventionnelle, qui paraissait une bonne chose, puisqu’elle permettait de fluidifier les relations entre patronat et salariés. Cinq ans après, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de ce dispositif au regard de l’augmentation du nombre de ruptures conventionnelles en cette période de crise économique.

Les députés sont aussi en charge des questions intéressant l’ensemble des Français. Les accords que vous signez peuvent pécher par manque d’information, la démocratie sociale dans notre pays étant une démocratie a minima. Peu de patrons adhèrent en effet à une organisation patronale.

M. le membre du bureau exécutif du MEDEF. Je ne peux vous laisser dire cela !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez fait référence à l’Allemagne, mais vous savez bien qu’il est difficile de comparer les systèmes allemand et français. De même, vous avez évoqué le sujet des transfrontaliers, qui a fait l’objet de débats lors de la préparation du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le dispositif dérogatoire que vous évoquez coûte tout de même 400 millions d’euros. Nous n’y avons finalement pas touché, puisqu’il arrivera à son terme en 2014. Vous dites qu’il y a moins de charges en Suisse et que ces salariés y sont mieux payés, mais c’est bien en France qu’ils se soignent. Cela ne pourra pas durer. C’est pourquoi notre collègue Gérard Bapt a soulevé à nouveau le problème.

Encore une fois, nous avons bien compris votre message – qui est à peu près le même que celui des trois organisations syndicales signataires de l’accord. Mais l’Assemblée nationale est indépendante. Aucun amendement n’a été déposé à ce jour. Notre rôle ne saurait cependant se borner à enregistrer l’accord. Si certains de nos collègues souhaitent amender le texte, quelques modifications pourront donc intervenir.

Je vous remercie de votre venue et des réponses que vous avez apportées à nos interrogations.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 19 mars 2013 à 16 heures 45

Présents. - M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, Mme Valérie Boyer, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Michel Issindou, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Bernard Perrut, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré

Excusés. - Mme Monique Iborra, M. Michel Liebgott, M. Jean-Louis Roumegas, M. Christophe Sirugue

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Aylagas, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau