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Commission des affaires étrangères

Mercredi 7 novembre 2012

Séance de 10 h 00

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Algérie : coopération dans le domaine de la défense (n° 73) –M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur

– Vote sur les crédits de la mission Economie (commerce extérieur) du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) – M. Jean Glavany, rapporteur pour avis

Algérie : coopération dans le domaine de la défense

La séance est ouverte à dix heures.

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Pierre Dufau, le projet de loi, autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 73).

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Le texte dont nous sommes aujourd’hui saisis a été signé il y a plus de quatre ans, le 21 juin 2008, à Alger. Il s’agit d’un accord ayant pour objet le développement de la coopération dans le domaine de la défense entre la France et l’Algérie. L’examen de ce texte est attendu à l’occasion de la visite du chef de l’Etat François Hollande en Algérie, prévue en décembre prochain.

Vous savez que pour des raisons historiques, les relations que notre pays entretient avec l’Algérie sont très denses sur les plans humain et économique, mais qu’elles sont souvent complexes et passionnelles. Chaque fois que l’on parle de ce pays, il y a un contexte qu’il faut dépasser. Rappelons qu’en 2003, Jacques Chirac avait effectué une visite d’Etat en Algérie et avait lancé avec Abdelaziz Bouteflika l’idée d’un traité d’amitié qui a été finalement écartée, par la suite, en raison principalement des conflits mémoriels. Mais en dépit des points de tensions qui existent, le développement de relations constructives et stratégiques avec l’Algérie est souhaitable car l’Algérie est un partenaire important pour la France en Afrique.

Avant d’en venir au contenu de l’accord, je vais évoquer la place de l’Algérie en matière de défense dans son environnement régional. L’Algérie est membre de l’Union africaine, du dialogue 5+5 et du dialogue méditerranéen de l’OTAN. Son armée, qui compte 400 000 hommes, est une des plus puissantes de la région. Du fait de sa situation géographique, elle a un rôle capital à jouer dans la stabilité régionale. Cela est d’autant plus vrai, vous le savez, depuis qu’Al Qaida au Maghreb Islamique et d’autres groupes terroristes sont implantés au Sahel, donc aux frontières de l’Algérie, et profitent de la faiblesse des Etats de la région pour se renforcer. La lutte contre le terrorisme islamique est une préoccupation constante de la France comme de l’Algérie, qui en ont été victimes par le passé. Dans cet environnement régional instable, la France a tout intérêt à ce que l’Algérie soit un pays stable, démocratique et prospère. Les attentats qui ont frappé notre pays en 1995, témoins d’une importation de la guerre civile algérienne, ont montré que toute déstabilisation majeure en Algérie pouvait avoir des conséquences graves sur notre territoire. La coopération entre la France et l’Algérie ne peut que contribuer à la réalisation de ces objectifs – une Algérie stable dans un environnement régional sécurisé.

Comme vous le voyez, le besoin de coopération est réel, mais le cadre juridique actuel est inadapté. En effet, les relations entre la France et l’Algérie en matière de défense sont pour l’instant encadrées par une convention de coopération militaire et technique signée le 6 décembre 1967. Ce texte prévoit que la France fournit une assistance technique militaire à l’Algérie. Mais elle ne prévoit pas d’exercices et manœuvres qui auraient lieu sur le territoire algérien ; elle n’établit pas d’instances de dialogue entre les autorités françaises et algériennes ; et surtout, elle ne couvre pas le personnel civil participant aux coopérations.

L’accord que nous examinons aujourd’hui permet de remédier à ces insuffisances. Avant tout, je tiens à attirer votre attention sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un accord de défense classique tel que nous en avons longtemps eu avec des Etats africains. Cet accord ne prévoit en aucun cas l’aide ou l’assistance militaire de la France en cas de menace ou d’agression contre l’Algérie. Il interdit d’ailleurs expressément au personnel militaire ou civil d’une des parties présent sur le territoire de l’autre partie dans le cadre d’une coopération de prendre part à des opérations de guerre, à des actions de maintien ou de rétablissement de l’ordre, de la sécurité publique ou de de la souveraineté nationale.

J’en viens maintenant au contenu de l’accord qui nous est soumis. En premier lieu, les parties conviennent de développer leur coopération dans un grand nombre de domaines. Cela inclut notamment la lutte antiterroriste, la formation du personnel, l’organisation d’exercices conjoints, l’échange de vues et de renseignements, l’acquisition de systèmes d’armes, la recherche scientifique et de technologie et la santé militaire.

Il faut savoir que la plupart de ces coopérations existent déjà depuis plusieurs années. Notre coopération en matière de défense a été suspendue dans les années 1990 à cause de la situation intérieure en Algérie, puis a retrouvé un nouveau souffle à partir de 2003. Récemment, des exercices conjoints, portant notamment sur l’action de l’Etat en mer, ainsi que des escales et des visites de bases militaires, ont été organisés de façon satisfaisante. Des militaires algériens suivent des formations ou des stages dans des établissements militaires français. Le principal intérêt de l’accord réside donc dans les structures et le cadre juridique qu’il crée pour les encadrer.

Tout d’abord, et c’est une nouveauté par rapport à la convention de 1967, l’accord qui nous est soumis institue une commission mixte franco-algérienne. Elle se réunit au moins une fois par an, alternativement en France et en Algérie, afin de planifier les coopérations, d’en assurer le suivi et d’en dresser un bilan. Elle est subdivisée en quatre sous-commissions spécialisées : la sous-commission stratégique, la sous-commission militaire, la sous-commission des armements et la sous-commission de la santé militaire. Elle est déjà mise en place depuis plusieurs années et permet une meilleure gestion de la coopération tout en constituant un cadre de dialogue et de connaissance de nos partenaires algériens.

Le deuxième apport principal du nouvel accord par rapport à la Convention signée en 1967, c’est le cadre juridique qu’il met en place pour les coopérations. Il établit en effet un cadre protecteur pour les personnels français participant aux coopérations, non seulement les militaires mais aussi les civils – ce qui le distingue de la convention de 1967 qui ne couvrait que les militaires. Il clarifie les compétences de juridiction de telle sorte que dans la pratique, il est peu probable qu’un personnel français qui commettrait une infraction au cours d’une activité de coopération en Algérie soit jugé par les tribunaux algériens. Pour plus de sûreté, la France a joint à l’accord une déclaration interprétative unilatérale qui a été acceptée par l’Algérie. Cette déclaration renforce la protection juridique de nos personnels en spécifiant que la France ne pourra pas remettre aux autorités algériennes un membre du personnel français ou algérien ayant commis une infraction si celui-ci est susceptible d’encourir la peine de mort au titre du droit algérien applicable.

Enfin, l’accord qui nous est soumis comporte d’autres dispositions relatives au soutien financier et logistique des activités organisées. Il enjoint aussi les Parties à conclure un accord régissant les échanges d’informations classifiées entre elles et fixe des règles provisoires. Vous pouvez trouver plus d’informations dans mon rapport.

Finalement, qu’est-ce que la ratification de l’accord apporterait à la France ?

Tout d’abord, cela permettra que nos coopérations soient encadrées juridiquement. Comme je l’ai souligné, nos personnels militaires et surtout civils ne bénéficient pas d’une protection suffisante, et cela peut faire obstacle à la mise en place de nouvelles coopérations dont bénéficieront la France comme l’Algérie.

En second lieu, la non-ratification par la France est régulièrement invoquée par l’Algérie pour justifier de la faiblesse de la coopération bilatérale en matière d’armements. Nous en avons vendus pour 45 millions d’euros en 2005 et pour seulement 9,4 millions d’euros en 2009. Il est en effet regrettable que nos exportations d’armements et d’équipements vers l’Algérie soient aujourd’hui limitées, alors que ce pays est un des principaux acheteurs d’armes en Afrique. Nous pouvons espérer que la ratification de l’accord créera un climat plus favorable aux échanges et ouvrira aux industriels français de la défense de meilleures perspectives d’exportations de matériels vers l’Algérie. En tout cas, cela ne pourra plus être utilisé comme prétexte.

Enfin, la ratification de l’accord aurait une signification symbolique forte et peut contribuer à ouvrir une nouvelle ère pour les relations franco-algériennes. Après Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, et Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, le chef de l’Etat François Hollande doit se rendre en Algérie début décembre. Ratifier cet accord – ce que l’Algérie a déjà fait en 2011 – montrera à nos partenaires algériens que nous avons une volonté politique forte de développer la coopération en matière de défense entre nos deux Etats. Il faut donner à cet accord toute son importance mais rien que son importance.

Bien sûr, la ratification de l’accord ne mettra pas fin comme par miracle aux désaccords qui existent entre la France et l’Algérie sur certains points. Les profits que nous pourrons en tirer dépendront de la volonté politique dont nous et nos partenaires algériens feront preuve. Cependant, pour les raisons que j’ai exposées, je suis convaincu que l’accord que nous examinons aujourd’hui peut apporter une vraie plus-value à nos relations avec l’Algérie. Il permet de franchir une étape supplémentaire et de regarder vers l’avenir. Il constitue un progrès.

C’est donc au bénéfice de ces observations que je vous recommande d’adopter le projet de loi qui nous est soumis.

M. Jean-Paul Dupré. Je remercie le rapporteur pour sa présentation détaillée. Peut-il juste préciser quelques points : que pourrait apporter la mise en œuvre de cet accord sur les dossiers du Mali et du Niger ? Cet accord pourrait-il contribuer à la construction de l’Union pour la Méditerranée (UpM) ?

M. Jacques Myard. Je me réjouis de cet accord, car il va permettre une sorte de normalisation d’une coopération qui existe déjà, et ce depuis longtemps. Je me souviens moi-même avoir participé à des négociations complexes sur la couverture aérienne de l’Algérie quand ce pays, avant de sombrer dans la guerre civile, envisageait une couverture radar intégrale.

Notre histoire avec l’Algérie est une histoire d’amour-haine. Mais, pour ce qui est des militaires des deux pays, ils s’entendent très bien. S’il existe une internationale, c’est bien celle des militaires d’active. Après cela, ces bonnes relations sont compliquées par toutes les autres difficultés de notre relation avec l’Algérie.

Enfin je regrette que l’échange de notes verbales auquel il a été procédé n’ait pas été joint au texte de l’accord.

M. Jean-Paul Bacquet. Cet accord, même s’il faut s’en réjouir, suscite des interrogations.

D’abord, il y a 400 000 militaires algériens, dont 170 000 dans l’armée de terre. Quelles sont leurs missions ?

Il y a ensuite la question des ventes d’armes. L’article 2 de l’accord mentionne la coopération pour l’acquisition d’armements. L’enjeu est considérable puisque l’Algérie réalise plus de la moitié des achats d’armements de toute l’Afrique. Pourtant la France est quasiment absente de ce marché. Bien sûr, on nous dit qu’après la ratification de l’accord il y aura des opportunités, mais il n’y a toujours pas d’engagements. L’an dernier, lorsque nous avons auditionné le ministre des affaires étrangères algérien, il n’a pas répondu aux questions précises que nous posions à cet égard.

Le projet de rapport évoque la question de la compatibilité du présent accord avec la convention de 1967. Le rapporteur peut-il préciser si l’application simultanée des deux textes est juridiquement possible ?

Enfin, l’article 9 de l’accord prévoit une clause de renonciation à mettre en cause la responsabilité de l’autre partie, sauf en cas de faute lourde. Dans le cadre des activités de coopération qui sont prévues, à quoi une telle faute pourrait-elle correspondre ?

M. Jean-Louis Christ. Je suis beaucoup plus dubitatif sur cet accord. Le peuple algérien a été durement réprimé lorsqu’il a voulu prendre sa part du Printemps arabe. Est-ce qu’avec cette coopération de défense, nous ne risquons pas de participer à la répression des jeunes Algériens ? La question mérite d’être posée.

M. le rapporteur. Je veux d’abord rassurer Jean-Louis Christ : l’accord stipule clairement que les personnels participant à la coopération ne peuvent combattre, ni se livrer à des activités de maintien de l’ordre.

À Jean-Paul Bacquet, j’indiquerai en premier lieu que la moitié des troupes algériennes sont concentrées sur la frontière marocaine et un peu plus de 10 % sur la frontière sud du pays. S’agissant des perspectives de vente d’armements, il est vrai qu’il n’y a pas de certitude. Mais, pour le moment, les Algériens tirent systématiquement argument de la non ratification de l’accord pour nous écarter. Pour ce qui est de la compatibilité entre la convention de 1967 et le présent accord, les juristes conviennent que c’est le texte le plus récent qui sera le seul valable. Pour autant, il n’y a pas d’abolition formelle de la convention de 1967 et je sais que des réflexions sont en cours sur une éventuelle dénonciation de cette convention lorsque le présent accord aura été ratifié.

Je partage l’appréciation de Jacques Myard sur le fait qu’il s’agit de normaliser une coopération existante. Quant aux notes verbales qu’il a évoquées, nous n’en disposons pas.

Jean-Paul Dupré a évoqué l’Union pour la Méditerranée. L’Algérie est favorable à son renforcement. Sur la question du Sahel, si les Algériens sont très vigilants par rapport à AQMI, ils sont cependant très réservés sur la perspective d’une intervention et ne me semblent pas avoir une grande confiance dans la CEDEAO.

M. Thierry Mariani. L’approbation de cet accord est souhaitable : il y a des enjeux communs, notamment la lutte contre le terrorisme.

J’observe cependant qu’il s’agit d’un texte a minima, dont nous sommes saisis non seulement à la veille d’une visite du Président de la République en Algérie, comme le rapporteur l’a rappelé, mais aussi quelques jours après une déclaration polémique sur laquelle je ne reviendrai pas.

Selon le rapporteur, là encore, la non-approbation du texte depuis des années expliquerait la faiblesse de notre coopération. J’espère que le contraire nous permettra d’avancer sur d’autres sujets, en particulier la dette algérienne à l’égard des organismes sociaux français.

Mme Marie-Louise Fort. Je tiens à féliciter le rapporteur pour son excellent travail.

Il est vrai que cet accord ne réglera pas tous les problèmes, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous tourner vers l’avenir avec optimisme.

L’article 2, qui est une sorte d’inventaire à la Prévert, évoque, dans son paragaphe k), « la promotion et le développement de la coopération dans le domaine de la recherche scientifique et de technologie de défense, ainsi que le partenariat en matière d’industrie de défense et de transfert de technologies ». Sur ce point, j’aimerais avoir des précisions sur la façon dont nous serons protégés au titre de la réciprocité et de la propriété intellectuelle.

M. Avi Assouly. J’avoue être un peu surpris par l’intitulé de l’accord, relatif à « la coopération dans le domaine de la défense ». Le rapporteur vient de nous expliquer qu’il n’y aurait pas de coopération sous forme d’intervention. Que faut-il donc comprendre ?

Sans être très favorable aux ventes d’armes, par principe, je rappelle que nous nous sommes fait dépasser par les Russes, les Chinois et même les Etats-Unis dans ce domaine, malgré les accords qui nous lient déjà à l’Algérie.

Enfin, quid du Maroc et de la Tunisie ? Ne les oublions pas. Nous avons des liens presque congénitaux avec les pays du Maghreb.

M. Jean-Claude Guibal. L’approbation de cet accord nous est présentée comme une sorte de pari nécessaire sur l’avenir, sans que cela doive nous empêcher d’être prudents.

J’aimerais notamment savoir si la normalisation est purement formelle ou non : existe-t-il des signes témoignant d’une volonté de coopération, de rapprochement, voire de retissage des liens ?

Par ailleurs, peut-on s’attendre à des évolutions dans le cadre du dialogue 5 +5 avec le Sud de la Méditerranée ? Ou bien allons-nous en rester à une simple relation franco-algérienne ?

M. Guy Teissier. Le rapporteur a fait une synthèse très précise de cet accord, qui ne concerne que l’Algérie et une coopération de défense a minima. Ne confondons pas tout.

Même en l’absence d’appétence particulière de l’Algérie pour la coopération, nous devons continuer à affirmer notre volonté de travailler ensemble. On ne peut pas prétendre qu’il faut se tourner vers la Méditerranée et les pays du Maghreb, qui représentent des gisements considérables, et refuser un tel accord.

S’agissant de nos relations commerciales avec l’Algérie dans le domaine de l’armement, ce n’est pas la qualité de notre matériel qui explique la situation actuelle, mais l’absence de volonté de l’autre partie.

Nous devons continuer à essayer de normaliser nos relations, même si c’est complexe. Une harmonie est possible, et même des manœuvres communes, comme le montre l’exemple du Maroc. Il faut avoir le courage de développer notre relation dans le temps. C’est pourquoi cet accord va dans le bon sens.

M. le rapporteur. Je ne vois guère ce que je pourrais ajouter à vos propos : vous avez rappelé à juste titre l’intérêt de cet accord, malgré ses limites : il pose un cadre pour développer une coopération avec l’Algérie, même s’il faudra du temps.

Je suis tenté de répondre positivement sur le dialogue 5 + 5, mais en rappelant aussi que l’on part de très loin avec l’Algérie, qui reste un Etat relativement fermé. C’est précisément pour cette raison que nous devons essayer d’entrer en contact. Sinon, il n’y a aucune chance de voir les fenêtres s’ouvrir.

S’il s’agit bien ici de coopération dans le domaine de la défense, ce texte n’est pas un « accord de défense » à proprement parler.

Les pays du Maghreb sont effectivement essentiels en raison de leur superficie, mais aussi de leur population, et l’on ne peut pas parler du Maghreb sans l’Algérie, bien sûr.

Je veux dire à Marie-Louise Fort qu’en matière d'armement plus spécifiquement, des dispositions de sécurité adaptées à chaque programme particulier peuvent être adoptées au cas par cas, via l'élaboration d'un protocole de sécurité.

Monsieur Mariani, je ne reviendrai pas sur les prises de position des uns et des autres, sauf pour rappeler que ces questions douloureuses et passionnelles ne sont pas l’objet de cet accord. Il vise à développer une approche pas à pas, en construisant des ponts. C’est ainsi que l’on peut essayer de régler les problèmes.

Mme Danielle Auroi. Je voudrais souligner qu’à la veille de la visite du Président de la République en Algérie, il faudrait que nous ayons d’autres accords de coopération avec ce pays et j’espère que nous aurons l’occasion de discuter sur d’autres sujets que la défense. Quant au Sahel, la situation y est complexe, en raison notamment de la circulation des armes dans la région, nous en avons un exemple douloureux avec la Libye. Les problèmes du Nord Mali aujourd'hui sont directement liés à cette question et cela a un impact entre autres sur la coopération mise en œuvre par les ONG sur le terrain, compte tenu de l’instabilité actuelle. L’Algérie ne se prononce pas ou peu sur ces questions. Quelles seront les conséquences de l’accord sur la stabilité ?

M. Alain Marsaud. Je ne voterai pas cet accord. Nous sommes en présence d’un régime dont l’attitude avec la France est marquée par des décennies de duplicité, et ce qui se passe au Nord Mali en est une nouvelle preuve : promesses et inaction. Il ne faut pas tomber dans les mêmes travers que nous constatons depuis toujours dans notre relation avec l’Algérie.

M. Noël Mamère. Je rejoins les propos de Danielle Auroi. Si nous avons une dette vis-à-vis de l’Algérie, c’est vis-à-vis de son peuple. Cet accord de défense contribue en fait à renforcer le pouvoir d’un régime militaire non démocratique dont on sait d’autre part le rôle qu’il doit jouer dans la région : il n’y aura pas de solution à la crise malienne sans accord avec Alger. D’autre part, nous savons aussi la richesse de l’Algérie, qui repose sur l’exploitation de ses ressources naturelles, le pétrole notamment. Nous y avons de grandes entreprises présentes, Total en premier lieu, et dans ces régions, il ne se passe rien, il n’y a pas d’incidents. Nous avons accueilli nombre de personnalités peu recommandables, qui venaient blanchir l’argent des généraux, que l’on continue de financer. Cela pour dire que c’est un travail mémoriel qu’il nous faut faire avec ce pays, au risque d’être toujours critiqués. Cet accord a minima ne vise qu’à renforcer un pouvoir non démocratique, répressif, voire terroriste. C’est le peuple algérien que nous devons aider et non le régime. Je rappelle que, sur ce territoire, vit l’une des populations les plus jeunes, qui a 23 ans de moyenne d’âge, et c’est à elle que nous devons porter assistance et non à ceux qui volent les richesses et matières premières. Il faut revenir à ce que nous nous refusons à faire : un travail mémoriel. Les conséquences en seront très importantes, sur place et jusque dans nos banlieues.

M. Michel Terrot. Je suis d’accord avec Guy Tessier. Cet accord est a minima et notre coopération militaire se réduit à peu de choses. Dans les prochaines années, l’Algérie va devoir renouveler en grande partie son parc aérien, nous ne sommes pas sur ce marché et il est difficile de commercer.

M. Pierre Lellouche. Après les propos enflammés et convergents d’Alain Marsaud et Noël Mamère, je rappelle que cet accord a été négocié par Bernard Kouchner. Je suis d’accord avec Guy Tessier : il ne faut pas donner à cet accord plus d’importance qu’il n’en a. Les relations franco-algériennes sont complexes, c’est un psychodrame permanent, dans lequel jouent aussi les questions de l’immigration. Le nucléaire algérien est chinois, la présence russe est importante et nous sommes à peu près absents sur les dossiers centraux concernant le Sahel. Il n’empêche qu’à l’Assemblée de l’OTAN, il y a des représentants algériens, ce sont des députés qui sont en même temps généraux, ils font de l’entrisme et ont des relations avec beaucoup de monde, mais peu avec nous. Tout cela ne justifie pas que l’on se déchire sur ce sujet, cet accord étant surtout une question d’affichage en ce qui nous concerne.

M. Axel Poniatowski. Cet accord est l’aboutissement de 9 ans d’échanges avec l’Algérie. Le timing est bon car la ratification interviendra juste avant la visite du Président de la République. Je rappelle aussi que c’est un accord d'Etat à Etat, comme toujours, et non la marque d’un quelconque soutien au régime. C’est un accord a minima. Je relève que l’article 2, qui porte sur la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, me semble particulièrement opportun compte tenu des problématiques sahéliennes aujourd'hui. Quant à la sous-commission prévue à l’article 4, il faudra être vigilant afin que les armes ne soient pas dirigées contre la population.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Danielle Auroi a souhaité que cet accord soit suivi d’autres, pour une coopération plus large et diversifiée, et l’on ne peut que souscrire à cet avis. Il n’est pas facile d’arriver à harmoniser les positions sur le Sahel mais il faut néanmoins essayer. Le travail des ONG sur place est important. La situation avec l’Algérie est difficile, les faits sont têtus mais les liens néanmoins réels. On a réussi à construire une histoire commune avec l’Allemagne après deux guerres mondiales et il faut voir cet accord avec l’Algérie comme un début.

Alain Marsaud a exprimé une position claire et sans appel. C’est vrai que vis-à-vis du Mali, la position algérienne est pour le moins en retrait, mais l’on sait que, d’une manière générale, l’Algérie s’implique peu hors de son territoire. Pierre Lellouche a d’ailleurs montré que, par son travail à l’OTAN, elle ne voulait pas couper les ponts ; il y a donc un espoir de voir les choses s’améliorer. Noël Mamère a rappelé quelques réalités, j’ai eu l’occasion de parler moi aussi du peuple algérien, et si le pétrole est important, il ne conditionne pas l’avenir de l’Algérie pour toujours. En ce qui concerne les marchés, nous ne sommes pas aujourd'hui parmi les principaux fournisseurs d’Alger. Néanmoins, en 2011, nous lui avons vendu 20 vedettes garde-côtes. Nous sommes surtout présents sur des niches : nous fournissons à l’Algérie des équipements optroniques de Thales et Sagem pour les avions et les chars qui sont russes. La Sagem est présente, par exemple. Nous sommes également sur le créneau de la logistique et sur le marché des hélicoptères, avec 32 Ecureuils. Il y a également de l’espoir, parce que le parc est vieillissant, en matière aéronavale. Cela étant, en 2005, nous étions à 45 millions d’euros de vente. Nous n’en sommes qu’à 9 millions d’euros aujourd'hui, les marges de progression sont donc importantes. Je suis d’accord avec Axel Poniatowski : il faut être vigilant. Pour conclure, cet accord a le mérite d’exister, il a ses limites. La sous-commission pourra être le moyen d’essayer de faire avancer les choses.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Cet accord, qui ne mérite ni excès d’honneur ni indignité, me semble en tout cas opportun avant la visite d’Etat du Président de la République qui vise à améliorer nos relations avec un pays qui nous est très proche.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 73).

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Vote sur les crédits de la mission Economie (commerce extérieur) du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235)

A la suite de l’examen en commission élargie, le 31 octobre dernier, des crédits de la mission Economie du projet de loi de finances pour 2013, avec l’avis favorable de notre rapporteur M. Jean Glavany, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du commerce extérieur pour 2013 (n° 235).

La séance est levée onze heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 7 novembre 2012 à 10 heures

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, M. Avi Assouly, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Pascale Boistard, M. Jean-Louis Christ, M. Philip Cordery, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Luc Drapeau, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Paul Giacobbi, M. Jean Glavany, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Thérèse Guilbert, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Marie Le Guen, M. Pierre Lellouche, M. Patrick Lemasle, M. Pierre Lequiller, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. André Santini, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Alain Bocquet, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philippe Cochet, M. François Fillon, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Jacques Guillet, M. Lionnel Luca, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle