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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 25 septembre 2013

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 121

Présidence de M. Gilles Carrez, Président.

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, et de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, sur le projet de loi de finances pour 2014

–  Présences en réunion 32

La Commission entend M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances, et M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, sur le projet de loi de finances pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Cette réunion est la première du marathon budgétaire qui va nous occuper jusqu’au 20 décembre au moins ; dès cet après-midi, nous entendrons d’ailleurs M. Didier Migaud : ce sera la première audition d’un président du Haut Conseil des finances publiques sur un projet de loi de finances initiale.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. Le projet de loi de finances initiale pour 2014 que nous venons vous dévoiler poursuit deux ambitions : stimuler la croissance et dynamiser l’emploi.

Je commencerai par un constat tout simple : nous ne sommes plus dans la situation où nous nous trouvions l’année dernière. La loi de finances pour 2013 était marquée par la contrainte : comme l’a dit le Premier ministre, nous devions défendre notre souveraineté dans un contexte difficile pour la zone euro tout entière, en proie à de violentes attaques spéculatives au point qu’on s’interrogeait sur son avenir, comme pour notre pays, observé de près par les marchés financiers.

Depuis un an, nous avons travaillé à desserrer l’étau et de façon méthodique engagé le redressement du pays.

Nous étions confrontés à un triple déficit : tout d’abord à un déficit structurel qui grevait nos finances publiques, entamant notre crédibilité ; nous avons immédiatement réagi en entreprenant de le réduire dans des proportions tout à fait inédites et nous avons réformé la gouvernance de nos finances en mettant en place l’autorité indépendante qu’est le Haut Conseil des finances publiques.

Nous souffrions également d’un déficit de compétitivité, auquel nous avons répondu par l’arsenal de mesures puissantes qu’est le « pacte de compétitivité », mais aussi par la réforme du marché du travail – la loi sur la sécurisation de l’emploi a recueilli un large consensus – et par la réforme en profondeur du financement de l’économie ; j’ai ainsi défendu devant vous la création de la Banque publique d’investissement et une réforme bancaire très novatrice.

Enfin, nous souffrions d’un déficit de la demande privée : le pacte de croissance européen que nous avons négocié a dynamisé l’investissement, grâce notamment aux moyens nouveaux accordés à la Banque européenne d’investissement, dont le capital a été augmenté au semestre dernier de 10 milliards d’euros. Afin de soutenir la consommation, nous avons pris des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages – coup de pouce au SMIC, revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire… Le pilotage rigoureux mais pragmatique de notre effort de redressement budgétaire a évité de déprimer à l’excès la demande privée ; nous commençons à récolter les fruits de cette politique économique, et le projet de loi de finances pour 2014 vise à amplifier ces progrès.

Aujourd’hui, nos perspectives de croissance sont conditionnées par l’évolution de la conjoncture globale. L’économie mondiale va nettement mieux que l’an dernier : au premier semestre, la croissance américaine a été forte ; grâce à la politique dite « des trois flèches », le Japon a maintenu une croissance solide ; après six semestres de contraction de l’activité, la zone euro est sortie de la récession au second semestre de 2013. Il est encore trop tôt pour savoir si cette reprise sera durable – des freins à la croissance demeurent et le mouvement de désendettement pèse encore fortement sur la demande – mais je constate aujourd’hui que les politiques européennes sont davantage tournées vers le soutien à la croissance que marquées par un attachement absolu aux cibles nominales de déficit – ce que j’appellerai le nominalisme. Nous avons la volonté de réduire les déficits, y compris les déficits nominaux, et nous le faisons à un rythme soutenu, négocié avec la Commission européenne, mais à un rythme compatible avec la croissance et surtout en insistant sur la réduction des déficits structurels.

Nous ne pouvons pas ignorer les risques qui continuent de menacer l’économie mondiale – je pense notamment à l’évolution de la situation économique des pays émergents et aux tensions géopolitiques au Proche et au Moyen-Orient. Mais cette économie est bel et bien engagée dans un mouvement de reprise, qui doit gagner en ampleur.

Quant à notre pays, il n’a pas été épargné par le ralentissement généralisé de la fin de 2012 et du début de 2013. L’embellie actuelle reste à confirmer, mais il faut déjà constater que la France a mieux résisté que ses partenaires, et que nous avons presque retrouvé notre niveau de PIB d’avant la crise. À l’hiver dernier, tous les grands pays de la zone euro ont connu une baisse prononcée de leur activité ; la France, avec – 0,2 % au quatrième trimestre de 2012 et au premier trimestre de 2013, a évité un lourd décrochage : si l’on prend en considération ces deux trimestres, nous avons même fait un peu mieux que l’Allemagne, qui a souffert, il est vrai, de circonstances climatiques exceptionnelles.

Au second semestre de 2013, la France et l’Allemagne ont joué un rôle moteur, avec une croissance respectivement de 0,5 % et 0,7 %, contre 0,3 % pour l’ensemble de la zone euro. Cette relativement bonne tenue s’explique notamment par notre choix de laisser jouer au moins en partie, dans ce contexte de forte dégradation, les stabilisateurs économiques, et, en tout cas, de ne pas raidir à l’extrême la pente du redressement budgétaire tout en tenant nos objectifs de réduction du déficit structurel. Notre pilotage fin et notre refus, malgré certaines objurgations, d’ajouter l’austérité à la stagnation, nous ont évité la récession. Le brutal tour de vis que réclamait l’opposition aurait eu l’effet inverse : nos choix étaient, j’en suis convaincu, économiquement responsables et socialement justes.

Enfin, le dialogue intense et fructueux que nous avons mené avec la Commission européenne a débouché sur un report de deux ans de l’exigence d’un déficit nominal à 3 % du PIB, ce qui a nous a permis de mener notre effort de réduction des déficits tout en soutenant la croissance. Mais ce dialogue n’a pu aboutir que parce que notre politique était par ailleurs crédible. La Commission européenne n’a pas fait preuve d’indulgence : nous avons su faire évoluer le débat européen et marqué notre volonté de redressement.

Sans méconnaître les risques qui demeurent, nous voyons apparaître des signes de reprise encourageants : l’évolution du climat des affaires et de la confiance des ménages est mieux orientée depuis plusieurs mois ; l’indice de confiance des directeurs d’achat pour la France, le purchasing managers’ index (PMI), qui est très suivi, signale une amélioration pour la première fois depuis février 2012. Ce matin même ont été publiées les enquêtes de conjoncture mensuelle de l’INSEE, qui sont favorables pour le mois de septembre : l’indicateur de retournement de conjoncture, calculé pour détecter les phases de reprise économique, est passé pour la première fois depuis le début de l’année 2011 en zone favorable. Beaucoup reste à faire pour que la reprise soit solide et durable, mais le mieux est incontestable.

Sur ces bases, nos prévisions de croissance pour 2013 et 2014 reflètent notre choix d’être à la fois confiants et prudents.

Pour 2013, le programme de stabilité prévoyait une croissance de 0,1 % – notons qu’avant l’été, la Commission européenne, l’OCDE et les instituts de conjoncture prévoyaient tous une performance moindre – soit un recul de 0,1 % du PIB pour la première et de 0,3 % pour les seconds. Le Haut Conseil des finances publiques avait pour sa part estimé que notre scénario « était entouré d’un certain nombre de risques baissiers » et jugeait qu’un taux de croissance négatif ne pouvait pas être exclu. Je confirme aujourd’hui notre prévision pour 2013 d’une progression de 0,1 % du PIB, car les chiffres satisfaisants du deuxième trimestre ont conforté notre acquis de croissance, qui est d’ores et déjà de 0,1 % ; ce taux m’apparaît donc comme un minimum, que nous conservons cependant par souci de prudence.

Pour 2014, le projet de loi de finances est élaboré sur la base d’une prévision de croissance du PIB de 0,9 %. Avant l’été, le consensus s’établissait plutôt à 0,6 % ; aujourd’hui, il est plutôt de 0,8 % ou 0,9 %, mais certains organismes prévoient une croissance supérieure. Nous campons donc là encore sur position voie médiane, entre confiance et prudence.

Notre économie dispose d’un fort potentiel de rebond et de grandes ressources ; elle est résistante, résiliente. Ne tombons pas dans le French bashing : la France est un grand pays, son économie est la cinquième du monde et la deuxième d’Europe. Elle est respectée comme telle et nous ne devons pas l’affaiblir.

Je retiens enfin que le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2014, juge ce scénario macro-économique « plausible », tant pour 2013 que pour 2014 ; le Haut Conseil ayant jugé nos prévisions précédentes trop optimistes, je lis dans cet avis une reconnaissance de notre sincérité, comme d’ailleurs une confiance dans la solidité de l’économie française.

Ce projet de loi de finances est donc bâti sur ce scénario confiant et prudent : il décrit une reprise naissante, mais qui doit être soutenue, entretenue, amplifiée.

Soutenir la croissance, c’est d’abord s’assurer que l’effort d’ajustement des comptes publics est compatible avec la reprise. Le sérieux budgétaire et la volonté d’atteindre l’équilibre structurel sont des acquis que nous devons à tout prix préserver. Nous poursuivons donc le redressement des comptes publics à un rythme soutenu, mais pas excessif – « Tout ce qui est excessif est insignifiant », disait Talleyrand dans une formule trop souvent citée.

Pour 2013, le déficit public devrait s’établir à 4,1 % du PIB, c’est-à-dire au-delà de la prévision initiale du programme de stabilité, qui était de 3,7 %, et au-delà de la prévision de la Commission européenne, qui était à l’été de 3,9 %. Ce dépassement tient pour une très large part aux effets de l’environnement économique et de la faible inflation sur les recettes fiscales ; les dépenses de l’État et de l’assurance maladie – celles qui sont sous notre contrôle – sont maîtrisées. L’effort structurel est donc extrêmement important, et même sans précédent puisqu’il s’élève à 1,7 point de PIB, après 1,3 point en 2012.

Pour 2014, notre objectif de déficit nominal sera de 3,6 %, ce qui est cohérent avec nos engagements européens ; l’effort structurel représentera encore 0,9 point de PIB, soit un rythme globalement inchangé par rapport à celui que prévoyait le programme de stabilité transmis à la Commission européenne au printemps, mais légèrement ralenti par rapport à 2013, conformément aux recommandations de cette même Commission, afin de préserver la croissance.

L’évolution du déficit va dans le bon sens : en 2011, il s’établissait à 5,3 % du PIB ; en 2012, nous l’avons ramené à 4,8 % du PIB alors que, hors correction, il était de nouveau, tendanciellement, à 5,3 % ; en 2013, il sera de 4,1 % ; à la fin de l’année 2014, sur la base de nos prévisions de croissance, il sera à 3,6 %. La tendance à l’amélioration apparaît plus nettement encore lorsqu’on s’intéresse à l’évolution du solde structurel : en 2011, il s’élevait à 5,1 % du PIB ; nous le ramènerons à 1,7 % en 2014. Ce gouvernement consent donc un effort de réduction du déficit structurel extraordinairement important.

Un ajustement bien calibré, c’est aussi un ajustement qui repose presque exclusivement sur des économies. À cet égard, l’effort se montera au total à 18 milliards d’euros, dont 2 milliards provenant de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales et 15 milliards provenant d’économies de dépenses publiques par rapport à leur évolution spontanée – 9 milliards d’économies sur les dépenses de l’État, des collectivités territoriales et des agences, et 6 milliards d’économies dans le champ social. Cela revient à diviser par quatre le rythme d’évolution de la dépense publique par rapport à la tendance des dix dernières années : c’est donc un effort absolument sans précédent, un bouleversement complet par rapport aux choix qui ont prévalu au cours de la décennie précédente.

Par volonté d’efficacité économique, nous avons choisi de concentrer la hausse des prélèvements obligatoires sur la période 2012-2013 : notre analyse est qu’à court terme, notamment dans le contexte d’une stagnation de l’activité, la baisse des dépenses publiques risquait de peser plus lourdement sur la croissance qu’une hausse des prélèvements obligatoires. Pour 2014 et les années suivantes, nous privilégions les économies : elles représenteront en 2014 80 % de l’effort structurel, contre 20 % pour les prélèvements obligatoires ; en 2015, ce sera 100 %.

Ce choix inédit a bien sûr des conséquences directes sur le niveau des prélèvements obligatoires : ceux-ci ont augmenté de 3,5 % au cours des années précédentes ; ils augmenteront cette année de 0,15 % seulement, et même de 0,05 % si on défalque les sommes tirées de la lutte contre la fraude fiscale. Ils sont donc quasiment stables.

Pour stimuler la croissance, nous consentons donc d’abord un effort de redressement budgétaire finement calibré et largement fondé sur des économies. Mais nous voulons aussi continuer d’améliorer la compétitivité de nos entreprises en soutenant par tous les moyens l’investissement productif.

L’investissement privé est un moteur essentiel de la croissance, et c’est celui qui est aujourd’hui le plus à la peine en France, même s’il résiste un peu mieux que dans le reste de la zone euro. C’est pourquoi nous avons choisi d’appuyer fortement la demande privée, grâce à une large palette de mesures destinées à améliorer la compétitivité des entreprises, dans la ligne de l’action que nous menons depuis seize mois mais en approfondissant encore le sillon.

L’année 2014 verra d’abord l’arrivée à maturité du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, dont le taux atteindra 6 %. Le projet de loi de finances pose également les bases d’une réforme de l’imposition des entreprises, afin que la fiscalité pèse moins sur les facteurs de production et qu’elle prenne davantage en compte le résultat économique de l’entreprise : nous proposons en effet la suppression d’un impôt « imbécile », l’imposition forfaitaire annuelle – IFA –, créée en 1974 et maintenue malgré certaines promesses, et nous créons un nouvel impôt sur le résultat des grandes entreprises, une contribution de 1 % de l’excédent brut d’exploitation – EBE. M. Bernard Cazeneuve vous en parlera plus longuement, car il a beaucoup soutenu ce projet.

Le soutien à la création d’entreprises sera également renforcé par la réforme de l’imposition des plus-values mobilières, annoncée lors des assises de l’entrepreneuriat. Enfin, le projet de loi de finances comporte plusieurs mesures de soutien à l’investissement et à l’innovation. Ainsi, nous créons le plan d’épargne en actions pour les petites et moyennes entreprises – PEA-PME – dont j’ai présenté les grandes lignes il y a quelques semaines ; il est destiné à favoriser le financement en fonds propres de l’entreprise et à garantir aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire – ETI – un accès plus aisé à l’épargne des particuliers. Cette mesure, vous le savez, était très attendue. Le champ des dépenses éligibles aux exonérations de charges sociales liées au statut des jeunes entreprises innovantes – JEI – est en outre étendu, et les petites entreprises bénéficieront d’un nouvel amortissement dégressif pour favoriser les investissements dans des équipements robotiques.

Ces mesures fiscales viennent compléter un arsenal déjà très complet de mesures destinées à rétablir notre compétitivité. Il faut enfin compter avec le choc de simplification, qui créera un environnement plus favorable pour les entreprises, et avec la réorganisation du financement de l’économie. Notre démarche est globale et cohérente : elle ne se limite pas à l’impulsion fiscale, même si celle-ci est nécessaire.

En termes de coûts du travail, le CICE permettra d’accélérer la convergence en cours avec l’Allemagne. Évidemment, nous ne baissons pas le coût du travail d’un côté pour l’augmenter de l’autre : les prélèvements obligatoires sur les entreprises seront donc stables en 2013 et 2014, hors CICE. De plus, point tout à fait décisif, l’effet favorable de ce crédit d’impôt sur le coût du travail sera intégralement préservé. Avec ce budget, nous travaillons donc résolument en faveur de l’offre productive, de la compétitivité et de l’investissement : en un mot, en faveur de la croissance.

C’est aussi un budget qui vise à faire redémarrer l’emploi – c’est notre priorité absolue, et c’est à ses résultats sur le chômage qu’une politique se juge. Je ne reviens à cet égard sur le CICE que pour dire qu’il devrait permettre au cours de la législature la création de 300 000 emplois salariés dans le secteur marchand. Cette politique structurelle doit s’accompagner d’un soutien conjoncturel : comme Michel Sapin et moi-même l’avons déjà dit, nous n’avons pas l’emploi aidé honteux ! Quand des hommes et des femmes, jeunes ou moins jeunes, restent exclus du marché du travail, on doit mettre en place pour les aider des politiques spécifiques : toutes les majorités l’ont fait.

Dynamiser l’emploi, c’est donc aussi soutenir activement ceux qui en sont le plus éloignés – les jeunes, les seniors, les moins bien formés. Ce projet de loi de finances propose ainsi la création, d’ici à la fin de l’année 2014, de 150 000 emplois d’avenir, la signature de 100 000 contrats de génération et la consolidation de 340 000 emplois aidés non marchands. Il propose également la création d’un nouveau contingent de 2 000 postes à Pôle Emploi, après les 2 000 déjà créés en 2013, car nous avons besoin d’un service public de l’emploi qui fonctionne.

Le soutien au pouvoir d’achat passera également par des mesures complémentaires en faveur des classes populaires et moyennes.

Le soutien aux plus modestes s’incarnera dans le ciblage des politiques volontaristes de l’emploi, mais aussi dans la traduction budgétaire du « plan pauvreté », qui comprend des mesures comme la revalorisation du revenu de solidarité active – RSA – ou la « garantie jeunes », et qui sera financé par redéploiement. Quant aux classes moyennes, elles bénéficieront de la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le coût de la vie, après les deux années de gel décidées par le précédent gouvernement : cette mesure de justice fiscale permettra de réduire, à compter de 2014, l’imposition des contribuables dont les revenus réels n’ont pas augmenté, et de préserver les plus modestes. Au-delà de cette mesure générale, ces mêmes classes moyennes vont également bénéficier d’une décote renforcée, permettant de retarder et d’atténuer les effets de l’entrée dans le barème progressif de l’impôt sur le revenu : 6,9 millions de contribuables sont concernés. Avec ces deux mesures, ce sont 900 millions d’euros qui sont rendus aux ménages.

Le dégel du barème est la seule mesure générale concernant tous les ménages qui figure dans le projet de loi de finances, en dehors de la réforme de la TVA votée il y a près d’un an et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2014, et de l’impact de la réforme des retraites sur les cotisations salariales.

En revanche, je veux le souligner, ce projet de loi de finances comporte aussi des hausses ciblées, au service de nos objectifs économiques et de la justice sociale : les plus hautes rémunérations seront mises à contribution, dans un objectif de solidarité, avec la création d’une taxe exceptionnelle à 75 %, à la charge des entreprises, tandis que la progressivité de l’impôt sera renforcée à travers la réduction de niches fiscales.

Le cap reste donc bien mis sur l’équilibre structurel des comptes publics en 2016, conformément à l’engagement européen de la France. Nous prévoyons d’atteindre cet équilibre grâce à une modernisation en profondeur de l’action publique – processus qui commence à porter ses fruits : près de cinquante évaluations de politiques publiques ont été lancées à ce jour, couvrant environ 20 % de la dépense publique. Nous comptons nous y impliquer plus fortement encore dans les années à venir. En 2014, le taux de prélèvements obligatoires sera globalement stabilisé, et le déficit ramené à 3,6 % du PIB. En 2015, grâce à un effort structurel de 0,9 point de PIB reposant exclusivement sur la maîtrise des dépenses publiques, le déficit nominal sera ramené en deçà de 3 % et la courbe de la dette devrait alors s’inverser.

Préparer l’avenir, c’est aussi l’objet du nouveau programme d’investissements d’avenir, qui contribuera à réaliser l’ambition du Gouvernement pour la France de 2025. Le Premier ministre a annoncé que 12 milliards d’euros seront investis entre 2014 et 2024, au service du rétablissement de notre compétitivité et de la transition écologique et énergétique, qui sera au cœur de ce nouveau programme.

Enfin, nous allons consolider notre modèle social grâce à deux réformes majeures : la réforme de la politique familiale et la réforme des retraites. Cette dernière a été conduite alors même que la France se trouve dans une situation nettement plus favorable que la plupart de ses partenaires en termes de perspectives démographiques comme de coût attendu du vieillissement ; l’effort de redressement sera partagé entre économies et prélèvements et couvrira les besoins de financement de notre système de retraites ; il contribuera à renforcer l’équilibre de nos finances publiques. Cette réforme structurelle constitue un véritable pacte intergénérationnel qui vient conforter l’assise de notre système par répartition.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget. Je ne saurais trop insister sur les objectifs assignés à ce projet de budget pour 2014 : il vise avant tout à permettre l’inversion de la courbe du chômage, grâce à des mesures favorisant la croissance. Son succès au service de la croissance et donc de l’emploi exige la réunion de plusieurs conditions.

Tout d’abord, nous devons poursuivre l’effort de redressement des comptes publics. Par le passé, tous les pays qui ont renoncé à cet effort ont vu leur situation sur les marchés se dégrader, les taux d’intérêt qui leur étaient consentis augmenter et leur économie en a pâti. Nous continuerons donc de travailler en 2014 à la réduction de nos déficits, ce qui passe par d’importantes économies en dépenses.

Mais renouer avec la croissance exige aussi, en deuxième lieu, que nous n’alourdissions pas à l’excès la pression qui s’exerce sur les ménages. Comme l’a indiqué le ministre de l’Économie, les économies en dépenses atteindront en 2014 un niveau historique : 15 milliards d’euros – 9 milliards sur les dépenses de l’État et 6 milliards sur les dépenses sociales. Quant à la pression fiscale, elle augmentera moins que ne le prévoyait le programme de stabilité : nous nous étions engagés à la contenir dans la limite de 0,3 point, elle ne croîtra que de 0,15 point – et même, si l’on fait abstraction du produit de la lutte contre la fraude fiscale, de 0,05 point.

Troisième condition à laquelle doit satisfaire un budget au service de la croissance : il faut moderniser la fiscalité des entreprises de manière à restaurer la compétitivité de notre appareil productif et à diminuer le coût du travail et, dans le même temps, préserver la demande privée de sorte que la consommation soit au rendez-vous – c’est pourquoi ce projet de loi de finances ne comporte pas de mesures générales de nature à alourdir la pression fiscale sur les ménages : celles que nous avons prévues ne visent qu’à ramener à l’équilibre des comptes qui s’étaient dégradés et à financer des politiques nouvelles et elles s’accompagnent en outre de dispositions en faveur du pouvoir d’achat, en particulier au profit des ménages les plus modestes et des classes moyennes.

La réduction des déficits se poursuit donc. En 2014, celle des déficits nominaux sera de 0,5 point puisqu’ils devraient passer de 4,1 % du PIB à 3,6 %. Elle fera suite à une diminution de 0,5 point entre 2011 et 2012 et de 0,7 point entre 2012 et 2013, ces déficits s’étant établis à 5,3 % du PIB en 2011, à 4,8 % en 2012 et à 4,1 %, comme je l’ai dit, en 2013. Même si certains – qui avaient contribué par le passé à les creuser – jugent qu’ils ne diminuent pas assez vite ou regrettent qu’ils ne le fassent pas aussi vite qu’ils avaient crû auparavant, le fait est là : ils diminuent et l’évolution prévue pour 2014 s’inscrit dans une séquence continue de réduction. Celle-ci est le fruit d’efforts structurels importants : de 1,2 % du PIB en 2012 et de 1,7 % en 2013, en attendant 1 % en 2014. Nous tenons donc, année après année, les objectifs que nous nous sommes assignés, conformément à notre volonté de rétablir les comptes publics.

Notre solde budgétaire s’améliorera en 2014 : hors les décaissements de 12 milliards d’euros destinés au programme d’investissements d’avenir – dont on a toujours fait abstraction dans la mesure où ils ne font sentir leurs effets qu’une fois ces sommes mobilisées par les opérateurs qui en bénéficient –, il sera négatif de 70,2 milliards d’euros, contre 71,9 milliards cette année, soit une diminution de 1,65 milliard. Cette évolution résulte de plusieurs mouvements. Tout d’abord, d’une diminution de 1,5 milliard des dépenses de l’État, hors dette et pensions : autrement dit, nous ne nous contentons pas d’absorber par les économies en dépenses le tendanciel d’augmentation des dépenses de l’État. En second lieu, d’une baisse des recettes fiscales de 3,2 milliards, du fait d’évolutions contradictoires : l’augmentation tendancielle de ces recettes, évaluée à 8,6 milliards, est en effet contrariée par le coût du CICE et par le remboursement de certains contentieux fiscaux hérités de la période antérieure.

La charge de la dette s’élèvera en 2014 à 46,7 milliards d’euros : c’est le premier poste de dépenses de l’État devant l’éducation nationale, dont le budget s’établit à 46,3 milliards. Si nous insistons tant sur la nécessité d’un redressement des comptes, c’est parce que nous sommes convaincus qu’aussi longtemps que nous devrons supporter un niveau de dette aussi important, nous ne disposerons pas des marges de manœuvre nécessaires pour effectuer des choix souverains. Nous sommes donc résolus à faire en sorte que la trajectoire de la dette s’inverse, grâce à des efforts de maîtrise des déficits. Je rappelle que la charge de la dette après révision se monte pour 2013 à 45 milliards, cependant que les dépenses de pensions sont en augmentation de 1,2 milliard. L’an prochain, 200 millions seront économisés sur ce dernier poste, grâce au report de la réindexation des pensions.

Les économies dans la sphère de la protection sociale s’élèveront à 6 milliards. Je souhaite ici en préciser les contours afin de lever tout doute sur le soin méticuleux
qui a présidé à notre démarche. Ces économies porteront d’abord pour 3 milliards d’euros sur les dépenses d’assurance maladie, dont le coefficient d’augmentation sera ramené à 2,4 % en 2014 alors que, sur les dix dernières années, il a été en moyenne de 4 %. Depuis notre arrivée aux responsabilités, cette augmentation est maîtrisée : en 2012, la dépense est restée d’un milliard en deçà de l’objectif fixé par le précédent gouvernement et la dernière réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale permet d’anticiper une exécution du budget de 2013 inférieure de quelque 500 millions à ce que nous avions prévu. Les 3 milliards d’économies comprennent donc 2,5 milliards au titre de la maîtrise des dépenses, dont la progression est contenue à 2,4 %, et 500 millions au titre de l’exécution 2013.

Deux autres milliards d’euros d’économies sont escomptés à peu près à parts égales des résultats de la négociation menées par les partenaires sociaux sur les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO et des décisions que nous avons nous-mêmes prises dans le cadre de la réforme des retraites. Enfin, 500 à 600 millions d’euros seront obtenus par la renégociation des contrats d’objectifs et de gestion des organismes de sécurité sociale. Toutes ces économies pourront être précisées à l’occasion de l’examen par la représentation nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

S’agissant des économies sur le budget de l’État, je souhaite souligner qu’elles sont d’abord révélatrices d’un changement de méthode et je tiens à remercier à ce propos mes collègues ministres pour l’esprit dans lequel ils ont mené les discussions avec nous. Nous avons refusé la méthode du rabot qui a parfois présidé aux économies d’antan et qui, sans discernement et sans considération de priorité politique, affectait indistinctement toutes les administrations en les obligeant à ne pas compenser un départ en retraite sur deux. Il nous est certes arrivé d’appliquer nous-mêmes cette méthode parce que nous manquions d’éléments d’analyse, la modernisation de l’action publique – MAP – n’étant pas encore à l’œuvre, mais nous avons rompu avec de telles pratiques cette année. La discussion avec l’ensemble des membres du Gouvernement a porté sur la possibilité d’économies résultant d’une modification des organisations, des structures et des politiques publiques : autrement dit d’économies structurelles susceptibles d’avoir des effets sur toute la durée du quinquennat, dans la mesure où l’argent public restera rare dans les années à venir.

La MAP a donné de premiers résultats dès cette année. En matière d’aides aux entreprises, 50 % des préconisations qui en sont issues seront appliquées dès ce budget : ainsi les chambres consulaires verront leurs ressources diminuer de 305 millions d’euros, du fait du plafonnement des taxes qui leur sont affectées et d’un prélèvement sur leur fonds de roulement, cependant que le Centre national du cinéma et de l’image animée – CNC – subira un prélèvement de 90 millions d’euros par le biais d’un plafonnement identique. Enfin, le recentrage des exonérations sur les bas salaires outre-mer procurera une économie de 90 millions d’euros. La MAP a vocation à monter en puissance afin d’analyser et d’étayer les économies que peuvent apporter des réformes d’organisation et de structure, de préférence à un simple coup de rabot.

Comment se répartissent les 9 milliards d’économies qui seront réalisées sur les dépenses de l’État ? Pour 2,5 milliards, elles proviendront des administrations centrales, en premier lieu grâce à des mesures à caractère général concernant la fonction publique : le gel du point d’indice est maintenu pour une année supplémentaire cependant que le niveau des mesures catégorielles est divisé par deux par rapport au précédent quinquennat. Nous assumons devant la représentation nationale ce choix d’une maîtrise de la masse salariale qui exige des efforts de tous. En deuxième lieu, les effectifs nets seront stabilisés : si 10 979 recrutements sont prévus au bénéfice des missions prioritaires que sont l’éducation nationale, la justice et la sécurité – ce qui portera à près de 29 000 le nombre d’emplois créés depuis le début du quinquennat dans ces secteurs prioritaires qui ne sont pas pour autant exemptés d’économies –, 13 123 postes seront supprimés, les deux principaux contributeurs à cet effort étant le ministère de la Défense, à hauteur de 7 800 postes, et le ministère de l’Économie et des finances, à hauteur de 2 500 postes.

L’action sur les dépenses de fonctionnement est une dernière source d’économies substantielles, permises par la MAP et par sa déclinaison en programmes ministériels de modernisation et de simplification. J’en donnerai trois exemples. Au ministère de la Justice qui, bien que prioritaire, n’est pas, comme je l’ai dit, dispensé d’efforts, 45 millions d’euros d’économies seront dégagés grâce à une modernisation des procédures bénéfique pour le pilotage de la dépense publique et des frais de justice : il s’agit de la réforme des circuits comptables au bénéfice des juridictions et de leurs prestataires, de la renégociation de marchés pour les analyses des traces – pour 8 millions – et de la mise en place de la plateforme nationale d’interceptions judiciaires – pour près de 20 millions dès 2014. Au ministère de l’Économie et des finances, la dématérialisation de la déclaration de revenus et d’autres procédures classiques permettra d’économiser 50 millions d’euros ; la division par deux du volume des documents budgétaires transmis au Parlement y contribue. Au ministère des Affaires étrangères, la rationalisation du fonctionnement des postes à l’étranger, la vente de locaux et le regroupement de services généreront une économie de 20 millions d’euros qui a vocation à se poursuivre au cours des prochaines années.

Nous avons eu l’occasion de préciser lors de la dernière réunion du Comité des finances locales la répartition des économies de 1,5 milliard d’euros à la charge des collectivités territoriales : les communes et les intercommunalités supporteront 56 % de la diminution des dotations, soit 840 millions d’euros ; les départements, 32 %, soit 476 millions, et les régions, 12 %, soit 184 millions.

Compte tenu des dépenses très contraintes auxquelles les départements sont confrontés et de l’effet de ciseau qui compromettait la stabilité à long terme de leurs finances – et par conséquent leur capacité à faire face aux dépenses de solidarité qui leur incombent et à leurs dépenses d’investissement – , il a été décidé de leur rétrocéder 827 millions d’euros de recettes pour frais de gestion, dans le cadre du pacte de confiance entre l’État et les collectivités territoriales. De même, pour les régions, la suppression de la dotation globale de décentralisation consacrée au financement de la formation professionnelle sera compensée par un panier de recettes fiscales constitué de frais de gestion d’impôts locaux et d’une fraction supplémentaire de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE. Ces mesures permettront aux collectivités de faire face à leurs obligations dans le respect du coefficient d’autonomie défini par la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Quant aux opérateurs de l’État, dont les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 15 % et les dépenses de personnel de 6 % au cours du précédent quinquennat, le projet de budget prévoit une diminution de 4 % de leurs dépenses de fonctionnement grâce à une gestion très rigoureuse de leurs effectifs. Près de 1 200 emplois seront supprimés cette année après 1 300 autres l’année précédente, soit 2 500 emplois depuis 2012. Des efforts de rationalisation et de mutualisation seront en outre entrepris, en particulier grâce à des regroupements : dans le secteur de la jeunesse, un opérateur unique sera mis en place, permettant d’économiser 25 équivalents temps plein ; en matière de biodiversité, la création en 2015 d’une agence unique rassemblant l’ensemble des opérateurs existants est en préparation ; enfin, l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer est supprimée, ses missions étant reprises par d’autres opérateurs.

La baisse des dépenses d’intervention de l’État contribue aussi à l’objectif d’économies. Nous renonçons à des projets d’investissement somptuaires comme le musée de l’histoire de France, dont la réalisation coûterait 150 millions d’euros et le fonctionnement 15 millions d’euros supplémentaires par an. Le bonus-malus automobile est réorienté et les aides personnalisées au logement cessent d’être indexées. Cette dernière mesure, qui représente une économie de 180 millions d’euros, tient compte des bénéfices attendus de l’encadrement des loyers et de la garantie universelle des loyers tels que les organise la future loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Enfin, nous souhaitons redéfinir nos relations avec certains acteurs – par exemple, nous revenons sur l’indemnité de 16 millions d’euros versée au Stade de France pour compenser l’absence d’un club résident.

J’en viens à une brève revue des mesures fiscales. Pour les entreprises, l’ambition du Gouvernement est de parvenir à l’issue du quinquennat – mais nous nous y attellerons dès 2014 – à une fiscalité simplifiée, stabilisée et mise au service de la croissance. La volonté de simplification se traduira l’an prochain par une réforme destinée à taxer moins la production et davantage le résultat. Il s’agit d’une démarche au long cours, qui demande donc du temps mais aussi de la concertation et nous entendons par conséquent la conduire en étant à l’écoute des interrogations des entreprises. Cette concertation ainsi que la collaboration étroite avec le Parlement permettront de faire évoluer une réforme qui doit monter en puissance tout en tenant compte des stratégies d’investissement des entreprises, afin de créer ensemble les conditions de la croissance et d’une inversion durable de la courbe du chômage.

D’autres mesures bénéficieront à ceux qui prennent des risques afin que l’appareil de production français innove, monte en gamme et organise le transfert de technologies. Pour les jeunes entreprises innovantes, conformément aux attentes qu’elles ont exprimées lors des assises de l’entrepreneuriat, nous proposons un dispositif d’exonération plus favorable que le régime dégressif conçu par un gouvernement précédent et nous étendons le champ du crédit d’impôt recherche. Enfin, nous réformons la taxation des plus-values mobilières en instaurant un régime plus incitatif : ceux qui accepteront de prendre des parts dans le capital des PME et des ETI innovantes pourront bénéficier d’un abattement de 85 % à partir d’une durée de détention de huit ans, contre 65 % dans le régime de droit commun.

Enfin, le projet de budget pour 2014 comporte un ensemble de mesures favorables à la croissance et à l’emploi qui concernent particulièrement le domaine du logement. Ainsi la baisse de la TVA sur la construction et la réparation de logements sociaux répond-elle à un triple objectif : créer des logements sociaux dans les zones tendues, soutenir le secteur du bâtiment dont nous connaissons le rôle de locomotive de la croissance et être en mesure de fixer, dans les zones tendues, un loyer qui n’obère pas le pouvoir d’achat des ménages comme c’est le cas actuellement en raison du déficit de l’offre.

Une refonte importante du régime des plus-values immobilières sera également menée afin de revenir sur la réforme très contestée de 2011, qui incitait à la rétention de propriétés foncières. Pour les terrains à bâtir, tous les abattements à raison de la durée de détention seront supprimés afin de fluidifier le marché. Pour les résidences secondaires, un dispositif d’abattement linéaire sera mis en place et la durée de détention à partir de laquelle l’exonération intervient est ramenée de trente à vingt-deux ans. Ces mesures visent à créer un choc d’offre que nous confortons pour la période de septembre 2013 à septembre 2014 par l’instauration d’un abattement exceptionnel de 25 %. Ces mesures devraient être de nature à faciliter la reprise du marché immobilier, à contribuer à la réussite de notre politique du logement et à conforter l’activité économique.

Je rappelle que le projet de budget prévoit également la montée en puissance de la contribution climat-énergie, destinée à rendre plus vertueux les comportements des entreprises et des particuliers mais aussi à nous permettre de financer le CICE. Les 10 milliards d’allégements nets de charges afférents à ce crédit d’impôt seront en effet financés à hauteur de 3 milliards par cette contribution et, plus largement, par la fiscalité écologique.

Dans le même souci de préserver l’environnement, nous élargissons également l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes – TGAP – air à d’autres produits.

Je terminerai en évoquant les mesures prises en faveur du pouvoir d’achat, essentielles au succès de ce budget dont le but, je le répète, est d’inverser la courbe du chômage et de ramener la croissance en France.

Ces mesures sont rendues possibles par nos efforts d’économies en dépense. Certaines concernent directement l’emploi : nous finançons 340 000 contrats non marchands, 150 000 contrats d’avenir, 100 000 contrats de génération. Cette dépense de 1,7 milliard d’euros permet à des Français qui, jusqu’à présent, ne pouvaient construire un projet de vie et se dessiner un avenir, d’avoir enfin accès à l’emploi et à la consommation. Ces emplois qui offrent une première chance à des jeunes ne sont pas des emplois honteux, ce sont des emplois que nous assumons : lorsque le chômage est là, qui ronge des vies et des destins, il est normal que la mobilisation soit générale pour offrir un contrat de travail aux personnes menacées de relégation sociale.

Mais bien d’autres mesures contribueront à soutenir le pouvoir d’achat : nous relevons par exemple le plafond de la couverture maladie universelle – CMU – afin de permettre à tous les Français de se soigner ; nous mobilisons 400 millions d’euros au titre du tarif social de l’électricité, en sorte que la dépense d’énergie ne vienne plus grever lourdement le budget des ménages les plus modestes ; nous finançons 55 000 bourses destinées aux jeunes de familles modestes et de la classe moyenne ; nous lançons une nouvelle politique du logement. En outre, nous rétablissons l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur les prix et nous accompagnons cette réindexation d’une décote, car la non-indexation du barème et la suppression de la demi-part supplémentaire accordée aux veuves et veufs avaient conduit à soumettre à l’impôt des ménages qui n’auraient pas dû l’être. Ce sont 138 000 foyers qui deviendront ainsi non imposables et 200 000 non imposés en 2014.

Le coût de ces dispositifs sera couvert par des mesures de justice : taxation à 75 % des très hauts revenus, réforme des droits de succession, prélèvements sociaux sur les produits de placements. Dans le même temps, nous confortons notre modèle social grâce à la disposition relative au quotient familial, à la fiscalisation des majorations de pension ou encore à la suppression, préconisée par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, de la niche bénéficiant aux contrats collectifs de complémentaire santé, de manière que le rétablissement de nos comptes sociaux et les mesures en faveur des Français qui en ont le plus besoin soient finançables et financés.

M. le président Gilles Carrez. Le Haut Conseil des finances publiques juge plausibles les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde ce budget, notamment la prévision d’une croissance de 0,9 %. Je m’interroge toutefois sur la prévision d’évolution du pouvoir d’achat des ménages et, par suite, de la consommation, compte tenu de l’importance de la ponction fiscale que ceux-ci subiront en 2014.

Je souhaiterais à cet égard que vous confirmiez ou que vous infirmiez l’évaluation suivante : si l’on additionne l’augmentation des prélèvements de 6 milliards d’euros au titre de la TVA ; l’augmentation de 1,8 milliard d’euros au titre de la réforme des retraites, se répartissant entre une hausse des cotisations salariales de 0,15 point et l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de la majoration de 10 % pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus ; l’augmentation d’environ 3,5 milliards de l’impôt sur le revenu du fait de l’abaissement du plafond du quotient familial, de la suppression de l’exonération sur une partie des versements aux complémentaires santé, de la suppression de la réduction d’impôt pour les enfants scolarisés et de la refiscalisation des heures supplémentaires – qui, il est vrai, résulte de textes antérieurs mais qui fera désormais sentir ses effets en année pleine – ; enfin, l’augmentation que l’on peut évaluer à 1 milliard d’euros au titre de la marge de manœuvre supplémentaire donnée aux départements en matière de droits de mutation à titre onéreux, n’arrive-t-on pas à un total de 12 milliards d’euros, soit une augmentation supérieure à celle de 2013, qui était de 10 milliards ?

D’autre part, pouvez-vous indiquer le nombre de ménages qui paient l’impôt sur le revenu en 2013 alors qu’ils ne le payaient pas en 2012 et faire d’ores et déjà une évaluation pour 2014 ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut s’attendre à ce qu’un nombre considérable de foyers entre dans l’impôt l’année prochaine, et ce en dépit de la majoration de la décote.

En matière de fiscalité des entreprises, la nouvelle taxe sur l’excédent brut d’exploitation, qui devrait rapporter 2,5 milliards d’euros, est assise sur le résultat majoré des amortissements et des frais financiers. Elle affectera donc directement l’investissement et touchera au premier chef les entreprises qui investissent beaucoup, c’est-à-dire les entreprises industrielles, alors même que ce sont celles qui bénéficient le moins du CICE. Ne craignez-vous pas qu’elle aille à l’encontre de l’objectif de renforcement de la compétitivité assigné au CICE dans la ligne du rapport Gallois ?

S’agissant des dépenses, une partie des économies que vous venez de détailler, monsieur le ministre délégué, ne sont-elles pas en trompe-l’œil ? Par exemple, il se trouve que la diminution nominale de 1,5 milliard d’euros des dépenses hors dette et pensions que vous annoncez correspond exactement au montant de la diminution des dotations aux collectivités locales. Au Comité des finances locales qui vous en faisait hier la remarque, vous avez objecté que l’État rendait 827 millions d’euros aux départements dans le cadre du pacte de confiance et de solidarité – puisqu’il abandonne une partie des frais d’assiette et de recouvrement – et que la baisse des dotations n’était donc en réalité que de 700 millions. Le problème est que l’on ne trouve pas trace, dans le projet de loi de finances, de ces 827 millions de dépenses supplémentaires pour l’État et qu’ils ne sont pas dans la norme de dépense.

Autre exemple : celui de l’ONDAM, dont la progression en exécution ces dernières années est descendue à 2,4 ou 2,5 %. Vous prévoyez du reste une hausse de 2,4 % pour 2014, mais l’économie de 2,5 milliards d’euros dont vous vous prévalez est calculée par rapport à une tendance de progression de 4,1 % totalement artificielle. Plus la tendance de référence est élevée, plus l’économie présentée est virtuelle. Pourquoi, tant qu’on y est, ne pas se référer aux progressions de dépenses d’assurance maladie de 7 ou 8 % par an que nous avons connues lorsque la ministre chargée des affaires sociales s’appelait Martine Aubry ?

En ce qui concerne maintenant l’exécution de la loi de finances pour 2013, le 25 juin dernier, je tenais avec mes collègues de l’UMP et de l’UDI une conférence de presse pour indiquer que, faute de projet de loi de finances rectificative, nous étions conduits à estimer le déficit pour 2013 à 4 points de PIB au moins. Cela nous a valu l’après-midi même des attaques violentes de votre part, monsieur le ministre de l’Économie et des finances, et de la part du rapporteur général. Or, le Gouvernement a annoncé il y a quinze jours un déficit pour 2013 de 4,1 % ! Pourriez-vous nous donner aujourd’hui vos prévisions de recettes fiscales d’ici à la fin de l’année ?

Vous avez beaucoup insisté, dans votre exposé liminaire, sur la notion de solde structurel. Mais c’est le solde nominal qui nous préoccupe car en dépend notre capacité d’emprunt, et avec ce solde le problème de la dette, que vous n’avez évoqué à aucun moment. Vous vous êtes ainsi bien gardé de fournir un tableau de l’évolution de l’endettement, qui devrait atteindre 95 % du PIB à la fin de 2014. Je souhaite donc que vous nous indiquiez comment vous envisagez de mieux maîtriser cette évolution.

Je constate enfin que l’exécutif n’applique pas la loi fiscale que nous avons votée. Cette remise en cause des prérogatives du Parlement et, singulièrement, de la commission des finances est inquiétante. Par exemple, l’administration a publié début août au Bulletin officiel des finances publiques une instruction fiscale qui modifie radicalement le régime des plus-values immobilières et met en place un système complexe d’exonération fiscale au bout de vingt-deux ans et d’exonération sociale au bout de trente ans. Ce dispositif est contraire à la loi votée. J’estime que le Parlement aurait dû en être saisi.

On se souvient aussi qu’à la suite de l’affaire dite des « pigeons », le rapporteur général avait dû réécrire complètement l’article relatif aux plus-values mobilières du projet de loi de finances pour 2013 et que le Parlement avait adopté cette rédaction. Or, le Président de la République a annoncé en avril dernier, lors des assises de l’entrepreneuriat, qu’un autre système s’appliquerait. Depuis lors, les services fiscaux répondent aux entreprises qui les interrogent à ce sujet que ce n’est pas le dispositif résultant de la loi de finances qui s’applique, mais cet autre système – qui a d’ailleurs été introduit dans le présent projet de loi de finances.

D’autre part, comme le relève le rapporteur général dans son rapport d’information sur l’application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances, l’exécutif a publié le 14 juin dernier une instruction fiscale contraire, selon de nombreux juristes, à la décision du Conseil constitutionnel censurant la réforme des modalités de calcul du plafonnement de l’impôt sur la fortune. Le rapporteur général estime à juste titre qu’il est curieux, et même anormal, de publier une telle instruction la veille de la date limite fixée pour la déclaration de l’ISF.

J’espère, messieurs les ministres, que vous montrerez un plus grand souci de transparence et un plus grand respect de nos prérogatives lors de l’exercice 2014, en nous tenant informés de l’évolution des comptes et en appliquant effectivement les dispositions fiscales votées par le Parlement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je souhaite relayer la question du président Carrez sur le nombre de foyers fiscaux qui seraient entrés dans l’impôt sur le revenu, mais en l’étendant aux années antérieures. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre délégué, à livrer des chiffres précis sur le sujet ; il serait normal que vous les communiquiez à la commission des Finances.

Quels sont, pour le Gouvernement, les aléas qui peuvent encore peser sur la prévision du déficit effectif en 2013 ? À ce propos, je tiens à préciser au président Carrez – qui, selon la casquette qu’il porte, a tendance à parler un jour de l’un, un jour de l’autre – que le déficit structurel et le déficit nominal diminuent tous les deux. Je lui fais aussi observer que le débat budgétaire ne fait que commencer et que nous aurons très certainement des précisions sur l’évolution de la dette dans les prochains jours.

Je souhaiterais également savoir, messieurs les ministres, quelle est la progression attendue de la masse salariale de l’État en 2013 – cette masse salariale que la précédente majorité a laissé largement augmenter avant d’affirmer, il y a un an, que nous allions la faire exploser !

En matière fiscale, et pour répondre par avance à ceux qui nous reprocheraient un prétendu déficit de réformes structurelles, je relève la différence de méthode avec le précédent gouvernement. Beaucoup de réformes accomplies ou en cours sont le fruit de discussions et de négociations avec les partenaires sociaux – transposition de l’accord national interprofessionnel, réformes des retraites et du financement de la politique familiale – ou avec les acteurs concernés – c’est le cas de la question des plus-values mobilières, discutée dans le cadre des Assises de l’entrepreneuriat, ou des dispositions relatives à la transition énergétique, issues des travaux de la Conférence environnementale. Le projet de loi de finances « balaie », quitte à trier, et met à jour toutes les mesures ainsi discutées.

Je souhaiterais avoir des précisions sur l’assiette de la contribution sur l’excédent brut d’exploitation qui remplacera l’impôt forfaitaire annuel, et sur la proportion des entreprises qui gagneront ou perdront à cette réforme. Comment essayer d’approfondir cette évolution ? On a beaucoup parlé d’une baisse possible de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – et d’un aménagement concomitant de l’impôt sur les sociétés…

Ces questions, vous le voyez, sont plus techniques que polémiques, loin des caricatures auxquelles je crains que le débat ne donne lieu et dont nous venons d’avoir, malheureusement, un avant-goût.

M. Dominique Lefebvre. Un dialogue constant et transparent a prévalu entre les commissaires aux finances du groupe SRC et les ministres et leurs équipes pour la préparation de ce projet de loi de finances. Aussi partageons-nous entièrement le double choix dont procède ce budget : la priorité de court terme, qui impose de tout faire pour soutenir la croissance et faire redémarrer l’emploi, et la stratégie de moyen terme visant à rétablir l’équilibre de nos finances publiques. La discussion parlementaire nous donnera l’occasion de soutenir, d’expliquer et de conforter ces choix politiques, conjuguant les objectifs de croissance, de restauration de la compétitivité, de développement de l’emploi et d’amélioration du pouvoir d’achat.

Mon propos portera sur la trajectoire budgétaire. Il faut en effet mettre en perspective ce projet de loi de finances en le rapportant à la fois à la situation qui nous a été laissée et aux mesures que nous avons votées depuis l’été 2012 et que nous assumons pleinement. Les dispositions d’urgence prises pour casser la spirale du déficit et de l’endettement, absolument nécessaires à la préservation de notre souveraineté, se sont soldées par des efforts structurels sans précédent. Le cap mis dans ce projet de loi de finances sur la croissance et l’emploi donne aujourd’hui toute leur signification aux importants efforts que nous avons alors demandés aux Français.

À ce propos et à la suite du rapporteur général, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de clore la polémique sur les nouveaux imposables. Nous avons fait le choix de rétablir nos finances publiques : il était donc nécessaire de faire appel à l’impôt et nous l’avons fait de manière juste !

Ce projet de loi de finances repose sur quelques « fondamentaux » : la stabilisation des prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB et la baisse de la dépense publique, qui avait augmenté de trois points sous le précédent quinquennat. Après le vote de la loi de programmation des finances publiques en décembre 2012, vous avez présenté à la Commission européenne, au printemps, un programme de stabilité et vous êtes convenu avec celle-ci d’une adaptation de notre trajectoire budgétaire dans le but de soutenir la croissance et l’emploi. Compte tenu de cette inflexion que nous approuvons, ne vous paraît-il pas nécessaire de revenir sur la loi de programmation ? Je ne vois pas, en effet, le Haut Conseil des finances publiques, dont nous recevrons tout à l’heure le président, dire autre chose que ce que disent le droit et les traités, notamment en termes d’ajustement.

M. Hervé Mariton. Tous les gouvernements recourent à des astuces de présentation pour défendre leurs projets de loi de finances. Je salue votre performance en la matière, messieurs les ministres, mais en cette matière seulement : vos concepts fluctuants et vos mots qui tournent en rond trahissent une grande difficulté à donner de la substance aux économies annoncées. Pourquoi, par exemple, présenter un tableau d’emplois des opérateurs hors universités, sachant que, si l’on additionne les emplois de tous, on aboutit au mieux à une stabilisation, plus probablement à la poursuite de l’augmentation des effectifs de la fonction publique ? S’agissant des recettes, votre séquence sur la « pause fiscale » montre à quel point vous pratiquez l’antiphrase et la restriction mentale.

Une remarque en passant sur la modification de la jaquette du projet de loi de finances, que l’on a choisi cette année d’orner de l’effigie figurant sur le nouveau timbre de La Poste. Les Français trouveront sans doute superflue cette mise en avant des « Femen » !

M. Olivier Faure. Décidément, c’est une obsession !

M. Hervé Mariton. Par ailleurs, je souhaite comme Dominique Lefebvre que le Gouvernement nous dise comment il a compris l’avis du Haut Conseil des finances publiques, dont nous recevrons tout à l’heure le président, et ce qu’il compte en faire.

Monsieur le ministre, vous vous êtes flatté de la réussite de votre stratégie économique et de l’amélioration de la conjoncture. Comment expliquez-vous alors que le solde conjoncturel des finances publiques s’aggrave, passant de – 1,4 % à – 1,8 % du PIB entre 2013 et 2014 ? Au passage, je crains que ce qu’a dit le rapporteur général sur ce sujet ne soit faux. De même, pourquoi le solde structurel des finances publiques est-il beaucoup plus élevé que celui prévu en loi de programmation? L’écart, de – 1,1 % à – 1,7 %, est tellement fort que Dominique Lefebvre, lucide, annonce quasiment que le Gouvernement sera dans l’obligation de présenter au Parlement une modification de la loi de programmation.

M. le rapporteur général. C’est prévu pour la fin 2014 !

M. Hervé Mariton. Quel aveu d’échec !

Concernant les dépenses, messieurs les ministres, il serait souhaitable que nous ayons accès aux maquettes qui permettent au Gouvernement de tracer les évolutions tendancielles. La plupart des économies que vous présentez sont artificielles ; elles correspondent seulement à des moindres plus-values. Nous lisons dans les documents que vous venez de faire distribuer que les dépenses, qui s’élevaient à 375,4 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2013, atteindront 379,9 milliards en 2014. Nous avons du mal à considérer qu’il s’agit d’économies impressionnantes ! Même si elles portent sur des sujets dignes d’intérêt, celles que vous avez citées, monsieur le ministre délégué, restent, reconnaissez-le, quantitativement assez modestes. Même l’ajustement des dotations aux collectivités locales ne constitue pas une économie réelle – une telle mesure aurait pourtant constitué une solution intelligente susceptible de recueillir notre soutien. En fait, vous proposez là une aggravation de l’impôt des collectivités, en particulier avec la disposition relative aux droits de mutation. Nous sommes très loin des 15 milliards d’euros annoncés ! Pour ce qui concerne le budget de l’État, M. Moscovici évoquait une économie plus modeste d’1,5 milliard, mais il n’y a aucune raison de ne pas tenir compte des investissements d’avenir. Au final, il y a donc bel et bien une augmentation de la dépense.

M. le rapporteur général. Ces propos sont scandaleux !

M. Hervé Mariton. Ce sont les faits !

La dette augmente pour atteindre 95,1 % du PIB et la progression des prélèvements obligatoires se poursuit dans une mesure considérable.

S’agissant des recettes, est-il cohérent et raisonnable de taxer l’EBE, autrement dit l’investissement, à hauteur de 2,5 milliards d’euros alors que l’on prétend mener une stratégie de renforcement de la compétitivité des entreprises ?

Dix pages sont consacrées dans le projet de loi de finances à l’aménagement de la TICPE, mais ce document ne comporte qu’une demi-page d’exposé des motifs sur le sujet et les conséquences de cette mesure ne sont pas évaluées produit par produit. Ce n’est pas convenable ! La TICPE étant fondée sur les émissions de CO2, ce choix infirme l’idée selon laquelle le nucléaire financerait la transition énergétique ; êtes-vous sûr que toutes les composantes de la majorité s’y rallieront ?

Vous avez confirmé que ce budget aggrave de façon considérable la fiscalité des ménages et, en particulier, celle des familles. Le quotient familial est à nouveau remis en cause. Le Gouvernement pourrait-il nous donner une indication claire sur ses choix idéologiques en la matière ? Quand prendra fin la diminution régulière et systématique du quotient familial ? Sa suppression est-elle prévue pour 2015 ? À cela s’ajoute une taxation des avantages familiaux profondément injuste. Nous avons certes compris que, dans le cours de la discussion budgétaire, vous reviendrez sur la suppression des réductions d’impôt accordées à raison des enfants poursuivant leurs études, mais ce sera une bien modeste amélioration d’un texte où vous vous montrez, globalement, ignorants de la réalité économique et où, inconscients de l’ampleur des économies nécessaires, vous persistez dans le matraquage fiscal. Bref, nous sommes ici devant un projet plutôt irresponsable !

M. Charles de Courson. Pourquoi existe-t-il un écart croissant entre le taux de déficit public dit « structurel » et le taux réel ? En 2014, l’écart est de 1,9 point – avec un taux de 3,6 % en réel et de 1,7 % en structurel – mais, en 2013, il était de 1,5 point et, en 2012, de 0,9 point. Je crains que vous ne continuiez à fonder vos calculs sur des taux de croissance potentielle surévalués.

Selon vos propres documents, le déficit effectif de l’État s’élèvera en 2014 à 82 milliards d’euros contre 72 milliards en estimation/réalisation pour 2013. Cependant, vous prétendez qu’il ne s’agit pas d’un déficit supplémentaire de 10 milliards, mais plutôt d’une réduction de ce déficit de 1 à 2 milliards parce qu’il faudrait faire abstraction des 12 milliards du fonds d’intervention des investissements d’avenir. Mais, ces 12 milliards étant composés pour presque un tiers de subventions, la soustraction doit être limitée à 8 milliards. En conséquence, le déficit effectif au sens maastrichtien reste en progression. Envisagez-vous sérieusement que l’analyse de Bruxelles puisse être différente ?

Ce projet de loi de finances est massivement dirigé contre les familles. Selon mes calculs, vous accroissez la pression fiscale qui pèse sur elles de près de 11 milliards d’euros : aux 6 milliards d’euros d’augmentation de la TVA, il faut en effet ajouter 140 millions au titre de la suppression des réductions d’impôt pour frais de scolarité, 960 millions au titre de la suppression des exonérations liées à la prise en charge par l’employeur d’une partie des cotisations de prévoyance complémentaire santé, 1,2 milliard au titre de l’imposition des majorations de retraite pour enfant, 1 milliard au titre de l’abaissement du quotient familial, 1,1 milliard au titre du relèvement des cotisations de retraite versées par les salariés, sans compter l’augmentation, non évaluée, des droits de mutation à titre onéreux, qui pourrait atteindre facilement 700 à 800 millions. Pouvez-vous nous donner des chiffres précis en la matière ? Entendez-vous renoncer, comme cela est annoncé dans la presse, à la suppression du crédit d’impôt pour frais de scolarité des enfants ?

D’autre part, vous inventez un impôt fou : la taxation de 1 % de l’EBE, qui rapportera 2,5 milliards d’euros. Cette somme devait être compensée par la suppression de l’IFA, qui rapportait 500 millions d’euros, et de la C3S. Mais la C3S n’est finalement pas supprimée et l’équilibre que vous invoquiez est remis en cause. Comment cette nouvelle taxe pourrait-elle selon vos propres termes « favoriser la croissance et l’emploi » ?

Quelle est la réalité des 14,8 milliards d’économies que vous annoncez ? Selon vous, elles seraient réalisées pour 2,9 milliards sur l’ONDAM. Or, pour afficher une telle performance, vous vous appuyez sur l’écart entre la progression moyenne de cet objectif entre 2002 et 2011 et l’objectif affiché pour l’année prochaine. Ce n’est pas sérieux ! Il faut comparer d’une année à l’autre. Le même procédé vous permet de parler d’économies au sujet de l’indice de la fonction publique, alors qu’il était gelé lors de l’exercice précédent. Vous vous attribuez aussi en quelque sorte des économies dues aux décisions prises par les partenaires sociaux – 1 milliard sur les retraites complémentaires et 300 millions qui sont d’ailleurs toujours en négociation… Vous prenez également en compte une économie de constatation de 500 millions sur les intérêts de la dette, alors que la plus grande prudence s’imposerait quand on laisse l’État endetté de 82 milliards. J’ajoute que vous avez multiplié les mesures « à un coup » : vous ne pourrez pas décaler deux fois la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre ni les petits hold-up traditionnels suggérés par la direction du budget comme les prélèvements sur les chambres consulaires et sur le Centre national du cinéma…

En définitive, que reste-t-il des 14,8 milliards prétendument économisés ? Moins de 7 milliards d’euros. Nous assistons en fait à une incroyable hausse des dépenses publiques. Je rappelle qu’en 2013, le Gouvernement frise la médaille d’or : les dépenses équivalent à 57,1 % du PIB. L’augmentation est de 0,5 point par rapport à 2012, soit 10 milliards d’euros. Où sont les économies du même montant promises l’année dernière pour 2013 ? Vous nous annoncez maintenant pour 2014 un taux de dépenses de 56,7 %, soit moins 8 milliards par rapport à la croissance du PIB. Qu’en comprendre, sinon que vous faites une présentation erronée et falsifiée des réalités budgétaires ?

Mme Eva Sas. Je note tout d’abord que, hors investissements d’avenir, la mission « Écologie » voit son budget diminuer de 500 millions d’euros, soit de 6,5 %, et qu’elle perd 522 emplois. Comment expliquez-vous que cette mission ne soit pas prioritaire ?

L’évolution de son budget devrait selon vous être analysée en tenant compte de l’écotaxe poids lourds. Or, la création de cette dernière a été reportée et nous disposons pour toute information de votre affirmation selon laquelle « [s]a mise en place (…) et l’augmentation de la redevance domaniale permettent d’investir durablement dans les infrastructures de transport ». Quelles seraient les recettes prévisionnelles de cette écotaxe ? Quels moyens seront consentis en 2014 à l’Agence de financement des infrastructures de transport – AFITF ?

Je m’étonne aussi de ne pas retrouver dans ce projet de loi de finances certaines des mesures précédemment annoncées. Qu’en est-il du maintien du budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – promis par le ministre de l’Écologie lors des journées d’été d’Europe Écologie Les Verts, de la baisse de la TVA applicable aux travaux de rénovation thermique, de l’augmentation de la TVA sur les engrais et de la contribution du parc nucléaire français à la transition énergétique ?

Nous nous réjouissons de l’instauration d’une contribution climat-énergie sous forme de l’intégration d’une assiette carbone dans la TICPE, mesure ambitieuse qui va même au-delà des préconisations du comité présidé par Christian de Perthuis. Les écologistes souhaitent cependant que cette mesure fasse l’objet – en particulier à partir de 2015, car le prélèvement s’élèvera alors à 2,5 milliards d’euros – d’une compensation à destination des ménages les plus modestes et des ménages du monde rural, afin d’éviter qu’ils ne soient pénalisés. Sachant, par ailleurs, que la transition écologique ne sera réellement engagée qu’à ces conditions, nous insistons sur la nécessité de baisser la TVA sur les transports collectifs, au lieu de la porter de 7 à 10 % comme il est prévu aujourd’hui, et de dégager de nouvelles ressources afin de développer ces transports dans toute la France – nous proposerons pour ce faire la création d’un versement transport additionnel destiné aux régions.

L’augmentation de la TVA prévue dans le budget pour 2014 pèsera sur tous les ménages : cela apparaît d’autant moins acceptable que les entreprises bénéficient d’effets d’aubaine décrits par la Cour des comptes mais auxquels le Gouvernement ne s’attaque pas : le crédit d’impôt recherche est ainsi utilisé par certaines comme un outil d’optimisation fiscale, permettant aux groupes du CAC 40 de capter un milliard d’euros !

M. Thierry Robert. Lors d’une récente rencontre avec les élus d’outre-mer, dont je fais partie, M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, a affirmé que la défiscalisation dont bénéficient nos territoires serait maintenue dans le projet de loi de finances pour 2014 et que le budget de son ministère bénéficierait d’une légère hausse. Dans la majorité comme dans l’opposition, certains députés s’opposent à cette défiscalisation qu’ils considèrent comme une niche fiscale ; quelle est la position du Gouvernement à cet égard ?

M. Nicolas Sansu. Ce débat est un peu surréaliste ! La France compte plus de trois millions de chômeurs, l’industrie nationale dépérit depuis plus de trente ans, les inégalités s’accroissent, il y a toujours plus de pauvres, et nous nous demandons comment trouver 800 millions par-ci, 26 millions par-là. Je suis très surpris.

Le Président de la République a été élu en mai 2012 avec toutes les voix de la gauche, y compris de celle qui voulait une véritable rupture avec la politique des années passées. Or, la toute-puissance des marchés financiers se lit clairement dans ce projet de loi de finances. L’obsession de la compétitivité n’a jamais été si grande que, ce matin, dans cette salle. Nous assistons à la conversion assumée du Gouvernement et du Président de la République à la politique de l’offre réclamée à cor et à cri par le patronat. Je ne comprends d’ailleurs pas que l’UMP critique tant un projet qui consacre au CICE 20 milliards, soit dix fois le coût des 60 000 postes promis dans l’éducation nationale !

Aucune question n’est posée ; aucune discussion n’a lieu sur le bien-fondé de ce choix et sur ce qui pénalise notre pays et le continent européen. Est-ce vraiment le coût du travail ? Ne serait-ce pas plutôt celui du capital ? Rappelons que le coût salarial unitaire pondéré de la productivité a baissé de 0,5 % par an depuis quinze ans en France sans aucune répercussion sur l’emploi. Faut-il continuer dans cette voie ? En revanche, alors que les salaires ont augmenté de 81 % en vingt ans, les dividendes ont progressé de 365 %. Cette « vampirisation » des richesses par la sphère financière tue notre économie. Les dépenses de recherche et développement représentaient 44 % des dividendes versés en 1992 ; en 2008, la proportion n’est plus que de 25 %. Ce qui est récupéré par certains doit bien être pris à d’autres ; nos concitoyens en prennent conscience aujourd’hui en découvrant leur avis d’imposition dans leur boîte aux lettres. Les ménages sont mis à contribution par le gel du barème adopté par la droite : un million de foyers non imposés sur le revenu le sont désormais, et cessent de ce fait d’être exonérés de la taxe d’habitation. Tous sont frappés par les hausses de TVA, l’impôt le plus injuste qui soit.

Messieurs les ministres, pouviez-vous faire un autre choix que celui de ce budget d’austérité ? Les députés du Front de gauche pensent que oui. Où est la réforme fiscale attendue ? Il faut rendre l’impôt plus simple et plus progressif. Le montant des niches fiscales et sociales s’élève à 200 milliards d’euros et on nous parle de déficit des comptes publics ! C’est un maquis qui devrait être débroussaillé. Il faut aussi modifier le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail et en défaveur du capital. Cela passe par une modulation de l’impôt sur les sociétés de manière à favoriser l’emploi, l’innovation et l’investissement, et non la rémunération de la rente. Où est d’autre part la relance promise de l’investissement public ? Les 12 milliards d’investissements d’avenir ne pèsent pas lourd rapportés au PIB : à peine 0,6 %, ce qui n’est manifestement pas à la hauteur des enjeux.

La France est un grand pays quand il se rassemble, avez-vous dit, monsieur le ministre. Nous avons besoin d’un nouveau pacte de développement. Nous devons revenir aux fondamentaux défendus en 2012 par tous les candidats de la gauche, notamment par l’actuel Président de la République. Peut-être suis-je le seul à y avoir cru mais, pour ma part, je pense vraiment que l’ennemi, c’est la finance. La répartition actuelle des richesses en France est néfaste à l’emploi, au pouvoir d’achat et au pays lui-même.

M. le ministre de l’Économie et des finances. Monsieur le président Carrez, je vous confirme la quasi-stabilisation des prélèvements obligatoires, toutes mesures confondues, y compris celles déjà votées comme la création du CICE et le relèvement de la TVA. La décélération est manifeste par rapport aux années précédentes ; elle se poursuivra. Elle résulte d’un choix politique effectué par le Gouvernement.

Le constat vaut aussi pour les entreprises, hors CICE. Les mesures exposées par M. Bernard Cazeneuve ont été élaborées en concertation avec toutes les organisations patronales qui, sans les approuver toutes, ont reconnu la qualité du dialogue engagé. Celui-ci ne s’arrêtera pas, pas plus que nous ne toucherons au CICE. À Vierzon, il y a peu, au conseil général, lors d’une rencontre avec des entrepreneurs à laquelle vous assistiez, monsieur Sansu, j’ai entendu ces derniers donner un avis positif sur ce dispositif qu’ils souhaitaient voir développer. Il faut donc le conserver, d’autant que c’est maintenant qu’il doit produire son plein effet. Et il est faux, monsieur le président Carrez, d’affirmer que ce crédit d’impôt ne profite pas à l’industrie…

M. le président Gilles Carrez. Elle en profite moins que les autres secteurs !

M. le ministre. La mesure a été « ciblée » pour avoir un effet favorable à la fois à l’emploi et à la compétitivité.

À l’égard des ménages, notre préoccupation de justice est constante et nous a conduits à revenir sur la hausse généralisée de TVA précédemment prévue.

Les entreprises font toutefois l’objet de mesures nouvelles. La nouvelle contribution de 1 % assise sur l’EBE – soit la valeur ajoutée, déduction faite des salaires et des impôts – constitue une réforme structurelle qui a vocation à s’étendre. À la différence de l’IFA et de la C3S, qui souffre du même biais et à laquelle nous n’ajoutons donc pas, l’EBE reflète en effet le résultat des entreprises. Celles qui ont les taux de marge les plus élevés seront le plus fortement sollicitées ; les autres seront ménagées. En tout état de cause, cette assiette est beaucoup plus favorable à l’industrie que celles qui prennent en compte le chiffre d’affaires et reviennent à taxer les matières premières et les salaires. Cette mesure devrait permettre d’amorcer une baisse significative de la fiscalité sur le chiffre d’affaires, qui ne tient pas compte des réalités économiques.

Combien d’entreprises y gagneront et combien y perdront, avez-vous demandé, monsieur le rapporteur général. Nous estimons que 8 000 grandes entreprises seront redevables de cette nouvelle contribution tandis qu’y échapperont 18 000 PME et ETI alors même qu’elles cesseront de payer l’IFA – celles-ci seront donc pleinement gagnantes.

Je ne reprends pas ici toutes les mesures prises en matière de fiscalité des entreprises ; je n’évoquerai ni les gagnants du CICE – qui bénéficie à l’ensemble des entreprises qui ont des salariés, avec un seuil à 2,5 SMIC, soit 80 % des salariés – ni les gagnants de la baisse de la fiscalité sur le chiffre d’affaires que nous entendons mener dans les prochaines années. Mais, vous le voyez, progressivement, nous adaptons nettement la fiscalité des entreprises – au bénéfice de l’emploi. De ce point de vue, je suis toujours mal à l’aise lorsque j’entends opposer fiscalité des entreprises et fiscalité des ménages : en définitive, la principale source de pouvoir d’achat, c’est l’emploi ! Lorsque nous prenons des mesures en faveur des entreprises, c’est pour qu’elles investissent et qu’elles embauchent.

Monsieur le président, non, notre scénario macro-économique n’est en rien biaisé. L’amélioration du pouvoir d’achat que nous prévoyons pour 2014 s’explique principalement par la hausse attendue des revenus d’activité et par la modération de l’inflation, en dépit de la réforme de la TVA, grâce au CICE. L’évolution de la fiscalité directe sur les ménages contribue certes, vous avez raison, à réduire le pouvoir d’achat agrégé ; vous reconnaîtrez toutefois que ces prélèvements ne sont pas répartis de façon uniforme : ils contribuent à renforcer la justice sociale et les deux premiers éléments que j’ai cités l’emportent sur celui-ci. Notre prévision d’une hausse de 0,8 % du pouvoir d’achat en 2014, s’ajoutant à celle de 0,3 % enregistrée en 2013, me paraît donc tout à fait réaliste.

Le rapporteur général m’a interrogé sur le dérapage du déficit observé en 2013, malgré une prévision de croissance inchangée par rapport au programme de stabilité. À ce propos d’ailleurs, monsieur le président, je relève dans votre propos une petite erreur de méthode : plutôt qu’avec le déficit voté en loi de finances initiale alors que la zone euro entrait en récession, notre prévision de 4,1 % doit être comparée avec celle qui figure dans le programme de stabilité, c’est-à-dire 3,7 %, ce d’autant que le débat sur ces matières a beaucoup évolué en un an. Mais, pour répondre à la question du rapporteur général, je dirai que l’écart s’explique essentiellement – pour les trois quarts – par des moins-values de recettes fiscales au cours du premier semestre : la faible inflation a des conséquences sur la TVA et l’impôt sur les sociétés réagit fortement lors des phases de ralentissement économique.

S’agissant des prélèvements sur les ménages, je trouve paradoxal que ceux-là même qui avaient voté un taux de TVA à 21,2 % viennent nous reprendre ! Il n’est nul besoin d’un grand effort d’imagination pour comprendre quels auraient été les effets sur les ménages d’une telle hausse.

La dette publique s’est établie en 2012 à 90,2 % du PIB, après une augmentation de 4,4 points ; en 2013 et 2014, ce ratio continue à augmenter, mais à un rythme qui se ralentit progressivement : il atteindra 93,4 % en 2013 et 95,1 % en 2014, la progression tombant à 3,2 points, puis à 1,7 point. Cette évolution s’explique par le niveau de déficit nominal, qui demeure incontestablement élevé, et par la faiblesse de la croissance, qui joue sur le dénominateur. Mais la poursuite de nos efforts permettra de ramener le déficit en deçà de 3 % et, en 2015, la courbe de la dette devrait s’inverser. Nous ferons évidemment preuve de transparence et de vigilance sur ces questions importantes. Je souligne également que le soutien financier aux États de la zone euro pèse sur ce ratio ; si on l’exclut du calcul, le poids de la dette rapporté au PIB descend à 90,4 % pour 2013 et à 91,8 % pour 2014.

Enfin, monsieur le rapporteur général, ce budget reflète, et je voudrais que chacun en convienne, des efforts considérables en faveur de la transition énergétique, qui bénéficie d’une réelle priorité. Je n’hésite pas à dire qu’il comporte des mesures de portée historique, notamment avec la contribution énergie-climat, c’est-à-dire avec l’introduction d’une composante carbone dans notre fiscalité, à la suite des travaux du comité présidé par M. de Perthuis. Le programme d’investissements d’avenir est d’ailleurs axé sur la transition écologique. De ce point de vue, ce budget est plus qu’irréprochable : il est remarquable !

Monsieur Lefebvre, la trajectoire pluriannuelle a été très légèrement ajustée depuis le programme de stabilité, pour tenir compte des effets de la moindre croissance mais aussi pour tirer les bénéfices des nouvelles recommandations de la Commission européenne. Il ne faut surtout pas pénaliser la croissance ! Certains, à droite, nous demandaient un collectif budgétaire : nous n’en avons pas fait, refusant comme je l’ai dit d’ajouter l’austérité à la stagnation, et nous avons eu raison comme l’a montré notre niveau de croissance par la suite. Nous nous sommes engagés à maintenir une trajectoire pluriannuelle de réduction du déficit structurel qui est connue : c’est cohérent avec nos objectifs – stabilisation des prélèvements obligatoires et économies sur les dépenses publiques – et se fait au service de nos priorités qui sont la croissance et l’emploi.

Monsieur Mariton, l’écart que vous soulignez avec le niveau de solde structurel prévu par la loi de programmation des finances publiques est dû, d’une part, à la révision des comptes nationaux par l’INSEE pour l’année 2011 et, d’autre part, à la sur-réaction des recettes fiscales à une conjoncture défavorable. Nous avons abondamment débattu de ces points avec le Haut Conseil des finances publiques, qui reconnaît ces facteurs. Nous avons fait le choix de ne pas prendre de mesures additionnelles pour combler cet écart, mais nous avons renforcé l’effort en 2014 par rapport à ce qui était inscrit dans la loi de programmation des finances publiques. L’écart se résorbe donc progressivement : de 1 point en 2013, il ne sera plus que de 0,6 point l’an prochain. Cette convergence continuera.

Pour ce qui est du Haut Conseil, je retiens d’abord l’existence de cette autorité indépendante exigée par les traités. Je retiens ensuite qu’il travaille avec notre ministère dans des conditions satisfaisantes et reconnaît la qualité des échanges, même s’il souhaite quelques améliorations, dont nous sommes naturellement disposés à débattre. Je retiens enfin et surtout qu’il juge le scénario macro-économique que nous présentons « plausible » et conforme au consensus des principales organisations internationales. Évidemment, la prévision économique n’est pas une science exacte – le Haut Conseil lui-même en a fait l’expérience l’an dernier puisqu’il avait jugé très peu probable une croissance positive en 2013. Les aléas existent, mais les derniers indicateurs me rendent plutôt optimiste.

S’agissant des lois de programmation, je voudrais seulement souligner que, quels que soient les ajustements que nous pouvons être amenés à faire par rapport à la loi de programmation des finances publiques, il s’est passé quelque chose depuis l’adoption de celle-ci, qui est d’une grande importance politique, mais aussi technique et juridique : c’est la recommandation de la Commission européenne, qui nous a donné deux années supplémentaires et sur laquelle nous nous calons. Il faut la prendre en considération.

Nous respectons donc l’avis du Haut Conseil et poursuivons notre dialogue, parfois de façon critique, avec cette institution.

M. le ministre délégué chargé du Budget. Je voudrais relever certaines inexactitudes dans les propos tenus par MM. Mariton et de Courson, ainsi que par le président Carrez, à propos de notre calcul des économies réalisées. Je vois poindre un raisonnement nouveau : une économie par rapport à une trajectoire tendancielle ne serait pas une économie. Or, je veux rappeler que la totalité des discussions nouées avec la Commission européenne sur les économies réalisées par les États dans le cadre du semestre européen reposent sur un raisonnement par rapport au tendanciel de l’évolution des dépenses.

Je veux d’ailleurs reprendre ici un compte rendu d’une réunion de la commission des finances du Sénat en date du 11 avril 2012. Mme Pécresse, ministre du Budget, y parlait d’un « effort en dépenses de 75 milliards ». « Pour ce qui reste à trouver », disait-elle, « nous fixons une norme, qui nous lie et, j’y insiste, que nous ne ferons pas varier selon la conjoncture : 0,4 % de croissance des dépenses publiques en volume ». Mme Bricq, rapporteure générale du budget, formulait alors exactement la même critique que celle que nous venons d’entendre, et voici la réponse de Mme Pécresse : « En 2012, pour l’ONDAM, nous avions un tendanciel de 4,4 % que nous faisons passer à 2,5 %, ce qui correspond à deux points de moins. Pour le budget de l’État, nous avons les mêmes hypothèses que vous : 2 %, que nous faisons passer à 0,4 %. » Ce raisonnement est-il suspect lorsque nous l’employons, alors qu’il constituait la forme chimiquement pure de l’honnêteté intellectuelle lorsque vous l’utilisiez ?

Mme Valérie Pécresse. Vous déformez mes propos ! Cette présentation est fallacieuse, je n’ai pas dit que nous diminuions les dépenses !

M. le ministre délégué. En général, quand Mme Pécresse s’énerve, c’est que l’argument est d’une grande force…

Mme Valérie Pécresse. C’est de la malhonnêteté !

M. le ministre délégué. Vocifération n’est pas raison !

M. Hervé Mariton. Oh ! Ces propos ne sont pas convenables !

M. le ministre délégué. La malhonnêteté est de votre côté et je ne puis accepter de ne pas pouvoir répondre sans être interrompu. Monsieur Mariton, je n’ai aucune raison de me laisser agresser de la sorte.

Le raisonnement tenu par MM. Mariton et de Courson n’est pas exact : l’ensemble des économies réalisées par le précédent gouvernement ont été calculées par rapport à un tendanciel ; c’était également le cas des 75 milliards d’économies que vous entendiez réaliser entre 2012 et 2016 et que vous aviez présentés dans le cadre du programme de stabilité. L’ensemble des normes utilisées par la Commission européenne pour mesurer l’effort structurel des États membres se réfèrent de même au tendanciel.

Cependant, il est faux d’affirmer, comme vous le faites, que les économies que nous proposons se limitent à compenser l’augmentation tendancielle des dépenses de l’État. Nous faisons plus que cela : elles se monteront à 9 milliards d’euros alors que cette augmentation est de 7,5 milliards d’euros, soit comme nous l’avons dit une économie nette de 1,5 milliard. Par souci d’honnêteté intellectuelle et de rigueur, je souhaiterais, messieurs Mariton et de Courson, madame Pécresse, que les règles et les raisonnements qui s’appliquaient hier continuent à prévaloir aujourd’hui. Il n’est pas convenable, sous prétexte d’être dans l’opposition, de changer des règles qui convenaient à la majorité d’hier.

Vous ne pouvez pas nier, monsieur le président Carrez, qu’entre 2002 et 2012 les dépenses publiques ont augmenté de plus de 2 %. En 2012, elles ont crû de 0,9 %. Le budget que nous présentons prévoit pour 2014 une augmentation de 0,4 %. Autrement dit, en dix-huit mois, nous avons divisé par quatre le rythme auquel croît la dépense publique.

D’autre part, au cours du précédent quinquennat, la moyenne des déficits nominaux était de 5 % du PIB. De 5,3 % en 2011, ce déficit nominal est passé à 4,8 % en 2012 et tombera à 4,1 % en 2013 et à 3,6 % en 2014. Lorsqu’on a creusé de 2 points le déficit structurel entre 2007 et 2012 et que la moyenne des déficits nominaux pour la même période n’a jamais été au-dessous de 5 %, il est audacieux de s’indigner aujourd’hui que les déficits diminuent moins vite qu’ils n’ont augmenté lorsque vous étiez aux responsabilités !

Je veux répondre avec la plus grande précision et la plus grande rigueur à la campagne qui est actuellement menée sur l’impact des mesures fiscales prises au cours des derniers mois, et qui inspire certaines questions posées. Cette campagne tend à faire accroire que les impôts ont commencé à augmenter en 2012 et que cette hausse a conduit à une entrée massive des Français dans l’impôt depuis cette date. Je dirai les choses telles qu’elles sont, avec le souci de la vérité et non de la politique. Le volume des prélèvements obligatoires était en 2011 de 20 milliards d’euros et en 2012 de 21 milliards, vous en convenez sans doute. Le montant de ceux dont nous sommes responsables, sur un semestre de 2012 et sur 2013, s’élève à 30 milliards d’euros. Nous sommes par conséquent à égalité. Vous ne pouvez donc, à la suite de certains journaux, incriminer une politique fiscale qui aurait subitement commencé en 2012, comme si auparavant aucun impôt n’avait jamais été décidé. Quant au nombre de foyers fiscaux entrés dans l’impôt, il était de 2,2 millions en 2008 et en 2009, de 3,3 millions en 2010, de 3,1 millions en 2011, de 2,9 millions en 2012 et il sera de 2,6 millions cette année – soit 300 000 de moins qu’en 2012.

M. le président Gilles Carrez. Ces chiffres n’ont strictement aucun intérêt.

Mme Valérie Pécresse. Ces chiffres ne veulent rien dire. Tout dépend de l’évolution des salaires.

M. le ministre délégué. Vous m’avez posé une question précise, à savoir quel était le nombre de Français entrés dans l’impôt chaque année : je vous donne ces chiffres. Vous auriez dû vous abstenir de les demander si vous considérez qu’ils n’ont aucune signification. Je me serais volontiers dispensé de cette énumération.

Nous savons qu’en 2013, 92 % de ces entrées dans l’impôt sont dues à une augmentation du revenu des intéressés. Pour ce qui est des 8 % restants, j’ai demandé aux services du ministère de procéder à des investigations complémentaires pour déterminer si cette entrée dans l’impôt résultait d’une modification de la situation personnelle des intéressés ou de la remise en cause de niches fiscales.

M. le président Gilles Carrez. C’est la question que nous nous posions.

M. le ministre délégué. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas eu d’entrée massive de Français dans l’impôt en 2013 et leur nombre est même notablement moins élevé, je le répète, qu’en 2012. Les investigations complémentaires que j’ai demandées permettront à la commission des Finances de disposer, en toute transparence, de l’ensemble des éléments qu’elle est en droit d’attendre du Gouvernement.

Certains orateurs ont affirmé que les dépenses augmenteraient entre 2013 et 2014. Si l’on neutralise l’effet du programme d’investissements d’avenir, comme vous l’avez vous-mêmes fait lorsque vous étiez au pouvoir, on constate qu’elles s’établissaient à 375 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2013 et qu’elles se monteront à 368 milliards en 2014. Les chiffres qui ont été donnés ne sont donc pas exacts.

Monsieur Mariton, il est également faux de dire que nous ne tenons pas compte des effectifs des universités pour déterminer la masse salariale et l’évolution des effectifs de l’État.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas parlé de masse salariale. Soyez rigoureux !

M. le ministre délégué. Je vous réponds rigoureusement, monsieur Mariton, en vous livrant des chiffres précis. Les effectifs globaux des agents de l’État, universités comprises, diminuent de 2 144 unités. Si l’on prend en compte les 2 000 postes créés à Pôle Emploi et les 1 229 postes supprimés chez les autres opérateurs, cette diminution porte sur 1 373 emplois. Je réponds par là même à la préoccupation exprimée par le rapporteur général quant à notre capacité à maîtriser les effectifs et la masse salariale.

Monsieur Robert, vous avez raison de souligner que les régimes de défiscalisation outre-mer ont été critiqués. Leur principal défaut est de coûter plus aux finances publiques qu’ils ne rapportent aux économies d’outre-mer. Afin d’y remédier, nous proposons une réforme, définie en lien avec M. Victorin Lurel, introduisant, de manière progressive et à titre expérimental, de nouveaux outils de soutien en prise directe avec les économies locales. Les outils existants, qui sont maintenus pour ne pas déstabiliser ces économies, sont néanmoins améliorés, notamment grâce à l’introduction d’un mécanisme de pilotage de la dépense fiscale en faveur du logement social. En tout état de cause, le Gouvernement est déterminé à maintenir un soutien fiscal aux économies d’outre-mer.

Enfin, madame Sas, la hausse du taux de TVA sur les engrais annoncée par le Premier ministre lors de la conférence environnementale sera introduite par voie d’amendement, de même que l’application du taux réduit de TVA aux travaux de rénovation thermique.

M. Guillaume Bachelay. Parce que la mémoire peut servir le débat, je rappelle que les entrepreneurs comme maints intervenants dans nos débats budgétaires ont souvent souligné par le passé le caractère inefficace et inéquitable de l’IFA, qui tient à deux raisons : d’une part, cette imposition pèse sur le travail et sur les matières premières et, d’autre part, elle est d’autant plus lourde que le chiffre d’affaires est faible. J’imagine que ce sont ces raisons qui avaient conduit la majorité précédente à annoncer la suppression de l’IFA en 2007, avant de repousser cette réforme pour les PME en 2011 et de finir par la reporter à 2014. Je me réjouis qu’une décision plus favorable soit prise aujourd’hui, au bénéfice des PME et des ETI !

M. Éric Woerth. L’utilisation du tendanciel ayant été très contestée, y compris par vous, il conviendrait de préciser en toute transparence la façon dont il est calculé. Je doute qu’on l’ait fait devant le Haut Conseil des finances publiques. Ne pas augmenter le point d’indice de la rémunération des fonctionnaires, par exemple, ou ralentir l’exécution de la loi de programmation militaire, ne constitue pas une économie : ce sont là des choix politiques.

Je constate d’autre part que le déficit public que vous affichez aujourd'hui est à peu près le même que celui que vous affichiez l’année dernière. Cet immobilisme ne laisse pas de m’inquiéter pour l’année prochaine ! Et vous ne pouvez plus invoquer la crise et la récession passées : même si vous persistez à le nier, c’est nous qui avons eu à les affronter. Vous n’êtes pas aux prises, comme nous l’étions, avec un trou d’air majeur, mais seulement avec une atonie de l’économie.

Abstraction faite du tendanciel, les dépenses se stabilisent un peu. Je ne conteste pas l’effort de 1,5 milliard d’euros, même si l’on n’y inclut pas le programme d’investissements d’avenir – mais je me souviens que vous nous aviez reproché d’en faire abstraction, ce qui devrait vous amener soit à reconnaître que vous n’aviez pas raison à l’époque, soit à considérer que vous avez tort aujourd’hui et que notre pratique était plus vertueuse que vous ne le disiez !

En matière de dépenses sociales, le tableau des économies que vous nous soumettez est extraordinairement flou. Comment arrive-t-on, par exemple, au montant de 1,9 milliard d’euros d’économies sur les retraites ?

J’admire M. Pierre Moscovici qui annonçait à la télévision, la semaine dernière, 50 millions d’euros d’économies sur le budget de son ministère, et hier 120 millions. Mais je note qu’il a mentionné à ce propos les dépenses d’investissement en baissant la voix alors qu’il avait cité très clairement les dépenses de fonctionnement… Quoi qu’il en soit, ces sommes sont plutôt dérisoires au regard des enjeux, et elles ne sont nullement stabilisées. Il s’agit bien, contrairement à ce que soutient le rapporteur général, d’un rabot. Faire une liste d’économies est un effort louable, mais il faudrait dans ce cas en produire une liste complète – comme c’est le cas pour la liste des taxes – et non quelques exemples. De même, le Président de la République devrait bien dresser la liste des économies qui résulteraient des réformes structurelles réclamées instamment par l’Europe, sachant que ces réformes sont la condition du délai que nous avons obtenu pour le retour aux 3 % de déficit.

M. Thierry Mandon. Que représente, en termes budgétaires et en année pleine, la réforme bienvenue du régime des plus-values de cession ? Il est heureux, soit dit en passant, que le dispositif précédemment voté ne soit pas appliqué.

M. le président Gilles Carrez. Certes, mais j’aurais préféré qu’un collectif le permette !

M. Thierry Mandon. Le ministre pourrait-il aussi apporter des précisions quant à la nature de la concertation relative à l’évolution de la fiscalité des entreprises ? Cette concertation se poursuit-elle, comme j’ai cru le déduire de son propos ?

Mme Valérie Pécresse. Si je me suis emportée tout à l’heure contre M. Cazeneuve, c’est parce qu’il a semblé mettre en cause mon intégrité en tant que ministre chargée du Budget. Nous avons toujours raisonné par rapport à un tendanciel de dépense mais, pour ce qui nous concerne, nous reconnaissions une augmentation de 0,4 % de la dépense en volume. La baisse de 1,5 milliard d’euros que vous annoncez, monsieur le ministre délégué, est calculée par rapport au tendanciel. Alors dites-le, et ne nous faites pas croire qu’il y a 15 milliards de baisse des dépenses ! Si vous parlez comme je parlais à l’époque, notre Commission retrouvera calme et harmonie !

Mais je voudrais aussi évoquer des sujets absents de votre présentation. Confirmez-vous, monsieur le ministre de l’Économie et des finances, que la dette de la France continuera de croître jusqu’en 2017, atteignant à cette date à peu près 100 % du PIB ? Où situez-vous un éventuel point de retournement de la courbe ? Bizarrement, vos documents n’en font pas mention.

En outre, ne craignez-vous pas qu’un scénario de croissance faible, sans création d’emplois marchands, ne compromette toutes vos prévisions de retour à l’équilibre des finances sociales ? Je trouve très optimistes les baisses de dépenses d’assurance maladie que vous avancez, notamment les 500 millions d’euros d’économies de gestion sur les caisses de sécurité sociale. Je vois mal comment cela est possible sans réformes structurelles.

Je m’interroge aussi sur les transferts de dépenses de l’État, qui font douter de la réalité de la baisse de 1,5 milliard. D’abord sur les transferts vers le programme des investissements d’avenir : les dépenses de recherche, qu’il s’agisse de l’Agence nationale de la recherche ou encore de l’immobilier, dépenses récurrentes, seraient rangées sous la rubrique de la dépense « non maastrichtienne ». Ensuite sur les transferts vers la fiscalité locale. La baisse de 3 % des dépenses de fonctionnement de l’enseignement scolaire est-elle liée à la réforme des rythmes scolaires et à la hausse de 3 % des budgets locaux qui en résultera ? Vous annoncez également la création de 100 000 places supplémentaires en crèche, mais l’on sait que le coût en est supporté à 50 % par les communes. Parallèlement, vous procédez à une hausse des droits de mutation à titre onéreux au bénéfice des départements. Au total, la baisse des dépenses de l’État ne masque-t-elle pas un simple transfert de charges organisé à travers la fiscalité locale ? Dès lors, les impôts locaux ne vont-ils pas augmenter ?

Enfin, est-il logique qu’un budget censé donner la priorité à l’emploi supprime la prime d’apprentissage pour les entreprises de plus de dix salariés alors que celles-ci accueillent 50 % des apprentis et que M. Louis Gallois s’est inquiété ici même de la très forte baisse du nombre de ces apprentis depuis un an ?

Mme Karine Berger. Le taux de prélèvements obligatoires passera en 2014 de 46,5 % à 46,1 %: il sera donc moins élevé, dans ce budget que nous assumons, que ce que prévoyait le programme de stabilité.

Je relève que le produit prévu de l’impôt sur les sociétés chutera, de 53,5 milliards d’euros à 36,2 milliards, ce qui est considérable. J’entends bien que le CICE pèse pour 13 milliards dans cette évolution, mais qu’en est-il des presque 5 milliards restants, étant entendu que les mesures très louables de lutte contre la fraude fiscale que prévoit ce projet peuvent aussi y contribuer ? En tout cas, contrairement à ce qu’affirmait hier en « une » un grand quotidien du soir, il y a bien une évolution à la baisse de la fiscalité sur les entreprises.

S’agissant enfin du produit de la TVA, je me demande comment on passe de 141 milliards en 2013 à 139 milliards en 2014, alors que l’on prévoit plus d’inflation, plus de consommation et un taux un peu plus élevé.

M. Régis Juanico. Le budget pour 2014 poursuit deux objectifs politiques et économiques : conforter les perspectives de reprise de la croissance et inverser la courbe du chômage. Au-delà des efforts faits en faveur du budget du travail et de l’emploi, en augmentation de 4 milliards – soit d’un milliard de plus que ne le prévoyait la programmation triennale –, dont 1,7 milliard pour l’emploi des jeunes, la montée en puissance de différents dispositifs confortera la croissance et créera des emplois. C’est le cas du CICE et du programme d’investissements d’avenir, mais aussi des mesures de soutien au pouvoir d’achat, comme l’application du taux réduit de TVA à la rénovation et à la construction de logements sociaux ou encore aux travaux de rénovation thermique.

Concernant le gel du barème de l’impôt sur le revenu, les chiffres livrés par M. Cazeneuve sont éclairants. Le mécanisme de décote que nous avions mis au point l’an dernier n’a peut-être pas fonctionné aussi bien que nous le souhaitions, mais il a fonctionné puisque 300 000 foyers fiscaux environ ne sont pas entrés dans l’impôt sur le revenu. J’aimerais, à cet égard, que le Gouvernement confirme que la mesure de pouvoir d’achat consistant à rendre un milliard d’euros aux ménages en 2014 via la levée du gel et le mécanisme de décote se traduira bien par une diminution de l’impôt sur le revenu pour 7 millions de foyers, tandis que 200 000 autres deviendront non imposés et 138 000 non imposables.

M. Éric Alauzet. Je m’associe aux collègues qui ne souhaitent pas remettre en cause la réduction d’impôt pour enfant scolarisé. Malgré notre volonté d’organiser le redressement des comptes dans la justice, les mesures que nous avons prises l’année dernière ont eu quelques effets aux marges qui ont touché les classes moyennes – ce fut par exemple le cas de la nécessaire refiscalisation des heures supplémentaires et du maintien du gel du barème. Ce serait un mauvais signal de toucher à cette réduction. S’il fallait la compenser, mieux vaudrait regarder du côté du quotient familial.

D’autre part, je souscris à la volonté commune de soutenir les entreprises, mais à la condition que ceux qui tirent des profits importants de l’activité économique, sous forme de salaires très élevés ou de revenus des capitaux, contribuent à la hauteur de ce qui est nécessaire. De ce point de vue, je crois qu’il nous faudrait retravailler sur la progressivité de l’impôt sur le revenu.

Concernant la transition écologique, nous devons trouver un système de compensation qui évite d’exclure certains secteurs de la taxe carbone, de manière, là aussi, à ne pas envoyer un mauvais signal. Il faut que chacun, partout, paie le vrai prix du carbone, quitte à trouver d’autres moyens pour soutenir les secteurs économiques qui pourraient être mis en difficulté.

M. Laurent Grandguillaume. L’année 2014 sera aussi celle de la montée en puissance de la BPI, dont le Parlement a élargi le champ d’intervention aux très petites entreprises. Ces TPE représentant plus de 90 % des entreprises, il est essentiel que la BPI s’y intéresse davantage.

Dans le cadre de la réforme du PEA en vue de financer les PME – au sens communautaire –, il me paraît pertinent de s’interroger sur une éventuelle intégration des entreprises de taille intermédiaire au projet. On pourrait, dans le même esprit, suggérer l’extension à ces mêmes ETI de la disposition en faveur de l’amortissement accéléré des robots acquis par les PME.

Enfin, la taxe sur l’EBE me semble marquer une évolution intelligente, dans la mesure où elle aura moins d’impact que l’IFA sur la masse salariale. Au rebours de l’opposition, qui avait fait l’erreur de réintégrer dans la cotisation sur la valeur ajoutée
– CVAE – la part « salaires » de l’ancienne taxe professionnelle, le Gouvernement choisit une logique qui va dans le bon sens et qui renforce la compétitivité de nos entreprises.

M. Olivier Faure. Pour ma part, je comprends que toutes les économies prévues dans ce budget ne soient pas « documentées ». Il arrive en effet que trop de précision nuise : de la même façon que l’on trouve « un chien derrière chaque niche », il y aura toujours quelqu’un pour se battre contre telle ou telle économie.

Messieurs les ministres, vous avez tous deux été titulaires du portefeuille des affaires européennes, je ne doute donc pas que vous mesuriez l’enjeu que constitue l’élection européenne. À l’approche d’un scrutin décisif, traditionnellement caractérisé par un taux de participation remarquablement faible, la suppression de la dépense de 28 millions d’euros consacrée au document distribué à nos concitoyens ne me semble guère pertinente. J’espère qu’il sera possible de revenir sur cette décision afin de ne pas laisser penser que la prochaine échéance électorale européenne serait secondaire.

M. Gaby Charroux. Messieurs les ministres, quelles garanties pouvez-vous apporter concernant le fonctionnement et les moyens du service public, local et national ? Je pense en particulier au service des douanes, extrêmement utile pour lutter efficacement contre la fraude fiscale. Les compressions d’effectifs résultant de la révision générale des politiques publiques se poursuivent et, sur le terrain, l’émotion est vive.

M. Pascal Terrasse. Ce budget vise à rendre à notre pays la compétitivité qu’il a perdue. Alors qu’en Allemagne, 24 % des actifs travaillent dans l’industrie, ils ne sont que 12 % dans ce cas en France. En la matière, notre pays fait moins bien que l’Italie, que l’Espagne ou même que la Grande-Bretagne qui s’est pourtant orientée vers les emplois de service. Nous devons nous réindustrialiser !

Monsieur Cazeneuve, pouvez-vous nous donner des détails sur les mesures relatives aux plus-values de cession pour les terrains à bâtir, destinées à créer le choc de d’offre que vous avez évoqué ?

Des travaux menés depuis de nombreuses années par des parlementaires de toutes tendances politiques évaluent l’évasion fiscale à environ 60 milliards d’euros. Une partie de ce montant pourra-t-elle être rapatriée en 2014, grâce à une action menée dans le cadre communautaire ? La semaine dernière, la Commission européenne a sacré la France championne d’Europe du détournement de TVA pour un montant supérieur à 30 milliards d’euros. Le Gouvernement s’engage-t-il à faire reculer cette fraude ?

M. le ministre de l’Économie et des finances. Monsieur Mandon, la concertation a été approfondie avec les représentants des entreprises – MEDEF, AFEP et CGPME – pour examiner les différents scénarios en vue de ce projet de loi de finances. En tout état de cause, même si nos interlocuteurs n’approuvent pas les résultats de nos réflexions, ils conviennent de la qualité du dialogue engagé. Le président de la CGPME, M. Jean-François Roubaud, a même souligné que, jusqu’à ce jour, aucun gouvernement n’avait été aussi attentif que le nôtre aux PME. Nous poursuivrons dans cette voie.

En fin de compte, ce travail commun a eu des effets sur nos choix. Une réforme structurelle des impôts sur les entreprises est amorcée afin de privilégier les facteurs de production plutôt que le chiffre d’affaires, critère peu « intelligent » sur le plan économique. D’ici à la fin du quinquennat, le processus de concertation en cours doit permettre des baisses significatives d’impôt et une taxation de la production plus satisfaisante.

Je remercie M. Éric Woerth de suivre attentivement mes apparitions à la télévision. L’économie concernant Bercy se monte bien à 120 millions d’euros en équipement et en investissement. Quant au chiffre de 50 millions d’euros, il concernait le seul périmètre de la direction générale des finances publiques.

Madame Pécresse, s’agissant de l’évolution de la dette, c’est bien à partir de 2015 qu’un retournement pourra être observé, avec une stabilisation puis une inversion de tendance. Vous vous inquiétez de la faiblesse de la croissance, mais ce budget a précisément pour objectif de muscler cette dernière ainsi que l’emploi. Ne soyez pas pessimiste !

M. le ministre délégué chargé du Budget. M. Woerth a raison : il faut nous mettre d’accord sur les critères et les concepts que nous utilisons – notamment en ce qui concerne l’évolution du tendanciel. C’est ce que nous avons fait l’an dernier avec la Cour des comptes et je vous renvoie sur ce point au compte rendu de ces échanges.

Madame Pécresse, je n’ai jamais dit que nous diminuions la dépense de l’État de 15 milliards d’euros ; j’ai affirmé que nous faisions 15 milliards d’économies qui permettent d’absorber l’évolution tendancielle de la dépense de l’État et au-delà, à hauteur de 1,5 milliard. La dépense de l’État peut ainsi reculer de ce même montant. Compte tenu de l’évolution naturelle de la dépense publique, liée au vieillissement de la population et aux besoins sociaux résultant de la crise, il n’est possible d’enregistrer des diminutions de dépenses nettes qu’après absorption des dépenses en tendanciel.

Monsieur Terrasse, en matière de plus-values de cession de terrains, nous avons supprimé les abattements pour durée de détention afin de fluidifier le marché. Nous avons linéarisé les dispositifs d’abattement pour les résidences secondaires en ramenant de trente à vingt-deux ans la durée de détention permettant une exonération. Ces mesures prises par voie d’instructions sont inscrites dans le projet de loi de finances ; vous pourrez donc en débattre.

Le cabinet d’études mandaté par la Commission européenne, selon lequel 32 milliards d’euros de TVA échapperaient tous les ans à notre pays, a employé une méthodologie opaque et insuffisamment précise, qui aboutit à des résultats sans commune mesure avec le chiffre de 11 milliards d’euros fourni par l’INSEE. Les dispositions que nous avons prises relativement aux carrousels de TVA nous permettent de lutter contre cette évasion, et nous mettons actuellement en place des mesures par secteur afin de mettre fin à ces pratiques.

Monsieur Juanico, l’augmentation de 9 % de la décote l’année dernière a permis de rendre non imposés 366 000 ménages ; pour 2014, celle de 5 % en sus de l’inflation, qui s’ajoute à la levée du gel du barème, aura le même effet pour 200 000 autres ménages.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 25 septembre 2013 à 12 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. François Baroin, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Gaby Charroux, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Christian Eckert, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Thomas Thévenoud, Mme Hélène Vainqueur-Christophe , M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Henri Emmanuelli, M. Marc Francina, Mme Annick Girardin, M. Jean Launay, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Patrick Gille, M. Patrice Martin-Lalande

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