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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Jeudi 11 avril 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 53

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant Mme Julie Benetti, professeure à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, M. Jean-Philippe Derosier, professeur à l’Université de Rouen, Mme Wanda Mastor, professeure à l’Université de Toulouse Capitole, Mme Ariane  Vidal-Naquet, professeure à l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille, sur les projets de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale (n° 813), relatif aux incompatibilités applicables à l'exercice de fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel (n° 814) et relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement (n° 816) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur)

– Avis sur l’organisation d’états généraux sur l’assistance médicale à la procréation, en application de l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, à la demande du président du Comité consultatif national d’éthique

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à moderniser le régime des sections de commune (n° 841) (M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 9 heures 40.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission auditionne, à l’occasion d’une table ronde ouverte à la presse, Mme Julie Benetti, professeure à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, M. Jean-Philippe Derosier, professeur à l’Université de Rouen, Mme Wanda Mastor, professeure à l’Université de Toulouse Capitole, Mme Ariane Vidal-Naquet, professeure à l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille, sur les projets de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale (n° 813), relatif aux incompatibilités applicables à l'exercice de fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel (n° 814) et relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement (n° 816) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La table ronde de ce matin est consacrée à trois des quatre projets de révision constitutionnelle dont l’Assemblée nationale a été saisie. Sur le premier, relatif à la démocratie sociale, les auditions ont commencé hier, par une autre table ronde avec l’ensemble des organisations de salariés et d’employeurs. Les deux autres projets portent, l’un sur les incompatibilités applicables à l’exercice des fonctions gouvernementales et sur la composition du Conseil constitutionnel, l’autre sur la responsabilité juridictionnelle du président de la République et des membres du Gouvernement.

Je remercie Mme Julie Benetti, professeure à l’université de Reims Champagne-Ardenne, M. Jean-Philippe Derosier, professeur à l’université de Rouen, Mme Wanda Mastor, professeure à l’université de Toulouse Capitole, et Mme Ariane Vidal-Naquet, professeure à l’université Paul Cézanne d’Aix-Marseille, d’avoir accepté de venir nous présenter leur lecture de ces projets. Vous le voyez, notre Commission n’auditionne pas que les professeurs de droit constitutionnel des universités de Paris I ou de Paris X : il m’a semblé utile d’élargir le cercle de ceux qui contribuent à nous éclairer sur de tels projets.

Bien qu’ils n’aient pas été interrogés sur ce point, j’espère que nos invités ne s’interdiront pas d’évoquer le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Mme Julie Benetti, professeure à l’université de Reims Champagne-Ardenne. Je suis très honorée de votre invitation. Les projets de révision constitutionnelle dont il est question sont pour partie issus des propositions du rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par M. Lionel Jospin, dont j’ai eu l’honneur de faire partie aux côtés de la professeure Wanda Mastor. C’est cependant en ma qualité de professeur de droit public que je vous livrerai les principales réflexions qu’ils m’inspirent.

Je dois d’abord vous faire part de la réserve qu’éprouvent de nombreux professeurs de droit constitutionnel à l’égard d’une révision de la Constitution de la Ve République, et cela pour au moins deux raisons. La première est que la Constitution n’est ni un programme, ni un tract, mais la loi fondamentale de notre pays. Elle ne doit donc faire l’objet que de révisions strictement nécessaires. La seconde est que la Constitution ne peut pas tout. Il y a d’autres réformes aussi substantielles – sinon plus – à mettre en œuvre, qui ne dépendent pas de sa révision, mais de celle d’autres textes – principalement de la loi organique – et d’une évolution des comportements des acteurs politiques. Mon propos tendra donc à vérifier si chacune des révisions envisagées est utile ou nécessaire à la rénovation de la vie publique.

Je ne le crois pas s’agissant du projet relatif à la démocratie sociale, qui introduirait dans la Constitution un nouveau titre V bis consacré au « dialogue social préalable à la loi ». Ce titre viendrait s’intercaler entre le titre V, consacré aux rapports entre le Gouvernement et le Parlement, et le titre VI relatif aux traités et accords internationaux.

L’objet de cette révision est apparemment clair : il s’agit de graver dans le marbre de la Constitution le principe d’une négociation des partenaires sociaux préalable à toute réforme en matière de relations du travail, d’emploi ou de formation professionnelle, que cette réforme soit portée par un projet de loi, par une proposition de loi ou par une ordonnance.

Ce principe a déjà été reconnu par la loi « Larcher » du 31 janvier 2007, et codifié au tout premier article du code du travail, dans un chapitre préliminaire. Pourquoi élever cette exigence au rang constitutionnel, d’autant que la démocratie sociale est déjà consacrée par la Constitution, que ce soit à travers le préambule de la Constitution de 1946, dont l’alinéa 8 dispose que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail », ou, de manière plus solennelle encore, à l’article premier, selon lequel « la France est une république (…) démocratique et sociale » ?

S’agit-il donc, par cette révision, de passer d’une déclaration de principe à une garantie effective ? Ce n’est pas ce qui ressort du texte. La négociation préalable ne porterait en effet que sur l’« objet » de la réforme, et non sur ses modalités. Surtout, le principe d’une telle négociation ne s’appliquerait pas en cas d’« urgence ». La contrainte du calendrier gouvernemental et parlementaire continuerait ainsi – à juste titre – de l’emporter sur celle du dialogue social. Le constituant ne ferait donc que grever le processus d’adoption des lois et ordonnances d’une nouvelle formalité substantielle, dont il reviendrait in fine au Conseil constitutionnel, et à lui seul, de contrôler le respect.

Le deuxième projet traite de deux questions entre lesquelles le lien paraît discutable. Il s’agit d’une part d’édicter une nouvelle incompatibilité pour les ministres, d’autre part de supprimer la catégorie des membres de droit du Conseil constitutionnel.

Je souscris pleinement à cette seconde proposition. On ne peut plus admettre que les anciens présidents de la République fassent partie – de droit et à vie – du Conseil constitutionnel. Cette question ne fait d’ailleurs plus débat. Reste celle des incidences de cette suppression sur les actuels membres de droit du Conseil. Dans son article 3, le projet de révision dispose qu’elle ne leur sera pas applicable. Mais pourquoi faudrait-il que, par exception à un principe essentiel, cette révision ne soit pas d’application immédiate ? Appliquer la réforme aux actuels membres de droit ne contreviendrait en effet en aucune façon au principe de non-rétroactivité de la loi, puisque ce n’est pas leur situation passée qui serait remise en cause. Certes, le principe de l’application immédiate de la loi aux situations en cours admet des dérogations en droit français, mais c’est dans le champ des relations contractuelles, au nom de la sécurité juridique, pour limiter l’ingérence du législateur dans les relations privées. Rien de tel ici. La suppression des membres de droit du Conseil constitutionnel doit donc être d’application immédiate.

J’en viens à l’incompatibilité des fonctions gouvernementales avec l’exercice d’une fonction exécutive locale. Le projet procède à une réforme nécessaire, mais reste au milieu du gué en n’interdisant pas purement et simplement aux ministres de cumuler leur fonction avec tout mandat local, fonction exécutive ou non, au sein des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération – comme le recommandait pourtant la commission Jospin. Or tout concourt à justifier une incompatibilité totale, y compris la stratégie de prévention des conflits d’intérêts. Il ne faut pas que les citoyens puissent penser qu’un intérêt local, si justifié soit-il, influence les choix d’un ministre. Si le constituant entendait néanmoins limiter cette incompatibilité aux seules fonctions exécutives locales, celles-ci devraient à tout le moins être toutes concernées. Or le projet de révision renvoie à la loi organique le soin de déterminer les fonctions et les établissements publics de coopération auxquels s’appliquerait cette nouvelle incompatibilité – et donc, a contrario, ceux auxquels elle ne s’appliquerait pas. Si c’est pour introduire une règle aussi timorée, autant ne pas réviser la Constitution !

Le troisième projet de révision est relatif à la responsabilité juridictionnelle du président de la République et des membres du Gouvernement. Je n’ai pas d’observation à formuler sur la suppression de la Cour de justice de la République (CJR). Ce privilège de juridiction ne se justifie pas et doit en effet être supprimé, sous réserve d’un dispositif d’autorisation préalable des poursuites et d’un aménagement des règles de procédure, prévus par le projet. J’appelle simplement votre attention sur le fait que celui-ci prévoit l’abrogation de l’article 68-3 de la Constitution, alors qu’il faudrait le maintenir pour que le nouveau dispositif puisse s’appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur.

En ce qui concerne le statut juridictionnel du président de la République, le projet ne tranche pas. Soit on suit les propositions de la commission Jospin, qui ont leur cohérence, et on met fin à l’inviolabilité tant civile que pénale du chef de l’État ; soit on redoute – ce que j’admets volontiers – les incidences d’une telle réforme sur la fonction présidentielle, et on ne révise pas la Constitution. Mais cette solution intermédiaire, faussement équilibrée, qui consiste à disjoindre la matière répressive et la matière civile, ne me convainc pas. Le statut juridictionnel du président de la République est à la croisée de deux principes : la protection de la fonction présidentielle et le principe d’égalité devant la justice. Le projet prend le risque de porter atteinte au premier sans mieux garantir le second, en ouvrant la porte aux procès civils de substitution : faute de pouvoir agir au pénal, les plaignants seront tentés d’utiliser la voie civile pour mettre en cause le chef de l’État et contourner la règle de son inviolabilité pénale. Dans le même temps, et sous couvert d’un alignement sur le droit commun, on crée en réalité un nouveau statut dérogatoire en matière civile, puisque les actions civiles engagées à l’égard du président de la République ne devront être « de nature ni à compromettre l’accomplissement de sa charge, ni à porter atteinte à la dignité de sa fonction. » Si on voit mal comment une action civile engagée contre le chef de l’État pourrait le placer dans l’impossibilité matérielle de présider, dès lors qu’il n’aurait pas à comparaître personnellement, tout type d’action en justice – action en paiement d’une dette, action en dommages et intérêts révélant une faute qui a été commise – peut être de nature à porter atteinte à la réputation d’une personne. L’ouverture de l’action civile pourrait donc demeurer parfaitement théorique. Dans ces conditions, la révision proposée ne me paraît pas opportune : il serait préférable d’y renoncer.

Nous sommes au tout début du processus de révision et je souhaite pour ma part que vous enrichissiez les projets dont vous êtes saisis. J’ajoute donc que je suis très favorable au renforcement et à l’extension du contrôle des nominations présidentielles par les commissions permanentes des assemblées. La portée de ce contrôle doit être renforcée par l’exigence d’un avis conforme rendu aux trois cinquièmes des suffrages exprimés, et le champ de cette procédure étendu aux emplois et fonctions intéressant la vie culturelle de la nation.

M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je me réjouis de l’audace de vos propositions, qui susciteront certainement débat – ce dont je serai également heureux !

M. Jean-Philippe Derosier, professeur à l’université de Rouen. Quatre projets de loi constitutionnelle ont donc été déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale, mais vous me permettrez de parler de « quatre révisions et un enterrement », dans la mesure où il manque un grand projet pourtant attendu – je veux parler du droit de vote des étrangers. Je m’en étonne d’autant plus que si la révision a été ainsi « découpée » en plusieurs projets, c’est pour permettre in fine un choix entre ce qui sera ratifié et ce qui ne le sera pas. En outre, le dépôt de ce projet aurait eu le mérite de susciter le débat et de permettre à chacun de prendre clairement position.

En ce qui concerne le projet relatif à la démocratie sociale, je ne peux que rejoindre Mme Benetti : je ne pense pas qu’il réponde à une nécessité constitutionnelle. Non seulement la Constitution pose déjà le principe du dialogue social, par le renvoi au Préambule de 1946, mais le droit positif le met en œuvre. Cette révision constitutionnelle comporte donc des risques : celui d’allonger encore le processus législatif en imposant la contrainte d’un dialogue social préalable à chaque projet de loi relatif au droit du travail, à l’emploi ou à la formation professionnelle ; celui de ne servir à rien, car l’urgence sera d’autant plus facilement invoquée qu’elle n’est pas définie – et ne peut l’être en référence à la procédure accélérée puisqu’elle sera déclarée avant même que puisse être envisagé le recours à celle-ci, décidé lorsque le projet de loi arrive sur le bureau de l’Assemblée alors que le dialogue social devra intervenir avant même son passage en conseil des ministres. Tout étant renvoyé à la loi organique, c’est du reste plutôt du contenu de celle-ci qu’il faudrait discuter. Vous l’aurez compris, je suis donc hostile à ce premier projet.

Je suis en outre particulièrement sceptique quant à l’emplacement choisi pour introduire cette nouvelle disposition, à savoir un titre V bis réduit à un article 51-3, comme si cela n’avait rien à voir avec les rapports entre le Gouvernement et le Parlement. Il eût été plus judicieux d’insérer cette disposition après l’article 39, qui porte sur la phase préalable à la discussion du projet de loi par les assemblées, en créant un article 39-1, sans qu’il soit besoin de nouveau titre.

Quid par ailleurs des amendements aux projets ou propositions de loi ? Cette question a été soulevée tout récemment : le pouvoir exécutif avait demandé à sa majorité de ne pas déposer trop d’amendements sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, parce qu’il était le fruit d’un accord préalable des partenaires sociaux, qu’il convenait de ne pas trop dénaturer. La question demeure donc de savoir s’il faut soumettre les amendements à la même procédure que les projets ou propositions de loi.

Pour ce qui est maintenant du projet de loi relatif aux incompatibilités applicables à l’exercice de fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel, on peut en effet s’interroger sur le lien qui existe entre ces deux sujets – que j’aborderai successivement.

Enfin sera mis un terme à cette aberration selon laquelle un ministre – a fortiori lorsqu’il est ministre de l’Intérieur, voire Premier ministre – peut être placé en tant que responsable d’un exécutif local sous le contrôle d’un préfet dont il est le supérieur hiérarchique direct. Les exemples viennent tout de suite à l’esprit : Hauts-de-Seine et Bordeaux, ou Marseille et Lille, selon les majorités et les époques. Mais pourquoi se limiter aux fonctions exécutives ? Autant vous ne trouverez pas en moi un fervent défenseur de l’interdiction du cumul des mandats, autant j’estime que pour les membres du Gouvernement, l’interdiction doit être la plus stricte possible. Dans la configuration qui est celle de notre République, il y a un véritable conflit d’intérêts lorsqu’on occupe des fonctions à la fois dans l’exécutif national et dans une collectivité territoriale, qu’elles soient exécutives ou non dans le second cas. Il faut donc aller plus loin, et faire le choix d’une incompatibilité totale entre l’exercice de fonctions gouvernementales et de fonctions locales.

Enfin, aussi, sera mis un terme à une autre aberration : l’appartenance à vie des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel. Là encore, je rejoins Mme Benetti lorsqu’elle soutient que la réforme devrait être d’application immédiate. J’ajoute que cela ne changerait pas grand-chose. Le Conseil constitutionnel compte actuellement trois membres à vie : Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing. Le premier n’a jamais siégé, même s’il est paraît-il prévu qu’il le fasse un jour ; Jacques Chirac ne siège pratiquement plus, et jamais sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Il en va de même de Valéry Giscard d’Estaing.

Puisque le président nous y a invités, je dirai quelques mots du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Son principal mérite est d’apporter un peu plus de clarté à l’article 65, l’un des plus longs de la Constitution, en le scindant en trois articles 65, 65-1 et 65-2. Je demeure cependant réservé sur cette révision. Il est certes bienvenu de séparer le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire – c’est d’ailleurs cette considération qui avait motivé la révision constitutionnelle de 1993. Néanmoins, il ne me paraît pas choquant que, dans une République comme la nôtre où le chef de l’État est gardien de l’indépendance de la justice, il puisse intervenir à la marge dans la composition du CSM en nommant un, voire deux de ses membres.

Plus dangereux est le renversement d’équilibre auquel tend cette révision. Lorsque le CSM se réunit soit en formation plénière, soit en formation restreinte pour le parquet, les magistrats du corps ne sont jamais majoritaires, ce qui répond à une exigence simple : éviter le corporatisme. Avec cette révision constitutionnelle, ils le deviendront systématiquement. Le risque de corporatisme sera bel et bien présent.

Le dernier projet porte sur la responsabilité juridictionnelle du chef de l’État et des membres du Gouvernement. Je me réjouis que le président de la République ait renoncé à l’une de ses promesses de campagne, qui consistait à mettre un terme à l’immunité pénale du chef de l’État. C’était une erreur, comme le confirme un article de presse daté d’hier, qui rapporte que Gérard Dalongeville, ancien élu socialiste, souhaite faire citer le président de la République comme témoin dans une procédure le concernant. En effet, ce dernier n’a pas à s’immiscer dans une procédure pénale en cours, sous peine d’entendre crier à la confusion des pouvoirs ou à la tentative de sauvetage. Que ce soit en tant que témoin ou, pis, en tant qu’inculpé, il doit donc être préservé de toute procédure. Certes, la fonction peut être exercée par un homme normal, mais c’est une fonction anormale.

Pour éviter de renoncer à l’immunité pénale du chef de l’État, je serais prêt à céder sur la responsabilité civile et sur la suppression de la Cour de justice de la République. Cela ne me satisferait cependant pas pleinement.

Sur la responsabilité civile, je rejoins une fois encore Mme Benetti. Le rapport de la commission Jospin, auquel elle a contribué, fournit à cet égard des exemples convaincants : que se passerait-il si l’enfant mineur du président de la République cassait trois dents à un camarade, au cours d’une bagarre à l’école, sans qu’on puisse engager la responsabilité civile de ses parents ? Que se passerait-il si le président de la République, dans sa résidence privée, provoquait un dégât des eaux dans l’appartement de son voisin sans que celui-ci puisse obtenir réparation ? Mais si la remise en cause de l’immunité dont bénéficie le président de la République en matière civile n’est pas inutile, il existe d’autres solutions. L’une d’entre elles – proposée par un professeur de l’université de Paris X, monsieur le Président ! – consisterait à obliger le président de la République à souscrire une assurance couvrant tous les aléas de la vie civile auxquels il pourrait être confronté pendant la durée de son mandat.

En ce qui concerne la Cour de justice de la République, je me désolidariserai cette fois de ma collègue. Comme la fonction présidentielle, la fonction ministérielle est une fonction anormale. Cela justifie l’existence, non d’une justice d’exception, mais d’une juridiction d’exception pour statuer sur les agissements ministériels à partir du droit commun. Il est en revanche indispensable de revoir la composition de cette Cour, qui assure aujourd’hui une majorité aux politiques. On pourrait tout simplement inverser les proportions, afin d’avoir douze magistrats et trois parlementaires au lieu de trois magistrats et douze parlementaires.

Permettez-moi pour finir de faire un peu de prospective en suggérant quelques dispositions. La première pourrait se greffer sur celles qui réforment la composition du Conseil constitutionnel. Il serait temps de songer à changer l’appellation de ce dernier. Le Conseil a aujourd’hui prouvé qu’il était une véritable Cour constitutionnelle, respectueuse du contradictoire, notamment dans les procédures de questions prioritaires de constitutionnalité. Il ne s’agirait donc que d’aligner le droit sur une pratique désormais bien ancrée.

Il conviendrait d’autre part d’élargir sa composition, mais sans confier le soin des nouvelles nominations à une autorité aussi politique que le Premier ministre. Les trois autorités de nomination actuelles, même si elles sont issues de la classe politique, se doivent de respecter une certaine neutralité dans leurs choix : les présidents des assemblées sont les présidents de toute l’assemblée, le président de la République est le président de tous les Français. Le Premier ministre, lui, est le chef de la majorité ; il est par définition politiquement orienté. Les nouvelles nominations – si nouvelles nominations il y a – devraient donc revenir à des autorités plus neutres, comme le vice-président du Conseil d’État, le Premier président de la Cour de cassation ou celui de la Cour des comptes, à raison d’un membre chacun tous les neuf ans.

Je terminerai par une considération d’ordre général. Il me semble intolérable que, dans une démocratie, une révision puisse être bloquée par un seul de ses acteurs, qui est de surcroît la moins représentative de nos institutions, alors même que les trois autres l’approuvent. Le Sénat – pour le nommer – peut aujourd’hui bloquer une révision voulue par le président de la République, par le Premier ministre et – à terme – par le peuple. Dans l’idée de promouvoir une République exemplaire et un renforcement des valeurs démocratiques, il serait donc bienvenu de songer enfin à « réviser la révision » en prévoyant par exemple qu’une révision votée par une des deux chambres à une majorité qualifiée des trois cinquièmes peut être soumise directement au référendum.

M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. « Réviser la révision » est une idée intéressante... qui a été mise en œuvre deux fois dans notre histoire, en 1940 et en 1958 ! Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour la liberté de ton dont vous avez fait preuve, qui permettra de nourrir nos échanges.

Mme Wanda Mastor, professeure à l’université de Toulouse Capitole. Le respect que j’éprouve pour la représentation nationale, qui me fait regarder cette invitation comme un honneur, m’interdit en même temps de brider ma liberté de parole et de ton. Je n’hésiterai donc pas à vous livrer une position qui est plutôt critique.

Je m’exprimerai en tant que citoyenne plus qu’en tant que professeure, mais je ne peux oublier non plus que j’ai été membre de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, dite commission Jospin, que les médias avaient à l’origine baptisée « commission de la moralisation de la vie politique ». C’est donc avec une certaine tristesse que je constate qu’à l’heure où l’on réclame à cor et à cri plus de moralisation dans une urgence irrépressible, nul ne songe à se référer à la deuxième partie de ce rapport, intitulée « Un exercice des responsabilités exemplaire ». Un journaliste me demandait hier si je ne regrettais pas que la commission Jospin ne soit pas allée plus loin en demandant la publication du patrimoine des élus ; je lui ai répondu que non. Plus que jamais, je pense que nous avons eu raison de travailler en toute sérénité, et non « à chaud ». Je suis de plus convaincue que d’un point de vue juridique, cette publication n’est pas une bonne chose.

M. François Vannson. Très bien !

Mme Wanda Mastor. J’en viens aux projets de loi constitutionnelle. S’agissant du projet relatif à la démocratie sociale, je fais miens les arguments de ma collègue et amie Julie Benetti. En tant que constitutionnalistes, nous sommes tous profondément attachés à la Constitution. Celle-ci n’est pas un décret ni une circulaire, mais la norme la plus fondamentale qui soit. Cessons de la retoucher à tout propos !

Le principe du dialogue social est affirmé dès l’article L. 1 du code du travail – et le lieu où se place une disposition n’a pas seulement valeur de symbole. Il est en outre consacré par l’alinéa 8 du Préambule de 1946, ce qui me semble suffisant.

Une révision constitutionnelle n’est pas un acte anodin. Je regrette donc de voir à nouveau modifier notre Constitution, a fortiori pour y insérer un article V bis – ce qui serait cette fois une erreur esthétique. Si vous décidiez de procéder à cette révision, mieux vaudrait placer la disposition en question à un autre endroit. Jean-Philippe Derosier a proposé un article 39-1 ; il y a d’autres possibilités, mais vous serez de toute façon confrontés à une difficulté dans la mesure où sont concernés à la fois les projets de loi, les propositions de loi et les ordonnances.

En ce qui concerne les incompatibilités applicables à l’exercice de fonctions gouvernementales et la composition du Conseil constitutionnel, Mme Benetti a parlé de « lien discutable » entre ces deux sujets. À mon sens, c’est un problème de fond. Il est vrai que nous avions fait ce lien dans le rapport Jospin, mais c’était pour une raison précise : nous voulions parler des membres de droit du Conseil constitutionnel, sujet qui ne figurait pas dans la lettre de mission. Nous avions donc trouvé le « fil rouge » des conflits d’intérêts et de la déontologie. En réalité, la question des membres de droit ne relève pas de cette approche : pour ma part, je fais confiance à nos anciens présidents de la République. Le problème n’est donc pas là : c’est la « juridictionnalisation » du Conseil constitutionnel qui impose de mettre fin à ce qui apparaît dans ce cadre comme une anomalie ; la doctrine est d’ailleurs unanime sur ce point. Et, comme mes collègues, je pense que cette disposition doit être d’effet immédiat.

Certains des opposants à la suppression des membres de droit avancent un argument politique : une telle disposition sera perçue comme directement dirigée contre Nicolas Sarkozy. En réalité, c’est l’alinéa 2 de l’article 3 – qui prévoit que cette suppression ne concernera pas les anciens présidents de la République qui font partie du Conseil constitutionnel à la date de la publication de la loi – qui aboutit à cette personnalisation. Or ce n’est pas une question de personnes, mais de principe : les membres de droit n’ont rien à faire au Conseil constitutionnel. Notre pays fait d’ailleurs figure d’exception mondiale sur ce point.

S’agissant des incompatibilités, le projet de loi suscite chez moi une véritable incompréhension. Pourquoi interdire le cumul de l’exercice de fonctions gouvernementales avec les seules fonctions exécutives locales ? Je suis opposée au cumul de fonctions gouvernementales avec tout autre mandat local, y compris de simple représentation, ne serait-ce que pour une raison matérielle : être ministre est un travail à plein temps. Une deuxième raison est d’ordre déontologique : les décisions d’un ministre qui se trouve être membre de l’assemblée délibérante d’une collectivité donnent inévitablement prise aux soupçons. Nous ne pouvons plus nous le permettre. En outre, comme l’a rappelé M. Derosier, un ministre est le supérieur hiérarchique du préfet, qui exerce un pouvoir de contrôle sur les actes des assemblées délibérantes des collectivités locales. J’ajoute un dernier argument, qui me tient particulièrement à cœur : supprimer ce cumul, c’est aussi revaloriser la politique locale. En tant que citoyenne, je ne demande pas seulement au maire d’être présent dans ma commune, je le demande à tous les membres du conseil municipal. À l’heure où nous appelons de nos vœux un nouvel élan de la décentralisation, je m’étonne que l’on puisse encore permettre aux membres d’une assemblée délibérante d’une collectivité locale d’être à Paris plutôt que dans leur circonscription. On envisage trop la question du cumul « par le haut » ; il faudrait aussi la voir « par le bas ».

Quant au projet relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement, il manque de cohérence. C’est ici la juriste qui vous parle. Peu importe mon avis personnel sur l’inviolabilité du chef de l’État ; en revanche, la logique doit primer. Soit vous êtes pour la suppression de l’inviolabilité – civile et pénale – du chef de l’État, soit vous ne modifiez pas les dispositions constitutionnelles issues de la révision de 2007. À l’époque, l’inviolabilité civile avait justement été conçue comme un moyen d’empêcher tout contournement de la règle d’inviolabilité en matière pénale. On risque donc avec ce projet de voir se multiplier les attaques au civil en lieu et place des attaques au pénal, de même qu’aux États-Unis, les attaques au pénal se substituent aux attaques politiques.

Je conclurai sur le terme de « dignité ». Qu’est-ce qui est digne – et qu’est-ce qui ne l’est pas – pour un chef de l’État ? La question ne manque pas d’intérêt pour des juristes. Je crains pour ma part que le seul fait d’aller devant une juridiction judiciaire non répressive, pour une affaire de fuite d’eau, de pension alimentaire ou de paternité hors mariage ne suffise à porter atteinte à la dignité du président de la République, même s’il se fait représenter.

Mme Ariane Vidal-Naquet, professeure à l’Université Paul-Cézanne d’Aix-Marseille. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c’est pour moi un plaisir et un honneur de participer à ce débat. Je tiens à dire, pour commencer, que je suis d’accord avec le professeur Benetti : avant d’engager une révision constitutionnelle, il convient de réfléchir à son utilité, à ses éventuelles ambiguïtés et imprécisions, ainsi qu’à ses implications, et il faut aussi avoir à l’esprit l’exigence de lisibilité, de cohérence et de stabilité du texte constitutionnel, qui ne devrait donc pas faire l’objet de retouches trop fréquentes.

Je suis très réservée sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale. D’abord, comme l’ont souligné mes collègues, celle-ci est déjà ancrée dans notre droit, à travers l’article 1er de la Constitution et l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946. Il est vrai que cet alinéa a été interprété par le Conseil constitutionnel comme n’imposant pas au Gouvernement une obligation de consulter les partenaires sociaux, mais comme une simple faculté. Toutefois, l’obligation a été inscrite dans l’article L. 1 du code du travail.

Si vous souhaitez aller plus loin, il est indispensable, pour contourner la jurisprudence du Conseil, de réviser la Constitution, d’autant plus que l’application de cette obligation se heurte à deux autres obstacles constitutionnels : le principe, posé par l’article 34 de la Constitution, de la compétence du législateur pour tout ce qui concerne le droit du travail et de la sécurité sociale ; et une autre jurisprudence du Conseil constitutionnel, suivant laquelle le législateur ne peut se lier lui-même pour l’avenir.

Comment faire ? Créer un titre spécifiquement consacré au dialogue social ne me paraît pas opportun. En outre, comme le professeur Benetti, je trouve l’article proposé trop imprécis – même si une loi organique est appelée à en fixer les conditions d’application. La disposition s’appliquerait en effet à tout texte qui procède à une réforme « en matière » de relations individuelles et collectives du travail : le champ est très large ! Le projet évoque « les organisations syndicales […] représentatives » ; mais quel juge appréciera cette représentativité ? Qui vérifiera que l’obligation a bien été respectée ? Sans doute la Conférence des présidents, mais le Conseil constitutionnel aura nécessairement son mot à dire. D’autre part, l’obligation posée par le texte est à la fois très forte et très faible : il faut que les organisations aient été mises en mesure de négocier, mais elles ne le feront que « si elles le souhaitent » et « sauf en cas d’urgence ». Comment appréciera-t-on cette urgence ? Que se passera-t-il si le projet de loi répond à une exigence du droit de l’Union européenne ? Faudra-t-il consulter les partenaires sociaux avant de pouvoir transposer une directive européenne ?

Surtout, il ne faut pas minorer les conséquences de ce projet de loi constitutionnelle, en particulier pour l’exercice de la fonction législative. D’aucuns assurent que le Parlement ne sera pas lié par le résultat de la négociation ; les partenaires sociaux auraient donc jugé utile de négocier, ils seraient parvenus à un résultat, et le Parlement pourrait tout remettre en cause ? Il est évident qu’il sera, au moins politiquement, tenu par le résultat de la négociation ! La jurisprudence du Conseil constitutionnel va d’ailleurs dans ce sens, puisque le Conseil a estimé, sur le fondement des dispositions constitutionnelles existantes, que, si la consultation n’est pas obligatoire, dès lors qu’il y est procédé, le législateur est tenu d’être de bonne foi et ne peut pas remettre totalement en cause les accords obtenus. On ouvre par conséquent une nouvelle brèche dans le principe de la souveraineté du Parlement, ce qui me semble inopportun à l’heure où l’on dénonce le mépris dont celui-ci fait l’objet.

Sur le deuxième projet de loi constitutionnelle, je suis d’accord avec mes collègues ; je partage notamment leur avis sur le caractère trop restreint du champ d’application de l’incompatibilité entre fonctions gouvernementales et fonctions locales. On pourrait envisager d’étendre cette incompatibilité à la présidence d’assemblées délibérantes des collectivités à statut particulier, comme le prévoit d’ailleurs le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat parlementaire. Au-delà, j’estime que tous les mandats locaux devraient être visés par le projet de loi. Il n’existe pas d’argument convaincant en faveur de l’exclusion de certains – si ce n’est que, très prosaïquement, l’abandon de tout mandat local aurait pour conséquence d’empêcher les ministres de retrouver un mandat exécutif au sortir de leurs fonctions gouvernementales…

S’agissant de la composition du Conseil constitutionnel, je ne ferai pas preuve de plus d’originalité. Cette réforme consensuelle me semble indispensable ; la catégorie des « membres de droit » est une anomalie dénoncée par tous et depuis très longtemps, qu’il faut impérativement supprimer. Et je suis moi aussi favorable à une application immédiate de la réforme : il n’y a aucune raison d’invoquer un principe de non-rétroactivité qui, en l’espèce, ne s’applique absolument pas. Quant à une éventuelle solution de substitution, telle que nommer les anciens présidents de la République sénateurs à vie, cela me semble être une mauvaise idée.

Le projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du président de la République établit, c’est vrai, une asymétrie entre la matière pénale et la matière civile. Cette fois, je me démarquerai de mes collègues en disant que cette asymétrie ne me choque pas outre mesure. La proposition de la commission Jospin visant à une application du droit commun en matière répressive aboutirait à un système tellement complexe et dérogatoire qu’il ne ressemblerait plus que de très loin au droit commun ; son adoption ne ferait qu’alimenter les suspicions sur un éventuel régime d’exception dont bénéficierait le président de la République !

Ce qui est plus embarrassant, c’est le choix de se limiter à la fonction défensive, c’est-à-dire aux cas où le président de la République est mis en cause, sans évoquer la position offensive, lorsque c’est lui qui est demandeur dans une procédure pénale. La Cour de cassation a récemment dû se prononcer sur cette question et le projet de loi constitutionnelle pourrait donner l’occasion de réfléchir à ce point.

Je suis très favorable à la suppression de la Cour de justice de la République. Le projet de loi maintient le principe de la responsabilité pénale des ministres, posé par l’article 68-1 de la Constitution ; peut-être, pour des raisons de cohérence, pourrait-on faire place à une éventuelle compétence de la Cour pénale internationale, comme c’est le cas pour le président de la République.

Pour la mise en œuvre de cette responsabilité pénale, il est précisé qu’une commission des requêtes doit intervenir préalablement ; il me semble que l’on pourrait prévoir d’autres spécificités en ce qui concerne la fonction de poursuite. Le projet de loi dispose que « les poursuites peuvent être engagées selon le droit commun, devant les juridictions de Paris compétentes » ; mais tant que le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature n’est pas adopté, cela risque de faire problème, puisque l’autorité chargée des poursuites, le parquet, est organiquement et fonctionnellement sous la dépendance de l’exécutif. L’article 68-2 de la Constitution – dont le projet de loi prévoit l’abrogation – dispose que c’est au procureur général près la Cour de cassation d’exercer les poursuites, parce qu’il présente des garanties d’indépendance supérieures. Il serait bon de reprendre cette disposition dans la nouvelle rédaction de l’article 68-1.

M. Jacques Valax. Il m’a semblé que les propos de nos invités laissaient transparaître un regard relativement critique sur ces projets de loi constitutionnelle… Mais je souhaiterais, plus généralement, connaître leur sentiment sur l’approche du juridique qu’ont les politiques. Ne pensez-vous pas qu’il nous arrive de manquer de courage et de rigueur juridique, trop préoccupés que nous sommes de rechercher un consensus qui n’aboutit souvent à rien ?

M. Patrick Devedjian. Ces exposés, très intéressants, étaient en effet très critiques aussi, mais il n’est pas pour autant nécessaire de s’autoflageller, cher collègue !

Pour ce qui est du dialogue social, j’ai noté que nos quatre invités étaient hostiles au principe même d’une révision constitutionnelle, et les arguments qu’ils ont invoqués sont plutôt pertinents. Il y a l’imprécision de la notion d’urgence – la jurisprudence en matière de référé montre bien la difficulté à la définir ! Il y a la question des amendements, qui reste en suspens –, un amendement pouvant changer le sens d’un texte. Il y a la durée du processus, qui est problématique. Il y a l’atteinte, soulignée par Mme Vidal-Naquet, au caractère indivisible de la souveraineté nationale. Enfin, il y a le flou de la notion d’« organisation représentative » – certes, je sais bien qu’elle est définie par la loi et qu’elle est le produit de l’histoire et d’un compromis politico-social, mais ce ne sont pas là des critères objectifs.

S’agissant de l’immunité juridictionnelle du président de la République, j’ai trouvé particulièrement intéressant le débat sur la distinction entre matière pénale et matière civile. Certains d’entre vous sont favorables à ce que le régime de responsabilité civile suive le régime de responsabilité pénale afin de parer à toute tentative de contournement de l’immunité pénale par le civil ; mais ne pourrait-on pas distinguer, à l’intérieur du civil, les actes détachables de la fonction – on peut penser au cas d’un dégât des eaux – et ceux qui ne le sont pas ? Il n’y a en effet aucune raison que la mise en cause de la responsabilité civile du président de la République pour un acte détachable de la fonction soit un moyen de contourner l’immunité pénale ! Par le passé, j’ai moi-même plaidé dans des affaires où le président de la République était partie au civil et, même si cela faisait un peu de « mousse » dans la presse, cela n’a jamais été un problème, ni pour moi, ni pour les magistrats.

Quant à poser, en droit, le caractère anormal de la fonction de président de la République, cela va loin, monsieur Derosier ! Pour moi, la République, c’est la norme, et si la fonction est véritablement anormale – peut-être d’ailleurs est-ce vrai, compte tenu de l’énormité des pouvoirs du président de la République… –, il convient de réfléchir à ce qu’est l’institution présidentielle et de la réformer d’urgence !

S’agissant des incompatibilités entre fonctions ministérielles et fonctions locales, vous avez fait une allusion aux Hauts-de-Seine, et c’est justifié. Nous avons eu deux ministres de l’Intérieur comme présidents du conseil général, et je concède que, pendant de longues années, il n’y a pas eu de contrôle de légalité dans le département – ce qui n’est pas bon car ce contrôle est une forme d’hygiène nécessaire ! Mais, comme vous l’avez du reste signalé, il n’y a pas qu’à droite qu’on trouve des cas de ce type…

Je suis favorable à l’incompatibilité entre une fonction gouvernementale et une fonction exécutive locale, mais vous voulez aller encore plus loin en interdisant aux ministres d’être membres d’une assemblée délibérante, au motif que cela risquerait d’influer sur les décisions qu’ils pourraient prendre. Or il est probable qu’un ministre reviendra dans sa circonscription d’origine après avoir cessé ses fonctions ; penser qu’il sera totalement détaché des intérêts de celle-ci parce qu’il ne sera plus membre de l’assemblée délibérante, c’est de l’angélisme ! Et si le cumul des mandats est une spécialité française, c’est qu’il fait pendant à cette autre exception française qu’est l’excès de centralisme…

M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cher collègue, je vous suggère de ne pas ouvrir ce débat et de vous concentrer sur les sujets du jour. Le cumul des mandats fera l’objet d’un texte spécifique.

M. Patrick Devedjian. Je voudrais simplement souligner que, dans un pays aussi centralisé que le nôtre, les villes de province ont eu besoin, pour exister, de la promotion de leurs élus locaux à des fonctions nationales ; que l’on songe aussi à tous les établissements nationaux qui ont été installés dans ces villes parce que leur député ou leur maire était devenu ministre – par exemple, l’imprimerie des timbres postaux et fiscaux à Périgueux ou celle de la Banque de France à Clermont-Ferrand !

S’agissant de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, il convient en effet d’éviter l’écueil du corporatisme. La vérité, c’est que le CSM compte déjà trop de magistrats en son sein, et que si l’on considère tous les magistrats – y compris ceux du Conseil d’État –, ils sont d’ores et déjà majoritaires.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Les conseillers d’État ne sont pas des magistrats !

M. Patrick Devedjian. Je suis totalement favorable à ce que les anciens présidents de la République ne soient plus membres de droit du Conseil constitutionnel, et plutôt pour que la mesure soit d’application immédiate et sans compensation – la retraite en est une suffisante.

Quant à la Cour de justice de la République, les politiques qui ont siégé en son sein vous diront peut-être, bien qu’ils soient tenus au secret du délibéré, qu’ils n’étaient pas les plus complaisants à l’égard des accusés dans les différentes affaires dont ils ont eu à connaître… Je rejoins là le propos final de Mme Vidal-Naquet qui se souvenait sans doute de la boutade de Clemenceau : « Des magistrats indépendants ? J’en connais un : le Premier président de la Cour de cassation, s’il est Grand-Croix de la Légion d’honneur ».

L’indépendance des magistrats est grande dans notre pays, car elle est culturelle. Inutile de prendre trop de garanties de ce côté. Parfois, les magistrats sont même tellement indépendants qu’ils le sont aussi de la loi !

M. Guillaume Larrivé. En ces temps de prévention des conflits d’intérêts et de recherche de la transparence absolue, je tiens à préciser que j’ai été conseiller pour les affaires juridiques du précédent président de la République, et que c’est aussi en me souvenant des réflexions que nous avions pu avoir sur le pouvoir exécutif et son rapport au droit que j’avancerai trois observations – même si je les fais d’abord en tant que député.

Premièrement, je suis pour ma part très attaché au privilège de juridiction dont bénéficient les membres du Gouvernement, donc au maintien de la Cour de justice de la République. Je pense en effet que le principe de la séparation des pouvoirs doit continuer à faire obstacle à ce qu’un membre du Gouvernement aille rendre compte, dans l’exercice de ses fonctions, à un juge de droit commun. Certes, le projet de loi constitutionnelle prévoit un filtre, mais prenons garde à ne pas créer une motion de censure judiciaire.

Deuxièmement, bien que j’admette que la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel soit contraire à la doctrine et qu’il s’agisse d’une exception française – et tout en n’étant pas partisan du modèle italien du sénateur à vie –, je pense que notre République a besoin de temps long. Les impératifs de l’urgence et de l’immédiateté sont en train d’affaiblir la démocratie. Le fait que siègent des personnes qui ont eu des fonctions éminentes et qui, aux termes de l’article 5 de la Constitution, ont été chargées d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État, me semble de nature à introduire au sein du Conseil une composante de sagesse et à servir la conservation des institutions républicaines. En outre, le Conseil est pour moi une instance par nature hybride et qui ne doit donc pas être totalement « juridictionnalisée » ; d’ailleurs, si l’on poussait le raisonnement jusqu’à son terme et que l’on en faisait une Cour, il faudrait recruter ses membres en fonction du classement de sortie de l’ENA ou de l’agrégation de droit public ! Même si la présence des anciens chefs de l’État tient à des circonstances historiques, elle participe de la conception originelle du Conseil constitutionnel.

Ma dernière remarque concerne l’incompatibilité entre les fonctions ministérielles et l’exercice d’un mandat municipal. Prenez garde à ne pas être des kantiens au sens de Péguy – ceux qui ont les mains pures parce qu’ils n’ont pas de mains ! Un ministre, lui, à deux mains : celle du ministre et celle de l’homme politique – qu’il restera toujours. Comme l’a souligné avec pragmatisme Patrick Devedjian, il s’intéresse nécessairement à sa circonscription – et c’est tant mieux pour la démocratie, car cela prouve qu’il est enraciné dans un territoire et qu’il s’intéresse aux personnes qui l’ont élu. Ne désincarnons pas la fonction ministérielle !

Mme Cécile Untermaier. Mesdames, monsieur, je vous remercie pour la qualité de vos avis, qui vont permettre à la représentation nationale de nourrir sa réflexion sur cet important dispositif de révision constitutionnelle.

Je pense pour ma part qu’un ministre ne doit être que ministre. Ce n’est pas de l’angélisme que considérer qu’il ne peut pas siéger à l’assemblée départementale, au conseil régional ou au conseil municipal sans que cela suscite un grand émoi ! J’en ai fait moi-même l’expérience : on ne regardait plus le président du conseil général, mais le ministre assis à ses côtés. C’est déstabilisant, et ce n’est pas vertueux. Je juge donc la suggestion qui nous a été faite excellente, d’autant plus que la suppléance peut régler le problème de l’avenir du ministre après sa sortie du Gouvernement.

Quant au Conseil constitutionnel, la suppression de la catégorie des membres de droit que sont les anciens présidents de la République était un engagement de la campagne présidentielle. Il faut le tenir, et la mesure doit s’appliquer immédiatement, pour les raisons que vous avez dites. Ne laissons substituer aucun vestige d’une disposition que nous condamnons comme non vertueuse !

Le projet de loi relatif à la démocratie sociale est une fusée à trois étages. Je comprends vos réserves : on peut légitimement s’interroger sur la garantie qui est apportée au pouvoir législatif. Cela dit, il n’est proposé d’inscrire dans la Constitution qu’une procédure ; cela devrait permettre une interprétation maximaliste du rôle du Parlement, qui continuerait à légiférer sans être bridé, mais en étant éclairé par l’avis rendu par les partenaires sociaux. En tout cas, je souhaite pouvoir continuer à amender librement les textes qui me sont soumis !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je remercie vivement les intervenants, qui ont tenu des propos très intéressants – mais avec lesquels, bien entendu, nous ne sommes pas nécessairement d’accord.

Je suis d’accord avec le professeur Derosier quand il dit qu’il ne faut pas de paritarisme au CSM ; j’avais d’ailleurs publiquement appelé l’attention de la garde des Sceaux sur le sujet.

Pour ce qui est du Conseil constitutionnel, tout le monde est d’accord – à l’exception courageuse de Guillaume Larrivé – sur le fait que les anciens présidents de la République ne doivent plus y siéger et que la réforme doit être d’effet immédiat. En revanche, je vous mets en garde, chers collègues – et cher président –, contre l’érection du Conseil en Cour constitutionnelle, car la souveraineté du Parlement n’y gagnera rien ! Au reste, il n’est pas encore une véritable juridiction de jugement dans la mesure où il rend aussi des avis.

Je ne crois pas qu’il faille faire de distinction entre le civil et le pénal s’agissant du statut juridictionnel du chef de l’État. Et, pour moi, ce statut doit être préservé. Si anomalie il y a, c’est ailleurs : dans le fait qu’une des têtes de l’exécutif soit élue au suffrage universel ; or il me semble que personne ne souhaite revenir sur cette disposition ! Le président de la République est le garant des institutions et de la continuité de l’État ; à mes yeux, il l’était davantage encore sous le septennat, et je n’ai pas approuvé le passage au quinquennat, dont on voit aujourd’hui les effets. Il reste qu’il convient de respecter la logique initiale de la Ve République.

En revanche, pour ce qui est de la responsabilité des ministres, j’ai été surprise que les intervenants n’en rappellent pas les principes historiques. Au comité Vedel, dont j’étais la rapporteure générale, nous avions lu tous les travaux consacrés à cette question, y compris sous la IIIe et la IVe République, et nous avions lu en particulier ceux de Jean Foyer qui expliquait fort bien que c’est aux politiques qu’il revient de juger les politiques – même s’il faut apporter des tempéraments à cette position, dans la mesure où ils ne doivent pas être les seuls à le faire.

L’application du droit pénal est une première garantie à cet égard. Je vous rappelle en effet qu’à l’époque où la Haute Cour de justice a décidé d’exiler Louis Malvy, elle l’a fait en inventant son propre droit : ce n’est qu’à partir de la IVe République que, comme l’a montré Jean Foyer, on a décidé, sans même en discuter, d’appliquer automatiquement le droit pénal.

Une autre garantie serait la présence de juges judiciaires. Faut-il qu’ils soient plus nombreux que les politiques ? Pour ma part, je ne le crois pas, mais on peut en discuter. En revanche, il me semble absolument essentiel que l’organe qui est chargé de juger l’exécutif soit composé au moins pour partie de politiques.

Quant au texte relatif au dialogue social, je suis surprise de la position unanime des professeurs présents, et surtout des raisons qui la fondent. Je rappelle d’abord que l’on a déjà touché seize ou dix-sept fois à notre Constitution, que notre texte est long, et qu’il est très lourd sur des questions comme l’outre-mer – sans parler de l’intégration du droit européen. Je rappelle aussi que l’on a modifié la Constitution pour des raisons plus futiles – je pense notamment à l’intégration de la Charte de l’environnement. Le fait d’alourdir la Constitution n’est donc pas, selon moi, un argument recevable.

Quant aux problèmes liés à la rédaction, à l’emplacement du nouvel article, à la définition de l’urgence et à la possibilité d’amender le texte, tout cela sera examiné en son temps ; ce n’est pas l’objet de la discussion de ce jour.

Restent deux questions : est-il légitime d’insérer dans la Constitution la notion de dialogue social et ne risque-t-on pas de brider la souveraineté du Parlement ? Je ne vois, à bien les peser toutes deux, aucun obstacle au projet de loi constitutionnelle. On n’a nullement démontré que le préambule de la Constitution de 1946 serait suffisant. Ce qu’introduit la révision constitutionnelle, c’est une procédure, qui s’appliquerait particulièrement en matière sociale. Il ne s’agit pas d’une innovation : il existe d’autres dispositions de ce type, à commencer par l’insertion de l’étude d’impact dans le processus législatif. De grâce, ne confondons pas cela avec la proclamation des principes particulièrement nécessaires à notre temps qui figure dans le préambule de la Constitution de 1946 ! Et la souveraineté du Parlement ne peut pas être bridée par une disposition qui n’est que de procédure : le texte dit simplement qu’il y a une négociation préalable.

M. Christophe Borgel. Je remercie moi aussi les intervenants pour la liberté de leurs propos. Je n’y ai pas entendu, comme d’autres, uniquement des critiques contre les projets de loi ; s’agissant par exemple des incompatibilités applicables à l’exercice des fonctions gouvernementales ou de la composition du Conseil constitutionnel, il m’a semblé qu’ils nous invitaient au contraire à aller encore plus loin.

Il est évident qu’il faut mettre fin à cette anomalie qu’est l’appartenance de droit des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, et qu’il faut l’appliquer à ceux qui en sont actuellement membres. Ils ont bien d’autres moyens de mettre leur expérience au service de notre pays !

Être ministre est un travail à temps plein, cela ne se discute pas. Dès lors, le seul mandat qui pourrait à la rigueur être compatible avec la fonction est celui de simple conseiller municipal car je ne crois pas, madame Mastor, que tout mandat local doive être exercé à temps plein. En revanche, je suis convaincu qu’un ministre conseiller régional ou a fortiori conseiller général qui voudrait exercer ses responsabilités d’élu de façon tant soit peu sérieuse ne pourrait assumer pleinement ses responsabilités de membre du Gouvernement.

Certes, l’interdiction du cumul n’empêchera pas un ministre de poser un regard bienveillant sur son territoire, mais là n’est pas la question ! Ce qu’il faut éviter, c’est qu’il y ait entre lui et ce territoire un lien juridique qui crée un rapport particulier.

Dans ces conditions, la seule objection à une incompatibilité totale entre les fonctions ministérielles et les mandats locaux tient à ce qu’elle pourrait compromettre la continuité d’une carrière politique. Même d’importance relative, la question ne peut être balayée d’un revers de la main. Cependant, je note que la commission Jospin a écarté l’idée d’un abandon temporaire des fonctions, comme dans le cas des parlementaires. Quant à l’argument selon lequel un mandat local permettrait de se tenir au courant de la vie du pays, j’espère que nos ministres disposent, dans le cadre de leurs fonctions, de plus de moyens pour ce faire qu’au sein d’une assemblée locale !

M. Guy Geoffroy. Sur la présence de membres de droit au sein du Conseil constitutionnel, je dois avouer que je n’avais pas de position bien arrêtée, mais les interventions de nos invités et de mes collègues, en particulier de Guillaume Larrivé, m’ont permis de la préciser. Qu’on conteste l’existence de membres à vie, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas ce que j’ai lu dans l’exposé des motifs ou entendu ce matin. On parle seulement d’« anomalie », de disposition devenu « inadéquate » ou qui ne serait pas « vertueuse » : tous jugements qui me semblent un peu légers en termes d’analyse constitutionnelle.

Ne sommes-nous pas en train d’ouvrir la boîte de Pandore ? Il est très aventureux de dire, comme on le fait dans l’exposé des motifs, que les anciens présidents de la Républiques n'auraient plus leur place au Conseil constitutionnel « en particulier depuis l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité ». Mais, en vertu de ce même critère, qui serait susceptible d'y être nommé ? Certainement pas un parlementaire, surtout s’il a siégé à la Commission des lois – et, pis encore, s'il en a été le président –, car il serait a posteriori juge et partie, au même titre qu’un ministre ayant défendu le texte en examen au Conseil. La liste serait longue de ceux qui, compte tenu de ce qu'ils sont ou ont été, n’auraient pas à être nommés au Conseil constitutionnel pour cette même raison.

Une « anomalie » ? C'est le mot qu'ont jadis employé certains à propos du Sénat – j’ignore s'ils le maintiendraient aujourd'hui. Un dispositif « inadéquat » ? Le terme n’est pas très précis juridiquement. Et en quoi n'est-il « pas vertueux » qu'un ancien président de la République siège au Conseil constitutionnel ?

Pour toutes ces raisons, c'est ce projet de révision constitutionnelle lui-même qui me semble particulièrement inopportun et assez inadéquat.

M. Sébastien Denaja. Comme Mme Bechtel, j’ai été très surpris des propos que nous avons entendus. En quoi la souveraineté du Parlement serait-elle atteinte par la constitutionnalisation de l'obligation d'une négociation sociale préalable ? À quel titre opposer démocratie sociale et démocratie politique ? Ne peut-on penser qu’elles peuvent au contraire s’enrichir mutuellement et que la loi serait d'autant plus forte qu'elle s'appuierait sur une large négociation sociale ?

Contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Derosier, le groupe majoritaire n'a pas renoncé à son pouvoir d'amendement lors de l'examen de la loi relative à la sécurisation de l'emploi : 90 amendements socialistes ont été votés en commission des Affaires sociales !

Madame Mastor, je n'ai pas bien saisi où, selon vous, ces dispositions relatives au dialogue social trouveraient mieux à s'insérer dans le texte de la Constitution.

Pour ce qui est des incompatibilités, vos propos tendant à interdire à un ministre tout mandat local me semblent un peu radicaux. Ne suffirait-il pas de lui retirer toute délégation ? Il aurait alors un simple pouvoir de délibération, comme conseiller municipal « de base », ce qui éviterait sans doute des anomalies aussi sidérantes que celles dont a fait état M. Devedjian. Il est en effet surprenant d'apprendre de la bouche d'un ancien ministre que les actes du conseil général des Hauts-de-Seine n'ont fait l'objet d'aucun contrôle de légalité lorsque ce conseil était présidé par d’anciens ministres de l'Intérieur – mais en est-il allé différemment avec leur successeur, monsieur Devedjian ?

M. Patrick Devedjian. Oui.

M. Sébastien Denaja. Je souscris par ailleurs à la proposition d'élargir la composition du Conseil constitutionnel mais, selon nos invités qui ne se sont pas prononcés sur le sujet, quelles autorités pourraient pourvoir à ces nouvelles nominations, compte tenu de la mue du Conseil en cour constitutionnelle ? L’idée de les confier au Premier ministre ne me satisfait pas, mais les propositions du professeur Derosier ne m’agréent pas non plus. Ne pourrait-on envisager de s’en remettre au président du Conseil économique, social et environnemental, par exemple ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je souhaiterais aussi savoir quelles incompatibilités, selon vous, il serait utile de prévoir pour les membres du Conseil constitutionnel. Quelles activités, rétribuées ou non, leur autoriseriez-vous ? Je pense bien sûr, d’abord, aux activités de conseil…

M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales du projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale. La constitutionnalisation de la démocratie sociale consiste avant tout à rendre obligatoire le dialogue social avant le vote d'une loi relative au travail et aux relations sociales dans l'entreprise. Il s'agit donc, comme on l’a dit, d'une obligation de procédure. Et, comme l'indiquent clairement le texte et l'exposé des motifs, le pouvoir législatif ne serait nullement engagé juridiquement par ce dialogue social. Le texte constitutionnel vient donc préciser et enrichir notre conception de la démocratie sans pour autant « ligoter » le Parlement.

Le législateur constitutionnel, dans cette affaire, se trouve confronté à un pari ou, plutôt, à la nécessité de naviguer entre deux écueils : d’un côté, à défaut de constitutionnalisation, le dialogue social pourrait être insuffisant ou inexistant, ou encore mal pris en compte, comme cela a été le cas à certaines périodes ; de l’autre, le risque est que le Parlement, bien que n'étant pas lié par les accords négociés, soit soumis à une certaine contrainte politique et que sa souveraineté ne puisse s'exercer dans toute sa plénitude.

La proposition du Gouvernement de constitutionnaliser cette obligation de dialogue social préalable à l'intervention du législateur me semble intéressante, car elle fait prévaloir une approche plus ouverte et plus riche de la démocratie, dont l'une des sources est le préambule de la Constitution de 1946 dans lequel de nombreux Français et de nombreux parlementaires peuvent encore se retrouver.

M. Matthias Fekl. Le Conseil constitutionnel a connu une évolution importante depuis le début de la Ve République. « Chien de garde de l'exécutif », comme on l’a familièrement désigné à l'époque, destiné à contenir le Parlement, il s'est progressivement mué en véritable cour constitutionnelle. La présence en son sein des anciens présidents de la République est entièrement liée à certaines circonstances historiques et, par la politisation qu’elle induit, nuit à son fonctionnement interne comme à son image.

Quant à savoir si la proposition du Gouvernement est « orientée », je rappelle que la commission Balladur la formulait déjà, considérant que, pour des raisons objectives liées à la puissance de l'institution et à son rayonnement, cette présence était désormais à bannir.

Qu'en est-il des incompatibilités et inéligibilités, et, plus largement, du statut des membres du Conseil ? Le statu quo est-il convenable ?

Quelle règle de majorité doit s'appliquer pour l’examen des nominations par les commissions des Lois ? Je serais a priori pour exiger un avis favorable à la majorité aux trois cinquièmes, malgré le risque, souligné notamment par le professeur Guy Carcassonne, d’arrangements entre majorité et opposition.

La rétroactivité ne me paraît pas être un réel problème, car le principe de non-rétroactivité ne me semble pas juridiquement applicable en l’espèce ; par définition, une réforme s'applique à des situations existantes.

Fonder la présence à vie des anciens présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel sur l'article 5 de la Constitution, qui dispose que le président de la République veille au respect de cette dernière, est un raisonnement qui, pour être raffiné, n’est pas pleinement convaincant. Cette présence n'est pas indispensable au bon fonctionnement du Conseil et lui est même préjudiciable. D’autre part, tout en veillant à ce que leur légendaire inventivité ne soit pas source de complication, il faut continuer de faire une juste place aux juristes de profession en se souvenant que, depuis la création du Conseil, un équilibre y a toujours été assuré entre théoriciens du droit et praticien des institutions.

M. François Vannson. Les interventions brillantes de nos invités ont été particulièrement éclairantes. Il ne me semble pas opportun aujourd'hui de modifier notre Constitution et les propositions formulées en ce sens par le Gouvernement relèvent pour moi du gadget. Si cette procédure existait, je défendrais volontiers une motion de renvoi de ces textes au Gouvernement.

Mme Ariane Vidal-Naquet. Pour ce qui est de la suppression de la Cour de justice de la République et du risque de confusion qui pourrait s'ensuivre entre responsabilité politique et responsabilité pénale, il faut souligner que la commission des requêtes prévue à l’article 2 du projet pour autoriser les poursuites peut aussi les refuser si elle estime qu'il n'y a pas eu crime ou délit, que les faits n'ont pas été commis dans l'exercice des fonctions du ministre ou qu'ils relèvent de sa responsabilité politique, et non de sa responsabilité pénale. La manière dont cette commission motivera son éventuel refus et la publicité qui pourra être donnée à celui-ci peuvent contribuer à revaloriser la responsabilité politique ministérielle.

Quant au Conseil constitutionnel, je ne suis pas convaincue qu’il doive revenir au Premier ministre de nommer les trois membres supplémentaires. Je serais plutôt favorable à la nomination d'un membre par le Conseil d'État, d’un autre par la Cour de cassation et du troisième par la Cour des comptes, comme c'est le cas dans plusieurs pays étrangers.

Mme Wanda Mastor. Pour remédier au manque de cohérence et de rigueur qui a été reproché à ces projets, je vous engage à continuer d’auditionner des professeurs de droit.

Quant au reproche d'angélisme, sans doute me suis-je mal exprimée : il n'est pas question de « désincarner » qui que ce soit et j'espère bien que tout membre du Gouvernement reste humain, si prestigieuse que soit sa fonction. Un ministre conserve toujours un ancrage social et un ancrage local, mais ce dernier ne doit pas être institutionnel. Je ne vois pas des conflits d'intérêts partout, mais il convient d'éviter les suspicions, en particulier dans certaines périodes.

Je ne m’attendais pas à ce que la question des membres de droit du Conseil constitutionnel suscite autant de débats. Pour les autres, l’expérience est certainement une qualité utile. Quant à la sagesse… Je préfère, avec Aristote, les prudents aux sages !

Il ne fait pour moi aucun doute que le Conseil constitutionnel soit une cour constitutionnelle. Pour ce qui est de sa composition, je rappelle que Hans Kelsen, créateur des cours constitutionnelles, insistait fortement sur l’exigence de qualification. La France est l’un des rares pays au monde qui n’exige pas de qualification juridique pour l’exercice de ces fonctions – avec, il est vrai, les États-Unis, mais chacun sait que tous les membres de la Cour suprême américaine sont passés par les universités Harvard ou Columbia. Il conviendrait donc d’imposer une condition de qualification et je serais presque favorable, en la matière, au tirage au sort. À défaut, nous pouvons nous inspirer des pays voisins : la présence de magistrats est nécessaire – et pourquoi pas aussi celle de professeurs de droit ? Enfin, il me semble à moi aussi que le Premier ministre ne doit pas pouvoir procéder à ces nominations.

Monsieur Denaja, selon moi, la démocratie sociale ne doit pas faire l’objet d’un titre spécifique de la Constitution et devrait plutôt figurer, par exemple, dans un alinéa à l’article 39.

M. Jean-Philippe Derosier. Monsieur Geoffroy, on peut entendre les arguments historiques qui ont présidé, en 1958, à la nomination de droit des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, mais cette disposition aurait pu être transitoire et les arguments en faveur de son maintien sont encore plus légers que les raisons qui justifient sa suppression.

L'incidence de la question prioritaire de constitutionnalité est l'une de ces raisons mais il faut aussi souligner, plus largement, que le Conseil est de plus en plus sollicité sur des questions de constitutionnalité tandis que, sous le double effet du rajeunissement de la classe politique et de l'augmentation de l'espérance de vie, le nombre des anciens présidents de la République augmente ; l'équilibre initial en est altéré, ce qui peut aussi changer la nature de l'institution en en renforçant la politisation au moment même où elle se juridictionnalise de plus en plus.

L'obligation de non-rétroactivité n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce, car c'est précisément la finalité d'une réforme que de modifier l'état du droit existant. Surtout, le Conseil constitutionnel s'étant, selon moi, tiré une balle dans le pied en refusant de contrôler la constitutionnalité des révisions constitutionnelles, le constituant peut faire ce qu’il veut.

Madame Bechtel, pour répondre à votre objection selon laquelle le Conseil, qui rend des avis, ne pourrait pas être une cour, je rappellerai que le Conseil d’État, dans sa formation contentieuse, rend des avis de nature juridictionnelle. Je ne serais donc pas choqué que la cour constitutionnelle puisse elle aussi, dans une formation contentieuse, rendre des avis éclairant – dans son cas a posteriori – certains aspects de notre vie politique.

Monsieur Fekl, je suis moi-même assez réservé sur l’idée de demander aux commissions un avis positif sur les nominations, en raison du risque de déboucher sur le plus petit dénominateur commun, à la suite d’arrangements entre majorité et opposition pour parvenir à une majorité des trois cinquièmes – comme c'est le plus souvent le cas en Allemagne. Sans être absolument à proscrire, cette solution n’est pas la meilleure qui soit et celle qui s’applique aujourd’hui n’est, au fond, pas si mauvaise.

Il est d’autre part scandaleux – même si c’était juridiquement inévitable – que Mme Claire Bazy-Malaurie, qui était déjà membre du Conseil constitutionnel et que le président de l'Assemblée nationale a décidé de nommer pour un nouveau mandat de neuf ans, ait été soumise à une nouvelle audition par votre commission des Lois. Il conviendrait de corriger cette erreur pour l’avenir, car Mme Bazy-Malaurie a dû s’exprimer sur des affaires qu’elle avait jugées récemment et a elle-même été jugée sur ces affaires – ce qui explique sans doute le vote partagé qui a suivi.

Il serait sage d'élargir le plus possible les incompatibilités applicables aux membres du Conseil constitutionnel, voire d'interdire l'exercice de tout autre métier pendant les neuf ans de leur mandat – à l'exception peut-être du fabuleux métier de professeur des universités, dont l'indépendance est constitutionnellement garantie ! (Sourires.)

Pour ce qui est de la nomination de trois membres supplémentaires, monsieur Deneja, je maintiens que ce ne serait pas une mauvaise idée de la confier au Premier président de la Cour de cassation, au vice-président du Conseil d’État et au Premier président de la Cour des comptes, à raison d’un chacun.

L’élection du président de la République au suffrage universel direct n’est aucunement une anomalie. C’est ainsi que l’ensemble des républiques européennes élisent le chef de l’État en tant que chef d’un exécutif bicéphale. Quant à l’anomalie, ou anormalité, de la fonction, elle tient tout simplement au fait que le président de la République est, sur 65 millions de Français, le seul élu pour exercer pour exercer cette fonction pendant cinq ans.

Monsieur Devedjian, la distinction entre les actes détachables et non détachables de la fonction ne me semble pas une bonne solution. En effet, si le fils du président de la République casse trois dents à un camarade de classe qui a mal parlé de son père dans la cour de récréation, l’acte n’est pas rattachable à la fonction, mais il existe un lien et les parents de cet autre enfant pourraient vouloir attaquer le président par des voies civiles. Que le président de la République soit protégé pendant cinq ou dix ans ne me paraît donc pas être un mal.

Quant aux dispositions relatives au dialogue social, je proposais de les placer dans un nouvel article 39-1, après les articles 38 et 39 relatifs aux ordonnances et au dépôt des projets de loi.

Monsieur le rapporteur pour avis, si le pouvoir législatif n'est aucunement engagé par le dialogue social, une disposition constitutionnelle ne servira à rien. Il en serait d’elle comme de celle qui prévoit que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat » : la majorité d’aujourd’hui, lorsqu’elle était opposition, l’a maintes fois invoquée contre des amendements intervenant en cette matière, lorsqu’ils avaient été introduits à l’Assemblée, mais elle a été chaque fois désavouée par le Conseil constitutionnel !

En réponse à M. Valax, je tiens à mettre en garde contre une tendance trop fréquente à la précipitation. Ainsi, l’idée qu’un sujet qui occupe tous les soirs de cette semaine le journal télévisé de 20 heures justifierait que le monde politique se livre à un « Full Monty » mériterait une réflexion plus approfondie, déjà engagée du reste par la commission Jospin. Une réaction à chaud ne peut que dégénérer. Prenez garde à ce que vous allez faire sur le thème de la transparence, car vous risquez de devenir vous-mêmes transparents au sens propre.

Mme Julie Benetti. Je suis très étonnée, moi aussi, que la question des membres de droit du Conseil constitutionnel ait suscité un tel débat, car je croyais qu'il était acquis que les anciens présidents de la République ne siégeraient plus dans cette institution. Que ce ne soit pas le cas prouve qu’il nous faut encore faire effort pour vous convaincre. Aussi vous poserai-je la question : à qui profiterait le maintien de la situation actuelle ? Certes pas aux intéressés puisqu’ils ne siègent pas au Conseil, ou très peu. Dès lors, ne serait-ce pas être plus royaliste que le roi que de vouloir absolument maintenir l’existence de ces membres de droit ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je ne trahis aucun secret en rappelant une information qui figure sur le site du Conseil constitutionnel : l'un de ses membres de droit a participé à 11 séances sur plus de 200 en 2012, et ce n'était pas celui qui avait des raisons médicales de ne pas siéger.

Mme Julie Benetti. Cette présence sporadique dément l'élément de continuité invoqué par certains. La participation des anciens présidents de la République est essentiellement un privilège qui leur a été accordé en 1958 pour des raisons qui ont été rappelées et que plus rien ne justifie aujourd'hui. Il faut supprimer ce privilège.

L'obligation du dialogue social est bien, comme le souligne Mme Bechtel, une obligation de procédure. Cette obligation ne serait pas créée par la Constitution, car elle existe déjà dans le code du travail. En quoi son inscription dans la Constitution la rendrait-elle plus contraignante, compte tenu de la réserve tenant à l'urgence et du fait que, fort heureusement, le législateur ne serait pas lié par le contenu de cette négociation préalable ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ne savez-vous donc pas que le législateur peut légiférer en allant contre une loi précédente, mais non contre la Constitution ?

Mme Julie Benetti. Je le sais bien, et cela pose précisément la question de la sanction. La révision constitutionnelle obligerait le législateur à dialoguer, sous peine de censure par le Conseil constitutionnel…

Quel argument peut-on avancer en faveur de la compatibilité d'une fonction ministérielle et d'un mandat local ? Je ne crois pas plus que le professeur Mastor qu’un ministre cesserait d'avoir un lien avec sa circonscription parce qu'il ne siégerait plus au conseil municipal, général ou régional. Il ne s'agit pas de désincarner les ministres, mais d’éviter que leur présence au sein d'une instance délibérante ne crée une suspicion de conflit d'intérêts. C'est là un argument qu'il ne faut pas écarter d'un revers de main.

Pour ce qui est de la suppression de la Cour de justice de la République, la responsabilité pénale des ministres doit être engagée devant les juridictions pénales, mais il revient aux parlementaires de se saisir de tous les moyens dont ils disposent pour mettre en œuvre la responsabilité politique. Autrement dit, il leur appartient de contrôler l'action des ministres afin d'éviter le risque de voir le juge se saisir de questions débordant du champ de la responsabilité pénale et relevant directement de la responsabilité politique.

Je ne reprendrai pas à mon compte l'affirmation d’un manque de rigueur juridique du pouvoir politique, mais conclurai en rappelant que, selon le professeur Pierre Avril, « le droit, c'est une politique qui a réussi ».

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Mesdames et monsieur les professeurs, merci de nous avoir aidé à faire progresser notre réflexion.

*

* *

La Commission est appelée à rendre un avis sur l'organisation d'états généraux sur l'assistance médicale à la procréation en application de l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Comme la commission des Affaires sociales et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notre Commission a été saisie par le président du Comité consultatif national d'éthique, le Pr Jean-Claude Ameisen, en application de l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, qui prévoit dans son premier alinéa que « [t]out projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux. Ceux-ci sont organisés à l'initiative du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques » – ces dispositions ont été introduites dans le code de la santé publique par la loi Leonetti du 7 juillet 2011.

Au vu des questions qui ont pu être posées ces derniers mois sur l'assistance médicale à la procréation, le Comité d'éthique entend lancer des états généraux sur ce sujet. C'est la première fois qu'il serait fait application des dispositions de l'article L. 1412-1-1.

La lettre dont vous avez copie pose la problématique qu'entend traiter le comité d'éthique.

La commission des Affaires sociales a donné un avis favorable à ces états généraux le 20 mars dernier et l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques statuera sans doute au cours du mois de mai.

Je précise enfin que notre avis est purement consultatif.

J’invite la Commission à donner un avis favorable à l'organisation de ces états généraux.

Mme Marie-Françoise Bechtel. La lettre du président du Comité consultatif national d'éthique fait état d’un « projet de loi sur la famille ». Ce projet de loi existe-t-il donc déjà, ou y a-t-il ne serait-ce qu’un avant-projet ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Non, mais le Premier ministre a fait à plusieurs reprises état de son intention de présenter un projet de réforme. Cela suffit à justifier cette procédure – même si l’on peut raisonnablement penser que des états généraux auraient moins lieu d’être si la réforme ne portait pas sur l’assistance médicale à la procréation.

La Commission rend un avis favorable à l’organisation d'états généraux sur l'assistance médicale à la procréation.

*

* *

La Commission examine ensuite, en application de l’article 88 du Règlement, sur le rapport de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, les amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à moderniser le régime des sections de commune (n° 841).

Les tableaux ci-dessous récapitulent les décisions de la Commission :

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er bis

32

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

1er bis

1

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

1er bis

2 rect.

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

1er bis

33

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

1er ter

3

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

1er quater

4

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

2

35

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

2

38

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

2

39

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

2 bis

6

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

2 bis

40

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

2 bis

5

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

2 bis

29

Mme BECHTEL Marie-Françoise

SRC

Accepté

2 ter A

7

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

2 quater

8

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

2 quater

23

M. MARLEIX Alain

UMP

Repoussé

2 quinquies

46

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

2 quinquies

9

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

2 quinquies

10 rect.

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

3

42

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

3

11

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

3

12 rect.

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

3

30

Gouvernement

 

Accepté

3

13

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4

43

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

4

14

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4

25

M. MARLEIX Alain

UMP

Repoussé

4

15 rect.

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4

26

M. MARLEIX Alain

UMP

Repoussé

4 bis

44

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

4 quater

47

Gouvernement

 

Accepté

4 quinquies

16

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4 sexies

45

M. CHASSAIGNE André

GDR

Repoussé

4 sexies

17

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4 sexies

18

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4 sexies

19

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4 nonies

21

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4 nonies

20

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

4 decies

24

M. MARLEIX Alain

UMP

Repoussé

4 decies

28

M. MARLEIX Alain

UMP

Repoussé

4 decies

27

M. MARLEIX Alain

UMP

Repoussé

7

22

M. MOREL-A-L'HUISSIER Pierre

UMP

Accepté

La séance est levée à 12 heures 15.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– Mme Françoise Guégot, co-rapporteure d’application sur la loi constitutionnelle qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale (n° 813) ;.

– M. Guy Geoffroy, co-rapporteur d’application sur la loi constitutionnelle qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif aux incompatibilités applicables à l’exercice de fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel (n° 814) ;

– M. Georges Fenech, co-rapporteur d’application sur la loi constitutionnelle qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (n° 815) ;

– M. Philippe Houillon, co-rapporteur d’application sur la loi constitutionnelle qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement (n° 816) ;

– M. Christophe Borgel, rapporteur sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (n° 885) ;

– M. Christophe Borgel, rapporteur sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (n° 886) ;

– M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur sur la proposition de loi de MM. André Chassaigne et Marc Dolez et plusieurs de leurs collègues tendant à la suppression du mot « race » de notre législation (n° 218) ;

– M. Marc Dolez, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives (n° 760).

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Christophe Borgel, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Matthias Fekl, M. Guy Geoffroy, M. Guillaume Larrivé, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Jacques Valax, M. François Vannson

Excusés. - M. Marc-Philippe Daubresse, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Édouard Fritch, M. Daniel Gibbes, Mme Marietta Karamanli, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - M. Alain Calmette, Mme Hélène Geoffroy, M. Christian Paul