Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 18 juin 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 78

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition de M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (n° 885) et sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (n° 886) (M. Christophe Borgel, rapporteur)

– Information relative à la Commission

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition de M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (n° 885) et sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (n° 886) (M. Christophe Borgel, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le ministre, je vous remercie de venir nous présenter les deux projets de loi – le premier organique, le second ordinaire – interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur d’une part, et avec celui de représentant au Parlement européen, d’autre part. Nous poursuivrons nos échanges demain afin que chacun puisse présenter son point de vue et, à partir du 25 juin, examinerons le rapport de M. Christophe Borgel et les articles des projets de loi.

M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur. Avec cette audition – qui précède l’examen des textes par la commission des Lois –, nous entrons dans un processus législatif destiné à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.

Cette réforme est le fruit d’un long processus : de François Léotard – qui, en 1980, avait remis un rapport au président de la République, Valéry Giscard d’Estaing – à Bernard Roman en passant par le regretté Guy Carcassonne, nombreux sont ceux qui ont enrichi le débat.

Les deux étapes juridiques importantes furent la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires et la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux. Ces lois visaient à limiter le cumul des mandats, alors que les deux projets de loi que présente le Gouvernement ont pour objet de poser une interdiction. Nous vous proposons en effet de franchir un palier en empêchant le cumul du mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, tout en maintenant la possibilité pour un député ou un sénateur d’exercer un mandat local non exécutif – conseiller régional, conseiller départemental, conseiller municipal ou conseiller communautaire.

Connaissant l’ensemble des arguments de ce débat, je puis vous assurer que ce projet est équilibré : j’ai été député, maire et président d’une communauté d’agglomération en même temps ; j’ai par ailleurs écrit sur ce sujet. Ce texte résulte d’un engagement pris par le président de la République devant les Français. Ces deux projets de loi sont à la fois stricts sur le périmètre concerné, mais souples sur la date d’application. Le mandat de parlementaire ne pourra plus être cumulé avec une fonction exécutive locale, y compris celle d’adjoint, de vice-président et de maire d’arrondissement ou de secteur. Il est inimaginable d’exclure du champ de la loi les intercommunalités comme l’avait fait la loi du 5 avril 2000 : dotées de larges compétences, celles-ci verront les membres de leur assemblée délibérante élus au suffrage universel direct l’année prochaine, en même temps que les conseillers municipaux. L’intégration des fonctions d’adjoint ou de vice-président de conseil régional, de conseil général et des agglomérations dans le texte répond à l’évolution de ces tâches et évite tout détournement de la loi. Un débat existe pour les arrondissements et les secteurs, mais la transformation de leur rôle à Paris, à Lyon et à Marseille s’avère forte et continue.

Ces projets de loi mettent en place un système souple ne prévoyant aucun couperet en 2014 ou en 2015, permettant ainsi à chaque élu de s’organiser et de choisir librement le mandat qu’il privilégie. Les textes apportent également une sécurité juridique, puisque la formule suggérée par le Conseil d’État et retenue par le Gouvernement – l’échéance du premier renouvellement de l’assemblée parlementaire concernée postérieur au 31 mars 2017 – garantit l’exercice du droit de suffrage, assure la continuité du fonctionnement des assemblées et évite tout risque de rétroactivité. J’ai pesé, en tant que ministre de l’Intérieur, pour que cet élément de sécurisation du dispositif soit introduit dans le projet de loi : le cadre dans lequel se sont déroulées les élections législatives de 2012 se trouve préservé et aucune incompatibilité n’est imposée en cours de mandat. Nous apportons une réponse équilibrée entre les exigences de sécurité juridique, la position de ceux qui demandent à ce que ce mécanisme s’applique dès 2014 et celle de ceux qui, en fait, ne veulent pas de cette réforme.

Cette flexibilité n’amenuise pas la force des effets politiques de la loi. Comme ce texte sera adopté avant les élections municipales de 2014, les scrutins locaux de l’année prochaine et de 2015 se dérouleront dans un nouveau cadre juridique et politique : les parlementaires qui seront candidats aux prochaines élections municipales seront en pratique tenus de préciser s’ils comptent réaliser l’intégralité du mandat qu’ils sollicitent – et ainsi abandonner leur siège de parlementaire en 2017 – ou s’ils envisagent de transmettre le témoin au bout de trois ans. Il en ira de même pour les présidents de conseil départemental ou régional en 2015. Je note d’ailleurs que dans plusieurs villes, les acteurs politiques locaux réfléchissent déjà à ce choix.

Au total, cette réforme est attendue et annoncée depuis les élections présidentielle et législatives de 2012, et elle porte un profond renouvellement de l’exercice de la fonction parlementaire ainsi qu’un renforcement du rôle de l’Assemblée nationale. Je ne méconnais pas les changements qu’elle induira dans les collectivités locales, mais nous devons prendre ce chemin si nous voulons revitaliser notre démocratie.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ces deux projets de loi s’attaquent à une spécificité française ; le cumul des mandats nous distingue en effet parmi les démocraties occidentales – que celles-ci soient plus décentralisées que la nôtre comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, ou qu’elles le soient moins comme le Royaume-Uni –, et sa pratique actuelle possède peu d’équivalents dans l’histoire de la République. Près de 60 % des parlementaires exercent une fonction exécutive dans une collectivité locale et plus de 80 % occupent un mandat local. Le faible développement du cumul des mandats dans les autres démocraties obéit, selon les cas, à des normes ou à la pratique. Comme il est nécessaire de mettre fin à cette caractéristique nationale, le Gouvernement a déposé ces deux projets de loi. Cette réforme est certes essentielle pour le renouvellement de la vie politique, mais elle l’est avant tout pour le Parlement. Si nous voulons en effet que le Parlement exerce pleinement les missions qui lui sont confiées par la Constitution, nous avons besoin de députés et de sénateurs qui y consacrent l’essentiel de leur temps et qui y assurent une présence plus importante.

Ces textes succèdent, vous l’avez rappelé, Monsieur le ministre, aux lois de 1985 et de 2000 dont ils conduisent la logique à son terme ; ils viennent également à la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a renforcé les pouvoirs du Parlement.

Les projets de loi créent un cadre juridique simple. L’article premier du texte en fixe le périmètre de manière compréhensible par tous : on ne pourra plus être parlementaire et exercer une fonction exécutive locale, quelle que soit la nature de celle-ci.

Toute avancée contre le cumul des mandats change la vie politique locale, si bien que nous avons décidé de laisser, comme pour les lois de 1985 et 2000, le temps de la fin du mandat parlementaire pour que chacun puisse s’adapter à la nouvelle règle. Il n’existait pas de consensus sur le moment opportun d’entrée en application entre les juristes que nous avons auditionnés, mais tous s’accordaient à reconnaître que la date la plus sûre en termes juridiques était celle de 2017 que le projet de loi a retenue : là repose l’équilibre du texte.

Enfin, le projet de loi amènera à poser deux questions : le renforcement des moyens des parlementaires et le cumul des mandats locaux. Pour la première, il s’agit de l’une des conséquences de la réforme, puisque l’accroissement du rôle du Parlement suppose l’augmentation des prérogatives et des moyens des députés et des sénateurs ; nos travaux ne devront pas éluder ce sujet, même s’il s’agira d’un des enjeux d’application de la réforme en 2017. Le traitement de la seconde interrogation relève d’une loi simple et ne pourra donc pas trouver de réponse dans le projet de loi organique : de futures discussions devront aborder les cas de cumul dans plusieurs exécutifs locaux – auxquels s’ajoutent des responsabilités dans plusieurs organisations comme les syndicats mixtes ou les sociétés d’économie mixte (SEM) – et les lier à l’élaboration d’un statut de l’élu local.

M. Guy Geoffroy. Vous dites, Monsieur le ministre, que tous les arguments du débat sont connus : j’espère que cela ne vous conduit pas à refuser la discussion. La procédure accélérée qu’a choisie le Gouvernement pour l’examen de ces textes ne peut que renforcer notre inquiétude. Pourquoi une telle précipitation ? Une procédure ordinaire n’aurait-elle pas davantage permis que s’expriment toutes les sensibilités à l’intérieur de toutes les formations représentées dans les deux chambres ? Il n’existe pas, au sein de la majorité, d’adhésion unanime à cette orientation. La seule raison qui vous pousse à l’inscrire dans la loi, c’est le respect du dogme de l’engagement de François Hollande lors de la campagne présidentielle.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. En l’occurrence, le choix du mot « cumul » n’est pas anodin : il s’agit, avec ce terme très péjoratif, de convaincre nos concitoyens que la situation actuelle est anormale. Mais cela ne trahit-il pas votre incapacité à convaincre par des arguments ? Pourquoi nommer « cumul » l’exercice simultané d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale ?

J’ai souvent débattu du sujet avec Guy Carcassonne – que nous appréciions tous. Si chacun reconnaissait la pertinence des démonstrations de son interlocuteur, ni lui ni moi ne pouvions déconsidérer la position de l’autre. Il n’existe pas d’argument décisif – même après la révision constitutionnelle de 2008 – pour imposer cette réforme. Il est d’ailleurs précisé dans l’exposé des motifs que les parlementaires doivent bénéficier de temps pour s’adapter au nouveau périmètre de leurs missions et M. le rapporteur vient de refaire devant nous ce raisonnement dénué de toute pertinence. Lors de la précédente législature, des organismes indépendants ont établi le classement des députés les plus assidus : j’avais été classé premier, suivi de M. François Brottes. Or nous sommes tous deux députés et maires : on peut donc bien assumer un mandat parlementaire dans le respect de l’engagement pris par le candidat devant le peuple.

En outre, si un parlementaire n’exerce pas de fonction exécutive locale, il devra quand même être présent dans son territoire d’élection afin de rester proche de ceux qui l’ont désigné – et peut-être même plus qu’avant pour saisir les préoccupations que les fonctions locales, notamment celle de maire, permettent d’appréhender directement. On ne peut pas défendre ou combattre l’exception française selon la seule commodité de la démonstration. Qu’y a-t-il de scandaleux dans la spécificité française de l’exercice simultané d’un mandat national et d’une fonction exécutive locale ? Beaucoup d’élus de l’Assemblée nationale nouent des contacts avec des parlementaires de pays amis – très différents les uns des autres – et ces derniers montrent souvent de l’intérêt pour notre système.

Il est curieux d’utiliser la procédure accélérée et de procéder à cette audition au moment où se déroule la réunion de la mission d’information sur le statut de l’élu à laquelle certains d’entre nous appartiennent. Cette mission n’a pas encore adopté son rapport que nous débattons déjà du statut d’un élu particulier ! Nous examinons cette semaine en séance publique le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique qui, avec ces deux projets de loi, modifiera l’attractivité que peuvent avoir ces mandats parlementaires national et européen pour nos concitoyens – le Gouvernement ne réfute d’ailleurs pas totalement cet argument. S’ajoute à cet ensemble de modifications la future impossibilité d’exercer un mandat parlementaire avec une activité privée que l’on exerçait auparavant.

Quelle est la prochaine étape ? Sera-ce la proportionnelle – comme s’y était engagé le candidat élu à la présidence de la République – et, si oui, quelle sera son ampleur ? Ces sujets ne nous sont pas présentés globalement, mais nous estimons qu’ils induiront un changement dans le recrutement des parlementaires. Quel profil d’élu de la République souhaitez-vous promouvoir dans cette assemblée ? Le Gouvernement et la majorité veulent-ils que les représentants de la nation issus du contact avec la population sur le terrain soient remplacés par des élus désignés moins directement par les habitants qui les font actuellement émerger élection locale après élection locale ? Avec l’ensemble de ces réformes, vous allez changer la représentation nationale, ainsi que l’équilibre global de nos institutions entre le Parlement – dont on peut se demander s’il ressemblera à ce que veulent nos concitoyens – et l’exécutif. Quel est le point d’arrivée de ce mouvement dont vous avez pris l’initiative ?

Mme Laurence Dumont. Mon seul point d’accord avec M. Guy Geoffroy sera pour déplorer la simultanéité des travaux de la mission sur le statut de l’élu avec ceux de notre Commission.

Les parlementaires déclarent souvent, lors des campagnes électorales, que la classe politique doit comporter davantage de femmes, de jeunes, de salariés du privé et de Français dont la famille est issue de l’immigration ; de nombreux citoyens demandent depuis plusieurs années la fin du cumul des mandats. Plus de 70 % des militants socialistes se sont prononcés en faveur de la limitation des mandats. De nombreux constitutionnalistes et politologues le préconisent également, car ce cumul constitue chez nous un « sport national ».

Le temps de l’action est venu et je suis ravie que cette promesse du président de la République ait été transcrite dans deux projets de loi ; je comprends d’ailleurs mal, monsieur Geoffroy, que des engagements de campagne soient qualifiés de dogmes et que l’on puisse regretter qu’on les mette en œuvre.

Bien qu’ils aient d’autres priorités – le pouvoir d’achat et l’emploi, notamment –, les Français plébiscitent cette mesure. À l’heure où l’on parle de transparence de la vie publique, il est du devoir des élus de réconcilier les citoyens avec la politique. Ce texte y contribuera, comme y avait réussi la loi du 5 avril 2000, voulue et votée par les socialistes. Ce sont souvent eux qui ont fait avancer la démocratie et la parité dans notre système institutionnel, et nous avions d’ailleurs déposé une proposition de loi au cours de la précédente législature pour poursuivre ce mouvement, mais le Gouvernement de l’époque l’avait rejetée. Monsieur le ministre, ayons le courage de nos valeurs, de l’intérêt général et franchissons cette nouvelle étape de la limitation du cumul.

Le texte a le mérite d’être clair, simple, précis, et il doit conserver ces qualités. L’article 1er interdit à tous les parlementaires de cumuler leur mandat avec une fonction exécutive locale, y compris celles exercées dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, ainsi que celles de maire, de président de collectivité territoriale, d’adjoint et de vice-président. Ce périmètre doit rester inchangé. Les sénateurs, comme les députés, représentent la Nation et non les territoires au sein desquels ils sont élus ; à ce titre, la limitation du cumul doit leur être appliquée, ainsi qu’aux parlementaires européens. Les membres du Parlement ont pour mission de voter la loi et de contrôler le Gouvernement, et ils doivent pouvoir exercer ces compétences sans conflit d’intérêts avec un mandat local. Un député-maire ne cesse de songer, dans son travail de législateur, aux conséquences de la loi sur les citoyens qui l’ont élu : c’est cette confusion qu’il faut éliminer, car, comme le dispose la Constitution, la loi est l’expression de l’intérêt général et non la somme d’intérêts particuliers. En outre, un député qui ne possède pas de mandat local n’est pas « hors sol », contrairement à ce que l’on entend souvent ; il se trouve même plus souvent sur le terrain.

Le texte prévoit une application du nouveau système à partir de 2017, et les citoyens peuvent éprouver quelques difficultés à comprendre la nécessité de ce délai de quatre ans entre le vote de la loi et sa mise en œuvre : si le Parlement devait conserver cette date, il nous faudrait déployer beaucoup de pédagogie pour la justifier ; il me semble de même, à titre personnel, que devient indéfendable le mécanisme – prévu à l’article 3 du projet de loi organique – de remplacement d’office du parlementaire dont le siège devient vacant par son suppléant.

Monsieur le ministre, vous avez qualifié cette réforme de palier ; il faudra en effet en franchir d’autres, notamment sur le cumul des mandats locaux.

M. Pascal Popelin. Contrairement à ma collègue Laurence Dumont, qui s’exprimait au nom du groupe SRC, j’interviendrai ici à titre personnel.

Considérant que ce texte ne concerne que les 899 parlementaires et que le nombre d’élus locaux s’élève à 40 000, estimez-vous, Monsieur le ministre, que ce projet de loi traite vraiment de la question de la limitation des mandats ? Je tiens d’ailleurs à rappeler précisément l’engagement n° 48 de M. François Hollande : « Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats. »

Pensez-vous qu’être à la fois maire, président d’une communauté d’agglomération, vice-président d’un conseil régional ou général et président de plusieurs établissements publics disposant parfois d’un budget important pose moins de problèmes de disponibilité ou de conflits d’intérêts qu’être parlementaire et maire ?

Il est admis – c’est même parfois un argument électoral – qu’un maire exerce simultanément une autre activité – médecin, enseignant, employé du gaz – ou un autre mandat. Considérez-vous que seul le mandat parlementaire est incompatible avec la fonction de maire ?

Croyez-vous qu’il soit plus aisé de cumuler un mandat de parlementaire avec une fonction de conseiller régional ou général, qui requiert une grande présence locale, plutôt qu’avec une activité de maire ou d’adjoint au maire qui, la plupart du temps, s’exerce dans une commune située au centre du territoire d’élection du député ou du sénateur ? La spécificité française – qu’a évoquée M. le rapporteur – porte-t-elle exclusivement sur la pratique du cumul ou n’est-elle pas liée aux faibles prérogatives du Parlement dans notre pays, à la dépendance des collectivités territoriales au pouvoir central et à l’absence de statut de l’élu local ?

Quelle sera l’influence de ce texte sur l’équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif et entre la représentation de la majorité et celle de l’opposition au sein de l’Assemblée nationale ?

Le remplacement, en toutes circonstances, du député ou du sénateur titulaire par son suppléant est-il de nature à améliorer la confiance des citoyens dans le suffrage universel direct ?

M. Bernard Roman. Lorsqu’on abordait avec lui la question du cumul des mandats, Guy Carcassonne évoquait volontiers une conversation entre le général de Gaulle et Michel Debré au cours de laquelle ce dernier – qui rédigeait la Constitution de la Ve République – demandait s’il fallait introduire dans la loi fondamentale des dispositions limitant le cumul des mandats pour les parlementaires. Interrogé sur les conséquences d’une telle limitation, Michel Debré répondit que les parlementaires seraient davantage présents dans leur assemblée : le général de Gaulle décida de maintenir le cumul. Souhaitons-nous des parlementaires qui se consacrent pleinement à leurs fonctions ou acceptons-nous que la France continue de constituer une exception au sein des démocraties ?

La première loi sur la limitation du cumul des mandats date de 1985 : un consensus entre la majorité et l’opposition avait conduit à une adoption très large du texte que défendait Pierre Joxe et à une absence de saisine du Conseil constitutionnel. De ce fait, la notion d’exécutif local ne fut pas définie, alors que la loi intégrait sous ce terme les exécutifs au sens du code général des collectivités territoriales – les présidents et les maires, mais aussi les adjoints et les vice-présidents à partir d’un certain seuil de responsabilité. Vous élargissez, monsieur le ministre, la conception de l’exécutif local aux adjoints et aux vice-présidents. La question a-t-elle été examinée par le Conseil d’État ? Les vice-présidents et les adjoints sont élus par leur assemblée, mais ils ne détiennent leur pouvoir que par des décisions discrétionnaires des exécutifs – au sens du code général des collectivités territoriales. Il se peut très bien qu’un adjoint aux finances d’une grande collectivité choisisse cette fonction au détriment du mandat de parlementaire et que le maire décide de lui retirer sa délégation dès le lendemain. Une définition plus large crée donc une situation bien différente de celle où une acception restrictive de l’exécutif local serait retenue.

Les communautés urbaines, de communes et d’agglomération sont des EPCI et non des collectivités locales, ce qui pourrait créer un risque juridique pour la loi. Le Conseil d’État s’est-il prononcé sur ce sujet ?

À l’initiative du Gouvernement de Lionel Jospin, nous avons débattu de la limitation du cumul des mandats pendant près de deux années avant l’adoption de la loi du 5 avril 2000, qui s’est principalement concentrée sur les mandats locaux plutôt que sur les mandats parlementaires. En effet, nous élaborions une loi organique relative au Sénat, qui devait, à ce titre, être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées – la jurisprudence du Conseil constitutionnel ayant depuis, paraît-il, évolué en cette matière en donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale – et, comme la Haute Assemblée avait refusé de s’appliquer ces dispositions, nous avons voté le texte sans les mesures qui concernaient les parlementaires. Il est important de rappeler que nous avons avancé sur la limitation des mandats locaux il y a quinze ans. Mais, si, comme je le souhaite, nous votons ces projets de loi d’interdiction de cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale – au sens élargi de cette notion –, nous ne pourrons pas éluder la question du cumul des mandats locaux en intégrant l’acception étendue de l’exécutif local, puisque le cumul de deux exécutifs locaux – au sens strict du code général des collectivités territoriales – est interdit. À ce sujet, le cumul d’une fonction de vice-président à l’action économique dans une région et dans un département – avec l’existence de la clause de compétence générale – ne crée-t-il pas un conflit d’intérêts ?

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, avant d’entrer au Gouvernement, vous avez été, simultanément et pendant une dizaine d’années, député, maire d’Évry – commune de 52 000 habitants – et président de la communauté d’agglomération d’Évry – environ 115 000 habitants. Vous avez donc, en tant que parlementaire, parce que les électeurs vous avaient choisi et vous avaient renouvelé leur confiance, cumulé deux éminentes fonctions exécutives territoriales : vous avez été le produit de la complémentarité du mandat national – qui permet de participer au débat public intéressant l’ensemble du pays – et des fonctions territoriales – indispensables pour agir sur le terrain au service des habitants. Pourquoi ce qui a été efficace et légitime pour M. Valls et pour d’autres deviendrait subitement inefficace et illégitime ? Pourquoi voulez-vous interdire à la nouvelle génération ce que vous avez vous-même pratiqué ?

M. Patrice Verchère. Monsieur le ministre, vous avez en effet été député-maire d’Évry ; le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault fut député-maire de Nantes et le président de la République, M. François Hollande, député et président du conseil général de la Corrèze. Ce cumul de mandats vous a permis d’occuper de très hautes fonctions, et je comprends que Guillaume Larrivé craigne que la nouvelle génération ne soit sacrifiée.

Pourquoi ces deux projets de loi choisissent-ils l’interdiction du cumul plutôt que sa limitation ? Doit-on comprendre que le président de la République, le Premier ministre et vous-même considérez que, lorsque vous cumuliez les mandats, vous n’étiez pas à la hauteur de vos fonctions ?

Vous avez affirmé que les candidats aux prochaines élections municipales devront indiquer s’ils comptent accomplir l’intégralité de leur mandat, mais n’oublions pas que celui qui deviendra maire à partir de 2017 se trouvera confronté à la même contrainte s’il décide de se présenter quelques années plus tard aux élections législatives ou sénatoriales.

Pourriez-vous répondre à la question posée par certains de mes collègues sur le cumul des fonctions des élus locaux ?

La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, avait affirmé que l’interdiction du cumul devait s’accompagner de l’élaboration d’un statut de l’élu. Or, si une mission d’information sur ce sujet a été installée, aucun projet de loi n’a encore été déposé.

M. Jacques Valax. Je suis heureux que ce texte soit arrivé sur le Bureau de notre assemblée et je m’étonne que Guy Geoffroy parle d’une procédure accélérée : elle l’est peut-être en droit parlementaire, mais nous débattons de ce sujet depuis 1985 et il est temps d’interdire le cumul des mandats, car cela apportera un renouvellement de la vie politique.

Ce texte est équilibré ; pour reprendre vos mots, Monsieur le ministre, il s’avère strict sur le périmètre et souple sur la date d’entrée en vigueur du système, prévue en 2017 : chacun pourra ainsi choisir en toute liberté. J’aurai cependant l’impertinence de déposer un amendement visant à ce que ce texte s’applique dès 2014.

Vous avez fait référence au risque d’inconstitutionnalité de ces projets de loi. Quels sont ces risques que pointerait l’avis du Conseil d’État ? Serait-il possible que celui-ci nous soit transmis sous la forme d’une fiche ou d’une note synthétique ? Cela nous permettrait de déposer des amendements qui tiennent compte des recommandations juridiques émises par le Conseil.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Comme disait Guy Carcassonne, « cumulatio delenda est ». Je signerai donc votre amendement ayant pour objet de faire appliquer la loi dès les scrutins municipaux de 2014.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur Geoffroy, s’il y a un domaine dans lequel la majorité ne prend personne par surprise, c’est bien celui du cumul des mandats ! Le débat sur ce sujet traverse d’ailleurs l’opposition, et j’ai écouté avec intérêt les propos qu’a tenus récemment Bruno Le Maire.

Ségolène Royal avait beaucoup insisté au cours de sa campagne présidentielle de 2007 sur la nécessité de limiter le cumul des mandats. Les militants de notre parti se sont également prononcés en ce sens à une très large majorité, tout comme nos dirigeants, Martine Aubry puis Harlem Désir. Cette volonté du parti socialiste s’est traduite par l’engagement n° 48 de François Hollande.

Aucune décision récente du Conseil constitutionnel n’interdit à une loi organique – c’est ce niveau de norme juridique qu’il y a lieu de considérer depuis la révision de l’article 25 de la Constitution intervenue le 23 juillet 2008 – de prévoir un nouveau cas de remplacement d’un député titulaire par son suppléant. Je comprends bien qu’il faille éviter les risques, mais nous ne devons pas nous fonder sur un avis du Conseil d’État – que, par ailleurs, nous ne connaissons pas –, mais sur la seule jurisprudence du Conseil constitutionnel. Laquelle de ses décisions vous incite à penser qu’une menace d’inconstitutionnalité pèse sur le remplacement d’un député par son suppléant en cours de mandat ? La révision constitutionnelle a d’ailleurs permis à un député devenu ministre de retrouver son siège en cas de départ du Gouvernement ; la décision constitutionnelle du 8 janvier 2009 a distingué le remplacement définitif de la relève temporaire et a rangé le retour du ministre redevenant député dans la seconde catégorie. Le projet de loi organique s’apprête à ajouter un nouveau cas entrant dans le régime du remplacement définitif, aux côtés de la mort du titulaire, de sa nomination au Conseil constitutionnel ou de la prolongation d’une mission pour le Gouvernement au-delà de six mois.

En revanche, nous devons être attentifs à l’interprétation que pourrait développer le Conseil constitutionnel de l’article 5 de la Constitution, qui dispose que « le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». Certains élus pourraient se trouver en situation de cumul à partir des élections locales de 2014 ou de 2015, ce qui provoquerait des élections législatives partielles si la loi ne prévoyait pas un quatrième cas de remplacement définitif. Or la multiplication de scrutins partiels pourrait contraindre le Conseil constitutionnel à déclarer la loi contraire à la Constitution à la lumière de la lecture qu’il opère de l’article 5. Il convient donc de préciser dans la loi – pour dissiper tous les risques d’inconstitutionnalité – que le député ou le sénateur se trouvant en situation de cumul avec une fonction exécutive locale sera automatiquement remplacé par son suppléant.

Lors de la campagne électorale de 2012, les citoyens ont retenu que l’élection de François Hollande allait entraîner l’interdiction du cumul des mandats. Comme cet engagement datait de la campagne de 2007, attendre dix ans pour le mettre en œuvre paraît long. Je voterai ce texte simple, bon, clair, mais j’apprécierais qu’il s’applique aux parlementaires exerçant un mandat exécutif municipal dès 2014 et à ceux ayant une fonction exécutive locale dans un conseil départemental ou régional dès 2015 ; je me rallierai cependant à la position que défendra la majorité.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il me revient d’indiquer la position du Mouvement républicain et citoyen sur ce texte. Il existe d’excellents arguments pour ou contre l’interdiction du cumul. Notons cependant que certains peuvent se retourner contre leurs utilisateurs. Ainsi, pour ce qui est du lien entre l’élu et le tissu local : je ne crois pas que le fait qu’un élu travaille au plus près d’un territoire et connaisse les aspirations de sa population l’empêche de remplir son office d’élu national – et c’est une non-cumularde qui parle ! Idem pour la présentation du cumul comme un « sport national » : la France, en raison de sa taille, de sa configuration communale et de son organisation territoriale, peut difficilement être comparée à d’autres pays européens.

En revanche, je mettrai en avant l’argument utilisé par Pierre Mauroy au sein du comité Vedel – qu’il avait convaincu, en 1993, de proposer une limitation du cumul qui ne fût pas drastique, c’est-à-dire qui ne concernât que les fonctions de maire d’une commune de plus de 20 000 habitants : si l’on prive les personnes les plus désavantagées au plan social ou territorial de la possibilité de faire la preuve de leur valeur en tant qu’élu local, on mettra fin à une courroie de promotion des élites républicaines spécifique à la France – l’Allemagne disposant pour ce faire des syndicats.

C’est pourquoi le Mouvement républicain et citoyen ne votera pas une loi d’interdiction totale ; en revanche, il pourrait être favorable à un non-cumul non drastique, c’est-à-dire à une limitation du cumul permettant la compatibilité du mandat de parlementaire avec celui de maire en deçà d’un certain seuil – qui reste à définir.

M. Daniel Fasquelle. Nous pouvons tous nous retrouver sur le constat d’un fossé qui se creuse entre les Français et nos institutions, ainsi que sur celui d’un déficit de représentativité des Français, non seulement à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais aussi dans les conseils régionaux et généraux ; salariés du privé, artisans, commerçants, bref des pans entiers de la société française y sont fort mal représentés.

Ce débat, qui porte sur le fonctionnement des institutions, dépasse largement nos clivages politiques. Le problème, c’est que l’on présente le non-cumul comme le remède à tous nos maux ; or je suis convaincu que ce n’est pas la bonne solution et que le remède sera pire que le mal.

On nous dit que le non-cumul renforcera le Parlement, parce que les députés seront plus présents. Je pense tout au contraire qu’il l’affaiblira ; du reste, cela a été démontré par des universitaires – Guy Carcassonne, que vous citez sans cesse, n’ayant pas été le seul à avoir pris position dans le débat. Par exemple, Olivier Beaud, professeur de droit constitutionnel d’une sensibilité politique plutôt proche de la majorité, a évolué sur le sujet : alors qu’il était contre, il se dit maintenant favorable au cumul, de même que Patrick Weil et Pierre Avril. Tous trois expliquent que, dans un système où l’exécutif dispose de pouvoirs très importants, l’enracinement local permet de donner plus de poids aux députés et aux sénateurs.

On nous dit que le non-cumul nous rapprochera de nos concitoyens : « Votre député sera désormais totalement disponible pour vous », fait-on valoir à ceux-ci. Mais, là aussi, on va aboutir au résultat inverse. Il faudrait en effet que les choses soient dites clairement, monsieur le ministre : avez-vous, oui ou non, l’intention de diminuer le nombre de députés ? Avez-vous, oui ou non, l’intention d’introduire la proportionnelle ? Si cela se fait, c’en sera fini du député de terrain.

Nous sommes aujourd’hui élus dans une circonscription, c’est-à-dire un territoire, où nous sommes présents en permanence ; notre élection dépend des électeurs. Si demain les députés sont élus à la proportionnelle dans d’immenses circonscriptions, leur élection dépendra des partis politiques qui les auront désignés et placés sur leur liste en plus ou moins bonne position ; bref, au lieu d’être sur le terrain, ils seront dans les appareils politiques. Vous allez donner naissance à une génération d’apparatchiks !

Il est faux de prétendre que les députés-maires pensent et agissent comme des maires. Une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), rédigée par Luc Rouban, chercheur au CNRS, a démontré que les députés qui disposent d’un mandat local ne sont pas plus présents que d’autres dans les débats concernant les collectivités territoriales, et qu’il n’existe aucun lien entre l’activité d’un député et la défense d’intérêts territoriaux.

Je suis professeur agrégé de droit privé – le diplôme de droit le plus élevé existant en France. Or ce qui m’est le plus utile dans mes fonctions de législateur aujourd’hui, ce n’est pas ce diplôme, mais ce que j’ai appris d’abord en tant qu’adjoint au maire, puis en tant que maire, en étant confronté aux réalités locales, avec un budget et un personnel à gérer et des problèmes d’école, de logement et d’emploi à résoudre. Comme il serait dommage de rompre ce lien !

Je relèverai en outre deux incohérences dans le projet de loi.

Si l’objectif est de nous rendre plus disponibles, pourquoi nous permettre d’être conseiller régional ou conseiller général et nous interdire d’être maire d’une petite commune ? Si, ne pouvant plus être maire, je deviens conseiller régional, j’aurai, pour exercer une fonction tout aussi prenante, un temps de transport bien supérieur : premier paradoxe.

D’autre part, interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec une activité publique n’impliquera pas que les députés seront plus présents pour autant, puisqu’ils pourront toujours exercer une activité privée. En d’autres termes, la gauche va pousser des députés qui consacrent aujourd’hui la totalité de leur temps au service de leurs concitoyens à abandonner leurs fonctions locales pour s’adonner à des activités privées ! C’est d’ailleurs ce qui se passe en Allemagne. Est-ce là le modèle que vous voulez suivre ? Second paradoxe.

L’étude d’impact est insuffisante. Les enjeux de ce texte touchent au fonctionnement de nos institutions : la décentralisation, l’équilibre des pouvoirs, le statut de l’élu ; le rapport Jospin concluait d’ailleurs à la nécessité de définir ce dernier avant de mettre fin au cumul. On voit bien que la réflexion n’est pas aboutie ; il faudrait mettre ce texte de côté et engager un grand débat sur le fonctionnement de notre démocratie.

On nous dit que les Français sont contre le cumul, mais les sondages sont contradictoires. Ainsi, un sondage réalisé par BVA montre que, si 55 % des Français sont opposés au cumul d’un mandat national et d’un mandat local et que 44 % l’acceptent, 66 % sont convaincus que nous cumulons sans limites les indemnités ! Aujourd’hui, l’urgence n’est pas de légiférer, mais d’expliquer à nos concitoyens la réalité de la vie d’un député-maire et le niveau de nos indemnités.

Pourquoi ne pas laisser à chacun sa liberté ? Si vous trouvez insupportable d’être député-maire, démissionnez de l’un de vos mandats ! – pour le reste, laissez aux électeurs la liberté de décider, au moment des élections, si leur maire mérite encore d’être député, ou si leur député doit rester maire.

M. Philippe Goujon. Je centrerai mon intervention sur les points du texte qui concernent les trois plus grandes villes de France. Monsieur le ministre, plusieurs députés et sénateurs maires d’arrondissements de ces trois villes vous ont écrit le 10 janvier dernier, ainsi qu’à d’autres responsables nationaux. Contrairement à ces derniers, vous n’avez pas répondu à notre courrier, et j’en retire l’espoir que votre réponse sera positive.

Les maires d’arrondissement ne sont pas des maires de plein exercice ; leurs mandats sont à considérer comme des mandats simples, au sens de la commission Jospin, et c’est pourquoi nous souhaitons qu’ils soient retirés du champ du non-cumul. Un conseil d’arrondissement n’est qu’une commission administrative consultative, qui ne décide de rien ; les votes acquis lors des séances sont soumis au bon vouloir du maire de la collectivité et de son conseil municipal.

Les maires d’arrondissement ne sont pas dotés de la personnalité juridique ; ils ne peuvent pas ester en justice et leurs pouvoirs sont extrêmement limités – ils sont purement consultatifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a consenti à leur existence à l’échelle inframunicipale et n’a pas censuré la loi « Paris-Marseille-Lyon » : dans sa décision du 28 décembre 1982, il considère que les arrondissements ne sont pas des collectivités territoriales, mais des échelons inframunicipaux qui ne portent atteinte ni à l’unité communale ni à la compétence de droit commun du conseil municipal et du maire de la commune.

Leur absence d’autonomie administrative se double d’une absence d’autonomie financière, puisqu’ils n’ont pas la capacité de lever l’impôt ni celle de voter les taxes, et qu’ils ne disposent d’aucun budget propre – hormis une simple ligne budgétaire nommée « État spécial d’arrondissement », qui est gérée par la mairie centrale, dont les chapitres ne sont pas fongibles et dont les montants sont ridiculement faibles ; alors que le budget de la ville de Paris est de 8 milliards d’euros, celui de son arrondissement le plus peuplé – un quart de million d’habitants –, que je dirige, est ainsi de 10 millions d’euros.

En matière d’urbanisme, les avis rendus par le maire d’arrondissement sur les permis de construire sont purement consultatifs ; toutes les opérations sont décidées par la mairie centrale. Celle-ci décide aussi des préemptions, en informant simplement les maires d’arrondissement, de même qu’elle a toute compétence en matière de voirie, de propreté et de parcs et jardins.

Tous les personnels des mairies d’arrondissement, sans exception – sauf les membres des cabinets des maires –, relèvent de la mairie centrale. Et je pourrais continuer ainsi.

Les maires d’arrondissement ne veulent pas subir une « double peine » : ne pas être de véritables maires, mais être frappés par l’interdiction de cumul – d’autant que leur statut et leur mode de rémunération sont très inférieurs à ceux des maires de plein exercice.

Une autre option serait d’aller jusqu’au bout de la démarche, en leur attribuant des compétences plus importantes, comme la possibilité de donner des avis conformes en matière d’urbanisme, de nomination des fonctionnaires ou d’attribution des logements sociaux, en les dotant d’un budget et de moyens humains, en leur permettant de décider des politiques locales de sécurité, etc. Voilà une ambition qui eût été véritablement réformatrice – mais elle ne figure pas dans votre projet de loi, qui s’est arrêté au milieu du gué.

M. Matthias Fekl. Voilà un projet de loi particulièrement important ! Guy Carcassonne ne disait-il pas que le non-cumul devait être « la mère de toutes les réformes » ? Ce texte fait suite à une série d’avancées, que le rapporteur a rappelées, dans un contexte très particulier de crise de notre démocratie.

Il y a deux manières d’aborder ce débat : soit en stigmatisant les élus qui cumulent et en faisant des boucs émissaires, soit en estimant que cette réforme permettra de sortir par le haut de la situation actuelle. Il est vrai qu’elle constitue une rupture avec notre tradition républicaine, puisque de grands élus, de gauche comme de droite, ont cumulé : ainsi Pierre Mauroy, Jacques Chaban-Delmas, Raymond Barre ou Pierre Mendès-France.

Aujourd’hui, l’objectif est, d’une part, de renouer la confiance avec les électeurs, d’autre part, de concentrer chacun sur ses missions. Trente ans de décentralisation ont passé, qui ont transformé ce que signifie être à la tête d’un exécutif local, avec les tâches, les compétences et les missions que cela implique ; il est en outre absolument nécessaire de refonder notre Parlement.

Ma conviction est que le non-cumul est une réforme nécessaire, mais qu’elle n’est pas suffisante. Elle doit marquer non seulement un aboutissement, mais aussi un commencement, avec un Parlement rénové, renforcé, modernisé. Il s’agit d’un préalable, qui nous permettra de nous consacrer pleinement à notre travail de parlementaire, mais qui devra s’accompagner d’un renforcement de nos compétences et de nos moyens afin que nous puissions exercer nos missions de vote de la loi, de contrôle de l’action de l’exécutif et d’évaluation des politiques publiques. C’est d’ailleurs pourquoi Claude Bartolone a mis en place un groupe de travail sur la préparation du Parlement de l’après-cumul.

Je fais partie de ceux qui regrettent que ce texte indispensable n’ait pas été voté plus tôt, par exemple dès l’été dernier. S’il avait fait partie des premières grandes réformes de la nouvelle majorité, c’eût été un symbole fort ; cela aurait montré que les politiques ne se contentent pas de prêcher les efforts pour les autres, mais qu’ils en fournissent eux-mêmes. Qu’importe : l’histoire retiendra ce texte comme l’une des grandes réformes républicaines.

Trois questions pour finir.

Ne faudrait-il pas aller plus loin en matière de cumul des mandats locaux ?

Ne faudrait-il pas anticiper la date d’application de la loi ?

Ne faudrait-il pas également limiter les mandats dans le temps ? La réforme de 2008 limite à deux le nombre de mandats présidentiels ; pourquoi ne pas la transposer à d’autres mandats, locaux et nationaux – tout en laissant ouvert le débat sur le nombre de mandats maximum ? Ce qui est certain, c’est que, en politique, il faut donner toute son énergie pendant un certain temps, mais il ne faut pas rester pour durer.

M. Dominique Raimbourg. La réforme ne changera rien à l’organisation des carrières : il y aura toujours pour devenir député une voie « locale », avec un ancrage territorial fort, à côté d’une voie que l’on pourrait qualifier de « parachutage » – sans connotation péjorative –, avec des carrières menées au sein des appareils politiques ou des cabinets ministériels. La sociologie des députés ne changera pas nécessairement.

Bien qu’il ne réponde pas à toutes les questions, ce projet de loi a le mérite de permettre des avancées.

Tout d’abord, il résout le conflit d’intérêts entre l’échelon national et l’échelon local. Combien de fois n’avons-nous pas entendu : « Ce n’est pas nous qui allons payer ! », ce « nous » renvoyant aux collectivités territoriales ? En revanche, il laisse ouverte la question de la représentation de ces dernières, qui n’est pas correctement assurée ; le Sénat représente en effet les communes, mais pas les conseils généraux, les intercommunalités et les régions.

Le texte renforce aussi la démocratie locale. Même si l’on part du postulat que tous les parlementaires sont assidus et qu’ils réussissent à dégager suffisamment de temps pour le travail parlementaire, force est de constater que, dans ce cas, le pouvoir au sein des collectivités locales se déplace au profit soit du premier adjoint – ce qui est un moindre mal –, soit du directeur de cabinet – auquel cas la démocratie locale s’étiole. En revanche, la question du cumul avec d’autres fonctions locales est laissée ouverte – mais elle sera résolue par la suite.

Enfin, la réforme aboutira à une revalorisation du Parlement : s’il dispose de plus de temps, le parlementaire pourra en effet mieux remplir ses missions de contrôle et de coproduction législative. En revanche, le texte laisse ouverte la question du statut du président de la République, qui n’est pas responsable devant le Parlement alors qu’il est élu au suffrage universel et que les institutions de la Ve République lui accordent des pouvoirs considérables.

Dans l’ensemble donc, il s’agit d’un progrès.

Mme Julie Sommaruga. Je me félicite que, une fois de plus, la gauche soit au rendez-vous lorsqu’il s’agit de moderniser la vie politique !

Ce projet de loi est indispensable pour plusieurs raisons. D’abord, il existe une aspiration indéniable de nos concitoyens à une plus grande clarté de la vie politique ; nous devons impérativement en tenir compte. Ensuite, la réforme que le texte met en place contribuera à une plus grande transparence de la vie publique et à une meilleure compréhension du mandat politique et du rôle de chacun à l’égard des électeurs. Enfin, le non-cumul est un gage de renouvellement ; il permettra un partage des pouvoirs nécessaire à la bonne santé de notre démocratie.

Quant à la question des élus « de terrain », permettez-moi de personnaliser mon propos. J’ai démissionné de mes fonctions d’adjointe au maire de Bagneux, chargée de l’éducation, afin de respecter mes engagements sur le non-cumul des mandats. Depuis, je ne suis que députée, mais je ne crois pas être pour autant une moins bonne élue de terrain ! En quoi suis-je moins présente auprès des associations, des entreprises et de tous mes concitoyens ? Pourquoi passerais-je moins de temps sur le terrain ? Ayant testé pendant quelques mois la situation de cumul, je vous assure que je suis bien plus disponible depuis que j’y ai renoncé. Voilà l’expérience d’une élue « de terrain » !

Une question pour finir : quid du statut de l’élu, qui me semble indispensable à la bonne application de la règle du non-cumul ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Si M. Roman en est d’accord, je reprendrai à mon compte les questions qu’il a posées sur l’avis du Conseil d’État concernant les adjoints au maire et les vice-présidents.

Je ne verrais qu’un seul argument en faveur du projet de loi : il faut contribuer au renouvellement du personnel politique ; mais c’est aux électeurs d’en décider, et non aux législateurs de l’imposer ! Encore heureux qu’on n’ait pas avancé l’argument selon lequel le non-cumul favoriserait les femmes, car cela reste à prouver !

On est en train d’aligner des lois qui tendent toutes au même résultat : montrer du doigt les parlementaires. Si nous voulons vraiment être efficaces et lutter contre le cumul, allons jusqu’au bout et imposons la règle : une personne, un mandat. On pourra être soit maire, soit député, soit conseiller régional, soit conseiller général, un point c’est tout. De même pour ce qui est de la transparence : imposons la transparence totale à tous les élus ; au nom de quoi un adjoint à l’urbanisme ne serait-il pas obligé de rendre public son patrimoine ? Une personne, un mandat, et la transparence pour tout le monde : dans ce cas, je serais d’accord – mais cessons de stigmatiser les parlementaires !

Pourquoi prévoir des dates d’entrée en vigueur différentes pour les parlementaires nationaux et pour les parlementaires européens ? Vous avez dit qu’il faudrait, par correction vis-à-vis des électeurs, prévenir ceux-ci qu’on n’irait pas jusqu’au bout du mandat ; mais les élections européennes auront lieu l’année prochaine : pourquoi attendre 2019 pour appliquer le non-cumul aux députés européens ? Et les sénateurs, jusqu’à quand pourront-ils continuer à cumuler ? Pourquoi ces différences de traitement ? De nouveau, on cherche à stigmatiser le parlementaire national !

On met la charrue avant les bœufs : il eût fallu faire d’abord une loi sur le statut de l’élu, puis une loi sur les moyens du Parlement, et seulement ensuite la loi sur le non-cumul. Là, nos concitoyens auraient compris la logique !

Enfin, pourquoi ne pas légiférer sur le cumul des indemnités ? Lorsque vous êtes député et conseiller municipal d’opposition, votre indemnité n’a rien à voir avec celles d’un député conseiller général et d’un député conseiller régional. Allons jusqu’au bout, et interdisons également le cumul des indemnités !

M. Gérald Darmanin. Comment expliquez-vous qu’il sera toujours possible d’être avocat ou médecin et député, mais pas député et maire ?

Selon l’exposé des motifs, le texte propose de rendre incompatible le mandat de parlementaire avec « tout mandat électif autre qu’un mandat local simple ». Or, pour être conseiller communautaire – qui compte comme un mandat simple –, il faut être conseiller municipal. Dès lors, comment pourra-t-on être à la fois conseiller communautaire, conseiller municipal et parlementaire ? Il me semble que la fonction de conseiller communautaire sera interdite de facto aux parlementaires !

D’autre part, il faudrait que vous corrigiez l’alinéa 5 de l’article 1er, puisque, selon votre volonté, il n’y a plus de « conseil général », mais un « conseil départemental ».

S’agissant des mandats locaux, vous n’allez pas très loin, c’est le moins que l’on puisse dire. Un député ne pourra plus être maire, même d’une commune de 1 000 habitants, mais le maire d’une commune de 100 000 habitants pourra très bien être également président de la communauté d’agglomération, président du groupe au conseil régional ou au conseil général, et même cumuler avec d’autres fonctions qui prennent beaucoup de temps, comme président d’une société d’économie mixte – à Lille, la SEM « Ville renouvelée », par exemple, regroupe quatre-vingt-trois communes et dispose d’un budget de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Sans compter qu’il y a une certaine hypocrisie de votre part à mettre en avant le fait que les militants socialistes ont été les premiers à voter, et à une large majorité, en faveur du non-cumul, alors que les parlementaires ont été moins nombreux à suivre la directive de Mme Aubry et que, si certains ont bien abandonné leur mandat exécutif, ils n’en ont pas moins conservé leur bureau et continuent à avoir autorité sur les services tout en déclarant qu’ils sont contre le cumul des mandats !

Bref, ce qu’a dit Mme Zimmermann est frappé au coin du bon sens : il faut faire la réforme soit complètement, soit pas du tout. Un vrai renouvellement démocratique serait le non-cumul des mandats non pas dans l’espace, mais dans le temps. Je déposerai des amendements en ce sens.

Enfin, le texte n’aborde pas la question du renforcement des moyens du travail parlementaire pour permettre le contrôle de l’exécutif. J’espère que le débat parlementaire permettra de vérifier que les députés et les sénateurs qui disposeront de leur seul mandat parlementaire auront les moyens de travailler face à un exécutif et dans un pays très jacobins.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les arguments avancés pour justifier la limitation ou l’interdiction du cumul des mandats pour les parlementaires résistent mal à l’analyse. On prétend que cela répondrait à une forte demande de l’opinion publique, mais cela reste à démontrer. On explique que cela permettrait aux parlementaires de travailler mieux et davantage, ce que contredisent les études menées sur le sujet.

S’y ajoute une divergence de fond : selon votre conception, monsieur le président, le mandat parlementaire devrait être limité à son seul exercice, sans pouvoir être cumulé avec aucune autre activité, qu’elle soit professionnelle ou politique. Pourquoi pas, mais qui doit en décider ? En premier lieu, les électeurs ; ensuite, les candidats et les élus ; mais nous n’approuvons pas la logique qui consiste à enclencher une mécanique législative pour instaurer une interdiction pure et simple.

Enfin, la conjonction des deux projets de loi – celui relatif à la transparence de la vie publique et celui interdisant le cumul –, sans compter ceux à venir, entraînera d’une part une restriction de la représentativité de l’Assemblée nationale en termes d’origine – professionnelle, politique, de couleur ou géographique –, et d’autre part une forme de déracinement des élus, qui ne seront plus imprégnés des difficultés qu’ils auront à traiter. Ces arguments ont d’ailleurs été mis en avant par certains grands élus socialistes, comme le sénateur-maire de Lyon.

Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de proposer par amendement de maintenir la possibilité pour un parlementaire d’exercer un mandat exécutif et un seul. Nous pensons en effet qu’une interdiction stricte de cumul pour les parlementaires ne serait bonne ni pour les électeurs, ni pour les institutions, ni pour les territoires, ni pour le Parlement.

M. le ministre. Mesdames et messieurs les députés, nous aurons l’occasion de nous revoir prochainement, pour parler de ce texte, mais également pour étudier la proposition de loi relative à l’élection des conseillers de Paris qu’a déposée votre président, Jean-Jacques Urvoas. Je tiens d’ailleurs à apporter le soutien du Gouvernement à cette initiative, car, suite à la décision du Conseil constitutionnel annulant le tableau de 1982, il y a urgence à légiférer. Cette proposition de loi n’aura aucun impact sur le nombre de conseillers de Paris ; néanmoins, pour la clarté du débat, je tiens à préciser qu’elle entraînera mécaniquement la création d’une dizaine de sièges de conseillers d’arrondissement. Le Gouvernement y est évidemment favorable dans la mesure où cette disposition conditionne l’application de la future loi. Je tenais à donner cette précision.

Je suis trop respectueux du travail du Parlement pour considérer que la discussion se limite à l’acceptation ou au rejet pur et simple du texte du Gouvernement. J’ai indiqué le point d’équilibre auquel nous étions arrivés, mais je ne méconnais aucun des débats existants, notamment ceux qui traversent la majorité.

Vous dites, monsieur Geoffroy, que cette réforme va provoquer des changements profonds dans le pays, mais cela fait plus de trente ans que ceux-ci sont à l’œuvre ! Il y eut d’abord les lois de décentralisation, qui ont débouché sur la loi de 1985. À l’époque, on pouvait en effet cumuler – et ce terme n’a rien de péjoratif – pas moins de cinq mandats : sénateur ou député, maire, président de conseil régional, président de conseil général, député européen. Vous avez donné l’exemple de quelques grandes figures politiques, mais on pourrait en citer d’autres.

Il y eut ensuite la révision constitutionnelle de 2008, mais aussi la mise en place de la session parlementaire continue – qui a beaucoup changé les pratiques –, l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier. En conséquence, le député dépend aujourd’hui davantage du lien entre la majorité et le président de la République.

Vont s’y ajouter les choix que nous avons faits concernant les élections départementales, avec l’obligation de parité et le rééquilibrage démographique, et l’élection au suffrage universel des élus intercommunaux. Tout cela a apporté d’importants changements.

Va-t-on, en plus, réduire le nombre des députés et instiller une dose de proportionnelle ? Cette dernière proposition avait été faite par le candidat François Hollande ; mais la première était de François Bayrou : ce n’est pas moi qui peux vous dire si cela se fera ! Quoi qu’il en soit, vous « chargez la barque » parce que vous ne voulez pas de cette loi – ce qui est logique, puisque vous défendez avec force et conviction le maintien d’un lien entre le parlementaire et le terrain à travers une fonction exécutive.

Il y a deux ans, Guy Carcassonne avait publié dans Le Monde un article contestant le fait qu’un seul parti puisse mettre en œuvre le non-cumul ; il estimait que la loi devait imposer cette règle à tous, sous peine d’introduire un déséquilibre entre les formations politiques. Je pense qu’il avait raison.

Certes, cela remet en cause une tradition politique, mais celle-ci peut évoluer, d’autant plus qu’elle est assez récente : pendant les législatures de 1962 et 1967, les choses étaient bien différentes ; c’est avec la décentralisation que tout a changé.

Pour ce qui me concerne, je serai honnête : j’étais très attaché à mon mandat de maire et à son lien avec la belle responsabilité du législateur ; mais, même en étant en région parisienne, être à la fois maire, président d’agglomération et député, c’est trop lourd !

M. Guy Geoffroy. C’est un mandat de trop !

M. le ministre. Peut-être, mais le mandat de maire de la ville centre d’une intercommunalité peut vous amener à d’autres fonctions.

En tout cas, je suis aujourd’hui ministre, et ma responsabilité en tant que telle est de présenter ce texte de loi. Si nous avons adopté la procédure accélérée, c’est en raison de l’échéance de mars 2014 – mais je suis sûr que tous les arguments auront le temps d’être discutés ; il faut mener le débat à son terme.

Certains voudraient aller « jusqu’au bout », ou que cela s’applique dès 2014, ou encore que l’interdiction concerne tous les mandats locaux. Cela est compréhensible, mais le Gouvernement a tenu compte à la fois du calendrier électoral, du droit et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel – toutes choses qui, selon nous, ne permettent pas une entrée en vigueur avant 2017 des nouvelles dispositions relatives au remplacement des parlementaires. Une entrée en vigueur entre 2014 et 2016 ferait courir le risque d’une déstabilisation majeure des assemblées à un niveau jamais connu, le suppléant pouvant lui aussi être en situation de cumul – ce que le Conseil d’État souligne. Le Gouvernement avait envisagé une mise en application à la fin 2016, mais la session se poursuivant au début de 2017, le nombre de sièges vacants pourrait provoquer un risque de discontinuité des pouvoirs publics. Il s’agit donc d’un équilibre nécessaire, non pour trouver un consensus sur le sujet, mais pour permettre une bonne application de la loi.

Vous avez raison : il existe des débats sur les fonctions locales et sur le statut de l’élu – une proposition de loi de Jean-Pierre Sueur vient d’ailleurs d’être adoptée au Sénat sur ce dernier sujet. Permettez-moi toutefois de rappeler que de tels arguments ont été utilisés pendant des années pour bloquer toute avancée sur la question. En outre, il ne me semble guère pertinent de mélanger le présent débat avec celui sur le cumul du mandat d’élu avec certaines fonctions professionnelles. Tous ces sujets feront l’objet d’autres textes.

Pour l’heure, nous avons fait le choix d’une loi organique portant exclusivement sur le mandat parlementaire. Si vous décidez d’ouvrir le débat sur l’ensemble des responsabilités exercées par les élus, je vous mets en garde : c’est une application en 2014 et une stricte limitation qui risquent de l’emporter.

M. Gérald Darmanin et Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce serait très bien !

M. le ministre. Si c’est ce que vous voulez, vous ne manquerez pas de voter en faveur des amendements qui le proposent ! Mais sachez qu’un acte aussi brutal aura de lourdes conséquences. En « chargeant ainsi la barque », vous démontrerez simplement que, en réalité, vous souhaitez que tout change pour que rien ne change !

J’en reviens donc à la solution proposée par le Gouvernement, qui me paraît équilibrée.

Monsieur Goujon, je comprends votre position sur les mairies d’arrondissement et de secteur, et ce sujet devra être traité dans le cadre de la discussion parlementaire. J’ai le sentiment que, juridiquement, vous n’avez pas tout à fait tort.

Pour ce qui est des adjoints et des vice-présidents, il s’agit de délégations de fonctions exécutives locales données par le maire et le président, les maires adjoints et les vice-présidents étant élus sur une liste ou individuellement. Ils peuvent se voir retirer leur délégation par le maire ou le président, tandis que la perte de leur fonction d’adjoint ou de vice-président nécessite un vote de l’assemblée délibérante. Nous considérons qu’il s’agit là d’une fonction exécutive locale.

Nous ne souhaitons pas engager le débat sur les seuils, madame Bechtel. Être maire d’une petite commune, sans cadres, demande parfois plus de temps qu’être maire d’une grande ville avec tous ses services. Nous considérons qu’il faut en rester à une interdiction qui ne tienne pas compte d’éventuels effets de seuil.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous poursuivrons le débat demain matin, avec la discussion générale.

La séance est levée à 11 heures 45.

——fpfp——

*

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Pascal Popelin, rapporteur sur la proposition de loi de M. Jean-Jacques Urvoas relative à l’élection des conseillers de Paris (n° 1145).

*

* *

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Jacques Bompard, M. Christophe Borgel, M. Jean-Michel Clément, M. Carlos Da Silva, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Matthias Fekl, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Guillaume Larrivé, M. Bernard Lesterlin, Mme Nathalie Nieson, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Jacques Valax, M. Patrice Verchère, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Marcel Bonnot, M. Dominique Bussereau, M. Sergio Coronado, M. Patrick Devedjian, M. Édouard Fritch, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Jean-Luc Warsmann

Assistaient également à la réunion. - M. Gérald Darmanin, Mme Sophie Dessus, M. Daniel Fasquelle, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Monique Orphé, Mme Julie Sommaruga