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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 30 octobre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 08

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Projet de loi de finances pour 2014 :

• Examen pour avis et vote, ouverts à la presse, des crédits de la mission Enseignement scolaire :

- Enseignement scolaire (Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis)

• Examen pour avis et vote, ouverts à la presse, des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur :

- Recherche (M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis)

- Enseignement supérieur et vie étudiante (M. Émeric Bréhier, rapporteur pour avis)

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 30 octobre 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2014 de la mission « Enseignement scolaire », sur le rapport de Mme Julie Sommaruga et de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sur les rapports de M. Patrick Hetzel (Recherche) et de M.  Émeric Bréhier (Enseignement supérieur et vie étudiante).

M. le président Patrick Bloche. Nous examinons ce matin les rapports pour avis de nos collègues sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » et de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les seconds faisant l’objet de deux rapports distincts, l’un sur les crédits de la recherche et l’autre sur les crédits de l’enseignement supérieur.

La Commission examine, pour avis, sur le rapport de Mme Julie Sommaruga, les crédits pour 2014 de la mission « Enseignement scolaire ».

M. le président Patrick Bloche. La commission élargie consacrée aux crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’est tenue le 23 octobre, en présence de M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, qui a répondu à de nombreuses questions – qui ne furent pas seulement d’ordre budgétaire. Vous avez reçu en début de semaine le projet de rapport pour avis de notre collègue Julie Sommaruga. Dans le prolongement du débat sur la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, notre rapporteure a souhaité conforter dès l’école primaire la place de l’enseignement scientifique et technique. Elle s’est donc intéressée plus particulièrement à l’enseignement des disciplines scientifiques à l’école et au collège et aux raisons de la désaffection des jeunes Français pour ces matières. Les auditions qu’elle a conduites lui ont permis d’identifier plusieurs difficultés et de formuler des propositions.

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis. Ma collègue Carole Delga ayant déjà présenté le rapport spécial de la commission des finances la semaine dernière, en présence du ministre, je ne développerai que les principaux aspects budgétaires, avant de vous présenter la partie thématique de mon rapport pour avis.

Le projet de loi de finances pour 2014 donne à l’école les moyens de sa refondation. L’éducation se trouve ainsi élevée au rang de priorité de la nation. C’était un engagement fort du Président de la République, qui se traduit par un effort budgétaire sans précédent.

Le statut et le métier d’enseignant sont reconnus. Outre la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) dès la rentrée 2013 pour assurer la formation initiale et continue, le gouvernement a accordé une prime immédiate de 400 euros aux professeurs du premier degré. En outre, 8 804 nouveaux postes sont créés, principalement dans l’enseignement primaire, ce qui permettra également la scolarisation des moins de trois ans.

Je citerai aussi le recrutement de 6 000 « emplois d’avenir professeur » supplémentaires pour offrir à ceux qui se destinent à l’enseignement la possibilité d’appréhender progressivement leur métier en acquérant une première expérience professionnelle, et la création de 350 nouveaux postes d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour l’accompagnement individuel des élèves en situation de handicap – ce qui devrait réjouir mon collègue Michel Ménard, qui avait consacré son rapport pour avis à ce sujet l’an dernier.

De plus, 30 000 contrats aidés supplémentaires ont été créés à la rentrée pour soutenir la scolarisation des élèves en situation de handicap et répondre à d’autres besoins – l’assistance aux directeurs d’école dans le premier degré et le renforcement de la présence d’adultes au profit de l’amélioration du climat scolaire dans le second degré.

Cette année encore, l’enseignement agricole n’est pas oublié, avec la création de 150 postes.

Compte tenu du caractère prioritaire de la mission, les moyens budgétaires de celle-ci progressent. Le ministère de l’éducation nationale contribuera
néanmoins à l’effort de maîtrise des dépenses publiques en stabilisant ses dépenses hors personnel, hors contrats aidés et hors emplois d’avenir professeur.

La priorité accordée à l’enseignement scolaire est parfaitement retranscrite dans le projet de loi de finances : 63,4 milliards d’euros sont demandés, en crédits de paiement, pour l’année 2014. Ce budget intègre donc les moyens nécessaires pour réussir la refondation de l’école de la République.

J’en viens au thème de mon rapport pour avis : l’enseignement des sciences au primaire et au collège.

La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République conforte cet enseignement : elle inclut l’acquisition d’une culture scientifique et technique, et le rapport annexé préconise une évolution de la pédagogie pour renforcer l’attractivité des sciences.

Ces orientations doivent être saluées, car l’enseignement scientifique est en crise. Crise des résultats d’abord, qui baissent ou stagnent. En France, le phénomène d’inculture mathématique s’étend. Les difficultés liées aux mathématiques sont désormais aussi graves que l’illettrisme. Les performances des élèves du primaire en calcul baissent ou stagnent. Le nombre d’élèves en difficulté au collège s’accroît donc mécaniquement, plus sensiblement encore en zone d’éducation prioritaire (ZEP). En primaire comme au collège, on note la persistance d’un « noyau dur » d’élèves en grande difficulté dans les sciences expérimentales : en fin d’école élémentaire, 15 % des élèves – 17 % en ZEP – ne savent répondre qu’à des questions en lien avec leur expérience quotidienne.

Il existe aussi un problème de formation. Issus à 75 % des disciplines littéraires ou sociales, les professeurs des écoles ne sont pas toujours armés pour conduire une démarche scientifique, d’autant que les formations initiales et continues ont été sacrifiées ces dernières années.

Crise des contenus ensuite. Lors des auditions, le caractère inaccessible des programmes, qui accumulent les notions sans construction des savoirs a été unanimement dénoncé. Les sciences paraissent dès lors inaccessibles et réduites à leur fonction sélective.

Les moyens en termes de crédits pédagogiques sont un autre enjeu.

Enfin, l’enseignement scientifique souffre de la « rupture » liée au passage en sixième, du monde de la polyvalence à celui des disciplines. Les classes surchargées, la quasi-disparition des personnels de laboratoire et du fléchage des heures de travaux pratiques conduisent aussi à sacrifier la partie expérimentale des apprentissages au collège.

Ces difficultés concourent à expliquer le faible intérêt des élèves pour ces matières au moment où tout se joue, c’est à dire en primaire et au collège.

Comment donner le goût des sciences aux élèves et améliorer cet enseignement ? L’objectif est non pas d’imposer de manière homogène la démarche scientifique sur tout le territoire, mais de créer des conditions adaptées pour que l’engagement et la bonne volonté des enseignants – et celle-ci est forte – trouvent enfin à s’exprimer. Mon rapport formule donc plusieurs suggestions.

La première est la refonte des programmes. La refondation ne pourra se faire sans leur donner, à tous les niveaux, plus de cohérence et de continuité. Je salue à ce titre la mise en place du Conseil supérieur des programmes, qui proposera de nouveaux programmes selon son propre calendrier.

Permettez-moi cependant une remarque. La démarche d’investigation, préconisée par les programmes actuels du primaire et du collège, et qui complète intelligemment l’acquisition des fondamentaux, a été sacrifiée. Suite aux auditions, il semble indispensable de sanctuariser cette démarche et les travaux pratiques, en trouvant le bon équilibre avec les fondamentaux. La démarche expérimentale permet aux enfants issus de milieux très éloignés de la culture scolaire d’aimer l’école et d’acquérir le goût des sciences. Lorsque l’on manipule, on s’éloigne du sentiment d’échec. Il faut donc donner la possibilité aux enseignants de mettre cette démarche en place, dès la maternelle, afin de lutter également contre les stéréotypes fille/garçon – je sais ma collègue Maud Olivier très attachée à ce sujet.

Ma deuxième suggestion consiste à rompre l’isolement des enseignants face aux sciences, dont le caractère abstrait et élitiste insécurise les professeurs des écoles, qui n’osent pas se lancer dans des expérimentations pour lesquelles ils n’ont pas été formés. Donnons-leur les outils nécessaires pour susciter chez les élèves de la curiosité et du goût pour l’investigation et le raisonnement.

Concernant la formation initiale, je ferai trois propositions. Sachant que les futurs enseignants ne pourront être formés pendant les seules années de master préparant les concours de recrutement, il faut renforcer l’accompagnement des professeurs pendant les deux premières années d’exercice du métier. Cet accompagnement devrait s’appuyer sur une large palette d’instruments : formation à distance, tutorat, recours à des partenaires institutionnels. Enfin, le réseau des inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) « sciences » devrait être mobilisé à cet effet, une fois son pilotage renforcé.

Ainsi que le montre l’expérimentation « projet pour l’acquisition de compétences par les élèves en mathématiques » (PACEM), la qualité de l’enseignement scientifique pourrait être rapidement améliorée par des actions de formation continue. Il faudrait agir sur trois leviers : renforcer le budget et la politique de la formation continue ; développer la dimension partenariale et la formation en ligne – pour information, le service public du numérique éducatif créé par la loi du 8 juillet 2013 doit proposer des ressources pédagogiques et des contenus contribuant à la formation des enseignants ; créer de nouvelles certifications professionnelles et les valoriser, en développant par exemple la position de « formateur ». Cela permettrait de renforcer « sur place » la culture scientifique des professeurs, sans leur donner le sentiment que leurs difficultés ne peuvent être comblées que par des apports extérieurs.

Ma troisième suggestion vise à faciliter la transition école-collège et l’interdisciplinarité. L’enseignement scientifique se prête par essence à la jonction des disciplines. L’expérimentation de l’enseignement intégré de science et de technologie (EIST) met en œuvre cette interdisciplinarité ; elle permet de donner une vision cohérente de la science aux élèves et leur donne l’occasion de manipuler. Sa généralisation n’est matériellement pas envisageable, et les enseignants du second degré ne souhaitent pas rentrer dans la polyvalence – ce qui est justifié. En revanche, elle pourrait être un point d’appui pour mettre en œuvre une réelle interdisciplinarité, recherchée par le plus grand nombre, afin de décloisonner les apprentissages par l’étude d’objets scientifiques. La pédagogie de projet pourrait ainsi être développée, ce qui impliquerait de créer – cette évolution étant aussi délicate qu’indispensable – des temps interdisciplinaires dans les emplois du temps des élèves et des professeurs.

Ma quatrième suggestion concerne la sanctuarisation des crédits pédagogiques. Les écoles et collèges doivent disposer des crédits nécessaires pour acheter le matériel indispensable à la démarche d’investigation, a fortiori dans les ZEP. Il faut également conforter la généralisation des mallettes « sciences » qui permettent aux professeurs et aux élèves de manipuler et d’expérimenter.

Ma cinquième et dernière suggestion consiste à soutenir la mise en place d’activités périscolaires scientifiques. J’avais amendé le rapport annexé de la loi portant refondation de l’école de la République pour souligner leur intérêt. Le ministre nous a indiqué en commission élargie que moins de 10 % des activités périscolaires étaient aujourd’hui consacrés à des activités scientifiques. Nous avons donc une marge de progrès. Il faut mobiliser les compétences, les réseaux, les associations ; tous ceux qui sont chargés de cette question doivent être informés des ressources existantes. Il est par ailleurs primordial que ces activités périscolaires soient élaborées en étroite collaboration avec les équipes enseignantes.

Encore une fois, pour donner le goût des sciences et améliorer le niveau des élèves, il faut donner toute sa place à la démarche expérimentale. L’objectif est de trouver le bon équilibre avec l’acquisition des fondamentaux qui seront confortés par la manipulation. Atteindre cet objectif suppose de donner du temps aux enfants pour apprendre ; la demi-journée de classe rétablie dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires y participera.

En conclusion, la refondation de l’école ne saurait donc se faire sans un renforcement de la culture scientifique. C’est un enjeu non seulement pour notre compétitivité, mais aussi pour la République : pour exercer leur liberté et « faire Nation », nos enfants doivent acquérir et développer un rapport à l’erreur, au questionnement et au doute.

Par ailleurs, tous les moyens sont donnés à l’école pour réussir sa refondation. Dans ce contexte de crise économique, le gouvernement fait le choix de donner la priorité à l’avenir de nos enfants. C’est pourquoi je vous invite à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. le président Patrick Bloche. Nous vous remercions pour cet exposé passionnant sur une question que nous avions déjà évoquée lors de la discussion du projet de loi pour la refondation de l’école de la République et qui est en effet – et contrairement à nombre de nos voisins – souvent délaissée dans notre pays.

Je viens d’être interpellé sur le fait que la réunion que nous tenons ce matin ferait doublon avec celle de la commission élargie. Ceux qui y ont participé reconnaîtront néanmoins que les conditions dans lesquelles se déroulent les réunions des commissions élargies ne nous permettent pas d’avoir un débat approfondi sur les crédits des missions concernées, ni sur les thèmes choisis par nos rapporteurs pour avis. Cela vaut pour tous les députés de la Commission, puisque quatre des dix rapports budgétaires dont celle-ci est chargée sont confiés à des membres de l’opposition.

Le respect – de nos collègues et du travail fourni – est pour moi une valeur fondamentale. C’est la raison pour laquelle nous tenons cette réunion. Sachez que je soulève régulièrement la question de l’intérêt des commissions élargies en Conférence des présidents. Je suis très nostalgique du dispositif antérieur, qui nous permettait d’auditionner les ministres, puis de tenir une réunion du type de celle de ce matin, avant d’avoir un vrai débat en séance publique. À trop vouloir simplifier les choses, nous les avons finalement compliquées. Si nous ne tenions pas cette réunion, le travail d’examen des crédits et d’un certain nombre de thèmes de fond se trouverait pénalisé. La procédure peut certes paraître pesante, mais la conviction est souvent dans l’art de la répétition.

M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP s’est en effet interrogé sur la tenue de trois réunions, qui semble une singularité de notre Commission, même si elle nous offre l’occasion d’examiner plus en détail les rapports pour avis.

M. le président Patrick Bloche. Les singularités peuvent être bienvenues. La réunion d’hier, consacrée à l’examen des crédits des missions « Sport » et « Action extérieure de l’État », nous a permis d’avoir un débat passionnant à partir du rapport de Marie-George Buffet et de celui de Claudine Schmid sur les résidences d’artistes, sujet qui n’avait aucune chance d’émerger lors de la commission élargie sur les crédits de l’action extérieure de l’État. Nous consacrons aujourd’hui une matinée à des sujets qui sont au cœur de nos préoccupations. L’enseignement scolaire n’est-il pas le premier budget de l’État ?

Je défends donc la singularité de notre Commission sur ce point, et je vais continuer à poser la question de l’intérêt des commissions élargies, qui ont été étendues cette année à toutes les missions budgétaires. Nous en reparlerons avec le bureau de la Commission, qui a décidé de la procédure mise en œuvre cette année.

Mme Martine Faure. Permettez-moi de vous rassurer, monsieur le président : enseigner, c’est répéter, et comme le plus souvent personne n’écoute, il est bon de le redire…

Avant tout, je voudrais remercier notre rapporteure, au nom du groupe SRC, pour son rapport lucide et ses propos synthétiques, qui apportent un éclairage sans concession sur la place des sciences à l’école et au collège et sont porteurs de propositions concrètes.

Ce rapport traduit les choix politiques forts du gouvernement, qui entend donner la priorité à l’école et à la jeunesse. L’enseignement scolaire est ainsi le premier budget de l’État. Il intègre les moyens nécessaires à la transformation pédagogique du système éducatif, qui repose elle-même sur la formation initiale des enseignants et la priorité donnée au primaire.

Au travers d’un effort sans précédent, le projet de budget pour 2014 donne les moyens de la refondation de l’école en termes d’emplois, de crédits nouveaux, de formation, de généralisation du numérique, de politique d’inclusion face au handicap et de priorité donnée au primaire.

Il assure la montée en charge de la réforme de la formation initiale des enseignants au sein des ESPE. Enseigner est certes une vocation, mais c’est aussi un métier : l’enseignant doit prendre en charge les élèves en difficulté comme les élèves en situation de handicap, différencier ses pédagogies, construire des projets individualisés, participer à des projets d’établissement, travailler en équipe, utiliser les nouvelles technologies et agir avec des acteurs extérieurs à l’école.

Je ne m’étendrai pas sur le nombre d’emplois nouveaux. Au-delà des créations de postes, le projet de budget pour 2014 prévoit le financement des mesures de revalorisation du métier d’enseignant dans le premier degré, le replaçant au cœur même de la refondation de l’école, avec la montée en charge de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) et l’augmentation des possibilités d’accès au grade de professeur des écoles hors classe.

Je voudrais moi aussi insister sur les engagements pris dans le cadre de la loi sur la refondation de l’école de la République en faveur du renforcement de l’enseignement scientifique. Les mathématiques, la technologie et les sciences expérimentales font partie de la culture, au sens où ils permettent de se construire une représentation globale et cohérente du monde et de mieux comprendre son environnement quotidien. Comprise comme une dimension fondamentale de la formation des élèves, la culture scientifique et technologique repose non seulement sur une connaissance des principes et des finalités du raisonnement scientifique, mais aussi sur une pratique effective de la démarche scientifique.

Le constat révèle pourtant une désaffection des jeunes pour les filières scientifiques. Les universités scientifiques ont perdu nombre d’étudiants ces dernières années, principalement dans les filières des sciences de la terre et de l’univers, des sciences de la matière et des sciences du vivant.

Le rapport annexé à la loi du 8 juillet 2013 rappelle que la diffusion de cette culture scientifique et technique doit permettre à la France de conforter son avance scientifique, son tissu industriel, son potentiel économique, sa capacité d’innovation et sa compétitivité.

Plusieurs facteurs expliquent la désaffection constatée. Ils sont notamment liés aux programmes, au manque de formation des enseignants et à la pénurie de moyens matériels pour conduire des expérimentations. C’est peut-être sur ce point que vous pourriez nous apporter un éclairage supplémentaire au vu du travail que vous avez conduit.

Dès le plus jeune âge, où peuvent s’installer des difficultés irréversibles, la spécificité pédagogique des sciences au travers d’expériences et de mises en situation permettra d’appréhender plus aisément ces matières, tout comme faciliter le tâtonnement expérimental et apprendre à problématiser en découvrant un phénomène et en travaillant sur ses effets. Ces expériences pourront se développer non seulement à la maternelle et à l’école primaire, mais aussi – préconisez-vous – au sein des activités périscolaires organisées dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires. Pouvez-vous nous éclairer davantage à ce sujet ?

La loi du 8 juillet 2013 a veillé à assurer les passerelles entre les cycles. Ces liaisons se traduiront aussi dans les enseignements scientifiques, car le passage de l’enseignement primaire à l’enseignement disciplinaire dispensé au collège marque aujourd’hui une vraie rupture. Comment optimiser les expérimentations allant dans ce sens et en faire un modèle général et adaptable ?

Un enseignement rénové par une réforme ambitieuse des contenus et de la pédagogie des sciences s’impose donc. Le groupe SRC se prononce bien sûr en faveur de l’adoption des crédits demandés pour 2014.

M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP ne porte pas la même appréciation sur les deux parties de votre rapport, madame Sommaruga. Vous comprendrez aisément qu’il ne puisse partager le constat dressé par sa première partie, qui traite notamment de la revalorisation du métier d’enseignant. Je me contenterai ici, sans réitérer les propos que j’ai tenus en commission élargie, de vous faire part de quelques réflexions.

Tout d’abord, nous ne voyons aucune différence entre les internats de la réussite et les internats d’excellence. Les collégiens, lycéens et étudiants qui en bénéficient sont en effet les mêmes – ceux qui ne jouissent pas dans leur famille de conditions favorables pour poursuivre leurs études. Bref, il s’agit d’une mesure de promotion de l’égalité des chances. Pourquoi donc avoir changé sa dénomination ?

J’en viens aux emplois. Vous écrivez que l’éducation nationale apporte sa contribution à l’effort collectif de maîtrise des finances publiques. Permettez-moi d’en douter : les créations de postes conduisent inévitablement à des dépenses supplémentaires. Ce n’est pas de gaieté de cœur que la majorité précédente avait pris la décision de ne pas remplacer un enseignant partant à la retraite sur deux. J’observe que le rapport de la Cour des comptes intitulé « Gérer les enseignants autrement » va dans ce sens.

Je dénonce par ailleurs un transfert de charges vers les collectivités locales. Jusqu’à aujourd’hui, les dépenses de matériel pédagogique étaient assumées par l’État. Certes, nous allons vers le numérique, mais ce transfert est incontestable.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission.

J’en viens à la seconde partie du rapport, qui porte sur la rénovation de l’enseignement des sciences. Je salue le travail approfondi conduit par la rapporteure pour avis, dont le jugement parfois sévère est tempéré par des propositions qui confortent largement les conclusions de la mission d’information conduite en 2006 par Jean-Marie Rolland sous le titre « Réconcilier les jeunes et les sciences », dont je faisais partie. Nous pouvons certes regretter de ne pas avoir plus de Georges Charpak en France, mais l’expérience de la fondation La main à la pâte, aujourd’hui présidée par M. Pierre Léna, a tout de même permis de faire bouger les choses, notamment dans l’enseignement primaire. Il reste que les sciences ont toujours été considérées comme élitistes, voire comme un enseignement inaccessible pour certains. Il faut donc valoriser toutes les expériences qui vont dans le bon sens.

S’agissant de l’égalité entre les hommes et les femmes, il semble que les différences s’estompent, même si beaucoup reste à faire. Les bourses de la vocation scientifique et technique des femmes, pilotées par le ministère des droits des femmes, ont permis d’obtenir certains résultats. J’évoquerai aussi une expérience qui se poursuit depuis 1987 au Canada, celle de l’association les Scientifines, qui aide les jeunes filles des quartiers défavorisés à « s’en sortir » par un apprentissage ludique des sciences. Là encore, on arrive à certains résultats en suscitant chez elles la curiosité et la persévérance.

Nous ne pouvons en revanche accepter de vous entendre dire que la formation aurait été sacrifiée dans les dernières années. La masterisation, d’ailleurs souhaitée et acceptée par tous, n’a pas été remise en cause dans ce domaine, même si quelques perturbations ont été observées en 2010 et 2011.

Néanmoins, je souscris entièrement aux propos de Pierre Léna lorsqu’il dit que le cœur du sujet en matière d’enseignement scientifique est celui de la formation des professeurs. J’irai même plus loin : il y a un défaut de formation scientifique chez la plupart des directeurs d’école et des chefs d’établissement. C’est une faille qu’il nous faut combler. Vous avez évoqué les missions des ESPE ; acceptons-en l’augure.

Pour conclure, j’aimerais évoquer une expérience partie d’Alsace en 1990 : Mathématiques sans frontières. Ce concours – qui s’adresse aux CM 2 et aux sixièmes pour les épreuves junior, et aux troisièmes et aux secondes pour les épreuves senior – a aujourd’hui lieu dans de nombreuses académies ; il a même traversé les frontières, puisqu’il est également organisé en Allemagne. Nous devons promouvoir toutes ces initiatives. Bref, il y a encore beaucoup d’essais à transformer.

Mme Barbara Pompili. Le groupe écologiste partage les différents constats énoncés dans le rapport pour avis.

Pour redonner le « goût d’apprendre les sciences » à toutes et tous, il convient en effet de revoir la façon dont les sciences sont enseignées. Non seulement nous avons besoin de plus d’enseignements pratiques et d’expériences, mais il faut mieux former les enseignants et assurer davantage d’interdisciplinarité, ce qui suppose de revoir les programmes.

Le constat d’un enseignement trop théorique est partagé par les écologistes et vaut également pour d’autres enseignements, notamment les cours de langues où le manque de pratique est plus qu’avéré et concourt à expliquer le faible niveau des Français en langues vivantes étrangères.

Il faut aussi changer de paradigme dans les apprentissages : l’élève ne doit pas seulement écouter sagement les enseignements dispensés ; il doit aussi participer. Nous devons promouvoir les enseignements participatifs et le débat. Cela permettra aussi de changer l’image de l’enseignement scientifique, trop souvent perçu comme un outil de sélection scolaire, alors que l’objectif devrait être celui de la « réussite pour tous », quelle que soit la matière enseignée.

Concernant la culture scientifique et technique, il est fondamental que l’enseignement théorique soit accompagné par des expériences pratiques en classe, en laboratoire et à l’extérieur. Nous souhaitons d’ailleurs que les crédits consacrés aux innovations pédagogiques soient renforcés : ils s’élèvent à 55, 6 millions d’euros, soit à peine 5 euros par élève !

Il faut également faire le lien avec les projets éducatifs territoriaux (PEDT). La culture scientifique et technique peut parfaitement faire l’objet de projets éducatifs. En effet, le lien entre le scolaire et le périscolaire ou entre l’intérieur et l’extérieur de l’école peut se faire via des projets relevant de la culture scientifique et technique. L’intérêt pour les sciences sera amplifié s’il est accompagné d’une démarche participative, expérimentale et ludique. De nombreuses associations sont d’ailleurs connues pour leur engagement au profit de la culture scientifique et technique pour tous. Je pense aux Petits Débrouillards, souvent cités dans le rapport, à la création de la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences destinée aux primaires, qui est en cours en Ile-de-France, ou encore aux Fêtes de la science, qui ont par exemple lieu à Amiens et qui connaissent un grand succès, notamment auprès des enfants.

Après les classes de mer et les classes vertes, pourquoi ne pas créer des « classes de sciences » ?

La formation des enseignants est un enjeu fondamental. Comme le souligne le rapport, les professeurs des écoles – mais aussi les directeurs d’école, comme l’a souligné M. Frédéric Reiss – sont majoritairement issus des filières littéraires ou sociales, et par conséquent insuffisamment formés à la démarche scientifique. Des associations comme La main à la pâte, qui a été auditionnée par la rapporteure pour avis, font déjà ce travail de formation à la culture scientifique et technique. L’objectif est d’aider les enseignants à découvrir et à enseigner la science et la technologie en mettant en œuvre une pédagogie d’investigation qui permette de stimuler chez les élèves esprit scientifique, compréhension du monde et capacités d’expression. Surtout, il faut que les ESPE intègrent un volet culture scientifique et technologique dans la formation des futurs enseignants.

Ce doit aussi être un enjeu pour la formation continue. Oui, il faut renforcer le budget dédié à la formation continue. L’idée d’intégrer les Maisons régionales des sciences dans les ESPE doit être regardée de près. Ces maisons ont pour vocation – dans le sillage de la Main à la pâte – d’accueillir des professeurs des écoles et des collèges pour actualiser leurs connaissances scientifiques. Cette évolution de leur pédagogie se ferait au bénéfice de tous les élèves.

S’agissant des contenus, nous attendons comme vous beaucoup du nouveau Conseil supérieur des programmes : c’est l’ensemble des programmes de 2008 qu’il convient de refonder.

Il faudrait aussi renforcer les liens entre disciplines et l’interdisciplinarité. Le décloisonnement des apprentissages est une bonne chose, et l’expérimentation des EIST est très intéressante.

Je partage également l’analyse de la rapporteure quant au problème des horaires au collège. Les successions d’heures morcelées et sans cohérence – une heure de mathématiques, puis une heure d’anglais, puis une heure de sport – sont problématiques.

Enfin, je souhaite insister sur la féminisation des sciences. L’école est un vecteur de reproduction des stéréotypes de genre, c’est-à-dire des comportements attendus en fonction de notre sexe biologique – par exemple, les formations littéraires pour les femmes et les formations scientifiques pour les hommes. Cela explique le faible nombre de femmes scientifiques et ingénieures en France. Il importe de s’attaquer très tôt à ces stéréotypes de genre ; je souhaiterais que cet aspect soit clairement mentionné dans les priorités gouvernementales.

En dépit de ces quelques remarques, ce budget va dans le bon sens. Nous voterons donc les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Rudy Salles. L’école de la République est la colonne vertébrale de notre société. Elle fait partie de notre idéal commun, de notre « ADN républicain », offrant à tous un accès à la connaissance et à la culture. Elle est porteuse d’émancipation – individuelle et collective – et doit avant tout instruire et porter au plus haut les citoyens français de demain. C’est en ces termes que nous voudrions tous pouvoir parler de l’école de la République.

Mais si l’idéal demeure, les faits sont bien plus durs : 15 à 20 % de nos enfants sortent de l’école primaire sans maîtriser correctement les savoirs fondamentaux de la lecture, de l’écriture et du calcul ; 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans détenir de diplôme du cycle secondaire. Enfin, 60 000 « sortants précoces » se retrouvent sans formation et livrés à eux-mêmes dans une société et sur un marché du travail qui n’autorisent aucune faiblesse et n’épargnent personne.

Dans un tel contexte, le groupe UDI considère les enjeux de l’éducation et de la formation comme fondamentaux. Nous nous sommes tous surpris à faire le rêve d’une école de la vraie égalité de chances, pas celle proclamée mais celle constatée, et nous souhaitons faire de l’école un lieu de récompense du mérite. L’heure est désormais non plus aux rêves, mais bien à l’action. Nous nous devons donc d’être intransigeants sur ces questions.

S’il est une mission où le gouvernement a choisi de donner un signal fort de mobilisation pour la jeunesse, c’est bien la mission « Enseignement scolaire ». Les moyens sont globalement en augmentation, en particulier pour les programmes relatifs à l’enseignement scolaire du premier et du second degré, avec un effort supplémentaire de 320 millions d’euros.

Le constat pourrait s’arrêter là. De nombreuses questions demeurent pourtant sans réponse, en particulier quant à la pertinence de certaines dépenses.

Si le gouvernement affiche volontiers sa « véritable refondation pédagogique », qui reposerait sur un socle de connaissances, de compétences et de culture renouvelé, un mystère perdure : voilà deux mois que la rentrée scolaire a eu lieu, et nul ne semble en mesure de nous informer un tant soit peu sur les travaux et les conclusions du Conseil supérieur des programmes, ni de nous indiquer si oui ou non, ce fameux socle commun a été redéfini, et en quels termes.

Concernant les internats d’excellence, il semble bien que l’on ait changé l’étiquette sans modifier le contenu. On nous amuse avec des formules creuses dénuées de sens, du type « des internats d’excellence à l’excellence de tous les internats ». Mais lorsqu’il s’agit de débattre et d’organiser l’éducation de nos enfants et l’avenir de notre société, il y a mieux à faire. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les chiffres accablants que j’évoquais il y a quelques instants.

Je réitère donc la question que j’ai posée lors de la commission élargie et qui attend toujours réponse. Quelle cohérence pédagogique et quel niveau d’exigence existe-t-il entre la logique des internats d’excellence et l’élargissement de ce projet à un plus grand nombre de places ? À défaut de ne pas être totalement contradictoires, il semblerait que ces deux objectifs soient relativement peu complémentaires. Il s’agirait essentiellement d’engager une réduction des coûts de ces internats, ce dont chacun connaît la difficulté.

J’en viens à la diminution substantielle des crédits liés aux actions éducatives complémentaires aux enseignements, et donc à la réforme des rythmes scolaires si chèrement défendue par le ministre contre vents et marées, quitte à verser dans le déni de réalité. La question est simple : comment mettre en adéquation une baisse des crédits dans ces actions et la restructuration de ces rythmes scolaires, qui apparaît comme l’une des priorités de la politique gouvernementale en matière d’éducation ?

Certes, les moyens financiers de cette mission « Enseignement scolaire » sont globalement au rendez-vous, mais le groupe UDI est convaincu que la copie mériterait d’être revue. Il s’opposera donc fermement à ce budget en trompe l’œil.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP a déjà dit en commission élargie tout le bien qu’il pensait du projet de budget de l’enseignement scolaire et des orientations prises en ce domaine. Il votera donc en faveur de l’adoption de ces crédits.

J’aurais pu commencer mon propos en évoquant la RGPP, chers collègues de l’opposition. Mais vous le faites désormais vous-mêmes. Je remercie donc M. Reiss de sa lucidité, qui nous dispensera de rappeler les effets très négatifs qu’a eus la RGPP sur les effectifs de l’enseignement scolaire.

Notre rapporteure pour avis a choisi de se pencher sur le goût des sciences à l’école et au collège et le développement de la culture scientifique des élèves. Lors du débat sur le projet de loi de refondation de l’école de la République, nous avions mis en exergue la nécessité de l’enseignement d’une culture scientifique et technique. Selon le rapport, l’enseignement scientifique est aujourd’hui en souffrance, voire en crise. Cela ne peut que nous inquiéter au regard des données statistiques fournies. Le relatif rejet de l’enseignement scientifique est en partie dû à des programmes souvent jugés trop ambitieux, voire élitistes. Encore faut-il qu’ils soient enseignés ! J’ai été stupéfait d’apprendre qu’en primaire, l’enseignement des sciences expérimentales ne serait pas assuré dans près de la moitié des classes.

Le rapport parle d’un enseignement trop ciblé comme un outil de sélection scolaire, qui créerait une désaffection à l’égard des sciences, sans parler des conditions de travail parfois très critiquables des enseignants dans ces matières. Nous approuvons les pistes de réflexion proposées. La loi du 8 juillet 2013 offre des perspectives concrètes à cet égard, qu’il s’agisse de la refonte des programmes par le Conseil supérieur des programmes – qui vient à peine de se mettre en place, monsieur Salles – ou de la revalorisation de l’enseignement scientifique.

Je conclurai par une question. Tout en louant l’expérimentation des EIST, le rapport en fixe les limites. Faut-il en rester au niveau de l’expérimentation ou peut-on espérer une généralisation ?

Mme Marie-George Buffet. Je salue le travail de Mme la rapporteure pour avis et me félicite de l’augmentation, pour la deuxième année consécutive, du budget de l’enseignement scolaire, ce qui permet de créer de nouveaux postes. J’insiste sur ce point, car l’on nous rétorque souvent que la question c’est non pas la création des postes, mais leur gestion. J’observe que sans ces nouveaux postes, nous n’aurions pas pu faire en sorte qu’à la rentrée, chaque classe ait un maître devant elle – ce qui n’avait pas été le cas lors de la rentrée précédente. Cette création de postes permettra en outre d’accueillir 30 400 élèves supplémentaires dans près de 53 000 écoles et de commencer à mettre en place la loi pour la refondation de l’école – je pense plus particulièrement à l’un de ses piliers, à savoir la formation des maîtres. Pour autant, ces nouveaux postes ne pourront pas encore combler l’ensemble des besoins, accrus par des années de diète. De fait, il n’y aura devant les classes que 800 postes supplémentaires, 295 pour appliquer la mesure consistant à affecter un maître supplémentaire par école et seulement 72 pour les réseaux d’éducation prioritaire, ce qui est bien sûr très insuffisant par rapport aux difficultés que nous connaissons.

Mais au-delà de ces créations de postes, il conviendrait de valoriser la fonction des enseignants et cela passe par la résorption de la précarité dans les écoles où coexistent plusieurs statuts. Le gel du point d’indice sur les salaires de la fonction publique, qui s’applique depuis plusieurs années, avait déjà pénalisé ces personnels. Il faut maintenant travailler à la valorisation du métier et à la stabilisation des équipes. Dans le département de Seine-Saint-Denis, les jeunes enseignants, qui sont très nombreux, exercent dans des conditions difficiles. En outre, le turn over fragilise le travail de l’équipe éducative.

Madame la rapporteure pour avis, donner le goût de la science aux élèves est en effet un bel objectif, mais vous observez vous-même avec raison que de nombreux enseignants viennent de filières littéraires.

Nous allons renouer avec la formation professionnelle, mais vous insistez dans votre rapport – et je vous approuve – sur la nécessité de revenir sur la formation continue, et de rattraper celle dont les maîtres actuellement en poste n’ont pas pu bénéficier. Vous vous interrogez sur la façon de la financer. Pourriez-vous nous en dire plus à ce propos ?

Vous insistez également sur les programmes. Je pense que le Conseil supérieur des programmes va s’attaquer à ses dossiers. Encore faut-il lui laisser le temps de travailler.

Mon académie a mis en avant l’enseignement des sciences pour l’année scolaire 2013-2014, mais les écoles doivent se procurer les moyens pour financer les outils de l’expérimentation, et cela pose parfois des problèmes de moyens.

Je terminerai sur le temps périscolaire. J’entends bien que parmi les programmes éducatifs territoriaux, la question de l’approche des sciences peut être intéressante. Cela dit, les associations qui sont tournées vers les sciences et les techniques sont assez peu nombreuses. Quels seraient donc, selon vous, les intervenants possibles ?

M. Hervé Féron. L’appropriation d’une culture scientifique et technique est un facteur essentiel de la compétitivité économique et du rayonnement industriel d’une société. Or, lorsque l’on demande aux jeunes si les sciences les intéressent à l’école, ils répondent presque immanquablement par la négative.

L’élève est fréquemment dégoûté par les sciences à l’école. Sa curiosité diminue avec le niveau scolaire. Or, apprendre peut-être tout à la fois utile, nécessaire et source de plaisir. Il s’agit là d’un aspect trop souvent oublié. Pourtant, il ne devrait être en aucun cas négligé. Ne pensez-vous pas que les programmes, les méthodes, les cours de sciences n’atteignent pas les objectifs fixés car ils ne prennent pas suffisamment en compte le plaisir que la découverte peut procurer aux jeunes ? Redonner le goût aux mathématiques et aux sciences passe peut-être par des pratiques plus ludiques et par un enseignement scientifique plus concret pour les élèves.

Mme Sophie Dion. Après avoir félicité Mme Sommaruga pour son rapport, du moins pour sa deuxième partie, je reviendrai sur la question des internats, sur laquelle personne ne nous a répondu jusqu’à présent.

Les internats d’excellence ont été fortement critiqués, mais il semble bien que l’idée n’était pas si mauvaise. On parle maintenant des « internats de la réussite ».

Le Gouvernement a annoncé que le nouveau programme d’investissement d’avenir participerait à la construction d’internats – avec un objectif de 6 000 places nouvelles à partir de 2014. Mais dans le même temps, les moyens consacrés dans le budget à la politique de l’internat sont relativement faibles : 53 millions d’euros, soit une augmentation de seulement 1,2 % par rapport à 2013.

Nous sommes tous d’accord pour dire que l’école est le cœur de la République. Mais qu’il s’agisse des internats d’excellence ou, comme vous préférez, des internats de la réussite, on relève de nombreux facteurs d’inégalité, qui ne sont pas uniquement d’ordre social. On peut en effet s’interroger sur les moyens destinés à lutter contre les inégalités territoriales. Je pense plus particulièrement aux élèves des écoles rurales ou de montagne. On sait bien que l’internat est une réponse pour ces collégiens et leurs familles. La vocation de l’internat doit donc être élargie et concerner davantage les jeunes issus des territoires ruraux et de montagne.

L’action 05 – « Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État » – dans le programme « Vie de l’élève », précise que les internats doivent pouvoir accueillir en priorité des élèves « socialement défavorisés ». Cette formulation me semble un peu restrictive et je souhaiterais que, dans le cadre de l’offre globale d’hébergement scolaire, des élèves issus des communes rurales et de montagne puissent bénéficier d’un accueil prioritaire en internat. Cette mesure participerait à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie de ces élèves, ainsi qu’à la lutte contre les inégalités territoriales.

Mme Martine Pinville. Pour ma part, j’ai plus particulièrement travaillé sur la santé et sur la santé à l’école. La santé des jeunes est en effet une des grandes priorités inscrites dans la Stratégie nationale de santé. Il y est notamment question d’investir le champ de la promotion de la santé et de la prévention. Or, en France, les dépenses de prévention représentent 2,4 % des dépenses courantes de santé. À tous les âges, notre investissement dans la prévention est faible.

Je veux aborder ici la question de la santé à l’école, et plus particulièrement celle de la médecine scolaire. L’acquisition du socle des compétences nécessite une transmission des savoirs dans de bonnes conditions. Mais si un enfant n’est pas en capacité de recevoir ces savoirs, nous n’aurons pas fait tout notre travail.

L’école a pour responsabilité l’éducation à la santé et aux comportements responsables. Elle contribue au suivi de la santé des élèves, et il serait intéressant de préciser les champs d’intervention de la politique de santé à l’école en définissant trois axes : l’éducation, la prévention et la protection.

À l’occasion du rapport que j’ai présenté sur la médecine scolaire, j’ai constaté que de nombreux enfants dont les familles étaient en situation d’exclusion n’étaient plus suivis par des praticiens. Ce phénomène à tendance à se développer. Dans un tel contexte, la médecine scolaire doit être un outil majeur de lutte contre les inégalités sociales et de santé – et ce dès l’enfance. Elle a vocation à promouvoir la santé au sein de la population scolarisée, et à identifier les enfants les plus vulnérables afin de compenser le non-recours de ceux-ci au système de santé en ville.

Une autre des missions de la médecine scolaire est de mettre en place des actions de prévention et de dépistage, que ce soit – plutôt au collège – pour lutter contre les addictions, l’alcool, le tabac, ou les drogues, ou pour promouvoir l’éducation à la santé en luttant, par exemple, contre l’obésité.

Renforcer, clarifier et rénover les missions de la médecine scolaire : c’est ainsi que tous les enfants, dès leur plus jeune âge, pourront bénéficier d’actions de prévention efficaces et effectuer au mieux leur parcours scolaire.

M. Patrick Hetzel. Après avoir moi aussi remercié notre rapporteure pour avis, je reviendrai sur deux points.

Premièrement, s’agissant de la formation des enseignants, là encore, une rectification s’impose : lors de la précédente législature, non seulement il n’a jamais été mis fin à la formation des enseignants, mais le niveau de ces derniers a été amélioré. En effet, leur recrutement au niveau du master a été systématisé. Doit-on considérer qu’un master universitaire n’est pas une formation ? Ce serait insultant vis-à-vis des universitaires, qui ont d’ailleurs fait un très grand effort pour développer les stages et assurer la bonne insertion des enseignants en milieu professionnel. Et j’observe que si l’on a relevé la formation des enseignants au niveau du master, c’est parce que l’on fait confiance aux universitaires.

Deuxièmement, M. Peillon a publié un décret rendant obligatoire une nouvelle organisation de l’enseignement. Lorsque nous l’avons auditionné sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », il nous a indiqué qu’il s’occuperait de la partie scolaire et, qu’il laisserait aux communes le soin de s’occuper de la partie périscolaire. Les maires apprécieront ! Ce sera une question centrale du prochain Congrès des maires, car jusqu’à présent nous n’avons pas eu d’autre précision. Cela me semble incroyable de la part d’un ministre de l’éducation nationale.

Mme Dominique Nachury. Je voudrais réitérer les interrogations que j’ai exprimées lors de la commission élargie s’agissant de la méthode d’évaluation des besoins en enseignants, de la prise en considération du métier d’enseignant, des perspectives d’évolution de carrière, de la formation continue du personnels des premier et second degré, et du rôle des ESPE.

Sur le thème, approfondi excellemment par Julie Sommaruga, du goût des sciences à l’école et du développement de la culture scientifique, je voudrais rappeler que la démarche expérimentale, tout en étant essentielle, nécessite non seulement des équipements, des locaux adaptés, mais aussi des matériels et des formations. Se pose donc la question des financements, fréquemment renvoyés aux collectivités territoriales. Quelle réponse entend-on nous proposer ?

Mme Annie Genevard. Le rapport pour avis pointe la désaffection à l’égard des sciences, la progression de l’innumérisme, la persistance d’un noyau dur d’élèves en grande difficulté, et l’utilisation des sciences, notamment des mathématiques, comme outil de sélection scolaire.

J’invite mes collègues à réfléchir au fait qu’il y a un corollaire à cette situation, à savoir la désaffection, tout aussi préoccupante, à l’égard des disciplines littéraires. Ainsi, on observe au collège une désaffection à l’égard des sciences, et au lycée, une désaffection à l’égard des formations littéraires et la dévalorisation de celles-ci. On peut s’interroger lorsqu’un système scolaire échoue à former tant des bons scientifiques que des bons littéraires…

Barbara Pompili a proposé que l’on popularise les sciences à l’occasion de la réforme des rythmes scolaires et Marie-George Buffet s’est interrogée sur notre capacité à valoriser les sciences sur le temps périscolaire. De fait, il existe des associations, des centres régionaux très compétents en matière de culture scientifique. Pour autant, je ne peux pas imaginer, par principe, qu’un échec de l’institution trouve une solution hors institution. C’est à l’institution de se demander comment répondre à l’échec qu’elle constate.

Enfin, monsieur le président, madame la rapporteure pour avis, la Commissaire européenne à la culture a évoqué devant nous la question de la formation, en précisant que c’était une des préoccupations de l’Europe. J’ai alors soumis l’idée que l’on puisse prendre en compte, en miroir du socle commun de connaissances, de compétences et de culture qu’on attend de l’élève, un socle commun de connaissances, de compétences et de culture qu’on pourrait attendre de l’enseignant.

M. Guénhaël Huet. Mme la rapporteure pour avis nous a parlé de l’outil numérique, auquel le budget consacre 10 millions d’euros. C’est fort bien, mais il conviendrait de s’interroger sur les conditions d’utilisation d’un tel outil, notamment dans les classes maternelles. Personne ne prétendra que l’on peut s’en passer, mais il serait bon de procéder à des évaluations avant d’envisager de le généraliser.

Par ailleurs, avec plus de 63 milliards d’euros, l’enseignement scolaire est un budget incontestablement important. Mais l’État n’est pas le seul concerné, et à l’heure de la réforme des rythmes scolaires, il conviendrait de respecter ses partenaires, à savoir les collectivités territoriales. Notre collègue Rudy Salles a parlé de la baisse des crédits liés aux actions éducatives complémentaires aux enseignements. Le problème se pose à nouveau aujourd’hui à l’occasion de la mise en œuvre de cette réforme. Les contestations se multiplient au quotidien, et j’appelle l’attention des membres de la représentation nationale et du ministère sur l’urgence qu’il y aurait à revoir une telle réforme.

M. Benoist Apparu. Je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Hetzel. La majorité et le ministre répètent que nous aurions supprimé la formation des enseignants dans le précédent quinquennat. Or nous n’avons supprimé que le cadre national de formation des maîtres, ce qui n’est pas la même chose, et nous avons transféré aux universités la définition des contenus, y compris professionnels, de formation.

La mastérisation a consisté  premièrement, à faire passer du niveau licence au niveau master le recrutement des enseignements et deuxièmement, à confier aux universités la définition des masters enseignants, chacune d’entre elles s’organisant comme elle le souhaite.

Contrairement à vous, nous ne considérons pas que la définition des masters par les universités se soit traduite par la suppression de toute formation. Nous remarquons simplement qu’avec les ESPE, vous recréez un cadre national, avec une définition nationale des maquettes de formation des maîtres – définition que nous avions confiée aux universités.

Le ministre nous demande d’avoir des débats apaisés sur l’éducation nationale. Alors autant éviter de nous envoyer à la figure ce type de contre-vérités !

Mme la rapporteure pour avis. S’agissant de la formation, je conseille à certains de nos collègues d’aller constater sur le terrain ce que pensent les enseignants. Vous dites que leur formation n’a pas été sacrifiée. Mais le décalage est grand entre vos affirmations et leur ressenti.

S’agissant de la formation dans les disciplines scientifiques, les enseignants, en particulier ceux du premier degré, ressentent un fort sentiment d’insécurité, d’abord, parce qu’il n’y a plus de formation initiale ; ensuite, parce qu’ils sont souvent issus de filières littéraires. Sans un apport fort sur les matières scientifiques, ces enseignants n’oseront donc pas assumer une telle démarche auprès des élèves.

S’agissant de la formation continue, les difficultés sont réelles et vous ne pouvez pas le nier. Celle-ci a été sacrifiée, parce que la suppression de postes opérée ces dernières années a été telle qu’il n’était pas possible de remplacer les enseignants qui souhaitaient se former. Nous sommes en train, dans ce domaine également, de redresser la situation.

Plusieurs de nos collègues de l’UMP ont évoqué la question des internats. Le dispositif des internats d’excellence consistait à repérer les meilleurs élèves, que l’on « sortait » de leur quartier. Nous n’avons pas voulu poursuivre une telle politique – conformément au souhait des inspections générales elles-mêmes. Par ailleurs, je considère que la création d’internats pour les élèves en difficulté est un investissement d’avenir. Le ministre vous a répondu très clairement à ce sujet la semaine dernière.

S’agissant des moyens pédagogiques, je suis d’avis que l’on consacre une ligne budgétaire à l’achat de matériels destinés à la mise en place d’expérimentations. Je préconise par ailleurs un partenariat avec les sociétés savantes et les institutions ou établissements scientifiques. Cela dit, la question des moyens se pose, d’autant qu’il y a de fait une inégalité territoriale. D’une part, certaines collectivités s’engagent davantage que d’autres, alors que ce ne sont pas forcément les plus riches – je peux vous citer l’exemple de la commune de Bagneux, qui a organisé le Forum des sciences et mis en place des activités pédagogiques autour des sciences. D’autre part, les équipes d’inspection et les enseignants que nous avons rencontrés sur le terrain ont déploré le temps qu’ils devaient consacrer à trouver des partenariats gratuits.

S’agissant du périscolaire, des partenariats existent. Certes, les associations ne sont pas très nombreuses, mais elles sont très compétentes – encore faut-il connaître leur existence ! Un certain nombre d’entre elles, qui ont noué des partenariats avec l’éducation nationale, sont subventionnées. Elles constituent un véritable vivier.

Enfin, les universités, et particulièrement les doctorants, peuvent intervenir dans le cadre du périscolaire, sachant que l’enseignant doit conserver la maîtrise du lien entre les activités périscolaires et les activités scolaires.

S’agissant de l’égalité hommes/femmes, il faut rappeler que le niveau des élèves est le même chez les garçons et chez les filles ; c’est l’orientation en fin de collège qui change la donne. Les filles « s’autocensurent » parce qu’elles estiment que certains métiers ne sont pas faits pour les femmes. Lorsqu’elles sont scientifiques, elles s’orientent plus facilement vers la médecine que vers les métiers d’ingénieur. Nous devons modifier de tels comportements.

Selon la loi pour la refondation de l’école, l’orientation favorise la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes parmi les filières de formation. Il faudrait inviter des femmes scientifiques dans les écoles, se préoccuper de ces questions dès la maternelle, sensibiliser les enseignants, travailler les manuels et réfléchir avec les parents. Nous avons auditionné des représentants de fédérations de parents d’élèves qui y sont tout à fait favorables.

Thierry Braillard a déjà répondu à Rudy Salles s’agissant du Conseil supérieur des programmes. J’ajoute que celui-ci n’a été installé que le 10 octobre dernier. Or tout le monde sait qu’il n’est pas possible de faire un bilan en quelques semaines. Laissons-lui donc le temps de réfléchir en toute indépendance. L’enjeu est trop important pour que l’on se précipite.

Marie-George Buffet a soulevé la question du recrutement. Je me suis effectivement demandé, au moment des auditions, s’il fallait que les professeurs des écoles aient un profil plus scientifique. Je ne le crois pas. Il faut d’abord aider les enseignants qui ont un profil littéraire à suivre une formation adéquate pour s’engager dans une démarche scientifique. Et peut-être faudrait-il également réfléchir à la place des sciences dans les baccalauréats littéraires ; celles-ci ont en effet été supprimées.

Je pense moi aussi que le budget de la formation continue doit être renforcé. Les inspections générales ont proposé d’instituer trois jours annuels de formation par enseignant. Il faudrait que, dans ce cadre, la culture scientifique soit appréhendée.

Enfin, je répondrai à M. Thierry Braillard sur l’EIST – l’enseignement intégré de science et technologie. Comme je l’ai indiqué dans le rapport, c’est une expérimentation très enrichissante. Si j’ai écrit que sa généralisation n’était pas envisageable, c’est en raison du coût que cela représenterait, et de la réaction des enseignants du second degré. Ceux-ci sont en effet pratiquement unanimes à ne pas vouloir entrer dans la polyvalence, ce que l’on peut comprendre. Reste que l’EIST constitue un levier vers l’interdisciplinarité, dont les enseignants sont par ailleurs plutôt demandeurs.

La Commission examine ensuite, pour avis, les crédits pour 2014 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M.  Patrick Hetzel (Recherche) et de M.  Émeric Bréhier (Enseignement supérieur et vie étudiante).

M.  le président Patrick Bloche. Je vous rappelle que les crédits pour 2014 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont fait l’objet, le 24 octobre dernier, d’une procédure d’examen en commission élargie. À cette occasion, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a répondu de manière particulièrement détaillée aux questions qui lui ont été posées, ce qui a permis d’aborder de nombreux domaines relevant de l’action de son ministère.

Nous allons aujourd’hui entendre nos collègues Patrick Hetzel et Émeric Bréhier, rapporteurs pour avis. Au-delà de l’étude des crédits prévus pour 2014, chacun d’entre eux s’est attaché à approfondir plus spécifiquement une thématique particulière.

M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis pour la recherche, s’est plus particulièrement intéressé à la recherche sur projet et aux retombées économiques de la recherche, en appelant de ses vœux la mise en place d’un véritable continuum entre la recherche fondamentale et l’innovation.

M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis pour la recherche. Le budget de la recherche a été examiné, avec celui de l’enseignement supérieur, lors du débat en commission élargie jeudi dernier. Il est cependant nécessaire d’en rappeler brièvement les grandes orientations, afin d’éclairer la Commission sur l’avis de son rapporteur.

Le budget proposé pour 2014 est, en effet, très illustratif de la contradiction entre une volonté politique fortement affichée en faveur de la recherche et de l’innovation, et la réalité des moyens proposés. On retrouve là le décalage permanent entre le discours et les actes de l’actuel gouvernement.

Les crédits qui sont globalement attribués à la recherche publique baissent d’un peu plus de 1 %. Cette diminution touche principalement l’Agence nationale de la recherche, et les organismes de recherche.

Rappelons que ces dotations en baisse ont à couvrir non seulement les charges pour pensions qui progressent, elles, nettement, chaque année, mais aussi le glissement vieillesse- technicité des fonctionnaires des EPST (établissements publics à caractère scientifique et technologique) ou les mesures salariales des personnels des EPIC (établissements publics industriels et commerciaux). Les moyens réellement disponibles pour les laboratoires et les équipes de recherche sont donc réduits d’autant, alors même que la chute des crédits de l’ANR (Agence nationale de la recherche) diminue parallèlement les financements sur contrat de recherche de ces organismes.

Les emplois des organismes de recherche en 2014 sont présentés comme stables en équivalents temps plein, mais il convient de s’interroger sur la réalité que recouvre cette stabilité : les emplois inscrits, qui sont un plafond, seront-ils réellement pourvus ? Les auditions des responsables des instituts permettent, pour le moins, d’en douter.

Ce budget très médiocre conduit également à s’interroger sur les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche, dont la loi relative à la recherche et à l’enseignement supérieur du 22 juillet 2013 prévoit une présentation quinquennale, sous forme de livre blanc, avec la stratégie nationale de l’enseignement supérieur qui lui est liée. Cette nouvelle stratégie va-t-elle se traduire par la remise en cause de dix ans de progression des financements de la recherche ?

Il est nécessaire, au minimum, de « sanctuariser » les crédits de la recherche, à défaut d’en prévoir une programmation croissante, comme l’avait disposé et l’a effectivement réalisé la loi de programme pour la recherche de 2006. Ce n’est véritablement pas ce que fait cette loi de finances. Je suggère donc à la Commission de donner un avis défavorable à l’adoption des crédits « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mais venons-en à la partie thématique de mon intervention, sur la recherche sur projet et sur les retombées économiques de la recherche.

Le financement de la recherche par des appels à projets et la mise en concurrence n’a trouvé sa forme actuelle que tardivement en France, même si la recherche sur projet existait, en pratique, à l’intérieur des organismes de recherche ou à l’initiative de fondations, ou encore dans le cadre des programmes cadres européens pour la recherche et le développement technologique. Par ailleurs, deux fonds, le Fonds national de la science – FNS – et le Fonds de la recherche technologique – FRT –, finançaient des actions concertées incitatives depuis la fin des années 90 et avaient pour objectif de permettre l’émergence de disciplines nouvelles, d’accompagner des politiques publiques et d’encourager les partenariats publics-privés en matière de recherche. Mais le véritable lancement en France d’une politique nationale de la recherche sur projet ne date que de 2005, avec la création de l’Agence nationale de la recherche – ANR –, dans le cadre du Pacte pour la recherche.

Le budget de la recherche pour 2013 s’était déjà traduit par ce qui était présenté comme un « rééquilibrage » des financements entre recherche sur projet et crédits récurrents, au profit des organismes de recherche.

Si, dans le projet de loi de finances pour 2014, les organismes de recherche sont cette fois-ci également touchés par les baisses de crédits, les moyens de l’ANR n’en continuent pas moins de diminuer. Les autorisations d’engagement de l’Agence sont inférieures à ce qu’elles étaient à la création de celle-ci, en 2005, et se rapprochent donc, en euros constants, des budgets dont disposaient les anciens fonds incitatifs au début des années 2000…

La Cour des comptes constatait, dans son rapport de juin 2013 sur le financement public de la recherche, que l’Agence était à la croisée des chemins. Le Gouvernement semble avoir dépassé cette étape, mettant en cause son existence même comme agence de financement de la recherche sur projet.

Lors des auditions, la question s’est posée d’une nouvelle approche du financement de la recherche, suivant la doctrine, en vogue dans le monde anglo-saxon : « Fund the people, not the project » – subventionner la personne, pas le projet. Il s’agit là de la volonté légitime de permettre à des chercheurs innovants d’accéder directement aux financements et de leur faire confiance pour développer leurs propres voies de recherche, cette dernière s’accommodant mal du carcan trop systématique des thématiques du moment.

Or c’est précisément à cet objectif que répondent les programmes « blancs » de l’ANR, qui représentaient encore 47,9 % des engagements totaux pris sur appels à projet en 2012. Il serait dommage, de ce point de vue également, que l’attrition des crédits de la recherche sur projet tarisse une indispensable respiration de notre système de recherche, si nécessaire aux jeunes chercheurs notamment, et que nous retournions à des pratiques que la création de l’Agence avait pour objet de dépasser.

Faut-il voir dans cette évolution rapide l’abandon des financements sur projet dans notre pays, ce qui serait une rupture avec la pratique générale, au niveau tant européen qu’international ? Ce serait d’autant plus paradoxal que le programme des investissements d’avenir, de financement extrabudgétaire, repose sur la même logique des appels à projets, d’ailleurs confiés très majoritairement à l’ANR – dont l’expertise se voit ainsi confirmée. Je précise également que Louis Gallois – qu’on ne peut pas accuser d’avoir été impliqué dans l’ANR du temps de la précédente majorité – insiste beaucoup sur la nécessité de développer ces financements de recherche sur projet.

Les crédits annoncés par le Premier ministre au mois de juillet pour financer le deuxième programme des investissements d’avenir sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014, mais avec une répartition interne et des montants inférieurs aux annonces gouvernementales de l’été dernier.

Le premier programme, lancé à l’initiative du précédent gouvernement, est un succès dont il convient d’apprécier le caractère structurant pour l’ensemble de notre dispositif de recherche et d’enseignement supérieur, en soulignant en particulier qu’il contribue à remédier à une faiblesse française majeure : l’insuffisante valorisation de la recherche. Tout le monde en convient, les retombées économiques de notre recherche sont insuffisantes. Cette absence de corrélation entre une recherche scientifique française, qui reste performante, et la valorisation en entreprises est un problème culturel propre à notre pays.

Si la France a le cinquième PIB mondial, elle occupe le septième rang pour les activités de R&D, mais seulement la seizième place pour l’innovation. Le décrochage est sans appel et illustre parfaitement l’une des raisons de notre moindre compétitivité économique. Nous devons absolument corriger cette situation si nous voulons rester durablement dans le peloton de tête des pays créateurs de richesse.

Les indices français, en matière de publications scientifiques, évoluent de façon intéressante : si leur part relative diminue au niveau mondial, comme pour tous les pays de tradition scientifique ancienne confrontés aux nouveaux pays industriels, notamment les BRICS, leur indice d’impact, c’est-à-dire leur rayonnement, progresse significativement depuis cinq ans. Pour autant, un véritable continuum entre recherche et innovation, caractéristique des économies dynamiques d’un monde globalisé, reste à établir. Les résultats décevants de la France dans la captation des financements des programmes européens de recherche le confirment.

Les études portant sur le système français de recherche et d’innovation convergent toutes vers le même constat : l’accroissement de la performance et de la visibilité de la recherche française passe par la clarification du rôle de ses acteurs, le renforcement de leur autonomie et l’amélioration de la coordination nationale et européenne. Pour ce faire, notre pays a développé un certain nombre d’outils de soutien à l’innovation, sous tous ses aspects, la plupart créés durant la dernière décennie, en particulier dans le cadre du Pacte pour la recherche de 2006 et des investissements d’avenir décidés en 2009. Il convient sans doute de mieux les coordonner.

Renforcer l’innovation, c’est à la fois développer l’interface entre la recherche publique et l’entreprise, et favoriser la recherche directement effectuée en entreprise. C’est à faciliter les partenariats et renforcer les liens entre recherche publique et entreprises que concourt, hors programme des investissements d’avenir, la mise en place des alliances, des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, des pôles de compétitivité, des instituts Carnot ou des conventions CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche), conventions tripartites passées entre un laboratoire de recherche, une entreprise et un doctorant.

Dans le cadre du programme des investissements d’avenir ont été fondés, dans le même but, huit instituts de recherche technologique, moteurs des campus d’innovation technologique, ainsi que des sociétés d’accélération du transfert technologique, qui ont vocation à regrouper l’ensemble des équipes de valorisation des sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures existantes. Leur présentation détaillée et leurs éventuels financements figurent dans le rapport.

Enfin, le soutien principal à la recherche directement effectuée en entreprise relève aujourd’hui du crédit d’impôt recherche. C’est un instrument dont l’efficacité est soulignée par les tous les acteurs du secteur, qu’il convient donc de maintenir et de renforcer. Il est, du fait de la faiblesse actuelle des partenariats public privé de la recherche sur projet, le seul levier véritablement efficace pour développer l’innovation en entreprise. C’est ce que rappelait M. Louis Gallois lors des premières rencontres parlementaires pour l’innovation que Mme Anne-Yvonne Le Dain et moi-même avons coprésidées le 9 octobre dernier : « L’innovation, pour éclore, a besoin de trouver un écosystème favorable. Cet écosystème est d’abord fiscal. […] Ceux qui critiquent le crédit impôt recherche ne se rendent pas compte de la férocité de la concurrence pour l’implantation des sites de recherche. Le CIR représente un puissant élément pour retenir la recherche en France. »

Plus que jamais notre pays doit se préoccuper des insuffisantes retombées économiques de sa recherche. Tandis qu’en Allemagne, la recherche technologique représente 20 % de l’ensemble des recherches, elle n’en représente en France que 7 %. Nous devons donc davantage coordonner recherche, innovation et formation. Le préalable à tout choc de compétitivité est un choc d’innovation. Notre appareil de recherche, quoique excellent, n’est pas suffisamment orienté vers la création de valeur économique, orientation pourtant essentielle si nous voulons maintenir la France au rang des nations qui comptent.

Mme Sandrine Doucet. Merci, monsieur le rapporteur pour avis, pour votre travail, dont on peut néanmoins regretter qu’il ne remette pas suffisamment en perspective ce projet de budget de 7,7 milliards d’euros dans la chronologie et la cohérence qui sont les siennes. En effet, lorsque le candidat François Hollande a abordé la question de la recherche en mars 2012, il a fait le constat d’un recul de la place de la France parmi les pays de l’OCDE, notre pays étant passé en dix ans de la quatrième à la quinzième place. Cela l’a conduit à prôner une simplification du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec l’idée que les chercheurs devaient se consacrer à leurs recherches plutôt qu’à la recherche de financements.

Lors de la discussion de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, la ministre Geneviève Fioraso a également souligné le recul de notre pays au plan européen : alors qu’elle était le deuxième contributeur au financement du plan cadre de recherche et développement technologique européen pour la période 2007-2013, la France a vu sa participation aux programmes européens baisser de 18 à 11,9 %.

Nous voici donc dotés d’un budget stabilisé dont l’un des marqueurs est le maintien des 68 441 emplois, qui ne se voient pas appliquer l’objectif de réduction de l’emploi public.

Sur ce budget de 7,7 milliards d’euros, je me permets de souligner que, comme le prévoit la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, et selon l’agenda stratégique de la France, la participation du pays aux grands programmes scientifiques internationaux bénéficie pour la deuxième année de moyens en hausse : ils augmentent de 4 millions par rapport à 2013 et de 34 millions par rapport à 2012, soit une hausse de 14 % en deux ans. À ce budget s’adjoint celui des investissements d’avenir qui débloquent et accélèrent les actions et conventions du premier programme des investissements d’avenir (PIA) pour un montant de plus de 5 milliards.

Monsieur le rapporteur pour avis, nous ne trouvons dans votre rapport nulle trace de la situation initiale assez désastreuse qui explique les objectifs poursuivis et les choix faits en lien avec la loi de juillet 2013. En lieu et place d’un commentaire dynamique tourné vers les défis de la période 2014-2020, vous vous livrez à un exercice nostalgique, qui n’est pas exempt de quelques petits arrangements avec la chronologie.

Vous parlez d’une baisse du budget de la MIRES : elle était déjà significative dans le budget pour 2012, que vous avez voté, sans parler de l’évolution en yo-yo des crédits au cours des années précédentes – oscillation entre 4,2 % et 4,9 % –, ce qui nuisait à la visibilité pour les chercheurs.

Vous évoquez la nécessité d’un redressement économique qui s’appuie sur des ambitions plus affirmées. Mais n’est-ce pas admettre que l’on a hérité d’une situation dégradée ? On apprend que le glissement vieillesse-technicité était financé jusqu’en 2009. Mais que s’est-il passé entre 2009 et 2012 ?

Vous déplorez le manque de transferts, mais comment s’adosser à un secteur productif qui a perdu des milliers d’entreprises et 750 000 emplois en dix ans ?

Vous affirmez que le financement de l’ANR a atteint son maximum en 2008. Que s’est-il passé après ? A-t-il baissé ?

Vous déplorez le manque d’implication des parlementaires dans les choix budgétaires. C’est oublier les articles 11, 49 et 53 de la loi ESR, qui donnent toute leur place à ces parlementaires dans les choix stratégiques de notre pays.

Monsieur le rapporteur pour avis, la nostalgie n’étant plus ce qu’elle était, ne faut-il pas considérer ce budget comme un budget d’avenir, qui regarde vers l’Europe ? Le nouveau programme-cadre de recherche de l’Union européenne augmente de 40 % pour la période 2014-2020, et nous entendons bien nous adosser à ce budget.

M. Michel Herbillon. Je voudrais, au nom du groupe UMP, féliciter Patrick Hetzel pour son analyse, livrée en des termes exempts de toute polémique. Il a rappelé l’obsession qu’a la majorité, bien au-delà du seul secteur de la recherche, de défaire tout ce qui existait auparavant, y compris ce qui fonctionnait, seul le crédit d’impôt recherche échappant pour l’instant à cette obsession de la table rase.

Patrick Hetzel livre dans son rapport la feuille de route qu’il conviendrait d’adopter pour mieux établir le lien entre recherche et innovation, puis pour en étendre les effets au monde de l’entreprise, afin d’en tirer des bénéfices économiques.

Il a raison de pointer le décalage entre les discours, qui insistent sur la priorité donnée à la recherche, et la réalité de crédits en baisse. Cette baisse touche non seulement les organismes de recherche, mais aussi l’ANR et, quand le rapporteur évoque le retour au financement par projet du temps de Claude Allègre, ce n’est pas par nostalgie ; c’est pour dénoncer une situation préjudiciable.

Il a raison de dire que notre système de recherche doit trouver une nouvelle respiration, qu’il ne faut pas hésiter à renoncer à nos habitudes en matière de financement afin de favoriser les jeunes chercheurs particulièrement innovants, pour qui la recherche de fonds s’apparente souvent à un parcours d’obstacles.

Il a également raison de parler de logiques d’excellence et d’insister sur le développement de la recherche sur projet. Il convient de mieux valoriser l’implication de la recherche dans le monde économique et de développer un véritable continuum entre la recherche, l’innovation et ses implications dans l’entreprise. La faiblesse du lien entre recherche, innovation et formation, la difficulté à traduire les retombées de la recherche en termes de croissance et donc de compétitivité sont bien un mal français.

Les propositions du rapporteur devraient donc inciter la majorité à développer la recherche. Quant au groupe UMP, il votera contre les crédits de la MIRES.

M. Rudy Salles. Je félicite à mon tour Patrick Hetzel pour l’excellent travail qu’il a réalisé. Sandrine Doucet devrait s’inspirer de son objectivité, elle dont les propos semblent avoir été directement dictés par le cabinet de Mme Fioraso.

Si l’école est la colonne vertébrale de notre société, l’enseignement supérieur et la recherche s’inscrivent dans son prolongement. C’est sur l’excellence de ses formations que la France s’est toujours appuyée pour rayonner dans le monde, et il n’est guère surprenant que nos jeunes diplômés soient si prisés à l’étranger. La formation à la française et la recherche sont des symboles de notre culture.

Nous sommes unanimes à nous réjouir lorsque notre pays se voit accorder un prix Nobel. Ces récompenses ne sont pas dues au hasard ; elles sont le fruit des moyens octroyés à la recherche par les majorités successives, qui ont permis à notre pays de briller sur la scène internationale. C’est l’engagement de l’État, aux côtés de ses chercheurs, qui a donné naissance à des merveilles de technologie comme le Concorde, le TGV, ou d’autres réussites moins médiatiques.

Néanmoins, j’ai l’impression à la lecture de ce budget que l’État abandonne petit à petit ses ambitions. Alors que se succèdent les enquêtes nous alertant sur l’état de nos universités, vous en abaissez le budget de 100 millions d’euros tout en voulant revenir sur l’autonomie pourtant indispensable à leur épanouissement. Certes, cette mission, l’une des plus importante de l’État, est en augmentation, mais cela n’est dû qu’à deux programmes nouveaux, aux contours d’ailleurs assez peu clairs.

Au moment où notre pays est en crise et où nous nous enfonçons lentement dans les classements internationaux, vous aviez ici l’occasion d’envoyer un signal en direction de l’avenir. Le groupe UDI attendait un geste fort en faveur de l’innovation, de la recherche et des nouvelles technologies, dont nos voisins savent si bien tirer parti, pour retrouver le chemin de la croissance et créer de l’emploi.

Ce budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous le voyons comme un investissement sur l’avenir par et pour la jeunesse, cette jeunesse que vous affirmiez avoir placée au cœur de l’action de ce quinquennat.

Ne vous méprenez pas : nous ne vous demandons pas de prendre des risques inconsidérés avec les deniers de l’État, mais nous aurions souhaité l’affichage d’un cap clair et d’objectifs chiffrés.

Cette année la France n’a pas reçu de prix Nobel. Davantage de nos jeunes diplômés envisagent chaque jour de s’exiler à l’étranger, car ils n’ont plus confiance en l’avenir de leur pays. Or le budget de cette mission n’est malheureusement pas en mesure d’inverser la tendance. Et c’est parce que le groupe UDI considère qu’il est en contradiction avec la trajectoire nécessaire au redressement de notre pays qu’il s’y opposera.

M. Thierry Braillard. Patrick Hetzel a souhaité insister sur le fait que note pays souffrait culturellement d’un retard en matière d’innovation. Le travail qu’il accomplit avec les rencontres parlementaires pour l’innovation mérite à ce titre d’être souligné.

Si la recherche fondamentale se porte bien dans notre pays, il n’en est pas de même pour la recherche appliquée et l’innovation, ou ce que l’on appelle le développement expérimental. La compétitivité de l’industrie française a régressé depuis dix ans, et le rapport Gallois a mis en évidence la mauvaise articulation entre la recherche et l’industrie. Le faible succès de la France dans les appels à projet des programmes européens de recherche et développement n’est donc pas surprenant. Si le rapporteur pour avis rappelle que des outils d’interface entre recherche et innovation ont été mis en place ces dernières années, nous estimons que le crédit d’impôt recherche mérite d’être refondé pour éviter les effets d’aubaine fiscaux.

Le rapporteur pour avis relève également l’importance des structures régionales et le succès des pôles de compétitivité. M. Herbillon notera que nous ne les avons pas remis en cause, ce qui prouve que nous ne touchons pas aux dispositifs qui fonctionnent.

Évoquant le programme des investissements d’avenir, M. Hetzel oublie de relever l’accélération et le déblocage des actions de la première génération par la ministre Geneviève Fioraso. Cela explique la très forte progression des versements effectifs aux porteurs de projets entre 2012 et 2013, puisque ceux-ci ont augmenté de plus de 30 %. Dans le projet de budget pour 2014, les versements annuels se stabilisent à hauteur d’un milliard d’euros, montant bien supérieur aux budgets de la majorité précédente.

J’aimerais rappeler pour conclure que la commission Innovation 2030 de Mme Lauvergeon a identifié sept ambitions pour l’hexagone en matière d’innovation : le stockage de l’énergie, le recyclage des matières premières dont les métaux rares, la valorisation des richesses marines, la chimie du végétal, la médecine individualisée, la « silver » économie et le « Big data ». Je souhaiterais avoir le sentiment du rapporteur sur ces choix.

Mme Isabelle Attard. Je salue à mon tour la qualité du travail de notre rapporteur pour avis. Si nous sommes d’accord avec lui sur quelques chiffres, nous divergeons sur les conclusions à en tirer.

Mon intervention s’articulera autour de trois sigles : CEA, CIR et ANR.

Le CEA – commissariat à l’énergie atomique–  d’abord. Si nous constatons une légère amélioration cette année du budget de la recherche, elle masque mal des décisions qui ne peuvent satisfaire ni les écologistes ni ceux qui se soucient de transition écologique.

Les crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable » sont certes en légère augmentation, mais ceux du programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » diminuent. Par ailleurs, les lignes qui progressent dans le programme 190 sont celles consacrées aux charges nucléaires de long terme des installations du CEA.

Ce dernier, qui a déjà vu son budget augmenter de 7 % l’an dernier, bénéficie cette année d’une nouvelle hausse de 7,4 %, les crédits étant affectés non pas au démantèlement et à la prévention des risques mais au développement de la technologie. Les choix sont donc clairs ; j’en veux pour preuve le réacteur thermonucléaire expérimental international ITER, financé dans le programme 172 à hauteur de 96 millions d’euros.

Cet investissement massif dans le CEA est en contradiction avec la volonté affirmée de sortir progressivement du nucléaire, même à très long terme. Il cache mal, par ailleurs, la misère des autres organismes de recherche, sachant que le budget du CEA représente 58 % de celui du CNRS. Je m’interroge donc sur la volonté réelle de notre ministre en matière de soutien aux organismes de recherche.

Créé en 1983, le CIR – crédit d’impôt recherche – a été profondément remanié en 2007, ce qui n’a pas empêché la Cour des comptes de se montrer récemment très critique sur ce dispositif qui constitue l’aide fiscale la plus importante de tous les pays de l’OCDE. Un pays comme la Suède n’a pas fait le choix du crédit d’impôt pour soutenir la recherche et le développement, ce qui ne l’empêche pas de figurer à la première place du classement Innovation Union Scoreboard de la Commission européenne pour son climat en faveur de l’innovation. Il y a donc d’autres façons de soutenir la recherche en France.

Les conclusions de la Cour des comptes sont précises : d’une part, l’État doit se donner les moyens de connaître mieux et plus rapidement le droit à crédit d’impôt constitué par les entreprises au titre du CIR, ainsi que la dépense fiscale associée ; d’autre part, les services de l’État doivent se donner les moyens de lutter plus efficacement contre la fraude en matière de CIR.

Tandis que, cette année encore et malgré les critiques, le CIR est intouchable au nom du pacte de compétitivité, il est urgent d’avoir sur le financement public de la recherche un véritable débat public.

Enfin, pour ce qui concerne le budget de l’ANR – Agence nationale de la recherche–, vous évoquez, monsieur le rapporteur pour avis, une diminution de 11,9 %, mais il ne faut pas oublier que les écosystèmes d’excellence transiteront pour une bonne partie par l’ANR dont le budget passera donc de 605 millions à 4,5 milliards d’euros. J’ai du mal à comprendre que vous critiquiez ce budget où dominent les appels à projet. Pour leur part, les écologistes souhaitent voir se développer les fonds pérennes des organismes de recherche, notamment ceux du CNRS, pour redonner confiance à ces organismes et leur assurer les moyens de travailler. Dans la mesure où cette politique qui favorise les appels à projet nous semble dans la droite ligne de ce qui se pratiquait sous la majorité précédente, nous nous abstiendrons sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Claudine Schmid. Après m’être associée aux félicitations qu’a reçues le rapporteur pour avis, j’aborderai la question des partenariats avec les universités et les instituts de recherche à l’étranger. Lors du forum de l’innovation qui s’est tenu en juin à Lausanne, la ministre Geneviève Fioraso a souligné la volonté de la France de renforcer la coopération avec la Suisse en matière de recherche et d’innovation. Monsieur le rapporteur pour avis, les auditions que vous avez menées vous permettent-elles de confirmer que cette politique de coopération avec des organismes étrangers est mise en œuvre par le ministère ?

M. Hervé Féron. Je félicite à mon tour Patrick Hetzel pour son travail. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur le financement public de la recherche révèle qu’en 2010 plus de 45 % de nos publications dans le domaine de la recherche ont été réalisées en partenariat avec un laboratoire étranger. Cela fait de la France le premier pays en matière de taux de collaboration, rang qu’elle occupait déjà en 2000. Néanmoins, les capacités de recrutement des organismes publics sont bien inférieures au nombre de jeunes scientifiques formés chaque année. L’inadéquation entre la formation de chercheurs et ces capacités d’accueil n’est-elle pas une incitation à l’exil, à la fuite des cerveaux ? Peut-on quantifier ce phénomène ?

Mme Annie Genevard. Le crédit d’impôt recherche a permis de nombreuses créations d’emploi ainsi que des créations d’entreprise. Mais les entreprises qui en ont bénéficié constatent une très forte accélération du nombre de contrôles et de redressements depuis le début de l’année. Le fisc a trouvé une proie facile, mais ce phénomène est délétère. On ne peut encourager les entreprises à recourir au CIR, tout en faisant planer sur elles la menace d’un contrôle fiscal. Il est normal de contrôler quel usage est fait de l’argent public, mais sans doute faudrait-il fixer un cadre a priori pour assurer les entreprises qu’elles sont bien éligibles au crédit d’impôt.

Je tiens également à attirer votre attention sur les plateformes technologiques situées dans les établissements d’enseignement professionnel ou de technologie, qui dépendent de l’ANR. Bien que ce dispositif, qui consiste à mettre à disposition des entreprises les équipements et les compétences qui existent dans l’enseignement scolaire, secondaire ou supérieur, ait fait ses preuves il est aujourd’hui budgétairement très fragilisé.

M. Frédéric Reiss. Je remercie à mon tour Patrick Hetzel pour son rapport et sa démonstration implacable du détricotage auquel se livre la majorité.

Je souhaite revenir sur le manque de corrélation entre le niveau de notre recherche, nos publications scientifiques et leurs retombées économiques. La part mondiale de la France dans la production mondiale de publications scientifiques est en repli ; elle ne représente que 3,7 %, ce qui nous place au troisième rang de l’Union européenne, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni. Certes nous n’avons pas eu de prix Nobel cette année, mais nous avons pour la troisième fois consécutive obtenue la médaille Fields. Les mathématiques étant une discipline dont les caractéristiques bibliométriques sont structurellement faibles, le fort engagement de la France dans cette discipline ne la désavantage-t-elle pas ?

M. le rapporteur pour avis. Pour comprendre que mon analyse n’est pas nostalgique mais fondamentalement stratégique, j’invite Sandrine Doucet à se reporter au plaidoyer de Christophe Borgel en faveur d’une recherche qui prenne davantage en compte les aspects économiques. Certes, Christophe Borgel est membre de la commission des affaires économiques, mais je ne saurais trop inciter les membres des commissions parlementaires à travailler ensemble sur ces questions.

Le budget de l’ANR est aujourd’hui en diminution, proche du niveau qui était le sien à l’époque de Claude Allègre. La baisse a en effet commencé sous la précédente législature, mais cela était déjà problématique. Rapporteur pour avis l’an dernier, j’avais déjà souligné qu’on était « à l’os » et qu’aller plus loin équivaudrait à remettre en cause le financement par projet. C’est le cas aujourd’hui.

Tous ceux qui répondent actuellement aux appels à projet de l’ANR vous diront que les taux de sélection sont devenus tellement drastiques que les très bons projets ne sont pas tous retenus. Cela veut dire qu’en matière de recherche nous avons des potentialités que nous ne parvenons pas à financer. La seule réponse du ministère à ce paradoxe consiste à renvoyer vers les fonds européens, ce qui est en contradiction avec le discours de François Hollande qui souhaitait que les chercheurs se consacrent à la recherche plutôt qu’à la recherche de financements.

Les sept orientations préconisées par Anne Lauvergeon sont très pertinentes. Je ne considère pas qu’elles soient en contradiction avec les trente-cinq domaines définis par Arnaud Montebourg : tandis que ce dernier a défini des potentialités économiques immédiates, Anne Lauvergeon évoque, elle, des potentialités pour les quinze ou vingt ans à venir. Il faut articuler les deux.

Thierry Braillard a expliqué qu’avec 1 milliard d’euros les investissements d’avenir n’avaient jamais été aussi hauts. Mais, comme en témoignent les documents budgétaires, ce montant était celui prévu dès l’origine, et il ne reflète que la montée en puissance du dispositif.

Les questions d’Isabelle Attard sur les programmes 190 et 187 sont parfaitement justifiées mais, sur ce sujet, c’est à la majorité d’arbitrer. Mme Attard devrait néanmoins se réjouir de l’augmentation du budget du CEA : sans les crédits affectés au démantèlement d’installations nucléaires, celui-ci serait en diminution.

Quant au crédit d’impôt recherche, la Cour des comptes n’en met pas en cause le principe. Elle juge que c’est un bon dispositif mais qu’il faut l’améliorer. Il conviendrait notamment de renforcer le rescrit fiscal, afin de donner davantage de sécurité aux entreprises. Celles-ci doivent pouvoir consulter en amont l’administration fiscale qui leur fournira un avis, évidemment opposable.

Pour en revenir au budget de l’ANR, il comporte deux volets : le budget initial et le volet extrabudgétaire lié aux investissements d’avenir. Je ne m’exprime que sur le seul volet budgétaire, lequel est en baisse, ce qui contribue à fragiliser le cœur de métier de l’ANR y compris, comme le soulignait Annie Genevard, les plateformes technologiques.

Il est vrai, madame Schmid, qu’il reste une marge de progression importante en matière de coopération avec les organismes étrangers. Cette politique n’est guère détaillée par le bleu budgétaire et ne semble pas faire partie des priorités de la ministre.

Le fonctionnement particulier de la recherche en mathématiques explique le petit nombre de publications dans ce domaine, monsieur Reiss. Je pense comme vous que notre pays, qui compte aujourd’hui trois titulaires vivants de la médaille Fields, ne peut que se féliciter de son excellence dans cette discipline. Mais pour qu’il conserve sa précellence, il faut préserver les programmes « blancs » de l’ANR, aujourd’hui mis en péril par la politique gouvernementale.

M. le président Patrick Bloche. Je donne maintenant la parole à Émeric Bréhier, rapporteur pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur. Comme vos collègues rapporteurs, de très nombreuses auditions vous ont permis de dresser un constat tout à fait intéressant, mais également plutôt inquiétant, sur la situation de nos doctorants.

M. Émeric Bréhier, rapporteur pour avis pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Chacun reconnaît que l’augmentation du taux de réussite en licence est un défi essentiel pour notre pays. À cet égard, les priorités ont été réaffirmées avec force par Mme la ministre. Il est plus rare, en revanche, de se pencher sur la situation et le devenir de nos doctorants.

Les débats, parfois âpres, auxquels l’article 78 de la loi du 22 juillet 2018 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui encadre la reconnaissance du doctorat par l’ENA, a donné lieu ont eu le grand mérite de mettre en lumière le traitement que la France réservait à ses doctorants. Il m’a semblé utile d’aller plus loin dans l’examen de la situation et de proposer quelques pistes d’évolution.

Un tableau exhaustif de la situation suppose qu’on distingue entre les « stocks » de docteurs et les « flux » de doctorants. Notre pays décerne trois fois moins de doctorats que l’Allemagne en sciences « molles » – et deux fois moins que le Royaume Uni – et 25 % de moins pour les sciences « dures ». Du fait de la faible attractivité de ce diplôme, nombre d’étudiants brillants préfèrent préparer les grandes écoles ou arrêter leur cursus après l’obtention du master.

La question des flux est également préoccupante, 44,5 % des doctorants menant une recherche en sciences et 34,5 % en lettres, langues et sciences humaines. Ce décalage se retrouve doublement aggravé : au niveau de la répartition des doctorats délivrés annuellement, puisque 60 % des diplômés le sont en sciences « dures » et en sciences et techniques des activités physiques et sportives, STAPS, quand seulement 24 % le sont en sciences « molles », ce qui prouve l’existence de graves problèmes d’encadrement et d’orientation ; au niveau des possibilités de recrutement puisque l’on crée moins de 3 000 postes d’enseignants chercheurs et de chercheurs titulaires par an, un peu moins de 4 000 contrats doctoraux et un peu plus de 1 300 conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE). Concernant les entreprises, 55 % des chercheurs ont un diplôme d’ingénieur, 16 % un master ou équivalent et seulement 12 % sont titulaires d’un doctorat.

Reste la question des doctorants étrangers. S’ils sont très attirés par notre pays – ils représentent 42 % des inscrits en doctorat en 2012, alors que le nombre de doctorants français a baissé de 30 % en cinq ans – les conditions d’accueil et de travail qui leur sont offertes ne sont guère propres à préserver cette attractivité. La nouvelle majorité a déjà pris différentes mesures pour remédier à cette situation et il conviendra de poursuivre le travail engagé.

Au-delà de ces éléments quantitatifs et qualitatifs, c’est la question même du statut qui est posée : simultanément professionnel de la recherche et étudiant, le doctorant doit à la fois être encadré et bénéficier d’un statut qui lui évite la précarisation. Grâce aux nombreuses auditions que nous avons menées, nous pouvons affirmer l’efficacité des CIFRE, des écoles doctorales ou encore des contrats doctoraux. Malheureusement, ces outils ne permettent pas de remédier à la fragilité de la situation de nombreux doctorants, fragilité qui a été amplifiée par plusieurs facteurs, notamment par la politique de recherche menée entre 2008 et 2012. Le manque de visibilité et de moyens des universités notamment a provoqué une baisse de près de 5 % du nombre de contrats doctoraux entre 2009 et 2012. Il convient en outre de distinguer entre les thèses financées et celles qui ne le sont pas, 32 % des doctorants devant se débrouiller seuls pour financer leurs travaux. Pour ces étudiants c’est la double peine, l’absence de financement de la thèse s’accompagnant d’une plus grande difficulté à occuper un emploi stable une fois la thèse achevée.

À cela s’ajoute l’exposition accrue des docteurs au chômage : 10 % des docteurs étaient au chômage en 2007 contre 7 % des titulaires d’un master 2. Enfin, un docteur doit attendre en moyenne cinq ans avant d’occuper un emploi permanent.

Pour parfaire le tableau, j’ajouterai un dernier élément, qui est peut-être le cœur du sujet : notre pays, contrairement à ses partenaires, ne valorise pas ce diplôme. Alors qu’à l’étranger un docteur indiquera son diplôme sur sa carte de visite, en France, il ne viendra jamais à l’esprit d’un docteur de faire de même, sous peine de subir sarcasmes et quolibets. Cette anecdote révèle une réalité qui existe dans le secteur privé comme dans la haute fonction publique, territoriale ou d’État.

Dans le secteur privé, la dualité entre les universités et les grandes écoles aboutit à une préférence significative pour les diplômes d’ingénieur. Le sentiment, chez les employeurs, que les doctorants s’abstiennent de prendre des risques ou que le sujet de la thèse est plus important que les compétences requises pour préparer un doctorat, parfois même la méfiance entre mondes universitaire et entrepreneurial, ou encore la difficulté à « normer » le diplôme du doctorat ont amené les partenaires sociaux à ne même pas engager les négociations de branche permettant la reconnaissance du titre de docteur. C’est la raison pour laquelle la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a souhaité inscrire dans la loi l’obligation de négocier la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives à partir du 1er janvier 2016.

Dans la haute fonction publique, la situation n’est pas moins complexe. Sur les quatre dernières promotions de l’ENA, seuls quatorze élèves sont docteurs et aucun d’eux n’est passé par le concours externe. Les grands corps techniques ne recrutent qu’environ dix docteurs par an. D’une manière générale, les modalités de recrutement de la fonction publique – par voie de concours comportant des épreuves sur programmes – sont peu adaptées aux docteurs.

On voit que le tableau est relativement sombre. Il est pourtant possible d’assurer un financement pour tous les doctorants et une insertion professionnelle à tous les docteurs, à condition qu’on ose s’attaquer aux causes de la situation actuelle. Je vous propose quelques pistes, glanées au cours des auditions.

Cette évolution positive suppose d’abord une protection juridique et sociale de l’expérience professionnelle qu’est la préparation d’un doctorat. Cette expérience devrait être reconnue via un « triptyque » de droits : un salaire, des droits sociaux et la prise en compte des années de thèse dans le calcul de la retraite.

Du côté des opérateurs, le financement universel des thèses ne serait pas neutre car il impliquerait un certain nombre d’arbitrages. Il faudrait tout d’abord remettre à plat le système de répartition des allocations de recherche. En effet, les auditionnés ont abondamment pointé le caractère opaque des critères de financements des doctorants. Une réforme du financement devrait également permettre de responsabiliser les directeurs de thèses qui n’ont pour objectif que de maintenir le nombre de contrats doctoraux qui leur est alloué.

L’État devrait élargir la palette des instruments de financement du doctorat tout en développant les outils existants : augmentation du nombre de contrats doctoraux ou encore de CIFRE, accompagnée d’un contrôle de la qualité scientifique de la recherche et de la réalité de l’intégration professionnelle au sein des entreprises ou des collectivités territoriales bénéficiant de ces conventions.

La professionnalisation des doctorants est le deuxième enjeu. Pour y parvenir, deux actions semblent indispensables. Il faut tout d’abord transformer l’essai des écoles doctorales en leur permettant de disposer d’indicateurs de suivi des doctorants, en généralisant les bonnes pratiques ou encore en limitant le nombre de thèses encadrées par un même directeur de recherche. Parallèlement, il importerait de « normer » davantage le diplôme afin de permettre, au secteur privé notamment, de mieux percevoir les compétences et qualités requises pour la réussite d’un doctorat. Cette « normalisation » passerait par la garantie de la qualité de la thèse, le recours systématique au nouveau chapitre de la thèse présentant les compétences et savoir-faire acquis, la limitation à trois ans de la durée de rédaction de la thèse et la valorisation des compétences professionnelles par une certification ou des référentiels. Il s’agit, en un mot, de mettre enfin en place le troisième étage du LMD, alors que nous nous sommes arrêtés à l’étape du master.

Le dernier point capital est celui de la carrière des docteurs. Les auditions nous ont permis de dégager trois éléments incontournables pour que ce diplôme puisse enfin être reconnu à sa juste valeur.

Le statut d’enseignant-chercheur ne doit plus être considéré comme le débouché exclusif et naturel du doctorat, ce qui serait une révolution copernicienne pour certains directeurs de thèse.

Il faut élargir l’accès à la haute fonction publique, en particulier territoriale. Si les dispositions de la loi du 22 juillet 2013 concernant l’ENA ont une vertu essentiellement symbolique et pédagogique, l’instauration de concours spécifiques pour les titulaires du doctorat semble d’une mise en œuvre difficile. En revanche, le développement de recrutements sur titre et la dispense de tout ou partie des épreuves d’admissibilité des concours de catégorie A pour les docteurs pourraient être des pistes à explorer. La spécificité de ce diplôme pourrait également être mieux établie dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires concernés.

Il faut enfin valoriser les recrutements de docteurs par le secteur privé : cette valorisation passerait par le maintien de l’avantage fiscal lié au recrutement d’un docteur, la négociation de conventions collectives reconnaissant le doctorat et l’engagement d’une évolution culturelle faisant du doctorat un investissement rentable pour les employeurs et les salariés.

Je souhaiterais, en conclusion, remercier l’ensemble des personnes que j’ai eu le plaisir d’auditionner pour la préparation de ce rapport. L’angle adopté n’était pas toujours facile à évoquer pour certains mais tous ont accepté de se poser sérieusement la question de la situation et des perspectives des doctorants et des docteurs. Les propositions présentées dans ce rapport s’inspirent pour beaucoup de leur réflexion.

Je pense que notre pays aurait tout à gagner à faire évoluer sa perception du diplôme de docteur. À l’heure où le niveau de conceptualisation, la capacité de travail et d’analyse sont des éléments essentiels pour affronter sereinement les défis posés par les échanges internationaux, la question de la reconnaissance du doctorat revêt un caractère stratégique pour regagner de la compétitivité et créer de la valeur ajoutée. Mme la ministre nous a donné l’occasion de nous saisir de ce sujet ; j’espère que ce rapport nous aidera à avancer collectivement en ce sens.

M. Yves Daniel. Nous sommes réunis ce matin pour examiner les crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur ». Avant de revenir plus en détail sur les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante », je voudrais insister sur l’ambition globale portée par ce budget, le troisième de l’État après l’enseignement scolaire et la défense. En dépit de la période de délicatesse budgétaire que nous connaissons, la majorité gouvernementale tient le cap des priorités qu’elle a fixées, notamment celle de doter notre jeunesse des moyens de croire en son avenir.

Je tiens également à saluer les travaux de mes collègues, Thierry Mandon et Emeric Bréhier, respectivement rapporteur spécial et rapporteur pour avis des crédits de ces deux programmes. Leurs analyses et leurs réflexions donnent sens à la technicité budgétaire, en la mettant en perspective avec les politiques menées par le ministère et les objectifs que nous souhaitons assigner à notre enseignement supérieur.

Sur les crédits en eux-mêmes, beaucoup a déjà été dit, je me contenterai donc de reprendre les quelques points qui ont retenu mon attention.

La réussite étudiante est un levier de croissance, comme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche l’affirmait dans une tribune publiée il y a quelques mois par le journal Le Monde. Or, le taux de réussite en premier cycle a chuté de cinq points entre 2006 et 2011. À l’heure actuelle, 32 % des étudiants ne se réinscrivent pas à l’université à l’issue de leur année de licence. Dans le meilleur des cas ils se réorientent, mais bien souvent cette absence de réinscription s’accompagne d’un abandon des études.

Le programme 150 traduit la volonté du gouvernement et de la majorité de renverser la tendance grâce à une meilleure prise en compte du passage du lycée à l’enseignement supérieur. Ainsi, 1 000 nouveaux postes seront créés en 2014 – ce qui représente un effort de 60,5 millions d’euros – pour offrir aux étudiants de premier cycle un accompagnement digne de ce nom. Ces emplois seront destinés à améliorer l’encadrement dans certaines filières, à orienter individuellement les étudiants à leur arrivée à l’université, et à soutenir ceux qui seraient le plus en difficulté. C’est un premier pas indispensable pour atteindre d’ici à la fin du quinquennat l’objectif de conduire 50 % d’une classe d’âge à un diplôme d’enseignement supérieur, alors que nous stagnons à 40 % depuis quinze ans.

Deuxièmement, l’essentiel de la progression de 6 % des crédits du programme 231, qui concerne la vie étudiante, est consacré à la réforme des bourses. Créant un échelon 0 bis et un échelon 7, cette réforme profitera aussi bien aux étudiants issus de la classe moyenne qu’aux plus modestes. Je veux aussi citer les 1 000 allocations supplémentaires qui seront attribuées à des jeunes en situation d’autonomie et non éligibles aux bourses de droit commun. Rappelons que l’assurance de bénéficier de conditions matérielles décentes est un préalable indispensable à la réussite et qu’aujourd’hui près d’un étudiant sur deux est contraint de travailler pendant son cursus universitaire.

Je finirai par quelques mots sur le logement étudiant. Nous nous sommes engagés à en construire 40 000 d’ici à cinq ans pour combler le déficit hérité des années précédentes. Le budget présenté ce matin confirme cette ambition via la relance des opérations Campus pour 13 000 d’entre eux, et le maintien à un niveau constant de la partie de la dotation du réseau du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) dédiée au logement.

Si ce budget ne résout pas toutes les difficultés qui pèsent sur le financement à long terme des universités, il marque le début d’une nouvelle ère : il est le premier que nous élaborons depuis le vote, en juillet dernier, de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais surtout il témoigne de la place nouvelle donnée par la majorité gouvernementale à notre enseignement supérieur et à nos étudiants. Ces derniers portent l’avenir de notre économie, de notre société, du pays tout entier. Ces crédits nous permettront de les accompagner sur les chemins de la réussite. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à les voter.

M. Patrick Hetzel.  Avant d’en venir à la thématique du doctorat retenu par le rapporteur pour avis, qui mérite une attention toute particulière, je voudrais commenter quelques éléments de ce budget.

Je trouve très surprenant qu’il ne propose aucune solution de financement du glissement vieillesse-technicité des universités, alors que nous avons entendu la semaine dernière Mme la ministre accuser l’ancienne majorité de ne pas l’avoir pas financé. Si cela est vrai, il aurait été de bonne gestion de régler ce problème en priorité. Or on préfère nous proposer la création de 1 000 postes supplémentaires, qui ne sauraient être que des créations en trompe-l’œil si le GVT n’est pas financé. Il y a là un double discours.

Je voudrais répéter par ailleurs que l’obtention d’un diplôme, un des trois chantiers prioritaires de ce budget, ne saurait être une fin en soi : il faut aussi que ce diplôme permette aux jeunes d’entrer dans le monde du travail. Pour cela il est nécessaire de renforcer le rôle de l’enseignement supérieur en matière d’insertion professionnelle, notamment en incitant les établissements à entretenir des coopérations très étroites avec les milieux professionnels.

Le choix du rapporteur pour avis de développer la thématique du doctorat est très pertinent, tant ce titre est déconsidéré dans notre pays. Sans nier l’intérêt de ses propositions de revalorisation, je regrette qu’il n’ait pas évoqué le rôle que peuvent jouer les grandes écoles en la matière. Le gouvernement précédent avait ainsi intégré dans les contrats passés avec ces établissements des objectifs de progression du nombre d’élèves titulaires du doctorat. En effet, le rôle des docteurs ingénieurs est essentiel dans le renforcement du lien entre la recherche et l’innovation et partant dans la compétitivité de notre économie.

Mme Isabelle Attard. Mme la ministre a tenu ses engagements en matière de réévaluation des bourses, mais je déplore que cela soit au détriment des crédits destinés au logement et à la restauration étudiants, éléments pourtant indispensables à la santé et au bien-être des étudiants et qui contribuent à lutter contre le fort taux d’abandon de ceux-ci.

Je remercie le rapporteur pour avis d’avoir remis en première ligne la situation des doctorants. Il est vrai que la France ne valorise pas suffisamment le doctorat, notamment dans le cadre de la haute fonction publique d’État ou territoriale. La nécessité pour les docteurs de se soumettre à la procédure de qualification pour pouvoir exercer le métier d’enseignant-chercheur prouve que le doctorat n’a pas en France la valeur qu’il a à l’étranger. Il est temps de s’attaquer à ce problème. La revalorisation du doctorat suppose aussi d’homogénéiser les chartes de thèses et de redéfinir les critères d’encadrement des doctorants.

M. Thierry Braillard. Pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, ce budget est bon puisqu’il prévoit notamment la création de 1 000 postes supplémentaires et la titularisation de 2 200 contractuels. Nous notons également avec satisfaction les propositions d’amélioration des conditions de vie des étudiants, notamment des plus modestes, via une augmentation significative du montant des bourses.

Nous vous remercions, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir mis l’accent sur la question des doctorants, qui sont souvent dans une situation financière et sociale difficile. Je rappelle que c’est à l’initiative de notre groupe RRDP que les parlementaires ont introduit dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche une mesure visant à valoriser le titre de docteur et son usage. La loi du 22 juillet 2013, notamment par son article 78, constitue un progrès incontestable vers la reconnaissance du doctorat, même si la mise en œuvre des procédures de recrutement reste problématique.

Nous pensons, comme le rapporteur, qu’il faut maintenir les outils favorisant le recrutement de doctorants par le secteur privé et élargir l’accès des docteurs à la haute fonction publique, notamment territoriale.

J’aimerais savoir, monsieur le rapporteur, s’il vous semble, à l’issue des auditions, que la loi du 22 juillet 2013 a déjà eu une incidence sur la situation des doctorants ?

M. Hervé Féron. La durée de rédaction des thèses, souvent jugée excessive, ne constitue-t-elle pas un handicap pour le recrutement par le privé ? Ce problème n’est-il pas dû à l’absence d’équipes structurées assurant un véritable encadrement des doctorants ?

M. Mathieu Hanotin. Non seulement le doctorat n’est pas reconnu à sa valeur, mais il est même bien souvent déqualifiant à l’embauche. Or la politique de recrutement est déterminante pour assurer l’attractivité du doctorat, et je suis convaincu qu’en la matière le secteur public doit donner l’exemple. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation absurde : l’investissement de notre pays dans la formation des docteurs profite aux pays étrangers, où ceux-ci sont trop souvent contraints de travailler. Il faut aujourd’hui réformer notre politique de recrutement et privilégier une dynamique de projets avec des cycles de cinq ans et des financements adaptés. Cela suppose que l’on donne plus d’autonomie aux laboratoires et aux écoles doctorales.

M. le rapporteur pour avis. La durée de la thèse est un point essentiel de la « normalisation » que j’appelle de mes vœux. Si nous voulons nous conformer au standard européen du LMD, il faudra aller progressivement vers une limitation à trois ans de la durée de rédaction de la thèse. C’est ainsi qu’on achèvera la mise en place de l’étage « D » du LMD, essentiel pour permettre à nos jeunes chercheurs de poursuivre leur cursus à l’étranger, notamment en Europe.

Pour moi, monsieur Hanotin, que des docteurs ou des doctorants poursuivent leur recherche à l’étranger n’est pas un problème ; qu’ils enrichissent ainsi leur expérience est une chance pour notre pays. La science ne peut pas s’enfermer dans les frontières hexagonales ou européennes et beaucoup de ces scientifiques reviennent en France. La difficulté est de trouver un accord avec les communautés universitaires quant à la définition du « D », notamment dans le domaine des sciences humaines, encore dominées par le modèle de la thèse d’État de dix ans.

Je vous rappelle, monsieur Hetzel, que l’objectif de conduire 50 % d’une classe d’âge à la licence est un objectif européen de la stratégie de Lisbonne, et que Mme Pécresse avait présenté son Plan pour la réussite en licence comme une concrétisation de cette stratégie.

S’agissant du devenir professionnel des docteurs dans la haute fonction publique, je voudrais insister sur le vivier d’emplois que constituera dans l’avenir la fonction publique territoriale, puisque 60 % de ses cadres seront à la retraite dans six ans. C’est la raison pour laquelle mon rapport insiste sur la nécessité d’inciter les collectivités territoriales à signer des CIFRE, qu’à l’exception des villes de Paris et Lyon, elles utilisent encore trop peu. Voilà une des pistes concrètes que l’on peut explorer avant d’envisager d’engager une nouvelle réforme – je vous rappelle, mes chers collègues, que la dernière réforme que nous avons votée n’est vieille que de quatre mois ! Nous devons désormais nous appuyer sur ce socle législatif pour apporter des solutions pratiques.

Les grandes écoles ont d’ores et déjà pris conscience de la nécessité d’inciter leurs élèves à passer un doctorat, monsieur Hetzel. C’est la raison pour laquelle les écoles d’ingénieurs ont pour objectif de porter le taux de poursuite en doctorat des élèves-ingénieurs de 7,5 % à 10 %. Les grandes écoles d’application de la fonction publique d’État se sont également engagées sur cette voie, notamment l’École nationale d’administration : il est vrai qu’être un ancien élève de l’ÉNA n’a aucune valeur en dehors de l’hexagone.

Nous accuser comme vous le faites, monsieur Hetzel, de ne pas financer le GVT revient à se prévaloir de ses propres turpitudes. Vous n’ignorez pas que cette question du financement du GVT pour les prochaines années fait partie des points actuellement en discussion entre la ministre et la Conférence des présidents d’université. La discussion sur ce point est assez avancée, et je pense que des mesures pourront bientôt être prises pour résoudre cet épineux problème.

Pour moi, c’est l’immobilier qui constitue la véritable bombe à retardement pour le budget des universités françaises qui devront, dans quelques années, faire face à une explosion de leurs charges dans ce domaine. C’est là un véritable sujet, dont nous devons nous saisir dès maintenant.

Imposer à ceux qui ont déjà soutenu une thèse une procédure de qualification illustre bien la schizophrénie française, madame Attard. Cette procédure est en outre inégalitaire, la qualification étant quasiment automatique dans certaines disciplines et extrêmement sélective dans d’autres. Le problème fondamental est celui du défaut de reconnaissance de ce diplôme.

Pour finir, je voudrais souligner que la France a privilégié l’étape du master dans la mise en place du LMD, alors que tous les autres pays européens ont privilégié la licence et le doctorat.

La Commission examine l’amendement AC1 de M. Thierry Braillard, portant article additionnel après l’article 71.

M. Thierry Braillard. Cet amendement part du constat que les moyens alloués à la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) profitent presque exclusivement à l’Institut d’études politiques de Paris, au détriment des IEP de province. Cependant, au bénéfice de l’engagement de Mme la ministre de me transmettre de nouveaux éléments d’information, je le retire. Je le proposerai en séance, une fois que j’aurais reçu les informations que j’attends.

M. le rapporteur pour avis. Tout en prenant acte du retrait de cet amendement, je reconnais que la répartition de la subvention accordée à la FNSP pose un véritable problème d’égalité de traitement entre Sciences Po Paris et les IEP de province.

L’amendement AC1 est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2014 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 30 octobre 2013 à 9 heures 30.

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Michèle Tabarot, M. Stéphane Travert

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Gérald Darmanin, Mme Virginie Duby-Muller, M. Michel Françaix, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. François de Mazières, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – Mme Martine Pinville, M. François Vannson