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Commission des affaires économiques

Mercredi 2 octobre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 4

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics.

M. Le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous propose donc de commencer cette audition mais, au préalable, je souhaiterais vous donner quelques informations concernant le calendrier de nos travaux à venir.

Tout d’abord, je souhaite en votre nom à tous accueillir nos nouveaux collègues et, ce matin, je salue la présence parmi nous de Fanny Dombre Coste.

Je vous informe que le projet de loi sur la ville et la cohésion urbaine, qui relève du ministre François Lamy et qui a été présenté en conseil des ministres le 2 août dernier, sera examiné par notre commission le 14 novembre ; je vous propose de nommer notre collègue François Pupponi rapporteur sur ce texte.

Le projet de loi annoncé mais non encore déposé, le Conseil d’État étant en train de l’examiner, sur la loi d’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt sera examiné en commission vers le 11 décembre et sera donc le premier texte examiné dans l’hémicycle pour l’année 2014, au début du mois de janvier ; je vous propose de nommer comme rapporteur
M. Germinal Peiro.

Je vous informe également que notre collègue David Habib a changé de commission ; je propose donc que ce soit Marie-Noëlle Battistel qui reprenne son avis budgétaire consacré à l’énergie, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

Nous allons également prochainement examiner une proposition de résolution européenne sur le « Paquet Télécoms » ; je vous propose que Mme Corinne Erhel soit rapporteure de ce texte sous la vigilance, je le sais, de notre collègue Laure de la Raudière. Je dois d’ailleurs signaler que nous avons eu ce matin un petit-déjeuner avec le CNES, où était notamment présent avec moi Franck Reynier : il ne fait aucun doute que le secteur spatial fait partie de l’excellence française et j’aimerais que l’on parle davantage de l’industrie spatiale française que de l’industrie spatiale chinoise. C’est un secteur que l’on méconnaît trop alors qu’il compte de nombreux atouts, notamment en matière de télécommunications. Je souhaiterais donc que, si elles en sont d’accord, Corinne Erhel et Laure de la Raudière fassent un point sur cet aspect spatial dans leur futur rapport sur l’économie numérique et qu’elles aillent peut-être voir comment ça se passe en Australie car attendre encore dix ans la mise en place du haut débit dans notre pays, alors que l’Australie le fait dans un délai de deux ans, risque de nous handicaper fortement pour l’avenir même si le faire dans dix ans est mieux que dans vingt-cinq !

Nous accueillons donc ce matin M. Jean-Lou Blachier, Médiateur des marchés publics. Nous connaissions déjà le Médiateur des relations inter-entreprises et de la sous-traitance, qui a fortement à voir avec la commande publique, ainsi que le Médiateur du crédit ; vous êtes donc le troisième grand acteur de la médiation en matière de financement des entreprises mais votre rôle est essentiel car il faut bien reconnaître que les donneurs d’ordre public sont trop souvent de mauvais payeurs. Votre fonction consiste donc pour l’essentiel à favoriser et à garantir l’accès des marchés publics à toutes les entreprises, notamment aux PME, et pas seulement à une minorité d’entre elles ; je vous laisse la parole sans attendre avant que les échanges ne puissent se faire avec nos collègues.

M. Jean-Lou Blachier, Médiateur des marchés publics. Je vous remercie Monsieur le Président et je tiens à vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, combien je suis honoré d’être auditionné aujourd’hui par votre Commission.

Vous avez parlé de « Médiateur », Monsieur le Président : vous auriez pu tout autant me qualifier de « facilitateur » car, à proportion, je fais moins de médiation que mes deux autres collègues Médiateurs auxquels vous avez également fait référence.

Ma lettre de mission se subdivise en trois parties.

La première consiste à faciliter l’accès des entreprises aux marchés et à la commande publics qui représentent tout de même environ 200 Mds d’euros. Je suis moi-même un ancien chef d’entreprise, j’ai des responsabilités comme vice-président confédéral de la CGPME dans le monde de l’entreprise et je suis donc pleinement conscient de l’enjeu que représentent les commandes et les carnets de commandes pour les entreprises.

Par ailleurs, chacun est conscient de la lourdeur, du caractère complexe et contraignant du code des marchés publics et de la réglementation qui s’appliquent aux marchés publics. La deuxième partie de mes fonctions consiste donc à voir, tout en respectant la loi bien évidemment, comment aider et si possible favoriser les entreprises françaises dans leur accès à la commande publique en faisant notamment de la pédagogie afin de les inciter à répondre à de telles offres.

La troisième partie de mes fonctions consiste à effectuer de la médiation au sens classique du terme. Il existe parfois de vraies incompréhensions entre les entreprises et les donneurs d’ordre public, que ce soit les premières qui ne comprennent pas les seconds ou que les seconds ne soient pas satisfaits du résultat réalisé par les premières : il faut que les rapports s’améliorent. Il existe aussi des cas où des entreprises ont candidaté sans succès à un marché et se plaignent car ce sont des entreprises étrangères qui l’ont finalement remporté. Là, il faut que j’appelle les chefs d’entreprises et que, au regard des éléments que j’ai en ma possession et ne leur parlant de chef d’entreprise à chef d’entreprise, je leur explique en quoi telle ou telle décision est logique ou pas, et voir comment faire en sorte qu’ils puissent être guidés vers un autre marché public en présentant peut-être un autre produit.

Voici comment je vois les choses.

Il faut tout d’abord faciliter l’accès aux marchés publics : il faut inciter les entreprises à y aller, à candidater alors que nombre d’entre elles pensent que ces marchés ne sont pas faits pour elles. Je dois d’ailleurs à ce stade vous préciser que les commandes publiques recouvrent bien sûr les marchés passés par les personnes publiques (État, collectivités territoriales…) mais aussi toutes les commandes passées par les entreprises où l’État est actionnaire. Depuis ma nomination le 19 décembre dernier, j’ai rencontré plus de 3 000 entreprises, pas personnellement certes mais à travers notamment les réseaux professionnels et les différents relais existants. Je souhaite que vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, incitiez les entreprises, lorsque vous les rencontrez, à prendre contact avec nous pour que nous les aidions à aller vers ces marchés. Ainsi, j’ai récemment été en contact avec un artisan doreur - décorateur qui m’a demandé s’il pouvait accéder à ce type de demandes : je lui ai répondu par l’affirmative bien évidemment, certains monuments ayant besoin de réfections et donc d’artisans de talent. Nous allons donc prochainement lancer et diffuser un guide « Osez la commande publique » à l’adresse des entreprises de notre pays afin qu’elles aillent vers ce type de marchés et que les relations entre acteurs publics et entreprises se développent. Inversement, je vais également diffuser un autre guide, cette fois-ci plus spécifiquement à l’adresse des acheteurs publics.

S’il existe une incompréhension globale entre les deux parties, il faut néanmoins adapter les solutions aux domaines concernés afin que l’information me remonte directement de la part des chefs d’entreprises. J’ai créé à cet effet 7 groupes de travail qui traitent des thèmes suivants : santé et innovation, textile, intelligence économique, sécurité et normes, technologies de l’information et de la communication, simplification, questions juridiques. Il existe des problématiques qui sont propres à certaines filières ; ainsi, dans le domaine de la santé et de l’innovation, une entreprise française a créé une machine très performante pour détecter des glaucomes en ayant bénéficié de 30 M€ de fonds publics et privés. Or, seuls les établissements privés ou étrangers achètent cette machine, et non les CHU car, étant donné qu’il s’agit d’un produit innovant, cet outil n’est pas mis en concurrence, ne fait pas l’objet d’un appel d’offres et le prendre contreviendrait au droit communautaire ! Et ce n’est pas là le seul exemple. Je connais également une entreprise qui fabrique des stents souples, qui sont des petits ressorts permettant de garder certaines artères ouvertes ; cette entreprise connaît les mêmes problèmes de vente alors que ces produits sont vendus aux États-Unis, en Allemagne et qu’elle fait elle-même l’objet d’une offre de rachat américaine. Je souhaite ardemment que les fonds publics français ne financent pas ainsi une entreprise qui risque de devenir étrangère ! De manière globale, on souhaite faire bouger les lignes avec l’ensemble des acteurs publics et privés. Nous avons également créé un groupe de travail sur le textile car c’est un secteur en difficulté en France et la commande publique doit l’aider à se développer. Il existe également un groupe dédié aux technologies de l’information et de la communication ; j’ai mis en rapport plusieurs acteurs dans trois régions, à Nice Sophia Antipolis, en Bretagne et à Grenoble pour que des chefs d’entreprises et des responsables de marchés publics se réunissent et travaillent ensemble pour améliorer procédures et rapports professionnels.

Il existe un autre obstacle qui sont les complications administratives d’où d’ailleurs la création d’un groupe de travail dédié. Nos entreprises sont parfois en distorsion de concurrence avec des entreprises étrangères sur des appels d’offres ; il importe que les entreprises françaises ne subissent pas plus de contraintes, notamment en matière de paperasserie, que les entreprises étrangères dans les réponses aux appels d’offres. Ainsi, à titre d’exemple, sachez que toute entreprise française doit donner un certain nombre de documents (aux URSSAF, au Trésor…) pour prouver qu’elle est à jour de ses cotisations lorsqu’elle répond à une commande publique alors que les entreprises étrangères n’ont aucune obligation similaire. C’est étonnant mais aussi gênant car obtenir un document administratif peut parfois être long, lourd et conduire à rater un marché pour de simples questions de délais de transmission.

M. le président François Brottes. Merci de cette présentation liminaire Monsieur le Médiateur ; je vous propose maintenant de répondre à une première salve de questions.

M. Daniel Fasquelle. Le vrai sujet est celui de la compétitivité des entreprises françaises. Or, ce n’est pas en créant de nouvelles taxes chaque jour, comme la taxe sur l’excédent brut d’exploitation, que nous parviendrons à améliorer leur compétitivité. Par ailleurs, on constate qu’aux États-Unis, les pouvoirs publics protègent leur marché via certaines procédures de passation des marchés publics. L’Europe pourrait-elle en faire autant, notamment face à l’offensive des entreprises chinoises, ou d’autres pays, que vous évoquiez ? Permettez-moi d’ajouter trois questions.

Premièrement, vous n’avez parlé du rôle de l’Europe alors, pourtant, que le paquet « marchés publics » est en cours d’examen au Parlement européen. Dans ce contexte, quelles sont, si elles existent, vos relations avec la Commission européenne et les députés européens ? Par ailleurs, êtes-vous en mesure d’influer sur le processus d’élaboration de ces dispositions, dont l’adoption aura nécessairement des conséquences sur le code des marchés publics français.

Deuxièmement, force est de constater que les entreprises ne sont pas placées sur un pied d’égalité selon leur taille: seules les plus grandes disposent des moyens de mener un travail de veille ou de répondre régulièrement aux marchés publics. Mais si les grands groupes sont suffisamment armés, ce n’est pas le cas des PME et des TPE. Comment prendre en compte leurs spécificités ?

Troisièmement, alors que l’Autorité de la concurrence rend régulièrement des décisions relatives à des détournements ou des contournements des règles des marchés publics, quelles sont vos relations avec cette institution ?

Mme Pascale Got. Il y a beaucoup de médiateurs sur le terrain, comme le Médiateur du crédit ou vous-même. Or, à l’instar de François Pupponi, qui relayait hier les critiques exprimées sur le terrain s’agissant du très haut débit, force est de constater que les élus recueillent tout de même régulièrement les préoccupations de nos concitoyens s’agissant de l’accès aux marchés publics. Vous avez annoncé la création de groupes de travail et l’élaboration de guides pratiques, et déclaré dans Le Moniteur vouloir « desserrer un peu le col des acheteurs publics ». Comment cela pourrait-il se traduire concrètement ? Quelles seront vos propositions vis-à-vis de l’objectif de choc de simplification ? Vous avez également évoqué la mise en place d’un réseau d’ambassadeurs sur les territoires ; comment les entreprises ou les collectivités pourront-elles les saisir ? Enfin, quel bilan tirez-vous de cette première année de médiation ?

M. Franck Reynier. Monsieur le Médiateur, comme vous l’avez rappelé, la commande publique représente 200 Mds d’euros et il est essentiel de permettre aux entreprises d’y accéder. La commande publique constitue en effet une bouffée d’oxygène pour nombre d’entre elles. Or, aujourd’hui, elles éprouvent de grandes difficultés. Le Président de la République a promis un choc de simplification ; il est nécessaire de le rendre concret, visible et perceptible. Vous nous avez indiqué être un facilitateur, mais ne pensez-vous pas que le mal est déjà fait lorsque vous êtes sollicité ? Il me semble essentiel de mieux accompagner en amont les entreprises, et en particulier les PME. Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il faille également accompagner les donneurs d’ordre, notamment les collectivités territoriales, lorsqu’ils lancent un marché public ? Il me paraît important de former les personnels afin de permettre, tout en respectant le cadre juridique, de mieux accompagner nos entreprises, voire de les protéger ! Avant de conclure, je tiens à rappeler combien le groupe UDI est attaché à une simplification des procédures, qui est d’ailleurs demandée par l’ensemble des entreprises.

M. Joël Giraud. Le rapport de Louis Gallois préconisait de s’inspirer du modèle américain du Small Business Act (SBA). Alors que le cadre juridique européen interdit la réservation d’une part de la commande publique à une catégorie spécifique d’entreprises, comment pensez-vous possible d’améliorer, tant au niveau européen qu’au niveau national, les dispositifs qui participent à la mise en place d’un SBA à l’européenne.

L’effort en direction des entreprises innovantes est réel, comme en témoigne le guide de bonnes pratiques, édité par les services de Bercy, véritable mine d’informations pour remporter un marché public. Le développement de l’allotissement et la réservation de 2 % de la commande publique destinés à des achats de produits innovants vont également dans ce sens. Néanmoins, je souhaiterais vous interroger sur la mise en œuvre effective de telles dispositions. En effet, sur les territoires, les PME ne se voient pas attribuer les marchés alors qu’elles sont majoritaires. Elles deviennent au contraire petit à petit « les esclaves du négrier », si vous me permettez l’expression. Je m’inquiète par ailleurs de la frilosité des acheteurs publics. Comment travaillez-vous avec eux et comment abaisser les barrières à l’entrée pour les PME ?

Mme Michèle Bonneton. La commande publique est un moteur essentiel de l’économie et nous sommes tous en faveur du made in France. Votre rôle est donc essentiel. Pourriez-vous approfondir vos propos s’agissant des obstacles qui freinent l’accès des entreprises à la commande publique ? Sont-ils d’ordre législatifs (auquel cas nous pourrions agir) ou d’ordre réglementaire voire simplement technique (manque d’information, lenteur du temps de réactivité) ? Par ailleurs, je m’interroge sur la responsabilité de l’absence de coordination entre PME. À titre d’exemple, un maire de ma connaissance a préféré retenir, afin de construire un hôpital, une entreprise étrangère à même de proposer une offre intégrée plutôt que des PME locales. Comment inciter les PME à se regrouper ? Par ailleurs, parvenez-vous à sensibiliser la sphère publique et les PME quant à la mise en place d’une politique d’achat responsable du point de vue de la responsabilité sociale des entreprises. Vous est-il possible d’agir pour développer l’économie circulaire à laquelle beaucoup de nos PME sont déjà sensibilisées ?

Mme Clothilde Valter. À mon sens, il est essentiel d’agir auprès des acteurs publics qui lancent une procédure de marché public. Si la législation est complexe et mouvante, elle offre des marges de manœuvre et de choix qui ne sont pas toujours utilisées. Ainsi, la possibilité de retenir une entreprise du territoire, ou même française, ne vient parfois même pas à l’esprit de des décideurs car ils n’osent pas ou ne connaissent pas toutes les marges de manœuvre. Ne serait-il pas possible de mieux former les décideurs afin de leur expliquer précisément dans quel contexte et dans quelles conditions ils peuvent utiliser ces marges ?

M. Jean-Claude Mathis. Comme cela a déjà été signalé, vous avez récemment déclaré dans Le Moniteur qu’il fallait « desserrer un peu le col des acheteurs publics » : t out le monde est bien évidemment d’accord. Afin d’atteindre cet objectif, vous avez mis en place sept groupes de travail spécifiques. Parmi eux, aucun ne concerne directement le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Pourriez-vous nous en expliquer les raisons alors que chacun sait l’importance des marchés publics pour le BTP ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous le constatons tous sur le terrain, les producteurs locaux éprouvent des difficultés récurrentes pour répondre à la commande publique. Le périmètre des appels d’offres est en effet souvent trop large, notamment pour la fourniture des cantines scolaires. De manière générale, les allotissements sont trop importants pour la plupart des petites entreprises, qui doivent recourir à la co-traitance ou la sous-traitance si elles souhaitent répondre. Or, chacun le sait, il ne s’agit jamais d’une solution idéale. Bien sûr, du point de vue du donneur d’ordre, il est plus confortable de traiter avec un seul interlocuteur. Mais il faut absolument trouver des solutions si l’on souhaite favoriser l’accès des petites entreprises à la commande publique. Quelles sont vos préconisations en la matière ? De plus, la médiation inter-entreprises est peu connue, puisque selon les données à ma disposition, à peine 30 % à 40 % des entreprises seulement en ont entendu parler. Comment comptez-vous la rendre davantage visible ? Enfin, quelle proportion des saisines aboutit à un accord ?

Mme Laure de La Raudière. Les entreprises se trouvent aujourd’hui face au Médiateur du crédit, au Médiateur des relations inter-entreprises et de la sous-traitance, et au Médiateur des marchés publics. À mon sens il en manque un : le Médiateur des relations des entreprises avec l’administration. À terme, il conviendrait certainement de tous les rassembler au sein d’un Médiateur des entreprises ! Au-delà, vous n’avez pas parlé de la question des délais de paiement. L’administration n’est pas un bon payeur et cela conforte les réticences des PME à répondre à un marché public. Vous avez également indiqué qu’il était difficile, en France, d’obtenir rapidement les attestations nécessaires au regard des pratiques chez nos concurrents européens, et que cette différence pouvait générer une distorsion de concurrence. Permettez-moi de m’étonner qu’aujourd’hui il soit impossible de récupérer auprès des services de l’État ses relevés comme on récupère ses relevés bancaires et ses RIB.

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, pour ces questions très riches, dont un grand nombre portent sur les entreprises et en particulier sur les PME.

M. Mathis m’a interrogé sur la place du BTP et, rassurez-vous, les groupes de travail que j’ai mis en place sont composés de chefs d’entreprises issus des différents secteurs, dont le BTP. C’est d’ailleurs essentiel car ce sont eux qui répondent aux appels d’offres. Permettez-moi de citer un exemple de l’importance de travailler directement avec les professionnels. Dès ma nomination, j’ai rencontré M. Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment. Je le connais personnellement et il s’agit donc de la première personne que j’ai rencontrée. Il m’a fait part d’un problème que rencontrent régulièrement les entreprises de BTP : les retenues de garanties. En pratique, les travaux de construction d’un bâtiment sont en général réalisés par plusieurs types d’acteurs : l’un réalise le gros œuvre, l’autre les finitions. Il est d’usage que l’acheteur public retienne 5 % de garantie jusqu’à ce que la construction soit entièrement finalisée. Ce dépôt de garantie n’est remis à l’entreprise qu’une fois les travaux terminés, si l’entreprise est capable de prouver que tout est en ordre. Didier Ridoret m’a confié que les acteurs du BTP tentaient de faire évoluer les choses depuis une douzaine d’années et a souhaité que j’aide à faire évoluer les choses ! J’ai donc décidé d’agir avec tous les acteurs de la sphère publique afin de trouver une solution. J’ai réuni tous les services de l’État autour d’une table et, après des mois des réflexions, je leur ai soumis une proposition assez simple : inverser la charge de la preuve. Le principe consiste à garantir le paiement dans un délai qui reste à définir, à moins que le commanditaire parvienne à prouver une malfaçon particulière. Tous se sont ralliés à cette proposition même si, comme je le disais, la question du délai reste à définir. Quelle que soit la longueur de celui-ci, la situation sera toujours meilleure qu’aujourd’hui. Le Premier ministre a d’ailleurs repris cette proposition dans le cadre du choc de simplification en faveur de la compétitivité. Didier Rirodet m’a convié aux 24 heures du bâtiment et admis que, grâce à la Médiation des marchés publics, la vie des entreprises allait être grandement facilitée.

Vous avez tous raison sur un point : il faut clairement « desserrer le col » des acheteurs publics. Un élément très étonnant consiste à ce que les acheteurs publics soient personnellement et pénalement responsables pendant une durée de trois ans à compter de la passation d’un marché public. Cette disposition est particulièrement anxiogène pour ces acheteurs qui passent un très grand nombre d’appels d’offres chaque année. La conséquence en est que les acheteurs publics s’attachent au respect strict d’obligations étendues afin de ne pas encourir de critiques.

Je vais illustrer mon propos par une situation où l’acheteur public devrait être à la pointe de l’innovation et aller à la rencontre des entreprises sur le terrain. Mais en réalité les acheteurs publics ne veulent surtout pas rencontrer les entreprises afin d’écarter toute idée de collusion. Je crois donc qu’il faut réduire la période de responsabilité des acheteurs et les placer vis-à-vis des entreprises dans la situation de leurs collègues allemands ou italiens. Il est nécessaire de réviser nos textes pour aller vers d’avantage d’harmonisation au sein de l’Europe. Si l’on veut que les acheteurs publics se tournent davantage vers le mieux disant plutôt que le moins disant, si l’on souhaite privilégier la responsabilité sociale des entreprises (RSE), alors il convient de leur redonner des marges de décision et de motivation. Aujourd’hui en effet les acheteurs privilégient le critère du prix qui est le plus objectivement mesurable mais qui conduit parfois à choisir, pour quelques dixièmes de point, des entreprises géographiquement éloignées au détriment des préoccupations écologiques.

Je précise que les sept groupes de travail qui ont été mis en place ont notamment pour fonction d’identifier les problèmes afin que le Parlement puisse adopter des réformes.

M. le président François Brottes. J’indique que les préconisations que vous proposerez peuvent trouver leur place dans la discussion du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Je pense qu’il existe un consensus pour remettre en question le droit de la concurrence européen sous sa forme actuelle dans la mesure où il va à l’encontre de l’innovation. Nous nous heurtons en effet à un triple problème. Tout d’abord la perte de temps pour élaborer des offres et ensuite pour les analyser ; ensuite la précision des cahiers des charges qui empêchent de prendre en compte l’innovation en cours de route ; enfin, la rigidité des règles de notation qui ne permet pas de modifier la pondération initiale. Les acteurs publics sont donc confrontés à cette perte de temps et à cette incapacité à prendre en compte l’innovation par rapport à un cahier des charges par définition perfectible. Vos propositions pour desserrer ces contraintes seront donc les bienvenues.

M. Daniel Fasquelle. Je précise que cette problématique est également celle du nouveau « paquet marchés publics » actuellement en cours d’élaboration par la Commission européenne qui entend mieux prendre en compte l’innovation et le rapport qualité-prix. Aussi, plutôt que d’en attendre la transposition serait-il pertinent d’anticiper et de faire évoluer notre droit en ce sens. Des contacts ont-ils été pris avec les autorités européennes en ce sens ?

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Je tiens à préciser que le Médiateur du crédit intervient presque exclusivement par le biais de la médiation et que le Médiateur inter-entreprises et de la sous-traitance n’est compétent qu’à l’égard des entreprises privées, notamment pour les problématiques de sous-traitance. Pour ma part j’interviens dans les relations que les entreprises entretiennent avec la sphère publique.

Mme Frédérique Massat. Comment travaillez-vous avec les collectivités locales en milieu rural, qui sont souvent de petite taille ? Quels sont vos outils pour mener un travail constructif ? En ce qui concerne les 34 plans de « reconquête industrielle » qui viennent d’être présentés et qui concernent largement la commande publique (réseaux intelligents, TGV du futur, hôpital numérique mais aussi rénovation thermique des bâtiments des collectivités locales), comment allez-vous travailler avec les entreprises sur le terrain ?

Nous aurons besoin de vos propositions pour faire évoluer le code des marchés publics dans le sens d’une meilleure prise en considération de la qualité et de l’innovation.

Mme Pascale Got. Est-il possible d’avoir une réponse concernant le bilan de la première année d’action du Médiateur, les possibilités pour les collectivités locales de faire appel aux ambassadeurs et les propositions qui pourraient être discutées dans le cadre de la simplification ou du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ?

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. En ce qui concerne le bilan, nous sommes aujourd’hui à plus de 200 médiations avec un taux de satisfaction de 80 %. Ce résultat est important car la médiation permet de ne pas briser le lien entre l’acteur public et l’entreprise. Cela explique que dans une majorité de cas la collaboration continue entre ces acteurs, ce qui n’est le plus souvent pas possible en cas de contentieux judiciaire.

Les ambassadeurs vont être très rapidement mis en place car tout se joue sur le terrain. Je pense que les meilleurs interlocuteurs des chefs d’entreprises sont d’autres chefs d’entreprises, qui sont souvent plus au fait des problématiques existantes. J’ajoute que selon un sondage datant de 2011 réalisé par les jeunes dirigeants d’entreprise, les acheteurs publics souhaitent à 82 % être des acheteurs responsables et donc être proches du terrain afin d’aider les entreprises, contre seulement 50 % pour les acheteurs privés. Il faut donc doter les acheteurs publics des outils adéquats.

M. Michel Lefait. Parmi vos attributions figure celle de veiller au respect des délais de paiement par les acteurs publics dans le cadre des marchés ; quelles sont vos observations et vos préconisations pour améliorer dans la durée ce point sensible du dispositif ?

M. Dino Cinieri. Sur quels critères seront choisis les futurs ambassadeurs des marchés publics ? Sur la base du volontariat ?

Sentez-vous un décalage entre Paris et la province parmi les 200 dossiers que vous avez traités ? Les zones rurales connaissent-elles de plus grandes difficultés ? Que préconisez-vous pour lutter contre la concurrence étrangère, notamment dans le secteur du BTP ? Sentez-vous le Gouvernement prêt à un vrai choc de simplification pour nos entreprises qui sont étouffées par les contraintes administratives ?

Mme Jacqueline Maquet. Même si votre expérience est courte, quelles sont les observations et préconisations que vous pouvez d’ores et déjà formuler ? Au-delà des premiers chiffres clés que vous avez énoncés, identifiez-vous une dynamique positive à la lumière de vos rôles de négociateur, de facilitateur et de pédagogue ?

Mme Anne Grommerch. Afin de faciliter l’accès des PME aux marchés publics, ne peut-on envisager la mise en place d’un agrément de trois ans pour les questions administratives ? Elles n’auraient dès lors à répondre que sur la partie technique de l’appel d’offres.

Je note avec satisfaction que les grands donneurs d’ordre publics seront renseignés sur l’enjeu que représente dans les marchés publics le respect des délais de paiement pour la trésorerie des entreprises. Avez-vous été saisi de demandes en matière de non-respect des délais de paiement émanant d’entreprises travaillant pour le ministère de la défense qui utilise le logiciel Chorus et dont on connaît depuis longtemps les dysfonctionnements ?

Mme Béatrice Santais. Les attentes des petites et moyennes entreprises rejoignent celles des petites et moyennes collectivités locales, à savoir permettre de maintenir sur les territoires de l’économie et de l’emploi via les marchés publics. Il est vrai qu’il est difficile pour un décideur public qui a toujours au-dessus de la tête le délit de favoritisme de travailler sereinement. Pourtant les outils existent d’ores et déjà dans le code des marchés public et la future directive européenne ne fera qu’améliorer cette situation. Il est sans doute nécessaire de faire œuvre de pédagogie auprès des petites et moyennes entreprises pour qu’elles osent franchir le pas. Les collectivités qui souhaitent s’engager dans une démarche de RSE ont besoin d’entreprises qui ont les mêmes préoccupations, leur combat est donc le même et il est important de communiquer sur ce sujet.

M. Philippe Le Ray. Je voudrais insister sur la situation des petites entreprises qui ne peuvent pas répondre en raison des clauses techniques qui s’opposent à elles et souligner le fait qu’il y a de moins en moins d’entreprises qui répondent aux appels d’offre. Comment faire en sorte que davantage d’entreprises puissent répondre aux appels d’offres ?

M. Hervé Pellois. Je constate également une dégradation de la participation des entreprises aux appels d’offres, à tel point qu’il est désormais difficile d’avoir une candidature pour de simples travaux de peinture. Le risque est d’être alors contraint d’avoir recours à des entreprises générales au détriment des petites entreprises pour des chantiers locaux. En ce qui concerne les cantines scolaires, il est également très difficile de donner une chance aux petits producteurs locaux. Sans doute faudrait-il aller vers un cadre mieux adapté à ces marchés locaux.

M. le président François Brottes. Auriez-vous, Monsieur le médiateur, les moyens statistiques d’identifier le nombre d’entreprises qui se portaient candidates aux appels d’offres il y a dix ans et qui ne le font plus désormais ? Nous avons tous le sentiment d’une paupérisation du nombre d’offres ; en avoir une mesure objective serait un moyen de souligner la gravité du problème.

Mme Marie-Lou Marcel. Vous souhaitez sensibiliser la sphère publique aux contraintes rencontrées par les PME et démontrer les avantages d’une politique d’achat responsable. Quels sont votre avis et vos préconisations sur le problème du respect des délais de paiement et sur la qualité des critères de sélection ?

Un rapport de 2011, intitulé « Favoriser l’accès des PME à la commande publique », se faisait l’avocat de la simplification des procédures, que vous avez également évoquée. Selon quelles modalités ?

Enfin, comment valoriser un acteur local dans le cadre des marchés publics ? Je pense tout particulièrement au cas des cantines scolaires, pour lesquelles nous voudrions mettre en place un circuit court d’approvisionnement.

M. Frédéric Roig. Je suis convaincu que le dialogue en amont est vertueux. Disposer d’une charte des bonnes pratiques permettrait d’éviter cette politique des prix cassés, très dommageable pour les entreprises et qui explique la recrudescence de candidats étrangers (Espagnols dans le cas de ma circonscription), particulièrement dans le secteur du bâtiment. Se pose également la question de l’efficacité des contrôles, vis-à-vis d’entreprises qui proposent de tels prix. Sommes-nous bien dans le cas d’entreprises citoyennes ?

Bien que complexe à mettre en œuvre, l’allotissement favorise l’accès des TPE et des PME à la commande publique et leur permet de proposer leur savoir-faire et leurs compétences. Certaines entreprises nous font remonter, via l’UPA, la CAPEB ou les fédérations du bâtiment, leur besoin d’un médiateur des directeurs des services financiers !

Le choc de simplification, mis en œuvre par la loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, que nous venons d’examiner, constitue-t-il, à vos yeux, un facteur de risque ou un élément positif ?

M. Franck Gilard. Que signifient pour vous les notions d’« entreprise citoyenne » et d’« achat responsable » ? J’ai pour ma part de grandes difficultés à les appréhender.

Constatez-vous une hausse des contentieux en matière de marchés publics ? Cette question me semble importante dans la mesure où j’ai pu constater (dans des cas qui restent heureusement rares), que certaines entreprises se servaient de la menace du contentieux comme d’une stratégie commerciale, frôlant parfois la tentative d’intimidation.

M. Philippe Kemel. La difficulté des marchés publics réside toujours dans l’opacité des coûts de transaction et dans les nombreuses formalités administratives à respecter. Ceci se traduit par des coûts supportés par la collectivité. À ce titre, la simplification me semble donner davantage de libertés. Attribuer une certification qualité aux entreprises peut-il constituer une piste ? Ou une grille d’évaluation, déposée par la collectivité pour valider son marché public ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Vous souhaitez faciliter l’accès des PME aux marchés publics. Mais la raison pour laquelle elles ne candidatent pas est simple : elles iraient au casse-pipe ! Nous constatons tous que ce sont les grandes entreprises qui remportent les marchés en proposant des prix cassés, puis font réaliser les prestations par des sous-traitants… Et le comportement de l’État y contribue lorsqu’il agit de la même façon que les enseignes de la grande distribution, recherchant toujours le prix le plus bas. Je vous propose un fonctionnement différent : en cas d’appel d’offres, on éliminerait systématiquement l’offre la plus basse et l’offre la plus haute ; l’offre sélectionnée serait la plus proche de la moyenne des offres restantes. Certes, le prix des prestations serait alors peut-être plus élevé mais c’est à cette seule condition que nous retrouverons des entreprises candidates dans de bonnes conditions.

M. Alain Suguenot. La médiation des marchés publics a été créée pour simplifier la tâche des petites entreprises qui avaient des difficultés à accéder aux marchés publics. J’aimerais quant à moi me faire l’avocat des petites collectivités territoriales. On ne peut aborder le sujet des pénalités de retard abusives sans évoquer son pendant inverse, celui des collectivités qui sont souvent démunies face à des entreprises en difficulté économique à qui elles ne peuvent pas faire payer de pénalités. Si l’on ne peut nier la question des délais de paiement, on ne peut non plus passer sous silence celle des délais de réalisation des travaux. D’où ma question, Monsieur le médiateur : quelle est la proportion de saisines venant des collectivités par rapport aux saisines venant des entreprises ?

M. le président François Brottes. Les remarques et questions des membres de la Commission révèlent leurs préoccupations : le levier de croissance que devaient représenter les marchés publics n’est pas encore actionné, l’impression est plutôt celle d’avoir les deux pieds sur le frein.

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Je regrouperai l’ensemble de vos interventions en six thèmes : les délais de paiement ; les réseaux d’ambassadeurs ; la concurrence étrangère ; les cantines scolaires ; le manque de réponses des entreprises à la commande publique ; la proposition de modification du système de sélection des offres.

S’agissant de ce dernier point, les règles que vous proposez, M. Taugourdeau, sont en tous points similaires aux règles en vigueur en Suisse. S’il semble difficile de les appliquer en France, en raison des règles posées par le droit communautaire, elles apporteraient cependant une amélioration. En effet, le code des marchés publics permet d’éliminer d’emblée les offres « anormalement basses », mais il est en réalité complexe d’apporter la preuve que l’offre est basse pour des raisons anormales.

En matière de délais de paiement, vous m’avez questionné sur la proportion d’entreprises publiques ayant à se plaindre d’entreprises privées. Ces cas ne sont pas fréquents, contrairement à la situation inverse : dans 30 % des cas, les entreprises privées rencontrent des problèmes de délai de paiement avec la sphère publique. Cette situation explique que de nombreuses entreprises renoncent à candidater car elles sont certaines de ne pas être payées dans les délais. Un collègue de la CGPME m’avait indiqué qu’il ne répondait pas aux marchés publics car il préférait les choses simples. J’ai tenté de le convaincre que sa vision était fausse et que la commande publique offrait stabilité et prévisibilité aux entreprises.

Je vais vous donner un autre exemple : celui d’une entreprise du Var, dont l’expert-comptable avait préconisé le dépôt de bilan. Le dirigeant de cette entreprise m’a contacté car il se refusait à déposer le bilan de son entreprise familiale, qui avait été créée voilà plus de cent ans. Il m’a indiqué dépendre à 80 % de la sphère publique. Le dépôt de bilan était alors le plus mauvais choix à faire, car cela l’aurait exclu de facto des marchés publics ! Dans les dix jours qui nous restaient avant la cessation de paiement, nous nous sommes démenés auprès des administrations pour réclamer la facturation des offres et nous avons récolté 300 000 euros ! La plupart du temps, le retard résultait de la longueur du circuit administratif ; ainsi, certaines factures n’étaient tout simplement pas parvenues au bon service. C’est pourquoi je préconise la dématérialisation de ces factures : il faudrait permettre le paiement sur la base d’une facture transmise par courrier électronique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, la facture devant être présentée sur élément papier. Quant au réseau des ambassadeurs, j’en ai parlé tout à l’heure. Ces derniers seront bien évidemment choisis sur la base du volontariat, sur le modèle, pourquoi pas, de la CGPME, où nous sommes tous des chefs d’entreprise volontaires, et attachés aux échanges d’expériences et de bonnes pratiques. Ces ambassadeurs joueront un rôle similaire dans leur région. Il leur appartiendra également de faire remonter les informations, dans un cadre auquel participeront aussi les acteurs publics, c’est la raison pour laquelle je souhaite que cet échange-là ait lieu à la préfecture.

En ce qui concerne la concurrence étrangère, c’est un vrai sujet. Lors d’un déplacement la semaine dernière à Perpignan, il m’a été ainsi rapporté qu’une caserne de pompiers allait être construite par une entreprise espagnole. Ici, la question est celle du choix entre moins-disant et mieux-disant. Il faut faire le choix du mieux-disant, car celui du moins-disant est très pénalisant pour nos entreprises. J’ajouterai la question des garanties à apporter, comme un autre exemple l’illustre, dans les Alpes-Maritimes avec une entreprise italienne, très rapidement défaillante après la passation du marché. Il est essentiel que les entreprises étrangères soient soumises aux mêmes obligations que les entreprises françaises en matière de justification de leur situation : c’est l’une de mes propositions. La Chambre de commerce et d’industrie dans le ressort de laquelle l’appel d’offre est passé devrait pouvoir juger du respect par l’entreprise étrangère des obligations imposées aux entreprises françaises : ce serait un élément d’équité, et cela créerait de plus un lien entre elle et ces entreprises.

Vous m’avez aussi interrogé sur le faible taux de réponse des entreprises françaises aux appels d’offre. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où les entreprises s’autocensurent, par crainte du temps, de la complexité et du coût financier et humain que cette procédure implique à leurs yeux, en particulier pour les plus petites d’entre elles. Lorsque des dossiers d’appels d’offre français font cent pages en France, ils ne font que dix pages dans le reste de l’Union européenne : dans ce cas, il est bien évident que la simplification jouera à plein. Je vous donne un exemple précis : celui d’une entreprise de la région lyonnaise candidate à un marché pour la RATP pour un produit à la conception duquel elle avait participé. Cette société n’a même pas eu de réponse à l’envoi de son dossier. Lorsque j’ai interrogé la RATP, cette dernière m’a fait par de son incompréhension de voir que l’entreprise n’avait pas répondu à l’appel d’offre. En fait, cette entreprise était de petite taille mais elle était prête à agrandir son usine et elle avait le soutien de la mairie et de la BPI pour le faire. Le marché représentait un pourcentage trop important de son chiffre d’affaires pour qu’elle puisse y répondre en direct. Elle avait donc demandé à une plus grosse entreprise de répondre pour elle. Cette dernière a répondu avec un jour de retard. Telle était donc la raison de son élimination… Cet exemple doit nous pousser, je crois, à réfléchir également à cette question du ratio : si cette entreprise avait pu être directement candidate, elle aurait vraisemblablement eu le marché, aurait ainsi agrandi son usine avec l’aide de la BPI et de la collectivité territoriale et créé au final des emplois. Il me semblerait plus logique, plutôt que d’avoir recours à la notion de ratio, qui contraint dans certains cas à cet adossement, de justifier que l’on a la capacité de répondre à l’appel d’offres.

M. le président François Brottes. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais avez-vous eu l’occasion de rencontrer la Cour des comptes ?

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Non, pas encore.

M. le président François Brottes. Je pense qu’il est important que vous le fassiez.

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Un autre aspect de la question concerne la formation, tant des acheteurs publics que des entreprises. Je vous livre un autre exemple, rapporté par un acheteur public, qui, à un appel d’offres très simple, n’avait eu que trois réponses, deux étrangères et une française, cette dernière infructueuse car incomplète. Une petite erreur de secrétariat peut faire perdre un marché dans cette situation, et les petites entreprises sont souvent les plus vulnérables. Pour les acheteurs publics, j’en ai parlé tout à l’heure, ils doivent avoir une vision plus claire du cadre dans lequel ils peuvent agir. La période de zone de danger forte commence une fois l’appel d’offres lancé ; avant, ils peuvent rencontrer les entreprises. Or ils ne le font pas, ce qui n’est pas normal.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, M. le Médiateur. Je vous renouvelle notre commande : nous souhaitons pouvoir connaître vos préconisations d’ici la fin de l’année puisque le texte porté par Mme Pinel est annoncé pour le premier trimestre de l’année prochaine, et il nous faut savoir saisir les véhicules législatifs adaptés lorsqu’ils se présentent à nous !

Le deuxième sujet sur lequel je vais engager un travail avec la commission, c’est celui de la « deuxième chance » des entreprises. Lorsqu’une entreprise est en redressement judiciaire, elle ne peut pas accéder aux marchés publics, ni aux financements, ce qui du coup obère complètement ses chances de s’en sortir, alors même qu’elle peut très bien avoir simplement été lâchée par un client tout en conservant tout son potentiel. C’est à mon sens un vrai sujet sur lequel nous nous devons de travailler. Le Gouvernement a fait un premier geste lorsqu’il a supprimé la « liste noire » des chefs d’entreprise référencés comme des criminels pour avoir simplement subi un dépôt de bilan. C’est un geste important. Mais au-delà de ce symbole, il faut donner à ces entreprises les moyens de rebondir vraiment et la question des marchés publics est l’un des éléments de réponse…

M. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics. Monsieur le Président, permettez-moi d’apporter une précision car ce que vous venir de dire est extrêmement important. Cette « liste noire », c’était l’article 40. Mais les articles 50 et 60 sont toujours en vigueur, le progrès constaté avec la Banque de France n’existe pas au niveau des banques, et donc les financements sont toujours refusés.

Nous pourrions échanger encore pendant des heures, sachez que je suis à votre disposition pour approfondir des points que nous n’aurions pas eu le temps d’évoquer ensemble. Je puis en tout cas vous assurer d’une chose : les entreprises et les entrepreneurs comptent sur vous.

M. le président François Brottes. Je crois en effet que certains collègues n’ont pas eu de réponse complète à leurs questions ; ils se signaleront auprès de vos services et je vous remercie de bien vouloir leur répondre par écrit.

Je vous remercie, la séance est levée.

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Informations relatives à la Commission

La commission a procédé à la nomination de plusieurs rapporteurs :

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 2 octobre 2013 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Brigitte Allain, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. André Chassaigne, M. Henri Jibrayel, M. Serge Letchimy, M. Philippe Armand Martin, Mme Josette Pons, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistait également à la réunion. - M. Michel Ménard