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Mardi 11 février 2014

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 42

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le projet de loi portant réforme ferroviaire (n° 1468) (M. Gilles Savary, rapporteur)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le projet de loi portant réforme ferroviaire (n° 1468) (M. Gilles Savary, rapporteur).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, nous allons engager une discussion sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, lequel sera examiné en commission au début du mois de mai. Ce texte sur la gouvernance du système ferroviaire ayant été déposé sur le bureau de l’Assemblée en octobre 2013, il était temps que nous nous retrouvions pour en débattre.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Comme vous l’avez indiqué, le texte sera examiné en mai en commission, puis au mois de juin en séance publique, et peut-être en juillet par le Sénat.

Le projet de loi se présente à vous dans un contexte européen. À travers ce texte, nous entendons affirmer avec force la position de la France dans le débat européen, notamment dans le cadre de la discussion qui a commencé au Parlement européen sur le quatrième paquet ferroviaire. Le volet politique, relatif à la gouvernance et aux contrats de service public, sera débattu en Conseil des ministres de l’Union européenne probablement en 2015. La France doit pouvoir peser sur l’orientation de la politique européenne des transports et nous avons déjà eu des échanges exigeants sur des points primordiaux. Nous voulons peser sur au moins deux points.

Chaque système ferroviaire a sa légitimité et son histoire : c’est pourquoi nous ne souhaitons pas que soit instauré un modèle unique de gouvernance au niveau européen, qui ne permettrait pas d’assurer une efficacité optimale et ne respecterait pas le principe de subsidiarité. Chaque pays doit pouvoir choisir un modèle intégré à condition de respecter certains principes, en donnant des garanties fortes d’impartialité, notamment en ce qui concerne le gestionnaire d’infrastructure.

Nous ne souhaitons pas non plus que la mise en concurrence soit le seul moyen d’attribution des contrats de service public. Les pays doivent rester libres d’organiser les modalités de la mise en concurrence. Nous devons en finir avec une forme de dogmatisme amenant à privatiser les profits et à socialiser les pertes.

Parallèlement à l’enjeu européen, il y a une situation qui préoccupe les citoyens : le système ferroviaire fonctionne mal, la qualité du service se dégrade, qu’il s’agisse de la régularité, du confort, des délais des travaux et de leur coordination. Il faut affronter avec volontarisme une situation financière indéniablement dégradée. La dette de Réseau ferré de France (RFF) est de 37 milliards d’euros, pour 44 milliards pour l’ensemble du système ferroviaire, avec une progression annuelle de 2,4 à 3 milliards d’euros. Nous devons relever le défi de l’amélioration du service public en même temps que celui de réformes structurelles et instaurer un cadre social tenant compte de la réalité du paysage ferroviaire – certains secteurs sont ouverts à la concurrence, comme le fret, d’autres non. Nous devons définir un système plus clair et plus efficace. Un sondage révèle que les personnes interrogées attendent de cette réforme ferroviaire, en priorité, des progrès en termes de ponctualité, de régularité et de sécurité. Nous proposons donc une nouvelle gouvernance.

Nous entendons renforcer le secteur public, et donc le rôle de la nation. C’est en effet à la nation et à donc ses représentants, et non à un acteur ferroviaire, de définir la stratégie ferroviaire qu’il faut réviser régulièrement. Nous souhaitons renforcer la place de l’État stratège qui doit disposer des moyens de piloter les différents acteurs publics. Il s’agit pour cela de clarifier les rôles, de mettre un terme à la confusion actuelle : l’enchevêtrement des responsabilités rend difficile l’identification de l’interlocuteur pertinent, sans compter que les relations entre la SNCF et RFF sont pour le moins complexes.

Le système ferroviaire fonctionne aujourd’hui à crédit, nous devons stabiliser la dette. Si nous n’agissons pas, la dette atteindra entre 78 et 80 milliards d’euros en 2025. La pérennité du système ferroviaire français est donc au cœur du débat.

En ce qui concerne l’encadrement social, afin d’éviter la concurrence déloyale, il conviendra de donner aux partenaires sociaux les moyens de négocier les conditions de travail dans le cadre de la hiérarchie des normes – « décret-socle », négociation d’une convention collective nationale applicable aux branches... Le débat parlementaire enrichira un texte qui, au-delà de ses très nombreux aspects techniques, entend dessiner les grandes perspectives du secteur ferroviaire.

L’État, la nation doivent reprendre toute leur place dans la définition d’une stratégie ferroviaire. Le texte réaffirme à cet effet que le système de transports concourt à la mission même de service public et d’aménagement du territoire. L’un de ses objectifs est de mettre en œuvre le droit au transport et d’assurer l’équilibre des territoires. L’État lui-même doit par conséquent assurer un système de transports cohérent et sûr.

Le Haut comité du ferroviaire sera ainsi le lieu où les parties prenantes – État, régions, entreprises ferroviaires, usagers, organisations syndicales – discutent de la stratégie même du secteur. On a longtemps considéré, un peu rapidement, qu’un seul groupe public devait contrôler la stratégie nationale. Il n’en est rien.

Le projet de loi vise également à créer un groupe public ferroviaire fort, lui-même contrôlé par l’État. C’est une nécessité industrielle, permettant d’améliorer la qualité et de répondre aux stratégies des marchés mondiaux. Le groupe sera constitué d’un établissement public de tête sous l’égide duquel se trouveront le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, et l’exploitant ferroviaire, SNCF Mobilités.

L’établissement public de tête assurera le contrôle, le pilotage stratégique, la cohérence économique, l’intégration industrielle, l’unité sociale du groupe public. Les représentants de l’État y seront majoritaires – ce qui n’est pas le cas actuellement puisqu’ils ne forment qu’un tiers du conseil de surveillance de la SNCF. Il appartiendra au futur conseil de surveillance de déterminer les grandes orientations à mettre en œuvre par le directoire. Celui-ci sera composé du président de SNCF Réseau et du président de SNCF Mobilités, tous deux nommés par l’État, placés sur un pied d’égalité et gardant, chacun de son côté, la pleine responsabilité opérationnelle de chacun de leurs établissements. Le directoire est placé sous l’autorité du conseil de surveillance, de son président, lui-même choisi par l’État. En cas de désaccord, il appartiendra à celui-ci de trancher.

Enfin, le caractère intégré du groupe sera assuré par le fait que l’établissement public de tête sera investi de missions fortes et qu’il désignera le tiers des membres du conseil d’administration de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités.

Le texte clarifie les compétences : nous souhaitons un gestionnaire unique d’infrastructure capable de piloter l’ensemble du réseau. L’organisation actuelle, nébuleuse, met en jeu une pluralité d’intervenants, y compris au sein de la SNCF, au détriment de l’efficacité et de la qualité des interventions. Il s’agit donc de rassembler ces acteurs au sein d’une seule structure.

L’établissement public SNCF Mobilités sera chargé du transport des voyageurs et de la gestion des gares. Il ne s’agit pas d’anticiper une éventuelle ouverture à la concurrence, mais bien de renforcer l’efficacité économique du groupe.

Nous souhaitons mettre en place un pacte national destiné à stabiliser les dettes du secteur. Nous ne pouvons pas ne pas agir. Le texte donne des moyens à l’État et à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) de contrôler l’évolution de l’endettement de SNCF Réseau. Un décret fixera en effet les ratios de dette à respecter. SNCF Réseau ne pourra pas participer au financement d’un projet qui le conduirait à dépasser lesdits ratios. L’ARAF contrôlera l’impact des investissements, notamment des investissements nouveaux, et la soutenabilité financière du contrat qui lie SNCF Réseau à l’État.

Le retour à l’équilibre nécessitera un effort de tous, y compris de l’État. Il s’agit d’améliorer la gouvernance, mais aussi d’obtenir des gains de productivité par la mutualisation, par le partage de fonctions stratégiques, par la nécessité, au niveau de l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de tête, d’établir des synergies – notamment grâce à la création de SNCF Réseau – permettant d’éviter doublons, délais pénalisants, décisions d’investissement inconséquentes, chaînes de commandement dont l’imperfection nuit aux relations commerciales. Il est important, notamment pour le fret, de conjuguer travaux de modernisation et efficacité économique des contrats qui lient les acteurs.

Le texte prévoit les modalités de participation de l’État à cet effort collectif. Ainsi, les dividendes du transporteur pourront être reversés à SNCF Réseau au lieu de l’être à l’État, et un prochain projet de loi de finances prévoira les modalités de consolidation des déficits fiscaux au niveau du groupe.

Par ailleurs, le texte crée les conditions de la construction d’un cadre social commun à l’ensemble du secteur, avec le maintien du statut du cheminot, tout en adaptant le cadre social commun. Il s’agit de donner aux salariés et aux entreprises ferroviaires la possibilité de construire l’organisation et les conditions de travail répondant aux exigences de sécurité, de qualité du service et garantissant l’absence de concurrence déloyale : les règles doivent être les mêmes pour tous. Le texte prévoit donc un cadre social modernisé : le « décret-socle » déjà évoqué posera les principales règles sociales de tout le secteur ferroviaire, règles que déclinera la négociation d’une convention collective nationale.

L’ensemble des entreprises de cette branche seront ainsi soumises à un régime homogène en matière de durée de travail. Le cadre social commun est concerté et évitera, comme c’est déjà le cas, les distorsions de concurrence, tout en donnant suffisamment de souplesse pour qu’il y ait des adaptations des organisations. Nous souhaitons ainsi moderniser les règles du dialogue social.

J’en viens au régulateur : le texte confie à l’ARAF certains pouvoirs supplémentaires. La politique d’investissement de SNCF Réseau devra désormais être validée par le régulateur qui devra éventuellement proposer des mesures visant à redresser sa trajectoire économique. L’ARAF garantira l’impartialité de SNCF Réseau – élément essentiel de l’eurocompatibilité du dispositif. Le régulateur émettra par ailleurs un avis sur la nomination du président de SNCF Réseau et pourra éventuellement s’opposer à sa révocation. Les moyens humains de l’ARAF seront renforcés puisqu’elle bénéficiera d’une équipe dédiée, ses membres exerçant leurs fonctions à temps plein.

À court terme, cette réforme vise donc à réorganiser un système ferroviaire éclaté, afin notamment de répondre aux attentes de nos concitoyens, des cheminots et des élus, en matière de qualité, d’efficacité et de sécurité, et en termes de modernisation de l’infrastructure ainsi que du matériel roulant. Le texte propose la création d’un grand groupe industriel capable de s’adapter aux évolutions futures de l’Europe du rail et, concomitamment, propose la réforme indispensable du cadre social du secteur, régi par des règles claires, applicables à tous dans le contexte d’une concurrence qui, quand elle existe, doit rester loyale. Les partenaires sociaux auront donc tous les moyens de s’emparer des conditions d’organisation du secteur ferroviaire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle qu’en ce qui concerne la qualité du service rendu aux usagers, les propositions de Philippe Duron et la commission Mobilité 21 qu’il présidait vont dans le sens que vous indiquez, monsieur le ministre. On peut donc constater une vraie cohérence.

M. Rémi Pauvros. Le groupe SRC souhaite que ce texte ne soit pas considéré comme une contrainte imposée par l’Union européenne, mais bien comme le fruit d’une volonté politique partagée : il s’agit d’affirmer notre ambition quant à l’évolution d’un des services majeurs rendus à la population. Cette réforme aura également un impact sur un grand pan de l’activité industrielle française. Vous réunissez d’ailleurs à nouveau prochainement le comité de pilotage de l’industrie ferroviaire.

Pour ce qui est de l’amélioration du service et, surtout pour le fret, de son efficacité, je souhaite que vous reveniez sur les mesures envisagées pour réduire, sinon éliminer, le déficit du secteur.

Pouvez-vous ensuite nous en dire davantage sur la nécessité de préserver l’impartialité du futur gestionnaire d’infrastructure unifié (GIU) qui doit nous permettre d’assurer une bonne gestion ? Vous avez évoqué l’État stratège ; or je souhaite que vous reveniez sur la présence des collectivités et des autorités organisatrices de transports (AOT) dans le dispositif, en particulier les régions.

Quant au fonctionnement global, vous avez insisté sur le rôle de l’ARAF. Que pensez-vous de l’idée que l’ARAF donne également un avis conforme concernant l’accès aux infrastructures ? Comment envisagez-vous la coordination du Haut comité du ferroviaire avec l’ARAF ?

Enfin, nous sommes particulièrement attachés au cadre social commun. La préservation du statut de cheminot nous paraît une condition de la réussite de cette opération. Le rapprochement entre le statut des anciens agents de la SNCF et celui des agents de RFF n’est pas simple et reste en débat. Vous avez évoqué la place des accords collectifs, qui créeront des droits en dehors du cadre de la future convention collective. Pouvez-vous revenir sur l’évolution de la définition de ce cadre social commun ? Où en sont la SNCF et RFF avec les partenaires sociaux, en particulier les organisations syndicales, à l’heure où nous engageons ce débat ?

M. Martial Saddier. Le groupe UMP souhaite une réforme pérenne du système ferroviaire. C’est du reste dans cet esprit que nous avions lancé les Assises nationales du ferroviaire. Nous voulons la transparence vis-à-vis des collectivités territoriales, notamment des régions, afin qu’elles connaissent précisément les coûts et le choix des dessertes.

Nous craignons très clairement un désengagement de l’État sur le dos des collectivités territoriales, ainsi qu’un abandon de toute une partie du territoire qui bénéficie aujourd’hui d’une péréquation.

Pour remédier à l’absence de clarté des deux structures existantes qui fonctionnent mal, vous nous proposez trois structures. Avouez que, en termes de simplification et de lisibilité, on part du « mauvais pied » ! De plus, la répartition des rôles entre ces trois structures ne nous paraît pas claire. Nous ne comprenons pas très bien quelle sera la place de l’État vis-à-vis de l’EPIC stratège, et nous sommes très inquiets au sujet de la transparence et de la séparation sans ambiguïté des flux financiers entre les différentes structures.

Que se passera-t-il en cas de désaccord entre les trois structures, et qui tranchera ? Ces désaccords seraient d’autant plus faciles à trancher que la pierre angulaire du dispositif serait un régulateur, en l’occurrence l’ARAF, très fort et indépendant ; or, selon le texte, l’ARAF n’a guère de régulateur que le nom. Vous avez évoqué l’avis conforme nécessaire à la nomination du président de la structure, mais vous avez oublié de rappeler que seul un avis simple est prévu concernant la trajectoire économique et, surtout, le péage ferroviaire. Les structures pourront donc ne pas tenir compte de ces avis. En outre, cette faiblesse du régulateur nous mettrait en porte à faux vis-à-vis du droit européen.

Pour toutes ces raisons, nous sommes, j’y insiste, très inquiets.

Les Assises du ferroviaire que nous avions lancées s’inscrivaient dans le même esprit que votre proposition de réforme. Toutefois, au fil de vos discussions, non pas avec le Parlement, mais avec les acteurs, le texte tel qu’il est rédigé ne correspond plus au vrai projet dont le pays a besoin.

M. Yannick Favennec. Le projet de loi vise à renforcer le contrôle de l’ARAF, dites-vous ; cependant, il prévoit que l’avis du régulateur ne sera plus conforme concernant la tarification. Or, comme le déclarait ici même Pierre Cardo, lors de son audition en juillet 2013, « si l’on demande son avis à l’ARAF sur de très nombreux sujets, mais qu’on lui ôte tout pouvoir sur la tarification, son rôle relèvera davantage de la prestation de service que d’un véritable pouvoir ».

Ma seconde remarque touche à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Le texte prévoit de stabiliser l’évolution de la dette par un pacte national visant à assurer l’avenir du service public ferroviaire. Pour y parvenir, les projets de développement de l’infrastructure seront désormais financés par l’État et les collectivités locales et, dans ce cadre, vous prévoyez un renforcement des moyens de l’AFITF, mais, étant donné la situation actuelle de celle-ci, on ne peut qu’être dubitatif et trouver votre proposition assez présomptueuse.

Qu’en est-il de la rénovation de notre système ferroviaire – plus qu’urgente ?

Qu’en est-il de l’avenir du fret ferroviaire ?

M. François-Michel Lambert. Il est indéniable que nous devons rapidement reprendre la main, d’un point de vue politique, sur le système ferroviaire. La dérive du fret doit nous mettre en garde contre une dérive du système dans son ensemble. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, les chiffres faramineux de la dette – 44 milliards d’euros –, dette qui s’alimente de 2 à 3 milliards d’euros par an. La pérennité du système risquait donc d’être remise en cause. Nous soutenons le choix du GIU qui remet l’État à sa place en tant qu’État stratège. Mais cela nécessite d’inscrire cette réforme dans une vision encore plus large – celle notamment des politiques de transport, d’aménagement du territoire et de projets d’infrastructure.

Quelle articulation prévoyez-vous entre la réforme ferroviaire et le schéma directeur national de la logistique ? Comment abordons-nous la politique du transport de façon globale – vous savez que l’écotaxe a un lien direct avec le système ferroviaire ? Qu’en est-il des grands projets d’infrastructure, consommateurs de moyens financiers et qui risquent donc, au-delà de la réussite du GIU, de maintenir le système ferroviaire dans les déficits et les difficultés ?

Enfin, le Président de la République a annoncé une probable réforme visant à réduire le nombre de régions et de les doter de plus de pouvoirs. Comment envisagez-vous la réforme du système ferroviaire dans cette perspective ?

M. Olivier Falorni. Bien que Bruxelles prône une séparation entre les gestionnaires de l’infrastructure et les exploitants du réseau, la présente réforme ferroviaire prévoit la mise en place d’un système intégré. Il sera donc créé un GIU regroupant SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure – à savoir l’actuel RFF – et SNCF Mobilités, qui exploitera les trains. L’établissement mère sera dirigé par un directoire composé des présidents de SNCF Réseau et SNCF Mobilités, nommés par l’État.

D’autre part, alors que le Parlement européen propose une ouverture complète des marchés intérieurs du transport de passagers en 2023, et non pas en 2019 comme initialement prévu, le texte du quatrième paquet de libéralisation du secteur est plutôt attendu pour 2015, soit après le vote de la réforme ferroviaire et sa mise en place le 1er janvier 2015.

Sur ces deux premiers points, ne craignez-vous pas qu’un tel calendrier ne pose des problèmes sur les questions de gouvernance et qu’un tel système ne crée des distorsions de concurrence entre la SNCF et les nouveaux entrants ?

La réforme doit désendetter le système ferroviaire. Pour stabiliser la dette qui s’élève à 40 milliards d’euros, le texte propose le fonctionnement en structure commune permettant ainsi des synergies et une mutualisation des coûts. L’investissement conjoint de la SNCF et de RFF annoncé en octobre dernier pour renforcer la sécurité du réseau, à hauteur de 410 millions d’euros pour la période 2014-2017, devra participer à cette réussite.

C’est le vœu que je formule pour ne plus connaître le scénario que les Rochelais, par exemple, vivent depuis des années. Le pont-route qui enjambe les voies au-dessus de la gare et qui relie le quartier de Tasdon au centre-ville tombe en ruines et constitue un danger pour ceux qui l’empruntent. La SNCF a réalisé des travaux de conservation pour le compte de RFF qui reporte cette responsabilité sur la ville de La Rochelle. L’attentisme n’a que trop duré : il faut agir sans tarder. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir arbitrer la partie de poker menteur qui se joue entre RFF et la ville de La Rochelle.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre, vous plaidez pour qu’il n’y ait pas qu’un seul modèle européen de transports. J’espère que vous serez entendu. Avant la mise en place du quatrième paquet ferroviaire, je souhaite savoir si les trois paquets précédents seront évalués. L’expérience des grandes entreprises françaises qui ont subi la libéralisation imposée par Bruxelles, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des télécommunications, n’a pas conduit au succès annoncé et les consommateurs n’y ont rien gagné.

Les députés du groupe RRDP soutiennent votre démarche de clarification et de mutualisation. Toutefois, certains représentants syndicaux des cheminots rencontrés ce matin m’ont fait part de leurs inquiétudes, non seulement vis-à-vis du quatrième paquet ferroviaire, mais vis-à-vis des trois EPIC que vous entendez créer. Je souhaite que vous répondiez à ces inquiétudes de manière très claire.

Par exemple, comment concevoir qu’un conducteur de locomotive de fret ne puisse en aucun cas conduire la locomotive d’un train de voyageurs ? Comment peut-on accepter que la locomotive d’un train de voyageurs ne puisse pas être utilisée pour un train de fret ? Il en va pourtant de l’amélioration du service public.

J’espère que les petites lignes ferroviaires ne seront pas les grandes perdantes, et que l’on n’envisage pas d’en fermer, comme celle de Reims-Meaux.

Enfin, en ce qui concerne les lignes régionales, comment les échanges vont-ils s’articuler entre les différents partenaires – région, SNCF et GIU ?

M. Philippe Duron. La réforme ferroviaire était nécessaire, attendue et devrait nous rassembler très largement sur nombre d’aspects : unification sous une même autorité – le GIU – des personnels qui contribuent à la maintenance de l’infrastructure ; retour de l’État stratège au sein de l’EPIC de tête afin que le pilotage soit plus affirmé…

Si le débat subsiste sur le rattachement de certaines facilités essentielles à SNCF Mobilités, comme les gares, mais, tant que l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs n’est pas une réalité, il n’y a pas urgence à filialiser ces gares.

Vous avez également évoqué des règles destinées à gérer la trajectoire financière du GIU de façon plus vertueuse, qu’il s’agisse du contrat de performance ou de l’impossibilité faite à SNCF Réseau de financer des projets qui aggraveraient son endettement.

Tout cela est plutôt convaincant et donnera satisfaction à un grand nombre de défenseurs du système ferroviaire.

Quelle est l’eurocompatibilité du reversement des dividendes du transporteur au GIU ? La directive 2012/34 de l’Union européenne s’y opposerait. Avez-vous obtenu des assurances de la part Bruxelles au sujet de cette éventuelle compatibilité ?

J’ai été président de région pendant quelques années et j’avais été surpris que le matériel acheté par la région devienne la propriété de la SNCF. Le texte ne pourrait-il prévoir que les régions deviennent propriétaires de leurs matériels et, éventuellement, des gares qui relèvent de leur compétence ?

Enfin, il faudrait garantir la transparence des comptes de SNCF Mobilités, de manière que les conventions entre la SNCF et les régions soient sensiblement moins léonines.

M. Laurent Furst. Rien n’est plus difficile, en France, que de mener à bien une réforme du système ferroviaire. Celle que vous entreprenez, et dont l’architecture présente certains avantages, vise à le sauver d’un point de vue financier tout en améliorant son fonctionnement. Il fallait un certain talent, monsieur le ministre, pour en caler la discussion juste après les élections municipales et européennes… (Murmures sur divers bancs)

Il n’a pas encore été question de productivité. Certes, on compte réaliser des économies par une amélioration de l’organisation, mais, si le système ferroviaire français est aujourd’hui endetté, s’il coûte cher à la nation et aux régions, c’est parce qu’il a globalement un problème de productivité. Il suffit de le comparer aux systèmes ferroviaires allemand, suédois, néerlandais ou japonais. Mais le sujet est socialement explosif, et on préfère l’éviter. Certes, on donne des gages, comme le code social commun, mais n’est-ce pas un prétexte pour ne pas aborder la question de la productivité ?

Je ne conteste pas le cadre de la réforme, mais j’ai le sentiment qu’on fait en sorte de ne pas aller au bout des choses, qu’on n’a pas l’intention de regagner des marges de productivité pour financer plus d’investissements et améliorer le service rendu.

Mme Martine Lignières-Cassou. Pourriez-vous préciser les rôles respectifs de l’ARAF et du Haut comité, et leur articulation avec la SNCF « mère » et ses deux « filles » ? Où en sont les négociations avec les partenaires sociaux, notamment sur le « décret-socle » ? Enfin, l’article 16 du projet de loi prévoit de transférer à SNCF Réseau des voies ou des quais du domaine public actuellement réservés à la défense. Le déclassement d’une partie de ces installations vous semble-t-il possible ?

M. Yves Albarello. Avec ce projet de loi, qui réforme avant tout la gouvernance, le Gouvernement a engagé une course de vitesse avec la Commission européenne. Le texte fait cependant l’impasse sur des exigences telles que l’aménagement du territoire, la protection de la biodiversité, la réduction de la consommation énergétique, la politique industrielle ou la réduction des dettes de RFF et de la SNCF, qui atteignent respectivement 32 milliards et 8 milliards d’euros, soit 40 milliards au total, sans parler de l’absence de financements nouveaux, qui compromet la rénovation de notre réseau ferroviaire. Pourquoi, au surplus, le système fonctionnerait-il avec trois EPIC, alors qu’il ne fonctionnait pas avec deux ? Enfin, comment envisagez-vous l’harmonisation des statuts sociaux en vigueur au sein de la SNCF et de RFF ? Le renchérissement prévisible des coûts posera assurément des problèmes de gestion.

Mme Françoise Dubois. Élue du Mans, ville de premier plan pour le ferroviaire, je m’interroge également sur les points d’accord ou de désaccord entre votre ministère et les syndicats.

J’appelle par ailleurs votre attention sur la situation préoccupante des ateliers de la SNCF au Mans, pôle d’excellence historique. Une centaine de salariés s’inquiètent au sujet de leur avenir proche.

Enfin, l’élaboration stratégique des contrats de plan arrivant à son terme, je veux redire mon engagement et celui de M. Pueyo, député-maire d’Alençon, sur le projet d’électrification de la ligne Caen-Tours, qui traverse trois régions. Nous espérons vivement un engagement financier conséquent de l’État, dans le cadre des prochains contrats de projets État région (CPER), qu’il signera avec la Basse-Normandie et les Pays de la Loire.

M. Guillaume Chevrollier. Vous avez évoqué la réforme des structures, épine dorsale du projet de loi, mais l’on peut aussi s’interroger sur ce que le consommateur peut en attendre, s’agissant de la compétitivité des tarifs, de la densité du réseau ou de la ponctualité des correspondances. Le cas du Royaume-Uni peut inspirer de légitimes inquiétudes, puisque le prix au kilomètre, dans le secteur ferroviaire, y est le plus élevé d’Europe. À ce sujet, une disposition du projet de loi réduit sensiblement les prérogatives de l’ARAF, en substituant un avis simple à un avis conforme en matière de tarification : pouvez-vous rassurer les consommateurs sur ce point ?

M. Gilles Savary, rapporteur. L’architecture globale de la réforme, qui a le mérite d’être eurocompatible, me semble habile. Quelques questions collatérales restent néanmoins posées, à commencer par celle de la cohérence entre la régionalisation ferroviaire et la nouvelle étape de la décentralisation. Quelles avancées peut-on en attendre en matière de mobilité au niveau régional ?

Depuis vingt ans, le plus inconstant des trois opérateurs – RFF, la SNCF et l’État – a souvent été l’État : il faut désormais une stratégie ferroviaire et des financements plus stables. Quels seront, à cet égard, les leviers et les courroies de transmission de l’État stratège ?

M. Jean-Pierre Vigier. Dans un contexte économique difficile, certains projets touchant aux infrastructures ont été drastiquement revus à la baisse. Quelles sont les mesures envisagées pour aider au désenclavement des régions de moyenne montagne ? On peut par exemple penser au Cévenol, dans l’ouest de la Haute-Loire. La réforme ferroviaire ne risque-t-elle pas d’aggraver les inégalités territoriales, en ciblant les efforts de modernisation et les engagements financiers sur les grandes lignes existantes, déjà mieux pourvues ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Philippe Duron vous a interrogé, monsieur le ministre, sur le financement par les régions de matériels qui appartiennent à la SNCF ; pour ma part, j’aimerais savoir si ces dernières disposeront d’une marge de liberté pour la fixation des tarifs, dont je rappelle qu’ils couvrent de 25 à 30 % du coût des transports. Enfin, quelle sera la place réservée aux associations d’usagers dans la future gouvernance ? Aujourd’hui représentées au sein du conseil d’administration de la SNCF, elles s’interrogent sur les silences du projet de loi en ce domaine.

M. le ministre délégué. Le projet de loi dont nous parlons pourra bien entendu être enrichi par le débat parlementaire ; il nous donne en tout cas l’occasion de relever ce défi qu’est l’amélioration de notre système ferroviaire, véritable patrimoine de la nation. Les enjeux d’aménagement du territoire, de même que les réalités économiques et budgétaires, doivent donc être au cœur de notre réflexion. Contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse spécialisée, il ne s’agit pas d’une simple réforme de la SNCF qui viserait à réunir Jacques Rapoport et Guillaume Pepy au sein d’un même directoire : nul n’est besoin de mobiliser le Parlement pour inciter les uns et les autres à s’entendre mieux, ce qui est au demeurant le cas.

M. Rémi Pauvros m’a interrogé sur les économies d’échelle. Avant toute chose, il s’agit de stabiliser la dette à un horizon de dix ans, ce qui suppose d’abord la responsabilisation des acteurs. Le plan Excellence 2020 de la SNCF doit encore être amélioré, mais, à la faveur d’une meilleure organisation, d’une politique d’achat plus rigoureuse et de l’allégement de fonctions support, il générera, pour SNCF Mobilités, une économie de l’ordre de 1 milliard d’euros. Quant à SNCF Réseau, la simplification du dispositif, à travers le regroupement des opérateurs de l’infrastructure et les synergies ainsi dégagées, devrait représenter pour elle une économie de 900 millions d’euros, dont 500 proviendront de l’État via le reversement de dividendes : celui-ci est eurocompatible s’il a lieu du transporteur vers le gestionnaire d’infrastructure, mais ne l’est pas dans le sens inverse – de ce point de vue, l’Allemagne est dans la ligne de mire de la Commission européenne. J’ajoute que nous n’avons pas attendu l’adoption du quatrième paquet ferroviaire pour discuter avec la Commission et défendre nos positions, que soutiennent désormais plusieurs pays ; au reste, ce projet européen, tel qu’il se présente aujourd’hui, n’a plus grand-chose à voir avec les préconisations initiales du commissaire aux transports, M. Siim Kallas.

Les déficits devront également être contenus. Avec un déficit annuel global compris entre 2,4 et 2,8 milliards d’euros, l’objectif de stabilisation nécessite de nouvelles expertises ; en tout état de cause, nous assumerons nos priorités, car il y va de la sauvegarde du système ferroviaire.

L’impartialité du GIU sera garantie par l’indépendance de son président – nommé par l’État après avis conforme de l’ARAF – vis-à-vis de celui de la SNCF. Le Gouvernement souhaite également qu’un comité des usagers puisse dialoguer avec SNCF Réseau, en particulier sur la charte de réseau : le débat parlementaire permettra sans doute des avancées sur ce point.

Le rôle du Haut comité du ferroviaire est de définir une stratégie globale ; toutes les parties prenantes s’y trouvent réunies : les quelque vingt entreprises du secteur du fret, entre autres, mais aussi les régions, également représentées au sein de l’EPIC de tête – qui aura à définir la stratégie ferroviaire du groupe – et de SNCF Réseau. Elles ne peuvent l’être au sein de SNCF Mobilités, puisqu’elles seront amenées à contractualiser avec elle, voire, à l’avenir, à la mettre en concurrence avec d’autres transporteurs.

L’EPIC de tête pourra recruter des salariés sous statut comme des salariés dont les contrats relèvent de conventions collectives, et les institutions représentatives du personnel seront unifiées au niveau du groupe. Tous les travailleurs de la branche ferroviaire bénéficieront donc d’un cadre commun. D’autre part, outre les missions conduites par Jean-Louis Bianco et Jacques Auxiette, divers travaux préparatoires ont été engagés. Le ministre du travail et moi-même avons ainsi nommé M. Jean Bessière à la tête de la commission mixte paritaire de négociation, et le Gouvernement s’entretient régulièrement du « décret-socle » avec les organisations syndicales et patronales.

Avec un EPIC de tête dont dépendront deux autres EPIC, monsieur Martial Saddier, le paysage sera évidemment simplifié, et le système plus intégré que celui qui aurait fait coexister trois EPIC de même niveau, comme certains le préconisaient lors des Assises du ferroviaire. En cas de désaccord entre ces différentes entités, le président du conseil de surveillance du groupe tranchera.

En soumettant la question des redevances à un avis simple et non plus conforme de l’ARAF, le Gouvernement n’entend pas affaiblir le rôle de cette autorité : libre aux parlementaires, d’ailleurs, de décider que cet avis doit être conforme ; le Gouvernement ne s’opposerait pas à un amendement en ce sens.

M. Martial Saddier. C’est un appel ? Même si c’est un amendement venant de chez nous ? (Sourires)

M. Yannick Favennec. Le groupe UDI ne manquera pas de déposer le même amendement ! (Sourires)

M. le ministre délégué. Le Gouvernement attend beaucoup du débat parlementaire. (Rires)

M. Yannick Favennec et M. François –Michel Lambert ont évoqué l’AFITF et les questions de financement, ce qui me donne l’occasion de rappeler la nécessité de l’écotaxe, et le rôle essentiel de votre mission d’information sur le sujet. L’équation, au demeurant, n’est pas seulement budgétaire : elle intègre une réflexion sur la fiscalité environnementale et son rôle pour le développement économique et l’aménagement du territoire. Demain, je présiderai la deuxième réunion de la conférence pour le fret ferroviaire. Deux nouvelles autoroutes ferroviaires seront créées : il faut les financer. L’ensemble des acteurs se mobilisent, qu’il s’agisse des chambres de commerce et d’industrie (CCI), de CCI France, des usagers – notamment industriels –, des entreprises ferroviaires, qui s’étaient parfois détournées des vrais enjeux du fret, ou de la commission Mobilité 21, dont les conclusions en faveur du désenclavement portuaire rejoignent la volonté du Gouvernement. À La Rochelle, monsieur Falorni, les résultats sont très significatifs, puisque l’opérateur de proximité a augmenté le trafic du fret ferroviaire de 50 %.

L’enjeu, de ce point de vue, est aussi la cohérence des politiques publiques : la question de la présence d’opérateurs ferroviaires de proximité se pose évidemment dans le cadre d’une relance de l’activité portuaire. La loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport prévoit d’ailleurs, grâce à un amendement de M. Savary, la nécessité de mettre en place un schéma directeur national logistique.

Les cinq groupes de travail qui composent la conférence périodique pour le fret ferroviaire avancent de façon constructive, mus par la perspective de relancer le secteur, moins à travers des objectifs chiffrés que par la levée des obstacles qui peuvent s’y opposer.

Au-delà de l’AFITF, monsieur Lambert, se pose la question des contributions respectives de chacun. Si l’ARAF doit veiller à la stratégie financière et à l’équilibre économique des investissements, aux termes de l’article 4 du projet de loi, SNCF Réseau n’apportera son concours que si le gain économique, donc l’équilibre budgétaire, est avéré. On ne peut vouloir résorber la dette et financer l’entretien de tous les réseaux en même temps, sans parler de la construction de nouvelles LGV : le déni qui dure depuis plusieurs décennies doit cesser. Il nous faut aussi réfléchir à la façon de mieux associer les régions au financement – nous pourrons le faire dans le cadre de la réforme de la décentralisation –, puisque, en dix ans, leurs investissements dans le domaine du ferroviaire ont augmenté de 50 %, ce qui a permis d’accroître l’offre de 25 %, au plus grand bénéfice des usagers. Quoi qu’il en soit, on ne peut éternellement financer de grands projets à crédit.

Dans l’état des lieux que je lui avais commandé, l’École de Lausanne, en octobre 2012, avait appelé à des mesures d’urgence au vu de la dégradation du réseau structurant ; c’est précisément l’objet du grand plan de modernisation du réseau confié à RFF, dont les 2,5 milliards d’euros s’ajoutent aux 3,2 milliards dévolus à la modernisation de l’ensemble des infrastructures. Bref, j’assume pleinement cette opération-vérité : nous la devons à nos concitoyens comme aux collectivités.

M. Olivier Falorni, le Gouvernement sera attentif à ce que vous avez signalé au sujet de La Rochelle,.

Comme l’a rappelé M. Gilles Savary, l’eurocompatibilité du texte ne soulève aucune difficulté : le Conseil d’État l’a d’ailleurs lui-même confirmé. Au reste, c’est un mal français de considérer qu’il faudrait s’adapter, par anticipation, à des règles qui n’existent pas encore : il s’agit plutôt de faire triompher notre vision des choses, en poursuivant le dialogue. Ce projet de loi, en tout cas, donne tort à ceux qui m’incitaient à reculer au nom du droit européen.

J’ai répondu aux questions de M. Philippe Duron sur l’eurocompatibilité du reversement de dividendes. J’avais par ailleurs demandé à la SNCF de clarifier ses relations avec les régions, suite à ma rencontre avec leurs présidents. Il me semble que des progrès ont été accomplis ; la loi y a contribué à travers la création des comptes de ligne, et la SNCF elle-même a missionné l’un de ses cadres pour améliorer le dialogue avec les régions. La voie du dialogue me semble toujours préférable au rapport de force, pour peu, bien entendu, que chacun y soit disposé.

Je remercie M. Laurent Furst de nous donner acte du bien-fondé de la future gouvernance ; quant à l’endettement, je veux rappeler, sans esprit polémique, qu’il doit beaucoup à la création simultanée de quatre LGV, à une époque où il n’était financièrement soutenable – et encore – que de s’en tenir à une nouvelle ligne tous les six ans. Le réseau classique a évidemment pâti de ce choix politique, si bien que nous devons aujourd’hui faire face à une dégradation, source d’inégalités territoriales, le prix à payer étant d’autant plus élevé que les retards se sont accumulés.

S’agissant d’un service public, je préfère parler d’« usagers » plutôt que de « consommateurs ». L’esprit du projet de loi, d’autre part, est de renforcer les prérogatives de l’ARAF ; si les parlementaires estiment utile de l’amender sur ce point, libre à eux de le faire.

Je me suis exprimé, monsieur Yves Albarello, sur les EPIC et sur le désendettement.

Je vérifierai si le déclassement d’un domaine réservé est soumis à des règles particulières, madame Martine Lignières-Cassou. Je ne reviens pas sur les négociations avec les organisations syndicales. Enfin, je demanderai à mon cabinet de mieux éclairer les parlementaires sur les compétences de chacun au sein de la future gouvernance. Mon souhait est d’éviter la multiplication des structures, mais leur rôle respectif doit être bien défini, au vu du grand nombre d’intervenants.

Mme Martine Lignières-Cassou. À qui, et comment, le Haut comité fera-t-il part de sa vision stratégique ?

M. le ministre délégué. Le Haut comité associera toutes les parties prenantes ; par son intermédiaire, les parlementaires seront informés des orientations stratégiques de l’État. Il s’apparente un peu à un Conseil économique, social et environnemental du ferroviaire, et sera présidé par le ministre chargé des transports. L’ARAF, elle, est une autorité indépendante.

Dans mon propos liminaire, monsieur Gilles Savary, j’ai insisté sur le rôle de l’État stratège, qui intervient à tous les niveaux. Le Parlement ne doit évidemment pas être écarté, comme il a pu l’être, du débat stratégique sur le ferroviaire.

M. Martial Saddier. II y a en effet un besoin de clarification de l’État stratège.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous le pensons tous !

M. le ministre délégué. Les compétences régionales, je le répète, devront être précisées et clarifiées dans le cadre de la réforme de la décentralisation.

Je ne suis pas sûr, monsieur Jean-Pierre Vigier, qu’il faille aborder le problème du désenclavement sous l’angle des spécificités géographiques. La question, au demeurant, n’est pas de sacrifier telle ou telle ligne, mais de savoir comment maintenir un niveau élevé de qualité et de sécurité sur l’ensemble du réseau, y compris et d’abord sur le réseau structurant, dont certaines lignes paraissent dans un état préoccupant. Les collectivités peuvent bien entendu participer au financement de lignes qui répondent à des besoins locaux, mais l’État assumera ses responsabilités pour la remise à niveau du réseau structurant. J’ajoute qu’aucune fermeture de petite ligne n’est envisagée, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là – au reste, ce sujet relève de la contractualisation.

Je pense avoir répondu par écrit sur les ateliers SNCF du Mans, madame Françoise Dubois ; mon cabinet vous donnera d’autres précisions dans les plus brefs délais. Pour ce qui concerne l’électrification de la ligne Caen-Tours, la négociation du CPER est en cours.

Tous les partenaires sociaux souhaitent la réforme dont nous parlons. Chacun défend bien entendu son approche, mais la portée du projet de loi se précise à mesure que nous la clarifions. Le ferroviaire est amené à évoluer, notamment avec l’ouverture, certes encore lointaine, à la concurrence, dont les modalités restent à discuter avec l’Union européenne, qu’il s’agisse du maintien des attributions directes de contrats, des obligations de service public ou de la vision globale du réseau. Il ne faudrait pas, je le répète, privatiser les bénéfices et socialiser les pertes.

Aujourd’hui, les partenaires sociaux craignent avant tout une libéralisation non préparée, sans vision, à l’instar de celle du fret, qui s’est soldée par un échec pour l’opérateur historique comme pour ses concurrents. Ils nourrissent également quelques inquiétudes sur le caractère intégré de la future gouvernance – d’où l’utilité des clarifications, y compris à travers cette audition – et sur l’harmonisation du cadre social ; à ce sujet, nous devons identifier ce qui relève du domaine réglementaire, de la voie conventionnelle et de la discussion au sein des entreprises.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, je vous remercie pour les réponses que vous avez apportées.

—fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 11 février 2014 à 18 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Noguès, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Laurence Abeille, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Christian Jacob, M. Arnaud Leroy, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - M. Gilles Savary