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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 2 juillet 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 92

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président
puis de
M. Dominique Baert,
Vice-président
puis de
M. Dominique Lefebvre,
Vice-président

–  Examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 (n° 1984) (Mme Valérie Rabault, rapporteure générale)

–  Examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (n° 1940) (M. Christophe Castaner, rapporteur) 9

–  Informations relatives à la commission

–  Présences en réunion

La Commission procède d’abord à l’examen, après engagement de la procédure accélérée, sur le rapport de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 (n° 1984).

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La loi organique relative aux lois de finances – LOLF – a permis d’améliorer la procédure budgétaire en amont, mais aussi, avec l’inclusion dans la loi de règlement du budget de l’approbation des comptes, en aval. Pour préparer l’examen de ce texte, nous avons auditionné M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, le 28 mai dernier, sur la certification des comptes de l’État, après l’avoir entendu le même jour, cette fois en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, sur le solde structurel des administrations publiques. Ces auditions ont été suivies de celle du secrétaire d’État au budget le 3 juin ; se sont ajoutées à cela différentes études de l’Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – publiées au cours des quinze derniers jours, notamment le « portrait social » de la France en 2013, qui nous a fourni des éclairages sur la situation des entreprises et des ménages.

Aucun amendement n’a été déposé sur les neuf articles de ce projet de loi, incluant son article liminaire. J’organiserai mon propos en trois temps : j’évoquerai d’abord l’état de nos finances publiques à la fin de 2013, puis l’écart entre l’exécution budgétaire et les lois de finances initiale et rectificative avant d’en venir aux problèmes de pilotage budgétaire qui concernent aussi bien les dépenses et les recettes que le solde. Je reviendrai également sur la question du solde structurel, dont nous avons débattu à l’occasion du dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014 – PLFR.

Le point essentiel qui se dégage du présent texte est le constat d’une maîtrise des dépenses publiques : après des années de hausse continue toutes majorités confondues, les efforts engagés ont permis de limiter leur augmentation à 2 % en valeur et à 1,3 % en volume, contre respectivement 2,7 % et 0,9 % prévus en loi de programmation.

Cette augmentation en valeur ayant toutefois été légèrement supérieure à celle du PIB (1,1% en valeur), comme l’a rappelé la Cour des comptes, la dépense s’est établie en 2013 à 57,4 % du PIB, contre 56,9 % en 2012. Cette évolution tient principalement à la hausse de la dépense « locale » et à l’absence de ralentissement de la dépense sociale, même s’il faut souligner une sous-exécution de 1,4 milliard d’euros des dépenses sous objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM.

Pour la première fois, les dépenses du budget général ont reflué en exécution – autrement dit en euros « sonnants et trébuchants » – de 890 millions d’euros entre 2012 et 2013, et ce malgré d’importantes dépenses exceptionnelles en faveur de l’Union européenne, qui ont atteint 8,14 milliards. Ce résultat s’explique par la mise en réserve de 6,5 milliards d’euros en début d’année complétée par un surgel de 2 milliards d’euros décidé en mars 2013, cependant que la diminution de la charge de la dette a permis une économie de 2 milliards d’euros par rapport à la prévision et 1,41 milliard d’euros par rapport à l’exécution 2012. La dépense publique a donc été contrôlée l’an dernier, ce projet de loi en atteste. Quant à la baisse tendancielle – que je mentionnerai malgré les réserves du président Carrez –, elle se serait établie selon la Cour des comptes à 3 milliards d’euros, ce chiffrage étant toutefois contesté par le Gouvernement.

J’en viens aux recettes. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 45,1 % à 46,2 % du PIB, le rendement net des mesures nouvelles – atteignant 29,4 milliards d’euros. Fruit des mesures correctives adoptées en loi de finances rectificative de juillet 2012 et en loi de finances initiale pour 2013, ce montant se répartit à parts à peu près égales entre les ménages et les entreprises. Par exemple, 4 milliards d’euros proviennent du plafonnement de la déductibilité des charges d’intérêts, mesure dont je rappelle qu’elle portait sur deux exercices budgétaires, de sorte que la pondération devrait être plus favorable aux entreprises en 2014, année où le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – produira de surcroît ses effets.

Les recettes de l’État ont atteint 301,2 milliards d’euros : 284 milliards de recettes fiscales nettes, 13,7 milliards de recettes non fiscales et 3,5 milliards de fonds de concours. Sur le sujet, cependant, nous souhaitons des évaluations plus fines, en particulier sur la contribution des ménages, mais je ne désespère pas d’obtenir d’ici à la fin du mois la simulation réalisée par Bercy à partir des déclarations de revenus pour 2013 de 500 000 d’entre eux.

Les efforts consentis tant en dépenses qu’en recettes se sont bien évidemment traduits par une amélioration du solde budgétaire, le déficit passant de 4,8 % du PIB en 2012 à 4,3 % en 2013, pour s’établir à 87,6 milliards d’euros. Lors de l’audition du président du Haut Conseil des finances publiques, nous avons débattu sur les parts respectives du déficit structurel et du déficit conjoncturel. Les 29,4 milliards d’euros de recettes nouvelles, par exemple, relèvent du structurel et la diminution de certaines recettes du conjoncturel, mais nous pourrons bien entendu y revenir.

Du fait de la non-stabilisation du solde, la dette a continué d’augmenter, de 84,3 milliards d’euros, pour atteindre 1 939 milliards, contre 1 900 milliards prévus en loi de finances initiale.

La croissance, moins soutenue que prévu en loi de finances initiale, a affecté l’évolution spontanée des recettes fiscales, pour les ménages comme pour les entreprises : c’est ce qui explique presque exclusivement l’écart entre la prévision – 298,6 milliards d’euros – et l’exécution – 284 milliards d’euros. Pour ce qui est des recettes non fiscales, je me bornerai à mentionner la baisse du prélèvement sur les fonds de la Caisse des dépôts et consignations,

Les dépenses nettes de l’État ont atteint 301,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 298,65 milliards d’euros en crédits de paiement, comme en 2012, les normes de dépenses ont été respectées. L’exécution n’a en effet été que légèrement inférieure au plafond fixé par les règles « zéro valeur » et « zéro volume », respectivement de 140 millions et de 3,5 milliards d’euros.

Cette bonne maîtrise de la dépense résulte d’une régulation très active au cours de l’année même : application d’une réserve de précaution, gels et annulations de crédits pour un montant de 4,39 milliards d’euros, dont 3,15 milliards relevant de la réserve de précaution. Ce sont donc bien les moindres recettes qui expliquent le décalage entre la loi de finances initiale et l’exécution, et le déficit de 4,3 %.

Les outils dont nous disposons pour le pilotage des recettes et des dépenses sont-ils suffisants ou doivent-ils être améliorés à l’occasion des prochaines lois de finances ? En ce qui concerne d’abord les recettes, pour lesquelles on constate l’écart le plus important par rapport à 2012, puisqu’il a atteint quelque 14,6 milliards d’euros – notamment grâce aux mesures nouvelles qui ont globalement, je le répète, procuré 29,4 milliards –, nous allons tenter d’obtenir de la direction générale du Trésor – dont nous avons auditionné la directrice générale adjointe, Mme Sandrine Duchêne – des éléments sur l’élasticité fiscale, car ils ne nous sont pas toujours communiqués. Nous avions aussi sollicité, il y a un an, des informations sur la sensibilité des différentes recettes fiscales au niveau de croissance, car c’est sans doute sur ce point que notre commission est la moins bien armée.

En ce qui concerne les dépenses, l’État a tenté, l’an dernier, de freiner l’augmentation des dépenses fiscales avec l’objectif de les stabiliser à 70,8 milliards d’euros ; elles ont finalement atteint 72 milliards. La Cour des comptes avait alerté sur ce point, d’autant que les crédits d’impôt, je le rappelle, seront inclus dans les dépenses publiques enregistrées en comptabilité nationale à partir de septembre 2014. Cette question, que nous avions soulevée l’an dernier à propos du CICE, se posera à nouveau dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.

Pour ce qui est des dépenses budgétaires, la gestion s’est avérée sérieuse et précise : elles ont fait l’objet de points d’étape et, au besoin, de gels. Les normes de dépenses pourraient utilement être consolidées par un élargissement à certains comptes d’affectation spéciale et à certaines taxes affectées, conformément aux recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de juillet 2013.

Quelques questions restent posées, comme celle des « OPEX », les opérations militaires extérieures, mais les sommes en jeu – de 500 à 600 millions d’euros – restent limitées. Un effort de lisibilité s’impose enfin sur les restes à payer, dont le volume annuel demeure important, ainsi que sur les reports d’autorisations d’engagement, en croissance en fin d’année 2013 par rapport à 2012.

En conclusion, je vous propose d’adopter ce projet de loi de règlement, qui pour l’essentiel n’est autre chose que le constat d’un résultat comptable. Le bureau de notre Commission a par ailleurs souhaité, je le rappelle, accompagner son examen d’auditions ciblées sur certaines dépenses : cela nous a permis d’entendre, le 11 juin dernier, le directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages sur l’exécution des crédits consacrés aux aides au logement ; et le 9 juillet prochain, nous auditionnerons le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le contrôleur général des armées, sur l’exécution des crédits de la défense.

M. le président Gilles Carrez. Merci pour cet exposé très complet. Nous le répétons chaque année, notre Commission devrait consacrer plus de temps à l’analyse de l’exécution budgétaire, car c’est elle, sans doute, qui est la plus riche d’enseignements ; or, le calendrier, qui nous conduira à enchaîner mercredi prochain, en séance, l’examen de ce texte et le débat d’orientation sur les finances publiques, se prête mal à l’exercice, en dépit des quelques auditions que vous avez rappelées.

Sur le pilotage, nous avons fixé des règles telles que le « zéro volume » et le « zéro valeur ». Il se trouve que l’on constate une diminution de la charge de la dette, de 2 milliards d’euros au total, avez-vous dit, soit environ 1,5 milliard pour l’État ; or, les dépenses de l’État n’ont diminué d’une année sur l’autre, en exécution, que de 890 millions. Autrement dit, une partie des économies réalisées sur la charge de la dette ont été redéployées pour financer certaines dépenses ! De même, le projet de loi de finances rectificative pour 2014, adopté hier par notre assemblée, a revu la prévision de recettes à la baisse, de 5 milliards d’euros, en prévoyant une compensation qui tiendra pour 1,6 milliard à des annulations de crédits et pour 1,8 milliard aux économies attendues de cette décrue de la charge financière. Cette facilité qui consiste à financer des dépenses par des économies de constat ne nous procure-t-elle pas une aisance purement artificielle ? Ne faut-il pas durcir la règle de pilotage en ce domaine ?

La plus grande vigilance s’impose aussi sur les restes à payer, notamment pour le budget militaire, car il faudra bien honorer les engagements pris dans le cadre des contrats. Or, cette ligne budgétaire augmente, sur le budget de l’État – puisque c’est surtout lui qui est concerné –, pour atteindre, de mémoire, entre 80 et 100 milliards d’euros.

S’agissant des recettes, vous imputez à une croissance plus faible que prévu l’essentiel de la moins-value de 14,6 milliards d’euros ; mais ne surestime-t-on pas le rendement des mesures nouvelles ? Je pense, d’une part, au plafonnement de la déductibilité des charges financières – qui de surcroît portait l’an passé sur deux exercices, comme vous l’avez rappelé –, et, de l’autre, à la révision de l’assiette fiscale relative aux plus-values réalisées sur les titres de participation, dont on attendait 2 milliards d’euros. Est-il possible d’isoler l’impact des mesures nouvelles dans les écarts constatés par rapport à la prévision ? N’y a-t-il pas matière également à pousser plus loin l’analyse des éventuels changements de comportement des agents économiques ? J’attends toutefois beaucoup, à ce sujet, de ce que nous tirerons de la base de données du ministère des Finances sur l’échantillon de 500 000 ménages.

Enfin, en dépit des efforts consentis depuis plusieurs années sur les dépenses fiscales – transformation en réductions d’impôt, notamment d’impôt sur le revenu, ou plafonnement analytique et global –, l’économie ne dépasse pas 500 millions d’euros en exécution. Nous devons absolument nous pencher sur ce problème dans les mois qui viennent, d’autant que le reclassement des crédits d’impôts en dépenses publiques et en moindres recettes, madame Berger, ne changera rien puisque nous sommes là dans l’évaluatif.

M. Olivier Carré. Cela mériterait sans doute la constitution d’un groupe de travail.

Mme Karine Berger. En effet.

M. le président Gilles Carrez. J’en suis d’accord.

Mme Karine Berger. Je vous remercie, madame la rapporteure générale, pour cet exposé très clair et fortement étayé.

Je commence à en avoir assez de voir l’évaluation du solde structurel varier selon qu’elle émane d’Eurostat ou de la direction générale du Trésor. Qui en est juge en définitive ? Ces écarts sont d’autant plus étonnants qu’il ne s’agit pas d’une prévision de déficit, mais d’un déficit constaté. Alors que cette évaluation est susceptible de fonder le déclenchement d’une procédure contre notre pays, il faudrait au moins faire toute la transparence sur les éléments dont elle tient compte. Le chiffre qui nous est soumis est-il bien celui qui fera référence pour la Commission européenne, sachant que nous ne pouvons nous permettre d’en approuver un autre ? Le calcul, m’a-t-on dit, ne peut être effectué par les députés mais, à tout le moins, notre Commission devrait rapidement créer un groupe de travail chargé de réfléchir à ces modalités.

M. Régis Juanico. Je pense comme notre président que nous devrions donner plus d’attention à l’examen du projet de loi de règlement. Alors que ce devrait être un temps fort de la procédure budgétaire, nous ne pourrons y consacrer qu’un court moment mercredi prochain, avant de passer au débat d’orientation des finances publiques !

L’an dernier, nous avions, avec François Cornut-Gentille, recommandé d’expérimenter une formule visant à mieux associer les députés des autres commissions à l’évaluation des politiques publiques. Nous devons continuer à réfléchir aux moyens de mieux utiliser la période d’avril à juin en incitant, notamment, les rapporteurs spéciaux à analyser plus finement l’exécution de la partie du budget dont ils ont la charge. Ainsi, pour ma part, je me suis préoccupé cette année des latitudes dont nous disposons pour financer l’extension programmée du service civique.

M. Olivier Carré. Je voudrais d’abord souligner un point positif : pour la première fois depuis 2011, les dépenses de l’État diminuent en exécution, conformément à l’objectif fixé par le Gouvernement.

Nous devrions pouvoir disposer pour nos débats d’une évaluation de l’impact des mesures nouvelles sur le solde structurel aussi bien que sur le solde conjoncturel. D’ores et déjà, la Cour des comptes distingue entre ce qui est lié à l’exécution et ce qui dépend de l’évolution conjoncturelle. Elle considère ainsi que l’augmentation nette des prélèvements constatée en 2013 résulte de mesures nouvelles, cependant que celles qui visaient à combattre la fraude auraient eu un rendement nul – notation qui n’est pas sans intérêt au moment où on table sur elles pour financer divers dispositifs.

Je m’inquiète de l’augmentation des dépenses exécutées au titre des garanties apportées par la France dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, le MES. Ainsi, de zéro en 2011, les décaissements prévus à ce titre ont été de 198 millions d’euros en 2012 et de 599 millions d’euros en 2013, au titre de l’aide au désendettement de la Grèce. La Cour des comptes évoque une sous-évaluation manifeste des garanties apportées par l’État français. Quel est l’état de la prévision sur des montants d’engagements aussi importants ? Comment pourrait-on améliorer la visibilité sur ce point ?

M. Dominique Lefebvre. Une loi de règlement traduit non seulement nos choix budgétaires, mais aussi les conditions de leur exécution par l’administration compte tenu des variations conjoncturelles. À cet égard, je remercie celles et ceux qui, sur tous les bancs de notre Commission, ont relevé l’effort important de maîtrise des dépenses, même si chacun est bien conscient que cet effort devra être encore amplifié, le rendement d’un alourdissement de la fiscalité devenant incertain – sans parler de son acceptabilité. En tout état de cause, je ne vois dans ce projet de loi de règlement aucune raison pour changer l’orientation de la politique budgétaire, au contraire.

Nous sommes nombreux ici à juger que la prise en compte du solde structurel par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – est une avancée en ce qu’elle permet, à la différence du solde nominal – n’en déplaise au président Carrez –, d’ajuster la politique budgétaire en fonction des évolutions de la conjoncture. Nous devons désormais conforter cette notion par une définition commune au niveau européen, car, si chaque parlement national devait arrêter ce solde comme certains le préconisent, nous aurions de grandes difficultés à en défendre la légitimité comme outil de pilotage de l’économie au sein de l’Union.

Si j’ai bien compris la position de la France, celle-ci considère que la méthode de calcul de la Commission européenne a le défaut d’amplifier les mouvements cycliques, nourrissant le risque d’ajustements budgétaires plus brutaux que nécessaire. La préparation de la prochaine loi de programmation des finances publiques devrait être l’occasion d’avoir ce débat, que nous ne sommes pas en état d’ouvrir dans l’instant. La confusion du débat à propos de l’article liminaire a en effet montré la nécessité d’un effort d’analyse et de pédagogie en la matière. C’est pourquoi j’invite notre Commission à travailler d’ici à l’automne sur le sujet, en sorte que nous le maîtrisions mieux que nous ne le faisons aujourd’hui.

M. Pascal Cherki. Quand je vois que nous passons des heures à disserter sur la notion de solde structurel, je me félicite d’avoir voté contre l’adoption du TSCG ! Ce débat confirme que les règles européennes ne permettent pas aux États de mener des politiques publiques propres à favoriser le retour de la croissance et la restauration de l’emploi.

Mme la rapporteure générale. Pour répondre à l’une de vos questions, monsieur le président, je ne désespère pas de pouvoir intégrer dans un prochain rapport un tableau présentant, pour chacune des mesures votées dans le cadre des lois de finances récentes, leurs effets attendus en 2012 et 2013 et leur impact prévisionnel en 2015, en 2016 et en 2017.

Nous dresserons aussi, à côté du bilan global d’exécution de 2012 à 2013, un tableau de cette exécution faisant abstraction des intérêts de la dette afin d’établir si c’est la baisse de ceux-ci qui a permis une sous-exécution en dépenses – étant rappelé qu’il s’agit en tout état de cause d’un élément important sur le plan économique, en ce qu’il manifeste la confiance des investisseurs dans notre pays.

L’intérêt de calculer le solde structurel est d’obliger à évaluer la croissance potentielle de l’économie nationale. Les chiffres figurant à ce sujet dans le projet de loi de règlement sont ceux de la direction globale du Trésor mais, en dépit de mes demandes, je ne dispose pas de sa note de calcul, non plus que de celle d’Eurostat. À cet égard, la création du groupe de travail que vous proposez serait sans doute pertinente.

Vous avez raison de noter, monsieur Carré, que c’est la première baisse en exécution des dépenses de l’État depuis 2008 et je conviens également avec vous qu’il faudrait pouvoir mesurer l’impact des mesures votées sur les soldes structurel et conjoncturel.

Le montant des dépenses exceptionnelles consenties en faveur du MES et de la BEI
– Banque européenne d’investissement – a été de 8,14 milliards d’euros en 2013, soit sensiblement le même qu’en 2012, année au cours de laquelle l’État a participé à la recapitalisation de Dexia notamment. J’avais demandé lors d’une audition à la Cour des comptes la raison de l’augmentation apparente des dépenses au titre de l’aide au désendettement de la Grèce, mais je n’ai pu obtenir de réponse, apparemment à cause d’un problème de chiffrage. Mon rapport fera un point précis sur cette question.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Article liminaire : Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2013

Mme Karine Berger. Pourquoi cet article n’est-il pas l’article 1er ?

M. le président Gilles Carrez. L’article 1er des lois de finances initiales est traditionnellement celui qui autorise à lever l’impôt. Par ailleurs, sinon surtout, la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a expressément prévu que les données de cadrage fournies en préalable figurent dans un article « liminaire ».

M. Dominique Lefebvre. Du coup, la question se pose, par exemple pour une deuxième délibération, de savoir si cet article liminaire doit ou non être rattaché à la première partie d’une loi de finances. Il conviendra donc de clarifier son statut.

La Commission adopte l’article liminaire sans modification.

Article 1er : Résultats du budget de l’année 2013

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Tableau de financement de l’année 2013

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 : Résultat de l’exercice 2013 – Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 : Budget général – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5 : Budgets annexes – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 : Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés – Affectation des soldes

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 7 : Règlement du compte spécial « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » clos au 1er janvier 2013

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8 : Règlement du compte spécial « Gestion des actifs carbone de l’État » clos au 1er juin 2013

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Pour finir, elle adopte l’ensemble du projet de loi de règlement sans modification.

La Commission passe ensuite à l’examen, sur le rapport de M. Christophe Castaner, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (n° 1940).

M. Christophe Castaner, rapporteur. Ce texte est à la fois très technique et d’intérêt majeur : la menace que les emprunts structurés font aujourd’hui peser sur nos finances publiques porte sur 17 milliards d’euros !

L’emprunt structuré, comme chacun le sait maintenant, est un produit financier qui mêle à un prêt bancaire classique une ou plusieurs opérations sur des produits dérivés, instruments financiers qui servent de référence pour le calcul des intérêts. Ces produits servent notamment à couvrir différents types de risques – risques de marché, de liquidité, de taux... Leurs inventeurs ayant fait preuve d’une imagination fertile, les résultats ont été très divers et les coûts parfois très importants pour les souscripteurs. Ainsi un hôpital, pour financer la restructuration totale de son système de chauffe, a pris comme indice de référence le cours du Brent – en 2008, tout investisseur aurait pourtant dû penser que le Brent risquait d’augmenter.

Les collectivités territoriales, qui les ont souscrits dans les années 2000, ont été les premières victimes de ces emprunts toxiques. Le maire que je suis n’oublie ni ceux qui venaient lui vendre ces produits, ni les sommes que certaines collectivités locales doivent aujourd’hui payer.

Mais un fait nouveau est survenu depuis février 2013 : le risque s’est déplacé avec la multiplication des contentieux et c’est désormais l’État qui, par le biais de la Société de financement local – SFIL – et de Dexia résiduelle, risque de devoir en supporter le coût. Or, nous savons tous ici qu’il n’en a pas les moyens.

Notre Commission connaît bien ces emprunts. Plusieurs d’entre nous ont pris part, il y a trois ans, aux travaux de la commission d’enquête dont le président était Claude Bartolone et le rapporteur Jean-Pierre Gorges. Les conclusions du rapport d’enquête, adopté en décembre 2011 à l’unanimité des trente membres de la commission, étaient sans ambiguïté. Tout d’abord, ces produits sur mesure, conçus au départ pour les besoins spécifiques de quelques grandes collectivités, ont été diffusés à grande échelle auprès d’acteurs publics locaux de toutes tailles et de toutes sortes – communes de moins de 10 000 habitants, services départementaux d’incendie et de secours – SDIS –, bailleurs sociaux, hôpitaux, même locaux, notamment dans le cadre du plan Hôpital 2007 qui exigeait de lourds investissements…

Autre conclusion du rapport : les responsabilités sont partagées, car certains exécutifs locaux ont fait preuve d’une légèreté coupable. On peut ainsi s’étonner qu’une banque ait été condamnée pour défaut de conseil quand son client était la communauté urbaine de Lille, qui dispose de services financiers aptes à analyser des contrats d’emprunt. Mais les banques sont également responsables : Dexia ainsi que plusieurs de ses concurrentes françaises ou étrangères ont développé une offre commerciale inadaptée aux besoins des acteurs locaux, mais lucrative dans une décennie marquée par la contraction des marges bancaires. On peut également penser à tous ces professionnels de la restructuration de dette venus voir les élus locaux en leur annonçant qu’ils allaient toucher le « jackpot ».

Enfin, le contrôle des services de l’État s’est révélé trop limité sur le terrain ; l’administration centrale a été trop peu vigilante et n’a jamais alerté les préfectures. Il faut toutefois préciser qu’un contrat de prêt est un contrat de droit privé et n’est donc pas soumis au contrôle de légalité – seule l’autorisation d’emprunter l’est, à condition qu’elle soit votée dans le cadre du budget.

Beaucoup a déjà été fait pour tirer les leçons de ces errements. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires a permis de mieux encadrer – pour l’avenir – les conditions d’emprunt des collectivités : son article 32, dont le décret d’application est en cours d’examen au Conseil d’État, énumère strictement les indices et les structures auxquels les emprunts locaux devront dorénavant être adossés. Afin de mieux contrôler le flux des nouveaux emprunts, nous avons également adopté, à l’initiative de Christine Pires Beaune, plusieurs amendements, devenus les articles 92 à 94 de la loi de modernisation de l’action publique, qui prévoient la caducité des délégations consenties par les assemblées délibérantes dès l’ouverture de la campagne électorale, qui élargissent le champ des débats d’orientation budgétaire dans nos collectivités et qui obligent à provisionner les risques liés à la souscription de produits financiers.

Mais il restait à traiter les emprunts structurés existants, du moins les plus toxiques d’entre eux, puisque certains se sont révélés être de bonnes affaires pour les collectivités concernées. C’est l’honneur de notre majorité de s’être attelée à cette tâche dans un contexte budgétaire difficile.

Afin d’accompagner les collectivités territoriales, mais aussi leurs établissements publics, les syndicats locaux ou les SDIS dans la renégociation de ces emprunts, la dernière loi de finances a créé un fonds de soutien, doté de 1,5 milliard d’euros sur quinze ans. Les textes réglementaires nécessaires à la mise en place du dispositif ont commencé d’être publiés et le comité d’orientation du fonds devrait être mis en place cet été – la désignation des représentants des différentes institutions est en cours. Nous avions ici même débattu de l’opportunité de créer ce fonds de soutien, certains soulignant un risque de déresponsabilisation dont nous devons indéniablement tenir compte.

Le 23 avril dernier, le Gouvernement a annoncé un dispositif ad hoc d’accompagnement des hôpitaux, dont la situation est parfois proche de celle des collectivités. Ce fonds sera doté, selon mes informations, de 100 millions d’euros, l’encours concerné se montant à près de 1,5 milliard d’euros. D’autres acteurs encore sont concernés, notamment les bailleurs sociaux.

Cet engagement des ressources de l’État n’est pas sans contrepartie.

La crise financière ouverte en 2008 n’a pas seulement fait exploser les taux d’intérêt de certains emprunts structurés, par exemple de ceux adossés à la parité entre l’euro et le franc suisse, voire à l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse entre la quatrième et la douzième année… Elle a également fait vaciller le groupe franco-belge Dexia, confronté à une crise de liquidités, et qui a fait l’objet d’un plan de sauvetage élaboré dans l’urgence par la précédente majorité. L’État est donc aujourd’hui doublement engagé, comme actionnaire de Dexia et de la SFIL mais aussi comme garant.

Les collectivités ne sont pas restées inactives. Beaucoup ont choisi d’engager des actions contentieuses, lesquelles n’étaient pas exclusives de la poursuite de négociations. Il y a trois semaines a été rendu un quatrième jugement, venant après les décisions successives des tribunaux de grande instance – TGI – de Nanterre et de Paris qui, en février 2013 et en mars 2014, ont retenu certains motifs de forme pour annuler les stipulations d’intérêts des contrats et les remplacer par le taux d’intérêt légal, quasi nul. Reste que les prêteurs ont réemprunté ou se sont adossés et doivent donc rembourser, ce qui fait peser un risque énorme sur les finances de l’État garant.

D’après l’Agence des participations de l’État, que j’ai interrogée, le nombre de contentieux et les enjeux apparaissent bien plus importants pour la SFIL que pour Dexia. Pour la première, 395 emprunts font l’objet d’une assignation, pour un encours de 3,137 milliards d’euros ; pour la seconde, ce sont 51 emprunts, qui représentent un encours de 379 millions d’euros.

L’État est donc exposé à un risque direct : il a l’obligation de constituer une provision correspondant au minimum aux encours faisant déjà l’objet de procédures contentieuses, soit une provision de 3,5 milliards d’euros, qui devra être passée si ce texte n’est pas voté. Si l’ensemble des contentieux potentiels devait être provisionné à 100 %, la SFIL devrait constituer 7,5 milliards d’euros de provisions et Dexia 3,1 milliards, soit un total de 10,6 milliards d’euros ; comme ces deux établissements ne disposent pas des fonds propres suffisants, l’État se verrait obliger de les recapitaliser en conséquence.

À cela pourrait s’ajouter un coût indirect de quelque 7 milliards d’euros supplémentaires, lié à la mise en extinction de la SFIL que ne manquerait pas d’imposer la Commission européenne en cas de recapitalisation massive.

La loi de finances pour 2014 prévoyait de valider ces contrats de prêt afin de les mettre à l’abri d’une annulation par le juge civil. Il nous faut aujourd’hui nous conformer aux prescriptions du Conseil constitutionnel, qui a jugé ces dispositions trop larges même si elles ne concernaient qu’un ensemble limité de contrats.

Comme le Gouvernement l’avait annoncé dès le mois de janvier, le présent projet de loi, déjà adopté par nos collègues sénateurs, propose de revenir sur les dispositions censurées. L’article 1er déclare valides les contrats de prêt conclus par les personnes morales de droit public dont la légalité serait contestée pour défaut de certaines mentions prescrites par le code de la consommation, comme celle du taux effectif global – TEG. L’article 2 procède à une seconde validation : celle des contrats de prêt dont la légalité serait contestée au motif que ces mêmes mentions seraient erronées. Aux termes de l’article 3, les contrats de prêt les plus simples – à taux fixe, ou à taux variable reposant sur des formules peu sophistiquées – sont expressément écartés de l’application des deux validations prévues aux articles précédents. Enfin, l’article 4, introduit par le rapporteur du Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la législation applicable au TEG.

Grâce à la réécriture opérée à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, le champ des actes concernés par cette validation législative est plus restreint que dans le dispositif censuré en décembre dernier. Cette nouvelle rédaction tient également compte de la variété des moyens soulevés devant les juges civils, en intégrant les conséquences des décisions intervenues les 7 et 25 mars dernier.

Strictement proportionné à l’objectif poursuivi, le présent projet de loi satisfait également aux autres critères dégagés par la jurisprudence constitutionnelle. En particulier, il poursuit incontestablement un but d’intérêt général impérieux au regard des conséquences financières potentielles pour l’État, qui sont colossales : je le répète, ce sont 17 milliards d’euros qui sont en jeu, soit 0,9 point de PIB, sans compter que l’assèchement, voire la disparition de la SFIL rendrait bien plus difficile le financement des investissements des collectivités locales.

C’est pourquoi je vous engage à adopter ce texte sans modification, en sorte qu’il puisse être adopté définitivement avant le terme de cette session extraordinaire.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie de cette présentation très équilibrée. Nous savons tous que de tels textes de validation législative sont très encadrés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et nous avions d’ailleurs perçu les risques encourus à cet égard par les mesures figurant dans l’article 60 du projet de loi de finances pour 2014, puisque Karine Berger et Valérie Rabault avaient souligné devant notre Commission combien il était curieux de mettre fin à des contentieux qui concernaient des personnes privées tout en limitant l’aide du fonds aux seules collectivités locales. De surcroît, le motif d’intérêt général était insuffisamment étayé et la définition du prêt structuré imprécise.

Le Gouvernement avait voulu viser large pour éviter toute rupture d’égalité, mais la décision du Conseil constitutionnel conduit au contraire à ne traiter le problème que pour les personnes morales de droit public. De ce point de vue, le présent projet s’inscrit, me semble-t-il, dans le cadre dessiné par le Conseil.

Il y a plus d’un an de cela, quelques-uns d’entre nous, dont j’étais, avaient proposé d’inscrire dans la loi bancaire une disposition de validation. En effet, plus on tardait, plus les risques grandissaient puisque le TGI de Nanterre avait, le premier, reconnu que les responsabilités étaient partagées dans ces affaires. Simplement, en pratique, il avait donné raison à l’emprunteur en imposant l’application du taux légal, au seul motif d’une l’absence de référence au TEG dans le contrat.

Le ministère des Finances a beaucoup insisté pour que le Gouvernement dépose ce texte. Je m’en étonne. Le risque est-il vraiment aussi important qu’on voudrait nous le faire croire ? Les faits sont peu à peu prescrits ; le risque de voir ester en justice a au moins dû diminuer. Le principal emprunteur étant une entreprise publique, le ministère ne cherche-t-il pas à se couvrir au maximum ?

Savons-nous, monsieur le rapporteur, si certaines décisions de justice sont déjà définitives ? La validation demandée couvre-t-elle bien tous les cas ?

M. Marc Le Fur. J’ai moi aussi apprécié l’analyse équilibrée de notre rapporteur, qui a souligné l’irresponsabilité des collectivités locales ayant souscrit de tels emprunts. Le conseil général des Côtes-d’Armor – qui s’était entouré de conseillers financiers qui venaient de Wall Street – en fait partie. M. Lebreton, son président, était tout fier d’avoir renégocié l’emprunt pour en arriver à un taux fixe de 16 % par an !

Il faudrait au moins distinguer entre les grandes collectivités, qui disposaient de moyens techniques d’analyse des contrats et qui devraient à mon sens assumer leurs responsabilités, et les plus petites, qui ont fait preuve d’une naïveté certainement coupable mais qui y ont quelques excuses.

Vous soulignez aussi, monsieur le rapporteur, la défaillance de l’État, mais elle n’est due ni aux préfets ni au réseau des percepteurs, tous mal armés en l’espèce dans la mesure où il s’agissait de contrats de droit privé. Il serait bon qu’à l’avenir le contrôle de légalité, au lieu de se perdre dans des détails comme les augmentations d’indice des agents des collectivités locales, s’intéresse aux affaires telles que celles dont nous traitons aujourd’hui, vu l’enjeu !

Enfin, avec ce projet de loi, nous protégeons Dexia et la SFIL, et in fine l’État, mais non les communes dont beaucoup sont, au vu de la jurisprudence en cours de formation, à peu près certaines de gagner leurs procès. Or, l’État choisit d’intervenir pour faire cesser ces contentieux ! Sur le principe, cela porte à conséquence et, en pratique, cela instaure une inégalité de fait, entre les communes dont les procès sont déjà jugés – mais y a-t-il des jugements définitifs ? – et les autres, mais aussi entre les collectivités et les débiteurs privés, qui pourront mener les procédures à leur terme.

Interrompre de cette façon des procédures en cours, n’est-ce pas scandaleux ? N’y a-t-il pas une rupture d’égalité entre les différents clients de ces banques ?

M. Alain Fauré. Il faudrait aussi s’interroger sur l’origine de ces montages ubuesques ! Certaines banques utilisent même le crédit d’impôt recherche pour les mettre au point…

M. le président Gilles Carrez. Il est vrai que dans la répartition du crédit d’impôt recherche entre les grandes catégories définies par l’INSEE, des montants très importants apparaissent dans la catégorie des organismes financiers. Mais c’est parce que le crédit d’impôt recherche de beaucoup d’entreprises industrielles est concentré sur leur holding. La part de la recherche de modèles mathématiques utilisés par les banques est tout à fait marginale.

M. Alain Fauré. J’entends vos propos, monsieur le président, mais je voudrais être tout à fait certain qu’il en est ainsi. En tout cas, on voit la situation dans laquelle nous sommes !

Qui protégeons-nous en définitive ? Les collectivités ? L’État ? C’est assez peu clair et j’aimerais mieux comprendre.

Comment des collectivités locales qui disposaient de services financiers ont-elles pu accepter de tels prêts ? Ont-elles été sciemment induites en erreur par les établissements financiers ? On comprend plus facilement que de plus petites collectivités, ne disposant pas de moyens importants, se soient laissé tromper, mais il n’était pas impossible de faire preuve de bon sens : le niveau extraordinairement bas des taux proposés aurait dû susciter la méfiance, sans parler de leur caractère variable.

Quel a été le rôle de la Banque de France ? Pourquoi ne surveille-t-elle pas ces produits financiers ? Ne faudrait-il pas l’obliger à le faire ? Tout particulier peut être fiché en cas d’incident de paiement, mais les banques, elles, peuvent impunément proposer aux collectivités des montages invraisemblables, y compris des prêts indexés sur le cours du café !

M. Jean-Pierre Gorges. J’ai été rapporteur de la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux et, si j’approuve le diagnostic posé par Christophe Castaner, je n’approuve pas la solution choisie, qui n’est pas conforme aux préconisations que nous avions adoptées à l’unanimité au terme de nos travaux.

Les emprunts structurés, il faut le rappeler, ont permis une baisse importante des taux. N’était le problème très ponctuel posé par l’indexation sur la parité entre l’euro et le franc suisse, nous ne parlerions même pas aujourd’hui de ces produits, qui ont permis à certains de gagner beaucoup d’argent – je fais partie des élus locaux dans ce cas –, de sorte qu’ils ne parlent pas de remettre l’affaire sur la table.

La commission d’enquête avait avancé l’idée d’une coresponsabilité entre les collectivités locales, les banques et l’État. En attendant que les contentieux en cours soient définitivement jugés et sachant que nombre de collectivités ont su tirer leur épingle du jeu en conjuguant ces emprunts structurés avec d’autres types d’emprunts, nous avions aussi recommandé de se borner à extraire les mauvais fruits du marché. À ce propos, vous évaluez le risque à 17 milliards d’euros, mais c’est l’encours de la dette ! Ce qu’il faudrait prendre en compte et traiter, c’est la toxicité, qui n’est que marginale et ne se déclenche pas forcément tout de suite – il peut même y avoir des retournements de situation si demain le rapport entre franc suisse et euro s’inverse.

Je regrette que les propositions faites par notre commission d’enquête n’aient pas été mises en œuvre par le Premier ministre de l’époque ; quant à la solution avancée aujourd’hui, elle ne me semble pas équitable et je ne la cautionne donc pas.

M. Jean-Louis Gagnaire. Le propos liminaire de notre rapporteur était très clair quant aux responsabilités des uns et des autres. Il ne faut pas accabler les seuls élus locaux comme l’a fait notre collègue Marc Le Fur. De plus, les alternances consécutives aux élections municipales ont montré que les situations inextricables provoquées par ces emprunts étaient le fait d’équipes de gauche comme de droite. Il y a eu de l’imprudence, de l’inconscience, voire du cynisme – certains ont contracté de ces emprunts entre les deux tours des élections municipales, pour laisser une bombe à retardement à leurs successeurs…

La commission d’enquête n’est pas restée sans effet, puisque des mesures ont été prises afin de prévenir les dérives à l’avenir, notamment grâce à une meilleure information de tous les élus, à l’obligation d’obtenir l’approbation de l’assemblée délibérante et à l’obligation d’un provisionnement des risques – en effet, si les entreprises privées, elles, ont très peu souscrit ce type de prêts, c’est que leurs résultats auraient été fortement altérés par ces provisions.

M. le président Gilles Carrez. En respectant les règles de la comptabilité M14, on aurait dû provisionner. C’est sans doute là que le contrôle de légalité a été défaillant.

M. Jean-Louis Gagnaire. Les provisions auraient pu tendre vers l’infini, faute de savoir évaluer les risques.

Quoi qu’il en soit, si les problèmes sont résolus pour l’avenir, il nous revient de régler ceux qui se posent aujourd’hui. La bonne solution aurait consisté, comme l’a proposé Jean-Pierre Gorges, à extraire les prêts les plus toxiques et à les renégocier de façon collective. Mais une telle démarche se heurterait à l’« individualisme » des collectivités, dont chacune a essayé de se tirer d’affaire par elle-même, ainsi qu’au manque d’informations claires sur le stock précis de prêts toxiques en cours – les plus dangereux ont sans doute déjà été renégociés par les grandes collectivités, par les hôpitaux ou par les organismes HLM, et je constate que les nouvelles équipes municipales ne se sont pas pour l’instant plaintes de ceux dont elles ont hérité. Reste qu’il importe de légiférer pour régler les problèmes liés à Dexia, même si ce n’est pas la seule banque concernée : ne pas le faire ferait en effet peser un risque important sur les finances publiques.

M. Marc Goua. Contrairement à ce qui a été dit, il n’y a pas de risque systémique…

M. le président Gilles Carrez. Je suis d’accord avec vous !

M. Marc Goua. Il n’est que de constater, sans faire de comparaison injustifiée, que, pour des montants comparables, l’amende infligée par un tribunal américain à BNP Paribas ne met pas en émoi le système bancaire français. Il ne faut pas confondre les encours des prêts et les risques.

Je crains que le vote du projet de loi n’incite les banques américaines auxquelles Dexia s’est adossée à se retirer des négociations déjà engagées avec cet établissement. Dans ce cas, la validation législative qui nous est proposée reviendrait, comble de l’effet pervers, à financer ces banques responsables du krach financier de 2008.

Votre texte introduit par ailleurs une inégalité entre privé et public alors que la jurisprudence relative au TEG, tout sauf nouvelle, a permis de sanctionner toutes les banques.

J’estime, comme les responsables de Dexia, que l’application du taux légal constitue une sanction trop sévère. La banque aurait été prête à accepter un taux raisonnable correspondant au taux du marché, à la limite du taux usuraire aujourd’hui fixé à 4,70 %. Cette solution aurait permis de limiter les dégâts pour les collectivités sans les déresponsabiliser.

Il est indispensable de nous mettre tous autour de la table et de faire preuve de pragmatisme. N’oublions pas que, sans cela, des recours seront formés sur d’autres points que le TEG ! Et ils risquent de coûter très cher. Je pense par exemple aux prêts de Dexia transférés à la SFIL pour l’euro symbolique. Comment le créancier réclamerait-il des encours qu’il ne possède pas ? Cette fois, ce ne sera plus une affaire de taux : on touchera au capital même !

M. le président Gilles Carrez. Il me semblait précisément qu’un terrain d’entente avait été trouvé lors des nombreuses discussions que nous avons eues sur le sujet. Malheureusement, le projet de loi qui nous est proposé ne tient pas compte des orientations unanimement retenues par notre commission.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Marc Goua n’a pas tort : Dexia n’a pas conçu les produits toxiques dont nous parlons, son rôle a plutôt été celui du « facteur ».

M. Alain Fauré. Elle les a tout de même vendus en jouant sur la relation de confiance qu’elle entretenait avec ses clients.

Mme la rapporteure générale. Je ne remets pas en cause la responsabilité de Dexia ; je dis seulement que les produits en question ont été conçus par des banques américaines.

Il est indéniable que l’enjeu financier est bien inférieur à 17 milliards, montant de l’encours des prêts, mais aussi que, en fonction du sous-jacent – taux de change euro/franc suisse ou cours du cacao –, les intérêts peuvent beaucoup varier. Disposons-nous d’une cartographie et d’une chronologie précises de l’ensemble de ces montants d’intérêts à régler ? Pour réduire les coûts pour l’État – qui reste payeur en dernier ressort puisque les dettes en question sont consolidées –, il faudra en effet veiller à ne casser ces prêts structurés qu’au moment où les taux d’intérêt qui leur sont appliqués seront les plus faibles. A-t-on calculé la valeur actualisée de ces prêts ou, sinon, peut-on demander aux banquiers de le faire ?

Monsieur le rapporteur, lors de votre travail préparatoire, avez-vous rencontré certaines des agences spécialisées dans le soutien en gestion active de dette auprès des collectivités locales ? N’est-ce pas là que se fabrique la prochaine crise ?

M. Sylvain Berrios. Le rapporteur a eu raison d’évoquer des responsabilités partagées dans la production de cette masse informe qui nous pose aujourd’hui problème, mais le projet de loi qui nous est soumis déplace en fait l’exposition au risque de l’État vers les collectivités, comme si la consolidation des comptes ne devait pas aboutir au final à faire jouer la responsabilité de ce même État – s’il devait y avoir provisions, il aurait d’ailleurs nécessairement à intervenir déjà, les collectivités n’étant pas en mesure d’en constituer de suffisantes.

Ce texte repose aussi sur le postulat d’un effet systémique qui reste à démontrer. Il met fin aux contentieux engagés par les seules collectivités et ne concerne que Dexia en négligeant les autres banques concernées, abandonnant ainsi les solutions de concertation proposées à la fin de l’année 2011 par la commission d’enquête de notre assemblée sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. Il est dommage de renoncer ainsi à une négociation qui pourrait être fructueuse, menée au plus haut niveau.

M. le président Gilles Carrez. Existe-t-il aujourd’hui des contentieux entre des entreprises privées et des banques fondés sur l’absence de mention du TEG, et qui, n’étant pas concernés par le projet de loi, continueraient de prospérer ?

M. Jean-Pierre Gorges. En tant que rapporteur de la commission d’enquête de 2011, j’avoue que j’éprouve une certaine frustration. Nous nous étions à l’époque mis d’accord sur une solution qui avait fait l’unanimité. Contexte préélectoral aidant, ce travail n’a trouvé aucune traduction dans les faits alors que, comme Marc Goua vient de le dire, une négociation produit par produit aurait permis de limiter la toxicité des prêts concernés, tout le monde étant prêt à accepter un taux de 4 à 5 %. Peut-être pourrions-nous constituer un groupe de travail afin de trouver une solution, fondée sur des bases plus saines, qui tiendrait compte des conclusions de la commission d’enquête ? Si le fait que les contentieux ne sont pas définitivement tranchés nous ménage encore une possibilité de négociation, le temps nous est compté.

M. le rapporteur. L’enjeu minimal, compte tenu des assignations engagées, correspond pour la SFIL à un encours de 3,137 milliards d’euros et pour Dexia de 379 millions. La provision nécessaire porte sur le capital restant dû et sur les intérêts qui doivent être calculés compte tenu de la substitution du taux légal. Elle est aujourd’hui estimée au minimum à 3,5 milliards d’euros et concerne donc essentiellement la SFIL. Elle n’a pas été mise en œuvre sous la condition que l’État s’engage par la loi à stabiliser la situation.

À ce jour, seulement cinq contentieux invoquant un motif lié au TEG ou à ses corollaires ont été jugés en première instance – et n’ont donc pas été définitivement tranchés, de sorte que le vote de ce texte les « écrasera » aussi.

Le projet vise d’autant moins à protéger les banques américaines que l’obligation de mentionner le TEG ne s’applique pas à elles. N’oublions pas que la jurisprudence qui nous amène à légiférer trouve son origine dans le fax-type que Dexia a utilisé pour confirmer l’attribution des prêts ! Nous sommes donc confrontés à une jurisprudence parfaitement fondée et d’ailleurs constante, mais de fait disproportionnée parce que liée à une erreur matérielle. Nous sommes loin de protéger le grand capital américain des revendications des gentils responsables de petites collectivités mesurant mal la portée de leurs décisions.

Monsieur le président, nous ne couvrons pas tout. Qu’elle soit horizontale, comme celle pratiquée jusqu’à la fin de l’année 2012, ou verticale, telle qu’elle est prônée par la SFIL depuis 2013, la « désensibilisation » devra se poursuivre. En effet, le risque existe encore et de nombreux recours sont toujours susceptibles d’être déposés – j’ai déjà cité le cas de la communauté urbaine de Lille qui a gagné son procès pour défaut de conseil et Marc Goua a évoqué les conditions de reprise des contrats par la SFIL. Le fonds de soutien doit donc être géré de façon différenciée selon que les collectivités ou établissements concernés étaient ou non en mesure d’analyser les risques pris – pour simplifier, en distinguant entre les grandes collectivités et les petites. Le taux de l’aide pourra donc varier entre 0 et 45 % et nous avons en outre prévu la possibilité d’une prise en charge des moyens de renégociation. En effet, il est des cas où il conviendra de maintenir les contrats – car la charge du risque peut parfois s’inverser – et d’autres où il s’imposera d’en sortir au plus vite.

Vous avez noté, monsieur Le Fur, que je n’exonère pas toutes les collectivités locales de leurs responsabilités. Si l’Assemblée me désigne pour siéger au sein du fonds de soutien, j’entends défendre cette approche différenciée. J’insisterai également pour que le Gouvernement fasse pression afin d’éviter tout risque de déresponsabilisation de Dexia et de la SFIL qui, à l’approche du vote de la loi, rechignent à négocier avec les collectivités locales – attitude particulièrement critiquable au moment où d’autres banques, y compris étrangères, jouent le jeu.

La question du contrôle de légalité adapté mérite d’être posée – mais je rappelle qu’un amendement de Christine Pires Beaune sur le sujet a été rejeté par notre assemblée. Monsieur Fauré, toujours en matière de contrôle, vous avez évoqué le rôle que pourrait ou qu’aurait dû jouer la Banque de France. Aujourd’hui, seule la Commission bancaire est compétente pour vérifier l’offre bancaire, mais elle ne l’était pas à l’époque où les contrats dont nous parlons ont été signés. Cela dit, je rappelle que nous sommes moins confrontés à une pratique illégale qu’à un problème de formalisme.

Vous nous demandez qui nous protégeons ? Avant tout l’État, qui a consenti des efforts considérables pour sauver Dexia et pour donner aux collectivités locales un accès au crédit. Il serait injuste qu’il se retrouve seul en première ligne pour régler des montants faramineux. Le risque global maximal de 17 milliards d’euros ne correspond pas aux seuls prêts. Il se décompose en 10 milliards, soit la totalité des encours et des intérêts des prêts pour lesquels un recours relatif au TEG peut être déposé – et seulement ceux-là –, et 7 milliards pour le coût d’extinction de la SFIL.

Madame la rapporteure générale, dans le rapport de la commission d’enquête de 2011 figure la cartographie des emprunts que vous demandez – elle comporte même une sous-classification du taux de risque en fonction du référentiel choisi pour le prêt.

Le fonds de soutien jouera un rôle primordial dans la procédure de « désensibilisation » – et non d’extinction – des emprunts. Il sera doté pendant quinze ans de 100 millions par an, provenant pour seulement 50 % de l’État et pour le reste de participations bancaires, et cette annualité peut de fait poser problème, des besoins supplémentaires pouvant se faire jour dès l’année prochaine.

Je rappelle que le risque dont nous parlons aujourd’hui est supérieur à celui que traitait le consortium de réalisation du Crédit lyonnais : les montants alors en cause se montaient « seulement » à 12,5 milliards d’euros et pourtant on en parlait beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui du problème qui nous occupe ! Concernant l’option d’une structure de défaisance, je me permets de renvoyer au rapport de la commission d’enquête de 2011, présidée par Claude Bartolone : « La commission d’enquête est arrivée à la conclusion qu’une telle structure serait à fois d’un coût insupportable pour la solidarité nationale et déresponsabilisant pour les élus et responsables locaux qui ont contracté ces emprunts. » Il me semble en conséquence logique que le ministère des Finances n’ait pas retenu cette solution.

Monsieur Goua, il est certainement possible de minorer le risque en négociant. La prévision de 3,5 milliards d’euros à inscrire dès 2014 dans le budget de l’État n’est en revanche ni minorée ni majorée. D’autre part, nous ne protégeons pas les banques américaines qui, de leur côté, ne s’encombrent pas de l’application stricte de la référence au TEG. Elles ont négocié avec Dexia sur des bases juridiques très différentes. Nous aurions peu de chances de voir une procédure aboutir favorablement si nous les attaquions aujourd’hui. Avec le fonds de soutien et l’engagement de l’État, il faut donc rendre possible la négociation. Mais la responsabilité de conduire celle-ci doit revenir, non à l’État, mais aux collectivités locales et à l’association constituée pour les accompagner.

La dette ne sera pas gérée par l’État. Monsieur Berrios, l’État est protégé, certes, mais le risque n’est pas transféré de l’État vers les collectivités locales pour la simple et bonne raison qu’il n’était pas partie au contrat d’origine. Le premier responsable reste le signataire, même si l’on peut s’interroger sur le degré de sa responsabilité.

Pour ce qui est du risque systémique, notons qu’il n’est plus évoqué par le ministère des Finances. Le seul risque de cet ordre semble être la difficulté que rencontreraient les collectivités locales pour emprunter si la SFIL se trouvait asphyxiée. D’une manière très générale, j’y insiste, nous ne nous trouvons pas dans la situation d’un risque systémique dans le secteur bancaire ; ainsi, pour le groupe BNP Paribas, sortir 6,5 milliards d’euros de son haut de bilan ne constituera pas une grande difficulté : son ratio de solvabilité s’en trouvera à peine modifié puisqu’il passera de 10,4 % à 10,1 %.

Pour ce qui est des entreprises, monsieur le président Carrez, nous avons interrogé le Trésor, qui n’a pas pu nous répondre, mais, comme l’essentiel de la difficulté tenant à la non-mention du TEG vient de Dexia, qui ne prêtait pas aux entreprises, le risque semble faible de ce côté.

M. Marc Goua. Un fonds de défaisance américain a isolé les dettes structurées en Allemagne où tous les problèmes ont dès lors été résolus. Dexia n’est peut-être pas en mesure de négocier avec les banques américaines, mais ce même fonds était prêt à mettre 15 milliards sur la table pour la France. Je ne comprends donc pas que nous n’ayons pas discuté avec ses responsables.

M. Dominique Lefebvre, président. Je tiens, au nom de tous, à féliciter le rapporteur pour sa maîtrise d’un dossier complexe et pour la lucidité de ses analyses et de ses préconisations.

L’intérêt général doit être notre boussole, mais quel est-il en l’espèce ?

Il n’y a aucune raison d’exonérer qui que ce soit ayant une part de responsabilité dans les sinistres évoqués ; cela vaut pour le système bancaire – et le texte tel qu’il est rédigé n’écarte pas les procédures de recours, notamment pour défaut de conseil – comme pour les collectivités locales et leurs élus. Il faut ensuite tenir compte des intérêts de l’État, surtout dans le contexte actuel : les enjeux financiers qui ont été précisément décrits doivent nous faire réfléchir. Enfin, il faut veiller à maintenir la capacité d’investissement des collectivités locales, et donc préserver la SFIL créée par le Gouvernement lorsque celles-ci se sont trouvées confrontées à des difficultés de financement.

Il ne sert à rien de refaire l’histoire ou de s’attarder à des combats d’arrière-garde. En 2013, l’Assemblée s’est prononcée en faveur d’un dispositif de validation législative, la discussion ne portant que sur la délimitation de son champ d’application. Le Conseil constitutionnel a invalidé le périmètre que nous avions choisi, mais pas le principe, qu’il ne serait donc pas logique de remettre aujourd’hui en cause.

Ensuite, la très large majorité avec laquelle le présent projet a été adopté au Sénat, réputé être le premier défenseur des collectivités locales, vaut réponse à la question de savoir si les intérêts de ces dernières sont correctement préservés et si les banques qui ont fauté ne sont pas indûment exonérées de leurs responsabilités.

Le texte reprend le principe de validation législative que nous avions adopté, en circonscrit légitimement le champ aux personnes morales de droit public et porte uniquement sur un point de forme même si j’entends bien qu’il renvoie à un problème de fond susceptible de concerner aussi les particuliers. J’en appelle donc au sens de la responsabilité de chacun et vous invite à un vote conforme.

Je le répète, il ne sert à rien de mener des débats d’arrière-garde. Disant cela, je ne vise aucunement ceux qui ont posé des questions et défendu les intérêts de collectivités locales trompées, mais il faut savoir en terminer et, comme je n’ai entendu aucune autre proposition, je vois dans le présent projet la seule réponse aux risques encourus par l’État et par le contribuable national. Il constitue en effet une solution raisonnable qui, d’une part, ne prive pas de possibilités de recours les collectivités locales qui estiment avoir été trompées ou avoir été mal conseillées, et qui, d’autre part, présente l’avantage de stabiliser le système.

M. Sylvain Berrios. Dès lors que l’État a repris Dexia avec ses faiblesses et se trouve ainsi exposé, nous nous trouvons bel et bien dans la situation d’un transfert du risque. La responsabilité de l’État via Dexia est donc réelle.

Ensuite, nous ne sommes pas seulement en train de corriger une jurisprudence fondée sur un élément de pure forme : nous tentons aussi de régler, sur le dos des collectivités territoriales, un problème qui porte sur plusieurs milliards d’euros.

Enfin, vous invoquez l’urgence alors que pas une seule des décisions que vous invoquez n’est définitive. Quand les appels interjetés seront-ils jugés, sachant que les récents jugements ont été prononcés au bout de plusieurs années ? L’urgence n’est vraiment pas démontrée.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Validation législative des contrats de prêt aux personnes morales de droit public en cas de défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Validation législative des contrats de prêt aux personnes morales de droit public en cas d’erreur dans le taux effectif global ou ses corollaires et introduction d’une formule substitutive de calcul du taux pour les nouveaux contrats

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 : Exclusion des contrats de prêt simples du champ de la loi de validation

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 : Rapport sur la réforme du taux effectif global

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.

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Informations relatives à la Commission

La commission a désigné deux rapporteurs spéciaux sur la loi de finances pour 2015 :

– M. David HABIB pour la mission Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ;

– et M. Thierry ROBERT pour la mission Statistiques et études économiques, Stratégie économique et fiscale.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 2 juillet 2014 à 9 h 30

Présents. - M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Gaby Charroux, M. Jean-Louis Dumont, M. Jérôme Lambert, M. Jean Launay, M. Pierre Moscovici, Mme Valérie Pécresse

Assistait également à la réunion. - M. Sylvain Berrios

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