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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 20 novembre 2013

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à reconnaître le vote blanc aux élections (n° 768) (M. François Sauvadet, rapporteur)

La séance est ouverte à 11 heures

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à reconnaître le vote blanc aux élections (n° 768) (M. François Sauvadet, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi modifiée par le Sénat, visant à reconnaître le vote blanc aux élections. Je rappelle que ce texte avait été initialement présenté par le groupe UDI.

M. François Sauvadet, rapporteur. Si j’ai effectivement déposé cette proposition de loi, la reconnaissance du vote blanc est une question qui transcende les clivages politiques. Nous étions d’ailleurs parvenus en première lecture à un accord quasi unanime, avec l’approbation du Gouvernement. Je vous rappelle que l’Assemblée nationale a en effet adopté ce texte en première lecture le 22 novembre 2012, lors d’une journée consacrée à un ordre du jour déterminé par l’UDI. Quant au Sénat, il l’a aussi adopté, moyennant plusieurs modifications.

Concrètement, grâce à cette proposition de loi, les bulletins blancs seront désormais décomptés séparément des autres bulletins – c’est-à-dire des bulletins valides et des bulletins nuls.

Les votes blancs ne seraient donc plus mélangés aux votes nuls, conformément au souhait de nombre de nos concitoyens, qui aspirent à disposer d’une autre forme d’expression politique.

En outre, la proposition de loi prévoit que le nombre de votes blancs sera spécialement mentionné dans les résultats des scrutins. Tout le monde pourra ainsi connaître le pourcentage des électeurs qui ont choisi de glisser un bulletin blanc dans l’urne.

Au départ, j’étais plutôt favorable à prendre en compte les bulletins blancs dans la détermination des suffrages exprimés. Mais, compte tenu des réticences que cette disposition a suscitées, nous l’avons supprimée en première lecture. Les débats au Sénat s’étant conclus dans le même sens, il ne paraît pas opportun aujourd’hui de revenir sur cette question. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable à l’amendement de M. Sergio Coronado sur ce point.

Restent, en revanche, deux questions à trancher. D’abord, comment exprimer un vote blanc ?

En première lecture, je vous avais proposé de retenir la recommandation de Guy Carcassonne, selon laquelle une enveloppe vide glissée dans l’urne serait assimilée à un vote blanc. Mais le Sénat ne nous a pas suivis sur ce point, au motif que le dépôt d’une enveloppe vide pouvait tout aussi bien résulter d’une erreur.

Le Sénat a également rejeté toute idée de mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote. En conséquence, le vote blanc ne pourrait s’exprimer que par le dépôt dans l’enveloppe d’un bulletin blanc apporté par l’électeur lui-même.

Deuxième question : à partir de quand appliquer la réforme ?

Je rappelle que notre société connaît des tensions très importantes, avec une tentation forte d’exprimer par un vote extrême son mécontentement. Tout ce qui pourrait contribuer à permettre à nos compatriotes qui ne se reconnaîtraient pas dans l’offre politique de s’exprimer sous la forme d’un vote blanc me paraît préférable pour la démocratie.

Je tiens donc à ce que cette loi puisse s’appliquer aux prochaines élections municipales. Cela fait un an que nous débattons de ce texte au sein du Parlement : il faut maintenant aboutir, même si l’œuvre législative est toujours perfectible.

À cet effet, le Sénat a prévu, avec l’avis favorable du Gouvernement, que la loi entre en vigueur le 1er mars 2014.

Dès lors, soit on accepte le texte du Sénat – certes imparfait – et la loi pourra s’appliquer à cette échéance, soit on estime que le texte doit être amélioré et on se heurtera à la question de la navette parlementaire. En effet, la prochaine « niche » parlementaire qui serait offerte au groupe UDI au Sénat devrait se tenir le 12 février prochain, ce qui rendrait impossible l’application de la loi aux élections ayant lieu en 2014, y compris les européennes – sauf à ce que le Gouvernement prenne un engagement à cet égard.

Je ne vous cache pas que j’aurais préféré un texte plus complet et que l’on puisse, par exemple, mettre des bulletins blancs à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote, mais je tiens à ce que la loi s’applique aux prochaines élections municipales. Personne ne comprendrait, dans le contexte actuel, que l’on reporte après celles-ci l’expression d’un vote blanc.

Je vous propose donc d’adopter ce texte tel qu’il a été modifié par le Sénat. Je ne voudrais pas que la question de l’enveloppe vide devienne un point de crispation avec le Sénat – qui a rejeté à la quasi-unanimité son assimilation à un vote blanc – alors que l’essentiel est de permettre à nos compatriotes d’exprimer un vote blanc reconnu comme tel. Nous avons une responsabilité à cet égard.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis attaché à ce sujet, ayant moi-même déposé une proposition de loi en la matière lors de la précédente législature. Mais elle n’avait pu être examinée car le gouvernement de l’époque y était hostile. Je considère que le vote blanc est en effet un progrès pour la démocratie, car il s’agit d’un vote politique, à la différence du vote nul.

C’est la raison pour laquelle j’ai soutenu avec enthousiasme la proposition de loi présentée par le groupe UDI et ai été ravi de constater que le Gouvernement avait approuvé cette démarche.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture était bon dans la mesure notamment où il n’engageait pas de dépenses supplémentaires pour l’État – qui n’avait pas à mettre de bulletin blanc à la disposition des électeurs, l’enveloppe vide valant un vote blanc. Le Gouvernement avait d’ailleurs approuvé le texte pour ce motif.

En revanche, la version adoptée par le Sénat est compliquée et va donc à l’inverse du message simple que nous voulons envoyer. Je sais la complexité de la composition de cette chambre, que les recherches de compromis y sont difficiles et que la stabilité sénatoriale s’apparente à de la nitroglycérine – une fois que les sénateurs ont trouvé une position, on considère qu’elle ne doit plus être modifiée. Si cette « sagesse » du Sénat doit être respectée, le texte qu’il a adopté oblige les électeurs qui veulent voter blanc à prendre chez eux un papier blanc pour le mettre dans l’enveloppe au moment du vote, l’enveloppe vide étant considérée comme nulle. Il suffirait au contraire de considérer que celle-ci constitue un vote blanc.

Si je remercie le rapporteur pour son souci de compromis, je ne suis donc pas convaincu qu’il faille adopter le texte modifié par le Sénat.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je note avec satisfaction, monsieur le président, que vous engagez l’Assemblée nationale à respecter plus souvent la sagesse du Sénat, mais cela risque de beaucoup compliquer les choses pour vous !

À titre personnel, je ne suis pas opposé à une reconnaissance plus précise des votes blancs. Il y a plusieurs façons de ne pas choisir de candidat lors d’une élection : indiquer des mentions sur un bulletin, rendre une enveloppe vide ou y mettre un papier blanc. Dans tous les cas, il s’agit d’un choix politique : l’absence de choix est aussi un choix.

De même, je suis ouvert à une distinction entre le décompte des bulletins blancs et celui des bulletins nuls. Mais j’ai l’impression qu’on est en train d’inventer un système un peu compliqué pour quelque chose qui a un impact démocratique très limité. Le décompte des votes blancs aurait réellement une signification s’il devait conduire à priver un candidat d’une majorité. Cependant, ni le Sénat, ni l’Assemblée, ni le Gouvernement n’ont voulu retenir cette approche : on est donc en retrait par rapport à l’attente de nos concitoyens. Cela est d’ailleurs heureux parce que si la majorité n’est pas calculée par rapport aux suffrages exprimés, elle n’a pas de sens.

Il faut donc en rester au schéma actuel. Savoir s’il faut mettre un papier blanc dans l’enveloppe ou si l’enveloppe vide doit être considérée comme l’expression d’un vote blanc sont des problèmes assez sibyllins, sur lesquels je n’ai pas de position arrêtée. Dès l’instant où on considère que les votes blancs ou nuls ne remettent pas en cause la majorité des suffrages exprimés dans le décompte des voix, on peut retenir l’option que l’on veut – cela n’a pas beaucoup d’importance. Reste qu’en termes d’affichage, on peut parfaitement considérer qu’une enveloppe vide exprime un vote blanc.

Enfin, je suis étonné qu’on ne soit pas en mesure d’appliquer ce texte avant les prochaines élections municipales. Puisqu’il ne change pas grand-chose à la pratique de nos institutions, ni aux échéances ou aux résultats des élections, je ne vois pas ce qui y ferait obstacle. Si on devait ajouter une forme de pas de deux à une incompréhension venant d’un report de calendrier, on passerait définitivement à côté du sujet.

M. Guy Geoffroy. Je ne reviendrai pas sur certains des propos tenus par Jean-Frédéric Poisson, sur lesquels je suis d’accord.

Ce texte se réduit comme une peau de chagrin : c’est dommage !

La question est de savoir si nos concitoyens souhaitent que soit reconnu en tant que tel leur refus de se prononcer en faveur d’un candidat au premier tour ou de choisir entre deux ou plusieurs candidats au second. Aujourd’hui, on utilise la formule des « suffrages valablement exprimés » : cela signifie que les électeurs qui ont mis dans l’urne un bulletin blanc, un bulletin nul ou pas de bulletin du tout sont considérés comme ne s’étant pas valablement exprimés – ce qui soulève un problème.

Je suis surpris qu’on en arrive à dire que le bulletin blanc a plus de valeur que le bulletin nul constitué, par exemple, par l’insertion dans la même enveloppe des bulletins des deux candidats pour lesquels on ne veut pas voter au second tour, mais cette question ne se pose plus à ce stade.

Il est important que l’on puisse clairement indiquer lors d’un premier tour ce que constitue la majorité absolue : si un candidat obtient 50,01 % des suffrages valablement exprimés mais que n’en font pas partie des votes d’électeurs s’étant déplacés pour aller voter, c’est un peu gênant. En revanche, si les électeurs savaient que ce résultat correspond à 49,8 % des suffrages exprimés intégrant les bulletins ne correspondant à aucun candidat, cela serait tout à fait différent et pourrait avoir pour conséquence d’obliger le prétendu élu du premier tour – et qui l’est légitimement aujourd’hui – à se présenter au second.

De même, pour le second tour de l’élection présidentielle, c’est par définition celui des deux candidats qui a le plus de voix qui est élu, car c’est lui qui a la majorité absolue dans la mesure où on se fonde sur les suffrages valablement exprimés. Mais on peut s’interroger
– certains l’ont fait au sujet d’une récente élection présidentielle – sur le fait que l’élu légitime et incontestable du suffrage universel n’a peut-être pas eu la majorité absolue de l’ensemble des suffrages exprimés d’une manière ou d’une autre – ce qui ne pose aucun problème de légalité, mais peut commencer à en poser un en termes de légitimité.

Dès lors, je souhaite que ce texte soit adopté – même s’il a été beaucoup déprécié, ce que je regrette –, d’une manière qui ne soit pas une provocation à l’égard de nos électeurs. Car dire à nos concitoyens – comme le fait l’exposé des motifs d’un amendement présenté par un groupe politique – que, pour des raisons techniques liées à une application informatique, ce texte ne sera pas applicable aux élections se déroulant les 23 et 30 mars prochains, mais dès le 1er avril suivant, serait un mauvais poisson d’avril ! Je suggère aux auteurs de cet amendement d’être plus précis et d’avoir le courage d’écrire que la loi s’appliquera le lundi 31 mars au matin !

Reporter l’application de la loi au-delà des prochaines municipales serait grave, car ce serait un manque de courage et nos concitoyens risquent de considérer qu’on se moque d’eux – une fois de plus – sur des questions auxquelles ils sont de plus en plus sensibles.

Si vous voulez que le dispositif soit applicable pour les élections européennes, prévoyez une entrée en vigueur du texte le 1er juin ! Mais dans quelle situation serez-vous si le hasard du calendrier politique faisait que nous aurions une élection le 5 ou le 10 avril ? Nous ne serions plus dans le registre de la provocation, mais du ridicule !

M. Pascal Popelin. Ce vibrant plaidoyer de notre collègue Guy Geoffroy en faveur du vote blanc est une nouveauté quand on regarde le cheminement de cette proposition de loi au sein de notre Assemblée – sachant qu’un texte ayant le même objet n’a pu être adopté lors de la précédente législature. Je rappelle que le groupe SRC est depuis longtemps favorable à la reconnaissance du vote blanc : dès 2003, une proposition de loi avait d’ailleurs été déposée par Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault à cette fin et vous-même, monsieur le président, avez été en effet plus récemment l’auteur d’un texte similaire.

Nous estimons en effet que voter blanc n’est pas s’abstenir – l’abstention consistant à ne pas exercer son droit, ou ne pas accomplir son devoir de citoyen. Ce n’est pas non plus voter nul, c’est-à-dire commettre une erreur, être victime d’une manipulation par le biais d’un signe distinctif, ou maculer des bulletins ou y écrire des insultes – qui constituent un comportement incivique et irrespectueux. Or on mélange cela avec la démarche d’un citoyen qui vient voter mais estime que l’offre politique qui lui est proposée ne lui convient pas. Nous considérons au contraire que cette démarche doit être prise en compte.

Cela étant, je ne crois pas que la reconnaissance du vote blanc aura un impact sur le taux de participation aux élections, ni qu’elle a vocation à en avoir un sur les votes extrêmes. Ce n’est d’ailleurs pas l’objet des modalités législatives d’organisation d’un scrutin ou de comptabilisation de ses résultats : cette question relève de la responsabilité des acteurs du débat public. En revanche, comptabiliser d’une manière spécifique le vote blanc est reconnaître qu’il s’agit bien de la manifestation d’un choix réfléchi de la part de l’électeur.

C’est la raison pour laquelle nous avons voté en faveur de cette proposition de loi, après que notre Assemblée y a apporté deux principales modifications.

La première consistait à ne pas comptabiliser les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés. Si l’observation intéressante de Guy Geoffroy sur la question du premier tour mériterait qu’on y réfléchisse, je suis en désaccord sur la remise en cause de la légitimité d’un candidat qui, élu au second tour, n’aurait pas obtenu la majorité des suffrages bulletins blancs compris. Il s’agit d’un raisonnement dangereux et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons écarté la comptabilisation des votes blancs dans les suffrages exprimés. En outre, il n’y a pas qu’en 2012 où, au terme du deuxième tour de l’élection présidentielle, le candidat élu n’aurait pas obtenu 50 % des suffrages bulletins blancs et nuls compris.

Nous avions aussi choisi collectivement de comptabiliser les enveloppes vides comme bulletins blancs, pour des raisons pratiques évidentes. Si on veut rendre opérationnelle cette faculté d’exercer un vote blanc, que tout le monde semble appeler de ses vœux, il n’est pas logique de contraindre l’électeur à se munir d’un morceau de papier blanc – d’ailleurs, comment appréciera-t-on qu’il est exactement blanc ? Ne serait-il pas bistre ? Serait-il du bon format ? La manière dont il est découpé ne constituerait-il pas un signe distinctif ? –, ni de mettre à la charge de l’administration l’obligation de lui en fournir. Nous avons donc déposé un amendement pour revenir à la version consensuelle issue de la première lecture à l’Assemblée.

S’agissant de la date d’application de la loi, nous savons tous que l’organisation logistique des élections municipales est lourde et l’administration ne peut la préparer que dans le cadre de la législation existante. Or certains éléments de cette préparation ont déjà été mis en œuvre sans tenir compte de ce texte. En l’état actuel des choses, s’il est techniquement possible – et encore, pas si simplement qu’on peut l’imaginer – d’appliquer celui-ci pour les élections européennes, ce n’est pas le cas pour les municipales. Cela étant, si la date d’entrée en vigueur du 1er avril pouvait apparaître comme une provocation et qu’un amendement proposait de lui substituer celle du 1er juin, je serais disposé à l’adopter. Il n’y a pas de malice.

Il faut continuer à faire preuve d’esprit de consensus sur un texte qui doit, au bout du compte, correspondre totalement à l’esprit de ses initiateurs – ce qui n’est pas le sens retenu par le Sénat – et pouvoir être mis en œuvre dans des délais convenables. N’essayons pas de créer une crispation artificielle ou des procès d’intention car, s’il avait été question d’opter pour une formule très rapide, le Sénat avait la possibilité de voter cette proposition de loi telle qu’elle a été adoptée en première lecture à l’Assemblée. Je ne vois pas pourquoi, alors que celui-ci l’a dégradée, nous l’accepterions sans modification.

En ce qui concerne l’ordre du jour parlementaire, il n’y a peut-être pas que dans le cadre des « niches » parlementaires de l’UDI que cette question pourrait être réglée dans des délais qui conviennent à tout le monde.

M. Patrick Devedjian. La distinction entre le vote nul et le vote blanc me paraît de même nature que la discussion sur le sexe des anges qu’avaient les Byzantins au moment où les barbares étaient au pied des remparts. Aujourd’hui, notre démocratie est menacée de délitement et la vraie question qu’on peut se poser est finalement : quel est le sens du vote ? Sert-il à exprimer une vérité personnelle, métaphysique, ou un acte politique destiné à remplir une fonction consistant à choisir les dirigeants d’une collectivité ou de la nation ? Si on retient cette seconde approche, le bulletin nul, comme le bulletin blanc, est le contraire même du sens du vote.

C’est en effet une erreur d’appréciation que de vouloir introduire une dimension métaphysique, c'est-à-dire l’expression d’une vérité individuelle, dans la signification d’un vote. Celui-ci est de toute façon un compromis – car je sais que la personne pour laquelle je vote, même si elle appartient à ma formation politique, n’est pas parfaite et je ne suis pas tout à fait d’accord sur tout ce qu’elle dit. Il s’agit de permettre à une collectivité ou à notre pays d’avoir des élus et d’être administrés.

D’ailleurs, c’est la grande spécialité de cette majorité de cultiver des débats sur des faux problèmes alors que notre pays est confronté à des problèmes beaucoup plus importants.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle que ce texte a été proposé par le groupe UDI !

M. Christian Assaf. Ce texte évacue la question de savoir si le vote blanc doit intégrer le périmètre des suffrages valablement exprimés. Il tend plutôt à reconnaître ce vote en le distinguant du vote nul.

Or accepter le texte adopté par le Sénat contredit l’esprit de la proposition de loi, car il interdit à l’électeur d’exprimer le vote blanc dans le bureau de vote en l’obligeant à choisir chez lui un bulletin et à en quelque sorte prédestiner son choix. Ce serait un mauvais poison.

Dès lors, quitte à ce que cela ait des conséquences sur le calendrier de mise en œuvre de la loi, je suis pour qu’on n’accepte pas ladite sagesse du Sénat.

M. Daniel Vaillant. Je ne suis pas convaincu par Patrick Devedjian. Le débat a eu lieu à plusieurs reprises et la première lecture à l’Assemblée a conduit à un consensus sur le bien-fondé de la démarche de la proposition de loi de l’UDI ; on n’est pas obligé de tout remettre en chantier en seconde lecture. La question est de savoir si on revient au texte qui nous paraît mieux adapté pour la prise en compte du vote blanc – sans soulever la question de sa comptabilisation dans les suffrages exprimés.

S’agissant de l’organisation des élections, je pense, en tant qu’ancien ministre de l’Intérieur, qu’aujourd’hui, les bordereaux de dépouillement vierges sont déjà imprimés en vue des prochaines élections municipales de mars prochain. Je rappelle que pour les élections européennes, une tentative d’économiser la matérialisation sur papier des professions de foi a été entravée par un amendement du groupe socialiste lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 au nom de l’égalité de traitement entre les électeurs – le Conseil constitutionnel n’aurait d’ailleurs probablement pas accepté que ceux qui disposent d’Internet soient privilégiés par rapport aux autres. Mais le coût de cette opération est de 29 millions d’euros.

Le coût du papier est tel aujourd’hui qu’il serait préférable de faire l’économie d’une distribution des bulletins blancs. L’enveloppe vide témoigne bien d’un choix : nous avions pris la bonne décision à cet égard et je ne sais pourquoi le Sénat a dénaturé le texte sur ce point. Il n’est peut-être pas convaincu du bien-fondé de la reconnaissance du vote blanc et cherche ainsi à retarder l’entrée en vigueur de la loi…

Enfin, les raisons que j’ai évoquées me conduisent à penser que celle-ci est inapplicable aux prochaines élections municipales. Si le 1er avril fait souffrir – et sourire –, trouvons une date d’entrée en vigueur permettant une application pour les élections européennes ! Cela signifie qu’il ne faut pas perdre de temps : on peut voir s’il peut exister entre le groupe UDI – qui ne doit pas être dépossédé de son initiative – et le Gouvernement un moyen d’accélérer le processus d’examen de ce texte dans le sens de la lecture que nous pourrions effectuer ici, une fois de plus, dans le consensus.

M. Philippe Houillon. Je voulais juste dire mon admiration face à de tels déploiements de talents et de raisonnements sur un texte qui me paraît n’avoir aucun intérêt.

La question est de savoir si les votes blancs sont pris en compte ou non comme des votes exprimés. Mais dire qu’on va faire un décompte séparé n’apporte rien.

Ce genre de texte, parfaitement hypocrite, va être ressenti comme une insulte à l’égard des électeurs qui votent blanc.

M. Guillaume Larrivé. Je voterai en faveur de cette proposition de loi en l’état, qui me paraît constituer un progrès raisonnable. Si ce texte consistait à prendre en compte les votes blancs parmi les suffrages exprimés, je ne l’approuverais pas car ce ne serait pas un facteur de clarté.

M. François Vannson. Si le vote blanc était déjà reconnu au sein de notre commission, je voterais blanc ! Mais comme il ne l’est pas, je voterai contre.

Plus sérieusement, quand on voit l’état de notre société et les problèmes auxquels nous sommes confrontés, je suis partisan de renforcer la crédibilité de nos élus, et non de l’affaiblir, comme tend à le faire ce texte. Or nous aurons des décisions difficiles à prendre en matière économique ou sociale et aurons besoin d’avoir, pour ce faire, des élus crédibles et forts. En outre, en adoptant ce texte, on prêterait aussi le flanc à une forme de populisme, ce qui me dérange.

M. le rapporteur. Je vois que le consensus est en marche et je m’en réjouis ! Je remercie également Patrick Devedjian d’avoir vu dans ce texte une source d’inspiration métaphysique, mais la démarche est assez pragmatique !

Monsieur Vaillant, au Sénat, la date d’application a, avec l’accord du Gouvernement, été fixée au 1er mars. Invoquer maintenant un obstacle d’ordre technique est hypocrite.

La reconnaissance du vote blanc n’est possible que si nous adoptons le texte issu du Sénat. À défaut, la loi ne serait même pas applicable pour les élections européennes, en raison des contraintes du calendrier parlementaire que j’ai déjà évoquées. Le Sénat restera d’ailleurs sur sa position, selon laquelle une enveloppe vide ne peut être assimilée à un bulletin blanc.

Quant au fait d’obliger l’électeur à apporter son propre bulletin blanc, après tout, il permettra la manifestation d’une volonté.

Nous sommes à une croisée de chemins : soit on adopte ce texte et ce sera une avancée, quitte à améliorer la loi ultérieurement, soit on s’y refuse et il faut alors l’assumer. Il convient de sortir de l’hypocrisie.

M. Patrick Devedjian. On peut aussi voter blanc sur cette proposition de loi !

M. le rapporteur. Merci de votre encouragement !

S’agissant de l’argument selon lequel le texte favoriserait le populisme, je pense au contraire que la reconnaissance du vote de nos compatriotes qui ne se retrouvent pas dans l’offre politique constitue une avancée démocratique. D’ailleurs, les pays qui ont adopté une telle mesure n’ont pas enregistré de recrudescence du populisme.

Je vous l’ai déjà dit : j’aurais préféré qu’on aille au bout de la démarche et que les bulletins blancs soient reconnus comme des suffrages exprimés. Cependant, je prends acte d’une très large volonté parlementaire pour que ce ne soit pas le cas. Par ailleurs, je partage ce qu’a dit le président de la Commission et certaines des remarques qui viennent d’être formulées, mais si nous voulons que cette réforme voie le jour, il faut adopter ce texte aujourd’hui tel quel. Sinon, quel gouvernement ou quel membre du gouvernement se saisira de cette question pour l’inscrire de façon prioritaire à l’ordre du jour du Parlement ? Aucun !

En outre, je ne sais pas comment vous allez pouvoir expliquer à nos compatriotes que vous refusez cette réforme au motif qu’une enveloppe vide ne serait pas considérée comme un vote blanc. Que chacun prenne ses responsabilités.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. L. 65 du code électoral) : Reconnaissance du vote blanc

La Commission examine tout d’abord l’amendement CL2 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. La loi devrait viser à une véritable reconnaissance du vote blanc, et non à un simple décompte séparé des blancs et des nuls. Dès lors, les bulletins blancs devraient entrer dans le comptage des suffrages exprimés.

Même s’il faut accepter le consensus qui s’est dégagé et cette avancée à petits pas, il faut considérer que rien n’est acquis et que l’adoption de ce texte n’empêche pas qu’on puisse avoir un jour une reconnaissance pleine et entière de ce type de vote.

L’amendement exclut cependant le second tour de l’élection présidentielle en raison des difficultés que cette mesure soulèverait vis-à-vis de l’article 7 de la Constitution.

Cela étant, je prends en compte les résistances évoquées par le rapporteur et j’ai également envie qu’on aboutisse. Je retire donc l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite les deux amendements identiques CL1 de M. Sergio Coronado et CL3 de M. Pascal Popelin.

M. Sergio Coronado. Il s’agit de revenir à la version adoptée par l’Assemblée en première lecture et permettre que les enveloppes vides soient considérées comme des bulletins blancs.

M. Pascal Popelin. Je me suis déjà exprimé à cet égard lors de la discussion générale.

Monsieur le rapporteur, il s’agit non de ne pas vouloir faire, mais de vouloir bien faire ! Avec un peu de bonne volonté, on doit pouvoir y arriver d’ici les prochaines élections européennes. Mais ne faisons pas des procès d’intention car les soutiens à votre proposition de loi sont venus de manière unanime de la majorité et les réticences, les oppositions, voire les quolibets, d’une partie de vos partenaires de l’UMP.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je comprends les motifs de ces amendements. Reste que si nous les adoptons, cela non seulement reportera l’application de la loi, mais menacera l’adoption même de celle-ci.

Je ne veux pas vous soupçonner de l’intention d’afficher vouloir cette réforme sans la vouloir en réalité, pour des motifs liés à l’émergence d’éventuelles triangulaires avec des formations politiques dont nous combattons les idées. Mais je vous invite à réfléchir : l’œuvre législative est toujours perfectible. Encore une fois, comment allez-vous expliquer à nos compatriotes que vous êtes tous pour la reconnaissance du bulletin blanc mais qu’au motif qu’on ne compterait pas comme tel une enveloppe vide, vous la remettez en cause ? Ne nous cherchons pas de faux-nez.

Monsieur le président, vous avez tellement soutenu ce texte que vous devriez vous réjouir que je sois à vos côtés pour faire avancer cette réforme. Comme vous avez pu compter sur moi pour accepter que les bulletins blancs ne soient pas comptabilisés dans les suffrages exprimés, je compte sur vous pour accepter le texte en l’état. C’est en quelque sorte une main tendue…

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je la prends comme telle et je vous propose, lorsque cette loi sera promulguée, de vous inviter à la buvette ! Nous tiendrons nos promesses : ce texte sera appliqué.

M. le rapporteur. C’est-à-dire après les élections !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. À la date prévue par l’amendement défendu par M. Popelin.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 4 (art. L. 388, L. 428 et L. 438 du code électoral) : Application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna

La Commission adopte l’article sans modification.

Article 5 : Entrée en vigueur de la loi

La Commission examine l’amendement CL4 de M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Les motifs de cet amendement, tendant à substituer la date du 1er avril à celle du 1er mars 2014 pour l’entrée en vigueur de la loi, ont déjà été exposés.

Si la date du 1er avril soulève une difficulté, on peut en trouver une autre. Ce ne sera pas le 1er juin, les élections européennes étant prévues le 25 mai, mais ce pourrait être le 1er mai.

M. le rapporteur. Avis défavorable. S’il advenait que la proposition de loi soit votée rapidement – ce que je ne crois pas possible –, vous continuerez à nous tenir le même raisonnement. C’est d’une hypocrisie sans nom ! Je rappelle qu’en février dernier, le Gouvernement a donné son accord sur un amendement du sénateur Alain Richard tendant à ce que le texte s’applique au 1er mars. Et quelques mois plus tard, le groupe principal de la majorité qui le soutient nous dit que cette date doit être reportée : c’est un gag !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

La séance est levée à 12 heures.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Marcel Bonnot, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Philippe Doucet, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Bernard Lesterlin, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Sébastien Pietrasanta, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. François Sauvadet, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Jean-Pierre Blazy, M. Carlos Da Silva, M. Marc Dolez, M. René Dosière, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Edouard Philippe, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg