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Commission des affaires économiques

Mercredi 24 juin 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 67

Présidence de M. François Brottes, Président

– Table ronde sur le thème du « fait maison », réunissant M. Bruno Geeraert, chef du bureau de l’artisanat et de la restauration à la Direction générale des entreprises, M. Didier Chenet, président du syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat), M. Jean Terlon, vice-président de la branche restauration de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), Mme Brigitte Troël, déléguée générale du GéCo (Les industriels au service de la restauration), membre de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation de l’Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir

– Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires économiques a organisé une table ronde sur le thème du « fait maison », réunissant M. Bruno Geeraert, chef du bureau de l’artisanat et de la restauration à la Direction générale des entreprises, M. Didier Chenet, président du syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat), M. Jean Terlon, vice-président de la branche restauration de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), Mme Brigitte Troël, déléguée générale du GéCo (Les industriels au service de la restauration), membre de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation de l’Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir.

M. le président François Brottes. Je remercie nos invités de leur présence parmi nous, dans cette salle, où, le 12 juin 2013, est né le concept du « fait maison ».

J’avais invité à notre table ronde M. Philippe Etchebest, qui anime l’émission « Cauchemar en cuisine », exquise illustration de la difficulté d’accomplir un parcours de créateur et d’entrepreneur. Malheureusement, celui-ci n’a pas pu se joindre à nous.

« À quoi ça sert que Ducros se décarcasse ? » Telle est la question que j’ai envie de poser. La gastronomie française est inscrite au patrimoine de l’humanité ; il faut désormais en faire une réalité de tous les jours. C’est pourquoi les politiques – que l’on se plaît à brocarder dans les restaurants et les bistrots – ont cherché à valoriser ceux qui font réellement de la cuisine en les distinguant de ceux qui se contentent d’acheter des plats cuisinés tout faits et de les réchauffer au four à micro-ondes. Actuellement, ni les cartes ni les prix ne permettent de faire la différence : ce n’est pas parce qu’on n’a pas fait le plat qu’on le vend forcément moins cher… Cela finit par agacer.

On sait qu’au pays de France, on aime bien les chicayas. Si le statut de maître-restaurateur issu de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a fait l’unanimité, on a bien senti que la profession n’avait pas forcément envie d’aller plus loin. La loi sur la croissance et l’activité a reconnu aux cuisiniers le statut d’artisans. L’opération « Goût de France – Good France », visant à promouvoir à l’étranger le repas à la française, a été lancée. Cependant, le label « fait maison » a du mal à décoller. Il est peu affiché dans les restaurants. J’ai dîné dimanche soir dans un établissement qui affichait l’étiquette « cuisine maison », ce qui m’a paru presque une provocation – quand bien même la cuisine y était excellente…

L’article 7 de la loi du 17 mars 2014 a inséré dans l’article L. 121-82-1 du code de la consommation la définition suivante : « un plat "fait maison" est élaboré sur place et à partir de produits bruts ». Peuvent toutefois entrer dans sa composition des produits ayant subi une transformation nécessaire à leur utilisation. Le « fait maison » est une démarche volontaire, dont le contrôle est réalisé a posteriori par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), lors du contrôle ordinaire d’un établissement. Les sanctions sont celles prévues en matière de pratiques commerciales trompeuses, soit au plus deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Publié le 11 juillet 2014, le premier décret relatif à la mention « fait maison » a connu un succès mitigé. L’obscurité de sa rédaction, en style purement technocratique, nous a nous-mêmes révoltés. La définition du « fait maison », qui autorisait même l’utilisation de produits surgelés, ne permettait pas réellement de distinguer la cuisine artisanale de la cuisine d’assemblage. Selon la Direction générale des entreprises, moins de 10 % des établissements de restauration commerciale indépendants auraient utilisé cette mention.

Publié le 6 mai 2015, un second décret a redéfini les produits bruts comme les produits alimentaires crus ne contenant, notamment du fait de leur conditionnement ou du procédé utilisé pour leur conservation, aucun assemblage avec d’autres produits alimentaires excepté le sel. Cette rédaction exclut l’utilisation des produits surgelés dans le « fait maison ».

Font exception les produits que le consommateur « ne s’attend pas à voir réaliser par le restaurateur lui-même » : charcuteries, salaisons, pain, pâtes, vins, alcools… On ne peut toutefois présenter comme « fait maison » un plat composé exclusivement de charcuterie, de trois cornichons et d’un coup de pinard, à moins qu’ils n’aient été fabriqués sur place…

Les exceptions prévues pour les traiteurs et les produits vendus dans les foires et sur les marchés demeurent inchangées. Certaines difficultés se posent néanmoins, notamment pour les restaurateurs éloignés de leurs lieux d’approvisionnement ou installés dans les zones de montagne, qui seraient désavantagés par le nouveau périmètre de la mention.

Hier encore, j’ai reçu des courriers de restaurateurs me demandant pourquoi on leur imposait davantage d’obligations qu’aux bouchers ou aux charcutiers. La réponse est simple : le législateur et le Gouvernement ne cherchent pas à les embêter, mais bien à informer le consommateur et à valoriser les restaurateurs qui ont du personnel en cuisine, et pas seulement des micro-ondes, ce qui permet de préserver l’emploi ainsi que la qualité de la gastronomie à la française.

Commençons par entendre le représentant de la technostructure : où en est la mise en œuvre des différents décrets ?

M. Bruno Geeraert, chef du bureau de l’artisanat et de la restauration à la Direction générale des entreprises (DGE). Je rappellerai en quelques mots la philosophie du dispositif, ainsi que les attentes des professionnels et des consommateurs.

C’est dans le cadre du comité de filière dédié à la restauration que s’est dégagée la nécessité de valoriser la fabrication et les savoir-faire français. Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, a déposé sur le projet de loi de Benoît Hamon, un amendement qui a abouti au dispositif du « fait maison » tel que nous le connaissons actuellement.

Les professionnels souhaitaient que l’on reconnaisse le travail de ceux qui cuisinent, c’est-à-dire qui, dans leur restaurant, mettent quotidiennement en œuvre un savoir-faire, par opposition à ceux qui servent une cuisine d’assemblage. Quant aux consommateurs, en pleine affaire Spanghero, ils avaient envie de savoir ce qu’ils mangeraient s’ils franchissaient la porte d’un établissement : et tout un chacun est libre de son choix, encore faut-il qu’il puisse choisir en toute connaissance de cause.

Le texte a été adopté et le projet de décret a paru il y a moins d’un an, en juillet 2014. Rapidement, Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, s’est rendu compte que le dispositif n’était bien accepté ni par les restaurateurs ni par les consommateurs.

Début 2015, nous avons mené à sa demande une concertation avec tous les membres du comité de filière de la restauration : organisations professionnelles, associations de consommateurs, associations culinaires, réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), réseau de la répression des fraudes et des chambres de commerce et d’industrie, professionnels distribuant les produits utilisés par les restaurateurs ou appartenant à l’industrie agroalimentaire.

Leur point de vue ayant été recueilli, la ministre a décidé de simplifier le décret pour le rendre plus compréhensible et faciliter sa mise en œuvre. La nouvelle rédaction, parue en mai, ne convient pas nécessairement à tous, mais la presse nationale, spécialisée ou économique a d’une façon générale salué un texte plus clair et plus exigeant. Celui-ci aidera le dispositif du « fait maison », qui n’a pas encore un an d’existence, à se développer.

M. le président François Brottes. Je rappelle que les adhérents de la branche restauration de l’UMIH, dont nous allons entendre le vice-président, ne sont pas tous éligibles à la notion de « fait maison ». Du coup, il n’est pas évident qu’il y fasse l’unanimité…

M. Jean Terlon, vice-président de la branche restauration de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH). Je vais vous décevoir, monsieur le président… Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre invitation à m’exprimer sur un sujet qui me tient à cœur, puisque j’exerce le métier d’artisan cuisinier restaurateur. Le président de l’UMIH restauration, Hubert Jan, est en activité, comme je le suis moi-même, ce qui m’oblige à me trouver tous les jours dans ma cuisine à midi. Nous sommes des représentants purs et durs de l’artisanat.

Venir chez nous, c’est trouver une cuisine « faite maison » par un cuisinier qui est aussi un chef d’entreprise. La loi Macron a reconnu l’existence de l’artisan cuisinier. Le comité de filière demande qu’on reconnaisse à présent la restauration artisanale.

Je me sens très bien à l’UMIH dont la branche restauration regroupe 95 % d’indépendants disséminés sur le territoire français, tous cuisiniers et chefs d’entreprise, qui gèrent à la fois leur restaurant et ce lieu stratégique et terriblement compliqué qu’est la cuisine. Protéger l’artisanat dans la restauration étant notre dada, nous avons soutenu le projet du « fait maison ».

Nous aimons bien les hommes politiques, que nous essayons de convaincre avec notre cœur et nos tripes. Mme Delga était la première étonnée que le grand métier de cuisinier, qui valorise la France dans le monde entier, ne soit pas reconnu dans sa dimension artisanale. L’initiative que Jean-Pierre Raffarin a prise dans ce sens en 1995 a capoté. Le statut des boulangers a été protégé, mais pas celui des pâtissiers.

Il est temps de faire un geste pour ceux qui se donnent la peine de partir en apprentissage ou de fréquenter une école hôtelière. Pour ma part, j’ai appris la cuisine dès l’âge de cinq ans avec ma mère et ma grand-mère. Je respire la cuisine. On ne conçoit pas d’acheter chez le boulanger un pain qui ne soit pas cuit sur place. On attend d’un boucher, d’un charcutier ou d’un fleuriste qu’ils soient des artisans. Pourquoi en irait-il autrement avec les cuisiniers ?

La première rédaction du décret assimilait les légumes surgelés aux légumes frais. La seconde rédaction est plus intéressante et plus claire. Elle exclut clairement les légumes surgelés et définit le « fait maison » comme ce qui est élaboré sur place. Pour moi, le « fait maison », quel que soit le restaurant considéré, est ce qui fait l’identité du plat. Le client aime savoir que le restaurateur est encore capable de mijoter une blanquette ou un pot-au-feu. Quand il se rend chez un restaurateur indépendant, il s’attend à manger une autre cuisine que celle de l’industrie agroalimentaire, qui, du reste, n’est pas sans qualités et qui fait travailler beaucoup de gens. Encore faut-il pouvoir identifier l’un et l’autre.

M. Didier Chenet, président du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (SYNHORCAT). Nous n’avons jamais vécu les décrets comme des contraintes. En septembre 2011, c’est à notre initiative que le député Fernand Siré avait déposé un amendement, sous-amendé par M. Daniel Fasquelle. Ces textes obligeaient les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration permanente ou occasionnelle à informer les consommateurs sur les conditions d’élaboration de leurs plats. Une proposition de loi a été déposée dans ce sens en janvier 2013.

Nous avons toujours soutenu le « fait maison » mais, bien que je n’aie pas l’intention de défendre l’industrie agroalimentaire, je crois qu’il faut cesser de stigmatiser le surgelé, dont l’emploi, contrairement à ce qui vient d’être dit, n’est pas interdit dans le « fait maison ». On peut parfaitement utiliser des crevettes surgelées crues qui n’ont subi aucune transformation.

M. le président François Brottes. Les crevettes oui, mais les légumes ?

M. Didier Chenet. Il y a deux cas : les oignons ou des champignons peuvent être surgelés en étant seulement épluchés ; les autres légumes doivent être blanchis avant d’être surgelés, ce qui constitue une légère transformation.

Cela pose un problème : certains établissements de montagne notamment ont du mal à servir des produits frais. D’excellents restaurateurs situés sur les pistes ou ailleurs se heurtent à des problèmes d’approvisionnement dont il faut tenir compte. D’autre part, les tout petits établissements n’ont pas les moyens de payer un demi-salarié pour le consacrer à l’épluchage. C’est pourquoi je considère qu’il ne faut pas stigmatiser l’emploi de produits non transformés surgelés. Il en va différemment pour les produits transformés et a fortiori les plats cuisinés surgelés.

M. le président François Brottes. En clair, des frites ne sont pas « faites maison » si elles ne proviennent pas de pommes de terre épluchées dans le restaurant.

M. Jean Terlon. Le restaurateur peut utiliser pendant deux ou trois jours des frites fraîches achetées à un agriculteur qui récolte les pommes de terre, les lave, les épluche, les coupe et les sert sous vide. Ces frites-là n’ont subi aucune transformation. En revanche, tous les légumes surgelés doivent, pour des raisons d’hygiène, être plongés avant congélation pendant soixante-dix secondes dans de l’eau chaude afin de tuer les bactéries : on ne peut plus parler de légumes crus, puisqu’ils ont subi une première cuisson.

M. Didier Chenet. Ce n’est pas à proprement parler du chauffage…

M. Jean Terlon. Plonger dans l’eau chaude, c’est du chauffage !

M. Didier Chenet. Soyons clairs : nous n’avons jamais dit que le « fait maison » peut s’appliquer n’importe comment.

Deuxième remarque : le décret spécifie que le restaurateur ne peut pas apposer un seul logo « fait maison » sur sa carte dès lors qu’il propose un plateau de fromages. Du coup, cela oblige à mettre le logo sur chaque plat, ce qui rend l’affichage peu lisible. Comment rendre cette présentation plus compréhensible ?

Si nous avons soutenu le « fait maison », nous étions partisans d’une solution plus simple, en protégeant dans notre pays l’appellation « restaurant ». Aux États-Unis, où l’on considère les établissements de la chaîne McDonald’s comme des burgers, nul n’aurait l’idée de les désigner comme des « restaurants ». C’est pourtant ainsi qu’ils se présentent chez nous, ce qui me semble un comble. Le mot « restaurant » est universel, et son utilisation mérite d’être encadrée, d’autant que 40 % des étrangers viennent en France pour goûter notre gastronomie. L’idée fait son chemin en Europe. J’espère que les pays anglo-saxons ne seront pas les seuls à faire du lobbying en ce sens auprès de l’Union européenne.

Enfin, nous craignons que le décret sur les allergènes, qui complexifie considérablement l’information à fournir par le restaurateur, n’encourage l’utilisation de produits de l’industrie agroalimentaire, vendus avec leur liste des allergènes.

M. Jean Terlon. Les produits industriels sont ceux qui contiennent le plus d’allergènes !

M. le président François Brottes. Pour avoir présidé une table ronde sur le sujet, je peux témoigner que la protection de l’appellation « restaurant » est loin de faire l’unanimité, c’est peu de le dire.

Mme Brigitte Troël, déléguée générale du GéCo (Les industriels au service de la restauration), membre de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA). Le décret portant sur le « fait maison » concerne avant tout les restaurateurs, mais la restauration est une filière dont les industries de l’agroalimentaire font partie intégrante. Il est donc légitime que nous relayions aussi les inquiétudes de nos entreprises.

Si nous ne remettons en cause ni le label ni l’objectif du législateur qui entend valoriser les savoir-faire gastronomiques de notre pays, nous regrettons que le décret soit aussi élitiste.

Le GéCo, membre de l’ANIA, réunit des industriels fabriquant et commercialisant des produits alimentaires en restauration, ce qui ne représente pas moins de 15 % du chiffre d’affaires de l’industrie. Les TPE-PME constituent 97 % des entreprises agroalimentaires françaises, dont 73 % sont des TPE. Le marché de la restauration est particulièrement adapté aux petites entreprises, du fait des volumes commercialisés. Le rapport de force est très différent de celui que l’on observe dans la grande distribution.

Depuis 1976, nous étudions et analysons le marché de la restauration pour les industriels. Nous pensons avoir une vision objective de son évolution et de sa situation économique. Contrairement à ce qu’a écrit la presse, notamment lors de la parution du premier décret, il n’y a pas lieu d’opposer de manière binaire les cuisines traditionnelle et industrielle. Il n’y a pas, d’un côté, des restaurateurs qui font du 100 % « fait maison » et de l’autre ceux qui se contentent d’ouvrir des sacs de produits tout faits : ceux-là représentent moins de 2 % de la profession.

Les restaurateurs ont le choix entre une multitude de process utilisant une part plus ou moins grande de produits agroalimentaires, dont l’utilisation répond à des impératifs de maîtrise des coûts, mais également de sécurité sanitaire. Dans les villes, où les cuisines sont très petites, le recours à certains produits élaborés compense le manque de surface, qui interdit de disposer d’une légumerie ou d’une pâtisserie. Il évite qu’on juxtapose des tâches sur des petites surfaces, alors que le côtoiement de produits bruts, voire terreux, et de produits propres présente de réels risques sanitaires. Ajoutons que le coût des mètres carrés nécessaires à la réalisation d’une légumerie ou d’une pâtisserie se répercute sur les charges, donc sur le prix de vente.

La restauration peine à recruter alors même que l’emploi s’est développé dans nos entreprises. Il serait intéressant, voire justifié d’alléger les charges de personnel sur les postes non qualifiés. L’épluchage de légumes ne représente pas de valeur pour un exploitant, qui préfère recourir aux légumes surgelés. Il y a un an, une étude a souligné que l’application du décret par l’ensemble des restaurateurs amputerait leurs marges déjà mises à mal. Depuis 2009, ils font face à une demande fuyante des consommateurs. De ce fait, ils ont dû contenir leurs prix, alors même que le coût salarial unitaire augmentait rapidement.

Certes, ce label s’adresse aux restaurateurs comme aux consommateurs, pour lesquels il faut rendre les process de cuisine plus transparents. Mais pourquoi ne pas rappeler que la restauration a évolué, comme d’autres secteurs – l’automobile, l’électronique –, ce qui l’a rendue accessible à tous et plus sûre en matière sanitaire ? Elle n’est plus la même qu’il y a trente ans.

Nos clients regrettent que le décret n’admette pas l’utilisation des légumes surgelés blanchis, alors même qu’il autorise le surgelé en tant que tel. C’est ce qui le rend très élitiste : peu de restaurateurs sont en mesure de l’appliquer à toutes leurs prestations.

Je rappelle que le blanchiment n’est ni une cuisson ni un chauffage, mais un traitement sanitaire tendant à stopper le développement enzymatique et bactérien des produits avant surgélation. Il vise donc, comme le décret, à améliorer la qualité sanitaire des produits. Seules quatre ou cinq références de légumes surgelés ne sont pas blanchies, ce qui signifie qu’au moins 90 % des légumes surgelés ne pourront pas être utilisés dans le « fait maison ».

La restauration commerciale souffre. En 2014, les dépenses totales des consommateurs n’ont progressé que de 0,1 % sur ce marché, alors même que la TVA a augmenté. Dans son ensemble, la restauration commerciale a perdu 5,5 points d’occasions de consommation en six ans, dont 8 % pour la restauration à table, la plus concernée par le décret sur le « fait maison ». Dans les cafés-bars-brasseries, la chute atteint 10 %.

Nous partageons l’inquiétude d’une partie de nos clients face à un consommateur de moins en moins régulier, attentif non seulement à la transparence et à la qualité, mais aussi au prix des plats. Le ticket moyen en restauration tourne autour de 15 euros, budget qui ne permet pas toujours de faire du tout-maison.

Le décret sur le « fait maison » n’est pas d’application obligatoire. La seconde rédaction interdira à la majorité des restaurateurs de le mettre en œuvre, ce qui risque d’altérer l’image de la profession si personne ne fait œuvre de pédagogie pour expliquer au consommateur que les métiers ont évolué et que l’utilisation de produits agroalimentaires n’est pas incompatible avec l’excellence.

M. le président François Brottes. Le décret traite-t-il différemment le surgelé et le sous-vide ?

M. Bruno Geeraert. La première version était pour le moins obscure. Étaient autorisés au titre du « fait maison » les « produits bruts n’ayant subi aucune modification importante, y compris par chauffage ». Autrement dit, l’utilisation des légumes surgelés blanchis était d’ores et déjà interdite.

La seconde version, publiée le 6 mai, est rédigée de manière plus claire, mais, sur le fond, l’interdiction concernant les légumes surgelés est la même. Par ailleurs, elle durcit le dispositif, en interdisant des produits comme la pâte feuilletée, autorisée dans la première version.

M. le président François Brottes. Mme Troël n’adhérait pas plus à la première version qu’à la seconde…

M. Bruno Geeraert. La DGE a tenu à rencontrer les industriels de l’agroalimentaire. Cela a permis d’intégrer l’utilisation de certains éléments comme les fonds de sauce, qu’on réalise en faisant cuire longuement des os, ce qui est très long et pose des problèmes de sécurité sanitaire. Il est difficile d’aller au-delà si l’on veut que les consommateurs, dont les attentes sont très fortes et très marquées, adhèrent au dispositif.

Mme Brigitte Troël. Je remercie la DGE de son écoute. Le blanchiment des abats est autorisé pour des raisons sanitaires ; or celui des légumes a exactement la même vocation. Une opération de chauffage sanitaire n’a rien à voir avec une véritable cuisson : je vous défie de manger de légumes uniquement blanchis. Ce message de sécurité sanitaire peut être entendu par les consommateurs.

M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation de l’Union fédérale des consommateurs (UFC) Que choisir. Dans une enquête publiée pendant l’été 2013, nous avions comparé deux assiettes de bœuf bourguignon, l’une répondant aux critères actuels du « fait maison », l’autre produite de manière industrielle. Pour la première, le coût des matières premières était de 2,45 euros ; pour la seconde, il atteignait 4,50 euros. La première demandait au restaurateur un temps de préparation d’une minute ; la seconde, une heure. La première pouvait être réchauffée en trois minutes au micro-ondes, quand le temps global de cuisson du « fait maison » était de trois heures trente…

Un restaurateur qui achète à un fournisseur industriel un tagine au citron et un moelleux au chocolat les paie respectivement 2,47 et 0,99 euros hors taxe, soit un prix total de 3,46 euros, alors qu’il les facturera au moins 15 euros au consommateur. On comprend que celui-ci ressente un certain agacement quand on lui sert des plats tout préparés ou semi-préparés, émanant des nombreuses marques de distributeurs spécialisés ou de grossistes.

Même après la parution du second décret, le consommateur français reste dans l’incapacité de connaître le véritable mode de préparation des aliments. Nous essayons de lui fournir quelques pistes. Notre propos n’est pas de jeter l’opprobre sur certaines pratiques, mais de les identifier. S’agit-il de se sustenter entre midi et deux, un jour de semaine, pour une somme modique, en allant manger dans un établissement, qui de bon droit, utilise des produits peu coûteux et bactériologiquement parfaits, ou de se faire plaisir ainsi qu’à sa famille, en allant dans un restaurant en étant totalement rassuré sur la proportion des produits réellement cuisinés par le restaurateur ? La différence entre les deux n’est pas facile. Entre autres pistes que nous donnons au consommateur, nous suggérons de regarder la longueur de la carte : il est rigoureusement impossible d’élaborer des dizaines de plats dans un restaurant parisien traditionnel, faute de place.

Mais cela ne suffit pas. Il faut clairement encadrer les mentions qui figurent sur la carte afin que le consommateur s’y retrouve mieux. La première version du « fait maison » était inadmissible à nos yeux. Le décret listait un très grand nombre d’exceptions : pouvaient entrer dans la composition d’un plat « fait maison » tous les produits réceptionnés, épluchés, pelés, tranchés, coupés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus, broyés, fumés, salés, réfrigérés, congelés, surgelés ou décongelés ! Autant dire qu’on autorisait l’utilisation de pratiquement tous les ingrédients pré-transformés.

La nouvelle rédaction renforce certes le dispositif, mais certaines zones d’ambiguïté demeurent importantes. Peut-on réaliser une salade « faite maison » en ouvrant un sachet des légumes prédécoupés et lavés, accompagnés d’une vinaigrette « faite maison » ? J’ai vainement posé la question à plusieurs personnes. La DGE peut-elle nous répondre sur ce point ?

Nous demandons que la DGCCRF réalise des enquêtes qui nous éclaireront sur l’application de la directive par les professionnels. Ce n’est que concrètement, sur le terrain, qu’on identifiera les zones d’ombre et qu’on éclaircira les modalités d’affichage, afin qu’elle soit parfaitement lisible par le consommateur. Le nouveau logo doit-il figurer de manière générique sur la carte, face au nom de chaque plat, ou bien à l’entrée de l’établissement ? Comment s’articulent l’encadrement du « fait maison » et la protection du titre d’artisan cuisinier ? Le consommateur devra-t-il éplucher toute la carte avant d’entrer en toute confiance dans un établissement, ou y aura-t-il un signe plus explicite sur la devanture ?

M. le président François Brottes. J’ai le sentiment que la série « Cauchemar en commission » n’est pas terminée…

Mme Pascale Got. Je trouve positif de tenir une table ronde sur ce sujet qui, il y a quelque temps, était loin de faire l’unanimité. Rappelons-nous les discussions longues et passionnées qui ont précédé le vote de certains amendements, le faible intérêt des syndicats, très partagés sur l’encadrement de l’appellation « restaurant », et la bataille entre la profession et les institutions publiques au sujet des labels.

Il est dommage que le décret, trop complexe, n’ait pas servi le « fait maison » et provoqué la gouaille de certains restaurateurs qui ont fait leur plan de communication sur son dos. Le label a été plus souvent perçu comme un jugement que comme un critère de choix pour le consommateur. Il faut aller plus loin. La restauration étant un élément majeur du tourisme, cela exige une concordance qualité-prix mieux affichée et un respect tant des consommateurs que des cuisiniers.

Sommes-nous à l’abri des plats bricolés ? Je n’en suis pas certaine. Peut-on être plus exigeant sur la provenance des produits ? N’est-il pas paradoxal que ce soient les restaurants qui s’auto-labellisent « fait maison » ? Peut-on mener une réflexion plus consensuelle sur le surgelé ? L’Italie a une position plus franche que nous sur le sujet. Enfin, les contrôles ont été repoussés jusqu’en 2015. A-t-on commencé à en effectuer ? Comment se sont-ils déroulés ?

M. Daniel Fasquelle. Le sujet avait été abordé par un amendement de Fernand Siré, déposé sur le projet de loi de Frédéric Lefebvre, avant de faire l’objet d’une proposition de loi.

Il faut dessiner les contours du « fait maison » : peut-on utiliser les produits bruts ou crus ? Les produits surgelés ? La pâte feuilletée ? C’est aux professionnels qu’il revient de trancher avec le ministère ces questions qui n’intéressent pas directement le législateur.

Je préfère engager le débat sur un autre plan. J’avais à l’époque combattu l’idée d’inscrire le « fait maison » dans la loi, car j’étais sûr que cela ne marcherait pas. Quel intérêt le restaurateur aurait-il à indiquer que tel plat est « fait maison », ce qui signifie a contrario que les autres ne le sont pas ? S’il ne porte pas cette mention sur la carte, de quel moyen dispose-t-on pour l’y contraindre ? Comment va-t-on le contrôler, voire le sanctionner ? Si c’est le cas, on découragera les restaurateurs qui font l’effort de réaliser quelques plats par eux-mêmes. Vous aurez beau bricoler et rebricoler vos décrets, cela n’y changera rien. Le système est d’emblée voué à l’échec.

J’en reviens donc à la proposition que j’avais défendue, et que la majorité a écartée pour la seule raison qu’elle ne voulait pas reprendre une idée de l’opposition. De même qu’on n’appelle boulanger que celui qui fait son pain sur place, on devrait n’appeler « restaurant » qu’un établissement où l’on prépare les plats. Cette solution plus simple présente une foule d’avantages : on protégerait la gastronomie et l’emploi, tout en fournissant une information complète au consommateur.

Enfin, contrairement à ce qui vient d’être dit, il existe même à Paris des établissements qui proposent pour le déjeuner des repas complets à moins de 10 euros avec des plats entièrement préparés sur place. Tout est une question de volonté. Si nous ne réagissons pas, les restaurateurs, sous la pression de l’industrie agroalimentaire, renonceront à préparer des plats, et l’on finira par manger partout la même chose.

M. le président François Brottes. Votre proposition aurait fait disparaître beaucoup de restaurants.

M. Thierry Benoit. Je nourris de grands doutes sur cette appellation « fait maison ». À mon sens, c’est moins le plat que le cuisinier qu’il faut labelliser. C’est lui qui s’est formé, qui recherche l’excellence et qui met un point d’honneur à réaliser des plats de qualité. Il s’approvisionne tantôt en circuit court tantôt en faisant confiance à des industriels, dont beaucoup sont sérieux.

D’autre part, il faut travailler en amont sur la traçabilité des ingrédients, sur l’identité des produits, bref, sur la matière première. Dans les différents restaurants de l’Assemblée nationale – ceux du septième ou du huitième étage ou la buvette –, il est bien difficile de savoir d’où viennent les yaourts. Seul un ingénieur peut décrypter les codes qui permettent de connaître l’origine du lait.

M. Olivier Andrault. C’est en effet très compliqué.

M. Thierry Benoit. Il faut aussi éduquer et rééduquer le consommateur. Par nature, la viande d’un bon veau de lait est rosée. Hélas, on répète depuis des lustres qu’elle doit être blanche, ce qui amène la filière industrielle à élever les bêtes dans l’obscurité. Il faut expliquer certaines choses au consommateur, qui doit connaître les différents morceaux de viande et les légumes. Servir un steak haché, une feuille de salade et un peu de sauce entre deux tranches de pain brioché ne requiert aucune compétence particulière, alors qu’un crêpier breton qui utilise des produits nobles fait de la cuisine.

À partir du 1er juillet, les restaurateurs qui servent toujours le même menu et se fournissent chez des industriels n’auront aucun mal à indiquer les allergènes qui entrent dans leurs plats. Ce sera autrement plus compliqué pour ceux qui varient leur offre chaque jour en utilisant des produits d’origine différente. Voilà qui incitera le cuisinier de quartier à acheter des produits banalisés, pas forcément très bien tracés, mais présentant toutes les garanties de sécurité sanitaire.

Je conclurai en rappelant qu’en France, nous sommes plutôt bien portants et correctement nourris, ce qui devrait nous inciter à faire confiance aux restaurateurs.

Mme Brigitte Allain. Le sénateur Joël Labbé avait fait adopter un amendement rétablissant sur les cartes des restaurants la mention « fait maison », à laquelle les écologistes sont très attachés. Notre préoccupation a toujours été de reconnaître la qualité des restaurateurs et d’aider les consommateurs à distinguer les établissements où l’on cuisine des produits frais, produits localement et de saison. C’est aussi une manière de soutenir l’emploi. Je vous invite le 7 juillet à la remise du rapport que j’ai rédigé sur le sujet, auquel seront évidemment associés les artisans restaurateurs.

Le premier décret, trop permissif, était très décevant. Le second, loin d’être élitiste, clarifie certaines choses. Il faut cependant aller plus loin. Le ministère va-t-il promouvoir le nouveau label auprès des professionnels en formant les cuisiniers ? Quels contrôles envisage-t-il ? Comment les mettra-t-il en pratique ? Des fraudes ont-elles déjà été signalées ? Le ministère doit se donner des outils pour évaluer l’efficacité de ce label et sa reconnaissance par le consommateur.

Enfin, tant pis si le point fait polémique, il reste à mener un travail sur la définition des restaurants. De même, il est important d’avancer sur la reconnaissance du titre d’artisan cuisinier. Il est un peu choquant que le premier venu puisse ouvrir un restaurant…

Mme Jeanine Dubié. En entendant les intervenants, j’ai eu l’impression de revenir des mois en arrière, au moment où nous avons discuté de la notion de « fait maison », et je mesure combien la volonté du législateur a été détournée par la voie réglementaire.

Notre propos était de promouvoir le savoir-faire du cuisinier et de lutter contre la cuisine d’assemblage, avec des produits achetés chez Métro et simplement passés au micro-ondes. Nos amendements tendaient à préciser dans la loi que les plats devaient être composés avec des produits crus. On nous a objecté qu’un produit cru n’est pas nécessairement de bonne qualité, et que les produits surgelés étaient parfois meilleurs. Soit ! Le savoir-faire et la confection sur place nous importaient plus que l’origine du produit.

Le décret confond toutes ces notions. Sa rédaction conduira à refuser le label à des cuisiniers qui possèdent des savoir-faire, mais ne peuvent se servir uniquement de produits frais. Le législateur devrait pouvoir s’assurer que sa volonté sera respectée par le pouvoir réglementaire et que la rédaction du décret ne compliquera pas inutilement la situation.

Pouvez-vous me dire si les restaurateurs qui s’engagent dans le « fait maison » privilégient les productions locales labellisées IGP (indication géographique protégée), AOC (appellation d’origine contrôlée) ou AOP (appellation d’origine protégée) ?

Je me réjouis que la loi Macron ait donné satisfaction aux cuisiniers qui demandaient avec force la reconnaissance du titre d’artisan cuisinier. Mais ne nous y trompons pas : j’ai bien compris qu’ils voulaient surtout pouvoir s’inscrire au registre des métiers, parce qu’ils considéraient qu’ils faisant partie des artisans, non des commerçants. Cela dit, ce n’est pas parce qu’on est artisan cuisinier ou qu’on possède un CAP cuisine ou un BEP métiers de la restauration et de l’hôtellerie qu’on réalise nécessairement du « fait maison ». Enfin, tous les maîtres restaurateurs indiqueront-ils sur leur carte que leurs produits sont « faits maison » ? Et tous ceux revendiqueront le « fait maison » seront-ils maîtres restaurateurs ?

M. le président François Brottes. En d’autres termes, est-ce le savoir-faire qui fait le bon produit ou le bon produit qui fait le savoir-faire ?

M. André Chassaigne. J’ai d’emblée été favorable au label « fait maison », qui répondait à une attente. Il faut tenir compte de la réalité du terrain. Dans les territoires ruraux, peu touristiques – et très éloignés du Touquet –, des restaurateurs pas nécessairement très qualifiés font vivre des auberges en conservant le goût du travail bien fait. Ne leur refusons pas, au nom de je ne sais quel élitisme, le titre de restaurateur. M. Cinieri connaît comme moi les monts du Forez, qui séparent nos circonscriptions. Il sait de qui je veux parler.

En d’autres termes, méfions-nous des appellations par trop élitistes. Souvenons-nous de cette anecdote d’Edouard Herriot, qui fut maire de Lyon, capitale française de la gastronomie : « En me promenant un jour dans le vieux Nice, j’ai vu un panonceau « Restaurant ouvrier », avec écrit dessous : « cuisine bourgeoise ». » Et d’ajouter avec un brin d’humour : « Cela me fait penser à la politique conduite par le parti socialiste. » (Rires.) La situation n’a pas tellement changé…

M. Thierry Benoit. Ça, c’est du « fait maison » !

M. André Chassaigne. Méfions-nous de l’accumulation des labels qui risquent de se télescoper. Un « maître restaurateur » ne réalise-t-il pas toujours du « fait maison », que l’on sert évidemment dans un « restaurant de qualité », qui y rajoute l’hospitalité ?

Sans évoquer les appellations régionales comme « Toques d’Auvergne » – qui sans doute deviendra bientôt « Toques d’Auvergne-Rhône-Alpes » –, il existe les « Restaurateurs de France », les « Tables et auberges de France », les « Fermes auberges », les « Tables remarquables » des « Châteaux et hôtels collection », sans parler des « Logis de France ». Comment ces labels sont-ils contrôlés, alors que les agents de la DGCCRF, du fait de la majorité précédente, mais la nouvelle n’y a rien changé, sont de moins en moins nombreux dans les territoires ?

Vous aurez noté que mon intervention était beaucoup moins technique que celle de ma collègue radicale, habituée à la gastronomie du Sud-Ouest !

M. le président François Brottes. Vous êtes le seul député labellisé « petit futé » ! (Rires.)

De ma place, je ne peux pas prendre parti lorsque vous mettez en cause telle ou telle formation politique, mais j’ai bien envie d’adhérer à un parti qui souhaite que l’on puisse manger de la cuisine bourgeoise dans tous les restaurants ouvriers !

M. Alain Suguenot. Le « fait maison », cela veut dire que c’est la maîtresse de maison qui a fait le gâteau ou qu’il a été acheté chez un bon pâtissier qui l’aura confectionné. Mais la genèse du label « fait maison » n’a rien à voir avec cela : il a été créé pour mettre en avant l’excellence de la table française. Mais il ne sert à rien puisque celui qui fait des efforts sera soumis à des contrôles tandis que le pseudo-restaurateur qui propose de la cuisine industrielle n’a strictement aucune obligation d’information. J’ajoute que, fort heureusement, la norme sanitaire n’a rien à voir avec la qualité gustative. Sinon, il faudrait interdire les fromages non pasteurisés, comme l’ont fait les Américains.

On confond la reconnaissance du professionnel et l’information du consommateur. L’information du consommateur doit porter sur les normes sanitaires, l’origine du produit, etc. C’est le travail du restaurateur qu’il faut mettre en avant, ce qui n’a rien à voir avec le label « fait maison ». Il est faux de dire que le second décret est meilleur que le premier : celui qui aura confectionné une tarte Tatin parfaite suivant la recette des demoiselles Tatin de Lamotte-Beuvron, mais qui aura eu le malheur d’y ajouter une boule de glace dont on ne connaît pas l’origine n’aura pas droit au label « fait maison » ! On est dans une espèce de logique du fou où, à travers une volonté saine de défendre un pôle d’excellence, on a banalisé le produit. On aboutit à l’effet inverse puisque ceux qui ont une démarche de qualité seront soumis à des contrôles tandis que les autres ne sont pas sanctionnés. Il vaudrait mieux créer un label qui indiquerait que tel établissement utilise des produits achetés tout faits et ne relève donc pas de la même nomenclature.

Si le label « fait maison » n’existait pas, on ne s’en porterait pas plus mal. Je ne suis pas véritablement surpris que ce soit un échec : 5 % seulement des restaurateurs l’ont mis en place. Et rappelons qu’il n’y a que cinquante contrôleurs pour 170 000 restaurants.

Mme Frédérique Massat. Il est important que le consommateur sache si le plat qui lui est servi au restaurant est fait maison ou non. Je suis d’accord, ce label doit encore évoluer. Cela étant, il constitue déjà une réelle avancée car je rappelle que jusqu’à présent rien n’existait. À l’évidence, le logo qui est inscrit sur les cartes est bien reçu par le consommateur.

Dans un article publié dans Le Monde, Alain Ducasse et Joël Robuchon considèrent que les projets de loi sur la restauration sont incompréhensibles et inapplicables, et que le législateur devrait laisser les professionnels s’occuper eux-mêmes de leurs affaires. Partagez-vous cette position ? Bien sûr, je ne suis pas d’accord avec eux.

Sait-on combien de restaurateurs ont mis en place le label « fait maison » depuis que le décret a été modifié ? Quel est son impact sur la vente des plats ?

Certains ont émis des inquiétudes sur le décret « allergènes ». Mais il est important que les consommateurs sachent que certains produits peuvent entraîner des allergies très dangereuses. Plutôt que d’être un frein, ce décret évitera que les consommateurs aient des réticences vis-à-vis de certains plats.

Enfin, je m’interroge moi aussi sur le contrôle du « fait maison », dont dépend toute l’efficacité du label. Sans contrôle suffisant, nous risquons de nous retrouver avec un dispositif mort-né. Il est donc essentiel d’y consacrer les moyens nécessaires.

M. Jean-Claude Mathis. Beaucoup de choses ont déjà été dites, souvent contradictoires, ce qui prouve qu’il reste encore beaucoup de travail pour faire converger toutes les opinions.

Les restaurateurs que j’ai rencontrés m’ont fait part de trois inquiétudes. La première concerne la faisabilité économique : nombre de restaurateurs n’ont pas forcément les moyens d’embaucher du personnel supplémentaire pour éplucher les légumes, etc. La deuxième porte sur l’approvisionnement : en raison de leur éloignement, certains restaurants ne peuvent pas s’approvisionner tous les jours. La troisième inquiétude a trait au décret « allergènes » qui impose aux restaurateurs d’indiquer l’ensemble des allergènes présents dans les plats, qu’ils soient d’ailleurs faits maison ou non. Ce décret ne risque-t-il pas de polluer le label « fait maison » ?

M. Hervé Pellois. Je suis heureux de voir que des professionnels sont satisfaits de ce nouveau décret. Les Français attendaient que des précisions soient apportées, le label « fait maison » ayant été plutôt bien compris et accepté.

Comment peut-on améliorer le système d’approvisionnement en produits frais pour les restaurateurs ? Les circuits courts, de plus en plus utilisés par la restauration collective, ne sont-ils pas une voie possible pour résoudre ce problème d’approvisionnement ?

Quelles solutions préconiseriez-vous pour combiner le respect du décret « allergènes » et le label « fait maison » ?

M. Joël Giraud. Moi qui souffre d’allergies, je puis vous assurer que la meilleure façon de savoir si des plats sont faits maison ou non, c’est de demander quel produit entre dans la composition de tel plat. Quand on vous répond « je ne sais pas », on comprend rapidement que le restaurateur n’a pas vraiment élaboré lui-même le plat. Même chose lorsqu’on demande si la sole est congelée ou pas… La méfiance est alors de rigueur.

Pourquoi les pâtissiers n’ont-ils pas obtenu la qualité d’artisan ?

Vous savez que la devise de la Banque de France c’est que la confiance n’exclut pas le contrôle. C’est d’ailleurs une devise que les députés de la majorité affectionnent dans leurs rapports avec le Gouvernement.

M. le président François Brottes. D’ailleurs, le contrôle n’exclut pas la confiance !

M. Joël Giraud. Absolument ! Mais faut-il que la DGCCRF effectue régulièrement des contrôles approfondis ? Je ne le pense pas, ne serait-ce que pour les raisons évoquées par M. Chassaigne, c’est-à-dire le manque d’effectifs dans cette administration. Sans compter que dans certains territoires ruraux et touristiques, il faut faire de la haute montagne et grimper avec des baudriers pour savoir ce qui se passe dans les refuges… À 3 000 mètres d’altitude, il n’est pas évident de s’approvisionner en légumes frais. Quelles solutions alternatives proposez-vous pour renforcer la crédibilité de la mention « fait maison » à travers les procédures de contrôle ?

Vous avez tous parlé de l’éducation au goût. S’il y a bien un domaine qui est oublié de la démarche « fait maison », c’est bien celui des cantines scolaires. La multiplication des normes et des obligations de sécurité, au demeurant compréhensibles, amène à délaisser les circuits courts, les produits locaux, les produits bio, etc. au profit d’une solution de facilité qui consiste à s’adresser, au travers d’un appel d’offres, à des prestataires quasiment nationaux dont on sait qu’ils respecteront les normes. Je me demande donc si, en matière d’éducation au goût, le « fait maison » ne sera pas sacrifié sur l’autel des normes.

M. le président François Brottes. Nos travaux sont tellement suivis que M. Yves Daniel m’a transmis un message pour contrecarrer les propos de Thierry Benoit sur le veau. Il me dit que ce n’est pas en maintenant un veau dans le noir que la viande sera blanche, mais en l’alimentant strictement au lait, sans aucun aliment grossier comme le foin, l’herbe etc., car il ne faut pas que la panse fonctionne, introduisant du fer.

M. Thierry Benoit. Il me l’a également envoyé. Mais je maintiens ce que j’ai dit.

M. Philippe Armand Martin. Le premier décret sur le « fait maison » a paru au mois de juillet dernier. Un an plus tard, le succès n’est pas au rendez-vous, d’abord à cause d’une faible visibilité dans les restaurants. Mettez-vous à la place du consommateur et des touristes qui viennent en France : pour eux, que veut dire le « fait maison » ? Il faudrait apporter davantage de précisions. C’est le même problème que pour les mentions indiquées en bas des étiquettes des bouteilles de champagne : « négociant manipulant », « récoltant coopérateur », etc. Entre tous ces labels « restaurant de qualité », « restaurateurs de France », « maître-restaurateur », « fait maison », le consommateur n’y comprend plus rien. Ne serait-il pas opportun de créer un seul et unique label, facilement identifiable ?

Mme Annick Le Loch. On voit bien que le débat n’est pas clos, loin de là ! Il faudra sans doute y revenir encore pendant quelques mois.

Nous avons la chance de vivre dans un pays où les produits sont excellents et d’avoir des restaurateurs qui font une cuisine exceptionnelle. Si la gastronomie française est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, c’est bien que nous avons des professionnels de grande qualité.

Le label « fait maison » est complémentaire du label « maître-restaurateur ». Comment les professionnels envisagent-ils de faire vivre cette appellation qui permet une bonne information des consommateurs ? J’ajoute que c’est la reconnaissance et la valorisation du métier, de la formation et de la qualification des restaurateurs.

Sur les marchés, dans les halles, les traiteurs sont également concernés par la mention « fait maison ». Qu’en pensez-vous ? Comment le SYNHORCAT et l’UMIH envisagent-ils de le mettre en œuvre ? Quelles sont ses chances de succès ?

La secrétaire d’État avait parlé d’une première étape indispensable. Monsieur Geeraert, quelle serait la seconde, s’il devait y en avoir une ?

Mme Michèle Bonneton. Il est important que le consommateur sache ce qu’il mange et qu’il trouve ce qu’il recherche. Mais il ne recherche pas toujours la même chose. Dans certains cas, pour aller vite, il voudra manger des produits issus de l’agroalimentaire et pas trop chers ; à d’autres moments, il préférera une cuisine maison. Le label « fait maison » permet d’informer le consommateur. Il peut s’appliquer plat par plat. Par ailleurs, il incite à utiliser des légumes de saison dans la mesure où, grosso modo, les produits congelés ne sont pas autorisés.

Comme ce label n’est pas obligatoire, je ne vois pas en quoi il pénalise tel ou tel restaurateur, si ce n’est par défaut. Il permet de reconnaître ceux qui font des efforts. C’est une démarche de qualité intéressante.

Cependant, je m’interroge quant à la multiplicité des labels. En effet, on peut citer « fait maison », « maître-restaurateur », « artisan-cuisinier », « Goût de France/Good France ». Si les labels sont importants pour la crédibilité de notre cuisine, de notre gastronomie, pour qu’elle continue à avoir la confiance aussi bien des Français que des touristes qui viennent en France, il conviendrait d’apporter quelques clarifications.

Vous l’aurez compris, je n’ai pas du tout de prévention a priori contre les labels, bien au contraire, et je pense que M. Chassaigne n’en a pas non plus : je me souviens qu’il avait fortement soutenu le label « indication géographique » pour les couteaux de Thiers et de Laguiole…

M. Dino Cinieri. Le mois dernier, un second décret est venu simplifier le label « fait maison ». Mais il est de moins en moins clair.

Manger sain et fait maison : tout le monde est pour. Mais, sur le terrain, cela semble beaucoup plus compliqué. Finalement, ce que demandent nos concitoyens ainsi que les touristes que nous accueillons, c’est de connaître la provenance des produits utilisés et qu’ils soient bons, et non qu’ils soient entièrement faits maison : à entendre les professionnels, la chose est pratiquement impossible, sauf peut-être pour les 5 % des restaurants français de très haute gamme.

Mme Marcel et moi-même avons présenté un rapport sur les signes d’identification de la qualité et de l’origine. Les touristes et les restaurateurs estiment que l’alimentation dans nos campagnes est d’une très grande qualité. C’est aussi du 100 % « fait maison ».

M. Daniel Fasquelle. Il a raison !

M. Dino Cinieri. Comment faire concrètement pour contrôler un plat qui aura été fait maison ? Va-t-on envoyer des inspecteurs qui, après s’être mis à table, se précipiteront dans la cuisine pour constater que le plat pourtant labellisé comme tel n’aura pas été fait maison ? À ce moment-là, comment sanctionner le restaurateur ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Les consommateurs deviennent de plus en plus vigilants et exigeants sur la traçabilité des aliments, fruits et légumes qu’ils consomment. Ils sont aussi de plus en plus friands d’informations lorsqu’ils mangent au restaurant.

Parallèlement, on retrouve le label « fait maison » sur le catalogue de certains grossistes, fournisseurs de boucheries ou de charcuteries.

La filière de la restauration a-t-elle réfléchi à un conventionnement avec des producteurs ou des fournisseurs labellisés « fait maison » et surtout privilégiant les circuits courts ?

Mme Marie-Lou Marcel. Le label « fait maison » constitue une grande avancée tant pour le consommateur que pour les professionnels. J’ai moi-même participé à une réunion de travail chez un professionnel qui était également maître-restaurateur, et qui a mis en avant ce label en insistant sur l’intérêt de la traçabilité – provenance, circuit court.

M. Chenet a invoqué le problème de faisabilité économique, mettant en avant un manque de moyens pour recruter des commis pour éplucher des légumes. Parlons chiffres : quelle est la majoration du prix de revient d’un plat fait maison par rapport à l’utilisation de produits surgelés ?

Lors de la publication du premier décret, de nombreux restaurateurs nous ont dit ne jamais en avoir entendu parler. Où en est-on aujourd’hui ? Comment est faite l’information en direction des professionnels ?

M. Jean-Luc Laurent. Un dicton dit que les clients savent où bien manger et trouvent toujours le lieu. D’ailleurs mes grands-parents et mes parents, qui étaient restaurateurs, m’avaient donné le conseil suivant : quand tu veux aller au restaurant, regarde d’abord la salle. Si la salle est bien pleine, c’est bon signe. Si elle est vide, trouves-en une autre. Ce bon sens populaire fait un peu désuet aujourd’hui ; j’ai toujours pensé que l’idée d’un label, moins empirique, était une bonne démarche. C’est pourquoi je soutiens le décret sur le fait maison.

Je préfère voir les avancées qu’il représente plutôt que fustiger ses défauts. Le logo permet de valoriser les plats cuisinés sur place, donc les bonnes pratiques. C’est un élément du dialogue entre le client et le restaurateur.

Un autre label existe, celui de maître-restaurateur qui est plus large, mais le fait maison n’en est pas l’élément décisif. Le jacobin que je suis pourrait considérer qu’un corps d’inspection, par exemple la DGCCRF, pourrait se mobiliser pour vérifier l’effectivité du « fait maison ». Mais comme nous avons perdu beaucoup d’emplois dans ce secteur, ce n’est pas évident. J’ajoute que ce n’est pas, à mon sens, la bonne démarche.

Le label « fait maison », particulièrement décrié par certains de nos collègues, a eu le mérite de nous faire franchir une étape. Ne faudrait-il pas aller vers une définition, une codification du statut de restaurateur qui permettra sans doute aux clients d’être davantage éclairés, plutôt que de se fier, comme me l’ont appris mes grands-parents et mes parents, au seul taux de remplissage d’une salle de restauration ?

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je précise que c’est le repas gastronomique à la française qui est classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité et non la gastronomie française, c’est-à-dire tout l’art de partager, l’art de consommer, l’art d’être ensemble. Il n’y a pas seulement ce qui est fait en cuisine qui compte, mais aussi la manière dont on le consomme, l’endroit où on le consomme, l’accueil.

M. Thierry Benoit. L’accord des mets et des vins !

M. le président François Brottes. Si l’on est assis à un comptoir avec une serviette en papier et un verre en plastique, on n’est pas dans ce cadre-là.

Bref, c’est un métier compliqué mais c’est tout cela que nous aimons et c’est pour cela que nous voulons monter en gamme et en puissance.

M. Jean Terlon. Comme tous les cuisiniers, je suis un passionné, donc un sanguin et je dois avouer que depuis tout à l’heure la marmite est en train de monter en pression ! Tous, vous avez dit des choses que l’on entend tous les jours : vous nous aimez comme tous les Français, mais vous vous méfiez de nous.

La gastronomie française n’est pas ce qui se vend le mieux à l’export. J’en veux pour preuve la vitesse à laquelle s’ouvrent les restaurants où l’on ne mange plus à table et leur taux de remplissage. Ils n’ont besoin d’aucun bouche à oreille, alors qu’il faudra du temps à un restaurateur pour se faire connaître, pour convaincre qu’il sait cuisiner, recevoir, et qu’il le fait bien. Bref, la méfiance est de règle, alors que personne ne se demande où ces chaînes nationales ou internationales se fournissent. Heureusement que des journalistes vont parfois fouiller dans leurs poubelles. Je prends souvent l’exemple de la marque Mamie Nova, ce yaourt industriel qui montre encore la vieille crémière avec son tablier.

Un mot est souvent revenu ce matin, celui d’élitisme. Je refuse ce mot. Au fin fond de la Bretagne, à Beg-Meil, mon ami Hubert Jan, le président de la branche restauration de l’UMIH, défend les restaurants. Et il en est de même en Auvergne. Faire un plat typique d’une région avec des produits de la région et qui sent bon n’a rien à voir avec de l’élitisme : c’est simplement de la cuisine.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Jean Terlon. Les restaurants étoilés du guide Michelin ne sont pas les seuls à faire de la cuisine proprement. Les produits frais ne sont pas si chers que cela : s’ils sont de saison, ils sont très abordables. Faire de la cuisine proprement, avec des produits de saison ne coûte pas plus cher que la cuisine industrielle. Comparez le prix d’un kilo de carottes et celui d’un kilo de carotte râpée… Il m’était arrivé de voir du chou râpé proposé à 70 francs le kilo dans une charcuterie, alors qu’un kilo de chou coûtait 1 franc. Évidemment, lorsqu’on en n’achète que cent grammes, cela ne paraît pas très cher.

Beaucoup de gens veulent être président d’une association, valoriser leur terroir, leur savoir-faire etc. Mais la base du savoir-faire, c’est de reconnaître le métier de cuisinier. On a mis du temps, mais on y est arrivé. Les ennemis étaient surtout dans le camp de ceux qui le défendaient. Faire la cuisine peut être très dangereux. Quand on ne sait pas faire, mieux vaut acheter un sac, le découper et le mettre dans un four à micro-ondes. C’est beaucoup moins dangereux, comme me l’ont dit à plusieurs reprises Vincent Ferniot et Périco Légasse. Le fait maison demande un savoir-faire. Or le savoir-faire, cela s’apprend. Auparavant, on l’apprenait avec notre mère, notre grand-mère, tandis qu’aujourd’hui il faut le transmettre à des jeunes qui n’ont pas du tout la connaissance culinaire de l’aliment.

Je soutiens que l’artisanat est la réponse du restaurant. Certes, le mot « restaurant » est très sympa, mais ne rêvons pas : le dictionnaire dit que c’est un lieu où l’on sert à manger en contrepartie d’une rémunération. Peut-être faut-il modifier la définition du dictionnaire, mais cela me semble difficile… Si l’on veut que le restaurant soit reconnu pour l’endroit où l’on fait la cuisine, il faut d’abord qu’il y ait en cuisine un artisan capable de transformer des produits et de les servir en toute sécurité.

M. André Chassaigne. Très juste !

M. Jean Terlon. Parlons de sécurité alimentaire. Quand j’achète une carotte, elle est pleine de terre parce que ma grand-mère m’a appris que la terre protège les carottes. Je n’ai pas l’impression que les restaurateurs étoilés du guide Michelin qui n’utilisent pas de légumes surgelés sont en train d’intoxiquer leurs clients. Bien sûr, la sécurité sanitaire est importante. Tous, nous faisons attention à ce que nous servons, à ce que nous travaillons, à ce que nous conditionnons. Mais on veut de l’artisanat, pas des allergènes. Or s’il y a maintenant des allergènes, c’est parce que l’agriculture a été modifiée et non parce que les cuisiniers font mal leur métier. Jadis, on donnait aux vaches de l’herbe qui contenait des oméga-3 et des oméga-6 alors qu’aujourd’hui on leur fait manger des aliments qui rendent les gens allergiques. Si nous mangeons des produits de plus en plus sécurisés, nous fabriquerons de moins en moins d’anticorps et nous deviendrons de plus en plus allergiques. Pour ma part, je suis allergique au pignon de pin : dès que j’en vois un, cela me fait aussi peur qu’une guêpe. Le restaurateur doit gérer ces quatorze allergènes connus et informer le consommateur. Quand on fait la cuisine, il est plus facile de l’informer. Mais, si la réglementation devient trop contraignante, on se tournera vers l’agroalimentaire car il est plus simple de lire une étiquette même si les produits contiennent beaucoup de conservateurs qui transforment et abîment le corps. La mère d’un de mes apprentis, qui est américaine, a été malade pendant trois mois lorsqu’elle est arrivée en France, tout simplement parce qu’elle était démunie d’anticorps : dans son pays, elle ne mangeait que des produits aseptisés. Ce sont des choses qu’il faut rappeler.

L’UMIH est à l’origine de la création du titre de maître-restaurateur. C’est un titre d’État qui devrait être vendu et promu par lui. Or il le fait gérer par une association. Cette appellation est donc perçue par les restaurateurs comme une association de plus, au même titre que les associations locales ou départementales qui toutes veulent défendre la même chose. À l’origine, il s’agissait de reconnaître le statut d’artisan pour le cuisinier, comme c’est le cas du boulanger et du charcutier. C’est désormais chose faite. Des contrôles seront effectués par les professionnels eux-mêmes. Nous sommes en train d’élaborer un cahier des charges avec la chambre des métiers sur ce sujet pour ne pas refaire les bêtises qu’on a faites avec les boulangers : le pain est protégé, mais pas les viennoiseries. Jean-Pierre Raffarin a pu protéger les boulangers qui ont, bien avant nous, vu l’agroalimentaire débouler dans leurs officines, mais pour les pâtissiers, c’était plus compliqué : quand vous êtes boulanger, vous utilisez un seul produit que vous pétrissez et cuisez sur place. Sinon, c’est un terminal de cuisson ou un réchauffeur de pain. Quand on a de nombreux produits à gérer, c’est beaucoup plus difficile.

Monsieur Laurent, vous dites que l’on reconnaît un bon restaurant à son taux de remplissage. Pour ma part, j’aimerais bien être complet tous les jours ; ce n’est malheureusement plus ainsi que cela se passe aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que les consommateurs veulent manger bon, mais vite : ils n’ont souvent qu’une demi-heure pour manger le midi. Quand on me commande un cassoulet, il me faut déjà une demi-heure pour le faire cuire… Et il faut ensuite le manger, puis le digérer ! Ce n’est pas évident.

M. André Chassaigne. Servez-leur une potée auvergnate…

M. Jean Terlon. Ou une garbure…

Le « fait maison » n’est pas une nouveauté. Avant le vote de la loi, si vous indiquiez sur votre carte la mention « fait maison » alors que ce n’était pas vrai, vous écopiez déjà d’une amende. La loi prévoit seulement une amende un peu plus forte.

Bien évidemment, le nombre d’inspecteurs à la DGCCRF n’est pas assez important. Nous souhaitons que les autocontrôles se fassent avec les professionnels. Jadis, pour employer un apprenti, il fallait cuisiner 85 % de sa carte, et en salle il fallait un service adéquat. Le préfet demandait au conseiller de l’enseignement technologique de labelliser les établissements recevant des apprentis. Mais un jour, on a décidé qu’il fallait davantage d’apprentis. Alors on a mis des apprentis un peu partout, même là où l’on ne cuisine pas.

Le restaurateur qui voudra accéder au statut d’artisan-cuisinier, ce qui lui permettra d’être inscrit au répertoire des métiers, devra prouver que ses plats sont entièrement faits maison. Il est impossible, à mon avis, de prétendre accéder à l’artisanat en servant des produits réchauffés.

Pour savoir si un restaurant est de qualité, il faut une carte courte – cinq entrées cinq plats, cinq desserts – plutôt qu’un bon taux de remplissage. Il faut repérer les produits de saison. Si, sur une même carte, on vous propose du bœuf bourguignon, de la daube, du cassoulet et de la potée auvergnate, il y a un problème : c’est impossible. Ou alors, ce sont des cartes chinoises, avec des numéros, des tiroirs. Bien évidemment, il faut éduquer le consommateur car il est complètement perdu. Si le restaurant est dans certains guides reconnus, cela peut aider. Mais une carte courte reste le meilleur repère, plus que le remplissage. C’est ce qu’on disait des routiers : quand on voyait beaucoup de camions, c’est que le restaurant était bon… Cela marche encore : on trouve encore des routiers qui font bien à manger.

Mesdames, messieurs les députés, je n’ai peut-être pas répondu à chacun d’entre vous, mais je l’ai fait avec mon cœur et ma passion.

M. le Président Brottes. C’est précisément ce que l’on vous demandait !

Monsieur Chenet, faut-il être cuisinier pour ouvrir un restaurant ?

M. Didier Chenet. Vous posez une très bonne question, monsieur le président. Dans un restaurant, vous avez plusieurs métiers : le métier de la cuisine, mais aussi celui de la salle qui n’est pas suffisamment mis en valeur. J’espère que nous pourrons promouvoir l’ensemble des métiers du restaurant.

La multiplication des labels est mortifère pour notre profession, car le consommateur ne sait plus où il en est. Pour ma part, je considère que le label « fait maison » est une première étape vers la codification du métier de restaurateur.

Monsieur le président, tout à l’heure vous avez dit qu’avec le label « restaurant » on risquait de tuer le restaurant. Permettez-moi de vous donner un contre-exemple : Brioche dorée et Paul n’ont pas le statut de boulanger. Et pourtant, ces entreprises n’ont pas été tuées par le secteur de la boulangerie.

M. le Président François Brottes. Je ne faisais que rapporter les propos tenus par des fédérations professionnelles.

M. Didier Chenet. Il faut faire attention à ne pas mélanger tous les labels. Le titre de maître-restaurateur n’a pas été créé à l’instar d’une organisation ou d’une autre, mais par le ministre Hervé Novelli lors de la signature des accords de 2009.

M. Jean Terlon. Mais non !

M. Didier Chenet. Le cahier des charges du maître-restaurateur est tel qu’il ne peut que faire du fait maison. Mais M. Terlon a raison : c’est une erreur que d’en avoir confié la gestion à une association. Nous considérons que ce label d’État devrait être contrôlé par l’État.

Il est faux de dire que dans un restaurant il y a forcément un artisan-cuisinier. Non : il y a un cuisinier. L’appellation « artisan cuisinier » est un statut, non un gage de qualité. Un artisan-cuisinier – et je parle sous le contrôle de M. Geeraert – peut très bien ne pas faire du fait maison. Soyons prudents, ne mélangeons pas tout. Par ailleurs, le statut d’artisan-cuisinier limite le nombre de salariés de l’établissement à dix.

M. Jean Terlon. C’est faux ! Il y a une période transitoire !

M. Didier Chenet. Pour ce qui est des allergènes, nous sommes très soucieux de renseigner le client. En général le client allergique n’attend pas qu’on vienne lui poser la question : il dit d’emblée qu’il a telle ou telle allergie. Cela dit, comme nous sommes soucieux de renseigner le client, nous avons proposé à Mme la secrétaire d’État d’intégrer cette formation aux quatorze allergènes dans le cadre du permis d’exploitation – je rappelle que tout restaurateur qui s’installe doit suivre un stage pour obtenir un permis d’exploitation. Si nous comprenons très bien que l’on doit informer le client, c’est la forme du décret qui nous choque, car ce sont encore des contraintes supplémentaires. Mieux vaudrait informer le consommateur par la voix : cela valoriserait les métiers du service. Si tout est écrit, vous n’aurez plus en salle que des distributeurs de menus, des porteurs de carte et des porteurs d’assiette. Mais si vous avez la possibilité d’informer client par voie orale, il y aura alors une cohésion totale entre la cuisine et la salle et vous aurez alors affaire à de vrais professionnels.

Vous nous avez demandé comment faire vivre le label. Je vous encourage à vous rendre sur notre site où nous faisons sa promotion. Pas plus tard qu’avant-hier s’est tenue notre assemblée générale. Nous avons évoqué une nouvelle fois ce label. Mais je suis d’accord, il faut intensifier sa promotion.

S’agissant de l’identification de la provenance des produits, les restaurateurs sont trop contents d’inscrire sur leur carte l’origine des produits. Et cela vaut aussi pour une crêperie : elle peut très bien faire du fait maison et mentionner que sa farine de blé noir a été achetée à tel endroit, que sa saucisse a été fabriquée par tel artisan, etc. Nous encourageons les professionnels à le faire, car cela permet de valoriser la qualité et les producteurs locaux. Mais il ne faut pas en faire une obligation car on aboutirait à quelque chose de compliqué. Dernièrement, je me suis rendu dans une crêperie qui indiquait non seulement le nom du producteur, mais aussi l’adresse de son site.

J’en viens aux contrôles. On demande à cinquante inspecteurs de la DGCCRF de contrôler le « fait maison », les allergènes, etc., et bientôt les smileys, déjà expérimentés en Avignon et à Paris, affichés sur la devanture du restaurant pour renseigner les clients sur le résultat des contrôles sanitaires. Ce n’est pas parce que nous ne respectons pas tout que nous allons intoxiquer les consommateurs : nous ne sommes pas des salles blanches. Il ne faut pas ramener notre métier à un pur métier sanitaire. Nous sommes dans un métier de qualité, de cœur, un métier de produits.

Il existe d’ores et déjà tout un arsenal de mesures pour faire fermer un restaurant qui ne respecterait pas les règles sanitaires. Mais donner une note à un restaurant ne pourra qu’ouvrir la porte à toutes les interprétations, car un contrôleur peut noter plus sévèrement qu’un autre.

Si nous voulons interdire les dérapages dans l’affichage, il suffit d’infliger des sanctions plus lourdes que celles qui sont prévues actuellement. Celui qui inscrit sur sa carte du « fait maison » alors que c’est faux doit savoir qu’il s’expose à une amende sévère.

Vous nous avez demandé quel serait le coût d’un salarié supplémentaire – encore faut-il le trouver, et disposer de la surface de travail nécessaire. Je ne peux pas vous donner précisément le montant car tout dépend de la fréquentation, de l’activité. Dans notre métier, les frais de personnel représentent de 40 à 50 %. Tous les restaurants ne pourront pas se permettre ce surcoût.

Madame Got, il ne faut pas stigmatiser les surgelés, mais plutôt éduquer, voire rééduquer le consommateur. Entendons-nous bien : je ne défends pas l’utilisation des plats cuisinés dans notre métier. Quelqu’un qui se contente de réchauffer des plats n’est pas restaurateur. C’est pourquoi je considère que le label « fait maison » est une première étape.

Non, ce label ne va pas tuer les restaurants, comme le prétendent la plupart des grandes chaînes. J’en veux pour preuve que lorsqu’une grande enseigne comme Hippopotamus se développe, elle ne franchise pas un restaurant, mais d’abord et avant tout sa marque qui a une certaine valeur.

Je ne suis pas d’accord avec ceux qui considèrent que la mention « fait maison » est synonyme d’élitisme. Elle permettra surtout de supprimer de nombreux labels créés par des gens qui veulent surtout être président d’une association, et qui, osons le dire, rapportent des espèces sonnantes et trébuchantes.

Mme Brigitte Troël. Peu de questions m’ont été posées. Il s’agissait surtout de remarques et d’allusions pas toujours très positives.

L’industrie agroalimentaire ne travaille pas contre la restauration, monsieur Fasquelle, pas plus qu’elle ne fait pression sur la restauration pour imposer ses produits.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que si !

Mme Brigitte Troël. N’oubliez pas que la France compte 15 000 industries agroalimentaires, dont une majorité de petites entreprises. Et si elles réussissent, c’est parce qu’elles fabriquent de bons produits. Nous n’obligeons personne à les acheter.

Je trouve dommage que le débat oppose trop souvent la restauration et les industries agroalimentaires. Le label « fait maison » est fait pour les restaurateurs. Nos entreprises sont inquiètes de l’image qui se dégage à travers tous ces débats. Il y aura toujours des produits agroalimentaires dans la restauration, même avec le label « fait maison » : ce n’est plus possible de faire autrement.

On ne peut pas comparer le prix d’un produit brut et celui d’un produit agroalimentaire. Dans l’un, il n’y a pas de charges de personnel ni de charges de fonctionnement ; dans l’autre toutes les charges sont intégrées.

Pour ce qui est des origines, les industriels s’efforcent désormais de relocaliser leurs achats en France, mais ce n’est pas possible pour tous les produits. Ils peuvent très facilement utiliser des produits issus des circuits courts en amont et ils font travailler beaucoup de producteurs sur un même département. Le problème, ce sont les filières aval.

Nous ne sommes pas là pour imposer quoi que ce soit, mais nous existons. Si les industriels font bien leur métier, ils resteront dans la filière. En tout cas, nous pouvons être fiers de notre industrie.

M. Olivier Andrault. Ce matin, j’ai souvent entendu cette formule incantatoire : il faut éduquer le consommateur. Comme si tout était de sa faute ! D’un côté, il y a des consommateurs experts qui, en achetant notre magazine, nous font vivre. Ils considèrent qu’il est important de s’informer sur l’alimentation et d’autres produits. Ils sont exigeants et font vivre également des artisans-cuisiniers. De l’autre, il y a les consommateurs non experts, qui ne lisent pas notre magazine, mais que je représente tout autant. Comment les informer ? Le meilleur moyen, c’est de leur donner une information normée, réglementée par la loi et par l’écrit. C’est pourquoi nous tenons à ce principe général qui s’applique à tous les domaines de la consommation, dans le domaine alimentaire et pour les produits agroalimentaires qui sont vendus en grande surface. C’est ce minimum minimorum qui permet de donner une information identique à tous les consommateurs.

Comme beaucoup d’intervenants, je regrette la multiplication des labels. Finalement, on se retrouve là encore à la frontière entre la communication volontaire, donc des labels volontaires, autoproclamés, et du coup la nécessité, pour aider le consommateur à y voir plus clair, d’avoir des dispositifs réglementés, normés, encadrés par la loi. C’est à nos yeux le moyen, essentiel, d’informer correctement le consommateur.

Bien évidemment, nous soutenons les initiatives volontaires des professionnels de la restauration qui indiquent l’origine de leurs ingrédients, car à l’exception de l’obligation très ponctuelle sur la viande de bœuf il n’y a aucune obligation d’indiquer l’origine des différents ingrédients qui entrent dans la composition des produits transformés qui constituent l’essentiel de notre alimentation.

S’agissant des allergènes, j’ai été estomaqué d’entendre les arguments mis en avant par certains professionnels. L’artisan-cuisinier qui fait du « fait maison » sait quels ingrédients il utilise : il lui sera donc très facile d’informer le consommateur. Mais c’est la même chose pour le restaurateur qui aura utilisé des produits transformés : il lui suffira de lire les étiquettes.

Faut-il indiquer noir sur blanc, sur le menu, la longue liste des ingrédients potentiellement allergisants ? L’industrie agroalimentaire est responsable de l’élaboration de ses recettes. Nous militons depuis de nombreuses années pour que l’agroalimentaire simplifie les recettes des plats qu’elle vend aux grandes surfaces et aux restaurateurs, car plus elle complexifie les recettes, plus elle multiplie les risques d’accidents pour les consommateurs souffrant d’allergies.

J’en viens à l’expérimentation grandeur nature réalisée actuellement en Avignon et à Paris qui vise à indiquer, à l’aide d’un smiley, les résultats des contrôles sanitaires effectués dans un restaurant. Nous considérons que cette mesure va dans le bon sens. Après un contrôle sanitaire, le restaurant peut très bien rester ouvert alors que la cuisine est faite dans des conditions d’hygiène moyenne. Ou alors, on ferme l’établissement, mais c’est l’arme nucléaire… Les smileys ont l’avantage de garantir une information du consommateur tout en incitant le restaurateur à progresser dans la garantie d’une hygiène de meilleure qualité.

M. le Président François Brottes. On n’est pas couchés… C’est un constat qui est fait à l’instant T. Mais rester sur le constat du passé peut être gênant.

Nous ne pourrons pas rester longtemps sous les radars de la transparence. Ce n’est pas en cherchant à éviter les choses que nous les réglerons. Vous devez prendre en compte, les uns et les autres, l’appétence des consommateurs d’avoir de plus en plus de clarté sur tous ces sujets. Cela vaut pour tous les domaines : les voitures, les piles, l’agriculture, la restauration, etc. Sans compter une obsession hygiéniste qui sévit un peu partout, qui parfois nous vient d’ailleurs, ce qui n’arrange rien. Mais ce n’est pas en cherchant à éviter les problèmes qu’on les réglera.

Pour notre part, nous allons essayer de gérer cette exigence le moins mal possible, le plus pragmatiquement possible, car nous ne pouvons pas être au four et au moulin. Mais nous avons bien conscience qu’il y a une pression sociale très forte. J’en veux pour preuve l’obligation, que j’ai fait inscrire dans la loi d’orientation sur la forêt, de n’utiliser pour la fabrication du papier ou du carton proviennent que les bois issus de forêts éco-certifiées. À l’époque toute la filière était contre, mais le consommateur était résolu à ne plus utiliser de papier issu de la déforestation. C’est le même phénomène de montée en puissance qui se manifeste aujourd’hui, nonobstant quelques balbutiements, dans le domaine de la gastronomie. Je vous invite, monsieur Geeraert, à rendre compte de cette table ronde à Mme Martine Pinville, qui vient d’être nommée secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Nous ne sommes pas au bout de la simplification, et nous ne sommes pas non plus au bout des rendez-vous qu’il ne faudra pas manquer pour que le consommateur soit rassuré et éclairé.

M. Bruno Geeraert. En effet, monsieur le président.

Vous avez été plusieurs à aborder la question des contrôles. Comme vous le savez, les contrôles sur le « fait maison » sont réalisés par les fonctionnaires de la répression des fraudes. Une première série de contrôles a été réalisée au printemps dernier dans les chaînes de restaurants. Mais il est vrai qu’elles ne sont pas, a priori, concernées au premier chef par le « fait maison ». Je n’ai pas eu de retour sur des problématiques particulières, ce qui s’explique assez bien. Mais cet été, comme tous les étés, des opérations de contrôle sont prévues dans le cadre des opérations « contrôle vacances » dans les restaurants. Nous verrons alors si des difficultés sont constatées, s’il y a des dysfonctionnements, des fraudes et comment le dispositif est appréhendé, mis en œuvre, compris et appliqué.

J’en profite pour faire le lien avec une question qui a été posée tout à l’heure sur les outils d’évaluation. Les retours sur les contrôles réalisés par la répression des fraudes font partie de tout cet arsenal d’information que l’on fait remonter, comme nous l’avons fait au début de l’année 2015 pour réfléchir à la façon de modifier le premier décret « fait maison ». Nous nous appuyons sur les retours des services de la répression des fraudes, des DIRECCTE, des professionnels et des associations. Nos outils d’évaluation sont en fait assez empiriques : il s’agit des retours des réseaux professionnels publics et privés sur le terrain, à Paris mais aussi et surtout dans les régions.

Le titre de maître-restaurateur est un label d’État. Le contrôle est réalisé par trois organismes certificateurs labellisés qui s’appuient sur un cahier des charges qui a été simplifié et élargi au mois de mars dernier. Une quinzaine de critères ont été retenus, contre une trentaine précédemment ; par ailleurs, les salariés peuvent solliciter le titre de maître-restaurateur au bénéfice du restaurant dans lequel ils travaillent.

Il faut bien avoir en tête qu’à côté des dispositifs publics contrôlés par l’État, la répression des fraudes ou les organismes certificateurs agréés, il existe toute une série d’initiatives privées visant à valoriser des restaurants, mais qui ne sont pas soutenues par les pouvoirs publics. Du coup, les labels peuvent effectivement se télescoper et les consommateurs sont parfois un peu perdus dans ce foisonnement.

Si on laisse de côté les labels ou les signes de reconnaissance privés, il reste différentes briques qui, comme l’ont dit Sylvia Pinel puis Carole Delga, sont autant d’éléments qui se complètent et visent à valoriser les restaurateurs : la première brique, c’est le label « fait maison » qui reconnaît le plat ; vient ensuite le titre de maître restaurateur qui reconnaît l’établissement dans son ensemble c’est-à-dire le plat, le service, l’accueil, la décoration, les équipements etc. ; troisième brique, le diplôme d’artisan-cuisinier qui reconnaît le professionnel, la formation qu’il détient pour exercer ses missions. Nous pourrions ajouter des dispositifs comme l’opération Goût de France/Good France ou encore la fête de la gastronomie qui donne un éclairage sur l’ensemble de ces dispositifs et l’ensemble des compétences locales déployées en France en matière de restauration et de gastronomie.

La première étape dont parlent Sylvia Pinel et surtout Carole Delga correspond en fait à la première brique : le « fait maison » est l’élément de base, puisqu’il reconnaît le plat. Les autres briques viennent la compléter pour reconnaître l’établissement et le professionnel. Si d’aventure Mme Pinville constate qu’il y a une attente, une nécessité et une incompréhension, et que l’on peut faire mieux, j’imagine que le dispositif sera de nouveau corrigé en tant que de besoin.

L’origine des produits et les circuits courts ont été abondamment évoqués. Je rappelle que le cahier des charges de maître-restaurateur prévoit l’usage de cinq produits régionaux. Ce dispositif a été introduit au printemps dernier, dans le cadre de la simplification du cahier des charges. Ce degré d’exigence s’applique au maître-restaurateur. En revanche, il est difficile de l’appliquer au label « fait maison », déjà assez exigeant. Il ne faut pas se tromper de débat : la mention « fait maison » vise à accompagner les professionnels, à valoriser leur travail mais surtout pas à les mettre en difficulté. Autant on peut demander à des maîtres-restaurateurs d’intégrer dans leur cuisine cinq produits régionaux, autant il paraît compliqué de l’imposer dans le cadre du « fait maison ».

Une question a été posée tout à l’heure sur le refus de la qualité d’artisan-pâtissier. Il n’y a pas de refus, puisque les pâtissiers font partie des deux cents métiers reconnus comme métiers artisanaux.

S’agissant des allergènes, si le dispositif s’applique en France, il est d’origine communautaire. Les quatorze allergènes de base, dont les œufs, les cacahuètes et les crustacés, sont soumis à une obligation d’information écrite des consommateurs. L’écrit permet de sécuriser l’information donnée. Si les pouvoirs publics s’étaient contentés d’une information orale, le risque d’une mauvaise information aurait été très élevé. Lorsqu’elle est écrite, l’information est davantage cadrée, mieux diffusée et mieux perçue. Cela étant, le ministère a conscience que ces dispositifs législatifs et réglementaires constituent autant de contraintes qui s’imposent aux restaurateurs. En 2014 et 2015, les nouveaux dispositifs ont été nombreux. Bercy s’attache à accompagner les professionnels et à travailler avec eux au quotidien, notamment à travers les organisations professionnelles, pour définir les mesures qui leur permettraient de se valoriser encore davantage auprès de leurs clients.

Nous travaillons sur les circuits courts, sur les permis d’exploitation et sur la façon dont on peut l’améliorer. Nous travaillons également sur un dispositif dont vous avez peut-être entendu parler : le fonds de modernisation de la restauration, qui a fait l’objet d’une signature en présence du Président de la République la semaine dernière dans le cadre du salon Planète PME au Conseil économique, social et environnemental. Ce fonds, alimenté entre 2009 et 2012 par les restaurateurs, leur permet aujourd’hui de financer des aménagements productifs dans leurs établissements : il peut s’agir de mises aux normes en termes d’hygiène, d’accès aux personnes handicapées mais aussi de refaire une cuisine, former le personnel, etc. Il reste aujourd’hui 47 millions d’euros dont la gestion a été confiée par l’État à Bpifrance. Le but est de venir en appui des professionnels, au-delà des dispositifs réglementaires et législatifs dont il a été abondamment question ce matin.

M. le président François Brottes. Au nom des membres de la commission des affaires économiques, je veux remercier chacune et chacun d’entre vous pour avoir participé à cet échange. Mais j’ai le sentiment que nous ne sommes pas tout à fait sortis de l’auberge ! (Sourires.)

*

Informations relatives à la Commission

La commission a nommé M. Yves Blein rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer (sous réserve de sa transmission).

La commission est informée de la création d’une mission d’information sur la mobilisation du foncier privé en faveur du logement et a nommé M. Daniel Goldberg comme rapporteur.

La commission a nommé M. François Pupponi, rapporteur pour avis sur la première partie du projet de loi de finances pour 2016.

La commission a nommé les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2016 (2ème partie) :

PLF 2016 – Missions

Rapporteur

Groupe

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

 

 

    Agriculture et alimentation

M. Jean-Pierre Le Roch

Socialiste, républicain et citoyen

    Forêt

M. André Chassaigne

Gauche démocrate et républicaine

Économie

 

 

    Industrie

Jean-Luc Laurent

App. socialiste, républicain et citoyen

    Entreprises

M. Lionel Tardy

Les Républicains

    Tourisme

M. Philippe Le Ray

Les Républicains

    Commerce extérieur

M. Joël Giraud

Radical, républicain, démocrate et progressiste

    Communications électroniques et économie numérique

Mme Corinne Erhel

Socialiste, républicain et citoyen

    Postes

Mme Michèle Bonneton

Écologiste

Outre-mer

M. Serge Letchimy

Socialiste, républicain et citoyen

Recherche et enseignement supérieur

 

 

    Grands organismes de recherche

M. Franck Reynier

Union des démocrates et indépendants

Égalité des territoires et logement

 

 

    Ville

Mme Jacqueline Maquet

Socialiste, républicain et citoyen

    Logement

M. Daniel Goldberg

Socialiste, républicain et citoyen

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 24 juin 2015 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Le Ray, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Kléber Mesquida, M. Dominique Potier, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Jean-Marie Tetart, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin, M. Fabrice Verdier