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Commission des affaires sociales

Mardi 14 octobre 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 06

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252) (MM. Gérard Bapt, Olivier Véran, Mme Martine Pinville, MM. Michel Issindou, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs)

– Informations relatives à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 14 octobre 2014

(Présidence Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

——fpfp——

La séance est ouverte à dix-sept heures.

La Commission procède à l’examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252) sur le rapport de MM. Gérard Bapt, Olivier Véran, Mme Martine Pinville, MM. Michel Issindou, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons le plaisir d’accueillir deux membres de l’Assemblée de la Polynésie française. En votre nom, je souhaite la bienvenue à Mme Sylvana Puhetini, présidente de la commission de la santé et du travail, ainsi qu’à M. John Toroma, président de la commission des ressources marines, des mines et de la recherche, qui assisteront à nos travaux.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Sur les 270 amendements déposés en commission, 48 ont été déclarés irrecevables. Comme pour tous les textes examinés par notre commission, j’ai demandé que la commission des finances, présidée par M. Gilles Carrez, examine la recevabilité financière de ces amendements, en application des articles 89 et 121-2 du Règlement. Ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, les amendements réduisant les recettes sociales lorsqu’ils n’étaient pas gagés et les amendements augmentant une dépense d’un organisme de sécurité sociale.

Comme vous le savez, pour les lois de financement de la sécurité sociale, le contrôle de recevabilité porte également sur le respect des dispositions organiques, au premier rang desquelles figure la définition du champ de ces lois. Ont donc été également déclarées irrecevables les dispositions qui n’ont pas d’effet direct, ou qui ont un effet trop indirect, sur les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

M. Francis Vercamer. Cette disposition, nouvellement appliquée, nous empêche de débattre notamment du financement de la protection sociale. Privés du droit de déposer des amendements réduisant les recettes ou augmentant une dépense, comment pouvons-nous proposer des dispositions améliorant le financement actuel de la protection sociale, par exemple en le faisant porter sur une autre assiette que le travail ? La ministre ayant reproché à l’opposition de ne pas proposer de réformes structurelles, je l’ai fait – et elles ont été censurées ! Alors, à quoi bon ? Précédemment, la Commission ne s’interdisait pas de discuter d’amendements de fond, même s’ils n’étaient pas recevables. La nouvelle procédure explique le moindre nombre d’amendements déposés cette année et, par ricochet, le moindre nombre de députés présents pour les examiner.

M. Jean-Louis Roumegas. De même, nous souhaitions aborder la question des franchises médicales, et cela ne pourra se faire. Nous le déplorons. Il faudra trouver un moyen réglementaire permettant que ces discussions de fond puissent avoir lieu.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je partage votre opinion sans réserve. J’ai voulu inscrire mes pas dans ceux de mon prédécesseur, M. Pierre Méhaignerie, en permettant que le débat ait lieu en acceptant la discussion de certains amendements irrecevables. Mais M. Bernard Accoyer, me jugeant laxiste, a dit ne pas comprendre que certains amendements n’aient pas subi le couperet de l’article 40. Il avait raison. M’inspirant de ses remarques fondées, j’ai décidé que j’appliquerai désormais le règlement à la lettre, de la manière que j’ai décrite, tout en considérant, comme vous, que cela empêche la tenue de certains débats de fond. Je le regrette.

M. Bernard Accoyer. Je ressens comme un honneur l’attention que vous portez à mes remarques, madame la présidente. Le fonctionnement des commissions a changé et, même si, pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale et les projets de loi de finances, ce n’est pas le texte de la Commission qui est examiné en séance mais celui du Gouvernement, le principe demeure que les commissions examinent les amendements recevables, sinon les débats seraient sans fin. Il est toutefois exact que cette situation empêche d’évoquer la réforme du financement de la protection sociale, actuellement assis, pour l’essentiel, sur le travail, ce qui obère gravement la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des salariés. Il serait donc intéressant que vous ouvriez ce débat ; je ne doute pas que, sensible comme vous l’êtes à mes propositions, vous donnerez suite à celle-là.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ne souhaitant en aucune manière me trouver à nouveau dans la situation inconfortable que j’ai connue au moment de la discussion du projet de loi sur les retraites, je continuerai à faire respecter le règlement à la lettre.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2013

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2013

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2013 (annexe A)

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Puis elle adopte la première partie du projet de loi.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2014

Article 3 : Régulation des dépenses au titre des médicaments traitant l’hépatite C

La Commission est saisie de l’amendement AS262 de M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur pour l’assurance maladie. Un traitement innovant de l’hépatite C a été mis au point, qui permettra une amélioration majeure de la vie d’un grand nombre de malades et des guérisons en très grand nombre. C’est une très bonne nouvelle sur le plan sanitaire. Cependant, les prétentions tarifaires du laboratoire qui a mis la nouvelle molécule sur le marché pourraient mettre en péril, si nous n’y prenions garde, toute la filière pharmaceutique et le financement de notre protection sociale. C’est pourquoi l’article 3 instaure un nouveau dispositif. Il permet l’accès de tous les malades qui en ont besoin à cette thérapie innovante tout en préservant la logique de maîtrise médicalisée des dépenses. L’amendement précise la rédaction de l’article.

M. Élie Aboud. Que pense de ce dispositif le laboratoire pharmaceutique concerné ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Une négociation a lieu en ce moment avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) pour fixer le prix de la molécule commercialisée par le laboratoire Gilead sous le nom de Sovaldi. À l’initiative de notre collègue Gérard Bapt, nous avons été quelques-uns à recevoir, il y a quelques mois, les représentants de ce laboratoire. Les discussions se poursuivent avec l’autorité compétente. Le problème concerne aussi les autres pays européens et les États-Unis.

M. Bernard Accoyer. L’article montre qu’en raison des considérables progrès réalisés par l’industrie pharmaceutique en matière de médicaments antiviraux, on atteint les limites de la prise en charge des soins. Or l’amendement ne dit mot du débat éthique qui doit accompagner la décision de contingenter les soins destinés à traiter une maladie donnée.

M. Gérard Bapt. Nous avions, en effet, rencontré les représentants du laboratoire Gilead, car le prix demandé pour ce traitement est un cas d’école. Certes, le médicament permettrait de guérir l’hépatite C dans 90 % des cas, mais le laboratoire demande pour cette spécialité un prix hors norme, qui ne reflète pas le coût de recherche-développement de la molécule mais celui de l’acquisition, pour 11 milliards de dollars, de la start-up qui est à l’origine de l’invention, et des brevets considérés. Le désir d’un retour sur investissement extrêmement rapide est d’autant plus marqué que des molécules concurrentes aussi efficientes vont arriver sur le marché sous peu. Pour ces raisons, le dispositif proposé par le Gouvernement est particulièrement bienvenu.

M. Rémi Delatte. Les effets pervers d’une telle disposition ne peuvent être exclus, et en particulier la rupture des approvisionnements en France au bénéfice d’autres pays qui ne limiteraient pas la diffusion du médicament.

M. Jean-Pierre Barbier. Nous nous réjouissons de la mise sur le marché d’une molécule qui permettra de soigner une maladie qui l’était très difficilement jusqu’à présent. Toutefois, le dispositif proposé pèsera considérablement sur la médecine de ville. Le Gouvernement affirme que l’ONDAM tel qu’il le fixe pour 2015 oblige l’hôpital à faire des économies et que l’on est plus généreux avec la médecine de ville. C’est un trompe-l’œil. En réalité, la médecine de ville subit une double peine : non seulement l’ONDAM qui la concerne a été calculé par rapport à une somme diminuée des 800 millions d’euros d’économies réalisées en 2014, mais le Gouvernement lui impute la totalité du financement du traitement de l’hépatite C.

De surcroît, ce qui est proposé pour le traitement de l’hépatite C ne règle rien sur le fond. Plus d’une dizaine de molécules arriveront sur le marché, qu’il faudra financer en prenant aussi en compte les économies induites par le progrès thérapeutique qu’elles permettent. En l’espèce, le Gouvernement ne prend en considération que le coût du nouveau médicament sans en soustraire les économies permises par la diminution des charges de long terme ainsi obtenues. Faute d’un autre mode de financement, nous ne pourrons financer l’innovation en France et nos compatriotes ne pourront en bénéficier, soit que les laboratoires pharmaceutiques, s’estimant trop taxés dans notre pays, refusent de livrer, soit qu’il nous faille faire face à des ruptures de stocks.

M. Jean-Pierre Door. Chacun a conscience que le financement des molécules innovantes sera un problème récurrent. On ne peut donc manquer de s’interroger sur le ratio coût/bénéfice. La recherche pâtit de l’absence de perspective à trois ou cinq ans. La fluctuation permanente des mesures prises dans un domaine puis dans un autre contredit les décisions du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), dont la réunion de juillet dernier avait pourtant permis des avancées dans les relations entre l’État et l’industrie. Le CEPS s’est saisi de ce sujet il y a longtemps, et je suis inquiet de voir la politique conventionnelle ainsi remise en cause. Il faut veiller à ne pas fragiliser le tissu de l’industrie du médicament en France et, pour cela, lui offrir des perspectives de long terme. C’est ce qui m’a conduit à cosigner avec mes collègues Jean-Pierre Barbier et Bérengère Poletti l’amendement AS51, par lequel nous proposons qu’une entreprise soit exonérée de la contribution si les remises qu’elle verse sont supérieures ou égales à 80 % du montant dont elle est redevable au titre de la contribution – le taux de 90 % s’apparentant à une spoliation.

Il y a fort à parier que toute la presse traitera abondamment de l’article 3, tant le sujet est sensible. À raison de 56 000 euros sinon 60 000 par patient, ce traitement suppose certes une étude économique. Mais celle-ci doit permettre d’évaluer le ratio coût/bénéfice d’une guérison par ce médicament en douze semaines, en prenant bien sûr en considération le coût de l’ancien traitement antiviral mais en le diminuant du coût des hospitalisations et des transplantations de foie qui n’auront plus lieu d’être. Je crains que l’on n’aille trop vite et que ce ne soit périlleux.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI avait envisagé de déposer un amendement de suppression de l’article, qui pose un problème de fond. La sécurité sociale est-elle toujours envisagée comme une protection de la population à qui l’on donne les moyens de se soigner, ou s’agit-il seulement d’une solidarité qui s’effiloche à mesure que les moyens manquent, si bien qu’on la limite en plafonnant les remboursements et, en conséquence, l’accès aux soins ? Pourquoi demander au législateur de corriger un prix qui a été fixé réglementairement au moment de l’autorisation de mise sur le marché et, ce faisant, de remettre en cause la solidarité nationale en plafonnant les remboursements ? Cela demande explication.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est au cours de cette législature que nous avons, pour la première fois, auditionnée M. Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé, l’organisme chargé de la fixation des prix du médicament. Je vous suggère d’être aussi offensif avec lui la prochaine fois que nous le recevrons, car je n’exclus pas de lui demander de venir nous expliquer une nouvelle fois comment les prix des médicaments sont fixés. Depuis 2008 au moins, la présente majorité, qui était alors dans l’opposition, s’est élevée contre l’opacité de la fixation des prix des médicaments.

M. Dominique Tian. Je partage le point de vue exprimé par mon collègue Vercamer. C’est ce qui m’a amené à déposer avec Élie Aboud l’amendement AS133 identique à l’amendement AS51 qu’a défendu Jean-Pierre Door, et l’amendement AS179. Au-delà d’un certain plafond, les laboratoires devront reverser une « contribution W » calculée en fonction du chiffre d’affaires réalisé. Le plafond étant fixé à 450 millions d’euros pour 2014 et à 700 millions d’euros en 2015, il y a tout lieu de craindre que ce dispositif, étonnant sur le plan économique et délirant sur le plan opérationnel, n’entraîne un effet de seuil très dommageable pour les malades, le laboratoire préférant reporter à 2015 des ventes lui assurant un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je conçois que le sujet suscite l’émotion de la Commission et de l’opinion publique : c’est la première fois que nous sommes confrontés à une telle stratégie de la part d’un laboratoire pharmaceutique qui, commercialisant une nouvelle molécule bénéfique pour les patients, cherche à obtenir un prix assez élevé et en tout cas déconnecté des coûts de recherche-développement et de production.

On ne fera pas de tri entre les patients qui peuvent ou non bénéficier du médicament : les médecins suivront les recommandations d’utilisation par la Haute Autorité de santé déterminant les stades sévères de la maladie justifiant la prescription de ce nouveau traitement. C’est dire que tous les malades qui doivent bénéficier de ce traitement en bénéficieront. Il n’y aura ni risque de rupture de l’approvisionnement puisqu’il s’agit d’une production chimique industrielle, ni risque de conflits d’usage avec d’autres pays qui proposeraient un prix plus élevé – en tout état de cause, la marge du laboratoire sera suffisante pour qu’il souhaite vendre son produit en France.

Il n’y a pas davantage risque de spoliation du laboratoire puisque le taux de prélèvement ne pourra excéder 15 % de l’ensemble de son chiffre d’affaires pour toute sa gamme pharmaceutique ; il n’est pas question du taux de 90 % dont j’ai entendu parler. Enfin, le taux L permettra de compenser un effort de l’industrie pharmaceutique sur les dépenses, si bien qu’il n’y aura pas de retentissement sur l’enveloppe consacrée à la médecine de ville.

La ministre de la santé a réuni quinze de ses homologues pour définir avec eux une stratégie européenne face à cette nouvelle méthode économique que voudraient imposer certains laboratoires – heureusement, pas tous. Nous avons reçu les représentants du laboratoire Gilead, je vous l’ai dit. Aux États-Unis, une commission parlementaire composée d’élus démocrates et républicains se propose de recevoir le président de ce laboratoire pour se faire expliquer les raisons pour lesquelles un tel prix est demandé.

Vous vous élevez, encore, contre le fait que nous soyons amenés à prendre des mesures alors que le médicament est déjà en vente. Je rappelle que le nouveau traitement contre l’hépatite C est actuellement prescrit dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). À cette étape, le prix est librement fixé par le laboratoire. Il revient ensuite au CEPS, une fois négocié un tarif de mise sur le marché, de récupérer le trop-perçu par le laboratoire. Si le prix définitif était inférieur à celui qu’a décidé unilatéralement le laboratoire, il y aurait donc retour au budget de l’État sous la forme d’une remise par le laboratoire.

L’enquête qui figure dans le rapport indique que l’économie réalisée sur les anciens médicaments qui ne seront plus prescrits est de l’ordre de 100 millions d’euros et celle sur les transplantations devenues inutiles de l’ordre de 50 millions d’euros. Quant aux économies réelles qu’induit une guérison, il est difficile de les chiffrer avec précision.

Par ailleurs, il n’y aura pas de plafonnement pour les malades, qui bénéficieront du traitement quoi qu’il arrive.

Enfin, vous souhaitez que ce type de dispositif soit négocié par voie conventionnelle et non législative. C’est la raison pour laquelle l’article 3 ne concerne que le cas précis et particulier de l’hépatite C. Au-delà, nous invitons évidemment les laboratoires à négocier des outils de régulation des prix des médicaments innovants permettant de lutter contre le cancer ou les anticorps monoclonaux.

M. Bernard Accoyer. Le rapporteur semble dire que tous les malades atteints d’hépatite C bénéficieront de ce traitement. Or la Haute Autorité de santé entend réserver ce protocole à des malades dont la maladie a atteint un stade critique.

M. Olivier Véran, rapporteur. J’ai dit que tous les malades qui doivent bénéficier du traitement en bénéficieront. La HAS évalue à 20 000 le nombre de patients en stade F de la maladie, qui rend nécessaire l’utilisation de ce traitement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS267 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Afin de respecter le secret des négociations entre le laboratoire et le CEPS, cet amendement propose de s’appuyer sur des données de prix publiques pour le calcul du montant prévisionnel de la remise, soit 30 % de l’indemnité maximale déclarée par le laboratoire. Ce taux correspond à l’écart moyen constaté entre le prix libre pratiqué pendant les phases de prise en charge dérogatoire et le prix fixé in fine par le CEPS.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS51 de M. Jean-Pierre Door et AS133 de M. Dominique Tian.

M. Jean-Pierre Door. Je mets en garde le rapporteur contre les dangers d’une telle mesure pour les entreprises et les laboratoires de recherche. Quand on aime l’entreprise, on s’efforce de la préserver. Je persiste à penser que nous mettons la charrue avant les bœufs et qu’une telle mesure relève de la politique conventionnelle menée avec le CEPS.

M. Olivier Véran, rapporteur. Plus le prix demandé par le laboratoire sera faible moins il dépassera le montant W. Vous proposez de porter la décote de la contribution en cas de passage par la voie conventionnelle de 10 % à 20 %, et donc de l’aligner sur ce que prévoit le mécanisme du taux L à l’article 10 du texte, précisément pour encourager la voie conventionnelle. Quant à l’impact sur la filière industrielle, c’est précisément le bénéfice secondaire d’une telle mesure, car, sans maîtrise de l’évolution des dépenses dans un secteur pharmaceutique donné, c’est toute la filière industrielle qui est en danger. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Barbier. Il ne faut pas confondre chiffre d’affaires et marges. Les marges de l’industrie pharmaceutique sont certes plus importantes que celle du secteur industriel, mais elle investit énormément dans la recherche-développement, ce qui est gage d’innovation. On peut estimer à 40 % les marges de l’industrie pharmaceutique, ce qui est en effet confortable, mais lui taxer 15 % de son chiffre d’affaires revient à la spolier de la totalité de ses marges, ce qui est difficilement acceptable. Je vous incite donc à la prudence.

M. Élie Aboud. Évitons tout dogmatisme. Nous ne sommes pas à tout prix les avocats de l’industrie pharmaceutique, mais tous les professionnels nous alertent aujourd’hui sur l’état de la recherche médicale dans notre pays. Lorsque les laboratoires comprendront que leur production risque d’être taxée à 100 %, ils vont la délocaliser ou organiser des ruptures de stock.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je ne peux pas vous laisser dire que nous n’aidons pas l’industrie pharmaceutique. Ce n’est pas l’ancienne majorité qui a permis de faire avancer la recherche sur les cellules souches embryonnaires et les biomédicaments, comme elle le réclamait.

M. Gérard Bapt. Le laboratoire Gilead a révisé en juillet les perspectives de progression de son chiffre d’affaires mondial pour 2014 : après avoir tablé, dans un premier temps sur une augmentation de 35 %, il a estimé finalement qu’il devrait doubler, ce qui relativise la portée d’une taxe portant sur 15 % de ce chiffre d’affaires.

Par ailleurs, la question de la délocalisation ne se pose pas pour un médicament qui n’est pas fabriqué en France mais y est commercialisé.

Enfin, une étude de l’université de Canterbury vient de confirmer les évaluations faites par Médecins Sans Frontières sur le coût de production du Sovaldi, qui est estimé entre 30 et 50 euros par boîte, coût qu’il faut rapporter à son prix de vente, qui oscillerait entre 20 000 et 25 000 euros. On peut d’autant moins parler de spoliation que les chiffres d’affaires en jeu ici avoisinent le milliard d’euros.

Vous réclamiez des réformes de structures : en voici une. Elle est d’autant plus justifiée dans le cas de Gilead, que ce ne sont pas ses travaux de recherche que le laboratoire cherche à rentabiliser mais le rachat aux enchères d’une start-up pour 11 milliards de dollars. Ce n’est pas aux assurés sociaux d’en supporter le coût.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’ajoute que c’est Marisol Touraine, Arnaud Montebourg et Geneviève Fioraso qui, en juin dernier, ont instauré, pour les essais cliniques, une procédure unique raccourcissant les délais à soixante jours, quand ils pouvaient auparavant atteindre mille jours. On ne peut donc pas dire que nous n’aidons pas l’industrie pharmaceutique.

M. Jean-Louis Roumegas. Ce n’est, en effet, pas aux assurés sociaux de payer le prix exigé par un laboratoire qui a d’ailleurs déjà largement amorti ses investissements puisque le médicament aurait rapporté 10 milliards d’euros aux États-Unis et devrait rapporter en France 1 milliard d’euros en 2015.

Je ne comprends pas que l’opposition défende, en matière de médicaments, une logique ultra-libérale. Si l’on se plie aux exigences des laboratoires, personne ne pourra plus avoir accès aux médicaments innovants, car nous n’aurons plus les moyens de les financer. Les mesures prises par le Gouvernement sont, à mon sens, le moyen de lutter contre cette inflation des prix, de garantir pour l’avenir l’accès de tous aux nouvelles molécules et d’empêcher que la spéculation freine l’innovation.

M. Denis Jacquat. Nous parlons d’un médicament dont l’efficacité est prouvée, puisqu’il évite les greffes. On ne peut que s’en réjouir lorsque l’on sait que l’on meurt encore en France faute de greffon. Il faut défendre la recherche et le développement dans notre pays, car ils sont source de richesses et d’emplois.

M. Jean-Pierre Barbier. Au-delà des molécule et pathologie particulières dont il est question ici, l’enjeu est de savoir si nous serons capables de financer l’innovation demain. Gérard Bapt a tort de parler d’une réforme de structure : il s’agit simplement de mécanismes visant à réguler les flux financiers générés par l’innovation.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS263 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement AS179 de M. Dominique Tian tombe.

La Commission adopte l’amendement de précision AS271 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.

Article 4 : Rectification de la dotation à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM)

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5 : Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2014

La Commission est saisie des amendements identiques AS4 de M. Jean-Pierre Door et AS22 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Pierre Door. Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale initiale pour 2014 prévoyait un déficit de 9,6 milliards d’euros, nous dépassons les 10 milliards : nous sommes donc loin des engagements pris par le Gouvernement, et les choses ne font qu’empirer. Aujourd’hui, vous essayez de modifier le cap à coups de rabot et de bricolage de tuyauterie avec la loi de financement rectificative de la sécurité sociale adoptée au mois de juillet dernier. Nous demandons donc la suppression de l’article 5, tout aussi insincère que les précédentes lois de financement.

M. Francis Vercamer. Vous avez par deux fois touché au pouvoir d’achat des retraités, en repoussant la revalorisation des retraites et en modifiant l’imposition sur le revenu des retraités ayant élevé plus de trois enfants. La revalorisation du minimum vieillesse et la prime exceptionnelle que vous proposez ne sont qu’un rideau de fumée ! Notre système de retraite a besoin d’une réforme structurelle. L’espérance de vie de nos concitoyens augmente d’un trimestre par an, et il est donc urgent de prendre des mesures de fond.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous rejetez cet article d’équilibre au motif qu’il signe l’échec du Gouvernement. Je vous rappelle qu’en 2011, le déficit de la sécurité sociale atteignait 22,6 milliards d’euros ; à la fin de cette année, il ne sera plus que de 15,4 milliards. Le déficit de la branche vieillesse a été divisé par deux depuis le vote de la loi sur les retraites, malgré les mesures de justice qui ont été adoptées. Avis défavorable à ce qui s’apparente à une profession de foi.

M. Michel Issindou. Laissons vivre la réforme des retraites que nous avons votée il y a moins de dix mois et qui comportait des mesures de financement courageuses, assises notamment sur l’allongement de la durée de cotisation. Attendons ce qu’en dira le Comité de suivi des retraites, qui se prononcera, le moment venu, sur le redressement de notre système. Le déficit prévu pour le régime général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) n’est que de 1,5 milliard d’euros, ce qui ne s’était jamais vu depuis des années. Les mesures prises commencent donc à porter leurs fruits. L’effort a été réparti équitablement entre les retraités, les salariés et les employeurs.

Mme Véronique Louwagie. L’article 5 est inquiétant à plus d’un titre. D’abord parce qu’avec un déficit s’élevant à 11,7 milliards d’euros, nous sommes loin des 10 milliards annoncés. Au passage, je signale une erreur dans le tableau présenté à la page 27 du commentaire des articles, qui fait état de prévisions révisées pour le PLF 2015 au lieu, me semble-t-il de 2014. Ensuite, l’article remet en cause la perspective d’un retour à l’équilibre pour 2017. Enfin, et c’est le plus inquiétant, il montre que ce sont nos recettes qui diminuent, ce qui traduit une diminution de l’activité et une dégradation de la situation économique de notre pays. Il se confirme donc que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 était insincère, à moins qu’il ne s’agisse d’improvisation et d’amateurisme.

M. Denis Jacquat. Désormais, le pouvoir d’achat des retraités diminue de mois en mois, tandis qu’auparavant toutes les retraites promises étaient versées au jour et au montant promis. Un bon régime de retraite doit être pérenne et lisible : quand on a promis des prestations à des personnes ayant travaillé et cotisé, elles doivent leur être versées.

M. Bernard Accoyer. La situation des retraites est catastrophique, et le semblant de réforme conduite l’an dernier – qui a consisté pour l’essentiel, selon un engagement irresponsable du candidat Hollande, à ramener de soixante-deux à soixante ans l’âge du départ en retraite – n’a pas résolu le problème. Quoi que vous en disiez, le déficit du régime général reste important. Celui du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteint 15,4 milliards d’euros pour 2014. Or le FSV rentre totalement dans le financement des retraites, sans parler des régimes que vous n’évoquez pas ou du non-provisionnement du régime des fonctionnaires.

Nous ne pouvons donc nous satisfaire de cet article qui semble acter le déficit structurel de notre système de retraite.

M. Dominique Dord. Vous avez peut-être le sentiment, parce que vous avez levé des cotisations supplémentaires cette année, que vous êtes parvenus à régler la question du déficit abyssal de notre régime de retraite. Malheureusement, le problème des retraites n’est pas un problème de conjoncture mais un problème structurel et, dès l’année prochaine, il se posera de nouveau, et encore les années suivantes.

M. Élie Aboud. On ne peut pas laisser croire que le problème des retraites est réglé. Selon les données officielles, nous sommes le pays où l’on entre le plus tard dans la vie active, le pays où l’on travaille le moins et le pays où l’on sort le plus tôt du cycle actif professionnel. Les solutions que vous proposez sont palliatives – mot auquel vous ne pouvez rester insensible, monsieur le rapporteur. Et je n’évoque même pas les avantages dits sociaux, avec le compte de pénibilité et l’usine à gaz qui sera, à ce sujet, mise en route à partir du 1er janvier 2015.

M. Michel Issindou. On peut penser que le système des retraites n’est pas sauvé et, si nous avons dû le retoucher en 2013, c’est parce que vous n’avez pas su saisir trois opportunités : en 2003, 2008 et 2010. Vous revenez sur le fait que nous n’avons pas reporté l’âge légal de départ à la retraite – nous verrons bien ce que vous allez retenir de grandiose des propositions multiples et variées des trois favoris à l’élection de la présidence de l’UMP. Notre choix est, en effet, différent du vôtre et nous avons décidé de ne pas changer l’âge légal de départ à la retraite en allongeant la durée de cotisation – ce qui d’ailleurs revient à peu près au même. Je le répète : l’âge légal n’a pas de sens. Si l’on demande à chacun de travailler quarante-trois annuités, certains partiront à la retraite au-delà de soixante-cinq ans. Nous avons décidé de réduire les déficits sociaux jusqu’à 2020, après quoi l’allongement de la durée de cotisation nous mènera, en 2035-2040 à une situation satisfaisante.

J’ai l’honnêteté de rappeler que, pour atteindre ces objectifs, il ne faut pas que la situation économique se dégrade trop – mais ce qui vaut pour nous, vaut pour vous, tous les systèmes étant bâtis sur des prévisions de croissance économique correcte.

M. Jacquat a souligné que, jusque-là, toutes les retraites ont été payées. Certes, mais à crédit, ce qui a alourdi la dette publique et la dette sociale – il n’y a pas de quoi être fier. Nous sommes en train de rétablir les équilibres. Laissons donc vivre la réforme des retraites telle qu’elle a été bâtie l’an dernier. Elle donne ses premiers résultats financiers et, dans un an, nous tirerons les conséquences d’un premier bilan.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il n’y a pas d’erreur à la page 27, madame Louwagie : il s’agit des prévisions révisées pour 2014, dans le cadre du PLFSS pour 2015.

Je rappelle, par ailleurs, qu’en 2011 le déficit de la sécurité sociale et du FSV était de 22,6 milliards d’euros ; en 2014, malgré les difficultés actuelles, il ne sera que de 11,7 milliards d’euros.

Les amendements sont rejetés.

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 : Rectification de la ventilation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2014

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Elle adopte ensuite la deuxième partie du projet de loi.

TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2015

Titre Ier
Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie

Chapitre I 
Rationalisation de certains prélèvements au regard de leurs objectifs

Article 7 : Modification des règles relatives aux contributions sociales sur les revenus de remplacement

La Commission est saisie des amendements identiques AS6 de M. Jean-Pierre Door et AS23 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Pierre Door. Nous souhaitons supprimer l’article 7 car, pour près de 500 000 personnes, en particulier des retraités, vous allez faire passer le taux de CSG de 3,8 % à 6,6 %, soit un doublement de leur imposition, alors, prétendiez-vous, que le PLFSS ne taxerait pas les assurés sociaux. Or les pensionnés, les bénéficiaires des allocations chômages sont bien des assurés sociaux que vous taxez trop lourdement.

M. Francis Vercamer. Vous annoncez que 700 000 personnes sont concernées par une réduction et 460 000 par une augmentation du taux de CSG. Or, à budget égal, il va de soi que ces derniers voient leur imposition augmenter deux fois plus que les premiers voient la leur diminuer. C’est mathématique !

M. Bernard Perrut. Sous couvert de justice fiscale, on va de nouveau taxer, parmi nos concitoyens, ceux qui ne sont pas parmi les plus riches. Nous sommes très inquiets.

M. Jean-Pierre Barbier. Je n’ai pas retrouvé, sur le site de l’Assemblée, le compte rendu de la réunion de la Commission au cours de laquelle madame la ministre a affirmé que le PLFSS pour 2015 ne prévoirait aucune augmentation de cotisation. Je suis donc très gêné par cet article, car il signifierait qu’on nous aurait menti lors de la présentation du texte : les cotisations semblent bien devoir augmenter pour les retraités et pour les personnes âgées. Quand on prétend relancer l’économie par le pouvoir d’achat, on ne peut pas penser y parvenir en procédant de la sorte.

En outre, la création de tous les dispositifs mis en place, comme le compte pénibilité, et toutes les charges que vous faites peser sur les entreprises vont provoquer une baisse des recettes inquiétante et une diminution du pouvoir d’achat des plus faibles.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le compte rendu de l’audition de Mme Touraine sera mis en ligne en fin d’après-midi. Vous verrez que M. Eckert s’est montré très clair à propos des effets « yoyo » affectant les retraités.

M. Michel Issindou. On ne modifie pas les taux et madame la ministre a raison quand elle l’affirme. Seulement, reconnaissez que calculer le taux de CSG sur le revenu fiscal de référence est beaucoup plus juste que de le calculer après déductions fiscales. C’est donc une vraie mesure de justice fiscale et sociale.

M. Francis Vercamer. Ce serait vrai si, dans le revenu fiscal de référence, figurait la totalité des allocations et des revenus de remplacement. Aussi, vous ne comparez pas ce qui est comparable. Entre deux retraités, dont l’un touche des allocations et l’autre pas, vous allez créer une injustice fiscale.

Mme Véronique Louwagie. Pour près de 700 000 personnes, le taux de la CSG va baisser et, pour environ 460 000, il va au contraire augmenter.

Le 10 octobre dernier, journal Le Monde s’est fait l’écho d’un chiffre intéressant établi par le Trésor : ces dernières années, 20 % des foyers ont supporté 75 % des hausses d’impôts. La question de l’égalité devant l’impôt est donc posée. À force de concentrer l’impôt sur quelques foyers fiscaux, vous allez vous heurter à un vrai problème de constitutionnalité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne vous comprends pas du tout, madame Louwagie : la concentration que vous évoquez n’a aucun rapport avec le revenu fiscal de référence qui est de 10 224 euros pour une première part. Il n’est pas question ici des hauts revenus.

Le rapport Lefebvre-Auvigne a très bien montré que, chaque année, près de 10 % des retraités changent de taux de CSG. En effet, à revenus de remplacement constants, le simple fait de passer d’un taux à l’autre peut vous rendre imposable, certes non recouvré, mais vous assujettit à un autre taux de CSG. C’est le « yoyo » évoqué : le retraité ne perçoit pas de revenus de remplacement supplémentaires mais il paie davantage de CSG. Substituer le revenu fiscal de référence au montant de l’impôt sur le revenu pour déterminer le taux de CSG permettra d’éviter ce phénomène.

Certains retraités, ne bénéficiant d’aucune déduction fiscale, étaient juste au-dessus du plafond et payaient une CSG à taux plein, quand d’autres, tout en percevant des revenus plus importants parce que bénéficiant de réductions fiscales tout à fait légales, étaient soumis à un taux minoré de CSG. Est-ce juste ? Le texte vise à corriger cet effet de yoyo.

Au reste, les retraités ne sont pas les seuls concernés par cet article : il touche également tous ceux qui perçoivent des revenus de substitution : allocations chômage, indemnités journalières de maladie, de maternité, rentes d’accident du travail et maladie professionnelle (ATMP). M. Vercamer a néanmoins raison de souligner que certaines allocations ne sont pas prises en compte : les allocations familiales et l’allocation logement, qui sont des allocations de versement universel.

Certes, quelque 420 000 personnes qui percevaient des revenus plus importants mais qui n’étaient pas pris en compte parce que leur impôt était minoré par des déductions fiscales, vont y perdre – mais à rendement constant : il n’y aura pas de modification de la recette de CSG après la mise en œuvre de cette réforme qui ne mérite pas le torrent d’indignité que vous déversez sur elle.

Les amendements sont rejetés.

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Après l’article 7

La Commission est saisie de l’amendement AS47 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. La perte d’autonomie est un défi financier qui engage la préservation de notre modèle social. Elle pourrait engendrer des dépenses supplémentaires de l’ordre de deux à trois points de PIB d’ici à 2025. Les dépenses de l’aide personnalisée d’autonomie (APA) devraient doubler au cours des vingt prochaines années et atteindre 15 à 20 milliards d’euros par an en 2040. Dès lors, les financements de 645 millions d’euros, dont 375 millions pour revaloriser l’APA, prévus par le Gouvernement sont vraiment dérisoires au regard des enjeux. Soulignons par ailleurs que, pour 2014, le Gouvernement a d’ores et déjà affecté 600 millions d’euros à la contribution additionnelle de solidarité autonomie, destinée au FSV.

Le groupe UDI défend ici un amendement de principe et entend prendre date afin de répondre à ce défi et, dans la perspective de renforcer l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, propose qu’une fraction de la CSG soit affectée aux conseils départementaux.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le problème que vous posez, monsieur Richard, est bien réel. J’espère néanmoins que, même dans deux ou trois ans, nous n’en serons pas là. Un prochain projet de loi répartira les compétences et un autre texte concernera les ressources des collectivités locales – régions, départements et bloc communaux. Je ne souhaite pas qu’à cette occasion on diversifie le partage de la CSG, aujourd’hui réservée à la sécurité sociale et au FSV.

Nous réclamons la clarté pour le citoyen afin qu’il connaisse mieux les compétences des collectivités territoriales et les financements affectés aux missions qui leur seront confiées. Or la CSG, à mon avis, doit rester dans le secteur social.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, sinon avis défavorable.

M. Élie Aboud. Cette question concerne l’avenir des conseils départementaux, et il est évident, monsieur le rapporteur, qu’il faudra la clarifier dans un ou deux mois. Aujourd’hui, un vent de panique souffle sur les territoires au sujet des prestations et du médico-social.

Mme Isabelle Le Callennec. Notre collègue Arnaud Richard pose, en effet, un vrai problème. Je profite de la présence parmi nous de Mme Delaunay qui avait engagé tout un travail sur l’autonomie. L’Assemblée a voté en première lecture le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, mais la question du financement de la perte d’autonomie subsiste. La présente proposition a déjà été formulée au sein de l’Assemblée des départements de France. Nous devons trouver des pistes. Celle d’un cinquième risque semble abandonnée ; où en est-on ?

L’amendement est rejeté.

Article 8 : Affiliation des personnes participant de façon occasionnelle à des missions de service public

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Après l’article 8

La Commission est saisie de l’amendement AS27 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je reviens sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui a fait couler beaucoup d’encre, même parmi certains députés de la majorité – qui ont malheureusement quitté la Commission.

Ce CICE est une usine à gaz. On a annoncé 20 milliards d’euros pour les entreprises, puis 16 milliards et 8,7 milliards aujourd’hui – mais beaucoup moins en réalité. Je propose, par conséquent, de suivre le rapport Gallois, donc de supprimer le CICE pour développer une autre politique de compétitivité consistant à alléger les charges des entreprises, notamment les charges familiales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Vercamer sait bien que le débat qu’il entame dépasse les compétences de la commission des affaires sociales et qu’il doit être mené en commission des finances où a été voté le CICE. Par ailleurs, supprimer totalement les cotisations patronales familiales irait à l’encontre des idées du MEDEF lui-même. Je vous propose de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Francis Vercamer. J’entends bien que la question dépasse les attributions de notre commission, mais si l’on ne peut évoquer, au cours de l’examen du PLFSS, la manière dont on finance la protection sociale, que faisons-nous ici ?

Ce financement repose quasi exclusivement sur le travail, et le Président de la République et le Premier ministre eux-mêmes reconnaissent que la compétitivité des entreprises est pénalisée par cette charge. Je propose, par conséquent, de changer de paradigme puisque le CICE ne s’applique, de surcroît, pas à toutes les entreprises et notamment pas à celles qui créent des emplois, les TPE. Il s’agit d’alléger, de manière unilatérale, l’ensemble des charges patronales pour diminuer le coût du travail. Pendant que vous répondez que c’est impossible, les entreprises meurent et le chômage augmente.

M. Jean-Pierre Door. M. Vercamer a raison : nous parlons sans cesse de ce problème et nous ne faisons rien. Le rapport Gallois mais aussi le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, sans oublier la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), évoquent ces pistes. Pour le groupe UMP, il convient également de réfléchir au financement de la protection sociale et de revenir sur le CICE et les charges patronales. C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons évoqué en préambule l’idée de travailler, au sein de notre commission, sur la réforme du financement de la protection sociale. C’est une nécessité. Je suis assez surprise d’entendre le rapporteur se réfugier derrière les positions du MEDEF. Il est, en effet, intéressant de savoir si les cotisations familiales doivent continuer à peser sur le travail. Je pense qu’il revient vraiment à notre commission d’enrichir cette réflexion.

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Vercamer souhaite supprimer le CICE, comme recommandé par le rapport Gallois. Or le CICE fait suite au rapport Gallois. Ensuite, les entreprises sont d’accord pour assurer une partie des charges familiales. Enfin, puisque la suppression du CICE ne suffira pas à compenser la suppression des cotisations patronales familiales, M. Vercamer propose l’augmentation de la TVA. C’est dire si le débat est large et qu’il dépasse le champ de notre commission. Du reste, il n’est pas nouveau.

L’amendement est rejeté.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS5 de M. Jean-Pierre Door et AS29 de M. Francis Vercamer, et les amendements identiques AS249 de M. Gérard Bapt et AS30 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Pierre Door. Je souhaite interpeller la majorité sur les mesures néfastes affectant le régime des cotisations des particuliers-employeurs – baisse du plafonnement des avantages fiscaux, suppression de la déclaration au forfait –, qui ont eu pour conséquence la suppression de milliers de postes dans ce secteur au cours des deux dernières années. Or le texte prévoit une nouvelle mesure négative, avec la baisse ou la suppression du complément de mode de garde pour les familles qui disposent d’un certain revenu et qui embauchent des assistantes maternelles.

Pour compenser la hausse de près de 12 % des charges pesant sur les ménages, et pour tenter d’endiguer le recours au travail au noir qui s’est développé, une réduction de cotisation de 75 centimes par heure déclarée a été décidée en 2013, après de nombreux débats – il me semble que le Gouvernement n’en voulait pas. Nous demandions, pour notre part, beaucoup plus.

Nous réitérons notre démarche par le biais de cet amendement et proposons de porter cette déduction forfaitaire à 2 euros par heure déclarée. Cette mesure permettrait de limiter le travail au noir dans un domaine très sensible pour de nombreuses familles qui parfois ne perçoivent pas des revenus importants.

M. Francis Vercamer. Compte tenu des 29,5 millions d’heures en moins déclarées en 2013, soit près de 16 000 emplois équivalents temps pleins détruits, cet amendement vise à porter l’exonération de 75 centimes à 2 euros.

M. Gérard Bapt, rapporteur. À la suite de la censure par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, de mon amendement au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, je propose à nouveau, avec l’amendement AS249, de porter de 75 centimes à 1,50 euro l’abattement sur les charges sociales pour les employeurs particuliers à domicile. Après la mesure Baroin de suppression de l’abattement forfaitaire de quinze points sur les charges sociales, le nombre d’heures travaillées avait déjà diminué. La nouvelle majorité a supprimé la possibilité de déclarer au forfait ; cette mesure s’est ajoutée à la précédente, alors qu’il aurait sans doute mieux valu supprimer le forfait tout en conservant l’abattement forfaitaire. La mesure que je propose n’a pas l’accord formel du Gouvernement, mais le ministre du budget, ici même, a laissé la porte entrebâillée en répondant à ma question. Cette mesure aurait un coût de 120 millions d’euros.

M. Francis Vercamer. Cet amendement du rapporteur est le même que mon amendement de repli. Voter cette proposition serait un pas en avant, mais un abattement de 2 euros est tout de même préférable.

M. Jean-Louis Costes. Ce domaine est une source d’emplois inépuisable en milieu rural. Il concerne beaucoup de personnes peu qualifiées, notamment des femmes, il participe à l’action que mènent les gouvernements successifs pour le maintien des personnes âgées à domicile, et c’est sans doute le secteur où le travail au noir est le plus élevé. Passer à 2 euros serait donc envoyer un message fort à ces personnels.

M. Dominique Tian. Le rapporteur parle à titre personnel, car il ne connaît pas l’avis du Gouvernement. Ce dernier est si peu soucieux de la question, malgré la dégradation de l’emploi familial, qu’il a oublié de l’inscrire dans le PLFSS. M. le rapporteur joue donc le rôle du pompier de service. La proposition a été censurée le 6 août par le Conseil constitutionnel, et l’urgence de la situation le conduit à présent à lancer cette petite bouée de sauvetage, insuffisante. Le Gouvernement a-t-il l’intention, toutefois, d’y donner un avis favorable ? Comme elle l’a oublié dans le PLFSS, je ne pense pas que Mme Touraine se soit exprimée sur le sujet en commission.

Mme Bérengère Poletti. Le coût affiché par le rapporteur est à emplois constants. Or le secteur de l’emploi à domicile connaît, dès lors que les charges augmentent, un phénomène important de travail clandestin conduisant à des pertes de recettes. En outre, contrairement aux entreprises et aux associations, les particuliers employeurs ne bénéficient ni du CICE ni des mesures sur les bas salaires. À côté de ces dispositifs, la mesure à 2 euros est même faible, en réalité ; 1,50 euro, ce ne peut être efficace.

M. Jean-Pierre Barbier. Si ces amendements vont dans le bon sens, 1,50 euro n’est pas suffisant, et nous pourrions même aller au-delà de 2 euros. Ce sont les recettes qui posent problème, avec le travail au noir. Le Portugal attire sur son territoire des retraités aux revenus relativement importants, en les exonérant d’impôt sur le revenu. À la question de savoir si cela ne créait pas un sentiment d’injustice dans le pays, la réponse a été non : ces retraités dépensent leur argent, font vivre le commerce, et les recettes de TVA ont augmenté de 20 % au Portugal en 2014. Vous voulez toujours taxer ceux que vous considérez comme les plus riches, avec pour résultat que ces personnes ne consomment plus, ne créent plus de richesses.

M. Jean-Pierre Door. La loi Borloo sur les services à la personne est un excellent texte qui a permis d’aider des personnes âgées ou en difficulté, tout en renforçant la lutte contre le travail au noir. Je suis satisfait que M. Bapt présente un amendement dans le même sens que nous, même si sa proposition n’a pas la même ampleur. Nous étions tous deux présents, l’an dernier, à la commission mixte paritaire où tous ont souhaité porter l’exonération à 1,50 euro, mesure retoquée par le Conseil constitutionnel. Nous n’avons pas, comme M. Vercamer, présenté d’amendement de repli, mais nous sommes prêts à accepter un amendement commun de la Commission portant l’exonération à 1,50 euro, pour en débattre avec le Gouvernement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pour connaître la position du Gouvernement, monsieur Tian, vous aviez l’occasion d’interroger les ministres en audition. M. le secrétaire d’État chargé du budget, vous l’aurez remarqué, a été attentif à mon point de vue. Vous pourrez interroger le Gouvernement dans l’hémicycle.

Mme Poletti a eu des vibratos dans la voix pour expliquer combien cette mesure était indispensable, mais elle a voté, en son temps, la mesure Baroin.

Mme Bérengère Poletti. Non !

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’invite la Commission à repousser la proposition à 2 euros, la mienne étant déjà très significative. Nous en attendons un retour sur investissement, dans la mesure où les chutes de recettes constatées sont supérieures au coût de l’amendement.

M. Francis Vercamer. J’accepte de me rallier à la proposition de M. le rapporteur.

La Commission adopte les amendements identiques AS249 et AS30 à l’unanimité.

En conséquence, les amendements AS5 et AS29 tombent.

La Commission examine l’amendement AS250 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il existe deux types de prise en charge de l’emploi à domicile, selon que l’employeur est un employeur direct ou qu’il fait intervenir à son domicile le salarié d’une structure externe. Dans ce dernier cas, la prise en charge est définie dans le cadre de l’ONDAM, ce qui a donné lieu à des litiges. Cet amendement précise donc que l’exonération ne s’applique pas aux activités effectuées par des personnes dont le salaire est pris en charge par la dotation globale de l’assurance maladie.

M. Jean-Pierre Door. M. le rapporteur peut-il préciser la situation dont il s’agit ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans les deux cas en question, il s’agit de salariés : les uns sont des salariés directs de l’employeur à domicile, les autres sont salariés par des associations. Dans le second cas, le dispositif entre dans le cadre de l’ONDAM au titre des personnes âgées dépendantes.

Mme Isabelle Le Callennec. Quelles ont été les difficultés rencontrées avec les salariés des structures ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Certaines structures prises en charge dans le cadre de l’ONDAM ont de surcroît demandé le bénéfice de l’abattement dont nous venons de parler, qui est réservé aux employeurs particuliers.

Mme Véronique Louwagie. En proposant que l’exonération ne s’applique pas aux activités effectuées par les personnes dont le salaire est versé par une association, vous supprimez l’exonération pour ces derniers : est-ce bien cela ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Non, nous précisons que l’exonération ne s’applique qu’aux employeurs particuliers.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS117 de M. Dominique Tian.

M. Élie Aboud. Le nombre d’heures déclarées ayant fondu en 2013, et près de 20 000 emplois ayant été détruits, cet amendement tend à rétablir la déclaration au forfait.

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’en demande le retrait, compte tenu de l’amendement portant l’exonération à 1,50 euro que la Commission a adopté à l’unanimité.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AS31 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à concentrer les allègements de charges sur les bas salaires, afin de favoriser l’emploi des jeunes, l’emploi des seniors et les TPE-PME. Ces allégements représentent un manque à gagner de 23 milliards d’euros par an et profitent essentiellement aux grands groupes, notamment de la distribution, sans avoir d’effet avéré sur l’emploi, tout en étant susceptibles de constituer des trappes à bas salaires. C’est pourquoi nous proposons, en portant cette exonération de 1,6 à 1,5 fois le SMIC, de la concentrer sur les bas salaires.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement revient sur les mesures générales d’allègement et non sur le seul pacte de responsabilité : il remet en question, entre autres, les allègements Fillon. C’est un large débat. Pour l’heure, je demande à la Commission de le repousser. Vous interrogerez la ministre en séance.

M. Francis Vercamer. Chaque fois qu’une décision importante doit être prise, le rapporteur renvoie à la ministre. Quel est l’intérêt du travail en commission ?

La Commission rejette l’amendement.

Article 9 : Encadrement des assiettes forfaitaires

La Commission est saisie de l’amendement AS251 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’article 9 encadre les assiettes forfaitaires de cotisations que le Gouvernement est autorisé à créer par la partie législative du code de la sécurité sociale. Il limite à 30 % le taux d’abattement pouvant être appliqué à la rémunération réelle afin de protéger les droits des assurés. Ce pouvoir réglementaire est extrêmement large, alors que la détermination de l’assiette d’un prélèvement obligatoire relève du domaine de la loi. C’est pourquoi le présent amendement crée un cadre législatif à ces exceptions en conditionnant davantage la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer des assiettes forfaitaires par décret, et non plus par arrêté.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La Commission est saisie de l’amendement AS33 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à taxer les parachutes dorés dès le premier euro dépassant le plafond de la sécurité sociale. Aujourd’hui, une exonération est prévue jusqu’à dix fois le plafond, ce qui paraît anormal compte tenu de certains chiffres très bas : minimum contributif de 628,99 euros, alors que le plafond est à 37 548 euros par an, ou encore minimum vieillesse. Il serait logique que les parachutes dorés contribuent à la solidarité nationale dès le premier euro après le plafond.

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Vercamer semble oublier que les indemnités de rupture ne sont exonérées que dans la limite de deux fois le plafond de la sécurité sociale et que, de deux à dix fois, une progressivité est prévue. Quand le plafond est dépassé de dix fois, ces indemnités sont assujetties dès le premier euro. Sa proposition représente un alourdissement considérable. Vous la présenterez en séance, cher collègue. Je propose, pour l’heure, de la repousser.

La Commission rejette l’amendement.

Article 10 : Régulation de la progression des dépenses de médicaments par une contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques

La Commission est saisie des amendements identiques AS52 de M. Jean-Pierre Door et AS135 de M. Dominique Tian.

M. Jean-Pierre Door. Je trouve très curieux que l’article 10 n’ait pas été discuté à la suite de l’article 3. En effet, il refonde la clause de sauvegarde, contractuelle, décidée en relation avec le Comité économique des produits de santé, en incluant à cette occasion, dans le calcul, le chiffre d’affaires spécifique aux médicaments de l’hépatite C, sujet évoqué à l’article 3.

Cette nouvelle clause de sauvegarde ne répond pas aux annonces de Mme Touraine, le 8 octobre dernier, selon lesquelles le Gouvernement ne demanderait pas à l’ensemble de l’industrie pharmaceutique de couvrir le coût important de ces produits. En incluant la contribution W dans le dispositif L, vous faites porter sur l’ensemble du secteur le coût lié à l’arrivée d’un produit exceptionnellement innovant au prix élevé et répondant à un besoin thérapeutique lourd. Ce serait, pensons-nous, une double peine pour l’industrie. Cette mesure n’aggravera-t-elle pas le défaut d’attractivité de notre territoire pour ces entreprises ? Nous proposons de sortir le traitement de l’hépatite C de la clause de sauvegarde.

M. Élie Aboud. Une telle confusion nuira, non pas à l’industrie, mais bien à l’attractivité de notre territoire et à la recherche médicale.

M. Olivier Véran, rapporteur pour l’assurance maladie. Avis défavorable. Il est vrai que la filière pharmaceutique est créatrice d’emplois et répond à des critères de qualité de recherche fondamentale dont la France peut s’enorgueillir. C’est pourquoi nous la soutenons via le CSIS, comité créé en 2013 qui vise à répondre à des attentes précises.

S’agissant du taux visé à l’article 10, vous appeliez tout à l’heure à des réformes de structure. Nous proposons de refonder le taux K en taux L, de façon à adapter les outils de régulation existants. Nous accordons au CEPS la possibilité de fixer un montant de dépenses au-delà duquel il pourra proposer une baisse de prix, de façon à ne pas mettre en danger la soutenabilité financière de la filière pharmaceutique. Le médicament représentant aujourd’hui dans notre pays une dépense de 25 milliards d’euros, il est normal d’instituer des règles adaptées.

Le taux L constitue un dispositif global de régulation prix-volume qui n’est censé se déclencher que pour compenser les économies qui ne seraient pas réalisées sur les volumes, l’objectif étant de contenir l’évolution à la hausse des dépenses. L’assiette de la contribution est minorée à concurrence des montants acquittés au titre de l’hépatite C. Et contrairement au taux K, avec le taux L, les génériques seront exonérés de la contribution. Nous soutenons donc aussi la filière générique, le Gouvernement souhaitant étendre davantage sa répartition sur le territoire.

Je rappelle que le taux de cette contribution est voté par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est donc normal que nous le réexaminions chaque année.

Enfin, le pourcentage de répartition de l’assiette de prélèvement évolue : auparavant, elle portait sur 30 % du chiffre d’affaires, 40 % de l’évolution de ce chiffre d’affaires et 30 % de la publicité. Cette dernière connaissant une évolution à la baisse, le Gouvernement propose un ratio de 60 % du chiffre d’affaires et de 40 % de l’évolution de celui-ci.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que la ministre a annoncé la création d’un groupe de travail afin d’identifier des moyens supplémentaires permettant de développer le médicament générique.

M. Dominique Tian. Je ne comprends guère le mécanisme infernal du dispositif qui nous est proposé.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’article L. 138-14 qui, dans sa rédaction issue du projet de loi, vise les entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques et appartenant à un groupe : qu’entend-on par groupe ? Un groupe intelligent pourrait très bien s’arranger pour ne pas correspondre à votre définition et ne pas payer la contribution.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les notions de « groupe » et d’« entreprises particulières au sein du groupe » existaient déjà auparavant. L’objectif du Gouvernement consiste effectivement à isoler les dépenses des entreprises qui feraient partie d’un groupe afin de rendre cette fiscalité la plus juste et la plus cohérente possible.

M. Jean-Pierre Barbier. Créé par la majorité précédente, le CSIS ne s’est pas réuni depuis juillet 2013, les industriels ayant claqué la porte des négociations après avoir constaté que les paroles du Gouvernement n’étaient pas suivies d’actes. On les comprend dans la mesure où, avec cet article, vous contournez toutes les négociations qui pourraient avoir lieu avec le CSIS et le CEPS. Encore une fois, tant pour les produits innovants que pour l’ensemble de la filière du médicament, le seul moyen de régulation que vous ayez trouvé est la fiscalité. Et pour augmenter celle-ci, vous inventez des dispositifs tellement complexes que plus personne n’y comprend rien. Sans doute tout cela participe-t-il du choc de simplification qu’on nous promet depuis des années.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ce que les entreprises réclament et que le CSIS leur permet d’obtenir, c’est de la visibilité et de la lisibilité quant à l’évolution de la fiscalité. Il convient donc que nous fassions tous – tous bords politiques confondus – des efforts en ce sens. C’est précisément l’objet des travaux du CSIS. C’est pour cette raison que les laboratoires ont décidé de revenir à la table des négociations afin de reprendre ces travaux. Et le dispositif que nous vous proposons s’inscrit pleinement dans le cadre d’une simplification de la fiscalité existante.

M. Dominique Tian. Le CEPS existe depuis la loi du 11 février 2005, qui l’a créé. Le Gouvernement s’exonère ici de son avis. Deux lois vont donc s’opposer sans que l’on sache laquelle prévaut sur l’autre : si c’est le PLFSS qui l’emporte, sans doute faudrait-il supprimer le CEPS.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Est-ce au CSIS ou au CEPS que vous faites référence ?

M. Dominique Tian. Je parle du CEPS.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Pour ce qui est du CSIS, c’est nous qui l’avons réactivé, je vous le rappelle.

M. Dominique Tian. En l’occurrence, il ne sert pas à grand-chose.

M. Jean-Pierre Barbier. J’ai souligné, lors de l’audition de Mme Touraine, que les perspectives tracées pour l’industrie pharmaceutique sont funestes, voire funèbres : on demande à la filière du médicament 1 milliard d’euros d’économies par an sur trois ans, soit 50 % des économies à réaliser, alors qu’elle ne représente que 16 % des dépenses d’assurance maladie. Ces mesures entraîneront des pertes d’emplois, car cette industrie désertera notre territoire pour aller s’installer ailleurs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons bien compris que vous défendiez l’industrie pharmaceutique. Mais celle-ci bénéficie tout de même du CICE, du crédit impôt recherche (CIR) et de la solvabilisation par l’assurance maladie. Ce n’est pas en Afrique de l’Ouest, où d’ailleurs le groupe a accepté de lancer le générique, que Gilead a pu développer un traitement contre l’hépatite C. Gilead profite bien de la solvabilité de notre pays pour pouvoir commercialiser son traitement.

Cessez d’affirmer tout et son contraire, en préconisant de ne pas réguler les groupes et de les laisser faire de la recherche-développement, tout en plaidant pour qu’un maximum de personnes puissent bénéficier de leurs innovations ! Les moyens de l’assurance maladie ne sont pas illimités, c’est pourquoi nous fixons des taux. D’ailleurs, sous la précédente législature, le vote du taux K a donné lieu à de grands débats entre les différents groupes. Cessons de penser que l’industrie pharmaceutique va mal et qu’elle risque de quitter la France quand notre pays lui offre des atouts tels que le CIR, qu’elle apprécie.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement de rectification AS264 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS266 du même auteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Comme à l’article 3, le présent amendement vise à préserver le secret des négociations entre les industries et le CEPS en prévoyant une marge de 30 % de l’indemnité maximale déclarée, par rapport au montant prévisionnel de la remise prévue à l’article 10.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS7 de M. Jean-Pierre Door et AS134 de M. Dominique Tian. 

M. Jean-Pierre Door. Je suis heureux d’avoir entendu le rapporteur dire que l’industrie pharmaceutique manquait de visibilité pour sa recherche-développement à long terme. Il conviendrait effectivement que nous réfléchissions sur tous les bancs à cette question afin d’assurer à la filière une lisibilité pluriannuelle sur trois ou cinq ans, comme elle l’a réclamé lors du dernier CSIS.

À l’alinéa 28 de l’article 10, le Gouvernement bride le CEPS qui, théoriquement, fixe le prix des médicaments avec les entreprises. Le taux L – anciennement taux K – permet de surveiller l’évolution du chiffre d’affaires hors taxe des entreprises en les soumettant à contribution lorsque ce chiffre d’affaires dépasse ce taux. S’il est vrai que nous avons fait évoluer le taux K au cours de ces dernières années, celui-ci est toujours resté supérieur à zéro. Or vous proposez aujourd’hui un taux négatif, à moins 1 %, pénalisant ainsi les entreprises qui n’auront plus aucune raison de faire augmenter leur chiffre d’affaires. C’est pourquoi nous proposons un taux nul.

Aujourd’hui, contrairement à ce que vous affirmez, madame la présidente, la croissance de l’industrie pharmaceutique est au niveau de zéro, si ce n’est en dessous. Et pour certains laboratoires, c’est véritablement une double peine que vous imposez, tant avec l’article 3 qu’avec l’article 10.

Quant à nous, ce n’est pas l’industrie pharmaceutique que nous défendons mais bien les 300 sites implantés dans nos régions françaises. Il se trouve d’ailleurs, dans ma circonscription, un site pharmaceutique en difficulté prêt à licencier des salariés. Vous-même, madame la présidente, avez eu à vous battre pour qu’un grand laboratoire implanté à Toulouse ne procède pas à des licenciements. Je suis certain que les grandes entreprises pharmaceutiques d’origine étrangère vont changer leur fusil d’épaule dans les années à venir, compte tenu de l’image négative que véhicule ce texte.

M. Dominique Tian. Mon collègue a bien exprimé l’inquiétude des députés UMP à l’égard de l’avenir de l’industrie pharmaceutique en France. L’impact d’une telle mesure n’a pas été évalué et cette décision est absurde.

Ce que nous défendons, ce n’est pas l’industrie pharmaceutique mais l’emploi et l’innovation. Nous ne sommes pas assaillis par les lobbyistes : nous entendons aussi des syndicalistes. De la même manière, toutes les pharmacies sont dans le rouge. L’argent à récupérer pour sauver la sécurité sociale ne se trouve plus du tout du côté du médicament. Pourtant, vous vous apprêtez à généraliser le tiers payant.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements. Loin de brider le CEPS, nous lui renouvelons, au contraire, toute notre confiance, afin qu’il soit en mesure de déterminer par la concertation avec l’industrie les baisses de prix nécessaires. Dans le même temps, nous déployons les génériques, tenons compte de l’évolution des prix du marché, des coûts de production et de l’émergence de nouveaux produits et rendons l’innovation accessible aux malades. Enfin, nous soutenons la recherche grâce au crédit d’impôt recherche et aux mesures fiscales que nous proposons. Vous ne pouvez donc affirmer que vous soutenez l’industrie et l’emploi, et pas nous.

La baisse des prix qui sera négociée par le CEPS sera raisonnée et absorbée par l’industrie. Cela dit, encore une fois, je vous accorde qu’il convient de travailler sur la lisibilité, sans doute à travers un plan triennal.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Tian, pour que les choses soient claires, le CEPS a été créé dans les années 90, et le CSIS, en 2005, par Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Pierre Barbier. On frise l’absurde lorsqu’on en vient à taxer une croissance négative. Mes collègues l’ont dit, l’industrie pharmaceutique c’est 120 000 emplois. J’ajoute qu’elle contribue à notre excédent commercial, bénéfique au budget de la nation. Or rares sont les domaines où nous sommes en excédent.

Par ailleurs, nous n’avons pas évoqué le malade ni la question des ruptures de stock. Aujourd’hui, en fin d’année, certaines molécules ne sont plus disponibles : les laboratoires ne les fournissent plus, car ils vont les vendre ailleurs. Madame la présidente, entre la France et le tiers-monde, il y a tous les autres pays européens et l’Amérique ! Si les laboratoires sont trop taxés chez nous, ils ne vendront plus leurs produits en France mais au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Door, nous nous intéressons nous aussi aux salariés. Dans le cas de Sanofi auquel vous avez fait référence, ce sont les salariés qui, sans en vouloir aux mesures que nous prenons, ne comprenaient pas pourquoi une entreprise faisant 8 milliards de bénéfices supprimait 500 emplois au niveau local.

Mme Isabelle Le Callennec. Je trouve, moi aussi, cet article 10 absurde : vous dissuadez les entreprises d’accroître leur chiffre d’affaires en les taxant sur celui-ci. Une telle logique est destructrice d’emplois. Quelles raisons ont bien pu motiver la rédaction de cet article ? En avez-vous évalué l’impact ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Vous confondez plusieurs choses. Comme chaque année, le PLFSS prévoit des mesures d’économie portant sur les produits princeps, sur la maîtrise médicalisée des médicaments, sur les prix et la diffusion des génériques, sur les bio-similaires, sur les dispositifs médicaux, et autres. La mesure prévue à l’article 10 n’a pas vocation à s’appliquer, à moins que les objectifs qualitatifs précités ne soient pas atteints. De plus, l’assiette de la contribution sera diminuée de toutes les remises accordées par les laboratoires à l’assurance maladie. Enfin, l’export n’est évidemment pas concerné par ce taux, puisque seuls le sont les médicaments remboursés par la sécurité sociale. Le dispositif de l’article 10 est un mécanisme stabilisateur qui, dans le meilleur des cas, n’est pas censé entrer en application.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est là un outil supplémentaire que nous donnons au CEPS lorsqu’aucun accord conventionnel n’a été trouvé. Je vous rappelle d’ailleurs que, lorsqu’il présidait la Cour des comptes, M. Séguin a pu constater que le taux K avait un rendement de zéro.

M. Gérard Bapt. Lorsque nos collègues s’étonnent de l’application d’un taux négatif, ils ne tiennent pas compte du fait que les médicaments génériques ne sont pas pris en compte dans le dispositif, car, en la matière, nous devons absolument rattraper notre retard sur les autres pays. Les médicaments orphelins ne sont pas non plus pris en compte dans le calcul. En outre, à l’heure actuelle, de nombreux laboratoires profitent de la situation – ce qui explique que la CNAMTS ait soumis le Crestor au régime de l’entente préalable. Il n’est pas normal que les charges de l’assurance maladie progressent à ce point, de manière injustifiée, alors que des génériques existent. Ce dispositif est donc aussi un moyen de faire pression pour favoriser la pénétration des génériques. Car les laboratoires produisent aussi bien ces derniers que des princeps.

M. Jean-Pierre Barbier. Vous savez très bien que le manque de pénétration des génériques dans notre pays n’est pas dû aux laboratoires mais aux prescripteurs. Si les médecins prescrivaient dans le répertoire, la substitution serait plus importante. Ce n’est pas en faisant pression sur les laboratoires que vous stimulerez la prescription de génériques mais en modifiant les modalités de prescription dans notre pays.

M. Olivier Véran, rapporteur. Dans ce cas, ralliez-vous à nos positions sur la pertinence des soins et les moyens de créer de l’émulation en matière de prescription. Ces deux mécanismes, loin d’être exclusifs, se complètent.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement de conséquence AS265 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 10 modifié.

Article 11 : Simplification du recouvrement de certaines contributions pharmaceutiques

La Commission adopte l’article 11 sans modification.

Article 12 : Disposition relative au recours contre tiers

La Commission adopte ensuite l’article 12 sans modification.

Après l’article 12

La Commission est saisie de l’amendement AS102 de Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement vise à exclure du périmètre de la contribution perçue sur les boissons et préparations liquides pour les boissons destinées à la consommation humaine, les boissons à base de soja contenant au minimum 2,9 % de protéines issues de la graine de soja. Les boissons à base de soja ont avant tout une finalité nutritionnelle. Consommées presque exclusivement à domicile, elles ne peuvent être assimilées aux sodas et autres boissons à usage plus convivial ou festif.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je rappelle que c’est la majorité précédente qui a créé la taxe sur les boissons sucrées. J’imagine que si celle-ci a choisi de taxer les boissons à base de soja, c’est au titre de leur teneur en sucre. Peut-être pourriez-vous retirer cet amendement et le redéposer en séance publique, le temps d’en faire l’expertise. Sinon, j’y serai défavorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Qui dira s’il s’agit de boissons sucrées ou non ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) se réfère aux critères fixés par la loi. Elle le fait déjà, par exemple, pour les boissons énergisantes qui sont taxées en fonction de leur taux en caféine. Depuis le mois d’avril dernier, la marque qui représente les trois quarts du marché de ces boissons a d’ailleurs fait passer le taux de caféine de son produit sous la limite déclenchant la taxation. La DGCCRF a très vite répercuté la disparition de cette taxe. Disons que le résultat de l’action du législateur a été positif en termes de santé publique, même s’il l’est moins sur le plan des recettes pour la sécurité sociale !

Mme Isabelle Le Callennec. Les boissons à base de soja dont je parle n’ont rien à voir avec les sodas !

M. Dominique Tian. Le Gouvernement décidera donc si les boissons au soja sont sucrées et si elles sont bonnes pour la santé. C’est tout de même étonnant ! Pour taxer les boissons énergisantes, je me souviens que l’argument principal se résumait à la mort d’un sportif effectuant un raid en Australie après qu’il avait bu du Red Bull. Qu’aurait-on fait s’il avait bu un verre d’eau ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Tian, ce que vous faites n’est pas bien. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et de nombreuses études cliniques publiées dans des revues médicales à comité de lecture ont montré les dangers sanitaires des boissons caféinées. Moi, je ne plaisante pas avec l’extrasystolie ventriculaire constatée chez des sujets soumis à des tests par une étude allemande.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Lorsqu’elle était ministre de la santé, Mme Roselyne Bachelot avait opposé une véritable résistance à l’arrivée du Red Bull sur le territoire national.

M. Dominique Tian. La réalité, c’est qu’on taxe ces boissons parce que cela rapporte. S’il y avait un réel problème de santé publique, on ne reporterait pas sans cesse la loi qui s’y rapporte. Si le Red Bull présente un réel danger pour la santé, qu’on l’interdise ! Tout cela n’est qu’un habillage pour taxer à tout va. La preuve en est, monsieur Bapt, que vous n’avez arrêté de jouer avec les taux de sucre et de caféine qu’en vous apercevant que votre amendement multiplierait le prix du café au comptoir par cent ou mille.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Tian, les producteurs de boissons rafraîchissantes sans alcool se sont engagés à ne plus faire de publicité télévisée durant les plages horaires fréquentées par un public comprenant plus de 35 % d’enfants de moins de douze ans. Cet engagement obtenu par le Gouvernement montre qu’une politique de santé publique existe bien et qu’elle ne sert pas de prétexte à la fiscalité. Il indique aussi clairement que les industriels eux-mêmes comprennent qu’une consommation excessive des boissons dont vous parlez par les enfants constitue bien un danger, contrairement à ce que vous dites.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur Tian, au cours de la législature précédente, nous avons attendu la loi de santé publique comme l’Arlésienne.

M. Dominique Tian. Et on l’attend encore !

Mme Michèle Delaunay. Elle est prête !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS32 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il s’agit de relever les taux de contribution des employeurs au financement de la solidarité sur les retraites dites chapeaux, afin d’augmenter les montants des pensions modestes. Cette proposition va dans le sens de celle que Mme Touraine avait faite, en 2010, de supprimer l’exonération de CSG et de cotisations sociales prévue pour les contributions des employeurs au financement de ces retraites.

M. Michel Issindou. Les retraites chapeaux ont mauvaise réputation à cause des pactoles abusifs qu’elles ont parfois pu représenter, mais il existe deux millions de très faibles retraites de ce type. Ces retraites « surcomplémentaires » ont déjà été taxées, et je trouve que M. Vercamer y va fort. Si l’on doit en arriver là, autant proposer de les supprimer.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Monsieur Vercamer, en tout état de cause, il faut réécrire votre amendement : il fait référence à un taux de 48 % qui n’a plus lieu d’être puisque l’article 33 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, examiné en 2013, visait à interdire les régimes de retraites gérés en interne.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Simplification du recouvrement

Article 13 : Rationalisation de la fiscalité des contrats d’assurance maladie complémentaire et des contrats d’assurance automobile

La Commission est saisie de l’amendement AS254 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le présent amendement veut assurer la neutralité, sur le coût des contrats de complémentaire santé, de la fusion entre la taxe spéciale sur les contrats d’assurance et la taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d’assurance prévue par l’article 13. Les nouveaux taux fixés par cet article visent à ce que la simplification de la fiscalité sur les contrats d’assurance complémentaire santé soit neutre d’un point de vue budgétaire. Or la rédaction actuelle conduit à pénaliser les contrats collectifs obligatoires, pour ce qui concerne la couverture des indemnités journalières en complément des prestations servies par le régime obligatoire.

L’article 13 prévoit, en effet, que pour être qualifiés de solidaires et responsables et ainsi bénéficier du taux minoré de taxe, ces contrats ne doivent ni recueillir d’informations médicales auprès de l’assuré ni fixer le montant des primes en fonction de son état de santé. Si la seconde obligation est parfaitement légitime et conforme à la pratique actuelle, en revanche, les contrats collectifs obligatoires peuvent être amenés à recueillir des informations médicales pour d’autres garanties relevant de la prévoyance : incapacité, invalidité, et décès. L’amendement corrige cette erreur afin de ne pas pénaliser fiscalement les contrats collectifs obligatoires.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14 : Versement des cotisations dans les secteurs soumis à l’obligation de mutualisation des congés payés

La Commission examine les amendements identiques AS8 de M. Jean-Pierre Door, et AS155 de M. Dominique Tian.

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 14 s’attaque à un héritage du Front populaire. Depuis 1937, la caisse de congés payés du bâtiment permet à un million et demi de salariés de ce secteur de bénéficier d’une « portabilité » de leurs droits à congés. La mise en commun des cotisations permet aussi de financer une prime spécifique de congés payés. Le prélèvement à la source voulu par le Gouvernement ne permettra plus aux caisses concernées de placer les cotisations et les empêchera de verser les primes de vacances.

Vous prenez un risque énorme pour récupérer 1,52 milliard d’euros pour une seule année, dans l’unique but de compenser les exonérations de charges adoptées dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale cet été. Outre que vous allez mettre en difficulté les caisses de congés payés, les salariés seront les premiers à pâtir de cet article néfaste.

M. Dominique Tian. L’article 14 pénalise les salariés les moins bien payés qui effectuent les tâches les plus pénibles. Au moment où l’on parle de pénibilité, nous avons un gouvernement de gauche qui choisit bien ses victimes !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Tian, soit vous n’avez pas lu l’article 14, soit vous ne l’avez pas compris.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis frappé de voir M. Tian défendre une conquête du Front populaire !

Les caisses de congés payés des secteurs du bâtiment, mais aussi du spectacle et des transports, conservent un temps les cotisations versées par les employeurs et jouent sur cette trésorerie abondante qu’elles placent. Dans tous les autres secteurs, ces cotisations sont prélevées à la source. Il est seulement proposé d’appliquer le droit commun à ces caisses. Je concède qu’il s’agit d’une mesure de trésorerie unique, qui ne s’appliquera qu’entre avril 2015 et avril 2016, et rapportera 1,5 milliard d’euros en 2015, et 500 millions d’euros en 2016.

Certes, les caisses en question vont y perdre des revenus financiers. Toutefois, la Cour des comptes a dénoncé à plusieurs reprises certaines de leurs pratiques, et elles se sont aussi exonérées du paiement du versement transport. Ce prélèvement ne les empêchera pas de disposer d’une trésorerie et de continuer à prévoir des mesures spécifiques pour leurs bénéficiaires. En l’état de la dette, l’État ne satisferait pas à son devoir de gestion en bon père de famille, s’il laissait de telles sommes inemployées.

Je suis défavorable aux amendements de suppression de l’article 14.

M. Jean-Pierre Barbier. Grâce à leur trésorerie abondante, les caisses versent une prime supplémentaire de congés payés de 30 %, et paient en même temps les cotisations. Si vous prélevez les cotisations à la source, vous les empêchez de le faire. Pour une opération de trésorerie ponctuelle, vous prenez le risque de casser un système qui marche et de priver les salariés d’une prime qui leur permet de prendre des vacances. Je suis très surpris qu’un gouvernement qui se dit de gauche remette en cause un tel acquis social.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet article est un nouveau mauvais coup porté aux professionnels du bâtiment. Il signe la fin de la prime de vacances et de la prime de jours supplémentaires d’ancienneté. Alors que le bâtiment souffre et que ses salariés, qui manifestent à proximité de l’Assemblée nationale, sont menacés par le chômage, vous prenez plus d’un milliard dans leur poche. C’est très grave !

M. Dominique Tian. Dès qu’un système est bien géré et qu’il s’est constitué une trésorerie, l’État cherche à récupérer l’argent pour combler ses propres besoins de trésorerie. C’est la logique de la cagnotte qui, hier, a donné lieu à la création de la taxe sur les mutuelles et qui, prochainement, doit nous amener à rafler la trésorerie des chambres de commerce. Sans doute sont-elles trop bien gérées ! Cette pratique antiéconomique nous surprend d’autant plus que vous choisissez ici de pénaliser les ouvriers du bâtiment en vous en prenant à leurs vacances et à leur pouvoir d’achat.

M. Jean-Pierre Door. Même si le projet de rapport indique que la mesure peut être sans impact sur les droits des salariés, je constate qu’il s’agit bien d’une opération de tuyauterie qui consiste, en 2015, à compenser une partie des pertes de recettes pour la sécurité sociale consécutives au vote du dernier PLFRSS. Elle envoie aussi un message négatif à un secteur en grande difficulté, dont les représentants manifestent aujourd’hui dans nos rues.

M. Bernard Accoyer. La Commission serait bien inspirée de supprimer cet article à l’unanimité. Sur le terrain, nous constatons le désespoir des Français qui travaillent dans les secteurs fragilisés comme le bâtiment. Cette mesure constitue une véritable provocation.

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai entendu que l’on retirait 1,5 milliard d’euros de la poche des salariés : c’est faux ! Les caisses seront seulement privées du produit financier issu du placement de ces sommes, qui vient abonder leur trésorerie. Sans doute préférez-vous ne pas alléger la dette avec les 2 milliards d’euros attendus de la mesure.

La Cour des comptes a critiqué le fonctionnement des caisses concernées à plusieurs reprises. Les délais de versement des indemnités sont très élevés et le taux de non-paiement définitif atteint 5 à 6 % en 2012. J’ajoute que, selon une enquête du ministère du travail effectuée en 2009, les congés in fine non payés bien qu’ayant été provisionnés financent la diminution du taux d’appel de la cotisation à la retraite des entreprises. S’il s’agit là, pour vous, d’une conquête du Front populaire, elle est à front renversé !

M. Jean-Pierre Barbier. L’argent que vous récupérez aujourd’hui, vous en auriez bénéficié en cours d’année. La mesure n’est en aucun cas utile au désendettement de notre pays : elle siphonne seulement par anticipation la trésorerie des caisses du bâtiment. C’est une mesure d’affichage.

M. Dominique Tian. Cette mesure s’applique à des entreprises domiciliées en France employant des salariés qui cotisent en France. Elles seront, une nouvelle fois, désavantagées par rapport aux entreprises sous-traitantes européennes, qui pratiquent souvent le dumping social sur le marché français. Mesurez-vous vraiment la responsabilité que vous prenez ?

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 14 sans modification.

Article 15 : Dispositions relatives au contrôle et au recouvrement des cotisations et contributions sociales

La Commission est saisie de l’amendement AS255 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit de supprimer une précision inutile.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS103 de Mme Jacqueline Fraysse et AS137 de M. Dominique Tian.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de supprimer les alinéas 15 à 24, qui traitent de la possibilité de transactions entre le directeur de l’URSSAF et les employeurs se trouvant dans l’illégalité.

La Cour des comptes estime la fraude au paiement des cotisations par les employeurs entre 20 et 25 milliards d’euros pour l’année 2012. Sachant que le déficit de la sécurité sociale est de 15 milliards d’euros, on comprend l’importance de récupérer ces sommes. De ce point de vue, nous regrettons que le Gouvernement ne se fixe pas un objectif plus ambitieux que la récupération de 76 millions d’euros.

La transaction mise en place par l’article 15 permet à un employeur de demander à un directeur d’URSSAF ou à une caisse générale de sécurité sociale de revoir le montant des pénalités de retard, mais aussi l’évaluation de certains éléments d’assiette des cotisations, et les montants des redressements. En clair, ce dispositif permet aux employeurs de ne pas payer l’intégralité de leur dû alors même que leur situation financière serait bonne.

Ce type de transaction, à la discrétion des interlocuteurs, peut engendrer des inégalités entre les cotisants. Par ailleurs, alors même que la Cour des comptes demande que soient développés les moyens de contrôle et les sanctions, le choix de la souplesse aux dépens de la sévérité constitue, à notre sens, un mauvais signal envoyé aux employeurs dans l’illégalité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

Madame Fraysse, je crains que vous n’ayez mal interprété le dispositif proposé par le Gouvernement. Les transactions n’empêchent pas le contrôle ; elles ne peuvent même avoir lieu que parce qu’un contrôle a révélé une anomalie.

Les 25 milliards d’euros de fraude au paiement des cotisations employeurs cités par la Cour des comptes ne sont qu’une évaluation. En matière de travail dissimulé, il est évidemment difficile d’obtenir des estimations précises.

Les transactions ne sont pas une nouveauté : les demandes de remises sont d’ores et déjà examinées par les commissions de recours amiable (CRA). Un directeur d’URSSAF ne peut déroger à une décision de refus de transaction ; il n’a que la possibilité de revenir sur une remise accordée par la CRA qu’il estimerait trop élevée. Sa décision est donc encadrée, et tout se déroulera dans la transparence.

M. Denys Robiliard. Les alinéas 15 à 24 ne font que poser les limites d’une pratique déjà existante mais pas encadrée. La transaction est prévue par l’article 2044 du code civil et rien n’interdit à une URSSAF d’y recourir – un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation l’a même reconnu en 1970. Pour répondre aux inquiétudes de Mme Fraysse, mieux vaut prévoir un encadrement plutôt que laisser les choses en l’état !

La Commission rejette les amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS138 de M. Dominique Tian.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

La séance est levée à vingt heures dix.

——fpfp——

Informations relatives à la commission

La commission des affaires sociales a désigné, sur le projet de loi relatif à la santé, sous réserve de son dépôt :

– M. Olivier Véran, rapporteur sur le titre I ;

– Mme Bernadette Laclais, rapporteure sur le titre II ;

– M. Jean-Louis Touraine, rapporteur sur le titre III ;

– Mme Hélène Geoffroy, rapporteure sur le titre IV ;

– M. Richard Ferrand, rapporteur sur le titre V.

Présences en réunion

Réunion du mardi 14 octobre 2014 à 16 heures 15

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Stéphane Claireaux, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Gilles Lurton, M. Pierre Morange, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer

Excusés. – Mme Véronique Besse, M. Jean Leonetti, Mme Geneviève Levy, Mme Véronique Massonneau

Assistait également à la réunion. – Mme Véronique Louwagie