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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 14 octobre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 04

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096) (seconde partie) :

• Présentation du rapport pour avis sur les crédits de la mission Enseignement scolaire (Mme Barbara Pompili, rapporteure pour avis)

• Présentation des rapports pour avis sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur :

- Recherche (Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis)

- Enseignement supérieur et vie étudiante (Mme Anne-Christine Lang, rapporteure pour avis)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 14 octobre 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Barbara Pompili, sur les crédits pour 2016 de la mission « Enseignement scolaire », et de Mme Sophie Dion (Recherche) et Mme Anne-Christine Lang (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Patrick Bloche. Nous entamons ce mercredi matin l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2016, avec la présentation de trois rapports pour avis sur les crédits du ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Nos trois rapporteures ont chacune choisi de traiter une thématique spécifique afin de valoriser un secteur ou un enjeu particulier des politiques publiques en faveur de l’enseignement public et de la recherche. Dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », Barbara Pompili a souhaité centrer son rapport sur l’école primaire inclusive, dans le prolongement de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République que nous avons adoptée en 2013. Sophie Dion, pour sa part, a choisi la thématique « Sport et recherche » pour son avis sur les crédits de la recherche. Quant à Anne-Christine Lang, son rapport pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante porte plus précisément sur le patrimoine immobilier des universités, vaste sujet aux impressionnantes implications financières.

Mme Barbara Pompili, rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». L’un des apports les plus précieux des travaux de notre commission à la loi de refondation de l’école a été l’introduction, dans le code de l’éducation, de la mission d’inclusion qui figure désormais, aux termes de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, parmi les missions d’un service public de l’éducation. Elle repose sur la reconnaissance du fait « que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ».

Là réside, en effet, la principale lacune de notre système éducatif. S’il s’occupe très bien des élites et de leur formation, toutes les études internationales et nationales montrent que c’est en France que les performances scolaires sont le plus étroitement liées aux origines sociales. Notre école aggrave les inégalités et éprouve d’extrêmes difficultés à prendre en compte les difficultés particulières d’apprentissage des élèves et à les surmonter. C’est donc dans la réalité qu’il convient désormais d’inscrire le principe d’inclusion, ce qui appelle un profond changement de mentalité. Il s’agit non pas de demander aux enfants de se fondre dans une normalité fantasmée mais, au contraire, d’être en mesure de proposer à chacun des réponses appropriées, en fonction de ses besoins.

L’école inclusive postule que tout enfant peut réussir sa scolarité. Sa situation familiale et sociale, sa culture, un handicap, une difficulté ou un trouble d’apprentissage ou du comportement ne doivent plus être des obstacles. Ce sont des spécificités qu’il convient de prendre en compte pour adapter les réponses pédagogiques. La présentation de ce rapport est l’occasion de faire un point d’étape, deux ans après la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

J’évoquerai les nombreux outils au service de l’inclusion et les pistes d’amélioration envisageables, notamment en ce qui concerne les accompagnants d’élève en situation de handicap (les AESH), les contrats aidés et les parcours personnalisés. Je parlerai aussi du rôle essentiel que doivent jouer les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Je reviendrai sur le mouvement actuel d’internalisation des unités d’enseignement et sur la nécessité de mieux articuler les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et la classe ordinaire, car il importe vraiment de dépasser les cloisonnements qui demeurent. J’insisterai sur la nécessité de recourir à des partenariats innovants et des méthodes pédagogiques individualisées. Et, bien évidemment, j’insisterai sur la formation des enseignants qui est, pour moi, l’essentiel.

Je tiens à souligner la diversité des publics concernés. L’école inclusive évoque trop souvent le seul handicap, à tort. Les élèves à besoin éducatif particulier sont aussi ceux atteints de troubles spécifiques, comme les élèves « dys », les enfants précoces, les enfants confrontés à des difficultés familiales ou sociales, les enfants allophones, récemment arrivés en France, ou ceux issus de familles itinérantes. Les situations sont nombreuses et je n’ai pu les traiter toutes dans le rapport, mais ce qui compte, c’est la démarche d’inclusion, c’est l’évolution des méthodes. Par ailleurs, je me suis concentrée sur le premier degré, parce que c’est là que tout commence. En outre, le sujet est trop vaste, et ma collègue Sylvie Tolmont a évoqué l’an dernier le secondaire, dans le cadre de son très intéressant rapport consacré aux sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA).

Le rapport brosse, tout d’abord, un rapide tableau de la situation et des dispositifs existants.

Depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la scolarisation des enfants en situation de handicap a progressé : le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les écoles primaires a doublé en dix ans, pour dépasser 150 000, soit 2,2 % du total des élèves. Mieux, 69 % d’entre eux ont été scolarisés dans les classes ordinaires (dont 42 % avec un auxiliaire de vie scolaire) tandis que la part des élèves en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) régressait pour atteindre le niveau de 30 %. L’État consacre désormais 1,5 milliard d’euros par an à ces politiques : 600 millions d’euros pour la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap – c’est le nouveau nom des auxiliaires de vie scolaire –, 700 millions d’euros pour celle des enseignants spécialisés et 200 millions d’euros pour celle des personnels d’animation et d’encadrement.

Par ailleurs, en application de la loi pour la refondation de l’école, nous assistons depuis quelques années à une réelle individualisation des parcours, en fonction des besoins des élèves et des outils que l’école peut mobiliser pour offrir une réponse adaptée aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Je songe là au projet personnalisé de scolarisation (PPS), élaboré par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et l’équipe éducative pour les enfants en situation de handicap, mais aussi au plan d’accompagnement personnalisé (PAP), qui se met lentement en place depuis que la circulaire du 22 janvier 2015 permet des adaptations pédagogiques au bénéfice des élèves souffrant de troubles d’apprentissage. Enfin, le programme personnalisé de réussite éducative encourage les équipes pédagogiques à mettre en place des accompagnements différenciés pour les élèves qui risquent de ne pas maîtriser certaines compétences attendues à la fin des cycles scolaires.

Des dispositifs d’enseignement spécial demeurent encore indispensables pour accompagner temporairement les enfants dont les difficultés d’apprentissage apparaissent peu conciliables avec une scolarité dite ordinaire. Félicitons-nous cependant du rapprochement qui s’opère entre ces dispositifs et la classe ordinaire, qui a vocation à accueillir tous les élèves. Dans cet esprit, les CLIS ont été modernisées par la circulaire du 21 août 2015 qui, en les rebaptisant ULIS-écoles, signifie clairement que ces unités doivent intervenir en appui de la classe ordinaire et non, comme c’est trop souvent le cas, s’y substituer. De même, le Gouvernement a fortement accéléré l’externalisation dans les écoles ordinaires des unités actuellement situées dans les établissements médico-sociaux, avec 100 nouvelles unités ouvertes à la rentrée 2015 s’ajoutant aux 200 existantes.

Parallèlement, 100 unités autisme seront créées d’ici à la fin de la législature, pour accueillir plus de 700 élèves enfants âgés de trois à six ans dont la prise en charge était jusqu’à présent si défaillante dans notre pays. Le retard reste considérable, mais nous avançons dans la bonne direction.

Si de nombreux outils pour l’inclusion ont ainsi été forgés, en particulier à la suite de la loi de refondation, il serait illusoire de croire que, pour devenir inclusive, l’école n’a désormais plus qu’à attendre le déploiement des moyens et la diffusion des bonnes pratiques. L’école inclusive demande, en effet, une accélération des investissements. On estime ainsi que 10 000 à 30 000 enfants handicapés se trouvent aujourd’hui privés de toute solution de scolarisation. Nombreux sont ceux qui doivent se résoudre à chercher une solution en Belgique, ce qui est absolument inacceptable.

Ce manque de moyens empêche une mise en œuvre satisfaisante des parcours individualisés. Le manque, par exemple, de médecins scolaires, qui doivent valider les PAP, dont le nombre s’effondre en raison d’un déficit d’attractivité du métier – on n’en compte qu’un pour 9 000 élèves. Il y a aussi le coût prohibitif des bilans pour les enfants « dys », qui constitue une discrimination sociale dans leur accompagnement : un test ergothérapeutique non remboursé par la sécurité sociale coûte, par exemple, entre 100 et 250 euros. Les indispensables RASED, victimes d’une véritable saignée pendant la précédente législature, ont vu supprimer à bas bruit le tiers de leurs effectifs qui ne se rétablissent que très lentement depuis 2012. Un constat analogue peut être fait pour les enseignants référents, chargés de suivre les parcours individualisés : leur nombre ne dépasse pas un pour 500 élèves. Comment, dans ces conditions, suivre individuellement les élèves ? Et je n’oublie pas les précieux enseignants des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivant (UPE2A), qui devront très bientôt faire face à l’arrivée de près de 5 000 enfants réfugiés syriens, ce qui représente une augmentation des besoins d’un quart.

Parallèlement à une augmentation des moyens, l’école inclusive exige un complet changement d’état esprit. La différence doit être envisagée, non comme un défaut à corriger ou à reléguer dans des structures extérieures, mais comme une opportunité pour l’école de changer ses méthodes et d’œuvrer à la réussite de tous. Lors des auditions et sur le terrain, enseignants et acteurs de l’éducation ont tous manifesté leur volonté de relever ce défi. Je m’en réjouis, mais ils se disent aussi démunis, parfois, face à la complexité de la tâche.

Le premier enjeu est donc de faire émerger une culture du travail en équipe qui permette de faire converger les compétences et les efforts des équipes éducatives, des équipes médico-sociales et des parents au service de l’enfant, pour surmonter ses difficultés d’apprentissage spécifiques. Il faut absolument éviter des réponses trop tardives, trop stéréotypées et trop fragmentées, et préserver l’école du piège de la médicalisation, c’est-à-dire de la relégation des enfants.

Se pose aussi la question de la responsabilité de l’école dans la détection des premiers troubles. Près de la moitié des troubles d’apprentissage sont aujourd’hui découverts à l’école maternelle. Plus les troubles sont détectés rapidement, meilleures sont les chances de les prendre en charge. Or on constate aujourd’hui, en particulier dans les réseaux d’éducation prioritaire, une baisse tendancielle du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, passé de 35 % en 1999 à 11 % aujourd’hui. Dans le même esprit, il est urgent de former les enseignants à la détection et aux premiers gestes scolaires, ainsi qu’au dialogue avec les familles, essentiel pour trouver les meilleures façons d’accompagner les élèves dans leur scolarisation, qu’il s’agisse de réponses pédagogiques ou d’un nécessaire travail de médiation, notamment avec les familles les plus éloignées du milieu scolaire. Je vous renvoie, sur ce point, à l’excellent rapport rédigé par notre collègue Valérie Corre, à la suite des travaux de la mission d’information présidée par notre collègue Xavier Breton.

La culture du travail en équipe doit aussi permettre de dépasser la politique du « tout AVS » sur laquelle a longtemps été concentré l’essentiel des efforts en faveur de l’école inclusive. Entendons-nous bien : l’augmentation, par le Gouvernement, du nombre d’auxiliaires de vie scolaire, avec 28 000 AESH et 48 000 contrats aidés, est une très bonne chose. Le recours aux AVS est un élément central de l’école inclusive et ces postes doivent, sans le moindre doute, être pérennisés, et leurs personnels être mieux formés, mieux rémunérés et accéder à des statuts moins précaires ; mais il faut lutter contre le recours trop systématique aux AVS, alors que, dans certains cas, des adaptations pédagogiques seraient suffisantes pour répondre aux besoins de l’élève.

La culture du travail en équipe permettrait aussi de mettre un terme à un scandale : à la fin de l’année 2013, seuls 35 % des enfants handicapés scolarisés avaient accès aux activités périscolaires et 66 % à la cantine, alors même que, depuis le mois de février 2015, les collectivités peuvent bénéficier de soutiens financiers. Il est temps que l’État refuse de signer les projets éducatifs territoriaux (PEDT) qui méconnaissent l’une des missions essentielles de l’école, et il serait très utile que le Gouvernement envisage les modalités d’une extension des projets personnalisés de scolarisation (PPS) aux activités périscolaires.

C’est pour pallier ces difficultés que je propose de créer dans chaque circonscription scolaire des « pôles ressources inclusion » comportant une cartographie précise des acteurs et des ressources, qui permettent de dresser un premier bilan et de corriger les inégalités d’implantation, et qui offrent aux professionnels un cadre stable de dialogue et aux enseignants des interlocuteurs clairs pour les aider rapidement dans le traitement des difficultés scolaires. En miroir, je suggère d’identifier dans chaque école un « maître ressources inclusion » chargé des relations avec ce pôle. Il serait l’indispensable relais entre les compétences cumulées dans le département et les besoins que chaque enseignant rencontre dans son travail quotidien. Ce serait aussi un précieux interlocuteur pour les trop nombreuses familles qui se sentent exclues de l’accompagnement pédagogique de leurs enfants.

Cela étant, tous mes travaux m’ont convaincue qu’in fine le vrai garant de l’inclusion, celui qui détient la clef du succès des apprentissages, c’est l’enseignant de la classe ordinaire. Il doit donc nécessairement être formé à cette dimension de son métier. Or les auditions que j’ai conduites me font craindre que les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) ne soient, pour le moment, très décevantes de ce point de vue.

Tout d’abord, les pratiques de l’école inclusive, intégrées au tronc commun de formation, sont totalement isolées du reste de la formation et insuffisantes. En outre, les interventions d’experts extérieurs, si précieuses sur ces sujets, ne représentent pas plus de 20 à 35 % des intervenants. Ensuite, ces enjeux ne sont pas valorisés dans les parcours et interviennent peu dans les critères d’appréciation des concours, même si des efforts ont été faits, et les formations communes aux enseignants, aux personnels des établissements médico-sociaux et des MDPH et aux AESH sont, au mieux, embryonnaires. Enfin, la formation continue à l’école inclusive est, elle aussi, notoirement insuffisante.

Dès lors, il est urgent d’agir, en premier lieu pour modifier les maquettes des formations des ESPE, mais il faut aussi aller plus loin. Je propose ainsi de déplacer le moment du concours à la fin du cursus de licence, afin de libérer la première année de master du bachotage et de déployer une formation professionnelle digne de ce nom. Cette formation devra aussi mieux diffuser les pratiques de pédagogie différenciée permettant de trouver des méthodes d’enseignement adaptées à chacun dans des classes hétérogènes et, ainsi, de prévenir l’échec scolaire. Il faudra également encourager la diffusion des bonnes pratiques, où les professionnels pourront puiser leur inspiration, et l’innovation pédagogique devra être mieux valorisée dans le parcours professionnel des enseignants et les évolutions de carrière. De manière plus générale, si nous voulons que l’école inclusive devienne une réalité, nous devons redéfinir clairement le métier, la formation, la rémunération et l’évolution de carrière des enseignants, qui en sont le principal pilier.

C’est une évidence, l’école inclusive a un coût, mais ses effets en termes de réduction de l’échec scolaire, d’intégration dans la vie sociale et professionnelle, d’autonomisation, en font un investissement rentable pour toute la société. À nous d’accompagner l’école dans cette adaptation longue et nécessaire.

Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche. La recherche la plus dynamique se fait souvent aux frontières, aux interfaces, et il m’a semblé intéressant de choisir une nouvelle fois cette année un thème transversal pour examiner comment peuvent se fédérer et se coordonner les activités des nombreux organismes sur lesquels se fonde la recherche dans notre pays. L’an dernier, la montagne, comme objet de recherche transdisciplinaire, a permis de définir un nouveau « biome » sur la base d’une géographie commune et de proposer des réflexions en termes d’organisation ; cette année, j’ai choisi pour thème la recherche sur le sport, qui n’est pas moins riche d’enseignements. Par nature transdisciplinaire, elle implique le dépassement des classifications statistiques et budgétaires habituelles. Cette transversalité permet aussi d’illustrer plus largement les forces et les faiblesses de la recherche en France : ses résultats sont excellents mais leur valorisation, tant académique que pratique, reste souvent très en deçà des possibilités qu’ils ouvrent.

Les recherches publiques menées en France sur le sport sont assez dispersées mais peuvent, finalement, s’articuler autour de quatre structures principales : l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) ; les unités de formation et de recherche de sciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS ; un certain nombre d’équipes de recherche de l’INSERM et le laboratoire de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ; des instruments de recherche dédiés ou contribuant à ces travaux de recherche en cotutelle.

Depuis sa création en 1975, les activités de recherche font partie intégrante des missions de l’INSEP. L’Institut dispose d’un laboratoire de recherche Sport, expertise et performance (SEP), équipe d’accueil universitaire, qui coordonne cinq champs disciplinaires – physiologie, biomécanique, biologie, psychologie et sociologie – afin d’accompagner les sportifs de haut niveau des pôles France de l’INSEP par son analyse de la performance, ses conseils et ses innovations. Plus largement, le ministère des sports a souhaité mieux exploiter les compétences de l’Institut en lui confiant également le pilotage de la politique de recherche sur le sport au plan national, en complément de sa propre activité dans ce domaine. Ses actions d’accompagnement scientifique de la performance consistent à donner aux athlètes de haut niveau, aux entraîneurs et aux acteurs du sport de compétition des conseils fondés sur les avancées récentes de la science. Portant sur la récupération, la nutrition, les charges d’entraînement et les programmes de renforcement musculaire et de prévention de la blessure, ses recherches pourraient évidemment, à terme, profiter, au-delà des seuls sportifs de haut niveau, à l’ensemble de la population.

Par ailleurs, depuis 2006, l’INSEP abrite dans ses locaux de Vincennes l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport, l’IRMES.

La recherche dans les universités bénéficie aussi du rôle fédérateur des unités de formation et de recherche des STAPS. Au nombre de trente-sept, dont trente-deux sont des équipes d’accueil, ces structures dépendent de vingt-huit universités, ce qui traduit une présence assez homogène sur l’ensemble du territoire national. Ces unités de recherche mènent des travaux rattachés à des disciplines extrêmement variées. Cependant la faiblesse des crédits récurrents alloués aux laboratoires universitaires les oblige à chercher des contrats au moins autant pour survivre que pour élargir le spectre et l’impact de leurs recherches. Les petites structures de la taille d’un laboratoire sont obligées de faire preuve de beaucoup de dynamisme pour identifier des appels d’offres multiples et dispersés et y répondre dans des conditions satisfaisantes, ceux de l’Agence nationale de la recherche (ANR) étant devenus pratiquement inaccessibles.

Si le sport et la santé sont intimement liés, les recherches de l’INSERM dans le domaine du sport n’en couvrent pas moins des champs très variés. Elles s’intéressent aussi bien à une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques mis en œuvre par l’activité physique qu’à celle du rapport des individus au corps et à leur santé ainsi qu’à la pratique sportive considérée comme un moyen préventif, thérapeutique ou de réhabilitation, ou comme une fin en soi en vue de l’amélioration des performances pour la compétition. Cet ensemble forme cependant un groupe hétérogène. Ainsi, la thématique « sport et santé », bien que largement traitée par l’INSERM, ne fait pas l’objet d’une organisation spécifique, tant les questions abordées et les objectifs poursuivis sont spécifiques à chaque équipe ou à chaque domaine thématique.

Enfin, quoiqu’elles soient moins connues, il faut mentionner les activités de recherche de l’Agence française de lutte contre le dopage. Elle est partagée entre différents acteurs : le comité d’orientation scientifique chargé, notamment, d’examiner les projets à subventionner, le conseiller scientifique du président de l’Agence et le département des analyses, avec sa section recherche et développement. Lors du débat d’orientation stratégique pour 2015, le collège de l’Agence a décidé de maintenir les moyens antérieurement consacrés à la recherche, afin de préserver la compétitivité de l’AFLD dans ce domaine, et ce dans un contexte de réduction des crédits. Il est, en effet, essentiel pour un laboratoire au rayonnement international de s’adapter aux techniques de détection nouvelles et aux évolutions des substances et des méthodes de dopage. De fait, avec son département des analyses, l’AFLD dispose, à Châtenay-Malabry, de l’unique laboratoire antidopage français accrédité par l’Agence mondiale antidopage.

Je voudrais également illustrer le caractère fédérateur des recherches sur le sport à travers les équipements dédiés à la recherche sportive. Si l’identification du sport dans le champ de la recherche est éminemment perfectible, réjouissons-nous de la mise en place, par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, à côté des structures que je viens de présenter, de structures interdisciplinaires ciblées qui intègrent, sur un même site, l’ensemble ou, à tout le moins, une partie très substantielle des compétences nécessaires. Mentionnons ces deux sites de référence que sont l’Institut des sciences du mouvement, à Marseille, et Euromov, à Montpellier. En effet, les conséquences économiques des recherches dans le domaine du sport, quel qu’en soit le sujet, quel que soit l’établissement qui les mène, sont particulièrement variées et importantes. Outre des impacts classiques en termes de transfert de technologie, de création de start-up ou de jeunes entreprises innovantes, de partenariats de recherche ou de financement de chercheurs, qu’elle partage avec l’ensemble des autres recherches académiques, la recherche sur le sport assume un rôle direct de dynamisation et de structuration d’un secteur économique suffisamment vaste pour mériter une meilleure approche. Ces enjeux économiques sont, bien sûr, fondamentaux en ce qui concerne la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024. De même, le fait que la France redevienne la première destination mondiale pour le ski, devant les États-Unis et l’Autriche, avec 53,9 millions de journées skieurs en 2014-2015 montre, s’il en était besoin, dans ce domaine sportif spécifique, l’importance des objectifs poursuivis et la nécessité d’investissements dans la recherche pour conforter cette position.

Enfin, les recherches sur le sport contribuent non seulement à faire progresser nos connaissances sur le bien-être et la santé, y compris la santé du sujet vieillissant, mais aussi à assurer la cohésion sociale et le rayonnement international de notre pays.

La valorisation de la recherche prend donc une importance décisive. Les grands établissements de recherche disposent, depuis assez longtemps, de structures de transfert permettant le développement de leurs recherches, mais un effort décisif a été entrepris, dans le cadre du programme des investissements d’avenir de 2009, avec la création des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), pour accroître les retombées sur l’économie et la société des financements en matière de recherche. La systématisation de cet instrument nouveau s’est révélée particulièrement pertinente pour valoriser la recherche universitaire menée dans les unités de formation et de recherche propres de ces établissements, y compris dans le domaine sportif.

La place des recherches sur le sport et les activités sportives reste cependant à préciser dans la nouvelle stratégie nationale de recherche définie en mars 2015. Ces recherches relèvent de facto du défi 4, « Santé et bien-être ». Ce classement a semblé naturel, puisque le sport et la santé sont étroitement associés dans l’imaginaire culturel mais aussi dans la vie quotidienne, mais les recherches menées dans ce vaste domaine conduisent à se demander si ce choix était le plus approprié. Les secteurs scientifiques qui peuvent être considérés comme des contributeurs à la recherche sur le sport et le phénomène sportif sont, répétons-le, d’une extrême variété. Dès lors, il est prévisible que la recherche fondamentale, qui a un impact sur l’ensemble des questions liées au sport, se développe, la plupart du temps, dans des laboratoires ou des structures de recherche qui ne lui sont pas expressément dédiés, voire qui ne mentionnent pas explicitement cette thématique dans leurs programmes. Une meilleure prise en compte du sport en tant que champ de recherche à part entière ne serait-elle pas nécessaire ?

L’un des trois axes de la stratégie nationale de recherche de 2009, « Santé et biotechnologie », proposait clairement un cadre transversal adapté. Il n’en va plus de même dans le cadre de la stratégie de 2013-2015. Parmi les dix défis de celle-ci, « Santé et bien-être », est trop précis ou pas assez, car il ne permet pas de traduire les aspects économiques, sociologiques et politiques du sport. Ne serait-il pas souhaitable de faire du sport un défi pour la recherche en lui-même ? Voilà qui anticiperait une déclinaison plus précise des autres défis et de leurs financements publics ou contractuels.

Mme Anne-Christine Lang, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la question du patrimoine immobilier des universités. C’est l’un des principaux enjeux financiers auquel sera confronté notre enseignement supérieur au cours des prochaines années.

Les universités disposent d’un patrimoine immobilier considérable de plus de 18,5 millions de mètres carrés. Trois phases ont caractérisé son évolution récente. À la faveur du plan Université 2000, les années 1995 à 2000 furent celles d’une vive croissance. La dynamique des constructions s’est poursuivie entre 2000 et 2006, avec près de 10 % de surfaces supplémentaires. Elle s’est finalement interrompue depuis 2010, pour ne reprendre que lentement à partir de 2014, tandis que débutait une nouvelle phase de massification. Depuis 2013, les flux de nouveaux étudiants sont passés d’une moyenne annuelle de 25 000 à 65 000 – environ 50 000 si l’on exclut les élèves de classes préparatoires aux grandes écoles qui ont une double inscription. Ce phénomène est dû à la fois au fort chômage des jeunes, qui les incite à retarder leur entrée sur le marché du travail, à la forte hausse du nombre de bacheliers professionnels et à leur désir croissant de continuer leurs études, et aussi à une plus nette appétence des jeunes pour l’enseignement supérieur. Quoi qu’il en soit, ce mouvement de fond est bienvenu et crédibilise notre objectif d’élever de 43 % à 60 % d’une classe d’âge la proportion de diplômés du supérieur d’ici à 2025.

Se pose la question de la capacité physique des établissements à accueillir ces nouveaux étudiants. Si la taille du patrimoine apparaît largement suffisante, sa qualité, son équilibre sur les territoires et son entretien sont très perfectibles. La répartition des surfaces est inégale : de 3,7 mètres carrés par étudiant à Paris 2 à 15,7 à l’université de Poitiers, la moyenne étant de 6 mètres carrés. Surtout, l’état du patrimoine est contrasté : 12 % des bâtiments sont très dégradés, 27 % supplémentaires exigent des travaux lourds de remise à niveau. La majorité des surfaces souffre d’une usure importante et est très énergivore – en termes de performance énergétique, 55 % sont classés D ou E. Le fonctionnement et l’entretien de ces bâtiments impliquent donc des charges financières importantes, qui s’alourdissent encore puisque beaucoup d’universités sont incapables de garantir ne serait-ce que le maintien en l’état des bâtiments. On estime le coût de la préservation d’un immeuble de toute dégradation supplémentaire à environ 15 euros par mètre carré. Or les universités y consacrent aujourd’hui en moyenne 6,50 euros.

Quelques chiffres permettent de prendre la mesure des enjeux financiers. Le ministère estime qu’une réhabilitation complète des 40 % de bâtiments dégradés combinée à un entretien optimal de toutes les surfaces imposerait des investissements supplémentaires d’environ 850 millions d’euros par an. Or les montants mobilisés dans le cadre des contrats de plan État-région pour répondre à ce besoin ne dépassent pas 450 millions d’euros par an. Manquent donc 400 millions d’euros par an. À cette dette implicite s’ajoutent les montants d’ores et déjà consacrés à la maintenance et à la logistique immobilière, intégrés à l’allocation globale versée par l’État aux universités : autour de 425 millions d’euros par an. J’en profite pour rappeler que le Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2016, a su prendre la mesure de l’ampleur de ces besoins en augmentant de 138 millions d’euros les autorisations d’engagement pour l’immobilier (+ 12 %) et en renonçant à renouveler le prélèvement de 100 millions d’euros sur les fonds de réserve des universités qu’il avait effectué en 2015, à côté des 65 millions d’euros qui financent mille nouvelles créations de postes.

Dans ce contexte, et compte tenu des fortes tensions auxquelles les finances publiques sont soumises, il est impératif que les universités progressent dans la gestion de leur patrimoine immobilier et dégagent d’importantes marges d’économies et de rationalisation. Prenons cependant la mesure des contraintes spécifiques qui obèrent une réelle professionnalisation de la fonction immobilière des établissements d’enseignement supérieur. Tout d’abord, le fort cloisonnement qui demeure entre les composantes ralentit l’indispensable mutualisation des bâtiments, chaque composante se comportant comme le propriétaire exclusif des murs que l’histoire lui a affectés. Ensuite, le rythme original de l’enseignement universitaire, marqué par des pics d’activité intense, concentrés en général au premier semestre, avant les stages, et, dans la semaine, du mardi au jeudi, conduit spontanément à un surdimensionnement des locaux. Les ratios d’occupation de salles sont ainsi très faibles : environ 70 %.

Sous l’impulsion de l’État, une réelle prise de conscience a émergé depuis quelques années ; toutes les universités ont nommé un vice-président chargé de l’immobilier et se sont dotées de schémas pluriannuels de stratégie immobilière. Toutefois, ces progrès sont inégaux et souvent parcellaires. Seules cinq universités ont, par exemple, mené un audit énergétique complet. Les outils informatiques de gestion, qui se résument parfois à des documents Excel non mis à jour, sont très rarement étendus à la gestion de la scolarité, préalable pourtant indispensable à la mutualisation des bâtiments. Seule l’université Jean Moulin Lyon 3 utilise quotidiennement une application liant les horaires des formations et les affectations de salles. Ainsi celle-ci a-t-elle pu entreprendre une importante rationalisation de l’usage de ses surfaces. Surtout, les stratégies immobilières déployées sont le plus souvent déconnectées des stratégies de développement des formations et de la recherche. De manière générale, la qualité de la gestion immobilière dépend essentiellement de l’efficacité et de l’organisation de la gouvernance, et donc, dans les faits, de l’autorité dont jouissent le vice-président et la direction chargés de l’immobilier.

De manière plus préoccupante, j’ai constaté que les indispensables réflexions préalables sur l’évolution des modèles pédagogiques sont encore trop peu menées dans nos universités. Je pense évidemment au défi de la dématérialisation de la formation. S’il n’implique pas, contrairement à ce que l’on croit, la disparition des cours présentiels, il encourage sans ambiguïté une véritable révolution des usages. Les concepts décisifs sont ici la flexibilité et la modularité, qui peuvent, par exemple, transformer des cours magistraux en cours de pédagogie inversée. Ces mutations changent radicalement les besoins immobiliers. Il est indispensable que les universités appréhendent ces mutations avec lucidité. Il en va de même pour le défi énergétique, incontournable lorsqu’on sait que l’immobilier absorbe 40 % de la consommation d’énergie et émet 25 % des gaz à effet de serre en France.

Nous ne sommes pas parvenus à encourager efficacement les universités à prendre cette question à bras-le-corps.

En premier lieu, les financements sont souvent instables et, surtout, trop incertains pour leur permettre d’ancrer leurs stratégies immobilières dans la durée. La partie de l’allocation globale couvrant les frais d’entretien et de fonctionnement n’est garantie que pendant les cinq années du contrat d’accréditation. Par ailleurs, elle n’est plus fléchée, ce qui a pu autoriser certaines universités, confrontées à de réelles difficultés financières, à utiliser les sommes prévues pour l’immobilier pour couvrir d’autres dépenses plus voyantes.

En second lieu, les réhabilitations et les constructions nouvelles sont financées par des contrats de plan qui ont trop longtemps privilégié les constructions nouvelles, même si les contrats 2015-2020 sont l’occasion d’un opportun recentrage sur les réhabilitations. S’ajoutent à ces programmes les investissements d’avenir du plan campus, avec près de 5 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2020, mais ces derniers s’inscrivent dans une logique d’excellence et d’attractivité substantiellement différente, qui excède la seule question des locaux, et ils ne constituent pas une ressource pérenne pour toutes les universités.

En troisième lieu, les universités n’ont pas accès aux emprunts bancaires, hors quelques programmes limités de la Caisse des dépôts et consignation.

Dès lors, au-delà de la stabilisation des financements et l’accès à la future troisième génération des contrats d’avenir, que j’appelle de mes vœux, il est urgent de conforter les ressources que les universités peuvent consacrer à l’entretien de leur patrimoine. Se pose évidemment la question de la dévolution du patrimoine qu’autorise désormais
l’article L. 719-14 du code de l’éducation. Même s’il est encore un peu tôt pour en tirer tous les enseignements, l’expérimentation menée par les universités de Clermont 1, Toulouse 1 et Poitiers apparaît très prometteuse. Cependant, si cette expérience mérite d’être poursuivie, cela ne peut se faire que progressivement, car elle est extrêmement onéreuse. L’État a fait le choix, en 2011, d’accorder aux universités bénéficiaires une dotation de dévolution généreuse de 50 euros par mètre carré, précédée d’une complète remise aux normes des bâtiments. Si l’on voulait répéter cette démarche pour toutes les universités et procéder à une dévolution complète, il faudrait trouver immédiatement 500 millions d’euros pour la remise aux normes, plus 500 millions d’euros supplémentaires par an. De tels efforts étant hors de portée, je suggère plutôt de réserver les prochaines dévolutions aux seules communautés d’universités et d’établissement (COMUE) ou universités fusionnées qui auront fait l’effort préalable de mutualiser leurs pôles immobiliers.

Enfin, je pense qu’il faut encourager les universités à faire preuve d’initiative et de créativité pour dégager plus de ressources propres, notamment en tirant partie de leur vaste patrimoine, qu’elles peuvent louer temporairement pour des congrès ou des summer schools, ce qui se fait couramment en Angleterre, et, surtout, en s’engageant avec force et conviction dans la mission exaltante de la formation professionnelle, dont elles ne dégagent aujourd’hui que 300 millions d’euros, alors que c’est un marché de près de 30 milliards d’euros. Cela leur permettrait de contribuer pleinement à l’objectif d’accroissement de qualification de notre société tout entière.

M. le président Patrick Bloche. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes sur la mission « Enseignement scolaire ».

Mme Colette Langlade. Tout d’abord, madame Pompili, je salue le travail approfondi que vous avez consacré à l’élaboration de ce rapport ambitieux sur l’inclusion scolaire à l’école primaire. Vous avez dressé un bilan des investissements budgétaires du Gouvernement et des perspectives d’action. Les dix-sept auditions et tables rondes que vous avez organisées vous ont permis de brosser un paysage complet des difficultés que rencontrent les jeunes élèves : illettrisme, handicap, précocité, territoires sinistrés, les motifs d’inégalités à l’école de la République sont nombreux. Par un investissement clair et ambitieux dans le cadre du projet de loi de finances, par un accompagnement des associations qui œuvrent chaque jour sur le terrain, par une mobilisation des familles et des parents d’élèves, ces inégalités, nous pouvons tous ensemble les faire reculer.

C’est l’objectif du Gouvernement qui, pour la quatrième année consécutive, propose un budget de l’éducation nationale en hausse. Premier budget de la nation, l’école se trouve consacrée dans le projet de loi de finances pour 2016 au rang de première des priorités. Les chiffres sont éloquents. Pour l’année 2016, 517 millions d’euros supplémentaires viendront abonder le budget de l’éducation nationale ; 10 711 emplois seront créés, avec toujours pour horizon l’objectif d’atteindre 60 000 postes en 2017 ; 116 millions d’euros seront consacrés à la revalorisation de la rémunération de celles et de ceux qui se destinent au métier d’enseignant.

On pourrait énumérer longuement les avancées du budget 2016, mais il me paraît plus important d’illustrer ce que représentent concrètement ces efforts pour les élèves et leurs familles.

Parlons d’inclusion scolaire, en commençant par les enfants en situation de handicap. Depuis près de dix ans, l’école primaire a su s’ouvrir à ce public : le nombre d’élèves accueillis a presque doublé, passant de 89 000 à plus de 150 000. Il s’agit d’un effort de toute l’école, renforcé par de meilleures conditions d’accueil, grâce notamment à l’augmentation récente du nombre d’auxiliaires de vie et d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, 350 postes ayant été encore créés cette année. Il reste toutefois un long chemin à parcourir : 30 000 enfants ne se voient toujours pas proposer une place adaptée en école primaire, comme vous le soulignez. C’est la preuve que les efforts et les investissements doivent être poursuivis, notamment à travers l’objectif des 60 000 postes d’ici à 2017.

Parce que la maîtrise complète de la langue française est indispensable à l’obtention d’un diplôme, votre rapport revient sur la problématique des enfants allophones et des élèves en situation d’illettrisme, déclarée grande cause nationale en 2013. Il faut l’affirmer – et vous le faites avec fermeté, madame Pompili –, le dispositif RASED joue depuis sa création un rôle indispensable dans l’accompagnement des enfants en difficulté. Les suppressions de postes inconsidérées du dernier quinquennat, motivées par une vulgaire démarche comptable, ont causé des dégâts désastreux pour l’inclusion de nombreux enfants.

La réduction des inégalités dès le premier cycle est une mission indispensable pour l’école de la République. Parce qu’être élève dans une école à deux vitesses est la plus cruelle des injustices, l’inclusion scolaire de tous est une priorité. Cette priorité doit mobiliser le budget de la nation – c’est indéniablement le cas dans le projet de loi de finances pour 2016 –, les énergies de tous les acteurs de l’éducation – les nombreuses auditions menées par la rapporteure en attestent – ainsi que notre engagement de parlementaires dans la sensibilisation et l’information du grand public. C’est précisément l’intérêt de votre rapport qui dépasse, par la richesse de son contenu, le cadre de ce projet de loi de finances.

M. Xavier Breton. Nous ferons part en commission élargie et en séance de nos interrogations sur les écarts entre créations de postes annoncées et effectives ainsi que sur divers chiffres, et évoquerons les réformes contestées comme celle des rythmes scolaires, du collège ou des programmes scolaires.

Je n’ai pu assister à toutes les auditions, madame Pompili, mais celles auxquelles j’ai participé se sont déroulées dans un excellent climat d’écoute et d’échange. Nous nous rejoignons sur le constat : il y a une aggravation des inégalités sociales et géographiques à l’école ainsi qu’une diminution des performances des élèves. Dans le même temps, force est de reconnaître les progrès considérables accomplis en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap depuis la loi du 11 février 2005, qui posait comme principe que la place de tous les enfants est à l’école. En dix ans, le nombre d’enfants handicapés accueillis à l’école primaire a doublé. Le rapport contient, on peut le regretter, des éléments de polémique puisqu’il oppose la législature précédente à la législature actuelle. D’une part, je ne suis pas sûr qu’un tel sujet se prête aux polémiques ; d’autre part, la lecture des chiffres peut être retournée : les effectifs d’élèves en situation de handicap scolarisés dans les écoles du premier degré ont augmenté de 8 300 à chaque rentrée entre 2007 et 2012 mais de moins de 7 000 depuis 2012. Ce qui compte, c’est que la dynamique soit bel et bien enclenchée.

Nous partageons votre avis, la situation est loin d’être satisfaisante : 10 000 à 30 000 enfants en situation de handicap ne se voient toujours pas offrir de solution adaptée en termes de scolarité, ce qui est source de grandes difficultés ; les inégalités territoriales marquées conduisent certaines familles à s’expatrier dans des pays voisins, en Belgique notamment.

Nous retrouvons les interrogations habituelles à nos débats sur l’éducation. D’abord, sur les moyens budgétaires. On peut regretter une insuffisance de données chiffrées dans le rapport. Néanmoins, celui-ci fait bien apparaître la nécessité de poursuivre les efforts mais aussi de s’interroger sur leur répartition. Des économies peuvent être faites en réduisant le nombre de redoublements : est-ce simplement une démarche comptable ou peut-on envisager une réaffectation des sommes ainsi dégagées ? Si oui, quels dispositifs seraient privilégiés ?

La question des moyens renvoie à l’évaluation, interrogation récurrente dans le domaine éducatif. Il existe très peu d’évaluations permettant de faire le point sur les nombreux dispositifs d’aides aux élèves en difficulté. Prenons le cas des RASED : le rapport que j’avais rédigé en 2011 avec Gérard Gaudron a montré que ces réseaux n’avaient jamais fait l’objet d’évaluations objectives. Les encenser ou leur tirer dessus est un exercice qui relève davantage de l’a priori que de données étayées. Des évaluations restent à mener au sujet des postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap. Leur statut a été amélioré et leur professionnalisation est en marche. Reste à développer et diffuser les bonnes pratiques à partir des expérimentations.

J’en viens à la formation des enseignants. Le rapport formule un jugement assez sévère, que nous partageons : « l’isolement et la modicité des volumes horaires de la formation générale consacrés aux pratiques de l’école inclusive sont une aberration ». On aurait pu penser que la mise en place des ESPE améliorerait les choses. Cela a plutôt été une occasion manquée, souligne le rapport.

La formation continue n’est pas mieux lotie : « elle est encore en jachère et ne laisse qu’une place marginale à l’enjeu de l’inclusion », toujours selon le rapport. Notons que ces enjeux de formation ne se limitent pas aux enseignants. Il faut également s’intéresser aux autres acteurs de l’école, je pense aux postes de direction, aux conseillers principaux d’éducation, aux médecins scolaires, aux personnels de secrétariat ou de restaurants scolaires qui sont chaque jour confrontés aux réalités du handicap.

Outre les questions récurrentes, le rapport soulève des interrogations spécifiques : le risque d’une trop grande médicalisation de la difficulté scolaire, l’intérêt d’une détection précoce des difficultés, l’enjeu de l’accueil des élèves allophones.

La situation est contrastée. Une dynamique est enclenchée depuis dix ans mais elle se heurte aux inerties de notre système éducatif. Trop souvent, nous entendons des enseignants démunis face aux handicaps, face aux familles mais aussi face à l’institution scolaire qui ne les accompagne pas assez. Il reste beaucoup à faire. Souhaitons que ce rapport permette d’améliorer les choses.

Mme Isabelle Attard. Je tiens d’abord à vous féliciter, madame Pompili, pour le choix du thème de votre rapport : l’inclusion scolaire, question extrêmement importante qui me tient particulièrement à cœur, constitue l’une des réussites de la loi pour la refondation de l’école.

Je souhaite revenir sur le cas des enfants qui ne peuvent être objectivement scolarisés dans de bonnes conditions. Je pense notamment aux enfants polyhandicapés souffrant de lésions cérébrales. Leur situation est trop complexe à gérer en milieu ordinaire et leurs besoins en termes d’acquisition de compétences sont trop spécifiques. Quelles solutions leur sont apportées aujourd’hui ? Je ne crois pas me tromper en répondant qu’elles résident dans les instituts médico-éducatifs (IME). Vous évoquez dans votre rapport les passerelles entre CLIS, désormais dénommées « ULIS-écoles », ULIS-collèges et le milieu ordinaire. De telles passerelles existent-elles pour les IME ? Vous signalez la relocalisation d’unités actuellement placées dans les établissements médico-sociaux en milieu ordinaire. C’est une excellente chose mais il me semble que cela reste anecdotique et surtout extrêmement compliqué à mettre en œuvre. N’y aurait-il pas d’autres solutions à inventer ?

J’ai été particulièrement touchée par les témoignages que vous avez rapportés faisant état du sentiment d’impuissance d’équipes éducatives et de familles face à certains handicaps qui nécessitent d’autres chemins pédagogiques. Il manque sans aucun doute des réponses. Je me permettrai de vous présenter une piste : l’éducation conductive. Cette méthode innovante, largement utilisée à travers le monde, peine à trouver sa place en France. Elle permet aux enfants polyhandicapés d’être accueillis dans une structure de type scolaire. Fondée sur des ateliers d’apprentissages appréhendés dans leur globalité, elle a pour but le gain d’autonomie. Elle n’oublie aucune des dimensions de l’enfant et n’en isole aucune. Tout au long de la journée, elle intègre tous les apprentissages physiques, intellectuels et sociaux nécessaires à un développement harmonieux. Elle se veut avant tout éducation et non traitement curatif. Une fois de plus, la Belgique pourrait constituer pour nous un modèle, car la méthode de l’éducation conductive y est largement utilisée. Madame la rapporteure, pouvez-vous m’indiquer si, au cours de vos auditions, cette pédagogie a été évoquée comme une solution dont la France pourrait s’emparer ?

Vous soulignez à juste titre dans votre rapport les inégalités territoriales en matière d’accès aux dispositifs CLIS et ULIS. Comme vous, je trouve insupportable que des familles soient contraintes de s’expatrier en Belgique. Comment lutter contre cette distorsion manifeste du principe d’égal accès à l’école de la République ? Question corollaire : savez-vous si l’éducation nationale est en mesure d’annoncer des remèdes à ces inacceptables inégalités ?

Après l’angoisse des familles, vous signalez ce que j’ose qualifier de désarroi des enseignants « démunis face aux troubles et handicaps, aux familles et à leur administration ». Je plaide, comme vous, pour une meilleure formation des équipes éducatives. Quelle mesure ou quel programme envisagez-vous pour les équipes éducatives, dans le cadre de la formation initiale comme de la formation continue ? Il faut, bien sûr, aller au-delà de la simple semaine d’information organisée autrefois dans les anciens IUFM.

Comme vous sans doute, madame la rapporteure, j’aimerais que plus aucune famille ne s’entende dire par un membre du personnel de l’inspection académique : « si l’école devait s’adapter à tous les handicapés, c’est elle qui finirait handicapée. »

M. Laurent Degallaix. Qu’il s’agisse du respect de la laïcité, de l’idéal démocratique ou de l’égalité des chances, l’école est au cœur de la plupart des polémiques contemporaines. À travers l’école, ce sont notre héritage, nos valeurs que nous transmettons et notre avenir que nous construisons. L’école doit, non pas se contenter de former une élite, mais offrir des perspectives d’avenir à chacun des enfants de la nation. Or, aujourd’hui, les chiffres sont accablants : 150 000 jeunes quittent chaque année l’école sans diplôme ; 20 % des élèves entrant en sixième ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux ; 2,5 millions de Français sont concernés par l’illettrisme, soit 7 % de la population ; 30 000 enfants en situation de handicap ne peuvent être accueillis dans des conditions adéquates à l’école. Je déplore, moi aussi, les inégalités territoriales dans l’accès aux dispositifs. Elles conduisent nombre de familles à scolariser leurs enfants dans des IME en Belgique – un phénomène que nous connaissons bien dans le Nord –, avec les impacts affectifs mais aussi économiques qu’on imagine.

Le constat est sans appel : l’ambition républicaine de l’école est aujourd’hui gravement contrariée. Le groupe UDI a toujours considéré les enjeux de l’éducation et de la formation comme fondamentaux. Nous nous réjouissons que l’éducation nationale continue à être le premier budget de la nation avec l’inscription de près de 48 milliards d’euros en crédits de paiement. La hausse globale du budget de l’enseignement scolaire masque toutefois certaines réalités. Je pense, par exemple, à la baisse des crédits destinés à la formation et à l’orientation. Or l’objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat n’a de sens que si le système éducatif est capable d’accompagner les jeunes à l’issue de leur cursus ou de les réorienter. Concernant l’apprentissage des langues, je ne comprends pas la décision de mettre fin aux classes bilangues qui permettent aux élèves d’apprendre de manière soutenue des langues étrangères et de s’imprégner de la culture d’un autre pays grâce à des partenariats privilégiés facilitant les études à l’étranger. Il apparaît que les moyens alloués ne sont pas à la hauteur pour permettre aux élèves la maîtrise des langues étrangères, un mal français encore trop présent.

Enfin, de manière plus générale, nous déplorons qu’il ne soit pas répondu à l’appel de la Cour des comptes d’une réforme en profondeur du lycée à travers une réduction de l’offre de formations, notamment en termes d’options, et une simplification du baccalauréat, d’une réforme qui remette l’impératif pédagogique et l’exigence des acquis fondamentaux au cœur de l’enseignement scolaire et qui permette à chacun de s’épanouir pleinement dans l’école de la République.

M. Jean-Noël Carpentier. J’aimerais dire ma satisfaction de voir le budget de la mission « Enseignement scolaire » encore à la hausse par rapport à l’année précédente. L’opposition, qui avait, en son temps, supprimé la formation des maîtres et des dizaines de milliers de postes d’enseignant, aura beau critiquer ce budget scolaire et s’opposer aux différentes réformes, la réalité est bien là : l’éducation est la priorité de notre majorité. Rarement l’exécutif aura fait preuve d’autant d’attention à l’égard de l’école.

En 2012, les résultats de l’enquête PISA nous ont alertés. Notre pays se déclassait régulièrement par rapport aux autres pays de l’OCDE. Notre système éducatif ne réduit pas assez les inégalités scolaires dues à l’origine sociale des élèves. Cela conduit à des résultats globaux insuffisants, même si notre école a à son actif de belles réussites, notamment grâce à un personnel enseignant qui fait preuve d’un dévouement jamais démenti.

C’est donc une réforme de fond dont nous avons besoin.

Trois ans après le vote de la loi pour la refondation de l’école, 2016 est une année décisive au cours de laquelle les effets de la réforme se feront sentir. Pour permettre la réussite de chaque élève et augmenter le niveau de tous, l’objectif est de donner la priorité au primaire. Cette priorité doit mieux entrer dans le quotidien des salles de classe. J’espère, par exemple, une amplification du dispositif « Plus de maîtres que de classes » ou encore une plus forte généralisation de l’accueil des enfants de moins de trois ans en zone d’éducation prioritaire.

S’agissant de la refonte des programmes, plusieurs couacs se sont fait entendre récemment. Il faut les éviter. Une meilleure concertation des enseignants et des parents devrait être la règle.

Pour ce qui est du plan numérique pour l’école, l’ambition est là mais il faut hâter le pas. L’ensemble du territoire doit être équipé. Cela passe par des décisions budgétaires plus importantes que celles actuellement proposées ; cela passe aussi par une meilleure coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Pour encourager les innovations pédagogiques autour de cet outil, il importe d’accorder plus de soin à la formation des enseignants.

D’une manière générale, je me félicite de l’accroissement des crédits alloués à la formation des enseignants et de la création des ESPE. Je me permets néanmoins d’insister sur l’importance de la formation continue, qui reste malheureusement insuffisante.

Enfin, concernant l’accompagnement des élèves en situation de handicap, je tiens à dire ma satisfaction devant l’engagement du Gouvernement en faveur d’une école toujours plus inclusive. Il faut continuer : aider ceux qui en ont le plus besoin permet à tous de progresser.

Je tiens à dire à Mme la rapporteure combien j’ai apprécié son rapport, précis, humain, parfois militant. Il constitue un apport précieux pour améliorer encore la prise en compte du handicap dans notre système éducatif. Vous soulignez les avancées, vous dites les manques mais vous faites aussi des propositions, madame Pompili.

Je partage votre démonstration selon laquelle il n’y a pas suffisamment de coopération entre les différents professionnels qui agissent en faveur de l’enfant porteur de handicap. À ce sujet, j’aimerais connaître votre opinion sur les IME. Ne pensez-vous pas qu’un rapprochement beaucoup plus affirmé avec le système scolaire dit classique permettrait un enrichissement mutuel entre deux mondes de l’éducation qui ont bien du mal à se côtoyer ?

J’apprécie également votre proposition de rendre plus transparents les différents dispositifs en désignant des référents clairs et stables pour les familles.

Au sujet des AESH, je partage aussi votre constat. Il faut sans doute accélérer le processus de professionnalisation avec une formation spécifique, des contrats solides et des salaires bien plus élevés que ceux actuellement pratiqués. Parallèlement, il faut mieux former les enseignants sur la question du handicap, c’est une évidence.

Si je reste convaincu que l’objectif d’une école plus inclusive est partagé par l’immense majorité des acteurs de terrain, je considère, comme vous, que des mesures pratiques doivent être mises en place rapidement pour que les bonnes intentions trouvent une traduction concrète dans le quotidien des enfants et de leurs familles.

Mme Marie-George Buffet. Nous avons tous reçu dans nos permanences des familles confrontées au problème de l’accès à la scolarité de leur enfant touché par le handicap. Je ne peux que vous féliciter, madame Pompili, d’avoir choisi l’inclusion scolaire comme thématique.

Vous avez abordé la question des moyens, et j’aimerais insister sur la situation des auxiliaires de vie scolaire. Il faut reconnaître à l’ensemble d’entre eux un véritable statut. Cela implique un contrat de la fonction publique, une formation renforcée et un salaire à la mesure de leur contribution à l’inclusion scolaire.

S’agissant des RASED, nous ne sommes pas revenus au niveau de 2011, loin de là. Il faut donc maintenir l’effort et favoriser un travail d’équipe s’appuyant sur la mise en œuvre effective du dispositif « Plus de maîtres que de classes » de la loi pour la refondation de l’école.

J’aimerais insister sur la médecine scolaire, qui n’est presque plus présente. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, il n’y a plus de suivi régulier des enfants, alors qu’un fort besoin se fait sentir. Quelles seraient vos propositions pour revaloriser cette profession et accroître son attrait pour les étudiants ?

Enfin, il importe d’agir pour développer les places en IME. Certains enfants se retrouvent en ULIS alors qu’ils auraient besoin d’un passage par ces instituts.

J’en viens à la mission « Recherche ». Dans votre rapport, que j’ai beaucoup apprécié, madame Dion, vous avez insisté sur le rôle de pilotage de l’INSEP. Je regrette que des moyens lui soient retirés. Vous avez aussi souligné le rôle du laboratoire de Châtenay-Malabry. Pouvez-vous nous en dire plus sur les nouvelles molécules dopantes ?

J’aurai une question sur l’accompagnement scientifique de la performance, sujet absent de votre rapport. Cette approche peut se comprendre pour ce qui est du matériel – je lisais récemment un article sur les nouvelles performances qui pourraient résulter de la modification du poids des perches. Mais il faut prendre garde aux interventions sur l’humain. Quelles limites éthiques placer ? Nous avons vu apparaître de nouvelles méthodes, comme les cabines cryogéniques, qui ne sont pas considérées comme du dopage mais qui posent tout de même des questions déontologiques.

Enfin, madame Lang, je dois dire que la lecture de votre rapport m’a permis de mesurer l’étendue des dégâts en matière de patrimoine immobilier universitaire. Les chiffres que vous citez sont impressionnants : près de huit milliards d’euros seraient nécessaires pour sa rénovation complète. Je vous remercie de nous avoir alertés.

Votre notion de sous-occupation me laisse toutefois interrogative alors que sur les réseaux sociaux, à l’appel de l’UNEF et d’autres syndicats étudiants, circulent des images d’amphithéâtres bondés. Y aurait-il un problème de gouvernance dans la gestion du patrimoine ? Ne faudrait-il pas mettre en place un plan d’urgence associant État et régions, en fléchant bien les crédits afin qu’ils ne soient pas utilisés à d’autres fins que les nécessaires réhabilitations ?

J’ai reçu hier des représentants du syndicat national de l’éducation physique (SNEP) qui lance une grande campagne sur la pratique sportive à l’université. On sait que le sport universitaire en France est très en retard par rapport à d’autres pays. Quelle est votre appréciation sur les équipements sportifs dans l’enseignement supérieur ?

M. le président Patrick Bloche. L’intervention de Marie-George Buffet a assuré la transition : nous en venons donc maintenant aux orateurs des groupes sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Émeric Bréhier. Notre objectif pour l’enseignement supérieur est moins la massification, déjà atteinte – même si nous vivons aujourd’hui une nouvelle phase –, que la réelle démocratisation de l’accès à la diversité des études supérieures. Le budget qui nous est présenté permet de répondre à ces impératifs : l’éducation nationale demeure le premier budget de l’État, ce qui n’était pas chose courante ces dernières années.

Je relève, pour m’en féliciter, que nous examinons en même temps ce matin les rapports sur les missions « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur ». Il n’aura échappé à personne que l’éducation nationale ne s’arrête pas au bac. Il n’est pas mauvais de montrer dans nos travaux la continuité de parcours de la maternelle aux études supérieures.

Lors de la dernière rentrée, l’université française a accueilli 65 000 étudiants supplémentaires, 50 000 hors étudiants des classes préparatoires désormais obligatoirement inscrits à l’université, ce qui a entraîné de réelles difficultés dont les réseaux sociaux se sont fait l’écho, heureusement surmontées au cours de l’été. Il importe de considérer cet afflux, non comme une menace, mais comme une opportunité dont nous devons nous féliciter.

J’aimerais insister sur l’immobilier universitaire, thème du rapport d’Anne-Christine Lang, qui s’appuie sur un travail de qualité et fournit des informations précises. Nous savons tous qu’il s’agit d’une bombe à retardement qui risque d’exploser très bientôt. Il faut toutefois se réjouir que les autorisations d’engagement augmentent en cette année de transition des contrats de plan État-région 2007-2013 à ceux pour 2015-2020.

Pour finir, j’aborderai la méthode de la pédagogie inversée, qui consiste à proposer aux étudiants, qui ont préalablement pris connaissance du cours mis en ligne, de tirer parti de la présence de l’enseignant pour approfondir des points qu’ils maîtrisent moins bien que d’autres. Cette innovation pédagogique va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues, celle notamment de l’université comme acteur de l’indifférenciation et de l’apprentissage de masse qu’illustrent les images d’amphis bondés. Elle soulève des questions en termes d’utilisation des locaux qui, pensés pour des méthodes plus traditionnelles, se trouvent parfois inadaptés. Est-il possible d’avoir des précisions sur cette pédagogie qui offre des perspectives intéressantes tant en matière de démocratisation de notre système d’enseignement supérieur que d’utilisation des locaux universitaires ?

M. Patrick Hetzel. J’adresse tout d’abord mes remerciements aux rapporteures pour le très pertinent éclairage qu’elles ont apporté sur la recherche en sport et l’immobilier universitaire.

En introduction, j’aimerais insister sur le fait que plus que jamais, il serait nécessaire d’affirmer l’autonomie des universités. En 2007, le Gouvernement avait décidé d’aller dans cette voie en faisant voter la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU. Le gouvernement actuel va en sens inverse, hélas ! En 2015, il a décidé d’opérer des prélèvements sur les fonds de roulement de certaines universités, les plus vertueuses de surcroît, ce qui est bien une façon de reprendre la main en matière de gestion. C’est un très mauvais signal que l’on envoie à des universités qui consentent des efforts très importants. Ce faisant, on ne récompense vraiment pas la vertu. Pour que les universités soient vraiment autonomes, il faut leur donner les moyens de lever des fonds et que l’enseignement supérieur et la recherche soient considérés comme prioritaires, ce qui n’est pas le cas, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement.

Je regrette que les chiffres du PLF ne soient que pur affichage et communication, qu’il s’agisse de 2016 ou de l’exécution du budget pour 2015. Pour savoir ce qui se passe véritablement dans le périmètre concerné, il faut étudier la manière dont les récents budgets ont été exécutés et intégrer dans notre raisonnement les très nombreuses annulations de crédits réalisées en cours d’année. Certains crédits dûment votés par notre assemblée ne sont jamais versés au budget des universités, ni à celui des grandes écoles ou des organismes de recherche. Au nom du groupe Les Républicains, j’aimerais avoir une réponse précise sur cet aspect stratégique.

Sur un an, on constate qu’il y a eu 230 millions d’euros d’annulation de la réserve de précaution des universités qui devait financer le fameux GVT, le glissement vieillesse technicité. Quelles sont les raisons d’une telle annulation ? Il y a, par ailleurs, 123 millions de suppressions budgétaires opérées dans le cadre du système d’allocation des moyens aux universités (SYMPA) : le Gouvernement avance que cela tient à la réorganisation de ce système ainsi qu’à la modernisation et la mutualisation du fonctionnement des opérateurs
– jolie formulation ! À cela s’ajoutent 90 millions de coups de rabot de dernière minute opéré par l’amendement n° 267 du Gouvernement en loi de finances rectificative et les 100 millions de prélèvements sur les fonds de roulement. Je finirai par les contrats de plan État-région : ils représentaient en 2007-2013, allongés d’une année, donc sur une période de six ans, 3 milliards d’euros, soit 480 millions chaque année. Les nouveaux contrats 2015-2020 mobilisent 2 milliards d’euros en cinq ans, soit 400 millions d’euros par an. Au total, plus de un milliard d’euros a été amputé sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous aimerions connaître la raison de telles coupes budgétaires, au-delà des effets de communication. Il y a un grand écart entre ce que dit le Gouvernement et les faits. Il affirme que ce secteur stratégique est préservé : cherchez l’erreur !

Pour finir, il me semble important de rappeler que la loi LRU avait pour objectif de mettre l’accent sur le transfert de la gestion directe de l’immobilier universitaire par les universités. Vous avez indiqué, madame Lang, que trois universités s’étaient emparées de ces nouvelles missions et vous avez souligné que la généralisation du dispositif représenterait 500 millions d’euros de remise aux normes, auxquels s’ajouteraient 500 millions d’euros annuels. Le processus de responsabilisation des universités enclenché par loi du 10 août 2007 était fondé sur le volontariat. Pourquoi le Gouvernement l’a-t-il interrompu ? Si cette responsabilité en matière d’immobilier n’est pas transférée aux universités, il faudra, tous les vingt ans, lancer des programmes de rénovation des locaux universitaires qui seront bien plus coûteux à financer. Je vous invite à faire les calculs consolidés depuis le fameux plan université 2000. Votre argumentation selon laquelle ces 500 millions d’euros de remise aux normes et ces 500 millions d’euros annuels sont hors de portée est discutable.

Mme Isabelle Attard. Madame Lang, votre excellent rapport sur le patrimoine immobilier de nos universités nous place, dès le début, dans le vif du sujet : « 40 % de locaux dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux ». Ces chiffres sont éloquents, ils sont cependant trop généraux et abstraits pour que nous puissions collectivement en mesurer la portée. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à visiter le site universiteenruines.tumblr.com. Vous y trouverez plusieurs dizaines de photos montrant le dénuement auquel l’État français condamne des centaines de milliers d’étudiants.

Vous pointez plusieurs pistes d’amélioration pour remédier à cette situation désastreuse. Première piste : le recours aux emprunts. En l’état actuel des finances des universités, j’ai du mal à percevoir l’intérêt de cette solution. Ne revient-elle pas à repousser à demain un problème qui devrait être réglé aujourd’hui ?

Deuxième piste : les opportunités offertes par la location. Il y a certes des rentrées d’argent possibles mais je m’inquiète des éventuels dévoiements auxquels pourraient conduire ces opérations. N’y a-t-il pas des risques d’abus, voire d’utilisations publicitaires nuisibles ? Et dans les universités dont les locaux sont « dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante », les locations ont de faibles chances de se faire, voire sont à déconseiller, compte tenu des risques sanitaires.

Troisième piste : les flux financiers générés par la formation professionnelle. Je vous rejoins sur cette possibilité. Il est tout à fait souhaitable que l’université s’ouvre au plus grand nombre, donc à ceux qui envisagent une formation au cours de leur carrière professionnelle.

Quatrième piste : la dévolution de bâtiments. Comme elle implique l’inscription au bilan des opérateurs des biens transférés et de leurs amortissements, elle ne me paraît soutenable financièrement pour les universités que si la dotation aux amortissements est actualisée chaque année, ce qui est loin d’être garanti aujourd’hui.

Vous ne mentionnez pas, dans vos recommandations, la possibilité de réorienter certains budgets vers nos universités. Elles ont une activité de recherche très importante et le crédit d’impôt recherche est une niche fiscale au coût croissant et, dans de nombreux cas, sans aucun lien avec une réelle activité de recherche. Que pensez-vous de la possibilité de limiter les coûts du CIR pour mieux financer l’entretien et la rénovation des bâtiments de nos universités ?

Cette évocation de la dépense massive et inutile que constitue le CIR me fournit une transition logique vers le rapport de Mme Sophie Dion. Il revient à plusieurs reprises sur la faiblesse des dotations des laboratoires de recherche, citant entre autres le cas du laboratoire « Motricité, Interactions, Performance » dont le financement n’est assuré par sa dotation qu’à hauteur de 10 %. Comment ne pas mettre en rapport cette faiblesse dans le financement et les plaintes ciblées et répétées à l’égard du CIR ? Le rapport de la Cour des comptes en 2013, les critiques du conseil scientifique du CNRS, la lettre adressée au Président Hollande par 660 directeurs de laboratoire en 2014, le rapport de l’association « Sciences en marche » en 2015, toutes les critiques vont dans le même sens : le CIR coûte une fortune sans effet démontré, alors que l’efficacité de notre recherche publique n’est plus à prouver. J’aurais aimé ajouter à cette liste le rapport de la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, mais vous savez comme moi qu’il n’a pas été publié.

M. Laurent Degallaix. La mission « Recherche et enseignement supérieur » est au cœur de la préparation de l’avenir, de la compétitivité et du rayonnement de la France à l’étranger. À ce titre, le maintien pour 2016 des crédits alloués à la mission en 2015 constitue un signal positif, mais en apparence seulement. En effet, on peut s’inquiéter des orientations qui ont été privilégiées pour faire participer la mission aux efforts partagés de rationalisation et d’économie.

Certes, les budgets augmentent, mais, ainsi que l’a rappelé Émeric Bréhier, le nombre d’étudiants augmente lui aussi : ils ont été 65 000 de plus à la rentrée de 2015, après une hausse de 30 000 en 2014. Aussi les établissements d’enseignement supérieur doivent-ils fonctionner avec des dotations toujours plus resserrées. Je veux voir, moi aussi, dans la progression du nombre d’étudiants une occasion à saisir plutôt qu’une contrainte. Mais, si les universités sont capables d’accueillir un nombre croissant d’étudiants, les conditions de cet accueil posent problème, ainsi que vous l’avez rappelé dans votre rapport, madame Lang : 40 % des locaux sont dans un état dégradé et 12 % d’entre eux dans un état très dégradé. Vous le soulignez, il est impératif que les universités se dotent rapidement d’une stratégie immobilière.

En 2007, la loi LRU a fait de l’insertion professionnelle la troisième mission de l’université. Or cette volonté d’améliorer l’accès à l’emploi de nos étudiants n’a pas été transposée dans le budget. D’après le rapport de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), à peine 45 % des universitaires de niveau bac + 5 sont en CDI un an après avoir obtenu leur diplôme, contre 70 % des étudiants sortis d’école de commerce ou d’ingénieurs. On constate donc que les efforts budgétaires nécessaires sur cette thématique ne sont pas réalisés aujourd’hui, ce qui obère la qualité de l’insertion professionnelle des étudiants de l’université. Nous nous dirigeons, hélas ! vers une insertion à deux vitesses pour les étudiants des écoles privées, d’une part, et ceux de l’université, d’autre part. Une politique pour l’enseignement supérieur ne peut se limiter au déploiement de moyens supplémentaires : il faut créer des liens entre le monde du travail et l’université. Car les inégalités se creusent entre établissements, entre étudiants et entre laboratoires de recherche.

Nous dénonçons également la baisse des crédits alloués au programme 192 « Recherche économique et industrielle » et à la recherche agricole. Il est paradoxal de réduire les crédits dans ces secteurs alors que notre pays est touché par une grave crise agricole et industrielle.

Enfin, je ne peux que regretter que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne tienne pas compte de deux grandes orientations défendues par le groupe Union des démocrates et indépendants : d’une part, au niveau de l’enseignement supérieur, la création d’écosystèmes économiques qui permettent de rapprocher les universités et les centres de recherche des entreprises, et de lier le développement des infrastructures et celui des bassins économiques ; d’autre part, l’affirmation de l’État stratège en matière de recherche et d’innovation au service de la compétitivité, afin de soutenir massivement les entreprises dans les secteurs d’excellence tels que l’aéronautique, la chimie, la santé, la transition écologique et le numérique.

M. Jean-Noël Carpentier. Avec près de 26 milliards d’euros, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est le troisième budget de l’État, après celui de l’enseignement scolaire et celui de la défense. Malheureusement, il ne pourra pas répondre à tous les besoins. C’est inquiétant, tant nous savons que l’enseignement supérieur et la recherche sont indispensables au dynamisme du pays. Nous regrettons que l’effort engagé sur l’enseignement scolaire ne soit pas prolongé dans cette mission. De nombreuses organisations syndicales de personnel et d’étudiants manifestent actuellement leur mécontentement : ils dénoncent un budget insuffisant pour accueillir correctement des étudiants de plus en plus nombreux ; ils souhaitent notamment plus d’enseignants et des locaux plus adaptés.

À ce sujet, madame Lang, votre rapport met en lumière la situation préoccupante du patrimoine immobilier de nos établissements d’enseignement supérieur. Au vu des chiffres, mais aussi des nombreux témoignages des étudiants et du personnel, on peut légitimement s’inquiéter et regretter l’insuffisance des crédits alloués à ce patrimoine. Vous évoquez « 40 % de locaux dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux ». Certes, le besoin de locaux est moins prégnant à partir du second semestre universitaire, et les modèles pédagogiques évoluent vers le numérique, mais, à terme, il y aura toujours besoin de locaux. En tout cas, il s’agit aujourd’hui de trouver des solutions pour accueillir convenablement les étudiants, le flux annuel de nouveaux inscrits étant passé de 25 000 au début des années 2000 à 65 000 lors de la dernière rentrée.

Le Gouvernement vise une élévation du niveau de qualification de la population en portant à 50 % d’une classe d’âge le taux de titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. C’est un bel objectif. En 2013, ce taux a atteint 47,5 %.

Au-delà des diplômes, il faut également permettre une meilleure insertion professionnelle des diplômés. En 2013, si 86 % des titulaires de licence, de master ou de doctorat étaient employés au niveau cadre ou profession intermédiaire, seuls 67 % d’entre eux étaient embauchés en CDI trois ans après leur sortie de formation initiale. La loi de 2013 tente de répondre à ce problème avec la refonte du cadre national des formations et une meilleure lisibilité des filières. En outre, plusieurs actions gouvernementales contribuent à une meilleure insertion professionnelle des diplômés à l’issue de leurs études : le principe de continuité entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur ; une meilleure information des étudiants sur les débouchés de chaque formation ; le développement des stages. Mais, bien entendu, c’est notre modèle économique qu’il faut repenser si l’on veut éviter la précarisation de nos jeunes.

Vous l’aurez compris, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche suscite des interrogations au sein du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste. Nous espérons que le débat budgétaire permettra d’y répondre.

M. le président Patrick Bloche. Je donne maintenant la parole aux membres de la commission qui souhaitent poser des questions sur l’une ou l’autre des missions.

Mme Sandrine Doucet. Merci, mesdames les rapporteures, de vos rapports très détaillés et précis. Dans l’introduction au vôtre, madame Dion, vous indiquez que « la recherche sur le sport et les pratiques sportives implique un dépassement des classifications statistiques et budgétaires habituelles ». Vous passez ainsi rapidement sur le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur. Est-ce pour éviter de dire qu’il est en nette augmentation ? En 2016, les crédits de l’enseignement supérieur s’élèveront à plus de 12,7 milliards d’euros, dont 5,2 milliards consacrés à la recherche universitaire, et ceux de la recherche hors enseignement supérieur augmenteront de 6 millions d’euros pour s’établir à 7,7 milliards. Est-ce aussi pour éviter de dire que, sur les dix-neuf universités qui étaient en déficit en 2012, seules quatre le sont encore actuellement ? Est-ce pour éviter de dire, enfin, que 450 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2013 sont désormais dédiés aux bourses pour les étudiants considérablement étendues et revalorisées ?

Au-delà des chiffres, il convient de relever tous les changements en cours dans le domaine de la recherche. Concernant la politique de site, que vous évoquez à la fin de votre rapport, le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Thierry Mandon, a déclaré que les instituts de recherche technologique (IRT) devraient davantage travailler en réseau. En outre, nous avons eu un aperçu des mutations actuelles lors de l’audition de M. Michel Cosnard, candidat à la présidence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Outre les chiffres et les annonces, je tiens à saluer un événement moins visible mais bien réel : lundi dernier, lors de la rentrée solennelle de l’université de Bordeaux, à laquelle j’ai assisté, les trois prix de thèse remis au titre de l’initiative d’excellence (IDEX) ont été remportés par trois jeunes femmes. À cet égard, madame la rapporteure, dans votre travail consacré à la recherche sur le sport, vous êtes-vous intéressée au lien entre le sport et les sciences humaines, notamment aux questions d’égalité ?

M. le président Patrick Bloche. Personne n’a relevé que ce sont trois rapporteures qui interviennent ce matin, sans doute parce qu’il s’agit d’une évidence dans notre commission, ce qui est une bonne chose.

Je donne maintenant la parole aux membres de la commission qui souhaitent poser des questions sur l’une ou l’autre des missions.

Mme Dominique Nachury. Merci, mesdames les rapporteures, pour vos travaux et vos présentations. Madame Lang, il est en effet intéressant de mettre l’accent sur le patrimoine immobilier des universités, mais il convient de mettre cette question en perspective avec la forte augmentation du nombre d’étudiants à chaque rentrée : comment les accueillir ? Vous avez souligné qu’une évolution était nécessaire dans l’approche des bâtiments, avec un décloisonnement des composantes, une flexibilité accrue pour s’ajuster aux différents temps de l’année universitaire et une adaptation aux nouvelles technologies. C’est nécessaire, mais ce ne sera pas suffisant, car il faudra bien affronter la réalité d’un état des lieux parfois sévère. À cet égard, plusieurs d’entre nous ont cité cette phrase marquante de votre rapport : « 40 % des locaux sont dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux ». Il faut réhabiliter les locaux, mais aussi les adapter, sans quoi il ne pourra pas y avoir d’évolution dans la gestion et dans la maintenance. Pensez-vous sincèrement que ce budget donne un signal positif, alors même que l’augmentation des postes que vous évoquiez est financée par une baisse de 60 millions d’euros des crédits de paiement consacrés à l’immobilier ?

Mme Julie Sommaruga. Merci, madame Pompili, du travail complet que vous avez effectué sur le sujet très important de l’école inclusive. S’agissant de l’accueil des élèves en situation de handicap dans le cadre des activités périscolaires, la question de la formation des intervenants se pose. Comment faire pour améliorer encore le travail en équipe dans ce cadre ?

La formation continue des enseignants a été renforcée, mais elle reste insuffisante, ainsi que vous l’avez indiqué. Pouvez-vous préciser vos propositions à ce sujet ?

L’objectif du Gouvernement est non seulement d’accueillir les élèves en situation de handicap, mais aussi de les scolariser et de leur offrir une place réellement adaptée. Pour atteindre cet objectif, il faut aller plus loin dans les outils mis à la disposition des équipes éducatives. Vous proposez, entre autres, la désignation d’un « maître ressources inclusion ». Pouvez-vous préciser son rôle, notamment en ce qui concerne le lien avec les familles ? Rien ne se fera en effet sans ces dernières.

Grâce au Gouvernement, l’école dispose désormais de 28 000 AESH et 48 000 contrats aidés pour les élèves en situation de handicap. Là encore, la question de la formation se pose : comment l’adapter aux différents types de handicap et aux besoins éducatifs particuliers ?

Mme Claudine Schmid. Merci, mesdames les rapporteures, de vos travaux. En concluant votre présentation, madame Pompili, vous avez indiqué qu’il était nécessaire de définir l’évolution du métier d’enseignant et de revoir la rémunération, car il s’agissait d’un investissement rentable pour la société. Je n’ai pas trouvé semblable mention dans votre rapport, mais je vais tout à fait dans votre sens. S’agissant de la rémunération, reprenez-vous à votre compte les propos que M. Benoît Hamon a tenu le 11 octobre, au cours d’une émission de radio ? Comptez-vous soutenir son amendement ou le dénoncer ? Il suggère de baisser la rémunération des professeurs des classes préparatoires pour augmenter celle des professeurs des écoles. Nous ne vous suivrons pas dans cette politique des vases communicants, qui revient, selon moi, à stigmatiser une catégorie d’enseignants dont notre système scolaire a tant besoin. Tous les professeurs sont méritants, quel que soit le degré dans lequel ils exercent.

Mme Martine Martinel. Merci, mesdames les rapporteures. Dans votre rapport, madame Lang, vous soulignez toute l’importance du parc immobilier universitaire, véritable actif stratégique des établissements d’enseignement supérieur, directement lié à leurs activités académiques et scientifiques. Notre collègue Patrick Hetzel a suggéré qu’une apocalypse avait dévasté les universités à partir de 2012. L’autonomie reconnue en 2007 a-t-elle conduit les universités à investir dans l’entretien et la rénovation de leurs bâtiments ? Avez-vous pu mesurer cela au cours de l’élaboration de votre rapport ?

M. Hervé Féron. À la lecture de votre rapport, madame Pompili, on réalise que la dynamique d’inclusion est souvent bénéfique pour les élèves et qu’elle est de plus en plus efficiente. Des avancées réelles et quantifiables ont été réalisées ces dernières années s’agissant de l’école inclusive, mais il est certainement nécessaire de faire encore évoluer les dispositifs.

La CLIS était une classe distincte des autres classes, comptant un effectif maximal de douze élèves en situation de handicap reconnu par la MDPH. Les élèves de CLIS étaient inclus pour des temps plus ou moins longs dans des classes ordinaires. Depuis la rentrée de 2015, on parle désormais, comme au collège, d’ULIS ou d’ULIS-école. Les mêmes élèves, qui relèvent toujours de la MDPH, seront désormais rattachés à une classe de référence correspondant approximativement à leur âge. Ce changement pose clairement un problème d’efficacité quant à l’inclusion pratiquée, celle-ci se faisant dans des classes aux effectifs parfois très chargés. On peut s’interroger sur le bénéfice qu’en retirent les enfants concernés.

Ne pourrait-on envisager, pour les écoles dotées d’une CLIS, un statut particulier tel que celui qui existe pour les réseaux de réussite scolaire (RSS) ? Ce statut limiterait les effectifs par classe afin d’assurer une inclusion optimale des élèves. Ne pourrait-on également prévoir des temps institutionnels de concertation afin que les enseignants puissent élaborer efficacement les projets individuels de ces élèves ?

Une partie de votre rapport est consacrée aux RASED. Il s’agit d’un dispositif qui comprend au minimum deux enseignants spécialisés – un « maître E », qui fournit une aide spécialisée à dominante pédagogique, et un « maître G », qui apporte une aide spécialisée à dominante rééducative –, ainsi qu’un psychologue scolaire. Ce réseau prend en charge des élèves de classes ordinaires pour des aides qui sont plus ou moins limitées dans le temps. Or, très souvent, les RASED sont incomplets et doivent intervenir dans des zones géographiques très étendues. Après avoir presque disparu, le dispositif se reconstitue, mais trop lentement : il souffre d’un manque de maîtres G dans de très nombreuses régions et d’un déficit chronique de psychologues scolaires. La faiblesse des moyens attribués au RASED est très pénalisante pour l’aide aux élèves en difficulté. Il faudrait accélérer la reconstitution des réseaux et en améliorer le maillage sur le territoire pour redonner sa destination première à ce dispositif, qui contribue lui aussi à l’inclusion des élèves en difficulté.

Je tiens à faire remarquer que de nombreux élèves qui relèveraient de structures spécialisées, IME ou instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), restent à l’école primaire, parfois en ULIS-école, faute de places dans lesdits établissements. Pour certains, ce maintien à l’école primaire peut être profitable, car il s’agit d’un milieu toujours stimulant et socialisant. Toutefois, pour d’autres, notamment pour ceux qui présentent des troubles graves du comportement, le maintien à l’école primaire est néfaste tant pour eux-mêmes, car ils ont besoin de soins et d’un environnement éducatif adapté, que pour les autres élèves et les enseignants. Ils se retrouvent parfois en ULIS-école alors qu’ils n’y ont pas toujours toute leur place. Trop souvent, ils sont orientés trop tardivement vers les ITEP. Ce problème pourrait être résolu en développant les capacités d’accueil de certains établissements spécialisés, notamment des ITEP.

J’insiste à nouveau sur le fait qu’aucun temps institutionnel n’est actuellement prévu pour la concertation entre les professeurs des écoles, les directeurs et les enseignants spécialisés en ULIS. Or il ne peut y avoir d’école inclusive sans préparation et concertation, en amont et tout au long du parcours inclusif de l’élève.

M. Christophe Premat. À la fin de votre rapport, madame Pompili, vous appelez de vos vœux la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée. Vous montrez que le rôle des quelque 75 000 auxiliaires de vie scolaire est essentiel. Leur formation est donc cruciale. Peut-on envisager une professionnalisation de leur rôle avec, à la clé, la transformation de leur poste en CDI ? Cette professionnalisation est primordiale, notamment pour aider les enfants qui présentent un handicap moins visible. La question de la formation concerne aussi les professeurs des écoles, premier pilier de la refondation de l’école. À ce titre, je précise que l’amendement déposé par Benoît Hamon, que j’ai cosigné, n’incrimine en rien les professeurs de classes préparatoires : il prévoit simplement une baisse de la rémunération des colles.

Dans votre panorama de la recherche sur le sport, madame Dion, vous vous limitez au domaine de la santé publique. J’aurais aimé en savoir plus sur les possibilités de lever des fonds pour financer des recherches en matière de lutte contre les discriminations. Le Conseil national du sport, « parlement » du sport, émet des recommandations en la matière. Y a-t-il une articulation étroite entre ce conseil et les laboratoires de recherche pour affiner une véritable stratégie nationale en matière de sport ? Quid des projets européens de recherche qui pourraient justifier cette levée de fonds ?

Le diagnostic que vous portez sur le patrimoine immobilier universitaire, madame Lang, est alarmant. Votre rapport a le mérite de montrer les limites du modèle actuel. Il est d’autant plus nécessaire de rénover et d’adapter ce patrimoine que l’on affiche un objectif ambitieux en matière d’accès aux études supérieures. Force est de constater que nos locaux ne sont ni adaptés ni préparés à cette massification voulue des publics. En ce qui concerne la mise aux normes, il faut aussi tenir compte des normes énergétiques, conformément à la loi relative à la transition énergétique, et des normes en matière d’accessibilité.

Je reviens sur les limites du modèle que vous décrivez. Que pensez-vous de la proposition de faire des partenariats public-privé ? Comment lever des fonds pour créer de véritables campus, qui dynamiseraient la vie étudiante ? Les locaux sont sur-occupés à certaines périodes de la semaine, mais sous-occupés à d’autres. Les fonds de roulement sont en deçà des limites conseillées. Comment associer l’État et les collectivités territoriales à une forme de mécénat universitaire, qui reste très modeste, afin de rénover et d’adapter ce patrimoine ? Il arrive que les dépenses immobilières et de fonctionnement empêchent de véritables investissements dans la recherche et l’innovation, ce qui est toujours alarmant.

Mme Valérie Corre. Merci, mesdames les rapporteurs, de vos intéressants rapports. Je vous remercie, madame Pompili, d’avoir choisi l’inclusion à l’école primaire comme thème de votre rapport : il s’agit d’un aspect essentiel de la refondation de l’école. Je vous félicite aussi pour la richesse de ce rapport.

Parler d’inclusion, c’est parler de l’accueil de tous les élèves. Précisons, ainsi que vous l’avez fait dans votre rapport, qu’il peut s’agir non seulement d’enfants en situation de handicap, mais aussi, entre autres, d’enfants précoces, allophones ou souffrant d’un trouble « dys » – dyslexie, dysphasie, dyspraxie.

L’inclusion scolaire, qui permet d’assurer la dimension égalitaire de notre école en « donnant à tous les chances de progresser dans les apprentissages », ainsi que vous l’écrivez dans votre rapport, donne du sens aux investissements que nous réalisons depuis 2012 en matière éducative à travers les différents budgets que nous adoptons. Le budget de l’enseignement scolaire connaîtra une hausse en 2016. Pour le sujet qui nous occupe, cela se traduira par la création de plus de 350 AESH et de plus de 10 000 contrats aidés.

Au-delà de la dimension budgétaire, la réussite de l’inclusion dès l’école primaire passe par la mobilisation de tous les acteurs de l’éducation, des parents d’élèves aux enseignants. À cet égard, madame la rapporteure, vous évoquez la place insuffisante accordée à la thématique de l’inclusion scolaire dans les concours et la formation des enseignants. Les enseignants ont-ils eux-mêmes formulé des propositions à ce sujet au cours de la table ronde que vous avez organisée dans le cadre de vos auditions ?

Par ailleurs, vous proposez de désigner dans chaque école un « maître ressources inclusion », qui interviendrait en appui de l’enseignant de la classe ordinaire et comme relais entre les différents partenaires, dont les parents. On ne peut que souscrire à cette proposition sur le papier. Selon vous, l’enseignant qui assurera cette mission devra être rémunéré, voire bénéficier d’une décharge. Avez-vous pu évaluer, au moins dans les grandes lignes, le coût de votre proposition ?

Mme Martine Faure. Pour ma part, monsieur le président, j’avais bien constaté que les budgets de l’enseignement et de la recherche étaient aux mains de trois femmes, sans parler de la ministre de l’éducation nationale ! Cela nous remplit d’espoir. Merci, mesdames les rapporteures.

Merci, madame Pompili, d’avoir choisi comme sujet de votre rapport l’accueil de tous les élèves au sein de l’école de la République. Comment cet accueil a-t-il évolué depuis l’impulsion donnée par la loi pour la refondation de l’école ? Vous avez dressé un état des lieux sans concession de l’école primaire dite inclusive. Le terme « inclusive » heurtant quelque peu l’oreille, je préférerais d’ailleurs que l’on parle d’« école pour tous ». De même, il est souvent question d’écoles ou de zones « prioritaires », alors que l’éducation doit être prioritaire partout.

Pour avoir eu des enfants en inclusion ou en intégration dans ma classe, ce qui relevait à l’époque du parcours du combattant, je peux dire que beaucoup d’efforts ont été faits en matière d’accueil de ces élèves depuis quinze ans.

Vous le rappelez avec beaucoup d’énergie et de détermination, madame la rapporteure, chaque enfant doit trouver à l’école toutes les conditions pour apprendre et progresser. L’intégration, je le dis avec force, est une grande chance non seulement pour l’enfant en difficulté, mais aussi pour tous les autres élèves, qui apprennent ainsi à vivre ensemble. L’expression « s’enrichir des différences » prend ici tout son sens. Nous devons tous continuer à œuvrer sans relâche, ainsi que vous le faites ce matin, afin que l’école obtienne tous les moyens nécessaires pour que chaque enfant soit accompagné vers sa propre réussite. Merci, madame la rapporteure, et au travail, chers collègues !

M. Stéphane Travert. Je tiens à souligner, madame Pompili, la qualité de votre rapport et de vos conclusions sur l’école primaire inclusive ou « pour tous », selon la jurisprudence Martine Faure ! Je salue également le budget alloué à l’enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2016 : avec 47,99 milliards d’euros, l’éducation est le premier budget de l’État pour la deuxième année consécutive. Il est important de le rappeler.

L’objectif de l’école est de donner à chacun les chances de progresser dans les apprentissages. C’est pourquoi l’inclusion scolaire est aujourd’hui l’un des principaux défis de notre système éducatif. Plus d’enseignants, un meilleur temps scolaire, de nouveaux programmes : tels sont les chantiers que nous devons mener à bien pour remplir cet objectif majeur du quinquennat.

Dans votre rapport, vous portez votre attention sur le dispositif essentiel des RASED. Vous soulignez à juste titre que la précédente majorité a « décimé à bas bruit les effectifs » de ces équipes spécialisées. Vous parlez même de « saignée », terme auquel je souscris, puisque le nombre de poste dans les RASED est passé de 14 431 en 2007 à 9 342 en 2012.

La circulaire du 18 août 2014 a clarifié les missions de ces enseignants spécialisés et redéfini les contours de cette profession. Au regard du travail que vous avez conduit, de quelle façon les enseignants spécialisés se fondent-ils dans les équipes pédagogiques afin de soutenir les élèves en difficulté ? Comment le dispositif pourrait-il être renforcé à l’avenir ? Quel regard portez-vous sur le devenir de ces accompagnements aujourd’hui indispensables ?

M. Pascal Demarthe. Je vous remercie, madame Pompili, de votre très intéressant rapport. « C’est à l’école de s’adapter aux besoins et aux différences de l’enfant, et non à l’enfant de se fondre dans la “normalité” présupposée de l’élève tel que le rêve l’institution scolaire. » Je cite l’introduction de votre rapport avec d’autant plus d’enthousiasme que ce principe est aussi le mien. À mes yeux, le concept d’école inclusive doit être le fil conducteur de nos réflexions sur l’école et le handicap. Vous abordez ce sujet plus précisément dans un chapitre dédié et constatez que de plus en plus d’élèves en situation de handicap sont accueillis par l’école depuis 2005.

Vous connaissez mon intérêt pour la question de l’école et du handicap. Avec d’autres parlementaires, j’ai participé, le 16 juin 2015, à une table ronde sur ce sujet. Chacune et chacun d’entre nous constate, dans sa circonscription, un déficit important de places, qui compromet gravement l’accueil des enfants les plus en difficulté. Le manque de places en IME, souvent vérifié, plaide pour que les enfants qui sortent d’une CLIS poursuivent leur scolarité en milieu scolaire avec un auxiliaire de vie. En outre, certains établissements spécialisés en surcapacité risquent de perdre leur agrément pour des raisons de sécurité parfaitement compréhensibles. Selon vous, madame la rapporteure, le budget de l’enseignement scolaire pour 2016 permettra-t-il de répondre à ces problèmes et de soulager ainsi la détresse des parents, au-delà du nécessaire respect de l’égalité de toutes et de tous en matière d’éducation ?

Mme Brigitte Bourguignon. Je vous remercie, mesdames les rapporteures, pour la qualité de vos travaux. Je vous félicite, madame Pompili, d’avoir choisi le thème de l’école « pour tous » – plutôt qu’« inclusive », pour aller dans le sens de Martine Faure. L’école n’est plus épargnée par les problèmes économiques et sociaux massifs qui affectent notre pays. Vous avez su faire la part des choses entre les résultats que nous avons obtenus dans notre travail de reconstruction de l’école républicaine et les efforts qu’il nous reste à accomplir pour permettre la réussite des élèves qui rencontrent le plus de difficultés au sein de notre système scolaire.

Je souhaite mettre l’accent sur les questions de pauvreté, que vous avez vous-même évoquées. Vous avez notamment auditionné M. Jean-Paul Delahaye, qui a remis en mai dernier un rapport plus que remarquable sur la grande pauvreté et la réussite scolaire. En partant des réalités quotidiennes, il aborde la question des apprentissages et du décrochage scolaire, mais aussi l’impact de difficultés liées à la santé, au logement, à l’alimentation et même aux vêtements, que nous évoquons moins et que nous sous-estimons souvent. Ce matin même, la ministre de l’éducation nationale préside une conférence nationale destinée à mobiliser les académies pour mettre en œuvre les principales recommandations du rapport. Parmi ces mesures, nous devons être particulièrement attentifs à celles qui concernent l’école primaire.

Ainsi que vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, nous devons consolider les dispositifs d’inclusion scolaire. Nous avons l’objectif ambitieux de scolariser 50 % des enfants de moins de trois ans dans les réseaux d’éducation prioritaire. Dans votre rapport, vous citez d’ailleurs l’exemple de mon département, le Pas-de-Calais, où l’observatoire départemental de l’école maternelle fait un très bon travail sur la question.

Je viens moi-même de remettre au Premier ministre un rapport sur le travail social. J’y préconise notamment de favoriser l’intervention des éducateurs de jeunes enfants dans les écoles maternelles, afin de faciliter la socialisation et la découverte des apprentissages, ainsi que cela se fait dans de nombreux pays européens. De la même manière, on pourrait imaginer l’intervention d’éducateurs spécialisés dans les écoles primaires. Qu’en pensez-vous ?

Mme Sylvie Tolmont. Je salue, à mon tour, le travail de nos excellentes rapporteures. Madame Pompili, votre travail très riche apporte un éclairage précieux sur l’école primaire inclusive ou « pour tous », pour reprendre les termes de Martine Faure, ou, plus précisément encore, « adaptée à tous ». C’est un sujet majeur, au cœur de l’ambition de réussite éducative pour tous défendue par notre gouvernement. Cette année encore, les crédits alloués à l’enseignement scolaire sont en hausse. Ils permettront d’accompagner l’an III de la refondation de l’école, grande réforme courageuse et nécessaire que mène notre gouvernement depuis 2012.

Votre rapport souligne que l’école peine à prendre en compte et à vaincre les difficultés scolaires et d’apprentissage de certains élèves. Ainsi que vous l’avez rappelé, j’étais l’année dernière rapporteure pour avis pour les crédits de l’enseignement scolaire. Dans ce cadre, j’avais consacré mon rapport à l’enseignement adapté dans le secondaire. J’avais notamment plaidé pour une plus grande inclusion et une meilleure formation des enseignants face à la grande difficulté scolaire. Vous faites aujourd’hui le même constat, avec autant de gravité. Je partage votre point de vue : l’inclusion s’impose comme le principal défi de l’école. La loi de 2013 a posé cette exigence associée à celle de la mixité. La construction d’une école pour la réussite de tous demeure notre premier combat. Je me réjouis de votre soutien à ces orientations, ainsi qu’aux avancées permises par la loi.

Dans ce contexte, vous rappelez que le professionnel de l’apprentissage et le garant de l’inclusion de tous les élèves est précisément le maître de la classe ordinaire. À cet égard, vous appelez à une refondation de la formation des enseignants, car vous craignez que les ESPE forment trop peu aux besoins éducatifs particuliers et déplorez que ces enjeux ne soient pas assez pris en considération dans le cadre de la formation continue. Là encore, je partage vos préoccupations, que j’avais soulignées dans mon rapport. Convaincue du caractère essentiel de la formation des enseignants et de la nécessité de développer la pédagogie différenciée – dont on parle trop peu de mon point de vue –, vous appelez également de vos vœux des évolutions institutionnelles afin d’agir sur les pratiques. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces évolutions ? D’autre part, quelles sont vos pistes pour inciter les ESPE à intégrer la formation concernant la difficulté scolaire au tronc commun pour tous les futurs enseignants, plutôt que d’en faire un domaine de spécialisation ?

Mme Régine Povéda. À mon tour, je salue l’excellent travail de nos collègues rapporteures. Madame Pompili, je vous remercie d’avoir choisi le sujet particulièrement important de l’école « pour tous » – j’adhère à l’opinion de Martine Faure. Je prends note des avancées en matière d’accompagnement des élèves en difficulté, en situation d’exclusion ou en situation de handicap. L’éducation nationale fait des efforts sans précédent pour améliorer la scolarisation de ces derniers en milieu ordinaire.

Dans votre rapport, vous vous concentrez sur l’école primaire. Je souhaite néanmoins vous interroger sur la situation des élèves après l’école primaire. L’accueil des élèves dans les établissements sous tutelle du ministère de la santé baisse dans le secondaire. A-t-on une explication à ce sujet ? De nombreuses familles se retrouvent sans solution. Tel est le cas dans mon village, Meilhan-sur-Garonne : les jeunes concernés ne peuvent pas être scolarisés ou rencontrent des difficultés pour être accueillis dans les IME, trop peu nombreux en Lot-et-Garonne. Dans le secondaire, le manque d’accompagnants disponibles et de places dans les structures telles que les IME est cruel. Selon vous, est-il possible d’améliorer cette prise en charge, dans l’intérêt des enfants et de leur famille ?

Mme Colette Langlade Dans votre rapport, madame Dion, vous illustrez parfaitement tout l’intérêt qu’il y a pour notre pays à accroître la recherche scientifique dans le domaine du sport. Il s’agit d’innover dans les pratiques sportives, d’améliorer les conditions d’activité pour les sportifs professionnels et amateurs ou encore de renforcer les contrôles en matière d’équité sportive. Vous montrez également comment se répartissent les unités de recherche en STAPS sur le territoire. La nouvelle grande région Aquitaine en comptera deux, une à Bordeaux et une à Poitiers. Dans le cadre de vos travaux, avez-vous pu évaluer la place de la France en matière de recherche sur le sport par rapport à ses voisins européens ?

M. le président Patrick Bloche. Mesdames les rapporteures, je vous redonne la parole pour répondre aux questions qui vous ont été posées.

Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche. Monsieur Premat, madame Doucet et madame Langlade, la vision actuelle est, en effet, réductrice : le sport est envisagé uniquement comme un facteur de bien-être, et la recherche sur le sport est rattachée, de ce fait, au défi « santé et bien-être » de la nouvelle stratégie nationale de recherche. Je suis tout à fait d’accord avec vous, il est nécessaire de passer à une approche plus globale et intégrée. Nous pourrions faire du sport un objet de recherche autonome, afin qu’il soit traité dans toute sa dimension, en particulier dans sa dimension humaniste, en effet essentielle. Tel était d’ailleurs l’objectif de mon rapport : montrer que beaucoup de choses étaient faites dans le domaine du sport, mais qu’elles étaient mal connues, car elles restaient enfermées dans des circuits trop confidentiels – je suis allée « débusquer » des informations –, et essayer de faire prévaloir une vision plus générale et intégrée du sport.

S’agissant du budget de la recherche, madame Doucet, je comprends des annonces du Gouvernement qu’il serait, au mieux, sanctuarisé en 2016. Cependant, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les observations de mon collègue Patrick Hetzel : si l’on supprime des crédits par la suite, ces promesses, pourtant minimales, ne seront même pas tenues. Nous aurons probablement une discussion sur ce point dans le cadre de la commission élargie.

Madame Attard, nous sommes, bien sûr, tous d’accord pour renforcer les crédits récurrents. Pour autant, selon moi, il ne faut pas supprimer le crédit d’impôt recherche, car c’est grâce à lui que les laboratoires trouvent des entreprises qui leur confient des activités de recherche sur contrat. C’est très important. Il faut maintenir ce dispositif, tout à fait compatible avec le renforcement des dotations.

Madame Buffet, l’identification d’une nouvelle molécule dopante par le laboratoire de Châtenay-Malabry permet à la France d’être, encore une fois, aux avant-postes en matière de lutte contre le dopage. Quant au sport à l’université, nous pourrions en parler longuement, mais c’est un tout autre sujet.

M. le président Patrick Bloche. C’est une idée de thème pour un rapport.

Mme Barbara Pompili, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement scolaire. L’école est aujourd’hui le miroir de notre société. En France, nous avons tendance à vouloir cacher la différence, contrairement à ce qui peut se passer à l’étranger. Pendant très longtemps, l’école a eu cette tendance. Aujourd’hui, même si une vraie démarche d’inclusion est menée depuis 2005, et s’est accentuée en 2013, elle doit faire face à de lourdes résistances.

Un exemple assez révélateur est l’accessibilité des bâtiments. J’ai été sidérée d’apprendre, lors d’une audition, qu’un quart des nouveaux bâtiments scolaires construits depuis 2008 ne sont pas accessibles, alors qu’ils ont été construits trois ans après la loi de 2005. Cette aberration montre à quel point la nécessité de l’accessibilité et de l’inclusion
– même si j’entends les réserves de Martine Faure sur ce terme – n’est pas encore spontanée. C’est encore quelque chose qu’il faut un peu forcer.

On le voit à l’école. De par une longue tradition, le maître y est seul face à sa classe. Quand un enfant sort de la norme, pour quelque raison que ce soit, il considère que s’en occuper n’est plus de son rôle et que cela revient à des enseignants spécialisés ou des structures. C’est tout cet état d’esprit qui est à revoir, et cela prendra du temps – je ne m’attendais pas à ce que tout change d’un coup de baguette magique. Je constate néanmoins que la volonté de changement est là, et c’est très important.

Comment faire changer les choses ? Le point absolument essentiel est d’abord la construction du travail en équipe. Les professeurs doivent apprendre à décloisonner, les systèmes médico-sociaux doivent se rapprocher de l’école, et tous les acteurs doivent travailler ensemble. Une fois encore, les habitudes de cloisonnement sont très fortes, et il faut changer cela.

Il a fallu faire accepter aux professeurs la présence des auxiliaires de vie scolaire dans les classes, les AESH aujourd’hui. S’ils sont désormais acceptés, nous avons plusieurs problèmes les concernant. Leur professionnalisation, tout d’abord. La majorité des accompagnants ne sont pas des AESH professionnels, mais des contrats aidés, qui n’ont pas eu la formation suffisante. Or nous voyons bien que l’école inclusive ne saura se passer des AESH, et des AVS de façon générale, il faudra donc bien pérenniser ces postes. Aujourd’hui, on nous répond que cela coûte trop cher, je l’entends mais je constate aussi que l’on est obligé de reconduire ces postes d’une année sur l’autre : c’est bien qu’ils sont nécessaires. Leur nombre a vocation à plafonner, et il faut maintenant pérenniser et professionnaliser ces postes.

Par ailleurs, il faut faire attention à une tendance actuelle à attribuer des AVS à tous les élèves en difficulté. Il y a des AVS absolument nécessaires : le parent d’un enfant autiste m’a dit un jour que l’AVS était comme son fauteuil roulant. Imagine-t-on de demander à un enfant non-valide de renoncer à son fauteuil roulant sous prétexte de gagner en autonomie ? Évidemment pas. Les AVS sont donc indispensables, et il faut les garder. Mais un travail de coordination, en équipe, doit être fait pour analyser les besoins spécifiques de chaque élève. S’ils montrent l’utilité d’un AVS, il faut le prendre, mais il est souvent largement suffisant de mettre en place des adaptations pédagogiques. Et pour les mettre en place, il faut ce travail en équipe.

C’est à ce stade qu’entre en compte le rôle des RASED. Leur nombre a beaucoup diminué, et, de plus, les trois catégories de personnel qui les constituent ne sont pas toujours représentées, ce qui pose de grosses difficultés pour faire travailler tout ce monde ensemble. Un professeur, même très bien formé sur le handicap ou la différence, ne va pas pouvoir répondre à tous les besoins spécifiques des enfants ; ce n’est pas possible. Si l’on veut qu’il mette en place des pédagogies adaptées, il doit le faire en partenariat avec des professionnels. Les RASED peuvent jouer ce rôle de conseil et de transfert d’expérience auprès du professeur de l’école, qui reste évidemment maître dans sa classe. Pour cela, il faudrait augmenter leur nombre, leurs effectifs sont bien insuffisants. La mise en place d’un pôle de ressources départemental et d’un « maître ressources inclusion » pour jouer le rôle de courroie de transmission, que je propose, permettrait de fluidifier tout cela. Aujourd’hui, certains professeurs qui ont dans leur classe un élève en difficulté se retrouvent démunis. C’est la fluidité du travail en équipe qu’il faut absolument améliorer.

S’agissant de la formation, je n’irai pas aujourd’hui jusqu’à dire, comme Xavier Breton, que les ESPE sont une occasion manquée. Elles pourraient le devenir, mais l’intérêt d’un rapport d’étape est justement de pointer les possibilités d’amélioration pour décider ce qu’il faut réorienter. Certaines vieilles habitudes tardent à disparaître, et particulièrement l’attachement à la discipline : un bon professeur doit avoir de bonnes bases dans les matières telles que les mathématiques, le français ou l’histoire, et il est trop jugé sur ce point. Les choses se sont un peu améliorées pour le primaire : au concours, il y a maintenant un module plus spécifique sur la pédagogie. Il n’empêche que ces apprentissages sont encore annexes. On n’apprend pas à prendre en compte le public qui nous fait face, or c’est le point nodal de la problématique de l’école inclusive. L’enseignant se retrouve complètement démuni devant des élèves en difficulté parce qu’il n’a pas été formé à faire face à la différence. Son métier, tel qu’il le perçoit, c’est de bien transmettre du français, des mathématiques, de bien apprendre à lire et à écrire à des enfants qui vont rester dans le cadre. Hors de ce cadre, beaucoup d’enseignants pensent que ce n’est plus leur métier.

C’est précisément toute la question : quel est le métier de l’enseignant ? C’est de pouvoir apporter des réponses à tous les élèves, y compris les plus éloignés. Isabelle Attard parlait du polyhandicap, qui est vraiment un cas extrême. Ce sont les situations les plus éloignées d’une scolarisation normale. Cela dit, il me semble important de rapprocher même ces enfants-là des structures scolaires.

Cela m’amène à la question des IME et des établissements médico-sociaux. Les établissements médico-sociaux ont pour habitude de travailler séparément. Un effort est en cours sur ce point, et je salue ce qui a été fait s’agissant des ULIS-écoles. Plutôt que de parler d’externalisation, je préfère employer le terme d’internalisation : cela consiste à faire venir les établissements médico-sociaux dans les écoles. Même si ces enfants ne pourront pas être intégrés dans des classes ordinaires, qu’ils soient physiquement localisés dans l’école montre qu’ils sont à leur place dans l’école de la République. Qu’on leur dispense ensuite des pédagogies très différenciées, c’est une évidence, mais il s’agit des cas extrêmes. La grande majorité des autres enfants en situation de handicap ont vocation à être intégrés dans des classes ordinaires, avec des mécanismes de sas – par exemple des ULIS, ou dans le cas des enfants allophones que l’on ne peut pas lâcher en classe sans un temps d’adaptation. Mais tout cela demande un réel travail en équipe.

Aujourd’hui, le manque de places est problématique. Tout d’abord, parce que l’on ne prend pas assez en compte le handicap de manière générale, on ne se donne pas les moyens de créer un nombre de places suffisant. C’est ainsi que l’on se retrouve dans une situation complètement aberrante, qui fait dépenser des sommes folles à notre sécurité sociale pour utiliser des places en Belgique. Je vais d’ailleurs proposer, avec certains collègues, un amendement, qui relaie une proposition de l’UNAPEI sur la question, pour sanctionner chèrement cette pratique, alors que le financement de ces places en France permettrait de créer des emplois.

De plus, parce que l’on n’a pas suffisamment adapté l’école au handicap et à la différence, on envoie dans des structures spécialisées des enfants qui n’ont pas vocation à y être. A contrario, on envoie dans des classes ordinaires, avec des AVS, des enfants qui auraient besoin d’être en IME mais qui n’y ont pas de place. On prétend qu’il s’agit d’inclusion alors que cela ne fonctionnera pas parce que la pédagogie n’est pas adaptée et que les professeurs ne sont pas formés. Les enfants se retrouvent alors très vite déscolarisés, à la charge de parents complètement désemparés.

Marie-George Buffet a soulevé la question de la médecine scolaire. C’est un vrai problème, car pour mettre en place des accompagnements personnalisés, il est aujourd’hui nécessaire d’avoir le visa du médecin scolaire. Le nombre de médecins scolaires diminue fortement, et le problème de remplacement des départs en retraite va se poser : la moitié des effectifs sera concernée dans les cinq ans à venir. Or, en 2014, un tiers des postes ouverts au concours n’a pas été pourvu faute de candidats. Il y a un problème d’attractivité et de rémunération sur lequel il faudra travailler, et une redéfinition du statut semble nécessaire : les médecins scolaires sont très absorbés par des tâches administratives, il faudrait les recentrer sur leur métier. Des expérimentations ont été mises en œuvre, notamment en Seine-Saint-Denis, pour faire venir travailler des internes en médecine dans les services de médecine scolaire. C’est une expérimentation ; nous verrons si elle produit des résultats intéressants.

La question du coût a été soulevée, et Claudine Schmid a parlé de l’amendement de Benoît Hamon. Ne l’ayant pas lu, je ne répondrai pas particulièrement sur ce point. Mais l’un des problèmes que rencontrent les professeurs est que, quelle que soit leur attitude à l’égard de l’innovation pédagogique ou de l’expérimentation, cela ne change strictement rien à leur carrière ni à leur rémunération. Or l’école inclusive demande précisément de tels efforts, et il faut valoriser les professeurs qui se donnent beaucoup de mal, réfléchir à leur carrière et à leur rémunération à l’aune de tout ce travail. Beaucoup nous ont dit lors des auditions être découragés par l’absence d’aboutissement de leurs efforts et de débouchés d’expérimentations intéressantes, et par le manque de soutien de leur administration. Ces nombreuses richesses dans nos différents établissements, il faut en tirer bénéfice. Il y a vraiment un effort à faire.

Pour la formation initiale, un travail important doit être réalisé par les ESPE. Pour la formation continue, il faut prévoir des décharges horaires pour que les professeurs puissent se former. Valérie Corre a posé une question sur les « maîtres ressources inclusion », et le coût de ce dispositif. Il n’a pas été possible de faire une évaluation précise, mais une évaluation rapide sur le fondement de deux heures de décharge horaire par semaine dans les 52 000 écoles induirait un coût de l’ordre de 150 millions d’euros.

L’école inclusive a donc indéniablement un coût, mais c’est un investissement. Toutes les prestations qu’il faudra offrir aux enfants qui, devenus adultes, ne seront pas autonomes, seront en échec, hors du système professionnel, représentent aussi des coûts à mettre en regard de ceux d’une école inclusive. Puisque l’école est le reflet de la société, je souhaite qu’elle devienne un exemple de société pour tous, une société qui fait de la place à tous les enfants, sans cacher ceux qui sont en situation de handicap, pour qu’ils ne soient pas regardés par les autres comme des extraterrestres. Ce sont des enfants comme les autres, et comme tous les enfants, ils ont leurs spécificités.

Mme Anne-Christine Lang, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Je me félicite que mes collègues aient été sensibles aux forts enjeux financiers liés au thème que j’ai choisi pour mon rapport. Sur un sujet sur lequel on accumule des retards depuis des décennies, il faut se garder de toute arrogance, car chacun porte sa part de responsabilité. Nous n’allons certainement pas apporter toutes les réponses dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, mais j’espère que nous allons commencer à améliorer la situation.

Mme Buffet m’a interrogée sur le paradoxe qui existe entre la sous-occupation des locaux dont j’ai fait état et les photos d’amphis bondés qui circulent. C’est le résultat de la conjugaison de l’extrême diversité des situations et des pics d’activité sur la semaine et sur l’année. Les amphis sont bondés du mardi au jeudi, et entièrement vides les lundis et vendredis. La répartition sur l’année est du même ordre. C’est pourquoi le rapport souligne l’adaptation très mal pensée des locaux à l’utilisation pédagogique, et appelle à un effort de rationalisation.

Mme Buffet plaidait pour un plan d’urgence en faveur de l’immobilier universitaire ; nous préconisons, pour notre part, d’avancer, sous certaines conditions, dans la dévolution. Ainsi les besoins immobiliers seront-ils fléchés puisque la subvention ne sera plus fondue dans la dotation globale. D’une certaine façon, la dévolution répond à l’urgence.

Quelques chiffres concernant la sous-occupation : on estime que le taux d’occupation des locaux dédiés aux étudiants dans les universités est de l’ordre de 70 %, mais sur une occupation optimale calculée à 1 120 heures par an, contre 1 900 heures pour les lycées et 2 500 heures pour les administrations. Il y a donc une énorme marge de progression.

S’agissant des équipements sportifs, comme le pressentait Mme Buffet, la situation est également assez préoccupante. L’état du patrimoine sportif des universités correspond à peu près à celui du patrimoine global : 10 % du patrimoine est en état « E », c’est-à-dire très dégradé, et 31 % en état « C » et « D », mauvais.

Pour répondre à M. Bréhier sur l’inadaptation des locaux à la pédagogie, il est vrai que la modularité des locaux devient la norme. C’est une donnée importante que les universités doivent intégrer dans leur réflexion sur le devenir des salles, dans le cadre de la pédagogie inversée. Je cite dans mon rapport l’exemple de l’université de Grenoble où l’amphithéâtre de la première année commune aux études de santé a été scindé en deux salles entièrement modulables, qui permettent de faire des cours magistraux mais aussi du travail en petit groupe. Ainsi, les étudiants prennent connaissance du cours, notamment par internet, et viennent à l’université pour obtenir des explications, approfondir ou faire des exercices. De fait, le modèle de l’amphithéâtre en devient obsolète. Dans le cadre de cette réflexion sur l’adaptation de l’immobilier à l’évolution des usages, le ministère a mis en place en son sein une mission d’expertise et de conseil pour accompagner les universités dans cette stratégie immobilière de long terme. On peut regretter que, pour l’heure, une seule université y ait fait appel.

Je ne pense pas, comme l’a suggéré Mme Attard, que le rapport préconise le recours massif aux emprunts. Nous nous contentons de proposer que l’accès à l’emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations soit élargi aux universités qui ne font pas partie du plan Campus. D’autant que ce sont des dépenses qui assurent un retour sur investissement, puisqu’elles sont largement consacrées aux économies d’énergie et au développement durable. Quand on voit la piètre qualité énergétique des bâtiments, c’est une nécessité.

Je conviens qu’il faudrait veiller à ne pas totalement dévoyer la vocation des locaux universitaires s’ils étaient loués. L’organisation des summer schools en Angleterre, à destination des étudiants et des élèves étrangers venus apprendre l’anglais pendant la période estivale, permet, semble-t-il, tout à la fois de préserver cette vocation et de dégager des ressources importantes. Si les universités françaises se lançaient dans des plans ambitieux pour l’enseignement du français sur ce mode, tout le monde y trouverait son intérêt.

Ce type de location reste toutefois anecdotique et ne permettra pas de faire face aux besoins considérables des universités. La piste de la formation professionnelle semble nettement plus prometteuse. On pourrait imaginer par exemple que l’intégralité de la formation continue des médecins soit organisée à l’université. Outre l’apport de recettes importantes, cela aurait un vrai sens citoyen en replaçant l’université au centre de la formation professionnelle, élargie au-delà de celle des enseignants.

Tout en renvoyant les débats approfondis sur les questions budgétaires à la commission élargie, je précise qu’une grande partie des annulations de crédits des contrats de plan concernent des projets dont la maturité était insuffisante. Il arrive souvent, pour ce type d’investissements de long terme, que les projets tardent à trouver un montage satisfaisant et accumulent du retard. Les crédits annulés de ce fait ont été reprogrammés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 : 138 millions d’autorisations d’engagement supplémentaires ont été affectés à l’immobilier.

S’agissant de la dévolution que M. Hetzel appelle de ses vœux, c’est-à-dire le transfert du patrimoine de l’État aux universités, il ne concerne pour l’instant que les trois universités qui se sont portées candidates pour l’expérimentation. Actuellement, beaucoup d’universités ne sont pas prêtes à gérer ce patrimoine, car cela suppose d’avoir mené une réflexion approfondie, tant du point de vue pédagogique qu’immobilier, donc une administration et un travail extrêmement important en amont.

Quant aux 500 millions nécessaires à la remise en état, dont je fais état dans le rapport, il faut bien comprendre que, sauf à creuser immédiatement le déficit de 500 millions supplémentaires, ils ne peuvent être inscrits dès le présent projet de loi de finances. En attendant, le financement peut être assuré à travers la troisième phase du programme d’investissements d’avenir et la poursuite de la dévolution, notamment en direction des COMUE, de manière à faire entrer les universités qui ont déjà fait des efforts de rationalisation, de mutualisation et de fusion dans un cercle vertueux.

Enfin, il faut diffuser les bonnes pratiques, qui sont encore très peu répandues. L’exemple d’adaptation et de modularité des locaux à Grenoble reste exceptionnel, les efforts de mutualisation sont trop rares, et seule l’université de Caen a sollicité la mission d’expertise du ministère. Les universités peinent à rentrer dans la logique de rationalisation et de mutualisation du patrimoine immobilier, alors que, le rapport le montre, il y a urgence.

Une précision s’agissant des 100 millions d’euros prélevés dans les fonds de réserve des universités : seules ont été visées celles qui accumulaient des réserves excessives et réalisaient le moins d’investissements, donc qui entretenaient relativement mal le patrimoine. Cette ponction ne sera pas reconduite en 2016. Il faut continuer à encourager les universités à utiliser leurs réserves pour investir massivement, notamment dans les restructurations et réhabilitations immobilières, et pas seulement dans des constructions neuves, même si elles font très plaisir aux élus.

Pour finir, il est vrai, madame Martinel, qu’avant 2007 et la mise en place de l’autonomie des universités, les crédits étaient fléchés et la part réservée à l’investissement immobilier était donc sanctuarisée. La dotation globale, qui inclut les investissements immobiliers, a pour effet pervers que les universités en situation inconfortable sont tentées de consacrer ces crédits à d’autres dépenses. Mais nous savons bien que le vrai problème est que l’autonomie n’était pas financée, l’immobilier en fournit un exemple éloquent.

M. le président Patrick Bloche. Merci, mesdames les rapporteures, pour ces très intéressants rapports.

La séance est levée à midi vingt-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 14 octobre 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, Mme Véronique Besse, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Christian Paul, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Franck Riester, M. Paul Salen, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Patrick Vignal

Excusés. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Huguette Bello, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Pascal Deguilhem, M. Guénhaël Huet, Mme Sonia Lagarde, M. François de Mazières, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot

Assistait également à la réunion. – M. Lionel Tardy