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Commission des affaires sociales

Mercredi 18 novembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Examen de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux et Laurent Grandguillaume d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée (n° 3022) (M. Laurent Grandguillaume, rapporteur)

–  Examen de la proposition de loi de M. Yannick Favennec visant à accorder des trimestres complémentaires aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite (n° 2753) (M. Yannick Favennec, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi de M. Thierry Benoit proposant une nouvelle orientation de notre système de retraites (n° 3144) (M. Thierry Benoit, rapporteur)

– Information relative à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 18 novembre 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, vous me permettrez, alors que nous ouvrons cette première séance de commission après les attentats parisiens du 13 novembre, de remercier, en votre nom, les professionnels de santé pour leur mobilisation, et de dire notre gratitude à tous les établissements de santé, aux hôpitaux, bien sûr, mais aussi aux établissements privés, qui ont apporté leur concours lors de ces événements, ainsi qu’aux professionnels libéraux qui ont spontanément proposé leur aide.

Nos pensées vont évidemment aux victimes et à leurs proches. Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés observent une minute de silence).

M. Denis Jacquat. En vous remerciant pour les mots et le geste que vous venez d’avoir, madame la présidente, et sans vouloir provoquer la moindre polémique, je souhaite, dans le prolongement de la question posée hier dans l’hémicycle au Gouvernement par M. Jean-Pierre Door, que durant cette semaine si particulière, les textes qui nous divisent soient mis de côté. Je pense bien évidemment au projet de loi relatif à la santé.

Les professionnels de santé des cliniques privées et du monde libéral nous ont adressé à tous des mails nous indiquant qu’ils avaient levé la grève organisée le vendredi 13 novembre dernier à la seconde même où ils apprenaient que se produisaient des attentats. Ils ne comprennent pas que l’examen d’un texte qui les rebute soit maintenu dans une période aussi délicate. L’unité nationale est toujours difficile à préserver ; il faut prendre garde à ne pas la rompre trop rapidement.

M. Christophe Sirugue. Nous venons d’observer solennellement une minute de silence tous ensemble. Je souhaite que nos échanges se poursuivent dans cet esprit. Toutes les autres considérations, n’ont pas leur place en ces instants. Certaines personnes nous ont envoyé des mails dès dimanche demandant le report d’un texte inscrit à l’ordre du jour. Quel que soit le sujet en question, il ne peut être confondu avec la situation grave dans laquelle nous nous trouvons.

Pour ma part, madame la présidente, je souhaite que nous nous en tenions à cette gravité et à notre ordre du jour. Ne confondons pas des intérêts qui, tout aussi respectables qu’ils soient, restent des intérêts particuliers, avec le contexte dramatique dans lequel nous travaillons.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle qu’au moment même où nous commençons nos travaux, une opération antiterroriste est menée par le RAID à Saint-Denis.

Les décisions prises hier par la Conférence des présidents nous ont amenés à bouleverser l’ordre du jour de notre commission. En effet, la Conférence a repoussé à jeudi le début de l’examen en séance publique du projet de loi relatif à la santé, et elle a avancé d’un jour celui de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Par ailleurs, elle a inscrit à l’ordre du jour de jeudi matin, l’examen du projet de loi relatif à la prorogation de l’état d’urgence.

Outre les réaménagements rendus nécessaires par ces modifications de l’ordre du jour, j’ai décidé, afin que celles et ceux d’entre nous qui souhaitent assister à l’important débat qui se tiendra jeudi matin puissent le faire, d’avancer à ce soir, vingt et une heure trente, l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 – la commission mixte paritaire ayant échoué hier soir.

Je suis parfaitement consciente que ces modifications sont source de difficultés pour le travail parlementaire mais, compte tenu des circonstances exceptionnelles, je suis certaine, mes chers collègues, que vous ne nous ferez pas de procès d’intention concernant l’organisation du travail de notre commission cette semaine. J’ai déjà fait cette demande hier en Conférence des présidents au président du groupe Les Républicains, M. Christian Jacob, et à celui du groupe Union des démocrates et indépendants, M. Philippe Vigier, lorsqu’ils ont demandé le report du projet de loi relatif à la santé.

M. Élie Aboud. Madame la présidente, le projet de loi relatif à la santé qui revient du Sénat fait l’objet d’environ huit cents amendements, et le début de son examen a été repoussé à jeudi. Comment seront organisés nos travaux si nous n’en avons pas terminé vendredi soir ? Siégerons-nous durant le week-end ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. La Conférence des présidents qui doit se réunir à onze heures trente en décidera. Je ne crois cependant pas que cela sera le cas. À mon sens, il serait préférable que nous en terminions vendredi soir, même si la séance doit se prolonger très tard dans la nuit. Je rappelle que nous devons impérativement examiner le PLFSS dans l’hémicycle la semaine prochaine.

La Commission des affaires sociales procède à l’examen de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux et Laurent Grandguillaume d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée (n° 3022), sur le rapport de M. Laurent Grandguillaume.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous en venons maintenant au premier des textes inscrits à notre ordre du jour. La proposition de loi d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée, dont le rapporteur est M. Laurent Grandguillaume, sera examinée en séance publique mardi prochain. Je rappelle que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Le texte dont nous sommes saisis est le fruit d’un travail mené depuis de nombreux mois avec les acteurs de la société civile, qui luttent au quotidien pour la dignité humaine et contre l’exclusion, au premier rang desquels se placent les associations.

Au nom d’ATD Quart Monde, c’est M. Patrick Valentin qui nous a le premier présenté l’idée des « territoires zéro chômage de longue durée », visant à expérimenter au niveau local la création d’emplois accessibles aux chômeurs concernés grâce à des financements innovants. Nous avons également travaillé sur ce sujet avec Emmaüs France, le Secours catholique, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), le Pacte civique, Bleu Blanc Zèbre, et d’autres associations.

Cette proposition de loi n’aurait pu voir le jour sans l’introduction dans la Constitution de l’expérimentation législative locale par la révision du 28 mars 2003 voulue par le Président Jacques Chirac.

Nous croyons que nous n’avons pas tout essayé contre le chômage, et qu’il est possible d’innover dans nos départements et de mobiliser les énergies pour créer des activités « poursuivant une utilité sociale » et répondant à des besoins auxquels il n’a pas été répondu à ce jour. Cette utilité sociale fait référence à la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dont les articles 1er et 2 décrivent les objectifs assignés aux acteurs concernés. Le financement de ces activités repose sur la sortie du chômage de longue durée qui permet aux départements et à l’État de faire des économies. Elle provoque également des externalités positives – moindres dépenses de santé, réduction des problèmes sociaux… Un financement innovant doit donc mobiliser tous ceux qui participent aux dépenses actuelles, mais aussi les acteurs de terrains tels que le service public de l’emploi, les acteurs de l’insertion, les partenaires sociaux, les acteurs économiques. Les collectivités locales sont évidemment concernées au premier chef.

Alors que le chômage de longue durée touche plus d’un chômeur sur deux, et que nous savons que l’éloignement du travail accroît la difficulté de retrouver un emploi, cette proposition de loi vise à proposer aux chômeurs de longue durée volontaire un contrat à durée indéterminée (CDI) dans une entreprise développant une activité dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Dans ce domaine, nous porterons ainsi un modèle économique territorial répondant à des besoins nouveaux et réels, qui permettra le développement d’activités durables et offrira une sécurité à ceux qui vivent depuis longtemps dans la précarité.

Si cette proposition de loi est soutenue par le groupe Socialiste, républicain et citoyen, j’espère qu’elle pourra tous nous rassembler. Dans les territoires dans lesquels des expérimentations ont déjà été engagées, les élus de tous bords travaillent ensemble. Je connais une commune des Deux-Sèvres où le maire Les Républicains poursuit aujourd’hui l’expérimentation mise en place hier par son prédécesseur socialiste.

J’ai proposé une méthode qui a permis la consultation du Conseil d’État et du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Saisi par le président de notre assemblée, le Conseil d’État a rendu un avis, le jeudi 12 novembre dernier. J’ai travaillé en étroite collaboration avec M. Jean Marimbert, rapporteur du Conseil d’État, et j’ai repris les propositions émises dans les amendements que nous examinerons. Le président de l’Assemblée nationale a également saisi le CESE qui a adopté à l’unanimité, le mardi 10 novembre dernier, un avis intitulé Expérimentation « Territoires zéro chômage de longue durée » : les conditions de réussite.

De nombreux experts ont contribué à la réflexion menée en amont de la rédaction de la proposition de loi, parmi lesquels je tiens à citer M. Michel de Virville. Je salue également le travail de M. Dominique Potier, rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et M. Christophe Sirugue, responsable du groupe Socialiste, républicain et citoyen pour ce texte, qu’il accompagne depuis son origine.

M. Christophe Sirugue. La progression importante du nombre de demandeurs d’emploi inscrits au chômage depuis un an ou plus nous mobilise tous – je devrais parler de travailleurs sans emploi, durablement éloignés de l’emploi.

Il est heureux de constater que des projets innovants sont engagés sur le terrain, comme celui porté par ATD Quart Monde sous le nom « Territoires zéro chômeur de longue durée », dont notre collègue Laurent Grandguillaume s’est inspiré pour cette proposition de loi d’expérimentation territoriale.

Ce texte part d’un postulat simple : si les emplois manquent, le travail ne manque pas. Il existe des besoins non satisfaits sur les territoires qui relèvent des travaux d’utilité sociale non pourvus. Ces travaux sont partiellement solvables mais, reconnaissons-le, insuffisamment lucratifs pour le marché classique.

Avant de commenter en détail le dispositif proposé, je veux saluer la méthode employée qui s’appuie sur une double novation.

Une première novation tient à la saisine du Conseil d’État sur le fondement de l’article 39, alinéa 5, de la Constitution. Il s’agit de la quinzième saisine à ce titre depuis 2008, date à laquelle cette possibilité a été créée. Le Conseil d’État a rendu son avis jeudi dernier en Assemblée générale. Ses observations et ses recommandations contribueront à parfaire la qualité juridique du texte : les amendements proposés par notre rapporteur en témoignent.

La seconde novation est liée au caractère expérimental du dispositif. Il ne s’agit certes pas de la première expérimentation en matière de politique de l’emploi. Le contrat de sécurisation professionnelle est par exemple le fruit d’une expérimentation réussie. Toutefois, ce choix est suffisamment rare pour être souligné.

Ces deux novations offrent un parcours singulier à un texte lui-même novateur sur le fond.

Pour reprendre les termes de la Conférence contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de novembre 2012, la proposition de loi tend à « adapter les emplois aux personnes autant que les personnes aux emplois, tout en solvabilisant les besoins des populations ». Dans le cadre d’une loi qui jette les bases d’une première phase d’expérimentation, un fonds national sera mis en place dans dix territoires très localisés. Ce fonds, alimenté notamment par une dotation de l’État et des contributions de toutes les collectivités locales volontaires, apportera une aide financière permettant à des entreprises relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire, au sens des articles 1er et 2 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, de recruter en contrat à durée indéterminée à temps plein ou à temps partiel des chômeurs de longue durée, rémunérés au SMIC et restant inscrits à Pôle emploi. Je note que l’embauche en CDI répond au besoin de stabilité qui caractérise les parcours d’insertion.

Au niveau national, le fonds aura pour mission de superviser le pilotage incombant aux comités locaux, et d’approuver les modalités de fonctionnement et le programme d’actions de ces derniers.

Complémentaire des dispositifs existants, basé sur le volontariat des personnes et des collectivités concernées, ce dispositif est déjà expérimenté aujourd’hui dans cinq territoires. Le texte permettra de sécuriser l’ensemble des projets en cours et à venir.

Enfin, expérimenter c’est évaluer. L’évaluation constitue une pierre angulaire du projet pour permettre de disposer d’un bilan chiffré et analytique de l’expérimentation. Je sais que plusieurs amendements ont été déposés pour modifier la date de remise du rapport d’évaluation. En tout état de cause, la date d’évaluation doit permettre que l’expérimentation soit suffisamment avancée et que l’administration dispose d’un délai acceptable pour élaborer un rapport de fond.

La proposition de loi renverse un paradigme communément accepté d’adaptation de l’offre à la demande, en partant de la demande et des compétences des demandeurs d’emploi pour créer l’offre d’emploi correspondante, tout en prenant en compte les besoins identifiés sur les territoires. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutiendra cette proposition de loi, soutien dont il fait déjà preuve depuis plus d’un an.

Mme Isabelle Le Callennec. Cette proposition de loi s’inspire d’une idée portée depuis longtemps par ATD Quart Monde dont chacun sait ici le rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté. Monsieur le rapporteur, vous avez travaillé avec les grandes associations sur un texte qui a été examiné par le Conseil économique, social et environnemental, qui l’a approuvé en émettant néanmoins quelques réserves – ce qu’il appelle, vous en parliez, les « conditions de réussite ».

Le texte vise à proposer des emplois, qui seraient aujourd’hui non couverts, à des « personnes durablement privées d’emplois ». Dans l’esprit des responsables d’ATD, les intéressés peuvent être bénéficiaires de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou du revenu de solidarité active (RSA), voire d’aucune allocation. Elles peuvent être inscrites ou non à Pôle emploi, être indemnisées ou non. Le CESE a cependant recommandé de ne cibler que les personnes inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an et qui ont épuisé leur droit à indemnisation du chômage – pour mémoire, seulement un tiers des chômeurs de longue durée perçoivent une allocation chômage.

Si elle est adoptée en l’état, la proposition créera une expérimentation pour cinq ans sur une dizaine de territoires volontaires dont certains se sont déjà manifestés.

Le groupe les Républicains est a priori favorable à cette initiative, il se pose cependant quelques questions, sur le type d’emplois proposés, sur le statut des employeurs, sur le financement du dispositif, et sur sa gouvernance.

S’agissant des emplois, ils sont censés être « non couverts » mais ne pas se substituer à des emplois existants. Les responsables d’ATD insistent sur le fait qu’il s’agit d’emplois « supplémentaires », qui ne sont pas proposés aujourd’hui mais qui répondent à un besoin non satisfait d’utilité sociale. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous citer des exemples très concrets, étant entendu que les personnes embauchées s’engagent à poursuivre leur recherche d’emploi et à accepter les offres raisonnables ?

Concernant le statut des employeurs, il est question de créer des entreprises ad hoc ou de s’appuyer sur l’existant dès lors que ces entreprises relèvent de l’économie sociale et solidaire. Quel sera le rôle des entreprises d’insertion par l’activité économique, celui des associations ou encore des agences d’intérim spécialisées dans l’insertion ? Comment ne pas concurrencer les emplois existants, notamment les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) du secteur non marchand ? De quels financements ces entreprises disposeront-elles ?

Les demandeurs d’emploi signeront un CDI. Le travail à temps partiel sera-t-il possible ? La durée de travail hebdomadaire pourra-t-elle être inférieure à vingt-quatre heures ? D’après les responsables d’ATD, la rémunération de ces emplois « conventionnés » ne pourra être supérieure au SMIC, ce qui semble interpeller le CESE qui insiste également sur la nécessité de continuer à accompagner les personnes et de les faire bénéficier de formations.

S’agissant du financement global, dans le projet initial d’ATD, le fonds « zéro chômeur de longue durée » devait permettre de mobiliser la dépense sociale économisée du fait de l’entrée en emploi des personnes embauchées, autrement dit le montant des allocations chômage et des minima sociaux. Or il semblerait que le transfert effectif de cette « non-dépense sociale » vers le fonds soit inapplicable. On s’orienterait donc vers le simple financement des emplois conventionnés par les collectivités locales volontaires et par une ligne budgétaire classique. Les responsables d’ATD avaient espéré une traduction dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 – le redéploiement de moyens dévolus aux contrats aidés aurait permis de financer les cinq cents premiers emplois –, mais le PLF a été voté hier sans ces moyens. Si elle était adoptée, la proposition de loi ne serait donc pas financée.

Enfin, nous nous interrogeons sur la gouvernance du dispositif. Personnellement, je pense qu’il pourra fonctionner à condition que l’initiative soit locale. Les comités locaux des « micro-territoires » piloteront l’expérimentation, identifieront les emplois utiles et recevront les candidats pour identifier leurs motivations et leurs compétences. En revanche, je m’interroge sur le pilotage national et territorial car il est question d’une signature entre l’État, Pôle emploi, et le fonds national de l’aide au logement (FNAL). Pourquoi le FNAL ? Au niveau des territoires, des conventions seraient passées avec les collectivités locales, Pôle emploi, et l’État : il faut prendre garde à la superposition des structures.

Finalement, comme me l’a dit un responsable d’ATD, cette proposition de loi n’est ni de droite ni de gauche ; elle vise à expérimenter une nouvelle approche pour lutter contre le chômage de longue durée qui concerne deux millions et demi de personnes dans notre pays. Le projet initial se voulait innovant ; il ne devait pas s’agir d’un énième dispositif d’emplois aidés pesant sur la dépense publique, mais de la création d’emplois considérés comme utiles, adaptés aux besoins des territoires et dont le coût serait compensé par une économie de dépense sociale. ATD a évalué à 15 000 euros par personne et par an le coût du chômage de longue durée. Les Républicains souscrivent totalement à cet objectif. C’est avec le souci de ne pas en trahir l’esprit que nous examinerons les articles et les amendements. Monsieur le rapporteur, j’ajoute que je regrette que nous ayons travaillé en amont sur votre proposition de loi telle qu’initialement déposée alors que nous découvrons vos amendements, inspirés par le Conseil d’État, qui en proposent une nouvelle rédaction.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la députée, les amendements déposés par M. le rapporteur sont disponibles depuis lundi dernier et ont été transmis à l’ensemble des commissaires, avec l’avis du Conseil d’État.

M. Francis Vercamer. Dans un contexte économique et social difficile où la situation de l’emploi reste particulièrement dégradée, cette proposition de loi a retenu l’attention du groupe Union des démocrates et indépendants pour plusieurs raisons.

Elle nous a d’abord intéressés, parce que le chômage de longue durée, avec le chômage des jeunes et des seniors, est une plaie de notre société. Les chiffres de Pôle emploi indiquaient qu’en décembre 2014, les chômeurs de longue durée constituaient 43,2 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Par ailleurs, c’est la part des demandeurs d’emploi de très longue durée, inscrits depuis plus de deux ans, qui a augmenté le plus ces dernières années.

Ensuite, cette proposition de loi trouve son inspiration dans un travail commun du Parlement et des acteurs de l’insertion, acteurs locaux et reconnus de l’insertion et de l’économie sociale et solidaire, acteurs qui ont une expérience mais aussi une volonté d’innovation.

Le texte a également retenu notre attention parce qu’il s’inscrit, en quelque sorte, dans une démarche d’activation des dépenses passives, une démarche expérimentale qui concerne la réalité des territoires, une démarche enfin qui va pouvoir être évaluée dans le temps et faire l’objet d’un suivi.

Avec cette proposition, on essaie un nouveau dispositif, on se donne une chance de faire mentir le fameux adage qui voulait que « contre le chômage, on a tout essayé ». Pour autant, cette expérimentation qui a reçu un accueil intéressé mais néanmoins vigilant du Conseil économique, social et environnemental, doit pouvoir réunir de nombreuses conditions pour apporter une véritable plus-value aux nombreux dispositifs déjà existants.

Les structures amenées à participer à l’expérimentation en employant des demandeurs d’emploi de longue durée doivent être rassurées sur les conditions financières de leur participation. Dans un contexte financier qui leur paraît souvent encore incertain, il faut qu’elles aient l’assurance que leur participation à l’expérimentation ne sera pas de nature à déséquilibrer leur trésorerie ultérieurement et à leur créer des difficultés qui pourraient, le cas échéant, les mettre en péril.

La question de l’amorçage du fonds d’expérimentation se pose également. Le CESE fait remarquer, dans son avis, que l’expérimentation ne peut être conduite sans un financement spécifique inscrit en loi de finances. Je n’ai rien vu à ce sujet dans la mission concernée du PLF que nous venons de voter en première lecture.

Par ailleurs, le CESE pose une importante question : comment le dispositif va-t-il pouvoir s’articuler avec l’activité des structures d’insertion par l’activité économique dont la vocation naturelle recoupe l’objectif du dispositif proposé ?

La discussion autour de cette proposition de loi nous paraît également devoir préciser les types de bassin d’emploi dans lesquelles le dispositif pourra être expérimenté. Il nous semble notamment que celui-ci doit également s’inscrire dans les territoires en politique de la ville, comme en territoire rural ou péri-urbain.

Des précisions doivent encore être apportées par le texte concernant l’accompagnement social et professionnel du bénéficiaire d’un contrat de travail dans le cadre du dispositif proposé, ainsi que sur les modalités d’accès à la formation professionnelle des personnes embauchées. En effet, s’agissant de demandeurs d’emploi de longue ou très longue durée, l’exclusion du marché du travail s’accompagne très souvent de difficultés connexes qui peuvent constituer des obstacles redoutables à un retour à l’emploi pérenne. On ne peut laisser la structure employeuse et le demandeur d’emploi seuls face à ces problèmes particulièrement lourds.

Enfin, s’agissant du suivi du dispositif, et notamment du fonds d’expérimentation, il nous semble qu’il doit d’abord associer les parlementaires, s’agissant d’une expérimentation dont ils sont à l’origine et, ensuite, prévoir les modalités précises de l’évaluation de l’expérimentation.

C’est en fonction des réponses qui seront apportées à ces différentes interrogations que le groupe Union des démocrates et indépendants déterminera son vote.

Mme Dominique Orliac. Notre commission examine ce matin la proposition de loi déposée par le groupe Socialiste, républicain et citoyen, portant sur l’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée.

Toute proposition tendant à réduire le chômage qui sévit dans notre pays ne peut être que bienvenue. Le 10 novembre dernier, le CESE, à la quasi-unanimité, a donné un avis favorable au principe de l’expérimentation pour des territoires « zéro chômage de longue durée ». Il a toutefois émis des réserves dont le rapporteur a tenu compte en présentant une nouvelle rédaction par voie d’amendement.

La principale innovation de l’expérimentation proposée est d’agir autant sur l’offre que sur la demande, dans quelques microterritoires, en faveur de « personnes durablement privées d’emploi » afin de leur offrir la possibilité de renouer avec le travail. À ce titre, il me semble que la proposition de loi initiale a le mérite d’être équilibrée, et de laisser un temps d’expérimentation de cinq ans, dans quelques territoires seulement. Il serait intéressant que les futures collectivités territoriales ou groupes de collectivités territoriales habilités soient représentatives de la plus large diversité de nos territoires, car si le chômage est omniprésent, les collectivités ne sont pas égales devant l’offre d’emploi.

La volonté de permettre à des demandeurs d’emploi d’être recrutés dans le cadre de contrats à durée indéterminée, par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, pour exercer des activités complémentaires de l’offre du secteur marchand est louable. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste a toujours été favorable à l’économie sociale et solidaire et, si celle-ci peut participer à la diminution du chômage, cela serait aussi utile que bienvenu.

Alors que le CESE a considéré que la rédaction initiale de la proposition ne garantissait pas le financement de l’expérimentation, je salue la volonté du rapporteur d’avoir pris en compte ces observations pour donner toutes ces chances à cette initiative, tant sur le plan législatif que dans son application concrète.

Par conséquent, dans la mesure où j’ai pu effectivement consulter les amendements du rapporteur, alors que, tant l’agenda de la séance publique que celui de la Commission ont été bouleversés à cause des événements dramatiques de vendredi dernier, je soutiendrai sa démarche. Il importe que cette proposition de loi soit suivie d’effets, à court terme, dans quelques collectivités territoriales, et, à plus long, terme sur le plan national.

Mme Jacqueline Fraysse. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine partage l’objectif poursuivi par ce texte puisqu’il vise à lutter contre le chômage de longue durée. Compte tenu de la situation des intéressés, rien ne doit être négligé pour leur venir en aide. Nous saluons la démarche de concertation préalable entreprise avec les acteurs locaux et les associations qui ont acquis une solide expertise en la matière, notamment ATD Quart Monde. Les parlementaires ne doivent pas négliger en effet l’avis de ceux qui agissent sur le terrain, au plus près des réalités.

Nous saluons le projet d’employer des personnes aujourd’hui au chômage en CDI et rémunérés au SMIC, dans des activités durables et correspondant à de réels besoins. Nous soutiendrons donc ce texte qui exigera beaucoup de volontarisme. Certains aspects semblent toutefois complexes à mettre en œuvre. C’est pourquoi nous serons attentifs aux précisions que notre rapporteur pourra nous apporter lors de l’examen des articles.

M. Dominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. La Commission des Affaires économiques s’est saisie pour avis des articles 3 et 4 de la proposition de loi. À cette occasion, tous les commissaires ont fait preuve d’humilité, car notre objet n’est pas d’inventer une formule magique : personne ne peut prétendre détenir LA solution. Refusant de ne rien faire devant la souffrance constatée, nous cherchons à explorer des champs nouveaux sans être absolument certains des résultats. Je me réjouis de constater que l’opposition partage le même sentiment.

La Commission des Affaires économiques a considéré qu’avant de lancer cette démarche novatrice, il fallait s’assurer que tous les dispositifs de soutien aux entreprises avaient été épuisés. Il faut construire un environnement économique favorable comprenant toutes les modalités pratiques de mise en œuvre, comme la formation professionnelle, afin de garantir la transition vers de nouveaux métiers. Car cette expérimentation n’est pas de substitution : elle doit être complémentaire et n’intervenir que lorsque tout a été tenté pour lutter contre le chômage.

Nous avons été attentifs à la séparation des secteurs marchand et public tout en étant conscients de la nécessité de ménager des passerelles de mobilité entre les deux. En termes de philosophie politique – car les temps s’y prêtent – nous avons souligné à quel point nous inspire celle qui a succédé au père Joseph Wresinski, je veux parler de Geneviève de Gaulle Anthonioz, qui, sortie de la nuit des camps, a consacré toute sa vie à la lutte contre la misère. Nous sommes aujourd’hui les héritiers de cette figure historique.

Mme Sylviane Bulteau. Avant d’être un fléau économique, le chômage est surtout un fléau social. Il participe de la paupérisation d’une part non négligeable de la population active, mais aussi d’un phénomène de marginalisation – cette lente et néanmoins brutale mort sociale évoquée parfois. La progression du chômage de longue durée touche tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). En France, le nombre des chômeurs de longue durée a augmenté de 56 % entre 2008 et 2013.

Nous ne saurions nous résigner devant ce phénomène, présent désormais depuis plusieurs décennies et lié aux mutations qui, sous l’effet de la mondialisation, transforment notre économie en profondeur, favorisant la désindustrialisation et la tertiarisation. La société de la connaissance, celle de l’augmentation du niveau général d’instruction et de formation tout au long de la vie de nos concitoyens peut constituer une réponse à moyen et long terme. Ce travail est déjà engagé, mais il ne suffira pas. Il faut aussi répondre à la détresse de celles et ceux qui sont privés d’emploi depuis plusieurs années et qui, pour beaucoup, vivent avec des ressources limitées.

C’est là tout l’intérêt de la proposition de loi présentée par notre collègue Laurent Grandguillaume, qui propose une approche innovante et offensive. Réorienter vers la création d’emplois toutes les aides financières allouées à un chômeur de longue durée, c’est en effet renverser la perspective de notre système d’aide au retour à l’emploi. Trouver des solutions pérennes en matière de chômage de longue durée, c’est redonner du crédit à la parole et à la capacité d’action des pouvoirs publics. C’est surtout le moyen de lever chez nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi le sentiment d’abandon et de précarité qui pèse sur leurs épaules, c’est leur rendre leur dignité ainsi qu’une certaine confiance dans l’avenir.

M. Bernard Perrut. Avec plus de 2,2 millions de personnes inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an, on ne peut, bien évidemment, que partager l’ambition de voir des territoires avec zéro chômage de longue durée. Toutefois, proposer à toute personne privée durablement d’emploi qui le souhaite un contrat à durée indéterminée, adaptée à ses compétences, constitue un objectif très difficile à atteindre. Cette expérimentation a été voulue par ATD Quart Monde qui accomplit un travail considérable sur le terrain ; je souhaite à cet égard rendre hommage à toutes celle et ceux qui agissent au côté des personnes en difficulté.

L’emploi est un droit inscrit dans la Constitution. Il n’est cependant pas respecté car, à la différence des autres, il dépend de la situation économique, de la politique de l’emploi ainsi que des compétences et aspirations de chacun.

Atteindre l’objectif visé par cette proposition de loi est ambitieux. Cela implique un certain nombre de préalables : développement de services utiles aux habitants dans les territoires concernés, formation d’une main-d’œuvre disponible par les entreprises et les acteurs locaux, localisation des productions ou services non encore connus. Un préalable aussi pour notre pays : il faut relancer le pouvoir d’achat, faire reculer la misère et les difficultés. Il est donc proposé de rediriger une part des 33 milliards d’euros annuellement nécessaires pour compenser la privation d’emploi. Des questions restent cependant sans réponses s’agissant de l’utilisation des financements et de la mise en œuvre sur le terrain où des initiatives locales existent déjà – associations d’insertion, travaux conduits par les Maisons de l’emploi, les chambres consulaires et d’autres encore.

Par ailleurs, si les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont directement concernées, toutes les entreprises de droit privé doivent être incitées à participer à cette expérimentation. L’accompagnement social et professionnel des demandeurs d’emploi constituera un élément central de réussite. Cela devra figurer très clairement dans la loi.

Enfin, je suis aussi persuadé que les élus locaux que nous sommes devront fortement s’impliquer : le défi est audacieux, mais la situation que nous connaissons l’exige.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je voudrais d’abord remercier Laurent Grandguillaume pour ce texte, porté également par ATD Quart Monde, dont chacun connaît l’engagement depuis de longues années dans la lutte contre l’exclusion, mais aussi par d’autres associations très impliquées dans les parcours d’insertion. L’expérimentation qui nous est proposée répond à la préoccupation majeure de construire le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée.

En associant l’ensemble des acteurs de terrain et les collectivités, ce texte vient compléter des initiatives qui ont déjà apporté des réponses en proposant une solution innovante : toutes les pistes d’innovations doivent en effet être recherchées. Le CESE a rendu un avis et formulé des propositions. Au printemps dernier, mon département a reçu les initiateurs de cette démarche avec ATD Quart Monde ; tous, élus et acteurs impliqués, l’ont accueilli favorablement.

Cette proposition de loi répond à une préoccupation qui touche de nombreuses personnes sur tous les territoires – certains étant parfois plus touchés que d’autres. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les modalités de mise en œuvre, en lien avec l’ensemble des acteurs, ainsi que sur les modalités d’évaluation du dispositif ?

M. Rémi Delatte. Le texte proposé est intéressant en ce qu’il privilégie le retour à l’emploi à l’assistanat. Au-delà des aspects sociétaux, humains et économiques, la motivation de cette PPL laisse espérer des emplois nouveaux en milieu rural. Cet élément de redynamisation du territoire doit être pris en compte.

Cela étant, la démarche reste complexe et lourde à gérer, alors que les choses simples sont souvent les plus pertinentes. La création du fonds national confère sa dimension au dispositif ; le pilotage sera assuré par des comités locaux qui auront à apprécier l’opportunité des emplois ainsi que le bon déroulement des expérimentations.

Monsieur le rapporteur, quelle assurance aurons-nous de la pérennité des emplois créés ? Quels types d’emplois seront concernés – vous avez parlé d’activités peu solvables ? Qui choisira les candidats et selon quels critères ? Qui assurera la formation et l’insertion professionnelle, sans lesquelles aucune réussite n’est possible ? L’ensemble des acteurs devront être associés.

Pourquoi ne faisons-nous pas plus simple ? Pourquoi ne pas imaginer un conventionnement entre les conseils départementaux et les acteurs de l’insertion qui percevraient l’équivalent du revenu de solidarité active (RSA) et assureraient l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi, avec suivi et formation des intéressés ?

M. Michel Liebgott. Il s’agit ici de mener un combat pour la dignité des chômeurs de longue durée qui, souvent confrontés au désespoir, en viennent parfois aux pires extrémités. C’est à mettre en parallèle avec certains discours démagogiques aux termes desquels les chômeurs seraient des fainéants qu’il suffirait de faire travailler. En réalité, les chiffres évoqués par Sylviane Bulteau mettent en évidence une augmentation sensible du nombre des demandeurs d’emploi de longue durée qui est passé de 35 % à 45 % de la totalité des chômeurs. Comble du malheur, ils sont moins indemnisés qu’ils ne l’ont été.

Des situations paradoxales sont observées. Je préside quant à moi une communauté d’agglomération qui compte 70 000 habitants et 21 500 emplois ; le grand carénage d’une centrale nucléaire va créer 1 200 emplois pendant 10 ans, or, parmi nos 7 000 demandeurs d’emploi – dont beaucoup de longue durée dans la zone de Florange –, aucun ne répond aux critères de l’appel d’offres. En outre, il va falloir loger les 1 200 personnes embauchées dans le cadre de ce contrat. C’est dire s’il nous reste beaucoup à faire pour redonner de l’espoir à des gens qui n’attendent pratiquement plus rien aujourd’hui !

Christophe Sirugue l’a dit, il est bon de mieux utiliser les ressources disponibles. Qu’une telle proposition vienne de l’association ATD Quart Monde ne me surprend pas, car nous sommes parfois très éloignés de la réalité du terrain : au-delà des chiffres, il faut prendre aussi en compte la réalité humaine. Je tiens donc à remercier le rapporteur, mais aussi Dominique Potier, car ce qui est vrai dans sa circonscription rurale de Meurthe-et-Moselle l’est aussi dans les zones sidérurgiques et industrielles.

M. Élie Aboud. Si sur le principe cette proposition de loi est louable, quelques points méritent d’être clarifiés. Les entreprises de droit privé seront-elles concernées ? Il faut éviter toute rupture d’égalité entre les entreprises relevant de l’économie solidaire et sociale et les autres. Le critère applicable aux bénéficiaires inscrits à Pôle emploi sera-t-il celui de la durée ou – s’agissant de personnes en difficulté –, un suivi social est-il prévu ?

Quelle forme prendra le concours financier de l’État ? Le fonds sera géré par une structure associative : comment l’État y sera-t-il présent ? En cas de rupture du contrat, que celle-ci soit le fait de l’employé ou de l’employeur, que se passera-t-il ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je tiens moi aussi à féliciter Laurent Grandguillaume qui a traduit dans une proposition de loi cette démarche émanant de l’action des associations et des acteurs deterrain. Ce texte bat en brèche une sorte de fatalité trop souvent intériorisée face au chômage de longue durée alors que de nombreuses initiatives émergent dans les territoires ; il est essentiel que les politiques les relaient et les portent. Ce texte est également important parce qu’il montre que les logiques d’innovation et d’expérimentation – essentielles lorsque l’on s’adresse à des publics très éloignés de l’emploi – doivent occuper une plus grande place dans les politiques publiques, notamment d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle. La loi relative à l’économie sociale et solidaire a d’ailleurs établi la notion d’innovation sociale.

La présente proposition de loi, M. Michel Liebgott l’a rappelé, participe à la lutte contre les préjugés car, oui, les chômeurs veulent travailler et revenir à l’emploi. Enfin, elle s’inscrit dans le courant des travaux aujourd’hui conduits au sujet des notions de richesse et d’utilité sociale : il est possible de créer de nouvelles activités économiques en réfléchissant autrement autour de ces valeurs. Pour toutes ces raisons, ce texte est important et mérite tout notre soutien.

M. Lionel Tardy. Hier, devant la commission des affaires économiques, j’ai exprimé mes doutes sur cette proposition de loi tout en indiquant que chaque solution destinée à lutter contre le chômage devait être examinée avec bienveillance.

Le Conseil d’État a souligné la fragilité du mécanisme initialement proposé, en balayant l’idée que les entreprises pourraient reverser leur résultat net au fond « zéro chômage de longue durée », puisqu’elle contrevient à la liberté d’entreprendre. J’ai donc examiné attentivement les amendements du rapporteur qui a été contraint de réécrire l’ensemble du texte. Cette lecture n’a pas levé mes doutes s’agissant du financement de ce fonds : si la possibilité de légiférer à budget constant tombe, c’est le principal argument de cette proposition de loi qui tombe aussi, monsieur le rapporteur. Je vous serais donc reconnaissant d’apporter des précisions concrètes et chiffrées, car aucune étude d’impact ne vient appuyer ce texte.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. En ce qui concerne la méthode, les parlementaires se plaignent souvent d’être confrontés à un manque de temps et d’expertise lorsqu’ils doivent examiner un texte législatif. Or, en l’occurrence, le CESE et le Conseil d’État ont précisément été consultés, très en amont, sur l’idée même des territoires d’expérimentation et le financement du fonds. Cela a permis de corriger les éléments qui pouvaient aller à l’encontre de telle ou telle réglementation, comme le reversement des bénéfices des entreprises de l’économie sociale et solidaire participant à l’expérimentation, au fonds national prévu par la rédaction initiale. J’ai déposé des amendements en ce sens.

Ces deux avis nous permettent de nourrir un débat éclairé sur l’ensemble des enjeux ; nous pourrons ainsi nous appuyer sur les propositions faites au sujet des conditions de la réussite afin de faire en sorte qu’elles soient respectées et que, menée à son terme, l’expérimentation connaisse une issue positive.

Isabelle Le Callennec m’a interrogé sur le statut de l’employeur : pourquoi retenir le statut d’entreprise sociale et solidaire ? Le Conseil d’État l’a reconnu : choisir un type particulier d’entreprise répond à l’idée même d’expérimentation puisque, en quelque sorte, nous dérogeons au principe d’égalité. Retenir les entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui répondent au critère de l’utilité sociale, garantit – mieux que si nous avions retenu l’ensemble des entreprises – la séparation des secteurs public et privé. Faute de quoi, cela pourrait conduire à apporter des financements publics à des entreprises susceptibles de concourir à des appels d’offres de marchés publics, ce qui relèverait de la concurrence déloyale. À cette fin, nous ne créons pas un nouveau type d’entreprise ; nous recourons à l’existant : le statut de l’économie sociale et solidaire.

Les chômeurs entrant dans le dispositif se verront proposer un contrat à durée indéterminée, rémunéré au minimum à l’embauche au niveau du SMIC. Un de mes amendements, sur proposition du CESE, prévoit que, si l’entreprise se développe et réalise des bénéfices, elle pourra augmenter les salaires en conséquence.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la gouvernance locale et nationale : le fonds national d’expérimentation aura la forme juridique d’une association de droit privé, gestionnaire des ressources qui lui seront versées principalement par l’État dans un premier temps. Pour cette raison, un commissaire du Gouvernement sera membre du conseil d’administration et, bien évidemment, disposera d’un droit de veto. Cette disposition fait l’objet de l’un de mes amendements.

Dans chacun des dix territoires qui seront choisis et habilités par voie d’arrêté ministériel – l’État participant à ce choix –, des comités locaux seront institués ; ils rassembleront tous les acteurs publics et privés. À cet égard, la contribution des acteurs de l’insertion sera fonction de chaque territoire. Il reviendra au comité local d’associer tout le monde. À l’occasion de mes déplacements et de mes échanges avec les acteurs locaux, que ce soit en territoire urbain, périurbain ou rural, j’ai pu constater que les forces présentes sont différenciées en fonction des caractéristiques et des difficultés propres à chaque bassin d’emploi.

Monsieur Vercamer, le public ciblé – les personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, inscrites ou non à Pôle emploi – justifie un accompagnement social adapté à la situation de chacun, en fonction de son parcours. Les problématiques ne sont pas les mêmes à Florange, dans le Cantal ou en Côte-d’Or, dans le monde rural ou le monde périurbain. Aussi, si le texte doit déterminer le cadre général de l’accompagnement et de la formation, ces outils devront être adaptés aux réalités propres de chaque territoire. Il ne faut donc pas imposer un carcan réglementaire de nature à empêcher toute initiative locale. Nous devrons trouver le juste équilibre entre ce que nous souhaitons encadrer et la latitude dont ont besoin les forces locales pour agir et innover sur les plans social et économique.

Comme le souhaite Dominique Orliac, il faut prendre en compte la diversité des territoires. Une loi d’expérimentation bien équilibrée doit à la fois fixer un cadre et laisser les forces vives innover et créer. Nous devons relever avec audace un véritable défi, pour reprendre le mot de M. Perrut, mais ne promettons pas monts et merveilles ! À cet égard, je proposerai de modifier le titre de la proposition de loi, qui est inspiré du projet « Territoires zéro chômeur de longue durée », expérimenté en 1995 par ATD Quart Monde à Seiches-sur-le-Loir, en Maine-et-Loire. Celui que je vous soumettrai par amendement est plus réaliste. Soyons ambitieux, mais également réalistes. Comme le disait si bien Jaurès, il faut comprendre le réel, et aller à l’idéal.

Si notre proposition de loi, qui fera l’objet d’une procédure accélérée, est promulguée au premier trimestre de l’année 2016, les différents acteurs locaux pourront proposer des projets sérieux, rigoureux et ambitieux pour la rentrée 2016. Dès lors, les crédits nécessaires au lancement des premières expérimentations ne seront pas considérables. En revanche, selon les estimations dont je dispose, un budget d’amorçage important, de plus ou moins 10 millions d’euros, sera nécessaire la première année pleine. Cela dépendra évidemment des territoires choisis par le fonds et le Gouvernement et du nombre de chômeurs concernés. Je préférerais, quant à moi, que soient retenus, plutôt, des territoires ruraux ou périurbains, ou des quartiers très précis, afin de garantir le respect du principe d’étanchéité. Mme la ministre du travail Myriam El Khomri, que j’ai rencontrée récemment, précisera dans l’hémicycle quels moyens seront mobilisés en 2016. Il importe surtout que des montants importants soient prévus ensuite, en loi de finances pour 2017.

N’oublions pas qu’après l’amorçage, se posera la question de la gestion des économies réalisées pour fonctionner à budget constant. Il ne faudrait pas créer d’usine à gaz. Au-delà de la participation du département et de l’État, il importe de pouvoir ouvrir la porte aux organismes publics et à toutes les collectivités – communes, intercommunalités ou métropoles – que cette démarche pourrait intéresser. L’évaluation en cours d’expérimentation devra permettre de prouver que le dispositif fonctionne bien à budget constant. On le voit, c’est innovant et complexe. Il s’agit de parvenir, au plan local, à un modèle économique pertinent, créateur d’emplois et durable. Que se passera-t-il dans cinq ans ? Nul ne saurait décréter à l’avance qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, connaîtra un développement fulgurant ou des difficultés, chers collègues !

Quant aux activités susceptibles d’être développées, elles dépendront des territoires. Dans certaines zones rurales, les compétences de chômeurs de longue durée pourraient ainsi être mobilisées dans le cadre de ressourceries ou de recycleries dont les services n’entreraient pas en concurrence avec des activités existantes. C’est la définition même des activités ciblées qui sera très importante. Nous pourrons nous inspirer, à cet égard, des exemples qu’offrent déjà la commune de Prémery ou encore les départements d’Ille-et-Vilaine et des Deux-Sèvres.

Il faudra surtout éviter la concurrence avec des activités existantes ! C’est fondamental. Rien ne serait pire que de créer des effets d’aubaine ou de perturber des dispositifs d’insertion et des activités économiques existants.

Rien n’empêchera de passer convention avec un département, une métropole, une intercommunalité ou une commune. Toutefois, c’est le fonds lui-même qui passera convention avec les territoires ou les entreprises concernés afin d’éviter des dérives ici où là. Un cadrage national est nécessaire, mais il n’empêchera pas les initiatives locales. Les collectivités territoriales volontaires jouiront donc de la plus grande liberté.

Le fonds prendra la forme d’une association, conformément aux préconisations du Conseil d’État. Cela permettra son bon fonctionnement, d’autant que de précédentes expérimentations montrent que cette forme juridique est pertinente.

J’ai déposé des amendements sur la rupture du contrat du travail des bénéficiaires du dispositif. Comment se passera-t-elle ? Le but est de favoriser la pérennité de la structure créée, tout en permettant aux personnes de trouver un autre emploi – leurs éventuelles démarches en vue d’y parvenir ont évidemment plus de chance que lorsqu’elles sont au chômage depuis plusieurs années. Si l’expérimentation ne fonctionne pas, l’entreprise sera-t-elle en mesure d’assumer les conséquences financières de toutes les ruptures de contrat ? Cela doit être prévu.

Si le dispositif déroge au principe d’égalité, la notion d’utilité sociale permet d’éviter toute concurrence avec des activités existantes. Cependant, une entreprise qui existerait déjà, une entreprise classique, pourrait s’engager dans cette expérimentation si elle remplit les critères fixés par la loi relative à l’économie sociale et solidaire.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Définition de l’expérimentation et modalités d’évaluation

La Commission se saisit de l’amendement AS7 du rapporteur, qui fait l’objet de deux sous-amendements AS23 et AS22, tous deux de M. Francis Vercamer.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je propose une nouvelle rédaction de l’article 1er, qui prenne en compte l’avis du Conseil d’État. Ainsi cette nouvelle rédaction précise-t-elle mieux l’objectif visé par l’expérimentation.

Cet amendement prévoit, par ailleurs, que le rapport d’évaluation est remis non seulement au ministre chargé du travail mais aussi au Parlement – c’est la moindre des choses pour un texte d’initiative parlementaire ! – et qu’il devra évaluer les « effets directs et indirects » de l’expérimentation. Je songe notamment aux externalités positives de la sortie du chômage en termes de santé ou dans d’autres domaines. Le rapport devra aussi dresser un bilan de l’impact de l’expérimentation sur la situation de l’emploi dans les collectivités territoriales participant à l’expérimentation et évaluer l’impact financier, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics participant à l’expérimentation, du recrutement des chômeurs de longue durée.

M. Élie Aboud. Si le fonds est une structure associative, comment l’État intervient-il donc ? Son action s’exerce-t-elle par l’intermédiaire de Pôle emploi, du préfet ou d’un représentant de l’État qui siégerait à son conseil d’administration ?

Mme Isabelle Le Callennec. La rédaction proposée évoque « un nombre limité de collectivités territoriales volontaires », mais vous avez parlé de « dix » collectivités. Qu’en est-il ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. L’article 3 évoque « au plus dix collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales ».

Il précise par ailleurs la composition du conseil d’administration du fonds. Y siégeront deux représentants de l’État. Par ailleurs, un commissaire du Gouvernement, désigné auprès de cette association, pourra exercer un droit de veto si elle entend prendre des décisions qui ne seraient pas conformes aux intentions de l’État.

La composition des comités locaux n’est pas précisée, mais on imagine bien qu’elle déclinera au niveau local la composition du conseil d’administration national. Nous voulons simplement laisser l’initiative aux forces locales pour leur permettre notamment de mobiliser toutes les énergies de leur territoire. Ce point pourra cependant être précisé.

M. Gérard Cherpion. « Cette expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État », prévoit l’amendement AS7, mais quelle forme ce concours prend-il ? En premier lieu, est-ce un concours de fonctionnement ou d’investissement ? Le texte prévoit effectivement la nomination de directeurs dans les différents territoires. Des emplois seront donc créés, mais… par qui ? Quel sera leur statut ? Seront-ils durables ?

M. Dominique Tian. Président de la mission locale de Marseille, je note que l’État a plutôt tendance à réduire les budgets. C’est ainsi que nous voyons disparaître les maisons de l’emploi. Alors, cette proposition de loi est un bon texte, évidemment, mais attention aux redéploiements de crédits ! La situation financière de nos missions locales est déjà extrêmement préoccupante, alors qu’elles jouent un rôle très important, notamment avec les contrats d’avenir et les contrats conclus avec l’État. Le préfet lui-même indique qu’il n’a pas beaucoup d’argent. Attention, donc !

M. Élie Aboud. Le droit de veto de l’État ne va-t-il pas décourager les entreprises et les collectivités à s’investir ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je ne pense pas que le droit de veto, introduit à l’article 3 à la suite de l’avis du Conseil d’État, compromette la marge de manœuvre des acteurs locaux. Il s’agit simplement d’éviter de possibles dérives, qui consisteraient par exemple à alourdir la charge incombant à l’État.

Les concours financiers de l’État concerneront au premier chef l’aide pour chaque poste créé dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ce sera leur objectif premier.

Nous ne voulons pas d’usines à gaz ! Je vous proposerai d’ailleurs de supprimer, à l’article 3, la référence au directeur général pour les comités locaux. Des moyens sont nécessaires au bon fonctionnement du dispositif, mais pas forcément le recrutement d’un directeur général. Quant au fonctionnement du comité local, laissons les acteurs locaux l’organiser.

L’objectif premier est de créer des emplois durables dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Venons-en aux sous-amendements AS23 et AS22 de M. Vercamer.

M. Francis Vercamer. Ces deux sous-amendements modifient légèrement la rédaction proposée par le rapporteur.

Depuis quelques années, je m’emploie à faire en sorte que les périmètres des différents dispositifs législatifs soient identiques. Or cette expérimentation crée de nouveaux périmètres. Je propose plutôt – c’est l’objet du sous-amendement AS23 – qu’elle soit ciblée sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Des dispositifs sociaux et fiscaux spécifiques y sont déjà prévus. Il me paraît opportun que les structures dans le cadre desquelles cette expérimentation prendra place puissent en bénéficier. En outre, c’est généralement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu’il y a le plus de chômeurs de longue durée.

Le sous-amendement AS22 prévoit pour sa part que l’évaluation du dispositif intervient dix-huit mois, et non deux ans, avant la fin de l’expérimentation. Laissons le temps au temps et n’entamons pas l’évaluation du dispositif à peine l’expérimentation commencée ou presque. Il est plus pertinent de dresser le bilan le plus près possible du terme de l’expérimentation.

Mme Isabelle Le Callennec. Si nous limitons le champ de l’expérimentation aux zones de revitalisation rurale, ce qui est d’autant plus dommage qu’il y a aussi des chômeurs de longue durée ailleurs, mon département en sera exclu. Je ne puis donc voter le sous-amendement AS23.

M. Jean-Pierre Door. Je soutiendrai cet amendement AS23. Des contrats de politique de la ville sont actuellement signés, des financements sont attribués, et c’est précisément à l’intérieur du périmètre de ces contrats de ville que l’on rencontre le plus de problèmes d’emploi – c’est même un critère –, et le retour à l’emploi des personnes fragiles, en particulier les jeunes, est un thème majeur des contrats de ville.

Mme Monique Iborra. Je suis également encline à soutenir le sous-amendement AS23.

Tout d’abord, peu de dispositifs s’adressent aujourd’hui réellement aux QPV. Or le chômage y est effectivement important. Ensuite, même si on peut le déplorer, les structures d’insertion par l’activité économique sont présentes essentiellement sur les territoires de la politique de la ville. Enfin, je pense que les métropoles apporteront leur concours bien plus facilement si les territoires de la politique de la ville sont concernés que s’ils ne le sont pas.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Aujourd’hui, le texte n’empêche pas les territoires visés par le sous-amendement AS23 d’être candidats à l’expérimentation. Pourquoi donc en empêcher les autres, dont certains ont déjà commencé à y travailler ? S’ils n’entrent pas dans le champ visé par le sous-amendement AS23, ils n’en sont pas moins confrontés à un chômage important. Il faut en outre expérimenter le dispositif sur des territoires suffisamment divers. Je demande donc à M. Vercamer de retirer le sous-amendement AS23, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

En revanche, le sous-amendement AS22 va dans le bon sens et répond tout à fait aux préoccupations formulées par le Conseil d’État. J’y suis donc favorable.

M. Francis Vercamer. J’entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur, mais, compte tenu de la manière dont le Gouvernement a redéfini la politique de la ville, notamment par la loi « Lamy », il serait cohérent que les dispositifs en faveur de l’emploi s’appliquent sur les territoires concernés. Alors, certes, ils peuvent s’y appliquer, mais ce n’est pas ce qu’on appelle leur donner une priorité !

L’expérimentation sera plus utile dans les territoires qui en ont le plus besoin. Or c’est précisément en raison de besoins plus forts que des territoires ont été définis comme ZRR ou QPV.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Peut-être pourrions-nous introduire l’adverbe « notamment » dans votre sous-amendement, monsieur Vercamer. Cela permettrait de souligner l’importance des territoires que vous visez sans exclure les autres.

M. Francis Vercamer. Je ne retire pas mon sous-amendement ni n’en modifie la formulation. Soumettons-le au vote, et, s’il est rejeté, je verrai s’il me faut en proposer une version différente en vue de la séance plénière.

Et puis, habituellement, cet adverbe « notamment » est proscrit !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce n’est pas faux, cher collègue.

La Commission rejette le sous-amendement AS23.

Puis elle adopte le sous-amendement AS22.

Enfin, elle adopte l’amendement AS7 sous-amendé.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé.

Chapitre 1er
Public visé, Fonds zéro chômage de longue durée et entreprises conventionnées

Article 2 : Publics visés par l’expérimentation

La Commission en vient à l’amendement AS8 du rapporteur, qui fait l’objet d’un sous-amendement AS29 de M. Philippe Noguès.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je propose une nouvelle rédaction de l’article 2, qui tienne compte des avis du Conseil économique, social et environnemental et du Conseil d’État. En l’occurrence, il s’agit d’indiquer précisément qui est concerné : les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi ou privés d’emploi depuis plus d’un an.

M. Philippe Noguès. Toutes les initiatives qui permettent de sortir du chômage de longue durée, le plus destructeur, sont forcément les bienvenues, mais il est primordial de redonner aussi à ces personnes sans emploi depuis de longs mois, dont une partie ont déjà épuisé leur droit à indemnisation, la possibilité de retisser du lien social, de retrouver une dignité et un bien-être social souvent oublié. Le sous-amendement AS29 vise donc à accorder une priorité aux chômeurs de longue durée qui ont épuisé leur droit à indemnisation. Leur permettre de sortir de cette situation est une urgence sociale ! Je crois d’ailleurs que le CESE avait fait une recommandation en ce sens.

M. Gérard Cherpion. Il est plus précisément question, dans la rédaction proposée par le rapporteur, des « demandeurs d’emploi […] involontairement privés d’emploi ». Finalement, qui est donc concerné ?

Mme Isabelle Le Callennec. Les maires repèrent dans leurs communes des personnes qui, n’étant plus indemnisées, ne s’inscrivent plus à Pôle emploi. Ne les écartons pas du champ du dispositif, ce serait dommage, car elles n’en sont pas moins durablement éloignées de l’emploi.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Larticle permet de prendre en compte à la fois les personnes inscrites à Pôle emploi et celles qui ne le sont plus et se trouvent privées d’emploi depuis plus d’un an. Il sera simplement demandé à ces dernières de s’inscrire à Pôle emploi pour bénéficier de son accompagnement, dont on ne souligne d’ailleurs pas suffisamment l’importance.

Je suis défavorable au sous-amendement, car il cible une catégorie spécifique de chômeurs de longue durée, alors que l’expérimentation vise l’ensemble des chômeurs de longue durée. Dans la mesure où certaines personnes seront très éloignées de l’emploi et que d’autres ne le seront que depuis un ou deux ans, une telle disposition empêcherait des territoires de répondre à l’ensemble des chômeurs de longue durée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Parmi les motifs de rupture de contrat, il y a la démission du salarié et les ruptures conventionnelles. Qu’est-il prévu dans ce cas ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il faudra vérifier ce point d’ici à l’examen du texte en séance publique.

La Commission rejette le sous-amendement AS29.

Puis elle adopte l’amendement AS8.

En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé.

Article 3 : Création du Fonds « zéro chômage de longue durée »

La Commission examine l’amendement AS9 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement AS25 de M. Francis Vercamer.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Pour prendre en compte les différentes recommandations du Conseil d’État dans son avis sur la présente proposition de loi, cet amendement de rédaction globale prévoit que la gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est confiée à une association, administrée par un conseil d’administration dont la composition est également précisée.

Compte tenu de la participation de l’État au financement de l’expérimentation, le ministre chargé du travail désignera un commissaire du Gouvernement auprès de cette association doté d’un droit de veto pour les décisions, prises par l’association, qui seraient contraires aux objectifs de l’expérimentation.

Il est proposé par ailleurs que la liste des collectivités territoriales habilitées par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée soit validée par un arrêté du ministre du travail.

Mme Isabelle Le Callennec. S’agissant de la composition du conseil d’administration du fonds, quelle est la différence entre les termes « interprofessionnel » et « multiprofessionnel » au sujet des représentants des organisations, monsieur le rapporteur ?

Je regrette l’absence de représentants de l’Association des départements de France (ADF), car ces collectivités ont une mission d’insertion.

Enfin, vous avez précisé que l’article 3 ne prévoirait pas de directeur général pour les comité locaux, ce dont je me réjouis, car utiliser le fonds pour payer des cadres nous éloignerait de l’objectif.

M. Dominique Tian. Je regrette que les missions locales et les maisons de l’emploi ne soient pas représentées, car les premières reçoivent des fonds de l’État et gèrent la garantie jeunes et les emplois d’avenir, et les secondes s’inscrivent dans l’organisation territoriale de l’emploi et de la formation professionnelle.

M. Francis Vercamer. S’agissant d’une expérimentation dont l’initiative revient au Parlement, il est souhaitable que l’Assemblée nationale et le Sénat soient représentés au sein du conseil d’administration du fonds d’expérimentation territoriale. Tel est l’objet de mon sous-amendement.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Monsieur Vercamer, je suis favorable à votre sous-amendement.

Monsieur Tian, notre idée est de ne pas utiliser les budgets des missions locales et des maisons de l’emploi pour financer l’expérimentation. J’admets qu’elles doivent être représentées au sein du fonds national. Nous n’avons pas précisé la composition du comité local pour laisser aux territoires le choix de ses membres.

Madame Le Callennec, si un amendement présenté en séance publique prévoit la représentation dans le fonds de l’Association des départements de France et de l’Association des régions de France, j’y serai favorable.

Enfin, le terme « multiprofessionnel » figure dans la loi relative à la formation professionnelle au chapitre sur les organisations professionnelles d’employeurs représentatives.

La Commission adopte le sous-amendement AS25.

Elle adopte ensuite l’amendement AS9 sous-amendé.

L’article 3 est donc ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS5 de M. Francis Vercamer, AS21 et AS17 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et AS6 de M. Francis Vercamer tombent.

Article 4 : Convention entre le Fonds « zéro chômage de longue durée » et les entreprises de l’économie sociale et solidaire

La Commission examine l’amendement AS10 du rapporteur, qui fait l’objet de quatre sous-amendements, AS26 et AS28 de M. Francis Vercamer, AS31 de M. Philippe Noguès, et AS27 de M. Francis Vercamer.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Pour tenir compte des recommandations du Conseil d’État et du Conseil économique, social et environnemental, cet amendement de rédaction globale insère quatre points.

Les bénéficiaires de l’expérimentation ne devraient être domiciliées que depuis au moins six mois dans une collectivité territoriale ou un groupe de collectivités territoriales habilité.

Les contrats signés avec les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont des contrats de travail à durée indéterminée rémunérés, au minimum, au moment du recrutement, au niveau du salaire minimum de croissance.

La convention précise le montant de la rémunération pris en charge par le fonds et la fraction de l’indemnité de licenciement versée au bénéficiaire du contrat au terme de l’expérimentation. Elle comprend également les conditions à respecter pour bénéficier du financement du fonds, notamment les engagements de l’entreprise sur le contenu du poste proposé, les conditions d’encadrement et les actions de formation envisagées pour le bénéficiaire du contrat.

Enfin, la rupture du contrat à l’initiative du salarié avant la fin de l’expérimentation pour exercer un autre emploi ne pourra avoir pour effet de le priver de ses droits à l’assurance chômage, notamment s’il n’est pas retenu à l’issue de sa période d’essai dans cet autre emploi.

M. Francis Vercamer. Mon sous-amendement AS26 propose que, au-delà des entreprises de l’ESS, toute entreprise répondant à des critères définis par décret pourra participer à l’expérimentation.

Mon sous-amendement AS28 prévoit que les bénéficiaires feront l’objet d’un accompagnement social. Étant éloignés de l’emploi, ils peuvent en effet être confrontés à des problèmes de santé, d’addiction, de logement, etc.

Enfin, selon mon sous-amendement AS27, les actions de formation dont bénéficieront les personnes visées pourront être financées par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

M. Philippe Noguès. Mon sous-amendement AS31 prévoit également un suivi social, car les personnes visées par la proposition de loi sont souvent en situation de précarité.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je suis défavorable au sous-amendement AS26, car le choix précis des entreprises de l’économie sociale et solidaire justifie le caractère expérimental de la loi d’expérimentation.

La rédaction des sous-amendements AS28 et AS31 laisse entendre que ce sont les entreprises qui assureront le suivi social. Or cet accompagnement social doit être porté, non par les entreprises, mais par les structures existantes dans les territoires.

M. Francis Vercamer. C’est juste.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Quant au sous-amendement AS27, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel peut déjà être utilisé. Il me semble donc préférable de le retirer, tout comme les deux précédents. Dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.

M. Francis Vercamer. Je retire mon sous-amendement AS28 afin de le réécrire d’ici à l’examen en séance publique.

M. Philippe Noguès. Je retire également mon sous-amendement AS31 pour la même raison.

M. Gérard Cherpion. Le « II. » de l’amendement AS10, aux termes duquel la rupture du contrat à l’initiative du salarié avant la fin de l’expérimentation, selon les conditions indiquées, ne peut avoir pour effet de priver le salarié de ses droits à l’assurance chômage, me semble superfétatoire.

(Mme Martine Carrillon-Couvreur remplace Mme Catherine Lemorton à la présidence.)

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cet alinéa fait référence aux dérogations prévues par les conventions d’assurance chômage. Le maintien de cette disposition permettra de prendre en compte ce type de situation.

M. Denys Robiliard. Un salarié qui rompra son contrat de travail pour un autre emploi dont la période d’essai s’avérera non concluante sera considéré comme ayant perdu son emploi volontairement si le nouveau contrat dure moins de trois mois. Il faut donc maintenir l’alinéa, sinon le salarié sera incité à ne pas quitter le dispositif protecteur.

Les sous-amendements AS28 et AS31 sont retirés.

La commission rejette successivement les sous-amendements AS26 et AS27.

La Commission adopte ensuite l’amendement AS10.

L’article 4 est donc ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS4 de M. Francis Vercamer, AS18 du rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques, AS3, AS1, AS2 de M. Francis Vercamer, AS19 et AS20 du rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques tombent.

Chapitre 2
Financement des emplois conventionnés par le Fonds

Article 5 : Financement de l’expérimentation

La Commission examine l’amendement AS11 du rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cet amendement de rédaction globale prévoit que le fonds signe avec chaque collectivité territoriale habilitée une convention qui prévoit l’engagement des collectivités territoriales à respecter un cahier des charges élaboré par le fonds et qui fixe les conditions de leur participation au financement de l’expérimentation.

Il prévoit en outre que le fonds signe une convention avec l’État et les organismes publics participant à l’expérimentation afin de fixer le montant de leur contribution au financement de l’expérimentation.

M. Élie Aboud. Dans quelles conditions s’opérera le droit de veto de l’État ?

M. Dominique Tian. Les entreprises de l’ESS ne seront-elles pas de facto exclues des appels d’offres lancés par les collectivités locales ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Monsieur Tian, nous allons étudier le point que vous soulevez d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Monsieur Aboud, le commissaire du Gouvernement assistera de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association, il sera destinataire de toutes les délibérations du conseil d’administration et aura communication de tous les documents relatifs à la gestion du fonds. En effet, dans la mesure où l’État sera le principal financeur de l’expérimentation, il est normal que le commissaire du Gouvernement puisse vérifier la bonne utilisation des fonds. Le droit de veto évitera ainsi toute dérive.

M. Gérard Cherpion. Selon le Conseil économique, social et environnemental, le coût de l’expérimentation est évalué à 10 millions d’euros par an pour 500 personnes, soit 20 000 euros par personne. Ces emplois aidés coûteront donc très cher. Quelle sera la part respective des collectivités territoriales et de l’État pour alimenter le fonds ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. ATD Quart Monde et l’économiste Jean Gadrey ont évalué les économies potentielles de la sortie de ces personnes du chômage de longue durée à un peu plus de 15 000 euros par an. L’aide apportée par le fonds sera supérieure à 15 000 euros pour chaque poste. Le CESE ayant pris en compte le coût d’un salaire avec charges sociales patronales, les 20 000 euros seront donc également portés en partie par l’entreprise, qui devra chercher des recettes. L’entreprise doit participer à l’effort pour assurer un modèle viable à long terme.

La Commission adopte l’amendement AS11.

En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé.

Chapitre 3
Dispositions transitoires et finales

Article 6 : Entrée en vigueur

La Commission est saisie de l’amendement AS12 du rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article afin de faire figurer la date d’entrée en vigueur de ce texte à la fin de la proposition de loi.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7 : Fin de l’expérimentation

La Commission en vient à l’amendement AS13 du rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cet amendement de rédaction globale prévoit que si l’expérimentation n’est pas reconduite ou est interrompue, les entreprises conventionnées reçoivent une notification du fonds signifiant la fin du versement de l’aide versée dans le cadre de l’expérimentation. Ces entreprises peuvent alors rompre tout ou partie des contrats de travail. Le licenciement, qui est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique, est alors présumé par la loi reposer sur un motif économique.

Mme Isabelle Le Callennec. Je trouve particulièrement dur pour le bénéficiaire de voir rompre tout ou partie de son contrat de travail parce que l’expérimentation prend fin !

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cette disposition s’appliquera si l’entreprise met fin à l’activité. Il faut prévoir ces situations qui, nous l’espérons, seront très limitées.

M. Gérard Cherpion. Le licenciement économique peut alors difficilement reposer sur une cause réelle et sérieuse.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Nous nous sommes inspirés du dispositif des accords de maintien de l’emploi (AME) pour rédiger cet article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est ainsi rédigé.

Articles additionnels après l’article 7

La Commission est saisie des amendements AS14 et AS15 du rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. L’amendement AS14 propose qu’un décret fixe l’ensemble des modalités d’application de la proposition de loi. Quant à l’amendement AS15, il insère la date d’entrée en vigueur de la loi à la fin de ce texte et propose une date d’entrée en vigueur plus compatible avec le délai nécessaire à l’adoption définitive du texte, à savoir le 1er juillet 2016.

Mme Isabelle Le Callennec. J’espère que Mme la ministre pourra nous apporter la semaine prochaine en séance des précisions sur les modalités d’application de la PPL.

M. Gérard Cherpion. Effectivement, tout reposera sur le décret d’application qui, nous l’espérons, sera pris rapidement pour une entrée en vigueur de la loi dès le 1er juillet 2016.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. La ministre pourra préciser les modalités d’application en séance. Pour autant, nous devons nous assurer que ces expérimentations pourront commencer à être mises en œuvre.

La Commission adopte successivement ces amendements.

Article 8

Puis elle adopte l’article 8 sans modification.

Titre

La Commission examine l’amendement AS16 du rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cet amendement vise, comme je l’ai annoncé, à modifier le titre de la proposition de loi afin de prendre en compte les remarques qui nous ont été faites. Je vous propose le titre suivant : « proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée ». Il n’est plus fait mention des territoires « zéro chômage de longue durée ».

M. Gérard Cherpion. Je reviens sur l’article 8 dont je ne comprends pas la logique. Pourquoi prévoir une compensation ? Le Gouvernement doit nécessairement lever le gage s’il est convaincu de l’intérêt du dispositif.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI votera cette proposition de loi, considérant qu’il est préférable de donner un travail aux chômeurs de longue durée plutôt que de les laisser sans emploi. Ne serait-ce que pour cette raison, le groupe est favorable à ce qui n’est qu’une expérimentation pour essayer de trouver des solutions au chômage de longue durée.

Néanmoins, notre groupe sera attentif en séance aux réponses aux questions qui restent posées, notamment sur l’accompagnement social ou les quartiers de la politique de la ville. Je déposerai des amendements à ce sujet.

Notre vote en commission aujourd’hui ne présume pas de notre position en séance mais il témoigne de notre bonne volonté et de notre détermination à lutter contre le chômage de longue durée.

Mme Isabelle Le Callennec. Le groupe Les Républicains manifeste la même bonne volonté mais il n’en tire pas les mêmes conclusions. Il émettra un vote d’abstention positive.

Je remercie le rapporteur pour les éclaircissements qu’il nous a apportés et je me félicite de la teneur de nos débats. Nous déposerons des amendements pour la séance.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Puis la Commission des affaires sociales examine la proposition de loi de M. Yannick Favennec visant à accorder des trimestres complémentaires aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite (n° 2753), sur le rapport de M. Yannick Favennec.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. La Commission est maintenant saisie de la proposition de loi, déposée par M. Favennec, visant à accorder des trimestres complémentaires aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite, qui sera examinée dans le cadre de la séance réservée à l’ordre du jour proposé par le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Ernest Renan disait qu’une « nation est une grande solidarité ».

Cette vérité se vérifie chaque jour dans notre pays : le rôle des associations est essentiel dans des domaines clefs de la vie quotidienne des Français, tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Je le mesure quotidiennement dans mon département de la Mayenne et il en va sans doute de même dans chacune de vos circonscriptions.

La vitalité du monde associatif est un signe fort de la citoyenneté, et plus que jamais, dans le contexte des attentats du 13 novembre à Paris, la dimension civique et sociale des associations apparaît indispensable à la cohésion de notre pays.

C’est une évidence, leur action est irremplaçable ; comme le disait notre collègue Pierre Morange, en 2008, dans un rapport d’information sur la gouvernance et le financement des structures associatives : « les associations interviennent dans un champ de plus en plus vaste [...] Elles se voient confier des pans entiers de certaines politiques publiques ».

Elles peuvent ainsi être amenées à suppléer l’État ou à compléter l’action de ce dernier dans l’exercice de certaines de ses missions, grâce à des bénévoles qui, corps et âme, et toujours dans un esprit de civisme ardent, au service de leurs concitoyens, contribuent également à l’animation de nos territoires ainsi qu’au développement et au renforcement du lien social.

De plus, le poids économique du monde associatif est incontestable. Il a été estimé à 85 milliards d’euros en 2012. Les associations ont ainsi contribué à hauteur de 3,2 % du PIB, soit un poids équivalent à celui de l’agriculture et des industries agroalimentaires.

La vitalité du monde associatif est enfin un indicateur rassurant du dynamisme de nos territoires.

Cependant, si 16 millions de Français donnent généreusement de leur temps, dont 12,7 millions au sein d’associations, le bénévolat connaît une forme de crise qui menace la pérennité du monde associatif.

En effet, si nos concitoyens manifestent toujours la volonté de s’engager et d’être utiles concrètement, celle-ci s’accompagne cependant d’une réticence à prendre des responsabilités dans le pilotage des associations, notamment en raison des exigences croissantes en termes de disponibilité et de responsabilité.

L’engagement bénévole se transforme en un investissement plus ponctuel et ciblé, notamment chez les jeunes et les actifs.

Les associations sont aujourd’hui portées par le bénévolat des seniors. Or, le recul de l’âge de la retraite fait déjà ressentir ses effets de manière négative sur le monde associatif. Il tend à limiter le vivier de responsables bénévoles, en particulier pour les associations sans salariés qui sont majoritairement dirigées par des personnes retraitées.

De plus, compte tenu de l’allongement de la durée d’activité requise pour obtenir la liquidation de la pension à taux plein, l’interruption de l’activité professionnelle pour exercer des fonctions dirigeantes risque de pénaliser lourdement les assurés.

Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’associations – je rappelle que le nombre d’associations en activité est évalué entre 950 000 et un million en France – accroît la tension sur le réservoir de dirigeants bénévoles. Il y a là un effet ciseaux : diminution du nombre de dirigeants bénévoles et augmentation des besoins.

Ce sont donc majoritairement les seniors qui assument les fonctions dirigeantes et, pour certains, depuis de nombreuses années : 25 % des présidents le sont depuis plus de dix ans.

En outre, la complexification de la gestion associative et l’accroissement constant des compétences nécessaires à l’administration d’une association tendent à décourager les responsables potentiels, freinant le renouvellement des équipes en place.

Ainsi, 60 % des présidents d’association ont déjà envisagé de quitter leur fonction, notamment du fait de la charge très lourde que représente cette tâche et de l’impossibilité d’être secondés.

Face à cette difficulté très prégnante de renouvellement des responsables associatifs, il apparaît donc urgent et nécessaire de valoriser l’exercice des fonctions dirigeantes au sein des associations.

Si de nombreuses mesures ont été adoptées ces dernières années – le congé individuel de formation, les « RTT » utilisées pour une activité bénévole, le congé de représentation –, force est de constater qu’elles n’ont pas produit les résultats escomptés et qu’elles demeurent insuffisantes.

C’est la raison pour laquelle, face aux mutations majeures que connaît le monde associatif, nous devons repenser nos politiques d’accompagnement et apporter un soutien à l’engagement bénévole plus conforme à la réalité quotidienne d’un secteur dont la plus-value pour notre société n’est plus à démontrer.

À cette fin, il me paraît indispensable de reconnaître l’engagement associatif. Depuis plusieurs années, l’idée de cette reconnaissance par le biais de l’attribution de trimestres de retraite supplémentaires est envisagée.

Encore récemment, la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, sous la houlette du Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a, dans son rapport, en effet, recommandé de valoriser l’engagement associatif en accordant aux dirigeants d’association des droits à pension supplémentaires.

C’est une mesure de bon sens qui s’impose. Lorsque des bénévoles consacrent une part importante de leur temps à faire vivre une association d’utilité publique et à porter cette valeur majeure du vivre ensemble, alors que les conditions de réalisation de leurs missions sont de plus en plus difficiles voire décourageantes, il est effectivement souhaitable que leur engagement altruiste soit reconnu par la société, comme cela peut être le cas pour le service civique des jeunes.

J’insiste, il ne s’agit pas là d’une gratification, d’une rémunération ou d’une récompense, mais bien d’une reconnaissance qui peut inciter à l’exercice des responsabilités.

La reconnaissance ne se traduit pas par l’octroi d’un avantage, elle constitue un encouragement et une preuve de la solidarité nationale à laquelle tout un chacun a droit afin de ne pas se sentir seul, de ne pas douter et de ne pas se décourager pour finalement abandonner.

Conserver l’apport essentiel des associations, conforter leur rôle incontournable dans notre société doit susciter un consensus politique. Ce dernier existe déjà, tant du côté du Président de l’Assemblée nationale – j’ai cité le rapport de la mission qu’il a présidée – que chez certains de mes collègues parlementaires qui œuvrent dans cette direction depuis plusieurs années, je pense à M. Decool notamment.

Cette proposition de loi permet donc de maintenir le caractère gratuit de l’engagement associatif tout en accordant aux dirigeants d’association une forme de reconnaissance légitime et concrète.

Elle propose d’attribuer des trimestres de cotisations d’assurance vieillesse aux dirigeants d’association qui se sont mobilisés pendant plusieurs années pour le dynamisme de leur association.

Je vais vous exposer maintenant de manière plus précise le mécanisme proposé.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit valider pour les dirigeants de toute association un trimestre supplémentaire de cotisation d’assurance vieillesse par tranche de cinq années effectives de responsabilités assumées au sein du bureau de l’association.

J’ai déposé un amendement qui, pour plus de clarté, prévoit de créer un nouvel article L. 351-3-1 dans le code de la sécurité sociale, au sein de la partie qui traite des périodes dites assimilées pour l’assurance vieillesse, c’est-à-dire les périodes pendant lesquelles l’assuré social n’a pas eu d’activité salariée mais pour lesquelles des droits à pension sont néanmoins offerts – en cas de chômage, congé maternité, etc.

Cet article pose le principe de l’attribution d’un trimestre d’assurance vieillesse par tranche de cinq années d’exercice des fonctions de président ou de trésorier dans une association.

Il permet ainsi de reconnaître l’implication personnelle des dirigeants associatifs dans le bon fonctionnement des associations. Sans remettre en cause le caractère bénévole de l’exercice de ces responsabilités, cette validation de trimestres représente un signe permettant de valoriser et d’encourager ce type d’engagement.

D’après les informations communiquées par le ministère des affaires sociales, le coût annuel de la disposition envisagée varierait de 1,5 milliard d’euros par an avec l’hypothèse d’un trimestre d’assurance vieillesse valant 3 000 euros – ce qui représente la valeur moyenne de rachat d’un trimestre en 2015 – à 410 millions d’euros si les trimestres d’assurance étaient valorisés forfaitairement à 815 euros – comme c’est le cas pour le dispositif du service civique pour lequel l’État prend en charge forfaitairement les cotisations non versées à la sécurité sociale.

J’attire votre attention sur le fait que, certes, ce coût peut paraître important dans le contexte budgétaire actuel. Mais ce qui semble être une dépense en 2015 est en réalité un véritable investissement pour l’avenir.

Car je vous pose la question, chers collègues : qui pourra remplacer les associations qui disparaîtront faute de dirigeants ? Il est de notre responsabilité de légiférer pour l’avenir, d’avoir une vision politique à long terme.

Afin de mieux cibler les associations pour lesquelles la fonction de dirigeant représente un engagement significatif, je propose de limiter le bénéfice de la mesure aux associations dont le budget annuel est supérieur à 5 000 euros.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi soutenue par le groupe UDI. Cette mesure ne changera pas par elle-même la situation des dirigeants d’association mais reconnaitra leur dévouement. Bien d’autres incitations restent à mettre en place. Je m’interroge notamment sur le sort des propositions énoncées dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire présidée par mon collègue Alain Bocquet, à laquelle j’ai participé, sur les difficultés du monde associatif en période de crise.

Les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour simplifier la gestion des associations et appuyer les équipes de dirigeants bénévoles confrontés à un environnement juridique et financier de plus en plus complexe.

M. Michel Issindou. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, j’indique que nous souscrivons à votre plaidoyer en faveur des associations. Chacun sait qu’elles sont le ciment de la vie locale. Nous louons à chaque occasion, avec la même sincérité que vous, leur utilité pour notre pays.

Nous ne pouvons que nous féliciter du dynamisme du milieu associatif. La France compte 1,3 million d’associations. Celles-ci contribuent aussi au développement de l’économie sociale et solidaire qui représente 1,8 million d’emplois. 70 000 associations sont créées chaque année, ce seul chiffre témoigne d’une vitalité qui semble contredire vos propos sur la désaffection pour l’engagement citoyen.

Si les élus redoutent toujours de voir les dirigeants d’associations connaître des difficultés et parfois renoncer – vous avez cité le chiffre de 60 % des dirigeants des associations qui s’interrogent sur leur engagement –, ils sont rarement confrontés à ce problème sur le terrain puisque chaque association réussit finalement à se renouveler.

Votre proposition de loi pèche par manque de précision ; elle est trop vague pour recueillir notre assentiment.

Certes, certains de vos amendements cherchent à corriger ce défaut. Alors que l’article 1er du texte initial vise « toute personne membre du bureau », l’amendement AS5 restreint le champ des bénéficiaires mais demeure insuffisamment précis.

De même, aux termes de l’article 2, le dispositif s’applique à toutes les associations. Si l’amendement le circonscrit aux associations dont le budget annuel est supérieur à 5 000 euros, ce seuil est encore très bas, convenez-en.

En outre, il me paraît difficile de mettre toutes les associations sur le même plan : certaines sont très actives, quand d’autres se contentent du minimum syndical, sans que personne ne vérifie la réalité de leur activité. Si le préfet est en mesure de connaître facilement leur création, il peut difficilement vérifier leur fonctionnement réel.

Enfin, il ne faut pas négliger de possibles effets pervers : la multiplication des candidatures aux fonctions ouvrant droit à la mesure mais aussi la création d’associations – vous savez combien elle est facile – aux seules fins de bénéficier de l’avantage.

Je suis très attaché au bénévolat et à son esprit. La reconnaissance que vous proposez risque de le dénaturer et de susciter un intérêt non dénué d’arrière-pensées.

Qui sont aujourd’hui les présidents des associations ? Ce sont soit des personnes qui travaillent, qui cotisent donc déjà, soit des retraités qui ne sont donc pas concernés par le dispositif – il n’est pas envisageable de recalculer des pensions de retraite déjà liquidées.

L’excellent rapport que vous avez cité de M. Bartolone réserve la mesure aux seules associations d’utilité civique, écartant toutes les autres.

Je ne doute pas de la sincérité de votre proposition, au demeurant pleine de bonnes intentions. Mais, puisque vous avez appartenu à la précédente majorité, peut-être auriez-vous pu la lui soumettre alors…

Je termine en relevant que votre proposition n’est pas chiffrée avec précision, ce qui n’est pas raisonnable dans le contexte actuel.

M. Arnaud Robinet. Au nom du groupe Les Républicains, j’indiquerai que cette proposition de loi poursuit un objectif louable : encourager l’engagement associatif et récompenser les bénévoles qui consacrent du temps aux activités associatives, souvent aux dépens de leur vie personnelle et professionnelle.

J’entends l’argument de M. Issindou sur le poids des retraités parmi les dirigeants d’associations. Mais la proposition de loi a aussi pour but d’inciter les jeunes à s’engager dans la vie associative.

Nous constatons parfois un désengagement de nos concitoyens dans la vie associative. Il est regrettable que la société soit aujourd’hui plus tournée vers la consommation que vers l’engagement.

Malgré tout, la France compte 16 millions de bénévoles auxquels s’ajoutent 1,8 million de salariés d’une association, soit 8 % du nombre total de salariés.

Depuis la loi de 1901, l’engagement au service des autres constitue l’un des piliers de notre modèle social et républicain. Nous avons à le défendre plus que jamais aujourd’hui.

Dans tous les territoires, le tissu associatif joue un rôle essentiel d’animation qui participe grandement au dynamisme de notre pays, ainsi qu’au mieux vivre ensemble de tous les Français et ce, dans de nombreux domaines – éducatif, sportif, culturel, caritatif.

Cela explique le caractère consensuel de cette proposition de loi. Déjà, Pierre Morel-A-L’Huissier et Paul Salen avaient déposé une proposition de loi visant à promouvoir le bénévolat associatif et octroyant un trimestre d’allocation retraite supplémentaire par tranche de cinq années d’engagement associatif. Claude Bartolone lui-même, dans le rapport qui a été cité, propose la validation de trimestres de retraite au titre des responsabilités exercées dans une association d’utilité civique.

Le groupe Les Républicains votera bien sûr cette proposition de loi, convaincu de la nécessité d’accorder une gratification aux responsables associatifs. Toutefois, il faut rappeler le coût de ce geste pour les finances publiques du pays, qui est évalué à près de 4 milliards d’euros. M. le rapporteur nous confirmera sans doute ce chiffre, rappelé par le ministre Patrick Kanner en commission élargie le 27 octobre dernier.

Alors que les associations sont un pilier de notre démocratie et de notre République, nous devons encourager l’engagement citoyen au service des autres. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains votera la proposition de loi.

M. Francis Vercamer. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je tiens à souligner que le monde associatif est un monde de générosité dans lequel un certain nombre d’hommes et de femmes donnent de leur temps et de leur énergie sans compter. Auteur d’un rapport parlementaire sur l’économie sociale et solidaire, je peux témoigner combien ce monde est présent et efficace au sein de la société française.

Les responsables associatifs se comptent par millions : on estime que 12 millions de bénévoles s’engagent chaque année dans 800 000 associations à but non lucratif. Certes, monsieur Issindou, toutes les associations n’ont pas la même vocation ni le même but, mais elles sont toutes constituées de bénévoles qui s’engagent pour leurs convictions, leurs idéaux, et participent au lien social dans nos quartiers et nos villes.

Les associations ont parfois la charge d’actions difficiles qui demandent beaucoup de temps et d’abnégation. Bien évidemment, le groupe Union des démocrates et indépendants souhaite soutenir ces bénévoles et leur apporter une reconnaissance particulière.

Si cette proposition de loi apporte cette reconnaissance, elle incitera peut-être également un certain nombre d’associations à respecter la réglementation et à effectuer des déclarations, ce qu’elles ne faisaient pas jusqu’alors, parce que les bénévoles n’étaient pas très au fait de la réglementation, qui change souvent. Le fait de comptabiliser les années de présence comme responsable associatif va forcément les inciter à déclarer à la préfecture un changement de président ou de trésorier, alors que tel n’est pas toujours le cas aujourd’hui.

J’entends dire que cette proposition risque de créer un effet d’aubaine : par cette imprécation habituelle, on a souvent tendance à supprimer des dispositifs qui apportent une reconnaissance et un soutien à ceux qui en font beaucoup et s’investissent dans la vie sociale. J’écarte donc d’emblée cette idée d’effet d’aubaine, parce que la plupart des bénévoles associatifs agissent par conviction et par idéal.

Bien évidemment, le groupe Union des démocrates et indépendants soutiendra cette proposition de loi, parce que le bénévolat est un engagement volontaire, gratuit, au service des autres. Elle ne remet pas en cause la générosité des bénévoles : elle offre seulement un juste équilibre entre l’investissement de ces hommes et de ces femmes et la reconnaissance de leur action.

M. Michel Liebgott. En tant qu’élu local, je peux témoigner que nous n’entendons pas de revendications sur le point soulevé par cette proposition de loi.

De plus, je ne partage pas le constat du rapporteur : la plupart des associations sont dynamiques. S’il est souvent dit qu’après le départ d’un des responsables, on ne trouvera personne pour le remplacer, en réalité, le relais est rapidement pris.

Évidemment, cette proposition de loi est généreuse, mais elle est aussi coûteuse. Va-t-elle véritablement changer le mode de fonctionnement des associations sur le terrain ? Les préoccupations portent plutôt sur la sécurité juridique. Ainsi, le risque pénal est bien réel. Dans ma propre commune, il y a quelques jours, une personne a été mise en examen pour des affaires de droit du travail, somme toute assez secondaires, qui remontent à 2010. Il s’agit d’une brave dame de 80 ans qui n’imaginait pas un seul instant être mise en cause. Cette inquiétude revient souvent.

La deuxième demande souvent formulée porte sur des aides concrètes, telle la mise à disposition de salariés. On peut le faire pour un club de foot, ou pour une association de personnes âgées lorsqu’il est nécessaire par exemple de déplacer des tables. Nous devrions plutôt mobiliser les crédits encore disponibles pour contribuer au fonctionnement des associations et sécuriser les présidents et les comités, plutôt que pour apporter des avantages aux bénévoles eux-mêmes.

M. Rémi Delatte. Valoriser et encourager le bénévolat, c’est faire œuvre utile et c’est pleinement nécessaire, même si je partage l’avis qu’il ne faut pas toucher à son principe même. Cette proposition de loi va dans le bon sens, et nous sommes enclins à la soutenir et à la voter.

J’aurai toutefois deux observations à formuler au rapporteur.

Tout d’abord, comment définir une responsabilité assumée ? Les associations sont extrêmement diverses, et l’implication de leurs dirigeants peut également varier dans une large mesure.

De plus, certaines associations dont le budget annuel est inférieur au plancher de 5 000 euros font un travail remarquable, à l’instar de celles qui interviennent dans le domaine du soutien scolaire, dont l’activité impose une présence importante, voire quotidienne, des bénévoles.

M. Christophe Sirugue. Il est important de rappeler, comme chacun le fait, ce que représente le monde associatif pour nos territoires, mais aussi pour le développement et la mise en œuvre de politiques d’intérêt général. Pour autant, si l’on parle de « monde » associatif, c’est que le champ est immense. Considérer de la même manière des associations dans lesquelles le domaine d’intervention, l’étendue des actions, l’investissement et l’intensité de l’engagement associatif sont très divers constitue certes une approche intéressante, mais qui ne correspond pas à la réalité. Cette proposition de loi est risquée car elle ne règle pas toutes les questions posées et crée un aléa financier important.

Enfin, reconnaître l’engagement du bureau de l’association, c’est nier celui de nombre d’adhérents qui en constituent les chevilles ouvrières et ont autant de mérite que les membres du bureau.

La proposition de loi comporte donc trop de risques pour être validée aujourd’hui, même si chacun a envie d’aider le monde associatif.

M. Gilles Lurton. Je remercie à mon tour notre collègue Favennec de sa proposition de loi, dont l’objet est d’accorder des trimestres complémentaires aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite. Je dis souvent aux représentants des associations et aux élus que je rencontre dans ma circonscription que je ne sais pas comment feraient les collectivités si elles ne bénéficiaient pas de tout le travail bénévole des associations dans leurs communes. D’autant que cet engagement se fait parfois au détriment de la vie de famille ou de la vie professionnelle.

Je suis convaincu que M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, qui vient de nous envoyer une très belle plaquette sur le fonctionnement des associations, approuvera cette proposition de loi, puisqu’il nous dit que nous pouvons compter sur sa détermination pour soutenir la vie associative, garante de ce que notre nation a de plus cher : la fraternité. Cette proposition de loi répond pleinement à ses ambitions.

Mme Françoise Dumas. J’ai eu l’honneur de rapporter les travaux de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, qui donnait le point de vue des associations elles-mêmes sur les difficultés qu’elles rencontraient. Même si notre collègue Yannick Favennec a largement participé à nos travaux, je souhaite nuancer sa proposition.

Son idée est louable et généreuse, mais elle ne me paraît pas être prioritaire.

Tout d’abord, on ne peut pas considérer qu’il existe réellement une crise du bénévolat. Nos travaux ont établi que le taux de bénévolat est ainsi passé de 28 % en 2002 à 32 % en 2010. Mais nous constatons une augmentation considérable du nombre d’associations sans salariés, et surtout un accroissement des besoins, du fait de la crise et de l’évolution démographique, qui donne l’impression aux bénévoles d’être submergés.

Plutôt que de crise du bénévolat, il faut parler d’un changement de ses formes. Il est souvent beaucoup plus ponctuel – sur une cause ou temps donné – et les bénévoles sont fréquemment présents dans plusieurs associations.

Les difficultés les plus importantes, dont la prise en compte doit être prioritaire, portent sur la gestion des associations et les besoins en formation du personnel associatif. Il paraît plus que jamais utile aujourd’hui de favoriser l’engagement citoyen tout au long de la vie, ce qui signifie de mener des actions très précoces sur l’apprentissage à la citoyenneté auprès des enfants. Il faut aussi travailler sur le bénévolat des demandeurs d’emploi, car les réponses de l’État ne sont pas toujours très adaptées. On peut considérer ce bénévolat comme du temps de formation ou de réinsertion. Il faut aussi faciliter les congés d’engagement pour les salariés.

L’enjeu est plutôt celui du vieillissement des instances. Mieux vaut faciliter la vie des associations, que de donner des trimestres supplémentaires. De plus, cette mesure dénaturerait totalement l’esprit associatif, qui repose sur le don de soi, de ses capacités. Cette proposition de loi le marchandiserait et créerait encore plus de lourdeur pour les associations, qui n’ont pas besoin de cela.

Mme Sylviane Bulteau. Bien sûr, nous éprouvons tous de l’admiration pour ces bénévoles associatifs qui donnent beaucoup de leur temps, mais chacun s’y retrouve. On fait souvent mention du don et du contre-don : quand on donne, on reçoit aussi. Cet engagement associatif bénévole, nous y tenons donc tout particulièrement.

Je suis également surprise par cette proposition. Dans mon département de Vendée et ma ville de La Roche-Sur-Yon, le maire et le président du conseil départemental, tous deux du parti Les Républicains, viennent en effet d’annoncer des baisses très importantes des subventions aux associations. À La Roche-Sur-Yon, les subventions seront réduites de 300 000 euros, au niveau du conseil départemental la baisse sera de 10 %. Les associations du secteur social ont été épargnées, et je m’en félicite. Mais à l’Assemblée nationale, on nous propose aujourd’hui de dépenser quelques centaines de millions d’euros supplémentaires pour les responsables associatifs.

Pour renforcer le dispositif associatif et le bénévolat, il faut donner le moyen aux associations de mener à bien leurs projets et d’atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés. Je voulais soulever cette incohérence de la droite française.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Madame Bulteau, si les dotations de l’État aux collectivités territoriales ne baissaient pas, il n’y aurait peut-être pas de réductions des subventions versées aux associations dans chacune de nos collectivités.

Je me réjouis de constater que nous sommes tous d’accord sur le fait que l’engagement bénévole et la vie associative sont des piliers de notre société, bien que nous n’ayons peut-être pas la même façon de reconnaître cet engagement.

Monsieur Issindou, nous ne devons pas rencontrer les mêmes responsables associatifs. Nombre de ceux que je vois sont découragés, démotivés, et éprouvent des difficultés à trouver des relais, des femmes et des hommes pour prendre leur succession. C’est la raison pour laquelle on constate un vieillissement de l’encadrement associatif. Ma proposition de loi tend précisément à encourager ce renouvellement et à susciter l’envie de prendre des responsabilités à l’avenir.

Lorsque vous parlez d’effet pervers, c’est presque faire injure aux bénévoles que de penser qu’ils pourraient calculer qu’en créant des associations et en prenant des responsabilités, ils y trouveraient leur compte. Il faut mal connaître nos bénévoles, ces femmes et ces hommes qui sont les acteurs du quotidien de nos territoires, pour imaginer de tels effets.

Je remercie nos collègues Arnaud Robinet, Francis Vercamer, Rémi Delatte et Gilles Lurton pour leur soutien. En ce qui concerne le coût de cette mesure, le chiffre de 4 milliards d’euros a été jeté en pâture par le ministre de la jeunesse et des sports lors d’une commission élargie portant sur le budget de la vie associative. Je vous ai donné le coût estimé par le ministère des affaires sociales : je le repète, il est compris entre 1,5 milliard par an dans l’hypothèse d’un trimestre d’assurance-vieillesse valant 3 000 euros, ce qui représente la valeur moyenne du rachat d’un trimestre en 2015 ; et 410 millions d’euros si les trimestres d’assurance sont valorisés forfaitairement à 815 euros comme c’est le cas pour le dispositif du service civique pour lequel l’État prend en charge les cotisations non versées à la sécurité sociale. Vous le voyez, nous sommes loin des 4 milliards évoqués !

Monsieur Rémi Delatte, les responsabilités visées sont celles de président et de trésorier, car ce sont ceux qui ont le plus de charges au quotidien et qui assument le plus de risques. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité limiter à ces deux personnes la possibilité de bénéficier de ces trimestres supplémentaires.

La valeur de 5 000 euros a été retenue parce qu’il faut bien fixer un seuil. Certes, je suis conscient que beaucoup de petites associations, dont les budgets sont moins importants, ont tout autant de mérite. Mais il faut fixer une limite.

Monsieur Liebgott, vous avez raison de souligner que la sécurisation juridique est très importante. C’est aussi l’un des effets négatifs de la prise de responsabilité : nombre de responsables associatifs nous disent se sentir en insécurité juridique. Il y a certainement beaucoup de travail à faire pour les rassurer de ce point de vue, et pour que la prise de responsabilité ne constitue plus un risque aussi important pour eux au quotidien.

Madame Dumas, il n’y a pas de crise du bénévolat, mais une crise de la prise de responsabilités dans la vie associative. Nous avons en effet participé aux travaux de la même commission d’enquête parlementaire, et je m’interroge sur le devenir de ses propositions. Des orientations intéressantes y figuraient, notamment sur la complexité des procédures, la formation, les congés d’engagement. Mais alors que le rapport a été rendu l’an dernier, je n’ai eu connaissance, à ce jour, d’aucune disposition concrète.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission.)

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Attribution de trimestres d’assurance vieillesse aux dirigeants d’association

La Commission examine l’amendement AS5 du rapporteur.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Cet amendement, qui reprend le contenu de l’ensemble des articles dans un article unique codifié, précise notamment la façon dont les choses se feront sur le plan financier.

Il indique aussi que la période de cinq années effectives de responsabilité au sein d’une association s’entend comme le cumul des années effectuées, quand bien même ces dernières ne seraient pas consécutives. Ce cumul s’entend également si les responsabilités ont été effectuées successivement au sein de plusieurs associations. Les responsabilités assumées simultanément au sein de plusieurs associations ne sont pas cumulables dans le calcul du nombre d’années prises en compte.

M. Michel Issindou. Nous voterons contre cet amendement et cet article, monsieur Favennec, parce que vous risquez de créer de l’injustice. Qui va vérifier l’effectivité du travail des bénévoles associatifs que vous voulez récompenser sous cette forme ? Personne n’est en mesure de vérifier que le trésorier ou le président font bien leur travail. Je connais ainsi des associations – et vraisemblablement vous aussi – qui ont pour président un prête-nom qui ne fait absolument rien.

Vous raisonnez dans un monde idéal où chacun fait bien son travail. La réalité est tout autre sur le terrain, et nous le savons tous. Comment traiter de façon identique le président des « Restos du cœur » et celui de l’association des boulistes de mon village, qui gère plus de 5 000 euros mais dont le travail de président est tout à fait modeste – il le reconnaît d’ailleurs lui-même ? Donner systématiquement un trimestre à l’un et à l’autre constituerait une véritable injustice. En outre, les bénévoles sur le terrain, qui font vraiment le travail, percevraient certainement assez mal que le président et le trésorier soient récompensés et pas eux.

Gardons l’esprit de bénévolat. Françoise Dumas l’a dit clairement : l’esprit du bénévolat est de donner de son temps – et les gens peuvent y trouver leur compte en étant président. Il y a mille autres manières de récompenser le bénévolat, et il faudra le faire, mais pas de cette façon. Je propose donc le rejet de cet amendement de rédaction globale.

M. Francis Vercamer. Monsieur Issindou, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Puisque vous dites aimer les associations et les bénévoles, votez donc cet amendement, qui réduit certes la portée de la proposition de loi mais en préserve l’esprit.

Le groupe Union des démocrates et indépendants votera cet amendement car il nous paraît important de faire confiance aux associations. Votre discours exprime au contraire une certaine défiance à leur égard ; vous mettez en doute le fait que certains responsables fassent réellement le travail. Nous considérons quant à nous que c’est marginal, si cela se produit – au même titre que la fraude sociale en général. La plupart des associations font un travail de fond, et il importe de leur témoigner notre reconnaissance. Cet amendement va dans ce sens en réécrivant substantiellement la proposition de loi.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Monsieur Issindou, décidément, nous ne rencontrons pas les mêmes responsables associatifs. Tous ceux que je vois fournissent un travail extraordinaire au quotidien, sur le terrain, et permettent de créer du lien social et d’animer nos territoires. Comme moi, vous devez être invité aux assemblées générales des associations. Celles-ci sont la preuve que les associations fonctionnent, que le président et le trésorier font leur travail. Mettons en place le passeport du bénévole, qui assurera en quelque sorte la traçabilité de l’action du président ou du trésorier.

Vous dites qu’il faudra bien trouver des solutions pour reconnaître l’engagement bénévole. Fort bien, mais lesquelles ? Que proposez-vous ? Les conclusions de la commission d’enquête présidée par notre collègue Alain Bocquet n’ont toujours pas fait l’objet de traduction concrète pour encourager le travail des responsables associatifs.

Mme Françoise Dumas. Il ne vous aura pas échappé que dans le cadre de la loi dite NOTRe, nous avons défendu la compétence partagée pour le soutien à la vie associative. C’était la première mesure à prendre pour que la vie associative soit une des priorités de chacune des collectivités, dans l’ensemble des domaines de compétence qu’elle peut partager.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Madame Dumas, c’est ce qui se passe au quotidien, je ne vois pas ce que cela apporte de plus. Les communes rurales donnent toute la place possible aux associations et aux bénévoles, elles les encouragent et les soutiennent. Ce n’est pas parce que cela a été spécifié dans la loi NOTRe que cela changera grand-chose dans le quotidien des associations.

Mme Françoise Dumas. Justement, toutes les collectivités pourront continuer à les soutenir au quotidien.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

M. Yannick Favennec, rapporteur. En conséquence, je retire tous les amendements suivants.

Les amendements AS4, AS3, AS2 et AS1, tous du rapporteur, sont retirés.

Article 2 : Associations éligibles

La Commission rejette l’article 2.

Article 3 : Définition des fonctions dirigeantes bénéficiaires du dispositif

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 : Modalités de décompte de la durée de fonction dirigeante prise en compte

La Commission rejette l’article 4.

Article 5 : Formalités déclaratives

La Commission rejette l’article 5.

Article 6 : Gage financier

La Commission rejette l’article 6.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Aucun article de la proposition de loi n’ayant été adopté, il n’y a pas lieu de mettre celle-ci aux voix.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte de loi initial de cette proposition de loi.

La Commission en vient à l’examen, sur le rapport de M. Thierry Benoit, de la proposition de loi proposant une nouvelle orientation de notre système de retraites (n° 3144).

Mme la présidente Catherine Lemorton. La commission est maintenant saisie de la proposition de loi, déposée par M. Thierry Benoit, visant à proposer une nouvelle orientation de notre système de retraites, qui sera également inscrite dans le cadre de la niche du groupe Union des démocrates et indépendants, jeudi 26 novembre.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je suis heureux de rejoindre la commission des affaires sociales, que je remercie de son accueil, pour aborder cet important sujet des retraites. Nous avons plus que jamais conscience de notre chance de vivre dans un État de droit fondé sur un socle de valeurs – liberté, égalité et fraternité – dont les trois textes examinés ce matin sont le reflet. Présentée par Laurent Grandguillaume, la première proposition de loi est un texte généreux qui tend à venir en aide à nos concitoyens en recherche d’emploi. Celle de Yannick Favennec s’intéresse aux bénévoles des associations et propose de leur reconnaître des trimestres supplémentaires de cotisations d’assurance vieillesse. Quant à celle que je présente, qui aborde un sujet majeur, elle s’inscrit dans la droite ligne de travaux engagés par mon groupe au temps où il s’appelait encore Union pour la démocratie française (UDF).

Comme l’indique le titre du texte, nous voulons de nouvelles orientations pour notre système de retraite. Héritage précieux et incontesté du Conseil national de la Résistance (CNR), ce dernier mérite d’être réformé et modernisé car la donne a changé depuis 1945. Sur le plan démographique, le nombre d’actifs par retraité est passé de 3 à 1,3 entre 1975 et 2015. Sur le plan financier, notre pays affiche une dette de 2 200 milliards d’euros. La ministre des affaires sociales nous explique que le régime général tend à s’équilibrer, mais il ne faut pas oublier le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont le déficit dépasse 3 milliards d’euros. Il reste donc du travail à faire.

Je reconnais que les gouvernements successifs, et notamment celui de M. François Fillon avec la réforme portée par M. Xavier Bertand, ont apporté des réponses. Pour être juste, je dois aussi citer la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, portée par Mme Marisol Touraine. La convergence des régimes de retraite s’est améliorée sous l’effet de ces lois, mais elle demeure insuffisante. Nos concitoyens sont désormais prêts pour un régime de retraite plus simple, plus compréhensible, plus juste et plus équitable.

Il ne s’agit pas de discriminer telle ou telle profession, mais nous constatons que de nombreux signes d’inégalité persistent, notamment quant au montant moyen des pensions de retraite : environ 23 000 euros par an pour les personnels de la fonction publique d’État en 2013 contre 15 000 euros pour les salariés du secteur privés, cadres et non-cadres confondus, la même année. La pension moyenne annuelle des fonctionnaires d’État devrait atteindre 27 000 euros en 2050, alors que celle des cadres du privé devrait plafonner à 22 500 euros et celle des non-cadres à environ 14 000 euros.

Autre disparité et inégalité dans le calcul des retraites : les pensions de retraite des fonctionnaires sont calculées sur les six derniers mois de traitement et celles des salariés du secteur privé sur les salaires des vingt-cinq meilleures années de la vie professionnelle. Je ne m’attarderai pas sur les jours de carence qui ont fait débat, il y a quelques années : zéro pour le secteur public et trois pour le secteur privé. Nous devons corriger ces inégalités car nous militons collectivement pour plus de justice, particulièrement quand les temps sont difficiles sur le plan financier. Je suis convaincu que chacun est prêt à faire des efforts pour aller vers plus de justice et d’équité. Il en va de la solidarité intergénérationnelle, notamment en ce qui concerne les petites retraites qui représentent un véritable enjeu.

Les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale, publiées en septembre dernier, font état d’un possible retour à l’équilibre de la branche vieillesse du régime général en 2016, à condition de retenir des hypothèses de croissance optimistes. Le retour à l’équilibre dont se réjouit le Gouvernement ne concerne que le régime de base puisque le FSV est toujours déficitaire, je le répète. S’agissant des plus démunis, rappelons que le revenu moyen à soixante ans tourne autour de 915 euros, que la pension de base des femmes atteint 932 euros et que le seuil de pauvreté est fixé à 993 euros. Préserver la pérennité de notre système de retraite reste un objectif actuel et pertinent mais il ne pourra être atteint si son pilotage n’est pas renforcé.

Le texte qui vous est soumis propose d’instaurer une règle de confiance en créant un montant minimum de pension de retraite, afin de protéger le pouvoir d’achat des retraités actuels et futurs. Nous proposons aussi de retenir un objectif de limitation de taux de cotisation afin de préserver la compétitivité des entreprises.

Plusieurs institutions internationales nous ont appelés à faire évoluer notre système de retraite. Dans sa recommandation du 13 mai dernier concernant le programme national de réforme de la France pour 2015, le Conseil de l’Union européenne a souligné que : « le déficit imputable aux régimes des agents de l’État et des salariés des entreprises publiques continue de peser sur le déficit global du système de retraite ». Dès 2013, le Conseil de l’Union européenne avait recommandé à notre pays de « réexaminer les nombreuses dérogations au régime général de certaines catégories de travailleurs ». Notre proposition de loi vise bien à mettre fin aux régimes dérogatoires dits « spéciaux ». Comme cette séance est publique, j’en profite pour indiquer à nos concitoyens que j’intègre dans ma réflexion le régime de retraite des parlementaires, qui est bien sûr un régime dérogatoire spécial, même s’il ne peut être réformé par un tel texte de loi. C’est en effet le bureau de l’Assemblée nationale qui, seul, peut faire évoluer le régime de retraite des députés.

Dans l’étude économique qu’elle a consacrée cette année à la France, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a constaté que les dépenses de retraites sont dans notre pays « parmi les plus élevées de la zone de l’OCDE », que des économies peuvent être réalisées « dans le régime des salariés des entreprises publiques, dont les retraites sont plus élevées que celles du secteur privé », et que les régimes spéciaux créent de l’opacité. Ces constats prouvent bien qu’il y a matière à moderniser.

La proposition de loi tend à nous orienter vers un régime unique de retraite par points que pratiquent déjà d’autres pays européens. Notre système actuel associe à la fois des régimes de base, obligatoires et par répartition, des régimes complémentaires obligatoires, des régimes surcomplémentaires facultatifs et enfin des régimes spéciaux. Nous pourrions, à travers un régime de retraite par points, connecter la durée de cotisation de nos concitoyens à celle de l’espérance de vie. L’OCDE a recommandé à la France « de rendre véritablement automatique le lien entre les gains d’espérance de vie et la durée de cotisation donnant droit à la retraite à taux plein, comme c’est déjà le cas en Lettonie, en Pologne, en Suède et en Norvège ».

En effet, à la suite de la grave crise économique qu’elle a connue dans les années 1990 et qui l’a conduite à s’engager dans une réforme complète de son système de retraites, la Suède est passée d’un système analogue au nôtre, structurellement déficitaire et incapable d’assurer l’avenir des retraites, à un système non seulement capable de dégager des excédents, mais aussi et surtout plus juste. Si la Suède a réussi à relever ce défi, il n’y a pas de raison que nous n’y parvenions pas : nous sommes un pays de « râleurs » mais qui peuvent aussi être précurseurs dans nombre de domaines.

Ce système repose sur un dispositif appelé le « compte notionnel » qui correspond à un compte individuel théorique où les cotisations alimentent un capital qui, à la date de liquidation de la pension, est divisé par l’espérance de vie à la retraite de la génération à laquelle appartient l’assuré. Chaque assuré sait ainsi, dès le départ, que sa pension sera proportionnelle au travail qu’il aura fourni toute sa vie. Ce mécanisme permet une parfaite adéquation entre la croissance du pays et le montant des pensions : si la croissance baisse, le niveau des pensions diminue et inversement.

C’est la raison pour laquelle, afin de faciliter le pilotage de notre système de retraites et de compléter les mesures d’équité et de simplification que constitue l’extinction progressive des régimes spéciaux, la proposition de loi suggère de créer, à l’horizon de 2020, un régime universel de retraite par points, inspiré du modèle suédois. Pour résumer, la proposition de loi vise trois objectifs : instaurer un régime unique universel de retraite par points ; faire converger les régimes de retraite des secteurs public et privé ; parvenir à l’extinction des régimes spéciaux.

Ce texte est porté par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et notamment par Francis Vercamer qui a déposé avec constance des amendements sur le sujet lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) successifs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vais maintenant donner la parole aux représentants des groupes : M. Michel Issindou pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen, M. Arnaud Robinet pour le groupe Les Républicains, et M. Francis Vercamer pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Issindou. Sans vouloir être désagréable, une réforme aussi majeure du système de retraite que celle que vous prônez ne peut prendre la forme d’une proposition de loi de quelques articles, rédigée sans consulter personne. Les propositions de loi traitent de sujets importants – ils le sont tous à l’Assemblée nationale – mais tout de même pas habituellement d’une telle ampleur. Il serait insultant de légiférer ainsi, compte tenu du travail qu’il y a lieu de faire – et que nous avons fait – quand il s’agit de réformer les retraites.

Comme vous êtes député depuis un bon moment, monsieur Benoit, j’ai une question à vous poser très amicalement : cet enthousiasme, que ne l’avez-vous manifesté plus tôt, notamment lors de la réforme de 2010 ? En outre, votre proposition de loi tombe au mauvais moment : grâce à la réforme de 2014, le système va être à l’équilibre ; et les régimes complémentaires sont en train de trouver des solutions à leurs difficultés.

Sur le fond, et même si les Français ne veulent pas l’entendre, certaines comparaisons sont faussées. En fait, le taux de rendement des retraites est sensiblement le même dans le public et dans le privé, même si le calcul s’effectue sur les six derniers mois d’activité dans un cas et sur les vingt-cinq meilleures années dans l’autre. Lisez les très bonnes analyses comparatives du Conseil d’orientation des retraites (COR). Et si les retraites des ex-fonctionnaires peuvent paraître plus élevées que celles des ex-salariés du privé, cela tient essentiellement à une chose : la fonction publique compte plus de fonctionnaires de la catégorie A – à cause de l’armada des enseignants – que le secteur privé ne compte de cadres de niveau équivalent.

Quant à la convergence que vous prônez, elle se met en place peu à peu, au fil des réformes : la mutualité sociale agricole (MSA) et le régime social des indépendants (RSI) sont alignés sur le régime général ; les taux et les durées de cotisations sont uniformisés. Certes, il subsiste des régimes spéciaux, mais le bénéficiaire d’un régime spécial ne pourra percevoir une retraite à taux plein tant qu’il n’aura pas les quarante-trois annuités requises. C’est une manière de reporter l’âge du départ et de répondre à vos inquiétudes. Changer de système maintenant n’apporterait pas un centime de plus au système et, contrairement à ce que vous avez dit, cela n’élèverait pas le niveau global des pensions. Celles-ci seraient seulement réparties d’une manière différente.

Notre réforme de 2014 a été bâtie sur un autre schéma que celui que vous prônez, qui a sa pertinence et qui est appliqué dans certains pays. L’allongement progressif de la durée de cotisation – quarante-trois annuités à l’horizon 2035 – n’est pas brutal mais il porte ses effets et il suffira vraisemblablement à rétablir les équilibres. Rien ne démontre que c’est insuffisant. Vous pouvez arguer que cela ne va pas durer mais l’équilibre est atteint, c’est un fait incontestable.

Il fallait remettre de l’équité et de la justice dans notre système et nous l’avons fait en prenant des mesures qui tiennent compte de la situation des femmes, des personnes handicapées, des agriculteurs, et de la pénibilité de certains métiers. Il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur cette réforme, en tout cas pas par le biais d’une proposition de loi. Si votre objectif est d’en reparler une énième fois, nous en reparlerons bien volontiers le 26 novembre. Mais quoi qu’il en soit, nous proposons de rejeter cette proposition de loi.

M. Arnaud Robinet. Monsieur Benoit, vous avez rendu hommage à notre collègue Vercamer. Permettez-moi d’avoir une pensée pour Jean-Luc Préel qui était membre de votre groupe et qui prônait, lui aussi, un système de retraite par points. C’était son dossier, son chantier.

Votre proposition de loi consiste à réformer notre système de retraite en fixant trois objectifs : réaffirmer le principe de solidarité intergénérationnelle auquel nous sommes tous attachés ; supprimer les régimes spéciaux alors que la réforme entrée en vigueur en 2014 tend à en recréer certains ; préparer la mise en place d’un régime universel par points qui, à défaut d’assurer l’équilibre financier, apporterait une véritable transparence, plus d’équité et d’égalité, et permettrait de redonner confiance à nos concitoyens.

Ces trois chantiers d’importance sont traités sous la forme d’une proposition de loi, vecteur législatif adéquat pour aborder les sujets en commission des Affaires sociales. Pour parler franchement, le principal intérêt de cette proposition de loi est de susciter une prise de conscience : il est nécessaire de continuer à réformer notre système de retraite.

S’agissant des perspectives financières, il est urgent de rappeler à la majorité qui se gargarise de présenter une branche vieillesse à l’équilibre dans le PLFSS pour 2016, que la pérennité du système est loin d’être acquise. Si la branche vieillesse devrait en effet être à l’équilibre en 2016 après onze années de déficit, c’est uniquement grâce à de moindres départs à la retraite du fait du relèvement de l’âge légal de soixante ans à soixante-deux ans. Il faut avoir le courage et l’honnêteté de le dire. En revanche, FSV compris, la branche vieillesse connaîtra un déficit de plus de 3,5 milliards d’euros.

Cette accalmie sera de courte durée. Selon le rapport annuel du COR sur les évolutions et perspectives du régime de retraites, le besoin de financement s’établirait encore à 0,4 % du PIB en 2020, soit à près de 10 milliards d’euros. À plus long terme, le retour à l’équilibre serait possible vers 2030 dans le scénario B du COR qui prévoit un taux de croissance de 1,5 % et un taux de chômage de 4,5 %, autrement dit le plein-emploi. Nous espérons tous que ces perspectives se réaliseront mais il faut bien reconnaître qu’elles sont très optimistes.

L’accord sur les retraites complémentaires montre bien que la famille politique qui arrivera au pouvoir en 2017 devra prendre ses responsabilités. Les partenaires sociaux ont fait des choix difficiles : instauration d’un bonus-malus dès 2019 pour les actifs partant en retraite avant soixante-trois ans ; désindexation de moins un point par rapport à l’inflation pendant trois ans ; report des revalorisations du 1er avril au 1er octobre.

Comme on le voit, les perspectives financières ne sont pas aussi bonnes que celles que vient de nous décrire M. Issindou. Il ne faut pas mettre la poussière sous le tapis. Nous devons dès à présent prendre des mesures qui garantissent un système de retraite efficient et soutiennent notre système de solidarité intergénérationnelle.

Venons-en au chantier de la convergence. En la matière, nous avons fait une part importante du chemin entre 2002 et 2012, au point que la majorité actuelle n’a pas jugé utile d’y revenir à la faveur de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites de 2014 : la réforme de 2003 a rapproché certains paramètres des régimes de la fonction publique de ceux du régime général ; la réforme de 2008 a étendu cet alignement aux régimes spéciaux ; la réforme de 2010 a aligné le taux de cotisation salarial des fonctionnaires sur celui du privé.

Mais des disparités entre public et privé demeurent, notamment pour la définition de la durée d’assurance, des salaires de référence, de l’âge légal d’ouverture des droits. Selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), si l’on calculait les retraites des agents publics sur les vingt-cinq meilleures années, on réaliserait une économie de 2,6 milliards d’euros à horizon 2030 rien que pour la fonction publique d’État. De même, la suppression des catégories actives dans les trois fonctions publiques permettrait une économie de 3,2 milliards d’euros à horizon 2020. Selon les prévisions de certains think tanks et même du COR, dans quelques années, les écarts vont se creuser entre les salariés du privé et les fonctionnaires au moment du départ à la retraite.

À l’issue de nos journées parlementaires de septembre 2013, nous avions fait trois propositions que je tiens à rappeler : faire évoluer l’âge légal de départ à la retraite afin de poursuivre l’effort initié en 2003 et 2010 ; renforcer l’équité entre le secteur public et le secteur privé en harmonisant les règles de constitution et de liquidation des pensions ; réaliser l’acte II de l’épargne retraite.

Pour conclure, je vais donner la position de mon groupe sur la proposition de loi du groupe Union des démocrates et indépendants. Ce texte va clairement dans le bon sens. Dans un contexte de forte dégradation des comptes des régimes de retraites complémentaires, d’incertitudes sur la situation financière de l’ensemble des régimes à horizon 2020 et de gel des prestations, il apparaît important de relancer le chantier de la convergence entre les retraites du public et du privé, dans une recherche tant d’équité que d’apaisement. Alors que les retraites du public sont financées sur le budget de l’État, il convient de mettre à plat l’ensemble de notre système et de renforcer la cohésion nationale. Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera pour la proposition de loi déposée et rapportée par notre collègue Thierry Benoit.

M. Francis Vercamer. Compte tenu de l’excellent travail de Thierry Benoit, qui nous a présenté la proposition de loi de manière à la fois synthétique et précise, mon intervention ne sera pas très longue.

Depuis que les centristes existent, si j’ose dire, ils défendent cette réforme systémique des régimes de retraite. Pour ma part, j’ai déposé des amendements à l’occasion de l’examen des PLFSS et de la loi dite « Macron ». Avant moi, Jean-Luc Préel proposait systématiquement l’instauration d’un régime de retraite par points, système le plus transparent et le plus équitable. Or, pour notre cohésion sociale, il est important que les Français ressentent cette volonté d’équité. Dans notre système par répartition, les générations actives financent les retraités qui ont cotisé pendant toute leur vie professionnelle. Encore faut-il que des règles équitables s’appliquent pour le calcul des cotisations et le montant des pensions, ainsi que pour la fixation de l’âge de départ en retraite.

Cette proposition de loi est la bienvenue alors que vont bientôt entrer en vigueur les dernières dispositions du compte personnel de prévention de la pénibilité, ce qui va affecter le système de retraite. Puisque les régimes spéciaux avaient été créés pour prendre en compte la pénibilité de certains métiers, il nous paraît nécessaire de les réformer. Le rapporteur propose un système par points transparent qui permettrait à chacun de connaître son niveau de retraite et sa situation au fur et à mesure de sa carrière et du paiement de ses cotisations.

Signe politique fort, un tel régime universel permettrait d’affirmer l’égalité de la valeur travail dans les secteurs privés et public. L’unification des différents régimes permettrait aussi d’améliorer l’efficacité, la gestion et les équilibres financiers. Nul doute que ces réformes demanderont du courage et de la volonté mais le groupe Union des démocrates et indépendants n’en manque pas et il votera naturellement pour cette proposition de loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie d’avoir rappelé la forte présence de M. Jean-Luc Préel dans cette commission, au cours de la précédente législature.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Pilotage du système de retraites à moyen terme

La Commission est saisie de l’amendement AS1 de M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Cet article prévoit la création d’un dispositif de pilotage alors qu’il en existe déjà un qui remplit bien son rôle : le comité de suivi des retraites, qui a une mission d’alerte du Gouvernement et qui peut faire des recommandations tout à fait utiles. Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire de créer un autre dispositif que celui que nous avons mis en place et auquel nous croyons. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 1er.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je suis naturellement défavorable à cet amendement. Depuis qu’il a été créé, le comité de suivi des retraites n’a fait aucune préconisation. On peut s’interroger sur la pertinence et l’efficacité de cette structure.

Pour répondre à votre précédente intervention, Monsieur Issindou, je vous rappelle que j’ai déjà présenté ce type de proposition de loi au cours de la dernière législature, au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés. Souvenons-nous des débats sur les retraites en 2008, 2009 et 2010, sous le gouvernement de M. François Fillon. À l’époque, nous avons réussi à modifier les bornes d’âge et à engager la convergence des taux, ce qui représentait déjà un effort considérable, mais nous n’avions pas pu adopter le régime universel de retraite par points.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement AS6 tombe.

Article 2 : Alignement progressif des règles des régimes spéciaux en matière de cotisations et de prestations sur celles du régime général

La Commission examine l’amendement AS2 de M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Nous demandons la suppression de cet article qui propose d’aligner les règles de fonctionnement des régimes spéciaux sur celles régissant le régime général des salariés. Vous avez du mal à l’entendre mais les situations entre les secteurs privé et public ne sont pas aussi dissemblables que l’on pourrait le croire au vu du mode de calcul des pensions de retraite. Vous le savez, une aide-soignante travaillant à l’hôpital n’a pas une retraite plus élevée que celle d’un salarié du privé. Le taux de remplacement se situe en 73 % et 75 % pour l’une comme pour l’autre. Ce que vous préconisez ne permettra pas de rendre le système plus équitable.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je suis naturellement défavorable à cet amendement. Pour reprendre l’un des arguments qu’a excellemment présentés Arnaud Robinet, j’indique que le COR lui-même nous précise que le besoin de financement s’élèvera à 10 milliards d’euros à l’horizon 2019-2020. Je comprends que s’acheminer vers l’extinction des régimes spéciaux, la convergence entre public et privé et la création d’un régime universel de retraite ne fasse pas partie des projets du Président de la République et de la majorité présidentielle. Pourtant, nous devrons y venir. D’ailleurs, monsieur Issindou, je vous soupçonne de penser, au fond de vous-même, que la chose présente un réel intérêt.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements AS7 et AS8 tombent.

Article 3 : Création d’un régime universel de retraite par points à l’horizon de 2020

La Commission examine l’amendement AS3 de M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Cet article propose de créer un régime universel par points à l’horizon de 2020. Il me semble que c’est un peu rapide pour un chantier qui demande de la préparation et la consultation des acteurs de tous ces systèmes de retraite. L’objectif n’est pas réaliste. Pour cette raison et d’autres que j’ai évoquées précédemment, je demande la suppression de cet article.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Avis défavorable. Cet article affirme notre volonté de mettre en place un régime de retraite par points.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Article 4 : Rapport du Conseil d’orientation des retraites sur les modalités de mise en œuvre du régime universel de retraite par points

La Commission examine l’amendement AS4 de M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas le rôle du COR de préparer les réformes et, d’ailleurs, il s’y refuse. C’est une prérogative du Gouvernement. Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Avis défavorable. Dans un rapport adopté le 27 janvier 2010, le COR évoque d’ailleurs les modalités techniques de mise en place d’un régime universel de retraite par points ou en comptes notionnels. Il s’agit avec l’article 4 de cette proposition de loi de demander une actualisation de ces données vieilles de cinq ans, sachant que le COR souligne l’intérêt de la transition immédiate d’un système à l’autre.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et l’amendement AS9 tombe.

Article 5 : Gage

La Commission examine l’amendement AS5 de M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Cet amendement vise à supprimer le gage financier de cette proposition de loi.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Avis défavorable. Il existe des leviers – un point de TVA représente 6 à 7 milliards d’euros, et un point de CSG une dizaine de milliards d’euros – qui permettent de réfléchir au financement d’un tel projet.

La Commission rejette l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La totalité des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, il n’y a pas lieu de mettre celle-ci aux voix.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

La séance est levée à treize heures dix.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné :

– M. Julien Aubert, rapporteur sur la proposition de loi de MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire portant réforme du régime social des indépendants (n° 3083).

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 novembre 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Pierre Aylagas, M. Alexis Bachelay, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, M. Thierry Benoit, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Laurent Grandguillaume, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Philippe Noguès, M. Robert Olive, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Pierre Ribeaud, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumégas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – M. Julien Aubert, Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Christophe Cavard, M. Philip Cordery, M. David Habib, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Arnaud Viala, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Louis Bricout, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Dominique Potier, M. Lionel Tardy